Natural History Muséum Library SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE BIS Soc. géol. , V série, tome IV. PARIS. — IMPRIMERIE DE L. MARTINET, liîPRlUKCr. DE LA SOCIÉTÉ GÉul.Or.IQÜK DE FBAM'E, RI E JACOB. ÔO. î3ulletin DE LA SOCIÉTÉ DE FRANCE. ^ome 1846 A 1847. IPAUilîâa AU LIEU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ, RCF. DU VlEtJX-COLOMCIKR , 26. 1847. 1 1 (Bia©ib(D©îî(^iïri2 3>E FRANCSp Séance du 2 novembre 1846. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY , vice-présUleat . M. Le Blanc, secrétaire, rappelle que le procès-verbal de la dernière séance a été approuvé par le Conseil , le 3 juillet der- nier. Par suite des présentations faites dans les séances de la Réunion extraordinaire à Alais en août et septembre 1846, le Président proclame membres de la Société : DeReydellet, ingénieur cjViidès^mme^, à Izernause (Isère)-, Jeanjean (Adrien), avocat, àt St-Hyppoîite-le-Fort (Gard)j De Rouville (Paul), à Alais (Gard) • Ewald (Jules), naturaliste, à Berlin (Prusse) ^ Présentés dans la séance du 31 août par MM. le baron d’Hombres et Dumas -, Scarabelli (Joseph), à Imola (Etats de l’Eglise), Présenté dans la séance du septembre par MM. Toschi et le marquis de Roys -, Massin (Albin) , professeur au collège de Romans (Drôme) \ Gaffard, pharmacien, à Aurillac (Cantal) *, Le Baron de Serres de Monteil , à St-Paulin-Trois-Châteaux ( Drôme ) ^ Présentés dans la séance du 6 septembre par MM. Au- béry et Doublier. Le Président annonce ensuite six présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; De la part de M. le Ministre de la maison du roi , Galeries 6 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Zl6. /i/sL (la palais de Versailles; t. VIIl, /i02 p. Paris, 18/i6. De la part de rAdministration des Mines, Compte-rendu des travaux des inp^énieurs des mines pendant r année • in-Zi®, 259 p. Paris , mai 18Zi6. De la part de M. le Ministre des travaux publics, Sta- tistique géologique et minéralogique du département de V Aude (avec atlas)-, par M. A. Leymerie^ in-S», 676 p. Paris, 1846. 2^ Mémoire sur les bassins houillers de Saône-et-Loire (avec atlas) ^ par M. Manès ^ in-4®, 177 p. Paris, 1844. De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des juin à septembre 1846. De la part de M. Frèdérik Kiee , Le Déluge ; Considérations géologiques et historiques sur les derniers cataclysmes du globe; in-18, 336 p. Paris, 1847. De la part de M. Virlet d’Aoust, Notice biographique sur M. Km le Paillon de Boblaye ( extr. de la Biographie univer- selle) • in-8o, 12 p, Paris, 1844. De la part de M. Gb. Desmoulins, Documents relatifs à la faculté germinative conservée par quelques graines antiques; in-8o, 31 p. Bordeaux, 1846. De la part de M. Boisse , Note sur les dépôts gypseux des environs de Sainte- A ffrique (Aveyron) (extr. des Annales des mines ^ 4^ série, t. Vltl) -, in-8o, 32 p., 1 pl. Paris, 1845. De la part de M. Levallois , Observations sur la roche ignée (PEssey-la-Cô'e (arrondissement de Lunéville) (extr. des MéuK de la Soc. royale des lettres., sciences et arts de Nancy)-., in-8‘5, 8 p. Nancy, 1846. De la part de M. Lortet , Bapport sur les travaux de la commission hydrométrique eu 1845, présenté a M. le maire de Lyon; in-S», 16p., 4 tabl. Lyon, 1846. De la part de M. Charles Lory , Etudes sur les terrains se- condaires des Alpes dans les environs de Grenoble (thèse pré- sentée à la Faculté des Sciences de Paris pour le doctorat)^ in-8o, 136 p. , 2 pl. Paris, 1846. Delà part de M. le baron d’Hombres-Firmas , Becueil de mémoires et d’observations de phy'^si(pje , de météorologie ^ SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. 7 (V agriculture et (V histoire naturelle; 5 vol. • Nîmes, ISa à 18/1/1. De la part de M. Barthélemy Lapommeraye , Carabe d’Jgas- siz. Carabus Àgassizi; in-8o, h p. Marseille, 18/16. De la part de M. Achille Delesse , Notice sur la composition et l’origine de quelques substances minérales , in-8o, 22 p. Besançon, 18/16. De la part de M. L. Agassiz , Résumé d’un travail d’ensem- ble sur l'organisation , la classification et le développement progressif des Echinodermes dans la série des terrains (extr. des Comptes-rendus des séances de l’ Acad, des sc, , t. XXIII , séance du 10 août 18/16); in-/!®, 21 p. Paris, 18/16. De la part de M. G. Fischer de Waldheim, Recherches sur les ossements fossiles de la Russie. — Lettre à M, Louis Agassiz sur deux poissons fossiles ; in-û° , 15 p., 2 pl. Moscou, 1838. De la part de M. A. Leymerie, 1® Coupe des collines com- prises entre Mancioux et l’Escalère , au S. de Saint -Martory\, comprenant une grande partie du système crétacé des basses montagnes de la Haute - Garonne , exposée devant l’Acad. des sciences de Toulouse,, dans la séance du 30 avril 18/16; in-8o, 16 p. , 1 pl. Toulouse, 18/16. 2° Rapport sur le concours pour le prix d’histoire naturelle à décerner en 18/16 (extr. des Mém. de l’Acad. royale des sciences de Toulouse ) ; in-8o , 18 p. Toulouse, 18/16. 3° Mémoire sur le terrain à Nummulites ( épicrétacé) des Corbières et de la montagne Noire ( extr, des Mém. de la Soc. géologique de France, 2^ sér. , t. P*' 2^ part.); in-A*^, Al p., 6 pl. Paris, 18A6. De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy^ tologiquc; livraisons 22 et 23. De la part de MM. de Hauer et Alcide d’Orbigny, Forami- nifèves fossiles du bassin tertiaire de Vienne (Autriche), dé- couverts par M. Joseph de Hauer et décrits par M. Alcide d’Orbigny; in-A^, 312 p. , 21 pl. Paris , 18A6. De la part de M. L. de Koninck , Notice sur quelques fos- siles du Spitzberg (Extr. du t. XXIII, n^ 6, des Bulletins de l’ Acad, royale de Belgique ); in-80, 8p 8 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. De ia part de M. Léonard Horner, Address^ etc. (Discours prononcé à la réunion anniversaire de la Société géologique de Londres , le 20 février 18Zi6) ^ in-S^, 85 p. Londres, 18/i6. De la part de M. Alexandre Vattemare , Movement , etc. ( Mouvement des échanges internationaux de livres entre la France et l’Amérique du Nord , de janvier 18/15 à mai 1846)^ in-8‘’, 7Zi p. Paris, J 846. De la part de M. V. Streffleur, Die EntsteJmng derKontinente wid Gebirge , etc. (Influence de la rotation sur le niveau des mers et sur la formation des montagnes , avec un aperçu de riiisloire physique du sol de l’Europe) -, in-8o , 368 p. Vienne , 1847. De la part de M. Léopold de Buch, Ubtr Cystideen, etc. (Sur les Gystidées -, considérations basées sur les particularités du Cojjocnmis oriiatus ^ Say) -, in-4<^, 28 p. , 2 pi. Berlin, 1845. De la part de M. le comte de Keyserling, Wissenschafth- cJie baebuchtungen , etc. (Observations scientifiques sur un voyage dans le pays de Petschora , dans rannée 1846) ^ par M. Paul de Krusenstern ^ in-4^ , 336 p. , 13 pl. Saint-Péters- bourg , 1846. 2® Beschreibiing ^ etc. (Description, par M. Alexandre de Keyserling, de quelques cératites rapportées de la Sibérie- Septentrionale par M. le D*’ A. Th. Middendorff) (extr. du BuH. phjsico - nialhém. de VAcad. des sciences de Saint- Pétersbourg ^ t.V, n® 11 • in-8, 18 p., 3 pl. Saint-Pétersbourg, 1845. De la part de M. Bamon Pellico , Memoria , etc. ( Mémoire sur les mines d’argent de Hindelaencina , de la province de Guadalajara ) -, in-8o , 16 p, , 1 carte. Madrid, 1846. De la part de M. Giovanni Michelotti , Inlroduzione ^ etc. (Introduction à l’étude de la géologie positive) -, in-18, 173 p. Turin , 1846. De la part de M. le comte D. Paoli , 1® Del soleoamento, etc. ( Du soulèvement et de l’abaissement de quelques terrains ) ^ in-8‘^ , 143 p. Pesaro , 1838. 2® Ricerche , etc. (Becherches sur le mouvement molécu- laire des solides ) -, in-8o, 452 p. Florence , 1841. 3^' Fatti , elc. ( Faits pour servir à l’histoire des change- SÉANCE DU NOVEMBRE 184(3. 9 ments survenus sur la côte dllalie , de Ravenne à Ancône , communiqués à la 3^ réunion des Savants italiens ) -, in-S^ , 51 p. Florence, 1842. De la part de M. L. Pareto , 1° Osservazioni ^ etc. (Obser- vations géologiques du mont Amiata à Rome) (extr. du Gioninle Arcadico , Tom. C, fasc. de juillet 1844 ) *, in-8o, 53 p. , 2 pl. Rome 1844. 2® Sidla cosütuzione geologica , etc. (Sur la constitution géologique des îles de Pianosa , Giglio , Giannutri , Monte- Cristo et Formiche di Grosseto, lu à la section de géologie de la 5e réunion des Savants italiens en septembre 1843 ) • in-8o, 20 p. , 3 pl. Pise, 1845. 3° Cenni ^eognostici , etc. ( Aperçus géognostiques sur la Corse) ^ in-h^, 38 p. 2 pl De la part de M. L. Pilla, Distinzione , etc. (Distinction du terrain Hétrurien dans les plaines ( piani ) du midi de l’Europe), in-!i^, 107 p. 3 pl. Pise, 1846. De la part de M. Porta, Discorso ^ etc. (Discours prononcé par l’avocat Léonard Porta dans la section de géologie et de minéralogie du 7^ congrès des savants italiens réunis à Naples en septembre 1845) ^ in-8o, 19 p. Naples , 1845. De la part de M.Pau! Savi, Sulla costitazione geologica^ etc. (Sur la constitution géologique des monts Pisans ) ^ in-8« , 71 p. Pise , 1846. De la part de M. Michel Wolkoff, Introdiizione , etc. (In- troduction à une étude géologique de la chaîne de l’Oural ) ^ in-8o , 40 p. Naples , 1845. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; 1846, 1er semestre, 24 — 26-, — 2^ semestre, ne* 1 — 17. Bulletin de la Société de géographie ^ 3^ série, t. V, n^s 29 —32. V Institut, 1846, nos 650—669. Annales de d Auvergne , t. XIV, mai — août 1846. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture^ sciences, arts et belles -lettres du département de l’Eure; 2^ série , t. VI, 1845—1846. Annales des sciences phy siques et naturelles d’ agriculture 10 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. et tV industrie , publiées par la Soc. royale d'agricult. , etc. , de Lyon; i. VIII, iSllb. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n® 9Zi. Bulletin des séances de la Société d^ agriculture , sciences , arts et commerce du Puy ; t. IV, 1*’^ — 2® livraisons, 18Zi6. Mémoù'es de P Académie royale des sciences y inscriptions et belles- lettres de Toulouse ; 3® série, t. II, 18Zi6. Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève; t. XI, 1^® partie, 18^6. Supplément à la Bibliothèque de Genève. — Archives des sciences physiques et naturelles; n® 5 , 15 juin 1846. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel; t. III, 1846. Report, etc. (Relation de la 15® réunion de l’Association britannique pour l’avancement de la science , tenue à Cam- bridge en juin 1845)-, in-8®, 471 p., 6pl. Londres, 1846. The quarterly Journal of the geological Society oj' London ; n® 6 , Ier mai 1846. The Athenœum, 1846, n®» 973—992. The Mining Journal , n®^ 565 — 584. The American Journal, by Silliman ; 1846, n®^ 1 — 4. Proceedings of the Academy of natur al sciences of Phila- delphia ; vol. III, mai — ^juinl846, n® 3. Neues lahrbuch uon Leonhard und Broun; 1846, cahiers 3, 4, 5 et 6. Bericht , etc. ( Analyse des mémoires présentés à l’Académie royale des sciences de Berlin) -, juillet 1845— juin 1846. Abhandlimgeii, etc. (Mémoires de l’Académie des sciences de Berlin pour 1844). Nachrichten , etc. (Bulletins de l’Académie et de la Société royale des sciences de Gottingue) \ n®» 8 — 12, juin— septembre 1846. Correspondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) : nouvelle série, t. XXIX, année 1846, l®»* vol. 2® et 3® cah. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou; année 1845, n® 4 *, année 1846, n®s 1 et 2. De la part de M. Van der Maelen, 1® Atlas administratif et SÉANCE DU 2 NOVEMBllE 1846. 11 statistique de la Belgique , carte 18 *, ^)oies de communi- cation; 1 feuille grand aigle. Bruxelles, 18/i5. 2® Carte et tableau statistique des chemins de fer exécutés^ concédés et projetés en Belgique; dressés par M, P^an der Maelen; 1 feuille grand aigle. Bruxelles, 18Zi6. Carte itinéraire , historique et statistique des chemins de fer et autres uoies de communication à mapeur de VEurope centrale, dressée par G. Potenti de Pistoia; 1 feuille grand- aigle , (avec une Légende des matières; in-8^, 16 p. ) -, publiée par Van der Maelen. Bruxelles , 18Zi6. Carte des l'outes existantes en Belgique aoant 1795 , exécutées depuis, sous les régimes français et néerlandais , et par le gouvernement belge jusqu à 18Zi6 , dressée par Sano d’après les instructions de M. T eichmann ; 1 feuille grand-aigle. Bruxelles, 1846. 5o Tableau statistique des chemins de fer du royaume de Belgique en 1846 • 1 feuille grand-colombier. De la part de M. L. Pareto, Carta geologica délia Liguria maritima; 1 feuille grand-colombier M. d’Archiac présente, de la part de M. le comte de Keyser- ling, l’ouvrage que ce dernier vient de publier, en commun avec M. de Krusenstern , sur le bassin de la Petschora et les monts Timans (voyez ci-dessus). Ce travail, auquel il manque encore quelques parties , entre autres les planches de fossiles jurassi- ques, mais qui sera complété très incessamment, doit être regardé comme faisant suite à celui auquel M. de Keyserling a coopéré avec MM. Murchison et de Yerneuil ^ seulement, en traitant d’une région si peu connue sous tous les rapports, les auteurs ont dû adopter un cadre différent. M. de Keyserling me signale en outre, continue M. d’Archiac, l’existence, en Bussie, à la base de la craie blanche, d’un lit de chaux phosphatée de quelques pouces d’épaisseur, mais qui s’étendrait sur une surface de plus de 800 versîes. Enfin, dans un second Mémoire qui est sous presse, notre confrère s’est attaché à démontrer que les Goniatites à lobe dorsal simple, si souvent associées au Cardium pahnatum , caractérisent un groupe de couches particulier situé à la base du système dévo- nien à la Nouvelle-Zemble, dans les monts Timans , comme en 12 SÉANCE DU 2 noye;\ibue 1846. Allemagne, en Angleterre, el môme dans l’État de New-York , où il est désigné sous le nom de postage group. M; Alcide d’Orbigny présente, de la part de M. Joseph de îiaiier, l’ouvrage sur les Foraminiféres du bassin tertiaire de Vienne, découverts par ce savant. (Yoy.. ci-dessus p. 7.) M. d’Archiac communique le passage suivant d’une lettre de M. de Verneuil, écrite des bords du Lac Supérieur (États-Unis), au mois d’août dernier. Après avoir quitté New- York et passé quelques jours à Albaiiy, j’ai gagné Buffalo, en m’arrêtant à Trenton-Falls et dans quelques autres localités. J’ai ensuite passé trois semaines à parcourir l’État de l’Ohio en divers sens , et j’ai pu y étudier la superposition des conciles sur lesquelles les travaux de MB! . Matlier et Locke ont jeté cpielc|ue lumière. J’y ai entrevu la nécessité de changer les limites des formations telles qu’elles avaient été établies. Les for- mations calcaires de cet Etat avaient été divisées en deux groupes, le blue Umestone et le cUff limestone , que l’on comparait aux groupes siluriens inférieur et supérieur. J’ai reconnu facilement que la partie supérieure du cliff limestone correspondait au sys- tème dévonien de l’Europe , tandis que le grand étage des psam- mites, situé au-dessous du grès houiller et du calcaire de montagne, là où il existe, et c|ue l’on appelait dévonien, devait être rangé dans le système carbonifère. J’ai eu aussi le plaisir de retrouver au milieu de ce dernier système , dans l’État de l’Ohio , notre excellent guide en Russie , la FiisuUna cylindrica; sa présence en Amérique m’a d’autant plus étonné que c’est un fossile propre aux parties orientales de l’Eu- rope, et qu’on n’a jamais trouvé ni en Allemagne ni en Angleterre. J’ai été ensuite dans l’Etat d’Indiana , et , accompagné de iVIAl. Owen etNorwood, nous avons fait une visite à mon vieil ami le professeur Troost, de Nash ville. J’ai trouvé chez lui une ma- gnifique collection minéralogique , cristallographique et paléon- tologique. De Nash ville je me suis rendu à Saint-Louis, où j’ai reconnu le calcaire de montagne blanchâtre comme en Russie, mais plus dur et plus compacte ; j’en rapporte un superbe échi- noderme , trouvé dans les environs de la ville même, et que IVI. Noi’wood décrira dans le journal de Sillinian. J’ai remonté le Alississipi jusqu’à la région métallifère de Ga- Icna, et je serais allé jusqu’aux chutes de Saint-Antoine, sans l’ex- lilfi. Aw'.yy'. 'hn Piiri I ’ol/ni. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Z|C. 13 trènie sécheresse qui avait iuterionipu la navigation dans cette partie du fleuve. Vous savez que toute cette région métalliCère est formée par un calcaire magnésien plein de cavités dans les- quelles le plomb s’est accumulé : ce calcaire a été avec raison rapporté au calcaire silurien supérieur. A Duljuque , un peu au- (iessus de Galena, on voit affleurer le calcaire bleu l)ien carac- térisé comme silurien inférieur. Je rapporte de cette loealité la f)lus grande orthoeère que j’aie jamais vue. De Galena, j’ai traversé les vastes prairies des Illinois. Sur la distance d’environ 60 lieues qui sépare Galena de Cliicago , à l’ex- trémité S. du lae Michigan , j’ai pu , grâce à quelques affleure- ments, suivre le prolongement du calcaire magnésien, et à Chi- cago même j’ai trouvé quelcpies fossiles caractéristiques du système silurien supérieur : ce calcaire se voit encore à Alackinac. Plus au N., et près du saut Sainte-Marie, j’ai atteint le commen- cement de cette grande formation de grès qui Ivorde la côte méri- dionale du lac supérieur. Dans l’île qu’on appelle Grand-lsland ^ ce grès ressemlde d’une manière frappante au grès bigarré : il est tantôt rouge sang ou rouge amarantlie, tantôt grisâtre, et souvent bigarré; il est tendre et s’égrène sous les doigts, comme dans les Vosges. Ses couches sont horizontales. En arrivant demain à la Rivière du Mort [dectd river) ^ j’attein- drai les premières éruptions de trapp cjui marquent le commence- ment de la région métallifère. Il y a trois ans à peine, on n’avait pas encore pensé à exploiter le cuivre dans ce pays, et aujourd’hui il y a plus de cinquante conq^agnies formées, soit pour exploiter des mines déjà découvertes, soit })Our en reclierclier de nouvelles. l^es immenses prairies , si bien décrites par Cooper , habitées encore par les Indiens il y a douze ou treize ans, sont défrichées aujourd’hui avec une grande activité par les émigrants de l’E. de l’Union et même par ceux d’Europe. C’est une véritable terre promise. Toutes celles de ce côté du Mississipi sont couvertes du même terrain noir que la Russie nous a offert sur une si grande' étendue; mais ici l’herbe des prairies ne jaunit jamais, et lorsque^ je les ai traversées au mois d’aoiit, avec une chaleur de 30”, elles^ étaient presque aussi vertes, aussi fleuries qu’au printemps. Le Secrétaire donne lecture de la communication suivante : l/l SÉANCE DU *2 NOVEMBRE iS/jO. Observations géognostiqnes sur la Sarcoiite et la Mellilite du Mont Somma, par Ferdinand de Fonseca. Naples, 1 5 juillet '1 846, Sarcoiite Thomson. — C’est une substance vitreuse presque tou-= jours de couleur de chair; elle cristallise dans le système du prisme carré, terminé par plusieurs espèces de quadroctaèdres, dont le plus obtus a ses côtés inclinés à l’axe de 67“ 18'. Elle fond au cha- lumeau avec grand développement de petites boules, et donne un globule d’émail blanchâtre , celluleux ; elle se délie aisément en gelée dans les acides, quand même elle ne serait pas pulvérisée. Quant à sa dureté , elle entame légèrement la phosphorite, et est entamée elle-même par le feldspath : elle n’a pas de clivage ap- parent ; elle se compose de silex , d’alumine et de chaux , en pro- portions non exactement déterminées. Variétés. > — Cette espèce est de couleur de chair de plusieurs nuances; on la trouve rarement d’un gris foncé. La surface de ses cristaux est souvent légèrement voilée de cliaux carbonatée, qui en diminue beaucoup la clarté : dans les fractures récentes on y aperçoit un grand éclat vitreux approchant l’adamantin; lorsque les cristaux ne sont pas ternis par des substances étrangères , ils sont d’ordinaire transparents. Leurs dimensions sont en plusieurs \ occasions les mêmes en hauteur et en largeur , et comme ils se terminent par un grand nombre de facettes, parmi lesquelles celles qui sont de la même espèce n’ont pas les mêmes proportions dans leur étendue, ou manquent tout-à-fait , il arrive naturellement qu’il est fort difficile de se faire une idée précise de la forme du cristal qu’on voudrait observer. La fig. 1 (pl. 1) représente la forme idéale sous laquelle chaque facette garde la proportion qui lui est propre. Outre les faces du prisme carré A B B, qui sont ordinaire- ment les plus grandes , on y remarque trois espèces d’octaèdre normal /, 2 y, 3 y , une espèce d’octaèdre diagonal x , deux espè- ces de dioctaèdre j 2, 2 j 2, les faces latérales du prisme carré dia- gonal X, et les faces latérales d’un prisme oetangulaire i 2. De toutes ces faces, dont nous donnerons les mesures goniométriques dans le tableau suivant , les plus fréquentes et les plus étendues sont ordinairement A B 2 j' x •> auxquelles se réunissent générale- ment les autres 2 / 2, j et .r, moins étendues que les précédentes ; on trouve moins fréquemment les facettes j 2, 3 et x 2. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE IS/jG. 15 Mesures goniornétriques de la sarcolite. - A sur B = A X — O O A .r- A .r; = 'I38«, 25'//. 138«, 25' Brooke. A 7 = 157°, 18' //. 157°, 19' Brooke. A 2r = 128°, 33' //. 128°, 33' Brooke. A 3r = 111°, 43'//. A 72 136°, 55' //. A 2r2 = 109°, 37' //. B B — O O O B X: 131°, 35' //. B X — 135°, 0' // 135“, 0' Brooke. B x2 153", 26' //. 153°, 26' Brooke. B 7 = 105°, 50' //. B 2j- = 123°, 34' //. 123", 34' Brooke. B 3>- 131°, 4' //. B 72 = 130°, 24' n. B 2j>-2 153°, 20' //. Observations. — La sarcolite a été pour la première fois décou- verte dans les blocs erratiques du Moiit-Sonima par le docteur Thomson, qui n’a publié aucun travail sur ce sujet, que je sache, mais qui fit pourtant connaître sa découverte à plusieurs orycto- gnostes, donnant à ce nouveau minéral le nom de sarcolite, à cause de sa couleur de chair. Jusque là cette espèce n’avait été dis- tinguée par aucun autre caractère , ce qui a occasionné ])eaucoup d’erreurs, le même nom ayant été donné à l’analcime rougeâtre de la vallée de Fasse , dans le Tyrol , et à l’hydrolite ou gmélinite , qui ont presque la même couleur. La même méprise en fait de cou- leur a fait que l’hydrolite et la vraie sarcolite ont été regardées comme des variétés de l’analcime, et M. Breistli , dans ses Insti- tutions géologiques publiées en 1818 , les a entièrement confon- dues. Voilà ce qu’il en dit : « La sarcolite ou l’analcime trapé- zoïdale de couleur de chair, fréquente dans le Tyrol et dans le Vicentin, a été encore reconnue par Thomson dans les laves erra- tiques du Mont-Sonnna , et dans celles du Cap de Eove , près Rome. » Le célèbre Haüy confirma encore cette méprise, parce qu’ayant reçu de M. Thomson la sarcolite du Mont -Somma, il dit , dans la seconde édition de son Traité de Minéralogie , pu- blié en 1822 , pag. 173 (1), que les mesures goniométriques qu’il (1) Il existe à la montagne de la Somma des cristaux d’un rouge 1(5 SÉANCE DU '2 NOVEMBRE 18^(5. a exécutées lui out donné l’inelinaison des facettes 2 j, non seule- ment sur A , mais encore sur B B , presque égale à 125°, de sorte qu’il en concluait que le prisme A. B. B était un cube , et les facettes 2 f un octaèdre régulier. 11 paraît , sans doute , qu’il est tombé dans cette méprise à cause de riniperfection de son gonio- mètre, puisque, ainsi qu’on l’aperçoit dans le tableau sus-indiqué, les facettes 2 j sont inclinées sur A de 128° 33', et sur B B de 123" 3A', c’est-à-dire qu’il y a une différence assez importante de cinq degrés. Cependant son opinion avait été reçue par tous les minéralogistes, jusqu’à ce que Brooke (1), il y a quinze ans, lit connaître, par d’exactes mesures goniométriques , les caractères cristallograpbiques de notre sarcolite , ayant ainsi démontré l’im- possibilité de réunir la sarcolite de Thomson, dont les cristaux se rapportent au système du pi isme carré , soit à l’analcime , soit à riiydrolite , qui cristallisent l’une dans le système du ced3e , l’autre dans le système du prisme liexagonal. D’ailleurs il ne faut pas omettre que du dioctaèdre j 2 Brooke ne rapporte que la moitié des faces , deux à deux , prises alternativement , savoir , la forme liémièdre. Mais il ne me paraît pas que cette opinion soit conforme au fait, puisque, ainsi qu’on le voit dans un cristal dessiné dans la fig. 2 avec toutes les particularités qui existent dans l’original , on n’y aperçoit qu’une seule des seize faces né- cessaires pour compléter le dioctaèdre / 2. 11 manque pareille- ment quelques unes des faces latérales du prisme octogone i 2 A du quadratoctaèdre diagonal ^ etc. , ce qui ne peut certainement pas se rapporter à l’hémiédrie , et l’on doit plutôt retenir que les faces qui manquent ont disparu à cause de la grande étendue des autres qui leur sont contiguës. Plusieurs écrivains d’ouvrages mi- néralogiques, parmi lesquels nous citerons Necker (2), Thomas ^ __ , j de chair, dont la forme est celle d’un parallélipipède rectangle avec |j huit facettes à la place des angles solides. M. Thomson , à qui la dé- f couverte est due, leur a donné le nom de sarcolite. D’après les obser- ji valions que j’ai faites sur des fragments de ces cristaux , qui m’avaient îj été envoyés par ce célèbre naturaliste, l’incidence de chaque facette |l additionnelle sur les faces adjacentes du parallélipipède ne s’écarte pas 4’ beaucoup de 125", ce qui paraîtrait indiquer que les faces principales '!< font entre elles des angles droits. Ces cristaux ayant un tissu vitreux, (i| et étant assez durs pour rayer le verre, j’ai présumé qu’ils étaient une^ ii variété de l’analcime, p. 177. ^ f (Il PJdlosopliical inagazine and nnnals for sept. 1831. 'j (2) Le règne minéral ramené aux méthodes de l’histoire naturelle, j jî) Baris,1835\ ] SÊAXCE DU 2 NOVEMnUE IS/jO^ J7 Thomson (1), etc , etc. , ont continué à legaider la saicolite comme une variété de l’analcime, ignorant peut-être le travail de 31. Brooke. D’autres auteurs, ainsi que Haidinger (2) et Al- lan (3), etc., etc., en retenant toujours que la sarcolite cristallise dans le système du cube, ont séparé la sarcolite de l’analcime, ])arce que dans ces formes on reconnaît l’octaèdre et le rhombo- dodécaèdre en place du trapézoèdre. Quant cà la composition chimique de notre espèce , elle a été ignorée jusqu’à ce que le professeur Scacchi , d’apiès son analyse publiée en 18à2 (à) , eut trouvé qu’elle était composée de silex , d’alu- mine et de chaux , sans aucune trace d’eau , qui est un des éléments nécessaires à la formation de l’analcime et de l hydrolite. La for- mule qu’il en a obtenue, quoiqu’elle ne soit pas donnée avec assez de certitude, est 3 C<7, S/ -f- A/, S/; à l’égard de la proportion des éléments, on pourrait croire la sarcolite d’une composition iden- tique à celle du grenat (grossulaire), et on aurait dans ce cas un exemple de dimorphisme. D’autre part , si l’on voulait regarder l’idocrase, quant à sa composition analogue au grenat, il en résul- terait que l’idocrase et la sarcolite formeraient deux espèces de composition analogues et appartenant au même système de cristallisation , mais avec des mesures goniométi iques tout- à-fait incompatibles pour la même espèce , parce que , en comparant l’in- clinaison de la base du prisme sur les faces des quadratoctaèdres , on a dans chaque espèce, par les mesures qui se rapprochent davan- tage , une différence qui surpasse deux degrés, (A. A / = 113''à8^ dans l’idocrase , A. 3j = 111° A3' dans la sarcolite.) La sarcolite est une espèce des plus rares et des plus belles parmi celles qu’on rencontre dans les blocs erratiques du Alont- Somma. Jusqu’ici elle n’a été trouvée dans aucune autre localité; la roche dans laquelle elle se montre est très souvent formée de mel- lilite, d’augite et de chaux carbonatée, qui, réunies ensendjle, com- posent une masse presque homogène et d’une couleur verdâtre. On trouve souvent les cristaux de sarcolite réunis à ceux de mellilite et d’augite : et quelquefois je les ai trouvés mêlés au mica , à la chaux carbonatée et au grenat rougeâtre bien cristallisé. (1) Outlines of nüneralogf, geologj and minerai analysis, London, 1837. (2) Monk’s mineralogy translated ^ by W. Haidinger. Edinburgh, 1825. (3j Philip' s introduction to mineralogy^ by Allan London, 1837. (4j Distrihiizione sistematica dei rninerali. Napoli , 1842. Soc. géol., 2° série, tome IV. 2 JS SÉANCE DL 2 NOVEMBRE IS/jO, De l(i Mellilite du Mont-Somma. Hiunholdtilite et Humholdilite Monticelli et Cavelli, Mellilite. — (^’est une substance vitreuse ou pierreuse , à plusieurs nuances de gris et de jaunâtre. Elle cristallise dans le système du prisme à base carrée, terminé par un quadratoctaèdre , dont les faces sont inclinées à l’axe du cristal de 56*^ Sa dureté est en quelque sorte moindre que celle du feldspath : elle a un clivage peu net, pa- rallèle à la base du prisme : elle est soluble en gelée dans les aci- des; elle se fond au chalumeau en un émail jaunâtre ou brun , selon la couleur du minéral qu’on a employé. Elle se compose de silice , d’alumine, d’oxyde ferrique, et de plusieurs bases monoxydes. Variétés. — La couleur de la mellilite du Mont-Somma est sou- vent grise ou gris-i3lancbâtre , ou même gris-jaunâtre; rarement elle est d’un brun jaunâtre, ou jaune de miel. Lorsqu’elle se pré- sente avec un éclat vitreux , elle est transparente ; elle est , au contraire , ])ierreuse lorsqu’elle est rendue sale par des substances étrangères. Elle est presque toujours recouverte d’une couche fort mince de chaux carbonatée , qui la voile en lui faisant perdre l’éclat et la couleur. Ses cristaux ont presque toujours la même mesure en hauteur et en largeur : quelquefois ils se montrent très écrasés, jusqu’à former des lames; ils présentent tantôt le prisme A B B isolé, et tantôt des arêtes latérales coupées par une face unique ou par trois faces, .x ou x 2. Il est fort rare d’y trouver les angles trièdres coupés par les facettes de l’octaèdre ; on trouvera l’en- semble de toutes ces formes cristallines dans la fi g. JN 3 et toutes leurs mesures goniométriques dans le tableau suivant. Outre sa variété bien cristallisée , on rencontre pareillement cette espèce en masses amorphes ou en cristaux fort allongés dans le sens de l’axe vertical , et circonscrits par seize faces latérales , si bien qu’ils semblent autant de petits bâtons cylindroïdes. Enfin , on la trouve conformée en pacpiets de fibres , qui convergent le plus souvent à l’une des extrémités et divergent à l’autre. Mesures goniométiiques de la Mellilite. A sur B = ] A ^ = 90«. A = 1 A / = 146°, 48' 7/,, 147°, 5' Somervellite de Brooke. B B = 90°. B X — 135°, 0' 77., 135°, 0' Somervellite de Brooke. B 'x% = 1610, 34' 77. B J = 1 12°, 47' 77. Observations. — La mellilite de notre Vésuve fut reconnue pour SfiANCK Dü '1 NOVEMBUF. J8/16. 19 la première fois par Moiiticelli et Cavclli, qui, en la regardant comme une nouvelle espèce minéralogique, la dédièrent au savant baron d’Humboldt , en la décrivant et en en faisant une ana- lyse quantitative (1) , sans annoncer cependant ses mesures goniométriques. Peu de temps après, M. Rrooke eut entre ses mains une variété de cette substance de coideur jaunâtre , et ne trouvant pas d’autre minéral qui eût en commun avec elle les mesures goniométriques , il la regarda comme une substance nou- velle et l’appela somervillite (2). Les deux illustres minéralogistes IM. Beudant et M. Necker rapportent dans leurs traités de miné- ralogie la somervillite de Brooke comme une variété de l’idocrase, quoique l’octaèdre de la première soit incliné à l’axe du cristal de 56° â8', et celui de la seconde, qui s’en rapproche davantage, de 52'’ 55'. Nous ne saurions adopter cette opinion , parce que la différence est presque de quatre degrés. En 1835, M. de Kobell (3) entre autres analyses, publia celle de la mellilite du l ) \ ésuve, en en tirant cette formule : N -f- 5 A, S/ -f- 12 >S/. \Fe) Le professeur Scacchi, en 18û2 (û), annonça, dans une note de sa Distribution systématique des minéraux que la somervillite était la même espèce que l’humboldilite. Enfin M. Damour (5), en analy- sant, il y a trois ans , le minéral du Yésuve et celui du Cap de Bove, les trouva tous les deux identiques dans les qualité et quantité de leurs composants, et les réunit en une seule espèce, en conser- vant plutôt le nom d’iiumboldtilite que celui de mellilite , et en déduisant pour formule commune (A/ Fc) S/ -f- M^, K, N) 3 S/. J’ai adopté, au contraire, le nom de mellilite de préférence à celui de humboldtilite , parce que le premier est plus ancien que le second. Bien que la mellilite ne soit pas un minéral très fréquent parmi ceux du Mont-Somma, on la retrouve toutefois dans plusieurs (1) Prodromo di mineralogia Fesiwiana , di J. Monticelli e M. Ca- velli. Napoli, \ 825. f2) Qu arterly journal of sciences ^ XVI, 276, ex Allan et Phillips. (3) Javale per riconoscere i minerali ^ di Fr. de Kobell. Firenze, 1842. (4) Distrihuzione sisternatica dei minerali per cuva^àx Ar. Scacchi. Napoli , 1 842. (6) Nouvelles ancdyses et réunion de la Mellilite et de la Hum- holdtilite, par M. A. Damour (extrait des Annales de chimie et de physique, 3*^ série, t. X). 20 SÉANCE DU 2 NUYEMEKE 1840. espèces de blocs erratiques. Les plus remarquables dans lesquelles je l’ai rencontrée , sont les suivantes : 1" bloc de couleur verdâtre composé de pyroxène, mellilite bien cristallisée, spath calcaire; agrégat qui , par méprise, a été re- gardé par quelques uns comme une espèce minéralogique particu- lière, et appelé zurUte ^ et dans lequel on trouve des cristaux de sarcolite, de spbène, de népbéline, de mélanite et de mica, 2° Bloc de couleur blanchâtre, formé presque tout entier de petits cristaux de mellilite, avec peu de pyroxène et fort peu de chaux carbonatée. 3" Bloc composé en grande partie de mica , de quelque peu de pyroxène et de mellilite recouverte de chaux carbonatée en cris- taux bien nets, ou en lames octangulaires sur l’agrégat, ou bien tapissant les géodes formées dans le bloc. 4® Bloc formé de leucite et de mellilite voilée de chaux carbo- natée, qui se présente en cristaux bien allongés, cylindroïdes, par- semés de pyroxène granulaire. 5" Bloc fragile de pyroxène de sommité et de mellilite , qui se montrent en cristaux crevassés, fragiles et imparfaits, tous confu- sément cristallisés avec texture granitoïde. 6" Bloc de spath calcaire lamelleux parsemé de cristaux de mel- lilite semblables à ceux de l’idocrase , qui pénètrent souvent les uns dans les autres. 7” Bloc de mellilite massive, couleur jaune de miel, translu- cide, pénétré par des cristaux de fer oxydulé, formant des vides dans sa luasse, tapissés de cristaux de mellilite et de wollastonite. 8“ Lave pyroxénique trouvée près de Pollena , renfermant dans ses géodes de jolis cristaux de pyroxène vert , avec d’autres de mellilite jaunâtre ou rougeâtre. Le secrétaire lit ensuite la noie suivante de M. Parrot : Obseivations sur la note de M. Firlet d'Joust, insérée dans le Bidletùi de la Société géologique de France, 2® série, tome II, janvier et février 1845, p. 198, par M. Parrot, membre émérite et honoraire de l’Académie des sciences de Saint- Pétersbourg. Saint-Pétersbourg, avril 1 846. Ces observations concernent uniquement ce qui a été dit dans eette note, p, 219, sur mon travail concernant les pierres d’Imatra, inséré dans les mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg , 6* série, seiences mathématiques, physiques et naturelles, t. Y. Après une description pittoresque de la belle contrée d’Imatra, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. 21 suit l’ouvrage proprement dit , qui se partage en six chapitres : Descriptions des jormc’s extérieures ; Structure intérieure ; Propriétés physieiues et chimiques ; Reldtions géognostiques ; Résultats tirés immédiatement des faits ; Hypothèses sur la formation des pierres d' Im a tr a. M. Yirlet condamne , comme inutile dans la description des formes extérieures , l’idée de partager ces diverses formes en mo- notypes , bitypes, etc. , parce que le même type se trouve répété dans la même pierre , et prétend que « les pierres d’Imatra ne sont que des nodules argilo-calcaires dont les formes et réunions peuvent et doivent même nécessairement varier à l’infini. » Mais cette division est précisément ce qui m’a guidé dans l’oliservation de la réunion de plusieurs monotypes en une seule pierre . obser- vation de grande importance dans la théorie. M. Yirlet se trompe en ce cju’il nomme ellipsoidales les formes des pierres monotypes cpii ne sont pas des sphéroïdes. Ces pierres ne sont nullement ellipsoidales, mais ovales, comme je l’ai dit et dessiné, c’est-à-dire plus pointues à un bout qu’à l’autre (1). Cette différence est essentielle et se trouve dans tous les bitypes , tritypes , etc. , formés de monotypes agglutinés l’un à l’autre dans le même plan et dans la même direction du grand axe. Je n’en ai trouvé aucun où l’agglutination ait eu lieu dans le sens d’un petit axe , mais quelques uns dans un sens oblique. L’assertion de M. Virlet , cjue les formes et les réunions des pierres d’Imatra peuvent et doivent varier à l’infini n’est pas juste. Les formes n’ont que deux caractères généraux , les pierres à mou- lures et les pierres à rainures, et les jonctions cju’une seule forme, celle de deux ou de plusieurs ovales par le bout étroit (voy. les fig.). Je puis assurer en outre que le grand nombre d’exemplaires que je possède, et ceux que j’ai vus sur les lieux, offrent la même loi. Je demande à présent si des corps à types si constants , si régu- lièrement construits , composés d’individus réunis sous une loi si constante, peuvent être jetés dans la classe des nodules amorphes. M. Yirlet m’accuse de n’avoir pas prêté attention à la corres- pondance des différentes nuances des zones parallèles intérieures avec les disques ( moulures ou rainures ) à l’extérieur. Ce repro- che est au moins un peu fort; car j’ai dessiné moi-même les con- tours intérieurs et extérieiu’s de ces figures qui se trouvent sur les (l) On peut, si l’on veut, considérer l’ovale comme une ellipse, mais à équation d’un degré supérieur, comme je l’ai enseigné il y a cinquante à soixante ans dans la description de mon ellipsographe , au moyen duquel on peut dessiner ces ellipses dans toutes les proportions voulues. 22 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. plaiiclies XI et XH , et je n’ai abandonné que les teintes au litho- graphe : ce n’est pas non plus un autre auteur qui a écrit le second cliapitre intitulé : Structure intérieure des pierres cVlnicitra , où la symétrie en question est décrite très au long , de même que les corps étrangers trouvés à l’intérieur et les dérangements occa- sionnés par eux dans les stries. ùî. Virlet assure que les pierres d’imatra ne sont autre chose que des nodules argilo -calcaires formés au milieu d’argiles sa- blonneuses. Je vais considérer cette assertion sous deux points de vue , celui de la composition de ces masses et celui de leur gîte. A. Les pierres d’imatrasont composées de : Chaux carbonatée. . . 0,4897 Silice 0,1916 Alumine ferrugineuse. 0,2683 Soufre 0,0444 Eau hygrométrique. . 0,0060 Je prends la liberté de demander d’où vient le presque 1/5 du tout en silice, et presque 1/50 en soufre? La pierre trouvée dans l’Amérique du Nord , assez semblable à la figure 21, planche lY, a fourni en silice 0,331 et en soufre 0,052 , ainsi plus que les pierres d’Imatra. Ne trouve-t-on pas remarquable cet accord entre des pierres isolées et trouvées à de si énormes distances? Cela ne prouve-t-il pas que la silice et le soufre sont des parties consti- tuantes , non fortuites , de ce genre de pierres? B. Où ai-je trouvé les pierres d’imatra? Sur le bord d’un fleuve , dans le sein d’une montagne dont la composition est; Sable insoluble par l’acide hydrochlorique. 0,3350 Silice 0,3633 Alumine ferrugineuse . 0,2770 J’ai été étonné de n’y pas trouver la moindre portion de chaux carbonatée , ni de soufre , ni une seule coquille visible à la loupe. Et ces pierres sont ensevelies dans une masse de cette terre de 36 pieds de hauteur et dont on ne connaît pas la profondeur au- dessous du fleuve. Il n’y a là ni lias, ni marne qui puissent échan- ger leurs portions inégales de chaux. Peut-être on me répondra , cpie les pierres d’imatra n’ont pas été formées là où on les trouve aujourd’hui ; mais ce serait en vain. Le granité , auquel plusieurs de ces pierres sont agglutinées, se distingue par le grain et la couleur des grandes masses au tra- vers desquelles l’imatra roule ses flots écumeux. Si l’agglutina- tion avait eu heu ailleurs, tontes ces pierres seraient écorchées, 23 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. auraient perdu leur belle forme ou eussent été entièrement fra- cassées. IMais on n’observe rien de tout cela ; nulle part on n’y voit le moindre signe d’un transport a travers des quartiers de roches ou de masses sablonneuses, lien est de même des pierres d’Imatra libres. Ainsi , il est bien prouvé que ces pierres ont été formées dans le gîte où on les trouve aujourd’hui, dans un terrain sans calcaire et sans soufre , qui ensemble font la moitié de tour leur poids , matières dont nous ne pouvons trouver la source que dans des êtres organisés et pétrifiés. Ainsi , la pierre d’f matra est un eus SU! generis indépendant de son gîte. IM. Yirlet dit ( p 220 ) , que je parais disposé à admettre l’hy- pothèse stalactique. J’ai dit ( p. 97 ) : « Le principe de la filtration » qui est celui de la formation des stalactites, fournit une hypo- » thèse de formation qui , au premier coup d’œil , paraît pouvoir » expliquer celle des pierres d’Imatra » et j’indique à peu près comment on pourrait s’y prendre ; puis suit la théorie de la for- mation des stalactites , d’où je tire la manière dont on pourrait s’imaginer en gros la construction des pierres d’Imatra dans ces principes; puis j’ajoute; « 3Iais cette apparente simplicité de » construction est tout ce que nous pouvons dire en faveur de cette » hypothèse qui succombe sous les objections suivantes. » J’en ai fait de même dans l’examen des autres hypothèses. Ainsi , si , en alléguant impartialement ce que l’on peut dire en faveur d’une hyi^othèse avant de la réfuter , je me suis déclaré plus ou moins disposé à l’admettre, je dois avouer que je l’ai fait en faveur de toutes celles que j’ai totalement refusées. 31. Virlet dit ; « On peut aussi reconnaître , à l’inspection des ») figures de l’auteur, que plusieurs de ces nodules , gênés dans leur » développement par le voisinage des fragments de granité , sem- » blent comme brisés ou pénétrés par ces corps étrangers qui dé- rangent ainsi l’harmonie habituelle de leurs formes , et que » d’autres ont été réellement brisés postérieurement à leur forma- » tion et offrent de véritables failles remplies de terre jaune ou >) noire. » Quelque attention de plus aurait évité, de la part de M. Virlet, l’obscurité ( pour ne pas dire les erreurs ) qui règne dans ce pas- sage. Voici le résultat qu’on doit tirer de mes dessins : Les pierres d’Imatra que j’ai décrites comme adhérant forte- ment à des morceaux de granité se trouvent sur les planches iX et X , à quoi il faut ajouter la figure 25 de la planche XIII. Ces morceaux de granité varient de la grosseur d’une noisette jusqu au poids de 31 livres 1/2 russes. Cette adhésion n’a nullement détruit U SÉANCE DE 2 NOVEMBRE 18â6. oii iiièiiie altéré le type de la pierre ; seulement la pierre est 0011- tournée sur la surface adjacente du granité , sans déranger la régu- larité du dessin. Dans quelcpies exemplaires le petit morceau de granité est enveloppé de la masse de la pierre jusqu’à moitié , plus ou moins; dans un exemplaire ( fig. 53 ) il se trouve un mor- ceau tacheté de quartz ^ totalement enterré dans la pierre d’Ima- tra. Sur aucune de ces pierres on n’aperçoit ni fente , ni rupture quelconque , aucun écrasement avec rupture. D’autres pierres d’iniatra ( mais aucune de celles qui se trouvent accolées à des granités) telles que les fig. 38 , 39, 40 , pl. Val , et fig. 41 , 42 pl. Vili , sont plus ou moins écrasées , mais sans aucune rupture, cpioique deux d’entre elles ( fig. 40 et 41 ) soient très minces. Il suit de ces faits c|ue les pierres cl’ 1 matra ont été primitive- ment très molles , ainsi dans un autre état cpie l’état actuel. Car si leur composition était assez argileuse pour subir une telle com- pression sans se briser , elles se trouveraient , continuellement en contact avec le fleuve, encore dans l’état mou. Si ces pierres avaient été formées, comme on l’assure, par des migrations de terre calcaire à travers diverses couches de marne, comme on le suppose pour les pierres de Lyme-Regis , quelle ré- volution n’eût-il pas fallu pour enlever les couches dans lesquelles celles d’Imatra étaient enterrées , et eussent-elles résisté avec toutes ces fines et régulières moulures? Celles qui sont écrasées ne .se trouvent cjue parmi les roches chaotiques (hi granité qui font la lisière du rapide ; plus bas , où les quartiers de granité cessent , je n’en ai plus trouvé d’ écrasées , quoique là elles se trouvent par milliers avec toute la pureté de leurs formes. Quant à ce que j’ai dit des électromanes , on peut le pardonner à un vétéran qui a vu naître plusieurs générations de physi- ciens, et c|ui ne voulait blesser personne, et moins qui que ce soit M. Becquerel, que j’honore infiniment. Mais puisque l’hypo- thèse électrique a été nommée par M. Virlet d’Aoust, et que je n’en ai pas fait une mention particulière dans mon mémoire , je vais me permettre de l’analyser ici. Le premier principe sur lequel se base Fhypothèse électrique est que l’électricité est capable de transporter des substances pon- dérables. J’avoue qu’en envisageant les phénomènes connus , je ne puis adhérer à ce principe. Je ne vois partout que des chocs ou des courants qui éloignent de la pointe électrique des corps concrets très déliés ou des fluides vers des coips neutres ou chargés de l’électricité opposée. Mais de là jusqu’au transport de matière concrète , quelque déliée qu’elle soit , à des distances très consi- dérables au travers d’épaisses couches géologiques, c’est ce que je SÉANCE DU '2 NOVEMBRE 18/16. 25 ne puis ailiiiettre , tant qu’aucune expérience n’en aura }>as prouvé la possibilité. Que l’on prenne une poudre calcaire ou autre , de la plus grande finesse , coinine les poudres d’apothicaires nommées impalpables , et deux tables , l’ime de marne' ou de lias sur le de- vant et une de schiste derrière et en contact avec l’autre , sèches ou humides, et que l’on emploie une électricité très intense pour chasser la poudre au travers de la plaque antérieure sur la posté- rieure, la poudre arrivera-t-elle à sa destination? j’en doute fort, même si la plaque antérieure n’avait qu’une ligne d’épaisseur. L’on objectera peut-être que les pulvicules que nous pouvons produire sont trop grossières. Mais si l’électricité naturelle ( galva- nique ) en peut produire de plus fines ( et elle le doit dans l’iiypo- thèse , puisqu’elle doit enlever ces pulvicules à la roche ) que l’on emploie l’électricité à cette pulvérisation. Si l’on répond que cette pulvérisation et ce transport n’ont ])as été exécutés sidjitement , mais peut-être dans des siècles , je demanderai , puisqu’il s’agit ici d’une force mécanique , si une force très intense ne peut pas faire en très peu de temps l’effet d’une force très faiirle dans un temps très long. On pourrait , il est vrai , objecter, par exemple , que des poutres résistent pen- dant quelques jours à un certain poids et finissent par se casser au bout de quelques mois. Cela est vrai ; mais nous avons des pou- tres qui résistent pendant des siècles , et il suffit pour cela que le poids dont on les charge ne soit que iflx ou 1/5 du poids sous le- quel elles rompent au moment où on les charge , et quelle énorme proportion n’a-t-on pas entre la décharge d’une forte batterie ou le courant continu d’une grande machine électrique à ces minimes degrés d’électricité , que l’électrométrie peut seule nous rendre sensibles I .Te passe à une seconde question concernant l’existence de l’élec- trieité qui doit avoir eu lieu pour produire les ccncrétions dont nous parlons. Assurément ce n’est pas l’auteur de la Théorie chi- mique (le rélectricitc qui niera la possibilité de la production de faibles degrés entre les couches hétérogènes plus ou moins humides des roches ; mais il se permet d’affirmer cpie , à l’excep- tion des cas où la roche contient des métaux non oxydés , cette électricité sera très minime. Il pense de même que le cas peut avoir lieu où certaine suite de couches produise l’électricité en sens opposé à celle d’une autre et la neutralise. Il rappelle en outre le théorème qui lui appartient également, que la chaleur, la lu- mière et l’électricité s’affaiblissent considérablement en passant au travers de matières hétérogènes pondérables, et que par con- séquent l’électricité produite entre les couches dont se compose âo SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/l6. l’écorce de notre globe doit se trouver très alï'aiblie avant d’être arrivée à la surface ou à peu près. En effet , cette surface ne nous a encore décelé aucun degré permanent d’électricité , et ne peut , d’après les grandes et belles expériences faites récemment sur la force conductrice de la terre , qui s’est trouvée un parfait conducteur pour les peti ts degrés d’é- iectricité , nous en déceler aucun il y a plus : l’électricité d’un seul couple voltaïque disparaît à l’instant lorsqu’on met un des pôles en contact avec la terre. Or, cela serait impossible si la terre était pénétrée d’une quantité d’électricité égale à celle que produit ce seul couple. Mais il est encore une troisième considération , sous laquelle riiypothèse électrique doit succomber. J’accorde pour un instant tout ce que réclame cette hypothèse; mais je demande comment ces petites pierres ont pu se former ainsi sous forme de nodules , l'ognons , etc. , et nommément les pierres d’Imatra avec toutes les singularités que j’ai décrites et dessinées? M. de la Bêche, qui pro- duit ces petits corps par des causes cliimiques , assure avec raison (|ue ces masses ont du avoir été préalablement des strates, qui ensuite ont été découpées, au reste sans avoir assigné la cause de ces décou- pures , qui en a élargi et arrondi les extrémités. L’iiypotbèse élec- tricpie se trouve dans le même embarras. En efïet, l’électricité, qui agit d’une couche à l’autre dans ces grandes strates géologiques , doit marcher également à travers ces strates et devrait former là , où on la fait travailler, une strate également modifiée sur toute l’étendue de sa surface , et non des rognons , nodules , pou- dingues , etc. , à moins de supposer qu’entre ces masses il y ait eu des plaques de verre, de résine , de soufre ou autres isolateurs. iVlais on n’a pas encore annoncé cette trouvaille, qui serait d’ail- leurs si facile. Je demande enfin comment, même dans la snpposition de ces isolateurs et sans parler des stries intérieures , on expliquera les moulures si exactement exécutées , les rainures , les types super- posés en dessus et en dessous de la couche du milieu et tant d’au- tres particularités qu’il est impossible de rapporter à un agent électrique , mais uniquement à une spontanéité. En terminant ces considérations , je prie ceux cjui voudront juger mon hypothèse de consacrer quelc[ues heures à lire et à mé- diter tout mon mémoire , cjui se trouve parmi ceux de l’Académie de Pétersbourg , 6® série, sciences math. , phys. et nat. , tome V, publiés en 18ù0. Je les prie de ne pas chercher, avant tout, mon hypothèse pour la trouver insoutenable avant d’avoir lu attentivement les descriptions , les observations , les expériences , SÉANCE DU 2 NOYEl^lBRE 18/i6. 27 les conséquences nombreuses qui procèdent. En géncial , j’ai droit d’attendre que , si l’on veut présenter une autre hypothèse que la mienne sur les pierres d’Iinatra , ce soit une solution précise et logique , et non des assertions vagues du genre de celles que le siècle actuel n’a pas encore fait disparaître de la géologie. M. Yirlet répond que lorsqu’il a analysé le Mémoire de M. Parrot, il ne connaissait pas les pierres d’Imatra , mais que depuis il a eu occasion d’en voir un assez grand nombre d’é- chantillons , dont il possède plusieurs, et que l’inspection de ces pierres noduliformes l’ont confirmé dans l’opinion qu’elles sont bien le résultat d’un transport moléculaire, électrique ou non, postérieur au dépôt de la roche qui les renferme. En effet, à la cassure, surtout si on insufile dessus, on reconnaît encore très distinctement les différentes zones ou strates du terrain, et leurs différents degrés de compacité, qui déterminent ouïes rainures ou les moulures des nodules. Cette agrégation de molécules calcaires ou silicéo-calcaires, qui sont \enues s’interposer sur certains points au milieu des strates argilo-sableuses d’Imatra, et y former des nodules quelquefois très rapprochés et adhérents entre eux , est donc tout-à-fait analogue à celle qui a produit les sphérosidérites, les Indus, les eJai^ia (nodules de phianite), les cherts , les chailles, les silex, les minerais de fer en grains et géodiques d’alluvions ou ces minerais en plaquettes connus sous les noms de minerais des lacs, des marais, de prairies, de gazons, etc. (1), et môme certains grés qui doivent leur ciment siliceux ou calcaire à un phénomène de transport molé- culaire analogue. Enfin, les grés calcarifères cristallisés en rhomboèdres de Fontainebleau se sont encore formés de la même manière. Il y a des couches où les nodules sont encore bien plus nombreux qu’à Imatra, à ce point qu’ils se confondent les uns dans les autres, et qu’ils forment parfois des couches, continues, où l’on ne distingue plus les formes nodulaires que par les ondulations que présentent les plans de surfaces. Quant à la présence du soufre à l’état de soufre dans les pierres d’Imatra, ajoute M. Virlet, le fait m’a paru assez difficile à expliquer pour que j’aie voulu le faire vérifier. J’ai prié, en (t) Voir à ce sujet une nouvelle note insérée au Bulletin , 2'’ série t. ni , p. 1 oo. 28 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. conséquence un de nos jeunes chimistes, M. Alphonse Salvélat, de vouloir bien faire l’analyse d’une des pierres d’Imatra , rap- portées par M. Édouard de Verneuil, et l’on peut voir par les résultats ci-aprés de cette analyse, que sa composition diffère essentiellement de celle trouvée par M. Parrot^ ce qui peut tenir, au reste , à ce que les mélanges des matières qui composent ces nodules peuvent varier beaucoup, suivant les échantillons et même suivant les parties d’échantillons ou des couches qui les renferment^ quant au soufre indiqué, il est très probable qu’il provient des réactifs employés : ainsi le carbonate de soude qui est très fréquemment mélangé de sulfate, pourrait, si on ne tenait pas compte de cette circonstance, donner un précipité de sulfate de baryte par le chlorure de barium. Analyse (rime pierre nodulaire d’Imatra y eu Finlande'^ par M. Alphonse Salvétat, chimiste de la manufacture royale de porcelaines de Sèvres. Cette pierre , attaquée comme à Tordiiiaire par le carbonate de soude , a donné 34,06 de son poids de silice qui s’est dissoute complètement dans une dissolution de soude caustique assez éten- due , en laissant cependant de légers llocons qui ont été reconnus être de l’acide titanique. Une seconde analyse a donné pour le poids de la silice titanifère 33,90 p. 100. Soumise à un lavage par l’acide nitrique faible , cette pierre donne un résidu plastique , de la couleur de la pierre elle-même , ayant tous les cai àctères d’une argile impure , laissant dégager de l’eau par calcination , et prenant , sous l’influence d’une chaleur rouge , une couleur brun-rouge prononcée , par suite de la per- oxydation du fer qui s’y trouve. Cette matière argileuse , soumise à des lévigations opérées avec soin , et répétées souvent , laisse un résidu de sable micacé à grains assez gros et transparents. Le mica est incolore mais à reflets nacrés et verdâtres ; on remarcjiie aussi quelques grains noirs , solubles à froid dans de l’acide hydrochlo- rique. La présence du mica dans ces sables explique l’alcali, qu’une attaque par l’âcide bydrofluorique m’a fait reconnaître. J’ai fait, selon votre désir, de nombreux essais pour arriver à constater la présence du soufre , mais je n’ai pu en reconnaître la plus petite trace , et il est évident que la pierre que vous m’avez remise n’en renferme pas du tout ; il paraît aussi résulter de mon analyse , comparée à celles qui ont été publiées , ({ue le sable argi- leux , mêlé au calcaire , est très variable dans sa composition, Je SÉANCE I>L '2 NOVKMiîRE 18/|0. •29 ne m’explique pas la forte proportion d’alumine ferrugineuse par rapport à la silice, trouvée dans ces analyses : l’argile la plus alu- mineuse n’en contient pas autant , et bien certainement là , elle est mélangée à une forte proportion cie sable. Voici les résultats de mon analyse : Acide carbonique Chaux 26,77 ) Eau 2,5rN Silice 34,06 j Alumine ^’^^/iareile ) Protoxyde etperoxyde de fer. M» L^ble. 32.20 Oxyde de manganèse. . . . 2.00 [ f ■ Alcali 0,49 ' Acide titanique et magnésie, traces ] Perte. 0,14/ 1 00,00 100,00 M. Durocher fait la communication suivante ; Etudes sur les phénouièues erratiques de la Scandinavie ^ par J. Durocher. Observations successives qui ont eu pour objet les phénomènes erraticpies du Nord de V Europe. AI. de Lasteyrie et Al. Al. Brongniart ont décrit , il y a déjà longtemps, les caractères généraux des érosions et des dépôts erra- tiques de la Suède; plus tard, AI. Sefstrôm a déterminé les direc- tions des stries dans le midi de cette contrée. Lors de son voyage dans le Nord, AI. E. Robert a aussi observé ce phénomène ; la même année, en 1839, AI. Bohtlink et moi avons déterminé les direc- tions des sulcatures dans des pays encore inexplorés, en Finlande et dans quelques parties de la Laponie. Les principaux faits du .mémoire que j’ai rédigé sur ces questions, et qui se trouve dans la publication des voyages en Scandinavie (1), ont été mentionnés dans le rapport de AI. Elie de Beaumont (2) ; j’y ai fait connaître les caractères des stries et du dépôt de transport , le gisement , la disposition des blocs erratiques, et leur dispersion en Russie, en Pologne, jusqu’au pied des montagnes de la Silésie, de la Saxe, du (1) Voyages en Seandinavie , en Laponie etc. — Géologie. Par J. Durocher. (2) Comptes-rendus de l' Académie des sciences , séance du 17 jan- vier 1 842. 30 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE I8/16. Hanovre, et dans les plaines des Pays-Bas. J’ai signalé la forme presque circulaire de leur limite extérieure , et leur distribution rayonnante à l’intérieur d’un vaste demi -cercle, dont Stockholm est le point central, et dont la circonférence passe aux environs de Kostroma , de Moscou , de Cracovie , de Leipzig , de Bréda , et dans le comté de Cambridge en Angleterre. Depuis cette époc[ue , AllVl. Murebison et de Verneuil ont étudié ces phénomènes peu- j. dant leurs voyages en Russie et dans le midi de la Scandinavie. Je «1 suis heureux de reconnaître que les observations relatées dans le bel ouvrage qu’ils viennent de publier sur la géologie de la Russie s’accordent pour la généralité des faits avec celles que j’avais pu- ! bliées depuis plusieurs années ; et la limite méridionale du terrain ; erratique, c|u’ils ont tracée sur leur carte géologique, coïncide près- l; ejue exactement avec celle que je lui avais déjà assignée : mais ils ont déterminé son extension , jusqu’alors inconnue, à l’E. du lac Onéga et de la mer Blanche. Observations jaites en Norvège. Sur la partie du phénomène erratic{ue relative à la Norvège, il a été publié moins d’observations que sur les contrées citées tout-à- l’heure; cependant, M. Keilhau a étudié depuis plusieurs années les directions des stries , et a reconnu , comme l’ont fait plus tard MM. Siijestrom et Daubrée , ciu’elles ne sont pas constantes, mais que dans le fond et sur les flancs des vallées profondes il y a des stries dirigées dans le sens de leur axe, et descendant des mon- tagnes vers le littoral. Dans le voyage que je viens de faire en 18à5, j’ai cherché quelle i est la liaison entre les sulcatures de la Norvège et celles de la Suède; le soin minutieux avec lequel j’ai relevé les directions des stries dans les contrées que j’ai explorées sur de très vastes éten- dues m’a conduit à des résultats nouveaux. J’ai reconnu que la surface de la Suède et de la Norvège a été érodée par plusieurs systèmes d’agents sulcateurs, qui ont suivi des marches différentes, Ç , et qui, dans certaines régions, se sont croisés sous des angles plus ;• | ou moins grands, se rapprochant parfois de 90”. Caractères généraux des érosions dans la Scandinavie. Jetons d’abord un coup d’œil sur les caractères généraux des /v érosions. A la surface des collines mamelonnées et arrondies , les ^ sulcatures appartenant à un même système suivent une direction f généralement constante, et ne subissent de déviation notable qu’à | j. l’approche de massifs rocheux un peu étendus et d’une certaine ! SÈANCK DU '2 NOVUMBHE 18/|0. ;u élévation. Souvent iiièine sur des plateaux ondulés dont les par- ties hantes atteignent 1000 à 1200 mètres, et qui présentent des difterences de niveau de 3 à ZtOO mètres, comme ceux de la cou-, trée de Rôraas, les stries possèdent une allure propre et indépen- dante de la disposition des accidents de terrain. Dans les régions montagneuses, où il y a des vallées profondes et encaissées entre des flancs abruptes, on voit des sulcatures dirigées dans le sens des vallées; mais souvent sur les hauteurs qui bordent ces déchi- rures on voit des stries disposées obliquement ou transversalement, produites par des agents érosifs qui ont dû passer par dessus les vallées. Quelquefois on voit des stries descendre des plateaux en- vironnants dans les vallées , suivant des lignes obliques , et venir couper les sulcatures creusées parallèlement au Thalveg, comme je l ai remarqué sur le flanc droit de la vallée de la Driva, entre Kongsvold et Drivstuen. D’autres fois , au contraire , les stries sortent de la vallée et se reportent sur le plateau adjacent ; c’est ce qui a lieu, par exemple, dans la vallée du Nid Elv (Norvège mé- ridionale) : sur la rive gauche du lac Nisser , on voit , comme l’a indiqué M. Keilhau sur une carte de ce pays, des stries quitter la vallée, dirigée ici du N. au S., et s’élever vers l’O.-N.-O., eu faisant un angle d’environ 60° avec l’axe de la vallée, et se portant vers le plateau situé à l’E., qui est élevé de plus de 1000 pieds au- dessus du lac Nisser. Je signalerai encore une circonstance qui me paraît importante : ce ne sont pas les vallées longues et profondes , se rattachant aux plus hautes cimes, qui ont produit les grands systèmes de sulca- tures ; ainsi les agents érosifs descendus le long de la vallée du Guldl^randsdal, une des grandes vallées norvégiennes, qui remonte jusqu’au pied du Sneehattan et reçoit un grand nombre d’affluents, ces agents, qui s’avancaient du N. -N. -O. vers le S.-S.-E. , ont laissé des traces peu nombreuses sur les collines mamelonnées du lac Miosen. Les sulcatures qui sont le plus marquées entre le lac xMiosen et Christiania dérivent du N.-N.-E. , de régions où les cimes sont comparativement peu élevées ; et les forces érosives, au lieu de suivre le cours d’une grande vallée, ont franchi beaucoup de plateaux et de vallons dans un sens oblique à celui de leur al- longement. Classement des directions des stries. Pour classer les directions des sulcatures, j’ai divisé les espaces que j’ai explorés en zones, dont chacune présente une certaine homogénéité et la prédominance de stries disposées de la même 32 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. manière; puis j’ai réuni par tableaux les directions observées dans chaque zone , d’après le même procédé qu’a employé M. Elie de Jleaumont pour les directions des couches de gneiss dans les mon- tagnes des Maures et de l’Estérel (1). Dans ces tableaux, les sulca- îures appartenant à un même système se trouvent disposées par groupes , de façon que dans les zones où il y a plusieurs systèmes , chacun d’eux se manifeste par un groupe particulier qui en in- dique la direction normale. îl est à remarquer que les directions dépendant d’un même système sont réparties sur une étendue an- gulaire un peu grande , qui est rarement inférieure à ; cela provient d’abord de ce que les agents érosifs ont éprouvé des va- riations dans leur marche à travers un pays qui n’est pas tout-à- fait plat, et puis à ce que les stries latérales observées sur les deux côtés des monticules ne présentent pas exactement la même direc- tion que celles tracées suivant une ligne médiane, et il en résulte une cause d’erreur qu’il est impossible d’éviter complètement. Ce mémoire n’étant qu’un résumé des principaux faits que j’ai observés , l’énumération de toutes les directions de stries serait beaucoup trop longue pour y trouver place , vu qu’elles sont fort nombreuses : elle fera partie du mémoire plus détaillé qui doit être imprimé dans les voyages en Scandinavie ; je ne présente donc que les tableaux définitifs. Les nombres de directions relatifs à chaque angle ont été doublés, afin d’éviter la fraction 1/2 ; toutes les directions sont rapportées aux méridiens astronomiques. Système cVérosloiis s'étendant des environs de Calmar (ai lac (V Os ter s and. Dans la région située au midi de Stockholm et de la partie orientale du lac Malar, entre Mariefred , Nykoping , Linkoping , sur le littoral et les îles de l’Archipel de Stockholm, toutes les stries (pie j’ai observées se rattachent à un même système dirigé en moyenne du N. 25" O. au S. 25° E. , et sont pour la plupart com- prises entre le N. 15'^ O. et le N. ù0° O. (voir le tableau n“ 1 ). Ce système d’érosions se montre seul le long du littoral, depuis Stockholm jusqu’aux environs de Calmar, et je l’ai suivi en remon- tant vers le N. depuis Stockholm jusqu’au-delà du 63® degîé de latitude, jusqu’au-delà du bourg de Marby, sur la rive occidentale du lac d’Ostersund, où je les ai vues dirigées de la même manière que sur le littoral de Stockholm . (1) Explication de la carte ^éologicpic de France ^ t. I , p. 465. SEANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 1æ tableau n“ 2 comprend toute retendue de terrain située de- puis Sala jusc|u’à la maison de poste de Rlappa sur le lac d’Oster- simd ;j’ai fait ce trajet en passant par Falun, le lac Siljau, Furii- les men- tionnés dans ce mémoire les directions des sulcatures ne sont pas partout les mêmes ; les unes ont été produites par des forces éro- sives agissant parallèlement au littoral, d’autres par des forces obliques ou transversales venant de la région montagneuse. Ainsi les canaux et les stries de l’île Sandoe et des rivages de Sandesund sont dirigés du N. quelques degrés E. au S. quelques degrés O., à peu près parallèlement au Sandesund et aux découpures de cette partie de la côte. Les sulcatures de File Saasteinholm , dirigées du N. -O. au S.-E., ont été creusées par des forces érosives venant du N. -O. de l’intérieur des terres; par conséquent les sulcatures en forme d’ornières ondulét s et bifurquées ne peuvent être considé- rées comme le résultat du ressac de la mer , ainsi qu’on l’a sup- ])Osé dans les objections qu'a suscitées le mémoire déjà cité. D’ail- leurs les objections qu’ont émises les divers partisans de l’école giacialiste sont essentiellement contradictoires , et montrent com- bien il est difficile de mettre en harmonie avec la théorie glaciaire les érosions c[ue j’ai signalées En effet , M. Agassiz attribue les canaux sinueux et bifurqués à Faction des fdets d’eau qui coulent des glaciers par l’effet de la fusion ; M. Martins les regarde comme produits par le ressac de la mer ; mais Fun et l’autre supposent que c’est par des glaciei s qu’ont été creusées les stries que l’on y voit à l’intérieur M. Escbtr de la Lintli considère FensemJile des stries, des sillons et canaux profonds comme ayant été creusés par des glaciers, et M. Scbinq:)er, au contraire , qui fait aussi partie de l’école giacialiste, prétend que les' sillons , canaux et stries que l’on ( bserve sur le littoral et les îles de la Suède et de la Norvège sont dues tout simplement à Faction de la mer, et qu’ils diffèrent par leurs sinuosités des stries rectilignes que l’on voit à l’intérieur de ces contrées. .F ajouterai queM. Sebeerer, qui habite Gliristiania et qui a visité à plusieurs reprises les localités en question , consi- dère sous le même point de vue que moi les érosions dont est cou- (-1 ) Bulletin de la Société géologique ^ séance du 1 décembre 1 845. SÉANCE 1)L *2 NOVEMÜEE IS/jO. /l7 verte la siiilaee des rochers. (Voir J////, de Poggendorj , 3‘' série, t. yi. Beitrœge zar Keiitnlss des safsti onischcn jrietion plienonien .) St les observées aux environs de p^œrdalsore/i et Levanger. Le tableau n'’ 10 résume les directions de stries que j’ai obsci - vées en descendant du col de Skalstuga vers la mer , le long de la vallée àwSuul-Elv, aux environs de Yœrdalsoren et Levanger, elles appartiennent à un même système dirigé en moyenne à rO. 30" N. Cette direction se rapproche de celle de la vallée de Saul (O. 18° N.) ; mais elle ne coïncide pas tout-à-fait avec elle, et d’ailleurs cette disposition générale des stries reste la même en dehois de la vallée de Suul, sur les collines des environs de Vœr- dalsoren et Levanger. Systèmes d’érosions observés entre Levanger et Drontheim . J’ai réuni dans le tableau n ' 11 les observations que j’ai faites entre Levanger et Drontheim le long du littoral ; les directions y sont réparties suivant des angles très différents. On remarque un premier groupe dirigé au N. 30“ O. , formé principalement par les directions mesurées entre le bourg de Stordalen et Drontheim ; ce groupe se rattache au système sulcateur de la contrée de Roraas, que nous allons faire connaître tout-à-l’ heure, et qui s’est avancé du S.-E. vers le N. -O. Un deuxième groupe dirigé à l’O. 27“ 1/2 N. paraît dépendre du système d’érosions (O. 32° N.) cpie nous avons décrit tOLit-à-l’heure comme étant très développé dans la contrée de Yœrdalsoren et Levanger; car il offre presque exactement la même direction. Un troisième groupe se voit à l’E.-N.-E., et pro- vient de directions observées principalement entre Hammer, Yor- dal et Forbord, le long de vallées étroites dirigées à l’E.-N.-E. et au N.-E. ; mais sur les rochers entourant ces vallées, on voit des érosions dirigées difïéremment, et qui conservent une allure indé- pendante de la configuration du terrain. U y a donc plusieurs systèmes d^ sulcatures que l’on voit fréquemment se croiser sur les mêmes surfaces ; ainsi j’ai remarqué sur les mêmes rochers, entre Haave et Hammer, des stries dirigées à l’O. 20° N., et d’autres au N. ^5» E. , se eoupant sous un angle de 65^^. Entre le bourg de Stordalen et la maison de poste de Hougan , j’ai vu un autre exemple d’intersection, sous un angle de 71°; des stries cou- raient à l’O, 10° N. , et d’autres au N. 9° O. SÉANCE DU *2 NOVEMBEE J8/l(3. /i8 Système d'érosio/is de la cont.ée de Roi aas. Dans le cours des explorations que j’ai faites près de Droutheiin, entre cette ville et Roraas , dans la contrée de Roraas , sur les plateaux ondulés où se trouvent les lacs Fœmund, Ferager, Mal- inagen et Oresund , puis entre Roraas et Jerkind , dans la vallée de la Gloinmen et celle de Foldal, toutes les stries que j’ai obser- vées paraissent se rapporter à un même système dirigé moyenne- ment à rO. 40^ N. (voir le tableau n“ 12 ), et qui s’est avancé du S.-E. vers le N.-E. Ce système s’est développé sur une zone rec- tangulaire très étendue , limitée au N. par le 63® degré 1/2 de la- titude (c’est à peu près le parallèle de Drontheim ), au Midi par le 62* degré, sur lequel se trouvent les cimes des Rundene et le Solen Field ; à l’E. par la ligne de sommités qui sépare la Suède de la Norvège , et sur laquelle surgit la haute cime du Syltliellet (environ 1,880 mètres), à FO. par le massif duSneebattan et la par- tie orientale du Dovre, que traverse la route de Christiania à Dron- theim. Les stries que l’on voit sur cette zone ne divergent aucu- nement des sommités culminantes qui en bordent le contour ; au contraire , elles tendent à affecter un parallélisme général et sont disposées diagonalement du S.-E. au N.-E. Elles dérivent d’une région qui est comparativement plus basse que les hauteurs for- mant les autres parties du périmètre de cette dépression ; elle est située entre le Syltfiellet et les Rundene , et consiste dans un ensemble de plates-foi nies bordant les lacs Fœmund , Ferager et Oresund ^ sur lesquelles s’élèvent plusieurs cimes dont la hauteur est en général inférieure à l,ù00 mètres , sauf deux ou trois som- mités. En outre , les traits principaux de la structure de cette région , tels que les dépressions du Fœmund^ du Ferager\ Istern , etc. , beaucoup de sommités sont alignées du N. au S. ; d’autres acci- dents du sol sont disposés du N.-E. au S.-E.; mais on n’en voit, pour ainsi dire, aucun dirigé du N. -O. au S.-E. ; cependant les .stries suivent une direction généralement constante cTu S.-E. au JN.-O. , et coupent obliquement les principales dépressions, même sur le iiord des vallées un peu profondes ; ainsi dans celle de Fol- dal , on voit en plusieurs endroits , vers le haut du flanc septen- trional qui formait le côté choqué, des stries disposées transversa- lement à la vallée, allant du S.-E ou du S. -S.-E vers le N. -O. ou le N. -N. -O. SKANCE DE NOVEMBRE l8/j6. h9 I.cs stries observées en Scandineivie tendent généralement à se r(ij}j)ra- cher de la direction N -O. S.-E. On ne voit pas quelles causes ont déterminé les agents sulca- teurs de la conti-ée de Roraas et de Drontlieini à se mouvoir sur une grande étendue de pays du S.-E. au N. -O. dans un sens obli- que relativement aux dépressions et aux exîiaussenients du sol. D’ailleurs , e’est un fait assez curieux que dans la plupart des zones observées jusqu’à présent en Scandinavie les sidcatures qui ont une allure propre et à peu ]>rès constante, tendent à se rappro- cher de la direction N. -O. S.-E. ])lutdt que de la direction N.-E. S. -O. ; c’est une tendance générale, mais qui n’est pas absolue. Ainsi les érosions les plus développées dans la partie orien- tale de la Suède sont dirigées du N.-]N.-0. au S. -S.-E. ; mais dans la partie S. -O. elles courent du N. -N.-E., du N.-E., et de l’E.-N.-E. au S. -S. -O. an S. -O. et à l’O.-S.-O; entre la frontière de Norvège et le lac d’Ostersnnd , elles courent de l’O.-N.-O. à l’E.-S.-E. En Finlande les directions des stries sont presque exclu- sivement comprises entre le N. -N -O. et le N. -O. ; sur la côte S.-E. de la Norvège , elles sont pour la plupart du N. -O. au S.-E. ]..es directions des stries que j’ai mesurées eu 1839 , lors de mon ])i emier voyage dans ces contrées , depuis le golfe d’Alten jus- qu’au milieu du haut plateau de la Laponie sont aussi groupées autour de la ligne N. -N. -O. Les sidcatures que M. Keilhau et îll. Siljestrom ont observées en divers points sur la côte occiden- tale de la Norvège , entre Drontheim et Hammerfest , descendent des montagnes vers la mer, en affectant de préférence la direction N.-O. ou O.-N.-O. 11 semble donc cju’une cause particulière ait déterminé la plu- part des agents, cpii ont érodé les rocliers de la Scandinavie , à se mouvoir suivant la direction moyenne N.-O. S.-E. plutôt que suivant d’autres directions. On peut en chercher l’explication dans ce fait que la chaîne norvégienne est dirigée en moyenne du N. -N.-E. au S. -S. -O., et par suite on est conduit à considérer le mouvement des appareils érosifs comme s’étant effectué per- pendiculairement à l’axe de la chaîne ou à la ligne de faîte ; mais cette explication n’est pas entièrement satisfaisante , car les mon- tagnes de cette contrée forment des masses aplaties , détachées les unes des autres , ne présentant point d’axe ni de véritable ligne de faîte ; il y a eu, en général , un mouvement descensionnel , mais bien .souvent il ne s’est effectué ni suivant la ligne de plus grande Soc. géol., 2® série, tome IV. 4 50 SÉANCE DU '2 NOVEMBRE l8/f6. pente, ni suivant la direction des vallées ; tantôt il s’est lait dans un sens presque perpendiculaire à la li^ne de ])artage des eaux , tantôt dans un sens oldique , etc. D’ailleurs, nous avons fait voir qu’il y a quelquefois sur les régions littorales , outre les stries dérivant de l’intérieur des teires, des érosions tracées par des causes qui agis- saient parallèleinent à la côte, ou en s’élevant de la mer vers la teire ferme. On voit donc que le phénomène des érosions dans le nord de l’Europe est beaucoup moins simple qu’il ne le paraît au ]U'emier abord; et quand on cherche à l’approfondir, on y re- connaît un degré de complication que les théories proposées jus- qu’à ce jour ne ])a laissent pas susceptibles d’expliquer complète- ment. Système (Térosiojis observé en Finlande. Le tableau n^’ 13 résume les directions des stries que j’ai obser- vées en 1839 dans la Finlande (1), en allant d’Lleâberg à Hclsing- fors par Garnie i'arleby , le lac de Lappayarvi , Tammerfors et 'l’avastébus, entre Helsingfors et Abo, ])uis en allant d’Helsingfors à Soardawala , et enfin sur les rives N.-N -E. et N. -O. du lac Ladoga. On voit que les directions sont concentrées d’une manière ]>resque exclusive autour de la ligne N. 35° O. , à l’exception de quelques stries observées entre Brahestad et Garnie Carleby, qui s’approchent de l’O.-N.-O. Sur la côte occidentale de la Finlande, les stries s’élèvent du golfe de Bothnie vers la terre ferme; mais, jusqu’à présent , on ne sait pas avec certitude si les actions ércsives ont pris naissance flans le golfe , ou si , comme il est plus probable , elles dérivent de la zone de plateaux montagneux qui séparent la Suède de la Norvège. Si on conçoit les stries prolongées vers le N. -O., suivant la même direction N. 35” O. , elles atteignent la frontière de Norvège , entre le et le 69® degré de latitude ; or, dans la partie de la Suède située à l’E., les fleuves cjui aboutissent au golfe de Bothnie , entre Hernbsand et Tornéâ , sont dirigés en général ^CO ~ IC «cj- IC Cl a- ^ O Cl CO ir I> c g W oeccctcxcr- — COlCa. a a a s a s a a s 3 3 a a a aJCl^-^JCr-ICCO — CC 00 1 IC IC IC IC Cl d ■>!- a. — a- -f Cl CI ©1 «r* •?< O Z icccrc-r-o*--, IC — IC-^'CCI 3 a a s a a a a a 3 a a 3 S a a aCI-^CI a s S Cl 1 CO Z, -^iCsrCI = s s s a-F.^ SlCJCCOCCJCrC-rJOOOOCOJCIC-^CICI a a a 3 a s a 3 : Z S' 5 a 3 SCI'j'OOOlCJCCJ— OCîfC 5 3 a 3 a s a a a s a a e a 3 S S a 3 S = a -r< -r- d Cl CO 1 -iloN 1 S' 3CldlCt^CCI^Æ-!C'<*'CICIS s s s s s 3 ae 3 a aaa 3 aaa a 3 S aS S Z. 1 i 51 51 — i g ae3Saa^lCCOC1Ci — lCCJlCa-aaa3a3aaa3aaaae3aS3a CI IC IC IC d ^ Ë a a a a a c d c o d d d d o z z z z z z z z z z z z z z z z z a ti a ecooo OOOCOOOOOCOCCOOCC OOOOOCOCOOOO JC 0 JC c JC JC e JC 0 JC 0 JC er JC 0 jc o jc o jc jc jc 3 jc o jc o jc o ;c o o Cl Cl ■— -T- — — d d ic IC «f 'S* IC IC CI C’ -r- — Cl d IC ic -jf ■<» vr IC ic Z Z Z Z Z Z Z z’ z' z' Z Z z’ Z Z O O d d d o d o c a a’ a’ a a a a’ a a z’ z z' | Tableau no 1. Directions mesurées dans la région littorale au midi de Stockholm , et sur les îles avoisinantes , entre Stockholm , Nykôping et binkôping Tableau no 2. Directions mesurées entre Sala . Faliin , le lac Siljan , Loos , Berg et Klâppa., 5m le lac d'Oslcrsund. 52 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 184(3. Tableau i>o ô. Directions mesurées enire Stockholm , Upsal, Danemora et Sala. Tableau iio 4. Directions mesurées entre Streiignâs , Thorshalla , Elkistuna , Malmkôpiog! Tableau no 5. Directions mesurées dans la contrée d’Are.skuttan , entre le lac d’Ôslersiind et la frontière de Norvège, Tableau no 6. Directions mesurées sur les bords du Miôsen , entre ce lac et Christiania. Tableau no 7, Directions mesurées entre Christiania et Kongelf. le long du littoral. Tableau no 8. Directions mesurées entre Kongelf et Varberg , le long de la côte orientale du Cattegat. Tableau uo 9. Directions mesurées entre Christiania et Arendal , le long de la région litto- rale, sur les îles avoisinantes et aux environs de Kongsbeig et Modum. Tableau no 10. Directions mesurées entre la frontière de Norvège, Vœrdalsôren et Levan- ger (Fiord de Drontheim). Tableau no 1 1. Directions mesurées dans la zone littorale entre Levanger et Drontheim. Tableau no 12. Directions mesurées entre Drontheim, Rôraas et Jerkind, dans la région des lacs Ferager Fœmund et Oresund. Tableau no lô. Directions mesurées en Finlande, entre Brahestad, Garnie Carleby, Lap- payàrvi, Tammerfors, Tavasléhus , Helsingfors , Abo , Lovisa, Willmatistrand et sur les bords du lac Ladoga. Nota. Toutes ces directions sont rapportées aux méridiens astronomiques. CARACTÈRES DU DEPOT DE TRANSPORT DANS LE NORD DE l’eUROPE. Le dépôt de transport du nord de l’Eiirope constitue une forma- tion géologique non moins remarquable par ses caractères que les formations plus anciennes; son épaisseur, qui est très variable, ])araît atteindre une centaine de mètres dans certaines parties du nord de rAllemagne , de la Russie et du Danemarck ; mais son iléveloppement principal est en surface; il s’étend en rayonnant autour du massif cristallin des contrées Scandinaves jusqu’aux îles Britanniques, d’une part; de l’autre, jusque vers le 50® degré de longitude orientale , et du côté du midi jusqu’au pied des Carpa- thes, des Riesen et des Erzgebirge. Un des caractères particuliers à ce terrain consiste en ce qu’il n’a pas été déposé seulement dans des contrées basses, dans des bassins, mais il se montre avec des ( aractères analogues au niveau même de la mer et à une élévation de plus de 1,000 mètres au-dessus, au sein même des régions montagneuses tle la Scandinavie , sur les lianes des rocliers, de même que dans les plaines. Cette circonstance , jointe à l’absence d’une stratification régulière , à la forme accidentée de la surface du dépôt et à la présence habituelle de gros fragments roulés , montre que les conditions générales de calme et de repos dans lesquelles s’est elfectuée la sédimentation pendant les époques an- térieures, ont été remplacées , pendant la période anté-liumaine , par des conditions particulières d’agitation et de mobilité. Passage entre le terrain diliwien et la formation tertiaire. Néanmoins, dans la partie méridionale de la zone où s’est déposé le terrain de transport , au S de la Baltique , c’est-à-dire à une SÉANCE DU 2 NOVEMBRE l8/i6. 53 assez grande distance des rocliers d’où a été détachée la plus grande partie des matériaux qui ont formé les éléments de la sédi- mentation , il y a , sous le rapport pétrographique , un passage entre le terrain diluvien et la formation tertiaire sous-jacente; celle-ci se compose , en effet , de couches argileuses et arénacées , à rintérieur desquelles il y a des blocs de granité provenant pro- bablement des rochers de la Scandinavie ; mais elle est caractérisée par la présence de bancs de lignite et de coquilles tertiaires , ap- partenant à la période subapennine ou miocène , tandis que les coquilles contenues dans le terrain diluvien sont semblables à celles cjui vivent aujourd’hui dans la Baltique. Toutefois, il est évident que le transport de matériaux très volumineux a pu s’effectuer dans des mers tenant en suspension des détritus aussi ténus que les argiles, et dans lesquels vivaient des animaux marins : c’est pen- dant la période diluvienne que ce transport a eu lieu sur la plus grande échelle; mais il s’est fait aussi pendant la période tertiaire, et maintenant encore il a lieu dans des conditions analogues, c’est-à-dire à l’aide de glaces flottantes, sur les rives de la Baltique, sur les bords des fleuves et des lacs du N. de rEurope. En divers points de l’Europe , les dépôts tertiaires moyens attestent le développement d’actions diluviennes. 11 est à remarquer qu’au midi des Alpes , le terrain tertiaire miocène que l’on voit affleurer sur la colline de Superga, près Turin, contient des blocs très volumineux provenant des Alpes, de même que le terrain du Danemarck formé à la même époque renferme des blocs Scandinaves. J’ai aussi observé que les terrains tertiaires miocènes dans l’O. de la France sont des terrains de transport , argileux et arénacés , renfermant de gros fragments arrachés aux roches palæozoïques , et l’on voit même souvent à leur surface de véritables blocs erratiques dont le volume est supérieiu’ à 1 mètre cube : ces dépôts attestent l’existence de grands courants qui ont couvert d’immenses étendues de terrain, et qui ont érodé les plateaux élevés de même que les plaines basses : ainsi , à la même époque , pendant la période tertiaire moyenne , le sol de différentes parties de l’Europe a été soumis à des actions dilu- viennes. Il paraîtrait , d’après les observations de M. Forchammer, que l’agitation des eaux qui a déterminé le transport des détritus de roches Scandinaves vers le midi , aurait même commencé dès la fiu de la période cretacee ; car on trouve dans le Danemarck ces 5/ï SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. détritus associés à des débris de coraux dans des couches situées à I l partie supérieure de la série crétacée. Grandes accumulations de détritus granitiques. Le terrain de transport formé pendant la période diluvienne renferme , dans le Danemarck et dans le N. de l’Allemagne , une zone argileuse assez épaisse , située au-dessous des couches aréna- cées qui constituent la partie supérieure du dépôt ; mais , au N. de la Baltique, il s’y trouve fort peu d’argile, et la masse principale est formée de détritus siliceux , ou plutôt granitiques. Des matériaux de diverses grosseurs provenant des roches primitives de la Scan- dinavie ont été transportés du N. vers le S., et ont formé des accu- mulations très épaisses sur les plaines et les plateaux de la Norvège, de la Suède et de la Finlande , au N. et au S. de la Baltique , et nécessairement aussi au fond de cette mer , qui paraît avoir été la partie centrale et la plus profonde de l’immense bassin diluvien. J’ai décrit précédemment (1) les caractères généraux du terrain de transport et des blocs erratiques en Finlande , en Russie, en Pologne , en Allemagne et dans le Danemarck. Je me bornerai donc à indiquer les principaux faits que j’ai observés dernièrement en Suède et en Norvège. Les accumulations de détritus primitifs qui couvrent la majeure partie du sol de la Suède et de la Finlande présentent diverses dis- positions, et donnent lieu à des accidents de terrain de formes très variées : on désigne généralement , en Suède , ces accidents sous le nom de as (au pluriel àsars) ; mais on appelle ainsi les élévations de terrain formées principalement de roc solide , et ne présentant que des lambeaux superficiels de dépôt de transport , aussi bien que les collines composées entièrement de terrain meuble , et l’on dé- signe même habituellement ces dernières sous le nom à.d sandas ou colline de sable , car le dépôt qui les forme est , dans la plupart des cas , principalement sableux et graveleux . Dispositions principales du terrain de transport déposé sur les collines granitiques de la Suède. Souvent le terrain de transport a nivelé les inégalités que pré- sentaient les collines granitiques , et a produit des plateaux et des Voyages en Scandinavie, etc. — Géologie. Par J. Durocher. Et Bulletin de la Soc. géol., séance du 1®*’ décembre 1845. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE I8/1O. 55 plaines d’une horizontalité remarquable ; d’autres lois les détritus ont été répandus comme un manteau à la surface du roc solide , et alors ils ont conservé la forme arrondie , conchoïde des mame- lons de granité et de gneiss. Cependant le dépôt s’est fait de pré- férence sur le côté méridional , ou plus généralement sur le côté abrité des rochers , et quelquefois il se présente, comme au Kin- nekulle , sous forme d’une longue traînée. Les entassements de débris que l'on voit sur le flanc ou au pied des collines ont sou- vent la forme de monticules mamelonnés , jonchés de quartiers de rochers de plus de 10 mètres de longueur, « es blocs gigantesques sont coucliés pêle-mêle , les uns reposant à la surface du dépôt de graviers et de cailloux , les autres enfoncés dedans. Qiiekjuefois le dépôt de transport simule un amphithéâtre ou un cirque, comme on le voit aux environs de la fonderie de canons d’Aker; il semble que ce soit l’effet d’un grand remous des eaux ; ailleurs on y re- marque des cavités en forme de bassins , de fonds de chaudière. Beaucoup de lacs en Suède , et principalement en Finlande , pa- raissent occuper le fond de cavités situées au milieu du terrain sableux , et sont allongés parallèlement à la direction générale des stries dans la contrée environnante. Formes diverses des âsars entièrement composés de terrain meuble. Les figures 2 , 3 , A et 5 représentent les formes principales qu’affectent les âsars , loisqu’ils sont entièrement composés de terrain meuble : très fréquemment , à la surface des plaines dilu- viennes très unies , on voit des exhaussements en forme de dômes surbaissés ou de calottes sphériques (voir la fig. 2), ayant de 3 à 6 et 8 mètres de hauteur , et parsemés de gros blocs anguleux. La fig. 3 indique des collines allongées en forme de c haussées aplaties , semblables à la Serra du Piémont , déposée à l’embou- chure de la vallée d’Aoste dans la plaine ; cette forme est princi- palement développée dans la partie de la Suède que traverse le 60® degré de latitude , et qui est la plus fréquentée ; aussi a-t-elle été particulièrement remarquée ; mais elle n’est pas inhérente aux âsars d’une manière absolue, Ces chaussées sont souvent ébré- chées ( fig. k ) ; elles ressemblent fréquemment à des prismes triangulaires, dont la section est représentée fig. 5. Elles se voient , en général , dans les parties plates de la Suède , à la sur- face des plaines ou des plateaux ; mais on en trouve aussi sur le bord et dans le fond même des vallées : dans ce dernier cas , elles ont presque toujours en coupe la forme triangulaire ; et il n’est pas SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1840. ÔO rare de voir trois ou quatre de ces traînées de détritus disposées parallèlement et formant des sillons inégaux , comme c’est indi- qué dans la fig. 6, dessinée entre Ofvre Hogdal et Ratan (Jemtland). Quelquefois les âsars , aplatis en forme de terrasses , sont parse- més de monticules et disposés en forme de dômes semblables à ceux que j’ai dessinés ( lig. 7 ) entre la petite ville à'Halmstad et la maison de poste de Karrby. Directions des àsnrs dans la partie S.-E. de la Suède Quant à la direction de ces collines allongées et de ces chaussées aplaties ou à section triangulaire, elle est en rapport évident avec le phénomène des érosions. Nous avons vu que les stries et les sillons ne sont pas dirigés du N. au S. dans toute l’étendue de la Scandinavie; il en est de même de ces âsars, et les observations que j’ai faites dans les différentes régions où j’ai voyagé m’ont amené à conclure que les traînées de détritus sont généralement allongées dans le sens du système d’érosions cjui prédomine dans chaque zone , et , ce qui est encore plus remarcjuabte , c’est que dans les régions où il y a plusieurs systèmes de stries , il y a sou- vent aussi plusieurs systèmes d’âsars ou de traînées de détritus. Ainsi , j’ai mesuré la direction de plusieurs groupes d’âsars au nord d’Upsal , et j’en ai vu qui sont dirigés au N.-N.-E. et d’au- tres au N. -N. -O. Ce fait se reconnaît même sur les grandes traî- nées de terrain meuble qui sont indicj[uées sur les cartes d’iiermelin et Forselle , et à la surface desquelles sont ordinairement éta- blies les routes ; cependant il faut noter que ces traînées , qui se prolongent à de très grandes distances ne forment pas en gé- néral des âsars tout-cà-fait continus , mais des séries ou de petites cliaînes d’âsars successifs. La ligne d’âsars la plus considérable de rUpland , celle qui va d’üpsal à l’embouchure du Z)c//c/ dans la mer, près de Gefle , présente certaines parties dirigées du N. au S. ; neanmoins elle affecte plus généralement la direction N. 15“ O. ; mais à l’est de cette ligne , il y a d’autres séries d’âsars c|ui courent entre le N. -S. et le N .-N.-E. sur de très grandes étendues ; ainsi O O il en est une C|ui s’étend à l’est de Sigtuna de Ashy à Ashusby du N. 13“ E. au S. 13“ O. sur 8 kilomètres, une autre, dirigée N. 15" E., s’étend sur 20 kilomètres de Lâby à Tobo ; une autre, dirigée N. 30’ E., se prolonge de Caiiholm , au bord de la mer ^ jusqu’auprès d’ Clfors, sur 28 kilomètres. Plus à l’Ouest , dans la IVestmanie , aux environs de Westerâs , SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. 57 Kôping , Nora , etc. , les lignes d’asars sont habituellenient diri- gées, non plus entre le N. -S. et le , mais entre le N. -S. et le jN .-N.-O. ; il y en a un grand nombre que l’on peut suivre sur des distances fort considérables ; je citerai pour exemple celle qui s’étend sur 28 kilomètres de longueur du IN. 18" O. au S. 18® E. , depuis Fellingsbro ( entre Linde et Arboga ) jusqu’à File Winb dans le Hjelmar; elle se dessine même au milieu de ce lac sous forme de bancs de sable. Direction des àsars en Finlande. En Finlande , où les sulcatures sont dirigées en moyenne du N. 35" O. au S. 35 E. , les terrasses de dépôt de transport que j’ai eu l’occasion d’observer sont allongées dans le même sens ; mais il faut, en général, avoir soin d’examiner si les âsars sont com- posés entièrement de terrain meuble ou si ce terrain forme sim- plement une couvei ture au-dessus des rocbers graniticjues , car alors leur direction peut être fort difïérente de celle des stries. Directions des âsars dans l’Est du Jenitland. Entre le lac d’Ostersund et la frontière de Norvège, dans la par- tie orientale du Jemtland , où la plupart des sulcatures sont diri- gées de FO. -N. -O. à FE.-S.-E., les collines diluviennes sont al- longées dans le même sens. Mais sur la côte S. -O. de la Suède , on voit des terrasses telles que celle représentée pai- la fig. 7 (entre Hcdmstad et Karrby)., C|ui sont allongées du N.-E. au S. -O., c’est- à-dire suivant la direction principale des stries dans cette contrée. Nous avons vu que dans les vallées norvégiennes dont les flancs sont continus et un peu élevés , les stries suivent la direction du Thalweg , il en est de même des traînées de graviers et de cail- loux que l’on rencontre frécjLiemment dans les parties où ces val- lées ont une largeur un peu grande. Dans les vcdlées de la Suède le dépôt de transport ne présente pas de terrasses en gradins connue dans les vallées des Alpes et des Pyrénées. On ne remarque pas en Suède le phénomène des terrasses dilu- viennes disposées en gradins, qui se montre si bien développé dans les grandes vallées des Alpes, des Pyrénées, voir fig. 8, des Vosges, et quelquefois aussi dans le nord de FAlletnagnc , où les grands 58 SÉANCE DU 2 NOVEMISIIE l8/l6. fleuves, tels que l’Elbe, l’Ocler, etc., coulent à un niveau de 30 mètres environ au-dessous de la surface du dépôt diluvien : ces terrasses en gradins sont dues à ce que les eaux ont creusé leur lit au milieu d’un terrain de transport d’une assez grande épais- seur, et l’ont approfondi à plusieurs époques successives , entraî- nant avec elles les matériaux dont il est composé. Or les grands fleuves de la Suède , le Dal-Elf, le Ljusne-Elf, le Gota-Elf, etc., ne coulent j)oint entre des parois rocheuses continues ; ils sont simplement bordés de collines détachées et laissant entre elles des irjtervalles vides : on comprend alors que les courants diluviens de la Suède n’ont point été resserrés entre des barrières continues, mais se sont répandus uniformément sur toute la contrée. Par suite il y a eu difl'usion des matériaux transportés sur de très vastes surfaces, et non agglomération au sein des vallées, d’autant plus que le mouvement des agents de transport a eu lieu, dans beaucoup de cas, obliquement par rapport à ces vallées. En outre, leur fond n’offre pas une pente graduelle et continue , mais une succession de parties plates, souvent occupées par des lacs, et de cascades for- mant comme des barrages naturels ; des fleuves })lacés dans de semblables conditions ont peu de tendance à approfondir leur lit, et se rapprochent des rivières canalisées. Ces digues de granité et de gneiss maintiennent le niveau des eaux dans des conditions de fixité cj[ui contrastent avec le changement perpétuel de niveau qu’éprouvent beaucoup de grandes rivières de l’Europe , lorsque leur régime n’a pas été réglé par des travaux d’art. Les stries que l’on remarque en beaucoup d’endroits disposées obliquement sur les rochers des cascades, et que n’a pu encore dé- truire l’eau qui coule sans cesse à leur surface, montrent combien est faible l’action érosive de l’eau lorsqu’elle est pure ; elles at- testent aussi que ces barrages ou ces repères naturels sont encore aujourd’hui tels qu’ils étaient à la fm de la période diluvienne , et par suite les eaux de ces fleuves ont été maintenues entre les mêmes limites depuis cette époque jusqu’à présent. Dans les vallées norvégiennes il y a des terrasses de dépôt de trans-‘ port semblables à celles des Alpes et des Pyrénées. Dans les régions montagneuses de la Norvège, il y a des vallées bordées de flancs continus, comme dans les Alpes, les Pyrénées et les Vosges, et dans les parties où le dépôt de transport est un peu épais , on y remarque souvent de belles terrasses disposées en gra- dins , ayant jusqu’à 20 et 30 mètres de hauteur; ainsi leur ab- SÉANCE DU 2 NOVEMBHE 18/16. 59 sence en Suède et en Finlande tient uniquement à une difléience dans la structure du terrain. La formation des magnitiques ter- rasses que l’on voit près de rembouchure des larges vallées norvé- giennes dans la mer, ainsi dans les anciens fiords de Drontlieim , de Fœnlalsoren, dans le Finmarck, etc., paraît dépendre de Fac- tion des eaux marines, lorsqu’elles s’élevaient plus haut qu’aujour- d’iiiii ; mais il y a aussi des terrasses à une altitude de 5 à 600 mè- tres au-dessus de la mer , ainsi dans les vallées de Foldal, de la Glommen , du Guldbrandsdal , etc. Nature des matériaux eonstituant le terrain de transport. Les matériaux constituant le terrain de transport du nord de l’Europe sont des détritus sableux , argilosableux , des gi aviers , lies cailloux et fragments divers plus ou moins usés et arrondis ])Our la plupart : quant aux blocs erratiques , les plus gros et ceux qui ont les arêtes tout-à-fait vives et les angles aigus se voient à la surface du dépôt ; ceux que l’on trouve à l’intérirur sont en général plus petits, ont les angles moins aigus, et beaucoup sont grossièrement arrondis. Quand le dépôt erratique forme des en- tassements irréguliers sur le flanc des collines, le mélange des ma- tériaux est plus confus, les cailloux et les gros fragments y sont en général plus abondants ; sur les plaines ou les plateaux qui ont été nivelés, et dont la surface se rapproche d’être horizontale, de même que dans les âsars en forme de larges chaussées plates , ou dans les terrasses en gradins des vallées norvégiennes , le dépôt de transport est plus sableux et graveleux , les cailloux y sont moins volumineux et mieux roulés, les blocs d’un volume de plusieurs pieds cubes se rencontrent plus habituellement à l’intérieur des dépôts qui renferment beaucoup de cailloux roulés, mais j’en ai aussi remarqué dans les parties formées de graviers ou de sable presque pur. D’ailleurs nous avons déjà dit que ces dépôts présen- tent quelquefois des indices de stratification , et offrent un com- mencement de triage des éléments d’après leur grosseur et leur nature. Les dépôts sont principalement sableux et graveleux avec mélange de fragments roulés. Cependant l’un des caractères principaux des terrains de trans- port dans le nord, de l’Europe consiste en ce que, excepté à la surface, les gros fragments y sont en faible proportion, compara- 60 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE iSllÔ. tivemcnt aux menus détritus; ce sont principalement des depots sableux et graveleux , mélangés d’une quantité plus ou moins grande de cailloux roulés, et c’est ce qui leur a fait donner le nom de collines de sable, sandàsnr. Entre ces collines et les moraines abandonnées par les glaciers , il y a des différences notables sous le rapport de la configuration extérieure, de la grosseur des ma- tériaux , de leur état de conservation et de leur distribution : les moraines n’ont pas la forme de terrasses ou de larges chaussées aplaties en liant, et à section trapézoïdale ; il s’y trouve en géné- ral plus de gros fragments , les matériaux y sont plus anguleux , mélangés confusément , et ne présentent pas cette répartition par zones de sable et de cailloux que l’on remarque fréquemment dans le nord de l’Europe. D’ailleurs les blocs erratiques gigantesques , s’ils avaient été transportés par des glaciers , devraient se trouver ex- clusivement dans les accumulations de débris offrant les caractères des moraines , et l’on ne conçoit pas comment ils pourraient se trouver à la surface de dépôts qui présentent les caractères évidents de formations aqueuses. En outre, beaucoup de ces blocs provien- nent de contrées basses qui ont été entièrement couvertes par les agents érosifs, et, par suite, ils ne peuvent résulter d’éboulements ayant eu lieu au-dessus des glaciers que l’on suppose avoir strié la surface de ces collines : ils auraient alors l’origine qui leur a été attribuée par M. de Charpentier , savoir qu’ils auraient été arrachés par les glaciers à leur fond, et se seraient élevés progres- sivement à leur surface ; mais cette opinion me paraît difficile à admettre , d’autant plus que les très grands blocs cpi gisent à la surface des dépôts de transport ne présentent pas de traces de frottement. Ahondancc des fragincnts erratiques d'une niénie espèce autour de leur gisement originaire ^ et ailleurs prédominance des fragments granitiques . Comme l’ont remarqué MM. de Verneuil et Murchison ,' il y a des régions où les blocs erratiques sont beaucoup plus abondants qu’ailleurs , et dans les lieux où ces blocs sont très gros , très rap- prochés et tous de la même espèce, ils ont été amenés de petites dis- tances ou n’ont même été que déplacés ; mais il n’en est pas ainsi dans d’autres régions où il y a des blocs de natures très diverses et aussi très abondants et formant comme une mosciïque, ainsi que je l’ai remarqué près de Falun et en beaucoup d’endroits, principalement sur les côtes de la Baltique. D’ailleurs , l’abondance des fragments Si' A ^ CE DC *2 lAOVEMltUE I8/1O. 61 rn atiqucs d’une inèine espèce autour de leur gisement originaire est un l'ait général, qui n’a pas lieu seulement en Norvège, en Suède et en Finlande , mais aussi au midi de la Baltique ; ainsi dans le voisinage des points où aflleurent des roches secondaires , du calcaire crétacé, par exemple, les fragments arrachés à ce terrain prédominent , mais seulement dans un cercle circonscrit autour de ces affleurements ; car à une certaine distance, là où le roc solide est recouvert par une grande épaisseur du dépôt de transport , ce sont les blocs et cailloux formés de granité, c’est-à-dire de la roche la plus répandue en Suède et en Finlande , qui redeviennent pré- dominants. Causes de la prédominance du granité dans les dépôts erratiques du nord de l’Europe ^ des Jlpes et des Pyrénées. Lors de mes differents voyages en Russie , en Allemagne , en Danemarck , en Suède , Norvège et Finlande , j’ai observé que les blocs de granité sont beaucoup plus abondants et plus gros que ceux de gneiss et des autres roclies stratifiées , et c{ue leur propor- tion est beaucoup plus grande qu’elle ne devrait être, même eu égard à la distribution relative du granité et des roches schis- teuses à la surface de la Scandinavie. ¥ne observation analogue peut être faite pour le terrain erratique des Alpes et des Pyrénées; ainsi l’on trouve, sur le versant méridional du Jura, beaucoup plus de blocs de granité que de roches stratifiées ; et il en est de même dans les vallées pyrénéennes. Cela me paraît provenir de la tendance du granité à se diviser suivant des surfaces concboïdales, tendance déjà signalée par AI. de Bucb ; en outre , sous l’in- fluence des causes atmosphériques, les roches pyrogèiies ou mas- sives se divisent plus facilement en fragments volumineux que les roches schisteuses ; et, en vertu de leur plus grande dureté, ces fragments se conservent mieux dans le transport. D’ailleurs, la démolition des roches qui a fourni une si énorme quantité de gros blocs livrés au transport , ne me paraît pas avoir eu lieu exclusivement pendant la période diluvienne , mais aussi bien des siècles auparavant , et avoir été activée par la rigueur du climat qui est si favorable aux effets destructeurs de la congéla- tion de l’eau infiltrée dans les fissures des roches. La présence des blocs gigantesques à la surface du dépôt de transport de la Scandinavie, montre que c’est vers la fin de la période où il se formait que se sont rencontrées les conditions les plus favorables au transport de ces grands quartiers de rocliers ; 6‘2 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE I8/16. ils présentent souvent dans leur gisement des circonstanees ana- logues à celles qui ont été remarquées en Suisse, comme le montre un gros bloc de granité que l’on voit à 800 mètres environ à l’O. des mines de Falun ; il a 8 à 9 mètres de long sur 6 de large et U de hauteur ; il est divisé en deux parties et paraît s’être brisé en tombant. Le transport des blocs erratiques du Nord a été effectué par des glaces flottantes . J’ai démontré, dans un précédent mémoire (1) , que les blocs erraticpies répandus dans le nord de l’Allemagne et le Danemarck, se trouvant associés à des dépôts coquilliers, n’ont pu être trans- portés par des courants violents, qui auraient brisé les coquilles , mais par des glaces flottantes , et j’ai cité , à l’appui de cette ma- nière de voir, leur disposition en amas, en couronnes ou demi- anneaux sur les flancs des collines , et en général , leur abondance beaucoup plus grande sur les élévations de terrain que dans les dépressions. Cela résulte de ce que les radeaux de glace qui les transportaient ont été arrêtés sur les collines qui formaient alors des îles ou des bas-fonds , et en déposant leur chargement , elles y ont laissé une grande quantité de blocs , tandis qu’ailleurs ils sont disséminés isolément. Le même caractère général se mani- feste en Suède ; c’est à la surface des âsars, cjui forment des exhaussements sur les plaines diluviennes, que les blocs erratiques forment des groupes ; iis sont habituellement plus nombreux et en amas plus considérables sur les élévations de terrain que dans les parties liasses. Les glaces flottantes ne proviennent pas de glaciers situés sur les régions de Vancienne mer Scandinave . MM. iViurchison et de Verneuil regardent aussi le transport des blocs erratiques comme s’étant effectué à l’aide de radeaux de glaces flottantes ; mais dans l’explication de ce phénomène , ils ont attribué aux glaces une autre origine que celle indiquée dans mon précédent mémoire : ils supposent c{ue des glaciers bordaient l’ancienne mer diluvienne, dont les rivages se trouvaient au pied de la chaîne de montagnes qui sépare la Suède de la Norvège et de la Laponie ; des masses de glace, détachées de ces glaciers, auront (1) J'oyage en Scandinavie . — Géologie , par J. Durocher. SÉANCE 1)1 2 NOVEilir.KE (53 cmpol U' avt c elles les liion s qui se trouvaient à leur surface , et auront déposé leur eliargeiueut à tle très giandes distances. Blais cette bande luontagneuse, d’où auraient été détachés les blocs, est composée principalement de roches schisteuses, et le granité y est en petite quantité , tandis que la plus grande partie des blocs transportés vers le Midi est formée de granité : la natin e et la com- position minéralogique des matériaux déposés au sud de la Balti- que dans les parties méridionales de la Suède, montrent qu’ils proviennent des collines basses et mamelonnées de la Suède et de la Finlande plutôt que des hautes régions. Les blocs ont été saisis sur presque toute la surface des contrées soumises aux actions « rratiques , même dans les régioîis situées au midi de la Baltique, (émoins les l)locs de calcaire jurassicpie de la Pologne et ceux de calcaire à bélemnitcs du nord de l’Allemagne ; mais ces roches étant beaucoup moins dures et moins tenaces que les roclies gra- nitiques de la Scandinavie , les IjIocs qui en proviennent sont res- serrés dans des zones circonscrites autour de leur gisement origi- naire, et n’ont pas été transportés à d’aussi grandes distances. Puisque les hlocs erratiques proviennent principalement de l’inté- rieur des contrées Scandinaves et non de la bande montagneuse située entre la Norvège et la Suède , on ne peut admettre que la glace qui les a transportés ait été détachée de glaciers situés entre les montagnes sur les rivages extérieurs du bassin diluvien ; une semblable origine pourrait être vraie ]îOur quelques blocs prove- nant des régions élevées ; mais ce n’est pas le cas général. Il y a eu dans ce phénomène des circonstances locales d’une certaine complexité ; mais l’explication cjui me paraît la plus simple et qui rend le mieux raison de l’ensemble des faits, est celle que j’ai dé- veloppée dans le mémoire déjà cité ; elle consiste à supposer cpic pendant les hivers de la période diluvienne , plus froids qu’ils ne le sont aujourd’hui, des glaces d’une assez grande épaisseur se sont formées sur des côtes basses et ont cjuprisomié les blocs qui s’y trouvaient , et ensuite ayant été mises à flot lors des débâcles du ])rintemps , elles les ont transportées au loin. Ce phénomène qui se produit encore aujourd’hui , sur une petite échelle, sur les côtes de la Baltif|ue , sur les bords des fleuves et des lacs du nord de l’Europe , a dû avoir lieu pendant tonte la série d’années où s’est faite l’émersion graduelle des contrées Scandinaves , émersion par suite de laquelle les niveaux relatifs des roches et de la surface des eaux ont varié d’une manière successive. il est plus dilhcile d’expliquer le transport des l^locs erratiques ([lie l’on rencontre fréquemment sur le haut des sommités très éle- 6/l SÉANCE DU '1 NOVEMBRE 1846. C vées , sur A l eskuttan , par exemple , à une altitude de 1 ,48^ mètres ; mais ees bloessont , en général , beaueoup moins gros que eeux des contrées basses ; leur volume dépassé rarement 2 mètres eubes , leurs angles sont aussi moins aigus ; ils sont analogues à ceux que Ton trouve à l’intérieur des dépôts des débris entassés eonfusément sur le penchant des collines ; leur transport se conçoit plus aisé- ment, sans avoir besoin de recourir à des glaces flottantes, que celui de blocs ayant un volume de plus de 100 mètres cubes et ne présentant aucune trace de frottement. Dépôts formés dans les ravins sur les flancs des hautes montagnes en Suède et en Norvège. .l’ai encore à signaler une manière d’être sous laquelle se pré- sentent quelquefois les dé])ots de transport de la Scandinavie , mais seulement dans les régions montagneuses de la Suède et de la Norvège, et cette manière d’être est la seule qui me paraisse offrir quelque analogie avec les moraines des .glaciers ; ce sont les dépôts occupant le fond des l avins ou de vallons étroits , fortement inclinés , peu étendus en longueur et aboutissant à une crête de montagne ou à un plateau élevé (fig. 8). On y voit une accumula- tion confuse de débris de divers grosseurs , qui difïère des âsars diluviens , non seulement par la forme, mais aussi en ce qu’il s’y trouve généralement moins de sable et de menus détritus , et en ce que les fragments , bien qu’un peu usés par frottement, ne sont pas arrondis comme dans la plupart des âsars , et au lieu de pro- venir de lieux éloignés , ils ont été détachés du massif mpnta- •gneux sur le penchant duquel ils se trouvent; les torrents ont babituellement creusé leur lit au milieu de ces dépôts , et y ont fait des coupes sur lesquelles on peut en étudier la composition. On en voit beaucoup d’exemples dans les ravins ou petits vallons qui «lescendent du Dovre , du Langfield , etc. , et débouchent dans les vallées principales ; sur le penchant d’Aretkuttan et des mon- tagnes qui sépaient la Suède de la Norvège. On voit des accu- mulations de débris du même genre dans les ravins ou décou- pures que présente le flanc dts montagnes dans les Alpes et les Pyrénées. Remarques sur V origine de ces dépôts. Les partisans de l’école glacialiste considèrent ces dépôts comme d’anciennes moraines ; cependant leur origine est problématique, et SÉANCE 1)1 *2 N()ve:«îîiik l8/i(5. 1)5 ^yeut se rattacher à des causes diverses : ainsi ils peuvent avoir été formés par des courants boueux ou d’énormes avalanches de dé- bris provenant d’une fonte subite de neiges et de glaces , ou bien ils peuvent être le résultat d’une accumulation de détritus entraî- nés de dessus la pente des rochers à la fonte des neiges, qui a lieu chaque pri ntemps ; c’est surtout dans le nord de rEuro])e que la sur- face des montagnes est couverte de débris , et souvent il est presijue impossible de voir la roche en place. Au-dessous des grandes pla- ques isolées de névé , qui sont couchées sur le flanc des hautes sommités , dans les crevasses ou les ravins, et qui forment comme des glaciers éphémères, j’ai remarqué des amas souvent fort consi- dérables de gros et petits fragments, de menus détritus , constam- ment imprégnés d’eau par la fonte des névés , et formant une masse boueuse qui glisse le long de la pente du terrain , et coule sous les pieds lorsqu’on se hasarde à marcher dessus. Il en résulte des dépôts qui sont égalisés par les eaux , et qui ressemblent à ceux que l’on trouve aujourd’hui dans les ravins, à un niveau beaucoup plus bas , à 500 mètres seulement au-dessus de la mer. Quelle que soit l’origine de ces derniers, il faut distinguer les actions locales qui les ont produites des actions générales qui ont formé les dépôts des grandes vallées ou des plaines , et qui ont produit de profondes érosions sur le flanc des montagnes. Je n’ai point vu dans ces ra- vins de stries ni de sillons disposés dans le sens de leur inclinaison; mais , sur les rochers qui les bordent , on voit très souvent des stries peu éloignées de l’horizontalité , disposées parallèlement à l’axe des montagnes , c’est-à-dire dans un sens à peu près transver- sal à ces ravins. Distinctian des actions locales et des actions génêmles facile à Areskuttan. O Sur le massif d’ Areskuttan , qui est foi mé de micaschiste , la distinction est facile à faire ; dans le ravin le long duquel descend le torrent qui fait mouvoir les soufflets de l’iisine à cuivre d’/Iasa . est un dépôt formé de gros fragments non arrondis et de menus détritus de micaschiste détachés de cette montagne , et descendus de la crête vers le lac Kalln ; mais , sur le versant septentrional de cette montagne , on voit en beaucoup d’endroits une petite couche de sable , de graviers et de cailloux bien arrondis , les uns de mica- schiste et de gneiss, les autres de granité, et il s’y trouve aussi des blocs erraticjues de granité. Quant aux stries que j’ai vues sur cette montagne et à son pied, elles sont toutes disposées à peu près pa- Soc. géol. , 2^ série , tome IV, .5 66 SÉANCE DU "1 NOVEJIBRE 18/|6. rallèlement à l’axe, ou coupant l’axe sous un angle de 15 à 20®; mais je n’en ai vu aucune qui soit disposée dans le sens des ravins ou transversalement, et que l’on puisse rattacher aux actions lo- cales qui ont formé les dépôts de débris remplissant le fond de ces ravins. Ainsi le phénomène des sulcatures et des dépôts de transport est complexe ; il y a eu des actions locales , resserrées dans des ravins ou des valions étroits , et des actions générales , qui se sont déve- loppées d’une manière continue le long des vallées, sur les plateaux ondulés et sur les collines mamelonnées de la Scandinavie : c’est à celles-là que se rattachent les grands systèmes d’érosions , qui se sont étendus , comme nous l’avons fait voir , sur d’immenses sur- faces, en suivant des directions généralement constantes. OBJECTIONS A l’hyPOTHÈsE DES GLACIERS QUI AURAIENT COUVERT TOUTE LA SCANDINAVIE. En décrivant quelques uns des caractères des érosions et des dépôts de transport du nord de l’Europe, j’ai montré que la théo- rie glaciaire ne peut pas en rendre raison ; je vais indiquer ici quelques autres oljjections reposant sur ce principe, que la Scandi- navie n’a ])u offrir l’ensemble 'des conditions que nécessitent la formation et le déx^eloppenient des glaciers actuels. Deux caractères essentiels aux phénomènes erratiques du nord de V Europe. Deux caractères essentiels spéciüent les phénomènes erratiques du nord de l’Europe , et les distinguent de ceux des Alpes et des Pyrénées : 1° Leur développement principal a eu lieu non au sein d’une région montagneuse , mais sur des surfaces plates , ondulées , ma- melonnées, et jusqu’à des distances de plus rie 200 lieues des hautes montagnes (en Finlande). 2® Bans beaucoup de régions , ainsi dans la partie de la Suède ejui est située au midi du 64® degré de latitude , et dans certaines parties ele la Finlande, le mouvement général des agents erratiques ne s’est pas fait dans le sens des pentes suivant lesquelles coulent les fleuves actuels, mais dans un sens oblique ou presque transver- sal, et souvent il a eu lieu en remontant; nous allons citer plu- sieurs exemples de mouvements ascensionnels sur des distances considérables. SKAX'.E DU 2 .NOVKMHUE I8/1O. 07 Difficultés rclatices an développement des glaciers en Suède et en Finlande. Jusqu’à présent oo n’a observé de glaciers que dans des régions montagneuses; eependant des géologues fort distingués , et entre autres M. de Charpentier, prétendent que les montagnes ne sont pas nécessaires à la formation des glaciers : « ce n’est, suivant lui, (jue leur climat froid neigeux et pluvieux qui détermine la forma- tion , le développement et le mouvement des glaciers. » Mais cette manière de voir me paraît incompatible avec les faits que j’ai ob- servés dans les contrées boréales : ainsi sur le plateau de l’île (dierry (île de l’Ours), à l’île d’Amsterdam, à l’île des Danois, etc., qui se trouvent à peu près à la limite des neiges perpétuelles , on ne voit pas de glaciers , bien que leur climat puisse être pris pour type des climats insulaires ou maritimes, bien qu’il soit aussi neigeux et aussi humide que celui d'aucun lieu du monde ; ces îles ont cependant une assez grande étendue, et il s’y trouve meme des cimes qui ont jusqu’à 300 mètres de hauteur (à l’île Cherry). Dans mon dernier voyage en INorvége , j’ai encore eu l’occasion de me convaincre que sur les terrains plats on ne voit pas de gla- ciers susceptibles de se mouvoir, et tle transporter au loin des dé- bris de roches , que la présence de sommités isolées est même in- suffisante pour leur formation , et qu’elle n’a lieu que là où s(' trouve un groupe de rochers ou un massif décoiqié en plusieurs parties laissant entre elles des gorges ou des dépressions. Les gla- ciers étant dans l’origine d'épaisses accumulations de neige qui, eu descendant vers des zones atmosphériques de plus en plus chaudes, se changent peu à peu en glace par rimbibition de l’eau et la con- gélation , il est évident que des gorges environnées de pies, et emmagasinant toute la neige qui tombe autour d’eux, et qui glisse suivant les pentes du terrain, de même que l’eau pluviale et celle prov^enant de la fonte superficielle , ces gorges doivent offrir les conditions les plus favorables à la formation des glaciers. Si la couche de neige tombée pendant l’hiver à la surface d’un sol plat et incomplètement fondue pendant l’été pouvait donner naissance à un glacier qui serait nécessairement d’une faible épaisseur, et si l’on supposait que ce glacier s’avança t du nord vers le midi , comme cela aurait eu lieu en Suède et en Finlande , il aurait été fondu avant de pouvoir parvenir à une grande distance de son origine ; car même au Spitzberg , à la limite des neiges perpé- tuelles , sous un des climats les plus froids et les plus neigeux que 68 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. l’on connaisse , des surfaces inclinées de quelques degrés seuleineid et tournées vers le midi se dé[)ouillent de neige pendant la courte durée des étés. Les glacialistes qui ont voulu appliquer leur théorie au nord de l’Europe ont raisonné en général dans la supposition de glaciers locaux et circonscrits aux rochers d’où ils étaient partis; nous avons vu qu’il y a eu en effet des actions locales , mais que la dis- position des grands systèmes de sulcatures atteste l’existence d’ac- tions générales , développées dans un même sens sur une grande étendue de pays , ce qui est aussi confirmé par l’orientation des âsars , et par le transport des blocs erratiques que l’on trouve au midi de la Baltique, à des distances de plus de 200 lieues de leur origine. Inclinaison de la zone erratique dans la Suède orientale.' Nous avons reconnu dans la partie orientale de la Suède un grand système d’érosions, tout-à-fait continu , qui s’est étendu sur 750 kilomètres de longueur, depuis le lac d’Osteisun.d jusqu’aux environs de Calmar ; or, supposons que l’on trace une ligne droi((‘ suivant la direction moyenne de ce système de stries (N . 22° 1/2 O. ; : elle s’étendra de la rive occidentale du lac d’Ostersund jusqu’aux environs de Nykoping , sur une longueur de ù80 kilomètres. ^ i les agents érosifs sont partis non du bassin d’Ostersund , mais de sommités situées plus au N., ils ont dû descendre dans cette dé- pression pour la traverser ; car elle est disposée obliquement à leur direction , et iis ont tracé des stries sur ses bords , à une altitude de 30Ù mètres au-dessus de la mer : par suite, la pente moyenne du terrain sur lequel s’^^st effectué le mouvement des masses érc- sives, depuis ce lac jusqu’au littoral des environs de Nykoping, est 0,000633 ou 2'. ^ Si, faisant abstraction des dépressions du terrain , on suppose un plan incliné passant par. les plus hautes sommités situées au du lac d’Ostersund, à une distance de 90 kilomètres environ, dans le voisinage du lac dè Hotagen., et dont la hauteur est inférieure à 1,200 mètres , ce plan , s’abaissant avec une pente uni- forme vers la côte de Nykoping , et passant au-dessus de toutes les bauteurs situées sur le trajet des agents erratiques, aurait eu, sur 570,000 mètres de longueur , une incli naison de ^ ou 0 , 0 0 2 1 0 5 , ou 7C Cette pente est beaucoup plus petite que celle de la limite supérieure du terrain erratique de la vallée du Rbône , depuis le SÉANCE DU 2 NOVEMBRE I8/46. 69 Grimsel jusqu’au Cliasseron (20' 10") (1). On ii’a pas observé de glaciers dans les Alpes, et je n’en ai pas vu non plus ni au Spitz- berg ni en Norvège qui se meuvent sur une étendue de quelques ki- lomètres avec une pente notablement inférieure à 3"; l’inclinaison de leur fond est à la vérité moindre que celle de leur surface supé- rieure , mais eu égard à la puissance que peuvent avoir les glaciers , il est peu probable que la pente de leur fond s’abaisse au-dessous de 1 ’ ou même 1 1/2°; il est donc difficile d’admettre qu’autrefois des glaciers aient pu franchir les plateaux de la Suède orientale avec une pente de quelques minutes. Les agents crosifs ont traversé une série de plans inclinés a pentes opposées . 11 n’y a pas lieu , en Suède, de déterminer la limite supérieure du terrain erratique, comme l’a fait M. Elie de Beaumont pour la vallée du Rhône dans les Alpes , car les agents erratiques n’ont pas suivi une vallée ou un bassin ; mais ils ont traversé une série de plateaux et de vallées , et ils ont laissé leurs traces sur les hauteurs comme dans le fond des dépressions. Mais pour bien connaître leur allure , il ne suffit pas de déterminer, comme nous venons de le faire , l’inclinaison maximum de leur surface inférieure , en supposant qu’elle ait formé un plan incliné uniforme; il faut aussi examiner les ondulations principales de cette surface ; or, ces ondulations présentent une série de plans inclinés en divers sens , de pentes ascendantes et descendantes , en rapport avec les lignes de partage des eaux : ainsi , en quittant le bassin silurien du lac d’Ostersund, les agents eiTatic{ues ont dû s’élever jusqu’aux plateaux de Loos , situés 1 1 myriamètres plus loin , qui séparent cette dépression de celle du lac Siljan. Dans cette partie de leur trajet, ils ont donc eu un mouvement ascensionnel, et ils ont atteint une élévation de UOO mètres , supérieure d’une centaine de mètres au niveau du lac d’Ostersund; ensuite ils sont redescendus, en se dirigeant toujours vers le S. S.-E. , et parcourant des suriace» diversement ondulées. Mais si on considère la partie occidentale du même système d’érosions , on voit qu’à partir de la contrée d’Orebro, située entre les lacs Hjelmar et V^enern, et dont le niveau moyen est inférieur à 100 mètres, les agents erratiques (l) Annales des sciences géologirpies. • — Note sur les pentes de la limite supérieure de la zone erratirpu’ ^ par M. Élie de Beaumont 70 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. ont eu de nouveau un mouvement ascensionnel pour atteindre le plateau d’Ecksjô et Wexio, situé entre le lac Wettern et la côte de Calmar, et dont Faltitiide varie de 2 à 300 mètres. Il en est de même des forces érosives qui ont strié les sommets de l’Omberg , du Taberg, du Billingen et du Kinnekulle , élevés aussi de 2 à 300 mètres ; mais ces forces agissaient du N.-N.-E. vers le S.-S.-E. ; et dérivaient probablement du golfe de Botnie; d’ailleurs, au N.-N.-E. de ces cimes isolées , il n’y a que des collines beaucoup plus basses. Le système sulcciteiir de la coatrée d' Areskuttan a eu un mouvement ascensionnel. Le système sulcateur le plus développé dans la contrée d’Ares- kiittan , entre le lac d’Ostersimd et le col de Skalstiiga , sur la fron- tière de Norvège , s’est avance , comme nous l’avons vu , de rO.-N.-O. vers l’E.-S.-E. , et s’est élevé jusqu’au haut de la cime d’Areskuttaii , à 1,484 mètres; mais dans la zone dont il dérive , la sommité la plus haute est celle de Kelahbgen (1,262 mètres ; ainsi en admettant qu’il en soit parti , il aurait eu un mouvement ascen- sionnel, et se serait élevé à 222 mètres plus haut que son point de tlépart ; d’ailleurs , avant d’arriver à Areskuttan , il a dû traverser le lac de Tengsjbn., élevé seulement de 448 mètres, qui en entoure la base du côté occidental, et sur le bord duquel on voit des stries dirigées de la même manière (O. -N. -O.). Un autre système d’agents érosifs a envahi la côte occidentale de la Finlande en s’avançant du golfe de Botnie vers le S. 35° O. ; ces agents se sont élevés jusqu’à un niveau presque toujours infé- rieur à 100 mètres; ils ont marché sur un plateau ondulé , tantôt en montant , tantôt en descendant, et se sont ensuite abaissés vers la partie méridionale du lac Ladoga et le golfe de Finlande , où ils ont tracé des stries exactement parallèles à celles que l’on voit sur la côte orientale du golfe de Botnie. Ils ont donc parcouru une distance de 5 à 600 kilomètres sur des surfaces plates et faiblement ondulées , dont l’inclinaison moyenne est nulle , puisqu’ils sont partis du niveau de la mer pour y revenir. Lors (le la période dilacienne , la siirjace de la Scandinavie n’a pu former un plan incliné disposé favorablement au mouvement des glaciers. 11 est évident que si les érosions et les dépôts de transport de la Suède et de la Finlande avaient été produits par des glaciers , ils SÉANCE DU 2 NOVEMBUE i8/|6. 71 auraient di'i se développer et se mouvoir dans de tout autres con- ditions que les glaciers actuels. 11 semble que l’on éviterait ces dif- ficultés en supposant, comme le conçoit M. Rozet, que les niveaux relatifs des diverses parties de la Scandinavie aient été autrefois fort différents de ce qu’ils sont aiijourd’liui ; mais comme les surfaces sur lesquelles se sont mus les agents erratiques sont alternative- ment inclinées dans les deux sens , de la même manière que les cotés opposés de toits successifs , dont les arêtes sont représentées par les lignes de partage des eaux ; comme ces surfaces offrent sur de grandes étendues de terrain des pentes, tantôt ascensionnelles , tantôt descensionnelles , il faudrait supj>oser que les pliénomènes qui ont produit l’accidentation générale de ces contrées , ou la disposition des lignes de partage des eaux , sont postérieurs à la période diluvienne , ce qui est tout-à-fait inadmissible. D’ailleurs , si l’on considère l’immense étendue des contrées où l’on observe des stries et des sillons disposés dans le même sens et venant des mêmes points , on reconnaît qu’il faudrait supposer d’énormes changements de niveau pour y faire naître des plans inclinés, tels que ceux sur lesquels se meuvent aujourd’hui les glaciers : ainsi , par exemple, pour que le sol de la Finlande eût offert aux agents erratiques qui l’ont traversée sur 500 kilomètres de longueur, de Gamle-Carleby jusqu’à l’extrémité du golfe de Finlande , un plan incliné de 1° seulement , il aurait fallu que le bord oriental de la dépression du golfe de Botnie , sur lequel on voit des stries s’élever du N. -N. -O. vers le S.-S.-E. , fût plus élevé de 8,726 mètres c[ue la côte de Viborg pour un plan incliné de 1/2 ’ seulement, la différence de niveau aurait dû être de û,363 mètres; bien peu de géologues admettront qu’une déformation aussi énorme se soit opérée depuis la dernière période géologique. D’ailleurs la présence des coquilles marines que l’on trouve à la partie inférieure des âsars de la contrée d’Upsal démontre qu’à cette époque le golfe de Botnie était un fond de mer comme aujourd’hui ; et l’ensemble des faits généraux cjue l’on observe en Scandinavie porte à croire que la partie centrale de cette con- trée a éprouvé depuis la période erratique une élévation de niveau plutôt c|u’un affaissement. Difficultés relatives à La traversée des golfes de Botnie et de Finlande ainsi que de la Baltique. Que les agents erratiques, qui ont strié la surface de la Finlande, proviennent du golfe de Botnie ou de la partie de la Suède qui est 72 SÉANCE I)ü 2 NOVEMBRE 18/i6. située entre le 6/i® et le 69*" degré de latitude , il y a une égale dif- ficulté pour la tliéorie glaciaire , dans le premier cas à considérer le golfe de Botnie comme ayant été le berceau des glaciers, dans le second cas à leur faire traverser cette profonde dépression pour remonter sur les collines de la Finlande. La difficulté est encore compliquée par ce fait C|u’une partie des masses érosivesa dû fran- cliir le golfe de Finlande et la ljaltic[ue, vu cjue sur les îles qui s’y trouvent, ainsi que dans le nord de la Russie et de rAllemagne on a observé des érosions semblables à celles de la Scandinavie. On voit que la théorie glaciaire offre des difficultés très graves et incontestables, cpiand on veut l’appliquer au noid de l’Europe ; et les glacialistes doivent penser que si beaucoup de géologues la repoussent , ce n’est pas par esprit de système , mais parce qu’ils y trouvent des obstacles fort difficiles à lever. Je reconnais d’ailleurs que les glaciers peuvent user, polir et strier les rochers, transpor- ter de gros fragments loin de leur gisement ; mais la nature a bien des manières de produiie les mêmes effets : la minéralogie , la géologie et la chimie nous en offrent de nombreux exemples. D’ailleurs je ne puis comprendre qu’un changement de climat , tel que le comporte l’état de nos connaissances en géologie et en phy- sique terrestre , ])uisse donner lieu à un développement de gla- ciers aussi gigantesque tant en puissance qu’en superficie, et puisse déterminer leur mouvement dans des conditions tout autres que t elles où a lieu le mouvement des glaciers actuels. i'oup d’œil sur les théories proposées ijour expliquer les phénomènes erratiques du nord de l’Europe, Les faits que j’ai exposés montrent qu’il serait prématuré d’éta- blir une théorie pour expliquer dans tous leurs détails les phéno- mènes erratiques du nord de l’Europe ; ils sont beaucoup plus compliqués que je ne le pensais , lorsque je les étudiai, il y a sept ans, en Finlande, où ils se présentent avec des caractères beaucoup plus uniformes qu’en Suède et en Norvège ; du reste , ils ont été jugés par la plupart des observateurs plus simples qu’ils ne le sont réellement. Yu la grande étendue des pays dont la surface a été érodée; vu leur inclinaison, qui est seulement de cjnelques minutes pour la Suède, et qui est même nulle pour la Finlande; vu l’absence de masses montagneuses offrant des conditions de struc- ture , d’élévation et de position locale analogues à celles que pré- sentent les Alpes ; vu que les érosions de la Suède et de la Fin- lande n’offrent point une dis{>osition divergente à partir des Sl'ANCE DU 2 iXÜVEMBRK l8/i6. / f> plus hautes soniiiiités , on ne peut appliquer aux pliénoinènes erratiques du Nord l’hypothèse d’une fusion instantanée de neiges et de glaces , que l’on a imaginée pour expliquer ceux des Alpes et des Pyrénées. Ce sont à peu près les mêmes objections qui ne permettent pas d’admettre la théorie des glacialistes , car les cir- constances dans lesquelles la théorie d’une fusion de neiges et de glaces est applicable sont aussi celles qui facilitent le développe- ment des glaciers. La théorie qui paraît s’appliquer le mieux au nord de l’Europe est celle qui suppose une émersion Ijrusque de la Scandinavie , plongée antérieurement sous les eaux de la mer ; pour rendre compte de la disposition des divers systèmes de sulca- tures, il faut supposer qu’il y a eu , non pas un soulèvement uni- que en un point central , mais plusieurs soulèvements locaux dont les centres et les axes correspondent aux points d’où sont partis les divers systèmes d’érosion ; ainsi d’énormes masses d’eau ont été mises en mouvement et poussées dans des sens différents. Beaucoup de ces soulèvements ont du être simvdtanés , mais probablement pas tous, il est vraisemblable qu’ils ont eu lieu pendant une cer- taine période de temps. Les systèmes de siücatures affectent en général une disposition rayonnante , et, comme nous l’avons vu , il en est que l’on peut réunir ensemble, ou considérer comme les branches d’un système général produit par le soulèvement d’une même région Cependant il ne faut point attacher à cette manière de voir une importance fondamentale ; elle me paraît convenir mieux que les autres à l’ensemble des faits connus , mais elle donne lieu aussi à quelques difficultés; ainsi on n’a pas de preuve positive qu’à l’époque antédiluvienne la Suède et la Norvège aient été plongées dans une grande partie de leur étendue sous les eaux de la mer. Comme le phénomène paraît être complexe et qu’il peut avoir été produit par des causes de natures diverses, je pense qu’au lieu de chercher à en donner immédiatement une théorie définitive , il faut attendre que les effets erratiques aient été étudiés sur toute la surface du nord de l’Europe , et que toutes les parties des régions Scandinaves aient été minutieusement explorées. Si une étude semblable des directions des stries était faite dans le nord du continent américain , peut-être éclaircirait-elle les ques- tions épineuses qui , depuis plusieurs années , ont si vivement excité l’attention des géologues. SÉANCE UU '1 NOVEMBRE IS/lO. 7/i COUP d’oeil sur les phénomènes erratiques des ALPES ET DES PYRÉNÉES , COMPARÉS A CEUX DU NORD DE l’eüROPE. Je vais ajouter quelques détails succincts pour indiquer les caractères d’analogie et les différences qui existent entre les phé- nomènes erratiques du nord de l’Europe et ceux des Alpes et des Pyrénées, que j’ai étudiés en 18/tO et 1841. J’ai lait connaître en 1841 (1) l’existence des érosions et des blocs erratiques dans les vallées des Pyrénées , et dans un mémoire présenté à l’Académie des sciences, en avril 1843 (2), et inséré dans les Voyages en Sean- (linavie {^Géographie physique^ tome P*" , 2® partie ) , j’ai exposé les principaux faits que j’avais oJjservés dans les Alpes et les Pyrénées. Depuis l’époque où ce mémoire a été présenté à l’Aca- démie, [\j. de Eollegno (3) et M. Dupont (4) ont publié des obser- vations très intéressantes sur les phénomènes erratiques des Pyrénées. Des érosions dans les Alpes et dans les Pyrénées. Les érosions tracées à la surface des rochers en Scandinavie , dans les Alpes et les Pyrénées jirésentent à peu près les mêmes formes ; on y voit des surfaces mamelonnées , moutonnées et po- lies; des sillons cylindrbides de quelques pouces de lar-geur, accom- ])agnés de stries , ^lyant seulement quelques lignes de diamètre et quelquefois si fines quelles ne s’aperçoivent qu’à l’aide du reflet de la lumière. Les sulcatures des Alpes et des Pyrénées offrent sou- vent, comme en Scandinavie , une allure un peu ondulée , et quelquefois d’un même centre on voit partir plusieurs sillons et stries qui vont en divergeant ; j’en ai représenté ( fig. 2 ) un exem- ple dessiné dans la vallée de l’Aar, entre le Grimsel et la Handeck. Dans la vallée de la Tete-lNoire, qui conduit à Valorsine , on voit sur un monticule de poudingue un exemple analogue (fig. 10) : d’un sillon large d’environ 20 centimètres on voit partir une mul- titude de stries divergentes ; ce sillon forme une entaille cylin- (f) Comptes-rendus de V Académie des sciences , séance du 2 no- vembre '1841. (2) Comptes-rendus de V Acadénde des sciences , séance du 3 avril 1843. (3) Mémoire sur les terrains diluviens des Pyrénées. — Annales des sciences géologicjues , 1843. (4) Annales des mines 1 844. SÉANCE DU '2 NÜVEJÎimE i8/iG. 75 driqiie civiisée sur une j)aroi de roelier très ineliiiée ; il a en (A) une profondeur de 10 à 12 centimètres. Quelquefois les stries semblent aller en montant vers la partie inférieure des vallées, eomme on le voit ( fig. 7 ) dans la vallée de l’Aar entre le Grimsel et la llandeck ; on remarque eette eir- eonstance lorsque la vallée se resserre beaueoup ; alors les masses dont le frottemeiit a strié les rochers ont dû suivre une ligne dia- gonale résultant de leur mouvement général le long de la vallée et du mouvement ascensionnel déterminé par le resserrement des parois. On a remarqué que dans les Alpes les érosions sont en général mieux marquées sur les cols et dans les parties voisines (les cols du Saint-Gothard , du Grimsel, du Saint-Bernard ), que dans les parties inférieures des vallées. Ce fait est peut-être indé- pendant de la cause qui a tracé les sillons et les stries ; en effet , du côté de la Suisse , les contreforts des Alpes et les rochers qui for- ment remboucbure des grandes vallées , sont conqiosés de roches calcaires ou de roches tendres , telle que la mollasse ; tandis que l’axe de la chaîne centrale est formé , en grande partie , de roches dures, granité, gneiss, serpentine et autres roches cris- tallines , qui résistent mieux aux actions atmosphériques , et j’ai remarqué dans plusieurs vallées , ainsi dans celle de la Reiiss, que dès l’instant où on entre dans la zone des roches cristallines , on voit apparaître les sillons et les stries fort bien marqués ; certaines vallées en offrent jusqu’à leur extrémité ; ainsi dans celle d’Aoste on en voit jusqu’à l’entrée de la plaine du Piémont, près d’Ivrée. J’ajouterai que dans le fond de plusieurs vallées des Vosges , qui sont formées de granité , telles que celle de la Moselle et de plu- sieurs de ses affluents , les sulcatures m’ont paru être plus dis- tinctes que sur les parties élevées. Dans les Pyrénées, je n’en ai observé sur aucun col élevé ; cela tient peut-être à ce que la plu- part de ces cols sont beaucoup plus étroits que ceux des Alpes et se réduisent souvent à des arêtes aiguës. On voit , d’après cela , qu’il ne faut pas attacher une importance très grande à ce fait que les sulcatures sont plus marquées dans les hautes régions des Alpes, que dans les régions basses. Elévation maximum des traces du phénomène erratique dans les Alpes, Néanmoins dans les Alpes , les traces d’usure et de polissage ne s’étendent pas jusqu’au sommet des montagnes ; ainsi on ne peut s’empêcher de remarquer le contraste frappant qu’offrent les ro- 76 SÉANCE DU 2 N0VE3IBRE I8/16. cliers polis et moutonnés entourant l’iiospice du Saint-Gotliard , celui du Grinisel , ou le glacier de l’Aar, avec les cimes rugueuses , hérissées d’aspérités, terminées par des arêtes tranchantes , qui s’élèvent à une élévation de 3 à ü mille mètres. L’agent inconnu qui a tracé ces empreintes à la surface des rochers a eu son point de dé})art à une certaine élévation ; c’est à partir de la zone actuellement occupée par les névés (environ 2,800 mètres au- dessus de la mer ) qu’il a étendu son action sur toutes les vallées. Elévation maximuni des traces du plténoaiène erratique en Scandinavie . 11 est remarquable que les traces les plus élevées du phénomène eiratique de l’Europe se trouvent aussi tout près de la limite des neiges perpétuelles ; ainsi les érosions que j’ai vues accompagnées de blocs erratiques de granité , sur la cime culminante d’ Ares- kuttan , sont à une altitude de mètres. Ce sont les plus élevées qui aient encore été observées ; or, sous cette latitude ( 63“ 1/2) la limite des neiges perpétuelles serait à 1,500 mètres ou mêjne un peu au-dessous ; on ne l’a pas déterminée sous ce pa- rallèle , vu qu il n’y a pas de cime assez élevée , mais elle ne doit C dépasser cjue fort peu le sommet d’Areskuttan. Néanmoins on re- gardera comme fort singulier que ces érosions observées tout près de la zone des neiges permanentes , résultent d’actions cjui n’é- taient pas propres à cette montagne , mais qui dérivaient de cimes situées à un niveau plus bas d’au moins 200 mètres. D’ailleurs on trouve assez fréquemment en Norvège des stries et des blocs erra- ticjues sur des montagnes élevées de 12 à 1,300 mètres. Ainsi c’est un caractère commun au phénomène erratic|ue du nord et à celui des Alpes, que leur limite supérieure se trouve près de la limite inférieure des neiges ou de la zone sous laquelle a lieu le passage des glaciers proprement dits aux névés Cependant il faut noter tjue dans le nord ces sulcatures si élevées sont rares et appar- tiennent à des systèmes d’érosions qui ne sont pas très déve- loppés ; les systèmes principaux et les plus importants , ceux qui ont érodé la partie S.-E. et S, -O. de la Suède et la Finlande, et certaines parties de la Norvège, sont partis de plates-formes dont le niveau moyen est inférieur au moins de 6 à 700 mètres à la limite des neiges perpétuelles et dont les sommités les plus élevées se trouvent encore à 2 ou 300 mètres au-dessous. D’ailleurs , on n’observe aucune relation entre ces grands systèmes de sulcaturea et les groupes des plus hautes cimes. SEANCE Ï)IJ '1 NOVKMHUK 1 8/|(K / / Klc^'(ttioj) de la limite supérieiiie de la z(>ne erratiffue dans les Pyrénées. Dans les Vosges, il n’y a pas de sommité qui atteigne la zone des neiges perpétuelles : dans les Pyrénées, beaucoup de cimes s’é- lèvent jusqu’à cette zone; maison ne voit pas , comme dans les Alpes , les érosions se prolonger à une aussi grande élévation , et même partout où je les ai observées , elles deviennent plus rares et moins bien marquées sur les liauteurs que dans le fond des vallées. A la vérité , cela ne tient peut-être pas à la nature des forces érosives, mais à une plus grande altération de la surface des rochers sous l’influence des agents atmosphériques. D’ailleurs les blocs erratiques de granité porpbyroïde à longs cristaux de feld- spath, que l’on trouve abondamment dans la vallée de la Garonne , proviennent du massif granitieiue du port d’OO , qui s’élève jus- qu’à la limite des neiges. Néanmoins les érosions, les terrasses de matériaux de transport et les blocs erratiques se voient sur les flancs des vallées , à une hauteur au-dessus du fond beaucoup moindre que dans les Alpes, et qui dépasse rarement 3 à àüO mè- tres; ainsi les convois de détritus et de fragments de roche avaient une é])aisseur beaucoup moindre dans les Pyrénées que dans les Alpes. Il r a dans les Pyrénées de très belles sarjaees polies et striées. Dans le mémoire déjà cité (à), j’ai indiqué une foule de loca- lités dans les Pyrénées, où l’on voit de très belles surfaces polies, des stries et des sillons semblables à ceux des Al])es et de la Scan- dinavie; j’en ai observé dans la partie supérieure de la vallée de laTet, dans celle d’Andorre, juscju’a 300 mètres environ au-des- sous du col e{ui conduit à Viedessos , dans les vallées de Carol et de la Sègre, en une foule d’endroits dans la vallée de l’Ariège , du Viedessos et de leurs affluents. le citerai particulièrement le vallon de Siguier (affluent du Viedessos) comme un de ceux où on voit les surfaces polies les plus belles et les ])lus étendues; les sulcatures s’y présentent avec’ des caractères si nets et si évidents qu’il est impossible de ne pas les remarquer. J’en ai vu aussi dans les di- verses branches de la vallée d’Arran , des vallées de Luchon , dis Lys, de l’Essera, de Gèdres, de Gavarni, de Barèges, de Cautere^s ( 1 ) Voyage en Scandinaeie. — Géooraphie physique , t. 1 , 'S® partie. 78 SÉANCE DE 2 NOVEMBRE 18A6. et (.rOssau ; il ii’est pas une seule vallée contenant des loelies gra- nitiques où je n’aie observé des stries. Cependant le phénomène ries érosions y semble moins développé que dans les Alpes, car les surfaces polies et Striées y sont moins abondant, s , et ont moins d’étendue ; mais je l’attribue à ce que les roches des Pyrénées sont plus altérables que celles des Alpes. C’est sur certaines espèces de gî’anite à grains moyens que les stries sont le mieux conservées ; on en voit souvent aussi sur les roches calcaires de diverses forma- tions ; elles sont fréquentes sur le calcaire de transition dans les vallées d’Arran, de l’Essera, d’Ossau, etc. On en observe aussi sur le calcaire Massique de la vallée de Yicdessos et de ses affluents, sur le calcaire crétacé des environs d’Ussat et de Tarascon ; mais je n’en ai point observé sur les roches friables du terrain tertiaire < Dans la plus grande partie de la chaîne des Alpes occidentales, les érosions sont peu développées, et même moins que dans les Pyré- nées, à cause de la grande destructibilité des roches et de l’altéra- bilité de leurs surfaces. Dans la partie méridionale des Vosges cpie j’ai visitée en 1840, j’ai vu aussi des surfaces striées, principale- ment sur du granité ; leur état de développement ou de conserva- tion est à peu près le même ou un peu moindre que dans les Pyré- nées. Je n’en ai point observé dans les parties de l’Auvergne et des Cévennes , que j’ai eu l’occasion de parcourir. J’ajouterai que dans les Pyrénées et dans les Vosges, là où les surfaces ont con- servé leur poli et leurs cannelures , je n’ai point observé de sillons aussi profonds que dans les Al])es et dans le nord de l’Europe; je suis donc porté à croii e que les forces érosives y ont agi avec moins de puissance , et ont entamé moins profondément la surface des rochers , d’autant plus que le caractère des roches moutonnées y est aussi beaucoup moins développé. Toutefois les roches polies et striées se montrent partout en connexion avec les dépôts errati- cpies : ces deux ordres de faits se présentent toujours ensemlile, et attestent le développement d’un phénomène général ; dans les Py- rénées et dans les Vosges , de niêine que dans les Alpes , ils se rat- tachent aux mêmes causes. Dispo.cition divergente des süies dans les Alpes , les Pyrénées et les Vosges. Sous le rapport de la forme, on ne remarque ])as de cMfféiences véritablement essentielles entre les érosions du nord de l’Europe et celles des Alpes , si ce n’est que dans les Alpes je n’ai point vu de sulcatures présentant les caractères de ces canaux ou profondes SKANCH Dr '2 NOVliMJUUi 18/|0. 79 oruièrt's qur j’ai ohsei vés en Suède et en Noi'vé^;e (1). Mais, sons le rapnoi t de la direction îles stries, de leur relation avec les acci- dents de la surface du sol, il y a des différences fondamentales entre les phénomèues du nord et ceux du centre de l’Europe. Dans les Alpes et les Pyrénées, les sillons et les stries sont assujettis in- variablement à suivre la direction des différentes vallées; il en est de même des stries que j’ai vues dans les Vosges. Les forces éro- sives ont eu leur centre d’action sur l’axe même de ces cliaînes de montagnes ; elles ont rayonné dans tous les sens , en suivant les vallées ou les issues qui leur étaient offertes, soit vers le nord, soit vers le midi. Différences dans la disposition des stries à l’intérieur des vallées profondes et sur les plateaux ou régions à collines. Dans le massif occidental des montagnes de la Norvège , les stries présentent dans leurs directions des caractères analogues à ceux que l’on observe dans les Alpes ; elles suivent les longues et ])rolondes décliirures qui découpent les flancs de ces montagnes, ( t elles divergent à partir de leurs crêtes; mais ces érosions em- brassent un champ très limité, et ne s’étendent pas beaucoup au- delà de cette région montagneuse. Ce n’est point là qu’est l’ori- gine des actions développées à la surface de la Suède et de la Fin- lande; elles se rattachent, comme nous l’avons vu , à différents systèmes descendus de plates-formes situées au-clelà du 63® degré de latitude, dont l’élévation moyenne est inférieure à 1,000 mètres, et dont les parties les plus élevées dépassent rarement 13 à 1,400 mètres. Les actions érosives se sont étendues en rayonnant sur la partie méridionale de la Suède. Ce qui caractérise les stries d’un même système , c’est qu’elles suivent une direction générale à peu ])rès constante, qui n’est point en rapport avec la disposition des plateaux ondidés , mamelonnés , et des dépressions qui les sépa- rent; ces plateaux présentent une série de toits à pentes opposées, tantôt ascendantes et tantôt descendantes , dont les arêtes ont été franchies tantôt obliquement , tantôt perpendieulairement , et l’in- clinaison moyenne de la surface passant par toutes ces arêtes est seulement de quelques minutes pour la Suède , et pour la Finlande elle est nulle. (1 ) Bulletin de la Société géologi(jue , séance du \ décembre 1 8 45 80 SÉANCE 1)L 2 NOVEMBRE 18/l0. Différences entre les phénomènes erratiques de la Scandinavie et ceux des Jlpes ou des Pyrénées. Ainsi cette allure générale des stries les distingue complètement de celles qui ont été tracées su r les roches alpines ; d’ailleurs un autre caractère fort important consiste dans le croisement de plu- sieurs systèmes sulcateurs sous des angles plus ou moins grands, et quelquefois voisins de 90”. Dans les Alpes, on voit souvent des stries se croiser sous des angles de 15 à 25”, mais pas plus ; tandis que nous avons cité de nombreux exemples de croisements sous des angles de 70 à 80 et 90”. .Nous avons vu aussi qu’outre les sul- catures parties des plates-formes élevées qui séparent la Suède de la Norvège , il en est qui ont été tracées par des agents érosifs mar- chant à peu près parallèlement au littoral , et par des agents s’avan- çant de la mer vers la terre ferme. En outre , le développement des actions erratiques dans les Alpes est en rapport avec la dis- tribution des hautes cimes et les ramifications des grandes val- lées qui s’étendent jusqu’à leur pied; ainsi c’est dans la vallée du Rhône , qui communique avec les massifs rocheux les plus éle- vés et sur la partie du Jura placée en regard , que le plienomène erratique se montre sur la pins grande échelle , que les blocs sont les plus abondants, réunis par groupes considérables, et offrant les dimensions les pins gigantesques. Dans le nord de l’FAirope , on n’observe aucun caractère qui corresponde à celui-là , et nous avons même vu que dans le fond des vallées profondes aboutissant aux cimes élevées , les effets erratiques sont beaucoup moins pro- noncés qu’à la surface des collines et des plateaux ondulés de la Suède et de la Finlande. Ainsi ces phénomènes sont beaucoup plus compliqués qu’on ne le croit , et une théorie conforme à la nature devra rendre raison de ces caractères qui leur sont essentiellement propres. Caractères généraux des dépôts de transport dans les vallées des Alpes et des Pyrénées. Les dépôts formés pendant la période diluvienne dans le fond des vallées des Alpes et des Pyrénées, ou dans les bassins qui s’étendent au pied de ces montagnes , ont été décrits par beau- coup d’observateurs ; aussi je m’étendrai peu sur ce sujet. On peut distinguer ces dépôts en deux sortes : 1” les amas conjus formés de débris de toutes grosseurs , entassés pêle-mêle et habituellement anguleux, et les dépôts, grossièrement stratifiés, terminés en gé- SÏÎANCK DU '2 NOVJîMIiUE I8/16. 8Î lierai par des surfaces liorizontales , et ayant la forme de terrasses; on y trouve des matériaux divers , moins gros cpie ceux des amas confus, mélangés d’une plus grande quantité de sable et de gra- viers , présentant souvent un commencement de triage , et distri- bués par zones; ils sont presque toujours usés par le frottement et imparfaitement arrondis. On y trouve quelquefois de très gros fragments, surtout à la surface, et alors ils sont anguleux. Les amas confus se voient habituellement sur le flanc des montagnes, dans les ravins, dans les vallées étroites et dans le fond des grandes val- I lées lorsqu’elles se resserrent. C’est , au contraire , dans les parties j où elles offrent une largeur un peu grande que se développent les ! dépôts disposés en terrasses horizontales; c’est alors qu’il y a ac- croissement dans la fertilité du sol et dans l’étendue de terrain cuftivablc. D’ailleurs les terrasses sont , en général , beaucoup plus développées et plus l égulières dans les parties inférieures des val- i lées que dans les paities supérieures. Quelquefois il arrive que h^ ! dépôts en forme de terrasses sont remplacés tout d’un coup par une ! accumulation confuse de gros blocs , de petits fragments et de gra- I viers ; c’est dans le cas où les vallées se rétrécissent brusquement : I ainsi dans la vallée de Bagnes , depuis le bourg de Bagnes jusqu’à Branchies , le dépôt détritique offre quelques indices d’une dispo- sition grossièrement stratifiée , ét présente des terrasses à diffé- rentes hauteurs , mais un peu après la jonction avec la vallée de j la Dranse , qui descend du Saint-Bernard , les flancs de la vallée se 1 resserrent et forment un défilé qui a du être comblé par un entas- sement confus de débris de toutes grosseurs, amenés des deux ! vallées ; on y voit une grande quantité d’énormes blocs de granité ! du Val-Ferret. Souvent ces amas ont comblé le fond des vallées jusqu’à une grande élévation , et ils ont formé comme des digues , 1 à travers lesquelles les torrents ont creusé leur lit à une époque plus récente. Dans beaucoup d’amas confus situés sur le flanc des montagnes ou dans des ivivins , on voit un mélange de fragmenrs ' arrachés sur place ou détachés des crêtes situées au-dessus , et de fragments apportés de plus loin; très souvent ce sont les premiers qui en forment la majeure partie. Les caractères de ces dépôts de transport sont quelquefois diffi- ciles à discerner lorsqu’ils ont été remaniés par des courants plus modernes, et qu’ils ont été recouveits de nouveaux dépôts. Dans i les parties inférieures des vallées , à une certaine distance du centre ! de la chaîne , les caractères de stratification sont tellement bien I marqués , qu’il est impossible de méconnaître leur origine sédi- mentaire ; mais dans les parties supérieures des vallées , il y a sou- Soc. qèol, , V série, tome IV. 6 I 82 SÉANCE LU 2 NOVEMBRE 18/l(3. vent un passage des dépôts grossièreinent stratifiés et en forme (le terrasses, aux amas confus de matériaux anguleux de dimensions très diverses. Quelquefois le dépôt de transport, composé de sable, graviers, cailloux et blocs , offre des piédestaux cylindriques , cou- ronnés par des blocs et des cônes très réguliers , comme on le voit dans la figure 11 , dessinée près Yillevieille de Queyras (Hautes- Alpes ) ; c’est un effet de l’action des eaux pluviales ; dans les par- ties où il n’y a pas de blocs , cette action donne naissance à des pyramides ; mais dans les parties où il y a des blocs, ceux-ci pré- servent le dépôt situé au-dessous, et il prend alors la forme d’un piédestal. Disposition des blocs erratiques . La disposition des lilocs erratiques dans les Alpes , soit qu’ils se trouvent disséminés , soit qu’ils forment des groupes, a été très liien décrite par de Saussure , de Bucli , de Luc , et plus récem- ment par M. de Cliarpentier. Les gros blocs sont ordinairement très nombreux dans les accumulations de débris qui ont comblé le fond des vallées dans leurs parties étroites; ailleurs on les voit dis- séminés sur le fond des vallées , ou sur la pente des montagnes qui les bordent ; généralement , ils sont réunis par groupes qui res- semblent beaucoup aux amas de blocs que l’on trouve sur le pen- chant ou sur le haut des collines en Scandinavie , dans le nord de l’Allemagne ou de la Russie; un des traits particuliers de ces groupes, soit dans les Alpes , soit clans le nord de l’Europe , c’est que plusieurs blocs paraissent être tombés les uns sur les autres et s’être brisés dans leur chute. Plusieurs de ces groupes, tels que celui de iVIontJiey, forment de petites bandes allongées, à peu près horizontales, déposées sur l’ini des côtés de la vallée; d’autres, au contraire , couvrent sur toute son étendue le flanc d’une mon- tagne. Ces deux manières d’être , et principalement la dernière , se voient très fréc[ueinment , non seulement dans les Alpes , mais aussi dans les Vosges et dans les Pyrénées. En général , ces amas ne sont point reliés ensemble de manière à former une ligne con- tinue , ils sont le plus souvent séparés les uns des autres. Les dépôts de blocs cpie j’ai vus dans les Vosges offrent les mêmes caractères que ceux des Alpes ; il n’y a de différence que dans la distance à laquelle s’est effectué le transport de très gros fragments ; elle est beaucoup moindre dans les Vo.sges et ne m’a pas pain dépasser une dizaine de lieues. SÉANCE î)l 2 NOVEMîîRE Î8/|6. 8:^ Sur les depots de transport dans les Pyrénées^ Les dépôts de transport des Pyrénées offrent la même disposi- tion que ceux des Alpes et des Vosges; on y voit des entassements confus et des dépôts grossièrement stratifiés , semblaliles aux ter- rasses de la vNallée de la (Moselle, de celle du Rfiône, du Kliin, etc.; ils présentent des indices de stratification d’autant plus visibles qu’ils sont plus éloignés de l’axe de la chaîne Ainsi il y a de magnifiques terrasses dans la vallée de la Garonne à partir de Saint- Bertrand-de-Loinminges , dans celle de l’Ariége à partir de Tarascon , et aussi sur le versant espagnol des Pyrénées, dans les A^allées de la Segre , de l’Essera , etc. La plaine de Puyeerda est assez remarquable , elle est formée de cailloux roulés , et dans le diluvium pyrénéen elle représente l’équivalent de la Cran dans le diluvium alpin , mais comme le dépôt des cailloux s’est fait beau- coup plus près de l’axe de la chaîne, ils sont plus gros et moins bien roulés. L’espace qu’ils recouvrent a été nivelé et a formé une plaine unie que l’on est étonné de rencontrer au milieu d’une région montagneuse. Le dépôt diluvien que l’on voit près de Foix est stratifié , ren- ferme de très gros cailloux roulés et de petits blocs de granité d’environ 1 mètre de largeur ; il ne s’élève pas à plus de 50 mètres au-dessus du niveau actuel de l’Ariége ; on voit à sa surface, dans la plaine de Alontgaillard des blocs erratiques de granité ayant jusqu’à 25 mètres cubes Dans les Pyrénées, le dépôt de transport forme souvent des brèches à ciment calcaire ; elles se produisent encore maintenant dans les lieux où les débris erratiques de ro- ches primitives ont été dépose's sur des terrains calcaires, ou ren- ferment des fragments calcaires ; ils sont alors pénétrés par des infiltrations d’eau contenant en dissolution du carbonate de chaux qui cimente la masse , et la fait passer à l’état de brèche ou de poudingue. Blocs erratiques dans les Pyrénées, Dans les vallées pyrénéennes les blocs erratiques les plus abon- dants sont formés de granité , il y en a quelques uns d’ophite , de roches porphyriques et de quartzite ; mais il est plus l are de trou- ver de gros blocs de roche calcaire ou scliisteuse ; j’en ai observé dans toutes les grandes vallées et sur les flancs de rochers cjui les bordent, soit sur le versant espagnol, soit sur le versant français ; mais en général les gros blocs anguleux me paraissent ne point 8'| SÉANCE DU '2 NOVEMBRE iS/jt). j avoir pénétré dans les plaines qui s’étendent au pied des Pyrénées; la plupart se sont arrêtés avant l’embouchure des grandes vallées dans ces plaines, et même il en est peu qui se soient avancés jus- qu’aux dernières collines de terrain crétacé et tertiaire qui for- ^ ment les contreforts des Pyrénées; ainsi dans la vallée d’O.vAe//^ les blocs détachés soit du pic du Midi, soit des flancs de la vallée, ne s’avancent pas beaucoup au-delà d’Arudi , et je n’en ai point observé dans la plaine de Pau. Les blocs détachés des hautes | cimes qui dominent Barèges, Gèdres, Gavarni, Cauterets , ont été r déposés dans le bassin d’Argelez , ou un peu auparavant ; beau- coup d’entre eux se sont arrêtés dans les parties supérieures des vallées. Dans la vallée de la Garonne, on n’en trouve plus au-delà , de la Broquère, et dans celle de l’Ariége au-delà de Saverdun. Dans celle de la Têt , on en remarque jusqu’à une assez grande : distance de son origine ; ce qui paraît tenir à ce que les flancs de cette vallée sont formés de montagnes granitiques d’une assez ‘ grande élévation jusqu’auprès de son embouchure dans la plaine du Roussillon ; mais je n’ai pas remarqué de blocs errati- ques dans le grand bassin qui forme l’ancien Delta de la Têt , et dont Perpignan occupe le centre. En général , on en rencontre ■ beaucoup plus loin dans les parties Inférieures des vallées lors- ! qu’elles sont flanquées de hautes montagnes. Parmi les blocs erra- , J tiques qui ont parcouru la plus grande distance , on peut citer <^eux que l’on trouve dans la vallée de la Garonne près de Saint- | Hertrand-de-Comminge et la Broquère, Là , on en voit quelques | uns de granité à gros cristaux de feldspath, semblables à celui qui f constitue le massif du port d’Oo; ils doivent avoir fait un chemiti | d’une douzaine de lieues. Les agglomérations de blocs les plus abondantes se trouvent vers les hautes régions des vallées , et j’ai observé que les grands | quartiers de roche , partis de chaque vallée latérale , ne s’étendent { t pas beaucoup au-delà de sa jonction avec la vallée principale ; ÿ ainsi les amas de blocs graniticjues sont très multipliés sur les ÿ montagnes calcaires de la vallée de Viedessos, sur celles de Rancié, * ' de Miglos , de Gourbit , de Rabat, etc. U y a une foule de vallées 1 secondaires où l’on voit de très grands amas de blocs ; mais dans :|| les grandes vallées , on ne voit guère d’amas partis des vallées latérales que près de leur jonction ; car c’est souvent à cet endroit J que s’est arrêté le convoi parti de ces vallées , ou bien encore aux . points de courbure des vallées , et ils sont placés habituellement J- « sur le côté qui devait opposer comme une barrière au mouvement ffl du convoi ; cette observation a été faite aussi par M. de Collegno. •' ffli SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. 85 Kn général , il m’a paru que la plus grancle masse des gros blocs livrés au transport n’a pu être emportée fort loin , et qu’elle a été déposée en majeure partie avant d'avoir parcouru une longue distance , et que ce sont des débris de cette masse qui ont été en- traînés vers les parties inférieures des vallées. Le diluvium pyré- néen offre encore une circonstance remarquable , c’est la présence de détritus erratiques, de cailloux roulés })rimitifs , de sable et de graviers à l’intérieur des grottes que présentent des rocliers cal- caires à une élévation de 50 à 100 mètres au-dessus du fond des vallées , ainsi dans les grottes d’Ussat , vallée de l’Ariége et dans celles de JNiaux, vallée du Vicdessos ; ces fragments roulés n’ont pu y être introduits que par des courants d’eau qui devaient s’élever à une grande hauteur au-dessus du fond des vallées , et qui devaient être animés d’une grande vitesse pour tenir des cailloux en suspension à un pareil niveau. Comparaison des dépôts de transport du nord de l' Europe avec ceux des Alpes et des Pyrénées, La presque totalité des dépôts de transport du nord de l’Eu- rope se rattache à l’espèce de dépôts que nous avons désignée sous le nom de dépôts grossièrement stratifiés, vu qu’ils présentent des indices fréquents de stratification, et que la plupart des matériaux qui les forment sont usés ou arrondis, et que les sables et les gra- viers y sont en général prédominants. C’est seulement dans les régions élevées et accidentées, situées en Norvège, ou à la sépara- tion de la Norvège et de la Suède, que l’on trouve sur le flanc des montagnes, dans les ravins et dans le haut de quelques vallées des entassements de débris anguleux , qui ressemblent aux amas con- fus des Alpes et des Pyrénées. D’ailleurs ces amas , que les glacia- listes considèrent comme les témoins du grand développement des anciens glaciers , ont peu d’étendue , ne se prolongent pas sur les plateaux mamelonnés de la Suède ni en Finlande. Nous avons vu qu’il y a dans ces deux pays des âsars en foi me de terrasses : mais ils diflèrent des terrasses des Alpes et des Pyrénées en ce qu’ils ne sont point adossés aux flancs des vallées , reposent sur des plaines unies, et ne présentent pas de gradins; mais dans les vallées nor-^ végiennes, encaissées entre des flancs continus, nous avons vu qu’il y a des terrasses semblables à celles du Rhin , du Rhône , de la Garonne , de l’Ariége , etc. D’ailleurs, dans le centre de l’Europe , les dépôts de transport offrent rarement la même disposition que les âsars diluviens de la Suède; cependant on observe quelquefois 86 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. dans les larges vallées des Alpes, surtout près de leur extrémité, ) Ainsi, comme on le voit, nous sommes d’accord sur l’origine des canaux sinueux , seulement M. Schimper diffère de MM. Agassiz et Escher dans l’explication d’un détail , les stries de l’intérieur des canaux. (1 ) Ces cailloux ont déjà été décrits en 1 842 dans V Edi nhiirgh nav philosoplvcal Journal, p. 223, et dans la BihliothèI. Forcliainmer (/O? Loven et Desor, ont jeté quelque lumière dans ce chaos. Sous le nom de dépôt de transport, M. Durocher a réuni dans une même dénomination trois terrains bien distincts : F les anciennes moraines , qu’il décrit (pag. 64) sous le nom de « dépôts formés dans les ravins de hautes montagnes. » Lui-même re- connaît l’analogie de leur forme avec celle des moraines des glaciers actuels. Malheureusement il ne s’est pas assuré s’ils con- tenaient des cailloux frottés ou striés. Négatif ou positif, ce carac- tère était d’une telle importance , que je suis forcé de croire cpi’il lui était complètement inconnu; car il aurait du rechercher ces cailloux avec d’autant j)lus d’enq:>ressement que leur absence eu t été une preuve décisive que ces amas ne sont pas des moraines , mais des dépôts uniquement aqueux. 2“ Lorsque le dépôt de transport se présente sous forme de sur- faces unies ou de terrasses, il offre une stratification imparfaite, et sa forme extérieure accuse l’action des eaux. Mais ces dépôts sont presqu’entièrement formés de cette couche de boue , de sable et de graviers ( moraine profonde ) qui se trouve à la partie inférieure de tous les glaciers , remaniée postérieurement par les eaux. La preuve en est dans la présence de gros cailloux , ou plutôt de blocs striés par la glace , blocs qui n’existent ni dans la mer, ni dans les lacs , ni dans les torrents ; car , non seulement le charriage par l’eau ne strie pas les cailloux , mais il efface les stries , comme on peut s’en assurer dans tous les torrents qui sortent des glaciers de la Suisse. Pendant le voyage qu’il a fait cet été dans la Scandinavie méri- dionale , M. Desor a trouvé ces cailloux striés, en Danemarck , dans le terrain de transport à surface plane , à travers lequel passe le chemin de fer de Copenhague à Roeskild, et ciux environs de Kioege , sur la côte de Seeland, au sud de la capitale. En Norvège, il les a retrouvés dans le terrain de transport en forme de terrasses de Sorgenfry , près de Christiania , sur la route qui mène de cette ville à Krogleben , et dans les dépôts limoneux des bords de la fl) Antefiningcr i phjsili och ^eognosie , t. IV. (2) On the proofs of the graduai rising of the land in certain parts of Sweden. Philosophical transactions , 1835; et en français, Mé- moires de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel , t. I , p. 200. (3) Njt niagazin for naturviderskaberne , t. III, p. 169. 1842. (4) The Athenœum ^ n° 987, 26 septembre 1846, p. 1003, SÉANCE DE 2 NOVEMimi-: I8Z16. 97 Drainmen , à son eniljoucliuro dans le Dranmicn-Fiord. En Suède , il a revu ces cailloux striés dans le même terrain , en particulier ilans les terrasses limoneuses de 13erg , près du lae ettern, ('es cailloux stries ne sont pas le seul indice qui dévoile l’ori- gine glaciaire de ces dépôts; ils renferment encore des coquilles marines. Un grand noiubre n’ont pas leurs analogues dans les mers voisines: ee sont, suivant M. J.ovén , des espèces arctiques reléguées maintenant dans les mei-s glaciales, mais qui vivaient dans la mer du Nord à l’époque où la côte, en s’abaissant, plongea dans l’Océan les moraines déjà remaniées par les torrents dilu- Auens, résultant de la fonte des glaciers. 3" Les osais [sa/ul àsars des Suéelois). Ces monticules aux formes si caractéristiques appartiennent à une époejiie foi t elifférente de celle du terrain de transport erratique dont nous venons de parler; ils sont une des nombreuses preuves de l’immersion et de l’émer- sion de la côte Scandinave. Déjà MM. Al. Brongniart, llisinger et byell y avaient reconnu la présence de coquilles vivant actuelle- ment dans la Baltique ( Tellina hnitica, Cardimn edulc^ MrtUis ednlis^ Littnrifia rrassior, L. littorea ^ Nerf^tina JliiviatHis) ^ à des hauteurs variant de 9 à 2/t mètres au-dessus du niveau du golfe de Bottnie. Ces osais sont donc l’ouvrage de la mer pendant la période d’im- mersion de la Scandinavie. Ce sont de véritables dunes {Rcvler des côtes du Jutland) à stratification non liorizontale , formées par la lame qui , dans les gros temps , passe par-dessus ces rem- parts , et y dépose les cailloux et le sable qu’elle a soulevés au fond de la mer (1). Les cailloux qui composent ces osais ne sont jamais striés : ils ne sauraient l’être; car, quand même ils eussent , été striés auparavant, leurs stries auraient été bientôt effacées par le frottement qu’ils ont subi en roulant sur le rivage. Les osa; g sont presque toujours recouverts de blocs erratiques anguleux , et l’opinion la plus probable est celle qui attribue leur transport et leur dépôt à des radeaux de glaces flottantes. Une autre circon- stance prouve encore l’origine récente des osars , c’est qu’ils sont superposés quelquefois à des dépôts tourbeux , dont l’origine peut être contemporaine de celle des glaciers , mais ne saurait lui être postérieure. En outre, on y a trouvé des bateaux , une maison enfoncée à la profondeur de 19 mètres, et dont le foyer (1 ) Ueber Geschiebebildungen und diluvial Schrammen in Dane- marck, von G. Forchammer. Annedes de'^jhyslque de Pog^cndoijf, t. LVIII , p. 609. — 1 843. Soc. géol., 2® série, tome IV. 7 98 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^0. contenait encore du charbon (1). M. Duroclier a donc tort de terminer ce chapitre en disant ( p. 6^t) : « Les partisans de l’école j;lacialiste considèrent ces dépôts comme d’anciennes moraines. » Déjà dans ma première réponse (2) j’avais longuement insisté sur l’action des eaux qui ont remanié les matériaux des moraines, ou les ont entraînés pour former les terrasses et les osars. En Suisse, la débâcle aqueuse, résultat de la fonte des glaciers, a produit des effets analogues ; mais en Suède , le phénomène s’est compliqué de l’immersion et de l’émersion successive d’une grande partie du littoral , avant et après l’ancienne extension des glaciers. Réponse aux objections de M. Durocher contre V ancienne extension des glaciers de la Scandinavie. Ija péninside Scandinave est un pays mixte composé de mon- tagnes, de vallées et de plaines ondulées. Ce pays n’a pas conservé et ne conserve ])as un niveau constant au-dessus de la mer ; il a été émergé et immergé une ou plusieurs fois. îl a donc été soumis à Iartins arrive à conclure cpi’il ne faut pas prendre la direction des stries pour représenter celle du mouvement des agents errati- ques, et, par suite, que les divers observateurs C|ui ont pris tant de soin pour déterminer la direction des sulcatures dans le nord de l’Europe se sont donné une peine inutile I Comme dédommage- ment , 3Î. Martins leur donne le conseil de rattaclier, ainsi cpie l’ont fait les géologues suisses , les blocs erratiques à leur gise- ment originaire , et de déterminer ainsi la marche qu’ont suivie les agents de transport ; ce conseil est un peu tardif , car dès mon ])remier voyage dans le Nord , en 1839 et I8Z1.O , j’ai tâclié de rapporter les blocs erraticpies dispersés dans le nord de la Russie et de r Allemagne aux différentes régions d’où ils paraissent être ])artis , et je suis arrivé ainsi à conclure que les agents de transport ont suivi une inarcbe rayonnante à l’intérieur d’un immense demi- cercle , dont Stockliolm formerait à peu près le point central , et dont le contour s’étend des côtes d’Angleterre au midi de la Polo- gne et à l’est de la Russie d’Europe. Cette méthode de déterminer la direction du mouvement des agents erratiques fournit de pré- cieux renseignements , mais elle ne su dit pas pour faire connaître dans tous ses détails la marche qu’ils ont suivie ; car dans une grande partie de la Scandinavie, le sol est uniformément composé de granité , de gneiss et de roches amphiholiques , et alors l’étude des dépôts de transport ne pourrait fouinir des données assez pré- cises, et l’on pourrait même être induit en erreur si l’on détermi- nait la direction du mouvement des agents érosifs d’après l’exa- men des gros blocs anguleux , qui , en général , paraissent avoir été transportés par des glaces flottantes , et qui par suite n’ont pas dû contribuer au striage des rochers. Au sujet de mes observations sur les dépôts de transport , ÎM. Martins remarque c[ue, dans un précédent Mémoire, j’ai dis- tingué les âsars coquilliers de ceux qui ne le sont pas, et que je n’ai pas fait cette distinction dans mon Mémoire actuel. Il me seinlde qu’il était inutile de répéter des observations que j’ai exposées il v a quelques mois ; mon Mémoire actuel renferme seulement les faits qui ne trouvaient pas leur place dans le précédent ; aussi je n’insisterai pas sur ce sujet. I\l. Martins considère comme des moraines remaniées les dépôts de transport que j’ai décrits , ayant une surface plate et la forme 112 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE I8/16. de terrasses, et il attribue une origine particulière aux âsars , qu’il considère comme des dépôts très modernes. 11 y a là une confu- sion de mots , car //a, asar en suédois exprime d’une manière gé- nérale des élévations de terrain et s’applique habituellement aux élévations formées de dépôt de transport, quelle que soit leur forme, que ce soient de longues terrasses à surfaces unies, ou des monticules en dos d’âne ; d’ailleurs on voit en des endroits très voi- sins le même dépôt de transport offrir ces diverses formes. M. Martins me reproche de ne point avoir mentionné la pré- sence de cailloux striés auxquels il me paraît attacher une impor- tance exagérée. J’en ai observé en plusieurs endroits, à la surface du terrain de transport ; ainsi dans la Scanie , entre Malino et Ystad , aux environs de Stockholm , dans le Jemtland et dans la contrée de Roraas , de petits blocs ( de 1/3 à 1 mètre cube ) pré- sentent des stries , mais ils ne me paraissent pas fournir une preuve certaine que les dépôts où on les trouve soient des moraines re- maniées ou non ; car ces blocs peuvent avoir été striés autrement que par le frottement de glaciers , et ils peuvent même provenir de la destruction superficielle de rochers striés. M. Martins regarde les âsars comme des dépôts très récents et même en partie postérieurs à la période humaine ; il y a en elfet sur les régions littorales des dépôts modernes à la surface des- quels se trouvent des blocs erratiques , mais il faut se garder d’en conclure que la grande niasse des âsars de la Scandinavie cippar- tient à une époque aussi récente , car j’ai fait voir dans mon dernier Mémoire que généralement en Norvège , en Suède et en Finlande , les âsars sont alignés dans un sens à peu près parallèle aux sulcatures de la contrée où ils se trouvent , et par conséquent qu’il y a un rapport intime entre les causes qui ont tracé les érosions à la surface des roc' sers et celles qui ont dé- posé les âsars. Les objections que j’ai faites contre l’ancienne extension attri- buée aux glaciers en Scandinavie dépendent en général de ccs principes : 1° que les glaciers se meuvent sous l’action de la pe - santeur ; 2° qu’en Scandinavie les circonstances locales étaient dé- favorables au mouvement des glaciers , tel qu’on le suppose avoir eu lieu, et que d’ailleurs ils auraient dû se mouvoir suivant des directions différentes de celles qu’ont suivies les agents érosifs. M . Martins combat d’abord mon opinion que les glaciers se meuvent sous l’action de la gravité , et il allègue que « dans un corps Brave, solide, riisqueux ou liquide, V extrémité inférieure marcitc SÉANCE DU 2 NOYEMBRE 18/i6. 113 avec une vitesse sensiblement la meme que les parties supérieures. » Quiconque connaît les lois de l’iiydrodynainique ne manquera pas de remarquer combien il est inexact de prétendre que dans un corps liquide placé sur une surface diversement inclinée les parties infé- rieures et supérieures se meuvent avec la meme vitesse. 11 paraît que ce ne sont pas toujours les glaciers les plus inclinés qui se meuvent le plus vite , quoique l’on n’ait encore fait que peu d’expériences sur ce sujet ; mais il ne faut pas en tirer des conclusions préma- turées sur la cause de leur mouvement , car les glaciers n’ont ni la rigidité des corps solides , ni la fluidité des liquides : ce sont des masses poreuses , réticulées , divisées par une quantité innombra- bles de fissures remplies d’air et d’eau , découpées par des fentes de toutes grandeurs ; ce sont des masses extensibles et ductiles , susceptibles de contraction et d’expansion , tiraillées en divers sens , entraînées par leur poids et gênées par les inégalités de leur fond et de leurs parois , possédant une mobilité plus ou moins grande en raison de la température extérieure et de la quantité d’eau qui les imbibe et qui diminue le frottement réciproque de leurs diverses parties et leur frottement au contact des rochers encaissants. Par leur nature , ces masses se rattachent aux corps solides ; mais , en raison de leur structure , de leur composition mixte et de la facilité avec laquelle une partie de leur substance peut devenir fluide , elles possèdent quelques unes des propriétés de cohésion et de mobilité des corps visqueux ou plastiques. Le sable , l’argile , la terre , la neige , etc. , suivant la forme et la grosseur de leurs éléments , suivant leur imbibition d’eau ou leur état de dessiccation, se meuvent sur un terrain imbibé dans des conditions diverses et d’une autre manière que des corps solides ou liquides proprement dits ; il en est ainsi des glaciers : un corps solide , possédant une rigidité et une cohésion absolues , retenu entre des parois sinueuses , serait entièrement privé de mouve- ment , lors même qu’il serait placé sur une pente forte ; un liquide , au contraire , se diviserait en plusieurs zones , en zones latérales et 1 inférieure dont le mouvement serait ralenti par le frottement des parois , et en zone médiane qui se mouvrait plus rapidement , : n’ayant à vaincre que le frottement des particules liquides les unes t contre les autres , et la vitesse du mouvement général de cette masse fluide varierait en raison de la pente et de la section du canal. Le mouvement des glaciers est assimilable en partie , mais pas complètement , à celui des liquides ; on ne peut pas lui appli- quer rigoureusement les mêmes lois. Par beaucoup de causes un I Soc. géol. , série, tome IV. ^ ll/l SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. glacier , placé sur mie pente forte, pourra se mouvoir avec une vi- tesse moindre qu’un autre glacier dont la pente est beaucoup plus faible , si les obstacles de terrain qui s’opposent au mouvement du premier sont plus grands, si le fond sur lequel il repose est congelé, s’il est exposé à une température extérieure plus liasse , à des cau- ses de fusion moins énergiques , s’il est iml^ibé d’une moindie quantité d’eau ; l’état physique, la nature élémentaire du glacier, sa structure , le mode d’agrégation de ses parties , la forme exté- rieure, les dimensions et le poids de sa masse, doivent exercer une certaine influence. Aussi des faits cités par jM. dlartins on n’est pas en droit de conclure qu’il faut attribuer le mouvement des glaciers à une cause autre que la pesanteur, quand les expériences de M. Forbes ont clairement démontré , comme l’indiquait la théorie, que la dilatation ne joue point dans ce phénomène le rôle qu’on lui avait assigné. 31. 3Iartins veut montrer que les glaciers Scandinaves auront pu franchir des plans inclinés à pentes opposées, en disant que les gla- ciers actuels passent par dessus les inégalités de leur fond ; mais ces inégalités n’ont qu’une faible élévation ; je ne connais pas d’exem- ple où on voie des glaciers actuels franchir transversalement des hauteurs de 5 à 800 mètres. D’ailleurs on ne voit pas quelle cause aurait empêché les glaciers Scandinaves de suivre le cours des val- lées ou des dépressions , comme le font partout les glaciers de nos jourSj plutôt que de se mouvoir dans une chrection transversale. Comme j’ai cité des cas où les forces érosives ont dû agir en re- montant, fd. ùlartins objecte qu’il est aussi difïicile de remonter pour des courants que pour des glaciers; cependant on voit les lames de la mer s’élancer dans les tempêtes par dessus des digues ou remparts qui ont une dizaine de mètres d’élévation, et souvent elles entraînent avec elles des blocs de près d’un mètre cube : il ii’y a donc rien d’impossible à ce que d’énormes masses d’eau, animées d’une grande vitesse, aient pu s’élever à une certaine hauteur ; ce sont des conditions autres que celles d’un cours d’eau ordinaire, d’une profondeur et d’une vitesse peu considérables. Ici il faut te- nir conqjte du volume de la masse , de son impidsion première , et aussi de la vitesse acquise, qui paraît être sans influence dans l’hy- pothèse des glaciers. 31 3Iartius cherche à lever ces diflicidtés en invoquant le mou- vement d’abaissement et d’élévation de certaines parties du littoral Scandinave; d’après la manière dont ce mouvement a lieu aujour- d’hui sur une partie des côtes de la Baltique , et dont il a eu lieu autrefois sur les côtes de INorvége , il a dû en résulter des change- 115 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. ments dans les niveaux relatifs des diverses parties de la Scandi- navie ; mais ce mouvement ne paraît pas susceptible de changer la disposition des lignes de faîte , de façon que l’on puisse supposer qu’autrefois la surface du sol formait un plan incliné où des gla- ciers pouvaient se mouvoir comme l’ont fait les agents d’érosion. Dans mon mémoire j’ai déjà discuté cette hypothèse; j’ai mon- tré qu’en Finlande, par exemple , il faudrait supposer des dé- nivellations énormes et tout- à-fait hors de proportion avec les changements qui ont pu se produire à la surface de cette contrée depuis la période erratique : pour former, en effet , un plan incliné de seulement , le plateau finlandais , qui a été traversé par les agents érosifs sur une longueur de 50 myriamètres , aurait dû présenter une différence de niveau de à, 363 mètres entre la rive orientale du golfe de Botnie et l’extrémité orientale du golfe de Finlande. Cependant on prétend que les glaciers peuvent se mou- voir sur des pentes très minimes , et on cite à l’appui le glacier de l’Aar, qui , d’après les expériences de M. Desor , se mouvrait sur un fond incliné de 11°; mais l’inclinaison que j’ai fait entrer comme élément dans mon calcul est trois fois plus faible , et de seulement. Il faut remarquer que le glacier de l’Aar est un des moins inclinés que l’on connaisse , puisque sa surface supérieure n’a qu’une pente de 3“; j’ignore si la pente de sa surface inférieure a été calculée d’après un ou plusieurs sondages : comme le fond sur lequel reposent les glaciers est inégal , présente des concavités et des convexités, il faut forer plusieurs tours de sonde pour dé- terminer leur épaisseur moyenne à une certaine altitude et en dé- duire l’inclinaison de leur surface inférieure. M. Martins pense que des glaciers auront pu traverser le golfe de Botnie, et il appuie son opinion sur ce que, au Spitzberg et au lacd’Aletsch en Suisse, on voit les glaciers surplomber au-dessus des eaux ; cet avancement en surplomb s’explique facilement quand il est seulement de quelques mètres, mais il deviendrait inconce- vable s’il atteignait les dimensions du golfe de Botnie I La disposition des stries du Nord donne lieu à une autre objec- tion très grave, à laquelle M. Martins n’a point répondu : en Fin- lande, en Suède et dans une partie de la Norvège, les érosions ne sont pas toujours en rapport avec la configuration du terrain, ne sont pas dirigées dans le sens des vallées ou dépressions ; or , les glaciers diluviens n’auraient-ils pas dû descendre le long des val- lées, comme les glaciers le font aujourd’hui? On ne peut cependant pas supposer que depuis cette époque les vallées aient changé de 110 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A0. forme. Mais suivant M. Martins il est encore plus difficile pour des courants que pour des glaciers de se mouvoir obliquement ou transversalement à des dépressions : je répondrai qu’il est facile de concevoir que les eaux de la mer, sous lesquelles était plongée une grande partie de la Scandinavie, soient poussées dans une certaine direction par un soulèvement brusque du sol; elles pourront alors en vertu de leur impulsion , se mouvoir dans un sens oblique ou même perpendiculaire aux accidents de la surface. IM. Martins regrette de ne pas me voir entrer dans une expli- cation détaillée des phénomènes erratiques de la Scandinavie , de ne pas indiquer l’origine des courants auxquels je les attribue : je répondrai que les faits n’étant pas connus intégralement , qu’une pai tie très étendue de la Scandinavie restant encore à explorer , il est impossible de donner actuellement une théorie définitive ; celle qui me paraît convenir le mieux à l’ensemble des faits observés jusqu’à présent, et offrir le moins de difficultés, est celle qui sup- pose une émersion brusque de la Scandinavie. L’existence de plu- sieurs systèmes d’érosions n’est point aussi difficile A concevoir que le pense M. Martins ; elle montre simplement qu'il ne faut pas attribuer tous les effets produits à un soulèvement unique sur- venu en un point central , mais à plusieurs soulèvements locaux , dont les centres et les axes correspordent aux points d’où sont par- tis les divers systèmes d’érosion ; beaucoup de ces soulèvements ont dii être simultanés , mais probablement pas tous , et il est vraisemblable qu'ils ont eu lieu pendant un certain période de temps. Les systèmes de sulcatures affectent en général une dispo- sition rayonnante , et il en est que l’on peut réunir ensemble , ou considérer comme les Inancbes d’un système général produit par le soulèvement d’une même région ; tels sont les trois systèmes que j’ai indiqués comme ayant strié le midi de la Suède, suivant les lignes S. -S. -E., S. et S. -S. -O. ; ils paraissent former un même groupe et appartenir à un seul grand système , qui s’est étendu en rayonnant et a embrassé une étendue angulaire d’environ 50°. Mais je répète que je n’attache point à cette théorie une impor- tance fondamentale ; elle n’a d’autre avantage cj[ue celui de s’ac- corder mieux que les autres, à mon avis, avec la généralité des faits connus M. Martins me reproche d’attribuer au Spitzberg une tempé- rature de — 15 ’: c’est en effet la température moyenne que j’ai at- tribuée aux régions polaires en général; or, voyons si j’ai tort, if’après IM. Martins j la température moyenne du Spitzberg est SÉANCE EU 2 NOVEMBRE I8/16. 117 de — 8" ; on n’a de données à cet égard que celles fournies par Sco- resby, car , la coininission du Nord n’ayant séjourné au Spitzberg que peu de jours de l’été , on ne peut déduire de ses observations la température de l’année. Or, Scoresby considère la température du 27 avril, — 8,3, comme représentant la température moyenne du Spitzl^erg sous le 78" de latitude , c’est-à-dire dans la partie méridionale du Spitzljerg ; mais il y a une différence très marquée entre le climat de la partie méridionale et celui de la partie sep- tentrionale ( 80” de latitude ), que nous avons visitée en 1839 ; dans celle-ci il est fort probable que la température moyenne est inférieure à — 8°, bien qu’étant supérieure à — 15o. Mais à l’île Melville, la température inoyeiine de l’année est, d’après les ob- servations du capitaine Parry, de — 18'" ; on voit donc si j’ai com- mis une grande erreur en attribuant aux régions polaires une température de ■ — 15°. IM. Martins avance que par une température moyenne de — 15^' il ne se formerait pas de glaciers; mais c’est une erreur, car cela n’exclutpoint une température un peu supérieure à zéro pendant une partie de l’été; or ce qui importe pour la formation des glaciers, ce n’est pas que la température moyenne ait une valeur déterminée, mais c’est que la chaleur estivale puisse opérer une fusion partielle de la neige et produire assez d’eau pour imbiber la masse sous- jacente. D’ailleurs il peut y avoir d’abondantes chutes de neige dans les contrées où les hivers sont très froids, surtout si ce sont des contrées littorales; car les vents qui ont rasé la surface de la mer sont presque saturés d humidité, et en arrivant au-dessus des terres qui possèdent une température beaucoup plus basse que celle de la mer ils déposent, sous forme de neige, une grande partie de la vapeur d’eau qu’ils contiennent. i\'î. Martins ajoute : CAjmme tous les auteurs qui n ont pas étudié les glaciers actuels , M. Durocher s'imagine que leur ancienne extension suppose un climat très rigoureux , etc. Je répondrai à M. Martins que j’ai aussi étudié les glaciers pendant mes différents voyages dans les Alpes, au Spitzberg et dernièrement en Norvège. M. IMartins pense qu’un abaissement de 2° ou de 4° au plus dans la température moyenne permettrait aux glaciers actuels de descendre jusqu’au lac Léman ; son opinion est motivée sur ce que la température s’abaisse de 1” par 187"", 5 d’élévation dans l’atmos- phère. D’abord le chiffre de 187"", 5 me paraît trop élevé (1) ; d’a- (1 ) Ce chiffre est déduit des observations comparées de Genève et du Saint-Bernard; mais ces deux stations sont trop éloignées l’une de 118 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. près l’ensemble des opérations relatives à ce sujet , le cliiffre véri- table pour nos climats doit être égal à 170, ou s’en écarter fort peu. D’ailleurs l’extension des neiges perpétuelles ne varie pas directement en raison de la température moyenne ; elle dépend aussi de la température estivale. Mais sans faire des calculs dont les bases manquent de précision, il est un moyen plus simple d’ap- précier approximativement quelle devrait être la température moyenne de Genève pour que les glaciers de la vallée du Rhône descendissent jusqu’au Léman : c’est d’examiner quelle est la tem- pérature moyenne des parties hautes des vallées de Chamouni , de Saint-Nicolas, du Rhône, del’Aar, etc., là où se terminent les glaciers actuels ; or cette température est en moyenne de 4®,0 à ù°,50 ; il faudrait donc que la température de Genève (9", 56) subît un abaissement non de 2° mais de 5", 56 ou 5%06. Quant à l’augmentation que suppose M. Martins dans l’influence des cir- ques couverts de neige, elle ne me paraît pas suffisamment motivée, car les cirques des Alpes sont situés pour la plupart , comme l’a déjà fait remarquer M. Desor, dans la région des neiges perpé- tuelles, entre 2,600 et 3,000 mètres, et c’est là une des causes principales du grand développement des glaciers alpins ; mais je ne vois pas qu’un abaissement de quelques cents mètres dans la li- mite des neiges perpétuelles puisse augmenter beaucoup l’influence de ces cirques. D’ailleurs les positions de Chamouni, Zermat, etc,, dans l’état actuel des choses, sont fort différentes de celles qu’oc- cuperaient Genève, Berne, etc., dans l’hypothèse d’un abaissement de température de quelques degrés ; car Chamouni , Zermat , sont pour ainsi dire au pied même des cirques de glace et de neige ; pour descendre jusqu’à ces villages les glaciers n’ont à parcourir qu’un trajet fort court , comparativement à celui qu’ils auraient à parcourir pour arriver à Genève ; aujourd’hui ils sont abrités par les flancs de montagnes abruptes , tandis que dans les plaines qui séparent les Alpes du Jura ils seraient beaucoup plus exposés à l’action des diverses causes de chaleur : si une température moyenne d’environ 4*^, 50 ne permet pas aux glaciers de nos jours de s’avancer jusqu’au centre des vallées principales , et les force à se maintenir dans les vallées secondaires qui y aboutissent, il est très probable que la même température les empêcherait d’envahir le large bassin de la Basse-Suisse. l’autre, et soumises à des influences locales trop différentes, pour que l’on puisse en déduire la valeur du décroissement de la température en raison de l’élévation. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/iO. 119 Par des considérations très simples on peut reconnaître que rabaissement de température su])posé par M. IMartins n’est point une condition suffisante pour satisfaire à sa théorie; eu edet la masse des glaciers éprouve chaque année une destruction ou une ablation qui n’est pas entièrement compensée par l’effet, de la congélation produite à leur intérieur ; c’est en vertu de l’épaisseur qu’ils ont dans les parties élevées, et qui va en diminuant de plus en plus vers les parties inférieures , que les glaciers peuvent s’a- baisser dans des régions dont la température moyenne est supé- rieure à zéro. Il est alors facile de concevoir que le développement d’un glacier en longueur dépend de la puissance des niasses de glace et de névé qui lui donnent naissance : aujourd’hui les glaciers les plus étendus n’ont pas tout-à-fait 3 myriamètres de longueur ; il faudrait donc une épaisseur de glace ou de névé incomparable- ment plus grande pour que les glaciers diluviens s’étendissent à plus de 21 myriamètres de leur origine, c’est-à-dire à une distance sept à huit fois plus grande ; cette augmentation d’épaisseur serait en effet justifiée par l’élévation de la zone erratique au-dessus du fond des vallées, élévation qui va jusqu’à 1000 mètres ; mais il est évident qu’un aljaissement de température de 2 ou à” n’est point une cause suffisante pour faire acquérir aux glaciers une puissance bien supérieure à celle qu’ils ont aujourd’hui. J’ajouterai que M. Martins a pris Genève pour point de compa- raison ; mais le phénomène erratique s’est développé sur les deux versants des Alpes ; les agents d’érosion ont laissé des stries dans les vallées j usqu’à leur emhouclmre dans le grand bassin du Pd (on voit encore des stries sur les rochers avoisinant Ivrée, dans la val- lée d’Aoste, et aussi dans la vallée de la Doire, près de son extré- mité ) ; des blocs alpins ont été aussi déposés à la surface des col * lines qui se trouvent dans cette plaine. En employant les mêmes considérations que nous avons exposées précédemment, on verrait que pour s’étendre jusqu’au bassin du Pô , les glaciers diluviens auraient exigé un abaissement de température encore plus grand de quelques degrés que celui nécessité par l’hypothèse de leur ex- tension jusqu’au bassin de Léman , vu la différence de température qui existe entre ces deux contrées. M. Desor ne pense pas que l’objection que l’on tire ordinai- rement de la pente des glaciers actuels , contre l’ancienne ex- tension des glaciers, ait la portée que lui attribuent quelques auteurs. Sans doute la pente moyenne de la plupart des grands 120 SÉANCE I)U 2 NOVEMBRE 18/i6. glaciers des Alpes est supérieure à celle des rivières. La pente du glacier d’Aletsch est, d’après M. Élie de Beaumont, d’en- viron 30 • celle du glacier de l’Aar , depuis l’Abschwung jusqu’à l’issue du glacier, est, d’après les mesures géodésiques faites par les soins de M. Agassiz, de 6'",90/i p. 0/0, soit de 3o 57' 32", et, dans la partie supérieure, depuis le pied du col de la Sirahleck jusqu’à l’Abschwung, de /lO'. La pente moyenne de tout le glacier, depuis le pied de la Strableck jusqu’à la sortie de l’Aar, est de 3^ 1'. Mais il ne faut pas oublier que ces mesures ne concernent que la surface des glaciers, et nullement leur fond. En effet, de ce que les glaciers sont beaucoup plus, épais dans leur partie supérieure qu’à leur extrémité, il s’en- suit que la différence de pente entre le fond et la surface doit être en raison de cette différence d’épaisseur. Or, en combinant l’épaisseur des différents points du glacier, telle que nous la connaissons maintenant, avec la distance qui sépare ces mêmes points , nous trouvons que la pente moyenne du fond du glacier de l’Aar est de moins d’un degré (0*^ 43'). / M. Martins ajoute que dans la Scandinavie les stries res- semblent à celles des Alpes. M. Durocher convient que dans les montagnes il y a simili- tude complète, mais qu’il n’en est pas ainsi dans les plateaux de la Suède. M. Martins demande si M. Durocher admet qu’il y ait eu huit ou dix courants ^ s’ils ont été simultanés ou successifs. M. Durocher répond que cela est très difficile à déterminer d’après un premier voyage. Il renonce cependant au courant unique qu’il admettait autrefois , et est disposé à en admettre plusieurs successifs j mais il ne croit pas possible, dans l’état ac- tuel des observations, de faire une théorie. Il est arrivé seulement à ce résultat , qu’il y a eu des centres d’action dans un pays où le niveau moyen est de 800 à /iOO mètres et couvert de lacs. M. V. Streffleur adresse à la Société le prospectus d’un ou- vrage publié en allemand et intitulé : Influence de la rotation, sur le niveau des mers et sur la fortnaiion des continents et des montagnes , avec un, aperçu de ! histoire pliysicpie du sol de r Europe t et un atlas colorié; in-S^, 308 p. Vienne , 1840. 121 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Zi6. La table générale, que nous donnons plus bas, présente une idée des matières traitées par Fauteur. M. Streffleur a envoyé en ouire la traduction de Fintroduction par M. Etienne. Il désire- rait voir tout Fouvrage traduit en français. Table générale des matières. Chapitre I. Des causes de la différence du niveau des mers actuelles : 1” Faits; S" Explications des naturalistes; 3® Vues de Fauteur. [Nota. Chacun des chapitres suivants présente le même ordre de classification que celui-ci. ) — Chapitre II. Recherches tendant à déterminer si le niveau de la mer s’élève, s’abaisse, ou si, pendant le cours des temps, il est resté à la même hauteur. — Chapitre III. De l'origine et des espèces de courants marins , ainsi que des causes de la différence locale du poids spécifique de Feau de mer. — Chapitre IV. De l’origine des continents , des montagnes et des cou- rants marins , ainsi que des causes de leur distribution , de leur forme et de leur direction actuelles. — Chapitre V. Recherches sur les prétendus soulèvements et les abaissements des continents et du fond de la mer. — Chapitre VI. Recherches sur l’origine, la pro- pagation et les effets des cataclysmes. — Chapitre Vil. Aperçu de l’histoire du sol de l’Europe sous le rapport géognostique. — Chapitre VIII. Phénomènes de la surface de la terre provenant de Faction du feu. M. Lory offre à la Société ses Etudes sur les terrains secon- daires des Alpes dans les environs de Grenoble. Ce travail a principalement pour objet la puissante formation crétacée à laquelle appartiennent les montagnes de la Chartreuse, et dont les couches reposent, à FE. et au S. , sur les assises jurassiques des vallées de FIsère (entre Montmeillan et Gre- 1 noble), du Drac et de la Drôme. Cette formation a été regar- I dée comme représentant en Dauphiné Fétage néocomien. 1 D’après les observations de M. Lory elle serait supérieure au I terrain néocomien de la Savoie. I M. Marcou donne lecture de sa réponse à une note de M. Royer (^Bulletin, 2e série, t. II, p. 705). Réponse à une note de M. Ernest Royer y sur la non -exis- tence des groupes portlandien et kimméridien dans les j Monts-Jura ; par M. J, Marcou. Dans une Note sur les terrains jurassiques supérieurs et moyens de la Haute-Marne ( insérée dans le Bulletin , 2* série , t. II , 122 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. réunion à Avallon, p.' 705 ) , M. Royer prétend que les géologues du Jura ont synchronisé à tort plusieurs séries d’assises qui se trouvent dans ces montagnes avec les groupes portlandien et kimméridien de la Haute-Marne et des autres parties de la France ; et que MM. Thirria et Thurmann ont pris pour portlandien et kimméridien la base des marnes kimméridiennes et le groupe à Astartes du bassin de Paris , ainsi que quelques assises du corallien. Voyons si les opinions, ou plutôt si les conjectures probables de Al. Royer ( car ce géologue ne les donne qu’avec beaucoup de ré- serve), sont en rapport avec les faits observés , et si réellement notre Jura est déshérité des groupes portlandien et kimméridien. AI. Thirria , dans ses deux mémoires sur le terrain jurassique de la Haute-Saône, n’établit pas, à la vérité, une distinction bien tranchée entre les gi-oupes kimméridien et portlandien , qu’il réunit sous le nom de calcaires et marnes a Exogyres , quoique l’on trouve dans les coupes que ce savant géologue donne dans sa Scatistir/ue géologicjiie de la Haute-Saône les assises constituantes du portlandien et du kimméridien , et qu’il n’y ait qu’à les grouper pour opérer les distinctions entre les deux divisions. Si M. Thirria n’a pas opéré ce groupement , cela tient à l’époque où ce géolo- gue étudiait la Haute-Saône , ainsi qu’aux difficultés que pré- sentent les dislocations jurassiques ; car le véritable portlandien ne se rencontre que par lambeau dans le fond de quelques vallées et sur de petits monticules , où il n’a pas été entièrement enlevé par les grandes dénudations qui ont eu lieu dans le Jura ; et d’un autre côté, il ne faut pas oublier que c’est à AI. Thirria que l’on doit les premières bonnes descriptions du terrain jurassique sur le continent , et que l’on connaissait alors un très petit nombre de fossiles du sol français. Aiais , avec les connaissances paléontolo- giques et géognostiques actuelles , on ne peut pas visiter les diffé- rents points décrits par Pd. Thirria sans y reconnaître immédiate- ment les deux groupes kimméridien et portlandien. Ainsi, dans les environs de Gray, cités par M. Royer, on trouve ces deux groupes très bien développés et très distincts , comme je le montrerai plus loin. Dans ses Essais sur les soulèvements jurassiennes du Porrentruy ^ AI. Thurmann donne une coupe descriptive du terrain jurassique à partir de Porrentruy jusqu’au cirque liaso^keupérien de Cornol dans le Alont-Terrible. Cette coupe , dont l’exactitude dans les détails ne peut être comparée qu’aux ingénieuses théories du sa- vant géologue du Jura bernois , ne renferme pas le véritable groupe portlandien, qui ne se trouve pas au Banné, point de départ SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 123 de la coupe. M. Tliurniann dési^pie, à la vérité, le calcaire qui forme la montagne du Baimé sous le nom de calcaire portlandien ; erreur qui provient de ce que M. Thurmann n’avait pas encore , à cette époque , reconnu le véritable portlandien dans les environs de Porrentruy, et de ce qu’il avait cru, par suite de la ressemblance de plusieurs fossiles des calcaires du Banné avec ceux décrits et cités par MM. Sowerby et Buckland dans File de Portland , pou- voir synchroniser ces calcaires avec le portland-stanc. De sorte qu’il a désigné sous le nom de calcaire portlandien une série d’assises calcaires qui se trouvent au-dessus des marnes kimméri- diennes et qui ne sont autres que le faciès calcaire du kimmeridge- clay^ que j’ai désigné sous le nom de calcaire kimméridien (voir Bidlctiu de la Société geai. ^ t. ÎIÎ , 2® série , p. 507 ). Avec les mé- moires de M. Thurmann à la main, sans avoir même visité les lieux , il n’est guère possible de pouvoir classer les marnes et cal- caires du Banné dans le groupe des Astartes, ou tout-à-fait à la partie inférieure du kimméridien, comme l’a fait M. Royer, qui du reste a visité Porrentruy lors de l’assemblée de la Société géologique de France dans cette ville , et qui alors a pu faire la comparaison avec le kimméridien de Bourgogne et du Boulonnais , dont les fossiles sont presque tous les mêmes. D’ailleurs le groupe séqua- nien ou à Astartes se trouve très bien développé sur la montagne la Perche, située vis-à-vis du Banné au-dessus du village de Fon- tenois, et dans le bois du côté de Courchavon près du pont d’Alde. Ainsi , il n’y a aucune équivoque sur le synchronisme des marnes et calcaires du Banné avec le groupe kimméridien. Quant au vé- ritable groupe portlandien , M. Thurmann l’a reconnu depuis quelques années sur plusieurs points des environs de Porrentruy , notamment à Aile et au coin du bois près de Courtedoux , où j’ai eu le plaisir de l’étudier dernièrement avec ce savant géologue ; et si je n’en donne plus loin que quelques notes de description, c’est que M. Thurmann prépare en ce moment un travail très détaillé sur les groupes séquanien, kimméridien et portlandien des environs de Porrentruy , travail qui sera très prochainement adressé à la Société géologique. Un autre géologue , non moins savant et aussi bon observateur que MM. Thurmann et Thirria , M. Gressly , dans son excellent mémoire sur le Jura soleurois , n’établit pas d’une manière bien tranchée les subdivisions de la partie supérieure de l’étage oolitique supérieur, qu’il comprend sous la dénomination fie terrain portlan- dien. Cependant M. Gressly avait très bien aperçu les différences notables qui existent entre la pétrographie et la paléontologie des SÉANCE DU 2 novembre 1846. 124 différentes assises qui composent cette partie supérieure du Jura ; et il est certain que si ce savant géologue eut rencontré une coupe présentant la série bien complète et facile à suivre de l’étage ooli- tique supérieur , il aurait très bien distingué les groupes séqua- nien , kimméridien et portlandien , qu’il a réunis dans un même groupe , tout en établissant dans ce groupe des faciès tout-à-fait différents et qui ne sont autres que ces groupes , mais regardés comme étant des faciès du portlandien. De sorte que M. Gressly n’a pas appliqué , dans ce cas , avec exactitude sa belle théorie des dilférents faciès d’un même groupe , et qu’une rectification est nécessaire pour cette partie de son beau mémoire. Les recherches que j’ai pu faire dans les diverses parties des Monts-Jura m’ont conduit à regarder de la manière suivante les différents faciès du terrain portlandien , établis par M. Gressly. he/ûciès littoral (a) vaseux a Exogyrcs et à Ptérocères (1) n’est autre que le groupe kimméridien comprenant les marnes et calcaires kimméridiens , dont le type se trouve dans les environs de Por- rentruy, au Banné et à Haute-Cœuve. Quant à son faciès des mar- nes à As tartes de Bure près Porrentruy, qu’il regarde comme une transformation du faciès (c^), ce n’est autre chose qu’un faciès vaso- marneux tout-à-fait analogue au faciès {a) , mais appartenant au groupe à Astartes ou séquanien. De plus , partout où l’on rencontre des Exogyra virgida avec association d’Acéphales, faciès qu’il com- prend encore dans son faciès [a) ( voir page 133 du mémoire cité précédemment ) , on est dans les couches des marnes portlan- diennes véritables ; car V Exogyra virgula ne se montre jamais dans le kimméridien des Monts-Jura, ho faciès corallien (b) n’est autre cjue le groupe séquanien avec bancs de coraux, dont le type se trouve dans les environs de Salins et à Rœdersdorf dans le Haut-Rhin. M. Gressly avait remarqué, avec beaucoup de justesse, que ce faciès coralligène se trouvait en compagnie des Astartes (voir pages 139 et 140) ; de sorte qu’il ne lui a manqué qu’une coupe où la superposition fût certaine , pour qu’il distinguât les deux groupes séquanien et kimméridien dans les environs de Laufon. Le faciès de charriage portlandien (c) paraît devoir se rapporter au même faciès, mais dans le groupe séquanien. Quant à ses faciès (d) et (e) à polypiers spongieux , eugéniacrincs , et calcaire h tortues , pélagique et subpélagiquc , ils se rapportent , (1) Voir Observations géologiques sur le Jura soleurois ^ pages 127 et suivantes , par M. Gressly ; inséré dans les Nouveaux Mémoires de la Société helvétique , tome IV, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/i6. 125 } 1 selon toute apparence , au véritable (>roupe portlandien. Ainsi , l’on voit que les divers groupes de l’étage oolitique supérieur ne sont pas bornés au bassin parisien, mais se retrouvent encore dans , les cantons de berne et de Soleure , et que M. Gressly , en éta- blissant les divers faciès de son terrain portlandien , n’a fait que distinguer les divers groupes qui en réalité constituent cette partie jurassique supérieure , et qu’il ne lui a manqué qu’une coupe pré- sentant toute la série sur le même point , pour opérer cette dis- tinction par groupe , au lieu d’en faire les divers faciès d’un même groupe, comme il l’a établi. i Après avoir passé en revue les ouvrages des trois principaux ' géologues qui ont écrit sur les Monts-Jura , et avoir clierclié à I montrer qu’en ayant seulement les mémoires de ces savants à sa disposition , on ne peut guère nier l’existence du kimméridien et ' du portlandien dans le Jura français et suisse , je vais essayer de prouver à M. Royer, au moyen des observations que j’ai faites sur divers points du .lura, que réellement nous possédons bien tous les I groupes jurassiques supérieurs , et que l’opinion hardie (comme I il le dit très bien ) qu’il émet est des plus hasardées. Dans le .lura salinois , voici quel est l’ordre de superposition t des couches et les fossiles principaux que l’on y rencontre. Avec l’apparition desCrinoides , Cidarides et Polypiers , commencent les premières assises calcaréo-marneuses du groupe corallien , qui , suivant qu’on l’oJjserve dans des régions littorales , subpélagiques ou pélagiques , présente trois faciès bien distincts. Le faciès litto- ral est caractérisé par un immense développement de Polypiers et de Radiaires , qui ont formé d’énormes bancs coralligènes , au- tour desquels vivaient quelques acéphales à test fortement plissé et orné le plus souvent de pointes aiguës, ce qui leur donnait un habitus propre à résister aux dangers continuels auxquels ils étaient exposés par les vagues qui venaient se briser sur ces bas- fonds et îles coralliennes. Dans les régions subpélagiques, les bancs coralligènes ont beaucoup diminué et ne se présentent plus que çà et là isolés sur quelques bas-fonds oiï ils ont été englobés au milieu des assises calcaires alors en voie de formation. De sorte que le faciès subpélagique est caractérisé par un immense développe- ment d’assises calcaires , qui succède à la formation vaso-inar- neuse de l’étage oxfordien , avec accidents de bancs de coraux et quelques couches lumachelliques formées par des polypiers roulés et usés par les charriages. Quant au faciès pélagique, on le distin- gue en ce qu’il est composé d’une énorme série d’assises de cal- caires compactes, renfermant de temps à autre quelques fragments 126 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846, de Litliodendres OU d’Astrées, qui, détachés des bancs coralligènes littoraux ou subpélagiques, ont été entraînés en pleine nier par les courants océaniques. Les assises supérieures du groupe corallien présentent dans toutes les régions un calcaire très oolitique , qui les a fait distinguer des autres assises du groupe sous le nom d^oolite corallienne. Quelque- fois on y rencontre plusieurs couches qui sont pétries d’une petite Nérinée connue sous le nom de Nerinea hrantriitann , Thurm. ; mais cette manière d’être de l’oolite corallienne est bornée à un assez petit nombre de points du Jura bernois , de la Haute-Saône et des environs de Salins , ce qui m’a obligé de supprimer cette division du calcaire à Nérinées , et de ne la regarder que comme un faciès de l’oolite corallienne. ]\L Royer, dans la coupe qu’il donne du terrain jurassique de la Haute-Marne , distingue , avec beaucoup de justesse , les deux manières d’être du corallien qu’il regarde comme synchroniques , et établit deux aspects pour ce terrain : son aspect («) qui n’est autre que le faciès pélagique , et son aspect {h) le faciès littoral coralligène. Cette remarque judicieuse de M. Royer, remarque qui avait été déjà faite bien antérieurement par M. Gressly , me fournit l’occasion de donner quelques explications sur la dénomi- nation de groupe corallien donnée aux assises de roches qui con- stituent ce groupe. Je pense que les désignations des différents groupes qui constituent un étage , puis un terrain , doivent être choisies de telle manière qu’elles rappellent la région géogra- phique où ce groupe se présente dans son plus beau développe- ment , en prenant ce point comme type descriptif du groupe. Si l’on avait toujours suivi cette méthode , au lieu de donner des noms paléontologiques ou technologiques , on n’aurait pas eu à rectifier et à replacer dans leur véiitable ordre clironologique un grand nombre de séries de couches , dont le synchronisme avec les assises ci’ un pays décrit auxquelles on voulait les rapporter était loin d’être exact. Plusieurs géologues très distingués ont re- connu depuis longtemps l’abus que l’on pouvait faire de ces sortes de désignations empruntées à l’indisslric et aux fossiles , et se sont appliqués à créer des noms qui , tout en rappelant la région géogra- phique où le groupe peut être le mieux étudié et présente son plus beau développement , n’entraînent pas avec eux les inconvénients de vouloir rappeler que les roches cjui le constituent servent dans tel endroit à un usage industriel , comme le mot quadersandstein.) ou bien que l’on doit y trouver partout le même fossile , comme par exemple les marnes h Astartes ; le calcaire à Nérinées , etc. 127 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. M. Thurmann est iiii des premiers qui aient senti toute Timpor- tance de ces désignations géographiques , et les géologues français lui doivent plusieurs noms de groupes qui sont actuellement adoptés partout, et qui ne donnent lieu à aucune équivoque ; ainsi portlandicn , kininicridien , oxfordie/i , scqaanicn , ucocomien , etc. M. Alcide d’Orbigny a introduit aussi très judicieusement plu- sieurs noms qui remplacent avec beaucoup d’avantage ceux que portaient primitivement ces groupes ; ainsi sénonien , turonien , aptien , kellovien , etc. Je citerai encore M. d’Omalius d’Halloy , qui , en voulant seulement établir avec régularité les divisions géographiques, a, en réalité, posé les bases d’une véritable classi- fication pour les divers groupes des roches sédimentaires qui se trouvent sur notre globe ( voir son excellent mémoire intitulé : Note sur les divisiotis géographiques , Bulletin de l’ ylcadétnie royale des sciences de Bruxelles , t. XI, n" 9 ). Revenant à la désignation de groupe corallien , je crois que ce nom n’est pas très exact , et qu’en le remplaçant par un nom géographique on éviterait un très grand inconvénient. Car le mot corallien ne rappelle qu’une idée d’une association d’êtres organisés qui constituent ordinairement ces sortes de sta- tions, tels que Polypiers , Ecbinodermes etCrinoïdes. Or, cet en- semble d’organisme se trouve pour une même série d’assises dis- séminé çà et là sur des points oii il a pu se développer , sans embrasser jamais toutes les localités , où cependant l’on reconnaît un autre ensemble d’êtres que l’on regarde comme ayant vécu à la même époque , et se trouvant dans des assises qui sont synchro- niques. De sorte que ce mot de corallien entraîne avec lui une idée qui n’est pas réellement celle que l’on doit se former du groupe que l’on a l’habitude de désigner sous ce nom. D’ailleurs un autre inconvénient non moins grave , c’est qu’il n’existe pas de terrain , pas même de groupe , qui ne présente cet ensemble d’êtres que l’on regarde comme constituant une région coralligène. Or, puisque cet ensemble d’organisme n’est pas exclusivement propre à un groupe , et de plus que dans ce groupe il n’est pas répandu sur presque tous les points , on ne peut le regai der que comme une manière d’être ou un faciès du groupe dans lequel on le rencontre : ce qui me conduit à regarder le mot coral- lien comme devant désigner un faciès dans un groupe et non pas être le nom même du groupe. Ainsi, il me semble plus logi- que de désigner le groupe corallien actuel par un nom géogra- phique ( que je laisse à la disposition des géologues qui s’occupent plus spécialement de ce terrain ) , en ayant soin d’établir les di- 128 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/i6. vers faciès et de dire : Dans telle région . comme par exemple dans la llaiite-Sadne , le Porrentruy , ce groupe présente le faciès corallien . Le corallien , ainsi que Fa établi M. Royer, se présente donc dans la Haute-Marne de la même manière que dans les Monts- Jura , et les assises peuvent parfaitement se synclironiser dans les deux pays, car les fossiles les plus caractéristiques s’y retrouvent au même niveau géognostique , comme on peut le voir par la série suivante : Serpula gordialis ^ Goldf. ■ — Jlaccicla, Phill. — gra/idis , Goldf. — co/2{>oluta , Goldf, Nerhiea bruntrutana , Thurm. — sujjrajiirc/isis , Voltz Ostrea eduliformis ^ Ziet. — var. cxplcmata ^ Goldf. — rostclUu is ^ Goldf. Pccten vimineiis , Goldf. — lugens , Thurm. Tcrehratida lagcnalis , Schlot. P lima ernssi testa , Thurm. Aicaringcns, Thurm. Corini ya corhidoldes , Agass. Diadeinn suhangidare , Agass. — priscum , Agass. Pedina siiblœvis , Agass. Hendeidaris cremdaris , Agass. Cidnris Bluineubachii , Agass. — - coro/iata , Goldf. ■ — erneifera , Agass. — propiucpia , Agass. — pus tdi fera , Agass. — subspinosa , Nob. Dans les dernières assises de l’oolite corallienne commencent à apparaître quelques couclies marneuses interposées , renfermant quelques fossiles , qui indiquent le commencement des marnes (l) M. Royer place la Nerinea suprajurensis deux divisions du corallien et des calcaires à Aslartes; et il en agit de même pour plusieurs autres fossiles qui se trouvent quelquefois dans trois de ses divisions, tels que Gryphœa virgida, Ostrea solitaria^ Isocardia ex- centrica et injlata, Pholadoraya Protei ^ etc. Cette position d’un même fossile dans trois groupes différents d’un terrain d’une contrée très restreinte , est assez insolite et vient se placer en travers des beaux Echi/ius perlatus ^ Desmar. Glypticus hieroglyphicus , Agass. Apiocrinus rotundus ^ Milkr. Ceriocrinus Mideri , Kœnig. Miüericriiius rosaceus ^ d’Oi b. — Beaiinwatii ^ d Orb. — Nodotianus , d’Orb. — echinatus , d Orb. , Pentacrinus scalaris ^ Goldf. — cylindricus , Desor. Astrea decemradiata suhtubidosa , Thurm. — sexradiata nostratum , Thurm. Agaricia fallax , Thurm. — confiisa , Thurm. — concinna , Thurm. — Grc,v.y/j7 , Thurm. Anthophyllum variabile , Thurm. Scyphia amicorum ^ Thurm. — ■ Bro/inii , Münst. Cncmidiiun bidbosum , Münst. Lithodendroji aUobrogum . Etc. SÉANCE DU 2 NOYEMBRE 1846. 120 séquaiiieiiiies. Ces marnes grises-blanchàtres alternent avec de minces couches de calcaires compactes , à pâte très fine , qui finissent par prédominer et par former une très grande série d’assises calcaires que j’ai désignée sous le nom de calcaires séqua- niens. Ce groupe correspond parfaitement avec la -division (c) ou calcaire à Astartes de M. Royer. Les fossiles les plus caractéris- tiques que l’on y rencontre dans le Jura salinois sont : Ammonites (2 espèces). MelüJiia striata , Sow. — heddingtonensis , Sow. — abbreeiata , Roem. Melania tiirbiniformis ^ Roem. — maci'ostoma , Roem. N évita cancella ta , Ziet. Rostellaria Wagneri* (l ) , Thurm. résultats auxquels sont parvenus MM, Agassiz et Alcide d’Orbigny. J’ai fait voir, dans le résumé de mon Mémoire intitulé : Recherches géologiques sur le Jura salinois (voir Bulletin de la Société géolo- gique , 2® série, t. 111, p. 500), que si l’on trouvait dans les deux groupes séquaniens et kimméridiens des environs de Resançon et de Salins des fossiles identiques, c’est qu’il s’était effectué une migration de fossiles , et que des charriages les avaient ramenés dans leur pre- mière patrie ; de sorte que dans le Jura bisontin et salinois les lois des paléontologues se vérifient complètement. Tandis que dans la Haute- Marne , des fossiles identiques se trouvent dans trois groupes , qui , quelquefois, ne se suivent pas, tels que, par exemple, le Fteroccrus oceani que M. Royer place dans le portlcuidicn, le calcaire à Astartes et le calcaire corallien compacte ; dans ce cas il est impossible d’imaginer même une explication satisfaisante, et tout me porte à croire que les espèces identiques de M. Royer sont toutes différentes , et auraient besoin d’être déterminées un peu plus rigoureusement. De sorte que les faits de fossiles différemment distribués dans la Haute-Marne que dans le Jura , décrits par MM. Thirria et Thurmann , sur lesquels s’appuie M. Royer pour nier l’existence du portlandien et du kimméridien dans le Jura, sont basés sur des déterminations de fossiles qui ont besoin d’être étudiés de nouveau avec plus d’attention ; et je pense que si M. Royer avait eu sous les yeux les séries de fossiles des deux pays , classés chacun dans leur groupe respectif, l’étude comparative de ces séries lui aurait démontré le synchronisme qui existe véritablement entre les assises jurassiques de la Champagne et de la Franche-Comté. Avant de terminer cette petite note, je rectifierai la confusion qui existe au sujet de la Ncrinea suprajurensis. Par suite d’un malen- tendu, M. Goldfuss a donné ce nom à une espèce qui n’est pas de celles qui se trouvent dans le portlandien ; car l’exemplaire qui a été figuré et décrit appartient et se trouve dans les collections de M. Thur- mann, qui l’a recueilli dans le groupe corallien des environs de Por- rentruy. (1) Les espèces marquées d’un astérisque, ainsi que plusieurs autres que je n’ai pas citées, sont celles qui ont émigré dans le Porrentruy à Soc. gêoL, 2® série, tome IV. 9 130 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. Ostrea sandaUna , Goldf. — sequaud , Thurm. — hriintriLtaua *, Thurm. Tcrchratula (4 ou 5 espèces). Mytilus pectinatus , Sow. — jiirensis *, .Mérian , ■ — suhœqiiiplicatus * , Goldf. TricJiites Saiissiiri *, Thurm. Ceromya iiijiata Agass. Trigonia siijjrajiirensis Agass. — geograplûccy Agass. — picta , Agass. As tarte minima^ Phill. Lucina Elsgaiidiœ* ^ Thurm. O davis hacculifera , Agass. ■ — nohills ^ Agass. Diadcma pseiido diadenia , Agass. Apiocrinus Meviani , Desor. PcntacriniLs (inédit). Astrea sexradiata baiigesica , Thurm. Lithodendron Raaraciim , Thurm. — rnagniuii , Hhnvm.. Etc. Au-dessus des caleaires séquanieus se trouvent les assises des marnes kimméridiennes. Ces assises, d’une puissance assez notable dans les régions littorales, vont progressivement en diminuant à mesure que l’on s’avance dans les régions SLibpélagiques et finissent par disparaître complètement dans les régions pélagiques , où elles sont alors remplacées par les calcaires kimméridens , qui se con- fondent avec les assises calcaires sécjuaniennes et portlandiennes pour ne former qu’une immense série de couches calcaires sans interposition marneuse ( comme à la Dole et au Reculet ). Les marnes kimméridiennes du Jura correspondent bien aux marnes kimméridiennes de la Haute-Marne ; c’est la division {b) de M. Royer ; et les calcaires cpie j’ai désignés sous le nom de kim- méridiens correspondent à la division (c) du portlandien ; ces deux divisions réunies forment mon groupe kimméridien. La liste des fossiles kimméridiens de AI. Royer est à peu près la même que celle du kimméridien des Alonts-Jura ; seulement les Ammo- nites , qui se trouvent en assez grande aljondance dans la Haute- Alarne , sont excessivement rares dans le Jura suisse , ainsi que dans les départements du Doubs et du Jura , où l’on n’en rencontre que les fragments d’une seule espèce ; mais lorsque Ton s’avance du coté du bassin bourguignon , comme aux environs de Gray , de Cbamplitte , les Ammonites se montrent alors en plus grande aljondance et finissent par être aussi communes que dans les ré- gions du bassin parissien. Voici la liste des fossiles caractéristiques de notre kimméridien i Nautilus giganteus ^ d’Orb. Ammonites (3 ou 4 espèces). P erocerus oceani , Brong. Natica hœmispherica , Roem Melania cristallina , Thurm. Trochus Bourguetti ^ Thurm. l’époque kimméridienne ; car on ne les trouve pas, dans ce pays, dans le groupe séquanien. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. m Ostrea solitaria , Sow. CcroDiya exceiitrica ^ Agass. Pholadomya protêt , Brong. — triuicata ^ Agass. — nifaciiia , Agass. Homoniya hortulana , Agass. — compressa , Agass. Arcomya lielvetica, Agass. Mactromya rugosa , Agass. Les marnes portlandiennes ( que je désignais auparavant sous le nom de marnes a Exogyres virgules) viennent se superposer sur les dernières assises du calcaire kimméridien ; elles correspondent à la partie inférieure de la division {h) du terrain portlandien de M. Royer ; et le calcaire portlandien qui succède à ces marnes correspond à la partie supérieure de la division {b) et à la divi- sion {a) du pordandien de la Haute-Marne. On retrouve dans le Jura , à la partie supérieure , les mêmes couclies perforées et cariées que cite M. Royer ; j’ai même remarqué que ces cou- ches perforées étaient beaucoup plus puissantes lorsqu’on s’a- vance du côté de la Haute-Marne , comme par exemple aux en- virons de Gray. Les fossiles des marnes portlandiennes diffèrent complètement de ceux des marnes kimméridiennes , quoique cependant ils affectent des formes très analogues, surtout dans les environs de Porrentruy. Les plus caractéristiques sont les suivants : Pleuromya donacina, Agass. Corimya Studeri , Agass. Avicida Gessneri , Thurm. Perna plana, Thurm. Spondylus inœcpiistriatas ^ Voltz. Clypeiis acutus , Agass. Hemicidaris Tliurmanni , Agass. Cidaris pyrifera , Agass. Etc. Sphœrodus gigeis , Agass. Pycnodiis Hugii , Agass. Psammodiis , Agass. Nautilus (inédit). Pterocerus (inédit). Phasianella portlandica , Thurm. Nerinea tiinodosa, Yoltz. — Salinensis , Thurm. — grandis , Voltz. — macrogonia , Thurm. Exogyra virgula , Defr. Trigonia concentrica , Agass. Pholadomya multicostata , Agass. Pholadomya trigonata , Agass. — angulosa ^ Agass. Cercomya spatida , Agass. Arcomya gracilis , Agass. Corimya tenera , Agass. Terehratida. hiplicata suprajuren- sis , Thurm. Gervilia (inédit). PyguriLs jurensis , Nob. Acrosaleiüa aspera ^ Agass. Discoidea speciosa^ Agass. Etc. En résumé , l’on voit que tous les groupes et sous-groupes de l’étage supérieur jurassique de la Haute -Marne se trouvent aussi dans le Jura salinois ; et que par conséquent nous possédons aussi les groupes kimméridien et portlandien tels qu’ils se présentent 132 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1840. clans le bassin parisien. Je ne crois pas hors de propos de mettre en regard ce synclironisine des couches : LE JURA SALINOIS. LA HAUTE-MARNE. Groupe porllamlien. I Calcaires porllaudieris. . ( Marnes poiTlaiidiennes. , Groupe kimmcridieu. Calcaires kimniëridiens. Marnes kirnmëridiennes. Groupe sëquanien. Calcaires scquaniens. . . Marnes sëquaniennes. . Groupe C'trallicn. . Oolile corallienne. . . , Calcaires corallien*-'. . . Î Divisions (a) et {b) du lerrain portlandien de M. Royer. 1 Division (c) du terrain poi llandien j et (B) (les marnes kininiërid. j Division (iTjou calcaire à Astarles. ) Divisions (D) et (E), ou calcaire et ) oolile corallienne. Il me reste maintenant à examiner si les groupes kimméridien et portlandien se trouvent bien aussi dans les autres parties du Jura. Je me bornerai à quelques mots de description pour deux ou trois points principaux de cette chaîne, pensant que cela suf- fira pour établir définitivement l’existence de ces groupes. Les environs de Porrentruy, devenus classiques pour le Jura suisse , depuis les exeellentes descriptions qu’en ont données MM. Tliurmann et Gressly , présentent d’une manière très dé- veloppée les différents groupes de l’étage oolitique supérieur. Le groupe corallien s’observe avec son faciès littoral coralligène , soit en s’avançant du coté de Courtemaiche , soit en gravissant les flancs du ]Mont-Terrible derrière Villars ; les fossiles s’y montrent en assez grande aljondanee , surtout les Polypiers et Cidarides ; et dans la partie supérieure on y rencontre dans l’oolite corallienne le faciès àNérinées, pétri de Ncrinca hrnntriitana et de Neri?iea su- prajurensis. Au-dessus se trouve le groupe séquanien, renfermant un grand nombre iï A s tarte minima^ dC Apiocrinus Mcriani ^ etc., et j)résentant le meme faciès pétrograpliique que dans les départe- ment français du DouIjs, de la Haute-Saône et du Jura. On peut surtout observer ce groupe près du sommet de la Perche , mon- tagne qui se trouve vis-à-vis le Banné , à gauche de la route en allant de Porrentruy à Fontenois. Puis viennent les marnes kim- méridiennes , si bien développées au Bantié et à Haute-Cœuve , où elles présentent le faciès littoral à Acéphales et Gastéropodes. Ces mollusques formaient dans ces régions d’immenses bancs ( ana- logues à ceux que l’on observe aujourd’hui près des rivages de nos mers ) , où ils vivaient associés par familles de cinquante à cent individus de tout âge ; et on les retrouve encore actuellement dans la position normale qu’ils occupaient lors de leur existence. Les calcaires kimméridiens forment en entier la montagne du Banné , et se retrouvent sur beaucoup d’autres coteaux des envi- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. 133 rons de Porrentmy. Enfin , l’on rencontre au-dessus de ces cal- caires les marnes et calcaires portlaiidiens , qui présentent une association de fossiles analogue à celle du groupe kiinméridien , mais dont les espèces sont différentes. On peut surtout observer ce groupe au coin du bois , près de Courtedoux , et à Aile , localités que j’ai observées tout dernièrement en compagnie de notre savant confrère AI. Tiiurmann. On y rencontre surtout en abondance Y E.rogyra virgiila, le Trigonia conceiitrica ^ des Ceromya, Corimya^ Vterocerus , Acrosalema , etc. Les différents groupes qui constituent l’étage oolitique supé- rieur se présentent avec un aussi beau développement dans les environs de Besançon que dans les environs de Salins et de Por- rentruy ; seulement les faciès pétrograpbiques et paléontologiques ne sont pas les mêmes que dans ces deux localités. Le corallien se montre à laYèze et près du Trou-au-Loup , derrière le village de Alaure, avec son faciès à Crinoïdes et à accidents cbailleux. On le rencontre encore sur plusieurs autres points , mais avec un faciès différent: ainsi, sur la route de Beurre, dans une carrière d’exploi- tation pour la chaux hydraulique , il se présente sous la forme de calcaire marneux , avec quelques Polypiers siliceux et un assez grand nombre de Térébratules , Trochus et Turbo. L’oolite coral- lienne se montre très développée , soit en allant du Pont-de- Secours aux Trois-Cliatets , soit en montant de Beurre aux car- rières de gypse keupérien que l’on ex])loite derrière ce village ; mais rarement on y rencontre le faciès à Nérinées ; cependant j’ai recueilli dans cette division plusieurs Neri/ica suprajurensis dans la coupe de la route de Alaure et près de Lapérouse ; il est vrai de dire que ce fossile y est assez rare. Le groupe séquanien, très dé- veloppé sur plusieurs points, peut s’observer dans la coupe de la route de Alaure ainsi qu’à Lapérouse, au point de rencontre de la route de Alaicbe avec celle de Alorteau. Dans cette dernière localité surtout les fossiles sont en très grand nombre et présentent des espè- ces identiques avec ceux que l’on rencontre dans les marnes kim- méridiennes des Trois-Cbatets , derrière la citadelle ; mais il est facile de constater cpie les fossiles séquaniens sont sur la place même où ils ont vécu , tandis que ceux du kimméridien sont roulés et pêle-mêle , et appartiennent évidemment à un faciès de charriage , qui a ramené ces espèces identiques des rivages juras- siques actuellement occupés par le Jura bernois , où elles avaient émigré sur la fin de la péride séquanienne. Les marnes kimméri- diennes se présentent donc aux Trois-Cbatets, où elles offrent un faciès de charriage ; au-dessus se trouvent les calcaires kimméri- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 134 diens , puis viennent les marnes portlandiennes , renfermant un très grand nombre diExo^yra virgula et quelques Myes ; ce dernier genre de fossiles est beaucoup moins nombreux que dans le Por- rentruy, ce qui indique pour Besançon un faciès subpélagique. Quant aux calcaires portlandiens , ils se montrent très développés dans la coupe de la route de Maure , où ils présentent plusieurs couches perforées et cariées, ainsi que quelques assises dolo- mitiques. Je donnerai encore quelques mots de description pour les envi- rons de Gray, parce que ce point se trouve près de la Haute- Marne , et que M. Royer le cite à l’appui de ses conclusions. Les carrières qui se trouvent aux alentours du village de Cliargey-les- Gray sont toutes sur le groupe kimméridien , dont les assises , très développées dans cette localité , s’avancent jusque du côté d’Oy- rières , où elles sont remplacées par celles du groupe séquanien. Plusieurs carrières de Chargey présentent un très beau développe- ment des marnes kimméridiennes ; ainsi, au nord du village, immé- diatement en sortant , à gauche de la route , on les rencontre ren- fermant les fossiles suivants: ylmmonites (trois espèces), Nautilas gigaiiteuSy Pterocerus oceani , Pholadomya protei , Ccrornya exccii- trica et infata^ Nerinea (plusieurs espèces), Terehratiila^ etc. Si l’on s’avance du côté de Gray, à moitié chemin entre Chargey et Arc, on retrouve les marnes kimméridiennes avec un plus grand nombre de fossiles que dans la précédente localité , et elles présen- tent alors tout-à-fait le même faciès que derrière la citadelle de Besançon. En s’élevant ensuite sur le coteau qui domine les Mai- sonnettes et Arc , surtout du côté qui regarde la ville de Gray, on parcourt successivement les différentes couches du calcaire kim- méridien , des marnes portlandiennes , et enfin des calcaires port- landiens qui couronnent le monticule. Les marnes portlandiennes ne m’ont offert que V Exogyra virgula en assez grande abondance, une Térébratule et la Trigonia concùntrica : quant aux calcaires, ils présentent une immense série d’assises, dont quelques unes ren- ferment plusieurs espèces de Nérinées , et dont la plupart sont per- forées et cariées. Ces couches perforées sont plus nombreuses dans les environs de Gray que sur aucun autre point des Monts- Jura ; et la ville de Gray elle-même est bâtie sur ces assises. Les marnes portlandiennes se montrent encore dans plusieurs carrières c[ui se trouvent dans l’intérieur même de Gray, ainsi que du côté du village de Gray-la-ville. D’après les considérations précédentes , l’on voit que les groupes kimméridien et portlandien existent dans quatre localités princi- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. 155 pales des Monts- Jura , situées dans les départements de la Haute- Saône , du Doubs et du Jura , ainsi que dans le canton de Berne. D’où Ton peut conclure que ces groupes existent dans le polygone formé par ces quatre points, comme je le prouverais facilement en donnant les coupes des terrains qui se trouvent dans les régions in- termédiaires ; mais je crois inutile de m’arrêter davantage sur cette dissertation , pensant que les observations que je viens de donner suffiront pour qu’à l’avenir on ne vienne plus contester l’existence des groupes kimméridien et portlandien dans les Monts-Jura , et pour convaincre M. Royer de leur présence dans les environs de Gray et de Porrentruy. Recherches géologiques sur le Jura salinois ( résumé de la seconde partie')^ par J. Marcou. Dans la première partie de ce travail , que j’ai eu l’honneur de présenter à la Société dans le semestre d’été de 18à6 , je me suis appliqué à décrire les terrains keupérien et jurassique , dont les assises constituent les principaux massifs des Monts- Jura. Dans cette seconde partie, je donne la description du terrain néocomien, dont le 'dépôt s’est formé après une première dislocation des cou- ches jurassiques. A la fin de la période portlandienne , des écaillements eurent lieu dans les dépôts qui venaient de s’effectuer ; ce qui apporta les plus grands changements dans la distribution géographique de la mer, et dans les êtres organisés qui l’habitaient. Les rivages qui , pendant toute l’époqne jurassique, se trouvaient le long des Vosges et de la Forêt-Noire , furent transportés le long de la lisière orien- tale de la Suisse , sur la ligne actuellement occupée par Soleure , Bienne, Neuchâtel, Orbe , Gex et Bellegarde. Mais plusieurs bras de mer s’étendirent dans les vallées longitudinales formées par les chaînes de montagnes , et formèrent des golfes et fiords sur plu- sieurs points du Jura oriental , et surtout dans les régions méri- dionales. L’un de ces fiords néocomiens se trouve compris dans les limites que j’ai adoptées pour le Jura salinois, et c’est à sa descrip- tion que j’ai consacré cette seconde partie de mon travail. La vallée de Nozeroy , connue aussi sous le nom de val de Miéges, communique au N. avec les vallées de Pontarlier, Morteau , les Verrières , qui l’unissaient avec le grand bassin néocomien de l’Helvétie. Les divers groupes constituant le terrain néocomien se trouvant sur plusieurs points de ces vallées, je serai souvent forcé de sortir des limites du Jura salinois pour aller chercher 136 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. sur les autres points des explications de plusieurs phénomènes isolés , qui se rattachent à des faits plus généraux. Les premières assises néocomiennes sont formées de marnes bleues , sableuses , non fossilifères , renfermant sur plusieurs points des dépôts gypseux. On ne les a encore observées que dans les vallées de Nozeroy , de Moutbe et de Morteau. Immédiatement au-dessus se trouve une couebe de calcaire compacte , renfer- mant une très grande quantité d’oolites ferrugineuses , dont la grosseur varie suivant les régions que l’on considère , et dont l’ori- gine est due aux dislocations jurassiques. Lorsque les couches se Ijrisèrent pour former les chaînes du .Tura, il y eut dans plusieurs vallées des régions bernoises et soleuroises des déjections de ma- tières ferrugineuses qui vinrent former le dépôt du Bobnerz. Ces dépôts , d’origioe semi -plutonique , envahirent toutes les vallées et finirent par déborder au-delà des régions où ils avaient leur foyer d’action. De sorte que les parages actuellement oecupés par les eantons de Neuchâtel et de Vaud , les départements du Doubs et du Jura , dans lesquels il se déposait des couches cal- caires , et sur plusieurs points des dépôts gypseux , reçurent de ces matières ferrugineuses qui vinrent augmenter et modifier les cou- ches en voie de formation. Mais cet envahissement du Bobnerz dans les autres localités suivit la loi imposée à son origine. A mesure que l’on s’éloigne des régions bohnerziques , on com- mence , comme entre Bienne et Neuchâtel, à rencontrer, dans les premières assises du calcaire néocomien , de nombreuses oolites ferrugineuses , dont la grosseur et le nombre va en diminuant à mesure que l’on s’avance dans les parties méridionales , et qui, d’abord oceupant une grande place dans la hauteur des strates , finissent par devenir presque rudimentaires , comme par exemple au Salève, près de Genève. Dans la vallée de Nozeroy, les oolites sont miliaires et forment une espèce de linionite qui atteint 2 et 3 mètres de hauteur. Les premiers êtres organisés de la période néocomienne se montrent dans ce groupe ; mais on ne les rencontre que- sui' quel- ques points, pour ainsi dire privilégiés , où ils ont pu se déve- lopper. Car dans les régions bohnerziques les sources chaudes minérales formant ce dépôt s’opposaient aux phénomènes biolo- giques ; et ce n’est que dans les localités ori ces agents destruc- teurs de l’organisme n’avaient plus qu’une très faible influence , (jiie les êtres ont pu exister et constituer une faune. Cette faune de la linionite est des plus curieuses à cause du petit nombre de points sur lesquels on a pu la constater jusqu’à présent. Ce n’est I SÉANCE DU 2 NOVEMBKE 18/16. J 3: que dans les deux vallées de Nozeroy et de Mouthe , et encore I dans très peu de localités , qu’on a pu l’observer. Les différentes espèces qui la constituent sont presque toutes inédites et ont des formes tout-à-fait spéciales. Les deux seules qui aient été décrites jusqu’eà présent sont X Ammonites Gcvrilianiis ^ d’Orb., et le Pygnrns j ost/atas, Agass. ; je les ai rencontrées aux mines de fer de lîou- clierans , avec deux autres espèces d’ Ammonites , des Nérinées , Plioladomyes , Avicules , etc. Au-dessus de cette couche de fer limonite se trouve un cal- j Caire très jaune , compacte , par assises régulièrement stratifiées, renfermant un très petit nombre de fossiles , le plus souvent indé- terminables et appartenant au groupe suivant des marnes bleues fossilifères ou marnes d’Hauterive (1). Ces marnes d’Hauterive sont bleues, quelquefois grisâtres, pâteuses, subsebistoides ; et elles renferment une très grande quantité de fossiles. Suivant qu’on les étudie dans les régions pélagiques, subpélagiques, littorales ou fiordic[ues , elles présentent des faunes très distinctes et caracté- ristiques de chacune de ces régions. Ainsi , au Salève , les fossiles dominants sont , d’après M. Favre , les Céphalopodes et quelques Aiyacées, et les marnes sont devenues un peu calcaires , ce qui constitue le faciès subpélagique ; à Neuchâtel, Orbe et la Sarraz , les Céphalopodes sont encore en assez grand nombre , mais les Alyacées dominent ainsi que les Spatangoides , et l’on y trouve aussi quelques Cidarides et Polypiers ; ensemble d’êtres qui constitue le faciès des grands littoraux. Alais si on les étudie dans les petits golfes et fiords cjui existent dans les Monts-.Tura, on y trouve des faciès beaucoup plus tranchés que le faciès littoral de Neuchâtel ; et c’est véritablement là cj[ue la faune néocomienne se montre dans tout son développement. J’ai dressé , pour le fiord actuellement occupé par la vallée de Nozeroy , une carte des dif- férents faciès que présente la faune de ces marnes d’Hauteriv^e. Ces faciès sont au nombre de quatre : Le faciès corallien , que je n’ai encore pu observer que dans une seule localité , à l’Entrepôt, près de Censeau , présente une faune composée presque exclusivement de Polypiers et d’Ecbinodermes , avec quelques Acéphales à test fortement plissé et orné de | ointes ; les Oursins sont presque tous cassés et brisés , excepté ceux dont l’extrême petitesse les a protégés contre les chocs. Les Polypiers qui forment le banc appartiennent aux genres Scyphia, Scyphonia^ Spongia etCeriopora ; ce sont tous (1) Hauterive , village situé à 3 kilomètres N,-E. de Neuchâtel, où ces marnes sont très développées. 138 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. des espèces nouvelles. Quant aux Radiaires, on y trouve en abon- dance les espèces suivantes : Dysaster ovaliis , Des. , Toxaster com- planatiis ^ Niicleolites O/fersii , Agass. , Gnlerites py^œa ^ Agass. , Diadenia Bourgiieti , Agass. , Diadema Picteti , Desor. , Diadema Macrostoma ^ Agass. , Cidaris puncta ta , Roem. , C. du- ni fera , Agass. , C. hirsuta , Nob. , C. neocomiensis , Nob. , Sa- lenici areolata , Agass. , Goniaster porosus et Couloni , Agass. , Pentacrinus neocorniensis , Desor. Les mollusques les plus caracté- ristiques que l’on y trouve sont : Pleurotomaria neocorniensis et Pailleteana , d’Orb. , Cardium Cottaldinuin , d’Orb. , drca Carte- roTii , d’Orb. , Mytilus Couloni , Nob. , Lima undata et Cartero- nianci , d’Orb. , Pecten Goldfusii , Desh. , Janira neocorniensis et A tac a , d’Orb. , Ostrea carinata , Lam. , Terehratula hiplicata v. aucta ^ de Buch , et Ter eh. depressa., Sow. Le faciès à grandes Ostracées et Corbis est celui que l’on ren- contre le plus habituellement et qui se montre principalement à Nozeroy , Alièges et Censeau. 11 est constitué par un ensemble de grands Acéphales appartenant surtout à la famille des Ostracées , par quelques fragments de Céphalopodes , ainsi que par des Spa- tangoïdes. Les fossiles les plus caractéristiques de ce faciès sont : Ammonites Leopoldinus , cryptoceras et clypeiforrnis , d’Orb. , Pleurotomaria neocorniensis , d’Orb. , Pterocera pelagi , d’Orb. , Natica bulimoides , d’Orb., Pleurotomaria gigantea Nob. , Lucina Cornueliana d’Orb. , As tarte transversa , Leym. , Ast. Beauniontii, Leym., Panopœa neocorniensis., d’Orb., Corhis cordiformis., d’Orb., Trigonia caudata , carinata et sulcata , Agass., Janira neocorniensis d’Orb. , Nucula impressa , Sow., Pecten Deshayei., Leym., Avicula Carteroni, d’Orb. , Perna Mulletii , Desh. , Area Gahrielis ., d’Orb. Trigonia rudis , Park., Pholadomya elongata , Agass. , Terehratula hiplicata acuta , de Buch , Ter. impressa., Sow., Toxaster compla- natus , Agass. , et Gederites pygeea., Agass. , etc. Le faciès à Alyacées et Spatangoïdes s’observe surtout dans les localités retirées et tranquilles , où les dépôts se sont effectués dans le plus grand calme. Ainsi , je l’ai rencontré derrière le banc coralligène de Censeau et entre les bancs à grandes Ostracées et Corbis. Les fossiles les plus nombreux que l’on y trouve appar- tiennent à la famille des Myacées , tels qiie Panopœa , Myopsis et Pholadomya ; on les rencontre par familles de 50 à 60 individus de tout âge , à la place même où ils vécurent , la partie anale béante et placée en haut. Plusieurs autres genres et espèces d’ Acé- phales, à test mince et lisse, s’y trouvent aussi en abondance, ainsi qu’une très grande quantité de Spatangoïdes et de Diadèmes. Le SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. 139 Serpula quinquccostata y Roem. , est aussi très caractéristique de ces sortes de stations. Les principaux fossiles sont : Solarium neoco- miense , d’Orb. , Rostellaria Dupiniana , d’Orb. , Cardiiim Voltzii, Leym. , et Cottaldiimm y d’Orb. , Cerompa neocomiensis y Agass., Area Raidi ni et Carteroni y d’Orb. , Trigo?iia caudata y Agass. , Panopœa neocomiensis y d’Orb., Myopsis Carteroni y unioideSy late- ralis et curta , Agass. , Pholadoinya elongata , Alünst. , Anatina Agassizii , d’Orb. , Venus Rohinaldina , d’Orb. , Terebratida im- pressa y Sow. , et ehrodunensis y Agass. , Niicleolites Olfersii , sub- quadratus et lacunosiis , Agass. , Discoidea niacropyga , Agass. , Toxaster cornplanatus y Agass., Holaster VHardyy Dub. , Diadema rotidare y Agass. , S al eni a folium querci , Desor, etc. Enfin le dernier faciès est un faciès de charriage que l’on ren- contre tout-à-fait à l’extrémité du fiord néocomien , du côté des villages de Syrod et de Syam. 11 est composé de fossiles roulés et usés qui appartiennent surtout à des espèces ellipsoïdales, tels que Dysaster ovalus , Toxaster complanatus , Galerites pygœa , Te- rebratida y etc. Au-dessus des marnes d’iiauterive se trouve une série d’assises calcaires , alternant quelquefois avec de minces couches mar- neuses , surtout à la partie inférieure. Ces calcaires très com- pactes présentent souvent des lumachelles et des brèches , dans lesquels il est impossible de reconnaître les espèces et meme les genres de fossiles qui ont contribué à les former. Le plus sou- vent ils sont colorés en vert par des grains de fer hydrosilicaté ; ils coriespondent au terrain aptien de AI. d’Orbigny. Le fossile le plus caractéristique estV Exogyra sinuata y Sow. En superposition de ces calcaires verts se trouve une très grande séi ie de couches de calcaire blanc, quelquefois jaunâtre , correspondant à la pre- mière zone de Rudistes. Les fossiles y sont rares et très mal con- servés, à l’exception de quelques Térébratules et Polypiers; quant aux Radiolites neocomiensis , d’Orb. , je n’en ai rencontré aucun dans cette vallée ; on ne commence à en trouver dans les Monts-Jura qu’àThoiry et Allemogne (Ain). Ici se termine l’étage néocomien sur lequel vient se placer le Gault ; mais comme ce dernier terrain ne se trouve que par petits lamljeaux sur un nom- bre de points extrêmement restreint , et que je n’ai pu l’observer dans la vallée de INozeroy que sur un espace de 3 mètres carrés, près de Charbonny, je renvoie sa description à un autre mémoire plus général sur les Monts- Jura. M. Desor dit qu’il a retrouvé le terrain néocomien parl'aile- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/1(5. uo ment caractérisé dans les environs de Hildesheim , dans le Hanovre, où il a été décrit, par M. Roemer, sous le nom (Vai'^iie de Hills. M. d’Orbigny avait déjà reconnu l’identité de cette argile avec le véritable néocomien ^ mais M. Roemer, dans son travail sur les terrains crétacés du nord de l’Allema- gne , n’avait admis ce parallélisme que pour les assises supé- rieures de cette formation , et il ne pensait pas que les couches inférieures y fussent également représentées , parce qu’on n’y avait pas trouvé le Toæaster ( Spatangus ) coihplanatiis. M. Desor a vu récemment ce fossile en plusieurs exemplaires dans la collection de M. Roemer cadet ^ en sorte qu’il ne peut plus exister aucun doute sur la correspondance parfaite de ces deux terrains du vrai néocomien et de l’argile de Hills. Note sur une espèce de gTanite provenant de la Normandie et de la Bretagne , par M. J. Durocher. M. Virlet a appelé l’attention des géologues sur une espèce de granité que l’on extrait de la Normandie , et que l’on emploie à Paris à la construction des trottoirs. En y annonçant la présence de galets de quartz (1) , il a été conduit à considérer cette roche comme ayant été dans l’origine un dépôt sédimentaire qui aurait pris ultérieurement l’aspect du granité. Un fait de cette nature et les conséquences qui en découlaient ne pouvaient être vérifiés que sur les carrières mêmes d’où on extrait la pierre. J’ai visité der- nièrement les principales exploitations situées aux environs de Tire , en Normandie , et j’ai reconnu que c’est la même espèce de granité que j’avais observée depuis longtemps en Bretagne : elle se montre avec des caractères à peu près identiques sur de vastes surfaces dans les départements du Calvados , de la Manche , de rille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord ; c’est elle qui constitue les îles Chausey , situées près de (Tianville. On l’exploite dans un grand nombre de localités , principalement aux environs de Tire, d’Avranches, de Fougères , de Saint-Rrieuc , Chausey, etc. ; on en tire de superbes blocs dont une partie est employée dans les villes environnantes et dont l’autre est expédiée à Paris pour y être employée à la construction des trottoirs , aux revêtements des quais , etc. Ce granité plaît moins à l’œil que les granités porpliy- (1) Bulletin de la ^Société géologiipie , séançtj du 1®‘ décembre 1 845, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. Ui roïdes à grands cristaux de feldspath , mais il leur est infiniment supérieur par sa solidité , par la facilité avec laquelle on le tra- vaille et le peu d’altération qu’il éprouve à l’air. Ce granité est Jîomogène , à grains moyens , contenant une assez forte propor- tion de quartz ; le feldspath y est de grosseur moyenne ; on en distingue deux espèces , de l’orthose en lames un peu larges , et des cristaux liémitropes plus petits et un peu plus allongés , pré- sentant des stries formées par des hémitropies concaves : ce doit être de l’albite, ou peut-être de l’oligoclase, car il est très difficile de discerner ces deux minéraux l’im de l’autre cjuand ils sont en petits cristaux mélangés d’orthose et de quartz. A la surface des roches , ce granité est généralement décomposé et devenu friable ; l’altération s’est produite pendant une longue série de siècles d’une manière assez bizarre , dont la figure 6 (pl. I) peut donner une idée. Au milieu des parties décomposées, qui se dégagent avec la plus grande facilité, on trouve des blocs de 5 à 10 et 20 mètres cubes qui ont conservé toute leur dureté et toute leur solidité , qui ne sont traversés par aucune fente, et beaucoup de carrières sont ouvertes sur des blocs de ce genre. Le granité intact offre presque toujours une teinte d’un gris bleuâtre, qui est le plus marquée sur les cristaux de feldspath ; le quartz présente aussi cette teinte , mais beaucoup moins prononcée ; il se rapproche davantage du gris clair ; le mica est tiès brillant , d’un beau noir , mélangé de quelques feuillets bruns , lilas et blancs. Mais dans les parties en décomposition le mica est tout-à-fait terne , d’un aspect terreux ; sa couleur noire a été remplacée par une couleur verdâtre et d’un gris sale; souvent le granité altéré a pris une teinte jaunâtre, provenant de ce que le protoxyde de fer contenu dans les élé- ments de la roche s’est changé en hydrate de peroxyde , ou quelquefois provenant d’infdtrations ferrugineuses. En beaucoup d’endroits , dans les portions limitrophes de la Manche et de l’Ille-et-Yilaine , et surtout aux environs de Aire, dans le Calvados , on voit des parties noduleuses au milieu de ce granité ; il est peu de blocs extraits des carrières de Yire où l’on ne voie de ces gros noyaux dont la longueur et la largeur varient de quelques centimètres à 2 et même 3 décimètres. 11 y en a de deux espèces , des noyaux ou rognons de mica , et des noyaux de quartz ; les premiers sont ordinairement un peu aplatis et offrent quelquefois une apparence schistoïde , mais en les brisant on re- connaît que les feuillets de mica sont orientés de diverses ma- nières , au lieu d’être couchés suivant un même plan comme dans SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Ü6. 142 le micaschiste ; le mica est d’ailleurs identique à celui qui se trouve disséminé dans la masse granitique. Les nodules qu’il constitue ont des formes très variées , généralement lenticulaires , mais offrant quelquefois des pointes saillantes et des parties concaves , fig. 2 et 3. Les nodules de quartz affectent aussi des formes di- verses, lenticulaire, spliéroidale, polyédrique, avec angles saillants et rentrants. J’ai examiné avec soin les noyaux de quartz splié- roïdaux pour constater si ce sont bien des cailloux roulés , mais je ne puis les considérer comme tels , bien que plusieurs d’entre eux, vus d’une certaine distance , paraissent être arrondis ; mais si on les observe de très près , on reconnaît que le contour de ces noyaux n’est pas nettement dessiné , qu’il forme une ligne si- nueuse dentelée , que le quartz se fond insensiblement dans la masse granitique environnante. On pourrait , il est vrai , expli- quer cette disposition en supposant que les noyaux ont été fondus sur les bords ; mais le quartz dont ils sont formés paraît être le même que celui de la masse granitique ; on y voit des parties blanchâtres , un peu laiteuses , mélangées avec les parties hyalines ; en les examinant avec une forte loupe , on y remarque des rudi- ments cristallins s’entre-croisant en différents sens , de sorte qu’à l’intérieur de ce noyau il s’est produit un commencement de cris- tallisation confuse. Sur le bord de ces noyaux on voit des cristaux de feldspath qui pénètrent dedans, et j’en ai même observé au milieu des noyaux de mica. Il est une autre circonstance qui m’a convaincu que l’on ne peut considérer ces rognons comme des cailloux roulés , c’est que l’on trouve des nodules de mica interposés au sein des noyaux quartzeux , comme le montre la figure que j’ai dessinée aux environs de Fougères , sur La masse granitique séparant la Breta- gne de la Normandie , et qui me paraît très propre à éclaircir l’ori- gine de ce phénomène : ici la masse a une forme branchue , à elle sont accolés des nodules de mica , tandis que d’autres sont en- châssés dedans ; d’ailleurs , le noyau de quartz est de la même na- ture que les noyaux ovoïdes ou sphéroïdaux. On doit assigner la même origine à tous ces rognons de quartz et de mica qui forment, pour ainsi dire, les nœuds du granité, et que les carriers désignent sous le nom de nœuds blancs et de nœuds noirs ; ce sont des accidents de cristallisation (1). Lorsque (1) Néanmoins on rencontre quelquefois dans ces granités des fragments étrangers qui ont été empâtés : ainsi, des lambeaux de SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. le noyau granitique a passé de l’état pâteux à l’état solide , et que la cristallisation s’y est développée , le quartz formait une pâte molle au milieu de laquelle le léldspatli prenait la forme lamel- leuse et le mica la structure foliacée ; alors une partie du quartz s’est agrégée comme par un effet d’attraction , et a donné lieu à des bourrelets > au contact et au milieu desquels ont pris nais- sance des" bourrelets de mica d’une manière semblable. 11 est néanmoins remarquable de voir que le quartz et le mica ont pu s’isoler des autres éléments qui les environnaient. Les granités de la partie méridionale de la Bretagne offrent très souvent une structure scliistoïde , mais cette manière d’être se montre rarement dans les granités à grains moyens que je viens de décrire ; à ceux-ci je pense que l’on doit rattacher les granités porpliyrbides à grands cristaux de feldspath, qui sont très déve- loppés aux environs de Cherbourg, de Brest, etc., et en beaucoup d’endroits de la Bretagne , bien qu’ils diffèrent sensiblement par leur aspect extérieur ; outre les larges lames d’orthose , iis renfer- ment aussi des cristaux plus petits , hémitropes , à angle ren- trant , formés d’albite ou d’oligoclase. La différence entre ces variétés de granités provient de ce que dans les granités porphy- roïdes le feldspath se trouve plus abondant et a pris de plus grandes dimensions. On a regardé ces granités comme produits à deux époques distinctes , mais ils me paraissent être sinqile- ment le résultat de deux modes de cristallisation différents. Légende des figures \ , 2, 3, 4, 5, 6. 1 , 2 et 3. Figures représentant quelques unes des formes des nodules de mica. 4. Nodule de quartz grossièrement sphéroïdal. 5. Nodule de quartz branchu avec nodules de mica (/;z) appliqués contre lui et enchâssés à l’intérieur. 6. Figure dessinée près de Louvigné (arrondissement de Fougères); elle représente la disposition du granité à grains moyens des environs de Vire , Fougères, etc. ,• en forme de blocs solides et intacts, entourés d’une masse granitique décomposée et tout-à-fait friable. M. Bertrand Geslin ajoute que les apparences de cailloux schiste micacé, et principalement de grauwacke métamorphique, mi- cacée et chargée de noyaux macleux ; mais ces fragments , provenant de la roche adjacente, sont anguleux et n’ont pas été roulés. 1/i/l SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. roulés ont l’air de fragments de micaschiste à Dinan , aux îles Jersey, etc. M. Yirlet répond à MM. Darocher et Bertrand Geslin, qu’il est bien vrai qu’un grand nombre de fragments renfermés dans les granités du Calvados sont des fragments schisteux micacés, quelquefois de gneiss , mais qu’il y en a aussi de différentes roches, comme des espèces de pétro-silex ou roches quartzeuses verdâtres -, beaucoup sont composés d’une espèce de stéatite vert-foncé , à structure schisteuse ou compacte -, il y en a en véritable quartzite et même en lydienne -, ce sont surtout ces derniers qui ont conservé leurs formes de galets, ce qui doit être ^ plusieurs de ces fragments , étant d’ailleurs traversés par des fdons qui ne pénètrent pas dans la masse de granité, indi- quent évidemment une existence antérieure et non une ségré- gation, comme le pensent encore M. Durocher et quelques autres géologues. Du reste , tous ces fragments , ayant été sou- mis aux mêmes modiheations que le terrain qui les renferme, doivent nécessairement, dans le plus grand nombre de cas, se fondre avec la masse ambiante^ néanmoins ils montrent tou- jours une composition et un arrangement moléculaire différents. Au surplus , ajoute M. Virlet, ces phénomènes peuvent s’obser- ver bien mieux à Paris que dans les carrières mêmes ^ car une cassure brute ne le laisse apercevoir ni aussi nettement ni aussi distinctemeni que sur les dalles qui ont reçu un certain poli par suite du piétinement , surtout quand celles-ci sont mouil- lées. Il suffit donc , je crois , de parcourir les rues de Paris , après une forte pluie , pour bien se convaincre que la plupart de ces noyaux sont de véritables galets, dont la plupart ont des formes moutonnées mais anguleuses , comme de galets de rivières qui n’ont encore que leurs angles émoussés ^ au milieu de ce grand nombre de galets de formes et de compositions si diverses , il y en a aussi beaucoup qui ont conservé leurs formes parfaites de galets marins. Tel est celui que j’ai figuré pl. I, fig. 1, page 13, et que j’avais déjà signalé rue du Rocher, d’où je m’occupe de le faire transporter à l’École des Mines de Paris. Ce galet est composé d’une masse granitoïde bleue , à petits grains bien distincts -, il se dessine très nettement par séance Dl It) NOVEMBRE iS/lO. l 5 une petite bordure noire qui Iranche avec le tond blanc de la dalle. Le petit galet de 5 à 6 centimètres, représenté fig. 2, est en quarzite gris-noirâtre, également signalé dans une dalle de bor- dage du trottoir de la maison n« 73, rue du Bac-, ce galet, quoique très adhèrent à la masse , a conservé sa forme sphè- roïdale très nette -, il se termine par une bordure plus noire en forme d’aurèole , comme on en trouve dans un grand nombre de galets siliceux des alluvions anciennes du bassin de Paris. La dalle qui le renferme renferme aussi beaucoup d’autres noyaux de nature et de formes diverses. J’ai représenté , fig. 3 , un autre galet granitique observé sur le quai d’Orsay il est enveloppé par une surface ferrugineuse qui pénètre, en se fondant, dans le galet et dans la masse enveloppante en forme d’auréole double. Enfin, j’ai indiqué, dans la fig. a,b^c^d^e, quelques uns des galets ou noyaux de la dalle signalée aussi rue Laffitte , mais aujourd’hui transportée à l’École des Mines, a indique le fragment semi-anguleux noir, à apparences organiques -, bien que, par suite des modifications subies par ce fragment siliceux, il ne soit pas resté de traces apparentes d’organisation , cependant cette série d’anneaux et de petits points blancs au milieu même de ces anneaux rappelle assez bien l’organisation si curieuse des psarolithes silicifiées des environs d’Autun; h est un noyau noir siliceux, avec une petite lentille de quartz encla- vée ^ c est un noyau en feldspath blanc grenu, moucheté de pe- tits points noirs-, d est un noyau gris à structure grésique ^ e est un noyau noir micacé, â structure gneissique très bien ac- cusée. Outre ces noyaux, la même dalle en renferme encore une multitude d’autres en quartz et autres matières , que l’on distingue très bien, lorsqu’on a soin de la mouiller. Séance du 16 novembre 18/i6. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNEUIL. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. ■Soc. géoL, V série, tome IV. 10 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/16. i /|6 Par suite des présentations faites dans la dernière séance j le Président proclame membres de la Société : MM. Le comte D. Paoli , à Pesaro (Etats de PEglise) , présenté par MM. le comte Spada et Orsini j Martinet, imprimeur, à Paris, rue Jacob, 30, présenté par MM. Yiquesnel et Le Blanc ^ D. Ramon Pellico , ingénieur en chef des mines , et professeur d’exploitation à l’Ecole des mines de Madrid, calle de las Fuentes, à Madrid, présenté par MM. Naranjo y Garza et Le Blanc j De Rey, à Paris, rue Monsigny, 5, présenté par MM. Hu- gard et Aie. d’Orbigny ^ Mallet (Adolphe), à Valence (Drôme), présenté par MM. Angelot et Alexandre Rouault -, PiDANCET, conservateur du Muséum , à Besançon (Doubs) , présenté par MM. Marcou et Hugard. M. le Président annonce ensuite quatre présenta. ions. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; DelapartdeM. leMinistrede la justice. Journal des saoanis ^ octobre 18/i6. De la part de M. J. Durocher, Notice géologique des des Féroé (extr. des Annales des mines , A® série, t. VI) *, in-S^, 2/i p., 2 pl. Paris, 18/i/i. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 18/i6, 2e semestre, t. XXIII, n®» 18 — 19. Bulletin de la Société de géographie ^ 3® série, t. VI, n^ 33. F Institut y 1846, n°s 670 — 671. Mémoires de la Société royale des sciences de Lille ^ 1846, in-8e. r he Athenœiim , 1846, n^» 993 — 994. The Mining J ournaC 1846, n^s 585 — 586. Cotres ponden zb latt ^ etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg)-, nouvelle série, t. XXX, 1846, 2® vol., 1®!’ et 2® cahiers. Sl-ANCE DU iÔ NOVEMBRE IS/jÔ. i/j? Les procès-verbaux de la séance crAlais, qui sont arrivés, sont renvoyés à la commission du Bulletin, M. Yiquesnel communique, au nom de M. Boué, la notice suivante : Description de V Atlas composé et présenté par M, le colonel de Hauslah sous le titre de : Représentation graphique des rapports entre V oro graphie , V hydrographie et la géologie du globe terrestre; par M. Boué. M. le colonel de Hauslab a adressé, en juin 1844 , à la Société géologique de France , un atlas de 40 planches sous le titre de Représentation graphique des rapports entre V orographie , V hydrogra- phie et la géologie du globe terrestre. La courte notice jointe au texte et publiée dans le Bulletin (voir pages 569 à 573, t. I , de la 2® série) est insuffisante pour faire connaître le but de l’auteur , qu’il faut pour ainsi dire deviner par l’inspection des planches. D’ailleurs , cette notice n’est que le résumé incomplet d’un mémoire dont une partie est restée inédite ; ce qui est d’autant plus regrettable cpie peu de personnes ont pu saisir l’ensemble du travail. Or, maintenant on vient d’illustrer, dans des ouvrages spéciaux, les idées de l’au- teur ; il est donc nécessaire et bienséant de rendre à chacun ce cpii lui est dû , en analysant dans le Bulletin , quoique fort tard , un travail de cette importance d’un de nos plus anciens membres. La planche i de l’atlas est purement théorique. L’auteur, géo - graphe-ingénieur, a fait naturellement une étude particulière des formes du terrain , et a saisi leurs rapports avec celles des étendues hydrographiques et géologiques; considérations qui trouvent leur application dans les levers géographiques comme dans l’art de la guerre. La surface terrestre , considérée en grand , se décompose en cavités ou bassins séparés par des arêtes ou montagnes qui , entre plusieurs bassins , prennent la forme de masses quadrangulaires, ou rhomboïdales ou triangulaires. La plus simple forme d’un bassin est celle d’un rond ou ovale avec un canal d’écoulement : c’est le type primitif des bassins pour notre auteur. Son second type figure une cavité à bords sinueux ; son troisième type un bassin à golfes ; son quatrième type une réunion de bassins séparés , liés par des canaux et subordonnés à un bassin primitif ; et son cin- quième type , plusieurs bassins séparés et isolés , subordonnés aussi en grand à un bassin primitif. Des coupes indiquent les SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18^6. 1A8 formes individuelles de chacun de ces cinq types de bassins.^Ceci établi , rauteur considère les rapports des bassins , des arêtes et dtscols, et reconnaît que les coupes d’un bassin sont toujours concaves , celles d’une arête toujours convexes et celles d’un col toujours concaves dans le haut et convexes sur les côtés. De plus , dans chaque bassin , ainsi que sur chaque arête et chaque col , il y a un point ou un espace où la surface est horizontale. Dans le sens géologique, ces formes et limites énoncées se produisent également par la théorie des soulèvements ou par celle des érosions. Ensuite l’auteur considère les rapports de l’orogra- phie avec riiydrographie et la géologie , et figure pour cela un bassin orographique , c’est-à-dire limité par des chaînes de mon- tagnes, dont l’étendue coïncide avec son bassin hydrographique ou les détails des eaux qui l’arrosent. Une autre figure montre , au contraire , un bassin orographique non coïncidant avec les bassins hydrographiques , savoir : un bassin traversé , par exemple , par un fleuve qui prend sa source dans un bassin voisin , ou une rivière sortant de son bassin supérieur par une fente dans une chaîne , accident jadis si méconnu par les géographes. Enfin , l’auteur re- présente d’un côté un bassin géologique , c’est-à-dire une cavité remplie de divers dépôts dont les limites coïncident avec celles d’un bassin orographique, et de l’autre un bassin géologique où cette coïncidence n’existe pas parce que des séries de hauteurs s’y opposent, ou que certaines formations se prolongent au-delà de certaines chaînes. Les bassins géologiques, considérés à part , lui offrent les mêmes types que les l^assins naturels , savoir ; de simples cavités rondes ou ovales , des dépressions à bords sinueux ou à golfes , des bas- sins séparés, liés par des canaux et subordonnés à un bassin pri- mitif, ou des bassins séparés et isolés quoique subordonnés à un bassin primitif. En dernière analyse , toutes ces formes géologi- ques se réduisent, en négligeant les détails, au type primitif, savoir : une cavité centrale remplie par des formations supérieures, tandis que ces dernières reposent dans une cuvette composée de formations inférieures, dépôts qui les enveloppent et forment leur contour extérieur. — On voit donc que l’auteur cherche à réduire les généralités de la géographie physique et géologique à leurs dernières expressions ou leurs fojyn aies, et à illustrer ces dernières par des dessins. La planche II de son atlas est une représentation du relief de V Europe et d’une partie de ï Asie et de l’Afrique par tranches ho- rizontales. Au lieu d’employer le système ordinaire des hachures SÉANCE PU 16 NOVEMBKE l8/i6. i/lO plus foncées d’après les pentes , il a essayé de foncer les tranches d’autant plus qu’elles occupent un niveau plus élevé. La planche 111 donne la inênie représentation, avec la diflérence que les tranches horizontales sont distinguées par des couleurs pour rendre plus aisée la reconnaissance de la hauteur égale des points éloignés les uns des autres. La planche IV donne une représentation détaillée des bassins oro graphique s de t Europe et d'une partie de l'Asie et de l'Afrique. La planche V donne celle de ces grands bassins seulement , tous leurs petits détails étant supprimés. De cette manière , l’auteur arrive à reconnaître , entre les grands bassins sarmate et africain d’une part, et les deux bassins atlantiques de l’autre, une grande digue isolée et courbe qui comprend tous les pays les plus mon- tagneux depuis l’Asie centrale et l’Ethiopie jusqu’au détroit de Gibraltar. La planche YI représente les sillons les plus projonds du reliej de l' Europe et d'une partie de l'Asie et de l'Afrique , et conduit à apercevoir dans ces sillons une répétition et un parallélisme re- marquable des memes formes. De plus, on observe, au N. de la digue montagneuse ou épine de l’Europe dont nous avons parlé , des accidents de formes c|ui sembleraient s’expliquer, jusqu’à un certain point ( et sans exclure les effets de soulèvement ) , par l’ac- tion des grands courants venus du N.-E. , tandis qu’au S. de la digue les formes de ce versant se rattacheraient aux effets destruc- teurs des courants provenus du S.-E. Les planches \1I et Adll offrent le relief du globe par tranches horizontales., en noir et en couleur comme les cartes précédentes, et l’auteur a fait choix pour cela d’une projection polaire ap- proximative , où le pôle du S. formerait , au lieu d’un point , un cercle. Les planches IX et X sont les représentations , l’ime détaillée , l’autre en grand , des bassins orographiques du globe , ce qui con- duit notre auteur ( tendant toujours du composé à la plus simple expression ) à ne reconnaître sur le globe que cinq grands bas- sins, savoir : 1° le bassin océanique du S. ; 2° le bassin océa- nique du N. ; 3“ le bassin indien ; 4" le bassin atlantique du N. ; 5° le bassin atlantique du S. La planche XI représente par des couleurs cette dernière abs- traction . Dans la planche XII on voit en très grand ce que Fauteur a re- connu en petit dans de petits bassins , savoir : des niasses émergées restant entre trois bassins et formant les noyaux principaux des 150 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18^6. continents , et des canaux liant deux des bassins. De plus , le massif fondamental de l’ancien monde est continu et a un éperon qui constitue l’Europe et qui a été entaillé, tandis que les massifs du nouveau monde sont disjoints , et autour du pôle N. rayonnent , comme d’un centre , des chaînes linéaires méridiennes. La planche XIII figure les sillons les plus profonds du reliej du o'iobe , et donne oceasion de remarquer les mêmes phénomènes de répétition de formes et de parallélisme que pour l’Europe , pl. YI. A quelque époque que tombe leur formation individuelle, tous ont été occupés plus ou moins longtemps par les eaux soit de mer, soit d’eau douce ; l’indication du sillon médian ou thalweg principal de ees courants doit trouver son application dans les théories géologiques ; et plus nous considérons l’état du globe à une période reculée de nous , plus les mouvements de ces masses d’eau ont dû dépendre de phénomènes astronomiques généraux, dont l’influence sur les dépôts , sur leur formation , sur les chaînes et sur les continents , doit avoir été d’autant plus grande que l’époque dont on s’occupe est plus ancienne . C’est aux personnes bien au fait des soulèvements à mettre cette donnée et ses effets en rap- port avec ceux des mouvements des eaux du globe ; car il est clair qu’avec des digues tropicales annulées les océans auraient de tout autres mouvements qu’ actuellement , et par conséquent de tout autres effets, soit mécaniques, soit climatériques. Or, plus l’édifice de ces digues a avancé , plus ont été modifiés les phénomènes marins. C’est la thèse que M. Strefflenr a voulu illustrer d’après les idées du colonel de Hauslab. Les formes des chaînes et des continents dépendent donc autant des soulèvements que de l’action du liquide qui les a longtemps lavés, corrodés ou encroûtés. La planche XIY est une représentation des bassins liYdrograplii^ ques de V Europe et d’une partie de l’Asie et de l’Afrique , dans laquelle on trouve de bons exemples de l’indépendance des bassins hydrographiques d’avec les bassins orographiques. La planche XV montre les cinq bassins hydrographicpies du globe, savoir : les deux bassins océaniques du S. et du N. , le bassin in- dien et les deux bassins atlantiques du N. et du S. , chacun d’eux comprenant les bas pays des continents. On y remarque que l’Asie, l’Afrique, les deux Amériques, et peut-être la Nouvelle-Hollande, ont des bassins intérieurs , dont les eaux ne s’écoulent pas dans l’Océan. La planche XYI est la Carte géologique de l’Europe et d’une partie de l’Asie et de l’Afrique, avec les divisions adoptées par M. Boué , dans sa carte du globe. I SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/i6. 151 La planche XVII est le premier essai d’une carte géologique de VEurope^ y compris la constitution minérale du fond des mers , d’après les faits et les analogies les plus probables. Pour saisir la I liaison générale des formations ainsi que leur morcellement pos - térieur, la connaissance géologique du fond des mers est indis- pensable. La planche XVIIl offre les bassins géologiques de l’Europe , en omettant leurs canaux de communication , abstraction utile à con- cevoir. La planche XIX présente les grands bassins géologiques de l’Eu- rope , en omettant les plus petits bassins et restaurant certaine digues de séparation démantelées dans la nature. La planche XX offre les principaux bassins géologiques de l’Eu rope et l’ossature fondamentale de l’Europe. Cette dernière forme trois grands crochets tournés vers l’Occident , ce que l’auteur vou- drait peut-être lier en partie aux mouvements des courants à di- verses époques. La planche XXI représente la digue géologique démantelée de l’Europe méridionale dans un état de restauration , avec ses deux grands canaux latéraux, où les eaux ont joué si longtemps un rôle important. La planche XXII figure les sillons géologiques tertiaires d l'Europe , et donne une idée de la figui’e du continent à cette épo- que où il y avait nombre de mers intérieures , de détroits et de canaux d’écoulement, maintenant à sec. La planche XXIII doit donner une idée de la forme des cavités géologiques et de leurs pentes en Europe , lorsqu’on suppose enlevées toutes les formations postérieures au lias. Les couches inclinent en général , vers le fond de ces grandes concavités. La planche XXIV est la carte géologique du globe , du D*’ Boué. La planche XXV doit présenter seulement la distribution générale des schistes cristallins et des roches granitoïdes sur le globe. Or, ces formations se trouvent surtout sur les bords des continents vers les grands océans, ainsi qu’autour des pôles , et elles forment les noyaux des grandes terres. La planche XXVI est la distribution générale et unique des for- mations primaires {intermédiaires) sur le globe. Ces formations pa- raissent se trouver principalement dans la partie boréale de la zone tempérée. Elles diminuent vers l’équateur et remplissent dans 1 zone tropicale de petits bassins isolés dans ces montagnes. Tel est l’état de nos connaissances, du moins à ce moment. La planche XXVII est la distribution des formations secon- 152 SÉANCE i)U K) NOVEMBRE ISZlO. daircs du globe. Ces dernières semblent se trouver principalement , dans la partie horizontale de la zone tempérée et remplir des bassins moins considérables dans les autres régions du globe. La planche XXVIII est la distribution gcnércde des terrains ter- tiaires sur la terre. Ces formations remplissent deux longs sillons bi- furcjués dans le sens des parallèles , ce qui peut être en quelque rapport avec les mouvements généraux des eaux du globe. La planche XXIX est la distribution generale des dépôts volcani- ques sur le globe. Ces dépôts forment deux grandes lignes : l’iine, suivant les bords de l’océan Pacifique , court dans le sens des mé- ridiens , tandis que 1 autre va dans le sens des parallèles, d’où résultent deux cercles s’entrecoupant perpendiculairement. En outre, dans chaque espace intermédiaire , il y a des volcans cen- traux. Un pareil arrangement symétrique ne doit-il pas être en harmonie avec certaines lois qui régissent l’intérieur de notre planète ou avec certains agents qui la vivifient? La planche XXX est la carte géologique du globe f compris les Jonds des mers , d’après les analogies : c’est un essai hardi et nou- veau qui sera peut-être difficilement accepté; mais il faut un commencement à tout. Le lit des océans appartient autant au géologue que le lit des rivières; il faut que son œil y pénètre , colite que coûte. C’est ainsi seulement que la théorie des affaisse- ments pourra être prouvée, que les anomalies du niveau des mers seront expliquées parfaitement dans tous les temps , et qu’on pourra décider si les océans ont cliangé de place et de quelle ma- nière ces changements ont eu lieu. La planche XXXI est la représentation des bassi/is géologiques du globe, en omettant leurs canaux de communication. La planche XXXII est la meme représentation des grands bassins, en omettant les plus petits et restaurant les digues de séparation. L’auteur a toujours en vue de rendre ainsi sensibles à l’œil les états passés de la surface terrestre. La planche XX III est la figure des cinq énormes bassins géo- logiques du globe , savoir : les deux bassins océaniques du N. et du S. , le bassin indien et les deux bassins atlantiques du N. et du S. C’est encore une abstraction utile à voir sur le papier. Il est sous-entendu que dans les grandes bandes de formations inférieures ou anciennes il se trouve des bassins remjdis de dé- l^ôts supérieurs ou postérieurs , et que dans les formations supé- rieures il y a des pointements ou des îlots des terrains infé- rieurs ; mais ces détails omis ne changent rien à notre abstraction générale. SÉAJVLE DU 1(5 NOVEMBRE 18/l(5. 153 La planche XXXIY est la représentation géologique du bassin atlantique du N. ; la planclie XXXY figure le bassin atlantique du S. ; la planche XXX Yl , le bassin indien ; la planche XXXYII , le bassin océanique du S. ; la planche XXXYIII , le bassin océa- nique du JS'. -, la planche XXXI X , les bassins autour du pôle boréal. Dans ces six figures ou formes géométriques le trou du bassin est indiqué par une couleur plus foncée , et d’après l’incli- naison des bassins il ne se trouve pas à leur centre , ce qui est bon à remarquer. Les bords des bassins sont ponctués de rouge. Lnfin la planche XL est la représentation de la position des bas- sins autour du pôle austral. Le massif, s’isolant entre la rencontre des trois bassins du S. , motive l’existence des terres australes et aurait pu les faire supposer avant qu’on les découvrît. 11 serait possible , par les directions des canaux de communication des trois bassins , dit l’auteur , que le noyau central de ces terres eût à peu près la forme indiquée sur sa carte par la couleur foncée. En résumé , ce travail forme un beau tout sur les bassins et a pour but de faire entrer plus en ligne de compte , dans la théorie géologique des formes du terrain , le facteur important des mouvements et des effets des eaux des mers. On attribue trop aux soulèvements et affaissements ; il faut aussi céder quelque chose à Neptune. Ainsi, les massifs ou continents soulevés ou affaissés présentent certaines formes qui ont été façonnées par ce puissant dieu , et qui se distinguent des formes produites par des mouve- ments de bascule, de renversement, d’affaissement ou même de lavage fluviatile. Ainsi, par exemple, les escarpements de toutes les cimes principales de l’Ecosse et de l’Angleterre font face au N.-E. , sans qu’on entrevoie le rapport de cet accident orographique avec les soulèvements éprouvés par ces chaînes ; tandis que , vu la direction du grand courant atlantique , ces érosions , comme le mouvement de certaines baies profondes, pourraient s’expliquer par l’action des eaux exercée avant l’émersion des parties élevées de ce continent. Du côté du N.-E. il y aurait eu érosion et éboulement ; le ver- sant opposé , au contraire , en aurait été préservé et aurait con- servé pour cela des pentes plus douces ou seulement échancrées. D’une autre part , cette action marine nous est confirmée par le contraste frappant des deux rivages écossais et anglais , savoir : à l’E. , de vastes pays plats ou de petites hauteurs , et à l’O. , des bords maritimes escarpés , ce qui est précisément l’opposé de ce qu’on observe aux sommets des chaînes. Or, l’explication en est aisée à trouver. Avant le soulèvement des chaînes le grand cou- rant ne trouvait que peu d’obstacles à son cours dans les parages SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1846. 154 britanniques , tandis qu’ actuellement des digues énormes s’oppo- sent à son libre passage et diminuent sa force à FE. en l’obli- geant à entamer toujours davantage la côte occidentale. Des rai- sonnements analogues peuvent être faits sur le continent Scan- dinave et l’Oural , sur les chaînes du nord germanique , comme sur les bords de la Méditerranée actuelle et de celle qui a battu, à l’époque tertiaire, les deux pieds des Alpes et des Balkans. Si les soidèvements et affaissements ont motivé ces contours orograplii- ques et hydrographiques , le lavage des eaux , leurs courants et leurs alluvions , les ont modifiés et ciselés. C’est aux géologues à faire la part de chacun de ces événements. M. Viquesnel donne lecture de la lettre suivante qui lui est adressée par M. Boue : Sommaire des travaux dhine Société nouvellement formée a Vienne [Autriche') sous le titre de Société des sciences na- turelles et physico-chimiques {séances du 27 avril au 21 sep- tembre 1846. Vous savez que l’hiver passé un bon nombre d’amis des sciences naturelles ont voulu établir une Société des sciences naturelles et pliysico-chimiques. Les statuts de cette Société libre ont été esquissés à peu près sur le modèle de ceux de la Société géologique de France et d’autres associations analogues. Ils ont été soumis au gouverne- ment par MM. Ettingshausen , Haidinger et Schrotter. Malheu- reusement MM. Endlicher et de Hammer s’étaient mis à la tête d’une Société sur un plan plus vaste , embrassant toutes les sciences en général; malgré nos observations ils ont persisté et entt’aîné à leur suite nombre de savants et de littérateurs. Le gouvernement a donc reçu en même temps deux projets de statuts assez différents : il y a répondu par le décret d’une Académie des sciences natu- relles et historiques : un fonds de 100,000 fr. lui a été alloué : l’ar- chiduc Jean a été nommé curateur ; mais les nominations des quarante membres ne sont attendues que pour cet hiver. La moitié seule en sera soldée , dit-on ; le président et le secrétaire le seraient grassement ; tels sont les bruits , trop vagues pour qu’on puisse s’y fier. Quant à notre Société , nos chefs de file , loin de se décourager, ont fort justement entrevu que, l’Académie dût-elle même fleurir, une association plus générale ne devenait pas superflue, témoin SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/i6. 155 ce qui se passe clans d’autres capitales. Des amis des sciences natu- relles , des jeunes eens , ont continué à se rassembler chaque se- maine au Musée des mines et à lire des mémoires dont les extraits se trouvent dans la Gazette de Vienne. Après cet essai de six mois et ses fruits , il y a tout lieu de croire que le gouvernement re- connaîtra cette Société , à moins qu’elle ne fasse apporter des mo- difications notables au projet d’une Académie. Comme la Gazette de Vienne n’est guère à la portée des savants , et que ces proto- coles des séances offrent quelques faits nouveaux, j ’ai pris la liberté de faire l’extrait géologique suivant des séances depuis le 27 avril juscpi’en septembre 1846. Le 27 avril , M. de Hauer fils a exposé les résultats d’un examen rigoureux d’un assez bel échantillon du cabinet impérial , où un gros Orthocère {O. aheolaris de Quenstedt) se trouve réuni à une espèce nouvelle d’Ammonite, de la famille des Jrietes de Buch , dans un calcaire rouge de la contrée des salines de Hallstadt ( Haute-Autriche). MM. de Buch et Zippe ont eu tort d’y voir une curiosité artificielle en 1842 {N. JaJirh. f. Min. 1843, p. 188); un fragment seul de l’échantillon était recollé avec de la cire rouge , ce qui n’empèche pas que le tout ne forme une seule masse , fait maintenant bien avéré et reconnu sur une foule d’autres échan- tillons de Hallstadt , Aussée , Hallein , Adneth , etc. Les 4 et 11 mai IM. Fred. Simony a parlé sur les traces des gla- ciers anciens des Alpes de la Haute-Autriche et sur l’état actuel du glacier du Dachstein , en en soumettant à la Société de jolis dessins. Il a reconnu les indices des glaciers disparus jusqu’à un certain niveau et jusqu’à une certaine distance dans des rochers mouton- nés , dans des moraines et dans des blocs erratiques. Il cherche à établir qu’au moins les glaciers du Daclistein , du Prielgebirge et du Hollengebirge se sont étendus jusqu’aux vallées principales les plus voisines. Dans les glaciers du Dachstein il distingue celui du grand Carls-Eisfeld , celui du Todten-Schnee et celui de Gosau , gla- ciers qui couvrent 3,000 foc/i (arpents ). Ces glaciers sont alimen- tés par les hautes plates - formes qui sont dans la limite des neiges éternelles et au-dessus, en particulier dans la portion orien- tale du Dachstein. La terrasse la plus élevée a 8,100 pieds de hauteur absolue, et occupe 400 arpents. Il décrit ensuite les dif- férents états d’agrégation des masses des glaciers. Quelque petite que soit l’inclinaison des pentes du sol sous-jacent, tous les champs de neige ont une tendance à descendre ou à être poussés en bas par suite des lois de la pesanteur , et ce phénomène a lieu eu hiver 156 SÊAIVCJi Dt 16 NOVEMBRE 1846, comme en été. Il en est de même pour les glaciers. Notie géologue donne des détails sur la forme du terrain sous la ligne inférieure du fini ou neige durcie à environ 7,500 pieds, sur les crevasses et brisures de cette neige et de la glace, sur leurs gouftVes et cata- ractes d’eau. Il a remarqué sur les surfaces planes du névé des entonnoirs cratériformes de 100 pieds de diamètre. D’après les observations de cinquante ans , le glacier du Daclistein croît an- nuellement de quelques pieds par sa terrasse inférieure du Carls- Eisfeld, tandis qu’il augmente aussi en élévation. Dès qu’il aura pu dépasser sa barrière rocheuse actuelle de 10 toises de hauteur, il n’aura besoin que de trente à cinquante ans pour atteindre le lieu nommé Taubenkar, qui n’en est qu’à 3/à de lieue et qui porte des traces évidentes d’un ancien glacier disparu. Une tradition du pays place au lieu du glacier de Hallstadt la prairie alpine en- sorcelée {teverwmuchene Alm ). Cette tradition , réunie à d’autres semblables du Salzbourg et du Tyrol, ferait soupçonner que depuis les derniers temps géologicjues l’Europe a éprouvé , au moins trois fois déjà , un changement dans ses rapport de tempé- rature. Le même M. Simony , étayé par le prince de Metternicli , a commencé un relevé soigné et détaillé de tous les lacs de la Haute- Autriche et du Salzbourg, en joignant à ses observations des cartes indiquant leur profondeur , leurs formes par des coupes et leur aspect. Il a commencé par le lac de Hallstadt , en grande partie bordé de montagnes rocailleuses et escari)ées comme le lac de Wallenstadt en Suisse. Ce lac, occupant 2,àl4,à00 toises carrées , a une largeur moyenne de 552,5 toises, sur une longueur de à, 3 70 toises ; sa plus grande profondeur est de 66 toises. Ses bords escarpés ont souvent 20 à 50 toises de hauteur verticale. Son fond est une surface régulière presque plane , qui ne remonte insensi- blement cjue vers l’entrée du Traun. Cette rivière , ainsi que les torrents de Waldbacb, Mublbacb, Gosau etZlanbach, y ont formé des cônes d’alluvion inclinés sous un angle de 30 à 35® à leur confluent , et plus en avant sous un angle moindre. M. Liebener a décrit le Brandisite , nouvelle espèce minérale micacée du mont Monzoni Fassa , où il accompagne le Pléonaste. M. Loëve s'occupe de son analyse. M. Louis K. Scbmarda a lu un Mémoire sur l’influence de la lumière sur les infusoires , après avoir rappelé qu’il avait reconnu, avec d’autres naturalistes, que beaucoup d’infusoires vivent et naissent dans des lieux obscurs (suivant nos sens ), mais qu’ils se développent mieux à la lumière , et que les animalcules verts de 157 SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 18/16. la matière de Priestley ne se protliiiseiit qu’à la lumière. ( Voyez son IMémoire dans les Annales de médecine de C Autriche , 18à5 , cali. 12.) M. J. K. Hoclieder communique le contenu d’un Mémoire de M. Virgile de Helmreichen sur les gîtes du diamant au Brésil et leur exploitation dans la Serra do Grào-Mogor, province deMinas- Geraes au Brésil ( entre 16 et 17" lat. S. et et à?" longitude O. de Paris ). L’Itacolumite diamantifère y est exploité à ciel ouvert sur 3 lieues d’étendue, de Patieiro à Taquara, et sur une largeur de 1 à 2 lieues. On y distingue çà et là jusqu’à huit couches d’itacolumite à diamants, chacune de 3 à Zt toises d’épaisseur et 15 toises de longueur. Ces quartzites sont blancs, rouges ou jaunes et ont souvent l’apparence d’un agglomérat. Les premiers dia- mants furent trouvés par un nègre en 1827. Un échantillon de 7 1/3 carats fut découvert en 1836. Les diamants sont entourés d’une croûte plus tendre que le reste de la roche , masse quel- quefois mêlée aussi de mica vert ou rougeâtre. Ce Mémoire a été publié depuis à Vienne sous le titre de Uber das Forkommen der diamanten , avec des planches et des détails statistiques. L’au- teur, M. Helmreichen , s’est rendu du Brésil au Pérou , et restera encore quelques années absent. Une partie de ses nombreuses collections géologiques est déjà arrivée au Musée impérial de Vienne. Le 25 mai M. le capitaine Streffleur a donné ses idées sur le relief de la chaîne voisine de Vienne et l’origine du Wienervvald- Gebirge. M. Schmarda montre des figures de neuf nouveaux Infusoires polygastres. M. de Hauer fils a indiqué l’utilité du Wosserglass de M. Fuchs pour attacher, ou fixer et durcir, par enveloppe- ment surtout, les restes organiques, dont plusieurs sont sujets à se détériorer ou à tomber en poussière à la longue. Le fVasscrglass est une préparation siliceuse gélatineuse au moyen du carbonate de potasse. M. ïlaidinger a parlé sur une loupe dichroscopique et l’état de polarisation de la lumière colorée réfléchie. M. Siniony a discuté les causes des taches, dites de pluie, sur la surface des lacs alpins. Il apparaît sur ces derniers, tantôt tout à coup , tantôt petit à petit, des taches rondes , ovales ou à bords ondulés, où l’eau prend une couleur noire verte et un aspect huileux. Leur dimension varie de quelques pieds à plusieurs cen- taines de toises. L’auteur croit que leur formation est liée à des effets de différents courants d’air , ces derniers variant beaucoup 158 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE I8/16. sur les lacs des Alpes. Ces taches seraient sur l’eau ce que les groupes isolés de cumulus sont dans l’air. 31. Haidinger a proposé d’entreprendre, par une souscription individuelle annuelle de 50 francs , l’impression de Alémoires in-4° avec planches sur les sciences naturelles. Cette proposition est adoptée , et déjà maintenant , glace à bon nombre de souscrip- teurs , un Mémoire sur l’optique minéralogique , par Haidinger, est imprimé; chaque année on espère compléter un volume. Le titre est : Natunvissenschaftlichc Ahluifidlungen gesamelt und durch suhscrlption licrausgegehen von W\ Haidinger (Mémoires sur les sciences naturelles , recueillis et publiés par W. Haidinger). Cet ouvrage servira d’organe à la Société en même temps qu’un Bulletin contiendra le rapport des séances. M. A. Alorlot a expliqué deux profils des couches de Teisen- dorf ( Bavière orientale ), couches composées de (calcaire à Num- mulites , de grès vert , de calcaire et de grès et marne à Fucoïdes. Dans ce lieu, les roches à Fucoïdes sont sous celles à Nummulites, ce qui est l’inverse des positions en Suisse et indiquerait un ren- versement. Dans ce dépôt se trouve un agglomérat très grossier, qui renferme , outre des échantillons de toutes les roches des Alpes, des fragments granitiques fort gros. C’est le pendant de ce qui se voit au Bolgen, près de Sontliofen , et aurait induit en erreur AI31. Alurcliison et Sedgwick , qui auraient voulu y trou- ver du granité et du gneiss en place. M. Franz de Hauer a montré divers fossiles découverts dans le calcaire secondaire des Alpes de A'ienne , près de Aloedling ; ce sont des Lithodendron ou Caryophyllies , des portions d’Encrines , une grande Térébratule lisse, fort semblable à la T. peroralis, plusieurs Limes, une Huître, etc. Tous ces fossiles, si rares dans nos climats, auraient, suivant 31. de Hauer, le caractère jurassique. 31. Haidinger a parlé sur des métamorphoses du fer hydraté brun en fer oxydé rouge. D’après lui , les dépôts de fer hydraté Ijrun, de fer spathique , de fer oxydulé et de fer oligiste , forme- raient, sous le rapport de la métamorphose, une série catogène, semblable à celle des substances végétales suivantes : la tourbe , le bois flotté , l’humus , le lignite , la houille des Alpes , la houille ancienne, l’anthracite et le graphite. Le 8 juin, 31. Hammerschmidt a parlé sur la propriété de quel- ques coquilles de changer de couleur dans l’eau. Il a montré en- suite un Coléoptère de l’ordre des Hétéromères , de la sous-division . des A^ésicants , et de la grandeur du Z> tta vesicatoria , dans un morceau d’ambre. I SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/|6. 159 i>J. iMoilot expose des eonsidéralioiis sur le inélamorphisiue , dans lequel il distingue une métamorphose latente et une méta- morphose inverse , c’est-à-dire que certaines roches ne paraissent pas seulement modiliées par le contact de niasses éruptives , mais encore par un travail intérieur particulier , tandis que d’autres roches sédimentaires modiliées ont déterminé par leur nature le produit final de la métamorphose. M. le docteur Schmarda a donné des détails sur la distribution des animaux invertébrés sur les bords septentrionaux de l’Adria- tique. Ai. llaidinger a montré la distribution particulière des cou- leurs dans l’améthyste. Le 15 juin, AI. le docteur AI. Bornes a soumis à la Société un Coup d’œil sur les AJammifères fossiles du bassin viennois, au nombre de vingt espèces , savoir : Ursus spelœiis , Hyœiia spe/œa, O'icetus vulgaris , Elephas primigetiius , Mastodon an^ustidens , Dinothérium ^iganteuni , medium et Ciwieri K. , Rhinocéros ticho- rhinus , Acerotherïum incisivum , Paléothérium aurelianense , Jn- thracotherium vindobonense (Partsch), neostadense ( Partsch ) , Equus fossilis, Hippotherium gracile , nanum , Palœomeryx Kaupii (Aleyer), Ceivus megaceros^ Phoca vitulina, Halitherium ChristoUi. La plupart de ces restes , conservés dans le musée impérial , pro- viennent des alluvions anciennes, des lits de grès dans l’argile ter- tiaire de Yienne ou du calcaire à Polypiers, qui lui est supérieur. Ce dernier contient encore nombre d’espèces indéterminées , car le Leithagebirge , leur gîte principal , n’est à la porte de Yienne , comme Alontmartre, que depuis deux mois , par le chemin de fer allant en Hongrie. Alaintenant les Yiemiois n’ont plus d’excuse pour laisser un pareil trésor enfoui. Al. le professeur Leydolt a parlé sur la formation de la pegma- tite, et Al. F. Simony sur l’origine des cavernes dans les calcaires stratifiés. Il distingue les grottes en celles qui sont d’une origine primitive et en celles qui sont d’origine secondaire. Les premières auraient été formées par des effets plutoniques , des gaz ou des glissements, tandis que dans les autres il n’y verrait que l’effet I très lent de l’eau et des agents atmosphériques. Le docteur Langer a lu un Alémoire sur la structure différente des os des animaux observée au microscope. Al. Franc, de Bauer vient de publier, aux frais du prince de Aietternich, un ouvrage sur les Céphalopodes fossiles de la Haute- Autriche [Palœontologische-Beitrage ^ no 1 die Cephalopoden des Salzkammergutes) , Yienne, 18à6 , in-A® de A8 pag. avec 10 pl. 160 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/|6. tlessiuées et lithooraphiées par l’élève des mines M. Éd. Pëscld. Voici les espèces qu’il y décrit : A. Ammonites. Ammouïtcs Mettcrnic/tii , superbe espèce , quel- quefois fort grande, jusqu’à 25 pouces de diamètre. Elle se rap- proche pour la forme de Y A. discits (Sow.), des A. Coynarti et Lynx de d’Orbigny. Il forme le type d’une nouvelle famille des Ammonées. 11 se trouve réuni sous le même échantillon de véri- tables Orthocères et des Bélemnites. Il provient de Hallstadt. 2® A. neojiircnsis, ( Quenstedt ), de Hallstadt; A, dchilis^ de la famille des Hétéropliyllics de d’Orbigny, de la même localité ; fyA. galeatiis , voisin du A. Gaytani ( Klipstein) ; 5'’ A. galentiis (?) ; ces deux dernières d’Aussee ; 6’ A. sid)iLmhilicatiis ) d’Aussee ; 7" A. amœniis, peut-être un passage de Y A. Lynx et Coynarti à Y A. Mctternichü ; 8® A. Knrnsaiieri (Quenstedt), voisin de 1’^. infundihulum (d’Orb.), belle espèce de Hallstadt ; 9° A. angustilo-- bains ^ voisin de Y A. sternalis (de Bucb ) , de Hallstadt; 10“ A. tornntus ( Bronn ) , de Hallstadt et Aussee) ; 11*' A, hicrcnatus ^ voisin du hipunctatus ( Quenstedt ) , avec le Monotis snlinaria ( Br.) , à Hallstadt ; 12“ A. salinarius , espèce commune et associée avec Y Orthoceras alveolaris (Quenstedt), à Hallstadt, à Ad- netb , etc. ; 13“ A. Johannis Austriœ (Klipst.) , d’Aussee ; là” A. discoides (Zietben) , de Hallstadt ; 15“ A. respondcns (Quenstedt) ; 16“ A. hicarinatiis (Alunster); 17“ A. angustatus (Bronn). B. Goniatites. 1” G. dccoratns ^ voisin du G. iris ( Klipst.) , de Hallstadt. C. Clymenia. D. Nautiles. 1“ N. mesodiciis (Quenstedt) , voisin du N. gigein- teus (d’Orb.), de Hallstadt; 2'’ N. reticulatiis (dito) ; 3“ V. acutiiSy voisin du N. triangularis ( Montfort ) , et d’autres espèces dou- teuses. E. Orthoceras. 1" O. alveolaris (Quenstedt); 2“ O. latiscpta-- tn/n ^ voisin de l’O. bacillnni (Eichwald) , de Hallstadt ; 3" O. sali- narinny voisin de l’ O. striatum (Sovv'.),de Hallstadt; tC O. regularc; 5" striatnliim saliniun , de Hallstadt. F. Belemmtes de Hallstadt. Espèces comparables , jusqu’à un certain point , avec B. hastatns Gt unisidcatns (de Blainville). Tous ces fossiles sont réunis dans les mêmes assises, couches et ro- ches calcaires blanches , grises ou rouges, qui avoisinent les dépôts salifères. Quelle est la place géologique de cette réunion de fossiles, qui offusque tant nos paléontologues de cabinet et des champs? Lill les rapprochait du Jura, Bronn du lias, malgré les fossiles à aspect intermédiaire. Quenstedt vient de reproduire mon idée de ! 161 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE i8/l6. 1830, que ces loclies pourraient être supra-jurassiques ou du néoco- in ien Pour les amateurs du primaire on trouve les Orthocères , les Clyménies, les Goniatites ; pour les liasiques ou jurassiques , les Ammonites saiuuirius ^ discoides et bicaî inatus ; pour les néoco- mistes , les Nautiles , les Bélemnites, les Ammonites de la famille des Hété'ropliylles. C’est donc, comme le dit fort bien M. de Hauer, un cas qui nous ramène positivement à la géologie de superposi- tion pure et simple et sans zoologie , marche rationnelle qui seule peut nous sortir des brouillards théoriques , et qui a pour elle , si ce n’est les premiers géologues anglais , du moins les sommités des géologues français et allemands. Les masses calcaires anormales reposent sur un épais dépôt de calcaire compacte gris à Isocardes et à Ammonites ; mais au-dessous de ce dernier on ne connaît guère jusqu’à présent qu’un assemblage de schistes rouges semi-arénacés, des grauwackes entre Werfen et Liepzen. Or, cette année , M. de Hauer a décidé l’âge de ces derniers dépôts par la découverte de fossiles intermédiaires d’espèces identiques à celles trouvées à Beraun en Bohême et dans d’autres lieux primaires. Ce sont des Orthocères, le Cardiiim prisciim de Goldf. , et diverses petites Bivalves , fossiles changés en fer sulfuré comme certaines pétrifications du Nassau. M. Eilach les a découverts à Dienten , au S.- O. de Werfen , près de bancs exploités de fer spathique. 11 n’y a pas là de mélange anor- mal de fossiles. Ce serait du bel et bon silurien supérieur, exemple unique jusqu’ici sur le versant N. des Alpes. Ce terrain primaire y sera probablement reconnu sur une grande étendue ; car du côté de l’O. il formerait une bande plus ou moins continue, ou effacée, ou métamorphosée au S. des Alpes calcaires secondaires du Tyrol ( surtout près de Kitzhabel) , tandis que vers l’E. il s’étendrait de Liezen vers Eisen'ârz et dans la vallée supérieure du Alürz, en n’y étant séparé que par une bande étroite de schistes cristallins d’avec l’amas considérable de monts primaires coquilliers à l’O. de Gratz en Styrie. Déjà AI. de Hauer soupçonnerait aussi dans ces Alpes d’Eisenârz , etc. , la présence du dévonien à cause de certains schistes et grès rouges à fossiles particuliers. D’une autre part , sur le versant S. des Alpes orientales , AI. de Hauer n’a pas de peine à retrouver à Bleiberg à peu près la même suite de dépôts, savoir ; 1» des grauwackes à Trilobites, Productus, etc. ; T des grès rouges ; S*" un calcaire gris à Isocardes ; k'" le calcaire à Céphalopodes auquel appartient le marbre opalin coquillier de Bleiberg. Ce dernier offre des Ammonites Johannis Austriœ. Soc. géoL , 2® série, tome lY. I l i 102 SÉANCE DU iO NOVEMBRE I8â0. Le 22 jtim , M. Lowe a domié à l’aHalyse des laMiesèiMte et îk-i'tliierite ; il a analysé le Jaiiiesoiiite , et M. Jean de Pettko , pioiesseur de minéralogie et de géologie à Scliemnitz, leBerthierite. il lait remarque]' la resseiidjlanee du gîte de ces minerais, d’un côté à Carcassonne et à Port-Yieux, et de l’autre à Arany-Idka ( Hongrie supérieure) , où le Jamesonite est argentifère et aurifère comme en l’rance. Le docteur Kich. Comfort a donné un classement des races liu- maines , qu’il voudrait réduire à trois. Le docteur Hammersclimidt parie sur la vie dans les cellules des végétaux , et le docteur Reissek sur les rapports d’animalcules séminaux dans les plantes. Le docteur Zipser a annoncé avoir perdu toutes ses coiîections par un incendie et ne pourra de longtemps fournir des minéraux et des roches. 11 envoie aussi son compte-rendu de la réunion des naturalistes hongrois à Neusohl le k aoû t 1842. M. de Kudernatsch a exposé ses idéts sur l’existence d’anciens lacs dans la Styrie supérieure dans les temps géologiques et histo- riques. Ces lacs ont laissé des traces manifestes de leur séjour ; une partie ont des fonds tertiaiies et sont remplis de giès à lignites ou bien d’alluvions. M. le docteur de Ferstaparlé sur le coral-rag en Rasse-Autriche, au N. du Danube , et y a cité les fossiles suivants : Tt agos patelin (G.), Lithodendron ^ Aplocrinitcs niespilijormis (G.), Cidarites glandulijei us {(j.) , Terehratula laciuiosa (Rroim) , alata (Brong.) , peyovalis (Brong.), Diceras arietinu (L.^ , Ptcrocera Oceani (Br.) , et des JNérinées. Haidinger a donné des détails sur un ouragan de giêle à Gralz le juillet 1846. De très gros gréions sont tombés; quelques uns avaient 2 pouces de diamètre. Le 13 juillet, IVl. J. Czjzek a décrit et indiqué les nombreux dépôts de bois bitumineux et de lignites tertiaires dans la partie méridionale du bassin de Tienne. Le docteur Botzenhart a donné ses observations sur les cristal- lisations de la glace , et le docteur Comfort sur les races cheva- lines. Le 20 juillet, M. Kudernatsch a lu un Mémoire sur la déter- mination de la quantité de cari^one dans le fer brut. M . Streffleur a parlé sur les courants des mers et leur salure , ainsi que sur les formations ignées. Le docteur Hammerscbmidt a rec'ommandé le coloriage des SÉANCE nu l( NOVEMBRE 18/|(1, l.()8 Heurs par ta A^oie du r(slrti la[;c litho.orapliique , et au luo'VPn de piusiéurs plaques. M. Sclirotter a présenté des observations sur l’état luoiéculaire de la matière, eu donuautpour exemples des recberches sur l’oxyde de chrome et l’acide arsénique. Le 3 août, M. Leydolt a lu un Mémoire sur la structure macli” forme remarquable de l’ankérite , et le 10 août, M. Otto de Hin- genau a donné ses observations géologiques sur les environs de Tullesehitz , cercle de Znaim , en Moravie , district de roches schisteuses cristallines et de granité. Le 17 août, le docteur Homes a décrit les échantillons remarquables de la collection de minéralogie de madame de Henikstein, M. H. M. Schmidt-Goebel , de Prague, a donné des détails sur la distribution géographique des animaux et des plantes de rindostan septentrional et oriental , en offrant la première livrai- son de l’ouvrage posthume du docteur J.-W. Helfers sur ces con- trées. {^Docteur Helfer’s liinterlassene Samnilungeii mis Vorder und 'Hinter Indien.) M. Streffleur a donné une idée de son Essai intitulé : Origine des continents et des chaînes par Vinfluence de la rotation , Yienne , 18Û6 , in-8°. M. Fr. de Hauer a fait une communication sur les couches tertiaires de Guttaring et Althofeu, en Carinthie : ce sont des marnes à lignites recouvertes de calcaire à Nummulites et repo- sant sur des schistes cristallins. Les fossiles recueillis lui confirment notre classement de ce dépôt dans l’étage inférieur ou éocène (voy. Mém. Soc. géol. fr. , 1*’^ série , v, H , p. 8^) ; ce sont : le Mylio- hates goniopleurus (Ag. ); des restes de crustacés; Natica interrnedia (Lam.); Turritella du T. imhricataria (Ijam.); Fusas s ca- lons (Desh.), Cerithiiun comhustam (IL), /«/;;c//p.s7^w ( Desh.) , inutahile (Lam.) ; Serpiila niimmularis , etc. Il y a aussi la Corhiila crassa. C’est le seul point de la monarchie autrichienne ( excepté Ronca) où l’éocène aurait été reconnu jusqu’ici. Cependant on connaît un Fusus sca loris du lignite de Gran ( Hongrie). Mohs ayant laissé en Autriche de nombreux élèves , on y est encore très engoué de son système , qui ne voulait pas voir tous les côtés de la science : aussi AJ . Pettko a-t-il donné ses raisons pour admettre les propriétés chimiques des minéranx en minéralogie , ce qui pourra paraître déjà ancien dans l’O. de l’Europe. Le 31 août, M. R, Kner de Léopold a montré un Cephalapsis dans des roches arénacées siluriennes de la Gallicie orientale. On l6/l SÉANCE 2)11 16 NOVEMBRE 18/i6. lî’avait su longtemps que faire de ces fragments ; il a décou- vert enfin un échantillon complet , ce qui est un nouvel avis pour éviter la précipitation avec laquelle certains savants défendent à tel ou tel genre d’animaux de ne pas paraître dans tel ou tel étage inférieur ou supérieur de telle ou telle contrée, (fest peut-être le Cephalapsis Llofdii d’Agassiz. M. Jean de Pettko a parlé sur les passages des roches traehy- tiques entre elles et sur le cône basaltique d’Ostra-Hora, s’élevant du milieu du grès tertiaire à lignite de Tastraba , près de Krem- nitz (Hongrie). Il part de ce cône une coulée de 2 lieues de long et de peu de largeur ; elle repose sur le sol tertiaire et a été cou- pée par la vallée de Kremnitz , qui serait ainsi une vallée d’éro- sion, au moins pour sa moitié inférieure. Le même auteur a donné ses idées sur les systèmes cristallins et l’admission de formes fon- damentales parallélipipèdes. M. Breitbaupt annonce sept nouvelles espèces minérales, savoir : le Plinien , pyrite arsénical d’Ebrenfriedersdorf ; un Spinellus superiiis de Bodenmais (Bavière) ; un Zygadite zéolite d’Andreas- Ijerg ( Harz ) ; un Konicbalzite malachite vanadifère et calcaire d’Espagne ; un Castor et Pollux ( I ) de l’île d’Elbe , transparent comme le quartz et d’une forme ressemblant à celle de ce dernier, quoique pyroxénique. Il contient de la silice, de ralumine et du litbion ; enfin un sidérodote, fer spatbique calcarifère du Salzbourg. AI. Adolphe Patera a donné les résultats de son analyse du Co- rallcncrz , cinabre coralloïde d’Idria. Ce sont deux espèces de Gastéropodes à test très épais avec des restes de bivalves. AI. Ilai- dinger les avait appelées Hipponix dans son B.ap| ort sur la collec- tion des mines. Ces tests contiennent une quantité notable d’acide pjiospborique. Al. Haidinger caractérise avec G. Rose le péricline non comme une espèce , mais comme une simple variété de l’albite. Il pense que dans l’origine un mélange de feldspath à soude et à potasse s’est cristallisé, et que chacun de ces composés a influé sur la forme ; mais plus tard, pendant que les roches contenantes ont été modi- fiées , le mélange , en plus petite quantité , est sorti des cristaux et s’est placé sur leurs surfaces. Ai. Lowe a donné l’analyse du minerai cuivreux d’Agordo. Il est composé de 2 atomes de pyrite cuivreuse et de 3 atomes de fer sulfuré. Par le rôtissage il se forme un noyau ( tazzoni ) de sul- fures avec une croûte oxydée sans soufre. AI. Czjzek a dressé une carte géologique fort détaillée des envi- 1(55 SÉANCIi »t 16 NOVJiMlJlU; l8/j6. rons de Vienne. Il y distingue sept dépôts tertiaires sous les allu- vions , savoir : 1" l’argile ou Tegcl ; 2“ le grès et calcaire à Cérithes ; 3” les sables à lits d’argile et de gravier ; /t'’ le calcaire à polypiers du Leitha ; 5° des agglomérats ; 6° des lits de quartzite et de roches cristallines dans des sables ; 7” du calcaire d’eau douce. Au-dessus sont indiqués : 1° le loess , 2® les alluvions anciennes de grès secondaire , etc. ; 3*^ les alluvions fluviales. Le 7 septembre , le docteur Homes a donné des détails sur les coupes du sol tertiaire qui ont été exposées par suite des travaux du cliemin de fer conduisant de Wiener-Neustadt à Oedenburg , en Hongrie. Ces couches oft’rent surtout celles au-dessus de l’argile coquillière et bleue de Vienne , et les bancs sablo-marneux four- millent de beaux fossiles à Aiattersdorf , Rohrbacli , etc. : ce sont ceux d’Enzersfeld et de Gainfalirn ou de Bordeaux. M. de flauer fils a parlé sur les Caprines et leur place dans le système. Il en a trouvé une nouvelle espèce dans un dépôt de Gosau, soit à Adrigang , près de Grunbach ( Basse- Autriche) , soit à Gosau même. Quelques individus bien eonservés lui ont offert leur char- nière en Ijon état ; cette dernière se rapproche beaucoup de celle des Cliames et des Dicérates, savoir : la valve inférieure a de très fortes dents, et la valve supérieure deux dents plus petites ; de plus , l’intérieur de chaque valve est séparé en deux par une cloi- son. L’auteur place les Caprines à côté de la famille des Chamides comme M. Deshayes. L’espèce observée se rapproche le plus de la C. Jiignilloni de d’Orbigny, et a été baptisée Caprina Partschii. Le Mémoire entier sera puJjlié avec figures dans les Natarwissen- schaftUchc Ahhandlungen de AI. Haidinger. Le 21 septembre, M. Ant. de Wurth a fait un rapport sur la géologie des environs de Parschlug , dans la vallée du Murz , en Styrie ; c’est un bassin tertiaire avec des lignites exploitables. Le docteur Kner a détaillé les résultats intéressants de ses re- cherches sur les terrains anciens qui paraissent au fond de plusieurs vallées de la Gallicie orientale et au-dessous de leur revêtement tertirdre. Prenant Zaleszczyk , sur le Dniester, comme eentre d’ex- cursions , il a repris les travaux de feu Lill , et a trouvé naturelle- ment des additions à y faire : ainsi le terrain de grauvvaeke s’étend dans la vallée de IViczlava , etc. De plus , grâce aux travaux récents des paléontologues , il a pu déterminer les espèces de fossiles , savoir : les Avicules, Cyrtocéras, Orthis, Calymènes, Asaphes, etc. La grauwacke y est recouverte par la craie et le tertiaire, et entre deux se trouve un grès partieulier secondaire sans fossiles. Il a 166 SÉA.NCE DU 16 NOVEMBRE I8/16. aussi signalé de nombreux Foraminifères dans le tertiaire de Tarnopol. M. de Hauer fds a donné ses o])servations sur la distribution géographique des bancs à Monotis dans les Alpes autrichiennes. Le, Mo/iüti.s salinariiLs , etc., étaient connus depuis longtemps au- dessus ou autour, si l’on veut , des amas salifères de Hall en Tyrol , de Hallein en Salzbourg , de Hallsladt dans la Haute-Autriche , et d’Aussee dans la Styrie supérieure. Ces bivalves, accolées et opposées les unes aux autres , remplissent des calcaires compactes secondaires , blanchâtres , gris ou rougeâtres. Nos voyages nous avaient démontré dès longtemps {Joarnal de géologie , 1830) que ces couches se prolongent jusque très près du bassin de Vienne ; ce fait ne peut se méconnaître quand on parcourt l’intérieur de ces Alpes calcaires , par exemple , entre Steyer , Admont , Eisenarz , jMariazell et Gaming. Al. de Hauer vient de le préciser en décou- vî’cint les Monotis à Spital am Pyrhn , à Neuberg sur le Alurz , et enfin à Hôrnstein près de Piesting , à 7 lieues S. de Vienne. Probablement il y en a des bandes septentrionales et méridionales, et si la présence de ces fossiles ne doit pas toujours faire présumer le voisinage du sel , elle doit au moins exciter le paléontologue à rechercher les autres couches coquillières qui les accompagnent ordinairement. Ainsi s’expliquent déjà ces Ammonites à Hirten- berg et à l’O. de Gainfahrn, parce cjue ces localités sont voisines de Hôrnstein; aussi leurs espèces sont-elles près des salines de Hallein, en Salzbourg , etc., etc. — Ceci me conduit à revenir sur la pau- vreté prétendue en fossiles de nos Alpes calcaires. Comparant leurs masses à celles de l’Alp du Wurtemberg et à celles des collines de l’Oxfordshire , les pétrifications n’y parais- sent plus si rares , mais leur conservation est seule fautive , de ma- nière que les Deshayes et les d’Orbigny regarderaient souvent ees reliques plutôt comme des jeux de la nature ou de la matière à mortier que comme des morceaux de cabinet. Dernièrement en- core j’ai reconnu dans des lieux négligés des rochers pétris de bi- valves et d’univalves, parmi lesquelles au moins quelques genres étaient déterminables, par exejnple, des Huîtres , des Térébratules lisses, des Bucardes, etc. Les plantes fossiles du keuper, décou- vertes dans nos Alpes par Haidinger [N. Jahrhuch v. LeonJiard , 18à6, p. 46) , le Saurien de Hieflau , les Monotis , certains bancs à Térébratules, d’autres à Polypiers, d’autres à Hippurites ou à Caprines, ou à Numinulites, enfin les pâtés coquilliers de Gosau; voilà des matériaux pour un échafaudage théorique. Or, à présent SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18ii6. 167 que plusieurs jeunes géologues sont à la tâche , et que ce n’est plus tel ou tel tout seul qui arpente nos monts et manie nos rocs , nous allons enfin toucher au but. M. Joachim Barrande a donné un aperçu de sa Notice prélimi- naire sur le système silurien et les Trilohites de Bohême , Leipsic , 18â6, in-S^^ de 97 pages. Vous connaissez probablement cet opus- cule: 600 espèces de fossiles avec de nombreux Nobis, 129 espèces de Trilobites ! Souhaitons qu’il publie bientôt ce trésor. Il a dû se hâter, car M. Corda travaille le même sujet. M. Barrande est un homme instruit, et devrait être sur votre liste. Vous voyez, messieurs, ce que promet cette Société naissante, qui , dans son programme , comprend dans les sciences naturelles l’astronomie , la météorologie , la géographie , la géologie , la mi- néralogie , la botanique , la zoologie , l’anatomie , la physiologie , la physique , la chimie , et même les mathématiques. Si le gou- vernement la laisse marcher , et si elle fleurit à côté d’une Acadé- mie , ce ne sera plus un progrès notable, mais une véritable révo- lution scientifique dans cette capitale. Au milieu d’une nature si belle et si variée , au centre de tant de nationalités diverses , et entourée d’une auréole de voies de communication, auxquelles le fer vient de mettre la quadruple ou cruciforme couronne , on peut hardiment prédire que sur cette large voie Vienne doit devenir et deviehdra un vaste carrefour de renseignements et de découvertes pour les sciences naturelles. Or, dans nos temps si neufs , cliaque pas fait en avant doit être mûrement pesé; une fois fait, tout re- tour est impraticable ; c’est un fait accompli , une véritable cons- tante de la civilisation du genre humain. M. Damour, trésorier, présente l’état suivant des recettes et des dépenses de la Société, du janvier au 31 octobre mô. Il y avait en caisse au 31 décembre 1845. . 958 fr. 25 c. La recette, depuis le 1" janvier 1846, a été de 15,475 35 Total 16,433 60 La dépense, depuis le l®** janvier 1846, a été de ' 14,483 20 Il reste en caisse au 31 octobre 1 846. . . . 1,950 40 1(58 SÉA>CJt; JJL' 16 NOVEMBRE I8/16. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Mau- dujl : Un mot sur un morceau de quartz dUine variété particulière , ainsi que sur une substance minérale trouvée dans le dépat - tement de la Vienne ^ par M. Mauduyt. Je dois à l’obligeance de M. Ménard, proviseur du college royal de la ville de Poitiers , de pouvoir faire connaître à la Société un minéral dont la bizarrerie de formation m’a semblé telle , qu’elle m’a paru digne de lui être signalée; je n’ai donc pu résister au désir de le lui faire connaître , non plus qu’à celui d’émettre mon opinion relativement aux causes qui ont dû contri- buer à lui donner cette singulière conformation. Ce minéral , que d’abord on serait porté à regarder comme un quartz recouvert et pénétré de lames de barytine (baryte sulfatée), n’est qu’un quartz hyalin thermogène eelliileux ou cloisonné ^ dont les cavités sont tapissées de jolis petits cristaux de quartz hyalin limpide. Cet écliantilloi), qui provient des terrains de cristallisation ou de soulèvement du département des Üeux-Sèvres , dans la commune de la Cbapelle-Saint-Laurent , a été extrait d’une carrière nou- vellement ouverte au lieu dit Pas-dc-la-Vierge. (]es terrains, dont l’apparition à la surface du sol est probable- ment due aux mêmes phénomènes géologiques qui firent surgir ceux de même nature des départements de la Yendée , de la Vienne et de la Ilaute-Yienne, durent, lors de leur surgissement, occasionner des perturbations considérables dans le sol environ- nant, et modifier , même souvent changer de nature , les matières composant ce même sol , et contribuer aussi, à l’aide de dégage- ments gazeux à la formation de nouvelles substances. D’après cet exposé et l’examen de l’échantillon (1) , je suis ])orté à croire qu’au moment du soulèvement , il a dû jaillir du sein de la terre des sources d’eau d’une température très élevée, tenant en dissolution de la silice , si abondante à cette époque, telles que celles que l’on connaît encore aujourd’hui en Islande sous le nom de geyser, qu’elles déposèrent ensuite, sous forme d’incrustation de stalactites et de stalagmites, sur les matières environnantes; une portion de ces mêmes eaux , contenues dans les cavités des corps (() Il se trouve déposé dans le Cabinet d’histoire naturelle de la ville de Poitiers. SÉANCE UU 16 NOVEMBRE IS/jO. 169 par suite île leur évaporation , contribua à la l’ormation de ces jolis petits cristaux qui se remarquent dans les cellules de notre échantillon. On pouvait peut-être, et avec raison, expliquer la singularité de forme du morceau qui nous occupe au moyen de la théorie du métamorphisme si en vogue aujourd’hui parmi les géologues , en supposant que la harytine , dont ce morceau paraît recouvert , a été convertie en silice par le contact d’un gaz siliceux , et que le quartz thermogène , qui recouvre et pénètre notre quartz hyalin , n’est qu’une épigénie de baryte sulfatée. A^oici ce que j’avais à dire au sujet de ce joli échantillon; qu’un autre plus exercé et surtout plus habitué que moi à prendre la na- ture sur le fait et à lui dérober ses secrets vienne vous faire con- naître les phénomènes qui ont dû contribuer à donner à notre échantillon la bizarrerie que je viens de vous signaler , j’aurai au moins l’honneur de l’avoir entrepris. J’ai maintenant à parler à la Société d’une substance que je n’ai pu , quoiqu’elle ne soit peut-être pas inédite , rapporter à aucune de celles décrites dans les ouvrages de minéralogie que j’ai été à même de consulter (1). Ce minéral , que je nomme montmorillonniste , se trouve près de Montmorillon , en un lieu dit de la Maison-Dieu , où il s’est rencontré dans les argiles supérieures du lias , et dépendant pro- bablement de l’oolite inférieure , ce que jusqu’à présent je n’ai pu constater, vu les circonstances particulières qui m’en ont empê- ché , mais ce que je me propose de faire incessamment. jMon fds, pharmacien à Poitiers, sur ma demande, a bien voulu faire l’analyse de cette substance , qu’il a reconnue être un silieate d’alumine de chaux et de magnésie , dont le principe colo- rant est le eobalt. Sa pesanteur spécifique est de 1,70. Ce minéral , d’un beau rose , et rarement taché de noir par le peroxyde de manganèse , si abondant dans les environs du lieu où il se trouve , a une texture grenue , et les grains ciui le com- posent sont de deux sortes : les uns d’un rose parfait et d’aspect terreux, entièrement opaques; les autres sont d’un rose tendre, un peu hyalins et de forme arrondie ; entre ces parties se remarquent, surtout dans la première, comme des sortes de varules , semblant (1 ) Haüy, Traité de minéralogie. Brard , Manuel du minéralogiste. Vospeguel Beudant, Traité élémentaire de minéralogie , édition de 1824. Manuel de minéralogie , par Blondeau. Nouveau Manuel com- plet de minéralogie , par Huot. 1841. 170 SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 18Z|6. indiquer le dégagement de quelques bulles d’air qui aurait eu lieu lors de la formation de cette substance et quand la pâte était en- core molle. Son aspect est terreux , ou plutôt il ressemble à un morceau de savon au toucher ; il en a l’onctuosité. Sa dureté est peu considérable ; se laissant entamer facilement par l’ongle et couper au couteau , surtout lorsqu’il est humecté , il se polit facilement sous le doigt. L’odeur de cette substance lui est particulière, n’ayant nul rapport avec celle dite argileuse, ni même avec celle d’aucun mi- néral connu. Cette sensation , qui se manifeste particulièrement lorsque la substance est mouillée , est aussi très sensible par l’in- suflflation. Elle happe légèrement à la langue ; sa saveur est nulle , et elle ne fait point efïervescence avec les acides ; mais elle se résout , de même que dans l’eau, en une sorte de pâte qui, au bout de quel- que temps , devient en partie gélatineuse. Exposée à l’air , elle ne s’y délite point ; mais elle s’y durcit , de même qu’au feu ordinaire où elle blanchit en perdant l’eau dont elle était pénétrée. M. Martins donne l’analyse d’une note de M. De Luc, ayant pour titre : Mémoire sur la cause du transport des blocs erratiques dans le nord de r Allemagne , par J. A. De Luc, de Genève. Il y a deux opinions pour expliquer le transport du terrain erratique : l’une qui l’attribue à des glaces d’une vaste étendue , qui partaient des Alpes et se prolongeaient jusqu’au nord de l’Eu- rope ; l’autre qui l’attribue à des courants de l’ancienne mer pro- duits par quelque grande révolution du globe. Ce sont les faits bien décrits et dans tous leurs détails qui peu- vent résoudre la question entre les deux opinions et décider laquelle s’accorde le mieux avec les phénomènes. Les principaux faits que je rapporterai sont tirés des voyages de De Luc , publiés à Londres en anglais , en 1810, en 3 volumes. Quoique ces faits soient imprimés depuis longtemps , ils sont in- connus sur le continent et auront le mérite de la nouveauté. De Luc partit de Berlin en juillet 180â pour parcourir les côtes de la mer Baltique. 11 passa par Strelitz , Malchin , Lages , Ros- 1 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE i8/|6. I7l tock , et atteignit la mer à Warnomünde , distant de 50 lieues de Berlin. Pi es d’Oranienljurg , à 7 lieues au nord de Berlin , au sommet I d’une colline , De Luc vit une grande abondance de blocs de ro- cbes primitives, surtout des granités. Ces pierres avaient été tirées d^ s cliamps et servaient de clôtures , placées les unes à côté des autres. De Luc fit le tour du petit lac Zierkesee , à une petite lieue au N. -O. de Strelitz. 11 trouva , sur le coté oriental , un grand nom- bre de gros blocs et d’autres piei res plus petites , principalement de granité. En passant par-dessus la colline , vers le côté occiden- tal du lac , il descendit dans un vallon où il trouva un grand nom- bre de blocs granitiques. Il s’approcha d’une colline élevée qui formait un promontoire dans le lac ; il monta à son sommet, qui est coupé à pic du côté du lac. Le côté très rapide par lequel il monta était jonché de gros blocs de granité. En partant de Strelitz, De Luc tourna l’extrémité N.-E. du lac et alla jusqu’au village de Liepen (1) ; il ne traversa que des sables sans blocs, et même sans petites pierres; mais en approchant de Liepen , il rencontra des pierres dans le sable , et lorsqu’il eut traversé le vallon et qu’il montait la colline vis-à-vis , il com- mença à observer des blocs ; leur nombre allait en augmentant ^ et enfin il arriva à un espace tout couvert de gros blocs , d’environ une demi-lieue de longueur. La route passe au travers , mais avec beaucoup de détours, à cause des grands blocs, enterrés en partie, qu’il faut éviter. Ils sont composés de granités de différentes espèces et d’autres pierres primitives. Les blocs continuent sur les collines environnantes avec une si grande quantité de pierres plus petites, qu’il a fallu en débarrasser le terrain et en faire des mon- ceaux pour obtenir seulement un peu de pâturage. Aux environs de Malcbin , petite ville du duché de Mecklem- boiirg Schwerin, située entre deux lacs , près du lac au N.-E., on arrive à des collines semblables à des pains de sucre ; et quand on les voit du sommet de la plus élevée , le pays paraît un monceau de ruines , ces collines étant toutes jonchées de blocs de granité. Au N. -O. de Rostock , entre cette ville et la mer Baltique, et près de quatre villages , on voit des espaces de terrain couverts de gros blocs de roches primitives qui , par leur nombre, empê- chent de mettre le terrain en culture. (i) Liepen est à 23 lieues de Berlin et à 25 lieues de la mer Bal- tique. 17!2 8ÉA>CE l)V 1(5 NOAEiMBRE 184(5. Sur la route de Rostock à Warnomünde . sur le côté occi- dental du golfe , on rencontre d’abord plusieurs blocs épars , sur- tout de granité; il y en avait de très gros autour du village de Bra- mow , au-delà duquel il y a un de ces espaces où ils sont trop nombreux pour que le terrain puisse être cultivé. La route est bordée de ceux qu’on a tirés des champs mis en culture. On en voit de nouveau un grand nombre au village de Kleinkeen , et ils continuent jusqu’à Warnomünde , dont le quai est construit de grands blocs de pierres primitives , principalement de granité. De Warnomünde à Dobberan , à 2 lieues 1/2 au S. -O. , en pas- sant sur des collines basses , le terrain est couvert de blocs. On en voit un grand nombre rassemblés dans trois villages. Ils ont été tirés des champs , lorsque ceux-ci ont été mis en culture ; mais il y a des espaces qui en sont tellement couverts qu’on n’a pas encore pu les en débarrasser , et qu’on n’en fait d’autre usage que pour faire brouter au bétail l’herbe qui croît entre les pierres. Toute la plaine entre les collines et la mer est jonchée de blocs. En revenant de Dobberan à Rostock par une route plus directe, on traverse d’abord une plaine où l’on observe la inênie quantité immense de blocs , quoique distribués inégalement. Les enclos des jardins et des vergers autour du village de Lani- brechts-Hagen , à 2 lieues à l’O. de Rostock, étaient formés avec des blocs ; il y en avait aussi le long de la route , et un grand monceau de blocs avait été accumulé près de l’endroit où l’on de- vait les employer. Cinq hommes, avec des leviers, étaient occupés à en faire mouvoir un vers l’endroit où il devait être placé. Un de ces hommes étant interrogé d’où ils avaient amené toutes ces pierres, il répondit : Elles ne viennent pas de loin, nos terres n’en sont que trop pleines. En effet , je n’avais pas fait bien des pas que j’arrivai à un grand espace qui était tellement couvert de blocs , qu’on ne pouvait en tirer aucun parti pour la culture ; plus loin , j’en rencontrai un très petit nombre ; mais de nouveau j’en vis un grand nombre en m’approchant des collines voisines de Rostock. De Rostock De Luc va à Wismar et visite l’île de Poel , située au N. de cette ville. On arrive dans cette île par deux ponts , sépa- rés par une petite île. Le premier pont est pourvu d’un pont-levis. En entrant dans l’île, on trouve le village de Felirdorff, où un grand nombre de blocs étaient accumulés ; plusieurs avaient été employés pour des clôtures. De ce village on va à celui de Timen- dorff, sur le côté O. de l’île; on rencontre de nouveau un grand nond3re de blocs de granité sur le chemin. Le côté occidental de l’île est bordé de falaises basses , de 20 à ! SÉANCE nu 1(3 N'OYEMBKE l7o 30 pieds de hauteur, et eu avant ou voyait une quantité iininense de blocs dans la mer, s’étendant à une distance considérable et reposant sur un bas-fond couvert de pierres , de chaque côté du- quel l’eau était plus profonde. Je descendis, dit De Luc, sur le rivage composé de ces pierres et de ces blocs ; quelques uns pré- sentaient de beaux échantillons de granité et d’autres pieri es pri- mitives. Quand je tournai mes regards vers la falaise, je vis qu’elle était dans le même état que celle qui est près des bains de Dobbe- ran (1) ; quelques blocs projetaient de la partie supérieure , prêts à tomber, et d’autres étaient au pied, encore entourés de la terre et des pierres qui étaient tombées avec eux. Au printemps, lorsque la gelée a cessé et que les neiges commen- cent à fondre , de grandes masses de ces escarpements s’éboulent avec les pierres , dont on voit un grand nombre sur toute l’île ; les vagues lavent la terre et vont la déposer autour de File , laissant I les pierres sur place. L’île s’étendait une fois sur tout l’espace où l’on voit des pierres. Description de file de Rügen , faisant partie de la Poméranie suédoise (2). Avant de continuer les observations de De Luc , faisons connaître les phénomènes que présente Fîle de Rügen , faisant partie de la Poméranie suédoise , et placée directement au midi de la Scanie. Sa forme est très extraordinaire ; elle est composée de quatre par- ties : d’une grande île, appelée Rügen propre , et de trois pénin- sules , celles de JVittoiv et àe Jasmund au N., et celle de Monhguth au S. Les deux premières sont composées de couches de craie, contenant les silex et les corps marins communs à ces couches. Ces (1) A FO. de la maison des bains de Dabberan une suite de col- lines s’avancent jusqu’à la mer, se terminant par une falaise. En avant de cette falaise on voit dans l’eau une grande abondance de blocs sur un fond de gravier et de quelques grosses pierres. Le, sommet de la colline est composé de même de gravier , de pierres plus grosses et d’un grand nombre de blocs. En s’avançant sur le bord escarpé de la 1 falaise on voit des blocs plus ou moins enfoncés dans l’eau ; ils s’avan- cent dans la mer jusqu’à la distance où la colline s’étendait avant qu’elle fût dégradée par les vagues de la mer. Devant toutes les falaises qui terminent les collines du côté de la mer, jusqu’à Kiel, on voit des blocs sur le rivage et dans la mer, ils étaient dans le pays. (2) D’après des descriptions faites par MM. Von Willich et Zollner, et communiquées à Fauteur, SÉANCE DU 16 NOYEMRRE 18/|(). 17/1 péninsules sont coupées à pie du colé (le la mei’, à FE; , descen- dant vers l’intérieur. Leur surface est joncJiée de blocs de granité. L’escarpement de craie de Wittow" a 200 pieds de haut, celui de Jasmimd en a 360. Il y a des blocs de granité sur la grève de Jas- mund. M. Zolliier, de Berlin, fait mention d’un de ces blocs, sur lequel , dit-il , douze personnes peuvent se tenir debout, l^es gens du pays disent que les blocs de granité qui sont sur la grève étaient autrefois sur la colline ; mais à mesure que celle-ci s’est éboulée, ils sont tombés avec leur soutien sur le bord de la mer. M. Zollner, dans son Voyage à File de Rügen , en 1795, dit encore que dans les petites collines de Rügen projn e, on ne trouve d’au- tres pierres que des masses de granité et d’autres pierres primitives de diverses grosseurs. Revenons aux observations de De Luc. Colonnes et piliers formés de gros blocs de granité. En approchant du palais d’Eutin , à 3 lieues de la mer Baltique , dans le duché de Ifolstein, De Luc vit un grand mur autour des jardins, construit avec de gros fragments de blocs de diverses roches primitives , dont quelques unes étaient superbes. Le portail des jardins du palais était formé de quatre colonnes d’environ 10 pieds de haut , avec des piédestaux du même bloc ; le tout d’un beau granité gris. Ces quatre colonnes avaient été tirées d’un seul bloc. Les murs du jardin potager, de forme quadrangulaire, étaient entièrement construits de fragments de granité. Chaque côté du carré avait une porte soutenue par deux piliers de 7 à 8 pieds de haut, et ces piliers avaient été coupés du même bloc que les co- lonnes du portail. La personne qui accompagnait De Luc et qui lui donnait des explications le conduisit à un joli temple, au bord d’un lac, soutenu par six colonnes d’environ 10 pieds de haut, qui , avec les marches tout autour, le pavé du temple et la coupole , avaient été aussi tirées du même bloc. L’informateur ajouta : Malgré tout ce que vous avez vu , il est probalde qu’on n’en avait pas employé plus de la moitié. Nous fîmes le tour de la ville d’Eutin , et nous vîmes le granité employé à faire les angles des maisons , les encadrures des fenêtres et des portes , les marches et les bancs devant les maisons. De Luc passe à Gremsmühl , à 1 lieue au N. -O. d’Eutin. Il visite une ferme dont les granges et les écuries étaient entièrement construites eu granité , aussi bien que le pavé et les bornes le long du chemin. On n’avait pas été bien loin pour chercher ces gra- SÉANCE DU 16 NOVEMÜRE 18/|6. 175 iiitrs, car toutes les collines dans le voisinage, disait le propriétaire, en sont couvertes, et presque tous ceux des environs tle la ferme avaient été tirés de la colline qu’on avait creusée pour élaigir le chemin. Jæ propriétaire était alors occupé à donner plus d’exten- sion à ses batiments; il montra au voyageur d’abord huit grands piliers qui devaient servir pour des portes de granges, tous extraits d’un seul bloc dont le granité contenait de grands cristaux de feldspath ; ensuite plusieurs piliers brisés d’un autre bloc trouvé près du premier, dont les cristaux étaient très petits. Dans une chapelle attenante à l’église de Sainte -Marie , à l.u- beck, le dôme de cette chapelle est soutenu par deux colonnes de granité d’une seule pièce , qui ont 30 pieds de haut et 2 pieds de diamètre à la base. Elles reposent sur des piédestaux de la même roebe ; et l’on sait par tradition que ces deux colonnes avaient été faites d’un seul bloc trouvé dans le pays. Monceaux de blocs formant comme des îles sur la surface du pays. Dans le Mecklembourg et la Poméranie il y a des endroits où les blocs de différentes espèces sont amoncelés les uns sur les autres, et forment , pour ainsi dire , des îles sur la surface du pays, ils sont accumulés en si grand nombre, qu’on croirait cju’ils ont été rassemblés dans le but de bâtir une grande ville , s’il n’y en avait pas pai ini eux de dimensions trop grandes. Ce n’est pas seulement dans les plaines , mais aussi sur les col- lines qu’on trouve ces accumulations , sépai ées les unes des autres par des espaces où l’on n’en voit aucune trace. Près de ?dagdeburg , sur l’iLlbe , il y a une de ces accumulations })lus grande que celle de Liepen , cpie nous avons décrite ci-dessus. Aucune de ces accumulations ne peut se comparer à celle dont M. Wraxall fait mention dans son voyage autour de la mer iial- tique. C’était dans la province de Nyland , qui borde le golfe de Finlande, en Suède. Dans l’espace, dit-il, d’au moins 1 lieue avant d’arriver à la nouvelle ville de Louisa , et pendant plus de 2 lieues après l’éivoir quittée , on pouri ait presque dire que la terre avait disparu à la vue, tant elle était couverte de pierres, ou plu- tôt de rochers; car plusieurs d’entre elles méritent bien ce nom, à cause de leur grandeur. La route , forcée de respecter ces obsta- cles formidables , fait mille détours tortueux , et serpente majes- tueusement pendant plusieurs milles. 11 communique ensuite le passage suivant d’une lettre de M. Édouarrl Collomb. 17(3 SÉANCE DU 16 NOVEAiBRR 'J8/|6. Wesserling, 9 octobre 1846, Le grand glacier de M. de Charpentier, glacier qui , à l’époque de sa plus grande extension , couvrait tout le pays situé entre les Alpes et le Jura, présente une complication particulière sur la- quelle M. Blancliet a déjà recueilli des matériaux. Cet immense glacier n’a point terminé son existence par une agonie lente et ré- gulière , ni par une mort brusque : il a eu des tenqis d’arrêt , des moments de retour à une vie active ; pendant sa période de fusion il s’est arrêté en chemin et s’est divisé en une multitude de petits glaciers , qui ont acquis alors un mouvement propre et indépen- dant, et , chose remarquable , ce nouveau mouvement s’est trouvé sur certains points en sens inverse de celui du grand glacier pri- mitif. Ce dernier partait du S. et se dirigeait vers le N., et quelques uns des petits glaciers de la seconde époque avaient un mouvement qui les portait du N. au S. En examinant la con- figuration du sol on se rend facilement compte de ce phénomène. Le terrain compris entre les Alpes et le Jura n’est point un plan régulièrement incliné vers le N. ; il y a dans cet espace des lacs très profonds , puis tout un petit système de montagnes peu éle- vées , le Jorat, avec des pentes et des contre-pentes ; les vallons de ce système versent leurs eaux , d’un coté dans le lac de Genève . et de l’autre dans le lac de Neuchâtel. Lorsque , par suite des pro- grès de la fusion , le grand glacier a reculé juscfue vers les contre- forts du Jorat, il y a eu temps d’arrêt , et les petits glaciers se sont formés dans tous les vallons cjui rayonnent autour du lac de Genève; j’en ai exploré quelques uns; ils sont barrés par des petites moraines ; on y trouve beaucoup de blocs et un grand nombre de galets striés. Ces matériaux proviennent, d’une part, de ceux arrachés au sol même , puis de ceux que le grand glacier était en voie de transporter, et qui , arrêtés au milieu de leur course , sont revenus sur leurs pas ; ces derniers sont d’origine al- pine. Ajoutons encore à tous ces débris ceux que les eaux ont mis en mouvement lors de la fonte définitive des glaciers et pendant la période actuelle, et vous pouvez juger de la complication du phé- nomène. Les Alpes. Le Jorat. Le Jura, SÉANCE DU 1() NüVEMliRE 1SZ|6. 177 Le grand glacier partait de a et transportait ses matéiiaiix jus- qu’en h ^ puis, par la fonte successive, il a reculé jusqu’en c. Les vallons du Jorat , qui versent leurs eaux dans le lac de Genève , se sont trouvés encombrés de glace ; il y a eu temps d’arrêt dans la marche rétrograde; de petits glaciers se sont formés, et les maté- riaux qu’ils ont mis en mouvement ont pris la direction de c en r/, dans un sens diamétralement opposé. Ces faits sont au surplus d’accord avec ceux que j’ai remarqués dans les Vosges ; ici je n’ai toutefois pas de blocs qui aient fait deux fois le même trajet; la configuration du terrain s’y oppose; mais j’ai acquis la preuve que nos anciens glaciers ne se sont pas fondus par suite d’une succession régulière d’années chaudes. Pendant leur période de retraite ils ont stationné fort longtemps sur certains points, station qui a donné lieu à la formation d’une échelle de moraines qui barrent transversalement nos vallées à une grande distance les unes des autres. Ainsi donc , si nous comparons les faits , en Suisse et dans les Y osges , nous arrivons au même résul- tat : les anciens glaciers , dans ces deux contrées , n’ont point dis- paru de la surface du sol par une révolution brusque , mais ])ar une fusion lente et intermittente, M. d’Archiac met sous les yeux de la Société, de la part de M. de Boissy, une collection des fossiles du calcaire lacustre de Billy, prés Reims, et communique le Mémoire qui l’accom- pagne et dont nous donnerons ici le résumé avec la liste des espèces, la description elles planches devant être publiées ulté- rieurement dans la partie du t. III des Mémoires de la So- ciété. Cette faune toute locale est remarquable par le faciès des espèces qui la composent ^ toutes ou presque toutes sont cou- vertes de stries obliques, très serrées et régulières qui les dis- tinguent au premier abord. Ce genre d’ornement se retrouve dans les Gyclades comme dans les Hélices, les Glausilies, les Bulimes, les Agathines, les Auricules et les Maillots. Sur o9 espèces de coquilles décrites par M. de Boissy, il y en a deux au plus {^Cjclostoma rilUensis , Valvala Leopoldi) qui ne sont peut-être pas nouvelles, et qui pourraient se rap- procher de deux espèces vivantes. Cependant l’identité ne lui a point paru assez complète pour les réunir. Deux autres co- quilles très remarquahles distinguent encore cette faune d’eau qèol. , '2'“ série, tome IV. 12 17S SÉANCE ÜU 16 NOYEMUUE I8/16. tloiico , la plus ancienne du terrain tertiaire inférieur du nord (le la France. Pour Tune, l’auleiir a adopté legenré Megaspira de Lea , et l’espèce qu’il y rapporte paraît être l’analogue du Piipa elatior Spix, coquille qui a servi de type pour l’établis- sement du genre, et qui ne vit plus aujourd’hui qu’au Brésil y l’autre est V Achat ina rUliensis , espèce très singulière et qui pourrait peut-être donner lieu à l’établissement d’un nouveau genre. En comparant les fossiles de Rilly avec ceux qu’a décrits M. Matheron, comme faisant partie de l’étage des lignites delà Provence, M. de Boissy n’a trouvé entre eux aucune analogie. La variété a de la physa gigantea est la seule coquille qui aurait quelque ressemblance avec la P , gallo-provincialis de M. Matheron. Liste des fossiles du calcaire lacustre de Rilly-la-M ontagne ^ près Pieims , par M. de Boissy. ('yclas le/iticularis , nob. — i/.ugu/Jor/f/is , nob, — DeiiainvilUersi , nob. — niiclea , nob. — rilliensis , nob. Ancylus Mathero/ii , nob, Tltrina lilUensis ^ nob. Hélix hemispJierica , Micbaud. — (V/., var. minor. — Droaeti , nob. — liuia , Micb. — Arnouldi , ici. — Diunasi ^ nob. — Gesli/ii , nob. Pupa rillie/isis, nob. — - /W., var. a. — columellciris , Mich — id, , var. a. — sinaata , Mich. — id., var. a. — oviformis, Midi — Arclüaci , nob. — pa/aagala , nob. — irmiensis , nob. A^egaspira rillie/ists, nob. [Pyra- midcUa exarata , Midi.). Cld LIS ilia co/rtorta , nob. — s trou gala ta noh. Bulimus Michaudi , nob. Achntina Tcrveri , nob. — rilliensis , nob. — cuspidata , nob. — similis , nob. Auricula remiensis , nob. — Michelini nob. — Alichaudi , nob. Cyclostoma Arnouldi , Mich. — helicinœjormis , nob. — eonoidea , nob. Physa gigantea , Micb. — id., var. a. — parvissima , nob. Valvata Leopoldi , nob. Paludi/ia a.spersa Mich. — Nysti nob. M. de Boissy ii’a point compris dans cette liste les Pupa b ali tu aides et gihhnsa , Mich., dont l’un (P, bidiinoides) a été DU 1(3 XOAEMBHE 1846. 179 établi d’une manière insuffisante d’après un fragment, et l’autre (P. gibbosa) n’est que le Cyclosîonia Jrnonl(h\ Midi., dont le dernier tour a été enlevé par accident. M. Desor présente les observations suivantes : Sur le terrain danien y nouvel étage de la craie j par M. Desor. Il existe aux environs de Laversine, prés Beauvais, un lam- beau de terrain d’une structure toute particulière, composé d’une sorte de brèche coquillière sans stratification bien évi- dente. Ce terrain, qui a été signalé en premier lieu par M. Graves , et qu’on a retrouvé depuis aux environs de Vigny, prés Pontoise, est désigné par les géologues de Paris sous le nom de terrain pisolitique. A Laversine, il repose immédia- tement sur la craie blanche et contient de nombreux fossiles , mais , le plus souvent , ce sont des débris trop mal conservés pour servir à une détermination rigoureuse. Cependant MM. Elie de Beaumont et Hébert y avaient trouvé, l’été der- nier, à Vigny, plusieurs piquants d’Oursins et des fragments de test d’une espèce particulière de Gidaris. Cette espèce de Ci- daris , que M. Desor a examinée de concert avec M. Agassiz, se distingue par un caractère tout particulier : c’est que les granules qui entourent les tubercules sont fort gros et irrégu- lièrement allongés au lieu d’être ronds, particularité qoi ne se retrouve dans aucune espèce de ce genre. M. Desor, en visitant dernièrement la Scandinavie, a re- trouvé dans l’île de Seeland, près de Coppenhagen, un calcaire tout à fait semblable par sa structure et son aspect bréchiforme au calcaire de Laversine, et au milieu des débris de coraux et de fossiles de toute espèce qui s’y trouvent empâtés , il a re- connu la même espèce de Gidaris qui existe à Laversine. Ce terrain , dont l’aspect et la structure rappellent tout à fait le dépôt de Laversine, et que M. Forchhammer a décrit sous le nom de calcaire de t axoé ^ se trouve dans les mêmes condi- tions de superposition que le calcaire de Laversine. Voici quelle est sa position dans le Seeland , à quelques milles au sud de Coppenhagen ; la craie blanche avec ses fossiles caractéristi- 180 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/|6. ques, tels que \ A nanchy tes o^^ata , \ Ananchytes striata, Ga^ lerites albogalerus , etc. , forme l’assise inférieure baignée par les eaux de la mer. Au dessus de la craie se trouve une mince couche d’argile , renfermant de nombreux débris de poissons qui, jusqu’ici, n’ont pu être déterminés à cause de leur état de conservation imparfait. Au-dessus de ce banc d’argile, se trouve le calcaire de Faxoë avec le Gidaris, dont il vient d’être question. Ce calcaire, dont l’épaisseur est très faible sur les côtes, va en augmentant de puissance vers l’intérieur de l’île 5 il arrive à son maximum prés du village de Faxoë , où il a jus- qu’à hO pieds d’épaisseur, et où on l’exploite avec une grande activité pour en faire de la chaux. A côté du Gidaris à granules allongés c^ue M. Desor propose d’appeler Gidaris Forchhamnieri , en l’honneur du savant géo- logue de Goppenhagen , M. Desor y a trouvé plusieurs autres fossiles également caractéristiques, entre autres une Pyrine nouvelle {Pyrina Freiicheni) , qui diffère de toutes les espèces connues par sa forme large et son ouverture anale très ample. Une espèce de Holaster très plat et large , à sillon inférieur très prononcé voisin du Holaster ananchytes . Enfin un petit Crabe Brachyurites ragosus Schloth., ou Droinilites rugosus Edvv. Enfin M. Desor a vu , au musée de Goppenhagen, parmi les fossiles étiquetés comme provenant du calcaire de Faxoë , deux autres espèces d’Oursins très bien conservés, savoir ; V Anan- chytes subgiobosus Lamk., dont Lamarck n’avait connu que le moule , et une espèce de Micraster voisin du Micraster bre- ci parus Agass. Ces deux espèces se retrouvent également en France ; la première, dans le calcaire à Baculitesde Picanville, et l’autre, dans la craie du département de l’Oise. Au-dessus du calcaire de Faxoë, se trouve un étage plus puissant, d’un calcaire compacte également très riche en co- raux, et que M. Forchhammer désigne, pour cette raison, sous le nom de craie corallienne, en y rapportant un dépôt ana- logue du Jutland septentrional, connu dans le pays sous le nom de Limesteen. Ce dépôt, qui atteint une puissance de plusieurs centaines de pieds au Stevens-Klint, contient, en grande partie, les mêmes fossiles que le calcaire de Faxoë -, on y trouve sur- tout en très grande quantité V Ananchytes subgJobosns. SÉANCE DU 16 NOVEMIUIE I8/16. 181 Il est évident que le terrain dont il s’agit n’est point une simple forme locale de la craie blanche, puisqu’il se trouve superposé à cette dernière, en Danemarck aussi bien qu’à La- versine et à Vigny, et qu’il contient des espèces qu’on n’a pas trouvées jusqu’à présent dans la craie blanche. D’un autre côté, la présence de genres tels que les Ananchytes, les Ho~ laster et les Micraster, ne permet pas de rapporter ce terrain à l’étage tertiaire. M. Desor pense dés lors qu’il faut envisager le calcaire de Faxoë, la craie corallienne et le lambeau pisolitique de Laver- sine et de Vigny , comme un étage particulier de la craie, le plus récent de tous , ainsi que l’avait proposé M. Elie de Beau- mont; mais il ne saurait y comprendre les terrains à Nummu- lites , qu’il envisage comme étant d’une époque plus récente. M. Desor propose d’appeler cet étage terrain danien , parce qu’il est surtout développé dans les îles du Danemarck. Ainsi que l’avait pensé M. Graves, il est probable qu’on devra y rapporter par la suite le terrain de Maëstricht. M. Deshayes fait observer que parmi les coquilles de Faxoë qu’il a déterminées , il a trouvé un certain nombre d’espèces identiques avec celles de Maëstricht. M. Deshayes a dit à M. Desor que le calcaire de Laversine avait de la ressemblance avec celui de Scanie décrit parNilson. M. Graves cite à l’appui de cette assertion la T erebratida 0{>ata , NiJson , qu’on trouve à Laversine. M. Michelin assure que le terrain de Laversine est pareil à la craie de Maëstricht, et que M. Graves y a trouvé, depuis plus de quinze ans, plusieurs des Polypiers décrits parGoldfuss. M. Graves ajoute que tous les fossiles de Laversine qui ont pu être déterminés appartiennent à des terrains crayeux de différents pays. Ainsi, on y voit entre autres le Portumis Fau- jasii , qui est caractéristique de la craie jaune de Maëstricht ; plusieurs Limes et Arches du terrain turonien , des Polypiers pareils à ceux de l’île de Rugen, décrits par M. Hagenow dans le Journal de Leonhard. M. Deshayes considère les calcaires de Faxoë comme iden- tiques avec ceux de Maëstricht. 182 SÉANCE I)U 16 NOVEMBRE 18A6. M. de Verneiii! demande s’il y a des Nummulites dans ce calcaire. M. d’Archiac rappelle que M. Lyell a visité en 1834 les localités dont vient de parler M. Desor, et que, d’après son Mémoire ofgeol. Soc. oj London, vol. II, p. 191, 1835-, Transac., id., vol. V, p. 243), le calcaire corallien de Faxoë , supérieur à la craie blanche bien caractérisée , a les plus grands rapports avec la craie de Maëstricht. De son côté , M. Beck (Proceed., id., vol. II, p. 217 ) a signalé dans les cou- ches de Faxoë quelques fossiles de la craie blanche, et d’autres, en plus grand nombre, qui leur sont particuliers et qui appar- tiennent à des genres plus spécialement tertiaires. M. Michelin ne croit pas à l’identité de ce terrain avec le terrain pisolitique. M. Desor fait la communication suivante : Notice sur Je phénomène erratique du Nord comparé à celui des Alpes , par M. Desor. Entre les phénomènes erratiques du INord et ceux des Alpes, l’analogie est si grande qu’on est naturellement porté à les attri- buer à une cause commune. C’est ce qu’ont fait les partisans des deux grandes théories qui partagent aujourd’hui les géologues ( la théorie glaciaire et celle des courants). Les uns et les autres re- connaissent l’identité des faits , mais eu les interprétant d’une ma- nière différente (1). Par contre , cette identité est contestée par une partie des géologues Scandinaves , spécialement par ceux qui rapportent le phénomène tout entier à l’action des flots de la mer (2). La question se pose dès lors naturellement en ces termes : La disposition du terrain de transport du Nord, le poli des rochers et la direction des sulcatures , sont-ils en tous points semblables h ceux des Alpes , ou bien la ressemblance n'est-elle qu'apparente , et dans ce cas quelles sont les particularités qui les distinguent ? (1) C’est peut-être le seul point de la question sur lequel MM. de Buch et Élie de Beaumont soient d’accord avec MM. Agassiz et de Charpentier. (2) C’est la théorie que M. Forchhammer a développée dans son article des Annales de Poggcndorf, vol. LVIIl, SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/j6. 183 La question ainsi posée , ce n’est que par une étude comparative des phénomènes erratiques dans les deux pays , que l’on peut espé- rer la résoudre. Jusqu’ici , il faut l’avouer, tout en étudiant avec soin les phénomènes locaux , on les a en général envisagés sous un point de vue trop exclusif. Peut-être eût-il été à désirer que les auteurs, qui ont écrit sur la Scandinavie, eussent une connaissance plus complète des phénomènes alpins ; de même qu’il est à re- gretter que les observateurs des Alpes n’aient pas tous visité la Scandinavie. Ayant eu l’avantage de prendre une part active aux recherches que M. Agassi Z a faites, pendant huit années consécutives, dans les différentes régions des Alpes , et particulièrement au glacier de l’Aar, j’ai voulu étudiera mon tour le terrain erratique de la Scandinavie , et m’assurer jusqu’à quel point les objections que l’on en a tirées contre l’application de la théorie glaciaire sont fondées. Je n’ai pas la prétention de discuter, dans ce mémoire, tous les faits qu’on peut rattacher à cette grande question , ni d’apprécier toutes les conséquences géologiques qu’on en a tirées. Mes obser- vations se borneront à deux points principaux , savoir : les surfaces polies avec les sulcatures qui les accompagnent , et le terrain de transport , considéré dans ses differentes formes. Des surfaces polies. Les roches polies exi.stent sur une bien plus grande échelle en Scandinavie qu’en Suisse. A proprement parler , le sol tout en- tier de la Scandinavie n’est qu’une vaste surface polie. S’il arrive cjue sur un point quelconque les polis échappent à l’observation , il suffit d’enlever la couche du diluvium qui recouvre le sol pour les retrouver avec leurs sillons et leurs stries caractéristiques. S’ils sont complètement effacés d’une colline ou d’un ravin , l’œil exercé n’en reconnaît pas moins , dans les formes ballonnées des rochers, qui sont l’analogue des roches moutonnées des Alpes, les traces du gigantesque rabot qui a façonné tous les reliefs. Les sulcatures (1 ) , plus nombreuses et souvent mieux conser- vées qu’en Suisse , ont, en général, le même caractère. Elles se (1) J’emploie ce nom dans le sens général que semble lui attacher M. Durocher, en comprenant par là tous les sillons, sans égard à leurs dimensions, c’est-à-dire les cannelures, les fines stries aussi bien que les grands sillons. ISA SÉANCE DU 16 NüVEMBHE 18/|6. présentent soit sous la forme de fines stries rectilignes , dont on reconnaît les traces partout où les polis sont bien conservés , soit sous la forme de cannelures quelquefois très longues , rappelant celles qui se voient dans ])lusieurs vallées des Alpes , en particulier dans la vallée de Hassli , en amont des chalets de Boden , sur la rive gauche de FAar. D’autres fois, ce sont de larges sillons qu’on a désignés sous le nom de cylindres creux. Ils sont tantôt recti- lignes , tantôt légèrement courbés , mais jamais ramifiés , et leur surface est souvent couverte des mêmes fines stries rectilignes qui se retrouvent sur les surfaces environnantes. J’ai vu de fort beaux exemples de ces sillons sur les deux rives du fiord de Christiania, où la roche est de gneiss , et le long de la route de Christiania à Krogleben , sur du porphyre. On en voit aussi aux environs de Stockholm , sur les îles du Maelar , ainsi qu’aux environs de Waxholm . dans la Baltique. Ces sillons ou cylindres creux sont, à plusieurs égards, les analo- gues des sillons que AI. Agassiz a décrits et figurés sous le nom de coap-de-gouge, et qui sont dus au frottement de gros galets. Lorsque ces galets se trouvent pris entre la glace et la roche , ils sont serrés avec une telle force contre les parois du rivage , qu’ils entament les rochers les ])lus durs. On pouvait voir, il y a quelques années, un exemple frappant de ce mode de formation des cylindres creux sur la rive droite du glacier.de Bosenlaui , où un galet de granité venait de creuser un large sillon dans la roche calcaire du rivage. Ces sillons ne sauraient donc être une objection à la théorie des glaces, comme on l’a prétendu, puisque nous voyons les glaeiers en former tous les jours de pareils sous nos yeux. En revanche, ils seront une difficulté insurmontable pour la tliéorie des cou- rants et pour celle des vagues, aussi longtemps que l’on n’aura pas prouvé que ces agents ont la faculté de tracer de fines raies dans l’intérieur des sillons. Il est à peine nécessaire de rappeler que ces sillons rectilignes, ou simplement arqués , n’ont rien de commun avec les canaux creusés par la vague , dont on voit de fort beaux exemples sur la côte occidentale de Suède , à l’entrée du fiord de Gothenbourg , ainsi que dans plusieurs îles du fiord de Christiania (1) , et qu’on letrouve avec les mêmes caractères sur les bords des lacs suisses. (1) La fig. % (ph II) représente une surface polie, à côté de la cascade de Hunnevoss en Norvège , sur laquelle les sillons tortueux creusés par l’eau se voient à côté des sillons et des cannelures gla- ciaires. SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 18Z|6. 185 ils sont, à la vérité, polis comme les sillons glaciaires, mais ils n’ont jamais de stries dans leur intérieur ; leur forme tortueuse et souvent anastomosée les trahit d’ailleurs au premier coup d’œil (1). Les marmites de géants , dont j’ai vu de forts beaux exemples sur plusieurs îles du fiord de Christiania , en particulier sur une petite île schisteuse , à côté de celle de Malmô , à une demi- lieue de Christiania , sont tout aussi étrangères aux glaciers que les canaux tortueux. Elles sont produites par des remous chargés de pierres et mis en mouvement soit par la vague de la mer, soit par des torrents, comme ceux que IVI. Scherer a décrits et figurés dans son mémoire. Ces derniers sont en tous points semblables à ceux qu’on voit en Suisse , à côté du pont de l’Aar, en remontant de la Handeck à l’hospice du Grimsel. Leurs parois sont admi- rablement polies ainsi que les galets qui servent à les creuser, mais on n’y rencontre jamais la moindre trace de stries. Il existe cependant dans le Nord une espèce de sulcatiire dont on n’a pas encore, que je sache , signalé des exemples dans les Alpes. On trouve dans les petites îles des fiords de la Norvège de grands couloirs qui courent dans le sens des stries sendolables à de petites vallées parallèles. Ces couloirs , dont AI. Scherer (2) a donné des coupes et des dessins , et dont j’ai vu de beaux exemples sur la petite île de Husperu , dans le fiord de Christiania , sont hors de toute pro- portion avec les sillons dont nous venons de parler , car ils ont quelquefois plusieurs centaines de pieds de longueur , une largeur de 30 à 50 pieds et à peu près autant de profondeur. Leurs parois sont souvent verticales et recouvertes de fines stries , comme les surfaces adjacentes. Ces dernières y sont même plus distinctes ; l’on y voit aussi des cannelures et même de grands sillons (3). Cette circonstance a engagé quelques auteurs à attribuer le creu- sement de ces couloirs à la même cause qui a poli les montagnes et gravé les stries , et comme ces couloirs se trouvent de préférence sur les îles basses , tandis qu’ils manquent généralement sur les croupes des montagnes, M. Scherer en conclut que l’agent qui les (1) On trouvera des détails circonstanciés sur les caractères propres des canaux creusés par les eaux , et sur les différences qui les distin- guent des sillons glaciaires dans les ouvrages de MM. Relier, Agassiz, et Martins. (2) Poggendorf ^ Annalen, 1845, t. LXVI. (3) M. Desor a mis sous les yeux de la Société un fragment d'un sillon pareil , détaché de la paroi de l’un de ces couloirs, dans l’ile de Husperu. 186 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18Z|6. a creusés a dii agir avec beaucoup plus d’intensité au fond des vallées "que sur les plateaux et les collines. Quant à la distribution inégale de ces couloirs , l’auteur en cherche l’origine dans la du- reté inégale de la roche , qui aurait été entamée plus profondé- ment par l’agent erratique là où elle est plus désagrégeable. Mais si les courants mentionnés auxquels il attribue le phénomène erra- tique avaient réellement été assez forts ])our creuser au milieu du fiord des couloirs pareils , on n’entrevoit pas pourquoi on ne leur attribuerait pas aussi la formation des grandes vallées et des fiords eux-mémes ; et c’est, en effet, l’opinion de M. Scherer (1). Mais alors l’effet n’est plus en proportion avec la cause. Du moment qu’on invoque l’inégale dureté de la roche pour expliquer la for- mation des couloirs , rien n’empêche de supposer qu’ils ont été ( reusés avant la période diluvienne, car il est probable que l’at- mosphère exerçait alors la même action sur les rochers que de nos jours. Dans cette hypothèse, qui me semble très naturelle, les couloirs seraient antérieurs au phénomène erratique , qui n’aurait fait que les polir, les rayer et peut-être les élargir. Enfin , il me reste à mentionner une dernière espèce de sillon , dont l’i xplication semble offrir plus de difficultés. J’ai vu sur la rive orientale du fiord de Christiania , près d’une maison de pê- cheur , appelé lJUc Kneppe , à une demi-heure de la ville , un sillon d’une largeur varialile de 30 à 60 centimètres et d’une pro- fondeur à peu près égale , creusé dans la paroi du rivage en un endroit qui est très escarpé et couvert de stries longitudinales. Ce sillon n’est pas anastomosé , mais il est très bien poli , et l’on dis- tingue dans son intérieur de fines stries dirigées dans le sens de la pente, et par conséquent perpendiculaires à la direction générale des sulcatures (voy. fig. 3). Je n’entrevois qu’une manière d’expliquer ces stries exceptionnelles , c’est de supposer qu’il existait en ce point un glacier latéral , s’avançant perpendiculairement à la grande vallée , semblal^le aux affluents latéraux des grands glaciers des Alpes , mais dont les vestiges auraient été plus tard effacés par le glacier principal , à l’exception de ceux qui se trouvaient au fond des couloirs trop étroits pour que la glace ait pu s’y mouler. A part ces exceptions , les differentes espèces de sulcatures sont en général parallèles sur un point donné. Il n’y a guère que les stries fines qui se croisent quelquefois sous des angles considé- rables , de AO" , 60" et davantage , comme cela se voit d’ailleurs (i) Poggendorf ^ L r., p. 281. SÉANCE DL 1(5 NOVEMBRE 18^6. 187 sous les glaciers et sur les parois des vallées qui les encaissent (1). La mer n’est pas une limite pour les sulcatiires , car on les voit plonger sous les eaux sur une foule de points du littoral , aussi loin que l’œil peut pénétrer. L’on a en outre fait la remarque que les polis et les sulcatures sont plus nets le long des côtes et sur les rives des fiords , qu’au sommet des collines ou sur les plateaux , et l’on a voulu voir dans ce fait une preuve en faveur de la théorie qui attribue les polis à l’action de la vague. Il existe en effet une zone de quelques mètres de largeur immédiatement au-dessus de la mer , où l’éclat des polis est beaucoup plus vif et le burinage plus parfait c|u’ailleurs. Mais cette circonstance , loin de prouver en faveur de l’action de la mer, lui est plutôt contraire. Si les polis et les stries sont plus distincts et mieux conservés dans la zone en question , ce n’est pas parce que la vague les renouvelle ( ce c|ui est impossible du moins à l’égard des stries ) , mais parce qu’elle empêche les lichens de prendre pied aussi loin et aussi haut qu’elle peut atteindre. Or, on sait que rien n’altère plus la surface des rochers que la végétation des lichens. On a beaucoup insisté, dans ces derniers temps, sur la dilférence qui existe sous le rapport des polis entre les différentes faces des îles et des rochers saillants qui ont subi l’action erratique. On sait que la face tournée du côté d’amont ( Stossseite ) est toujours arrondie , polie et striée , tandis que la face opposée ( Leeseîte ) est souvent anguleuse et dépourvue destries et de cannelures. Cette disposition est tellement frappante le long des côtes et dans l’inté- rieur des vallées de la Scandinavie, cju’elle y a été remarquée de- puis longtemps par le peuple des campagnes , qui désigne les colli- nes ainsi coupées d’un côté sous le nom de skaaret flesk ( lard en- tamé ) parce c|u’elles ont, en effet, l’air d’être entamées sur leur face préservée. Or, comme cette face anguleuse est généralement en aval , il en résulte cpie si le polissage et le façonneinent des rochers était l’œuvre de la vague , ce côté, loin d’être préservé , devrait au contraire être le mieux arrondi , puisqu’il est frappé directement parle battement des flots. Au reste, cette disposition des rochers n’est pas exclusivement propre à la Scandinavie. On retrouve le même phénomène , bien que moins développé , dans les Alpes. Il y a au-devant du glacier inférieur de l’Aar trois (I) M Durocher se trompe lorsqu’il affirme que les angles sous lesquels les stries se croisent dans les Alpes ne dépassent pas 1 5" à 25°. M. Agassiz en a décrit et figuré qui sont à angles droits. Voyez Etudes sur les gin ei ers , pl XVIIL 188 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/i6. collines granitiques allongées clans le sens de la vallée. Ces colli- nes sont toutes trois parfaitement arrondies du côté qui fait face au glacier ; le côté opposé , par contre , est bien moins façonné et l’on n’y reconnaît aucune trace d’usure. Je connais aussi plu- sieurs localités où cette disposition se retrouve dans l’intérieur des glaciers. Le glacier de Rosenlaui est divisé à son extrémité en deux branches. Le promontoire qui occasionne cette bifurcation est par- faitement poli et usé en amont et sur les côtés , partout où le gla- cier se trouve en contact avec lui. Il est au contraire anguleux et en forme d’escalier du côté d’aval , où il est à l’abri de tout frot- tement (1). M. Schererafait la remarque qu’en Norvège, le contraste entre le côté choqué et le côté préservé est beaucoup plus frappant dans les vallées et sur le bord des fiords , que sur les plateaux , qui sont cependant aussi polis et rayés , et il demande si une pareille disposition est compatible avec l’hypothèse des glaciers. La dif- ficulté, à mes yeux, n’est pas bien grande ; c’est la conséquence d’une action prolongée des glaciers. Si , comme tout semble l’indiquer , la fonte des glaces s’est effectuée d’une manière lente et graduelle , il s’ensuit que les glaciers ont du séjourner plus longtemps dans les vallées et les dépressions du sol , et partant leur action doit y avoir laissé des traces plus profondes et plus indélébiles. La direction des sulcatures en grand est assujettie aux mêmes lois que dans les Alpes. MM. Reilhau (2) et Scherer (3) ont dé- montré , chacun de leur côté , que les stries , loin de suivre une direction unique , comme on l’avait conclu d’observations trop peu nombreuses , courent au contraire dans toutes les direc- tions , qu’elles sont subordonnées aux reliefs du sol et dépen- dantes des versants. Cela est surtout évident dans l’intérieur des montagnes de la Norvège , où les sulcatures suivent d’une manière absolue la direction des vallées. S’il arrive qu’une vallée dévie de sa direction première pour se fléchir soit à droite , soit à gau- (f) Le fait que les stries sont moins distinctes sur les côtés de ces rochers façonnés, et qu’elles s’oblitèrent insensiblement dans le voi- sinage de la face préservée , ne saurait non plus être une difficulté pour la théorie glaciaire , comme le pense M. Murchison [Qiiarterly Journal , t. II, p. 367), attendu qu’on retrouve la même chose sur les rochers actuellement en contact avec le glacier. ('2) Nyt Magazin jur Naturvidenskabcvne ^ vol. III. (3) Poggcndorf Jnnalen , vol. LXVL SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1846. 180 elle, on voit les stries répéter les inéines flexions. C’est en parti- culier ce que M. Siljestroem a observé dans la vallée de Leirdal , qui, après avoir couru au S. -O. , se coude brusquemeut au N. -O, pour aller aboutir au Sogneliord. Les stries de la partie supé- rieure se croisent à angle droit avec celles de la partie inférieure , absolument comme les stries de la vallée du Khône , en amont et eu aval de Martigny. En Suède , la direction des sulcatures est plus uniforme qu’en Norvège : c’est une conséquence naturelle du relief du pays, qui est beaucoup moins accidenté que le sol de la Norvège. On sait que dans toute la partie méridionale de la presqu’île les sulcatures courent généralement du N. au S. , avec des déviations plus ou moins considérables tantôt à l’E., tantôt à l’O. C’est ce dont il est facile de s’assurer en longeant le Goete-Canal , entre Gothen- bourg et Stockliolm. Après les avoir trouvées dans la première de ces villes , courant au S. -S. -O., je les ai vues abandonner insensi- blement cette direction à mesure que j’avançais du côté de l’E. , et, à Stockholm, je les ai trouvées orientées au S.-S.-E, , décrivant par conséquent un éventail qui égale à peu près un quart de cercle (1). La déviation est encore bien plus marquée sur les polis calcaires récemment découverts par M. Forchliammer près de Faxoë. Les stries suivent ici deux directions qui se croisent sous un angle de 40°. J’ai mesuré la direction prépondérante, et l’ai trouvée courant au S.-E. (143" de la boussole) ; la seconde direction est à l’E.-S.-E. (102*^ de la boussole). Nous possédons bien moins de documents sur la partie septen- trionale de la Scandinavie. Cependant IVI. Siljestroem a trouvé les stries dirigées au Nord sur les bords du fiord d’Alten , dans le Fin- mark, et nous savons qu’en Finlande M. Boetldingk les a vues courant vers la mer Blanche (2). En combinant ces directions avec celles qu’on observe dans les régions méridionales de la presqu’île, on trouve que les stries de la Scandinavie , comme celles des Alpes , forment un système unique qui rayonne dans toutes les directions , tout en présentant des déviations locales considérables. Enfin une dernière analogie entre la Scandinavie et les Alpes suisses , qui n’avait pas encore été signalée jusqu’ici , c’est l’exis- (1) M. Durocher, dans un Mémoire spécial sur la direction des siil- catures , admet plusieurs centres d’érosion , auxquels il rapporte toutes les déviations locales. (2) Bull. Jcacl. St-Pétei'sl)., t. VII. 190 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/46. tence crime limite supérieure des ])olls. .Fai moulré ailléurs (l;que dans les Alpes, cette limite ne dépassé guère 3,000 mètres. On la voit s’abaisser d’une manière, graduelle le long des flancs des val- lées, à mesure que l’on s’éloigne des giandes cimes qui entourent les origines des glaciers ; mais son inclinaison est plus faible que celle des vallées , et à Ijien plus forte raison que celle de la surface des glaciers actuels. Elle se trahit facilement à l’œil exercé par les contrastes de forme auxquels elle donne lieu. Toutes les cimes qui s’élèvent au-dessus de cette limite sont profondément disloquées et dentelées, tandis que leurs flancs, au-dessous de cette même limite, sont arrondis et polis. Il est une foule cl* endroits dans les Alpes où le contraste est si frappant que des géologues, d’ailleurs fort lia- biles, l’ont attribué a une différence dans la nature de la roche. Des contrastes pareils entre les sommets dentelés et les bases an on- dies ont été observées par M. Siljestroem sur les flancs du Suletin- den , dans le Doverfield. M. Reilbau , de son côté , m’a assuré avoir remarqué le même phénomène aux Jotun-Fjeldene et dans les JNordlanden (INorvége) (2). Les sulcatures ne sont pas, en général, très bien conservées dans ces régions supérieures ; cependant M. Keilhau a vu des stries jusqu’à 1800 mètres de hauteur, sur le plateau entre Halingdalen et Hardanger , et l’on sait que M. Siljestroem en a oJjserVé sur les flancs du Schneehattan à Fai- titude de 123à mètres. Il est probable que cette limite coïncide , comme en Suisse , avec le niveau supérieur des déi^ris erratiques , et l’on ne doit pas s’attendre à trouver des fflocs étrangers au sol au-delà de cette limite. Cependant l’on ne possède pas encore des observations pré- (1) Coniptes-re/idus de l' Acad, des se., t. XIV, p. 412. (2) Il paraît qu’à mesure qu’on s'avance vers le Nord cette ligne descend à un niveau toujours plus bas. D’après les renseignements et les croquis que m’a fournis M. de Welk, les formes arrondies et ballon- nées, qui sont le trait dominant des montagnes dans la partie méridio- nale de la Norvège, sont bien moins fréquentes dans les latitudes plus septentrionales. On cite des montagnes qui n'ont guère plus de 400 à 500 mètres, et dont les sommets sont aussi dentelés que ceux des Alpes ; telles sont , par exemple , les Sept-Sœurs , au-delà du 66^ degré de latitude, h' Atlas pittoresque de la IVorcége , par Ankarvaerd , ren- ferme plusieurs vues de pics dentelés, entre autres celle de Romsdalen ei celle du fiord de Veblangsnaes. On voit des montagnes arrondies sur le devant , tandis que les montagnes du fond sont profondément déchi- rées , comme les aiguilles de la Dent-du-Midi en Suisse. SÉANCE DU 16 NOVEjMHKE 18^6. 191 cisessur ce point imporlaut. Ce qui paraît Lors tle doute , c’est que ragent qui a arrondi le Üanc des montagnes est le même qui a tracé les sillons. De même qu’en Suisse , ces formes ballonnées ne sont donc pas l’effet pur et simple de la structure des granités, car autrement on ne concevrait pas pourquoi les sommets seraient dentelés passé une certaine limite de hauteur, qui est évidemment une limite climatologique (1). La faible inclinaison du sol, dans une grande partie de la Suè’ J. Teissicr-Rolland , Etudes sur les eaux de Nîmes et de E aqueduc romain du Gard; t. Il, 2e partie, in-8e, p. v— lxxvii et 321 — 562. Nîmes, 1846. De la part de M. Charles Darwin, Geological observa- tions , etc. (Observations géologiques sur FAmérique du Sud) in-8o, 268 p., 1 carte, 5 pl. Londres, 1846. De la part de«M. L. Pareto : 1® Sulla costituzione geolo- gica ^ etc. (Sur la constitution géologique des îles Pianosa , Giglio, Giannutri, Monte-Cristo et Formiche di Grosseto)-, in-8e, 20 p., 3 pl. Pise , 1845. 2o Ceniii geognostiche , etc. (Aperçus géognostiques sur Tîle de Corse)-, in-8e, 38 p., 2 pl De la part de M. le baron de Cussy, Carta geographica , etc. (Carte géographique, statistique et géognostique de la partie de la Sicile où existe la masse des calcaires sulfureux, contenant la vallée de Caltanissetta et partie de celle de Girgenti , Gatane etPalerme), par .Joseph Sénés -, 1 feuille grand-aigle. Païenne. Comptes-rendus des séances de E Acadénde des sciences; 1846, 2e semestre, no» 20—22. V Institut, 1846, nos 672—674. Société royale dé agriculture de Paris. — Compte-rendu des travaux de la Société depuis E exposition de 1845, par M. Bailly de Merlieux^ in-8o. The London geological journal ; août — septembre 1846. The quarterly Journal of the geological Society oj London ; no 8 , novembre 1846. The Athenæum, 1846, nos 995 — 997. The Miidng Journal , nos 537 — 589. Nova acta Academiœ naturœ curiosioi'um ; t. XXI, pars secunda , 1845. M. Michelin offre à la Société : 3 échantillons de Bélemnites du col d’Anterne , prés de Servos ( Savoie )j 1 échantillon de Bélemnite de la Gemmi (Suisse)^ 208 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/i6. 1 fragment irun bloc erratique à surface polie du glacier des Bossons, prés de Chamonix, 2 galets striés , recueillis sous les glaciers des Bossons et de Taconnet , prés de Chamonix *, Ces trois derniers échantillons recueillis par MM. Edouard Collomb et Michelin. M. le xice-secrétaire donne lecture d’une lettre de M. de la Marmora , qui envoie à la Société les prospectus d’un prix pro- posé pendant le congrès de Gênes pour le Mémoire qui sera présenté sur la question des Nummulites et surtout des ter- rains nummulitiques du midi de l’Europe. Le Secrétaire pour l’Étranger donne lecture de la lettre suivante de M. Studer : Lettre de M. B. Studer à M, Martins sur les coins calcaii'es intercalés dans le gneiss des Hautes Jlpes bernoises. Berne, le 16 novembre 1846. Lorsque pour la première fois, c’était je crois eu 1831 , je visitai le Roththal et rUrbach-Sattel, je crus pouvoir expliquer ces grands coins de calcaire qui entrent dans le gneiss et les autres singularités dans le gisement des deux roclies , par un refoulement de terrains calcaires , cjui auraient été soulevés , brisés et repliés siu' eux-mêmes pendant l’épanchement du granité ou du gneiss. C’est dans ce sens, à peu près , que je me suis exprimé dans la lettre à M. Boué, insérée dans le t. II du Bulletin^ p. 51 , et la figure explique assez mes idées d’alors. Depuis ce temps j’ai fait mes voyages dans les Grisons, en Valais et en Italie, et je me suis familiarisé avec les idées de métamorpliisme qui , dans ces der- niers pays, se présentent au géologue presque à chaque pas. J’avais vu des schistes fossilifères passer insensiblement au micaschiste , talcscliiste et au gneiss , et j’avais acquis la conviction que les gneiss dérivaient d’anciennes roches sédimentaires. Cette manière de voir devait naturellement me fortifier dans l’opinion de de Saussure , qui , après avoir passé sa vie au milieu des plus hautes montagnes de gneiss, regardait les strates de cette roche comme de véritables couches. J’adoptais les vues de Playfair, généralement admises, que les plans de séparation des strates de gneiss étaient les dernières traces de l’ancienne stratification sédi- meiitaire, La structure de nos massifs de gneiss, cependant, est â09 SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE 1846. assez singulière. Yous connaissez les coupes en éventails ouverts en haut que présentent les massifs du Mont-Illanc, du Saint-Gothard, du Grimsel , ces couches verticales de gneiss granitique sur Taxe meme du massif, et celles des deux versants plongeant vers l’axe. En admettant l’horizontalité primitive de ces couches, on a besoin d’un grand effort d’imagination pour se former une idée nette du mouvement qui a pu produire une structure pareille, et, en supposant que, ce c[ui se présente d’abord, les 'couches aient été soulevées des deux côtés et forcées dans une position verticale par une pression latérale , on ne trouve pas , dans ces vallées étroites , la place nécessaire pour ce redressement en angle droit , et on devrait s’attendre à voir," en quelques points du moins, se former une vallée synclinale sur la crête du massif, puisqu’il ne serait pas naturel de supposer que la pression ait eu partout la même force. M. de Buch , si je ne me trompe, a donné une autre solu- tion de ce problème embarrassant. Il regarde les couches du mi- lieu , dans lesquelles la structure de gneiss est le moins prononcée, comme un véritable granité , un dyke qui , dans le retrait du refroidissement , aurait entraîné les schistes des versants en les forçant dans une position inclinée vers l’axe. Une opinion assez semblable paraît être celle de M. Necker, qui suppose à la base du massif une bosse granitique sur le contour de laquelle les couches de protogine seraient implantées à peu près comme les dents sur le contour d’une roue. C’est le désir de me procurer quelques nouvelles données qui pussent servir à la résolution de cette ques- tion épineuse, c’est l’obligation que je me sentais de ne pas laisser subsister des obscurités dans la géologie de mes environs , qui me décidèrent à reprendre l’examen des points les plus importants où le gneiss, dans l'Oberland bernois, se voit en contact avec le cal- caire. Je crois, en effet, avoir constaté quelques faits décisifs qui , s’ils ne donnent pas la solution cherchée , la feront dépendre cepen- dant de données précises qui dissiperont le vague dans lequel jus- qu’ici elle me paraît avoir été enveloppée. La coupe de la Jungfrau ou du Roththal, que nous avons suivie ensemble avec M. Brunner, n’est pas, par rapport à la question qui nous occupe , la plus instructive. L’on y voit, comme le montre le dessin de ma lettre à M. Boué , les deux coins de calcaire enchâssés dans le gneiss , et vous avez observé avec nous que les couches du coin supérieur sont repliées sur elles-mêmes. L’on voit aussi qu’en général les strates du gneiss sont inclinés au midi sous un angle de 45 à 60'’, tandis que le calcaire en dehors des coins plonge au N. (l’extrait de ma lettre à Boué lui attribue Soe. géal., *2^ série, tome IV. I l 210 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. faussement une inclinaison contraire). Mais au contact la strati- fication du gneiss est peu distincte, et Ton reste indécis sur la ma- nière par laquelle ses strates inclinés au midi se joignent au cal- caire, s’ils se plient pour en suivre le contour, ou s’il y a une véritable discordance de stratification. Cette lacune dans nos observations est remplie par la coupe du Mettenberg. l^e magnifique escarpement d’au moins 1000 mètres de hauteur que cette montagne présente au village de Grindelwald est cal- caire ; mais les hauteurs qui le recouvrent et qui vont se lier à la cime du Grand-Schreckhorn sont de gneiss. Le calcaire y forme encore un coin dont la longueur, estimée de l’escarpement jus- qu’au chalet de laStieregg, vis-à-vis du Zaesenberg, doit être pour le moins d’une lieue. L’on peut atteindre la hauteur du Metten- berg en montant par des couloirs assez escarpés qui suivent à peu près le coude du coin calcaire , et l’on s’y convainc à l’évidence qu’en effet les couches du calcaire sont repliées sur elles-mêmes. Non seulement on les voit s’arquer et reprendre une position hori- zontale , mais la succession des diverses couches calcaires contiguës au gneiss sur la hauteur du Mettenberg est , en partant toujours de la ligne de contact , la même que celle que l’on observe à la Stieregg , c est-à-dire que sur la montagne on trouve en de.scen- dant la même suite de couches C[ue l’on trouve à sa base en mon- tant. La stratification du gneiss est prescpie toujours assez distincte, elle l est surtout à la Stieregg auprès du contact. L’inclinaison , à l instar de celle au ond de la vallée de Lauterbrunnen , est au midi , sous un angle d environ ào'’, et à la Stieregg on ne conserve pas le moindre doute c[ue réellement le calcaire et le gneiss sont en stratification discordante. .l’ajouterai , par parenthèse, que la dis- cordance est bien plus évidente que celle entre le schiste talqueux de Peychagnard , près de La Mure , en Dauphiné , et le terrain SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 211 anthraciteux , ou entre celui-ei et le lias , et qu’à plus forte raison 011 en pourrait conclure qu’à la Stieregg le gneiss est antérieur au calcaire. Cette conclusion cependant serait évideininent très fausse. Nous avons vu, M. Briinner et moi , à peu près les mêmes faits sur la coupe opposée du !\îettenberg , mise à découvert par le gla- cier supérieur de Grindelwald. L’on gagne le fond de ce glacier par un sentier assez scabreux qui traverse par le milieu à peu près les escarpements du Wetterborn , de manière que pendant près d’une demi-heure l’on a à sa droite des précipices de plus de lOÜO pieds de liauteur. Dans ce fond de glacier l’on se trouve vis- à-vis du ^Vettel ilorn , dans la même position qu’à la Stieregg , par rapport au Mettenberg. Le calcaire plonge au N. sous un angle très fort ; le gneiss qui lui est adossé, et qui lait partie des mon- tagnes cie gneiss qui séparent les glaciers de Grindelwald de ceux du Grimsel , est incliné au midi , et cela au contact même. La masse calcaire du Wetterborn ressendjle à une grande jatte rem- plie de gneiss ; c’est comme si le coude du Mettenberg avait été écrasé par le poids qu’il supporte ; c’est le poids d’une masse de gneiss de près de 2000 mètres d’épaisseur. De Roseidaui nous escaladâmes le glacier qui descend de la face opposée du Wetterborn pour gagner le col d’Urbacb ou UrhachsattcA. J1 y eut d’assez mauvais pas, ]>arce que la grande fonte des neiges de cet été avait mis à découvert beaucoup de i •21-2 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Ad. crevasses qu’en d’autres années on traverse sans danger. La belle coupe , de laquelle j’ai donné un croquis dans la lettre à M. Boué , se trouve de l’autre côté du col. J’en répète ici la figure avec quelques corrections. D’abord, les coins de gneiss ne sont pas liorizontaux , comme dans ma première figure ; ils plongent au N. , parallèlement à la stratification du calcaire ; ensuite , la cime du Stelliluorn est de gneiss , comme l’a vérifié M. Esclier, lorsque nous firmes ensemble dans la vallée d’UrbacJi en 1836. Un fait assez curieux se voit dans un couloir près du chalet de Lau- cherli , c’est un des coins de calcaire qui se brise dans le couloir et dont l’extrémité méridionale suit la stratification du gneiss comme une couche intercalée. On remarque d’autres couches semblables en descendant la montagne, mais il n’est pas aussi facile de les suivre jusqu’à leur origine. Auprès de la limite supé- rieure du calcaire du Mettenberg, il y a également des alternances de gneiss et de calcaire et des fragments de couches calcaires enclavées dans le gneiss. La stratification du gneiss au col d’Ur- bach et à la base de la montagne est très distinctement dévelop- pée ; on l’observe jusqu’à l’extrémité des coins qui s’engrènent entre le calcaire , et dans les premiers rochers surmontés de cal- caire qui affleurent au-dessus du sol de la vallée. Partout les strates sont régulièrement inclinés au midi , de manière que , dans les branches qui s’entrelacent avec le calcaire , la stratification est doublement discordante , par rapport au toit comme par rapport au mur. La conclusion la plus importante qui me paraît résulter de ces faits , c’est que la stratification du gneiss de ces montagnes ne peut être envisagée comme une stratification sédimentaire ; la roche est , suivant une nouvelle expression assez heureuse , un granité schisteux. Mais, si l’on se rappelle que ces strates de gneiss , incli- nés au midi , sont les mêmes c[ue ceux cpi’on traverse entre ini Grund et Giittannen sur la route du Grimsel , et qu’ils font partie du grand massif en éventail c{ui sépare l’Oberland bernois du Valais, il est impossible de ne pas étendre la même conclusion à toutes les roches feldspathiques de ce massif , il est impossible de ne pas donner tort à de Saussure pour se langer du côté du P. Pini et des autres géologues anciens qui ont nié la stratification du granité. Je ne me dissimule pas les grandes difficultés dans lesquelles ce résultat va nous plonger ; je connais assez les alter- nances du gneiss avec les couches de grès à anthracites et avec les pondingues de Yallorsine ; j’ai vu de mes yeux les passages insen- sibles de rocljes sédimentaires qui renferment des restes orga- SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. 21 a niques au gneiss et au micascliiste. Mais j’ai la conviction qu’un jour nos théories géologiques réussiront à rendre raison de tous ces faits, en apparence si contradictoires, et que nous approcherons d’autant plus vite de cette époque , que nous tâcherons d’envisager le problème sous toutes les faces qu’il nous présente. Un autre résultat non moins évident, mais déjà admis dans la science , c’est que nécessairement la formation du gneiss et sa divi- sion schisteuse doivent être postérieures au dépôt du terrain cal- caire. Or, ce calcaire renferme des fossiles jurassiques dans les coins mêmes cpii alternent avec le gneiss , et du côté de Rosen- laui il est surmonté par le terrain nummulitique qui a partagé ses dislocations. En admettant donc que ces dislocations aient été produites par le gneiss , celui-ci serait postérieur au terrain nuin- mulitique alpin. Il se pourrait cependant , et plusieurs laits me portent à le croire , que l’événement qui a formé le relief de nos montagnes fût dillérent de celui auc{uel nous devons rapporter les plissements du calcaire et ses enchevêtrements avec le gneiss ; il paraît que le terrain crétacé n’a pas pris part à ces contournements bizarres que nous voyons si souvent dans les Alpes , que nulle p?at il n’a été traversé ou recouvert par le gneiss, bien qu’il ait été porté avec sa base aux plus hautes sommités. En partant de cette der- nière manière de voir, il faudra placer la formation du gneiss entre l’époque jurassique et l’époque crétacée. En calculant la force cjui était nécessaire pour produire ces replis de montagnes entières de calcaire, on a tout lieu de s’étonner de la faible inten- sité des effets métamorphiques au contact du calcaire et du gneiss. Vous en avez fait la remarque avec nous au Roththal. Ils ne manquent pas, ces effets. On trouve sur la lisière du calcaire, des grès frittés, des calcaires dolomitiques , des schistes bigarrés ; mais on dirait presque que les mêmes effets auraient dii se produire par la pression et le frottement seul. Souvent aussi ils manquent entièrement , le calcaire gris compacte schisteux touche immédia- tement le gneiss ; on voit même des strates calcaires , au plus de quelques pouces d’épaisseur, être enclavés dans la roche feldspa- thique , et garder tous les caractères du calcaire sédimentaire de nos Alpes. Les fossiles ne sont nulle part plus abondants que dans les couches les plus voisines du gneiss, et dans l’ürbachthal c’est surtout dans les coins calcaires qui alternent avec le gneiss qu’on trouve les Rélemnites et Ammonites aussi bien conservés que le sont les mieux conservés de nos fossiles alpins. L’union intime qui existe entre les deux roches , les alternances de couches calcaires et gneibsiques, les enchevêtrements d’Ürbach , ne permettent pas 214 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. de supposer que le gneiss , en se moulant sur le calcaire , ait été rigide. D’autre paît , si on le suppose dans un état de fusion ignée , on devrait voir toute la masse calcaire passée à l’état de marbre. Mais ce sont là des contradictions qui sont presque à l’ordre du jour en géologie. A la suite de cette lecture , M. Martins communique à la Société quelques autres détails accompagnés d’échantillons de ces coins calcaires intercalés dans le massif de la Jungfrau, qu’il a eu l’avantage d’étudier avec MM. Studer et Brunner, l’été dernier. i.orsqu’on s’enfonce dans la vallée de Lauterbrunn, on marche entre deux escarpements calcaires , dont la hauteur est rarement inférieure à 300 mètres; mais à la bifurcation de la vallée , près du village de Sicliellauinen , à l’entrée de l’Ainmertenthal , le gneiss commence à se montrer dans le fond et sur les côtés de la vallée. Si l’on s’élève sur le contrefort oriental , qui est à la base du massif de la Jungfrau , on trouve au-dessus du chalet de Kulistein des couches contournées de dolomies reposant sur le gneiss , puis des bancs peu puissants de calcaire contenant de la sidérose , au- trefois exploités. Ces couches sont surmontées de grands escarpe- ments de calcaire jurassique de plusieurs centaines de mètres. Ces escarpements se prolongent dans le gneiss sous la forme de deux coins calcaires : l’im , inférieur, forme la base de la gorge de Botlitlial, et est en partie recouvert par le glacier du même nom ; l’autre , supérieur, constitue une partie du sommet de la Jungfrau , dont la cime seule est gneissique. Le point que nous avons examiné plus spécialement , M. Studer et moi , c’est la partie supéneAirc du coin calcaire inférieur, sur le bord septentrional du glacier. Les strates gneissiques sont couchées, sans contOLii neinents violents , sur les couches calcaires. Ordinai- rement on trouve une cavité , un intervalle de quelques décimètres entre le calcaire et le gneiss qui le recouvre. Quelquefois néan- moins ces deux couches sont sondées, comme on peut le voir sur un échantslion que je mets sous les yeux de la Société. 11 est com- posé de dolomie fibreuse contenant 25 p. 100 de magnésie , soudée à une roche métamorphique pénétrée de substance calcaire. Les trois autres sont pris aux points de contact , où le gneiss est séparé du calcaire par l’intervalle que j’ai mentionné. Le.premiery ou supérieur,. appartenait à la niasse gneissique de SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/|6. •215 la montagne. Mon collègue M. Hugard l’a trouvé composé de mica , de quartz et de carbonate de chaux, i^a matière calcaire a donc pénétré le gneiss dont le reldspatli a disparu. Le second n’était séparé du premier que par la cavité dont j’ai parlé. C’est un calcaire dolomitique d’un aspect grisâtre à l’extérieur, et riche en magnésie. La couche dont il fait partie n’a qu’un mètre environ d’épaisseur ; elle repose sur le calcaire noir sonore , à grains fins, que les géologues suisses désignent sous le nom de Uochalpen-halk . Celui-ci , dont la cassure rappelle celle du calcaire à Entroques , contient encore un peu de magnésie. Les effets métamorphiques du contact sont donc bien évidents dans ce point; mais je n’oserais décider s’ils sont dus à une péné- tration lente ou à des effets calorifiques; tout ce que je puis affir- mer, c’est que la régularité des strates du gneiss reposant sur le cal- caire , dont elles sont séparées le plus souvent par un espace vide , ne donnent point l’idée d’une roche pyrogène en fusion , sortant de haut en bas à l’état liquide ou pâteux , pour s’épancher au-dessus du calcaire, et agir sur lui à la fois par sa pression et par sa haute température. M. Rozet demande si les roches de la Jungfrau sont bien du gneiss -, il pense que ce sont des roches métamorphiques gneissi- formes , mais pas de véritable gneiss. M. Virlet fait observer à M. Rozet que le mot étant un nom générique comme le mot grès ^ ne peut pas avoir de valeur géologique ^ qu’une roche composée de mica et de feld- spath, fût-elle secondaire ou même tertiaire, n’en devrait pas moins être appelée gneiss, aussi bien que la roche ancienne à laquelle on a donné depuis longlemps ce nom. M. Martins répond que les roches de la Jungfrau sont de l’ordre des roches plutoniques formées de quartz , mica , ou talc et feldspath , associées en proportions variables , et qui , lorsqu’elles affectent la structure schisteuse, sont désignées par les géologues suisses sous le nom de gneiss. M. d’Omalius d’Halloy dit que le massif de Gondo, cité comme gneiss , est , au contraire , composé de véritable pro- togyne. M. Martins lit la note suivante de M. Édouard Gollomb : 216 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. Sur les dépôts erratiques des Fosges. Pourquoi y dans les anciennes moraines des Vosges ^ les maté- riaux roulés et usés sont-ils beaucoup plus abondants que ceux à angles vifs , contrairement a ce qui se remarque en Suisse y oit les moraines en voie de formation sont presque en entier composées de matéria ux anguleux ? par M. Edouard Golloml). Plusietiis oijsei vateiu's , avec lesquels j’ai visité les dépôts erra- tiques des Vosges , ont été frappés de la prodigieuse quantité de blocs et de cailloux coinplétenient arrondis et usés, et du petit nombre de blocs anguleux qu’on remarque sur nos anciennes mo- raines et sur nos dépôts latéraux. Ces mêmes observateurs , qui connaissent rmssi les hautes régions de la Suisse , et qui ont eu l’occasion de voir des glaciers en activité , trouvent qu’il y a une différence telle , relativement à la forme des blocs, dans ces deux contrées , qu’ils refusent de croire que la même cause ait pu pro- duire des résultats aussi dissendjlables. Il importe de lever tous les doutes à cet égard et de démontrer que si nos anciennes moraines sont presque en entier formées d’un rassemblement considérable de cailloux roulés , ce fait n’est point contraire aux théories déduites d’un nombre considérable de faits observés sur les glaciers mêmes. Tous les géologues qui se sont occupés de la formation des mo- raines savent très bien qu’elles sont le produit , non seulement des éboulements de roches qui se pr cipitent des montagnes encais- santes sur la mer de glace , mais encore des matériaux que le glacier lui-même , par sa force de propulsion irrésistible , détache des parties latérales et inférieures exposées à son contact. Le nombre et la nature des débris qui couvrent la surface d’un glacier dépendent des pentes des montagnes qui l’entourent. Les glaciers encaissés par des pics très abruptes , par des masses de roches granitiques et gneissiques disposées naturellement à se séparer, à se cliver en frag- ments métriques , et qui sont à pentes fort roides , sont exposés à de fréquentes avalanches de pierres. Ces éboulements viennent augmenter le nombre des matériaux anguleux , et suivant la con- figuration de la localité , ils n’abandonnent point la surface du glacier; ils sont entraînés par son mouvement, clresteut anguleux jusqu’au point de débarquement, le talus terminal. Les glaciers de la Suisse, relégués dans les hautes régions, sont SÉANCE DL 7 DÉCEMBRE 18/46. •217 en général dominés par des montagnes primitives de 1,000, 1,500 et même 2,000 mètres au-dessus des mers de glace. Ces montagnes plongent sous des angles très forts ; les avalanches de pierres y sont fréquentes ; les personnes qui ont séjourné sur les glaciers ont pu remarquer qu’il ne se passe pas de jour sans qu’on en voie quel- qu’une se détacher. Quelques glaciers ont leur surface , surtout près du talus terminal, complètement couverte de pierres, et leurs moraines sont presque en entier composées de fragments minéra- logiques à angles vifs. Ceux , au contraire , oii l’on rencontre beaucoup de débris ar- rondis , et ils sont plus rares , sont en général des glaciers simples qui n’ont que des moraines marginales , et les débris se trouvent alors serrés entre la glace et la roche comme entre les mâchoires mobiles d’un étau , et finissent naturellement par s’arrondir. Dans les Vosges , les phénomènes des temps passés ont eu lieu dans des conditions orographiques différentes. Nos glaciers n’é- taient point dominés par de hautes cimes de 2,000 mètres; ils n’étaient point encaissés dans un système de montagnes à pentes abruptes. Les sommets des Vosges ne présentent nulle part de pics gigantesques; ils sont facilement accessibles, les pentes de 35“ y sont fort rares. Dans nos recherches sur les anciens glaciers de cette contrée nous avons reconnu que pendant la période de leur plus grande extension ils étaient arrivés au point de présenter une épaisseur de 500 mètres. Ils étaient à cette époque dominés par des cirques neigeux qui ne s’élevaient pas au-delà de 500 mètres au- dessus du niveau des mers de glace. Dans un terrain pareil, et surtout avec des pentes moyennes aussi faibles , les avalanches de pierres devaient être fort rares , et , contrairement à ce qui .se passe en Suisse, les matériaux ne devaient pas être abondamment répan- dus à la surface des glaciers. L’aliment principal des moraines à matériaux anguleux manquait , et par conséquent ceux arrondis et usés devaient y être relativement beaucoup plus abondants ; ces derniers provenaient donc de ceux que le glacier lui-même arra- chait incessamment aux masses soumises à son frottement sur ses flancs et sur son fond. De toutes les moraines que j’ai explorées avec soin dans les Vosges , je n’en ai rencontré que deux composées presque en entier de blocs et de cailloux qui ont conservé leurs angles intacts. L’une est située au fond de la vallée d’Urbès, à la distance de 1,000 à 1,200 mètres en aval du col de Bussang (1). Elle formait la tête (1) Celte moraine ne figure pas sur ma carte {Biilletui de la Société 218 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. d’un petit glacier qui encombrait ce fond à la fin de la période glaciaire ; elle a 10 à 12 mètres de hauteur verticale ; elle barre le vallon transversalement ; son talus en aval est incliné de 30 à 35". Lu nature minéralogique des débris ofl're peu de variétés d’espèces; il n’y a point eu de transport lointain : on retrouve en place , sur une ligne de 800 à 1,000 mètres en amont , toutes les roches de cette moraine. Les parois du Drumont , que ce petit glacier était appelé à frotter, sont composées d’une roche de granité porphy- roïde c|ui manque de solidité ; elle se sépare naturellement en frag- ments polyédriques avec la plus grande facilité. Le pied de la mon- tagne en est encombré , non seulement par cette ancienne moraine , mais encore par les talus d’éboulement qui s’y forment tous les jours. Ces éboulements recouvrent sur certains points les débris erratiques ; mais , avec un peu d’attention , on peut facilement les distinguer les uns des autres. La seconde moraine , à débris anguleux , est située en aval d’un petit lac qui s’appelle le Lac des Corbeaux , commune de la Bresse (Vosges). Elle y forme un barrage naturel ; les industriels du voi- sinage ont fait de ce petit lac , dont la surface actuelle n’est que de 9 hectares carrés, un réservoir pour ralimentation de leurs usines; ils y ont établi une vanne d’écoulement ; la coupure pratiquée pour cet objet permet d’étudier l’intérieur de cet amas. Les ma- tériaux accumulés sur ce point sont entassés sans ordre , sans classement ; ils ne se composent que d’une seule espèce de granité blanc , identique à celui des montagnes voisines ; de gros blocs anguleux, de 8 à 10 mètres cubes , sont posés à la surface de la moraine sur du sable et du gravier (pl. 11 , fig. B). Aucun de ces blocs ni des menus débris ne sont arrondis comme on en voit iDeaucoup dans les parties basses de nos vallées ; ils sont tous anguleux , les angles de quelques uns sont seulement légère- ment écornés. Le fond de ce petit lac est couvert d’une couche épaisse de terre tourbeuse , où l’on recueille une grande quantité de végétaux enfouis , d’aiBres tout entiers de même essence que ceux qui végètent actuellemement dans les forêts voisines. Ce bois se rapproche des ligiiites pour la qualité ; il est lourd et brûle mal. Cette moraine rentre évidemment dans la catégorie de celles fjue MAI. Le Blanc et Hogard ont les premiers observées dans dilïé- rentes contrées oceupées autrefois par des glaciers {Bull., série, géologique 2" série , t. III , p. 1 88) ; elle est si bien cachée dans une forêt de sapins, que je ne l’ai découverte que tout récemment, après la rédaction de ma carte. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/i6. 219 1838, t. IX , p. 600; 18/i3, t. XIV, p. Z|.10; et Ohseivations sur les moraines et sur les dépôts de transport des Vosges ^ par M. Ho- mard. Epiiial , 1842). Après la fusion, après la disparition des mers de glace, les moraines sont restées en place; elles ont retenu les eaux supérieures et donné naissance à des lacs. Pourquoi ces deux ]>etites moraines font-elles exception dans les Vosges , pourc|uoi ne renferment-elles point de débris arron- dis? Parce qu’elles se trouvent placées dans des conditions iden- tiques à certaines moraines des hautes régions ; elles sont fort reculées , elles sont perdues dans les fonds des vallées les plus abruptes , fonds qui sont précisément dominés par des montagnes dont les pentes sont beaucoup plus escarpées que partout ailleurs dans les Vosges. Ensuite ces matériaux n’ont point ejfïèctué de voyage lointain ; ils n’ont parcouru c{u’une ligne de 1 kilomètre avant d’arriver au point où on les retrouve aujourd’hui. Ces deux moraines possèdent encore une qualité négative qu’il n’est pas inutile de signaler : elles ne renferment point de galets striés ; ce fait , qui pourrait paraître extraordinaire dans nos vallées où ces galets sont répandus avec tant de profusion , trouve cependant son explication sans qu’il soit nécessaire de recourir à une hypothèse extraordinaire ; nous aurons l’occasion de traiter ce sujet plus tard. Les autres moraines qu’on rencontre dans toutes nos vallées , et qui ont été le plus fréquemment explorées à Giromagny, à Wes- serling , dans la vallée de Massevaux , et sur le versant occidental de la chaîne , sont presque en entier formées d’un rassemblement considérable de cailloux et de blocs arrondis. Qu’arriverait-il si nous admettions , par hypothèse , l’existence de mers de glace dont le développement serait tel qu’elles cou- vrissent tous les sommets d’un système de montagnes? Evidem- ment , dans cette hypothèse , nous n’aurions point de moraines superficielles ; les matériaux minéralogiques qu’un glacier pareil mettrait en mouvement seraient, pour ainsi dire, sous-mari /is ])en- dant leur période de transport , si l’on peut s’exprimer ainsi ; ils arriveraient tous au talus terminal plus ou moins frottés et usés , sauf ceux que le glacier, par sa force d’expansion et par son abla- tion , repousse lui-meme de son sein à la surlAce ; mais ceux-ci seraient également écornés. Si , par contie , cette mer de glace laissait percer au-dessus de son niveau des pics escarpés plus ou moins élevés , formés de roches peu adhérentes, faciles à démolir, les débris résultant de son action seraient en grande partie formés de roches et de cailloux anguleux. 2-20 SÉAiNCE DU 7 DÊCExMBKE I8Z16. Ainsi donc , si nous rencontrons , sur la plupart des anciennes moraines des Vosges , des matériaux arrondis et usés en beaucoup plus grand nombre que ceux à arêtes vives , contrairement k ce que l’on voit sur les moraines en voie de formation dans les hautes régions , ce fait n’est point contraire aux théories reçues sur la matière , et nous sommes en droit d’attribuer cette difï’érence à la forme des massifs montagneux qui , dans les Vosges , étant natu- rellement arrondis, ne présentent nulle part de pics à pentes escar- pées , et n’ont pu donner lieu , dans les temps erratiques , à de grands éboulements de roches qui demeurent à la surface des gla- ciers pendant leur période de transport, M. Viquesnel communique, au nom de M. Fournet, le Mémoire suivant , intitulé ; Jiésifftdts sommaires d'une expiovation des Vosges ^ par M. J. Fournet, professeur à la Faculté des sciences de Lyon. Je viens de visiter les principales stations géologiques du ver- sant oriental des Vosges , dans le but spécial d’étudier les roches éruptives et les phénomènes métajnorphiques. Quelques sujets accessoires se sont naturellement rattachés à cette exploration , et j’en rendrai compte à la fin de ce résumé. Les points parcourus sont : les environs de Giromagny , Massevaux , Thann , Gueb- willer, le Bonhomme , la Croix-aux-Mines , Sainte-Marie-aux- Mines, le Champ-du-Feu et Framont ; mais je rappellerai en même temps que j’ai habité les Vosges pendant longtemps , que je me suis occupé de leur étude depuis l’année 1823, en sorte cpie je réunirai cjuelques uns de mes anciens résultats avec ceux de mon dernier voyage, ^ I. Dïstïihation des roches éruptives et des terrains sédimentaires dans les Vosges. Roches éruptives. — En ne considérant que l’étendue des surfaces qu’elles occupent , les roches éruptives peuvent se distin- guer en masses principales et en masses subordonnées. Dans les premières il faut classer les granités, les syénites et les porpliyres ; les autres se composent des .serpentines, des diorites et des mi- nettes. Comme je me réserve de revenir prochainement sur le dé- tail des caractères minéralogiques de ces roches , il ne sera ques- afîANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/!i6. 221 tioii,poiir le moment, que de ceux qui seront indispensables pour spécifier les masses. A. granitc^ proprement dit, englobe toutes les autres roclies plutoniques ; on peut donc le regarder comme étant la plus an- cienne de toutes : cependant il est souvent diflicile de trouver les lignes de séparation , soit à cause de la végétation , soit à cause de la kaolinisation , soit enfin à cause de l’altération ignée qui est résultée de certains contacts. Cette roche varie d’une localité à l’autre. Tantôt son grain est homogène , tantôt il est porphyroïde et quelquefois gneissique. Certaines variétés sont rubéfiées et res- semblent singulièrement au granité de Saint-Bérain. Le quartz de celui du Spessbourg , près d’Andlau , est coloré en rouge de rubis comme au Windstein , et ce phénomène est en rapport avec la présence de petits grains de fer oxydulés disséminés dans la roche. Un autre élément beaucoup plus variable est le mica ; le plus sou- vent il est brun vitreux , quelquefois blanc nacré ; mais une autre manière d’être plus essentielle de ce composant est l’apparence verte et terne qu’il affecte très fréquemment. Dans ce cas, le gra- nité ressemble à une protogyne ou même à une syénite à cause de la physionomie amphibolique que ce mica prend alors ; cependant il est facile d’éviter cette dernière cause d’erreur. En voyant la reproduction si fréquente de ce mica vert , je me suis demandé s’il avait pris cette manière d’être au moment de la cristallisation de la roche , ou bien après coup et sous l’influence d’un faible métamorphisme. Les expériences de M. Rose ont en effet appris i que, dans certains cas, le mica peut devenir vert par suite d’une simple distillation dans une cornue , et cela sans aucun dégage- ment de gaz. Mallieureuseinent , je n’oserais pas encore affirmer ^ que tous les granités des Vosges , à mica de ce genre , aient été chauffés en place par les syénites , les diorites , ou par les por- phyres , et je dois laisser à des études plus minutieuses le soin de décider la question. Ces granités sont d’ailleurs accompagnés , comme partout ailleurs , de leurs pegmatites , de leurs granulites et de leurs weisstein , qui sont inclus dans leurs masses sous formes de filons subordonnés. Cet ensemble traverse les schistes du terrain de transition ; il en empâte des lames ou des fragments, ou bien encore il s’y ramifie en grand comme en petit , à Sainte-AIarie-aux-Mines , à Pii- beauvillé, à Andlau , sur le chemin de Fouday à Rothau ; enfin, on le retrouve sur toute la longueur des \osges , depuis les pentes occidentales du Ballon de Giromagny jusqu’à l’extrémité nord du 222 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE I8/16. Chainp-du-FeLi. Mais rétencliie des surfaces sur lesquelles il est en évidence varie beaucoup d’une latitude à une autre , et la plus grande largeur se trouve à celle de Munster. B. Les syénites forment les masses les plus considérables après les granités; elles se présentent en gros filons, ou bien en puissants amas qui s’élancent quelquefois en forme de cônes ; elles dominent la plupart des grandes élévations vosgiennes. Les masses du Ballon de Giromagny, du Cornimont, du Yaltin , de la Haute-Fête et du Champ-du-Feu en sont en grande partie composées ; on les re- trouve encore à l’extrémité de la chaîne, au château de Windstein, près du Tægertbal. Une ligne tracée sur la carte de manière à se terminer au J\. sur le Windstein et au S. sur le Ballon de Giromagny traverse tous ces points en courant du N.-N.-E. au S.-S-O; elle donne donc en quelque sorte l’idée d’un puissant filon , interrompu çà et là par les granités et par les roches sédimentaires , mais se renflant et se ramifiant dans divers sens , et perçant au jour sous fermes de grosses branches et de culot. Sur une grande partie de cette étendue , la même ligne établit la démarcation entre les eaux du Rhin et celles de la Moselle; elle figure donc la ligne de faîte , et il devient assez probable que l’allure générale de la chaîne est due en grande partie à l’émis- sion syénitique. Ce résultat demeure le même , soit qu’on veuille concevoir un soulèvement suivant cet axe , soit qu’on admette la grande faille du Rhin , d’après les ingénieux aperçus de M. Elle de Beaumont. En effet, il suffit, dans ce dernier cas, de regarder la ligne syénitique comme constituant en quelque sorte , du côté des Vosges , le pied-droit de l’ancienne voûte rhénane ; la clef ainsi que les voussoirs se sont affaissés , mais le pied-droit ainsi que la culée occidentale suljsistent. Il est encore sous-entendu qu’il faudra compléter cette manière d’envisager la formation de la chaîne vosgienne par l’addition des dislocations postérieures qui , d’après mes anciennes observations, ont redressé jusqu’aux ter- rains tertiaires des environs de Colmar. M. Elie de Beaumont dé- veloppera sans doute ses vues à cet égard dans la seconde partie de sa description géologique de la France. La texture des syénites est essentiellement granitique ; le mica y abonde , aussi les a-t-on désignées sous le nom de granité syé- nitique ; mais cette texture varie , comme celle des granités, d’une localité à l’autre. Meme dans les grandes masses , et notamment en diveis points , . autour de Giromagny , elle devient très por- phyroïde et donne naissance aux magnifiques granités jeaille- SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 223 morte. Le grain est pins varié à la Haute-Fête , près de Sainte- IMarie-aiix-Mines , mais il est de nouveau plus largement déve- loppé au Champ-du-Feu. La déconij osition de ces syénites est aussi très remarquable en ce qu’elle donne lieu à un sable kaoli- nique , empâtant des IdIocs souvent très volumineux et sphéroï- daux de syénite inaltérée ; ces parties semblent alors former un amoncellement de blocs erratiques roulés et de sables diluviens ; mais il est facile de se préserver de cette erreur. J’ai d’ailleurs déjà fait connaître les effets analogues que présentent les granités syénitiques des vallées de la Turdine et de Vazergue, dans les en- virons de Lyon. Quelques variétés deviennent granulitiques ou pegmatitiques , comme cela a lieu pour les granités par suite des expansions ou des altérations de la cristallisation ; mais ces apparitions sont pu- rement locales ; elles se manifestent surtout dans les petits fdons qui traversent les scliistes de transition , ainsi que sur les bords de la formation , au contact des granités et des mêmes schistes. Dans ces cas de cristallisation imparfaite, l’ampliibole est l’élément cj[ui tend le plus à s’oblitérer : cette circonstance a pu contribuer à faire croire au passage du granité à la syénite ; peut-être aussi , comme je l’ai déjà dit, cette supposition a-t-elle été provoquée par le mica vert de certains granités ; mais on revient de cette idée d’un passage de l’une de ces deux rociies à l’autre quand on voit que les syénites affectent des positions spéciales, essentiellement caractéristiques , comme celles qui ont été indiquées plus haut. Diverses coupes peuvent d’ailleurs faire connaître leurs relations avec les granités. Si , par exenqile , l’on passe de l’Alsace dans la Lorraine par le ballon de Giromagny , on voit que les syénites commencent immédiatement après les schistes et les porphyres de la région basse ; elles s’élèvent rapidement avec là montagne et s’étendent jusque vers le Tillot , où l’on entre dans la région gra- nitic{ue de Remiremont. Ici donc, il y a simple juxta-position des deux roches , et si l’on s’en tenait à cette seule coupe , on ne pour- rait se permettre aucune conclusion légitime sur leur âge relatif. C’est , pour le dire en passant , une circonstance du même ordre qui m’a jusqu’à présent tenu en suspens sur l’âge du granité syé- nitique des environs de Lyon. Mais si l’on va de Ribeauvillé à la Groix-aux-Mines par l’an- nenkii'ch , on chemine d’abord sur les granités , puis à la îiaute- Fête on trouve les syénites , et sur le versant opposé on voit repa- raître les granités qui se prolongent juscju’auprès de Wisembacli. La même succession se reproduit au Ghamp-du-Feu. En y mon- 22-4 SÉAKCE DU 7 DÉCEMBRE iSllQ. tant par Breitenbacli , ou bien par Andlau, ou par Barr, on trouve, après le manteau schisteux , des granités qui s’élèvent jusqu’au col du Holivi ald , ou jusqu’à la base du Rosskopf ; vient ensuite la syénite des sommités , et sur le versant opposé , du côté de Bel- mont et de Rotliau , on retrouve les granités dans lesquels sont injectés les fdons de fer oxydulé et oligiste , de la Minquette , de la Yoëte- basse , etc. Ainsi donc , dans ces deux derniers cas , la syénite se montre positivement circonscrite entre deux bordures granitiques, et quoi- que ses masses soient beaucoup moins volumineuses que celle de la roche encaissante , elle ne s’élève pas moins au-dessus d’elle , à la manière d’un dôme au-dessus des autres parties d’un édifice; ou bien encore comme la crête d’un fdon au-dessus de ses parois. Cette dernière circonstance , qui tend déjà à indiquer que la syénite est plus moderne que le granité , reçoit une confirmation plus évidente par les importantes observations de M. Voltz sur l’existence des fdons syénitiques inclus dans cette dernière roche ; mais elle n’empêche pas de considérer les éruptions respectives comme s’étant suivies de très près. J’admets entre autres volontiers que le granité à quartz rouge du Spessbourg n’est guère plus an- cien que la syénite qui apparaît non loin de là , vers la maison du garde Dietz. D’un autre côté, tout prouve que la formation en question est très ancienne , et différente en cela de celle des syénites labradoriques de quelques autres pays ; elle est , en effet , traversée par les porphyres rouges quartzifères à Sainte-Marie-aux-Mines ainsi qu’au Cbamp-du-Feu ; l’on en trouve aussi des fragments, à l’état de cailloux roulés , dans les grès rouges inférieurs au grès vosgien , tandis que les porphyres quartzifères ont, au contraire , métamorpbisé ces mêmes grès. Concluons donc que les syénites sont comprises, quant à leur âge, entre l’époque granitique et l’époque porpbyrique. C. Après les granités et les syénites , le porphyre rouge est , sans contredit, la roche éruptive qui joue le plus grand rôle dans la constitution plutonique des Vosges ; mais ses masses ne se mani- festent qu’en dehors de la zone des grandes hauteurs , et on peut les réduire à deux principales , l’une située à l’extrémité S. de la chaîne , l’autre recvdée vers le N. La première occupe les environs de Fresse, de Alont-au-Jeu; elle reparaît avec quelques légères I solutions de continuité entre la Mer, Servance , Belfaliy et Plan- ' cher-les-IVlines. La seconde apparaît au N., vers Lutzelliausen et Oberhaslach. On sait d’ailleurs que ces roches surgissent encore 225 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. plus loin , à Aniiweiler, et enfin autour de Kreutznacli et d’Ober- stein. Dans ces diverses localités, le quartz liyalin , sans être com- plètement exclus , est , en somme , moins abondant que dans les porphyres du Lyonnais et du Forez. On est encore tenté de trouver un caractère minéralogique plus tranché entre les systèmes por- phyriques du Lyonnais-Forez et ceux du Rhin, dans la tendance des premiers à passer à l’état granitoïde indiqué par M. Grimer , tandis que les seconds affectent plutôt l’aspect terreux et brunâtre des argilophyres et des spilites. D’ailleurs ces deux systèmes pa- raissent encore se distinguer géologiquement parleur âge. En effet, les porphyres du Lyonnais-Forez sont plus anciens que le terrain houiller, puisqu’on en trouve les cailloux roulés empâtés dans les conglomérats de cette formation , tandis que ceux du Rhin ont réagi sur les grès rouges et même sur les grès bigarrés. Cependant on peut tout aussi bien admettre que les éruptions porphyriques occupent une longue page dans l’histoire des révolutions du globe, trahissant leur influence en un point plutôt qu’en un autre , .sans qu’il soit nécessaire pour cela d’en disjoindre les diverses parties, en se basant sur quelques caractères minéralogiques. Il existe d’ailleurs des porphyres granitoïdes dans les A^osges , sur l’arête entre le Bonhomme et laCroix-aux-Mines , et nous verrons même par la suite que les physionomies diverses de ces porphyres dé- pendent bien plus essentiellement de quelques effets métamor- phiques particuliers que de leur ordre d’ancienneté. En avançant le fait , je n’ai d’ailleurs pas besoin de rappeler ou de faire observer que je ne confonds pas ces porphyres quartzifères avec les por- phyres verts des Vosges ; je ne les confonds pas davantage avec les mélaphyres métamorphiques et les argilophyres de cette même chaîne , non plus qu’avec les mélaphyres basaltiques et les méla- phyres métamorphiques duTyrol , ces diverses roches n’étant sus- ceptibles d’être confondues les unes avec les autres que dans quel- ques passages déterminés par des effets de contact , sur lesquels nous reviendrons bientôt. J’ai indiqué ci-dessus la position des deux masses porphyriques principales des Vosges; mais, en une foule d’autres localités, on voit les porphyres quartzifères former des filons dans toutes les roches plus anciennes. J’en ai reconnu : 1° dans le granité, à Rothaii, près de la mine de la Minquette , auprès du château de Spessbourg , au Rosskopf, derrière Barr, à Roderen , et au-dessus de la Croix- aux -Mines, en allant vers le Bonhomme ; 2° dans la syénite des sommités du Chainp-du-Feu , et notamment aux environs de la geo/ , 2* série, tome IV. la 2*26 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE iSllÔ. maison du garde Herzog (1). Ses gisements dans les formations stratifiées sont encore plus nombreux. D. Les diorites , considérés sous le point de vue de la masse , viennent naturellement après les porphyres quartzifères. Je désigne sous ce nom les roches vosgiennes , composées d’un excès d’amphi- hole avec du feldspath et du mica , affectant une texture essentiel- lement cristalline et granitoide ; elles peuvent cependant passer aux dioritines par la diminution de leur grain. 11 ne faut pas les confondre avec les porphyres verts , qui sont des produits méta- morphiques; mais la distinction est souvent difficile à établir sur les échantillons de cabinet ; ce sont les circonstances de gisement qui doivent ici faire loi , et malheureusement elles ne sont pas toujours faciles à déterminer. La localité où le diorite m’a paru offrir le caractère éruptif de la manière la plus prononcée se trouve aux environs de Ternuay et de Belonchamp. 11 forme là un filon très puissant , encaissé entre des schistes argileux , fendillés, durcis sur ses deux flancs. La belle dimension des blocs qu’on peut en tirer, ainsi que la richesse de leur teinte verte , en a fait un objet d’exploitation à l’époque où les scieries de marbre du Raddon fonctionnaient encore ; cepen- dant je dois faire observer que cette même roche , déjà désignée par M . Thirria sous le nom d’ophite , tend tellement à se con- fondre avec certaines syénites à petits grains , qu’elle devra pro- bablement être réunie avec celles-ci. Au col du Hohwald , sur la montée du Champ-du-Feu , ainsi qu’au Neuentenstein , on voit d’autres diorites dont la cristallisa- tion est très nette , et qui me paraissent devoir former le type de l’espèce ; ils sont à peu près aussi riches en quartz qu’en feldspath ; ils contiennent du mica vert et de l’amphibole en abondance ; mais tantôt c’est le premier, tantôt c’est le second de ces minerais qui domine , sans écraser pour cela le feldspath, dont la teinte blanche ressort vivement au milieu des parties vertes de la masse ; le grain de la roche est d’ailleurs moyen et homogène , en sorte que l’on dirait une syénile granitoide à excès de mica vert ou d’amphibole. Donnons maintenant un exemple de gisement complexe qui se voit sur la montée de Rarr , à la maison du garde Dietz. Après (1) Pour faciliter les recherches, il est à propos d’indiquer ici que cette station est la même que celle qui est désignée par M. Élie de Beaumont sous le nom de Maison Blind, et par la Société géologique sous celui de Maison Mecquer ; elle a changé de nom avec les gardes forestiers qui font successivement habitée. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 227 avoir dépassé les châteaux d’Andlau et de Spessbourg , on arrive à la base du Rosskopf , où, près d’un contour du cbemin , on trouve , iniinédiatenient après le granité , des schistes argileux devenus plus ou moins cristallins ou micacés. Ceux-ci sont en quelque sorte liés à des diorites analogues aux précédents ; je n’ai du moins pas pu apercevoir une démarcation prononcée des uns aux autres, et il est possible que le point de contact m’ait échappé , car j’ai gravi sur le Hossko]d‘ au lieu de me maintenir vers sa base. Des filons de porphyre quartzifère compliquent d’ailleurs bientôt le phéno- mène , et cette nouvelle roche règne même à l’exclusion de toute autre à l’approche de la maison Dietz , où l’on rencontre les escar- pements et la syénite des parties supérieures du Champ-du-Feu. En revenant de là vers le château de Landsberg par l’autre flanc de la vallée de Barr, on retrouve exactement le même ordre , savoir: d’ahoi'd le porphyre quartzifère , puis un beau diorite qui se maintient à découvert jusqu’auprès de la maison du forestier Blicast. idalheureusement le grès vosgien masque dès lors cette succession jusqu’auprès du château du Landsberg, où l’on voit re- paraître les schistes prismatisés , fissurés, grenus et finement mi- cacés. Sous le château même, et jusqu’à la rencontre du calcaire jurassique des contre-forts extérieurs, c’est un granité analogue à celui d’Andlau et du Spessbourg qui forme la masse essentielle du terrain. Il devient donc évident qu’en s’éloignant de la partie cen- trale du (îhamp-du-Feu, on a successivement , de part et d’autre de la vallée de Barr, 1“ la syénite , 2° des porphyres quartzifères , 3° des diorites qui semblent liés aux schistes, 4” des granités finis- sant vers la plaine et sous les terrains secondaires. Cependant cette disposition en bandes prolongées d’un côté à l’autre de la vallée n’apprend rien sur la formation et sur l’âge relatif des diorites. Sont-ils des roches métamorphiques ? ou bien , dans le cas con- traire , sont-ils plus anciens ou plus modernes que le porphyre rouge? L’analogie de composition , les relations de voisinage avec les syénites du Champ-du-f’eu, me porteraient alors à les considérer comme une simple manière d’être de ces dernières , comme un membre particulier de leur ensemble. iVIais on voit qu’il faut en- core multiplier les recherches pour confirmer ou pour détruire ces: aperçus, et elles ne seront pas faci les ; car les pâturages et les épaisses: forêts de cette partie des Vosges apportent bien souvent dlnsur- montables obstacles à l’étude des localités, qui, au premier aperçu, semblent se montrer sous l’aspect le plus favorable. E. Je n’ai rencontré la serpentine qu’en un seul point, vers la 228 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE I8/16. base occidentale du Brezouars , sur Fai été qui sépare le Bonhomme de la vallée de Idepvrc. Elle y forme divers filons de 10 à 15 mè- tres de puissance, lançant de grosses branches au travers d’un ter- rain de gneiss et de pegmatite. Une de leurs directions est sur JT h 1/2. Ce gisement n’apprend rien sur Fàge de la roclie en question , et fl en est de même de tous les autres qui ont été indiqués par M. Elie de Beaumont. Il convient donc de s’en tenir provisoire- ment aux observations de M. Hogard, desquelles on peut conclure qu’elle s’est fait jour après le dépôt du trias et avant celui du cal- caire jurassique. Je crois encore devoir faire remarquer que la serpentine du Bonliomme diffère un peu de celle des Alpes et de la Toscane par une grande dureté et par l’absence de cette cas- sure esquilleuse ou céroïde cjiii caractérise si souvent ces dernières. Elle montre , au contraire , une plus grande analogie avec les serpentines dures de la hase du Pilate , vers Saint-Julien-Molin- Alolette et Pelussin. Elle contient en outre des rognons assez volu- mineux d’une substance assez semblable au premier aspect à certains péridots granulaires volcaniques , mais plus tendre , cli- vable dans un sens , à éclat gras tournant au vitreux , d’une cou- leur jaune verdâtre , et qui pourrait bien constituer une espèce nouvelle qui se classerait à côté de la marmolite. Faut-il, d’après ces seuls indices, admettre la possibilité d’ar- river un jour à déterminer l’âge des serpentines à l’aide de leurs caractères minéralogiques? C’est ce que je n’oserais pas affirmer; il m’a seulement paru convenable de fixer Fattention des géo- logues sur des faits spéciaux , et sur lesquels je reviendrai plus loin. L’étude des calcaires de Saint-Philippe , près de Sainte- Mari e-aux-Mi nés , fera d’ailleurs connaître une serpentine noble , bien différente des précédentes par son mode de formation. F. La minette traverse indifléremment les granités à Andlau et à Rothau et les calcaires de transition dans les carrières de Schirmeck et de Wackenbach. Aies recherches sur son âge relatif me conduisent à la regarder comme étant plus moderne que les porphyres quartzifères. En effet , ses filons traversent des roches modifiées par ceux-ci sans porter eux-mêmes la moindre trace d’une modification correspondante à celle de leur encaissement. Oi •, ces filons sont troj) peu puissants pour avoir pu échapper à la réaction porphyriqiie si intense d’ailleurs ; donc ils ne sont siirve- nns qu’après l’aclièveinent de cette opération. Ces minettes pa- raissent en outre devoir être essentiellement liées aux formations SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE I8/1O. •2^0 métallifères de Framont et de Rotliau, et j’ajouterai encore briè- vement qu’elles n’ont contribué en rien à la doloniisation des cal- caires du pays. TERUAliNS SÉDIMENTAIIÆS DES VOSGES. A. Les terrains sédimentaires anciens se composent d’un sys» tème plus ou moins puissant de .schistes argileux non fossilifères , auquel se superpose un système de grès , de grauwackes et de schistes à empreintes moins purs que les précédents et générale- ment mal feuilletés ; ceux-ci sont liés aux anthracites. Des cal- caires quelquefois surchargés de débris de Crinoides, ainsi que des dolomies, font encore partie de ce système supérieur. L’un et l’autre m’ont paru correspondre aux masses qui s’étendent depuis ri\rbresle jusqu’à Rigny, dans les environs de Lyon ; on y trouve de part et d’autre les mêmes dispositions relatives et les mêmes accidents minéralogiques, al^straction faite des elFets métamor- phiques. L’étage supérieur avec les calcaires pourrait donc être regardé comme l’équivalent du système carbonifère ancien, et cela d’autant mieux cjue les eiiq^reintes végétales sont très ressem- blantes à celles de Yalsonne et de Tarare ; mais l’absence de ces coquilles bivalves caractéristiques , si abondantes dans les environs de Lyon , me laisse encore en suspens. Ces roches stratifiées anciennes forment en quelque sorte une ceinture autour des A^osges, car on les rencontre autour du Ballon de Giroinagny, au Puix , à Auxelles, Plancher-bas, Presse , Ter- nuay, la Yoivre, Servance, Plancher-les-AIines , Séeven , IVIasse- vaux , Oberburbach , d’où elles se prolongent dans la vallée de Saint-Amarin. De là on les suit sur le ballon de Guebwiller par la montée de Eitschwiller vers Golbach ; puis , après une légère solution de continuité , déterminée par un percement granitique , on les retrouve au-dessus de Blanchut pour ne plus les perdre de vue jusqu’à Rimbach , Juughaltz et Gueljwiller. Vient ensuite une interruption momentanée le long du massif granitique du Hohlandsberg , des vallées de iVIunster et du Bonhomme ; mais on les retrouve sur la crête entre ce dernier point et la vallée de Liepvre, d’où elles s’étendent dans toute la vallée jusqu’à Ribeau- villé. Elles apparaissent ensuite d’une manière pour ainsi dire continue autour du massif du Champ-du-Feu , dans la dépression de Yillé , à Breitenbach , Andlau , Barr, et sur l’autre versant à Lrmatt, Lutzelhauseii , Schirmeck , Framont, Fouday, pour re- venir de là à la ranqie occidentale du Brézouars, en passant par 230 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. la Croix-aux-Mines ; il est même probable qu’à partir de là elles vont se raccorder au moins souterrainement avec les masses du versant méridional du Ballon de Giromagny. Nous verrons encore que , indépendamment de cet arrangement en forme de bouton- nières autour des massifs granitiques et syénitiques, divers lam- beaux ont été soulevés sur le plateau du Cbamp-du-Feu, etc., etc., en sorte qu’on ne peut pas méconnaître l’action d’anciens soulè- vements qui viendraient confirmer l’aperçu déjà déduit de l’ali- gnement des syénites. Il n’est pas non plus hors de propos d’ajouter qu’une dernière percée de ces schistes se manifeste entre Weiler et Wissembourg , à peu près sur le prolongement vers le N.-E. du même axe syénitique. B. Sur les deux systèmes précédents repose un autre ensemble que l’on peut conqnendre sous la dénomination collective de grès, dans l’unique but d’abréger. 11 se compose du terrain liouil- 1er, du grès rouge , du grès vosgien et du gi ès bigarré accompagné de son muschelkalk. Je n’eu fais du reste mention qu’à cause de l’objet essentiel de mes études sur les métamorphismes et autres phénomènes pseudomorphiques qui ont afïecté quelques uns de ses membres. § 11. P/u ‘uoniènes de meta morphisme occasio/uiés par le.s roches éruptives. Les métamorphismes du terrain sédimentaire ancien ont été provoqués, tantôt par les granités , tantôt par les syénites, et enfin par les porphyres quartzifères ; tandis que les métamorpliismes du grès sont le résultat de l’action des seuls porphyres quartzifères. A. Rédctions des granités. — Les métamorpliismes occasionnés par les granités ont eu pour résultat principal la formation des schistes micacés , soit à cause de l’intensité particulière de la cha- leur qu’ils ont dégagée , soit parce qu’ils ont fourni à la matière métamorjibisée les principes nécessaires pour cette conversion. M. Elie de Ileaumont a déjà insisté sur les phénomènes de cet ordre , dont le bassin de Sainte-Marie-aux-Alines a été le prin- cipal théâtre , et je partage pleinement sa manière de voir. Les détails dans lesquels il est entré suffisent d’ailleurs pour faire com- prendre que les micaschistes de cette localité sont en général bien éloignés d’offrir la cristallisation si nette et si développée des mica- schistes regardés comme anciens dans les diverses parties du globe ; ils se rapprochent sous ce rapport assez bien des micaschistes for- més aux dépens des schistes argileux des vallées de rAzergue et de I SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. 2S1 îa Brevenue , quoique ici la transformation se soit efïectuée sur une échelle infiniment moindre qu’à Sainte-Marie-aux-Mines. Ils se rapprochent encore de certains micaschistes des Alpes dont j’ai fait connaître les caractères dans une de mes dernières notices. Diverses autres localités des Vosges, telles qu’Andlau, Ribeau- villé , fournissent d’ailleurs des exemples d’écailles schisteuses plus ou moins complètement encaissées dans le granité, et dont les pas- sages au micaschiste peuvent en quelque sorte servir de démon- stration pour le grand effet général de Sainte-AIarie-aux-AIines. Parmi les résultats subordonnés à ce dernier, il faut aussi ran- ger la conversion des schistes en diorites schisteux. J’ai fait de longues recherches dans les vallons du Rauhenthal , de Surlotte , de Saint-Philippe et de Fertrupk , pour arriver à constater cjue ces diorites schisteux sont réellenient des produits métamorphiques et non des produits éruptifs. J’ai finalement rencontré des exem- ples assez convaincants pour ne plus laisser de doutes à cet égard. C’est principalement autour des ramifications granitiques repré- sentées par les weissteins , les pegmatites et les granulites , que la cristallisation amphibolique s’est développée soit d’une manière complète , soit en disséminant l’amphibole dans les micaschistes ; j’ai d’ailleurs signalé des exemples du même ordre pour les envi- rons de Lyon. Les schistes plus ou moins durcis, fissurés , plissés , verdis, sati- nés , chloritisés et maclifères de la montée de Breitenbach au Champ-du-Feu , ainsi que ceux d’Andlau , sont encore en con- nexion avec les granités et plus ou moins traversés par des filons de quartz et de porphyre quartzifère. A l’occasion des chlorites , je dois encore faire remarquer que la chloritisation des schistes vosgiens est un phénomène très circonscrit et par conséquent ])ien éloigné de l’amplitude énorme qui caractérise l’effet lyonnais. Des actions d’un autre genre se sont naturellement développées sur les calcaires de Saint-Philippe au-dessus de Sainte-AIarie-aux- Mines. Encaissés dans les schistes micacés , ils ont été comme eux subordonnés à l’influence granitique. En subissant le ramollisse- ment , ils ont réagi sur les silieates empâtés dans leur masse ou en contact avec eux. 11 en est résulté des cristallisations de pyroxène sahlite , des amphiboles , des micas ou plutôt des talcs de couleur brune rougeâtre ; le silicéo-titanate de chaux a cristallisé en forme de splîène , etc. Mais ce qui doit surtout fixer l’attention , c’est la singulière production de la serpentine noble au milieu de ces cal- caires. Evidemment elle n’y est pas entrée par suite d’une injec- tion plutonique ; la forme et la disposition des noyaux s’opposent 232 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18^6. à cette supposition ; mais tout démontre c|u’elle est le produit d’une modification correspondante à celle de la masse englobante, et alors trois hypothèses peuvent expliquer le phénomène : Ou bien le calcaire était magnésien, et il a fourni de la magnésie à la silice disséminée dans sa masse ; :M ieux encore, le calcaire contenait de tljydrochlorate/ de ma- gnésie comme celui d’Argenteuil , près de Paris , dans lequel 'U, Berthier a trouvé : Carbonate de chaux 03 — de magnésie. . ...... M Silicate de magnésie et alumine. . . 27 ( Eau 6 j et de là des concentrations de serpentine par suite de répuration cristalline ; Enfin les espèces calcaires pouvaient se trouver séparées par des nœuds ou par des lits de magnésite. Si , par exemple , une cause lie ramollissement agissait sur les dépôts de Salinelle , de Cou- lonimiers, etc., près de Paris, il est évident que la magnésite intercalée en subirait l’influence, et alors il pourrait se former un minéral du genre serpeutineux , d’autant plus facilement que, par suite de la rareté de la cristallisation , les silicates magnésiens atfectent pour la plupart des physionomies passablement identi- ques. Une analyse éclaircirait facilement cette question , et , dans tous les cas , on voit qu’il faut distinguer soigneusement ces ser- pentines métamorphiques de celles qui sont éruptives. Peut-être même sera-t-on amené par la suite à expliquer, à l’aide de moyens tout aussi simples , la formation de certains marbres serpentini- fères dont l’origine est jusqu’à ]>résent très problématique. On se rappellera d’ailleurs que AI. Boué a déjà annoncé que les relations de la serpentine sont souvent en faveur de l’idée qui la considère comme une roche métamorphique. 11 est presque inutile de rappeler cjue les marbres de Laveliiie et du Chipol présentent une grande analogie avec ceux de Saint- Philippe ; mais je dois signaler, en passant, l’existence de la chondrodite dans ceux de cette dernière localité. Ce minéral s’y présente sous la forme de petits grains d’un jaune rougeâtre, assez durs pour recevoir la trace d’un canif à peu près comme un papier reçoit celle d’un crayon. Leur cassure est inégale , d’un éclat vi- ti-eux , un peu gras ; en un mot, je n’ai pu établir aucune diffé- rence minéralogique entre la chondrodite du Chipol et celle de Warwick dans les Etats-Unis. Mais l’analYse doit conliinier cet SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 184(5. 2SS aperçu , et quoique le minerai en question soit mécaniquement inséparable de sa gan(>ue , à laquelle il est lié d’une manière in- time, on pourra néanmoins s’en procurer des quantités sidïisantes au degré de pureté convenable , en le dégageant du calcaire à l’aide d’im éicide. Notre minéralogie française serait ainsi augmentée d’une espèce qui , jusqu’à présent , n’a été reconnue qu’en Suède , aux Etats-Unis , en Russie , en Saxe et au Yésuve. B. Réactions des syé/iites. — Les syénites ont plutôt agi à l’instar des porphyres quartzifères qu’à la manière des granités ; leur intensité d’action semble avoir été insuffisante pour déterminer le passage des schistes à l’état micacé sur une grande échelle. Cepen- dant cette modilication peut avoir lieu en petit, et l’on en voit un exemple assez remarquable sur les rampes du Cliamp-du-Feu, aux deux rochers de la Melkerey. En effet , les schistes, empâtés dans la syénite , se présentent au contact immédiat sous la forme d’une niasse très linement micacée ({ui, un peu plus loin , dégénère en un magma noir, confondu avec du grenat et avec de l’épidote amorphes. Les lambeaux schisteux qui reposent, en forme de calottes, sur la voûte du Champ-du-Feu, et qui sont traversés par les filons de syénite et de porphyre quartzifère , ont été plus généralement ra- mollis , de manière à former des pâtes noires ou d’un vert sombre , plus ou moins malaxées , renfermant des épidotes , quelques gre- nats , quelques amphiboles et un peu d’ouralite ; mais le felds- path s’y développe aussi , de telle sorte qu’ils affectent une grande tendance à prendre l’aspect des porphyres verts ou plutôt des mélaphyres , dont nous allons parler avec plus de détail dans un moment. C. Réactions des porphyres. — J’ai déjà dit que les porjdivres quartzifères se montrent presque partout vers la périphérie des grands massifs vosgiens , et , comme les schistes de transition alfectent les mêmes positions , on arrive naturellement à conce- voir que cette coïncidence a dû déterminer des effets de contact multipliés. Aussi les métamorphismes abondent sur tout le pour- tour méridional de la chaîne depuis GueJjvviller jusqu’à Plancher- les-l\Iines , en prenant par Thann , Alassevaux , Giromagny , Auxelles , Fresse , Ternuay, la Yoivre, Servance et llelfahy. Au N. les mêmes phénomènes se reproduisent depuis les environs d’Urmatt jusqu’au-delà de Fouday, en passant par Schirmeck et Framont. Si nous recherclions maintenant les productions les plus remai - «piailles de ce remaniement igné , nous reconnaîtrons ; 234 SÉANCE DE 7 DÉCEMBRE 1846. 1® Une série de schistes prismatisés , cuits , demi-fondus et fondus complètement, en pâtes confuses, verdâtres ou noires, avec * des veines d’épidote. Cet épidote est donc ici , comme dans le Lyonnais , comme dans le Tyrol , un indice de métamorphisme. I L’ensemble de ces divers faits est, du reste , déjà trop connu pour mériter une plus longue description. 2® Une grande tendance de ces schistes fondus à passer à l’état de pâtes verdâtres euritiques dures , compactes ou granulaires. Celles-ci se chargent aussi de cristaux feldspathiques générale- ment petits , quelquefois comme fondus avec la pâte ; il en ré- sulte des porphyres, désignés par M. Thirria sous le nom de porphyres de transition ; ce même géologue y réunit les eurites sus- mentionnées , certains diorites et des porphyres-brèches. En effet , le développement de la cristallisation ajoute quelquefois l’am- phibole au nombre des autres éléments de ces porphyres et déter- mine par conséquent un caractère minéralogique qui, touchant de près à celui des diorites éruptifs , vient augmenter les difficultés du classement de ces roches. Cependant on remarque que , dans les localités où les phénomènes sont bien caractérisés , ces diorites métamorphiques conservent leur pâte euritique verdâtre. L’am- phibole est d’ailleurs sujette à être remplacée par le pyroxène , et c|uelques lamelles de mica vert terne font aussi partie intégrante de ces composés. Quant aux porphyres-brèches de M. Thirria, on peut quelquefois les regarder comme un résultat de l’inliltration des pâtes fondues entre les éléments du conglomérat du terrain de transition , ou bien comme celui de la fusion plus ou moins complète du ciment de ces mêmes conglomérats ; quelquefois aussi ils proviennent du morcellement des schistes et de la lii isure de leurs fragments par l’infiltration de la matière éruptive. 3° Enfin , ce remaniement détermine des transformations ana- logues aux précédentes , mais caractérisées par la formation d’une pâte dure , euritique , de couleur verte sombre , brune - vio- lacée , ou même noire , contenant du pyroxène augite et des cris- taux de feldspath verdâtre , quelquefois assez grands , mais plus ordinairement petits. J’ai fait quelques expériences comparatives pour m’assurer si le pyroxène n’était pas de la syénite avec la- quelle on pourrait quelquefois le confondre , mais il est beaucoup moins fusible ; de même l’espèce de feldspath en question est [ilns fusible que l’orthose et elle me paraît se rapprocher beaucoup de l’oligoclase , ainsi que M. Daubrée l’a déjà avancé. Ces roches noires sont confondues, sous le nom de mélaphyres, par quelques auteurs , et M. Thirria en fait son porphyre noir SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 235 éruptif, auquel divers passages insensibles le déterminent à ajou- ter, comme dans le cas précédent , une ophite et un porphyre- brèche. L’ophite en question est caractérisée par une pâte verte | sombre, et elle rappelle le porfido-verde-antico. Quant à son por- - phyre-brèche , il est constitué par le porphyre noir dans lequel sont incorporés des fragments quelc{uefois fort gros de pétro- silex grisâtre , jaunâtre ou rougeâtre , tantôt détachés nettement de la pâte tout en y adhérant fortement , tantôt pour ainsi dire fondus avec elle, .l’en ai vu d’ailleurs dont les fragments sont aussi noirs que la pâte elle-même , et la formation de ces porphyres- brèches s’explique de la même manière que celle des roches équi- valentes du porphyre vert. Gisements des porphyres. — Les localités où domine le por- phyre de transition de M , Thirria sont comprises dans l’espace occupé par la base du Ballon de Giromagny , Plancher-Haut , Presse , Ternuay , Champagny et la Yoivre. C’est du moins sur cette étendue qu’apparaissent les masses douées de la teinte la plus claire. 2° M. Thirria indicjue, entre autres localités où l’on peut obser- ver son porphyre noir , Plancher-Bas , les environs de Presse , Belonchamp , près de la carrière d’ ophite , Ternuay, Melisey , Servance et la Planche-des-Belles-Pilles. Récapitulons maintenant celles où j’ai fait mes observations , en avertissant les géologues que pour bien s’assurer de la nature métamorphique de ces por- phyres noirs , il convient d’explorer un certain nombre de ces gisements. 3" La station la plus remarquable , pour la perfection de ses produits , est sans contredit la hauteur cjui domine au IN . le col de la Chavestraye , près de Presse ; on peut y observer tous les pas- sages d’un magma bréchiforme au beau porphyre noir antique d’Egypte, dit ophite. D’autres lambeaux à peu près pareils sont disposés en forme de calotte, davantage au N., sur le porphyre! ^ quartzifère du col de Belfahy, à Plancher-les-Mines. Une ébau- che de la formation est encaissée entre les schistes du mamelon de la Roche situé auprès du Ban-de-Plancher , et elle paraît s’élever de là vers la haute cime du Tannenkopf ; on retrouve, du moins ici , au milieu du gâchis porphyrique , des masses de mé- laphyre qui ressemblent à celles d’en bas. Entre le Puix et le dé- but des syénitesdu Ballon de Giromagny, ainsi c{u’à la Burcinière, les mêmes effets se reproduisent suc les schistes et les grauwackes. A l’entrée de Séeven , en descendant du Ballon de Giromagny , même formation avec porphyres quartzifères etsyénites, Sur l’arête, '23(3 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. eu allant entre Massevaux et Oberburhacli , les schistes voisins (les antliracites subissent une transforniation pareille. Le vallon (|ui descend à Roderen contient des l)locs errati(|ues de porphyre noir aussi beaux que ceux de la Chavestraye. Entre Willer et Bitsch- willer , dans la vallée de Thann , la conversion est moins nette. Entin , à la descente du Ballon de Guebwiller , vers Rimbach , ces porphyres noirs reprennent , en grande partie , la netteté des premiers. /i" Pour retrouver maintenant des modifications analogues dans une autre partie des Vosges , il faut se transporter sur le Ghamp- du-Feu , où les porphyres verts et noirs se montrent avec des ca- ractères exactement pareils à ceux de Rimbach et de Giromagny, passant de l’un à l’autre , ou Ijien à des pâtes noires , ([uelquefois épidotlques et même amphiboliques dans les fissures. Quelques blocs m’ont ofi'ertle pyroxène ouralite ; et tout porte à rapprocJier ces mélapliyres de ceux du mont Mulatto et des ravins de Can- zOcali , près de Predazzo. Ces méla})byres ont des caractères assez particuliers pour que IM. de Buch ait déjà jugé à propos de les distinguer de ceux de Vigo et de Sein, en les regardant comme influencés par le voisinage des syénites; j’ai constaté, de mon côté qu’ils ne sont que des bigarrés métamorphiques. 5" Les mêmes phénomènes se reproduisent à la base occidentale du même massif, depuis Fouday jusqu’à Schirfneck. Dans toute cette étendue , les schistes sont en quehjue sorte divisés en grands (piartiers par les filons de por|)hyre rouge et par quelques granités. Aussi sont-ils modifiés de toutes les manières , c’est-à-dire pris- matisés, durcis, verdis, jaspisés, épidoteux, convertis en magmas rubanés de parties vertes et noires, enfin, cristallisés en porphyres verts ou noirs , parhiitement développés , et contenant çà et là de rares cristaux d’amphibole. Quelques échantillons ne le cèdent guère en beauté à ceux des environs de Giromagny , et pour les découvrir d suffit de suivre les contacts du schiste et du porphyre l’ou.ge. Le trajet de Fouday à Rothau est donc, en quelque sorte, classique pour l’étude de ces phénomènes. A Framont, les mêmes roches ont été confondues avec les porphyres éruptifs proprement dits ; mais leurs passages aux schistes sont tels que l’on revient de cette opinion après une étude attentive , et l’on conçoit que cette circonstance entraîne la nécessité d’une modification dans la théo- rie des filons du pays ; en effet , au lieu de constituer des gîtes de contact , ils deviennent de simples filons d’injection , traversant indilféremment les schistes métamorphisés , les calcaires et les do- lomies du terrain de transition. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/|6. !237 Porphyres mcUunorphiqucs. — l\l. Tliirria considérait ses por- phyres noirs comme étant des produits essentiellement éruptifs , parce cjii’il ne leur a pas reconnu d’indice de stratification , et cju’ils sont d’ailleurs fortement fendillés et comme tressaillés. Il avance la même idée à l’égard de ses porphyres de transition ; cependant , comme il a fort bien observé aussi que l’eurite sans feldspath af- fecte souvent une texture schisteuse , et que les divers membres de ce dernier groupe semblent se lier intimement avec le schiste de transition , s’identifiant avec lui par une sorte de passage au point de contact , et même par quelques apparences d’alternances , il conclut que le porphyre pourrait bien s’êti e épanché pendant le dépôt du terrain de transition. Celui-ci, n’étant pas encore com- plètement solidifié , a dii s’enchevêtrer avec les masses pluto- niques , et de là les transitions en question. Cette théorie a été émise en 1833 ; mais actuellement celle du métamorphisme écarte la nécessité de la contemporanéité, .l’ai fait en 1835 quelques expériences qui démontrent que ces transforma- tions en roches porphyriques ont pu s’effectuer parfaitement après la solidification des schistes ; j’ai repris la question dans un Mé- moire sur quelques points de la géologie des environs de Lyon , présenté à l’Institut en 1837, et, dans ces deux notices, j’ai cité des exemples de schistes verdis et feldspathisés , de grès de transi- tion convertis en porphyres; j’ai appliqué ces données aux roches dites cornes vertes et cornes rouges par les mineurs de Chessy. M. Grimer a fait en 18/il une étude plus générale de ces mêmes métamorphismes dans son important travail sur la géologie du département de la Loire. 11 a désigné alors sous le nom générique de porphyres verts ce que M. Thirria appelle des porphyres de transition. Faisons maintenant un pas de plus. La couleur de la pâte est , comme on l’a vu, le caractère dont M. Thirria s’est servi pour établir ses deux groupes porphyriques. Cette difierence mérite l)ien certainement de fixer l’attention , mais il ne s’ensuit pas qu’elle soit de nature à })rovoquer une distinction aussi absolue; car on peut observer tous les intermédiaires possibles entre le vert le plus clair et le noir le plus intense. Le degré de pureté des schistes argileux paraît être la cause principale de la difiérence qu’on observe, sous ce rapport, entre leurs produits. On conçoit d’abord très bien que là où le métamorphisme aura été effectué sur des scliistes peu ferrugineux, la teinte résultante sera le vert plus ou moins clair; c’est ce qui paraît être arrivé entre autres depuis Auxelles-ïlaul jirsque vers Presse, espace sur lequel j’ai pu 238 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. observer des transitions remarquablement ménagées entre les por- phyres verts et les schistes argileux. Diverses relations de rencontre me portent, d’un autre côté, à supposer que le porphyre noir est plus essentiellement un produit du métamorphisme des grès schisteux et des grauvvackes ; cependant on remarque parmi les grès un gros banc , qui est assez peu ferrugineux pour donner un produit euri- tique vert ; c’est celui que l’on voit dans les carrières d’Oberbur- bach , de Thann , et entre Schirmeck et Lutzelhausen. Il faut aussi tenir compte de la confusion qui s’opère habituellement entre les éléments du porphyre rouge et ceux des schistes ou des conglo- mérats de transition ; dans ce dernier cas , l’oxyde de fer du por- phyre a pu se trouver amené à l’état d’oxyde intermédiaire, et occasionner la coloration du produit artificiel en noir ou en vert plus ou moins sombre ; mais je n’en persiste pas moins à croire que c’est dans la composition ferrugineuse des roches du terrain de transition qu’il faut trouver la principale cause de la coloration plus ou moins intense de ces produits métamorphiques. Or, dès qu’il est établi que leur différence ne roule que sur les quantités relatives de matière colorante , on accordera volontiers qu’il n’y a j pas lieu à faire des distinctions géologiques entre eux , et on réu- ■ nira ces roches vertes ou noires sous la dénomination collective de i porphyres métamorphiques , par opposition aux porphyres érup- tifs, en se contentant d’en spécilier les nuances, comme on le fait en minéralogie pour les variétés d’une même espèce. Porphyres métamorphiques du terrain de transition. — deviens de dire qu’il s’opère assez fréquemment une sorte de confusion entre les éléments de la roche métamorphisante et ceux de la roche sédimentaire. Cette circonstance est trop importante sous le point de vue théorique pour que je n’en dise pas quelques mots. .Te possède des échantillons de la Chavestraye, de Belfahy, de Plancher-les- Mines, de Servance , et où l’on voit immédiatement cette incorpora- tion bréchôide , parce cjue la fusion n’a pas été complète. Tantôt il y a pénétration surabondante de la pâte du porphyre rouge , et alors on a des roches rouges-brunàtres, qui sont simplement macu- lées de vert ; tantôt la diffusion est plus intime ; les deux roches ont contribué au produit pour une part à peu près égale , et alors on a déjà des pâtes porphyriques dures et d’une teinte sensililement uniforme , prenant la nuance noire , brune ou verte . suivant la nature des schistes soumis à l’action dissolvante du porphyre. Ce- pendant on peut très souvent s’assurer que les masses qui au pre- mier coup d’œil paraissent les plus dures et les plus homogènes dans la cassure fraîche , comme , par exemple , les porphyres noirs SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 239 de Frainont , décèlent néanmoins la structure fragmentaire dans les parties extérieures qui ont été attaquées par les agents atmo- sphériques. En eft’et, l’action lente de ceux-ci s’exerce naturelle- ment d’une manière inégale sur une masse complexe ; elle la dis- sèque en quelque sorte de manière à remettre à nu le tissu primitif des diverses parties dont elle est composée; elle fait par conséquent ressortir d’une manière tranchée l’hétérogénéité des unes à côté de l’homogénéité des autres , et l’on a en cela un exemple de plus à ajouter à ceux que j’ai déjà donnés comme preuve de l’importance qu’il faut attacher à l’étude des masses qui passent par les pre- mières phases de la kaolinisation. En décrivant les modes de diffusion de la matière métamorphi- ^ santé dans la matière métamorpliisée , je dois encore insister sur , une petite différence c{ui se montre entre les phénomènes vosgiensj et quelques uns de ceux du Lyonnais. Ici , sous l’influence com-^ binée des fondants et de la chaleur , les schistes se sont souvent exfoliés de manière à recevoir le liquide igné par suite d’une action capillaire. 11 en est résulté des schistes verdis , rubanés de veines rouges très fines et parallèles entre elles, autant que le comporte ce genre d’action. Même quand les schistes sont saturés de la pâte porphyrique au point de paraître complètement rouges, on peut encore très souvent reconnaître la nature primitive de la roche à sa fissilité , suivant les plans des feuillets. Le métamorphisme est donc incomplet dans ce cas , mais il n’en est que plus digne d’at- tention , parce qu’il donne l’idée la plus claire de la marche de l’opération ; c’est même cette circonstance qui m’a amené à faire les expériences citées dans le paragraphe précédent. Cependant, dans d’autres cas , l’i inhibition s’est effectuée dans des conditions telles, que la fissilité est anéantie , et que la roche prend un caractère décidément euritique ou porphyrique , suivant l’avancement de la cristallisation; en un mot, il semble qu’alors la chaleur ait été assez forte pour liquéfier complètement l’excipient et pour déter- miner son incorporation complète avec le fondant. Or, c’est ce dernier ca^ qui se présente le plus habituellement dans les A^osges ; ; je n’ai point découvert parmi leurs roches ces remai quables infil- trations capillaires du Lyonnais ; la diffusion du porphyre y est en quelque sorte nuageuse, et j’en déduis naturellement que la tem- pérature a dii avoir été bien plus élevée pour produire les phéno- mènes des Vosges que pour effectuer ceux de nos enviions. En avançant cette conjecture , je dois cependant faire observer que V le pyromètre sur lequel je me base pourrait bien être fautif, car on conçoit que son action fondante a pu varier d’une localité SÉANCE DE 7 DÉCEMBRE 1846. à une autre; mais j’ai supposé d’abord que le degré de fusibilité des porphyres quartzifères était une chose à peu près constante , et , mieux encore , j’ai surtout pris pour point de départ l’ampli- tude des imbibitions vosgiennes, sur lesquelles nous reviendrons bientôt. Porphyres métamorphiques du système des grès (1). — L’action hihoIe. Feldspath . Eu cristaux 3>lancs de dimension En cristaux l)lancs, gros ou petits, ' moyenne, abondants; intimement j)îus ou moins abondants; souvenlj lie's avec la pâte , ))ar conséquent fondus par les borils avec la pâte,!, quehjiiefois airondis. A la Mclkc- par conséquent plus ou moins ar-l rey ils sont moins verts qu'auprès roiidis et dans divers états de dé- 1 du llohwald. Les états de dévelop- veloppement ; les uns étant à peine / pemeiil sont donc variables ; tantôt '\ indiqués par des taches l)lanchâ-\ inclivable et faiblement translu» i très , les autres présentant déjà j eide ; tantôt hyalin à clivage très i quelques angles assez nets,enfin4 net, olFiant les stries de l'oligo- ( «pielques uns otiVant un faible re f klase. Ces derniers ne se laissent ' flet, indice d’une crislallisationl pas rayer; parmi les autres , il en \ presque terminée \ est qui sont susceptibles d’éprou- \ ver le trait d’une pointe d’acier. { En globules hyalins , dans la propor- ( glol^^l^s hyalins rares ; mais la . tion ordinaire des porphyres bien découvrir une mull,» i 1 1- J \ Inde d autres très linement disse- ^ \ mines dans la pale. ÎNüir et vert, en petites écailles ; un très grand nombre se montre à Pétat de dissémination très fine dans la pâle. é Noir - verdâtre ; en cristaux assez Amphibole. . I Nul abondants et nets auprès du Hoh- ^ ‘ j vvald , et beaucoup moins nets et l moins fréquents à la Melkerey, Quartz. Mica , Pâle vue à la loupe. Action cliimique. ^Cassure inégale, rude , grenue et es- j qullleuse, assez dure, et cepen- 1 duiil susceptible de sc laisser rayer par l’acier là où elle est pure , . , Failjlement translucide Couleur gris sale, cendrée, quelc|ue-< fois rubéfiée. Dans ce dernier cas 011 peut avoir des porphyies ron- ges quartzifères, et ces derniers f ont été trouvés en blocs roulés cn- tre Saint-Maurice et le Bois-Noir. . ' E’n petit éclat de la roche introduit ' dans l’acide sulfuriqoe étendu de sou volume d’eau s’est simple- ment décoloré au bout de quelques semaines; mais uneaunéed’immer- sien ne !’a pas attaquée davantage. Cassure très inégale , très rude et grenue, se laissant égrener comme on doit le concevoir d’après sa constitution grossière. Faiblement translucide. Couleur gris sale, im peu rosée, mais variable en raison de l’abon» dance relative du mica. ^Non éprouvé. 2/16 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Ù6. ^ L’amphibole manque dans la roche alpine parce qu’elle dérive d’un granité ; il est présent dans la roche vosgienne parce qu’elle dérive d’une syénite. A cette seule différence près , et sauf quelques légères variations dans le grain et dans la couleur , variations qui sont uniquement dues au développement de la cristallisation et à l’état d’avancement de la rubéfaction , tout est pareil de part et d’autre. On peut donc en conclure l’identité de la formation; par conséquent aussi l’endomorphisme, si bien étudié à Valorsine, doit s’appliquer aux roches du Champ-du-Feu. Mais on remarquera aussi que , indépendamment de ce qu’il y a d’inattendu dans cette similitude , il y a là apparition d’une nouvelle classe de roches dioritiques à ajouter à celles des diorites éruptifs, des dioritines, des diorites exoniorphiques schisteux ou non, et l’on concevra mieux maintenant combien grande a dû être ma perplexité quand j’ai abordé, sur le terrain, l’étude de ces roches ampliiboüques , avant d’être muni des points fondamentaux de leur théorie, M. Daubrée demeure sur les lieux ; ce géologue distingué termine en ce moment une belle carte de la partie des Vosges apparte- nant au Bas- Rhin ; il peut donc compléter ce qui m’a échappé sur son territoire, corriger mes erreurs, et, en améliorant ainsi ce que j’ai eiù laisser dans l’imperfection inévitable d’un premier aperçu , il rendra un véj itable service à la science. 3*^ Comme nouveaux exenqdes d’endomorphisme , je citerai encore ceux que présentent les basaltes qui se chargent de globules calcaires et cristallins quand ils traversent les terrains calcaires, ou bien de globules de fer spathique et même de fer oxydulé dans les parties où ils croisent les amas de fer spathicpie. La roche de- vient alors amygdaloïde, et il sera curieux de vérilier si la plupart des autres amygdaloïdes ne rentrent pas dans la même catégorie ; j’indiquerai d’ailleurs incessamment un exemple de la possibilité du fait. U° Il est encore à supposer que les serpentines dures du col du Bonhomme, ainsi que celles de Saint-Julien-Molin-Molette et de Belunia , sont des roches endoniorphiques. 5° Les minettes sont aussi susceptibles de changer très facile- ment de texture. J’ai déjà cité sous ce rapport, en 1837, celles des filons de Chessy, qui , dans l’étendue de leur zone de contact, voient leur mica s’effacer, de manière à ce qu’elles passent à l’état de masses noires presque basaltiques. Quelques uns des trapps de l’Angleterre ne seraient-ils pas des roches de ce genre? 6"^ Les gîtes métallifères peuvent de même être endoniorphiques ou exoniorphiques. Les schistes profondémerit métallisés par la ! SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE ISAÔ. 2A7 pyrite de fer, à Chessy et à Sain- fiel; par la galène, à Mâcot ; les granités chargés de cobalt at sénical , à la mine de Sophia , près de Wittichen , dans le diielié de Bade , etc., etc., sont des exem- ples remarquables de ce dernier cas. Les filons du Bonnot, et certains gîtes de la Scandinavie , décrits par MM, Martini et Dau- brée , ont une gangue formée en partie aux dépens de la roche encaissante. M. Savi a aussi depuis longtemps considéré les filons syénitiqnes de Campiglia et de l’île d’Elbe comme étant des pro- duits de la réaction des gangues éruptives sur les parties sédimen- taires voisines. Ce sont donc autant d’exemples de fdons endomor- phiques, et ces citations seront sans doute suffisantes pour faire comprendre de quelle manière j’envisage maintenant les faits ; elles suffiront aussi , je l’espère du moins , pour faire apprécier tout le parti que la connaissance des filons et des roches est appelé à tirer de ces effets réciproques, abandonnés jusqu’à présent parmi les résultats hors ligne. § IV. Exomorphisme siliceux et phénomènes de pseudomorphose. Passons maintenant à des cas particuliers où la silice joue le principal rôle. A. Sur le bord de la chaîne des Vosges , entre Sulz et Wuen- heim , se trouvent les rochers abruptes du Jungholtz. Ici, une injection siliceuse a pénétré parmi les schistes et les protogynes de la partie supérieure du terrain de transition. Il en est résulté, non seulement des filons siliceux accompagnés de baryte sulfatée , mais encore la capillarité a déterminé la silicification des schistes, et jusque là le produit est à peu près du même ordre que celui de Saint-Priest , près de Saint-Etienne, etc. Mais ce qui le rend plus essentiellement remarquable , c’est la tendance du quartz à se concentrer sous la forme sphéroïdale. Dans le cas du dévelop- pement le plus parfait , elle a donné naissance à une sorte de porphyre globuleux , à noyaux ronds , séparables de la pâte et très finement striés du centre à la circonférence. Il est encore facile de trouver des états moins avancés, et par conséquent plus instruc- tifs, dans les schistes verdis et silicifiés qui ont été éprouvés par l’action de l’air. Alors la silice a blanchi en s’opacifiant , et l’on voit se dessiner çà et là des rudiments de sphéroïdes indiqués par de simples rayons divergents à partir d’un centre et allant se perdre à 1 ou 2 millimètres de distance dans la pâte pétro-sili- ceuse dont ils sont inséparables. On remarquera maintenant que je ne fais pas ici une confusion 1 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE i8/i6. ns avec la formation des porphyres amygdalins ou glanduleux ; tout se réduit à un effet d’exomorpîiisme siliceux d’une intensité remar- quable et facile à reconnaître à la conservation plus ou moins nette du tissu des scinstes. Cette formation rappelle néanmoins celle des poiphyres agatifères, et, par une coïncidence qui semble au premier coup d’œil digne de remarque , il en existe précisément un gîte à quelque distance de là , en aval de Rimbacbzell. Il a été indiqué par M. Elie de Beaumont , qui y a reconnu des globules calcaires dont la décomposition rend la roche celluleuse ; j’y ai constaté de plus l’existence de petites géodes d’agate. Mais , mal- gré ce rapprochement , il n’y a rien de commun entre les deux phénomènes, car le dernier appartient aux porphyres bruns ou mélaphyres analogues à ceux d’Oijerstein. Le développement de l’agate peut s’expliquer ici par Faction dissolvante que la pâte porphyrique a exercée sur les grauwackes du terrain de transition ou sur les grès de la localité. Il en est résulté un magma dont le refroidissement gradué a permis à la silice de se séparer sous la forme de noyaux géodiques. Je ne sup- pose pas la fusion du quartz contenu dans les grès ou dans les .grauwcickes , mais simplement sa dissolution. Le carbone est tout aussi infusible que le quartz , mais il se dissout très bien dans le fer, et , quand un refroidissement convenable survient , il se sépare plus ou moins sous la forme de graphite qui vient nager sur la fonte , ou qui demeure dans sa masse en donnant lieu à la forma- tion de la fonte grise , et mieux encore de la fonte traitée ; le phé - nomène est donc exactement le même que celui que présente une dissolution saline saturée à chaud et qui laisse précipiter une partie de son sel par le refroidissement. Cette théorie diffère de celle que j’ai proposée dans un précé- dent Mémoire pour expliquer la formation des géodes d’Oberstein. Je supposais alors que l’acide carbonique et l’eau en dissolution dans le porphyre liquéfié y déterniinaient non seulement la for- mation des bulles comme dans les laves , mais y effectuaient encore la séparation d’une certaine quantité de la silice combinée qui se concentrait dans les cavités. Dans la théorie actuelle, l’in- tervention des gaz et des vapeurs n’est plus indispensable ; celle-ci est d’ailleurs plus générale en ce qu’elle permet de concevoir la formation des agates au contact de roches plutoniques quelconques ; elle permet encore de saisir la cause de l’espèce d’indifférence de position des agates , car tantôt elles paraissent en relation avec les grès rouges , tantôt avec les grauwackes , en sorte fju’en définitive toutes les roches plutoniques endomorphisées par des roches sédi- SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE I8/16. 2A9 inentaires à excès de silice pourront donner les mêmes produits ou bien leurs équivalents. D’ailleurs rien ne s’oppose à ce que les gaz et les vapeurs aient agi en même temps que la puissance dis- solvante des roches ignées , et peut-être expliquera-t-on mieux par ce concours les diverses circonstances qui accompagnent la pro- duction des géodes. B. Une autre silicification est celle des grès bigarrés et du musclielkalk des environs d’Oberbergheim. Jusqu’à présent , elle n’était connue que sur une très petite étendue, mais je me suis convaincu que les bancs modifiés doivent se prolonger tout le long de la rampe qui , à partir du Schlossmülh , va aboutir à l’entrée de Ribeauvillé. M. Voltz a déjà comparé ce changement de composition à celui qui se manifeste aupi ès du filon de plomb de Badenweiler ; en efl’et , la silicification alsacienne est accompagnée de la même pé- nétration de baryte sulfatée et de spath fluor qui caractérise le phénomène badois. Une plus grande généralisation permet encore d’établir un rapprochement avec le lias silicifié des arkoses de Pontaubert , de Semur, et avec le lias pareillement silicifié de Blacet, dans les environs de Yillefranche (Rhône ). Ces formations présentent entre autres la circonstance tiès remarquable d’avoir été efïectuées plutôt à la manière des pseudomorphoses qu’à celle des métamorphismes. A Oberbergheim , il n’y a souvent rien de changé dans l’apparence du musclielkalk ; sa cassure et sa couleur sont conservées avec une perfection comparable à la conservation du tissu ligneux dans les liois agatisés , et l’on n’est désabusé de l’idée c{ue l’on se fait de la composition de la roche qu’en voyant les étincelles jaillir sous les coups du marteau. L’extrême tendance de la silice vers l’état d’amorphisme rend parfaitement compte de la facilité avec laquelle elle prend les formes les plus délicates de la nature tant organique qu’inorganicj[ue ; elle est donc le corps pétrifiant par excellence , et , comme aucun principe ne s’oppose au développement d’une pseudomorphose sur une grande échelle , on peut ranger le phénomène des arkoses dans la même catégorie. Mais la cause agissante n’en est pas moins mystérieuse. Quand on voit l’absence de tout indice de fusion , ainsi cjue des combinai- sons qui en sont la conséquence ordinaire , on donne la préférence à Faction aqueuse , tout en repoussant l’idée d’une sédimentation neptunienne opérée de la même manière que dans la formation des couches ; la pénétration postérieure de la silice se laisse , en effet, constater sur divers points. D’un autre côté aussi , plus on étudie la silice , et plus aussi on lui trouve des propriétés remar- SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 250 quables. On la voit déplacer les éléments constituants et affecter les formes de la baryte sulfatée , du spath fluor, du calcaire, delà dolomie et du tungstate cfe chaux dans des filons métallifères dé- cidément plutoniques. L’on est donc amené à concevoir une action effectuée pendant l’état de liquéfaction ignée , et plus probable- ment encore pendant l’état de surfusion de la silice. Cette dernière manière de voir finit même par acquéiir une certaine prépondé- rance quand on s’est assuré qu’à Badenweiler la silicification s’est effeetuée au contact d’un filon quartzo-plombifère , et qu’aux en- virons de Pontaubert les ai koses siliceuses et métallifères sont liées à des filons de quartz émergeant du granité , ainsi que je l’ai véri- fié d’après les indications de M, Moreau, professeur de physique à Avâllon. Aux Ecouchets, l’épanchement du quartz chromifère, que l’on a toujours réuni aux arkoses, a même été accompagné d’un morcellement des roches ; en sorte que le mélange paraît avoir pénétré d’une manière violente tantôt dans le granité , tantôt dans les grès , et avoir ressoudé le tout en constituant des brèches analogues à celles des filons plutoniques les mieux caractérisées. Cependant, quand je mets en regard de ces effets les couches de fer oligiste voisines des aikoses, quand je vois celles-ci chargées de fossiles, je dois avouer qu’ils ne sont pas suflisamment convain- cants ; la prudence veut que l’on attende un nouveau trait de lu- mière de la part des études dirigées dans ce sens; elles feront pro- bablement connaître des phénomènes complexes là où nous sommes enclins à tout associer. § V. ProdiLÎts des rédctlons (Kiueuses sur les filons niéùdlijères . A. Hématites. — Les filons métallifères des vallées de Saint- Amarin , de Guebwiller, de Sainte-Alarie-aux-Mines et de Era- mont ont aussi fixé mon attention. Pour abréger, je ne parlerai que des filons de fer. Ils se distinguent en trois classes d’après leur composition minéralogique. Une première classe comprend les fdons de fer oligiste de Servance , de Eramont et de Rothau; une seconde classe renferme le fer oxydulé (]ui constitue le gîte tle la Voëte-basse à Rothau; enfin on a dans la troisième classe les nom- breux gîtes d’hématite brune de Saint-Amarin , celui de la mine jaune à Eramont et ceux qui sont disséminés dans les grès vosgiens à Saint-Gongolf et depuis le Jœgeithal jusqu’à Bergzaberen. On est déjà habitué à regarder les deux premières classes comme étant des produits d’éruption ; mais il n’en est pas de même de celle des hématites. En effet , l’apparence caverneuse , cariée , stalactique SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/[6. 251 de leurs minerais , la réunion des hydrates de peroxyde de fer et de manganèse avec les suies manganésiennes , les ocres , les kaolins et les hydrosilicates terreux divers qui leur servent de gangue, jettent une défaveur complète sur l’idée de l’injection plutonique. J’ai pendant trois années exploité un de ces gîtes d’hématite plombifère au Katzenthal , et je dois avouer que la réunion des carbonates et des phosphates de plond) aux divers minerais précédents n’avait pas peu contribué à me constituer par- tisan de la formation aqueuse des filons. Ma manière de voir s’est modifiée depuis, et cependant il m’a toujours répugné de faire concorder en un même point, comme, par exemple , à Framont , la formation aqueuse des hydrates de fer avec la formation ignée du fer oxydulé et oligiste ; car ces gîtes divers paraissent éminem- ment contemporains. Aussi l’un des buts principaux de mon voyage a été d’examiner de nouveau le problème, et je suis arrivé à une solution^i simple , qu’elle sera sans doute adoptée par les mineurs. En effet , ces filons Jiydratés sont de véritables produits du re- maniement de filons plutoniques ; leur matière première était le fer spathique , qui , en se peroxydant, en s’hydratant , en perdant son acide carbonique, est devenu de l’hématite et de l’ocre. J’en ai acquis la preuve au filon n« 45 de Hœrtzenbach , près de Ritsch- willer. Hématite dans les étages supérieurs , il passe à l’état spa- thique dans la profondeur, et l’on peut même trouver entre ces deux extrêmes des parties de fer spathiciue à demi altérées. Ainsi donc l’action atmosphérique qui s’exerce avec tant d’énergie sur les fers spathiques a déterminé la transformation , et l’acide carbo- nique dégagé a contribué probablement pour beaucoup à l’altéra- tion kaolinique si profonde des roches encaissantes ; il a aussi contribué à la dissolution et à l’entraînement d’une partie des oxydes de fer et de manganèse , qui se sont déposés plus loin sous la forme d’iiydrates. De là , entre autres , cette puissante salbande terreuse , ocreuse , manganésienne qui constitue le brand des parois de la mine jaune de Framont. De là encore ces bizarres colorations ferrugineuses du grès vosgien des filons du Fleckenstein, du Katzenthal , de Nothweiler, de Schlettenbacii et de Rergza- beren, colorations qui s’étendent souvent jusqu’à plus de 100 mè- tres de distance du filon proprement dit. En poursuivant cette donnée, j’ai trouvé à la (iroix-aux-Alines et à Sainte-Marie-aux-Mines les mêmes phénomènes, compliqués delà présence du sulfure de plomb. A Surlotte, le fer spathique des déblais est presque entièrement intact ; au fdon de la Fluss- grube, dans le vallon de Saint-Philippe , on voit des hématites , 1 252 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE ISIlQ. dont quelques unes ont conservé la forme du fer spathique, comme à Allevard , et elles sont pénétrées de sulfure de plomb encore inaltéré , parce qu’il est moins oxydable que le fer carbo- naté. A la Croix-aux-Mines , les carbonates de plomb , blanc et noir, s’associent en quelques points aux bématites ; l’oxydation y a donc été complète ; mais , dans la profondeur, le fer spathique et la galène reparaissent dans leur état d’intégrité. On comprendra maintenant comment il se fait que , dans les grès vosgiens du Kat- zentlial et d’Erlenbacli , il ne reste plus que des indices extrême- ment rares de ce sulfure ; le grès vosgien est une roche excessive- ment perméable aux eaux ; de là cette altération pour ainsi dire complète , qui se traduit par le développement des carbonates et des pliospiiates de plomb au milieu des hydrates de fer et de man- ganèse. B. Hydrosiücatcs . — Ün autre produit de ces réactions aqueuses est la calamine électrique ou l’hydrosilicate de zinc cristallisé. Je l’ai rencontré dans les masses cariées du fdon de la Flussgrubc ; il se montrait fréquemment au Katzenthal parmi les carbonates de plomb; enfin les belles houppes cristallines de la mine de Hofes- griind , dans la Forêt-Noire , recouvrent l’hématite brune , et sont associées au plomb phosphaté ainsi qu’à la calamine ordinaire. Mais si , dans ces circonstances , il peut se former un hydrosilicate de zinc aux dépens de quelques blendes , on conçoit encore que d’autres hydrosilicates , alcalins, calcaires , etc. , se formeront aux dé23ens d’autres matériaux, et il ne reste plus qu’à préciser les espèces qui doivent leur origine à ce mode de formation. On les mettra ensuite en regard de celles auxquelles leur interposition dans les amygdaloïdes porphyriques , serpentineuses et basaltiques lait attribuer une origine ignée , et ce travail , aisé à faire main- tenant , jettera un nouveau jour sur le développement de l’une des plus belles familles du règne minéral. C. Jrra^ojiite. — La formation de l’arragonite des mines a étél’ob- jetd’un dernier sujetd’études ; les notions à cet égard étaient jusqu’à présent bien vagues; car on ne pouvait pas faire intervenir dans ce cas l’influence des eaux chaudes , conformément aux expériences de M. Bose. J’ai constaté qu’elles cristallisent à la manière des sels grimpants , par la transsudation du liquide calcarifère au travers des pores de la roche ; elles forment alors à sa surface une excrois- sanee isolée , comme une sorte de verrue , qui s’agrandit peu à peu en prenant des branches contournées et arrondies ; ces verrues s’appliquent indifféremment à la voûte ou aux parois verticales des galeries. Dans d’autres cas , les arragonites se constituent à la ma- 253 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. iîière des stalactites , formant des cliaiidelles pendantes , rubanant les parois de croûtes tidDerculeuses arrondies , ou bien munies de ces cavités en forme de bénitiers , qui sont les indices les plus caractéristiques du ruissellement des eaux. Une belle arragonite coralloïde est la conséquence d’un suintement d’eau très faible et d’un grand calme atmosphérique; les autres se concrètent, au contraire, là où les eaux découlent avec une certaine rapidité, et où l’air peut circuler. On a longtemps discuté pour savoir si la présence de la stron- tiane n’est pas nécessaire à la constitution d’une arragonite , et l’on n’a pas pris la peine de remarquer que certaines arragonites sont colorées en bleu par le cuivre , en rouge de vin par le cobalt , en jaune serin par l’hydrate de fer, tandis que d’autres sont douées de la blancheur la plus parfaite ; cependant ces diverses circon- stances devaient aussi être mises en ligne de compte , parce qu’elles démontrent une certaine indifférence par rapport à telle ou telle base. Mais si je considère que ces mêmes arragonites se développent dans des mines où abondent les sulfures et par conséquent les sul- fates ; que souvent le gypse cristallise dans la même galerie à côté de l’arragonite , j’arrive à croire qu’une eau légèrement sulfatée peut contribuer à l’intervention moléculaire du carbonate calcaire, et je trouve de nouveaux appuis en faveur de cette manière de voir dans l’association de l’arragonite avec les gypses de Dax , de Mingronilla , avec la baryte sulfatée et avec la strontiane sulfatée de quelques autres localités. M. Breithaup à démontré que l’arragonite et le calcaire peuvent alterner dans les stalactites d’une galerie.^ et il en cite une qui est composée de treize couches successives de l’une et l’autre espèce. Il attribue ce phénomène à des variations de température ; ne serait-ce pas plutôt parce que l’eau changeait de composition sui- vant les points de la mine d’où elle arrivait ? Cependant d’autres corps peuvent naturellement être supposés capables d’exercer une influence analogue , et leur étude mérite d’être suivie avec toute l’attention qu’on doit apporter à tout ce qui concerne les changements de forme de la matière minérale. l.ies composés ferrugineux , tels que les ocres , les hydrates de fer , les basaltes , les spaths brunissants , se montrent encore si souvent associés à l’arragonite , qu’il est presque impossible de leur refuser une certaine participation à l’effet en cpiestion. S’il en était ainsi , la dénomination de ftos-fcrri , imposée par les anciens à ce produit de formation journalière , ne serait pas un simple jeu de mots; mais je dois laisser à mon ami M. Lecoq, professeur d’histoire na" â5/l SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. turelle à Clermont-Ferrand , le soin de développer plus ample- ment un sujet qui l’occupe depuis plusieurs années. M. Bayle , vice-secrétaire , donne lecture des extraits sui- vants de deux lettres de M. Gatullo. Extrait tVime lettre de M, CatuUo, Padoue , 18 novembre 1846. Dans le mois d’octobre de l’année passée j’ai envoyé à la So- ciété une note , dont le but était de revendiquer quelques unes de mes découvertes , note qui n’a pas été inséré dans le Bulletin ; je prends la liberté de la lui adresser de nouveau. Note de M. CatuUo. Dans la séance du 17 mars 18/15 {Bulletin., 2® série, t. II, p. 356), M. de Zigno annonce, comme un fait entièrement nouveau , l’exis- tence du lias dans les Alpes vénitiennes. Afin d’éviter toute équivo- que , et dans le but d’assurer à mes observations la priorité , il faut que j’annonce ma prochaine publication des espèces fossiles du lias bellunais , dont j’ai parlé dans un Alémoire inséré dans les An- nales (les seiences naturelles de Bologne ; et au sujet du terrain triasique , placé au-dessous du lias des Alpes d’Agordo, deFeltre, de Cadore , j’en ai raisonné dans la Bibliothèque italienne. Une preuve de l’intérêt avec lec[uel je m’occupe des roches de sédiment ancien , inférieures au terrain jurassique , c’est le nombre remarquable de fossiles c|ue j’ai recueillis jusqu’à ce jour dans le musclielkalk du Vicentin connu depuis longtemps, et dans le muschelkalk du Bellunais , que personne n’a encore décrit. Une grande partie du calcaire que je regardais comme alpin dans ma zoologie fossile, appartient au contraire au muscbelkalk, ce qui est prouvé dans le Alémoire inédit que depuis longtemps j’ai envoyé à la Société. Alême ce c[ue Al. de Zigno a fait lire, dans la séance du 17 juin 18à5 {Bulletin, 2** série, t. Il , p. 573) , ine paraît avoir besoin de quelque redressement. ! es espèces du genre ( 'rioceras ne sont pas nouvelles pour V Italie ; et moi aussi j’en ai recueilli quelques mis dans la craie blaucne supérieure de Conco ( settr coniuni ) , et j’en ai donné les figures. Le dessin que l’on voit à la page à2/t de l’iliustration du Afusée de Calceoiari ne représente pas un Crioceras, suivant l’avis du céle!3re Desbayes, mais plutôt une Ammonite du calcaire rouge de Alazzurega, dans SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 255 le Véronais. De vrais Criocères , au contraire , ont été représen- tés par deux anciens Italiens , c’est-à-dire par Mercati , arcliiâtre de Sixte Y, et par Moscardo , naturaliste de Vérone. Le premier donna la figure d’un Crioccras à la page 39 de l’Appendice à sa Metüllotheca Vaticana publiée en 1719 par les soins de Lancisio ; le second en figura un autre à la page 178 du Musée qui porte son nom , imprimé à Padoue en 1656 , in-fol. Dans la susdite séance il a été question en outre de Pentacri- nites , vues par M. de Zigno dans le calcaire tertiaire modifié de la vallée Policella , dans le Véronais ; mais on n’ajoute point que j’ai été le premier à en constater l’existenee dans la même loca- lité. En 1823 , j’annonçai ma découverte dans les journaux de Pa- doue et de Pavie ( Férussac , tome IV, p. 35 ) , et six ans après j’ai eru pouvoir assimiler les Crinoïdes du calcaire miocène des Alpes di\\ PentacrUiites caput Medusœ ^ auquel les tiges res- semblent parfaitement ( Gior/i. di Treviso , 1829 Gennajo). Dans ces écrits , je parle par incidence des Crinoïdes de différentes espèces que j’ai détachés de la craie de IVIazzurega (Véronais) et de la craie de Venda dans les collines Euganéemies. M. de Wegmann présente à la Société une carte de Sicile faite par un Français, M. Joseph Sénés, établi en Sicile, et donne lecture de la notice suivante , communiquée par M. le baron de Gussy, consul général de France en Sicile. Quelques notes relatives au sel marin et aux mines de soufre en Sicile . On trouve en Sicile plus de deux cents espèces de marbres , parmi lesquels ceux de Ségeste sont les plus renommés ; des albâ- tres , dont on fait peu d’usage ; une grande quantité ôl agates , que l’on polit à Païenne et dans d’autres villes encore de la Sicile. Les îles de Lipari fournissent des pierres pouces. Près de Messine, on a reconnu l’existence de mines ^aUm , qui ne sont point exploitées. Du côté de Castrogiovani , au centre de la Sicile , le sel gemme est abondant. V ambre jaune est recueilli à rembouebure du Symète, près de Catane , et en moins grande quantité sur d’autres points de la Sicile. On trouve des coraux sur les côtes du district de Tra- pani. Diverses variétés de bitumes existent dans les districts de Leonforte , Cefalù , Castrogirone. On a reconnu, au village de Nisi , dans les environs de Messine , l’existence d’une mine de charbon de terre , qui a été mise en exploitation , mais dont les 256 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. produits sont bien inférieurs en qualité aux charbons anglais. Le gypse est abondant à Leonforte , et celui de Mazara est converti en plâtre. La pierre à chaux est partout , de même que la craie et l’argile , etc. , etc. Mais ces marbres, ces bitumes, ces argiles qui , sur quelques points de la Sicile , offrent des ressources aux popu- lations locales , ne figurent point , d’une manière réelle, parmi les sources de la fortune publique de ce pays. Les marbres de Sicile ornent les palais et les églises de Naples : on en exporte fort peu actuellement ; on exporte peu de poterie de Patti , et fort peu de pierre ponce des îles Eoliennes. Les bitumes ne sont point utilisés ; le sel gemme n’est d’aucun rapport , bien qu’il suffise à la con- sommation des populations groupées autour de Castrogiovani, etc. Mais la Sicile compte, parmi ses éléments d’échange avec l’étran- ger , deux espèces de produits naturels , le sel marin (1) et le sou- fre , au sujet desquels je me propose d’entrer dans quelques dé- tails que je prendrai la liberté de soumettre à la Société géologique de France. Sel marin. — La récolte du sel marin se fait sur le littoral de Trapani et de Marsala , et dans le district d’Agosta , sur la côte orientale de la Sicile. Les salines de Trapani et de AJarsala sont au nombre de vingt-six; celles d’Agosta au nombre de six. Les premières produisent annuellement , terme moyen , 120,000 salines ( 330,000 hectolitres); les autres, 6,500 salines ( 17,875 heetolitres) . Les années de grande récolte voient le chiffre des pro- duits s’élever ^un tiers en sus. Les pluies d’automne occasionnent sur la récolte une diminution de 18 p. 100. Le tiers des produits est consommé en Sicile. Il a déjà été dit plus haut que les popula- tions des environs de Castrogiovani font usage du sel gemme. Les deux autres tiers sont exportés par les pavillons autrichien, sarde, russe et norvégien. Le prix commercial du sel marin varie de 9 à 12 tarins par saline de dix-huit tuncoli , ou 3 fr. 95 cent, à 5 fr. /i9 cent, pour 2 hectol. 75. D’où il résulte cjue la production moyenne du sel marin représente une valeur annuelle de 108 à lùùjOOO ducats napolitains , ou A75 à 633,000 francs. L’exploita- tion du sel marin emploie de cinq à huit cents hommes pendant (Fj Si le sel gemme , qui existe partout où il y a du soufre , était ex- ploité, j’aurais joint à ce travail quelques détails sur cette nature de sel; mais, denrée sans valeur, elle n’est guère exploitée que parles populations des environs, attendu l’éloignement où les gisements se trouvent de la mer et la cherté des transports. Dans l’état actuel des choses, on n’exporte pas au-delà de 100,000 quintaux métriques de sel gemme, qui sont dirigés sur Constantinople. SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE 257 le temps de la récolte , et la moitié environ pendant le reste de l’année. Soufre. — L’extraction et l’exportation des soufres forment une des branches importantes du travail intérieur et du commerce extérieur de la Sicile. Les terrains où l’on rencontre les mines de soufre sont nombreux ; ils sont plus particulièrement situés dans la partie méridionale de File , et s’étendent jusque vers le centre (voir la carte de M. Senès indiquée ci-dessus p. 207). Ils embras- sent de cette sorte les contrées renfermées entre le mont Etna , le mont Mannaro, le mont Castrogiovani, les montagnes de Cianivana et Catholica, et la côte méridion?ile de File sur laquelle se trouve la province de Girgenti. Toutes les mines qui ne sont qu’à la dis- tance de 20 à 30 milles ( 28 à àO kilomètres ) des côtes sont en pleine activité. Les mines des environs de Castrogiovani sont trop éloignées de la mer pour pouvoir être exploitées avec avantage , attendu la dilïiculté et la cherté du transport. Il faut toutefois faire exception de l’abondante et riche mine de Gallizzi , dont le produit a représenté , pendant de longues années > le tiers de la production du soufre de la Sicile, lorsque la production totale ne s’élevait encore qu’à 300,000 cantares , ou 23,802,000 kilo- grammes. Les mines les plus importantes sont , dans la province de Calta- nisetta : Grotta Calda , Floristella , Gallizzi , Sommatino , Stim- mone , Apaforte ; dans la province de Catane : Muglia , Zimbalia ; dans la province de Girgenti : Canatone , Lucia , Crocilla , Man- divazzi , Pernice , Montegrande. Ces deux dernières sont le plus anciennement découvertes et exploitées. A l’exception de la mine de Montegrande , cpii est à 1 mille de la mer (un peu plus de 1 ki- lomètre), les soufrières les plus rapprochées du littoral sont encore à la distance de 10 à 12 milles (12 à 16 kilomètres). Le soufre se trouve quelquefois par niasses et comme un dépôt formé par la nature , mais le plus ordinairement par veines , à une profondeur moyenne de 60 pieds (environ 19 mètres). Les indices de son existence sont , à la surface , des couches de plâtre pulvérisé par les vapeurs sulfureuses qui s’échappent du sein de la terre ; ces plâtres brûlés ou calcinés sont nommés , en Sicile , Briscali. Longtemps exploitées sans être soumises à une direction intelli- gente , plusieurs mines ont été envahies par l’eau par Infante des mineurs. A cette époque, le soufre n’était extrait qu’en petites quantités , car il n’était encore employé qu’en médecine et pour la fabrication de la poudre à canon ; mais l’exploitation des mines Soc. qéol. , '2'^ série, tome lY. 17 258 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. a reçu une meilleure direction et a pris un plus grand essor, lorsque la découverte de la soude factice obtenue par la décom- position du sel marin au moyen de Facide sulfurique , et l’emploi du soufre dans la fabrication de divers produits chimiques ( la poudre à blanchir, le savon , etc.) , ont fait de ce corps simple un article important d’exportation pour la Sicile : l’acide sulfurique étant devenu , pour les manufactures , un élément essentiel de fabrication , sans lequel la plupart de leurs opérations seraient impraticables , il devait se trouver des hommes qui chercheraient à accroître les produits de l’exploitation des mines de soufre de la Sicile ; c’est en eifet ce qui a eu lieu : des Sociétés se sont formées, les propriétaires de mines ont compris tout l’intérêt qu’ils pour- raient tirer d’une exploitation mieux entendue , et , pendant les quinze dernières années qui se sont écoulées, l’on a vu la quantité du soufre s’élever à plus du double du chiffre quelle présentait c/? 1830. Les mines de soufre occupent , en Sicile , à l’exploitation , 3,000 hommes et Zi-,000 enfants; aux transports , 3,000 muletiers (hordonari) et 10,000 bêtes de somme. Dans quelques localités, les transports peuvent être effectués par le charroi. Les mines livrent annuellement, terme moyen, ft, 800, 000 à 5,000,000 de eau tares de minerai ( 379,260,000 à 395,100,000 kilogrammes. Presque toujours couvert d’une couche de concrétions calcaires, le soufre se trouve combiné avec d’autres matières dont on le sépare en le brûlant dans des foru’s ouverts (1), en maçonnerie, appelés calcare ^ qui reçoivent chacun 36 cantares ( 2,500 kilo- grammes). En général , on fait couler le soufre liquéfié dans des baquets en bois ^ où on le laisse refroidir et acquérir de la consis- tance , procédé qui offre le double inconvénient de faire perdre une forte partie des produits et de laisser échapper une grande quantité de gaz acide sulfureux qui détruit toute espèce de végé- tation dans les environs des mines. Toutefois , il existe quelques mines où l’on a introduit des procédés plus intelligents et plus avantageux : la fusion du minerai obtenue au moyen de machines cjui la rendent plus facile , plus productive , et nullement nuisible à la culture des terres environnantes, représente 1/7 dan§ la pro- duction générale du soufre fl) : la combustion des 6/7 du minerai a encore lieu à l’air libre. (1) Ce mode de brûler le soufre en plein air, ou à air ouvert, remonte aux Sarrasins. (2) Ce sont des appareils entièrement fermés , que l’on pourrait nom- 259 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. Le résultat de la combustion du minerai détermine la classifica- tion des mines en extraordinaires lorsque le minerai produit 25 p. 100 de soufre , en riches lorsqu’il rend 20 p. 100 , en bonnes lorsqu’il donne 15 p. 100, en médiocres lorsqu’il ne livre que 8 p. 100. Au-dessous de ce produit net du minerai , la mine qui le fournit est réputée maiwaise. En thèse générale , on peut ad- mettre que le minerai extrait annuellement des mines de la Sicile rend, terme moyen ^ 16 p. 100 de soufre, et que la fusion livre chaque année au commerce 800 à 900,000 cantares, ou 63,216,000 à 71,118,000 kilogrammes. Les qualités du soufre sont connues dans le commerce , en Sicile, sous les dénominations de sortira , 1'® Licata , 1*’® qualité ; 2® avan- tageuse, 2® honne, 2® courante, 2® qualité; 3® avantageuse, bonne, courante, 3® qualité. Mais , en réduisant ces qualités subdivisées à trois dénominations générales de 1'’®, 2® et 3® qualité , la propor- tio/i du soiijre obtenu par la combustion et La jusion serait environ celle-ci : 1'® qualité, 3/16; 2® qualité , 7/16 ; 3® qualité, 6/16. Le prix de revient (1) est à peu près le même dans toutes les mines, quelle que soit la qualité du minerai , c’est-à-dire de h à 5 tarins par cantare de soufre à la mine (fr. 1,80 à 2,25 par mer Chambres de fusion de Rourre-Pelous , du nom des Français qui en sont les inventeurs. L’appareil Durand est une espèce de four ayant une ouverture au centre de la voûte. Mais , avec ces divers ap- pareils, c’est toujours le minerai de soufre cpii sert de combustible , l’emploi du charbon ou du bois étant trop coûteux. Ainsi, dans la combustion à l’air libre, le minerai sacrifié pour obtenir la liquéfac- tion de la masse entassée par couches dans les ccdcare est placé au- dessus , formant une couche de minerai pulvérisé; avec les appa- reils Pelons Qi Durand , le minerai servant de combustible est placé dessous l’appareil. Le prix de revient est, en moyenne, de 4 à 5 tarins le cantare de soufre (79 kil. 34) à la mine. Dans certaines mines dont le minerai est friable, et, par conséquent, d’une facile extraction [minerai riche et d'un fort rendement) , le soufre ne coûte, à la mine, que 2 tarins par cantare (fr. » 90 c. par 79 kil. 34) , et même moins; tandis qu’il coûte 6 , 8 et 9 tarins le cantare , à la mine , ( fr. 2 70,3 60,4 05) , lorsque celle-ci est sous eau et que le minerai est dur et maigre. Le prix commercial , sous vergues , c’est-à-dire tous frais faits au moment de quitter le port, est. Pour la 1‘® qualité, de 1 4 tarins par cantare , fr. 6 30 pour 79 kil. 34. 2® qualité, 13 — — ' 5 55 id. 3® qualité, 11 — et5gr. — 5 17 id. Il n’existe plus , d’ailleurs, de droit de douane à l’exportation. 260 SÉANCÈ DU 7 DÉCEMBRE i8Zl6. ■’Okil. 34); celui du transport varie , selon l’éloignement du port d’embarquement et les difficultés de la route , de 1 à 7 tarins par cantare ( fr. 0,45 à 3,15 pour 79 kil. 34). La consommation intérieure est quasi nulle et n’entre point dans les calculs des producteurs ; le commerce d’exportation est leur unique débouché et la source de leurs bénéfices. On charge des soufres pour l’étranger dans plusieurs ports et rades de la Sicile , à Terranova, à Siculiana, à Païenne, à Messine , à Catane ; mais les ports où le commerce d’exportation du soufre est dans toute son activité , et où le plus grand nombre des batiments étrangers viennent former leur cliargement , sont IJcata et Gir- gcnti. 11 a été dit plus haut que le chiffre de l’exportation a plus que doublé depuis quinze ans. En effet, il était, en 1830 , de 350,000 cantares ( 27,769,000 kilogrammes ) ; en 1832 , de 400,890 cantares (31,806,612 kil.) ; en 1835, de 663,595 cantares ( 52,649,627 kil.). Or, il s’est élevé, en 1843, du 1®‘' novembre 18^2 au mois de décembre 1843, c’est-à-dire pendant quatorze mois , à 1,200,000 cantares ( 95,208,000 kilograin.) ; en 1844 , à 845,842 cantares (66,789,917 kil.); en 1845 , à 552,556 cantares (43,651,950 kil.), (les expéditeurs ayant suspendu leurs envois vers le milieu de l’année, réservant tous leurs efforts 1846, époque à laquelle a commencé Y abolition du droit d’ exportation). Ou , terme moyen pour les trois dernières années , 800,000 can- tares (63,472,000 kilogrammes ). Sans la circonstance signalée pour l’année 1845, le terme moyen se serait peut-être élevé à 900,000 cantares ; mais , en admettant ie chiffre moyen réel que présentent les trois années 1843, 18à4 et 1845 , voici pour quelle part les puissances ci-après dénommées doivent figurer dans l’exportation. SÉANCE Dü 7 DÉCEMBRE 261 Quulilës. France. Gi laiile-Bi elagne. Étals Unis de l’Aniërique septentrionale. Autres. kÜ. kil. kil. kil. l*c 2,38Ü,“JÜ0 4,760,400 3,175,600 1,586.800 2e 7,934,000 15,868,000 795,400 5,173,600 5» 15,868,000 6,347,200 » 1 ,586,800 26,182,200 26,975,600 3,967,000 6,347,200 1 En 1815 l’exportation s’es ;l partage'e comme il suit : 1-e ' i [ 14,642,7o0 18,06-2,100 3,011,600 7,955,600 5e ' T otal en 1845 ; 43,651,950 kilogramme s. Dans sa lettre qui accompagnait l’envoi de la communication qui précède M. de Gussy écrivait à M. de Wegmann ; « Un bâtiment qui est en route pour Palerme m’apporte de Gir- genti quelques échantillons de soufre cristallisé -, s’il en est qui soient dignes de vous être offerts, à vous, mon vieil ami , pour votre collection particulière, et à la Société géologique pour les siennes , je ne manquerai pas de vous les faire parvenir. » M. Bayle lit la note suivante extraite d’une lettre de M. Matheron à M. le marquis de Roys. Sur les terrains traversés par le souterrain de la fertile près Maj^seille ^ par M. Matheron. Marseille, 22 avril 1846. Avant peu j’espère adresser à la Société quelques Mémoires sur des questions d’un assez haut intérêt , et notamment un travail sur le souterrain de la Nerthe, que l’on creuse en ce moment aux en- virons de Marseille pour le passage du chemin de fer. Voici , sur ce souterrain , quelques notions préliminaires que je suis heureux de pouvoir vous donner, en vous laissant la liberté de les commu- niquer ou non à la Société. 262 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. Pour pénétrer dans le bassin de Marseille , le cheniin de fer d’Avignon doit traverser la cliaîne de montagnes de l Etoile , qui limite au N. le bassin de Marseille , et dont le prolongement occi- dental , qui prend le nom de cliaîne de l’Estaque , sépare le liassin de Marignane ou des Pennes , dépendant de la vallée de l’Arc , du bassin de Léon , qui appartient au bassin de Marseille , et dans lequel le chemin de fer débouchera tout près du bord de la mei-. Le souterrain aura Zi,600 mètres de longueur. 11 est situé à 50 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Vingt-quatre puits, dont le plus profond a 186 mètres, sont cieusés, à l’excep- tion de deux , qui ne sont point terminés encore. Le travail de la galerie est fort avancé, et déjà la communication est établie entre divers puits. Il résulte des observations que j’ai faites , soit à l’extérieur sur la ligne du souterrain , soit dans l’intérieur des puits et des gale- ries qui sont creusées, que la majeure partie du souterrain est ou sera creusée dans les couches des formations secondaires. C’est d’abord, vers la tète N. du souterrain, le terrain crétacé parfaitement caractérisé , avec des fossiles bien remarquables ; puis un lambeau de terrain néocomien , c’est-à-dire des couches de calcaire mar- neux , analogues à celles de la Bedoulé , près de Cassis et d’Escra- gnolle , dans Je Var. Vient ensuite une énorme faille , remplie par un lambeau de terrain tertiaire , dont les couches inclinent forte- ment et en convergeant vers le milieu de la faille. Ce terrain ter- tiaire , qui appartient à notre grande formation à lignite , laquelle , je crois l’avoir démontré ailleurs, est, dans notre pays, l’analogue des terrains tertiaires inférieurs de Paris , est remarquable par une couche de brèches à fragments calcaires un peu roulés , liés entre eux par un ciment marneux fort noir, renfermant des co- quilles fossiles appartenant aux genres ünio^ Melanopsis ^ Ccrithiiim et Amjjidlaria , des fragments de bois fossile ayant souvent con- servé les caractères de l’écorce , et des ossements de Sauriens et de Chéloniens. Ces Sauriens sont : un crocodile bien car^ictérisé ; j’ai des frag-' ments de fémur, des vertèbres et de nombreuses dents ; un reptile qui doit , je crois , former un genre nouveau , et dont malheureusement toutes nos reclierches n’ont pu faire trouver une dent bien conser- vée. Cet animal , dont je possède des os bien e n actérisés , et surtout un humérus , des vertèbres et un fragment de maxillaire , était d’une taille colossale. Je l’étudie, et comme je n’ai point encore terminé de débarrasser de leur gangue tous les fragments qui ont été trouvés et religieusement conservés, je ne puis rien vous dire SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 263 de plus à ce sujet. J’ajouterai toutefois qu’un fragment de dent a été trouvé , et que ce fragment rappelle les dents figurées dans Cuvier, pl. CCXLIX, fig. 32. Toutefois, ce n’est point la même dent. Le Chélonien appartient au genre Trionyx. Après la couche à. Sauriens, viennent des couches argileuses, des brèches , etc. ; puis , en stratification concordante , le calcaire connu sous le nom de calcaire à Ciiama ammonia , qui est brisé sur plusieurs points , et qui présente à toutes ses grandes fractures des traces manifestes de métamorphisme. Après ce calcaire, dont cette partie apparente a été évidemment détachée de couches qui sont restées invisibles , et qui ont été renversées presque totalement dans une grande faille de soulèvement , arrive , sur une longueur de près de 800 mètres , un amas de couches brisées et métamor- phiques. C’est le comblement de la grande faille faite avec des matériaux de divers étages jurassiques, et qui se présentent très peu souvent à l’état de pureté et presque constamment à l’état de dolomie ou de brèche dolomitique. C’est dans cette étendue que les phénomènes métamorphiques sont on ne peut plus intéressants à étudier. Je donnerai, dans un travail que je fais à ce sujet, la démonstration mathématique de couches basiques transformées, ici en calcaire cristallin d’un blanc éclatant, là en dolomie plus ou moins friable , plus ou moins riche en magnésie , plus loin , en calcaire magnésien traversé par des veines d’oxyde de fer. Je ferai voir des couches qui n’ont été qu’en partie modifiées, et enfin je démontrerai que la dolomie qu’on rencontre là est métamorphique. La grande faille où se présentent ces phénomènes est une faille de soulèvement ; les couches de ses bords sont presque verticales , et celles qui Font comblée , du moins celles qui ont conservé des traces de stratification, sont-elles moins fortement inclinées, et, chose remarquable , ce sont les plus inclinées qui sont celles qui ont le plus changé de nature , tandis que des lambeaux de terrain qui sont restés dans une position se rapprochant de l’horizontalité sont peu modifiés , et ne le sont souvent que vers les extrémités du lambeau, là où se présentent des crevasses ou failles de deuxième ordre. Après ces couches métamorphiques , le terrain présente , sur 1,400 mètres environ , une série de couches jurassiques correspon- dant à une épaisseur verticale de 1,200 mètres environ. Ces cou- ches jurassiques sont la partie supérieure du lias, des couches noirâtres correspondant à Foolite inférieure, d’autres calcaires, toujours plus ou moins noirâtres, plus ou moins séparés par des lits d’argile , qui correspondent à Fargile d’Oxford; enfin, au- SÉANCE UU 7 DÉCEMBRE l8/i6. dessus , ce calcaire gris , si cominiiii dans le S.-E. de la France , et que tous les géologues s’accordent à regarder comme le corres- pondant du coral-rag. Cette coupe jurassique démontre jusqu’à l’évidence combien est erronée cette opinion , assez généralement admise , que le ter- rain jurassique est peu développé en Provence. J’ai toujours com- battu cette opinion. Notez , je vous prie , qu’il ne saurait y avoir le moindre doute , pas plus au sujet de la nature géognostique du terrain que sur son épaisseur ; car l’épaisseur est déduite de me- sures directes par trop exactes pour une send)lable question , et celle de la nature du terrain est établie par le Spirifer Valcotii et le Pccten prisais trouvés vers la base, le Belemnites hastatas et autres fossiles bien caractéristiques trouvés vers la partie moyenne. Tout à coup , après ce terrain jurassique , se présente une faille d’affaissement remplie par de la dolomie : c’est le terrain jurassique qui a subi là une action métamorphique. Ce fait est démontré par les travaux qui ont atteint des couches dont le prolongement cor- respond à des couches d’une nature minéralogique très différente. Puis, après cette faille , qui a près de 300 mètres de largeur , se présente le calcaire gris , correspondant au coral-rag, lequel est là peu incliné , et cela dans un sens opposé à celui de l’autre coté de la faille. Enfin, vers la tête méridionale du souterrain, il existe une autre grande faille , qui a été comblée par des land^eaux de terrain jurassique et par le calcaire à Chaîna anunonia. Là , tout est bouleversé; les phénomènes métamorphiques ont étendu leur action sur tous les calcaires qui ont été soumis à leur influence. Le calcaire à Chaîna anunonia a été transformé en sable magné- sien contenant jusqu’à ki p- 100 de carbonate de magnésie. En suivant la faille et en s’éloignant de l’axe du souterrain , ce calcaire perd peu à peu ce caractère ; il devient moins magnésien , plus compacte ; plus loin , la magnésie diminue encore davantage en quantité , et l’on commence à apercevoir des traces de fossiles dont les lits n’ont point été entièrement détruits par les phénomènes métamorphiques. Enfin , plus loin , les fossiles deviennent plus ap- parents , et ils le deviennent tout à fait là où la roche est dans son état normal. Cette dernière faille est d’autant plus intéressante à étudier qu’elle donne l’àge géognosticjiie du soulèvement à la suite duquel paraissent avoir eu lieu les phénomènes métamorphiques. En effet, des calcaires appartenant à un terrain lacustre qui est l’analogue du terrain à Gryphées d’Aix ont eux-mêmes été, sur quelques points, changés en dolomie. SÉANCE DL 7 DÉCEMBRE 18 A6. 265 Vous voyez , monsieur, d’après cet exposé, trop long sans doute pour faire le sujet d’une simple lettre , mais, dans tous les cas , bien imparfait au point de vue scientifique , que les travaux du souterrain de la Nerthe doivent donner la démonstration de plu- sieurs questions encore controversées. Il y a là question de soulè- vement et de failles , question de l’épaisseur du terrain jurassique, mais surtout question de métamorphisme. En étudiant cette ques- tion , je n’ai point du, cela est évident , me borner à l’examen de la ligne du souterrain. J’ai visité la chaîne de l’Estaque sur tous ses points , et partout j’y ai vu l’image du bouleversement. Ici c’est un lambeau de terrain néocomien bien caractérisé ; là c’est le gault avec ses hioceramus concentriciis et sidccitiis. En suivant la chaîne, j’ai trouvé la position où se présente le point de départ de plusieurs failles qui vont en divergeant. Mon travail à ce sujet est très avancé. Une grande coupe de 2ù mètres de longueur présentera, à l’échelle de 0“’,0Ü5 par mètre, toutes les couches traversées. Tous les échantillons sont conservés , et la collection géognostique que je forme pour radministration éclairée du chemin de fer, sous les auspices de M. Talabot, son savant directeur, présentera, je crois, de l’intérêt; car les très nombreux échantillons qui la constitueront auront tous été re- cueillis sur place même dans des points déterminés d’une manière géométrique , et seront d’ailleurs accompagnés d’indications de toute nature sur l’inclinaison , la direction , le jour de l’attaque de la couche , le puits par lequel les déblais de cette couche seront sortis du souterrain, etc. Puisque j’en suis à vous parler des observations faites sur nos travaux , permettez-moi de vous dire un mot de la découverte d’un reptile monstrueux , dont les débris ont été trouvés dans une fouille d’emprunt pour le chemin de fer, aux environs de Rognac, non loin de l’étang de Berre. Cette fouille a été faite dans un terrain d’argile plus ou moins arénacée et micacée , dépendant de l’étage moyen de la grande formation à lignite. On a trouvé là des ossements dont plusieurs fragments ont dii être brisés par des ou- vriers ignorants. Toutefois , la perte n’a pas du être considérable, car les employés s’aperçurent de suite du fait. Je fus prévenu , et différentes fouilles faites ad hoc , à diverses reprises , m’ont procuré un os de 80 centimètres de longueur, qui paraît être un cubitus. Je dis qui paraît être, parce que les extrémités sont mal conservées, à en juger par la forme elliptique de la section faite sur la partie moyenne de cet os ; et en jugeant par la comparaison avec les os du crocodile , on est obligé de rejeter tout rapproche- 266 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. ment avec un tibia ; et comme l’os ne présente rien qui permette de l’assimiler à un radius , à un humérus , pas plus qu’à un fémur ou un péroné , je suis amené à le rapprocher d’un cubitus. A côté de cet os était une autre pièce moins longue, mais tronquée, qui paraît être un radius. Un autre fragment paraît être le milieu de rhumérus ou du fémur. Deux magnifiques vertèbres, de 13 centimètres de longueur, ont été recueillies. Elles sont d’une très belle conservation , et pré- sentent des caractères extrêmement remarquables. Elles ont dû appartenir à la queue de l’animal, et comme elles sont très courtes par rapport à leur diamètre , et que d’ailleurs elles sont déprimées dans le sens vertical , elles démontrent d’abord qu’elles ont appar- tenu à un animal qui n’était point un crocodile , et en second lieu que la queue de cet animal , quel qu’il ait été , devait être pro- portionnellement plus courte que celle du crocodile. Ces vertèbres ont d’ailleurs beaucoup d’analogie avec celles du crocodile. Elles n’ont point d’apophyses transverses, mais la place de ces apo})hyses est indiquée par une saillie rudimentaire bien conservée, qui est, je crois , l’indication certaine d’apophyses transverses dans des vertèbres plus antérieures. L’apophyse épineuse manque aussi et n’a certainement jamais existé , et les apophyses articulaires sont remplacées , antérieurement , par des points ou cônes obtus et di- vergents , et postérieurement , par une saillie impaire et médiane qui est fracturée dans les deux échantillons recueillis. Cette saillie et les deux points obtus antérieurs sont le prolongement horizontal de la saillie obtuse qui forme au-dessus du corps de la vertèbre la partie annulaire qui forme le canal rachitique. J’ai d’autres fragments , mais le temps m’a manqué pour les assembler et les réunir en corps. J’ai surtout de belles plaques de Trionyx , et des plaques qui ont certainement appartenu à un reptile. A en juger par les dimensions du cubitus présumé que j’ai sous les yeux, le reptile de Rognac , s’il avait quelque rapport de forme avec les crocodiles, devait avoir, queue non comprise , 10 à 12 mètres de longueur ; ajoutez à cela une queue , toute pro- portion gardée , moins longue que celle du crocodile , et vous arriverez à un reptile de 18 à 20 mètres de longueur. Je passe maintenant à une autre question. Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire dans le temps pour me demander quelques renseignements sur le terrain à Nummiilites de Provence , ou plu- tôt sur le terrain que j’ai signalé à la base de notre grande for- mation à lignite. Dans votie lettre, vous m’exposez vos vues sm SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 267 les lignites de Saint-Paul et sur nos terrains tertiaires. J’ai vu avec la plus vive satisfaction que nos idées se rencontrent parfai- tement, et comme vous , monsieur, je ne comprends pas que des esprits aussi éclairés que telles personnes que je pourrais citer nient eneore la similitude complète, absolue, du gypse d’Aix avec celui de Paris , et le parallélisme de notre terrain à lignite avec le calcaire grossier et l’argile plastique des bassins océa- niques. Dès 1832 , j’écrivais aaiis les Annales des sciences du midi de la France^ tome III, page 55, qu’il existait à la base de notre terrain à lignite une assise marine , passant peu à peu aux couches lacustres. A l’époque de la réunion géologique à Aix , je fis re- marquer cette couche âmes savants eollègues présents à la réunion, et à la Fare j’eus la satisfaction de leur faire reeueillir des échan- tillons qui présentaient à la fois des Huîtres , des Cardium et des Mélanopsides. Depuis cette époque j’ai fait bien des courses pour vérifier des points douteux à cet égard et pour me former une conviction au sujet d’une opinion que je n’osais point présenter à cette réunion , par la raison bien simple que j’étais encore dans le doute , et que je n’avais pas une localité bien caractérisée à mon- trer. Le sujet en valait la peine. Je sais , hélas I par expérienee , ce qu’il en coûte pour faire admettre une opinion qui n’est pas celle généralement reçue , et je sais de plus , toujours par expérience , que les discussions qui s’élèvent à cet égard ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être. Et d’ailleurs , comment oser attaquer des opinions établies , reçues par tous ou presque tous, lorsque pré- cisément, à cause de cette admission , la prudence vous rejette dans le doute? Ainsi, je le répète, j’ai revu les lieux, j’ai bien étudié la question ; et dussent trouver étrange ce que j’ai à dire ceux qui, sans voir les lieux que je cite, ne veulent pas ’ad- mettre, j’aurai le courage de le dire. Je répéterai donc ce que j’ai dit ailleurs : que rien au monde ne peut justifier l’opinon énoncée par ceux qui prétendent que notre terrain à lignite est lié à la mollasse marine. Cette erreur est d’autant plus grave qu’il existe entre ce terrain et la mollasse tout le dépôt gypseux d’Aix, lequel, pour le répéter en passant , n’est autre chose que le gypse de Paris. Mais il y a plus en l’état de choses; je dis non seulement qu’il existe à la base de notre terrain à lignite des couches marines , mais j’ajoute que ce terrain, marin par sa base, passe peu à peu au terrain crétacé. Je ne puis, dans une lettre déjà trop longue, déve- lopper tout ce que j’ai à dire à ce sujet. Cela fera le sujet d’un mé- moire; mais voici en résumé ce que mes observations m’onî *268 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. lourni. Et d’abord, je dois rectifier une erreur que j’ai coniniise , et puisse M. d’Orbigny être convaincu, par cette déclaration, que, contrairement à ce qu’il m’a fait l’honneur d’écrire sans me con- naître 5 je ne suis pas du nombre de ces personnes qui s’obstinent à défendre une erreur par cela seul qu’ils Font commise. Vous savez peut-être que j’ai indiqué dans le terrain crétacé un étage de grès vert que j’ai appelé craie ligno-marneuse ; peu importe le nom ; le fait est qu’il existe au-dessous des grès et calcaires chlorités d’Ucliaux et de Mornas, dont nous avons les correspondants dans les Bouches-du-Rhône , des couches de marne noirâtre , bitumi- neuse , renfermant du lignite en plus ou moins grande quantité. Ce terrain se montre sur quelques points dans les Bouches-du- Rhône , et notamment sur les bords de l’étang de Berre. Eh bieni l’erreur que j’ai commise est celle-ci : j’ai rapporté à cet étage la majeure partie des couches du terrain crétacé du Plan d’Aups, des conciles qui se montrent à la Cadière , etc. C’est une erreur, (ies couches sont supérieures aux Hippurites et Nummulites qui ter- minent notre série crétacée proprement dite. Je donnerai des coupes pour démontrer ce fait qui devra faire changer la posi- tion géognostique de divers fossiles décrits par M. d’Orbigny et par moi, et notamment la Tarritclla Coquandinna^ la Voliita pyridoi- des , la Tarritclla j uni culo s a , X Arcn alata , X Area lœvis , etc. , etc. Toutes ces espèces n’appartiennent pas à la craie ehloritée ; elles sont renfermées dans des couches supérieures aux dernières cou- ches d’Hippurites et de Nummulites crétacées. Voici ce que deux coupes ont établi à mes yeux d’une manière péremptoire. Au-dessus des Hippurites et de toutes les couches offrant les caractères crétacés proprement dits vient une assise qui renferme encore quelques espèces crétacées, le Pecten quinque- costatLis , par exemple , mais qui présentait déjà des formes se rapprochant des formes tertiaires. Je n’y ai rien vu qui soit iden- tique avec les espèces du ealcaire grossier parisien. A cet étage doivent être rapportées les espèces que j’ai eitées ci-dessus, quel- ques autres qui sont décrites , et un grand nombre d’espèces iné- dites et que je ferai connaître dans mon travail. Au-dessus vient un banc d’Huîtres qui est quelquefois remplacé par une lumachelle renfermant des espèces peu faciles à déter- miner. L’Huître est l’espèce que j’ai appelée Ost. galloprovincialis. .Te l’ai citée comme appartenant à la craie supérieure. Au-dessus arrivent des Mclanupsis ^ puis la même espèce d’Huître mêlée à des Cardhims inédits; puis des Cxrènes et des Melanopsidcs ) puis encore des Cardia ms et des Huîtres , puis de nouvelles Mehaupsi- 269 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 AO. des. Or , tout cela est tellement arrangé , tellement concordant, tellement inséparable , qu’il est fort difficile de tracer une ligne de démarcation entre ce qui appartient à la craie et ce qui appar- tient au terrain à lignite. Eh bien I monsieur, si vous remarquez que M. Leymerie parle des Hippurites et des Nummulites qui leur sont associées formant un système inférieur à ce qu’il appelle terrain épicrétacé ; si vous remarquez que ce terrain épicrétacé passe, par sa partie supérieure , à un terrain lacustre , ne serez - vous pas frappé , comme moi , de l’analogie de position qui existe entre ce terrain et celui du Plan d’Aups? C’est là, en effet , ce que je crois admissible ; seulement , il résulte des faits observés que notre terrain à Nummulites ne présenterait pas de fossiles appar- tenant à ce genre. Il est donc constant, à mes yeux, qu’il existe au-dessus des Hip- purites et Nummulites crétacés proprement dits, et au-dessous du lignite, des couches particulières dont les caractères sont variables suivant les lieux, fait qui démontre, je crois, l’influence des localités et qui doit porter à admettre déjà pour cette époque des petits liassins , estuaires, etc. Il ne serait donc peut-être pas impossible d’admettre que ces couches appartiennent à une époque de tran- sition ; mais c’est là une question sur laquelle , je l’avoue , il s’en faut de beaucoup cj[ue j’aie une opinion arrêtée. Je vais revoir di- verses localités , étudier avec soin tous les détails géognostiques et paléontologiques des couches que j’aurai occasion d’observer ; après cela, peut-être pourrai-je me hasarder à vous dire ce que j’en pense. M. le secrétaire lit une lettre de M. Mousson à M. de Char- pentier. Lettre de M. Albert Mousson , professeur de physicpie et de mathématiques a F Université de Zurich, a M. le professeur Jean de Charpentier , direeteur des mines du canton de Vaud. ^ Zurich, 29 avril 1846. Dans la notice que vous avez publiée l’année dernière , dans le l)ut de réfuter la théorie qui attribue à une fonte subite de glaciers les phénomènes erratiques , vous faites oljserver avec raison que ce moyen serait insuffisant pour rendre compte de la masse d’eau nécessaire au transport des blocs. La disproportion entre la cause qu’on admet et l’effet qu'il s’agit d’expliquer devient évidente lorsqu’on réfléchit au volume d’eau qu’il faudrait pour former et 270 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. pour entretenir, ne fùt-ce que pour quelques minutes , un courant de quelques mille pieds de profondeur et de quelques cents pieds de vitesse par seconde , et cela sur toute la largeur d’une vaste vallée. Cependant vous n’avez pas voulu vous arrêter à une appré- ciation vague qui , à la vérité , pourrait suffire aux personnes auxquelles les considérations de ce genre sont familières , mais qui ne contenterait peut-être pas la majorité des géologues. Vous avez donc désiré soumettre le phénomène à une évaluation numé- rique. Ainsi que vous l’avez judicieusement indiqué , la question physique revient à un des deux problèmes suivants : Déterminer le temps nécessaire à la jusion d'une masse donnée de glace ; ou bien trouver la masse de glace qui , dajis un temps donné ^ pourrait être convertie en eau. En vous exposant mes idées sur ce sujet , en apparence très simple , mais en réalité très compliqué, je dois protester d’avance contre la prétention que l’on pourrait me supposer de vouloir vous donner de ce problème une solution rigoureuse et à l’abri de toute objection, bien au contraire , je ne vous donne mon calcul que comme une approximation éloignée , mais qui dans l’état actuel de la science me paraît la seule possible. Quelques mots suffi- ront , je pense , pour faire ressortir non seidement la vérité de cette assertion , mais aussi pour justifier la voie indirecte que j’ai choisie pour tourner en quelque sorte les difficultés qui se présentent dès qu’on essaie de résoudre la question directement . Tout physicien auquel vous soumettrez ces questions sera embar- rassé d’y répondre, et sera forcé d’avouer, après mûr examen , que la science manque encore de données assez positives pour servir de base à un calcul tant soit peu rigoureux. En effet, il s’agit ici de températures bien supérieures à celles auxquelles se sont arrêtées les recherches des piiysiciens , de températures qu’il est même impossible de déterminer avec quelque exactitude au moyen des instruments dont nous disposons. En outre , dans la plupart des expériences sur les effets de la chaleur on n'a eu en vue que l’état initial et final des corps soumis à l’expérience , sans s’occuper de la manière dont les changements s’y sont opérés ; en conséquence, on n a ioesuré que des poids, que des températures et des quantités de chaleur, mais on a négligé un quatrième élément, \o, temps ; élément sur lequel portent justement les questions dont il s’agit. Il n’y a réellement que le pro]3lème du refroidissement des corps qui ait été soumis à un examen plus approfondi ; mais les lois auxquelles il a conduit ne sauraient trouver leur application dans le cas spécial qui nous occupe. 271 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. Ainsi , il faut abandonner le domaine de la physique exacte et tâcher de parvenir par une voie indirecte à une réponse approxi- mative. Or, il me semble qu’on y réussira , en mettant à profit les règles pratiques dont on fait usage dans la physique industrielle. Dans tous les calculs concernant le travail des moteurs et l’écono- mie du combustible , la considération du temps se place en pre- mière ligne. En outre , ces règles ont l’avantage de donner des valeurs approximatives sans exiger une connaissance exacte de tous les éléments qui concourent au résultat. Seulement , pour appli- quer les valeurs trouvées dans un cas à un autre cas , il faut s’as- surer auparavant de la similitude des circonstances et de la conve- nance du rapprochement. La pratique des chaudières à vapeur a démontré qu’avec un chauffage ordinaire on pouvait compter sur une évaporation de 20 à 30 kil. d’eau par heure et par mètre carré de surface chauffée; dans le feu le plus ardent , cette quantité s’élève à 100 kil., et ne surpasse ce chiffre que lorsqu’il y a contact immédiat avec le combustible incandescent : ainsi un mètre carré de surface à 100® centigrades , ou même un peu plus, absorberait en une heure, dans le feu le mieux nourri , la quantité de chaleur nécessaire à l’évaporation de 100 kil. , ce qui, en comptant 550 unités de 11. 1 .1 1, 1 X 550 chaleur latente par kil. d eau , donne rz: 916.4, soit 1000 unités, en une minute. La température du foyer peut être estimée à 1000® Admettons maintenant que l’absorption par une surface de glace s’opère avec la même facilité cpie par une surface de fonte, (ie rapprochement se trouve appuyé par le fait bien connu que , quand il s’agit de foyers dont la température est très élevée , la nature et l’épaisseur des surfaces absorbantes n’exercent presque plus aucune influence , pourvu toutefois qu’en vertu d’un rempla- cement continu du calorique absdrbé la température se main- tienne invariable. Cette condition est remplie dans les deux cas que nous comparons : dans l’un , c’est l’évaporation ; dans l’autre , c’est la fusion qui lend latente la chaleur à mesure qu’elle est absorbée. On peut aussi faire remarquer , au sujet des deux cir- constances qui concourent à la formation du flux calorific[ue , que l’une, le contact avec les gaz brûlants, agit généralement de la même manière sur toutes les surfaces, tandis que l’effet de l’autre , c’est-à-dire du rayonnement , diffère assez peu , soit qu’il s’agisse d’une surface mouillée, soit qu’il s’agisse d’un métal oxydé ou *ll'l SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. noirci. Donc, le rapprochement que nous proposons n’est point aussi arbitraire qu’il le paraît au premier abord ; il faut seule- ment considérer que , la glace étant à O*’, et la chaudière à 100®, l’absorption sera plus forte dans le premier cas, c’est-à-dire qu’elle sera dans le rapport de la différence des températures ; par consé- quent , la quantité du suit que 1 mètre carré de glace , exposé au feu le plus ardent , pourra absorber jusqu’à 1100 unités de chaleur par minute. Cette quantité de chaleur étant employée en entier à la fusion , et chaque kilogramme de glace rendant latentes 79 unités, il en , 1110 résultera par minute une quantité d’eau égale à - ■■ = là, 05 kil. , là. 05 représentant un volume de = O.Olàl mètres cubes. Le ‘ 1000 volume de glace correspondant sera plus grand dans le rapport 10 inverse des pesanteurs spécifiques, soit : — X 9.01àl ou 0.0156 mètres cubes. Distribuée uniformément sur la surface d’un mètre carré, cette quantité répond à une couche de 15.6 millimètres d’épaisseur. Du cas spécial il est facile de passer au cas général. En effet, pour une température de t degrés du foyer, l’absorption chan- gera approximativement dans le même rapport, et restera de plus proportionnelle à l’étendue a^ de la surface exposée au feu et au temps T que durera Faction du feu. La quantité d’eau q produite en T minutes sera par conséquent, en mètres cubes : O.Olàl a2. 1000 T et l’épaisseur d correspondante de la couche de glace, en milli- mètres : 1000 . T (2), formules qui contiennent la solution de l’un des deux problèmes. Pour résoudre le second problème , admettons qu’il s’agisse de calculer le temps nécessaire à la fusion complète d’un cube de glace , dont le côté soit de A mètres , et qui serait exposé à un foyer ayant la température t. Si les six faces sont toutes également chauffées, ce qui , à la vérité, ne saurait avoir lieu, la fusion en SÉANCK DU 7 DÉCEMBRE I8/16. 278 une fraction r/T de minutes sera de 6 X X X t ÏÔÔÔ dT mètres cubes d’eau, ou de 6 X ^156 X mètres cubes de glace. Cette dernière quantité représente en même temps la diminution — 3 a^ a du volume total de glace. Egalant ces deux expressions, on aura — r/a = 2. 0, 156. "l'- intégrant depuis a = A jusqu’à a = 0 , l’on trouvera pour le temps T, nécessaire à la fusion du cube total , en minutes : T = 32. 05.— A t (3). Le temps , comme on voit , est en proportion directe des dimen- sions du cube , et en proportion inverse de la température du foyer. Ce résultat était à prévoir, attendu que la masse à fondre se trouve être proportionnelle au cube des dimensions , et la chaleur absor- bée proportionnelle à la surface ou au carré des dimensions. En définitive , nous voyons cjue dans le foyer le plus ardent des chaudières à vapeur, c’est-à-dire pour une température de 1,000'^ à peu près , 1 mètre cube de glace exige toujours de 30 à 35 minutes pour être complètement réduit en eau. Une masse de glace qui ferait partie d’une nappe étendue , ayant une surface de A mètres de côté , et une épaisseur de D mè- tres, ii’admettra de la chaleur que par ses deux faces supérieure et inférieure. Le temps nécessaire à la fusion totale de cette partie de la nappe sera , en minutes : t \ ou bien le dou]3le de celui qu’exigerait un cube de même gran- denr chauffé sur toutes ses faces; le temps doublerait encore, si réchauffement n’avait lieu que par l’une des faces. Ces formules contiennent, je pense, la réponse aux questions que vous m’avez adressées , et vous fourniront le moyen de trans- crire en nombres la théorie de M. de Collegno. N’ayant pas à ma disposition les données nécessaires pour faire l’application de mes formules, je dois vous en laisser le soin , et me borner aux considérations que je viens de développer sur la partie purement physique de la question. En tennin.uit, je me Soc. génl., série, tome lY. 18 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 27/î perinettiai encore une reinarcpie : l’élément sur lequel porte prin- cipalement l’ineertitLicle est la température du foyer. Avec cette température , varie en proportion directe la quantité de glace fondue , et pour apprécier un peu rigoureusement cette quantité , il faut encore connaître la quantité de calorique employée à la fusion. Cependant il est bien difficile de supposer une chaleur excessi- vement élevée, puisqu’il ne s’agit pas d’un phénomène circonscrit et purement local, mais bien d’un état tliermométrique que l’on suppose avoir envahi de vastes étendues de pays. La même diffi- culté se présenterait avec plus de force encore si l’on voulait, pour obtenir une fusion plus considérable , recourir à l’hypothèse que le sol même sur lequel reposait le glacier avait acquis une tem- pérature incandescente. Ce que nous savons sur la conductibilité de l’écorce terrestre , et les données que nous fournissent les phé- nomènes volcaniques actuels , nous autorise à conclure , au moins pour ce qui concerne l’époque géologique en question , qu’une telle chaleur n’aurait pu se propager et s’établir que très lente- ment , ce qui nécessairement n’aurait produit qu’une fonte lente et progressive, et nullement une fonte instantanée , une débâcle subite et torrentielle , condition indispensable cependant à l’hypo- thèse. Comment, en outre, admettre des températures aussi éle- vées sans qu’elles aient laissé, dans le sol même, mille traces de leur action , du moins dans les endroits qui n’étaient pas atteints par le niveau des eaux ? Plus on veut approfondir le mécanisme du phénomène suivant la tiiéorie de M. de Collegno , plus on s’embarrasse dans des difficultés et des contradictions dont il paraît impossible de sortir. M. le secrétaire lit le Mémoire suivant de M. de Charpentier. Examen de la qu stion : Si les effets produits par les inonda- llons prouvent en faveur de S hypothèse qui attribue les phé- nomènes erratiques a des courants [Mémoire faisant suite à la lettre de M, Mousson) • par M. de Charpentier. Dans un JVIénioire fort intéressant sur les Terrains diluviens des Pyrénées^ publié en 18Zi3 dans leBiiU. de la Soc. géol. de Fr., l"" série, t. Xl\, p. Zi02 , M. de Collegno , pour expliquer les phénomènes erratiques de ces montagnes , adopte l’opinion que M . Elie de Beaumont a émise sur la cause de ces mêmes phéno- mènes dans les Alpes. Ce savant , comme on le sait , croit l’avoir SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 275 trouvée dans des courants qu’il suppose avoir été produits par la fonte soudaine des glaces , qui , selon lui , auraient existé dans les Alpes occidentales au moment du soulèvement de la chaîne prin- cipale de ces montagnes , et qui se seraient fondues instantanément par Faction des gaz chauds auxquels il attribue la formation des dolomies et des gypses. Partant de cette hypothèse , iVJ . de Collegno pense que les phé- nomènes erratiques des Pyrénées sont également dus à des cou- rants occasionnés par la fonte des glaciers opérée soudainement [)ar les gaz chauds qui se sont dégagés probablement à l’instant de l’apparition des ophites , roches qui, avec la lherzolite ou pyroxène en masse , paraissent être les roches éiuptives les plus modernes des Pyrénées. L’observation impartiale des faits ne m’ayant pas permis de me ranger à l’opinion de M. de Collegno , j’ai exposé les considéra- tions qui me la font rejeter dans un mémoire lu, en 1844, à la section géologique du congrès scientihque italien réuni à Milan (1), et qui plus tarda été inséré dans ia BihUotlièifiu' universelle de Ge- nève (2). Parmi ces considérations il n’y en a qu’une qui ait donné lieu à quelque objection , c’est celle qui se fonde sur le degré excessif de température qu’il faut supposer aux gaz , si l’on veut qu’ils aient opéré soudainement la fonte des glaces , température , en effet, tellement élevée, qu’elle aurait instantanchnent converti l’eau en vapeurs sans lui laisser le temps de s’amasser et de former des courants A cette considération M. Elie de Beaumont a cru pou- voir opposer la cause et les effets des inondations occasionnées en 1742, dans les Andes, par la fonte des neiges du Cotopaxi , à la suite de deux éruptions de ce volcan (3). Avant d’entrer dans l’examen de la question de savoir si les effets de ces inondations et la cause qui les a produites peuvent fournir quelque argument en faveur de l’hypothèse des courants , il convient d’abord de déterminer d’une manière approximative le degré de chaleur nécessaire pour fondre dans un temps donné une\ nvasse de glace dont le volume et la force sont connus. j La solution de ce problème difficile étant au-dessus de mes forces et ne se trouvant pas non plus dans les ouvrages que j’ai pu con- ( l) Atti délia sesta reunione degli scienziati italiani , p 539 (2) ZV/-. f 09. Janvier 18 45. (3j Bulletin de la Société géologique de France série , t. If , p. 406. ^276 SEANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. sulter, j’ai eu recours à l’obligeance et à l’habileté de mon savant ami M. Mousson , professeur de physique et de mathématiques à l’université de Zurich. Ce physicien distingué ne tarda pas à m’envoyer une solution aussi approximative qu’on peut l’espérer ilans un problème aussi complexe et vu l’état actuel de la science. Il a consigné dans la lettre qui précède la méthode qu’il a employée , le raisonnement qu’il a suivi et le résultat auquel il est parvenu. Appliquons maintenant les formules de AI. Mousson à l’évalua- tion approximative du degré de chaleur qu’il faut supposer aux gaz qui , d’après AI. de Collegno , auraient fondu presque instan- tanément le glacier du port d’Oo , et auraient produit par là , s’il faut en croire ce célèbre géologue , les phénomènes erratiques de la vallée de Larboust. Le volume de ce glacier est d’environ 12,000,000 de mètres cubes, formant une nappe de 800,000 mètres carrés de surface et de 15 mètres d’épaisseur moyenne (1). Comme cette liision doit avoir été subite^ presque instantanée {‘1) , nous admettons qu’elle ait été opérée dans l’espace cVune seconde ; car si l’on suppose un temps plus long , il faut supposer aussi une masse de glace plus considérable que celle du glacier d’Oo , dont les dimensions actuelles ne sont pas même assez grandes pour qu’une fusion instantanée ait pu produire un courant aussi puissant que le demande le volume des blocs transportés et surtout leur élévation au-dessus de la vallée. La formule n'* 1 , p. 272 de la lettre de AL Alousson , évaluant la quantité d’eau obtenue dans le temps T par la température t agissant sur la surface a‘h est exprimée par qr= 0.0141 a^ t T, où T sont des minutes. Dans le cas spécial qui nous occupe , nous avons : = 800,000 mètr. carr. t = /1 ,000 degrés centigrades, T = 1 minute. Par conséquent q = 0.0141 X 800,000 I = 11 >280 jL 5 U UU Il 280 mètres cubes d’eau par minute , soit — 188 mètres cubes ^ 60 d’eau par seconde^ quantité qui, en admettant avec AI. Alousson la densité de la glace à 0.9 , serait le produit de 188-}- 18. 8 = 206. 8 mètres cubes de glace, volume qui correspond à une tran- (1) Alon Mémoire , p. 6. (2] Collegno, Terr. dilue., p. 48 et 51, SÉAÎSCE Dü 7 DÉCEMBRE 1846. 2' elle de glace de 800,000 mètres carrés de surface et de 0.0002585 mètres d’épaisseur. L’épaisseur moyemie du .glacier d’Oo ayant été estimée à 15 mètres, nous trouvons que le temps nécessaire pour opérer sa Joute aurait été 15 0.0002585 = 58,027 secondes ~ 967 minutes ~ 16 heures et 7 minutes. Cependant l’hypothèse réclame un courant assez puissant non seulement pour déplacer et pour rouler des blocs de 20 à 200 mètres cubes (1), mais aussi pour les élever à /tOO mètres au-dessus du sol de la vallée de Larboust; car c’est jusqu’à cette hauteur qu’on les trouve sur les flancs des montagnes qui la bordent dans la localité appelée la plaine de Lastos (2), dont j’estime la largeur moyenne à 1,200 mètres. Par conséquent, la hauteur relative atteinte par les ]3locs oblige d’accorder à ce courant au moins 400 mètres de profondeur, et , en ne lui su|)posant que 100 mètres de longueur et 100 mètres de vitesse par seconde (quoique les calculs de M. de Collegno la portent à 121 mètres) (3), nous avons besoin d’une masse d’eau de 400 X 'L^OO X 100 “ 48,000,000 de mètres cubes. Mais, comme nous venons de voir que le glacier d’Oo, exposé à une chaleur de 1,000°, ne peut four- nir par seconde que 188 mètres d’eau, il est clair qu’il faudrait avoir 48,000,000 Ï88 = 255,319 fois cette quantité d’eau pour obte- jiir les 48,000,000 de mètres cubes nécessaires à la formation du courant que réclame l’hypothèse. Il est donc évident que la chaleur de 1,000*’ est encore beau- coup trop faible pour opérer la fonte soudaine du glacier , qui , comme il vient d’être dit , exigerait encore à cette température un espace de 58,027 secondes, tandis qu’elle devrait être sou- daine, presque instantanée. En effet, on ne peut donner à l’hypo- thèse qui nous occupe quelque apparence de probabilité qu’ autant que l’on admet une fusion presque instantanée. Cette considéra- tion nous engage à rechercher quel degré de chaleur les gaz au- raient dû atteindre pour effectuer en une seconde la fusion com- plète du glacier d’Oo. Le degré de température nécessaire pour obtenir un effet déterminé est en raison inverse du temps , c’est- à-dire de la durée de son action. Puisque avec une température ( I) De Collegno , Terr. dilav.^ p. 8. if) De Collegno , 7c/r. dilur.^ p. oî, (3) Ibidem. 278 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. de 1,000'’ il faudrait 58,027 secondes pour fondre le glacier d’Oo, il suit de là que la chaleur des gaz capables d’opérer cette fusion en seconde, aurait dû être de 58,027 X 1,000 = 58,027,000°, soit en noni]:>re rond cinquante-luüt millions de degrés centigrades, * résultat devant lequel recule riniagination la plus hardie et l’es- prit le plus habitué aux conceptions les plus aventureuses. Je n’ignore pas que les évaluations de hautes températures sont in- certaines et pèchent ordinairement par excès. Cette incertitude doit se rencontrer suitout dans la solution d’un problème aussi complexe que celui qui nous occupe, car la fonle d’nn glacier- doit être influencée et favorisée par une foule d’éléments et de circonstances qu’on chercherait en vain à apprécier et encore moins à faire entrer dans le calcul. C’est par cette considératiorr qire je consens à diminuer le chiffre obtenu et à réduire à 1 million les 58 millions de degrés que nous avons troirvés. i Cependant, malgré cette immense réduction , rrous aurons en- core une température plus de mille fois phrs élevée qire celle du I fer fondu , chalerrr capable non seulement de fondre et de vitrifier I toute la chaîne des Pyrénées d’un bout à l’autre, mais même de fia réduire en vapeurs. Mais si, contre toute attente, on n’était pas I encore satisfait du rabais exorbitant cjue j’accorde, et que l’on voulût encore marchander sur le ch ilfre de 1 million de degrés, on ne contestera pas du moins , j’espère , ce que j’ai avancé ail- leurs (i) sur la température excessive qu’il faut supposer à des gaz capables de fondre instantanément un glacier. En effet, cette température est telle, que l’eau, bien loin de pouvoir former des courants, serait soudainement réduite en vapeurs et chassée à une distance immense des montagnes dont on veut faire le théâtre de ce phénomène incroyable. Cette température monstre , que l’on est forcé d’attribuer aux gaz , constitue déjà à elle seule une difliculté tellement insurmon- table , qu’elle rend absolument inadmissible l’hypothèse que l’on voudrait défendre. Je me dispenserai donc de rappeler ici les autres objections que j’ai élevées dans mon Mémoire contre le système des courants , objections que je pourrais , au besoin , appuyer d’un bon nombre d’autres non moins concluantes. Pdais ne nous ari ê- tons pas davantage à tout ce qu’il y a d’extraordinaire, d’in- vraisemblable et même de contradictoire dans cette condition de l’hypothèse , et admettons sans difficulté que la fonte du glacier d’Oo a pu avoir lieu sans que l’eau ait été convertie en vapeurs. Dans (1) Mon , p. 13. 279 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. ce cas, nous n’obtiendrons que 11,0/40,000 mètres cubes , soit en nombre rond et en négligeant la diminution résultant de la moindre densité de la glace, 12 millions de mètres cubes d’eau, c’est-à-dire seulement le quart de la quantité dont on a besoin En effet , comprenant que le volume du glacier d’Oo ne peut suffire à fournir les 48 millions de mètres cubes nécessaires pour former le courant dont il a besoin , M. J^lic de Beaumont suppose que cette fonte des glaciers des Pyrénées a eu lieu en hiver, ce qui, dit -il, «ajoute à leur masse toutes les neiges de cette époque. » Quoiqu’on ne puisse comprendre pourquoi l’éruption des o])hites et, par conséquent, la fonte des glaciers aurait eu lieu en hiver plutôt que dans une autre saison , nous admettrons néanmoins vo- lontiers cette hypothèse , et nous allons voir si elle peut servir à écarter la difficulté qui se présente. Le terrain dont les eaux se déversent dans la plaine de l^astos offre , d’a])rès la feuille n“ 76 de la carte de Cassini, une étendue de 31 millions de mètres carrés de surface. Supposons que, malgré la difïérence de leur latitude plus méridionale, il tombe dans les Pyrénées, durant un hiver, la même quantité de neige que dans les Alpes de la Savoie , quan- tité qui , d’après les observations de Mgr Rendu, est de 100 ponces, soit d’environ 3 mètres (1). Admettons encore que la neige réduite en eau donne le 0,3 de son volume, quoique , d’après les expé- riences de ce savant prélat, cette quantité ne s’élève en moyenne qu’à 0,229. Partant de ces données , qu’on n accusera pas de pécher par une estimation trop faible , nous trouvons que les 93 millions de mètres cubes de neige , qu’on suppose s’être accuimdés dans le fond de la vallée de Larboust et sur les pentes des affluents de la plaine de Lastos , ne produiraient que 27,900,000 mètres cubes d’eau , qui , ajoutés aux 12 millions provenant de la fonte du gla- cier d’Oo, forment un total de 39,900,000 mètres cubes , total qui serait inférieur encore de 8,100,000 mètres cubes au nombre de 48 millions de mètres cubes dont on a besoin . M. Elie de Beaumont suppose, il est vrai, dé plus, « que le globe étant alors en perturbation ( à l’époque de l’éruption des ophites ) , il pouvait se faire que cet hiver fût anormal. » J’avoue que je ne saurais deviner sur quelles données on fonde cette sup- position ni me rendre compte de la raison pour laquelle des rup- tures de la croûte terrestre , des éruptions de roches incandescentes et des dégagements de gaz doués d’une chaleur excessive , auraient [y^Théorie des glaciers de la Savoie , p. 29. 280 SÉÂÎSCE DU 7 DÉCEMBRE I8Z16. pu occasionner sur le tliédtre même de cette perturbation et pen- dant sa durée un lih’cr , une chute de neige extraordi- naire , anormdlc. Ceux qui adoptent mon opinion concernant la cause des glaciers diluviens comprendront aisément comment et pourquoi une grande perturbation du globe doit provoquer, non pendant sa durée ni immédiatement après, mais dans un laps de temps plus ou moins long , une suite prolongée d’années anor- males , c’est-à-dire d’années durant lesquelles la différence entre l’état tliermométrique et bygrométrique de l’biver et celui de l’été n’a pas été aussi grande dans nos climats qu’elle l’est aujour- d’bui (1). .Mais ne contestons pas davantage sur la singulière coincidence de l’éruption de l’opliite avec un hiver anormal , et admettons qu’il y ait eu à cette époque assez de neige et de glace pour que leur fusion ait pu fournir l’eau nécessaire aux conditions de l’bypc- tlièse. Dans ce cas-là, qu’aurons-nous obtenu? rien qu’un courant qui, dans la plaine de Lastos, aurait eu àOO mètres de profondeur, 100 mètres de longueur, 100 mètres de vitesse , et dont les extré- mités en aval et en amont auraient été terminées chacune par un plan vertical de 12,000 mètres carrés de surface. Mais pour peu que l’on veuille réfléchir à toutes ces difficultés , à toutes ces in- vraisemblances , je ne pense pas que l’on persiste à défendre sérieu- sement la possibilité d’un courant de cette forme , ni surtout à lui attribuer le transport d’énormes IjIocs , leur soulèvement sur les flancs des montagnes à droite et à gauche de la vallée , et à àOO mè- tres de hauteur, et tous les autres phénomènes qui accompagnent le terrain erratique. Pour soutenir l’hypothèse en question, M. de Collegno et l\I. Elie de Jleaumont (2) s’appident sur la cause et les effets des deux inondations auxquelles donna lieu la fonte subite des neiges du Cotopaxi le 24 juin et le 9 décembre 1742. Examinons, en premier lieu, si les effets produits peU' ces dé- bâcles peuvent fournir réellement quelque argument nouveau. Voici sur ce sujet les principaux détails que nous donne Bouguer dans le passage transcrit dans le Mémoire de j^I. de Collegno (3). « L’inondation du 9 décembre était la plus grande ; l’eau tomba de 7 à 800 toises; les vagues cju’elle forma dans la campagne étaient élevées de plus de 60 pieds, et elle monta en certains en- (1) Essai sur les glaciers et sur le terrain erratique^ etc. , p. 311. (2) Tcrr. diluv. , p. oO. Bull, de la Soc. gcol., ibid., p. i06. (3j 'J'cfi. diluv., p. 30. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. S81 droits à plus de 120 pieds. Ces eaux tirent , en trois heures, de 17 à 18 lieues de chemin. A 3 ou U lieues de la montagne , elles de- vaient y parcourir encore de 40 à 50 pieds par seconde. Il y eut des pierres très pesantes , de plus de 10 ou 12 pieds de diamètre , qu’elles changèrent de place, et qui furent transportées à 14 ou 15 toises de distance sur un terrain presque horizontal. De grosses masses de neiges toutes fumantes (1) étaient entraînées par Feau , et avaient encore , quoique brisées , de 15 à 20 pieds de diamètre. » ]>I. Elie de Beciumont ajoute que cette débeicle a renversé des mai- sons, une église, etc. , et a fait périr un grand nombre d’indivi- dus. Les efï'ets de Finondation du Cotopaxi ont donc été exactement semblables à ceux que produisit, en 1818, la fameuse débâcle de Bagne, occasionnée par l’écoulement soudain d’un lac dont la digue de glace se rompit tout à coup ; à ceux causés , en 1834, par les inondations désastreuses qui eurent lieu sur les deux versants des Alpes par suite de la fonte rapide d’une grande portion de neiges et de glaces , fonte provoquée par les pluies chaudes tom- bées sur le faîte des Alpes , depuis le Simplon jusqu’au Lukmanier; à ceux enün des coulées de boue qui eurent lieu en 1835 , à la suite de la fonte de grandes masses de glace détachées de la Dent du midi , et qui , après avoir couvert de leurs débris le fond d’un vallon , s’y fondirent rapidement sous l’influence d’une tempéra- ture douce. Ainsi , lors de Finondation de Bagne, le 16 juin 1818 , Feau atteignit , dans l’Alpe de Aîarseriaz , à une hauteur de 38 mètres, emportant le pont de Mauvoisin , quoique élevé de 27 mètres au- dessus du lit du torrent et le dépassant encore de 11 mètres; à 8 lieues plus bas, dans le défdé du Brocard, le courant reprit en- core 30 mètres de profondeur. Le 29 août 1834, j’ai vu le llhoiie, en amont des bains de Lavey, faire des bonds de 5 mètres de hau- teur dans les endroits on Feau frappait contre de gros blocs. La débâcle de Bagne a franchi en une heure et demie les 42,224 mètres qui , d’après feu M. Escher de la Linth, repré- sentent le développement du cours du torrent depuis la barre de (1) Il va sans dire que la neige ne peut pas fumer; mais elle prend cette apparence lorsque , venant en contact avec un air chaud et à peu près saturé d'humidité, elle en change l’eau en vapeur vésiculaire par le refroidissement. C’est de la même manière et par la même cause que dans les Alpes les torrents de glaciers semblent fumer le soir après une journée chaude, et même de jour par un temps chaud et humide. 282 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. glace jusqu’à Martigny , ce qui donne environ 8 mètres de vitesse par seconde. A 1 ,000 mètres en amont du bourg de Martigny, quelques blocs de granité de 100 à 300 mètres cubes furent dépla- cés par cette même débâcle , qui les roula dans le lit du torrent à la distance de 600 mètres (1). Lors de l’inondation de 1834 , on vit, près d’Hospenthal , au pied septentrional du Saint-Gotliard , la Reuss charrier des masses de glace de 3 mètres de diamètre , déta- chées du glacier de Weiswasser, situé à environ 2 1/2 lieues en amont de ce village. Enfin , à l’exception de la débâcle de la Dent du midi, ces inondations ont détruit nombre de maisons, d’églises, même un village (Cliampsec, dans la vallée de Bagne), et ont aussi fait périr beaucoup de monde. Mais, bien que ces inondations aient été formidables , leur ac- tion puissante et leurs effets étonnants , on ne peut cependant les mettre en parallèle avec ces énormes niasses d’eau que les parti- sans de l’hypothèse des courants sont obligés de mettre en mouve- ment. En effet , il y a bien loin d’un courant de 20 à 30 mètres de profondeur et de 18 1/2 mètres de vitesse par seconde (2) à un courant qui , sur toute la largeur d’une vaste vallée , aurait du avoir plus de 400 mètres de profondeur et la vitese prodigieuse . incroyable même, de plus de 100 mètres ])ar seconde. Mais , me dira-t-on, les glaciers actuels , comparés aux anciens glaciers, n’offrent pas un volume plus considérable que les plus fortes inondations comparées aux courants diluviens. Cette re- marque, il est vrai , est de toute justesse; mais elle ne constitue pas par cela même un argument en faveur de l’hypothèse des cou- rants , parce qu’il existe entre les deux agents une immense diflé- rence dont il faut tenir compte. Cette différence , la voici ; les glaciers actuels produisent exactement les mêmes effets qu’ont dû produire les grands glaciers diluviens , tandis que les inondations modernes ne produisent rien qui ressend3ie réellement aux. phéno- mènes erratiques que l’on veut attribuer à l’action de prétendus courants, ou, en d’autres termes , que les effets des inondations ne sont point identiques avec les phénomènes erratiques. Les effets des glaciers actuels ne différent de ceux des anciens glaciers que par leur étendue , c’est-à-dire que les premiers agissent sur une échelle infiniment plus petite que celle sur laquelle ont agi les im- menses glaciers diluviens. Mais quant aux effets considérés en eux-mêmes, ils sont, je le répète , parfaitement identiques dans (1) Mon Essai sur les glaciers ^ etc., p. 21 4, (2) De Collegno, Terr. diluv.^ p. 51, SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE I8Z16. 283 les uns et dans les autres. Ainsi , par exemple, les glaciers trans- portent encore de nos jours des blocs tout aussi gros et tout aussi bien conservés que ceux qui font partie du terrain erratique ; ils foriuent encore aujourd’hui de ces amas remarquables de blocs , tous de la même nature de roche ; ils ne mêlent point les pierres qui leur viennent d’un coté de la vallée avec celles qui leur arri- vent de l’autre ; ils déposent encore aujourd’hui des blocs de toutes les dimensions sur les flancs des montagnes , à une grande hauteur au-dessus de leur lit; les marques de frottement, les raies et les stries qu’ils produisent sur les rochers avec lesquels ils sont en contact ne diffèrent absolument en rien de celles qu’on observe dans le domaine du terrain erratique ; les accumulations de débris de roches que présente ce terrain ne se distinguent par aucun ca- ractère essentiel des dépôts de cette nature que les glaciers forment encore aujourd’hui ; en un mot , les effets des glaciers actuels saut parfaitement identiejues avec les phénomènes erraticpies , c’est-à-dire avec les effets des glaciers diluviens (1). Mais il s’en faut de beaucoup que cette même identité se re- trouve entre les effets des inondations et les phénomènes erratiques. Ni la débâcle du (iotopaxi , ni celles de Bagne , du Saint-Gothard , de la Dent du midi , sans oublier même les crues du Tarn, citées par M . de Collegno (2), n’ont rien produit de comparable avec ces grands phénomènes géologiques. En effet, leur action s’est bornée à enlever les terrains meubles qu’elles ont pu atteindre ; à former des ravins ; à couvrir de sable , de gravier et de pierres les champs et les prés sur lesquels elles ont débordé; à déplacer de gros Iffocs et à les transporter à quelque distance en les roulant sur le fond de leur cours ; à dévaster des forêts ; à détruire de grandes routes ; à emporter des maisons , des églises , voire même des vil- lages, et à faire périr un grand nombre d’individus et de pièces de bétail. Yoilà à quoi se réduit tout ce que les débâcles les plus for- midables ont fait et ont pu faire. En effet , elles n’ont jamais trans- porté de gros blocs sans en altérer la forme ; elles ne les ont jamais déposés à quelque hauteur notable au-dessus de leur cours ; elles n’ont jamais produit sur les roches, tant en place que détachées, ces sortes de stries et de raies que forment les glaciers , et qui se (1) Dans mon Essai sur les glaciers , etc., § 80 , p. 248 , j’ai fait voir que cette identité entre les effets des glaciers et les phénomènes erratiques se retrouve jusque dans les moindres détails. (2) Terr. diluv.^ p. .36. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE I8/16. 28A retrouvent dans le terrain erratique (1). Les matériaux qu’elles transportent , elles ne les ont jamais conservés sur le même côté de la vallée par lequel ils leur étaient arrivés ; mais elles les ont toujours mêlés et répandus sur toute la largeur de leur cours; elles n’ont jamais donné lieu à des accumulations semblables à celles du vrai terrain erratique , pourvu toutefois qu’on veuille bien ne pas confondre avec ces accumulations , comme on le fait fréquemment, les dépôts diluviens et alluviens. En un mot, les effets des débâcles les plus violentes ne sont en aucune manière identiques avec les phénomèmes erratiques. Si les inondations ne prouvent rien en faveur de l’iiypotbèse des courants, elles nous apprennent, en revanche, à juger les effets qu’auraient du, produire les courants monstres qu’elle réclame. Ainsi , par exemple , nous voyons avec quelle facilité les inonda- tions attaquent et emportent les terrains meul^les , tels que les éboulisqiii, dans les vallées, constituent ordinairement les talus <|ui longent le pied des montagnes. Qu’on réfléchisse à l’action qu’aurait dû exercer sur ces talus un courant de la force de celui auquel on voudrait attribuer le transport des débris erratiques de la vallée du Rhône. Ce courant aurait dû avoir, dans le voisinage de ma demeure , un profil de 5 1/2 millions de mètres carrés (2). (1) Dans ma Notice sur la cause probable du transport des blocs erratiques de la Suisse lue le 29 juillet 1834 à la Société Helv. des I scienc. natur. réunie à Lucerne, et insérée dans les Annales des mines, vol. YIIl , j’ai appelé le premier l’attention des géologues sur l’identité des raies et stries tracées par les glaciers avec celles qu’on observe dans les limites du terrain erratique, faisant observer que les maté- riaux charriés par les eaux ne produisent point ces sortes de sculptures. Ce dernier fait , qu’un très petit nombre de géologues voudraient en- core mettre en doute, a été pleinement confirmé par les observations de MM. Agassiz , Forbes, Martins , Escher de la Linth, etc. M. Éd. Collomb s’est assuré de l’exactitude de mon assertion par une expé- rience très ingénieuse : il a soumis artificiellement des galets aux mêmes conditions dans lesquelles ils se trouvent pendant qu’ils sont charriés par l’eau , et il a reconnu que ce genre de frottement ne leur occasionne ni stries ni raies, mais qu’au contraire des galets rayés de- viennent lisses par cette opération. (2) D’après la feuille n° M de la magnifique carte suisse de la Confédération , la largeur de la vallée du Rhône , mesurée au sol , depuis le hameau de Villy jusqu’au pied de la montagne à Collombey, est de 4,960 mètres, et, mesurée à la hauteur jusqu’à laquelle on trouve les débris erratiques venus du Valais, et qui est de 747 mètres , nous la trouvons de 9,770 mètres. Par conséquent, la largeur moyenne 285 SÉANCE DU 7 DÉCEMBUE 1846. Si nous lui supposons , avec M. de Bucli (1), 11/i mètres de vitesse par seconde, nous trouvons que le volume d’eau cjui y aurait passé dans une seconde aurait été de 627 millions de mètres cubes, quantité suffisante pour faire hausser instantanément le lac Léman de plus de 1 mètre , et pour convertir en un lac de 18 mètres de profondeur tout le terrain compris dans l’enceinte de l’octroi de Paris (2). Si donc un courant de cette force eiit jamais passé par une vallée , il aurait emporté avec lui toutes les pierres détachées jusqu’à la hauteur à laquelle il aurait atteint. Mais cette dénuda- tion , cet enlèvement complet des terrains meubles n’existe dans aucune contrée offrant les phénomènes erraticjues ; car on trouve non seulement dans les plaines au pied des montagnes, mais aussi dans l’intérieur des vallées , des terrains meubles c|ui datent évi- tlemnient d’une époejue antérieure au transport des débris erra- tiques, parce que ces débris leur sont superposés. Nous venons d’examiner les inondations du Cotopaxi sous le point de vue de leurs effets , et nous avons trouvé cpie ces effets sont absolument les mêmes que ceux de toutes les grandes inon- dations , mais nullement comy)arables aux phénomènes errati- ques. Il nous reste encore à voir si la cause qui^ les a produits peut étayer l’hypothèse à l’appui de laquelle Màl. Eliede Beaumont et de Collegno ont cru pouvoir citer ces faits. D’après l’extrait donné par M. de Collegno , voici le seul pas- sage de la relation de Bouguer qui se rapporte à la cause de ces inondations : « Le dernier incendie du Cotopaxi , celui de 17/j2 , » qui s’est fait en notre présence , n’a causé du tort cpie par la » fonte des neiges. » Ce passage nous laisse dans l’incertitude sur le mode de la fusion , car il ne dit pas si elle a été opérée par la chaleur du volcan ou par des coulées de lave , ni si cette fusion a été augmentée et secondée par les pluies torrentielles qui accom- pagnent quelquefois les éruptions volcaniques. Malgré cette la- cune dans le passage du célèbre académicien , on voit cependant clairement que la fonte des neiges a été opérée par l’action du volcan. Voulant attribuer une cause analogue aux prétendus courants «les Alpes et des Pyrénées , montagnes dans lesquelles il n’y a de cette portion de la vallée est de 7,357 mètres, et son profil 7,357 X 747 = 5,501 ,655 mètres carrés. (1) Annales de chimie et de physique , t. X , p. 241 . (2) La surface de ce terrain a été indiquée par les derniers jour- naux à 34,596,800 mètres carrés. 286 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. point de volcans , M. Elie de Beaumont suppose que la fusion des glaciers des Alpes a été opérée par des gaz chauds qu’on croit avoir concouru à la formation des dolomies et des gypses. Quant aux Py rénées , M. de Collegno a également recours au dégagement des gaz cliauds qui a probablement accompagné l’éruption desophites, et a métamorpbosé en gypse et en dolomie le calcaire au milieu duquel cette éruption a eu lieu en nombre d’endroits (1). J’ai fait voir, dans mon Essai sur les glaciers et le terrain erratique (§ 82) , que le transport des débris erratiques n’est point contemjjorain du dernier soulèvement des Alpes, mais qu’il lui est postérieur, quoi- que le temps écoulé entre ces deux grands phénomènes ne pa- raisse pas avoir été , géologiquement parlant , bien long. L’érup- tion des opbites, datant probablement de la même époque cjuece soulèvement , est donc aussi antérieure au transport des débris erra- tiques, ainsi que les gaz chauds qui durent l’accompagner. De plus, tout engage à croire , comme je le fais voir dans mon mémoire, qu’il n’existait point de glaciers dans les Pyrénées à l’époque de cette grande catastrophe. Enfin , M. Elie de Beaumont conclut des elïets pioduits par les inondations du Cotopaxi que « si ce phénomène en petit fut » arrivé dans une grande chaîne , le phénomène diluvien aurait *) produit des effets comparables à ceux que nous voyons dans les » Alpes. » Cette conclusion paraît de prime abord admissible , mais en l’examinant de près on est forcé d’être d’un avis contraire. En effet , si une fonte de neiges semblable à celle du Cotopaxi eût eu lieu à la fois dans toutes les vallées des Alpes ou dans toute la chaîne des Pyrénées , nous n’aurions eu dans chaque vallée qu’une inondation dont la force aurait été proportionnée à la quantité de neige fondue et à la pente de la vallée. Quelque considérables que l’on suppose et le volume des eaux et la vitesse des courants , leurs effets , comme je l’ai fait voir, n’au- raient jamais été identiques avec les phénomènes erratiques. Ils n’auraient fait que déblayer les vallées et augmenter ainsi consi- dérablement les dépôts qui constituent le sol de la plaine au pied de ces montagnes. Si de telles débâcles avaient jamais eu lieu , s’il avait existé de tels courants , nous reconnaîtrions dans le diluvium leur action (1) Mon Essai sur la constitution géog/ios tique des Pyrénées, p. 508 et 513. — Mémoires pour servir à une description géologique delà France, par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, vol. II , p. 188. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/i6. 287 soudaine et impétueuse par l’absence complète de stratification , caractère sur et constant de tous les dépôts produits subitement par une cause de cette nature. lUais le diluvium , composé de cou- ches de galets , de gravier, de sable et de limon , démontre par la régularité de sa stratification qu’il n’a point été déposé à la fois et par une cause violente et soudaine , mais qu’il est le résultat des dépôts successifs qu’ont laissés après elles les crues et les décrues des torrents et des rivières qui pour la plupart se sont échappés des vastes glaciers qui , postérieurement au soulèvement des Alpes du Valais et à l’éruption des ophites, ont existé dans les Alpes et dans les Pyrénées. il résulte donc de l’examen de l’objection de Ai . Elie de Beau- mont qu’elle n’est point fondée , et que l’hypothèse de la fonte soudaine des glaciers est inadmissible : P’ Parce qu elle exige le concours d’un degré de chaleur qui n’a pu être produit au moins depuis la solidification du globe ; 2' Parce que cette clialeur, convertissant instantanément l’eau en vapeurs , n’aurait pu donner naissance à des courants ; 3" Et parce que les eft’ets des courants ne sont nullement identi- ques av^ec les phénomènes erratiques. Sur (fueUjues Oursins fossiles de la Patagonie. M. Desor fait voir à la Société quelques Oursins fossiles (l’une belle conservation , rapportés par M. Darwin de la Pata- gonie. Ce sont trois espèces du groupe des Scutelles, apparte- nant à trois genres différents, savoir : un Echinarachnius très voisin de VEchin l'arma , Gray, mais qui en diffère cepen- dant en ce que l’anus, au lieu d’ôtre marginal , est à la face in- férieure. M. Desor propose de l’appeler Echinarachnius Julien- sis. Les échantillons ont été recueillis dans un grés tertiaire , d’apparence mollassique, du port Saint-Julien-, 2^’ une vraie Scutelle, voisine du Sc. Pauleusis^ Agass., de Saint-Paul- Trois-Châteaux , mais j)roportionnellement moins large en ar- riére: Cette espèce, que M. Desor appelle Scutella Patago- nensis , se trouve dans une brèche tertiaire du Port-Désiré ^ une espèce d’un type particulier, caractérisée par la pré- sence d’une seule lunule située dans l’aire inierambulacraire postérieure, et dont M. Agassiz a fait un groupe à part, (|u’i! appelle Monophora. L’espèce porte le nom de M. Darwini; 288 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE iSll6. Àgass. L’échantillon provient de la même localité que l’espèce précédente. Quoique aucune de ces espèces ne soit spécifiquement iden- tique avec celles d’Europe, elles n’en autorisent pas moins quel- ques déductions géologiques. Et d’abord le groupe des Scutelles tout entier ne remonte pas au-delà des terrains tertiaires (1). Le genre, Echinainchnius ne comptait jusqu’ici qu’une seule espèce fossile, VEch. incisas , Agass., du terrain tertiaire de Blaye. Le type des Scutelles à bord entier ne se poursuit pas au-delà des terrains tertiaires moyens , et même on n’en connaît aucune espèce dans le calcaire grossier. Il en est de même des Scutelles perforées. M. Desor en conclut que le dépôt dont proviennent ces espèces est sans aucun doute un dépôt tertiaire , appartenant probablement à la période moyenne (miocène) dont font partie la mollasse et les faluns , qui sont les terrains les plus riches en Scutelles. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante ; Note sur des moraines d'anciens glaciers à Olicliamp , près de Eemiremont ^ dans les Vosges , par M. Ern. Royer (2). Plusieurs géologues se sont occupés des traces d’anciens gla- ciers que l’on rencontre dans les montagnes des Vosges ; MM. Ho- gard , Le Blanc et Renoir ont publié , soit dans le Bulletin de la Société géologique de France , soit ailleurs , le fruit de leurs obser- vations. La question des glaciers , intimement liée à celle des blocs erratiques , est une des plus intéressantes de la géologie et une de celles qui fixent le plus aujourd’hui l’attention des personnes qui cultivent cette science. Quelques courses dans les Vosges m’ayant donné occasion de voir aussi des moraines, je crois devoir ajouter les faits que j’ai observés à ceux déjà connus jusqu’ici. (1) On a, à la vérité, décrit dans le Bulletin de la Soc. géol. , sous le nom de Laganuni Manno nti ^ Baud., une espèce de foxfordien de Chûtillon-sur-Seine. Mais cette espèce n’est pas un véritable Laganiim; elle appartient au genre Pvgurusy Agass. , qui est limité aux terrains secondaires. (2) Plusieurs causes ont retardé la publication de cette Note, qui de- vait paraître avec les séances d’ A vallon. 289 SÉAKCE DU 7 DÉCEMBRE J8A(5. Au mois do juillet 18d3 j’allai visiter la magnifique vallée du Val-d’Ajol et la gorge sauvage , encaissée dans de sombres fo- rets de sapins , où reposent les ruines de l’abbaye d’Erival. Je vins aboutir, à travers ces bois et les hautes terres couvertes de bruyères et de myrtiles , au bameau d’Olicbamp, placé dans une espèce de bassin élevé , à surface presque horizontale , sur la route de Re- miremont à Plombières ; je fus frappé , dès ce jour, de la singu- lière apparence cju’offrent près de ce hameau certaines buttes allongées, et l’idée de moraines me vint immédiatement à l’esprit. Au mois d’aoùt suivant , je traversai de nouveau la petite plaine d’Olichamp ; mes soupçons se confirmèrent; enfin, le 2A juin 18ùA, je partis de Remiremont dès le matin pour aller visiter attenti- vement les lieux et dresser le petit plan que je joins à cette notice. La gauche de la vallée de la Moselle , depuis le ballon de Ser- vance jusqu’au-delà de Remiremont, est constituée par une chaîne de montagnes composées de roches anciennes dont la direction est du S.-E. au N. -O. La hauteur du ballon de Servance, qui en forme le point culminant, est de 1,189 mètres au-dessus du niveau de la mer ; mais tout à coup la chaîne s’abaisse , et pendant environ 24 kilomètres , jusqu’en face de Remiremont , sa hauteur oscille entre 675 et 750 mètres. Cette chaîne, du côté de la Moselle , tombe tout à coup et forme un long rempart dont les pentes sont sillonnées seulement par quelques vallons dont les plus longs ont à peine deux kilomètres ; du côté de la Franche-Comté, au con- traire , à partir du sommet de la chaîne , des plateaux à pentes allongées vont en s’abaissant lentement vers la plaine , et sont sillonnés par des vallées profondes où des rivières assez importantes prennent leur origine. Quelques cols échancrent l’arête supérieure de cette chaîne et donnent passage aux vallées dont je viens de parler dans celle de la Moselle , mais néanmoins son ensemble donne l’idée d’une longue barrière qui borne tout à coup et d’une manière nette et précise le bassin de la Moselle sur sa gauche ; il n’en est pas de même de sa droite : des vallées importantes descendent de la chaîne centrale des Vosges et viennent apporter à cette rivière le tribut de leurs eaux. Cette description préliminaire m’a paru nécessaire pour faire comprendre l’origine des moraines d’Olichamp. On peut regarder ce que j’ai appelé la petite plaine d’Olichamp comme le point culminant d’un col conduisant de la vallée de rAugronne dans celle de la Moselle à Remiremont ; à la vérité, la chaîne, qui avait conservé une certaine hauteur jusqu’à la monta- Soç. géol. , série, tome IV. 1^ 290 gÈ.mE DU y DÉCEMBRE 1846. gne du Sapenois qui domine Olicliamp, ne reprend plus cette liau- teur au-delà du col , et de plus , ce col est peut-être trop évasé pour qu”il puisse se prêter complètement à l’idée que l’on attache ordinairement à cette dénomination ; ce passage en a néanmoins les principaux caractères. Au point culminant des deux pentes opposées , la montagne du Bambois, qui se rattache à celle du Sapenois, laisse entre elle et celle des bois de Humont un espace d’environ 800 mètres , occupé en partie par une surface plane d’environ 1,200 à 1,300 mètres de longueur , dont la pente est dans la direction du S. -O. vers Plombières , et dont les eaux forment deux petits ruisseaux qui se réunissent pour donner naissance à la rivière de FAugronne , en partie par un terrain plus accidenté , dont la pente , à partir de l’extrémité N.-E. du précédent, se prononce rapidement dans la direction opposée , et qui est traversé également par un ruisseau c|ui va porter ses eaux dans la Moselle ( voyez la pl. I , fig. G ). Des deux côtés du col , la masse inférieure des montagnes est granitique ; leur partie supérieure est composée de grès des Vosges; un abondant terrain de transport s’est accumulé dans la vallée ou espace qui les sépare ; les matériaux qui le composent sont de toutes dimensions : généralement c’est un sable , tantôt fin , tantôt grossier et terreux , mélangé de galets polis et arrondis et parsemé de blocs erratiques qui sont enterrés entièrement ou à demi , ou l^ien gisants à la surface. Ce terrain de transport ne se Ironie point à l’espace que je viens de décrire , mais on peut l’observer en allant vers la Moselle , et quand on marche dans la direction opposée on trouve qu’il a continué à remplir le vallon de FAugronne jus- qu’à une assez grande distance vers Plombières. Cette rivière a tracé son sillon dans ce terrain ; l’ancienne route Fa souvent en- tamé, et, sur plusieurs points, les travaux de la nouvelle route ont mis à nu ses bancs de galets arrondis. Six moraines traversent le col en allant d’une montagne à l’au- tre ; je vais dire quelques mots de chacune d’elles, en commen- çant par celle qui est la plus rapprochée de Remiremont ; le plan et la coupe joints à cette notice suppléeront à l’insuffisance de la description. La route de Remiremont à Plombières , en quittant la première de ces villes , est tracée sur les flancs d’une montagne granitique ; elle laisse à sa droite un terrain surbaissé très accidenté, dans lequel est creusé le vallon sinueux par lequel le ruisseau dont j’ai parlé s’écoule dans la Moselle. Au point D elle a atteint des masses de matériaux de transport qui reposent sur les flancs granitiques 291 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1816. de la montagne , et elle s’avance à partir de là sur ces matériaux qui forment des buttes terrassées démantelées, et qui pourraient bien s’être amassés autrefois sur les flancs du glacier. On peut voir la roche ancienne , qui est un beau granité gris , dans une carrière dans le l3ois en C , et le terrain de transport dans les coupures EE faites par la route. Bientôt se présente la première moraine terminale. C’est une chaussée d’environ 500 mètres de long, de 70 à 100 de large ; sa hauteur est d’environ 10 mètres au-dessus du vallon du côté du N. , et de 15 mètres au-dessus de l’espace qui la sépare de la deuxième moraine ; sa composition est mise au jour dans la traversée de la route , et dans une excavation , près de la maison de Lorette , elle barrait entièrement le vallon et for- mait une portion de cercle dont la concavité fait face à la vallée de la JMoselle. Le ruisseau qui prend naissance entre cette moraine et la suivante y a produit une profonde coupure qui la sépare en deux portions et par laquelle il s’écoule. La deuxième moraine a environ 800 mètres de longueur; comme la première , elle barre entièrement la vallée et forme une por- tion de cercle parfaitement dessinée , disposée dans le même sens. Sa plus grande largeur est d’environ 100 mètres ; sa hauteur au-dessus de la première d’environ 10 à 12 mètres , et par conséquent, au-dessus de l’espace qui les sépare, de 25 à 27 mètres, et au-dessus de la surface plane epii commence à son pied pour s’étendre vers les suivantes , seulement de 5 à 6 mètres dans sa plus grande hauteur. Quoiqu’elle ne soit plus traversée aujour- d’hui par aucun ruisseau , elle est néanmoins coupée vers son milieu par une échancrure ; la route de Bemiremont profite de cette ouverture pour la traverser , après l’avoir suivie depuis le point où elle s’appuie sur la montagne du Bambois. Pour établir cette route on l’a entamée latéralement dans toute cette étendue , et il est facile de juger de sa composition. C’est un sable terreux , d’un jaune rougeâtre , en couches courbées comme la surface du sol, mélangé de galets et de blocs de diverses grosseurs, de roches très variées; on y trouve du granité ordinaire, du granité porphyroide , du trapp , du quartz , de l’eurite porphy- roïde , etc. Cette moraine a une grande ressemblance avec une chaussée ; aussi un chemin qui en parcourt une partie s’appelle-t-il le chemin de la jetée , et une maison voisine a-t-elle pris le même nom. C’est à partir de là que le sol s’incline vers l’Augronne et présente une surface sensiblement plane, due évidemment, comme je le dirai plus tard, à un remplissage qui s’est accumulé autour des moixjines suivantes. 292 SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE l8/i6. L’espace compris entre la deuxième et la troisième est d’environ 250 mètres; c’est un sol marécageux, occupé en partie par un petit étang dont il sort un ruisseau ; la troisième moraine, dont on ne voit plus que le sommet très peu saillant au-dessus du sol de la plaine , est irrégulière et paraît se subdiviser. La quatrième , plus prononcée que la précédente , est coupée par le ruisseau qui sort de l’étang et par un fdet d’eau qui descend des bois à son autre extrémité , et enfin par la route ; elle est aussi fort irrégulière , et atteint parfois 5 à 6 mètres de liauteur. Un espace de 350 à UOO mètres la sépare de la cinquième , qui n’est qu’un reste fort peu apparent traversé par la route et com- plètement détruit à ses deux extrémités par les deux ruisseaux. Enfin, la sixième moraine est une des plus considérables ; elle a été détruite vers son milieu par les deux ruisseaux qui se sont réunis et traversée par la nouvelle route ; vers son extrémité orientale, elle s’avance davantage vers le S. , tandis que vers le point F elle fait une inflexion , motivée par la butte de roches anciennes G. On aperçoit au pied de cette butte comme un reste d’un ancien amoncellement. Malgré la rapidité avec laquelle j’ai vu ces restes de l’existence de glaciers des Vosges , ces témoins m’ont paru évidents, irrécu- sables , et je n’ai point hésité à les appeler moraines ; ils en ont toute la régularité, toute la disposition, tous les caractères ; il ne manque que les roches polies ; mais , si je n’en ai pas rencontré , c’est très probablement parce que je n’ai pas eu le temps d’en chercher. Je vais ajouter, à titre de conclusion, quelques observa- tions à la description précédente. La concavité de la courbe des moraines d’Olichamp étant tour- née vers Remiremont, indique évidemment que le glacier qui les a produites venait de la vallée de la Moselle ; sa direction dans le sens inverse ne pourrait être admise , puisqu’il faudrait pour cela que le glacier se fut dirigé vers le centre des montagnes au lieu de s’en éloigner. M. Hogard, d’ailleurs, a donné des preuves de l’exis- tence des glaciers qui ont couvert la chaîne des Vosges , et notam- ment le bassin de la Moselle ; appuyé sur un observateur aussi éclairé , je n’ai point à hésiter, et sans chercher à prouver autre- ment que par la description que je viens de faire cette existence suffisamment établie par ce géologue , je vais dire ce que je pense pouvoir être admis comme ayant existé dans cette partie des Vosges. A une certaine époque , un immense glacier remplissait la vallée de la Moselle , et avait sa direction vers le N. -O. ; il était limité, vers le S. -O. , par la chaîne dont j’ai donné la description an SÉANCE DÜ 7 DÉCEMBRE I8/16. 293 coininencement de cette notice , chaîne qui remplissait pour lui le rôle d’une immense chaussée latérale ; des rameaux de cette mer de glace profitaient , si je puis me servir de ce terme , des issues que leur fournissaient les parties basses de la chaîne pour descendre dans les vallées voisines ; le col d’Olichamp était F une de ces issues, .le n’ai point visité le Thalweg des vallées qui prennent leur ori- gine dans les autres cols échancrant la crête jusque vers le ballon de Servance ; mais je ne serais point étonné qii’ elles présentas- sent aussi des traces de Faction des glaces; j’ai vu dans l’une d’elles , dont j’ai parlé , celle d’Erival , notamment près de l’au- berge du Bas-Erival , et , au-delà des grandes roches de quartz de cette gorge sauvage , des blocs de transport de fortes dimensions de granité porphyroïde et de syénite. — Je reviens à Olichamp et à Faction du glacier, ou , pour mieux dire , du rameau qui prenait sa direction par la vallée de l’Augronne. Le vallon de FAugroniie avait d’abord une profondeur plus grande que celle que nous lui voyons aujourd’hui; les matériaux amenés par le glacier, non seulement se disposaient à son extré- mité sous forme de moraines, mais étaient transportés par les eaux résultant de la fonte de la glace jusqu’à une certaine distance dans le vallon qu’ils ont comblé en partie ; le cours du ruisseau , les deux routes , l’ancienne comme la nouvelle , entament cà et là ces an- ciens atterrissements. Pendant ce charriage , qui remplissait ainsi la vallée à partir de l’extrémité inférieure du glacier, l’espace qu’il occupait lui-même restait vide de tout dépôt , et ce n’était qu’à mesure qu’il se retirait que le comblement s’allongeait dans la partie qu’il venait d’abandonner. Quand son extrémité s’est arrêtée pendant un long espace de temps sur le même point , le dépôt s’y est accumulé à une plus grande hauteur sous la forme de bourrelet ou moraines; puis, quand, par une circonstance quelconque, le glacier se retirait de nouveau , Fes^jace entre cette moraine et le dernier point où il s’était arrêté et où il commençait une nouvelle moraine, étant plus bas que les dépôts antérieurs, restait rempli d’eau , puis il finissait par se combler à son tour : telle est l’expli- cation probable du remplissage du bassin d’Olichamp. Les quatre rlernières moraines reposent dans une plaine dont l’horizontalité est remarquable , et s’explique parfaitement par ce remplissage. 11 est tout à fait probable que ces moraines étaient beaucoup plus élevées au moment où le glacier les abandonnait , et que toute leur base est cachée par les atterrissements c|ui se sont faits autour d’elles, lesquels constituent aujourd’hui le sol de la plaine; ce sol est , du reste , composé de matériaux complètement semblables à SÉANCE DU 7 DÉCE31BRE 18^6. :^9à ceux des moraines, sauf la dimension, comme on en peut juger par quelques excavations. La disposition de la deuxième et de la première moraine confirme entièrement cette explication de la manière dont les choses se sont passées ; nous y surprenons la na- ture sur le fait , ou , pour mieux dire , la nature nous a laissé son ouvrage inachevé, comme pour nous laisser voir la manière dont elle a opéré , ainsi qu’un tisserand qui aurait laissé son étoffe sur le métier pour faire comprendre comment a été conduit son travail. Au moment où le glacier abandonnait la deuxième mo- raine , tous les espaces précédents étaient comblés , et la plaine était arrivée au niveau où nous la voyons ; en se retirant , il laissa , rempli d’eau , le profond espace H compris entre lui et cette deuxième moraine ; cette eau s’écoulait par l’échancrure 1 que nous y voyons aujourd’hui. Pendant ce temps, la première mo- raine , qui est la dernière dans l’ordre chronologique , se formait, et l’espace H se comblait insensiblement ; mais avant que ce rem- ])lissage fut terminé , avant que la moraine fut arrivée au niveau des autres , le glacier se retira définitivement , cessa son travail et disparut ; les eaux qui restèrent dans l’espace H , et celles qui y arrivèrent par la suite, ne s’écoulèrent plus par l’ouverture I , plus élevée que le sommet de la première moraine ; revenant en quel- que sorte sur elles-mêmes , elles passèrent par-dessus celle-ci , qu’elles finirent par couper complètement , comme elle l’est au- jourd’hui. Telle est l’explication simple , naturelle de la forme actuelle du petit bassin d’Olicliamp; je ne crois pas qu’il soit possible d’expli- quer par une autre cause que les glaciers sa disposition si curieuse. Je serai heureux si ces notes peuvent ajouter à l’évidence de l’an- cienne existence de glaciers dans les Vosges. Lettre de M, Ern, Royer à M, Virlet, a V occasion de la P l 'écéden te notice . Forges de Cirey, 25 janvier 1847. J’ai reçu votre obligeante lettre , et je m’empresse d’y répondre ; je pensais bien que M. Hogard devait avoir vu les moraines d’Oli- champ: c’est, en effet, aux pages ù8 à 52 de son intéressante bro- chure (1) qu’il en parle , et sa planche Yï est consacrée à la même localité , qu’il indique sous le nom de col de la Demoiselle. Dans (1 ) Observations sur les moraines et sur les dépôts de transport ou de comblement ^ par M. Hogard ; in-8 , Épinal, 1842. SÉANCE 1)U 7 i)ÉCEMlîHE 18Zj6. 295 les bourrelets figurés sur cette planche , entre G et B , vous recon- naîtrez les moraines n°* 1 et 2 de mon petit travail. ]^îa notice , comme vous l’avez vu , se divise naturellement en deux parties : 1° la description des lieux ; 2*^ des conjectures sur la direction du glacier qui a produit ces moraines , et son mode d’ac- tion. La description des lieux est aussi exacte que le peu d’heures que j’ai passées à Olichamp me permettaient de le faire , et je vois avec plaisir que M. Hogard a pensé , comme moi , c|u’iin glacier seul pouvait avoir produit de tels effets. Quant aux conjectures auxquelles j’ai osé me livrer, il n’y a rien dans ce qu’il a écrit qui y soit opposé; cependant je sais qu’elles peuvent rencontrer des causes sérieuses de contradiction : l’étude du voisinage d’Oli- champ , notamment du col de la Grande-Cour rue , où des faits fort importants doivent exister, m’a manqué; 2° l’existence d’un glacier assez considérable pour remplir la vallée de la Moselle effraie l’imagination ; 3” les traces de glaciers que l’on rencontre en remontant la vallée de la Moselle, au lac de Fondromé, à Bémanvillers et près du Thillot , étant situées dans cette vallée même , et annonçant l’ancienne existence de glaciers descendant des versants voisins dans la vallée , ces glaciers ne se compren- draient pas si elle avait été remplie par la glace à un niveau supé- rieur à celui de ces témoins actuels. Cependant ces faits , en appa- rence contradictoires , peuvent trouver une explication ; 1° dans la différence de niveau du col d’Olichamp et des autres moraines de la vallée de la Moselle ; 2*^ dans la différence des temps dans lesquels le glacier ou les glaciers ont pu agir, et par conséquent dans les differents niveaux qu’aura atteints le glacier de la Moselle, allant toujours en diminuant , s’abaissant de siècle en siècle. J’ai senti les difficultés; cependant j’ai pensé que le .glacier qui a produit les moraines d’Olichamp devait se diriger vers l’Au- gronne ; mon opinion est basée : 1° sur la courbe si prononcée des moraines, dont la concavité regarde la Moselle. Cette courbe est surtout remarqual^le dans la deuxième ; l’on ne comprend pas comment le glacier, dont la partie médiane devait, comme dans les glaciers actuels , être plus en avant , aurait pu lui donner cette foi'ine s’il se fût dirigé dans le sens inverse ; et comment il aurait pu porter les matériaux aux deux extrémités, surtout à l’extré- mité S., dont l’emplacement aurait été comme abrité par la mon- tagne granitique, qui s’avance comme un promontoire sur la plaine ; 2° sur le remplissage de la plaine d’Olichamp , depuis la deuxième moraine jusqu’à la sixième et au-delà , lequel a caché successivement la base des moraines , de manière à ne plus laisse 296 SÉANCE DU 7 DÉCEMijllE 18/|6. paraître que leur sommet; ce remplissage a conservé, comme cela devait être dans la supposition où les matières qui le composent venaient du côté de la Moselle , une légère pente vers la vallée de rAugronne , et s’est étendu vers cette vallée ; s’il s’était opéré au moyen de matériaux venus de l’autre extrémité , la plaine aurait une pente inverse ; 3° sur l’espace resté vide entre la première et la deuxième moraine , lequel aurait dû, dans l’opinion contraire , se remplir le premier ; l’étang marécageux existant entre la deuxième et la troisième ajoute à cette preuve, en indiquant que cet espace n’avait pas encore atteint le niveau des autres quand l’eau produite par la fonte du glacier cessa d’y apporter des maté- riaux ; ù” sur la direction de la cinquième et de la sixième moraines ; si le glacier se fût dirigé vers la Moselle , il n’aurait pu partir que d’un seul point , des hauteurs d’Erival ; dans ce cas , ces moraines auraient été dans une position oblique par rapport à son extrémité, ce qui ne peut se comprendre que difficilement. Telles sont , mon- sieur, les quelques observations que je crois devoir vous sou- mettre , en vous priant , si vous les croyez dignes d’intérêt , de les joindre à la lecture de ma notice à la Société géologique de France; la partie descriptive a seule du prix pour moi si elle peut ajouter quelque chose aux nombreux documents que l’on possède sur les Vosges : la partie conjecturale aurait bien son intérêt aussi , mais je ne la présente , comme tout ce qui est hasardé , qu’avec réserve , et en réclamant d’avance l’indulgence de nos confrères. M. Yirlet fait la communication suivante : Su?' les traces tV anciens glaciers aux eiwirons de Lure , département de la Haute-Saône ; par M. Yirlet d’Aoust. Depuis la publication de AÎM. Hogard et Ernest Eoyer sur les moraines du versant méridional de la chaîne des Vosges et de MM. Le Blanc et Edouard Collomb sur celles de son versant orien- tal , on admet généralement que cette chaîne donnait autrefois lieu à la formation de glaciers qui rayonnaient de toutes parts au- tour du massif des ballons , à l’instar de ce qui se voit eneore au- jourd’hui autour des sommets principaux de la chaîne des Alpes ; et M. Le Blanc a démontré (1) qu’il suffisait d’un simple abaisse- ment de 7“ dans la température moyenne des lieux circon voisins pour que le phénomène ait pu se produire. (1) Bulletin de la Société géologique ^ F® série, t. Xll, p. 132. TABLEAU COMPARE DES CARACTÈRES PRINCIPAUX DES GENRES DE TRILOBITES TROUVÉS DANS LE DÉPARTEMENT DTLLE- ET -VILAINE. — Par M. Marie ROUAULT. PHOEXUS. PHACOPS. CaVPHOEUS. POLYÈRES. Pa.O.OC„E.ECS. CHEIKDRCS. .ELOE«US. NIEEOEDS. OGYGIE. TR.NDCLEUS. De C„... Plus d-nn quart de la L°"pôrpiM’Va^rgeq^ Commecl.co„.re. cSrs£“’"‘'““ Près d’un liers de lu lon- comme cl-comre. ïHpl'êi cupant plus de îr^^odi'é'de malTprésenlam'L^wgMr ^eu. fois celle de l’aLo- Da BOrCLIER Da forme anguleuse sans _S;^pr.;long.um.^.^, sorreVu'irj;/' 'J ,„„lo„ge.„eol. ,,éces.ePhac„ps. comme cl.eun.re. c....,-...,... ........ ,™.. i?iSSÇr"S preudde^pluseupluseelle ^ Yeux remplacés par des lêot“^lus’'’rïeo’d°! orfi’uès de la vue. De sa résUlaoce comme cl-conDe. ÆguTgt '%&î=ï.s..;“ Peu^éform.. Peu déformé; l'ahdomeu q“’'îî'offs“^.l'p°n de Æ.rïï-i.,s SSr'^""— Déformation très limitée "aucT'’'*'''''"'’''’ lARDOMEN ^ pSiè *dè ia^toîigileur totale comme c|.c„„„e. comme c|.con.re. ■ucouuu. Un pen plus d'un liers lueouuu. de'^bTouguéur°de“'Vouï- Commec|.eou.re. dek^longlieur^tolale. les ” j lio?s'T'm'iin's^ïùn't"'îr ESîi}::55S Dellailiculiitiunsfnoins , ...... ^De .0 aidiculalions Irès plaust.;:'ra'^qit%eu! De 8 articulations très piales, bien peu arquées. Dq ' ' De ïisli SgEgSeS? c... .ucouuu. — ^ U.i tiers de la longueur îSP^— dc'ïaToo^^Tui-'îrude dlTr. j £SEî£r- ;»£== nTarquées’î^^xTi^ N'nare plne de Iraees de l,al°ouTrès disl ' ‘.e ' 1 | "--j gpiïSS iBp comme c|.ru„,re. comme cl cou., e. Peu sensible. ,ufe:.rSrÉu. comme el.c„u.re. .,ue celles ‘de lubdumeu. Comme ci.co„lre. Comme ccoulre. Da TEST. Teil formé d’une couche Trouvé à l'élul de caU cmreç^.u.cuucHear. ë£:££S£ Trouvé A l’élut de- cal- psü c, Commeel-eoulre. comme rl-conlre. Co„,mee|.eou...e. à tîÉAiNCE UU 7 DÉCEMBRE 18A0. 297 Des observations que j’ai eu récemment occasion de faire dans la vallée de l’Ognon , vers l’extrémité septentrionale du départe- ment de la Haute-Saone , viennent ajouter à la monographie des anciens glaciers vosgicns , et offrent quelque intérêt en ce qu’elles indiquent la limite la plus méridionale connue de ces glaciers. La rivière d’Ognon court , à son origine , au S. -O. un peu S. , à travers une vallée profonde, dont l’existence se rapporte très probablement au système de dislocation de la Côte-d’Or. Lors- qu’on remonte cette vallée pour se rendre dans les Vosges , on rencontre , après avoir traversé le village de Saint-Germain , et à environ 6 kilomètres auN.-E. de la petite ville de Lure , une série de collines formant à travers la vallée une espèce de barrage. Ces collines s’élèvent de 50 à 75 mètres au-dessus du sol de la ville et sont entièrement formées de débris erratiques et de sables amoncelés pêle-mêle , déposés là par un grand glacier qui descen- dait évidemment du ballon de Servance et s’avancait par la vallée de rOgnon jusque près de Lure. En elïet , lorscpi’on examine l’immense accumulation de blocs crraticpies composant cette moraine termimde , on voit que tous les matériaux qu’elle renferme appartiennent à ce massif de mon- tagnes , que c’est un mélange de fragments de poudingues ou de grès vosgiens , de fragments des roches métamorphic]ues schisto- trappéennes qui constituent en partie les montagnes bordant la vallée jusc|u’ au-delà du village de Servance , de fragments de pra- sophyre ( ophite , porphyre vert ) qui se rencontre plus loin (1) ; (1) C’est au surgissement du prasophyre que les modifications subies par les roches avoisinantes paraissent particulièrement se lier, car elles ont acquis une partie de ses caractères extérieurs. On retrouve, en effet, là, une grande partie des phénomènes que M. Boblaye et moi nous avons signalés en Grèce ( Expédition scientifique de Morée, géologie et minércdogle , t. II, 2® partie , p. 115). Dans l’une et l’autre localité, de nombreux filons de fer oligiste paraissent avoir été la conséquence du surgissement du prasophyre et avoir contribué, avec cette roche platonique, aux modifications subies par les terrains sédi- mentaires environnants. Seulement les phénomènes métamorphiques sont plus prononcés dans les Vosges que dans la Grèce ; car plusieurs des roches sédimenlaires de cette contrée ont complètement acquis tous les caractères de roches platoniques , circonstance qui fait que , comme je le disais déjà en 1835 [BiilL, 1 série, t. VI, p. 31 8), la limite entre les terrains soit pyrogènes , soit entre ceux-ci et les terrains sédi menteur es en contact , est d’autant plus difficile à établir que les actions réciproques ont été plus intenses. En effet, parmi cette nom- breuse variété de roches métamorphiques de la vallée de Servance , :>y8 SÉANCE DU 7 BÉCEMBllE I8/16. el enfin de fragments d’un granité gris rosâtre ressemblant beau- coup à la syénite rose d’Egypte , et dont le gisement se trouve à l’origine de la vallée , vers Château-Lambert. Dans ces blocs de tontes dimensions , dont quelques uns sont anguleux et la plupart arrondis sous forme de galets , beaucoup de ceux-ci présentent encore des stries , signes caractéristiques de leur origine glaciaire. Ce dépôt morainique , qui paraît avoir été la station la plus avancée du glacier de Servance , s’appuie d’un côté, au S. du hameau de la Goulotte, aux collines de grès bigarré de Saint- Germain, que l’on exploite pour pierre à bâtir ; et de l’autre sur les flancs du mont de Yanne , qui termine de ce côté la chaîne des Vosges ; les hameaux des Granges-Guénins et des Granges-Brûlées sont construits sur ce dépôt , et celui de Montessaux est placé à l’amont de la moraine et à l’endroit où rOgnon s’y est ouvert postérieurement un passage. La plaine située au-delà formait avant cette ouverture un de ces lacs glaciaires, dont M. Le Blanc nous a aussi donné la théo- rie (1), et qui , à mesure que rOgnon creusait son lit dans la mo- raine , se transformait successivement en marais dans lesquels se sont formés les différents dépôts tourbeux qui s’exploitent aujour- d’hui sur plusieurs points des environs, et signalés par M. Tliir- ria (2) notamment sur les territoires des communes de Mélisay et de Ternuay. que j’appelle provisoirement schisto-trappéeniies , et que les géolo- gues ont classées, les uns, dans les porphyres ou les eurites compactes, les autres, dans les diorites, les trapps, etc., les unes, étant tout à fait passées à la structure lamellaire et même cristalline, sont de véritables porphyres , mais des porphyres métamorphicpics , sur l’existence des- quels j’ai aussi depuis longtemps appelé l’attention des géologues {Géol. et min. de la Morée , p. 295, 296 et 299. Bail. Soc. g'éoL, 1 série, t. VI , p. 278 et 31 3 ; t. VII , p. 170 ; et lettre de M. Ké- ferstein , p. 1 97 ; t. VIII , p. 305 et 307 ; 2® série , t. I , p. 854 , et t. III, p. 329 ), les autres, celles où l’action métamorphique a été moins intense, mais encore suffisante pour faire disparaître les carac- tères de roches sédimentaires , et qui devaient naturellement laisser plus d’incertitude , peuvent être rangées dans la classe des roches d'imhihition, que je signalais en 1 8 44, au congrès de Chambéry i^Bull. , 2® série , t. I, p. 845 ) , et dont j’avais déjà entrevu l’exis- tence en 1829, en parcourant file de ïynos, dans l’archipel grec ( page 64 de l’ouvrage cité ci-dessus). (1) Bulletin de la Société géologique ^ 1*'® série, t. XIV, p. 600. (2) Statistique minéralogique et géologique de la Haute-Saône ( p, 33 ). ‘ SÉANCE DO 21 DÊCEMEKE 18/|6. 299 Au nord de IMontessaiix , les villages de Saint-Barthélemy et de Mélisay sont aussi en grande partie bâtis sur une seconde ligne de collines morainiques , et enfui , plus loin encore , entre ces villages et celui de Bellonclianip , mais plus près de celui-ci , on trouve une autre ligne de petites moraines , plus particulièrement composées de débris granitiques et cjui font suite à une série de monticules isolés ou pointemeiits , composés de roches métamor- phiques , lesquels devaient former autant de petits îlots au milieu du lac auquel la grande moraine de Montessaux servait de barrage. Cette troisième ligne de moraines semble être la dernière station rétrograde du glacier; car au-delà de Eelionchamp et de Ternuay, on ne rencontre plus que des blocs isolés c[ui paraissent apparte- nir aux moraines latérales. J’ai rencontré de ces blocs jusqu’au sommet de la montagne, cjui renferme les beaux et riches filons de lér oligiste connus sous le nom de mine de fer de Servcmce. Cette montagne s’élève bien à 8 ou 900 mètres au-dessus du niveau de la mer, tandis que l’altitude du ballon de Servance n’est que de 1,189 mètres. On a monté, dans ces dernières années, à Servance même, une petite scierie mécanique mue par l’eau et destinée au polissage des ])elles roches granitiques et porphyriques provenant en grande partie des moraines latérales et que l’on trouve dans les environs en blocs souvent fort volumineux. Parmi ces belles matières dures travaillées et polies dans cet établissement, et dont le prix n’est cependant que de 10 francs par pied carré de surface , le granité et le prasophyre fournissent surtout de très grandes tables d’un fort bel effet. Le prasophyre des Yosges présente donc de l’avan- tage sur celui de Grèce , qui , ÎDeaucoup plus fendillé , ne pouvait guère être employé qu’à la confection de petits objets d’art (1). Séance du 2i décembre 1846, PRÉSIDENCE DE M. DE VERNE UIL. M. Bayle, vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. (1) Géologie et minéralogie de laMorée^ parMM.Yirlet et Boblaye», D. 113. t 300 SÉAKCE DU 21 DÉUEMBUE I8/1O, Par suite des présentations faites dans la dernière séance , le Président proclame membres de la Société : MM. Frignet (Ernest), docteur és-sciences, membre de la So- ciété d’histoire naturelle de Strasbourg, 38, passage Sandrié, à Paris, présenté par MM. Waiferdin elle vicomte d’Archiac -, Le baron Gabriel de Latour- du -Pm Ghambly , à Nantes, présenté par MM. de Boissy et d’Archiac ^ Bonnet, ingénieur des mines à Lisbonne (Portugal), pré- sent par MM. Cordier et Charles d’Orbigny, Feignoux, de Giissey (Allier), présenté par MM. Pomel et Yirlet -, Maclaren, à Edimbourg, présenté par MM. Martins et Hugard ^ James Hall, à Albany, Etat de New-York, présenté par MM. Élie de Beaumont et de Yerneuil -, W. Redfield, à New-York, Greenwich Street, 32Zi, pré- senté par MM. Elie de Beaumont et de Yerneuil -, Marie Rouault, à Rennes (lIle-et-Yüaine) , présenté par MM. de Pinteville et de Yerneuil. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice , Journal des savants , novembre 18A6. De la part de M. Ach. de Zigno , hitorno di cenni^ etc. (Observations sur les aperçus du professeur T. A. Catullo sur le système crétacé des Alpes vénitiennes)-, in-S», 15 pages, PadoLie, 18A6. Comptes-rendus des séances de V yîcadémie des sciences , 18A6, 2e semestre, t. XXHI, no» 23—24 5 — table du lei* se- mestre 1846 , t. XXIL Bulletin de la Société de géographie , 3® série, t. YI, n<^ 34, octobre 1846. U Institut y 1846, nos 675 — 676. The Athenœum, 1846, n^s 998—999.' The Mining Journal ^ 1846 , n^s 590—591. ’i SÉAÎ^CE DU '21 DÉCEMBRE 1840. 801 T/ie american Journal of science and arts, by Sillimao *, ser. 2, no 5 , septembre 1846. Mémoires de r Académie impériale des sciences de Saint- Pétersbourg , 6® série, t. V, liv. 3—4. Mémoires présentés a V Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg par divers savants; t. V, ÜY. 1 — 6-, t. VI, liv. 1. M. le vice-secrétaire lit la lettre suivante de M. de Maissin, capitaine au long cours : Monsieur le Président, Je viens vous prier de vouloir bien offrir à la Société géologique quelques échantillons de roches ou débris qui se trouvent com- munément à la surface du sol , et cela à toutes les hauteurs , depuis le bord de la mer jusqu’aux terres les plus élevées, dans File de Borabora, une des îles du groupe des Marquises. , Je regrette infiniment de ne pouvoir joindre à cet envoi une notiee plus étendue , mais je n’ai point recueilli ces échantillons moi-même; tout ce que je peux dire, c’est que la personne c[ui s’est chargée de me les apporter est mon frère , M. E. de Maissin , capitaine de corvette, qui a séjourné plus de deux ans dans ces îles. Il m’a assuré qu’il avait, sur ma demande, fait rechercher par toute l’île, mais toujours à la surface, toutes les pierres qui pou- - vaient offrir un aspect différent , et qu’if n’avait pu trouver que ce que j’ai l’honneur d’offrir à la Société. M. le vice-secrétaire lit une lettre de M. Édouard Gollomb, sur les galets striés, Wesserling, le 10 décembre 1846. Dans une note que j’ai envoyée à la fin de novembre à la So- ciété sur quelques faits relatifs aux anciennes moraines des Vosges , je faisais remarquer que , dans quelques uns de ces amas , je n’avais point trouvé de galets striés , et cpie ce fait négatif pourrait paraître extraordinaire dans nos vallées , où ces galets sont répandus avec autant de profusion. M. Agassiz , qui le premier les a découverts , a donné la description et la loi générale de leur formation ; ce n’est que la question de leur distribution dans le terrain erratique dont nous allons nous occuper. En l’étudiant , soit dans les Vosges , soit en Suisse , j’ai remarqué 302 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1840. I que dans certaines vallées , où tous les autres accidents qui carac- térisent ce terrain se trouvaient réunis, je ne rencontrais point de galets striés; en poursuivant ces recherches jusqu’au pied des gla- ciers, j’ai trouvé que parmi les débris minéraux déposés aux abords et sur les bancs de certains d’entre eux je n’en trouvais pas non plus , tandis que dans d’autres vallées et au contact d’autres glaciers , ils étaient fort abondants. Après un grand nombre d’observations, je suis arrivé à conclure que tous les glaciers ne donnaient pas lieu à la formation de ces galets. Pour cjue ce phénomène se produise , il faut qu’il existe dans les montagnes cjui entourent un glacier plusieurs espèces de roches d’un degré de dureté différent. Ainsi , lorsqu’un glacier est encaissé par des masses purement granitiques ou purement cal- caires, il n’y a point de galets striés produits. Mais , si les roches d’où ils proviennent sont en partie cristallines et en partie sédimentaires, il y a production de raies sur les galets. Le galet de granité , lorsqu’il est charrié par un glacier, et cpi’il ne trouve sur son passage que du granité , ou bien le galet de cal- caire cjui ne rencontre que du calcaire , ne se raieront point. Ce fait nous explique pourcpioi clans c|uelques vallées des Vosges, comme au pied de certains glaciers , il y a absence complète , et sur d’autres points et aux abords d’autres glaciers , il y a profusion de ces espèces de pierres. Dans les Vosges , en outre des deux petites moraines dont nous avons parlé fnote du mois de novembre), dans plusieurs vallées du versant occidental, où M. Hogard a remarcpié et décrit des mo- raines c{ui ont un caractère erratic|ue incontestable , il y a absence de galets striés , parce que le massif tout entier c|ui domine ces vallées est purement granitique. Sur le versant E. de la chaîne , la vallée de Guebwiller , qui prend naissance sur le point le plus élevé des Vosges , le Ballon (1,426 mètres) , est barrée , à 5 kilo- mètres en amont du village de Lautenbach , par une échelle de petites moraines cpii ressemblent , sous les rapports de forme et de dimension , aux petites moraines C{u’on trouve à quelques centaines de mètres en aval du glacier actuel du Rhône ; ces moraines ne contiennent point de galets rayés ; on y en chercherait en vain ; tous les massifs supérieurs sont formés de grauwacke plus ou moins compacte , qui a subi des actions métamorphiques plus ou moins énergiques , mais c{ui n’est pas assez dure pour se rayer elle-même par frottement; elle s’use , se polit, mais ne se burine pas; on ne trouve dans ce bassin aucune niasse granitique ; les filons de quartz y sont fort rares ; la rocîie massive n’apparaît au jour, dans cette SÉANCE DU 21 DÈCEMliRE l8/l6. 303 vallée , que sur une ligne située en aval des petites moraines. Lorsque leurs matériaux étaient en mouvement, ils ne rencon- traient sur leur cliemin que des roclies identiques à eux-mêmes; ils n’ont pu se strier. Par contre , la vallée de Saint- Amarin réunissait toutes les con- ditions nécessaires pour que le galet rayé s’y soit produit dans les temps erratiques. Les schistes siluriens à pâte fine y sont traversés à chaque instant et pour ainsi dire enchevêtrés dans des masses cristallines de granité , de granité porphyroïde , de syéoites, d’eu- rites, qui sont elles-mêmes coupées par d’innombrables filons où la famille des Sihcides se rencontre sous mille formes diverses. On conçoit que de pareils matériaux , lorsqu’ils ont été déplacés et mis en mouvement par la force dynamique d’un glacier, lorsqu’ils étaient empâtés dans sa masse , ou lorsqu’ils ont servi de roulettes sous le glacier, ont dû exercer les uns sur les autres une action éro- sive qui a donné heu à ces masses de détritus où les galets rayés sont si abondants. En Suisse , ces galets sont fort rares parmi les débris du glacier inférieur de i’Aar, parce que la roche en place du bassin est formée de granité , de gneiss et d’une variété de micaschiste fort tendre et friable : ce schiste n’a pas le degré de résistance suffisant pour conserver des empreintes burinées. Ils sont également rares au pied du glacier du Ehôiie, parce que, dans cette localité, les dé- ])ris ne sont composés que de roche cristalline trop dure pour se laisser strier. Dans la vallée de Ghamounix , les deux glaciers que j’ai plus particulièrement explorés cette année (avec M. Hardouin Michelin), celui des Bossons et celui du Taconnet, sont fort pauvres en galets striés. Les moraines du glacier des Bossons sont granitiques et gneissiques , et celles du Taconnet sont formées de schistes talqueux et de schistes clilorités ; les conditions nécessaires pour leur production se trouvent ici écartées. D’un autre côté , les débris rejetés par le glacier de Bosenlaui sont riches en .galets striés; j’en ai recueilli de beaux exemplaires parmi les matériaux répandus sur le terrain que le glacier avait abandonné pendant le courant de l’été. Ce glacier n’a point de moraines frontales; il est simple, il n’apas de grands affluents qui lui apportentieur contingent de déÎDris; ils sont accumulés sur ses flancs, et les pics gigantesques qui le dominent, les Wetterhorner, sont précisément placés sur la limite du gneiss et du calcaire (1) ; son bassin supérieur présente (1) Voir la carte géologique du Wetterhorn et des régions envi- ronnantes , par M. Desor. oOâ SÊAKCE DU 21 DÉCEMBRE I8/16. cela de particulier, qu’il offre des alternances de roclies cristallines et de roches de sédiment, disposition la plus favorable à la ])ro- duction de nos galets. Ce calcaire a le degré de dureté et de téna- cité nécessaire pour recevoir et conserver un burinage fort net ; sous ce rapport il a la plus grande analogie avec les schistes argi- leux des Vosges. Sans qu’il soit nécessaire de multiplier les exemples , nous pou- vons dès à présent conclure des faits qui précèdent , que la présence ou l’absence des galets striés dans le terrain erratique ou dans les débris des glaciers en activité dépend essentiellement de la nature des roches qui forment les bassins supérieurs. Il faut le concours, ou plutôt le contact d’un corps dur contre un corps plus tendre pour que le burinage se produise et se conserve. M. Rozet communique la note suivante de M. l’abbé Raquin. Note sur les mines de Jer découvertes dans les cantons deSemur- en-Brionnais et de Marcigny [Saône-et-Loire) , en I8/16, par M. l’abbé Raquin. On a récemment découvert , dans le canton de Semur et dans celui de Marcigny, des gisements de fer très importants, qui pa- raissent devoir donner lieu à une exploitation considérable. Lors- que j’ai visité cette localité , il y a environ deux mois , plus de deux cents ouvriers étaient déjà employés à l’extraction du mi- nerai , et le nombre des mineurs s’accroissait chaque jour. Ce gi- sement m’a paru intéressant sous le rapport géologique ; c’est ce qui m’engage à le faire connaître à la Société. Le pays où se trouve ce minerai est coupé par des vallées assez profondes , qui toutes se dirigent vers le bassin de la Loire. Dans le fond des vallées , la terre végétale repose sur les marnes supé- rieures du lias , et sur les versants on voit affleurer les bancs du calcaire à entroques qui reposent immédiatement sur ces marnes. Ces deux formations sont les deux formations dominantes du pays on se trouve le minerai. Pour rencontrer les assises moyennes et inférieures du lias , il faut se diriger plus à l’E. Sur tous les pla- teaux , le calcaire à entroques est recouvert par une couche plus ou moins puissante d’argile de couleur généralement jaunâtre. Dans cette argile se trouvent disséminés, sans aucun ordre apparent, des silex d’un volume quelquefois très considérable. Ces silex occupent surtout la partie supérieure des argiles. Le sol en est gé- néralement recouvert , soit que dans l’origine ils se trouvassent SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18âO. 305 naturellement à sa surface , soit qu’ils y aient été amenés depuis par les travaux des hommes qui ont défriché ce sol pour le livrer à la culture* Ainsi, à partir de Semur, dans un rayon de /i à 8 kilomètres , on rencontre une quantité parfois prodigieuse de cailloux anguleux de toute grosseur qui recouvrent la surface du sol. On ne peut supposer que ces cailloux aient été charriés par les eaux et que le terrain où ils se trouvent soit un terrain de trans- port; car leur forme anguleuse dont les angles sont à peine émous- sés ne permet pas d’adopter cette hypothèse. D’ailleurs , j’ai observé plusieurs fois , sur divers points , de ces silex formant de véritables couches , ayant une étendue de plusieurs mètres , et 0,50* centimètres à 1 mètre d’épaisseur, lis étaient seulement re- couverts de quelques pouces de terre végétale. La texture de ces silex est ordinairement compacte ; ils présentent cependant quel- quefois une texture celluleuse analogue aux meulières des envi- rons de Paris, On en a même exploité , à ma connaissance , pour faire des meules de moulin, qui , il est vrai , étaient d’une qualité bien médiocre. Ces silex sont très souvent colorés en rouge par l’oxyde de fer , ou en jaune par l’hydrate de cet oxyde. Lorsqu’ils sont purs , ils ressemblent assez aux silex de la craie , sauf qu’ils ont toujours une teinte légèrement jaunâtre. Cette formation argileuse s’étend depuis les environs de Char- lieu jusqu’aux environs de Paray, en formant sur les rives droites de la Loire une zone dont la largeur ne dépasse guère 5 à 6 kilo- mètres. Cette formation argileuse ne présente pas les mêmes carac- tères sur toute cette étendue. Ce n’est qu’aux environs de Semur, dans un rayon de 7 à 8 kilomètres, que l’on trouve des silex dans le sein de l’argile. A mesure qu’on s’éloigne de ce centre , les silex diminuent et finissent par disparaître. Après avoir dépassé Marci- gny, on rencontre une plaine qui se prolonge jusqu’à Paray où l’on ne rencontre plus de silex , ni à la surface du sol ni dans son intérieur. Un fait digne de remarque , c’est que ces silex ne se trouvent que dans la partie la plus accidentée de la contrée dont je parle. C’est dans cette formation argilo-siliceuse que se trouve le mi- nerai de fer qu’on exploite. Il se présente en blocs isolés au milieu de l’argile , de la même manière que les silex avec lesquels il se trouve associé. Les deux éléments , la silice et le fer, se sont mé- langés dans toute espèce de proportions. Là, le minerai de fer est presque pur ; là , au contraire , c’est le silex qui est à peine coloré par la présence du fer. Entre ces deux extrêmes se trouvent tous les états intermédiaires résultant du mélange des deux substances Soc. géol.^ 2® série, tome IV. 20 306 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. Le même bloc contient ainsi le minerai à différents degrés de pu- reté , et l’on est obligé de le casser en petits fragments pour faire le triage. Ce minerai est un oxyde de fer le plus souvent hydraté. Sa cassure n’est point homogène , mais elle présente des lignes qui indiquent de petites couches superposées les unes sur les autres ; quelquefois aussi elle est celluleuse. Ce minerai est très estimé , non seulement à cause de sa richesse , mais encore parce que sa gangue étant siliceuse sert de fondant aux minerais calcaires qui sont beaucoup plus communs que les minerais siliceux. 11 est expédié au Creuzot ou à Saint-Etienne. L’extraction facile de ce minerai qui se trouve , pour ainsi dire, à la surface du sol , et la nature siliceuse de sa gangue , qui lui donne de la valeur , en rendent l’exploitation très importante pour le pays où il se trouve. 11 y a deux mois, le minerai n’était encore exploité que sur deux points , sur la commune du 1 .ac ( canton de Marcigny ) et sur celle de Semur , au lieu dit les Cornus ; mais alors on faisait des fouilles nombreuses sur d’autres points, et quelques unes de ces recherches avaient fait conce- voir des espérances fondées de trouver le minerai en assez grande quantité. La présence de ce minerai est indiquée par la couleur rouge des cailloux qui sont à la surface du sol ; mais cette couleur n’est pas toujours un indice certain ; car il peut arriver que le fer ne se trouve pas en assez grande quantité pour être exploité. 1/étendue du terrain où l’on peut faire des recherches avec l’es- poir d’arriver à d’iieureux résultats comprend plusieurs communes limitrophes, le Lac, Semur, Yguerande, Mailly, Saint-Julien, Ligny, Vauband , Briand, Sarry, Marcigny. Mais les gisements les plus importants paraissent situés sur les communes de Semur et du Lac. Cette formation argilo-siliceuse , où se trouve le minerai de fer, me parait être une formation tertiaire , probablement contempo- raine des formations lacustres qu’on observe sur les bords de la Loire et que M. Kozet a décrites dans son Mémoire sur la masse des montagnes qui séparent le cours de la Loire de ceux du Rhône et de la Saône. Jusqu’à présent on n’a découvert dans ce terrain aucun fossile qui puisse indiquer d’une manière certaine et dé- finitive dans quelles conditions il a été formé. 11 n’est pas une dépendance du terrain jurassique sur lequel il repose ; car il n’est pas aussi étendu que ce dernier , et il n’y a aucun passage de l’iin à l’autre. La ligne de déniarcation entre ces deux ter- rains est toujours parfaitement distincte. L’idée d’un transport n’est pas non plus admissible à cause de la forme des blocs qui ne 307 SÉANr^E DU 21 DÉCEMBRE 18/16. présentent aucun caractère des cailloux roulés. La position de ce terrain sur les plateaux les plus élevés et par lambeaux isolés , se trouve au contraire assez en rapport avec les caractères que pré- sentent les terrains lacustres. Il me paraît donc probable que ce dépôt a eu lieu dans des lacs peu profonds qui recouvraient les plateaux où on l’observe maintenant. C’est dans ces lacs que se déposaient les argiles amenées par les cours d’eau qui affluaient des montagnes voisines. Mais d’où sont venus la silice et le fer qui se trouvent en si grande quantité nu milieu de ces argiles ? Une seule hypothèse me semble expliquer , d’une manière satisfaisante, la présence de ces substances dans les lieux où on les observe , et les diverses circonstances de leur mélange ; c’est l’hypodièse de sources siliceuses et ferrugineuses qui seraient venues de l’intérieur et auraient déposé, surtout autour des points où elles jaillissaient , les éléments qu’elles tenaient en dissolution. On conçoit alors com- ment le minerai de fer se trouve répandu çà et là dans toute la formation argileuse en amas plus ou moins riches. On conçoit aussi que les eaux des lacs où arrivaient ces sources étaient colo- rées par le fer dans toute leur masse , et qu’ ainsi les argiles qui se déposaient dans leur sein ont dû aussi être généralement colo- rées. Les silex l’ont été aussi , mais moins généralement que les argiles. Ainsi , au milieu argiles colorées on trouve des silex qui ne le sont pas ou du moins qui ne le sont qu’à l’extérieur. Cette particularité est probablement un effet de Fattraction molécu- laire qui tend à réunir ensemble les molécules homogènes, M. Rozet, dans le Mémoire que j’ai cité plus haut, en parlant de la formation des arkoses qu’on observe dans la partie orientale de la contrée dont il est question , a déjà émis l’opinion fondée sur plusieurs observations , que la silice qui sert de ciment aux élé- ments des arkoses , avait été fournie par des sources venues des profondeurs du sol. L’action de ces sources se serait prolongée pendant toute l’époque de la formation des arkoses, et aurait même continué pendant les premiers temps de la formation du lias, puisque, comme Fa observé M. Rozet, les couches infé- rieures de ce terrain sont , dans certaines localités , pénétrées de silice ; mais ensuite leur action se serait ralentie , ou aurait même cessé complètement pendant le dépôt de la plus grande partie du lias et du calcaire à entroques. La réapparition de ces sources dans les mêmes lieux, après un laps de temps considérable, indique donc quelques bouleversements dans le sol préexistant, bouleversements qui auraient déterminé de nouvelles fissures capables de livrer passage à ces sources. Or , c’est précisément ce qui paraît avoir eu 308 SÉANCJi DU 21 DÉCEMBRE 18A6. lieu. J’ai déjà fait la remarque que la contrée où se trouvent les silex et les minerais de fer , est la plus accidentée des terrains stra- tifiés environnants. Les soulèvements qui ont donné au sol son relief actuel sont postérieurs à la formation du lias et du calcaire à entroques qu’ils ont dérangés de leur position liorizontale. Ces mouvements du sol ont été occasionnés par l’éruption des basaltes que j’ai vus perçant les calcaires sur deux points différents , dis- tants l’un de l’autre d’environ 6 kilomètres , l’un sur la commune de Mailly et l’autre sur celle de Briand. Ces deux points basaltiques sont dans la direction du N. au S. , parallèles au cours de la Loire ; c’est précisément la direction des couches calcaires. Autant que l’état de la culture du sol m’a permis de l’observer, ces basaltes formeraient un dike qui aurait tra- versé les couches calcaires du N. au S. , en leur donnant une in- clinaison de l’E. à l’O. La réapparition des sources siliceuses accompagnées de sources ferrugineuses coïncide donc avec les phé- nomènes volcaniques qui ont donné à la contrée sa physionomie actuelle. Cette coïncidence rend donc probal3le l’opinion que j’ai émise sur l’origine du minerai de fer qu’on trouve dans le pays où est situé le centre de ces éruptions volcaniques. L’absence de la silice et du minerai dans un terrain de même formation , mais dont le dépôt a eu lieu sur un sol plat et horizontal , assez loin du centre des phénomènes ignés , me semlile une preuve de plus en faveur de cette hypothèse. S’il en est ainsi , ce serait là un fait nouveau ajouté à tant d’autres qui prouverait le rôle important des sources intérieures dans les formations géologiques. Après avoir donné lecture de cette note, M. Rozet ajoute qu’il adopte tout à fait la manière de voir de M. Raquin k l’égard de ces dépôts de fragments siliceux avec minerais de fer, bien que, dans son Mémoire sur la masse de montagnes qui sé- pare la Loire du Rhône et de la Saône , il ait considéré ce terrain comme une masse de transport provenant de la destruction des couches de l’oolite , remplies de productions siliceuses. L’action des sources siliceuses peut certainement s’être continuée à tra- vers tous ces terrains depuis l’époque des arkoses inférieures jus- qu’à celle des basaltes , ou bien s’être reproduite à cette époque avec une nouvelle intensité. Il pense que les minerais de fer que l’on exploite sous le lehm delà vallée du Rhin doivent être ran- gés dans cette même époque gpognostique , bien qu’ils soient accompagnés de fragments noduleux de jaspe, renfermant des SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 309 fossiles du grés vert, ce qui les avait fait ranger dans cette for- mation par M. Voltz. Ces fossiles se trouvant là, comme les autres matériaux du terrain de transport , auront été englobés par rincrustation siliceuse, et cela est d’autant plus probable qu’ils sont eux-mêmes changés en silex. Les roches basaltiques des bords du Rhin, et principalement celles du Kaiserstuhl, ayant fait éruption pendant la formation du lehm , ce phéno- mène se trouve donc produit ici par les mêmes causes qu’en Bourgogne. M. Rozet pense qu’il y a un grand nombre de gîtes de mine- rais de fer, en grains et en rognons, qui appartiennent à cette époque, et que l’on a rapportés à celle du grés vert, etc., à cause des fossiles qui s’y trouvent mêlés , et qu’il regarde comme y ayant été charriés , et englobés ensuite par l’incrusta- tion siliceuse. M. le vice-secrétaire donne lecture d’un Mémoire de M. Marie Rouault, où l’auteur cherche à démontrer que les proportions différentes du fer sulfuré qu’on observe dans les diverses parties du test des Trifobites de la Bretagne peuvent servir à recon- naître quelles étaient les proportions de carbonate de chaux et de matière animale qui composaient ce test, le fer sulfuré s’é- tant, suivant lui, substitué à la place du carbonate de chaux. Voici un extrait de ce Mémoire. Extrait du Mémo're sur les Trihhites du departement d^Ulc^ et~Filaine, par M. Marie Rouault. A l’aide des nombreux fossiles que j’ai trouvés dans le terrain paléozoïque des enyirons de Rennes, j’ai pu reconnaître parmi ceux que j’ai recueillis dans le N. du département un grand nombre des espèces qui caraetérisent les terrains du système dévo- nien ; parmi elles se reconnaissent la plupart des espèces trouvées dans l’Eifel en Allemagne , en Belgique , en Normandie et dans l’Etat de New-York en Amérique. Quant à celles cjue j’ai trouvées dans la formation schisteuse qui constitue le S. du département, il m’a été également facile de reconnaître que toutes sont propres au système silurien. C’est sur les fossiles de cette dernière forma- tion que j’ai pu, à l’aide des é<*;liantillons que j’y ai recueillis, constater un fait sur lequel j’appelle l’attention des savants, SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6. 3ia celui de îa présence du fer sulfuré , comme constituant le test de certains fossiles, et qui me parait être le représentant du calcaire qui entrait primitivement dans sa composition. En effet, îa constance avec laquelle j’ai remarqué ce fait sur les mêmes individus, jointe à l’étude des caractères que cliacun d’eux a pu me fournir, m’ont mis à même d’arriver à des conclusions qui me paraissent fondées. Ces fossiles appartiennent aux deux classes des mollusques et des crustacés ; en commençant par les pre-? miers , il me sera facile de trouver parmi les êtres vivants plus de termes de comparaisons, et les eonclusions que j’en pourrai tirer me serviront ensuite pour l’étude des crustacés de cette é; oque , lesquels aujourd’hui n’ont plus de représentants. DES COQUILLES» Pour plus de facilité , je vais diviser les coquilles en deux groupes , d’après la eonstance des caractères qu’elles m’ont offerts. Dans le premier figureront les espèces qui se sont toujours pré- sentées complètement transformées en fer sulfuré et constamment entourées d’une épaisse couche de chaux sulfatée , et qui ne m’ont jamais présenté de déformations ; ce sont des Bellérophes , des Evomphales, des Turbos, des ïsocardes , des Arches, des Nu- cules, etc. Les coquilles auxquelles on peut les comparer présentent leur test complètement formé de calcaire ; il me paraît donc évi- dent que le fer sulfuré qui constitue le test de ces fossiles est le re- présentant du calcaire qui formait primitivement ces coquilles. Le ileuxième groupe est formé par les coquilles dont le test ne m’a jamais offert dans sa composition que peu ou point de fer sulfuré et jamais de chaux sulfatée; elles m’ont toujours présenté des dé™ formations d’autant plus marquées , que la quantité de fer sulfuré qu’elles m’ont offerte était moindre ; ce sont différentes espèces d’Orthis , ainsi que plusieurs espèces d'Encrines qui m’ont offert des caractères identiques sous les rapports de la composition. Or, comme, parmi les coquilles vivantes , celles qui sont flexibles pré- sentent un test dans la composition duquel la quantité de calcaire est d’autant moins grande que la flexibilité dont elles jouissent l’est davantage , et que c’est sur celles qui me paraissent avoir joui d’une plus grande flexibilité et qui par conséquent contenaient moins de calcaire , que je trouve le moins de fer sulfuré , je suis autorisé à penser que la quantité de fer sulfuré qui se rencontre chez ces coquilles est en raison même de la quantité de calcaire qui s’y trouvait primitivement. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. 311 DES CRUSTACÉS - L’étude toute particulière cjue j’ai faite des organes et des dif- férentes parties du test des Trilobites m’a conduit à conclure que le test , chez certaines espèces , avait du nécessairement jouir d’une certaine résistance. Or, comme j’ai trouvé dans le test de ces mêmes espèces une quantité de fer sulfuré d’autant plus grande que la partie du test dans laquelle je l’ai rencontré avait présenté pins de résistance aux déformations accidentelles, je suis donc en droit d’établir les mêmes conclusions pour ces fossiles que pour les coquilles, c’est-à-dire que la quantité de fer sulfuré représente la quantité de calcaire qui s’y trouvait primitivement. Le tableau que je joins à cet extrait, comparant à la fois les organes et les caractères que présentent les différentes parties du test de ces fossiles, me semble suffire pour un extrait comme celui-ci , et en conséquence je me bornerai à donner la description d’une seule espèce qui, sous ce ra})port, me paraît réunir toutes les conditions nécessaires pour la démonstration des faits que j’ai énoncés. TRINÜCLEÜS PONGERARDI J’ai observé plus de deux mille échantillons appartenant à ce fossile , et comme j’ai reconnu la constance avec laquelle les mêmes principes se rencontraient dans les mêmes organes, eu égard aux conditions dans lesquelles ils se trouvaient , je vais faire connaître le résultat de mes observations ; mais je crois devoir auparavant donner quelques détails sur les organes de cet animal. Du bouclier. — Le bouclier, très développé , est de forme exac- tement circulaire en avant et limité postérieurement par une ligne presque droite à laquelle viennent aboutir trois lobes lisses qui en oc» cupent le centre , le bouclier étant considéré comme un demi-cercle ; le lobe du milieu, plus développé en longueur , est séparé des deux lobes latéraux, sur lesquels on ne voit point de tubercule oculaire, par deux sillons qui se prolongent jusqu’à l’extrémité postérieure du post-abdomen où elles viennent presque se réunir. La partie circulaire qui entoure ces lobes, et que j’appellerai le bourrelet, dépasse et entoure complètement la tête ; il est formé d’une dou- ble membrane qui , après avoir couvert les lobes de la tête , se sépare , en s’écartant de plus en plus , jusqu’au-delà de la moitié de la largeur de ce bourrelet , et là , recommence à se rappro- cher pour venir se réunir et former le bord antérieur et circulaire 312 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 184(5. dti bouclier. Cette partie qui entoure la tête, et dont la coupe rap- pelle celle d’une lentille bi-convexe , présente nécessairement deux faces à peu près semblal^les , lesquelles sont couvertes , sur toute leur étendue , par des points renfoncés, formant six rangées circu- laires parallèles au bord extérieur, et dont les quatre plus voisines de ce dernier se maintiennent sur toute la partie circulaire du bourrelet , tandis que les deux autres ne s’aperçoivent que sur les cotés du bouclier seulement. Tous les points renfoncés de ITme des faces correspondent exactement avec ceux de l’autre face ( chacun de ces points étant formé par un prolongement circulaire du test ) et les points d’une face se dirigeant vers les points de l’autre face et se réunissant ensemble , il en résulte autant de per- forations à travers le bourrelet qu’il y a de points , et il n’y en a pas moins de deux cents. Chacun de ces petits tuyaux résultant de la réunion de deux points renfoncés rappelle par sa forme autant de petits sabliers , et le bourrelet ressemble à un réseau dont chaque maille serait représentée par autant de petits entonnoirs plongeant dans le bouclier. Quant à Tintérieur de ce bourrelet , il a été, je crois, complètement vide, et chacun des petits tubes qui le traversaient d’une face à l’autre , jouant le rôle de piliers, maintenaient constamment la forme résiliée de cet organe qui jouait très probablement le rôle de flotteur. Chacun des angles postérieurs de ce bouclier se prolonge en un long appendice , lequel dépasse beaucoup l’extrémité du post ~ abdomen ; leur forme très effilée et légèrement arquée en dedans, vers l’extré- mité seulement , est quadrangulaire , et chacun des angles est la continuité du bord circulaire antérieur du bouclier. L’angle inté- rieur dérive du bord postérieur , tandis que les deux autres pren- nent naissance à la saillie que forme la membrane entre la pre- niière et la deuxième rangée de points circulaires ; cette saillie est plus sensible , même à la face inférieure. Ces appendices pa- raissent avoir été, de même que le bourrelet, creux dans toute leur longueur. Ces appendices offrent, en outre, un caractère qui, je crois, n’a encore été observé sur aucune autre espèce, et qui mérite de fixer l’attention des savants : celui de présenter, dans un grand nombre de cas, ses appendices bifurqués ; je dis dans un grand nombre de cas , parce que c’est dans la proportion de deux sur cinq. Ce caractère , qui d’ailleurs se remarque sur des individus de tout âge, se présente indifféremment sur l'un et sur l’autre des appendices , quelquefois sur les deux à la fois ; on le voit prendre naissance tantôt près de l’origine , tantôt au milieu et même vers l’extrémité des appendices, mais le plus souvent SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/i6. 813 vers les deux tiers de leur longueur. La direction des deux parties qui en résulte n’est pas plus constante que leur point de départ , elles se présentent parfois également déviées de la direction normale qu’a suivie jusque là l’appendice; d’autres fois il n’y en a qu’une de déviée , et alors c’est le plus souvent la brandie intérieure. De Vnhdomen et du post-abdomen. — Ces deux parties de l’ani- mal ne se trouvent nullement en rapport avec l’organe que je viens de décrire ; car , si pour couvrir le bouclier d’un individu adulte la moitié d’une pièce de cinq francs suffirait à peine , la moitié d’une pièce de cinq centimes serait plus que suffisante pour couvrir l’abdomen et le post-abdomen réunis. Le premier de ces organes, dont la largeur égale au moins trois fois la longueur, est, comme chez tous les Trilobites , divisé longitudinalement en trois lobes , et le lol}e moyen ne présente en largeur que la moitié de celle des lobes latéraux. Cet abdomen est divisé latéralement en six articulations qui présentent sur les lobes latéraux , d’une ma- nière bien nette , le caractère désigné sous le nom de bifurcation. Le post-abdomen , dont la largeur égale au moins quatre fois la longueur, est formé d’une seule pièce, divisée, en apparence seu- lement , en trois lobes par le prolongement des deux sillons qui , après avoir divisé la tête et l’abdomen, viennent presc|ue se réunir à l’extrémité postérieure du post-abdomen. La partie moyenne de ce dernier, plus saillante que les deux latérales cjui sont complète- ment aplaties , laisse apereevoir sur ses deux versants , près des sillons , quelques traces peu distinctes d’articulations. La forme de cet organe est telle que la ligne qui le limite à l’extérieur ressemble à une accolade très ouverte.* On sait que la plupart des Trilobites jouissent de la faculté de s’enrouler à la manière des Cloportes ; les nombreux écliantillons que j’ai vus de Trilobites à cet état , appartenant à différents genres, m’ont fait reconnaître c|ue presque toutes les espèces possédaient plus ou moins cette faculté , mais qu’aucune d’elles ne pou vait exécuter ce mouvement d’une manière aussi complète que l’espèce ici décrite. Hoirs avons déjà remarqué que la tête de l’animal se trouvait comme encadrée dans une partie très développée du bouclier, que j’ai appelée bourrelet; or, comme l’abdomen se trouve tout au plus proportionné avec la tête , non compris le bourrelet , et que e post-abdomen présente des pro- portioirs encore moindres , voilà ce qui arrivait quand l’animal s’enroulait. D’abord le post-abdomen venait s’applicjuer sur l’ab- domen, qui , à son tour, venait s’appliquer sous la tête de manière que le post-abdomen se trouvait entre la tête et l’abdomen ; l’ani- mal , par consécpient , se trouvait plié trois fois sur lui-même , de SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18â6. sorte que , vu en dessus , il n’offrait de visible que les lobes de la tête entourée du bourrelet , et que , vu en dessous , il ne montrait que l’abdomen entouré du même bourrelet ; le post-abdomen se trouvant constamment caché au centre. Maintenant , je vais faire connaître dans quel état et dans quelles conditions j’ai trouvé les différents organes de ce fossile , et, je le répète, ce n’est qu’après un examen fait sur plus de deux mille échantillons que j’ai établi mes conclusions. Du bouclier. — Je l’ai toujours trouvé en fer sulfuré très pur et constamment recouvert d’une couche de chaux sulfatée ; mais ce dernier minéral se trouve toujours dans des proportions différentes suivant les parties qu’il recouvre , et j’ai remarqué cette différence sur tous les échantillons que j’ai été à même d’examiner : ainsi les appendices ou prolongements des angles postérieurs m’ont toujours présenté une quantité plus grande de fer sulfuré et de chaux sul- fatée que le bourrelet, qui, à son tour , m’en a toujours offert da- vantage c|ue les lobes. De l’abdomen et du post-abdomen, — Quant à l’abdomen et au post-abdomen, lorsque l’animal est redressé, ils ne m’ont présenté de fer sulfuré ni de chaux sulfatée que dans un seul cas ; mais j’ai pu reconnaître dans ce cas qu’une partie du bouclier se trouvait reployée en dessous et cjue l’un des appendices longeait l’abdomen dans toute sa longueur. Ce fait me paraît d’une haute importance , par cela même qu’il vient appuyer les conclusions que je vais éta- blir. Sur plus de cincpiante échantillons que je possède, présentant l’abdomen et le post-abdomen enroulés, tous, sans exception , se présentent à l’état de fer sulfuré et couverts d’une légère couche de chaux sulfatée. Après avoir fait connaître à quels états se présentent les diffé- rentes parties de cet animal , je vais dire maintenant quelles étaient les différentes modifications que chacune d’elles a pu subir dans sa forme. Du bouclier. — C’est bien certainement dans cette partie de l’animal que vont se rencontrer les caractères extrêmes En effet , dans tous les Trilobites que j’ai observés , je n’ai jamais vu d’or- gane aussi constant que les appendices des angles postérieurs de ce bouclier, qui présentent toujours la même direction. Quand une foree les a obligés à se dévier , il m’a toujours été facile de reconnaître qu’à chaque endroit où il y a eu flexion , il y a eu en même temps rupture. Les caraetères du bourrelet sont sensible- ment différents ; il a pu presque impunément être soumis à toutes espèces de modifications sans offrir de résistance , excepté dans SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE iS/jÔ. 315 un très petit nombre de cas , comme celui, par exemple , où une force latérale tendait à en diminuer le diamètre par un rappro- chement des deux côtés. Je n’ai jamais rencontré de bouclier ainsi modifié sans que le bourrelet se soit présenté rompu vers son milieu ou à peu près , et toujours j’ai remarqué que l’endroit de la cassure le plus net était près du bord extérieur , tandis que , près des lobes, la cassure présente quelque chose de déchiré. Des lobes. — Les caractères que cette partie du bouclier présente sont diamétralement opposés à ceux que présentent les appendices; car si ces derniers n’ont pu subir aucune espèce de déformation, il n’en est pas, au contraire, que n’aient subie les lobes, de telle sorte qu’il ne m’a pas été possible de rencontrer deux échantillons dont les lobes eussent exactement le même aspect. Ces déforma- tions démontrent que ces lobes jouissaient de la plus grande flexi- bilité, et que la membrane qui les formait était assez tenace pour résister à toutes les forces qui se sont exercées sur elle. De r abdomen et du post-abdomen, — Ces deux parties de l’ani- mal présentent des cas de modification inégale : l’abdomen est ordinairement plus déformé que le post-abdomen , ce qui est dû , je crois, à ce que ce dernier était plus épais; car ces deux parties du corps me semblent avoir été de même nature, RÉSUMÉ. Après avoir reconnu de la manière la plus évidente que les ap- pendices ou prolongements des angles du bouclier avaient été d’une composition telle, qu’ils n’avaient pu se prêtera aucune modification dans leur forme, et qu’ils se présentaient toujours à l’état de fer sulfuré et constamment entourés d’une épaisse couche de chaux sulfatée ; après avoir démontré que tous ces caractères sont exactement les mêmes que ceux que m’ont présentés les co- quilles du premier groupe, dont le test était certainement de nature calcaire ; après avoir enfin fait observer que les coquilles du second groupe présentaient d’autant moins de fer sulfuré qu’elles paraissent avoir été plus flexibles , je me crois donc suflisamment autorisé à pouvoir conclure que , soit pour les difîérentes coquilles , soit pour les appendices de ce fossile , la quantité de calcaire qui entrait dans leur composition est justement représentée par la cjuantité de fer sulfuré qui s’y trouve. Quant au bourrelet, bien que, comme les appendices , il se présente constamment à l’état de fer sulfuré , et toujours recouvert d’une couche de chaux sulfatée , cependant , comme il a pu subir un grand nombre de déformations , sans 316 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. toutefois s’être prêté à toutes celles auxquelles il a été souruis , il y a lieu de supposer qu’il devait coiiteuir une certaine quantité du principe solidifiant , c’est-à-dire du calcaire. Cette matière était probablement inégalement répartie, puisque la résistance qu’a opposée le bourrelet n’était pas égale partout , et que ce n’est que sur le bord circulaire ex térieur cjue la cassure a pu s’effectuer d’une manière un peu nette, tandis que cette cassure est d’autant plus irré- gulière qu’on s’approche des lobes. Quant à ces derniers , ils m’ont toujours offert les déformations plus variées, sans qu’il m’ait été pos- sible de reconnaître qu’ils se soient jamais rompus ni même déchi- rés. J’en conclus donc que le bourrelet et les lobes étaient formés d’une substance cornée d’une flexibilité et en même temps d’une ténacité extrêmes , laquelle substance contenait du calcaire , dont la quantité la plus abondante se trouvait le long du bord extérieur du bourrelet , et diminuait de plus en plus en s’approchant vers les lobes où il ne s’en trouvait plus. Quant à l’abdomen et au post-abdomen , comme lorsqu’ils ne sont pas enroulés sur eux- mêmes, ils ne présentent pas de fer sulfuré, je suis porté à croire qu’ils ne contenaient pas de calcaire. Actuellement que je viens de poser en principe que le fer sulfuré est le représentant du cal- caire qui se trouvait primitivement dans le test de ces fossiles , voilà comment je m’explique la transformation qui a pu s’effec- tuer. Les molécules minérales qui entrent dans la composition des matières organiques se trouvent dans un état où les affinités chi- miques qu’elles peuvent avoir sont complètement neutralisées , état dans lequel elles se sont maintenues tant que l’animal a vécu. Biais dès que la cause qui les a réunies aura disparu , alors les af- finités qu’elles ont , soit entre elles , soit avec d’autres principes , agiront d’une manière plus ou moins simultanée , et la désorgani- sation de la matière organique en sera le résultat plus ou moins immédiat , et il ne restera plus, dans le plus grand nombre des cas , que la forme du corps. Je me contenterai de citer un seul fait , parce qu’il présente quelques analogies avec ce qui a dû se passer chez les fossiles que j’étudie. J’ai remarqué ce fait en 1836 sur un os provenant d’un ineendie qui eut lieu à Rennes en 1720: après Fineendie , on avait rempli des douves qui se trouvaient sur le bord de la Vilaine avec les décombres qui en provenaient ; là se trouvaient entassés des débris de toutes sortes , des os , des fer- railles, du cuivre, etc. , et, en 1836 , pour la reconstruetion d’un ])ont, on mit à découvert beaucoup de ces objets. Tous les os se trouvaient déjà pénétrés d’oxyde de fer et de cuivre , dont la cou- leur vert-bleuâtre s’approchait p.arfois de la turquoise; parmi les î^ÉANCE BU 21 DÉCEMBRE 1846. 317 iiomÎJreux échantillons que je ramassai , l’un d’eux était couvert de phosphate de fer pulvérulent , et que je brisai : il me présenta à la cassure des taches bleues , où la structure organique avait fait place à une texture cristalline saccharoïde; je reconnus en même temps que la cavité médullaire était tapissée dans différents en- droits par des cristaux que je reconnus pour être de la vivianite , tandis que de l’autre côté de la rivière , dans une argile d’alluvion , je trouvai des débris et des fruits de coudrier complètement trans- formés en la même substance , niais à l’état pulvérulent. Or, voilà ce qui s’est passé : les os étant formés en grande partie de phos- phate de chaux, l’acide phosphorique ayant plus d’affinité pour l’oxyde de fer que pour la chaux , en présence les uns des autres , ils se sont combinés , et il en est résulté du phosphate de fer. Mais si , au lieu d’un phosphate de cliaux , on avait eu affaire à un car])onate de chaux , il en serait résulté un carlionate de fer : c’est justement ce ciui a du arriver dans le cas où se pré- sentent les fossiles que j’étudie; il est même arrivé quelque chose de plus , car l’acide carbonique ayant plus d’affinité pour l’oxyde de fer que pour la cliaux , ce dernier a été mis en liberté pour être remplacé par le fer ; celui-ci , à son tour, ayant plus d’affinité pour le soufre qui se trouvait en présence à l’état d’acide sulfurique que pour l’acide carbonique , il est résulté que ce dernier, à son tour, a été mis en liberté pour faire place au soufre. L’acide sulfurique se trouvant en excès, s’est combiné avec l’oxyde de calcium , qui avait tout d’abord été mis en liberté, pour former le sulfate de chaux qui maintenant enveloppe tous les fos- siles dans la composition desquels il entrait ; l’abondance de ce der- nier autorise à conclure que les fossiles , ou simplement la partie du fossile sur lequel il se trouve était plus riche en calcaire. En effet, c’est aussi sur les coquilles du premier groupe que je l’ai observé en plus grande abondance ; ensuite, ce sont les appendices ou pro- longements des angles postérieurs du bouclier des Trinucleiis qui m’en ont offert le plus ; en troisième ordre se présentent les bour- relets ; il s’en trouve bien aussi sur les autres parties du même ani- mal quand elles sont transformées en fer sulfuré , mais c’est en très petite quantité , ce qui , du reste , prouve que l’oxyde de cal- cium avait été mis en liberté , puisqu’il s’en trouve un peu de dis- persé ; mais la plus grande quantité se retrouve dans le voisinage même de la partie qu’il occupait. Quant à la transformation eu fer sulfuré des parties de l’animal cpii ne contenaient pas de cal- caire dans leur composition , voici comment je me l’explique. Dès qu’un corps est en voie de se décomposer par les affinités qu’ont 318 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6, st'S principes constituants pour d’autres dont les molécules sont dispersées dans le milieu environnant , l’attraction , une fois déterminée , se continue sur toutes les molécules jusqu’à une cer- taine distance, et tant qu’elles trouveront à se placer en se juxta- posant , elles afflueront même après la complète transformation du corps qui en aura déterminé l’attraction. Tous les corps organiques en voie de se décomposer qui se trouveront en contact avec celui- ci subiront la même conséquence , et se trouveront bientôt trans- formés de la même manière que s’ils avaient joui des mêmes affinités , et c’est , en effet , ce qu’ont éprouvé les lobes de la tête , l’abdomen et le post- abdomen , quand iis étaient enroulés ou tout simplement en contact ; alors ils se trouvaient en quelque sorte au centre d’un cercle d’attraction dont ils ne pouvaient manquer de subir les effets ; tandis que , l’abdomen étant redressé , comme il ne tenait à la tête que par une membrane très mince , toute commu- nication a cessé d’exister entre ces deux parties, et l’abdomen, qui par lui-même n’était pas de nature à subir les mêmes attractions que le bouclier, n’a pas été transformé en fer sulfuré. Substances minérales rappelant peu ou point des corps organiques. Bans les mêmes gisements, j’ai rencontré un grand nombre de corps qui , par leur aspect et les caractères qu’ils m’ont offerts , ont appartenu à des êtres organisés; mais le trop petit nom- bre de caractères qu’ils m’ont présenté ne m’a pas permis de pou- voir les déterminer ; cependant , à l’aide des conclusions que je viens d’exposer , j’ai déjà pu reconnaître les classes auxquelles iis doivent avoir appartenu. Avec les fossiles dont je viens de m’oc- cuper, et ces restes qui ne rappellent presque plus rien du règne organique , se trouvent aussi des masses amorphes de fer sulfuré , recouvertes à Poligné de chaux sulfatée. Or, comme j’ai trouvé plusieurs coquilles qui , à cause de l’abondance de fer sulfuré qui les recouvrait , pouvaient à peine être reconnues pour des corps organisés , on peut concevoir que , dans le cas où le fer sulfuré se fût trouvé un peu plus al)ondant , elles en auraient été complète- ment recouvertes , et n’offriraient plus maintenant qu’une masse informe; ce qui est bien certainement arrivé pour un grand nom- bre de cas ; et il a suffi que plusieurs coquilles ou autres substances calcaires se soient trouvées dans le voisinage les unes des autres , pour que l’attraction moléculaire soit devenue plus puissante et ait pu donner naissance à ces masses amorphes que l’on rencontre si abondamment et ejui n’ont pu se former qu’autour d’un centre TABLEAU COMPARE DES CARACTÈRES PRINCIPAUX DES GENRES DE TRILOBITES TROUVÉS DANS LE DÉPARTEMENT DTLLE- ET -VILAINE. — Par M. Marie ROUAULT. CALYMÈNE PEOEYES. PHACOPS. CHYPHOEUS. POLYÈRES. PRICOCHEiCOS. CHEiRDBES. lEEOE^DE. .lEEOECS. OGYGIE. TRII^CLEÜS. De Ul/de 'Î^Iîilïnsal en Cnmmeei-rnntre. comme ci.co„.re. Près d'un tiers de la Ion- iZ'eZ'ry,:" Sëa-lrs îëS'ÊSzSI Comme Ci-eontre. i! «a rcSëSSzi queglobnlense. Du BOCCLIER De forme angnlenre sans _S;M.r.aon,e;mt nn pm, foTs'iri’onguZTe-î4bdë. péeer de Phnep». Des organes de la vue. Venrè._rnr„n comme ci-eontre. inennnn. ....... ^ Yeus représentés par une De sa résistance Ordinairement par pins comme ei.eo„.e. Penddformd. Peu déformé; l'abdomen croire qu'il offrait peu de _,^im^sn^p.ible^i^e J:7;z=--z po^rtede. appendices. fnrmer. déformer. = î partie de la lougueuf totale comme ei.c„„,re. Ddp„,r^pen.a.n.enr comme ci-eontre. inennnn. deJj^^-ZëijZ inennnn. de^?ü Toug^rde^'Vaui- Cemmeei-eentre. de^a‘^long1ieur^to[aIe. qu4rl^de"îa "J.ëgZm totalë ft^r£Vnir.'’M De 10 arliculalions de rondVs'eT'mnlnf'ZnZ! inennnn. De 10 arliculalions très éiiîiSS.'" p.tZ!ZZ:ë“s. meme‘i.rpîa“es'!°perZ‘ . 1 > jgSSil comme ei-eontre. t iffi iiiî Uu peu plus dévdoppé Xr.d.e,„ppd. Un tiers de la longueur comme ei.ee„tre. deMZg4Tu4Ztnïëd'e‘'l4'- 1 1 £EEïïï?- ----- ^ Forme plate > il “|p= trihib!!'bn!'.“ëe‘‘'e,' daZ o.ë üSiSïi'rS Sàg^st e-pères seulement. f comme ei.ro„,re. de l’ai.domen. comme ei rentre. inennnn. .p,eZtT'=,e„. Pen sensible. ,nf-|ZZœn. comme ei-enntre. comme ei-enntre. comme ei-enntre. Dn TEST. / ...lu.. IlÉl— Trouvé à Éétat de cal. 6i!o*c.trairr" ^Fui mé d'uite rouche lé- pilPi c.,.. — — - c... Cn„,meei.eont,e. iegzœ:!; I,c.> fnssile, 'iintfî;': >. '■A> , '^i;.')£î /JOViï'I ï:ii<)Y ,■■|i(>l):U''■(',i ‘f.KMut ^(/!'; ■>'!;», î »u!>n( '‘i)Biii' -lO [ .W'.in/ iHltf't ‘'<’l' fJ-'i'fi'iT'jli - Il ii'i i;t î - j > s / fii'ïvi/t;'! '(.il jifori'ismit* H'f». j l V ( ljUtM'>:i ^ iJ iii ;( ji; [ îsi (ilîü4. ,, lAjoit'AiO!' fji'l. ! tU îi.i.M ,>,i i‘>sii ti-î ,ooi’« . .^rn.tfi.îiriin,;, ril» m'I'U ! }.;•). ' ''■'l•■. -'‘l'jl Js'oKifui !<(•> ’iKi’ioK !' ' , I ' ' ^ K jr>.'sili u' II!.) J •>i)p ,f>’t'.'i,iiît lrt!;ij));)')ii.'<^ i '«i) jhfi > J. y- Mi j'’} 'iî> i’ï.Vj î .sa-fi’nijiV! . : •! , s-'iïv 'i' , • -.'■Il .- i î ■. ( ( ) (J i ' : j' ■r’.HÜr)'! w-'l't i-'llftïlltl f.-l.i ^ j «î'Ù ’ ' I ,T.'ii-> ii I: I'"'*'' / ’! iV ^vturtl ■■! n-i ■iV(fi'.î> '..(l'Hi'i î-"' luHiu I ‘ '1 • •■>!’ ^ ' . '/ {■■■ : . i'>;i fulfiij iîif->,u; ■/; .i .i i'"* f-'.' •! ■,■■5 ( i' ' -■ ',,4 ^ , tj (i ; t i lil S;!}|» , fe>! .M-' .;•» .'.'‘îl n-.-' ? ■<•''£.) 'K' ' ,[ ' ■ ■ ' ■■ ■■ ' " ■' 1'^ , i;.,. ■■■:>' SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/j6. 319 d’attraciion. La constance avec laquelle celles de Poligné se pré- sentent toujours , entourées d’une forte couche de cliaux sulfatée , comme tous les fossiles dans la composition desquels il entrait du calcaire, prouve bien évidemment que là aussi il y a eu des corps organisés (1). M. Delanoue demande à M. Rouauli si sa théorie est relative au cas particulier des Trilobites de la Bretagne, ou s’il prétend la généraliser aux autres fossiles qui présentent des épigénies analogues. M. Rouault répond qu’il n’a observé encore que la Bretagne, mais que les fossiles qu’il a eu occasion de voir dans les collec- tions lui donnent lieu de penser que ses idées sont applicables à toutes les épigénies semblables. (l) Le schiste de Poligné est exploité dans le voisinage d’une faille, dont la direction est indiquée par le lit même de la rivière le Samnon, à peu près de l’E. à l’O., et dont l’énergique action se manifeste par l’inclinaison constante que présentent les couches d’une extrémité à l’autre de cette rivière, et par les modifications apportées aux roches sur différents points, notamment à Poligné. L’état de modification que présentent les roches de cette localité est tellement caractérisé , qu’il a fait dire à plusieurs personnes qu’il y avait eu là un volcan, tandis que d’autres ont avancé que leur état était dû à l’inflammation des pyrites qui sont très abondantes dans ces schistes. Je ne partage au- cune de ces opinions; le phénomène d’inflammation, produit par la présence des pyrites se manifeste dans les houillères là où il peut se trouver à la fois dégagement d’hydrogène carboné et production de chaleur par la décomposition du fer sulfuré Mais dans le schiste ar- doisier où le fer sulfuré se trouve à l’abri du contact de l’air et de l’humidité, sans le concours desquels ce minéral ne peut être altéré, là où le combustible manque en même temps, on ne peut expliquer ainsi la production de la chaleur qui a modifié la roche elle-même et dont l’intensité était bien certainement supérieure à 3,000 degrés; fait qui est démontré par la nature même des roches modifiées qui s’y rencontrent. Ces conséquences me portent à conclure que cette hypo- thèse n’est pas plus fondée que la supposition d’un volcan. L’altération des roches de Poligné n’est due, ce me semble , qu’à ce qu’elles se trouvent sur l’emplacement d’une faille , dont la date me paraît ap- partenir aux dernières révolutions du globe. Dans un Mémoire que j’ai le projet de publier très prochainement sur les roches des environs de Rennes , je compte m’étendre plus longue- ment sur ce sujet et faire connaître les différentes roches que j’y au- rai reconnues , de même que celles d’autres points qui ne me pa- raissent pas suffisamment expliquées, et enfin d’autres qui , je crois, n’ont pas encore été observées. 320 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6. M. de Yerneiiil communique à ia Société îe catalogue suivant des fossiles trouvés en Bretagne par M. Marie Rouault : Catalogue des fossiles du terrain paléozoïque des environs de tiennes» Trilobites. Genres Calymene. PROETUS. . Phacops. . Espèces. Localités. 1. Blumenb achi {Brongniart) La Couyère. / La Couyère, ^Angers, Bain, 2. Tristani ( Brongniart ) < Vitré, la Hu- I naudière, Garo (Morbihan). 3. Tournemini (Rouault), cette espèce a\ quelque rapport avec la Calym. Fis- \ chéri (Eichw.) par la brièveté du lobe J médian du post-abdomen qui ne s’étend 1^^ Couvère pas jusqu’à l’extrémité de celui-ci; elle \ A,jpprs ^ ’ n’a en tout, abdomen et post-abdomen ’ compris, que 15 articulations, au lieu ï de 23 ; dans l’une comme dans l’autre, t l’abdomen et le post-abdomen ne se j distinguent pas l’un de l’autre. . . / à. Cuvieri ( Calymena concinna Dahnan). Gahard. 5. Macrophthalnius (Brongniart), sp. . Gahard. / La Couyère , „ • . /HT I- \ ’ Bain, Angers, 6. Daivmnyiœ ( Murchison ), sp. . . vitré, la Hu- ( naudière. . . . . 7. Longicaudatus (Murchison), sp. La/ p^jj . réticulation des yeux, dans cette es-1 Bome*- des- pèce, offre une disposition nouvelle. ) rnmtp/ài J Cf Jiepyœna laticosta. 8 Grthis Limbonata B Ceil du Pliacops Büwninôio:;. 10 id. ul. macTophlhalmus. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18AG. S29 pluie (^A/uuilcs des ponts et chaussées , l®*" semestre, n” 35),. attribue à l’évaporation la totalité de la perte d’eau du bassin de la Seine en amont de Paris. Je ferai voir que dans les terrains dont il sera question plus bas , lesquels forment le quart de ce bassin , une grande partie de l’eau tombée est al^sorbée par le sol , et , par suite de la disposition des lieux , ne peut reparaître dans les sources en amont de Paris. Dans le présent Mémoire , je m’occuperai : 1" de la classification des terrains granitiques et jurassiques sous le rapport de la per- méabilité (3 et k); 2" de l’influence que cette propriété exerce sur les cours d’eau (6 et 7 ) ; 3° de la détermination du débouché des ponts (8; 9, 10 et 11) ; /f” du tracé et de l’ali mentation de canaux de navigation (11, 12 et 13); 5“ de la nature des terrains où il est possible d’établir des canaux d’irrigation (l/f); 6'’ de la régulari- sation du débit des rivières et des moyens d’arrêter la marche des alluvions (de 15 à 27); 7" de l’application de ces principes au premier quart du bassin de la Seine ; 8° et du reboisement et de l’influence des sous-sols sur les cultures (3^ et 35). Les terrains granitiques et jurassicpies que j’ai pu observer dans le bassin de la Seine forment une longue zone courant du S. -O, au N.-E., entre Clamecy ( Nièvre) et Chaumont ( Haute-Marne ) ; sa longueur est d’environ 160 kilomètres, sa largeur de 70. La superficie totale est donc de 11,000 kilomètres carrés. La surface du bassin de la Seine en amont de Paris est en nombre rond de ùù,000 kilomètres carrés ; les terrains en question en occupent donc le quart. Ils forment une superficie à peu près aussi étendue dans le bassin de la Saône et de la Loire. Cette observation seule donne de l’importance à leurs propriétés . quand bien même elles ne seraient pas constantes et ne s’observeraient pas dans les autres localités occupées par les mêmes formations. Si quelques personnes trouvent de l’intérêt à ce cpui va suivre et constatent par les moyens très simples indiqués ci-dessous , la constance des propriétés re- connues aux terrains jurassiques du bassin de la Seine , les propo- sitions contenues dans ce IHémoire prendront un caractère de gé- néralité qui doublera leur importance. La présente notice appelle donc la contradiction et doit être publiée dans un recueil ouvert à toutes les opinions impartiales. Avant d’entrer en matière, je crois devoir donner quelques expli- cations très simples sur la nature des terrains dont il va être question. 2. Granités. — Je me borne seulement à rappeler ici qu’ils for- ment une masse solide sans stratifications régidières, couverte d’une 330 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/i6. iïitinité de fissures qui la sillonnent dans tous les sens ; qu’ils s’al- tèrent quelquefois au contact de l’atmosphère , et qu’ils produisent une arène grasse par sa décomposition. Il existe dans la Côte-d’Or, entre les granités et les terrains jurassiques , une épaisseur plus ou moins grande de marnes irisées. Mais cette formation étant, sous le rapport de l’imperméabilité , parfaitement comparable au lias dont il va être question ci-dessous, je la confondrai avec ce terrain . Terrains jurassiques. — Cette immense formation est composée, à partir de sa base , des groupes suivants ; Lias. — Terrain composé de bancs calcaires gris-bleuatres , minces , alternant avec des couches argileuses de même couleur , dans lesquelles ils sont complètement noyés , à peu près conime le moellon dans le mortier d’une maçonnerie bien faite; cette formation, de 30 mètres environ d’épaisseur, est terminée par plusieurs bancs d’un calcaire solide (calcaire à Gryphées arquées) . Menues supra-basiques . — Couches puissantes d’argiles, ayant au maximum 100 mètres d’épaisseur, divisées en deux par une série de bancs calcaires (calcaires à Gryphées cymbium) , ayant en- semble 3 ou U mètres d’épaisseur. Terrains ocAitiques. — Us sont composés des sous-groupes sui- vants : le calcaire à Entroques , la terre à foulon , la grande oolite , le forest-marble , l’oxford-clay, le coral-rag, les argiles de Rim- meridge , le portland-stone. Le calcaire à Entrociues se compose d’assises minces d’un calcaire très dur, dont la cassure présente une multitude de petits cercles à surfaces spathiques brillantes , qui ne sont autre chose que des sections d’Entroques ou bras (l’Encrinites. Epaisseur maxima, 30 mètres environ. La « foulon est formée, à sa base, de bancs marneux grisâtres , d’un grain terne , alternant avec des argiles grises , renfermant un grand nombre de Térébratules. Au-dessus se trouve une série de couches calcaires minces , connues dans le pays sous le nom de laves , et par les géologues sous celui de dalle nacrée; elles servent à couvrir les maisons; enfin, à la partie supérieure on retrouve les calcaires marneux, alternant avec les argdes grises, et renfermant un nombre prodigieux de Plioladomies. L’épaisseur de la terre à foulon ne dépasse pas 30 mètres. La grande oolite se compose à sa base de bancs minces marno- compactes alternant quelquefois avec des argiles. Au-dessus se trouvent un ou deux bancs calcaires renfermant quelques oolites, épais de 1 à 5 mètres , et connus des cari iers sous le nom de gros bancs. La formation se termine par une série de bancs minces , SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6. 331 d’uQ blanc mat, composées presque entièrement d’oolites miliaires parfaitement sphériques , réunies par une gangue calcaire si peu compacte , que dans certaines carrières on peut les égrainer à la main. Le forest-niarhlc est formé d’une série de bancs calcaires plus ou moins minces , d’un grain gris très dur empâtant des oolites miliaires beaucoup moins distinctes que dans la grande oolite. La surface des bancs est hérissée de pointes d’Oursins et de petits Polypiers. La grande oolite et le forest-marble ont quelque- fois jusqu’à 200 mètres d’épaisseur (1). U oxford-clay se compose à sa base d’un calcaire gris compacte , cavernt ux , très fossilifère , alternant quelquefois avec des argiles grises renfermant un mi- nerai de fer à grains oolitiques miliaires. Au-dessus se trouve une formation marneuse assez puissante , et enfm la plus grande partie de la formation se compose de bancs minces d’un calcaire gris marneux présentant l’aspect de la pierre à lithographie , alternant avec des marnes grises. Ces marnes renferment souvent des boules siliceuses géodiques auxquelles on a donné le nom de chailles. L’épaisseur maxima de la formation est de 100 mètres. Je n’ai pas été à même de faire des observations suffisantes dans le coral-rag et les terrains oolitiques supérieurs. Toutefois je pense que, sous le rapport de la perméabilité , le coral-rag et le portland-stone doi- vent être comparés aux terrains oolitiques inférieurs , et le kimme- ridge-clay aux argiles d’Oxford. Aspect des terrains jurassiques. Terrains liasiques. — Lorsque les terrains liasiques se présentent dans leur ensemble au bord d’une vallée , les calcaires inférieurs forment une pente très abrupte et rendue très inégale par les assises calcaires qui se présentent irrégulièrement à sa surface, a. Le cal- caire à Gryphées arquées forme un palier bien marqué et quel- quefois un vaste plateau, b. Les marnes supra-liasi<|ues sont dispo- sées en pente douce à la base , plus rapide au-dessus , à section concave, où M. l’ingénieur Collin a reconnu des arcs de Cycloïde. c. Le calcaire à Gryphées cynibium forme au milieu une saillie prononcée qui rend les deux étages marneux très distincts. Une riche végétation, et souvent de belles prairies cjui s’élèvent jusqu’au (l) Je comprends dans le forest-marble la formation calcaire dési-^ giiée sous les noms de corn-brash , kelloway-rock , calcaire à Oolites ovif ormes , qu’il est très difficile de distinguer du forest-marble , et qui ne présente aucun caractère saillant. 332 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/î(3. sommet des collines , contrastent avec la nudité stérile des terrains supérieurs. — Terrains ooUtiques . — d. Le calcaire à Entroques pré- sente de .grandes parois verticales , qui , de loin , lorsqu’elles cou- ronnent une vallée , ressemblent à de vieilles fortifications, e. La terre à foulon forme des collines arrondies où les assises solides moyennes figurent des murailles en ruine. /. Les parties infé- rieure et supérieure de la grande oolite sont disposées en grands talus plans , très roides ( de 35" ), recouverts de débris détachés par la gelée , au milieu desquels les gros bancs forment une saillie ver- ticale prononcée, g. Le forest-marble présente des parois tantôt verticales , tantôt plus ou moins inclinées , mais toujours peu ré- gulières en raison des bancs qui viennent percer le sol. h. L’étage inférieur de l’oxford-clay , qui est compacte , a le même aspect ; mais les parties supérieures forment de longues collines arrondies et à pentes douces , où les banes calcaires forment quelquefois de faibles saillies. LHAPITRE PREMIER. — du mouvement des eaux pluviales DANS LES GRANITES ET LES TERRAINS JURASSIQUES. 3. Lorsqu’on examine attentivement une vallée entièrement ou- verte dans un des groupes des terrains ci-dessus définis , on est frappé d’abord des faits suivants : 1” si la vallée est basique ou granitique , quelque peu étendue qu’elle soit , n’eùt-elle que quel- ques hectares de superficie , un ravin en occupe le fond ; 2 " si les terrains qui forment la vallée appartiennent aux quatre étages in- férieurs des terrains oolitiques , ordinairement on ne remarque au- cun ruisseau dan . la vallée ; la culture s’étend jusqu’au fond; quel- quefois il s’y trouve un ruisseau, produit d’une source abondante, mais qui décroît à mesure que son cours s’allonge , et finit presque toujours par disparaître. Les observations faites dans les arrondisse- ments de Cliâtillon , de Semur et d’Avallon ont toutes prouvé l’exactitude de ces faits , même dans les vallées de 100 à 200 kilo- mètres superficiels ( voir la note G ). L’oxford-clay donne des ré- sultats très différents , suivant que les observations ont lieu dans la partie marneuse ou dans celle où les calcaires dominent. Tou- tefois, les vallées d’une certaine étendue présentent toutes un ravin dans leur partie la plus basse ; mais en été , même après de fortes pluies , ce ravin est rarement occupé par un ruisseau , à moins qu’il ne soit alimenté par des sources abondantes. Pendant une forte pluie , chaque sillon , dans les formations basiques , ou dans les granités, devient un ruisseau , chaque pli du sol devient un torrent; SÉANCE DU 21 BÉCEMIîRE IS/sO. 333 dans les forinations oolitiques, au contraire , on voit rarement les eaux pluviales courir à la surface du sol. Tes terrains jurassiques , pour ce qui concerne le mouvement des eaux pluviales à leur sur- face , forment donc trois groupes bien trancliés, savoir: 1“ lias et marnes supra-liasiques , très peu perméables à l’eau (1) ; 2° formation oolitique inférieure comprenant le calcaire à Entro - ques , la terre à foulon , la grande oolite et le forest-marble , très perméable ; 3° Foxford-clay , semi-permécable. — Li. Propriété fo/ulcime/rtale. — En déterminant le rapport qui existe entre la plus grande section mouillée d’un pont exprimée en mètres car- rés , et la superficie des versants d’amont exprimée en kilomètres carrés (2) , et en répétant cette opération pour plusieurs vallées, on obtiendra des nombres qui , en supposant les vitesses d’écou- lement constantes , seront proportionnels au volume de l’eau cjui , dans la plus grande pluie connue, s’écoule à la surface du sol. Ees nombres seraient donc la mesure de l’imperméabilité de la vallée, puisqu’il est bien évident ( toujours en supposant la vitesse constante) que si l’on représente par 1 le débouché nécessaire par kilomètre carré pour une vallée laissant écouler à sa surface la totalité de l’eau toml^ée , pour des vallées qui n*en laisseraient couler que la moitié, le tiers, le quart, les débouchés nécessaires, par kilomètre carré, seraient 1/2, 1/3, ijh. Mais il est évident que les vitesses d’écoulement ne sont pas constantes. Cependant, comme on remarque cpie les rapports obtenus pour un certain nom- bre de vallées , d’une même formation , ne varient pas beaucoup entre eux et sont , au contraire , très différents de ceux obtenus pour les autres formations , on peut admettre que ces nombres re- présentent, avec une approximation suffisante dans la pratique, la mesure de l’imperméabilité de ciiacpie formation . îl y aura toute- fois à faire pour les granités une correction qui sera indiquée ci- dessous, En cherchant ces rapports , ou , en d’autres termes , le dé- bouché par kilomètre superficiel de vallée des petits ponts pour chacun des groupes qui nous occupent, on trouve cpie pour les granités il faut par kilomètre carré de versants {voir la note A) une surface de ponceau de ? pour le lias {^voir la note B), une surface d l*" <^-,50 ; pour les terrains oolitiques inférieurs {voir (1) Dans tout le reste du présent Mémoire, je désignerai ce groupe sous le nom de lias , bien que dans la carte de l’École des mines les marnes supra-liasiques soient comprises dans l’oolite inférieure. (2) On suppose ici les vallées très peu étendues, de SO kilomètres carrés au plus , par exemple. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6. nh la note G) , une surface plus petite que pour l’oxford- clay (iwir la note D), une surface variant de à Les vallées granitiques où sont placés les ponceaux observés ont toutes de très grandes pentes ( 0"bOf P^r mètre ). La vitesse de Peau y est donc très forte , et il est probable qu’à pentes égales il fau- drait pour ces terrains un débouché peu différent de celui des ter- rains basiques. Cette correction faite , représentons par 1 l’imper- méabilité des terrains basiques et granitiques ; l’imperméabilité des terrains oobtiques inférieurs sera représentée par 0,006, et celle de l’oxford-clay par des quantités comprises entre 0,02ù et 0,16. Remarquons que ces chiffres s’appliquent aux plus grandes crues connues , où la couche du sol est saturée d’eau. On peut donc ad- mettre que dans les terrains oobtiques et dans l’oxford-elay , les pluies ordinaires , même assez fortes , ne donnent exactement rien au fond des vallées. Ce qui est du reste parfaitement justifié par les observations que j’ai été à même de faire dans les diverses localités {voir la note C). — 5. Il est intéressant d’examiner quel est dans un sous-sol imperméable le rapport moyen entre la quantité d’eau tombée annuellement et celle qui s’écoule à la surface, la diffé- rence de ces deux chiffres étant évidemment enlevée par l’évapo- ration. M. Minard {Cours de co/istractioii des ouvrages qui établissent la navigation des rivières et des canaux , p. 317 ) cite les rapports sui- vants entre la quantité d’eau écoulée par la Brenne , à Gros-Bois , par mètre carré de versants , et la quantité observée à l’udomètre de Pouilly ( canal de Bourgogne). • ] ANNÉES. 1 1 ! NOMBRE 1 j de mois. i Rapports obscrve's. PRODUITS des nombres des deux dernières colonnes. 1834. . . . . . 3 0,32 0,96 1835 12 0,50 6,00 1836. . . . . . 12 0,70 8,40 1837 1 10 0,53 5,30 Totaux i 37 20,66 Rapport moyen cherché. . . . . . . 0,56 Or, le fond de la vallée de la Brenne est basique , c’est-à-dire SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/s6. 335 imperméable. A la vérité, les coteaux qui le bordent sont cou- ronnés par le calcaire à Entroques. Mais l’eau qui y est absorbée est arrêtée par la masse argileuse et reparaît dans les sources nom- breuses qui coulent au fond de toutes les dépressions secondaires La quantité d’eau enlevée par l’évaporation est donc à peu près égale, dans le calcul actuel, à la différence entre le mètre cube d’eau tombée et le cuJje d’eau représentant le débit de la Brenne ; mais à coup sûr elle n’est pas plus grande que cette différence. Les ver- sants sont du reste peu boisés, de sorte que l’évaporation agit avec .son maximum d’intensité. Si les observations précitées étaient assez nomîjreuses, on pourrait admettre le principe qui suit : La quan- tité d’eau moyenne enlevée par l’évaporation dans un terrain dé- l)oisé est au plus égale aux de l’eau tombée annuellement; d’où découlent les corollaires suivants : « Dans les terrains granitiques et basiques déboisés , c’est-à-dire placés dans les circonstances les plus défavorables , la quantité d’eau qui s’écoide à la surface est en moyenne égale aux l’eau tombée. Dans les terrains ooli- tiques inférieurs, cette quantité est sensiblement nulle. Et dans l’oxford-clay elle est au plus égale aux de l’eau tombée. » Tou- tefois les faits cités par M. Miiiard sont trop peu nombreux pour ([u’on puisse appliquer ce rapport , 0,56 , à tous les terrains imper- méables qui nous occupent. Il faudrait évidemment d’autres obser- vations faites les unes dans des lieux fioisés , les autres sur des ter- rains découverts. CHAPITRE II. DES MODIFICATIONS EPROUVEES PAR LES COURS d’eau dans la traversée DES TERRAINS GRANITIQUES ET JURAS- SIQUES. Des sources. 6. Dans les granités , il existe peu de sources très importantes, et l’on conçoit qu’il doit en être ainsi dans des terrains où il n’y a aucune stratification régulière. Mais en revanclie on y trouve une quantité prodigieuse de petités sources superficielles , des suinte- ments à travers les mousses, les herbages , les fissures des rochers , qui grossissent immédiatement après les pluies , mais qui ne ré- sistent pas à une longue sécheresse ( voir la note E ) . — Dans les terrains jurassiques. — Les terrains basiques, étant très imperméa- bles , ne présentent dans toute l’étendue de leur masse que des nappes d’eau peu abondantes : 1*^ dans leur contact avec les gra- nités ; 2° au-dessous du calcaire à Gryphées arquées ; 3° au-dessous du calcaire à Gryphées cymbium. Mais entre les marnes et le cal- 336 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. Caire à Entroques, il existe une très belle nappe d’eau qui, dans la Cüte-d’Or, produit des sources extrêmement remarquables. Ce cal- caire couronne la plupart des vallées à leur origine, près du faîte de partage qui traverse tout le département entre Saulieu et la Haute- Marne. Aussi presque toutes les rivières qui coulent de ce faîte vers l’océan , le Serein , rArmançon , la Brenne , l’Oze , la Seine , rOui ’ce , rAid3e, etc, , prennent leurs sources au-dessus des marnes basiques, et sont grossies, dans la première partie de leur cours, par les magnifiques fontaines qui coulent au fond de chaque pli des montagnes. On trouve , dans les plateaux de calcaire à Entroques, de nombreux jets évidemment artésiens qui se font jour à travers les roches et dont l’origine est au-dessus des marnes supra-liasi- ques. La partie marneuse de la terre à foulon donne naissance à quelques belles sources très chargées de matières calcaires qu’elles déposent au fond de leurs lits. Il est rare de trouver une source dans la grande ooiite et le forest-marble. es plus belles sources des terrains jurassiques sont à coup sûr dans l’oxford-clay , au moins pour la partie des départements de la Côte-d’Or et de l’Yonne que je connais ; on les trouve à tous les étages marneux. Mais presque toujours elles se montrent au jour près du fond des vallées , sans doute parce que les couches d’argile ne sont pas assez puissantes pour les soutenir à une grande hauteur ; elles difîèrent en cela des sources subordonnées au calcaire à Entroques, qui, soutenues par une grande masse de marnés, se font jour à toute iiauteur au-dessus du fond des vallées. Je citerai parmi les plus remarquables, dans r Yonne , les sources de Crisenon , de Beigny près Yermanton , de Noyers , etc. ; et, dans la Côte-d’Or, de Laignes ( la plus abondante de celles que je connaisse ), de Châtillon , de Brion, etc. , etc. Des cours d’eau. 7. Dans les granités. • — Pendant les pluies et les fontes de neige, les cours d’eau, en traversant les granités, reçoivent une alimenta- tion des eaux qui coulent à la surface du sol ; les sources superfi- cielles qui succèdent aux pluies soutiennent assez longtemps les cours d’eau secondaires ; mais ils tariraient entièrement pendant les sécheresses s’ils n’étaient pas alimentés par les nombreux étangs qui couvrent encore le Morvan. — Dans le lias. — Le lias, comme je l’ai dit plus haut, donne une énorme quantité d’eau superficielle pendant les pluies continues ; aussi les rivières au temps des crues s’enflent beaucoup en traversant ces terrains. Les nombreux ruis- seaux qui sortent des sources supérieures se soutiennent bien à SÉANCE DU "21 DÉCEMBRE i8A6. :337 i étiage. — Da/is les terrains oolitir/ues inférieurs. — Le calcaire à Entroques , la grande oolite et le forest-marble ne fournissent que de très faibles quantités d’eau aux rivières qui les traversent , et lorsqu’elles ne sont pas trop fortes , ils les absorbent pendant les sécheresses. Le Serein , la Seine , l’Ource , etc. , disparaissent à l’étiage en amont de Noyers , Cliâtillon , Brion , en traversant les rochers de la grande oolite et du forest-marble ( voir la note C ). Toutefois on ne doit pas s’exagérer la puissance absorl^ante de eette partie des lits des rivières , ainsi que le prouve la remarque suivante 5 tant que les usines situées en amont de points absor- bants marchent d’une manière continue , la rivière ou le ruisseau peuvent atteindre, sans se perdre complètement , la formation de l’oxford-clay. Ce n’est donc que lorsque l’eau est tellement basse que les usines marchent par éclusées , que l’absorption complète a lieu. Mais aucune de ces usines n’use un mètre cube d’eau par seconde en marchant d’une manière continue ; ainsi toute ri- vière de quelque importance , débitant plus d’un mètre par se- conde à l’étiage , peut traverser les calcaires perméables en ques- tion sans être absorbée à Fétiage , mais aussi sans éprouver de gon- flement sensible par les plus grandes pluies. — Dans Voxjord- rlny. — - l.es magnifiques fontaines qui sortent de l’oxford-clay ré- génèrent les petits cours d’eau taris à Fétiage par le contact des rochers absorbants. Ainsi, le Serein, la Seine et FOurce, que nous avons vus disparaître à Fétiage dans les rochers de la grande oolite, en amont de Noyers , Châtillon , Brion , renaissent de nouveau immédiatement au-dessous de ces trois localités. Dans les pluies ordinaires , Foxford-clay donne très peu d’eau aux rivières ; les crues d’été , par exemple , y sont assez rares. Ce n’est guère qu’à la suite des grandes pluies d’orage et des fontes de neige que les cours d’eau établis entièrement dans ce terrain paraissent se gonfler, CHAPITRE lîl. APPLICATIONS DES PRINCIPES CI-DESSUS CONCERNANT l’aRT DE l’iNGÉNIEUR 8. Débouchés des ponts. — Un ingénieur cjui a conservé, comme praticien, une juste réputation dans le corps des ponts et chaussées, M. Duleau, a proposé, pour fixer le débouché des petits ponts, la règle pratique suivante (Comua de construction lithographié ; ponts, p. 3 et A) : « Dans un pays plat , où les collines n’ont que 15 à 20 mètres de hauteur, on donne de largeur par lieue carrée, et dans les pays où les montagnes les plus élevées ont environ Soc. géoL, 2® série, tome IV„ 22 338 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 50 mètres au-tlessus du fond des vallées , on donne 2 mètres envi- ron par lieue carrée. » En suivant cette règle, on aurait donné au pont de Lucy-le-Bois sur le Veau-de-Bouche ( voir la note B) une superticie de 12 mètres superficiels au plus, au lieu de 36 mètres superficiels , débouché nécessaire. Depuis que j’habite le départe- ment de l’Yonne (environ quatre ans), il aurait été insuffisant quatre ou cinq fois, et aurait probablement été emporté le 27 mai 1841. On aurait donné au pont de Puits ( route royale n" 80 ) {voir la note G ) un débouché de 30 à 40 mètres superficiels au lieu de celui de 1“,71 superficiel qu’il a actuellement et qui est plus que suffisant. Ces deux exemples suffisent pour démontrer avec quelle réserve on doit accepter la règle empirique de M. Duleau. Je crois que par sa nature le problème n’a pas de solution généiale déter- minée. Pour les localités où mes études ont été faites, c’est-à-dire pour les départements de la Côte-d’Or , de l’Yonne , et probalde- ment de- Saône-et-Loire , de la INièvre, de la Haute-Saône , du Doubs , etc. , je pense qu’on pourrait adopter les bases suivantes : Vrillée ayant au plus une superficie de 50 kilomètres carrés (1). 1’’ Dans les vallées granitiques boisées et à fortes pentes , débou- ché de 0”^-‘^-,40 à O'" ''•,50 par kilomèttre carré de versants; 2° dans le lias et les vallées granitiques non boisées et à faibles pentes , |m.r.,50 par kilomètre carré; 3° dans le calcaire à Entroques , la grande oolite et le forest-marble, le débouché total le plus petit pos- sible, 0'" ‘' ,0128 en carré par exemple; 4" dans l’oxford-clay , au plus, O"’*^'-, 30 par kilomètre carré. Ainsi, dans une vallée ayant 50 kilomètres carrés de surface , on aurait les débouchés suivants : dans le granité à grandes pentes et boisé, de 20 à 25 mètres carrés ; dans le lias ou les granités déboisés à faibles pentes , 75 mètres carrés ; dans les terrains oolitiques inférieurs, 0'” ‘^',64 ; dansl’oxford-clay, au plus 15 mètres carrés. Lorsqu’une vallée est ouverte partie dans les terrains oolitiques inférieurs , et partie dans les terrains des autres catégories , il est évident qu’on ne doit pas tenir compte des premiers dans le calcul du débouché. En général, dans une localité donnée, on peut , pour chaque nature de terrain, diviser la plus grande section mouillée des ponts existants par la (1) On suppose ici que le pont à construire ne doit recevoir que des eaux pluviales. S’il existait une source abondante en amont, le débouché pourrait etre considérablement augmenté. SÉÀÎ^LL DU 21 BÉCEfllBUE 1846. 339 surface d’amont des versants , et obtenir ainsi des coefficients ana- logues à ceux que j’indique ci-dessus, qui serviront à déterminer les débouchés des petits ponts, comme je viens de le faire. Je suis convaincu que pour chaque arrondissement d’ingénieur le nombre de ces coefficients se réduirait à trois ou quatre. Vallées plus étendues.. 10. Dans les vallées plus étendues, il est impossible de donner une règle fixe ; mais on trouve presque toujours des ponts sur les cours d’eau, soit à l’amont, soit à l’aval du point où l’on veut construire. Pour le débouché cherché, on pourrait ajouter à celui du pont exis- tant ou en retrancher le produit en mètres carrés de l’un des coef- ficients ci-dessus , par le nombre représentant la quantité de kilo- mètres carrés de versants situés entre les deux ponts. Toutefois, beaucoup de circonstances peuvent influer sur le débouché des ponts. Ainsi , le cliangement brusque de pente qu’éprouve le fond d’une vallée au passage d’un terrain dur à un terrain marneux peu résistant, amène toujours en ce point une grande accumulation d’eau. On conçoit, en effet, que la vitesse étant beaucoup plus grande sur la pente rapide , il faut sur la pente faible une section mouillée beaucoup plus considérable pour que le débit reste le même. L’eau s’accumule donc au point d’intersection des pentes , jusqu’à ce que la section soit devenue assez grande pour débiter toute la masse. Il s’établit par conséquent à la surhice une pente plus grande que celle du fond, et si cette dernière est uniforme, la section mouillée va cesser en diminuant. Il résulte de là qu’il faut souvent, à une grane distance en aval , un pont plus petit que celui établi au cliangement de pente. Dans ce cas , il est impossible d’établir une règle fixe pour la détermination du débouché ; nous allons le prouver par un exemple. La pente de la Cure, à la ren- contre des terrains oolitiques inférieurs , en amont d’Arcy , est extrêmement rapide ( plus de 0"’,Ü01 par mètre ). Plus bas on ren- contre l’oxford-clay , et la pente devient beaucoup plus faible (moins de O''’, 0006). 11 y a donc à cette rencontre accumulation d’eau qui se fait sentir jusqu’au pont de Bessy. Aussi la hauteur de la crue du 5 mai 1836 a été de 5 mètres au-dessus de i’étiage en amont du pertuis d’Arcy, et de 4 mètres en aval (1); mais, à partir de là , la hauteur des crues diminue rapidement. Ainsi, à Accolay , à 10 kilomètres en aval d’Arcy, quoique la largeur de la vallée n’ait (1) Il y a rapide au bas du pertuis d’Arcy. 3/l0 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8Z16. pas varié, la liauteur de la crue du 5 mai 1836 était réduite â 3 mètres au-dessus de l’étiage. Comparons maiiiteuaiit la section mouillée du pont de Bessy à celle du pont d’Auxerre : le jour de la crue précitée, la section mouillée du pont de Bessy et des arceaux de décharge contigus était de 213 mètres carrés; la même crue occupait au pont d’Auxerre, où la Cure et l’ Yonne sont réunies, une surface de 282 mètres seulement. Cette faible différence entre les deux débouchés s’explique par la diminution de la section mouillée des vallées à mesure qu’on s’éloigne de l’origine des pentes faibles, ou en d’autres termes parce qu’à mesure qu’on s’é- loigne de l’origine d’une pente continue , la masse d’eau totale d’une crue met un temps beaucoup plus long à s’écouler. 11. Tracé des canaux. — D’après ce qui a été dit plus liant ( voir h ), les terrains dont il est ici question ne sont point égale- ment favorables à l’établissement des canaux, il faut éviter, autant que possible , les calcaires ooiitiques inférieurs qui rendent l’ali- mentation d’un canal très difficile , ainsi que le juoiive la partie du canal de Bourgogne comprise dans la vallée de l’Ouclie en amont de Dijon , et dans la vallée de l’Armançon, en amont de l’onnerre. L’eau des divers Ijiefs compris dans ces deux vallées baisse avec une incroyable rapidité. Quelques uns de ceux de la vallée de l’Oucbe , dont le plafond est à peu près au niveau de l’étiage de la rivière, donnent lieu à un singulier pliénomèue. Il s’est éta])b des renards entre le canal et la rivière, de telle soi te que le niveau des deux cours d’eau s’élève et baisse simultanément. Les terrains graniti(|ues lorsqu’ils ne sont pas trop abruptes, et le lias lorsque la pente transversale est faible , sont très favorables à l’établissement des canaux, en raison de leur imperméabilité. L’oxford-clay renferme des parties très al^sorbantes ; ce sont celles où les bancs calcaires se touchent presque sans interposition d’ar- gile. iVIais, en général, ce terrain, quoiepie bien inférieur sous ce rapport au lias , peut, sans grands inconvénients , recevoir un canal. 12. Observations sur les moyens d’étancliement des canaux. — il peut se faire que dans la construction d’un grand canal (comme le canal de Bouigogne , par exemple), on soit forcé de traverser des masses calcaires de la nature des terrains ooiitiques inférieurs. Alors on doit s’attendre à de grandes pertes d’eau, et par conséquent à des travaux d’étancbement considérables. Parmi les moyens connus pour arrêter les filtrations , le plus simple et le moins dispen- dieux consiste à introduire dans les biefs perméables une certaine quantité d’eau boueuse. Un ingénieur allemand, M. le baron SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 341 Pecliiiiann , regarde ce procédé comme infaillible ( Annales des ponts et chaussées ^ 2® semestre 1841 , p. 18). le crois que dans les terrains oolitiqiies il serait complètement inefficace , et voici sur quoi je base mon opinion : le Serein, la Seine et rOurce roulent constamment, après les pluies d’automne, des eaux plus ou moins boueuses ; de plus, dans la vallée de l’Ource et de la Seine , avant 1830, le lavage du minerai de fer introduisait dans ces rivières, en amont de ilrion et de Cliatillon , une énorme quantité de vase, et cependant ce moyen d’étanehement naturel n’a pu jusqu’à pré- sent rendre imperméables les lits de ces trois cours d’eau qui se perdent complètement à l’étiage en amont de Noyers , (diàtillon et Brion {voii' la note C ). le crois devoir renvoyer aux traités spé- ciaux pour ce qui concerne les détails d’emploi des divers procé- dés d’étancliement connus. 13. Des réservoirs d' ali mentati on. — C’est surtout pour rétablis- sement des réservoirs d’alimentation des canaux qu’il importe d’étudier la nature du sol. Dans le choix de leur emplacement on doit toujours éviter les terrains oolitiques inférieurs , dont les ver- sants ne donneraient qu’une quantité d’eau insignifiante , et absor- beraient celle qui pourrait venir des terrains d’une autre nature situés en amont ( voir la note C). 11 existe dans l’oxford-clay, près de Cliatillon , plusieurs étangs qui paraissent assez bien tenir l’eau. On peut donc établir, dans les parties marneuses de cette forma- tion, des réservoirs qui devront toujours être alimentés, soit par une grande surface de terrain en amont, soit par des sources abon- dantes. Les meilleurs terrains, sans contredit, sont le lias et le gra- nité. 11 ne faut, pour l’alimentation, que de faibles surfaces. Ainsi, la surface de la vallée de la Orenne , en amont du réservoir de Gros-Bois ( canal de Bourgogne ), mesurée sur la carte de Cassini, est seulement de 30 kilomètres carrés ; la capacité du réservoir est de 8,000,000 mètres cubes , et il est probable que les eaux tom- bées en amont suffiraient pour le remplir plus d’une fois chaque année. Le lias, en raison de sa nature argileuse, présente d’assez grandes difficultés pour l’établissement des fondations des barrages en maçonnerie. La nature du sol se prête bien à la construction des barrages en terre revêtus de perré qui doivent être préférés. Dans les granités , les vallées présentent à chaque pas des étranglements éminemment favorables à l’établissement des barrages en maçon- nerie. 14. Des canaux d’irrigation. — Les terrains oolitiques, si l’on excepte les parties les plus marneuses de l’oxford-elay, ne sont point propres à recevoir des canaux d’irrigation En elïet, ces canaux SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/i6. 3/i2 étant en général soutenus à une assez grande élévation au-dessus des vallées, convertiraient en marais, par suite de la grande per- méabilité du sol , tous les terrains inférieurs. En outre , leur ali- mentation exigerait une grande quantité d’eau. On peut donc ad- mettre qu’en général, dans les terrains oolitiques, les canaux d’irrigation seraient plus nuisibles qu’utiles, et auraient le grave inconvénient de produire des marais. De là découle le principe suivant : Dans les terrains ooliticpiés, il ne peut exister de prairies naturelles que dans le fond des vallées , et seulement sur les points accessibles aux crues des cours d’eau; principe parfaitement justifié par les faits dans les terrains que je connais. Dans le lias et le gra- nité , au contraire , les canaux d’irrigation s’établissent avec la plus grande facilité , et comme la plus légère source , les eaux pluviales même suffisent dans ces terrains pour établir des prairies , on peut admettre encore le principe suivant : Dans le lias et le granité, les prairies naturelles peuvent exister à toute hauteur au-dessus du fond des vallées (voir 34 , chapitre Y ). 15. De la régularisation du débit des rivières. • — Quelques ingé- nieurs admettent que le reboisement est le moyen le plus efficace d’obtenir la régularisation du débit des rivières (voir, sur ce sujet, un article de M. Dausse , Annales des ponts et chaussées , semes- tre 1842, page 184)- Tout en reconnaissant cpie le reboisement ])eut avoir un bon effet en diminuant les produits de l’évaporation et en augmentant le produit des pluies, je ne puis admettre qu’il [)roduirait le résultat qu’on en espère. Je pourrais citer un grand nombre de rivières dont les versants sont très boisés , et qui sont loin d’avoir un régime régulier. Je renverrai d’ailleurs à la note E, où le fait se trouve démontré d’une manière évidente. Les forêts peuvent être utiles dans tous les climats trop secs , pour augmenter les produits de la pluie. Reste à savoir si la région moyenne de la France, dont il est c|uestion ici, peut être considérée comme un climat sec. Mais pour ce qui concerne la régularisation des cours d’eau, il est parfaitement certain qu’on ne gagnerait rien à planter en bois les terrains absorbants, puisqu’on n’obtiendrait par ce moyen , en retardant la marche de l’eau . d’autre résultat que de rendre l’absorption plus complète. C’est ce que prouve le sol des forêts de la grande oolite , qui est tout aussi sec que celui des par- ties en culture. 16. D’après ce qui a été dit plus haut , on doit admettre que, pour améliorer une rivière , il faut agir seulement sur les terrains non absorbants, en cherciiant : D à diminuer, s’il est possible, les produits de l’évaporation et à arrêter la marche des alluvions, SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 343 2“ à régulariser le débit des eaux qui atteignent le fond des vallées. Pour diminuer les pertes produites par l’évaporation et arrêter la marche des alluvions , il faut agir directement sur les versants des vallées où tombe la pluie. 17. Des opérations à faire sur les versants des vallées. — Les bois surtout , et les prés jusqu’à un certain point , peuvent diminuer les produits de l’évaporation ; pour arrêter la marche des alluvions , les prairies naturelles sont aussi efficaces que les bois (voir la note F). 18. Lias. — Sur aucun terrain le mouvement des alluvions n’a un effet aussi pernicieux qu’à la surface des terrains basiques. Je ne parle pas seulement des grands ravins qui s’y produisent de dis- tance en distance , mais des dégradations générales causées par les eaux pluviales, qui enlèvent à cliaque sillon la terre la | lus fertile pour la transporter au fond des vallées, où presque toujours elle produit, momentanément au moins, de grands dommages en remplissant les rivières et en souillant les prairies. Le reboisement de ces terrains serait une mauvaise opération. En effet , leur valeur vénale actuelle est de 1,000 à 3,000 francs l’hectare (je parle des terres labourables seulement) , et les meilleurs fonds de bois ne se vendent pas 1,000 francs l’iiectare. Mais les terrains basiques jouissent de la précieuse faculté de pouvoir être convertis en prai- ries naturelles avec le simple secours des eaux pluviales (voir le cliap. Y ) , et , comme nous l’avons dit , les prés arrêtent les allu- vions aussi bien que les bois , et diminuent sensiblement les pro- duits de l’évaporation. Il serait de la plus grande importance, dans l’intérêt de l’agriculture locale , dans l’intérêt général des ri- verains des rivières dont les produits sont si souvent gâtés par les eaux boueuses des crues , de convertir en prairies toutes les pentes basiques un peu étendues. Les efforts réunis des propriétaires et du gouvernement doivent tendre à obtenir ce résultat , qui doublerait la valeur vénale du sol (voir encore 34, cliap, Y ). 1 9 . Granités. — Les terrains granitiques du M orvan , qui forment une pointe dans l’angle S. -O. du bassin de la Seine , sont extrême- ment boisés. On peut donc juger de l’effet utile que les bois pro- duisent en diminuant la puissance de l’évaporation et le mouve- ment des alluvions. Ainsi que nous l’avons déjà dit , la surface des granités est couverte d’une multitude de fissures irrégulières , et il est important de retarder autant que possible le mouvement des eaux pour favoriser leur introduction dans ces petits réservoirs qui alimentent les nombreuses sources superficielles de cette nature de terrain. Les bois sont excellents pour cela , et de plus ils détruisent SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18â(>. l’actioii des rayons solaires qui , dans les parties dénudées , dessè- chent promptement tous ces lé(>ers suintements. Les terres laltou- rables granitiques ayant peu de valeur, il peut être avantageux de les convertir en bois (voir 35, cliap. Y, paragrapiie relatif aux re- boisements). Cependant les terrains dont la surface est régulière et n’est pas hérissée de rochers peuvent être avantageusement con- vertis en prairies. Mais les eaux pluviales ne sufliraient cpi’à donner de mai(p es pâtures ; il faut donc faire usage des ruisseaux que les sources superficielles entretiennent dans chaque pli de terrain (voir , chap. V ). Les barrages des usines peuvent aussi, dans certains cas , opposer un obstacle utile à la marche des alluvions (voir la note G ). 20. JDc’s travaux à j aire dans le fond des vallées . ■— .Fai dit que le reboisement me semblait inefiicace pour régulariser les cours d’eau , c’est-à-dire pour rapprocher autant que possible le débit de l’étiage et celui des plus fortes crues du débit moyen. On en aura la preuve dans la note £, où des jaugeages faits de quinze jours en quinze jours dans une vallée granitique entièrement boisée donnent des variations énormes , suivant que la quinzaine est sèche ou pluvieuse. La vallée granitique du Cousin , une des plus boisées du bassin de la Seine, en est une autre preuve. Une pluie de vingt- ( quatre heures y produit une crue assez forte; une sécheresse de quinze jours ramène le débit à l’étiage , et, dans les années sèches, il est probaljle que la rivière cesserait de couler, si elle n’était ali- mentée par les nombreux étangs du Morvan. J’ai fait voir d’ailleurs (18 et note F) que le reboisement serait, dans le lias, une déplo- rable opération financière pour le propriétaire dont l’immeuble , rendu improductif pendant vingt ou trente ans, serait, à l’expi- ration de ce délai , dans certaines circonstances , déprécié de la moitié ou des deux tiers de sa valeur primitive. S’opposer au dé- boisement lorsque eette opération doit doubler ou tripler la valeui- du fond, est un acte de rigueur qui ne peut être admis qu’en cas d’absolue nécessité , surtout si i’ immeuble doit être converti en prairie. On n’obtiendra donc jamais dans le lias que des reboise- ments insignifiants ; on n’opposera au déboisenrent de ce terrain qu’une résistance qui sera promptement vaincue par le bon sens des administrateurs. Les granités du Morvan sont presque tous l)oisés; ce n’est donc point à ce genre d’amélioration, d’ailleurs inefficace, que doivent tendre les efforts de l’administration. Pour arrêter les alluvions , nous avons vu qu’il fallait agir sur les ver- sants des vallées. Nous allons démontrer qu’on peut jusqu’à un certain point diminiici les crues et améliorer le débit de l’étiage en SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/^(>. 3/15 agissant sur le fond des vallées. Ecartons d’abord les vallées ou IVaetions de vallées entièrement oobtiques , qui n’ont aucune action sur les crues. Les travaux , dans certains cas , doivent être à la charge des particuliers , et , dans d’autres , être exécutés par l’Etat. 21. Travaux h la charge des particuliers . — Je suppose un vallon granitique ou basique d’une superficie peu étendue, 20 kilomètres carrés, par exemple. D’après le relevé des udomètrcs du canal de Dourgogne, la plus grande hauteur d’eau tombée dans un seul orage a été de 0'",05 ou de 50,000 mètres cubes par kilomètre carré ; soit enfin de 1,000,000 de mètres cubes pour la vallée qui nous occupe. Admettons , comme je l’ai démontré plus haut (5) , que les pertes par l’évaporation, l’imbibitionde la couche superficielle, etc., soient d’environ 50 p. 100. Le produit de la crue qui peut atteindre le fond de la vallée serait réduit à 500,000 mètres cubes. Cette quantité d’eau débitée en trois ou quatre heures n’est pas de na- ture à produire crue dans une rivière importante. Ainsi l’Etat, dans l’intérêt général, n’est pas tenu d’agir directement sur un petit cours d’eau. Mais il n’en est pas de même des propriétaires du fond de la vallée, qui sont exposés avoir leurs récoltes perdues à la plus faible crue du printemps (c’est-à-dire tous les deux ou trois ans dans le lias et les granités). 22. Autrefois les petites vallées granitiques du Morvan étaient toutes préservées par une multitude d’étangs où les crues venaient s’emmagasiner; dans la partie supérieure des vallées, où le terrain a peu de valeur, il existe encore un grand nombre de ces étangs. Les plus importants servent presque toujours de biefs à des moulins qui marchent d’une manière continue pendant les sécheresses, et alimentent ainsi les petits cours d’eau situés en aval , qui sans cela seraient promptement mis à sec; mais, depuis quelques années, la conversion des étangs en prairies a pris beaucoup d’extension , et on en a desséché un grand nombre. C’est là un grand mal , bien autrement désastreux que le déboisement, et qu’il faudrait arrêter promptement , en donnant à f administration les pouvoirs néces- saires (1). 11 faudrait aussi encourager le rétablissement des anciens étangs, dont les digues existent toutes encore, et la création de nouvelles retenues , surtout en amont de riches prairies. C’est la (1) Il est vraiment singulier que l’administration, qui, avec raison , empêche l’établissement d’une retenue d’eau lorsqu’elle peut nuire au moindre des riverains, ne puisse s’opposera la destruction d’un étang , qui, dans certains cas, préserve les récoltes d'immenses prairies d’une ruine certaine. 3/l6 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8Z16. seule méthode certaine de régulariser le petit cours d’eau dans les terrains granitiques. 23. Mais dans le lias et les marnes supra-liasiques , sans doute par suite du prix élevé des terrains, il existe peu d’étangs , et il ne serait pas prudent d’en établir un grand nombre , en raison de la grande quantité de vase qui s’y rassemblerait et de l’insalubrité qui pourrait en résulter pour le pays (voir la note H ) . Cependant ces terrains, par cela même qu’ils sont très fertiles, ont besoin d’un préservatif. Combien n’y voit -on pas de riches prairies qu’un laible ruisseau couvre tous les deux ou trois ans, au moment des réeoltes , d’un torrent d’eau et de boue I Le moyen d’arrêter ce lléau serait bien simple. Il suffirait, en effet, de construire en amont de la prairie une digue d’étang avec des moyens de décharge tels que, dans les saisons où les crues n’ont aucun inconvénient , l’eau s’écoulât sans difficulté et sans former d’amas ; mais au printemps et jusqu’au moment des récoltes, toutes les issues seraient fermées, à l’exception d’une vanne de fond assez grande pour laisser échap- per les eaux ordinaires , mais insuffisante pour récoulement des crues dès qu’elles deviendraient dangereuses. On perdrait sans d(jute les récoltes sur une certaine étendue en amont ; mais , en établissant la digue avec intelligence, cette perte serait infiniment moindre que celle d’aval qui aurait eu lieu sans cela. 2ù. Dans l’état actuel de notre législation sur les cours d’eau, la réalisation des améliorations que je signale serait sans doute bien tlifficile , et rencontrerait de nombreux obstacles , même de la part des propriétaires intéressés. Chacun reconnaît aujourd’hui l’insuffi- sance et les inconvénients de cette législation , et nous ne voyons pas pourquoi , lorsque par une étude consciencieuse , des enquê- tes , etc. , on aurait reconnu qu’un ruisseau dangereux peut être maîtrisé par l’établissement de deux ou trois barrages , on ne pour- rait pas forcer, par un règlement d’administration publique, les propriétaires intéressés à faire les dépenses d’établissement de digues et les acquisitions de terrains nécessaires , dût-on recourir à l’expropriation. 25. Des travaux a exécuter par l’État. — Lorsque la navigation des fleuves, les immenses prairies qui les bordent, des parties de villes submersibles, etc. , nécessitent la régularisation du débit d’un cours d’eau , il semble juste que les travaux soient à la charge de l’État. Considérons, par exemple, une vallée de 100 kilomètres super- ficiels. En admettant, comme ci-dessus, que les crues max'una soient de 25,000 mètres cubes par kilomètre superficiel , le produit SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. 3A7 total de la vallée sera de 2,500,000 mètres cubes. Une semblable crue ne se reproduira peut-être qu’une ou deux fois par siècle. Mais elle n’en sera que plus dangereuse, et pour les plantations (|ui auront cru dans l’intervalle, et pour les propriétaires impré- voyants qui oublient si vite les grandes catastrophes. En outre , une multitude de crues moyennes causent périodiquement d’affreux ravages dans les réeoltes sur une grande étendue. Des réservoirs du même genre que eeux qui servent à l’alimentation des canaux se- raient un moyen très efficace de remédier au mal , au moins poul- ies propriétés d’aval. En effet, admettons que l’Etat eonstruise , à l’issue de la vallée dont il s’agit , un réservoir occupant une super- ficie de 100 iieetares. Je dis qu’en donnant à la digue une élévation de2"q50 au-dessus du niveau ordinaire, on sera maître des plus fortes erues. En effet, la superficie du réservoir étant de 100 hec- tares ou de 1 million de mètres carrés , un semblable siirhaussement augmentera la capacité de 2,500,000 mètres cubes; de sorte que la plus forte crue pourra s’y emmagasiner, et qu’on la fera ensuite écouler à loisir et sans danger (1). En admettant les mêmes hypo- thèses , il faudrait deux réservoirs pour une vallée de 200 kilo- mètres superficiels , trois pour une vallée de 300 kilomètres su- perficiels , et ainsi de suite , en s’arrêtant aux terrains absor- bants, ou à l’origine des parties navigables ou flottables. Par ces réservoirs échelonnés, on se rendrait complètement maîtres des plus fortes erues , et , en outre , au moyen des hautes eaux ordi- naires, on formerait, dans l’intérêt de la navigation, des usines, des terrains irrigables , un immense approvisionnement d’eau qui serait utilisé à l’étiage. M. Chanoine, ingénieur en chef à Sens, a déjà dressé un semblable projet de réservoirs échelonnés, dont l’exécution régulariserait le débit des rivières du Serein et du Cousin. 26. Ces ouvrages eouteraient beaucoup moins à établir que ceux du même genre exécutés pour les eanaux. Comme on ne serait pas gêné par le niveau d’un point de partage , on pourrait choisir les localités les plus favorables à l’établissement des digues, par exem- ple, les étranglements des vallées, si fréquents dans les terrains granitiques et liasicpies. ('1] Les faibles crues d’hiver se succèdent quelquefois presque sans interruption. Mais dans la vallée de la Seine , elles présentent rarement de grands inconvénients, et on peut les laisser s’écouler sans danger. 3/i8 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE ISliÔ. CHAPITRE YI. — APPLICATION des idées qui précèdent AU BASSIN DE LA SEINE EN AMONT DE PARIS. 27. M. l’ingéiiieur en clief Dausse annonce que la quantité moyenne d’eau qui tombe annuellement sur les /4/4,ü00 kilomètres carrés , formant le bassin de la Seine en amont de Paris , est de 28 milliards de mètres cubes, et que la fraction qui passe sous les ponts de Paris est seulement de 8 milliaids de mètres cubes. îl attribue à l’évaporation la perte de 20 milliards de mètres cubes , formant la différence entre les deux nombres. Je ne pense pas que cette opinion soit exacte En effet, j’ai cité (5) des observations rapportées par Al . Aîinard, desquelles il résulte que dans un terrain marneux entièrement déboisé , les pertes se sont élevées aux i^de l’eau tombée, et évidemment le produit de l’évaporation ne peut dépasser ce chiffre. Il est probaljle que, pour l’ensemble du bassin de Paris , où il existe encore d’immenses forêts , ce rapport est beau- coup trop fort. Ainsi l’évaporation enlève sur le bassin d’amont de Paris un culDe d’eau au plus égal aux du cube tombé , ou à 12 milliards de mètres cubes environ. 28. Les 8 milliards restants sont, suivant moi, absorbés par le sol , et on en sera convaincu si l’on observe : 1° que les terrains oolitiques, qui donnent si peu d’eau aux rivières, occupent une sLiperhcie de 8,000 kilomètres carrés, c’est-à-dire le cinquième en- viron du bassin en amootde Paris; 2" que la formation de la craie blanche , qui est aussi très al^sorbante , occupe également dans ce liassin une superficie considérable; 3“ que les diverses formations géo- logiques du faîte de la Bourgogne à Paris sont disposées les unes au- dessus des autres, à niveau décroissant, c’est-à-dire que la plus basse dans l’échelle géologique est la plus rapprochée du faîte de partage ; qu’ainsi, à mesure qu’on se rapproche de Paris, il y a moins de chances pour que les eaux infiltrées en amont se fassent jour par des jets artésiens, puisque la masse qui les recouvre va sans cesse en augmentant d’épaisseur. Il semble donc incontestable que ces eaux soient perdues pour la navigation en amont de Paris. 29. Ainsi les 28 milliards de mètres cubes d’eau qui tombent annuellement sur le bassin de la Seine en amont de Paris se sub- divisent ainsi : 1° 8 milliards passant sous les ponts ; 2" 12 milliards au plus absorbés par l’évaporation ; 3° 8 milliards au moins absor- !)és par le sous-sol. Tout le monde est d’accord sur un point, à .savoir, qu’il fondrait régulariser autant que possible le débit du premier cube , en diminuant la hauteur des crues et en augmentant SÉANCE DE 21 DÉCEMBRE 18/(6. 3/l9 celle de Fétiage. 11 est évident encore qu’on ne doit clierclier à di- ininiier le ])roduit de Févaporation qiF autant que le débit régularisé du plus bas étiage de la Seine serait insuffisant. Quant au troisième cube, il est hors de la puissance de l’homme d’en pouvoir dis- poser. Enfin, je pense qu’il serait aussi de lapins haute importance d’arrêtei' la marche des alluvions qui viennent encombrer le lit des rivières, perdre les récoltes, former des barres à l’embouchure des fleuves, etc. Si le déltit de la masse d’eau qui passe sous les ponts de Paris était rendu complètement régulier, le produit par seconde serait de 260 mètres cubes, environ trois fois et demie plus fort (pie celui de Fétiage actuel; il serait plus que suffisant, et il serait inutile de chercher à diminuer les produits de Févaporation. Ainsi le problème à résoudre , le seul dont je m’occuperai , se décompose naturellement en deux parties : 1" arrêter la marche des alluvions; 2° régulariser le débit de la masse d’eau qui passe sous les ponts de l^aris. 30. Superficie des terrai us sur huupœls il faut agir pour arrêter les alluvions. — Les terrains graniticpies et jurassiques occupent, dans le bassin de Paris et dans les départements de la Nièvre, de F Yonne, de la Côte-d’Or, de l’Aube et de la Haute-Marne jusqu’à Chaumont, une superficie de 11,000 kilomètres carrés , savoir: 8,000 kilomètres superficiels de terrains oolitiques; 1,400 id. de granité; 1,600 id. de lias. Il n’y a rien à faire dans les terrains oolitiques qui donnent peu d’alluvions. Les rivières qui coulent entièrement dans ces terrains sont, à Fétiage, très limpides , et, dans les crues, peu chargées de matières en suspension ; la couleur de leurs eaux en masse est le bleu azur. Les terrains granitiques sont en grande partie boisés ou couverts de prairies et de pâturages : aussi leurs eaux sont limpides à Fétiage; dans les crues, elles deviennent plus ou moins louches et charrient, en petite quantité, des galets (en raison de la forte pente des vallées)et des sables provenant de la décomposition de ces galets. Quoique limpides, les eaux granitiques en masse paraissent colo- rées en bistre très foncé. Les alluvions qui se déposent chaque jour dans la partie supérieure du bassin de la Seine qui nous occupe , proviennent donc presque toutes des 1,600 kilomètres carrés ba- siques. Les eaux des rivières qui traversent ces terrains sont, en efî'et, toujours louches à Fétiage , et très chargées de vase dans les 350 SÉANCE DU 21 DÉCE3IBIIE IS/jO. crues. Dans l’état actuel des choses , les terrains liasiques en ques- tion sont à peu près déboisés. Un peu plus du tiers de leur surface est occupé par des prairies; le reste, ou 1,000 kilomètres carrés, par des terres labourables. J’ai dit (17, 18 et 34) que le meilleur moyen d’empêcber le déplacement de la couche superficielle de ces 1,000 kilomètres carrés consisterait à convertir en prairies toutes les parties à fortes pentes, ou qui reçoivent les eaux des vastes pla- teaux si communs dans le calcaire à Grypbées arquées. Ces 1,000 ki- lomètres carrés , ou 100,000 hectares, peuvent être estimés , à l’état de terre labourable , à raison de 1,500 francs l’hectare en moyenne, ou ensemble à 150,000,000 francs ; convertis en prairies, ils vau- draient au moins 3,000 francs l’hectare , soit 300,000,000 francs. L’opération est donc excellente. Le ]dus grand obstaele à sa réalisa- tion est le morcellement excessif de la propriété, l^a loi sur les ir- rigations permettra peut-être de le vaincre en partie. 31. Piégularisation du régime des cours d’enu. — Les principaux bassins liasiques sont les suivants (1) : 1® la vallée de l’Yonne et ses affluents, en amont de Clamecy, jusqu’à un point situé un peu en aval des aqueducs de Moreuillon ; 2“ une faible partie de la vallée de la Cure, entre Cure et Asquins (bassin de Yézelay) ; 3“ la rive droite du Cousin, entre Cussy-les -Forges et Sermizelles (bas- sin d’ A vallon ) ; 4*’ sur le Serein, le bassin de Mont-Saint-Jean , le plateau d’Epoisses (rive droite) , tout le fond de la vallée entre Toutry et Lisle , sur le Serein ; 5" tous les vastes plateaux de l’Armançon, depuis sa source jusqu’à Quincy, près Alontbard, à l’exception des ravins de Semur, dont le fond est granitique, et de quelques sommets occupés par le calcaire à Entroques ; 6'' les val- lées de la Brenne et de ses divers affluents en amont de Buffon , tels que i’Oze, l’Ozerain , le ruisseau de Darcey, le Rabutin, la fontaine de Lormes , etc. ; 7" une bande très étroite de la vallée de la Seine et de ses affluents en amont d’ Aisay-le-Duc ; 8” une bande également très étroite des vallées de l’Ource , de l’Aube , de l’Au- jon , de la Marne et de leurs affluents dans la partie supérieure de leurs cours , occupée par les marnes liasiques , ou une couche mince de calcaire à Entroques. La partie basique des vallées de la Seine, de l’Ource, de l’Aube, l’Aubette et l’Aujon, est très peu étendue , si on la compare à celle des vallées qui précèdent. Les (1) On ne doit pas perdre de vue ici que je comprends dans le lias les marnes supra-liasiques , qui , dans la carte géologique de MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy , sont comprises dans l’étage oolitique infé- rieur. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18^6. 351 principaux J3assins gi anitiqiies sont : la vallée de F Yonne jusqu’à un point situé un peu à l’aval de Montreuillon ; 2® celle de la Cure jusqu’à Saint-Père, sous Vézelay; 3” celle du Cousin, en amont du Vault, près d’Avallon ; à*' celle du Serein, entre îjamotte (près Saulieii) et Toutry ; 5" celle de l’Armançon (seulement le fond) aux abords de Seniur. Toutes ces vallées ont un nombre prodigieux d’affluents à versants granitiques , qu’il est impossible d’énumérer. Voici quelques indications sur le régime actuel de ces rivières dans la traversée des terrains granitiques et jurassiques. Régime des hantes eaux.- — L’Yonne, la Cure, le Cousin, le Serein , l’Armançon et la Brenne , qui ont des versants basiques et granitiques d’une étendue considérable , sont soumises à des crues très fréquentes et très fortes. La Seine, l’Ource , l’Aube, l’Au- jon , etc., ayant des versants presque entièrement oolitiques, sont beaucoup moins redoutables , leurs crues sont moins élevées , mais surtout bien moins fréquentes , et cependant , grâce à l’impré- voyance des riverains, elles produisent des résultats presque aussi funestes que dans les vallées imperméables. 4insi la Seine , en amont de Cliâtillon , a la même longueur de cours à peu près que La Brenne, en amont de Montbard ; mais elle a trois ou quatre fois moins d’étendue de versants basiques. Les habitants ne se sont pas montrés plus prudents dans une ville que dans l’autre ; le lit de la Seine , à Chàtillon , est trois ou quatre fois moins large que celui de la Brenne à Alontbard. Les deux rivières, ne trouvant pas un débouché suffisant , inondent , dans les crues , les parties liasses des deux villes. J’ai signalé dans la note G la différence cu- rieuse qui existe dans les ouvrages de décharge des usines an- ciennes , suivant que la rivière coule dans des terrains absorbants ou imperméables. Ainsi les usines de l’Yonne, de la Cure, du Serein, de l’Armançon , de la Brenne et de leurs affluents, ont toutes d’immenses déversoirs et des vannes de décharge insigni- fiantes. Sur les autres rivières, les déversoirs ont peu d’importance, et toutes les crues s’écoulent par les vannes de décharge. Dans le premier cas, il fallait ménager une issue aux crues subites, qui souvent ne laissent pas le temps de lever les vannes de décharge ; dans le second, l’usinier, même négligent, a toujours le temps de lever ses vannes avant que la crue lui ferme le passage. Régime de Vétiage. — La vallée de l’Yonne, en amont de Cla- mecy, est ouverte en paitie dans les terrains basiques couronnés par les terrains oolitiques; aussi la nappe d’eau qui existe toujours entre ces deux formations don ne-t-elle naissance à de nombreux 352 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. aftluents qui soiitieuiient bien l’étiage (n" 6). Les vallées ck la Cure et (lu Cousin , en amont de leur confluent , sont presque entière- ment ouvertes dans les terrains granitiques; les sources, quoique très nombreuses , y sont peu importantes ; aussi une sécberesse de quelques jours fait promptement baisser les eaux , et sans les nom- breux étangs du Morvan , le Cousin principalement cesserait sou- vent de couler. Le Serein et l’Armançon , en amont de Lisle et de Quincy, coulent dans 'des terrains granitiques ou basiques assez rarement couronnés par les terrains oolitiques ; les nappes d’eau y sont peu abondantes , et Fétiage de ces rivières est extrêmement faible. L’étiage de la Brenne est mieux soutenu, parce que les val- lons secondaires de la rive droite, en amont de Moritbard, sont tous ouverts dans les terrains basiques couronnés par le calcaire à Entroques et , par conséquent , sont alimentés par la belle nappe d’eau qui se trouve à la séparation de ces deux formations (n° 6). il en est de même de la Seine, de FOurce, de FAube , etc. , en amont d’Aisay-le- Duc , l/ugny, etc. ; le fond des vallées est occupé par des terrains basiques ou une faible couclie de calcaire à En- troques facilement percée par des jets artésiens ; aussi une multitude de petits ruisseaux soutient l^ien Fétiage en amont des terrains oolitiques ; mais dans la traversée de ces derniers terrains , le débit de tous les cours d’eau diminue rapidement et se réduit même sou- vent à rien (n" 7). 32. Toutes les rivières ci-dessus désignées ayant une partie de leurs versants dans les terrains basiques ou granitiques , sont sou- mises à des crues plus ou nioins dangereuses. Voyons quels seraient les travaux à faire par l’Etat pour régler leur régime. Ü Yonne et la Cure. — Sjcs parties basiques et granitiques des versants de l’Yonne et de la Cure ont une étendue de 1,300 kilo- mètres carrés, c’est-à-dire presque égale à la moitié des terrains imperméables qui nous occupent. Malheureusement ces deux ri- vières sont soumises, dans la partie supérieure de leur cours, au flottage à bûches perdues. 11 serait donc difficile de leur appliquer les moyens de régularisation indiqués ci-dessus (n 25). Cependant M. l’ingénieur en chef Chanoine a projeté , dans la Haute-Cure, un barrage destiné à convertir en réservoir l’immense plaine des Sey- tons. On pourrait sans doute améliorer considérablement le régime des deux rivières , en établissant des réservoirs semblables sur leurs affluents non flottables. Le Cousin et le Serein occupent un * étendue de terrain basique ou granitique de 800 kilomètres carrés; dans les hypothèses ad- SflANCK DU 21 BÉUF.MDRIÎ IB/jG. 353 mises au ii° 25 , il faudrait huit réservoirs pour régulariser coiu- plétemeut leur régime. M. l’ingénieur Chanoine en a projeté cinq. Ce iiomijre nous semble insuffisant. UAvDiançon et lu Brc/i/ie occupent, avec leurs affluents, une su- perlicie de terrains granitiques, mais surtout basiques, de 600 kilo- mètres carrés. Six réservoirs seraient donc nécessaires, il en existe déjà un (1) (le réservoir de Gros-Bois). La Seine, VOurce , F Aube et VAuhette. — Le fond seul de la partie supérieure de ces vallées étant basique, il est bien difficile , même sur une bonne carte, d’apprécier approximativement la sur- face de cette nature de terrain ; je crois être au-dessus de la vérité en l’évaluant à 300 kilomètres superficiels. 11 faudrait donc pour ces vallées un certain nombre de réservoirs ayant ensemble 300 hectares de superficie. V Ajon et la Marne. — Je ne connais pas la partie supérieure du cours de ces rivières. Je ne puis fixer l’étendue de leurs versants basic[ues. 33. Ainsi , pour obtenir la régularisation des cours d’eau du pre- mier quart du bassin de la Seine, en amont de Paris , il faudrait ; 1° convertir en prairies tous les terrains fortement inclinés dans les 1,000 kilomètres superficiels de formation basique, aujourd’hui à l’état de terres labourables; 1'^ construire un certain nombre de ré- servoirs ayant ensemble 1,700 hectares de superficie. La première opération doit être à la charge des propriétaires. Elle est tellement lucrative, que ]3eaucoup ont déjà doublé leur fortune par ce pro- cédé ( voir la note F ). La deuxième doit être à la charge de l’Etat, et l’on doit vivement désirer l’exécution du projet de AL Chanoine, ([iii donnera la mesure de l’utilité de ces ouvrages. Si l’on consi- dère combien il intéresse l’agriculture, l’industrie et la navigation, on ne peut s’empêcher de reconnaître combien ce moyen (famé- boration est préférable : 1* aux barrages en rivière destinés à augmenter la profondeur d’eau à l’étiage dans les rivières naviga- bles , barrages qui produisent des intermittences dans le débit de l’eau et ne donnent pas toujours les résultats qu’on en attendait; 2^^ aux endiguements des rives qui favorisent les dépôts des alhi- vions (cours d’eau de l’Italie septentrionale ), si on les écarte tro]) des bords , et augmentent la rapidité de l’eau et par conséquent les désastres des crues, si on les resserre trop. (1) Il existe aussi dans la vallée de l’Armançon un réservoir (celui de Cerecy), mais beaucoup moins étendu que celui de Gros-Bois. Soc. géol. , 2*= série, tome IV. 23 35Zj SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. CHAPITRE V. APPLICATION DES IDÉES QUI PRÉCÈDENT A l’ AGRI- CULTURE. 3/1. InJhicjice du sous-sol sur les dijjêrentes cultures. — Quoique dans ce IVIémoire je me sois proposé d’examiner spécialement les questions qui concernent l’art de l’ingénieur, je crois devoir don- ner ici quelques notions sur les différences qui existent dans les cultures suivant la nature des sous-sols. Le fait fondamental et qui frappe l’observateur le moins attentif, c’est que dans les granités et les terrains basiques les prairies naturelles existent à toute hauteur au-dessus du fond des vallées , souvent avec le simple se- cours des eaux pluviales. Dans les terrains oolitlques, au contraire, je ne connais de prairies naturelles que dans le fond des vallées et seulement sur les points accessibles aux crues des cours d’eau, ou assez peu élevés au-dessus pour que la couche de terre végétale soit main- tenue dans un continuel état de fraîcheur par le voisinage de l’eau. On remarque également que dans les granités et le lias , une frac- tion considérable des eaux pluviales s’écoulant à la surface du soi , la couche superficielle la plus fertile , les engrais des terres labou- rées tendent sans cesse à être entraînés vers le fond des vallées. Le même inconvénient n’existe pas dans les terrains oolitiques , où les eaux pluviales coulent peu à la surface. Enlin , bien que les luzer- nes et les trèfles végètent très bien dans les terrains argileux du bas, lorsque les agents atmosphériques ne leur sont pas contraires, leur culture est bien plus sure dans les terrains oolitiques. Le sainfoin ne se plaît ni dans le bas , ni dans le granité ; il végète ce- pendant dans les parties pierreuses de la première de ces forma- tions. 11 réussit admirablement bien dans les terrains oolitiques. Ainsi, le bas et le granité paraissent éminemment propres à la cul- ture des prairies naturelles, les terrains oolitiques à celle des prai- ries artificielles. Les propriétaires ont intérêt à convertir en prairies naturelles tous les terrains basiques ou granitiques ayant une inclinaison assez forte, puisque la couche de terre végétale tend sans cesse à être entraînée par les eaux pluviales. Dans le bas , les eaux pluviales sont souvent suffisantes pour rirrigation d’une prai- rie ; dans le granité , dont le sous-sol est plus fendillé et la couche de terre végétale plus légère , ce moyen est insidfisant et il faut user de nombreux petits cours d’eau qu’on trouve partout sons sa main dans les dépressions à pentes rapides qui sillonnent les flancs des vallées. Lorsqu’on est parvenu à amener les eaux pluviales ou celles d’un ruisseau au point culminant d’un terrain en pente , il SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE IBZiO. fi ? r OOü est facile de le convertir en prairie. Pour cela on fait (Valiord dispa- raître les inégalités produites à la surface, soit par la cultui'e, soit par la disposition naturelle du sol , de manière à avoir partout une courbure horizontale régulière, et à remplir toutes les dépressions où l’eau pourrait séjourner. Cette opération faite, on sème le pi-é, et, lorscpie l’herbe est bien prise, on creuse dans le sol , à diverses hauteurs , des rigoles horizontales disposées à peu près comme les courbes de niveau d’un plan topographique. Ces rigoles doivent avoir au moins 0"',30 de largeur et de profondeur. Enfin, au bas du ter- rain une dernière rigole, aussi inclinée que possible, sert de canal de fuite et reçoit les eaux après l’irrigation. Lorsqu’on veut arroser le pré , on introduit l’eau dans la rigole supérieure , de telle sorte qu’elle s’en échappe par déversement , puis dans celle qui suit , puis dans la troisième, et ainsi de suite jusqu’à la dernière. On a ainsi arrosé toute la surface du pré. Lorsque l’eau est limpide et ne porte pas avec elle de limon, qu’il importe de répandre aussi éga- lement que possible sur toute la surface de la prairie , on l’intro- duit simplement dans la rigole supérieure ; de là, après avoir arrosé la première zone de pré , elle retomlje dans la deuxième, puis dans la troisième , etc. , et arrive ainsi au canal de fuite après avoir ar- rosé successivement toute la surface du terrain. Je renvoie, pour ce qui concerne la construction des canaux d’irrigation, à l’excellent ouvrage de àl. Nadault de buffon ( Traité théorique et pratique des irrigations') ; et pour ce qui concerne la semaille des prés , aux trai- tés spéciaux d’agriculture. La conversion des terres labourables en prairies est presque toujours une très bonne opération, surtout dans les terres basiques en pente , amaigries depuis longtemps par les eaux pluviales et qui sont devenues impropres à la culture des cé- réales. Dans l’état actuel des choses , un hectare de terre laboural^le s’amodie dans les arrondissements de Semiir et d’Avallon : Dans les granités, de 12 à 30 francs Dans les lias 30 à 70 Observons que les terres les moins chères sont celles à forte pente. L’hectare de pré se loue: Dans les granités , de 45 à ÎOO francs. Dans les lias, de. 75 à 180 La comparaison de ces chiffres avec ceux qui précèdent suffit pour démontrer comiaien la conversion des terres labourables en prés est avantageuse. A la vérité, il faut, pour faire cette opération, 356 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. des débourses assez considérables, qui peuvent s’élever jusqu’à 300 francs par licctarc ; les produits des prés nouveaux sont mé- diocres pendant huit à neuf ans. Mais les fermiers intelligents ont un tel avantage à l’exécution de ce travail , qu’ils se clia- gent sou- vent de tous les frais, pourvu qu’on leur accorde un bail assez long. Je pourrais citer, dans les arrondissements de Clamecy etd’Avallon, un grand nombre de propriétaires qui ont ainsi obtenu d’admira- bles résultats. Il est parfaitement évident que ce genre d’opération serait très ineOicace, sinon impossible, dans les terrains oolitiques: l*’ parce que les eaux pluviales sont toutes absorbées par le sol ; 2° parce que les ruisseaux y sont rares , et c|u’en raison de cette ra- reté , chaque cours d’eau doit alimenter, et alimente en effet, de nombreuses usines, et qu’ ainsi l’eau y est très chère ; 3“ parce qu’enfin les canaux d’irrigation seraient très difticilement rendus étanches, et par leurs infdtrations convertiraient en marais tous les terrains inférieurs. Je ne prétends cependant pas qu’il soit impos- sible d’arroser une prairie existant au fond d’une vallée oolitique. Lorsqu’on a une quantité d’eau suffisante à sa dispositon , l’opéra- tion est toujours excellente. Mais elle exige un grand volume d’eau, de sorte qu’il serait difficile de conduire la rigole à de grandes dis- tances sans soulever de nombreuses réclamations. En un mot, en théorie, il n’est sans doute pas impossible de créer , avec un bon cours d’eau , une prairie dans un coteau oolitique ; mais en prati- que cette opération sera presque toujours dispendieuse et mau- vaise. Céréales. — Les terrains basiques peu inclinés sont d’une grande fertilité et produisent beaucoup de blé. Toutefois , dans les étés pluvieux, l’eau qui reste à la surface du sol le ramollit, et le moin- dre coup de vent suffit pour coucher la récolte. Les terres basiques étant toujours très fortes , la culture y est difficile ; les pluies qui convertissent le sol en boue , et les chaleurs qui durcissent la croûte argileuse , augmentent encore les frais et les chances des pertes : aussi y a-t-il une énorme différence entre le maximum et le mi- nimum des produits. Les cultivateurs doivent avoir soin de diriger leurs sillons de telle sorte que l’eau s’y écoule bien , mais sans prendre une grande vitesse , afin d’éviter d’une part la pourriture des récoltes , et de l’autre l’amaigrissement des terres. Les sillons ne doivent donc être ni des lignes de niveau , ni des lignes de plus grande pente. Terrains oolitiques. Les terrains oolitiques sont moins fertiles que les terrains basiques ; cependant lorsqu’ils sont bien fumés , et surtout lorsqu’ils sont améliorés par la cultnre des prairies artifi- SÉAÎSCJ-: DU 21 DÉCKMBllJi 18/i6. .^57 cicllcs, iis peuvent donner de bons produits en eéréales. Dans l’état actuel de la culture , voici à peu près c[iiels sont les produits d’un hectare semé eu blé , année moyenne et en tenant compte de la cpialité du sol : r Terre de mauvaise qualité, 45 doubles décalitres. Dans e las. . • (jg très bonne qualité , 1 50 id. . i Terre de mauvaise qualité ne produisant point de blé. Dans les terrains ) ^ blé de mauvaise qualité, 30 doubles décalitres, oolitiques. . .j de très bonne qualité , 90 id. Les terres granitiques du Morvan ne produisent c[ue des seigles, des avoines et du sarrasin. Les produits ci-dessus pourraient être bien plus considérables avec une meilleure culture. L’assolement triennal est à peu près partout en vigueur , et tout le monde sait combien il est contraire à Taniélioration des terres labourables. Prairies artificielles. — Les granités du Morvan, jus(|Li’à ce jour, ne produisent guère de prairies artificielles ; cependant quelques essais, couronnés d’un plein succès, prouvent qu’avec des améliora- tions convenables les trèfles y réussiraient. Le trèfe est cultivé avec succès dans toute la série des terrains jurassiques, lorsque le sol a été suflisamment amendé. II réussit surtout sur les plateaux basi- ques et oxfordiens. La luzerne réussit bien et dure longtenq)S dans le lias lorsqu’un banc calcaire, trop rapproché du sol, ne vient point arrêter ses racines. Il est à remarquer c{u’elle végète très bien dans les marnes en pente presque complètement dénudées de terre vé- gétale par le passage des eaux. Elle peut donc , comme les prairies naturelles, être employée avec succès pour arrêter le mouvement des alluvions. Les terrains oolitiques améliorés sont également pro- pres à la culture de la luzerne ; et comme ils sont difïicilemeut eii- valiis par les mauvaises herbes , les luzernières y durent très long- temps. J’en connais qui sont encore très productives et qui n’ont pas moins de quinze ans. ]--e sai/ijoin.^ jusqu’à présent , n’a pas réussi dans les terrains argileux. Il prospère, au contraire, admira- blement bien dans les terrains oolitiques. Sa culture a depuis vingt ans décuplé la valeur de certaines terres en permettant Tintrodne- tioii des moutons qui jusqu’alors en avaient été écartés faute de fourrage. Je puis citer, comme exemple très remarquable d’amé- lioration de culture dans les terrains oolitiques, l’immense plateau situé entre les vallées de la Seine , de l’Oze , de la Brenne, de l’Ar- mauçon, et la route royale n" 65, entre Tonnerre et Cbâtilloii. Ce plateau était , il y a vingt ans , complètement dénué de fourrage ; aussi l’agriculture y était réduite à un état misérable , et le prix 358 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. moyen de l’Iiectare de terre lidjonrabie ne dépassait certainement pas 200 francs. Aujourd’hui la culture du sainfoin y a pris une extension considérable, et on a pu introduire dans le pays une très belle race de moutons. Or, tout le monde sait que le fumier de mouton est un des engrais les plus puissants. Aussi l’ agriculture a fait des progrès si extraordinaires , qu’aujourd’lmi les terres à 3,000 francs l’hectare ne sont pas rares dans le pays, et que certai- nement il serait difficile d’en trouver à 1,000 francs. Je ne m’éten- drai pas davantage sur ce sujet, qui est en quelque sorte un hors- d’ôeuvre dans cet article. Je dirai seulement que les races bovines ont fait la fortune des terres basiques, comme les moutons celle des terres oolitiques. Ainsi, dans ces deux sortes de terrains on re- trouve, pour ragriculture comme pour le reste, des caractères par- faitement tranchés. Culture de la vigne. -- La cidture de la vigne, dans la bourgogne, donne lieu à une singulière observation. Tous les vins fins de la Cote-d’Or, entre Dijon et Mâcon, sont cultivés dans les terrains oolitiques du versant de la Méditerranée : ces vins ont tous une sa- veur particulière à laquelle on a donné le nom de bouquet. Le ver- sant de l’Océan, étant généralement exposé à l’O., est peu propre à la culture de la vigne ; mais dès que les vallées , en s’élargissant , présentent certains coteaux bien exposés , la culture de la vigne re- paraît, et dans les terrains oolitiques de Tonnerre, Ricey, Irancy, on retrouve des vins ayant le bouquet de la Haute-Bourgogne. Dans les terrains basiques et notamment près d’Avallon , il existe aussi des vallées bien ouvertes et bien exposées où l’on récolte des vins qui ne manquent pas de mérite, mais qui n’ont pas de bouquet. 35. Bu reboi.sement des terrains. — Tout le monde sait que la question du reboisement est aujourd’hui plus que toute autre à l’ordre du jour. On me pardonnera donc d’entrer ici dans quelques développements sur ce sujet. Avant de se décider à reboiser un terrain , il faut savoir si l’opération sera lucrative ou onéreuse , et par conséquent déterminer la valeur inaxima de l’hectare de terre à replanter. 11 faut ensuite faire choix d’une essence. Je vais exami- ner successivement ces deux questions. — Valeur ma. xi ni a du sol à replanter. • — Je suppose que le produit ma.ximuni d’une planta- tion à vingt ans (les essences d’acacia et de châtaignier exceptées), soit 680 francs par hectare. Il faut que les frais de plantation, ca- pitalisés à 5 p. 100 pendant vingt ans , et les revenus des années de non-jouissance remplacés par des emprunts à 5 p. 100, et capi- talisés pendant vingt ans, fassent au plus ensemble 680 francs La SÉANCE DU 21 DÉCEMEUE 18A6. 359 méthode de plantation la moins clispcndieusc exige un déboursé de 60 francs par hectare. Cette somme, avec les intérêts composés à 5 p. 100, vaudra au bout de vingt ans 160 fr. Ontrouye qu’un emprunt annuel de 1^ fr. UO c., avec intérêts composés pendant vingt ans , donne au Ijout de ce temps Zi80 Total égal au produit maximum de la plantation. . 640 fr. Or, cet emprunt annuel de 14 fr. 40 c. que le propriétaire est obligé de faire pendant les années de non-jouissance , est précisé- ment le revenu cherché de l’hectare de terre. Aujourd’hui la propriété doit donner un produit brut de 3 p. 100 ; un hectare de terre valant 489 francs doit donc produire 14 fr. 40 c., et par con- séquent représente le type le plus cher des terrains à reboiser, en admettant les hypothèses ci-dessus établies, c’est-à-dire un pro- duit de 689 francs à vingt ans et 60 francs de frais de plantation par hectare. Si ces chiffres sont changés , il faudra faire un nouveau calcul. J’ai dit que le reboisement des terrains oolitiques était peu important dansl’intérêt général. Mais cette opération peutêtre excel- lente, financièrement parlant; car on y trouve encore aujourd’hui de grandes masses de terres qui se vendent moins de 480 irancs par hectare. Le reboisement des terrains basiques , au contraire , serait désastreux même dans l’intérêt général, en raison de leur prix élevé ; car on n’y trouve aucune partie valant moins de 500 francs l’hectare. Les procédés que j’indique s’appliquent spécialement aux terrains très secs , granitiques ou oolitiques. Choix d' une essence. ■ — l^es plantations d’arbres forestiers de toute nature réussissent généralement bien dans les granités , sur- tout iorscpi’ils sont moyennement humides ; mais dans les terrains ooliticpies, les jeunes plants languissent longtemps, jiiscpi’à ce que le sol soit entièrement à couvert de l’action des rayons solaires. On peut admettre qu’en général les plantations de chênes , charmes , bouleaux, hêtres, etc., sont peu lucratives dans ces terrains, etc|uc même dans les granités elles sont beaucoup moins utiles que les plantations d’arbres résineux. Le châtaignier dans le granité , l’a- cacia et le marsaule dans certains terrains, peuvent donner d’ex- cellents produits; mais il faut, pour obtenir une bonne réussite , certaines conditions qu’on ne retrouve pas toujours, et qu’il serait trop long de détailler ici. Je me bornerai donc aux indications suivantes. Les espèces qui paraissent le mieux réussir dans les terrains les plus secs sont l’épicéa et le pin sylvestre , surtout ce dernier. Jusqu’à présent les tentatives de semis faites dans les ter» 300 SÉA.NCE DL 21 L'ÉCEMBRE 18/i6. rains calcaires eotièreinent décom^eils n’ont pas donné de bons résultats. On doit donc employer autant que possible du plant venu sur couche ou arraclié sous les pins qui portent f/raine. Le procédé le plus économique employé jusqu’à ce jour dans les terrains dont il est ici question a été préconisé et mis en pratique par M. Lam- bert, maire de Vilaine en Duesnois, près Cliàtillon-sur-Seine ; il est extrêmement simple et n’exige aucune culture préalable. Je voudrais pouvoir en donner ici la description ; mais cela me mène- rait trop loin, et je préfère renvoyer les personnes ([ui voudraient planter à àî. Lambert lui-même , qui est d’une obligeance extrême, et qui se fera un grand plaisir de leur dominer tous les renseigne- ments utiles. J’ai dit que ce mode de plantation était des plus éco- nomiques; j’ai eu occasion de le mettre en pratique, et je puis certifier qu’en y comprenant l’acquisitiou de 3,300 pins pour une somme de Z|0 francs, la dépense totale revient au plus à 60 francs par hectare (1). Les pins pour le reboisement doivent être préférés aux autres essences. En effet , d’après les plantations de M. Lam- bert , et d’après celles que je possède moi-même , et qui sont déjà âgées de douze ans , je crois pouvoir affirmer que le premier éclairci , supposé lait à vingt ans , donnera dans les meilleures par- ties 680 francs , frais d’exploitation déduits. Or, les meilleurs taillis sans futaie, essence de chêne, charme et autres arbres fores- tiers, ne se vendent guère en moyenne , à vingt ans, au-dessus de 6 à 700 francs riiectare. Il faudrait donc, pour (pi’iine plantation de ce genre fiit équivalente à une autre d’arbres résineux , qu’au bout de vingt ans elle eiit atteint son produit maximam , ce qui n’est pas possible. Ainsi le chifïVe de 680 francs doit être considéré comme le produit nuiximum de l’hectare rel^oisé au bout de vingt ans. Les terrains plantés par M. Lambert appartiennent à la plus mauvaise nature de la formation de la grande oolitc. Le sol , à peu près dépourvu de terre végétale , est composé de débris rocailleux désagrégés par la gelée. Le pays est si exposé à l’action du froid , que les bois qui couvraient primitivement le sol ont tous été suc- cessivement détruits. Aujourd’hui Al. Lambert, pour le compte de AI. Pasquier, frère du président de la chand^rc des pairs, pour son propre compte et celui de sa commune , a planté dans ces friches stériles plus de 300 milliers de pins sylvestres c|ui ont ad- mirablement bien réussi. Plusieurs propriétaires ont suivi son (l) Au moment où j’achève cet article, j’apprends qu’un pépinié- riste de Semur plante des pins sylvestres, avec garantie par la mé- thode de M. Lambert, à raison de 40 francs par hectare. SÉ.V]\CE DU :21 DÉCEMBRE 18/|6. 361 cj'icmpk' , et les pentes cléiuulées de la grande oolite, aux abords de Ghatillon sur-Seine , coninieneent à se couvrir d’arbres verts. CONCLUSIONS. 36. Ce Mémoire, quoicpie bien long peut-être, ne doit être eonsidéi é (]ue eomine un prograniine des études à faire sur Fini- nieiise supei fieie qui forme le premier quart du bassin de la Seine, en amont de Paris. Plusieurs parties de ce travail sont incom- plètes, parce que je n’aA^ais pas à ma disposition des moyens d’observation suHisants. Tous les cliifl'res donnés ne sont sans doute pas d’une rigoureuse exactitude, mais les principes .<;énéraux sont vrais, et rexpérience de chaque jour vient me le démontrer. Aujourd’hui que les questions du reboisement et des irrigations préoccupent si vivement les esprits sérieux, il est singulier que per- sonne n’ait jusqu’à ce jour cherché à reconnaître quels sont les terrains qu’on doit reboiser ou arroser. Ou a peine à croire qu’une société qui se forme pour entrejiiendrc des irrigations sur une grande échelle ait émis dans son prospectus le principe suivant : Partout on peut faire des prés avec le secours des eaux pluviales seulement, il paraît bien démontré aujourd’hui que dans le projet d’alimentation du canal de Bourgogne on ne s’était nullement préoccupé de la nature absorbante des terrains à traverser. .Te fais ces observations uniquement pour démontrer que l’hydrologie est une science toute nouvelle et cpii doit attirer vivement l’attention des ingénieurs. Chacun sait construire un canal, endiguer une rivière, mais personne ne connaît le secret des variations et des caprices des cours d’eau (pie tous ces grands ouvrages doivent maîtriser. Aussi, l’insuffisance des travaux exéeutés, souvent leur inutilité , sont chaque jour démontrées par l’expérience! on ne connaîtra réellement le régime des rivières cjue lorsqu’on l’étudiera sur le terrain même où tombe la pluie qui les alimente. La méthode d’observation que j’indique ( ii" ù ) peut être utile à tous les ingé- nieurs qui ne reculeront pas devant un travail ingrat, minutieux, mais dont l’importance est incontestable. Lorscpi’un ingénieur connaît liien la structure géologique de son arrondissement , cha- cpie tournée peut le mettre à même de faire d’utiles observations. Une lionne carte géologique éviterait bien des courses pénibles , surtout si les terrains calcaires et argileux n’y étaient pas confon- dus comme ils le sont pour diverses formations sur la carte de l’Ecole des mines. S’il m’était permis d’exprimer un vœu, je voudrais que des études analogues à celles qui font l’objet du présent Mémoire 36*2 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8/16. fussent faites dans tous les bassins des rivières navigables. On re- connaîtrait alors le régime de ces rivières ; on saurait quels sont les terrains qui produisent les crues , les points où il faut travailler pour les régulariser, et on n’appliquerait pas en aveugle tel pro- cédé reconnu utile sur une rivière lî tel autre cours d’eau où il doit être complètement inefficace. Avallon , le r*" février 1846. NOTES. Pour ne point compliquer le présent Ùlémoire , j’ai supprimé plusieurs parties essentielles que je reproduis dans les notes ci- dessous. Quelques uns des points où ont été faites les observations relatives à rimperméabilité des terrains sont désignés dans les notes A, B, G, D. Pour abréger je ne eiterai qu’un petit nombre d’exemples pour chaque nature de terrain. Note A. — ÉcouUnient à la surface des granités. Ponceau sous le chemin des Pannats et sur le ruisseau de Mont- main, près d’ Avallon. Surface du débouché occupé par la crue du 6 mai 1836, 6"\, 17. Surface des versants d’amont, lù kilomètres carrés. .Débouché par kilomètre carré, 0"gù4. La pente de la vallée est très forte (de 0"’,0l à 0“,0ù par mètre). J’ai dit (n" h ) que les o])servations devaient être faites dans des vallées très courtes. En effet, l’on conçoit que pour une vallée plus longue la cause effi- ciente de la crue n’agisse pas partout à la fois avec la même inten- sité , de sorte qu’eà mesure que la longueur de la vallée augmente , la surface du débouché nécessaire, par kilomètre carré, diminue. A oici deux exemples qui démontrent la vérité de cette proposition : Pont Clairaut, sur le Cousin, près d’ Avallon ; Surface du débouché occupé par la crue des 5 et 6 mai 1836. 62,59 mèt. sup. Surface de la vallée en aval des étangs qui règlent les crues d’amont 210,00 kil. sup. DéJjouché pai’ kilomètre superficiel 0'",30 Pont de Bessy, sur la Cure ; siuface du débouché occupé par la même crue 2 13"’, 00 Superficie de la vallée d’amont 900 kil. sup. Débouché par kilomètre superliciel. ..... 0‘“,2ù SÉANCE DU DÉCEMBRE 18A6. 363 Note Jj. — Ecoalcnir/tt dcuis les terrains liasiqiies. Premier exemple. Pont de Lucy-lc-Bois, sur le Yeaii-de-Bouciie, roule royale n” 6 (Yonne), surface occupée par la crue du 27 mai IS^rl 36 met. sup. Surface de la vallée d’amont 23 kil. car. Déljouclîé par kilomètre carré 1”%57 Deuxième exemple. Pont de Yitteaux sur la Brenne ( Côte-d’Or), débouché du pont 26 mèt. sup. Surface de la vallée d’amont 91 kil. sup. , dont 30 environ versent leurs eaux dans le réservoir de Gros-Bois et n’ont qu’une action très faible, par conséquent, sur les crues de Yitteaux, et 35, composés de terrains oolitiques, ne donnent aucun produit dans les fortes plides {voir plus Ijas la note C), et doivent etre négligés. La surface à considérer ici est donc seulement de 26 kilomètres superficiels. Le débouebé est ainsi de 1 mètre par kilomètre superficiel. Or, il est tellement insuffisant, que dans la crue du 30 avril 18/i2 l’eau passa pardessus le parapet du pont. En fixant cà 1“',50 le débouché nécessaire par kilomètre carré, on est, suivant moi , un peu au-dessous de la vérité. Note C. — Picoidement a la surjaee des terrains oolitiques i/ifèriears. C’est surtout pour cette nature de terrain que les résultats des observations faites sont remarquables. Les vallées entièrement ooli- tiques sont toujours sans cours d’eau , à moins qu’il ne s’y trouve une source très abondante. Dans ce cas , le ruisseau quelle produit va sans cesse en décroissant et finit par être absorbé en entier. Exemples : 1° ruisseau de Lucey ( arrondissement de Cliâtillon , Côte-d’Or), traversant les villages de Faverolles, Lucey, la Chaume, disparaît même dans les ])his fortes crues après un cours de lU kilo- mètres ; 2” ruisseau produit par la fontaine de Jour ( arrondisse- ment de Chatillon, Côte-d’Or, après avoir traversé les communes de Chaume, Fontaines, Yillaines-en-Duesnois , disparaît près de Yauginois après un cours de 13 kilomètres; 3° la fontaine de Lii- cenay, près Montbard , disparaît après un cours de quelques cen- taines de mètres, sous les roues mêmes du moulin qu’elle fait tour- ner ; le rui.sseau de Marot ( arrondi.ssement d’Avallon , Yonne , après avoir traversé les villages de Fontenille, Brosses, et fait tour- ner plusieurs usines, dispai’aît en amont du hameau de Chevroches; 5*^ le Serein, la Seine et l’Ource, lorsque leur débit tombe au-dessous SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. mil de 1 mètre par seconde, disparaissent dans la traversée des terrains oolitiques, en amont de Noyers, Cliâtillon , Ihion (11° 7 ). Les in- génieurs chargés de la'^ construction des routes dans ces terrains , semblent s’être préoccupés assez peu des moyens d’écoulement des eaux des vallées. Ainsi la route royale n° 65, entre Cliâtillon-sur- Seine et Cérilly, traverse deux vallées sur des ponceaux dont la clef fie voûte à l’intrados est plus basse que le fond du thalweg, de sorte qu’à mon arrivée dans le département ces ouvrages étaient remplis de terre jusqu’à la clef, sans grands inconvénients pour la route et le roulage ; l’une de ces vallées , qui aboutit sur Sainte-Colombe , a une étendue de 17 kilomètres superficiels. La route royale n° 80 franchit, au-dessous de Yauginois et à proximité de Puits, le vallon dont il est question dans le deuxième exemple ci-dessus. Quoique j’aie parcouru cette route plus de cinquante fois et par tous les temps possibles , je n’ai jamais vu d’eau sous le ponceau de l'”-^-,71, qu’on a cru devoir y construire. Or, la surface d’amont de la vallée est de 18à kilomètres superficiels. Le ponceau a donc un débouché de 0 "*■‘^•,0093 par kilomètre superficiel, et, je le répète, ce déboii- clié est plus que suffisant. Les exemples ci-dessus suffisent pour dé- montrer que toujours et dans toutes circonstances les terrains oolitiques inférieurs absorbent l’eau tombée à leur surface. C’est toujours dans la grande oolite et le forest marblc que la perte des cours d’eau a lieu. Ces terrains sont donc les plus absorbants de la série. Les couches marneuses de la terre à foulon ayant peu d’im- portance dans les lieux observés , il est impossible de dire l’in- fluence qu’elles auraient si elles étaient plus épaisses. On conçoit cependant (ju’une tromljc d'eau tombée sur la grande oolite ne puisse y être absorbée entièrement. C’est ce qui est arrivé dans une dépression de la vallée du Serein , près Grimault ( arrondissement de Tonnerre ) : une trombe étant tombée sur le plateau supérieur, creusa dans cette dépression , immédiatement au-dessus du mou- lin Bargeot , un ravin de plusieurs mètres de profondeur , arra- chant arbres et rochers , et roulant le tout sur les batiments du moulin que le constructeur avait établis en toute sécurité, il y a quelques siècles, sur le thalweg même de la dépression ; mais un semblable phénomène n’est qu’une exception bien rare beureusc- ment et qui ne peut être prise en considération dans la rédaction d’un projet. Note D. — Ecoalcnient a la surface de l' oxjord-clay . La puissance absorbante de l’oxford-clay est très variable suivant 365 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. la nature plus ou nioins marneuse du terrain et les circonstances locales c[ui augmentent la perméabilité du sous-sol de la vallée. Je choisis ici les deux exemples c{ui donnent les résultats les plus dis- seudolables : Ponceau de Reigny, sur la vallée de Sacy, près Yermanson, route royale n" 6 ; Débouché occupé par la grande fonte de neige de l’hiver de 18^4 5 1845 17 met. s. Surface d’amont des versants 70 kil. s. Débouché par kilomètre carré Ü'^^ ‘^-,24. 2° Aqueduc à trois ouvertures sur la route départementale n" 16, sur le ruisseau de Riel-les-Eaux , arrondissement de Châtillon (Côte-d’Or) ; Surface du débouché 2 ‘”•‘^•,16. Surface d’amont des versants depuis l’étang d’Epailly 59 kil. car. Surface par kilomètre carré 0"’ ‘’-,0366. 11 faut observer, pour ce qui concerne ce dernier exemple, que la vallée de Riel-les-Eaux est presque sans pente ; cjue depuis Epailly les eaux de pluie ou des sources nombreuses qui couvrent le sol s’écoulent si diflicilement qu’elles forment des marécages d’une étendue considérable, où elles viennent en quelque sorte s’emma- gasiner dans les crues : de là , sans doute , le faible débouché du ponceau. Tels sont les exemples qui me semblent suffisants pour bien dé- terminer la classilîcatron des terrains en question , eu égard à leur pouvoir absorbant. En faisant d’autres observations on trouve des nondjres qui , sans doute, ne sont pas identiques avec ceux cités plus haut , mais qui cependant varient pour chaque terrain dans des limites assez resserrées. Les observations que j’ai pu faire dans le coral-rag, les marnes de Kimmeridge et les calcaires dePortland ne sont pas assez précises pour que je les cite ici. Cependant tout me porte à croire que le coral-rag et les calcaires de Portland doivent être classés parmi les terrains les plus absorbants , et les marnes de Kimmeridge dans la même catégorie que l’oxford-clay. Le sol des routes , des chemins , des sentiers et généralement de tous les terrains foulés par le passage des hommes , des animaux ou des voitures, doit être classé parmi les terrains les plus imper- méables. Que l’on examine par une forte pluie le frayé fait dans une terre fraîchement labourée par le passage de deux ou trois voitures , on remarquera, dès l’origine de la pluie, des flaques d’eau dans les légères ornières formées par les roues, tandis que le fond des sillons voisins absorbera toute l’eau tombée. Dans la grande 3G6 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/i6. oolile lie plus absorbant de tous les terrai os dont il est ici question;, les chemins en pente donnent souvent beaucoup d’eau, tandis que les versants dans lesquels ils sont tracés, quoique d’une superficie incomparablement plus grande , n’en débitent pas une quantité appréciable. Note E. Je crois devoir faire connaître les jaugeages que j’ai eu occasion de faire dans le courant de 184^ sur un petit ruisseau nommé le llu d’Aillon, près d’Avallon. Ils donneront une idée des variations continuelles éprouvées par les cours d’eau granitiques, suivant que le temps est sec ou pluvieux ; et comme la vallée est boisée à quel- ques hectares près , ils prouveront jusqu’à l’évidence que le re- boisement est un moyen insufïisant pour régler les cours d’eau. Les jaugeages étaient faits au moyen d’un petit déversoir en tôle mince de 0"b25 de largeur. Ces calculs ont été efl'cctués au moyen 3 . , de la formule Q — 1. 80 /. (Q — débit , / — largeur du dé- versoir, /i — hauteur d’eau observée). DATES. DÉBIT EN M:' PAR SECONDE. :tres cubes. PAR 24 HEURES. observ. 1 5 mai 0,00353 306,7 ) 1 '''■ juin 0,00526 454,5 [<>, ) 1 5 juin 0,0013 112,30 {<-■) 1 1 juillet 0,007 605,00 ) 15 juillet 0,00266 229,8 1 1 août 0,0013 112,3 y ) 1 5 août 0,0082 708 5 y ) 1®’’ septembre 0,0023 198,7 /') 1 5 septembre 0,00176 152,06 ( i ) D'' octobre 0,0087 751,68 (<7) Sécheresse, petite pluie trois jours avant l’opération. (/>) Deux ou trois petites pluies dans la quinzaine, (c) Sécheresse , sauf une pluie d’orage au commencement de la cpiinzaine. (r/) Dejuiis le 2à juin temps pluvieux, faibles pluies presque tous les jours, (c) Séciieresse, sauf plusieurs jours de pluies au commencement de la quinzaine. (/) Sécheresse. (^) Il a plu le 11 , le 12 , le 13, le SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/l6. 3(37 et le 15 ( faibles pluies ). (//) Sécheresse, sauf plusieurs jours de pluie au coiuniencement lie la quinzaine. (/) Idem. (/,-) Plusieurs jours de pluie au coininencement de la quinzaine. Pendant l’été très pluvieux de 1843. on a fait le jaugeage du inèiue ruisseau, et on a obtenu des variations bien plus fortes ( le inaxiniuin a dépassé 2,177 mètres cul)es par vingt-quatre heures , et le miniinum a été de 128 "•‘^•74. On voit par conséquent com- bien on se tromperait si l’on attribuait uniquement au boisement des vallées la régularité du débit de certaines rivières. Note F. Pour bien se rendre compte des effets de l’évaporation , il faut admettre : l"* que le volume de l’eau qui s’écoule à la surface du sol au moment même de la pluie , ou qui est rassemblé dans les cours d’eau dans le fond des vallées (je ne parle ici ni des canaux ni des étangs) n’est pas sensiblement diminué par l’évaporation; 2'" que la partie des eaux pluviales qui reste dans la couche super- ficielle du sol est, au contraiie , entièrement enlevée par ce moyen. U est inutile de s’occuper ici des terrains absorbants où il s’é- tablit, au moment de la pluie, une multitude de petits courants continus de la surface du terrain jusqu’au sous-sol. Mais voyons ce qui se passe dans les terrains à sous-sol imperméable. 11 est évi- dent que la quantité d’eau nécessaire pour abreuver la couche su- perficielle du sol sera d’autant plus petite que le sol sera plus com- pacte et plus humide. Elle serait même nulle dans un terrain où la couche superficielle serait constamimmt tenue à son point d’imbibition. Dans ce cas, la totalité des eaux pluviales cou- lerait à la surface, et les produits de révaporation seraient très faibles. Or, la surface du sol se présente généralement sous trois aspects. Ou elle est en nature de terre arable, ou elle est en prairie naturelle ou artiiicielle , ou en friche , ou elle est boisée. Dans le premier cas , en cultivant la terre , on se pro})ose de la rendre aussi peu compacte que possible, par consécpient rimmidité peut y en- trer à de très grandes profondeurs ; en outre , le sol est générale- ment peu couvert ; dans des circonstances atmosphériques données, il est donc bien disposé pour rendre les produits de l’évaporation considérables. Dans le deuxième cas , le sol est très compacte , l’eau ne peut y pénétrer profondément ; il est couvert jusqu’aux récoltes , et alors reste presque constamment humide , mais ensuite il est très découvert , et par conséquent au moins aussi facile à dessécher que les terres labourables. Dans le troisième cas, le sol est moins 368 SÉANCE DU *21 DÉCEMBRE IS/lO. compacte que clans le précédent ; mais il est bien mieux couvert ; et toutes les personnes ([ui connaissent les forêts basiques et grani- tiques ont sans doute reconnu , comme nous , que la surface du terrain, sous les arbres, est presque toujours humide , Ainsi il faut une bien plus petite quantité d’eau pluviale pour abreuver la couche superlicielle des prairies , et surtout des bois , cpie celle des terres labourables, et par consécjuent, dans cette dernière nature de terrain , les pertes par l’évaporation sont bien plus importantes. Pour déterminer très exactement les produits de l'évaporation dans ces trois cas , il faudrait comparer aux produits d’un udo- inètre les jaugeages journaliers et longtemps répétés faits dans trois petites vallées à sous-sol imperméable, dont l’une serait boisée, l’autre couverte de prairies et la dernière labourée. Note G. — Effet utile des usines dans certains cas. Les moyens indiqués (n°’ 18 et 19) pour arrêter les alluvions ne s’appliquent qu’aux versants cpii forment les parties latérales des vallées. Mais lorsque la pente du fond est rapide, il est souvent utile de protéger les berges contre les érosions des torrents. Cela est nécessaire surtout dans les vallées graniticpaes , dont la pente est souvent de 0"',ül, 0'“,02 et 0'",95 par mètre, et dont le sol est très léger et très attaquable. Aussi, lorscpie les eaux des ruisseaux y coulent librement et sans obstacle , pour peu cpie leur volume ait d’importance, les terres riveraines sont enlevées jusiju’au vif, et le sol reste dénudé ou couvert de fragments plus ou moins gros de rochers roulés. Dans ce cas, les déversoirs des usines, aussi élevés cj[ue possible, sont sans contredit le meilleur remède; ils détruisent la vitesse de l’eau , favorisent le dépôt des alluvions dans les champs voisins , et souvent sulïisent pour convertir un sol stérile en terre à chanvre. Il est véritablement remarquable com- bien l’instinct des constructeurs des anciennes usines les a admira- blement dirigés dans l’établissement de leurs prises d’eau. Tandis que dans les terrains absorbants du Châtillonnais , les usines ont à peine des déversoirs , et que récoulement des crues s’opère par quelques vannes de décharge qui n’arrêtent point les alluvions, dans le lias de l’Auxois et les granités du Morvan surtout, les plus misérables moulins ont d’immenses déversoirs qui suffisent large- ment à l’écoulement des crues , et seulement une petite vanne de décharge pour vider le bief en cas d’avarie , mais qui ne suffit point pour rétablir en amont la vitesse primitive et favoriser l’éro- sion des rives. L’administration , eu prescrivant des règles uni- SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE J8A6. S69 formes dans l’établissement des usines, s’est donc écartée de la vérité. Ainsi les grands déversoirs qu’on impose aux usiniers dans des terrains oolitiques constituent une dépense inutile , puisque les crues arrivent lentement dans ces terrains, et qu’il est facile de les faire écouler par les vannes de décharge, tandis que les vannes de décharge qu’on prescrit dans presque toutes les circonstances peuvent être funestes aux riverains des ruisseaux basiques et granitiques , en augmentant la vitesse d’amont et en favorisant l’érosion des rives. Note H. Les étangs du Morvan contiennent peu de vase ; ils reposent presque tous sur un fond d’arêne granitique : aussi ils ne paraissent pas exercer une action fâcheuse sur la population , qui est généra- lement très saine. Les étangs du lias, au contraire, reposent gé- néralement sur un fond de vase. Ils peuvent donner lieu à des fièvres intermittentes, ainsi que le prouvent de nombreux exem- ples. Il y aurait donc de grands inconvénients à établir des étangs dans le lias, surtout dans le voisinage des villes. Les grands réser- voirs que je propose de construire (n®* 2U, 25, 26) doivent égale- ment être éloignés des centres de population. Les populations du terrain basique sont du reste très belles. Le canton de Guillou , près d’Avallon , qui repose entièrement sur cette formation , four- nit au recrutement les plus beaux hommes du département de l’Yonne. Cependant , depuis quelques années , les fièvres typhoïdes y régnent épidémiquement , ce qui doit être attribué à l’insalubrité des maisons, dont les eaves, creusées dans un sol imperméable et humide en même temps, sont presque toujours malsaines, et communiquent bientôt leurs propriétés malfaisantes au reste du bâtiment. Les terrains oolitiques inférieurs sont très sains. La po- pulation y est remarquablement active et industrieuse. I.es terrains oxfordiens, qui sont à une assez grande distanee du point de par- tage , sont peu inelinés , surtout dans l’arrondissement de Châtil- lon-sur-Seine. Aussi les sources nombreuses qu’on y remarque manquent souvent d’écoulement , et forment dans le fond des val- lées des maréeages qui ont longtemps exercé une fâcheuse influence sur la population. Il y a vingt ans, les villages de Belan , d’Antri- court, etc., sur la basse Ource , étaient décimés par les fièvres in- termittentes, les maladies scrofuleuses, etc. En hiver, on voyait des sources suinter des fondations de chaque maison. Des marais infects environnaient chaque localité. Aujourd’hui les marais sont devenus des jardins , les maisons ont été assainies , aérées; les ma- Soc. géol. , 2® série, tome IV. 24 370 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8Z16. ladies scrofuleuses sont devenues rares , et les fièvres ont presque disparu. L’établissement d’un canal dans les terrains oolitiques est presque toujours un fléau pour les populations , surtout dans les vallées peu inclinées ; les filtrations nombreuses qui s’établissent à travers les remblais ne tardent pas à convertir en marais toutes les parties basses du terrain : de là toutes les maladies dont j’ai parlé plus haut. Les canaux de Bourgogne et du Nivernais peuvent être cités comme exemples. Sous ce rapport, les chemins de fer sont bien préférables aux canaux. Ils sont sans doute très incom- modes pour le propriétaire dont ils morcellent les domaines , pour le fermier, en augmentant les distances de transport des engrais et des récoltes ; mais au moins ils n’ont aucune influence fâcheuse sur la santé générale de la population , et les inconvénients qu’ils présentent sont bien compensés par les nombreux débouchés qu’ils ouvrent à toutes les industries. Après la lecture de ce Mémoire, M. Yirlet communique l’extrait d’une lettre qui lui est adressée par M. Belgrand et qui contient les observations recueillies par lui sur le bassin de la Seine pendant les pluies qui ont amené dans le bassin de la Loire des désastres dont le pays est encore ému. <( La quantité d’eau tombée les 16 et 17 octobre dernier dans le bassin supérieur de la Seine a été énorme ; elle n’a cependant produit à Paris qu’une crue insignifiante , puisque les journaux n’en ont même pas parlé. » Yoici les bail leurs d’eaux pluviales constatées à l’iiydromètre de Montsauebe , à quelques kilomètres à l’aval des sources de la crue : Jeudi 15 octobre 1846 0"b0165 Vendredi 16 octobre 1846 0»\0775 Samedi 17 octobre 1846 0"',0880 Dimanche 18 octobre 1846 0“b01 15 Hauteur totale 0"bl935 » La hauteur moyenne des eaux c[ui tombent annuellement dans la cour de l’Observatoire de Paris est de 0“,57 ; ainsi la quantité tombée à Montsauebe en quatre jours a été très approximative- ment égale au tiers de ce qui tombe dans un an à Paris. IMainte- liant voyons ce que sera devenue cette énorme masse d’eau. Tous les ruisseaux à versants granitiques ou îiasicpies ont éprouvé une SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8/16. 871 forte crue ; mais ce qui m’a véritablement surpris , c’est que tous ies versants oolitiques , même ceux des argiles d’Oxford , n’ont exactement rien donné , sauf sur les points où il existe des sources. Je ne puis entrer ici dans le détail des observations que j’ai pu faire sur tous les cours d’eau de mon arrondissement ; je vous dirai seulement que les vallées de l’Yonne , de la Cure , du Serein , de rArmaiiçon , qui ont des versants granitiques ou basiques impor- tants , ont éprouvé des crues très fortes. Celle de la Cure , à Arcy, s’est élevée à 3™, 50 au-dessus de l’étiage, à seulement en contre-bas de celle du mois de mai 1836. Les vallées de la haute Seine (en amont de Cliâtillon), de l’Ource , de l’Aube (en amont de Alontigny), dont les versants sont presque entièrement oolitiques, n’ont éprouvé que des crues extrêmement faibles. Ainsi , sur les 11,000 kilomètres carrés qui forment le quart supérieur du bassin de la Seine, 3,000 seulement (les granités et les terrains basiques) ont donné de l’eau aux rivières à la suite des dernières pluies. Il ne faudrait cependant pas conclure de là que la Seine supérieure , rOurce, etc., les autres rivières à versants oolitiques n’éprouvent ja- mais de fortes crues. Les nombreuses sources qui les alimentent sou- tiennent leurs eaux à un niveau très élevé pendant l’hiver et jusqu’au milieu du printemps ; alors les faibles parties des versants qui con- tiennent des argiles basiques suffisent à la suite d’une forte pluie pour produire une crue. Les fontes de neige donnent presque toujours de l’eau sur les versants oxfordiens et quelquefois dans les terrains oob- tiques (voir mon Alémoire), aussi ces cours d’eau éprouvent-ils des crues assez fréquentes en hiver; mais il difficile qu’ils sortent de leurs lits entre le 1®'' juin et le 1®*’ novembre , lorsque les sources sont basses, comme le prouvent bien les observations faites en oc- tobre dernier. Ainsi donc ma théorie de l’écoulement des eaux pluviales à la surface des terrains granitiques et jurassiques de la Bourgogne est pleinement confirmée par mes dernières observa- tions. Il en a été de même de l’opinion que j’ai émise dans mon Mémoire sur le reboisement des mêmes terrains. J’ai dit que les bois ne pouvaient en rien prolonger l’écoulement des crues des cours d’eau , et })ar conséquent en diminuer la hauteur ; qu’ils pouvaient cependant, comme les prairies naturelles ou artifi- cielles , produire un effet salutaire en empêchant le déplacement de la couche superficielle du sol. La vallée de la Cure, en amont d’Arcy, contient environ 900 kilomètres carrés de terrains grani- tiques ou basiques; cette surface est à peu près à moitié boisée ; quels que soient les efforts de l’administration et des propriétaires, on ne doit pas espérer arriver jamais, sur une vallée de quelque 372 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. étendue , à un reboisement proportionnellement aussi considé- rable. Si donc le reboisement des montagnes doit diminuer la rapidité de l’écoulement des crues , et par conséquent leur bau teur, à coup sûr les crues de la Cure doivent s’écouler dans d’excel- lentes conditions. Or, voici comment s’est passée celle du mois d’octobre dernier. » Le samedi 17, à onze heures du matin , je visitai les travaux de deux ponts que je fais construire à Arcy. La Cure s’élevait à peine à O'^bSO ou 0'",û0 au-dessus de l’étiage. La crue n’a com- mencé à se faire sentir cju’à l’entrée de la nuit; à huit heures du soir, elle s’élevait si rapidement c|ue les ouvriers qui travaillaient aux épuisements de l’un des ponts étaient forcés de quitter préci- pitamment les travaux , laissant sur place les pompes et autres agrès. Un instant après , le conducteur des travaux, pour sauver les registres d’attachements et autres objets déposés dans une bar- raque au bord de l’eau , était obligé de faire traverser à la nage , par un ouvrier, les prairies couvertes d’eau. Le lendemain, à huit heures du matin , l’eau s’élevait contre les piles à 3'", 50 au-dessus de l’étiage, et le lundi 19 la rivière était rentrée dans .son lit: ainsi la crue a duré à peine quarante heures. Or, si vous voulez vous reporter aux chiffres cpii sont au commencement de cette lettre, et qui donnent les hauteurs d’eau tombée, vous verrez que la pluie a régné avec une grande intensité depuis le 16 juscpi’au samedi 17, c’est-à-dire pendant trente-six heures par conséquent, jja crue n’a guère mis plus de temps à s’écouler que la pluie à tondjer. Les nombreuses forêts cjui couvrent les versants de la ri- vière n’ont donc pas prolongé récoulenient de la crue, et par conséquent n’ont pu diminuer la hauteur. Mais j’ai constaté, dans les nombreuses excursions que j’ai faites depuis le 17 octobre , les désastreux effets des eaux pluviales dans les coteaux fraîchement labourés des terrains granitiques ou basiques. Je suis forcé d’en- trer encore ici dans quelques développements. Presque tous les propriétaires dans ces formations , pour se débarrasser plus pronq3- tement des eaux pluviales , dont le séjour nuirait à leurs récoltes , dirigent leurs sillons suivant la ligne de plus grande pente du ter- rain. Cette disposition préserve en effet les récoltes , mais elle a l’inconvénient de donner à l’eau la force érosive maxima , de sorte qu’à la suite de chaque pluie un peu forte , tous les sillons sont plus ou moins profondément ravinés , et les engrais , i’iiumus et , en générai , les parties les plus fertiles du sol sont entraînées vers le fond des vallées. » Dans les parties couvertes de bois ou de prairies naturelles ou SÉANCE DU 21 DÉCEMBllE 18/|(5. ai tiliciuiles, le cléplaceinent de la couclie siiperfieielie du sol n’existe pas, non pas parce que les eaux pluviales s’y écoulent moins vite, mais bien parce que le sol , soutenu par les nom]3reuses racines des végétaux qui le couvrent , y est plus ferme et résiste mieux à l’action de l’eau. » On peut donc employer divers moyens pour empêcher le dé- placement de la couche superficielle du sol ; » 1° Dans les terrains d’un prix peu élevé (les granités en géné- ral), le rel^oisement ; » 2” Dans le lias et les bons terrains graniticjues , la création de prairies naturelles ; » 3“ Dans les terrains mal disposés pour recevoir des prés, le changement de direction de la culture. On doit, en général, don- ner aux sillons l’inclinaison la plus faible possible, en assurant toutefois l’écoulement des eaux pluviales ; » [\° Lorsque les parcelles sont trop étroites pour qu’il soit possi- ble de changer le sens de la culture (ce cjuia lieu malheureusement dans tous les bons terrains basiques où le morcellement est exces- sif), il faut, autant que possible, développer la culture delà luzerne, qui végète très bien dans les terrains argileux du lias, même lors- qu’ils sont prescjue dépouillés de terre végétale. » Ainsi le reboisement est restreint aux terrains granitiques d’une faible valeur, et comme ces terrains sont déjà excessivement boisés , on peut dire qu’il n’y a sous ce rapport c{ue bien peu de chose à Liire dans le bassin supérieur de la Seine, Après la leclure de la lettre de M. Belgrand , M. Yirlet ajoute que le plateau de la Brie, qui forme entre la Seine et la Marne un grand triangle déplus de 3,000 kilomètres carrés de super- ficie , et dont les angles aboutissent à Epernay , à Saint-Maur et à Moret , donne très rarement lieu , même par les plus grandes pluies, à des inondations locales. Cette circonstance tient à ce que ce plateau , étant composé en grande partie par les calcaires siliceux de la Bric, qui sont généralement fendillés, et par quelques lambeaux du terrain de sables et grés de Fontaine- bleau, il constitue, comme certains étages oolitiques de la Bourgogne, un véritable terrain absorbant. Seulement, celui- ci rend presque directement ses eaux à la Marne et à la Seine par une inlinité de petites sources qui vont sourdre à la base des calcaires, au-dessus des couches de marnes gypseuses qui SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/1(5. 37/1 forment le fond des yallées. Les eaux de ces nombreuses sources contribuent ainsi, même pendant les époques de sécheresse, à maintenir en partie Tétiage des affluents qui naissent sur ce plateau, et par suite celui de la Marne et de la Seine. En effet, appelé rannée dernière par le tribunal de Melun à donner, conjointement avec MM. Gentilhomme et Defresnes , ingénieurs des ponts et chaussées , un avis dans un procès très important , qui tenait précisément à cette curieuse circonstance géolo- gique (1), j’ai pu constater que, même à la fin de la grande .sécheresse qui a signalé l’été de 18/i6, ces sources n’avaient point tari complètement, et continuaient à alimenter les cours d’eau. Voilà donc une surface considérable du bassin supérieur de la Seine qui ne contribue que bien rarement, et seulement dans les cas de pluies torrentielles et subites , aux crues de cette ri- (I) Il s’agissait de déterminer si le ru de Voisenon , qui fait tourner le moulin de Rubelles, suivait son cours naturel, ou s’il n’avait pas été détourné à cet effet par la main des hommes. Cette question grave et très importante pour tous les propriétaires rive- rains, menacés de se voir enlever une partie de leurs propriétés, était fort difficile à résoudre , car il n’y avait aucun travail d’art , et il s’agissait d’apprécier un fait qui remontait à des temps très reculés. Nous croyons cependant avoir résolu la question d’une manière in- contestable en faveur des propriétaires riverains ; car s’il est vrai de dire, en thèse générale, d’après les principes de l’hydrostatique, que les eaux tendent toujours à parcourir, à la surface du sol , la ligue de plus grande pente ^ ces principes ne sont cependant pas absolus, sur- tout dans le cas d’un plan très peu incliné , où la gravité qui meut la masse fluide est très petite pour vaincre les moindres obstacles qui s’opposent à la direction qu’elle tend naturellement à prendre , celle de la ligne de plus grande pente. Le petit ru de Voisenon présente un de ces cas exceptionnels ; car son cours s’est trouvé en partie dé- tourné de la ligne de thalweg, d’abord par les nombreux blocs de grès de Fontainebleau restés disséminés à la surface du sol , comme autant de témoins irrécusables des dénudations qui , dans cette contrée , ont enlevé successivement les parties meubles de ce terrain , et ensuite par une de ces lignes de surgissement aquifère que je viens de signaler à la base des calcaires siliceux , qui se manifeste sur le revers gauche du vallon de Rubelles , un peu au-dessus de la ligne de thalweg , et dé- termine, à la limite des alluvions fluviales récentes, une zone de sources qui, en tenant le sol constamment détrempé , a dû nécessairement y fixer de préférence le cours du ru qui venait déboucher en face, s’y mêler et s’y alimenter. SÉANCE l)ü 21 DÉCEMBRE 18/16. 375 viére , et où le reboisement n’aurait certainement pas une très grande influence pour les empêcher. A la suite de la lecture du travail de M. Belgrand , M. Rozet présente les observations suivantes ; Toute l’eau des météores atmosphériques, qui tombe à la surface de la terre , se divise en trois parties ; une portion pénètre par infiltration dans le sol , une autre retourne dans l’atmosphère par l’évaporation , et le reste coule dans le lit des cours d’eau , en sui- vant les lignes de plus grande pente des surfaces. Une grande partie de l’eau qui pénètre dans le sol est absorbée par les végétaux , dans l’intérieur desquels elle circule suivant plusieurs systèmes de vaisseaux capillaires. Une portion de celle- ci est certainement décomposée par la force de la végétation qui en absorbe l’oxigène , et le reste retourne dans l’atmosphère après avoir traversé les parties les plus délicates des branches et des feuilles. Ainsi, de l’eau qui s’infdtre dans le sol, une partie seulement , la moitié peut-être , ce qu’il ne serait pas impossible de déterminer par des expériences , pénètre à une certaine profondeur ; le reste ne dépasse pas la couche, toujours très mince, dans laquelle s’étendent les racines des plantes et des arbres. Cette portion , qui arrive au-dessous de la couche de terre végétale , est elle-même sensiblement diminuée par suite du dessèchement de cette couche, produit d’une part par l’absorption des végétaux, et de l’autre par celui de sa surface exposée aux rayons du soleil et au frottement continuel des courants d’air. La partie des eaux tombées sur la terre qui s’enfonce à une cer- taine profondeur est donc beaucoup moins considérable que ne le suppose M. Belgrand et qu’on ne le eroit généralement. Celle-ci s’enfonce toujours en diminuant de volume , jusqu’à ce qu’elle rencontre une masse imperméable , comme une couche d’argile. Alors elle coule sur cette masse si elle rencontre entre elle et celle qui la recouvre des vides qui lui permettent de passer , ou elle s’imbibe dans la couche supérieure perméable comme dans une éponge. L’eau qui suit la déclivité d’une masse imperméable vient for- mer des sources sur les points où cette masse affleure à la surface du sol. C’est pourquoi il en existe un grand nombre au pied des escaipements de l’oolite inférieure, ayant pour base les marnes du lias, au pied des falaises du terrain crétacé, dont la base est formée 376 SÉANCE DU 21 DÈCEMBUE 18ZÏ6. par le gault , etc. ; par leur réunion ces sources produisent des cours d’eau plus ou moins considérables. L’eau imbibée dans une masse perméable des sables, des roches poreuses , vient aussi former des sources aux points d’affleurement de cette masse ; mais celles-ci présentent des différences assez nota- bles avec les premières : le volume des eaux est beaueoup moins considérable et beaucoup moins variable en même temps , et le long des affleurements il existe beaucoup plus de suintements que de sources. Si la masse imperméable , au lieu de présenter une surface déclive , se trouve creusée en bassin , l’eau s’accumule dans ce bassin jusqu’à ce qu’il soit rempli , et le passage par dessus les bords donne naissance à des sources considérables et dont le vo- lume des eaux éprouve peu de variations. On croit qu’il existe un grand nombre de pareils bassins dans l’intérieur de la terre. Le phénomène des puits artésiens est certainement dvi aux eaux qui circulent dans rintérieur de la terre. On a souvent écrit qu’ils sont alimentés par des cours d’eau souterrains, provenant des mon- tagnes voisines : cela peut être ; mais ils sont aussi bien souvent dus tout simplement à l’infiltration des eaux des rivières à travers les couches perméables qui viennent affleurer dans leur lit, comme nous allons le prouver par quelques exemples. M. Degousée a établi , dans la ville de Cliàlon-sur-Saône , plusieurs puits forés , dont l’eau s’élève à peine à 1 mètre au- dessus de la SLirfaee du sol. Le fond de ces puits se trouve dans une couche de sable du grand terrain de transport du bassin de la Saône , reposant sur une puissante masse argileuse que l’on voit affleurer sur plusieurs points dans les berges de cette rivière , et qui doit appartenir à la partie supérieure du terrain tertiaire. Le sol du quartier de la ville où se trouvent les puits forés est à 180 mètres au-dessus de la mer , nombre qui exprime aussi l’altitude de l’étiage de la Saône à 6 lieues en amont. Le pied des montagnes, de l’intérieur desquelles on a cru que pouvaient pro- venir les eaux jaillissantes , est à 212 et 220 mètres au-dessus de la mer ; ce qui donne , avec le sol de Châlon , une différence mi- nimiuii d’altitude de 32 mètres et montre bien que les eaux qui ne jaillissent que de 1 mètre ne peuvent en partir. En remon- tant la Saône jusqu’à Gray, on trouve 8ù mètres pour l’altitude de l’étiage. C’est donc dans les environs de cette ville que doivent pa- raître, dans le lit de la rivière, les couches perméables , les sables et graviers inférieurs du terrain de transport ancien , qui amènent l’eau jusque sous Châlon. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Ü6. 377 PliisicLirs faits ont démontré que les puits artésiens de Tours sont alimentés par des infiltrations de la Loire à travers les sables du grès vert. Il est généralement admis que l’eau du puits de Grenelle pro- vient des infiltrations de la Seine et de ses affluents aux environs de Troyes , dans le même étage géologique. Les sables verts qui sont à la surface du sol, entre Troyes et Bar-sur-Seine , n’ont été rencontrés à Grenelle qu’à 500 mètres de profondeur, et le jaillis- sement s’est produit dans des circonstances très remarquables. La colonne d’eau a apporté avec elle , et pendant plusieurs mois , une grande quantité de sable , et elle a été ensuite alternative- ment claire et chargée de sable jusqu’à ce qu’elle se soit tout à fait éclaircie. Cette eau se trouvait donc imbibée dans la masse sableuse , et elle n’est devenue claire que lorsque l’ascension a eu produit autour de l’orifice inférieur du puits une cavité assez grande pour que l’eau, qui venait remplir cette cavité, ait eu le temps de déposer tout son sable avant de monter aux environs de Paris; le terrain crétacé forme un vaste bassin , une espèce de cuvette dont les sables verts occu- pent le fond. L’eau infiltrée dans ces sables, à une altitude inférieure de plus de 500 mètres à celle des points d’entrée, doit donc éprou- ver une énorme pression qui détermine son ascension dans les puits forés. Ce doit être là la cause la plus générale de l’élévation de l’eau dans ces puits. Quelques faits ont prouvé aussi que cette élévation pouvait être attribuée à des courants souterrains ; mais ce cas s’est rarement présenté ; encore ces courants peuvent-ils provenir de la pénétration de l’eau des rivières et des lacs à tra- vers les fissures des roches et dans les cavités souterraines. Je ne nie pas cependant qu’il puisse exister de grands réservoirs d’eau dans l’intérieur de la terre , alimentés par celle qui tombe de l’atmosphère, donnant naissance à des courants ; mais ces réservoirs ne sont pas aussi nombreux qu’on le croit généralement , d’après ce que nous avons exposé au commencement de cette note ; et , bien certainement , la plus grande partie des eaux souterraines provient de l’infiltration des cours et des amas d’eau de la surface ; l’eau de la mer elle-même pénètre dans les profondeurs du globe : on connaît plusieurs points sur les côtes où existent des goufï’res qui l’absorbent continuellement; la grande quantité de vapeurs d’eau mélangée d’acide chlorhydrique et de sel marin qui sort par les évents volcaniques situés sur le bord de la mer prouve que celle- ci s’enfonce jusque dans les foyers d’éruption. L’intérieur de la terre renferme donc , à diverses profondeurs , 378 SÉANCE DU DÉCEMBRE 1846. des masses d’eau assez considérables , dont plusieurs circulent par les cavités des roches , à la manière des cours d’eau de la surface. Les eaux souterraines sont indispensables à la continuation de la vie sur la terre : sans elles point de sources , point de rivières , point de fraîcheur dans les temps de sécheresse ; car l’eau retenue dans la couche de terre végétale est bientôt absorbée par les plantes , qui ne tarderaient pas à périr, quand les pluies sont rares , si l’action capillaire des roches n’apportait continuellement dans cette couche une partie de l’humidité de celle qu’elle recouvre. Si dans plusieurs éruptions volcaniques , dans certains tremble- ments de terre , celui de Lisbonne , par exemple , on a vu des masses d’eau sortir de l’intérieur de la terre et inonder tout le pays environnant , il est certain que lors de ces grandes catastro- phes , c|ui ont donné naissance aux chaînes de montagnes , le même phénomène a dû. se produire sur une très grande échelle. Là se trouve naturellement l’explieation de ces puissants dépôts d’aîluvions qui couvrent le fond des vallées et la surface des plaines, dans l’intérieur et de chaque côté de ces chaînes. M. Pomel met sous les yeux des membres de la Société divers ossements de vertébrés fossiles du Bourbonnais, et fait les com- munications suivantes. Note sur des animaux fossiles découverts dans le département de r Allier (addition au Mémoire sur la géologie paléontolo- gique, etc. Bull., 2^ série, t. III, p. 353) , par A. Pomel. IJepuis la communication c[ue j’ai faite à la Société du premier résultat de mes recherches sur la faune fossile de rancien Bour- bonnais , j’ai pu réunir de nouveaux et nombreux matériaux qui ont augmenté et rectifié un peu la liste des espèces qui habitèrent autrefois la fertile vallée de l’Ailier. Les ossements que j’avais alors pu étudier provenaient presque tous des gisements de Yaunias ex- plorés par ]^I. Poirrier avec tant de zèle et de persévérance. Je ne connaissais des gisements si curieux de Saint-Gérand-le-Puy qu’un petit nombre de pièces , caractéristiques il est vrai , mais insuffi- santes pour y prendre une idée complète de la faune de cette ré- gion. Actuellement , grâce aux bienveillantes communications de 1\L Van-den-Hecke, qui a consacré trois étés à la recherche des fossiles de Saint-Gérand, et surtout à celles de M. Feignoiix, qui a bien voulu me confier pour l’étude sa belle collection paléontolo- giqiie , Iruit des récoltes faites dans les mêmes localités depuis de SÉANCE DU *21 DÉCEMBRE 18Z|6. 379 nombreuses années, je suis en possession des matériaux les plus rielies qu’on ait encore réunis pour l’iiistoire paléontologique des principaux bassins ossifères de la même époque. Je puis aussi ajou- ter, comme nouveaux et précieux renseignements, quelques déter- minations de poissons fossiles que M. Agassiz a bien voulu me faire. J’ai cru qu’il était utile de résumer dans cette note les obser- vations nouvelles que j’ai puisées aux sources précitées, afin de compléter le prodrome de la publication de tous ces fossiles que j’ai annoncée dans mon mémoire précédent. Le genre Ampliicyon a certainement vécu dans le bassin de l’Ailier aux époques tertiaires. Trois espèces y sont parfaitement caractérisées. La plus grande est intermédiaire pour la taille aux deux espèces de Sansan ; nous en avons un arrière-crâne , des vertèbres nombreuses , cervicales , dorsales , lombaires , sacrées et coccygiennes , bassins, fémur, tibia, calcanéum, métatarsiens, phalanges, etc. La seconde espèce {J. lewajiensis) ^ identique à celle de Digoin, mais différente de V J. minor de Sansan, est aussi parfaitement représentée par des pièces nombreuses et d’une belle conservation. Enfin, la troisième {A. gntcilis)^ la plus petite con- nue, dont nous avons plusieurs mandibules , un Immérus et plu- sieurs autres os , ne peut être non plus douteuse. On doit lui rap- porter la mandibule du Ca/iis issiodore/isis , Blainv. ( Ost. jase, ikuiis). L’espèce établie sous ce nom, dans un manuscrit par M . Croizet, repose uniquement sur la mâchoire supérieure figurée dans l’ostéographie et trouvée dans un terrain pliocène à Perrier. Ce nom doit , du reste , devenir synonyme du C. megamastoides , que j’ai établi avant la publication de l’espèce par M. de Blain- ville. Le Canis hrevirostris a bien réellement deux tuberculeuses à la mandibule , et c’est par accident qu’un de nos échantillons était dépourvu de la dernière ; mais il ne nous paraît pas encore établi que cette espèce soit un vrai Canis; la fracture de la mâchoire su- périeure ne permet pas d’assurer s’il n’y avait que deux tubercu- leuses. Nous pouvons établir la série des molaires inférieures du Vivevra antiqua , dont la tuberculeuse a des formes et des pro- portions si differentes de celles fies espèces suivantes, cju’on pour- rait former de l’animal auquel se rapportent ces débris , un sous- genre nettement caractérisé , qui paraît devoir renfermer deux espèces distinctes. Nous n’avons rien vu de nouveau c|ui puisse se rapporter au Viverra priniœva. Le genre Plesictis doit être maintenu et renfermer deux espèces ; 380 SÉANCE DC '21 DÉCEMBRE l8/l6. Fiine , de la taille du Putois , indiquée par la pièce de dî. de Laizer ; l’autre , de celle de la Marte , reposant sur le crâne de la collection de M. Croizet. Nous avons le crâne probablement d’une troisième et les mandibules des deux autres. On doit exclure de ce genre toutes les pièees figurées dans l’Ostéographie autre que les crânes. 1" La mandibule de droite est un jeune âge du Fiverra anti- qun , puisque nous avons retrouvé , dans une pièce semblable, les germes de la carnassière et de la tuberculeuse de cette espèce. 2" La seconde mandibule est celle d’un nouveau genre caractérisé par une dentition intermédiaire à celles des Putois et des Martes, ayant de celles-ci les nombres, et de ceux-là les formes. Nous avons con- firmé cette détermination par l’étude d’un crâne de la même espèce. Nous donnerons à ce genre le nom de Plcsiogalc. 3° La canine isolée de gauebe est celle du Lntra ch-rmontensis Croizet , qui est le Lutra Vdlctoni^ G. St-Ilil. Nous avions admis d’abord les rap- prochements faits par M. de Blainville , parce que ne connaissant ces pièces que par des figures , il ne nous était pas possible d’en étu- dier tous les caractères; mais la simple inspection de fragments semblables nous ayant autorisé à établir les faits qui précèdent , nous avons eu la satisfaetion de voir confirmer nos inductions sous les yeux inêine de M. Yan-den-Ilecke par l’observation successive de pièces plus complètes. Nous ne concevons pas trop non plus pourquoi M. Gervais , dans Patria ^ a considéré comme de la même espèce le Zorille découvert par M. Bravard dans des couches bien plus récentes , dans le pliocène de Perrier. La présence de trois avant-molaires seulement ne pouvait même pas le laisser sup- poser. Le Lutra Valctoni u’est une Loutre que par la forme de ses membres, que nous possédons en entier; les deux tuberculeuses de son maxillaire en font un viverrbide , qui pourra porter le nom de Lutrïctis Valctoni ^ pour indiquer cette combinaison de carac- tères. Nous ii’avons rien à ajouter aux articles des TyJcganthcrcou et Pterodon (1) , dont nous n’avons pu constater la présence dans les deux collections que nous avons étudiées. Nous possédons les éléments d’une description complète du Stencqfibcr , qui a les proportions d’un Castor et la moitié seule- ment de ses dimensions. Un Lagonijs très petit nous a été signalé par de nombreuses mandibules, des humérus , bassin, fémur, tibia. (1) Voyez à la suite de cette note celle sur le Pterodon. 381 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE ISAO. A Saiiit-Gérancl , il u’a encore été trouvé aucun débris de Di/W’- tlicriiini ni de Tapir. Le Rhinocéros n’y paraît pas commun, mais dans d’autres localités , plus voisines des Puys-de-Dôme , on a trouvé de noinljreux débris qui nous permettront d’établir facile- ment que le Rhi/ioccros i/icisiviis , de Bl. ( /ion Ciw. ) , renferme au moins quatre espèces pour la vallée de l’Ailier seulement , et qu’il est impossible de lui rapporter le R/i. clatiis, comme l’a supposé le même auteur. Près àes Antlnricotheriiinis y des et des Cochons , se place un genre nouveau, tétradactile comme ceux-ci , dont les molaires , au nombre de sept au maxillaire , se composent de trois mâchelières à quatre gros tubercules coniques simples , les inté- rieurs étant un peu dilatés transversalement et ayant une lame qui se porte devant le tubercule opposé. Cette lame est double dans le postérieur et enveloppe complètement le cône externe posté- rieur; aucune partie ne présente les tubercules et petits mamelons des dents analogues dans les Cochons ; les avant-molaires se compli- quent de plus en plus de la première biradiculée, et probablement comprimée et tranchante, à la quatrième à trois tubercules, deux externes conjoints , l’interne en forme de crête ou croissant et limi- tant en arrière une petite fosse. Ces dents sont toutes contiguës entre elles et avec la canine , dont l’alvéole est ovale presque ellip- tique , et assez peu développée. Les alvéoles des trois incisives sont presque disposées sur le prolongement du bord alvéolaire des mo- laires, ce c[Lii indique un museau très étroit; les dents étaient sans doute obliques en avant , et la première paire était aussi grosse , dans sa partie radiculaire du moins , que la canine ; la troisième était la plus petite. De la mandibule nous ne connaissons que les trois arrière-molaires ; les deux premières sont assez semblables à leurs analogues d’en haut , sauf plus d’égalité dans les tubercules , mais la dernière est augmentée d’un gros talon formé d’un ma- melon trilobé ou plutôt divisé en trois tubercules grossissant du premier au troisième, et flanqués de deux autres plus petits, un de chaque côté ; ce qui indique une certaine analogie avec le Cochon. Il est facile de voir que ce genre n’est identique ni au Chero-' potanins , ni au Hyotherium ^ ni aux Cochons , et qu’il peut rece- voir une appellation générique particulière, celle de Palœoc]i(n usy qui rappellera les analogies du fossile. Nous en connaissons deux espèces , l’ime ( T. major ) dont la quatrième avant-molaire a ses (leux tul)ereules externes bien séparés ; l’autre ( P. typus ) , plus 382 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. petite , dont la même dent n’a qu’un tidjercule externe à peine Ijifurqué. Nous avons dit que ce genre était tétradactyle ; en effet, nous avons un Métacarpien et un Métatarsien médius de la grande espèce, et un analogue de la petite , qui ne peuvent laisser de doute à cet égard. Nous avons aussi quelques pièces nouvelles à' Jnthracotheriuni , qui ajouteront de précieux: renseignements à ceux qui nous avaient été d’abord fournis. Mais c’est surtout pour le Cainotherium que nous serons plus que tout autre en position d’en faire connaître l’ostéologie dans ses plus petits détails ; le nombre prodigieux des pièces , leur conser- vation parfaite , permettront de caractériser facilement et sûre- ment les formes spécifiques nouvelles qu’elles indiquent. Nous pouvons déjà affirmer qu’il en existe cjuatre distinctes dans les terrains du Bourbonnais , et qu’ elles paraissent toutes différentes de celles du Puy-de-Bome , observées par M. Eravard. Deux pa- raissent se rapporter aux Anoplotherium laticuvvatum et cyclogna- tum ; mais ce ne sont point les mêmes qu’ont décrites MM. de Laizer et de Parieu. Une seconde espèce , plus petite cjue les deux précédentes, se rapproclie du C. commune; elle se nommera C. de- dans, Enfin , de nouvelles pièces du C. leptnrynchum me portent à changer ce nom en celui de gracile , qui indiquera la forme de ses ossements , remarquables par leur gracilité ; c’est la plus petite de toutes. Nous avons enfin pu résoudre le problème de la détermination des Dremotherium G. St-Hil. , à l’aide des belles pièces de la collection de M. Van-den-Hecke , qui en possède un squelette com- plet.Les animaux, ainsi nommés par M. Saint-Hilaire, d’après des pièces de la collection de M. Feignoux , sont très voisins des Am~ phitrngulus et n’en diffèrent que par l’absence d’une première avant-molaire à la mandibule , et par la barre de celle-ci bien plus allongée , en faisant même abstraction de la première dent des AmphitraguLus . Nous croyons pouvoir admettre deux espèces dans ce dernier genre, et trois dans les Dremotherium. Dans notre précédente note , nous annoncions cinq espèces de Tortues appartenant aux genres Testudo , Emys , Emysaura ou Chelydra , Tri onyx. Le Testudo est différent du T. gigantea , Bravard , et ne paraît pas avoir atteint des proportions aussi colossales ; nous en avons étudié un plastron qui a modifié notre première opinion établie sur SÉANCE DU '21 DÉCEMBRE i8â6. 383 des pièces trop incomplètes pour fonmir des cnractères certains. Aujourd’lmi nous serions même porté à distinguer dans ces débris deux formes distinctes , malgré le peu de matériaux c[ue nous avons pour résoudre ce problème. Avec une carapace dont les formes sont propres aux Tortues terrestres, des Chclonlens de cette contrée portaient un plastron remarquable par plusieurs caractères , mais surtout par la mobi- lité des troisième et quatrième paires de pièces qui constituent la moitié postérieure du plastron. Cette mobilité est surtout déter- minée par le peu d’étendue des échancrures destinées au passage des meml3res postérieurs ; elle était nécessaire pour que ceux-ci aient pu acilement fonctionner dans l’acte de la marche. On ne connaît encore (à ma connaissance) que des Tortues dont la partie antérieure du plastron soit seule mobile, tandis que dans les fossiles cette même partie est très solidement fixée à la carapace dans toute son étendue. Ce nouveau genre {Ptychogaster) comprend deux espèces au moins qui n’ont pas atteint de grandes dimensions, et qui seront décrites d’après des carapaces et des plastrons comjdets. A l’exception de cjuelques morceaux assez instructifs sur les formes du Trïonyx fossile du même gisement , nous ii’avons rien ajouté à ce cjue nous possédions déjà des autres espèces. Nous avons maintenant deux espèces de Crocodiles, caractérisées par des têtes presque entières et de nombreux ossements d u reste du scpielette , cjui appartiennent au genre Caiinan ( Alligator ) , mais qui pourraient constituer dans ce genre une section caractérisée par la plus grande étendue des deux fosses du crâne , et surtout par la disposition des dents. Ce sont, en effet, les troisième et quatrième dents delà mandibule qui, très rapprochées, très fortes et presque égales , pénètrent ensendûlc dans la cavité de la mâ- choire supérieure située à la réunion du maxillaire et de Finter- maxillaire ; les dents sont aussi moins nombreuses ejue dans les espèces vivantes. On peut les nommer Diplocy/iodo?! . Les poissons des mêmes terrains tertiaires , dont M. Poirrier a récolté de nombieux ossements , malheureusement isolés , appar- tiennent à la famille des Perches. Aï. Agassiz a reconnu qu’ils différaient génériquement des Perches vraies , quoique très voi- sins ; mais leur détermination rigoureuse ne pourra être faite que lorsqu’on possédera une partie notable du squelette articulé , ou bien une portion d’empreinte. Ces poissons des terrains tertiaires ne sont pas les seuls qui aient SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/^6, mil été récoltés dans le Bourbonnais. M. Poirrier nous a au.ssi adressé des débris récoltés par lui dans le terrain liouillier de Bert , et M. Agassiz, qui a eu la bonté de les étudier, y a reconnu des formes tout à fait analogues à celles observées exclusivement dans les poissons des terrains liouillers d’Angleterre ; ces poissons sont : 1° Le Diplodas paradoxus ; 2“ un genre nouveau voisin Ea^nu- tus par la forme de ses écailles ; 3° des TristicJiius ; un poisson cartilagineux nouveau, malheureusement en assez mauvais état, mais qui présente une partie de la colonne vertébrale , des côtes , et une empreinte considérée par M. Agassiz comme un débris de l’épaule. Les bassins voisins , et spécialement celui de Commentry, ren- ferment aussi un assez grand nombre de poissons d’un genie nouveau , voisin des Palœo/ii.scus , d’après les observations de M. Agassiz. Nous terminerons cette liste des animaux fossiles du départe- ment de l’Ailier, par l’indication d'un insecte trouvé par AJ. Fei- gnoux dans les calcaires concrétionnés de Saint-Gérand-le-Puy. C’est un abdomen complet avec les insertions des deux paires postérieures de pattes , qui présente de grandes ressemblances avec celui des Lamclli-a/ite/ines , sa taille est celle du Hanneton ordinaire. Si nous résumons les observations qui précèdent, nous voyons que la faune des terrains miocènes du Bourbonnais se compose actuellement de douze carnassiers , cjuatre rongeurs , quatorze pa- chydermes, cinq ruminants, de nombreux oiseaux, douze reptiles, d’un ou deux poissons, un insecte, et des Hélices, Lymnées, Palu- dines, Cérithes, Cyrènes et Unios. Ainsi nous connaissons soixante vertébrés au moins , tandis que dans notre première note nous n’en avions signalé que quarante , ce qui fait une difï^ience en plus de moitié. Ces nombres devront encore certainement s’ac- croître , car les mêmes terrains , à quelques pas de là , ont présenté bien d’autres espèces mêlées à quelques unes de celles que nous venons de signaler. C’est donc encore une confirmation de ce qu’a dit Cuvier dans son bel ouvrage sur les fossiles : « Le temps complétera les êtres dont ces débris font encore conjecturer l’an- cienne existence , et je ne doute pas qu’à mesure que l’on achè- vera ainsi les découvertes déjà commencées , des découvertes nou- velles ne se multiplient , et que dans quelques années peut-être je ne sois réduit à dire que l’ouvrage que je termine aujourd’hui ne sera qu’un léger aperçu , qu’un premier coup d’œil jeté sur séance du 21 DÉCEMÎ5EE lS/l(). B85 ces immenses crt'atlons (.les anciens temps. » (ilcc//. sur les oss. foss., in k , t. V, 2" part. , p. Zi87 ). Explication de la pUmehe IV. Fig. 1. Palœocherus typas. . . . mâchoire supérieure. 2. — major. . . . molaire inférieure. 3. Plcslogale a?igustifrons . . mâchoire supérieure. 4. Plcsictis Croizeti. .... mâchoire inférieure. 5. Lutrictis Valetoni mâchoire supérieure. ^ O ri X • ( mâchoire supérieure , 6. Stencofiber castorinus. . . , • • T. • '' ( mâchoire inferieure. 7. Dremotherium Ecignouxi ^ mâchoire inférieure. 8. Amphitragulus clegans.\ . ^ ° \ mâchoire intérieure. 8. Ptychogaster emydoides . . plastron. 10. Diplocynodon Ratclii. . . bord antérieur du dentaire. Note .sur Je Pterodon , genre fossile voisin des Dasyiircs , dojit les espèces ont été trouvées dans les terrains tertiaires des bassins de Paris , de la Loire supérieure et de la Gironde , par A. Pomel. Les animaux fossiles dont il est question dans cette note ont été déjà le sujet de plusieurs travaux que nous allons analyser. Les premières pièces connues ont été décrites et figurées par G. Cuvier, en 1825, dans le tome Ilï de ses Recherches sur les osse- ments fossiles, p. 269 et suivantes. Elles ont été considérées eomme indiquant un genre de carnassier voisin des Coatis et des Ratons ; mais l’état imparfait de leur conservation ne pouvait peiniettre d’en reconnaître alors les véritables analogies , et l’incertitude de cette détermination provisoire fut accusée par la non-création d’nn nom linnéen particulier pour le type générique spécial , que l’au- teur reconnaissait dans cet animal. Le nom de Nasua parisiensis , c|ui est certainement en opposi- tion avec les opinions de Cuvier, n’a été créé que par les paléon- tologistes nonienclateurs. Dès 1828, une nouvelle pièce étant venue compléter les éléments de la détermination, Cuvier se hâta d’annoncer à l’Institut ejue son animal voisin des Coatis et des Ratons était un Didelphe voisin des Dasyures, genre exclusivement propre à l’Australasie. C’était, en effet , un fait bien plus important que celui de l’existence dans les mêmes couches d’un Didelphe du genre des Sarigues , vivant de nos jours dans l’Amérique du Sud. Soc. qéol. , 2*^ série, tome IV. 25 S86 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/16. En 1838, IVJM. de Lalzer et de Parieu , dans un Mémoire lu à l’Institut, déerivirent , sous le nom de Uyœnodon leptorjncJms , la mandibule complète d’une espèee du même genre. Les auteurs, ne reeonnaissant pas l’analogie générique de leur animal avee eelui déeouvert par Cuvier, crurent trouver, au contraire , une certaine resseiu-blance avec le genre Hyène , mais ils furent aussi portés à penser qu’il aurait pu appartenir à la sous-classe des Didelphes , ce qui fut même annoncé par M. Buckland. l’outefois, dans un résumé de leur Mémoire, inséré dans les Annales des sciences na- turelles ^ 1839, ils abandonnèrent cette dernière thèse, c|ui avait été rejetée par M. de Blainville dans son rapport sur le Mémoire des auteurs. C’est à M. Dujardin qu’est dù le mérite d’avoir reconnu le premier c[ue le genre Hyœnodon , dont il décrivait une nouvelle espèce, était le même que le Dasyure des plàtrières de Paris, comme il l’a annoncé dans un Mémoire présenté à l’Institut, et inséré dans les Comptes-rendus des séances, p. 13/i, an 18/d). M. de Blainville, dans Y OstéograpJiie des carnassiers , a dû figurer et décrire de nouveau tous les débris fossiles dont il vient d’être cjuestion , et il l’a fait , en eftet , en partie dans le fascicule du genre Sahnrsas , en partie dans celui du genre Canis , et dans une manière de voir qui est tout à fait dilïérente de celles des ob- servateurs précités. 11 a cru reconnaître dans ces divers débris les types de trois genres distincts et très différents , dont les noms linnéens sont : Pterodon , Taxothcriiun , Uyœnodon. Le premier genre , reposant sur la pièce d’après laquelle G. Cu- vier avait annoncé l’existence d’un Dasyure fossile , a été établi dans la Monographie des Subursus , p. /r8 , après l’oljservation , toutefois , que ce n’était pas un petit Ours; mais sans indiquer ses analogies. Comparant cette pièce avec l’analogue des genres de carnassiers vivants , l’auteur établit facilement que le Pterodon ne l essemîjle à aucun des genres monodelplies connus ; mais ses raisons nous paraissent moins concluantes pour les Dasyures ourson et < ynocéphale , surtout pour ce dernier; car les différences signalées dans les deux premiers alinéas de la page 5/t ne sont relatives qu’aux formes de détail , aux caractères spéeificjues , qui ne sauraient être pris en considération pour la détermination des divisions supé- rieures, reposant, au contraire, sur les formes en général et les lonctious de eiiaeune des parties. La conclusion principale est que ce ne peut être un Didelplie , surtout à cause de l’absence des lacunes d’ossification dans le palais. î.e second genre est décrit dans le même fascicule , page 55 , SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/i6. 387 comme appartenant évidemment au genre des Petits- Ours , et sur- tout à une forme très voisine du Plaireau ( Mêles taxiis ) , d’où le nom générique a été tiré. Après avoir fait ressortir par tous les moyens possibles, cjnelquefois même sans raison suffisante , sui- vant nous , et surtout sans une appréciation exacte des éléments de comparaison qui étaient entre les mains du créateur de l’ana- tomie comparée lors de ses diverses publications , l’auteur conclut que le crâne est plutôt celui d’un Blaireau que d’un Didelpbe ; que les dents n’ont aucun rapport avec celles du Pterodon , et qu’elles sont omnivores comme clans les Blaireaux , ayant pour formule : ■ — — — — — dont — — — — p— , c’est-à-dire en haut six molaires , trois avant-molaires , une carnassière et deux tubercu- leuses ou mieux une seule très grande , comme clans les Blaireaux , et en bas trois fausses molaires , une principale , c’est-à-dire en- core une avant-molaire , celle qui précède la carnassière , comme l’avait bien reconnu Cuvier, accusé à tort de n’en avoir pas fait une principale , ce qu’il ne pouvait faire , puisque sa désignation était différente de celle adoptée par M. de Blainville ; enfin les incisives , au nombre de trois seulement, ne peuvent, suivant lui, laisser supposer un animal voisin des Diclelphes. Remarquons que c’était à peu près le même résultat auquel était arrivé d’abord Cuvier, puisque les Blaireaux , les Coatis et les Ratons ne sont , pour M. de Blainville, cj[Lie des espèces du même genre. Il est question du troisième genre [Hyœnodou) clans le même fas- cicule des Siihursus , mais seulement pour dire que X Hyœnodon de M, Dujardin ne peut se rapporter en même temps au Taxothe- riiim ou prétendu Coati et au Pterodon ou prétendu Dasyure , et qu’il est probable cju’il ne ressemble ni à ceux-ci ni à X Hyœnodon leptorynchas , mais que c’est encore une forme animale distincte , de l’ordre des carnassiers moiioclelpbes , du genre des Subursus ou des Canis ^ ce qui ne peut être décidé: singulière bésitation ! C’est, en effet, dans ce genre Canis cjue se trouve placé celui des Hyœnodon avec ses deux espèces , comme en constituant un sous-genre , un groupe d’espèces liyénoïdes , qui ne sont pas peut- être de véritables Chiens (p. 111, Ostéog. des Canis). Disons d’abord que la pièce décrite par ÙIAI. de Laizer et de Parieu ne provient pas du terrain diliwiiun ancien de Gergovia , mais bien des couches lacustres miocènes de calcaire marneux , dont la pièce a conservé encore une partie notalde. D’après l’auteur, X Hyœnodon leptorynchus doit avoir présenté dans le genre Cliien la disposition la plus carnivore, de même que le Megalotis offre 388 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Z|6. la plus omnivore , « toutefois, il faut en convenir, dans une com- binaison de nombre , de forme et de propordon tout à fait parti- culière , et ne pouvant entrer que fort dilïicilenient dans la série des espèces , telle que nous l’avons établie. » De la comparaison du fossile de M. Dujardin, il résulte que c est bien un Hyœnodon d’une nouvelle espèce (/^. hrachriynchiLs) ; mais son rapprochement avec le Taxothcriiim est l)ien plus dou- teux, surtout pour la mandibule. Toutefois on ne peut nier qu’il n’y ait certaines ressemblances entre eux , mais on ne pense pas que les éléments actuellement connus soient suffisants pour décider la question du Taxotlieriiuu . Néanmoins ce ne peut être un genre de Didelpbes, à cause des différences dans le nombre des incisives, dans la forme du palais et du temporal, et dans le rétrécissement post- orbitaire. On voit donc qu’il y a déjà dans l’opinion de M. de Dlainville bien moins de certitude pour la distinction du Taxothcriuni et de X Hyœnodon , et par conséquent du Pterodon , dont il n’est plus question. Il n’est même pas bien certain pour lui que ce soient plutôt des Digitigrades que des Plantigrades, des Suhursus que des Ccinis , et on est obligé d’avouer qu’il faudrait plus d’éléments pour décider cette question. Avant d’établir la facilité de cette solution avec les matériaux que l’on possède , nous devons dire que nous avons exprimé nous- mêine notre opinion sur les rapports de ces divers genres entre eux dans le Bidl. Soc. geof. , 2® série , t. I , et ajouter que nous ne comprenons pas que ÎM. Gervais ait pu dire que le Pterodon res- semblait plus au Dasyure ourson qu’au Dasyure cynocéphale ; car c’est évidemment le contraire aussi bien pour le nombre que pour la forme des diverses parties du système dentaire. (Voy. Patrla ^ zool. ) On a pu déjà reconnaître par ce qui précède que nous voulons établir que les genres Pterodon , Taxotherhun et Hyœnodon repo- sent sur des parties differentes du squelette , ou mieux de la tête d’un même genre d’animaux fossiles, ces parties étant : les arrière- molaires supérieures pour le premier, la portion antérieure de la mâchoire et de la série dentaire pour le second , en y comprenant certains os des membres, parmi lesquels plusieurs ont certainement appartenu à d’autres types {Humérus, par exemple), et enfin la mandibule pour le dernier. En second lieu, ces animaux ne peuvent certainement pas avoir appartenu au genre des Petits -Ours, pas même à celui des Chiens; quelque extension que l’on prête à ces appellations génériques , et quelque élargissement que l’on donne SÉANCE DU 2J DÉCEx^lBKE I8/16. 389 à II caractéristique ilcntaire, ils 11c jicuvcut qu’ctrc placés dans la s.)us-classc des Didclphes , à coté des Tiiylacyiics , qu’ils lient plus iutiiueincnt aux carnassiers monodelphes. Nous ne parlerons ici que de la tête et du système dentaire , parce que e’est de tout le squelette la partie qui fournit les meil- leurs et les plus sûrs éléments de la détermination. La dentition complète du Dasyure fossile se compose de trois incisives aux deux branches, une eanine et sept molaires. Ces dernières sont divisées en trois fausses molaires en haut et quatre en bas, trois carnas- sières de ehaque eoté et une tuhereuleuse seulement en haut. Ce 3 1 7 3 3 1 qui peut se traduire par la formule ^ “H ^ T 3 Ô ’ qui eonviendrait également au Dasyure cynocéphale ou Thyiacync s’il y avait une incisive de plus en haut. Cette différence est une des principales objections que l’on fait pour retirer les fossiles de la classe des Didelphes; mais elle perd toute sa valeur depuis que l’on sait que ce nombre de quatre inci- sives n’est pas constant dans les Didelphes , et que le nombre trois s’y trouve aussi dans un type particulier. Ce nombre et la forme même des ineisives nous sont connus dans le fossile , pour l’inter- maxillaire dans le fragment des pla trières de Paris et dans le Hyœnodon hrachyrynchus , pour la mandibule dans les deux Hyœ~ nodoiitcs. Le nombre des fausses molaires est fourni , pour les deux bran- ehespar le fossile de M. Dujardin , pour la mâchoire par le j alais liguré par Cuvier , et par une pièee de notre colleetion , apparte- nant à ï H. leptorynchus ; dans le Pterodoiy la première est tombée, ce qui réduit le nombre à deux ; pour la mandibule nous les trou- vons dans celle des plàtrières , la première étant aussi perdue , et dans l’exenqilaire de M. Laizer. A première vue, la forme de ces dents, dans les fossiles et dans le Thylacyne, paraît assez différente, mais ces différences restent dans des limites génériques ; car elles ne sont même pas plus grandes entre les deux espèces A' Hyœnodon, qu’entre eeux-ci et le Thylacyne ; elles tiennent simplement aux différences de longueur dans le museau. Ce qu’il importe seule- 3 ment d’établir ici , c’est crue ces dents sont au nombre de - dans k les deux genres , et quelles ne s’éloignent aucunement des formes affectées par cette sorte dans les earnivores didelphes et mono- delphes. En outre , la forme hyénoïde des deux dernières de la mandiliule des Hyœnodon se retrouve dans celle du Taæothci iuni , où de plus la seconde est en crochet semblablement disposé; on SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE I8Z16. 3f>0 peut , en elïet, remarquer que les premières ont leur côté oblique en arrière , et que les deux antres ont ce même côté placé en avant dans les deux prétendus genres , ce qui ne se voit certes pas dans le Blaireau. Les carnassières supérieures nous sont données par le Pterodo/i dans un état remarquable de conservation ; dans V Hfœiiodon brachyrynchns ^ elles sont très mutilées, et plus encore dans une pièce que nous possédons de V Hyœ/iodon leptorynchus. Le Taxo- theriiim nous donne la première et les racines ou alvéoles des deux autres ; car les quatre ou cinq alvéoles pour une dent simple, indiquées par M. de Blainville d’une manière vague et pour ainsi dire fugitive , sont réellement au nond:)re de six, deux antérieures fort serrées pour chaque dent , et une postérieure simple dans des positions et des proportions qui conviennent parfaitement à un système dentaire semblable à celui du Pterodon et nullement à une ou deux tuberculeuses dans la supposition d’un système omni- vore. L’iconographie de l’ouvrage de M. de Blainville a rendu parfaitement cette particularité du TaxotJieriiini. Les carnassières inférieures nous sont connues dans les deux Hyœiiodon , et surtout dans le , par deux sujets différents. Bans toutes ces pièces, il est évident qu’on ne peut donner d’autre signification aux dents que nous considérons comme des carnassières; en effet, non seulement elles en ont la forme, mais elles en remplissent aussi toutes les fonctions ; car les inférieures sont en contact par leur face externe avec la face interne des supérieures, ces deux dents faisant ensemble dans la mastication l’office d’instrument tranchant à deux lames croisées , comme toutes les carnassières , tandis que les tuberculeuses sont en contact par leurs couronnes , et que les avant-molaires s’engrènent entre elles comme des dents de rouages. On ne peut contester par conséquent l’existence de trois carnassières aux deux mâchoires des fossiles; et comme ce nombre n’existe dans aucun carnassier monodelphe , et qu’il se retrouve dans les Dasyures ourson et cynocéphale , dont il fait un des carac- tères les plus remarquables , nous nous croyons en droit de con- clure, sinon l’identité générique, du moins toute l’analogie né- cessaire entre des genres du même ordre, de la même famille. C’est en vain qu’en scrutant les formes de détail , on trouvera que dans le Thylacyne les tubercules de la base postérieure des car- nassières sont plus développés que dans les fossiles , et que les lobes moins ailés y ont aussi quelques particularités différentielles dans leurs proportions relatives ; on ne pourra pas établir que la fonction de ces dents ne soit pas la même dans les vivants et les fossiles , et SÉANCE DU 21 DÉCE3IBilE 18Zl6. 391 que ces combinaisons de nombre et de forme existent ailleurs que dans les mêmes types que nous comparons, et c’est ici, en réalité, que repose toute la question. C’est même un caractère tellement remarquable , que la connaissance d’une seule mâchoire forcerait à priori à admettre que l’opposé renfermait les mêmes éléments, c’est-à-dire que le Pterodon avait trois carnassières à la mandibule , et que V Hyœnodon avait également trois carnassières à son maxillaire , et que dans ces deux prétendus genres les proportions relatives, dans les diamètres antéro-postérieurs de cliacune de ses dents, devaient être semblables; qu’elles de- vaient également croître de la première à la troisième ; ces seules considérations devaient faire reconnaître entre le Pte- rodon et Y Hyœnodon les plus grandes ressemblances ; et , nous ne craignons pas de le dire, raisonner autrement serait absurde, et vouloir faire admettre d’autres principes serait renverser toutes les bases sur lesquelles repose la bonne anatomie comparée , et par conséquent la bonne zoologie. Pour compléter la resseniljlance des fossiles cjue nous rangeons dans le genre Pterodon avec le Thylacyne , il ne resterait plus qu’à établir l’existence derrière les carnassières d’une petite tu- berculeuse plus ou moins transverse au maxillaire seulement. Or, cette dent a existé ; on en a la preuve convaincante dans le crâne figuré par Cuvier, t. III , pl. LXIX , fig. à, par l’existence de son alvéole interne , parfaitement rendue dans le dessin , à la naissance de l’arcade zygomatique du côté gauche. Ce fait établit une particu- larité remarquable dans l’étendue postérieure du maxillaire , qui sert ainsi à former une partie latérale notable de l’arcade , laissant à la face palatine une échancrure profonde entre lui et le palatin. 11 est même facile de reconnaître que l’existence de cette dent et sa place étant ainsi déterminées, il doit y avoir dans l’échantillon de la même planche, lig. 2, derrière les trois racines de la seconde carnas- sière, les trois alvéoles de la troisième, plus séparées, puisque cette dent était plus large , et c’est en effet ce cjui a lieu ; car ces alvéoles , fort bien représentées dans l’iconographie de l’ostéographie , sont aussi indiquées, à l’exception de rantérieure externe, tlansla figure des recherches sur les ossements fossiles. 11 est également facile de voir que la tuberculeuse n’a pas laissé de traces à la place qu’elle occupait dans la lig. k. On trouve donc encore là une preuve que le TrixotJieriiini ne peut être un Blaireau , et que l’intervalle com- pris entre la carnassière conservée et le bord postérieur du maxil- laire était occupé par deux carnassières plus ou moins semlilalsies 39-2 SÉA^CE DU 21 I)ÉCE31iîRE ISAÔ. à celles clii Ptcrodou , et ces dents ne peuvent être aiitie chose que des carnassières dont les racines ont des fornies et des nombres constants et particuliers tels que nous les trouvons dans le fossile. On peut donc conclure de rexanien du système dentaire : 1° que les Ptcl odon , Tdxothcrhuu et Hyœuodou ne constituent pas des genres particuliers , et qu’il est impossible de les placer dans les genres des et des èV////.v, quand même on voudrait les séparer ; 2*^ que le genre auquel ils ont appartenu ofïVe dans sa dentiti(jn les caractères essentiels de deux animaux de l’ancien genre des Dasyures , c’est-à-dire une })lus grande compli- cation dans les nombres de la partie carnassière , de même que les insectivores didelpbes comparés aux monodelpbes présentent une augnientation constante dans la même partie du système , c’est-à-dire dans les màcbelières insectivores. Mais le genre fos- sile se distingue par l’absence d’une quatrième paire d’incisives à l’intermaxillaire. Ildoit donc recevoir un nom liiméen spécial qui permette de le ranger à coté des Tbylacynes dans l’ancien grand genre des Dasyures, où il constituera une forme plus voisine des monodelpbes que le genre précité, qui , comme on le sait, a déjà ses os marsupiaux réduits à des cartilages. Le nom de Taxotha- /////// doit être rejeté comme essentiellement impropre; celui de l’est presejue autant, puisqu’il rappelle un genre cj[ui n’a aucun rapport avec les fossiles, cependant il a la priorité. Le nom de , indiquant la di.sposition si caractéristicjue des trois carnassières , nous semble en tout préférable aux deux autres, et devoir être adopté , en lui donnant une plus grande extension généricjue , ou plutôt une interprétation différente de celle pour laquelle il a été créé. Le genre Pteiodon Pom. (non Blainv.) devra renfermer cjuatre espèces : 1° F. Parisiensis ^ Blainv.; 2“ P. Ciivieii [Taxotherinm ^ Blainv.) , différentes par leurs avant-molaires supérieures , et appartenant toutes deux aux gypses de Paris; 3'’ P. Icptorynclias [Hyœnodon Icjjtoryiidius , Laiz, et Par.) , d’Auvergne; à” P. hra- chyrynchas {Hyœnodon ^ Dujard. ) , du Tarn; ces deux derniers trouvés dans des couches miocènes. On a encore objecté à cette manière de voir l’absence des lacunes d’ossification du palais ; il est bicile de voir que c’est un caractère tout à fait secondaire ; car dans les insectivores monodelpbes , par exemple , ces lacunes existent dans certains genres, MacrosccUs , Erinncciis , et mancpient dans beaucoup d’autres. En second lieu , on ne peut méconnaître que si le rétrécissement post - orbitaire SÉANCi: J3U 21 DÉCEMBRE 18/i6. 393 n'est pas aussi prononcé que tlansle Tliylacyne , il n’en estpas moins évident que le crâne des fossiles est singulièrement réduit des pro- portions qu’il a dans les carnassiers monodelphes, par où il est plus sendjlable aux didelplies ; et enfin , lorsqu’on considère que l’angle de la mâchoire a sou apophyse hien moins saillante à l’interne dans le Dasyure tliylacyne que dans le Dasyure ourson, et que celui-là tient évidemment le milieu entre celui-ci et VHyœ- iiodon (car il est inexact de dire que ce dernier a l’apophyse angu- laire comme les Quiis) , on est en droit de conclure que le Ptcro- don ne i)eut être rejeté, pour ce caractère, de la sous-classe des ])idel})hes , et que tout au plus cette particularité tend à le rap- procher un peu plus des vrais carnivores monodelphes , comme cela a aussi lieu pour la partie incisive de son système dentaire. M. le vice-secrétaire donne lecture d’une note de M. Ghau- hard , ayant pour titre : Observations relatives à la note de 17. Constant Prévost sur les ossements fossiles de Sansan ^ insérée au Bulletin du 2 mars 18/i6, y;. 338 et suiv. • par M. A. Ghauhard. L’autorité d’un géologue aussi célèbre et aussi consciencieux que M. Gonstant Prévost ne pouvant manquer de faire sensation sur les personnes qui ne connaissent pas le bassin de la Garonne , j’ai cru qu’il était de mon devoir de redresser quelques assertions qui, dans sa note sur les ossements fossiles de Sansan , m’ont paru peu exactes. 1” Selon M. Gonstant Prévost , c’est presque toujours près de _la surlace , dans des matières meubles ou peu consistantes , que les fossiles du bassin de la Garonne ont été rencontrés et se ren- contrent tous les jours (p. 339 et3â0 ). Si M. Gonstant Prévost eût dit que dans sa course au travers du bassin de la Garonne , il n’a vu, dans les collections, que des fossiles recueillis dans les terrains meubles et principalement dans les terrains de la grande forma- tion de transport , fort improprement dite diluvium par certains géologues , son assertion serait l’expression de la vérité. Mais M. Constant Prévost parle sans restriction, et là est l’inexactitude. Ge n’est pas seulement dans le terrain meuble de la grande for- mation de transport , composé de gravier , de sable et de marne , et qui a tout recouvert dans le bassin de la Garonne, que se trou- vent les dépouilles fossiles. On en reneontre pour le moins autant et plus même dans les roches du troisième étage de sable et cal- 394 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. Caire qui , de part et d’autre de la Garonne , s’élève à 150 mètres ou environ au-dessus de la mer. Mais ceux-là sont rarement re- cueillis et ne peuvent l’être , parce qu’ils sont engagés dans un calcaire gris tellement dur et compacte , c[u’il supporte le poli gras du marl^re noir. C’est au reste à ce troisième étage de sable et caleaire qu’appartient la sommité même de Sansan , ainsi que celle de toutes les collines du second ordre au S. de la Garonne. Si le sommet de la colline de Sansan a fourni tant d’espèces à la science , c’est parce qu’en cette localité la facilité de les extraire du roclier presque avorté de ce lieu , et surtout le zèle aussi loua- ble cjue rare de M. Lartet, sont venus en aide à la seience. Ce troi- sième étage de sable et calcaire , auquel appartient le sommet de Sansan , est caractérisé dans la contrée par un horizon géognosti- que lacile à saisir et qui fait rarement défaut. C’est un banc de grosses Huîtres, grandes comme la main , connues à l’état vivant sous le nom à' Ostrcn hyppopus ^ et à l’état fossile sous les déno- minations d’O. longirostris, O. crassissima^O.virgi/iea qui n’en sont que des variantes liées entre elles par tous les intermédiaires dési- rables. Ce banc se trouve en place , dans cette contrée, au-dessus de ce troisième étage de sable et calcaire , partout où le cjuatrième ctage est venu le recouvrir. Autrement les Huîtres se rencontrent dans les champs où il est aisé de les trouver , surtout après une }>liiie cpii, en les lavant , leur rend leur blancheur et leur forme. Ainsi , ce n’est pas seulement dans les terrains meubles et à la surface que se trouvent les fossiles du bassin de la Garonne, comme a dû le croire M. Constant Prévost à l’inspection des collections , mais encore et avec plus d’abondance même dans l’intérieur des collines et à 150 mètres au-dessus du niveau de la mer. 2° Selon M. Constant Prévost, il y aurait mélange dans le bassin de la Garonne entre les coquillages marins et les ossements d’ani- maux terrestres. H est aisé de comprendre qu’au voisinage du contact ces deux sortes de dépouilles puissent former un pêle- mêle ; mais ce n’est là qu’un fait local sans conséquence. Partout ces dépouilles terrestres se trouvent dans des bancs distincts et su- perposés à ceux où SC voient les dépouilles de la mer. C’est comme dans le bassin de la Seine où les bancs de calcaire à coquilles ter- restres et d’eau douce se montrent superposés aux bancs de cal- caire à coquilles marines. Quant aux ossements isolés et séparés du reste du squelette , et qui sont ordinairement plus ou moins usés par le frottement , ce n’est pas ceux qui ont été voiturés avec les dépouilles marines qui se montrent ainsi , mais bien ceux qui y sont arrivés avec les graviers et les sables. Ceux qui se trou- SÉANCE DU DÉCEMBRE 18/16. 395 vent dans les gisements de calcaire analogues à celui de Sansan , c’est-à-dire ceux cjui gisent dans les marnes ou dans les calcaires, sont entiej’s , peu séparés du squelette ; mais, on le répète , ceux- là ne pouvant être extraits de la roche dure dans laquelle ils sont engagés, ne figurent point dans les collections, et M. Constant Pré vost , en visitant ces collections , a dû être trompé à cet égard. Je ne saurais terminer ccs observations sans remarquer combien il est à regretter pour la science que des hommes du mérite et de l’autorité de ÛI. Constant Prévost et de M. Dufrénoy n’aient pu parcourir eu détail , dans ce pays classicjue , des terrains dits ter- tiaires , où tout se voit à découvert , où , l’horizontalité des con- ciles n’ayant pas été détruite par les convulsions du globe cjui les ont dérangées partout ailleurs , on peut les suivre avec la plus complète facilité d’uue colline à l’autre , sans jamais les perdre de vue , et les voir former les cinq gradins de sable et calcaire qui composent les hautes collines de ces contrées. Si J\f . Constant Prévost , qui sait si bien voir, et est doué de tant de circouspec- tioii , de zèle et de bonne foi , eût exploré cet intéressant bassin, qui n’a encore été étudié que par ÛL Boué et par celui qui écrit ces lignes , il n’eût pas cherché à expliquer sa formation par sou ingénieux système des affluents d’eau douce. Il aurait vu, comme tout le monde , que dans tous les vallons des grandes rivières et dans tous les vallons latéraux , les angles rentrants et les angles saillants se montrent toujours vis-à-vis l’un de l’autre, et attestent l’intervention d’un courant venant de la mer, et augmentant progressivement de niveau. 11 eût vu que les graviers de la grande formation de transport , c{ui a tout recou- vert , sont pareillement dus à une invasion de la mer ; car par- tout , dans la direction de ces courants , on trouve des amas de ■gravier, tandis que latéralement on ne trouve c^iie des sables et des marnes. Ces graviers appartiennent évidemment aux roches des Pyrénées ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne soient venus de la mer. Le fond de l’Océan, à l’embouchure de la Garonne et sur la côte de Gascogne, n’en contient pas d’autres ; et il ne faut pas s’ima- giner que la Garonne les y ait apportés , car cette rivière , même dans ses plus fortes crues , ne voiture plus que de la vase pendant les 12 derniers myriamètrcs de son cours vers l’Océan. M. Constant Prévost , présent à la séance , répond : 1'^ A la première observation de M. Chaubard : qu’il n’a jamais pensé que les ossements fossiles du bassin de la Garonne 396 SÉANCE DL 21 DÉCEMBRE J8Zl6. se trouvaient exclusivement à la surface du sol et dans les ma- tières meubles ou peu consistantes-, il a dit, au contraire (^Comptes - rendus des séances de V Académie des sciences, 30 juin 1845) : Tous ces animaux , dont les débris ne se ren- contrent (jue très rarement et par hasard à la surface du so! , sont presnue toujours enfouis dans et sous des couches solides de plusieurs mètres dé* épaisseur, etc. Dans le Bulletin de la Société géologi(pie , pag. 342, 345 , séance du 2 mars 1846 , il a donné avec détail la description , et, page 339, la coupe de la colline de Sansan, desquels il ré- sulte évidemment que les ossements sont dans des couches so- lides, épaisses, profondes, dont plusieurs sont à plus de 150 métrés au-dessus du niveau actuel de la mer. 2o A la seconde observation : que non seulement le mélange des animaux terrestres, d’eau douce et marins, est incontestable sur une grande étendue du bassin de la Garonne (les Landes, l’Armagnac, le Condomois), comme il est dit page 340 du Bulletin , mais qu’il est également certain que le centre et le pourtour de l’ancien golfe sous-pyrénéen (département du Gers, rives gauche et droite de la Garonne actuelle jusqu’auprès de l’embouchure du Lot) , sont exclusivement occupés par des formations d’eau douce , tandis que des formations marines ou fluvio-marines remplissent la partie 0. ouverte à la mer. C’est cette disposition qui conduit naturellement M. Constant Prévost à faire à la géologie des terrains tertiaires de la Ga- ronne l’application de la théorie des affluents que depuis long- temps il avait proposée pour expliquer une distribution ana- logue des formations et des fossiles dans les autres bassins, de la France notamment. En effet, de même que dans l’ancien golfe de la Seine, les formations d’eau douce des terrains tertiaires occupent les parties à TE. et au S. de Paris, les formations marines celles à l’O. et au N. , et les formations fluvio-marines ou de mélange le centre -, Que, dans la grande vallée de la Loire , les formations d’eau douce se voient depuis la Haute-Auvergne jusque dans l’Or- léanais, et que, dans la Touraine et au-delà, commencent à se montrer les formations marines de rivage, puis pélagiennes. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|0. 397 De même aussi , dans le grand golfe sous-pyrénéen , tous les dépôts à TE. et au N. d’Agen et d’Auch ne renferment que des fossiles terrestres ou d’eau douce, lorsqu’à l’O. de ces villes, les mêmes fossiles sont associés à des coquilles marines , qui de- viennent de plus en plus abondantes à mesure que l’on approche des rivages actuels de l’Océan. 3*^ A la troisième observation de M. Chauhard ^ M. Constant Prévost répond encore qu’il n’a pas vu dans le bassin de la Garonne (qu’il a cependant étudié autrement que dans les col- lections) des faits qui permettraient d’admettre l’existence constante des cinq gradins de sable et de calcaire que M. Chau- bard croit avoir observés dans l’Agénais-, il lui paraît démontré que cet observateur zélé , mais peut-être trop préoccupé d’idées étrangères à la géologie, a imaginé une hypothèse incom- patible avec les observations les moins contestables , en cher- chant à retrouver ses gradins de l’Agénais dans le sol des envi- rons de Paris, en assimilant, par exemple, les sables à grandes Huîtres des rives gauches de la Garonne au grés de Fontaine- bleau , et le calcaire grossier de Paris à la craie de Caen , de la Sainionge et du Périgord , etc. M. Constant Prévost comprend beaucoup mieux la formation des angles alternativement saillants et rentrants que l’on ob- serve dans beaucoup de vallées , par l’action des eaux fluviatiles- courantes que par l’intervention de courants venant de la mer et augmentant progressivemen t de niveau. Il trouve aussi plus simple et plus rationnel de faire descendre des montagnes environnantes les sédiments, les graviers, les cailloux roulés, ainsi que les ossements des animaux terrestres et d’eau douce qui ont en partie comblé le golfe sous-pyrénéen , que de les faire remonter par des irruptions marines qui auraient tout mêlé et tout confondu. Cela ne veut pas dire que tous ces matériaux , qui constituent aujourd’hui le sol du bassin sous-pyrénéen, aient été apportés par la Garonne actuelle -, mais que l’on peut raisonnablement penser qu’ils ont été charriés par les divers et nombreux cours d’eau qui descendaient de la chaîne des Pyrénées et du grand plateau central de la France lorsque ce bassin était submergé^ ce sont les deltas de ces anciens fleuves , ravinés et découpés 398 SÉANCE DU à JANVIER 18Zl7. au moment de la retraite des eaux qui forment les collines et les vallées que baignent et parcourent la Garonne, TAdour et leurs affluents. Quant aux réflexions générales et particulières que M. Ghau- bard croit de son devoir de faire, sur la manière d’observer des géologues voyageurs , et sur l’avantage qu’il y aurait à n’ajouter croyance qu’aux observateurs sédentaires , M. Constant Prévost laisse k ses confrères présents et l\ venir à en apprécier la valeur et la portée , et il les renvoie aux ouvrages généraux et parti- culiers publiés parM. Ghaubard, tels que sa Notice géologiciue sur les terroins du département de Lot-et-Garonne^ ses Elé- ments de géologie , et enfin son Univei's expliqué par la révéla- ^m//;ilse permet seulement de signaler ti cette occasion le danger auquel on s’expose en cliercbant , avec la meilleure foi du monde , à soumettre les sciences d’observation à des opinions métaphysiques préconçues, et irrévocablement adoptées. Séance du h janvier 1847. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNEÜIL. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le D^' Gh. Flandin , Traité des poisons; in-8o, t. pi', 752 p., 1 pl. Paris, 1846. De la part de M. R.-I. Murcliison, Address.^ etc. (Discours prononcé à la réunion del’Assoc. britanniq. pour l’avancement de la science à Southampton, 10 septembre 1846)^ in-S^^ , 24 p. Londres , 1846. De la part de M. L. Pilla , Jstoria del tremuoto etc. ( Histoire du tremblement de terre qui a dévasté les contrées de la côte de Toscane le 14 août 1846)-, in-8o, 226 p. Pise, 1846. De la part de M. le D^’ Alex.-V. Volborth , Ueber die Rus- SÉANCE DU h JANVIER 18Z|7. 399 siscJicn Sphœronilen (Sur les Sphéroniies de la Russie) ^ in-S^, 38 p.j 2 pl, Saint-Pétersbourg , 18/i6. Comptes-re/iduÿ des séances de Id Ica dé mie des sciences; 18^6, 2e semestre, n»» 25-26. L'Institut; i8Zi6, 677-678. Commission hj'drométrique de Lyon; mars, avril 1846 -, juillet, août 1846. Observations météorologiques faites a Dijon, de mars à aoiit d846, et à Lyon, de mars à juillet 1846. The Athenœiim ; 1846, n^s 1000-1001. The Mining journal; 1846, n"s 592-593. M. de Verneuil fait hommage à la Société, au nom des donateurs, des ouvrages suivants qu’il a rapportés de son voyage en Amérique : De la part du gouverneur de l’Etat de New-York , Natural his- tory of New-York (Histoire naturelle de New-York, avec cartes, planches, coupes, etc., coloriées)^ in-4^. Les onze volumes parus, savoir : Zoologie, par James E. Dekay, 5 vol. ^ — Bo- tanique, par John Torrey, 1 vol.-, — Minéralogie , par Lewis C. Beck,lvol.^ — Géologie (l^r district), par W. Mather, 1 vol. • — Id. (2e district) , par Ebenezer Emmons, 1 vol.^ — Id. (3e district), par Lardner Vaniixem, 1 vol., — hL (4*^ district) , par James Hall, 1 vol. De la part du Sénat des États-Unis , 1° Report , etc. (Rapport de l’expédition exploratrice aux Montagnes Rocheuses en 1842, et dansl’Orégon et la Californie septenlrionaîe en 1843 eil8/i4), par le capit. J.-G. Fremont-, in-8e, 693 p., avec pl. et cartes. Washington, 1845. 2e Report, etc. (Rapport d’une exploration géologique d’une partie de l’Jowa, du Visconsin et de l’Illinois, faite en confor- mité des instructions du secrétaire de la Trésorerie des États- Unis , dans l’automne de l’année 1839), par David Dale Owen -, in-8o, 191 p., cartes et planches. Washington, 1844. 3e Magnetic. and meteorol, observations , etc. (Observations magnétiques et météorologiques faites à Washington par or- donnance du secrétaire de la Marine, en date du 13 août 1838), par lejieut. J.-M. Gilliss, in-8o, 648 p. Washington, 1845. /lOO SEANCE DU h JANVIER 18/|7. Astronomical observations , etc. (Observations astrono- miques faites à l’Observatoire de Washington par ordonnance du secrétaire de la Marine, en date du 13 août 4888), par le lieut. J.-M. Gilliss^ in-8«, 671 p. Washington, 1846. De la part de M. Markoe, 1« First annual report^ etc. (Pre- mier rapport annuel sur la description géologique de l’Etat d’Ohio), parW.-W. Mather^ in-S®, 134 p., 1 pl. Golumbus, 1838. Second anniinl report^ etc. (Second rapport annuel sur la description géologique de l’État d’Ohio), par W.-W. Mather ^ in-8o, 286 p., 15 pl. Golumbus, 1838. 3o Report, etc. (Rapport de la commission des brevets d’in- vention pour l’année 1845) ^ in-8o, 1376 p. 24 février 1846. De la part deM. Emmons, 1® American quarterly journal of agriculture and science , by D‘' E. Emmons and D‘’ A. -J. Prime ; vol. I,n, III, et vol. IV, nol. 2o The New-York , etc. (Rapports géologiques et minéra- logiques concernant l’État de New-York, pour l’année 1837), par Lewis G. Reck. W .-W. Mather, E. Emmons, T. -A. Gonrad et L. Vanhuxem; in-8o, 214 p. Albany, 1840. 3o Coniniunicatious , etc. (Gommunications du gouverneur de l’État de New-York, comprenant les rapports annuels sur la description géologique de cet État, 20 février 1838, 27 fé- vrier 1839, 24 janvier 1840, 17 février 1841)-, 4 vol. in-8o 4*^ The Taconic System (Le système Taconique, basé sur des observations faites dans les États de New-York, de Massa- chussetts, du Maine, de Vermont et de Rhode-Island) ^ in-4^, 67 p., 6 pl. Albany, 1844. De la part de M. Henry D. Rogers, Address y etc. (Discours prononcé à la cinquième réunion de l’Association des géologues et des naturalistes américains, à Washington, en mai 48/i4) ^ in-8o, 101 p. New-York et Londres, 1844. De la part de M. G. T. Jackson, Abstract , etc. (Extr. des procès-verbaux de la sixième réunion annuelle de l’Association des géologues et des naturalistes américains, à New-Haven, avril 1845), in-8o, 87 p. New-Haven, 1845. 2o Report y etc. (Rapport de nomenclature scientifique fait SÉANCE DU l[ JANVIER. d8/l7. /jOl à l’Association des géologues et des naturalistes américains, à New -Haven, mai 18Zi5)- in-8«, 7 p. New-Haven, I8Z16. 30 Report^ etc. (Rapport des deux administrateurs de la Compagnie pour l’exploitation du cuivre du Lac supérieur)*, in-80, 19 p., 5 pl. Boston, 18/i5. On the Copper and, etc. (Sur le cuivre et l’argent de Kewenau Point, Lac supérieur), (extr. de \ American journal of science and arts ^ vol. XLIX, n® 1)* in-S^^, 13 p. De la part de M. Alget, Notices , etc. (Notes sur de nou- veaux gîtes de minéraux rares, et sur l’identité d’espèces suppo- sées distinctes (extr. de \ American journal of sciences and arts') \ in-80, 13 p De la part de M. W. E. Logan, 1® Message de S. E, le G 01 wernenr- général , auec rapports sur une escploration géo- logique de la province du Canada , présenté a la Chambre le 27 janvier Ï^ICq \ in-8^, 156 p., 2 pl. Montréal, 1845. 2® Exploration géologique du Canada. Rapport des progrès faits pendant C année in-80, 119 p. Montréal, 1846. De la part de M. Charles M. Wheailey, Catalogue , etc. (Catalogue des coquilles des États-Unis, avec leurs localités)^ in-80, 35 p. New-York, 1845. De la part de M. James Hall, Notes explanatory, etc. (Notes explicatives d’une coupe de Cleveland (Ohio) à la rivière du Mississipi, dans la direction du S.-O. , avec des remarques sur l’identité des formations de l’Ouest avec celles de New-York)*, in-80, 26 p., 1 pl De la part de M. Augustus A. Gould , Expédition shells^ etc. (Coquilles de l’expédition autour du monde ordonnée par les États-Unis, et commandée par le capit. Charles Wilkes, pen- dant les années 1838-1842) • in-S'^, 24 p. Boston, 1846. De la part de la Société d’histoire naturelle de Boston, Boston journal of natural history ; in-S^, t. I, II, III, IV, 1834-1844, et vol. V, nos 1845. 2o Proceedings of the Boston Society oj natural history ; in-80, vol. I, 1841-1844. De la part du Lyceum de New-York, Annals of the Lyceum of natural histojy of New-York ; nos 5^ 7. Febr. and august 1846. Soc. (jéol.j 2® série, tome IV, ^6 Il02 SÉANCE DU h JANVIER 18/|7. AVIS. Messieurs les membres qui rédigent et adressent des Notes ou Mémoires destinés aux publications de la Société sont in- stamment priés ; j o De ne point placer de dessins de coupes ou autres dans le texte , mais de les réunir dans un cadre du format des planciies du Bulletin ou des Mémoires , suivant qu’ils pen- seront que leur travail pourra être inséré dans l’un ou l’autre de ces recueils \ 2o De réduire les figures à une échelle convenable pour éviter toute réduction ultérieure de la part du graveur, et de tracer toujours cette échelle ^ 30 De choisir autant que possible des échelles métriques en nombre rond , telles que ^ q ^ q , 2^0^ ? 5000 ? 1 0 o 0 0 ? 20000 ? s 0 0 00 ? ^ ptf* • 100000 ? 7 Zio D’indiquer sur les cartes la direction des lignes suivant lesquelles les coupes ont été faites, et de placer le nord vrai en haut^ de marquer au moins un degré de longitude et de latitude-, 5« De marquer par une flèche la direction des cours d’eau s’il y a trop peu d’affluents pour que la direction de ceux-ci l’indique suffisamment -, 60 De placer sous les coupes une horizontale représentant le niveau de la mer, et, à l’extrémité, une échelle verticale pour les altitudes-, celte échelle devra être répétée pour chaque coupe, même si elle était semblable pour toutes. Il est préférable , quand cela est possible , d’avoir la même échelle pour les hauteurs et pour les longueurs^ et quand les hau- teurs sont exagérées , on fait bien d’ajouter au-dessous de la coupe principale une seconde coupe , dans laquelle les hauteurs sont à la même échelle que les longueurs. Celte coupe ne montre plus que la topographie et le résumé de la géologie -, 70 De colorier les cartes lorsqu’il y aura lieu, en prenant pour base la légende de la Carte géologique de France, par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, et de s’y conformer toutes les fois qu’il n’y aura pas de motifs qui s’y opposeront, comme cela peut se présenter dans l’étude très détaillée d’un pays ^ de disposer autant que possible les légendes dans un ordre ana- logue à celui de la légende de cette carte ^ SÉANCE DU à JANVIER 1847. 403 8® D’ajouter toujours aux teintes des lettres et des signes en noiig qui seront reproduits par la gravure^ et pourront, si on le juge à propos, suppléer seuls les teintes elles-mêmes, ou du moins permettre d’en réduire le nombre. Dans le discours, comme dans les dessins, les mots Nord, Sud, Est, Ouest, etc., sont seulement marqués par leurs ini- tiales en gros caractères, N., S., E., 0., etc. Les nominations des diverses Commissions pour l’année 1847, faites par le Conseil dans sa séance du 21 décembre 1846, sont adoptées successivement par la Société. Ces Commissions sont composées de la manière suivante : Commission de comptabilité, chargée de vérifier la. gestion du Trésorier : MM. Rozet, Angelot et Michelin. Commission des archives : MM. Faüyerge, Delafosse et de Wegmann. Commission du Bulletin: MM. Alcide cI’Orbigny, Hugard et Tiiirria. Commission des Mémoires : MM. Angelot , Desh^yes et d’ARCHIAC. On procède ensuite à l’élection du Président pour l’année 1847. Deux bulletins venant de l’étranger, imprimés, mais non signés, sont admis comme valables par le bureau. Il y a 41 membres présents, 97 bulletins cachetés. M. Dufrénoy, ayant obtenu 114 suffrages sur 138, est pro- clamé Président pour l’année 1847. Avant de quitter le fauteuil, M. de Verneuil remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait en le nommant son prési- dent, honneur qu’il a regardé comme le plus grand qu’il pût ambitionner. Il la remercie aussi de la bienveillance qu’elle lui a témoignée, et qui lui a facilité la direction des discussions. La reconnaissance qu’il en conservera toujours lui fera un devoir de contribuer de tout son pouvoir à la prospérité de la Société et à l’avancement de la science. 11 remercie aussi MM. les membres du Bureau du zélé et du talent avec lequel ils l’ont aidé dans sa tâche. hOh SÉANCE DU h JANVIER 18/l7. La Société nomme ensuite successivement : Fice - Pr'ésidents , MM. Delafosse , Michelin , crOMALius d’HALLOY et Graves. ArcJiwiste , M. le marquis de Rovs. Membres du Conseil, MM. de Verneuil, Rozet, Deville, de Wegmann et Constant Prévost. Il résulte de ces nominations que le Bureau et le Conseil se trouvent composés de la manière suivante pour Tannée 18/i7 ; M. Delafosse , M. Michelin , Président. M. Dufrénoy. Vice - présidents. M. d’Omalius d’Halloy, M. Graves. Secrétaires, M. Le Blanc, M. Ch. Martins. Trésorier. M. Damour. Vice-secrétn ires . M. Bayle , M. Hugard. Archiviste. I M. le M‘* DE Roys. Membres du Conseil, M. Angelot, M. IcV^'d’Archiac de S^. -Simon, M. d’Orbigny (Alcide), M. Deshayes, M. DE PiNTEVILLE , M. Virlet d’Aoüst (Th.) , M. Elie de Beaumont, M. Ed. de Verneüil, M. Rozet, M. Deville , M. de Wegmann , M. Constant Prévost. SÉANCE DU 11 JANVIER 18Zl7, 405 Séance du il janvier 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société ; M. l’abbé Fontenaud, professeur au petit séminaire, à Richemont (Charente), présenté par MM. BaugaetCh. Martins. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des Savants ; décembre 1846. De la part de M. Gli. Martins, Voyage botanique le long des côtes septentrionales de la Norvège, depuis Drontheiin jusqu au cap Nord (extr. des Voyages en Scandinavie et au Spitzherg de la corvette la Recherche)^ in-S^’, 138 p. Paris... De la part de M. le D»' E. Sismonda , Descrizione , etc. (Description des poissons et des crustacés fossiles du Piémont)^ 88 p., 3 pl. Turin, 1846. Comptes-rendus des séances de l' Académie des sciences; 1847, Ier semestre, t. XXIV, n^ 1. V Institut; 1847, n^ 679. Annales de U Auvergne ; septembre et octobre 1846. The Athenœum ; 1847, n^ 1002. The Mining journal; 1847, n® 594. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou ; 1846, no 111. Nouveaux Mémoires de la Société impériale des naturalistes de Moscou, t. VIII. M. Dufrénoy remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait , honneur le plus grand qu’un géologue puisse obtenir. Il espère qu’il verra terminer, cette année, le travail si impor- Zi06 SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. tailt commencé par un géologue dont le nom seul est un éloge, et il sera heureux s’il peut y contribuer. Il remercie M. de Verneuil, président sortant, au nom de la Société. Le Président donne lecture de la lettre de MM. les secrétaires- généraux du Congrès scientifique de France, annonçant que sa quinzième session aura lieu à Tours, et s’ouvrira le 1®^’ sep- tembre 1847. M. Martins lit les observations suivantes : Dans la séance du 16 novembre 1846, la Société a entendu la lecture d’une note de M. Studer sur les coins calcaires inter- calés dans les massifs gneissiques de la Jungfrau , du Wetterhorn et de la vallée d’Urbacb , dans le canton de Berne. M. Rozet , d’après des observations qu’il a faites dans les Alpes du Dau- phiné , a émis l’opinion que le massif de la Jungfrau n’était probablement pas formé de gneiss. Pour lever tous les doutes, s’il pouvait s’en élever à cet égard , M. Studer rappelle que tous les géologues qui ont visité les Alpes bernoises depuis de Saussure jusqu’à nos jours, sont unanimes à cet égard; mais pour qu’il n’en reste pas même dans l’esprit de M. Rozet , il envoie cinq échantillons. Le premier est un gneiss à texture granitoide pris dans le fond de la vallée de Lauterbrunn , près de Trachsellauinen , au pied de la Jungfrau. Le second, plus pauvre en quartz, est pris près des chalets de Kufistein , c’est-à-dire au-dessous du premier coin calcaire que M. Studer a étudié , pour la seconde fois l’été dernier , avec MM. Brunner et Martins. Le troisième échantillon est du gneiss , sans quartz apparent , pris au-dessus de ce même coin calcaire , près du glacier du Rotthal. Ainsi , le coin calcaire de la Jungfrau qui est abordable dans le Rotthal , est bien intercalé dans un massif gneissique , comme l’affirmait M. Studer. Le quatrième échantillon provient du Sommet du Wetterhorn, qui est primitif, tandis que la partie moyenne de la montagne est calcaire. C’est un gneiss talqueux où domine le feldspath et où l’on remarque un peu de talc chloriteux. Le cinquième est de la protogyne prise au glacier supérieur de Grindelwald , au-dessous du calcaire. Ainsi donc , au Wetterhorn comine à la Jungfrau , il y a intercalation d’une roche de sédi- SÉANCE DU 11 JANVIER 18A7. 407 meut dans une masse eristallisée, et les faits décrits et figurés par MM. Arnold Esclier (1) et Studer sont parfaitement exacts. M. Rivière demande si une roche composée de feldspath et de mica est par cela un gneiss. M. Martins répond que les géologues suisses, en consi- dérant l’ensemble, ont été conduits à ranger ces roches dans les gneiss , malgré les différences que présentent leurs variétés. M. Rozet dit qu’on fait un véritable abus du mot gneiss -, qu’il peut arriver qu’on ait des gneiss minéralogiquement, sans qu’on doive cependant les ranger parmi les gneiss géolo- giquement. M. Martins fait observer que M. Studer regarde le gneiss comme une roche éruptive intercalée dans les couches jurassi- ques avant leur soulèvement. M. Rozet répond à M. Martins que les échantillons déposés sur le bureau peuvent aussi bien provenir de masses métamor- phiques que de masses ignées proprement dites ^ que dans le terrain anthraxifére des Alpes dauphinoises, on trouve des roches absolument semblables , qui passent à des poudingues et à des schistes argileux -, que ces roches offrent une telle analogie avec celle du Mont-Blanc, que la masse de la Jungfrau pourrait bien être de la même époque que celle de cette montagne , ce qui n’aurait rien d’extraordinaire*, car le système protogynenx a pris un grand développement dans toute la chaîne des Alpes. M. Studer, ajoute-t-il , a grand tort de donner le nom de gneiss à une roche qu’il dit être éruptive : le gneiss n’est point du tout une roche éruptive ^ nulle part on ne le voit s’introduire en filons ou en veines dans les autres roches ni déborder sur elles à la manière des granités et des porphyres. Dans les Vosges, dans la Bourgogne, dans l’Auvergne, dans la Vendée, dans la Bretagne, etc., le gneiss forme un groupe indépen- dant parfaitement développé , le plus ancien de tous les groupes connus, inférieur à tous ceux qui renferment des traces de (1) Erlaueterung der Ansichteii eiuiger Contactverhaeltuisse zwis- chen kristallinischen Feldspathgesteinen und Kalkim Berner über- lande {^Noiivcaiu: j^tlcnioiics de Ui Société Jielvéticjiic des Scic/icf.^ naturelles^ t. III, p. I. — 1839.) /l08 SÉANCE DU 11 JANVIER 18/17. restes organiques, percé par toutes les espèces de roches plu- toniques, et dont les diverses variétés de la roche constituante, imparfaitement stratiformes, ne pénétrent jamais, soit dans les roches inférieures , soit dans les roches supérieures , avec lesquelles elles sont cependant souvent intimement liées. Il faut bien distinguer entre le véritable gneiss , roche dominante du groupe précédent, et les roches gneissiformes , qui sont des roches métamorphiques pouvant appartenir à plusieurs forma- tions, et môme h des formations très récentes. M. Martins regarde l’assimilation du terrain anthraxiférc du Dauphiné avec les gneiss de la Jungfrau et les protogynes du Mont-Blanc, comme complètement arbitraire. Les gneiss et la protogyne de ces montagnes sont dépourvus de fossiles, tandis que le terrain dont parle M. Rozet est caractérisé par la pré- sence des 7)égétaiix propres aux terrains houiliers. Il doute de plus fortement que ce terrain renferme de vrais granités comme ceux de la base de la Jungfrau, et des protogynes comme celles des aiguilles du Mont-Blanc. M. Martins regarde comme égale- ment aventurée et dépourvue de preuves l’assimilation du Mont-Blanc à (a Jungfrau , montagnes qui présentent tant de différences dans leurs éléments constituants. Une semblable proposition ne saurait être énoncée sans une étude préalable de ces groupes si compliqués. De Saussure, après trente ans de voyages, et les géologues qui lui ont succédé, se sont tenus , à cet égard, dans une sage et prudente réserve. M. Boubée regrette qu’on ne s’entende pas, en géologie, sur les noms des roches-, il voit dans les échantillons qu’a pré- sentés M. Martins deux granités et trois protogynes. M. Martins répond que lorsque l’on cherche une désignation générale , le mot gneiss est celui qui convient le mieux, à cause de la disposition en strates et de l’ensemble des caractères mi- néralogiques. Au sujet de l’opinion de M. Studer, queM. Martins a rap- portée , et par laquelle le professeur de Berne tend à admettre l’origine éruptive des gneiss, et pour répondre à une interpel- lation sur la nature géologique de certaines roches dont on présente quelques échantillons, M. Frapolli fait observer que le gisement de plusieurs roches gneissiques dans les Alpes, en SÉANCE DU 11 JANVIER 18/i7. 409 Bretagne, en Allemagne, clans la Scandinavie, lui a paru dé- montrer leur origine neptunienne et Taltération de leurs carac- tères minéralogiques primitifs due à des causes qui ont agi postérieurement à leur dépôts mais qu'il croit absolument impossible de déterminer, d’après des échantillons pris dans un cabinet de minéralogie , si une roche donnée appartient à un système de couches complètement transformées , ou bien à cette partie des sédiments qui, par des circonstances particulières de position , a dû subir une métamorphose locale • si , en un mot, le métamorphisme a été normal ou accidentel; que d’ailleurs, ainsi que l’a fait observer M. le docteur Girard de Berlin, et cela surtout dans le cas du métamorphisme normal, certaines parties des couches ont pris l’aspect de véritables roches granitiques : ce qui fait qu’une collection de roches mé- tamorphiques ne peut être utile que lorsqu’elle accompagne un travail spécial et détaillé sur un pays, et qu’elle est plutôt propre à prouver la difficulté de déterminer les formations à l’aide de caractères autres que les caractères géologiques , qu’à servir de point de départ pour cette détermination. Le nom seul que les roches de ce genre ont reçu doit prouver l’impossi- bilité d’établir leur âge d’après leur aspect minéralogique. M. Martins répond que nulle part dans le voisinage de la Jungfrau, qui a été étudiée par tant de géologues, et dont l’escarpement est de 4,000 mètres, on n’a trouvé de véritable roche éruptive à laquelle on pourrait attribuer le métamor- phisme par contact de la roche gneissique qui constitue le massif de la montagne. Les roches éruptives incontestables les plus voisines sont les granités de Baveno, sur les bords du lac Majeur, en Italie. Les schiste de la Nufenen , qui renferment des grenats, des staurotites et des bélemnites, prouvent que le voisinage d’une roche métamorphisante n’est pas la condition nécessaire du métamorphisme. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : ^ote sur les variations de nature que présentent les roches pyrogènes , par M. J. Durocher. Bans les traités et dans les cours de géologie , on décrit les roches pyrogènes comme formant des espèces bien distinctes qui se rat- MO SÉANCE DU il JANVIER 1847. tachent à l’une des deux grandes classes des roches platoniques et volcaniques ; cette classification , qui est vraie en général , n’a ce- pendant pas urie valeur absolue , et la nature nous ofire de cu- rieux exemples de métamorphoses des roches , de leur passage réciproque , de façon que la même masse minérale , considérée dans des parties très voisines , appartient tantôt à une espèce , tantôt à une autre , et doit souvent même être classée dans un cas comme roche plutonique et dans l’autre comme roche volca- nique. Je vais citer des exemples que j’ai eu l’occasion d’observer. Les diorites de la Bretagne se transforment dans la rade de Brest en une roche composée en majeure partie de feuillets de mica ( le kersanton ) ; dans les Côtes-du-Nord et la Loire-Infé- rieure , ils passent à une roche diallagique et serpentine use ; ailleurs, en Bretagne , ils passent à la syénite. Les diorites ne sont pas toujours complètement dépourvus de quartz et quelquefois ils offrent même les caractères du porphyre quartzifère et du pétro- silex , comme je l’ai remarqué sur les bords de la Mayenne, entre Laval et Châteaii-Gontier. L’ophite des Pyrénées, qui est aussi une roche amphibolique analogue au diorite , mais plus moderne que ne le sont en général les diorites , prend quelquefois , dans la partie orientale des Pyrénées , l’apparence d’une roche volcanique ; il en est de même de la lherzolite , qui ofire de grandes variétés de na- ture et d’aspect , et qui se montre même , en certains endroits , sous forme d’une pierre-ponce blanchâtre , semblable à celle des volcans. Dans la Scandinavie , on a bien des faits analogues ; le diorite y passe quelquefois à l’euphotide ; souvent il contient, ainsi que la serpentine , une forte proportion de fer oxydulé , et on le voit même se transformer en une masse de minerai magnétique. Le granité passe fréquemment à la syénite , et celle-ci se charge de grenats , de diallage et d’hypersthène , et forme alors des syénites diallagiques et hypersthéniques. En beaucoup d’endroits, en Nor- vège, on observe de semblables variations de nature, mais l’exem- ple de métamorphose le plus curieux nous est ofiert par une autre espèce de granité qui est plus moderne et qui forme une masse considérable dans la partie méridionale de la Norvège. Ce granité passe d’abord à une syénite à très grands éléments et forme alors cette superbe roche, célèbre par ses zircons et par l’énorme quan- tité de minéraux rares qui s’y trouvent ; elle est encore aujour- d’hui le gîte le plus fécond de nouveaux minéraux (1). Ensuite (1) Voici les principaux minéraux que l’on a trouVés dans la syénite SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 411 cette syénite passe au porphyre rhombique de M. de Buch , qui renferme de grandes lames d’orthose et des cristaux allongés , hémitropes , d’une espèce feldspathique appartenant au système cristallin de l’albite ; ce porphyre devient lui-même , sur la côte occidentale du golfe de Christiania , une roche augitique , criblée de superbes cristaux noirs de pyroxène , offrant l’apparence et la structure du basalte, à tel point qu’elle a été citée comme ba- salte par d’aussi habiles géologues que MM. de Buch etNauman; la ressemblance est telle que l’on trouve même du péridot dans ce porphyre augitique (environs de Skien). On en trouve aussi dans la syénite d’Elfdaten en Suède , qui paraît correspondre à la syé- nite zirconienne des environs de Christiania ; il est à noter que celle-ci renferme plusieurs minéraux qui ne se trouvent ailleurs que dans des roches volcaniques. Une même masse minérale offre donc dans les mêmes lieux quatre types fort différents, le granité, la syénite ou zircon, le porphyre feldspathique et le porphyre augitique ; et l’on a en Norvège le singulier spectacle d’une roche semblable au basalte , associée non aux terrains tertiaires ou se- condaires , mais aux terrains de transition , contraste non moins * frappant que celui d’une roche granitique associée, en Italie, aux terrains tertiaires. Ces variations de nature ne sont pas aussi extraordinaires qu’elles le paraissent ; en effet , toutes les roches pyrogènes contiennent les mêmes éléments ; de la silice , de ralumine , des alcalis , de la chaux, de la magnésie et de l’oxyde de fer. Les roches granitiques sont les plus riches en silice et en alumine , les plus pauvres en chaux , en magnésie et en oxyde de fer. Dans un même granité , et surtout d’un granité à un autre , les proportions de ces éléments varient un peu , comme je l’ai fait voir dans un Mémoire précé- dent (1) ; tantôt il y a une plus grande richesse en silice , tantôt en alumine, ou en bases à un atome d’oxygène. Quand un granité perd son mica pour devenir amphibolique et passer à la syénite , c’est alors la proportion de chaux et de protoxyde de fer qui augmente , en même temps c|ue la proportion d’alumine et d’al- cali diminue. Les passages des roches amphiboliques aux roches zirconienne : le zircon, le sphène , le fer titané, la thorite , la chaux fluatée, l’analcime, l’amphigène, la néphéline, l’éléolite, la mésotype, la stilbite , la sodalite , cancrinite, praséolite , mosandrite, esmarekite , wohlérite, polymignite , pyrochlore, glaucolite, leiicophane et égyrène. (l) Comptes-rendus des scu/ices de V Aeiidcniie des sciences ^ séance du 28 avril 1815. SÉANCE DU 11 JANVIER 18/i7. m pyroxéniques , diallaglques et liypersthéniques , sont faciles à con- cevoir, du moins quant à ce qui concerne leur composition élé- mentaire , car il y a des différences peu considérables entre ces diverses roches : celles à base d’amphibole sont plus riches en si- lice et en alumine; celles à base de pyroxène, en chaux et en oxyde de fer ; celles à base de diallage et d’hypersthène , en chaux et surtout en magnésie. Les roches amphiboliques étant celles où il y a le plus de silice, et souvent trop pour qu’elle soit combinée en totalité , forment pour ainsi dire la transition des roches où il y a beaucoup de silice à l’état libre , des granités aux roches py- roxéniques , diallagiques et hypersthéniques, où toute la silice se trouve combinée avec les bases et à un état plus voisin de la satu- ration. Quant à l’exemple cité tout à l’heure , où une même masse se montre sous forme de granité , de syénite et de porphyre pyroxé- nique , il devient plus facile à concevoir , lorsqu’on sait que le granité en question , qni est postérieur au terrain silurien de la Norvège , et que la syénite zirconienne, à laquelle il passe très fré- quemment et d’une manière in.sensible , sont caractérisés par la faible quantité de quartz qui s’y trouve à l’état libre , et par la prédominance du feldspath orthose en très grandes lames , qui lorme plus des deux tiers et souvent plus des trois cjuarts de la masse. Par leur pauvreté en silice, ce granité et cette syénite ten- dent donc à se rapprocher des roches pyrogènes plus modernes , et l’on conçoit que dans certaines parties de la masse la chaux et l’oxyde de fer se soient trouvés en plus grande abondance , et aient saturé la silice de manière à produire des cristaux de py- roxène et à prendre les caractères d’une roche basaltique. M. le Vice-secrétaire donne lecture d'une lettre de M. Ay- mard , et dont voici le résumé : Résumé (F une lettre de M, Aymard sur les ossements humains fossiles des environs du Puy, et sur de nouvelles espèces de Mastodontes . Dans une lettre , communiquée à la Société géologique dans sa séance du 19 janvier, M. Eravard conteste l’authenticité d’une dé- couverte d’ossements humains fossiles, que M. Aymard avait pré- cédemment annoncée à la Société (séance du 2 décembre 18/iù) : « Ces squelettes humains ont été fabriqués, dit lAf. Eravard , par SKANCE DU 11 JANVIER 18/i7. AÏS un adroit industriel qu’on a pris en ila^p'ant délit de i’alnication d’un troisième j)loc. » Etranger au pays où ees ossements ont été trouvés, il est pos- sible que M. Bravard ait entendu dire que des imitations plus ou moins grossières de fossiles aient été fabriquées ; mais d n’en ré- sulte pas que le premier bloc , celui du musée du Puy, ne soit pas authentique ; or, le faciès de ce bloc et ses caractères excluent toute idée de falsification , comme Font reconnu MM. Lecoq et Croizet à la séance du 6 août de l’Académie de Clermont-Fer- rand (1). Cet échantillon présente des assises régulières de cendres argiloïdes et de brèches volcaniques semblables à celles du gisement d’où il provient. Seulement M. Croizet a supposé que ces ossements n’étaient pas contemporains de la brèche, et qu’ils pouvaient provenir d’une fente ou crevasse de rocher. Cette opinion ne peut être admise parce que les ossements proviennent d’une couche horizontale et régulière de cendres , recouvertes d’un puissant massif de brèches. « On a renouvelé les fouilles depuis la première découverte , afin de bien constater la régularité des strates ; l’une d’elles a produit un os métatarsien humain que je possède. » Considérant ce fait comme acquis désormais à la science , M. Aymard entre dans quelques considérations sur l’époque pro- bable de l’enfouissement de ces dépouilles humaines. La Denise est sans contredit l’un des volcans les moins anciens du Velay, comme l’attestent la fraîcheur et la netteté des arêtes des matières scorifiées qui en sont sorties, et comme l’établit encore bien mieux la considération suivante. En efïet , les brèches argiloïdes à osse- ments humains , résultat d’éruptions boueuses à travers un puis- sant massif de brèches plus anciennes et d’alluvions ( sables et cailloux roulés), sont descendues des parties supérieures jusqu’à une assez grande profondeur dans le vallon de la Borne, et là le cours d’eau n’a pas sensiblement abaissé ni élargi son lit depuis ces dernières éruptions ; tandis que les érosions dans les argiles , cal- caires et basaltes, pendant la période pliocène , sont attestées par des lits de cailloux roulés sur les versants et les plateaux supérieurs. Au N.-E. de la montagne , dans le bassin de Polignac , où les sables et cailloux roulés attestent la même origine , on retrouve les cendres argiloïdes et les brèches, descendues du sommet jus- qu’au fond du vallon , et dans lesquelles l’auteur a reconnu les (1) Tabkttes historiques d' Awergne^ par M. Bouillet. hlh SÉANCE pu 11 JANVIER 18/l7. lépouilles tle diverses espèces des genres éléphant, mastodonte? (1) , rhinocéros , cheval , cerf et bœuf. B’iin autre coté , on trouve dans des sables , près de Polignac, des empreintes végétales, qui signalent une température semljlable à celle des temps actuels ; ce sont des feuilles d’ormeau , de frêne, de platane , de peuplier , de chêne , etc. , dont les analogues vivent encore dans le pays ; il en est de même pour les mollusques de ces terrains: Clniisilie parvule ^ Ancyle pluviatile ^ Cyclade àes fontaines et diverses Lymnés. « Non seulement les conditions cli- matériques sembleraient avoir été pareilles à celles dans lesquelles le bassin du Puy est placé aujourd’hui , mais aussi les tempéra- tures devaient être réglées dans les mêmes rapports cju’elles le sont maintenant pour les différents points des régions centrales de la France. Ainsi , aux environs de Privas , M. Aymard a aussi récolté des végétaux (par exemple Castaneci luilgarfs) et des mollusques {Cyclostoma elegans) , qui n’existent dans le Yelay ni vivants , ni fossiles , tandis cju’ils caractérisent les flores et faunes vivantes et souterraines de l’Ardèche. » C’est évidemment une confirmation des déductions de l’illustre Cuvier sur les climats des contrées habitées par les grands Pachy- dermes des terrains meubles qui « vivaient dans les lieux mêmes où ils ont été enterrés , sans que ces lieux aient éprouvé de grands changements dans leur température. » Si de toutes ces eonsidérations on ne peut rigoureusement con- clm’e que l’apparition des sociétés humaines dans nos contrées , a précédé la disparition des espèces éteintes , on conviendra au moins que l’homme habitait le Velay lors des dernières éruptions volcaniques , à une époque rapprochée de celle où avaient vécu' ces animaux, puisque leurs dépouilles se trouvent également dans les moins anciennes émissions volcaniques, M. Aymard signale ensuite un Mastodonte surpassant de 1/3 le Mastodon inaximus de FGhio , d’après un quatrième métatarsien, long de 0,255, large en haut de 0,110 , en bas de 0,1 Z^5 , et ayant 0,095 dans son moindre diamètre. Il propose pour cette espèee le nom de Mastodon vellaviis. Un métacarpien de l’annulaire long de 0,152 , large de 0,072 en haut, 0,080 en bas , et 0,052 au milieu; deux arrières-mo- (1) J’emploie le signe de doute par ce que les déterminations repo- sent sur des os du pied , qui ont de l’analogie avec ceux de l'Éléphant, et qu’on a nié le synchronisme de ces deux genres. {Note de Vaiitenr.) SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 415 laires à huit pointes, longues de 0,167 et larges de 0,096, à mame- lons comme dans celui de FOliio , indiquent une autre espèce , probablement la même que M. Bravard a signalée, peut-être à tort, comme ayant aux deux mâchoires une arrière-molaire à dix pointes précédée d’une molaire à six pointes; car Fauteur pense que cette formule aurait été déduite d’une arrière-molaire infé- rieure entière , et seulement d’une portion de mâcbelière supé- rieure. Un troisième Mastodonte , plus petit de 1/3 que le précédent , caractérisé par un métatarsien long de 0,095 , large de 0,060 en haut , et 0,070 en bas , au milieu de 0,049 , et par des molaires larges de 0,074, à collines comme dans celui de l’Ohio ; il devra se nommer Mnstodon Vialetii. Dans la même localité de Vialette , et dans un terrain alluvio- volcanique , d’où proviennent ces Mastodontes, on trouve aussi le M. angustidens. Enfin , on a trouvé près du Puy deux ou trois autres Probosci^ diens , du genre Eléphant , caractérisés par des dift’érences très no- tables de grandeur. L’une provient de Sainzelles , près Polignac , et se trouve avec des Hyènes , grands Tigres , Chiens , Hippopo- tames , Rhinocéros , Chevaux , Cerfs , Antilopes et Bœufs. C’est la première fois que les Felis et Canis ont été signalés dans les ossuaires du Velay ; ils y sont accompagnés de beaucoup d’os ron- gés et lacérés. M. Pomel dit qu’il a bien réellement été façonné un bloc renfermant des ossements humains , et qu’un troisième était même commencé lorsqu’on a surpris le contrefacteur en flagrant délit-, que c’est le même industriel qui a vendu le premier bloc au musée du Puy, et, ce qu’il y a de plus concluant, une autre personne €u Puy, marchand d’histoire naturelle, prétend en avoir suggéré l’idée et y avoir même travaillé. Je crois, dit-il, qu’au milieu de ces diverses circonstances, il est peu prudent de conclure sur un pareil fait. Cependant il en devra être autrement, si le métatarsien trouvé par M. Aymard était réellement en place et ne provenait pas des déblais antérieurs. Du reste, dans une communication faite en 1843 à la Société, il a signalé des faits qui semblaient devoir constater l’existence de l’homme aux dernières époques géologiques, mais non en même temps que les Mastodontes, comme le disait M. Aymard dans sa première communication. SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 416 Il ne pense pas que les végétaux fossiles signalés par M. Ay- inard puissent indiquer pour cette époque un climat semblable à celui de nos jours ^ car le Platane est étranger à l’Europe oc- cidentale , et les autres espèces s’étendent sur une grande lon- gueur en latitude. Il a, au contraire, signalé des animaux qui attestent par leur présence un climat plus rigoureux qu’à l’époque actuelle. Il termine en disant que les différences métriques , quelque- fois suffisantes dans les petites espèces pour la distinction spé- cifique, ne peuvent nullement servir pour les grands animaux, dont les ossements augmentent en volume et en longueur même après que leurs épiphyses sont soudées à la diaphyse, et cette remarque doit plus spécialement encore s’appliquer aux os du carpe et du métacarpe, du tarse et du métatarse, et des phalanges. Il pense qu’il pourrait bien n’y avoir qu’une espèce dans les trois premières espèces de Mastodontes signalées par M. Aymard. M. Frapolli présente les observations suivantes à propos de la Notice sur le phénomène erratique du Nord comparé à celui des ^//;ej,par M. Desor (voy. p. 182 de ce volume). Je me permettrai de prendre note de ce que vient de dire M. Desor sur le soulèvement lent de la Scandinavie , qui est en relation intime avec la production des stries et sillons que l’on observe dans ces pays. Ce phénomène , qui , dans le Danemarck, sur les côtes de Norvège et dans la partie méridionale de la Suède, n’a rien de commun ni avec l’existence bien avérée de courants géologiques , ni avec l’existence de glaciers très étendus , qu’on ne peut admettre qu’en faisant abstraction de tout ce que nous ap- prend l’étude de la croûte terrestre , est du à des causes dont l’ac- tion se continue encore de nos jours , causes que des savants anglais et américains ont déjà indiquées , et que M. Forcbliammer a, le premier, bien établies par un Mémoire qu’on peut lire dans la quatrième division des Annales de Poggendorff ^ pour 1843. Je n’entends pas nier par ces observations l’influence de masses énor- mes de boue , de sable et de galets balayant le sol avec une grande rapidité , et qui ont pu , je le conçois , exercer sur les roches une action polissante et même de burinage ; ce fait a pu avoir lieu , lui aussi , sur plusieurs points ; je ne sais si c’est à de pareils agents que l’on doit attribuer les stries que l’on rencontre dans des massifs de montagnes plus méridionaux , et que je n’ai pas étudiées SÉANCE DU il JANVIER l8/l7. 417 SOUS ce })oliît (le vue ; peut-être même existe-t-il des traces de leur action dans un seul et même pays à côté des phénomènes que je vais exposer. Je veux seiüement appeler l’attention de la Société sur cette immense quantité de glaçons armés de blocs et de galets qui , poussés par les vagues et par les vents pendant les tempêtes habituelles de l’hiver et du printemps , viennent frapper les côtes, ou se traînent lourdement dans les canaux , sur les bas-fonds et les écueils qui sont près du niveau de la mer (1). Le mouvement imprimé à ces glaces flottantes doit polir les roches soumises à leur action et doit produire des stries , dont l’aspect et la disposition seront en rapport avec les lois générales du mouvement des eaux, avec l’action des vents dominants et avec le relief des côtes. M. Forclihammer a démontré qu’il en était ainsi pour le Dane- mark et la Suède méridionale ; de mon côté , et sans avoir connu le mémoire de M. Forclihammer, je suis arrivé aux mêmes résul- tats que lui par l’observation d’une partie du littoral de la Norvège et par celle des côtes et de l’intérieur du midi de la Suède. M. Weibye , jeune minéralogiste de Kragero , a fait une carte qui présente , avec un grand détail , la topographie des parties qui avoisinent la mer dans le Bradsbergsamt et que j’aurai l’honneur de présenter à la Société ; cette carte sur lacjuelle , à l’appui d’une opinion qui n’est pas la nôtre, M. Weibye vient de tracer, avec la plus grande exactitude, les directions des stries et des sillons, prouve jusqu’à l’évidence cette loi générale : Que les stries et les sillons des siirfaees horizontales ou presque horizontales , ont une direction toujours perpendiculaire aux côtes générales dans les haies ouvertes , toujours parallèle èi V allure des canaux dans les fiords étroits. Que l' horizontalité ou le plus ou moins d'inclinaison des stries sur les surfaces inclinées ou verticales , dépend du relief des eôtes de la localité , et est toujours en rapport arec ce relief et cwec Vaction des dijférents vents. (l) C’est un fait très connu que, pendant ces longs hivers du Nord , les côtes de la Scandinavie sont enveloppées d’une couche épaisse de glaces qui enclavent et entraînent avec elles, au dégel, les blocs et les galets de la plage ; ces blocs et ces galets formant comme une espèce de cuirasse au-dessous des glaces flottantes, sont transportés au loin. La seule portion des côtes de la Norvège qui subit directement les effets du gulf-stream est exempte en partie de ce phénomène. La formation des glaces se borne là à l’intérieur des fiords , et ce n’est que dans des saisons tout à fait exceptionnelles que la mer gèle; mais la diminution dans le poids et le nombre des glaçons est remplacée là par la plus grande agitation des eaux et par les marées beaucoup plus considé- rables. Soc. géol. , série , tome IV. â7 SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 418 ' 'Les observations , quoique rapides, qu’il m’a été donné de faire dans l’intérieur des terres , m’ont fourni ce même résultat , savoir qu’on trouve la confirmation des lois indiquées , toutes les fois qu’on rapproche le phénomène de striage de l’élévation graduelle du sol dans cette partie du continent, élévation prouvée par les observations de plusieurs savants , et en premier lieu par les re- cherches de MM. Alexandre Brongniart, Keilhauet Forchhammer; toutes les fois qu’on met en rapport la direction et l’inclinaison des stries et des sillons avec la section horizontale du sol, à la hau- teur de ces mêmes stries , ou , en d’autres mots , avec l’ensemble de la disposition des côtes au moment où ces stries étaient près du liiveau de la mer. Or, la perpendicularité aux côtes générales des stries des surfaces supérieures , est le résultat de la loi bien connue du mouvement des vagues dans une mer ouverte ; taudis que le parallélisme que les stries , au fond des vallées , ont avec l’allure de ces dernières , est en relation avec l’effet de ce même mouve- ment qui produit des courants dans les canaux étroits qui séparent les récifs et dans les fiords qui se dirigent vers la côte , et avec l’ac- tion des vents qui poussent les glaçons dans une direction déter- minée ici par le rivage des détroits. La répétition des faits qui viennent à l’appui de ces assertions est tellement fréquente , leur évidence est telle , que tous ceux à qui j’ai eu occasion de montrer ce phénomène sur le terrain , et qui jusqu’alors n’avaient songé qu’à la possibilité des actions des courants diluviens ( car il faut le dire , presque personne , parmi les savants du Nord , n’a adopté l’hypothèse des glaciers universels ) , que tous en ont été frappés , étonnés qu’ils étaient de n’avoir pas aperçu jusqu’alors une chose aussi simple et aussi claire. Parmi les personnes qui ont été ainsi amenées à changer subitement d’opinion , je ne ferai mention que des suivantes qui m’ont autorisé à les nommer, ce sont : M. Erd- man, à qui l’on doit les grandes Cartes géologiques, encore inédites, de la Suède, et M. de Waltershausen, l’auteur de l’ouvrage gigan- tesque sur l’Etna, et promoteur et membre de la dernière expédi- tion danoise d’Islande, avec lequel j’ai parcouru la côte occiden- tale de la Suède. Ainsi , la disposition des stries et sillons dans le N. est en oppo- sition directe avec toute idée qui puisse se rattacher aux théories glaciaires ou des courants. Leur production est un phénomène simple , naturel , dont la cause saute facilement , et avec la der- nière évidence , aux yeux de quiconque , sans une idée arrêtée , se donne la peine de vérifier les lieux et de rapprocher ce fait des conditions générales du pays. C’est un phénomène du jour qui a SÉANCE DU j/l JANVIER lSk7 . hl9 lien tous les hivers et tous les prliitenips, qui a lieu pai l’action des glaces coinljinées et des blocs qu’elles renferment , mais tout liomiement par l’action des glaces actuelles que les vagues mettent en mouvement , non par celle des glaciers imaginaires auxquels on prête des forces surnaturelles pour se traîner sur des surfaces horizontales. ]>Iais de ce qu’il se forme des stries actuellement et de ce que nous n’avons des traces du soulèvement lent de la Suède que pour notre époque , il n’est pas nécessaire d’admettre qu’il ne s’est formé des stries que pendant cette période. Le soulèvement zonaire lent et les abaissements qui s’ensuivent ne sont pas des phénomènes locaux , ni bornés à notre temps , c’est l’état normal pendant toutes les périodes de tranquillité ; or , tout nous prouve que pendant les périodes où se sont déposés les derniers terrains meubles , les climats de ces contrées ont été aussi froids et même plus froids qu’aujourd’liui. Songeons donc à ces deux faits ^ et nous verrons que des stries à de grandes hauteurs , tout aussi bien que des stries au-dessous du niveau actuel des mers, peuvent exister sans que pour cela la théorie de M. Forchhammer en soit affaiblie le moins du monde ; ces stries ne sont pas formées pendant l’épo- que actuelle. Si l’action striante des courants géologiques sur les roches de certains pays est bien constatée , ce que je n’ai pas encore eu le loisir d’examiner par moi-même, il en résulterait de ce que je viens de dire, l’existence de stries de deux origines différentes , de stries continentales et de stries littorales. Quant à la production des stries par l’action des glaciers démesurés, elle est en désaccord , je dois le répéter, avec tout ce que j’ai jamais pu observer en géologie. Du reste , la discussion sur le pliénomène de polissage et des cannelures qui u’est qu’une partie minime de cette science, ne pourra conduire à quelque résultat satisfaisant qu’autant qu’on les mettra en rap- port avec les mouvements nécessaires et successifs de la croûte du gloije , avec la dispersion des blocs erratiques qui y est étroite- ment liée et avec tout ce que nous enseigne l’étude des terrains meuliles. Comment discuter si les dépôts diluviens sont des mo- raines ou des sédiments dus à l’inondation , lorsqu’on voit encore conrondre généralement en un seul magma des dépôts souvent dénudés qui n’ont rien de commun entre eux , dont les uns sont marins, les autres terrestres, qui portent l’empreinte de causes violentes ou de sédiments tranquilles, qui diffèrent par leur âge, par leurs matériaux composants, par la direction de laquelle ils sont arrivés? Lorsqu’on voit encore confondre les blocs erratiques ei le limon (lehm de l’Allemagne) avec le diluvium de galets SÉANCE DU 11 JANVIER 18/l7. AâO Scandinaves et avec les dépôts meubles inférieurs et supérieurs? C’est à regret que je me vois forcé de m’arrêter , tout détail ulté- rieur serait ici déplacé ; on pourra mieux apprécier, j’espère, les faits et les arguments dans un travail d’ensemble qui résumera le fruit des explorations que j’ai poursuivies pendant près de deux années, sur les terrains meubles de rAllemagne du nord et de la Scandinavie , travail appuyé sur des levées trigonométriques et sur lequel j’aurai prochainement à implorer l’indulgence de la Société. M. Desor fait observer que la vague agit toujours perpen- diculairement au rivage, tandis que dans le fiord de Christiania les stries sont longitudinales. M. Frapolli prie M. Desor de se rappeler qu’il vient positi- vement de dire que les stries sont parallèles aux canaux. Du reste, il ne pense pas que personne veuille regarder le fiord de Christiania comme une mer ouverte. M. Martins constate que la nouvelle théorie suppose implici- tement : Que la Scandinavie a été immergée jusqu’à la hauteur de l,?i00 mètres, car on a observé des roches polies et striées jusqu’à cette hauteur j 2o Elle devra expliquer pourquoi cette mer, qui a formé un dépôt argileux coquillier jusqu’à la hauteur de 240 mètres , n’a laissé aucune trace de son séjour au-dessus de celte hauteur- 3^ Elle aura à démontrer que les stries formées par des glaces flottantes poussées sur les rivages sont semblables en tout point à celles qui sont gravées par les glaciers actuels • car il n’y a point de différence entre celles-ci et les stries des rivages et des montagnes de la Scandinavie ; 4° La nouvelle théorie présentera sans doute aussi une ex- plication simple et facile de ce fait sans exception du Cap-Nord jusqu’à Christiania, savoir que dans tous les rochers du rivage, le côté arrondi , poli et strié , est tourné vers F intérieur des terres, tandis que le côté escarpé, anguleux et non strié, re- garde la mer. Ce serait, ce me semble, le contraire, si la nou- velle explication était la véritable. Aux rétrécissements des hautes vallées de la Suède et de la Norvège, les stries sont redressées (V amont en aval, comme SEAISCE DU 11 JAiNVlEU 18/|7. 421 elles le sont dans les mômes circonstances sur les bords des glaciers actuels. D’après la nouvelle hypothèse^ ces stries de- vraient être inclinées précisément en sens contraire, puisque les glaçons auraient été poussés , dans les vallées , d’aval en amont. C’est encore une dilliculté dont nous attendons la solution. M. Martins fait enfin remarquer que celle explication est la troisième que proposent les partisans de l’action des eaux. D’abord ils admettaient, avec M. Sefstroem, un seul cou- rant, dont M. Durocher faisait remonter la source jusqu’au Spitzberg. Puis, renonçant à un courant unique, M. Durocher en a supposé plusieurs divergeant à partir de la chaîne Scan- dinave. Voici enfin une troisième théorie. L’eau est toujours l’agent principal , mais ce ne sont plus des courants , c’est la mer qui a arrondi et strié tous les rochers. Après avoir épuisé toutes les combinaisons dans lesquelles les phénomènes erratiques sont attribués à l’action de l’eau, on reconnaîtra probablement que la supposition d’une ancienne extension des glaciers rend compte des phénomènes erratiques de la Scandinavie d’une manière aussi satisfaisante qu’elle ex- plique ceux des Alpes, des Pyrénées, des Vosges et des mon- tagnes de l’Ecosse. M. Frapolli répond que les dépôts à fossiles n’appartiennent qu’à l’époque actuelle, tandis qu’il s’est fait des stries pendant le cours de plus d’une des dernières époques. M. Rozet fait observer que ce qu’a dit M. Desor s’accorde avec l’explication qu’il a donnée dans les séances de la Société à Avallon. M. Grange, revenant sur la communication de M. Desor, fait observer que dans un grand nombre de cas les glaciers descendent dans la mer • il rappelle qu’il a fait voir {Bulletin de la Société, 2^ série, t. III, p. 280) que les plus grandes accumulations de glaces avaient lieu dans les endroits où la température oscille autour de zéro. M. Martins croit qu’effectivement les glaciers peuvent des- cendre au-dessous de la mer ^ mais ce ne serait qu’à la condi- tion que la température de la mer fût constamment au-dessous de zéro. SÉANCE DU 18 JANVIER 18/l7. Séance du 18 janvier 1817. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance , le Président proclame membres de la Société : MM. Axel Erdman , membre de l’Académie des sciences de Stock- holm , à Stockholm (Suède), présenté par MM. Frapolii ei Angelot -, Th. ScHEERER, professeur de métallurgie, à Christiania (Norvège) , présenté par MM. Frapolii et Angelot. M. le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. L. de Koninck , Notice sur deux espèces de Brachiopodes du terrain paléozoïque de la Chine (extrait des Bull, de CAcad, royale de Belgique ^ t. Xlil , n<^ 12) ^ in-8*^, 11 pages, 1 pl. Bruxelles Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; 1847, lei- semestre, t. XXIV, n^ 2. U Institut, 1847, no 680. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n^ 95. Société royale académ, de Saint- Quentin. — Ann. scienti- fiques, etc., du département de V Aisne ; 2® série, t. III. — 1845. The Athenœiim , 1847, n*^ 1003. The Mining Journal , 1847, n® 595. Par suite de la correspondance M. de Wegmann lit la note suivante de M. Boué : M. de Haiier fils a publié un nouveau Mémoire sur les Cépha- lopodes du marbre coquillier opalisé ou chatoyant de Bleiberg en Carintliie ( NatarwissenschaftUche Abhandlung, de la Société des SÉANCE DU 18 JANVIER 18/17. m amis de l’iiist. nat. de Yienne , 10 p , 1 pi ). Wulfen l’avait décrit jadis. Il y décrit les Ammonites Wulf. , A. Joannis Aiistriœ, A. Jarbes Munst. , Nautilus Sauperi , nov. sp. et des Ortliocères de la division des anmdati de Koninck, et figure ces fossiles. Il retrouve ces couches dans bon nombre de localités des Alpes de Carinthie, du Tyrol méridional et septentrional, et de l’ Au- triche. Elles pourront servir d’horizon. Il distingue trois étages de Céphalopodes avec Orthocères et Bélemnites dans ces Alpes , et chacun caractérisé par ses fossiles , savoir : celui de Bleiberg , Raibl , Mont-Ovir et Wochein (Carin- thie ) , Saint-Cassian en partie , Hallstadt , Hallein , Aussée , Hall , Lavatsch ( Tyrol ) , Spital am Pyrhn , Neuberg (Autriche) , Hornstein près Vienne. Le second à Adneth et Wiess près de Hallein, Saint -Veit, près de Baden (Yienne), Turetzka et Herrengrund , près de Neu- sohl ( Hongrie) . Aucune de ces espèces ne se revoit dans le premier étage (? ). H y a aussi des Polypiers et des Aptychus. Le troisième étage : Rossfeld , près de Hallein ; étage encore très peu connu et difficile à étudier, à cause de la mauvaise con- servation des fossiles dans des roches marno-arénacées (voy. mes Mém. paléont. et géol. , p. 190, Ammonites, Haniites, Bélem- nites et Aptychus ; le Mém. de Schahmitl sur le même sujet , dans les Alpes de Bavière; N. Jahrh. /. Min.^ 18ii6, cah. 6, carte. Yoy. ce que j’en ai dit , Biillet.^ l*"® série , 1841, vol. XIII , p. 88 , 91, 131, 133; et Mémoires^ 1*® série, vol. II, part. 1, p. 48). Nous ne doutons pas que ces dépôts de Céphalopodes ne soient j urassiques et même assez supérieurs ; le muschelkalk et le trias sont au-dessous à Saint-Cassian , comme , en général , dans le Tyrol méridional. M. Desor lit l’extrait suivant d’une lettre de M. Ch. Des- moulins. Dans mes étiquettes j’emploie souvent, pour les Echinites sili- ceux , l’indication silex de la craie de Maëstricht. Ce sont des blocs anguleux ou des rognons non roulés , que nous trouvons ici , sur les hauteurs y soit dans la mollasse , soit à la surface des coteaux , quand la mollasse est délayée et disparue. Ces silex sont éminem- ment caractérisés par le Spata/igus Bucklandii (ou du moins ce que j’appelle ainsi ) , et I’Echinolampas Faujasu , si bien figuré par Faujas, et qui n’était connu qua Maëstricht. Jamais on ne les SÉANCE DU 18 JANVIER iSlil . àU trouve dans notre craie; il faut donc que ces silex proviennent d’une couche de craie supérieure et détruite : ils ne viennent pas de loin , puisqu’ils ne sont jamais roulés. JNous avons donc eu ici une couche de craie analogue à celle de Maëstricht (supérieure au pre- mier étage déeritpar M, d’Archiac) , et qui , fondue , nous a laissé ses noyaux. Cette idée , qui était confuse et timide dans ma cer- velle de géologue d’occasion , y a été éclairée , confirmée et rivée solidement par mon savant ami IVL de Collegno, au vu des lieux et des choses. M. d’Archiac répond que les fossiles peuvent appartenir à une couche supérieure de la craie tufau des environs de Péri- gueux (2e étage du S.-O.), qui aurait été en partie détruite lorsque les premiers dépôts tertiaires se sont formés. L’état siliceux de ces fossiles, semblables d’ailleurs à ceux qui dans d’autres localités occupent cette position ou la base du le»' étage, viendrait ii l’appui de cette opinion. Quelles que soient d’ailleurs l’analogie ou même l’identité de quelques unes de ces espèces avec celles de la craie supérieure de Maëstricht, il ne peut y avoir aucune incertitude sur la position des couches qui les ont renfermées \ et , quant à leur relation avec les étages crétacés du N. , M. d’Archiac s’en réfère à ce qu’il a dit à cet égard dans la seconde partie de scs Etudes sur la formation crétacée. {Méni. de la Soc. géoL, 2« série , vol. II , p. 136. — 18A6.) M. Delanoue présente à son tour les observations suivantes : Il est bien à regretter que MM. Desmoulins et de Collegno n’aient fait suivre d’aucuns détails l’annonce si extraordinaire de la craie de Alaëstrieht dans le S.-O. de la France; un fait aussi nouveau valait bien la peine d’être étayé de quelques preuves. Ces deux savants n’ont pas dii adopter à la légère une idée de cette im- portance , et puisqu’elle est maintenant solidement rivée dans leur esprit , au vu des lieux et des choses , ils ont sans doute recueilli sur ce sujet une série d’observations qu’ils devraient bien nous faire connaître s’ils désirent que nous partagions leur conviction. Au commencement de la période crétacée, le canal peu profond qui avait jusqu’alors réuni les deux mers du S.-O. et du N. de la France se trouvait entièrement comblé par les dépôts du lias et de l’oolite. Les deux mers furent alors complètement séparées , et SÉANCE DU 18 JANVIER 18/17. 425 leurs faunes devinrent si différentes , que nulle part peut-être on ne pourrait citer des formations contemporaines aussi voisines et aussi dissemblaldes. Les terrains tertiaires eux-mêmes de Paris et de Eordeaux sont peut-être moins disparates que les terrains de craie qu’ils recouvrent. Celui qui ne connaît que la craie du bassin de Paris ne peut point la reconnaître aux environs de Bordeaux dans ces calcaires pétris aiiricularis ^ Caprines, ichthyo- sarcolites, llippurites et Sphérulites. M. d’Arcbiac , qui a fait si consciencieusement l’étude compa- rée de ces deux régions crétacées , pourrait peut-être mieux que personne éclairer cette question. lia établi dans la craie du S. -O, quatre grandes divisions ; elles sont tout à fait naturelles : ce sont les mêmes que celles que j’avais sommairement indiquées en 1837 (1), et je dois dire ici combien je suis heureux que mes aperçus aient obtenu la sanction d’un géologue aussi éclairé. Mais M. d’Archiac lui-même a cru devoir mettre beaucoup de réserve dans le synchronisme qu’il a clierclié à établir entre les divers étages des deux bassins. Avant de classer comme craie de Maëstricht cette couche supé- rieure que M. Ch. Desmoulins dit être aujourd’hui détruite , ne serait-il pas tout à la fois et plus essentiel et plus simple de com- mencer par le classement des quatre grands étages aujourd’hui existant dans la craie du S. -O, ? .Te vais en résumer ici quelques caractères principaux : on verra combien ils diffèrent de ceux de la craie du N. 1“ Immédiatement au-dessus de l’oolite, calcaire grenu, aré- nifère , verdâtre (ou jaunâtre par l’altération) , pétri de miliolites {Jlveolina cretacea , d’Arch.) , et caractérisé par des Caprines ’ {C. adversa , d’Orb.) , Pterodoiita elongata ^ d’Orb. ; une seule Sphérulite {Sph. joliarea ^ d’Orb.), et surtout par Y Ichthyosarco- lites ti'iangalaris ^ espèce unique. Au-dessus , marnes et sables avec Ostrea Jlnbellata , Gold. ; O. biauricidata , Lmk ; Eæogjra colomba , et une seule Hippurite fort allongée , espèce inédite. 2° Calcaire feuilleté , blanc , sans fossiles ; au-dessus Trigonie ( T. scabrn) ; plus haut , une prodigieuse quantité de Rudistes , constituant à elles seules une roche tantôt très dure et tantôt très tendre ; Hippurites organisons ^ Montf. , H. cornu pastoris , Desm., (l ) Voyez Notice géognostique sur les environs de Nontron, Bulletin, 2® série , t. VIII , p. 98. A26 SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 7'jdiolîtes ^ lumhricalis ^ d’Orb. ; et dans les dernières couches, des Spliérulites [Sph. Ponsiana ^ d’Arcli.). La roche calcaire est quelquefois remplacée par un silex blond, blanc ou rouge, qui contient les mêmes fossiles et fournit, par cela même , d’excellentes meules. 3“ Calcaire glauconieux , espèce de craie tufau , avec rognons de silex pyromaque , souvent pétri de fossiles , surtout diExogyra auricularis (Al. Brong. , ou E. lituola^ d’après M. Deshayes); Ostrea vesicularis , carinata, cliluviana; Terebratula alata ; Pecten quinque-costatiis (Lmk); Ammonites d’Orbignyanus (d’Arch.); ISautilus Fleuriausianus {diOYh.)', Lima maxima {à^ Axoh..) Mo^ diola Dufrenoyi ^ Cucullœa tumida (d’Arch.); C. Beaumonti (d’Arch.); Cardiiirn productum etMMvch.) i Polypothecia dicotoma (miss Bennett); Spatangus coranginum (Lmk); enfin quelques rares Spliérulites , Hippurites et dents de Lamna. bp Calcaires grenus, blancs et jaunâtres, où réapparaissent plus abondantes les Spliérulites et les Hippurites , qui avaient à peu près disparu de l’étage précédent ; ce sont des espèces difî'érentes , toutes découvertes et décrites avec soin par M. Ch. Desmoulins : Sphcrulites craterijormis Hœninghausi ^ dilata.^ etc.; Hippurites radiosa^ etc. On remarque parmi les autres fossiles Syphosoma jnagnificum (Agassiz) ; Ostrea vesicidaris , var. A (Lmk); Globi-" coucha Marrotina Clypeaster Leskii (Gold.). Le silex y remplace souvent le calcaire ; il n’est plus en rognons, mais en veines et bancs puissants de toutes couleurs , sous forme de bois et fossiles divers. Et nulle part encore on n’a cité dans ces quatre étages de Sca- phites et de Bélemnites. Que les paléontologistes se mettent donc à l’œuvre ; qu’ils étudient mieux qu’on ne l’a fait la craie du midi et ses nombreux fossiles : c’est un beau champ d’étude , et la question est d’une haute importance ; car la nombreuse famille des Rudistes , qui à elle seule caractérise si bien cette époque , se re- trouve en Italie , en Turquie, en Grèce et jusque dans l’Asie, où elle offrira de précieux points de repère dès qu’elle sera mieux connue. M. Michelin fait observer que dans la craie de Royans il y a des Polypiers qui se retrouvent à Maëstricht. M. d’Arclîiac répond que ces fossiles correspondent à la partie supérieure de la craie tufau. M. Viquesnel met sous les yeux de la Société un échantillon SÉANCE DU 18 JANVIER 18A7. 427 du calcaire deGouzinié (Haute-Albanie) qu’il vient de retrou- ver dans ses tiroirs et qu’il avait cherché vainement à l’époque où il rédigea son premier Mémoire sur la Turquie d’Europe. La surface de cette roche, rongée par les agents atmosphéri- ques, présente, d’après M. Michelin, la structure du Verticel- Vîtes cretaceiis , Defrance, qui ne s’est rencontré jusqu’à pré- sent que dans la craie tout à fait supérieure du Cotentin. Ce fossile se trouve associé, en Turquie, avec des Hippurites, des Sphérulites, etc. (1), dans des couches que MM. Boué et Viquesnel ont cru devoir rapporter à l’étage moyen de la for- mation crétacée. M. Viquesnel rappelle qu’il a formulé son opinion de la manière suivante : Les fossiles que nous avons rencontrés sont trop peu nombreux pour nous permettre de subdiviser le terrain crétacé en plusieurs étages. Nous cj-oyons seulement pouvoir affirmer que la craie blanche ?i existe pas dans ces contrées^ a moins quelle ne soit représentée , en Albanie , par les pitons dolomiticpies de Schkref de Boga , de Schalia , des monts Proklêtia , etc. (2). Les couches fossili- fères de Gouzinié, ajoute M. Viquesnel, reposent sur le talc- schiste et se lient à cette dernière roche par des lits plusieurs fois répétés de talcschiste et de calcaire-, elles supportent et alternent, au col de Schalia, avec des calcaires magnésiens renfermant les mêmes fossiles. La dolomie compacte finit par dominer ; ses couches puissantes , n’offrant aucune trace de restes organiques, sont recouvertes par un banc très épais d’une belle dolomie blanche, grenue et quelquefois cellulaire, qui constitue les pitons de la chaîne. M. Viquesnel termine par la citation suivante : La position de la dolomie dans cette localité nous parait mériter V attention des géologues. Si Von veut, diaprés les idées modernes , attribuer à une modifi- cation la texture et les caractères minéralogiques de cette roche, il faut admettre que la transformation du calcaire en dolomie s^ opère de bas en haut , présente des intermittences, se développe en montant , et acquiert toute son intensité dans (1 ) Voir les Mémoires de la Société géologique de Fronce , 1 *■* série, t. V, p. 109. (2) Voir le Mémoire précité , page SÉANCE DU 18 JANVIER 18Zl7. A28 les pitons de la chaine. Ne serait-il pas plus naturel de regar- der la dolomie des montagnes albanaises comme le produit d'un dépôt neptunien (1) ? M. Deville lit la note suivante : Note sur le gisement du soufre à la soufrière de la Guadeloupe , par M. Ch. Deville. La soufrière de la Guadeloupe est uu cône volcanique distant de la ville de la Basse-Terre d’environ 9,000 mètres. Elle est élevée, d’après la moyenne de plusieurs mesures barométriques , de mètres au-dessus du niveau de la mer, et de 331 au-dessus du plateau qui le supporte. L’inclinaison en est très grande, et l’on ne peut guère l’évaluer à moins de ÔO degrés. En plusieurs points le cône est com|)léte- ment inabordable , et sur une foule d’autres on ne peut le gravir ({u’à l’aide d’écbelons taillés dans la roclie. 11 est entouré de toutes parts , excepté vers le S. , d’une ceinture de montagnes d’une grande régularité, dont les sommets sont sensiblement inférieurs au sien , et composées d’une roche entièrement différente. Cette disposition circulaire est fort remarquable et constitue autour du cône central un véritable cratère de soulèvement. Le massif de la montagne est composé d’une roche solide ; ce n’est proprement qu’un dôme tracliy tique creusé à son sommet. Il en résulte une dépression centrale peu profonde et à laquelle on a donné le nom de Petite Plaine. Le sol en est recouvert d’un grand nombre d’assises peu épaisses , de produits cinériformes ou fragmentaires. Cette dépression est dominée très irrégulièrement par de petites crêtes rocheuses , dont quelques unes sont formées comme par des écailles recourbées. Le soufre provient uniquement des fumerolles nondjreuses qui s’écbappent du flanc et du sommet de la montagne. Le fait prin- cipal est la présence d’une grande déchirure qu’on nomme la Grande-Fente, qui traverse presque exactement du N. au S. le massif de la montagne , et sur l’étendue de laquelle se manifes- tent les vapeurs sulfureuses. A l’extrémité septentrionale de la Grande-Fente on trouve une caverne assez profonde, où l’on pé- nétrait autrefois fort loin ; mais des éboulements qui ont com- mencé depuis plusieurs années , et qui se poursuivent encore au- (l) Voir le même Mémoire , page 111. SÉANCE OU i8 JANVIER 1847. 429 joiird’luii, l’ont presque entièrement oljstruée. Sur les parois de la eaA erne ruissellent des eaux chargées d’alun , et du gypse y cris- tallise. Exaetement au-dessus de cette caverne, la Grande-Fente se termine par deux murs verticaux , entre lesquels les vapeurs sortent constamment en très grande abondance et sans pression , sans sifflement. Les parois en sont tapissées de soufre. Il n’en est pas de même aux autres orifices d’où s’échappent , avec un sifflement très aigu , les vapeurs sulfureuses , et auxquels on donne, fort improprement, dans le pays, le nom de volcans. Parmi les principaux on peut citer au sommet du plateau et dans la direction de la fente , les fumerolles dites Napoléon , d’où s’échappait , lors de mon .séjour aux Antilles , la plus grande masse de vapeurs; tout autour de l’orifice, le sol est miné de ma- nière à rendre les abords assez dangereux. A l’extrémité S. de la Grande-Fente , et sur le flanc du cône, s’est déclaré, en décembre 1836 , après une éruption de cendres, un nouvel orifice, d’abord très actif, mais dont la violence a considérablement diminué sans cesser entièrement , lorsqu’en février 1837 une nouvelle éruption adonné naissance, vers le N. -O. du cône, à des fumerolles très abondantes. Celles-ci perdent à leur tour de leur intensité à me- sure que celles du centre en acquièrent. Il semble donc assez probable qu’au moins en temps de repos la quantité de vapeur sulfureuse rejetée par le volcan est à peu près constante ; que les petites éruptions en augmentent momen- tanément l’intensité et déplacent les centres d’activité. On distin- gue facilement plusieurs places qui ont été évidemment des ori- fices de fumerolles et cjui n’en laissent plus échapper : on peut citer entre autres le point où se fit l’éruption de 1797, cpii est la première bien constatée depuis l’arrivée des Européens. En ces divers points la roche est profondément altérée et offre tous les passages entre un tracbyte solide et cristallin et une argile complètement décolorée. On y observe aussi à la surface des roches voisines des dépôts siliceux complètement analogues à ceux des geysers , et qui proviennent d’une cause semblable. La température de ces fumerolles, prise un grand noinlne de fois en des points divers et dans des circonstances très variées, a été constamment de 95 à 96 degrés. J’avais trouvé celle de Ténérifle, à 3,700 mètres de hauteur, d’environ 84 degrés. Les fontaines bouillantes de la Guadeloupe , au niveau de la mer, sont des jets de vapeur à 100 degrés. En rapprochant ces faits , il semble qu’il existe une relation entre la température de ces vapeuis et la hau- teur absolue à laquelle elle trouve une issue. SÉANCE LU 1^’’ FÉVRIER 18Zl7. 430 i\ U reste, la vapeur d’eau forme, comme partout, la partie essentielle de ces émissions gazeuses. Aux abords des fumerolles , l’odeur dominante est celle de l’acide sulfureux ; mais on ne peut douter qu’il ne se dégage aussi de l’iiydrogène sulfuré , car j’ai souvent observé qu’à une certaine distance du volcan le vent apportait parfois des bouffées de ce dernier gaz. Dans les éruptions , il se dégage aussi de ces gaz acides en quan- tité notable. En 1836, à plusieurs milliers de mètres autour du volcan, on ne pouvait sortir sans éprouver aux yeux un vif pico- tement, et les végétaux perdirent leurs feuilles à une grande dis- tance. Le soufre ne se trouve en al3ondance qu’ autour des orifices des fumerolles ; mais là , il se trouve en très grande pureté , et géné- ralement cristallisé en petits octaèdres, dont les pointements très aigus se recouvrent en gradins. Ces petits cristaux ont un aspect poreux assez singulier; et le soufre n’a pas dans sa cassure la translucidité de celui de Sicile. La pesanteur spéci tique en est ce- pendant sensiblement la même et prol}aldement aussi l’état molé- culaire. Hors des oriBces des fumerolles , le soufre ne se trouve sur la montagne qu’en quantité à peu près insigniliante. Les cendres d 1836, analysées par Al. Dufrénoy , en contenaient à peine. Sur les flancs de la montagne , cjuelques végétaux , à tissus peu résistants, ont été décomposés et la matière organique détruite remplacée par du soufre qui en conserve très bien l’empreinte. A propos de cette communication , IVl. Boubée annonce qu’il a reçu de la Nouvelle-Grenade un oiseau converti en soufre , avec son intérieur tapissé de cristaux. Séance du 1^*' février 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. AI. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : AIAI. Le comte Kegleyicz^de Buzin, conseiller de S. AJ. l’Empereur SÉANCE DU 1^»' FÉVRIER 18/l7. /l31 d’Autriche J présenté par MM. Gordier et Alexandre Rouault-, Etienne de Ganson, à Annonay (Ardéclie), présenté par MM. Gli. Martins et Gercelet ^ Paul Weibye, minéralogiste, h Krageroe (Norvège), présenté par MM. Frapolli et Angelot. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophj^ tologiqiie ; 24^ livraison. De la part de M. Edouard Gollomb, Preiwes de inexistence d'anciens glaciers dans les vallées des Vosges. — Un terrain erratique de cette contrée ; m-%^ , 246 p., à pl. Paris, 1847. De la part de madame veuve Henri de Villers , De V influence de la France en Europe; œuvres posthumes de M. Henri de Villers^ in-S^, 438p. Paris, 1846. De la part de MM. Th. Austin et Thomas Austin junior , A inonographj^ etc. (Monographie des Grinoïdes récents ou fossiles)*, 10-4*^, p. 65 — 80 et ix — x, 2 pl. Londres De la part de M. le professeur D. T. Ansted, Facts , etc. (Faits et déductions concernant la géologie économique de rinde) 5 in-8o, 23 p. Londres, 1846. De la part de M. David Dale Owen, Report., etc. (Relation d’une expédition géologique dans une partie de l’Iowa, le Vis- consin et l’Illinois (Etats-Unis) pendant l’automne de l’année 1839)*, in-8o, 191 p., 24 pl. juin 1844. Delà part de M. Louis Frapolli, Lageriing ^ etc. (Gisement des couches secondaires dans le N. du Harz, avec quelques considérations sur la formation de la croûte terrestre et l’origine des gypses, des dolomies et des sels gemmes) (extrait des Annales de Poggendorff, LXIX) -, in-S®, 25 p, Berlin, 1846. De la part de M. Alh. Mousson, Bemerkungen , etc. (Obser- vations sur les rapports naturels des Thermes d’Aix en Savoie) j in-4‘^, 48 p., 3 pl. Neuenburg, 1846. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 1847, 1er semestre , XXIV, n^s 3 — 4. SÉANCE Dü le»* FÉVRIER 18^7. /432 U Institut, 1847, nos 681—682. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles - lettres du département de VEure ; 2® série , t. IV. - 1843. Transactions of geological Society of London; vol. III, 3e partie. 1846. The Athenœum, 1847, n®* 1004 — 1005. The Mining Journal , 1847, 596 — 597. Ooersigt , etc. (Comptes-rendus des travaux de l’Académie royale des sciences de Danemark, par H. G. Oersted) \ 1844, nos i_8 • 1845 , nos 1~8^ Collectanea meieorologica , etc. ( Recueil d’observations météorologiques faites en Guinée dans les années 1829 — 1834 et 1838—1842)-, par MM. J. J. Trentepohl, R. Ghenon, F. Sannom^ in-4e, 136 p. Hauniæ, 1845. M. Élie de Beaumont communique la note suivante ; Recherches a faire sur la 'variation du niveau relatif de la terre et de la (questions adressées par M. Ghambers). Un géologue , qui a entrepris cette investigation en Ecosse , dé- sire obtenir quelques informations sur ce sujet de personnes ré- sidant en Angleterre, en Irlande ou sur le continent, dans le but d’arriver à des résultats de la plus grande généralité possible. Il présente les mcmoranda qui suivent relativement aux particularités qui lui seraient utiles. Dans un très vaste district de l’Ecosse , qui embrasse à la fois les côtes orientales et occidentales , il trouve deux grands plateaux à la même hauteur , au-dessus de la zone bien connue qui envi- ronne un grand nombre de côtes à une hauteur de à 12 mètres. Le premier de ces plateaux , qui se trouve généralement sur ses limites, paraît avoir une hauteur d’environ 19 mètres au-dessus du niveau actuel des marées ordinaires ; quelquefois il est un peu plus bas. Il présente une plage {tidal slopc) , formée en général d’un sol sablonneux , qui s’élève en quelques points jusqu’à la hauteur de 24 mètres, mais généralement moins. Le second plateau présente une pente semblable entre 34 et 38 mètres au-dessus du niveau actuel de la mer. Sur la côte orientale de l’Ecosse , il y a d’autres plateaux d’un SÉANCE DU 1^1' FÉVRIER 1847. 433 caractère exactement semblable , mais moins nettement dessinés ( comme étant plus anciens ) , et situés respectivement à des hau- teurs de 52, 82 et 114 mètres au-dessus de la mer. 11 existe pro- bablement en Ecosse d’anciens rivages encore plus élevés qui restent encore à déeouvrir. Dans quelques points le plateau élevé de 19 mètres forme une vaste surfaee coupée par des cours d’eau. Dans d’autres c’est seulement une bande. Convexe vers la mer, il est ordinairement concave vers la terre, et se fond avec l’escarpement des terres plus élevées. Le désir de M. Chambers , c’est qu’on fasse les mêmes observa- tions en Angleterre, en Irlande et sur le continent , de mesurer exactement leur hauteur près de la mer et dans l’intérieur des terres, en étudiant leur composition et reclierchant s’ils contien- nent des coquilles. Il serait indispensable que l’on s’assurât si ces terrasses conservent leur niveau, ou si elles s’élèvent doucement comme celles du Fimnaek. Le soussigné ajoute qu’en Eeosse les terrasses de 1"\8 à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer sont les seules qui aient été étudiées jusqu’ici. Les exemples qui existent en Ecosse existent principalement au fond de grands estuaires , où elles paraissent avoir été produites par l’action de la mer. Souvent elles sont superposées , d’autres fois l’une se trouve à une place et l’autre un peu plus loin. Tous les détails sur ce sujet seront reçus avec reconnaissance par le soussigné : R. Chambers. F. R. S. E. F. G. S. 1. Doun Tenace. — Edimbourg. A l’occasion de la note ci-dessus, M. Yirlet fait remarquer que M. Saigey avait montré que l’influence des montagnes voi- sines pouvait agir sur la direction de la verticale et par consé- quent sur le niveau des mers. M. Rozet dit qu’il a démontré que les changements de niveau des mers devaient être expliqués par des changements de den- sité de la croûte terrestre. M. Elie de Beaumont fait remarquer qu’il s’agit seulement de répéter des observations sur l’ancien niveau de la mer, telles que celles qui ont été faites en Laponie par M. Bravais. M. Ed. Collomb envoie une courte analyse de son ouvrage sur les anciens glaciers des Vosges (voir la liste des dons , séance de ce jour). Soc. géol. , 2® série, tome IV. 218 /{34 SÉANCE OU lei' Février 1847. ]/oiivrage cjiie fai riioniieur de présenter à la Société n’est point une inonograpliie complète du terrain erratique des Yosges; je n’ai fait que réunir en un volume des observations qui sont en jiartie connues de la Société, puis quelques mémoires c|ue j’ai pu- biiés dans différents recueils scientific|ues, et j’y ai ajouté un cer- tain nombre d’observations nouvelles. Mes cartes ne comprennent qu’un rayon assez resti eiut du système des Yosges ; mais les faits sur lesquels je m’appuie, c|uelqne peu nombreux cpi’ils soient, ont été oliservés consciencieusement et me paraissent reposer sur une base suffisamment solide pour qu’on puisse considérer l’existence d’anciens glaciers dans nos montagnes comme un fait acquis à la science. Les observations qu’on fera par la suite compléteront ce qui manque , et l’on arrivera ainsi à une carte générale qui com- prendra tous les anciens glaciers de ce massif. Je me suis constamment appuyé d’observations comparatives, faites en Suisse sur les glaciers en activité, ou sur un terrain erra- tique en voie de formation , mises en parallèle avec des observa- tions recueillies dans nos vallées. Je dois la première idée de ce travail à M . Agassiz, cfiii m’a beaucoup aidé de ses conseils dans cette circonstance , et auquel je témoigne ici toute ma reconnais- sance. Une de mes planches représente un croquis idéal de l’ancien glacier de la vallée de Saint-Amarin , tel qu’il devait exister dans les temps erratiques à une époque d’extension moyenne. On y voit d’un coup d’œil la disposition et la forme d’ensemble de cette mer de glace anté-liistorique , ainsi que ses moraines frontales. Les dé- bris qu’elle a déposés sur son littoral sont si clairement indiqués sur le terrain quand on parcourt cette vallée , que ce croquis ne présentait pas de difficulté sérieuse dans son exécution , et qu’il peut être considéré comme une représentation suffisamment exacte de l’état des choses à cette époque. Quant à la question d’origine, à la cause du phénomène, je me suis abstenu d’en parler. Pourquoi des contrées aujourd’hui culti- vées et liabitées, possédant une température moyenne annuelle et un climat qui exclut toute idée de grandes glaces permanentes , ont-elles été ensevelies sous des masses formidables de glaces à une époque géologique qui paraît être comparativement récente ? Cette question, dans l’état actuel de nos connaissances, est une des plus difficiles à résoudre. J’ai dû me borner à indiquer sommai- rement les différentes opinions émises à cet égard dans ces der- niers temps. SÉANCE Î)U FÉVRIER 1847. 435 M. (le Verneuil lit une lettre de M. de la Beclie, (|ui annonce qu’il a demandé, pour la Société, au Gouvernement anglais son ouvrage sur la géologie de rAngletcrre. — Remerciements à M. de la Béclie. Le Trésorier présente le projet de budget pour Tannée 1847. M. Yiquesnel demande qu’une somme de 300 Ir. soit ajoutée îi celle de 500 fr. , figurant au projet de budget pour reliure de livres et collage de cartes', et cju’ainsi ce fonds soit élevé à la somme de 800 fr. M. Rozet demande qu’on ne change pas le budget. M. Elie de Beaumont propose de s’en rapporter à cet égard au Conseil. Le budget est adopté avec la latitude proposée par M. Elie de Beaumont. Budget présenté par M. Damour, trésorier, pour les Recettes et Dépenses à faire pendant Vannée 1847. RECETTE. 436 SÉANCE DE 1®»' FÉVRIER 1847. DÉPENSE. DÉSIGNATION s ^ DEPENSES SOMMES SOMMES des • a: H a - NATURE DES DÉPENSES. prévue.s au budget dépensées admises cL.^pitres de la dépense. a de 18A6. en 18'iG. pour 1847. 1 1 1,800 300 800 100 1,800 300 800 10) 1.800 i § 1. Personnel Agent , ? , ” ^ travaux auxiliaires Garçon de bureau, | ®‘. ‘ 1 graiiliealion. . . . “ 300 800 100 • 1 § 2. Frais de logement. 5 ü f.oyer, conlribiilions et a.ssurance. . . CliaurCüge el éclairage 1 ,3î:o AOO » 1,272 36 S 95 55 1 ,280 400 P ( 7 Dépenses diverses 250 AOO P ■iSl 30 ;<üo 350 B ' 8 324 65 [ 9 Impre.'^sion!» , lithographie», avis el cir- 1 culaires 250 y 154 25 200 ,) § 4. Enraissemenl. . . 1 10 Cliaiige et retour de mandais 250 « 154 65 200 B 11 Mobilier 100 » 89 45 100 » §5. Matériel j 12 Bibliothèque 500 D 159 9) 500 » [ 13 Collections 100 1) 11 65 100 » ^ Ift ' 1 impression , papier, plan- ( Bulletin, . | chcs 5,000 U 4,891 70 5,000 » 1 15 ( f pnrf 1,100 2,000 y 1 ,033 2,010 20 1 .200 B § 6. Publications. . . 16 \ f achat d’exemplaires . . , B 2;500 B i l 17 (Mémoires, *"PP‘éuienlai- 150 JJ 223 100 JJ i 18 T \ menus Trais 50 B 21 15 50 B f 7. Placement de ca- 19 Achat de rentes sur l’État 2,A00 U 2,027 85 2,400 B pitaux 20 Achat de Bons du Trésor ( placement temporaire pour contribuer aux Trais de publication de l’ouvr.ige intitulé: Pro<^rès de la géologie j 1,000 100 1,000 1,000 100 § 8. Dépenses impré- vue». 21 Avances remboursables ( Dép. impr,). . 118 50 - 1 18,350 » 17,142 80 18,780 » RÉSULTAT GÉNÉRAL. La recette présumée étant de 22.217 fr. 40 c. La dépense présumée s’élevant à 18,780 » L’excédant de la recette sur la dépense est de 3,437 fr. 40 c. M. Marcou fait la communication suivante : JSotice géologique sur les hautes sonirnilés du Jura comprises entre la Dole et le Reculet, par M. Jules Marcou. Topographie. — Le massif de montagnes sur lequel je vais don- ner quelques remarques géologiques fait partie de la chaîne la plus orientale , et renferme les plus hautes sommités des Monts- Jura. Commençant à la route qui conduit des Rousses à Nyon, par Saint-Cergues , il longe le bassin suisse de TE. ^E.-N. à ÈO.- O.-S., suivant la direction générale des chaînes, se termine à la SÉAxNCE DU l*-* IKNKIKK l8/l7. àS7 crête de montagnes qui unit le Ileculet au Crédoz, et remonte le long de la vallée de la Val serine et des Dappes, qui lui fait suite, jusqu’au point de rencontre de la route de Gex avec celle de Nyon. Ainsi limité, ce massif présente la forme d’un quadrilatère paral- lélogrammique , dont les quatre points angulaires seraient les Rousses , Trelex , Saint-Jean de Gonville et Cliézery. Sa longueur, prise de la route des Rousses à Saint-Gergues , à la base S. du pi- ton du Reculet, est de ^0 kilomètres, et sa largeur moyenne est de 12 kilomètres. — Les différentes parties qui composent ce massif peuvent se réunir en trois groupes, séparés par des vallées ou gorges plus ou moins profondes. Ces différents groupes sont con- nus , en commençant par le plus au N., sous les noms de la Dole , des Colombiers et du Reculet. La Dole, dont le point culminant se trouve à 1,680 mètres au-dessus du niveau de l’Océan , comprend différents pitons et crêtes , dont les plus au S. sont couverts d’é- paisses forêts de sapins, et sont connus sous le nom de Bois de la grotte aiu: loups. Elle est séparée, au N. du Noirmont, par la petite vallée qui conduit de Saint-Cergues aux Rousses , et , au S. des Colondjiers, par la gorge de la Faucille. Les Colombiers se composent d’une suite de pics qui s’élèvent graduellement de la Faucille , et qui vont ensuite en s’abaissant du côté du chemin de Crozet, près du cliâlet de la Tremblaine, en formant une courbe de très grand rayon , tlont les deux pointes les plus hautes portent le nom des deux Colombiers de Gex, et sont élevés de 1 ,691 mètres et de 1 ,665 mètres. Enfin le Reculet, qui se trouve compris entre le col de Crozet et la Roche , se compose d’une série de pitons , qui sont les plus élevés de tous les Monts-Jura , et dont les plus connus sont : le Montoisey, 1,671 mètres; le crêt de la Neige, 1,723 mètres; et enfin le Reculet, 1,720 mètres. — Les différentes assises de roches qui constituent ces montagnes sont généralement relevées de l’E. à rO. , et plongent, à l’O.-O.-S., sous un angle qui varie de 10 à 30‘’; elles présentent leurs tranches du côté de la Suisse , et semblent , en regardant ainsi les Alpes et le Salève , indiquer une date à l’époque de leurs dislocations. Les accidents orogra- phiques sont très nombreux , et la régularité que l’on observe , et qui a été décrite avec tant de clarté et de talent par M. Tliur- mann dans les dislocations de la partie N. des Monts-Jura , ne se rencontre plus ici. Terrains. — Les quatre étages qui composent le terrain juras- sique ne se monti ent pas tous à découvert dans ces hautes sommi- tés du Jura, on n’y rencontre que l’étage oxfordien et l’étage ooli- tique supérieur; les deux autres étages ne se trouvent que plus 438 SÉANCE DU lei’ FÉVRIER iSlx7 . àl’E., dans les chaînes moyennes du département de l’Ain. Les pieds et les grandes vallées de la Dole et du Reculet sont occupés par les différents groupes du néocomien , qui s’étendent comme une ceinture autour de ce massif de montagnes ; de sorte que lors de la première période du dépôt néoconiien , le massif que je con- sidère augmenté du Mont-Crédoz , formait une petite île ou récif près des côtes de la mer néocomienne. — Les deux étages supé- rieurs jurassiques que l’on rencontre sur ces hauteurs présentent les plus grandes difficultés d’études , non seulement dans les dé- tails, mais aussi dans la distinction même des deux étages. Je n’ai pu reconnaître sur aucun point du massif l’étage oolitique infé- rieur, qui est partout recouvert par l’oxfordien ; de sorte que je n’aurai à m’occuper que des deux étages supérieurs. — ^L’oxfordieii se montre dans le fond de quelques vallées et ravins des sommets, et dans les gorges profondes et rapides qui se trouvent en montant au Reculet et au Colombier, depuis Thoiry, Allemogne , Crozet , les Echevenex et Divonne; je ne l’ai pas rencontré dans la partie N. du groupe de laDôle. Le caractère minéralogique ordinaire de l’oxfordien , qui est un très grand développement de marnes , avec nombreux fossiles pyriteux , tel qu’on le rencontre sur tout le pourtour des anciennes îles herzyniennes et vosgiennes, se trouve complètement changé , et ne présente plus ici qu’un im- mense développement de calcaires gris-bleuâtres, plus ou moins compactes, un peu marneux, par assises variant de 10 à 60 centi- mètres. Ce caractère, qui indique un faciès pélagique, vient à l’appui de cette belle loi, posée par M. Constant Prévost, que plus l’on s’éloigne des rivages , plus les dépôts marneux dimi- » nuent de puissance , et finissent par être remplacés , dans les » parages de hautes mers , par des dépôts calcaires. » Ici la pro- gression est on ne peut plus évidente; malgré les difficultés d’ob- servation que présente un pays aussi disloqué que le Jura, on reconnaît très bien les différentes zones minéralogiques de l’étage marneux oxfordien. Ainsi les régions littorales , limitées par la courbe qui unirait Arau , Saint- Ursanne , Morteau , Ornans et Quingey, présentent un très grand développement de marnes, avec très peu de calcaires marneux ; au S.-E. de cette courbe , les régions subpélagiques comineneent , en présentant plusieurs cou- ches de calcaires inarneux interposés, dont le nombre va toujours en augmentant à mesure cpie l’on s’éloigne de cette courbe et que l’on s’approche de la courbe limite des régions subpélagiques qui passe par les villes de Moyrans , Saint- Claude , les Rousses et Yverdon. Enfui les régions pélagiques , telles que le massif que je SÉANCE DU FÉVRIER 1847. m) considère, ne présentent plus de marnes pures, et sont entière- ment composées de calcaires plus ou moins marneux. Ce faciès pélagique de Foxfordieii se trouverait probablement au Salève , si la dislocation qui a formé cette montagne avait amené au jour cet étage jurassique. La paléontologie établit pour Foxfordien les mêmes zones que celles que je viens de distinguer pétrograpbiquement. Ainsi , dans les régions littorales , les espèces sont très nombreuses , dans un bon état de conservation , et sont presque toutes pyriteuses ; elles appartiennent surtout aux Céphalopodes , aux Gastéropodes et aux Acéphales. Dans les régions su])pélagiques , le nombre des indivi- dus a beaucoup diminué; les Céphalopodes sont rabougris, plu- sieurs espèces que Fon ne rencontre pas dans les régions littorales apparaissent, ainsi qu’une grande quantité de Polypiers spongieux et de grosses Térébratules. C’est surtout dans cette région que se trouve développé le sous-groupe contenant les fossiles non pyri- teux et les Polypiers spongieux , sous-groupe que j’ai désigné sous le nom d'û?'go(>ien (voir Bulletin de la Soc. géol. de France , t. 1!1 , 2® série, p. 505 ). Enfin , dans les parages de hautes mers , comme au Colombier et auReculet, les fossiles sont extrêmement rares ; ils appartiennent exclusivement aux Céphalopodes , et c’est avec beau- coup de peine que j’ai pu en recueillir trois espèces, deux Ammonites et un Nautile. Déjà, aux cipprocbes des limites de la région subpéla- ■gique, comme aux environs des Rousses, en suivant la route de IVIorey aux Rousses , à Prémanon , au pied du crêt des Arcets et du Mont-Fier, les fossiles sont très rares et limités à la seule famille des Céphalopodes tentaculifères. J’y ai recueilli , après beaucoup de recherches, sept espèces d’ Ammonites et deux Nautiles. Ainsi , comme on le voit, les fossiles présentent, pour leur distribution géographique, les mêmes zones que celles établies par la pétro- graphie ; de sorte que la loi du savant M. Constant Prévost n’est pas basée sur l’arbitraire , mais bien sur un ensemble de faits qui s’enchaînent et qui viennent , en convergeant , se réunir en un fnsceau, dont le résultat est l’énonciation d’un des principes qui sont destinés à jeter le plus de clarté sur l’étude des roches sédi- inentaires. • — Les trois espèces de fossiles oxfordiens que j’ai re- cueillis au Reculet, se trouvent dans les ravins en montant depuis Thoiry, dans le petit vallon d’Ardrant , où l’une des espèces d’Am- monites se trouve encore assez fréquemment par fragment , présen- tant le moule interne à Fétat calcaire , de même nature que la roche oxfordienne de ces régions. Le fragment de Naiitilus gigan- teiis d’Orb., que j’ai rencontré , se trouvait derrière le Châlet-sur- h/lO SÉANCE DU 1®»* FÉVRIER 18A7. Tlioiry, oii M. le docteur Roux , de Genève , a recueilli plusieurs fragments d’Ammonites , qu’il avait eu l’obligeance de me com- muniquer. J’ai rencontré aussi les Ammoiiltes bipleæ et triplex , Sow. , dans le ravin où se trouve le col de Crozet , et près du chalet de la Tremblaine. L’étage oolitique supérieur forme tous les sommets et les crêtes de ce massif de montagnes, ainsi que les flancs du val de la Yal- serine et de la vallée suisse ; les grandes dislocations auxcpielles il a été soumis l’ont rejeté souvent dans des positions qui demandent encore de grandes recherches avant de pouvoir être expliquées d’une manière satisfaisante. Ainsi que je l’ai déjà dit dans ma Notice sur les (lijférciites formations des terrains jurassiques dans le Jura occidental (voir p. 11 , insérée dans le IIP vol. des Mémoires de la Soc. des sciences nat. de Neuchâtel) , et dans l’extrait de mes Recherches géologiques sur le Jura salijiois (voir p. 507, Bulletin de la Soc. géol. de France^ t. III, 2® série) , l’étage oolitique supé- rieur ne présente dans ces hautes sommités du Jura c|u’un immense développement d’assises non interrompues de calcaires compactes, sans interposition de couclics marneuses ; de sorte que l’on ne peut pas y reconnaître les différents groupes dont se compose cet étage. Cependant, avec un peu d’attention , on reconnaît assez facilement le groupe corallien , soit au moyen de l’ordre de superposition de l’étage oxfordien, soit au moyen des fossiles. Ainsi le groupe co- rallien est composé ici d’une très grande quantité d’assises d’un calcaire compacte, gris - blanchâtre , devenant quelquefois très oolitique , sul^crayeux , et alors étant synchronique de l’oolite co- rallienne , tandis que les roches de l’étage oxfordien sont des cal- caires bleuâtres , un peu marneux , dont la hauteur des couches est beaucoup plus petite que celles des couches coralliennes. J’ai surtout remarqué des assises d’oolites coralliennes dans le chemin qui con- duit de la Faucille au sommet du grand Colombier, au point où l’on va quitter le bois pour entrer sur les pâturages , à gauche du chemin, dans une carrière qui a été exploitée pour bâtir les murs de séparation des châlets voisins. Les fossiles que l’on rencontre dans le corallien sont en assez petit nombre , et appartiennent seu- lement à trois ou quatre espèces; le plus commun est le Lithoden- dron Allohrogum , Thurm. , ou une espèce très voisine ; on le trouve surtout quelques minutes avant d’arriver dans le vallon d’Ardrant , en montant depuis Thoiry, au Montoisey dans le fond du ravin , du côté du crêt de la JNeige, ainsi que dans la gorge qui conduit de Divonne sur les pics du bois de la Grotte-aux-Loups ; j’ai aussi rencontré ce Lithodendron sur le Salève, près de Alonetier, ainsi SÉANCE DU 1^»’ l'ÉVRIER 1847. 441 que sur les arêtes des Aiguilles de Baulines , qui regardent le Sucliet (eaiîton de Vaud). Les autres fossiles eoralliens de ces régions pélagiques sont quelques Astrées assez mal eonservées; elles sont roulées et usées , ee qui indique quelles y ont été conduites par tles eliarriages ; je ne les ai rencontrées qu’en très petite quantité , et seulement près de la route des Rousses à Saint-Cergues, et au pied du grand ravin qui sépare les deux monts Colombiers ; dans cette dernière localité, je les ai trouvées au milieu de cailloux éboulés, par conséquent, je ne puis assigner juste leur position ; mais ils provien- nent certainement des deux crêtes qui dominent le ravin , car le point où je les ai trouvés est élevé de 500 mètres au-dessus de la li- mite du dépôt erratique du bassin du Rhône. Ces Astrées sont beau- coup plus £d)ondantes et mieux conservées auSalève, où MM. Deluc et Favre en ont recueilli un assez grand nombre, qu’ils possèdent dans leurs belles collections. Dans les petites rectifications que l’on vient de faire à la route des Rousses à Saint-Cergues, j’ai recueilli plusieurs piquants des Cidaris BUunenhachii et corojiata , Agass. Enfin j’ai aussi remarqué sur plusieurs points de ces hautes som- mités (notamment au vallon du Reculet proprement dit) des as- sises que je rapporte au groupe corallien, et qui sont composées d’une mirltitude de coraux roulés et agglutinés entre eux par un ciment calcaire subcrétacé. Ces coraux sont dans un trop mauvais état de conservation pour permettre même des déterminations de genre ; cependant on ne peut rapporter ces débris qu’à des Poly- piers roulés et triturés par les charriages. J’ai déjà rencontré des couches tout à fait analogues sur plusieurs points du Jura, et no- tamment derrière la citadelle de Besançon , en montant des Trois- Chatets à la chapelle des Buis ; M. Gressly en signale aussi des assises dans plusieurs localités du Jura soleurois, de sorte qu’il est pro- bable que ces assises lumachelliques de coraux proviennent de la destruction de récifs de Polypiers, dont les débris auront été dis- tribués sur différents points du bassin jurassique par les courants qui existaient alors. Je n’ai pu distinguer, sur ces hautes sommités , les trois groupes séquanien , kimméridien et portlandien ; car on ne rencontre qu’une immense série d’assises de calcaires compactes , gris-blan- châtre , quelquefois oolitiques et bréchiformes , tout à fait sem- blables aux roches du groupe corallien , et ne renfermant aucun fossile , ou du moins très peu ; de sorte qu’il est impossible d’éta- blir des distinctions entre les difïerents groupes de l’étage oolitique supérieur, et qu’ici, plus que sur aucun autre point du Jura, on voit l’impossibilité de réunir le corallien à l’oxfordien pour en 442 SÉANCE DU Ier février 18Zi7. faire l’étage moyen jurassique, comme l’ont établi la plupart des géologues ; tout s’oppose à cette réunion , la pétrographie , la pa- léontologie, et même l’orographie. Déjà M. Gressly, dans ses Ohservations géologiques sur le Jw a soleurois , sépare le corallien de l’oxfordien pour le réunir à l’oolite supérieure ; et M. Alphonse Favre, dans son excellent travail intitulé: Considérations géologi- ques sur le Mont-Salève et sur les terrains des environs de Genève , reconnaît l’impossibilité qu’il y a de séparer le corallien des autres groupes de l’oolite supérieur pour cette partie du Jura. — L’oolite supérieur de la Dole et du Reculet ne peut donc pas se subdiviser en groupes distincts , comme dans les régions subpélagiques et lit- torales. Les couches des marnes séquaniennes , kimméridiennes et portlandiennes ont entièrement disparu pour être remplacées par des assises calcaires. Cependant j’ai reconnu dans le magnifique ploiement du sommet de la Dole , une eouche de calcaire un peu plus grisâtre que les autres assises , et qui renfermait un Ptérocère roulé, probablement le Pterocerus Oceani, Brong., et un fragment de bivalve ressemblant beaucoup à un Cerom/a , Agass. , de sorte que cette assise pourrait peut-être bien représenter les marnes kim- méridiennes , ou du moins elle m’a paru être synchronique de V assise moyenne du groupe portlandien , que M, Favre décrit au Salève, et que j’ai reconnu très bien dans le chemin qui conduit de Monetier à la grange des Treize- Arbres ^ sur le grand Salève. — Les fossiles sont extrêmement rares dans cette partie du Jura, je n’y ai rencontré que deux Nérinées et un Natice ; les Nérinées proviennent du Colombier et le Natice de la Dole. Cette absence de fossiles , et surtout le peu de Nérinées que l’on rencontre, vient encore indiquer pour ce massif une région pélagique; car aussitôt que l’on entre dans la zone subpélagique , comme au Noirmont , au Bizou, à Saint- Laurent , dans la chaîne de montagnes qui sé- pare la vallée de Nozeroy de celle de Mouthe , on trouve dans les dernières assises de l’étage oolitique supérieur une quantité prodi- gieuse de Nérinées appartenant à sept ou huit espèces différentes. — Le massif de montagnes que je considère augmenté du Crédoz , est, ainsi que je l’ai déjà dit précédemment, entouré par une cein- ture de terrain appartenant à l’étage néocomien. Mais toutes les différentes assises qui constituent cet étage ne se rencontrent pas également distribuées sur tout ce pourtour, et offrent , au con- traire, dans leur ordre de distribution, des faits de la plus haute importance pour l’histoire de l’élévation successive et lente de cette partie des Monts-Jura. — Les subdivisions néocomiennes sont les mêmes que celles que l’on établit pour le terrain des environs de SÉANCE DU FÉVRIER 1847. M3 Neuchâtel et du canton de Yaud; seulement on y trouve de plus la partie supérieure qui forme la première zone de Rudistes de M. Alcide d’Orhigny. On peut suivre toute la série néocomienne dans le val de la Valserine et la combe de Mijoux, ainsi que sur le revers suisse (canton de Yaud et pays de Gex), où l’on trouve I d’excellentes coupes qui permettent des descriptions très dé- j taillées. Mais, comme la plupart de ces localités ont déjà été dé- \ crites , soit par M. Itier dans sa Notice géologique sur la formation \ néoconiienne clans le département de T Ain ^ soit par M. Alphonse Favre, dans le Mémoire cité précédemment, je crois superflu, dans cette petite note, de m’arrêter sur des descriptions détaillées de roches , préférant faire connaître la distribution géographique des diflérentes assises, et plusieurs localités où ce terrain n’avait pas encore été signalé. — En sortant du village des Rousses , on ren- contre les premières couches du calcaire jaune néocomien , au pied même du fort que l’on construit sur le mamelon à droite de la route ; ces couches occupent le fond de la vallée , et se prolongent d’un côté dans le val du lac de Joux , où elles présentent un bien plus grand développement , et de l’autre côté vers le village des Cressonnières. A ce dernier point , le néocomien se bifurque et suit les parties les plus basses des vallées qui conduisent des Rousses à Saint-Cergues et à Mijoux. Dans cette dernière vallée , il est assez difficile de le suivre depuis les Cressonnières jusqu’à l’extrémité méridionale de la vallée des Dappes ; car, comme il ne se compose que d’une dizaine de couclies , présentant une hauteur de 2 à 3 mètres de calcaire jaune , quelquefois grisâtre , et à cassure mi- roitante , la végétation le recouvre le plus souvent , et ce n’est que dans les tranchées faites pour des constructions de murs de sépa- ration des pâturages des châlets , ainsi que sur quelques points de la route , cju’on peut le reconnaître. D’ailleurs on ne peut guère se servir de la discordance de stratification , car les couches ayant été fortement disloquées par les révolutions qui ont succédé au dépôt néocomicn , il est prescjuc toujours très difficile d’établir celte divS- ' cordance de stratification avec les assises jurassiques. Les fossiles sont assez rares dans toute cette partie de la vallée; cependant j’y ai rencontré plusieurs fragments c^Ostrea Couloni , d’Orb. , et la Pholadomya ScJieuchzeri ^ Agass., ce qui ne laisse aucun doute sur la nature néocomienne de ces couches. — Lorsqu’on a atteint l’ex- trémité de la vallée des Dappes , là où la route la sépare de la combe de Mijoux , les assises néocomiennes s’étendent sur un ])lus grand espace, et présentent un bien plus grand nombre de couches. Ainsi , en suivant la route jusqu’à la Conrade ^ et même près de SÉANCE DU 1"^»’ FÉVRIER 1847. Lavatay^ oii est continuellement sur le néocoinien , et je ferai re- marquer en passant que ces points sont de 1,250 à 1,267 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer ; tandis qu’à Allemogne, Thoiry et à Arbère , près de I)ivonne, de l’autre côté de ce massif, les couches supérieures néocomiennes à Rudistes ne sont qu’à 500 et 550 mètres d’élévation; cette remarque me servira plus tard, lorsque je parlerai de l’orographie de cette chaîne. Si , au lieu de continuer à suivre la route de la Faucille, on s’enfonce dans la combe de IVIijoux, et qu’on suive toute la vallée de la Yalserine, on parcourra avec détail toutes les assises néocomiennes et même le gault ; mais comme mon but n’est pas pour le moment de dé- crire cette vallée , je m’en rapporterai à l’excellent Mémoire cité de M. Jules Itier. Avant de la quitter, je ferai remarquer que l’on trouve sur la route de Gex , entre la Yasserode et la Conrade , dans les assises du calcaire jaune, une mince couche de marnes renfermant , presque à l’exclusion de toute autre espèce de fos- siles , une très grande quantité à' Ostrea niocroptcra , Sow. J’avais déjà rencontré cette couche à' Ostrca à Genseau (Jura). — La vallée qui conduit des Rousses à Saint-Cergues présente aussi les assises néocomiennes dans ses parties les plus basses; mais, de même que dans la vallée des Rappes , il est souvent assez difficile de le reconnaître, surtout depuis près de la croisée des routes de Gex et de Nyon , jusqu’au sentier qui conduit de Saint-Cergues au sommet de la Dole , près des rochers de la Tré- lat; cependant j’en ai constaté l’existence avec certitude, et je les ai même rencontrés sur les premiers gradins de la Dole, à une assez grande hauteur au-dessus de Saint-Cergues. Dans cette dernière localité, il recouvre tout le plateau, et s’étend du côté de la Reiche etd’Arzier ; les calcaires jaunes y sont très développés, et présentent une très grande quantité de fossiles caractéristiques de la partie in- férieure, tels que Ostrca Couloni, Ostrca macroptcra ^ Sow.; J unira neoconiiensis , d’Orb. ; Ammonites radiatiis , Brug. ; Corhis cordiforniîs , d’Orb.; PJioladomya clongata et Scheuclizcri ^ Agass. ; Toxaster complanatiis ^ Agass.; NucleoUtes Olfersii, Agass. ; Trigo- nin caudata, Agass., etc. — Le néocomien s’étend ensuite au pied E.-E.-S. du Jura, le long du bassin suisse du Léman , en présentant les mêmes séries d’assises que dans la vallée de la Yalserine ; seule- ment il est souvent très difficile de l’étudier, parce qu’il est le plus souvent recouvert , soit par la mollasse , le diluvium , le dépôt gla- ciaire ou erratique , ou bien par la végétation , de sorte qu’on le suit assez difficilement depuis Gevrin , Gingins, Arbère, etc., jus- qu’à Thoiry. Dans cette dernière localité, ainsi qu’à Allemogne , SÉANTE DU 1^»' FÉVRIRE 18/l7. M5 ou y trouve la partie supérieure de l’étage uéocoiiiieii , formant la prcnüèic zone de Rudistes de M. Alcide d’Orbiguy, ainsi que le calcaire à Pteroceras pelca^i de M. Alphonse Favre, Les couches de ces deux divisions de la partie supérieure du néocomien sont ex- ploitées pour des marbres dans des carrières qui se trouvent derrière Thoiry , un peu au-dessus du village ; j’y ai rencontré le Radiolîtes neocomiensis , d’Orb. ; des Térébratules , et le Pteroccra pelagi , d’Orb. ; MM. Favre et Roux, de Genève, y ont aussi recueilli les mêmes fossiles , ainsi que plusieurs autres que j’ai vus dans la col- lection de M. le docteur Roux, Orograplde. — Je ne donnerai pas la description orographique de chacune des montagnes qui composent cette chaîne , me bor- nant seulement à des généralités sur toute la chaîne , en la consi- dérant par rapport au Salève et au bassin suisse. Cependant je présenterai les coupes de plusieurs ploiements jurassiques qui se trouvent à la Dole , et que l’on rencontre rarement aussi bien déve- loppés. Si l’on monte à la Dole depuis Saint-Cergues , on sera fra})pé , en arrivant sur l’avant-dernier gradin , près du chalet de la Dole, de la voûte de rochers cjui se présentent à vous. Supposons l’obser- vateur placé un peu à droite et en avant du chalet , le dos tourné vers les Alpes; la Dole s’offrira à lui sous l’aspect d’une immense voûte ( voir fig. 2 de la pl. pag. Zi.53 ) , dont les arceaux viennent s’arebouter aux pieds de deux pitons, placés Fun au N. et l’autre au S. Les assises de roches qui forment ce magnifique ploiement appartiennent toutes à l’étage oolitique supérieur ; mais l’on ne peut y distinguer aucune subdivision en groupe , excepté une mince couche calcaréo-marneuse , cpie l’on rencontre en montant par le sentier qui porte le nom de Chemin de de Saussure ( en sou- venir du célèbre naturaliste génevois qui décrivit le premier la Dole J, à peu près au tiers de la montée, avant d’arriver au col qui sépare la Dole du piton N. ; je pense que cette assise , dans laquelle j’ai trouvé le Pterocerus Oceani et un Ceromya, est synchronicpie du Kimméridien de Porrentruy. — Le ploiement des couches ne se borne pas seulement au sommet de la Dole , mais une partie des mêmes assises se trouvent encore ployées au-dessous du piton S, , où elles ont la iorme d’une S placée horizontalement. Cette forme s’explique assez facilement par le moyen des couches supérieures du piton, qui, par leur poids sur les couches inférieures, tendaient à faire glisser celles-ci du côté du S. , tandis que la montagne qui se trouve à côté présentant une résistance insurmontaljle à ces cou- ehes , les a obligées de se ployer et de former un contournement à SÉANCE BU FÈYRIEll 18/t7. MG la base du piton S. (1). IJu coté dq nord , les assises se sont rom-' pues et ont formé une faille perpendiculaire à l’axe de dislo- cation de la cliaine ; cette faille occupe toute la gorge cjui sépare ia Dole de son piton 'N. Les couciies se relèvent alors , puis elles inclinent de nouveau dans un sens inverse , pour former à l’extré- mité du piton une nouvelle voûte , mais qui se trouve dans une direction perpendiculaire à celle de la Dole. — Un des faits les plus curieux du ploiement de la Dole est sa position parallèle à Taxe de dislocation de la chaîne entière. Ordinairement les ploie- ments sont perpendiculaires sur le milieu de l’axe , ou bien réunissent, toujours perpendiculai renient, les axes de dislocation de deux chaînes. Il m’a semblé que cette anomalie de position du ploiement de la Dole pouvait s’expliquer de la manière suivante. Lors des dislocations qui ont donné aux chaînes les plus orien- tales des monts Jura leurs reliefs, la Dole s’est d’abord présentée sous la forme d’une voûte , dont les arceaux étaient perpendicu- laires à l’axe de la chaîne ( comme le prouve encore le ploiement de l’extrémité du piton N. ) ; puis la force disloquante agissant avec plus d’intensité sur un point central , les deux parties extrêmes se sont affaissées et ont reçu en outre une partie des couches formant le sommet, qui, à mesure que le point central s’élevait, venaient en glissant se superposer sur les couches pla- cées à la base. De sorte que la Dole a fini par présenter un cône à angle très obtus , dont une des moitiés , celle placée au S.-E. , s’est affaissée pour former le replat où se trouve le chalet de la Dole ; tandis que l’autre moitié a présenté les couches ployées de la partie intérieure du cône. Vers le N.-E. la voûte ne s’est pas entièrement rompue , et alors il y a eu faille vers le piton N., et une partie de la voûte qui se trouvait perpendiculaire à l’axe s’est conservée et présente un ploiement superbe que l’on observe tout à fait à l’extrémité N. du piton, en un point connu sous le nom de Fi/i Chdteaii (voir fig. 3). Ce dernier ploiement peut être vu par tous les voyageurs qui se rendent de Paris à Genève , car on l’aperçoit très bien depuis la route des Rousses à Saint- Cergues, à 7 kilomètres des Rousses, au point où l’on commence à descendre sur Saint-Cergues , à droite de la route, vis-à-vis une (î) Cet exemple de contournement de couches des roches juras- siques présente, dans la partie sud , plusieurs grottes et cavernes qui sont le résultat de ces ploiements. M. filartins , dans les remarquables leçons de géologie qu’il a faites cet hiver à la Sorbonne, les a cités comme exemples de cavernes par dislocation. SÉANCE DU FÉVRIER IS/j?. Ü47 mare d’eau. C’est de ce point que j’ai pris le croquis représenté dans la lîg. 3. Maiiiteiiaut, si l’oii considère l’oro^jraphie générale de la chaîne , on est frappé , ainsi que je l’ai dit précédemment , de cette direction des couches qui présentent leurs fronts relevés du coté des Alpes. Cette disposition des assises a fait admettre , par des géologues, que le Jura n’était qu’une conséquence de la grande dislocation des Alpes ; tandis que d’autres ont nié toute participation de la dislocation des Alpes dans le relief actuel du Jura. Je crois que cette divergence d’opinions pro- vient de ce que ceux qui ont admis que le Jura était comme un ridement de la dislocation alpine , n’ont étudié que la partie mé- ridionale des chaînes ; tandis que ceux qui ont nié toute partici- pation des Alpes ne connaissaient que la partie septentrionale. De sorte que je suis arrivé à admettre que les deux opinions trop exclusives pour toutes les chaînes jurassiques trouvaient leurs applications dans les détails des chaînes suivant les parties que l’on considère. Cependant je dois dire cjue l’opinion qui rejette toute action alpine dans les dislocations du Jura est celle qui explique le plus de faits ; tandis que l’autre est tout à fait inadmissible comme thèse générale. En présentant ici mes idées actuelles sur les dislo- cations jurassiques , je ne prétends pas les donner comme défini- tives , car elles pourront très bien être modifiées par mes obser- vations ultérieures , ainsi c|ue par les observations des géologues qui s’occupent de ces montagnes ; mais je les donne seulement comme étant le résultat actuel auquel les recherches que j’ai faites jusqu’à présent m’ont conduit. — A la fin de la période portlan- dienne , une énorme dislocation eut lieu sur le pourtour des îles formées par les Yosges et le Schwarz wald, surtout dans les parties méridionales et orientales , ce qui donna naissance au système de montagne des monts Jura. Les parties les plus proches de ces anciennes îles, formant actuellement les départements de la Haute-Saône , du Doubs , du Haut-Rhin et du Jura , ainsi que les cantons de Bâle , de Schaffouse , d’Argovie , de Soleure , du Jura bernois et de Neuchâtel , reçurent à cette époque , et dans un espace de temps assez limité , le relief principal qu’ elles ont ac- tuellement , sauf quelques légères modifications apportées plus tard , mais qui n’ont fait que de raviner un peu plus les vallées et creuser quelques cluses et ruz. Le mouvement qui a déterminé ce relief paraît s’être opéré de l’E.-E.-N. à l’O.-O.-S. en suivant une marche progressive et s’avançant ainsi des environs de Schaffouse aux environs de Lons-le-Saunier et Saint-Amour. Ce 448 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. mouvement produisit, au sein des couches que la mer jurassique venait de déposer , une série de dislocation affectant des formes plus ou moins régulières, suivant que les couches avaient été rom- pues , en s’écartant très peu des lignes de dislocation , ou bien en glissant sur de très grandes longueurs, ce qui produisit d’immenses failles , dont le résultat fut un très grand relèvement et un boule- versement complet des assises qui se trouvaient dans ces régions. — La régularité dans les dislocations eut surtout lieu dans les parties orientales et au milieu des chaînes , principalement dans le Porrentruy et le canton de Soleure , où M. Thurmann , puis plus tard M. Gressly, ont si bien étudié les phénomènes déter- minés par cette régularité des forces disloquantes. Mais dans les régions occidentales , surtout dans les vallées de l’Ognon et du Doubs , ainsi que dans les environs de Besançon et de Salins , on n’observe plus que très rarement cette régularité, qui se trouve remplacée par un système de faille, dont le résultat a été de jeter le plus grand trouble dans l’ordre de superposition des assises et dans les détails orographiques. Les failles , ainsi que les chaînes dont se compose le Jura , ne sont pas parallèles , mais se coupent sous des angles , il est vrai assez aigus , quoique plusieurs ren- ferment 60 degrés d’ouverture. A Salins , par exemple , deux failles énormes viennent se rejoindre au pied S. du mont Poupet, sous un angle de 64 degrés ; l’ime se dirige par Montmahoux, du côté de Vercel , en mettant en contact l’étage supérieur jurassi- que avec le lias et l’oolite inférieur ; tandis que l’autre suit le pied de la montagne qui longe de Quingey à Salins , traverse la Loue et va passer derrière Besançon près du marais de Sône ; cette dernière faille met aussi en contact l’oolite supérieur successive- ment avec le keuper, le lias et l’oolite inférieur. — Ces différentes failles que l’on remarque dans le Jura occidental sont les résultats de l’écaillement qui a formé les plateaux supérieurs du Jura ; car on les rencontre presque toujours sur les flancs des abruptes qui terminent ces plateaux , appuyés fortement contre les couclies in- férieures, qu elles ont forcées à se relever beaucoup plus qu’elles ne l’étaient primitivement. Cette application à la base d’un pla- teau et en général d’une montagne quelconque ( pourvu toutefois qu’elle soit composée entièrement de dépôts sédimentai res), d’une force produite par rimmense poids d’un ou de plusieurs étages supérieurs par ordre chronologique à celui de la montagne , a dû souvent être la force qui a contribué le jdus au relèvement des couches de la montagne , surtout si l’on fait attention au certain degré de plasticité que devaient avoir des couches déposées depuis SÉANCE DU FÉVRIER 18/l7. hk9 peu ; plasticité prouvée par le grand nombre de stries parallèles entre elles que l’on trouve sur les roches aux points de contact des assises. Il me semble c{ue l’on n’a pas assez fait attention jus- qu’à présent, surtout pour le Jura , aux modifications qu’a dû apporter le phénomène que je viens d’établir précédemment , et qu’en l’observant avec soin, on pourra , je ne dis pas toujours , mais souvent , rendre compte d’accidents orograpliiques , souvent très difficiles à expliquer. • — Après que la principale dislocation jurassique se fut opérée , la partie méridionale présentait une grande quantité de golfes , fiords et bras de mer qui pénétraient dans les différentes vallées de séparation des parties S.-E. des chaînes. La nouvelle ligne du niveau de la mer se trouva reculée de l’ancienne par tout le massif de montagnes qui s’étend de Bâle à Saint-Amour ; seulement la mer n’abandonna pas immédiate- ment toutes les parties de ces montagnes , mais y resta sur plu- sieurs points pendant la première période crétacée. Il serait assez difficile de tracer, avec les observations actuelles , les ditférentes lignes de niveau de la mer néocomienne dans le Jura ; car il se fit, pendant toute la durée du dépôt néocomien , une élévation lente du sol , analogue à celle qui s’opère actuellement en Seandinavie ; ce qui devait changer très fréquemment la ligne de niveau et l’orographie des bords de cette mer. J’essaierai seulement d’établir ces lignes pour le massif de montagnes que je considère ; plus tard j’espère pouvoir les donner pour tous les points où le néoco- mien se rencontre , mais cela me demandera encore beaucoup de recherches et de temps. — Ainsi que je l’ai dit précédemment , le massif des hautes sommités du Jura est entouré par le dépôt néo- comien ; par conséquent , au moment du commencement de la période néocomienne , ce massif formait une île où un récif près de la falaise S.-E. du Jura, et alors la ligne de niveau de la mer passait par les Rousses , Lavatay , Neuchâtel , Bienne , Censeau , Pontarlier et Mouthe. Or, ces divers points se trouvent maintenant à des niveaux bien différents, car les Rousses sont à 1,130 mètres, Lavatay à 1,260 , Neuchâtel à ù38 , Bienne à ù36 , Censeau à 850, Pontarlier à 870, et enfin Mouthe à 936 mètres; de sorte que les dislocations ultérieures qu’ont éprouvées ces différents points ont agi avec beaucoup plus d’intensité sur les uns que sur les autres , et que l’on ne peut admettre une élévation régulière de la masse générale du Jura méridional et oriental. Voyons comment sont distribués les points les plus élevés , et si l’on peut tirer de leur distribution des conséquences sur ce qui a produit ces élévations. D’abord on remarque que c’est dans les chaînes le plus au S.-E., Soc. géol , 2* série , tome IV. ^9 Z|50 SÉANCE DU 1er février 1817. comme les Jiaules sommités du Ciiasseroo , du Mont-d’Or, du Mont-Tendre , de la Dole , du Reculet et du Crêt-de-Clialam , dont les chaînes bornent le bassin du Léman , que le néocomien a été élevé le plus haut , et que ses assises sont les plus relevées. D’un autre côté , ces élévations suivent une espèce de progression depuis Neuchâtel et Bienne , jusqu’à Lavatay où elles ont atteint leur maximum pour redescendre ensuite du côté de la perte du Rhône. Cette progression d’élévation du dépôt néocomien n’a pas seulement lieu dans la direction du N. au S., mais aussi de l’E. à rO. , où l’on trouve que plus l’on s’approche des plateaux les plus inférieurs du Jura , plus le néocomien se trouve peu relevé et à une hauteur relative bien moindre que dans les régions tout à fait à l’E. D’ailleurs, il faut bien remarquer que les plus hautes som- mités du Jura se trouvent vis-à-vis du massif du Mont-Blanc , là où précisément le bassin suisse est le plus rétréci , et où l’on ne compte que 2 à kilomètres de distance entre les premières monta- gnes des Alpes ( les Voirons , le Môle , etc. ) et le Jura ; et que les assises néocomiennes du pied suisse du Jura sont fortement rele- vées contre les abruptes des montagnes, tandis que les assises de la molasse, dont le dépôt s’est opéré après la dislocation des Alpes occidentales , sont presque toutes horizontales , ainsi que les cou- ches de l’alluvion aneienne ; et que ces assises molassiques ne se trouvent pas dans l’intérieur des chaînes de cette partie du Jura , tandis qu’on les rencontre depuis la Ghaux-de-Fonds, Pontarlier, jusciue dans l’Argovie , dans l’intérieur des vallées longitudinales du N,-E. des chaînes ; et par conséquent la mer a changé de ni- veau au commencement de répoc|ue de la molasse , elle s’est re- tirée des parties méridionales pour se porter dans les parties septentrionales. ■ — Pour expliquer les faits eon tenus dans les re- marcpies précédentes , il n’est guère possible de le faire sans admettre que la grande dislocation des Alpes occidentales a fait sentir son influence sur la partie S.-E. du Jura. Car, en admettant une nouvelle dislocation jurassique, agissant dans le même sens c|ue la première , comment explicjuer son action seulement dans la partie S.-E. , tandis cj[ue dans les autres parties elle n’a eu qu’une action excessivement faible par rapport à la première ; et comment aussi , surtout , explicjuer cette différence de niveau du néocomien dans la vallée de la Yalserine et des Rousses , par rapport à la ligne néocomienne c|ui se trouve de l’autre côté de la chaîne, le long du bassin du Léman et sur le Salève (voir la planche p. ASS, fig. 1) ? — Tandis cju’en admettant l’influence de la grande dislocation des Alpes occidentales , les faits reçoivent une explica- SÉANCE Dü FÉVRIER i%hl , Ü Ôi lion claire et naturelle. En effet , la grande masse des Alpes , en s’élevant , vint comprimer et encloisonner, entre elle et le Jura , les divers terrains qui se trouvent placés dans le bassin suisse actuel ; car les Alpes , par l’effet même de leur structure en éven- tail , ont rejeté les terrains calcaires sur leurs bords , et ont ainsi accumulé une grande force de pression latérale et perpen- diculaire dans le bassin de la basse Suisse. Ces deux forces , l’une latérale , provenant de l’encaissement des assises entre les Alpes et le Jura , et l’autre perpendiculaire au plan tangent au rayon du globe , aboutissant dans la basse Suisse et provenant du poids même des assises , ont eu pour résultante une force énorme qui s’est appliquée au pied du Jura sous un angle qui a pu varier de 10 à 20 degrés. Cette force a eu pour conséquence un relèvement du massif du Jura. Alais comme elle avait beaucoup plus d’intensité vers ses points d’application , elle a du relever davantage la pre- mière chaîne qui bordait le bassin suisse , et c’est en effet ce qui est arrivé , car c’est là que l’on trouve actuellement les points les plus élevés du Jura, et les assises aussi liien jurassiques que néoco- miennes, qui constituent ces hautes montagnes , sont redressées du côté de la vallée suisse. A mesure que l’on s’avance vers i’O. , la hauteur des montagnes diminue progressivement et le néocomien qui se trouve à 1,200 mètres à Lavatay, n’est plus qu’à 800 mètres à Censeau dont la position est à 25 kilomètres plus à l’O. ; de sorte c[ue la force diminuait d’intensité à mesure que l’on s’éloignait de ses points d’application , et qu’elle a dû être excessivement failjle et même presque complètement nulle sur le premier plateau placé à rO., et qui s’étend de Salins à Lons-le-Saunier et Saint- Amour. En effet , on ne rencontre sur ce plateau aucun fait que l’on puisse rapporter à cette force alpine , le néocomien ne s’y trouvant sur aucun point , et les assises présentant leurs fronts re- levés du côté de la Côte-d’Or. — L’inégalité dans les cottes de hauteur des montagnes qui constituent la chaîne bordant le bassin suisse , s’explique très facilement par la topographie de la basse Suisse. En effet, c’est vers les points où ce bassin est le plus étroit que sont les plus hautes montagnes du Jura ; ainsi la Dôle , le Colombier et le Reculet ne sont séparés des Alpes que par le petit bassin de Genève. A mesure que l’on s’avance du côté de Neu- châtel et de Bienne , le bassin suisse s’élargissant beaucoup, la force avait une bien moindre intensité ; aussi les montagnes di- minuent-elles de hauteur. Enfin , à partir de Bienne , et en sui- vant le long de l’Aar à Soleure , Arau , etc. , on voit que la force a eu une influence extrêmement restreinte ; ce qui se comprend SÉANCE Î>Ü FÉVRIER 18/i7. /i52 très bien par réloignenient de ces points aux Alpes , et aussi par la moindre hauteur qu’ont les massifs alpins qui se trouvent de ce côté. D’ailleurs , dans les endroits où le bassin suisse est le plus large , les terrains jurassiques et néocomiens ont éprouvé des plissements et dislocations qui ont par ce moyen en partie dé- truit la force qui devait s’appliquer au pied du Jura ; ainsi le Jorat et plusieurs petites montagnes des cantons de Fribourg et de Berne doivent leur première origine à cette dislocation des Alpes. Le Salève formait déjà une colline sous-marine lors du dépôt néocomien, comme l’a très bien démontré 1\1. Favre ; mais son grand relief s’est pris à l’épocjue de la dislocation des Alpes. Ainsi, en résumé, on voit que si j’admets que les Alpes ont agi sur le Jura, ce n’est que d’une manière secondaire, et qu’ elles n’ont eu pour résultat que d’élever fortement au-dessus des eaux la partie comprise entre Bienne , Morteau , Censeau , Arinthod , Belley, Gex et Orbe , dont le relief était déjà pris depuis l’époque de la dislocation jurassique , et qui formaient des îles , îlots , récifs et collines sous-marines pendant la période néocomienne. Les autres dislocations qui ont amené le retrait des eaux de la mer des parties environnantes du Jura ont apporté peu de modifi- cations à ce système de montagnes , il n’y a guère eu que la dislo- cation molassique qui s’est fait un peu sentir dans la partie N.-E. En livrant ces réflexions aux géologues , j’ai moins eu pour but de donner cela comme une théorie achevée , que d’attirer leur atten- tion sur la manière d’envisager la question de la dislocation néo- comienne dans le Jura. 1 . Coupe du Salève au Reculet. a Salève, Genève , c Thoiry, d Reculet, e vallée de Valserine, B blocs erratiques et alluvions , M molasse, N terrain néocomien , J terrain jurassique. 2. Coupe du sommet de la Dole ^ allant du N. au S. aaa chemin de de Saussure, h piton du S., c la Dole, d piton du N., e châlet du creux, / chalet de la Dole, g faille. 3. Vue du ploiement du piton N. de la Dole. a Fin Château , h piton N., c rochers de la Trélat. SÉANCE DU 1*^» FÉVRIER 18/l7. /i5â SÉANCE DU FÉVRIER 1847. àbk M. Rozet rappelle qu’il a publié dans le t. Yl d\i Bulle ti/i ^ série, un Mémoire sur les soulèvements jurassiques, oii il assure avoir rapporté les memes faits que M. Marcou sur l’in- fluence des Alpes sur le soulèvement du Jura. M. Marcou répond que le soulèvement de la partie occiden- tale du Jura peut s’expliquer par celui des Alpes , mais non la partie septentrionale. M. Elie de Beaumont demande si les résultats de M. Marcou confirment les siens. M. Marcou répond affirmativement. M. Desor dit que le soulèvement septentrional du Jura, depuis Neuchâtel, est indépendant de celui des Alpes. Il y a un soulè- vement portlandien avant le dépôt du néocomien, car il n’y en a pas dans les vallées intermédiaires. Mais dans le Jura méri- dional les voûtes seules ont été soulevées au-dessus de la mer néocomienne qui s’est déposée dans les intervalles. Les voûtes étaient probablement peu élevées au-dessus du néocomien, qui, dans les Alpes de Saint-Gall , a été élevé à 1500 mètres. Dans la vallée de la Chaux-de-Fond il y a des terrains tertiaires redressés. M. Élie de Beaumont rapporte le soulèvement du Jura à celui de la Côte-d’Or, influencé ensuite par le soulèvement des Alpes. M. Rozet pense que les différents soulèvements de M. Thur- mann pourraient très bien avoir eu lieu en même temps. M. Marcou rapelle les différences que M. Renaud-Comte a signalées entre les vallées d’érosion et les vallées de dislocan tion (1) . M. Rozet dénie à l’eau le pouvoir de couper des rochers-, il y a eu d’abord dislocation , puis érosion dans le sens des lignes de plus grande pente. M. Marcou répond que les vallées ne sont pas creusées uni- quement par les eaux , mais seulement érodées par elles. M. Constant Prévost communique l’extrait suivant d’une lettre qui lui est adressée de Vienne par M. Boué. (1) Voir Étude systématique des vallées d'érosion dans le dépar- tement du Doubs , par Renaud-Comte ; Mémoires de la Soc. d'ému- lation du Doubs ^ t. Il, 1 846. SÉANCE DU lei’ FÉVRIER 18/l7. A55 Mon cher inonsieur , Je ne sais pas si ma lettre sera inutile ; si c’était le cas , je ne la regretterais pas , puisqu’elle m’aurait donné une occasion de vous renouveler mes sentiments d’estime ; si elle ne l’était pas , elle servira à éclaircir une question scientifique qui vous touche de près , d’autant plus que sa solution est contraire à celle que vous avez donnée. Mais je connais assez votre amour de la vérité pour prévoir que vous m’en voudriez presque, si j’adressais ces mots à quelque autre qu’à vous. La scienee marelie toujours , tandis que nous vieillissons malheureusement ; heureux ceux qui ne se pétrifient pas et deviennent ainsi sourds à tout avertissement ou à toute nouveauté I Nous ne sommes pas dans ce cas , ni vous ni moi. A la question 11 s’agit de vos marnes en formes régulières pyramidales de Montmartre {Journ. des mines ^ 1809, p. 227, et Bull. Soc. philom., avril 1809, Bull. Soc. géol. de Fr.., 1837, l^® série, v. YÎII, p. 320). Yous, Beudant {Traité de minéral., 1830, p. 152), etc., les déclarez un accident de retrait, etc.; vous pratestez même {Ballet., p. 220) contre l’idée que ce sont des pseu- domorphoses de sel marin , quoique vous donniez bien des preuves à l’appui de eette idée , savoir , les formes , les stries des pyra- mides et les cavités vides avec des fissures à leur pourtour (p. 321). — M. Haidinger, qui a livré une suite de travaux coiisciencieux et remarquables sur les pseudomorphoses de 1827 à 1847, vient de prouver mathématiquement qu’on a pu tracer la série inter- médiaire entre vos marnes pyramidales et des pseudomorphoses incontestables de sel gemme. Son Mémoire ‘mtïixAé Sur les jjseudo- morphoses d’après le sel gemme {Naturo’issenscltajtliche Jhhandlun- gen , publiés par lui pour la Soc. des Amis de l’iiist. nat. à Yienne , 1847, V. I, p. 65-79). L’estimable auteur commence par parler de la description par Maussmann de pyramides quadrangulaires et de cavités de cette forme dans une marne bitumineuse du muschelkalk des bords du Weser {Nachricht. v. d. K. Ges. d. fViss. za Gottingen , 1846, 7 décembre , n" 17). liaussmann déclare ces solides des pseudo- inorphoses de sel , et les croit placés sur la limite des gypses secon- daires ; les cavités striées en forme d’escalier sont composées , à ce qu’on voit fréquemment dans les cuves à évaporation pour les eaux salées , de cristaux de sel s’y formant dans l’argile et sont dissous plus tard, en ne laissant que l’indication de leurs formes. D’une autre part , le professeur Amos Eaton a décrit des pseudo- morphoses toutes semblables dans des marnes calcaires salifères du SÉANCE DU 1^»' FÉVRIER 18/i7, 456 groupe silurien supérieur, savoir, le groupe dit d’Onondaga dans les États-Unis [Amer. J. oj sc., 1829, v. XY, n® 2 ; Phil. 3'îag. , 1829 , n“ 31 , p. 72). M. üaidinger a obtenu de ces pseudomor- phoses, soit solides, soit creuses, de Syracuse (Et. de JY. Y.). On y revoit les stries en escalier, en bosse et en creux. Pendant la disso- lution des particules du sel , il s’est déposé dans les cavités des cristaux microscopiques de quartz et de chaux carbonatée. M. Haidinger a décrit des pseudomorphoses de gypse d’après des cristaux de sel de Gôssling (Autriche) ; ce sont des cubes un peu déformés à cause de la pression éprouvée par le limon où ils s’étaient formés. Les cavités sont tapissées de cristaux de quartz et de spath magnésien ou dolomie. (Zeit. f. PJiysik de Vienne., V. lY, c. 4 , p. 225. ) Mais on voit à Hall, en Tyrol, des cristaux de sel où cette opération de déplacement se continue encore , de manière qu’on peut collecter des échantillons qui montrent le passage de l’exis- tence entière de seivd^lables cubes solides jusqu’à celle où il n’en reste que le squelette , ou même jusqu’au point où les cavités occu- pées sont totalement vides. Dans les intermédiaires, on voit* les solides devenir toujours plus petits en laissant plus de vides. Ces apparences se revoient toutes dans les cuves à évaporation du sel. De l’eau remplit encore quelquefois les cavités où le sel existait jadis. L’auteur vient ensuite à parler des pyramides marneuses de Montmartre situées dans un dépôt marin , ce qui est prouvé main- tenant aussi bien par la présence des coquillages cités que par la présence des pseudomorphoses en question. Une solution gypseuse a dissous vos cristaux de sel gemme em- pâtés dans la marne marine , tandis qu’il s’est formé des cristaux de sélénites dans les marnes plus compactes et sans fossiles , qui recouvraient la couche à cristaux de sel. Le gypse niviforme sem- blerait aussi une indication d’action pseudomorphique. M. Partsch a trouvé à Koneck , près du mont Oetsclier, des cubes de 3/4 de pouce sur les côtés et composés de six pyramides dont les sommets convergent. Cette pseudomorphose est dans un grès fin quartzeux et poreux. Les cubes solides sont composés de grains fins de quartz , mais on y reconnaît encore les surfaces en escalier des pyramides du sel , tandis que la surface du cube est encore bien visible par une fine ligne de séparation. La structure feuilletée du grès ne se prolonge pas à travers les cubes. Les parti- cules sableuses auront remplacé petit à petit celles du sel. M. Haidinger a des cubes de sel remplacés par de l’anhydrite SÉANCE DU FÉVRIER 18Zl7. 457 bleue , dont les faces sont concaves et les arêtes saillantes par suite de la pression ; ces échantillons viennent de Hallein en Salzbourg. La collection des mines possède des échantillons de pseudoinor- plioses cubiques de sel remplacé par des cristaux de sélénite d’Aix en Provence. Les cubes sont déformés. Des cristaux de sel dans l’iirgile ont été peu à peu dissous et comprimés pendant que du sulfate de chaux blanc se déposait sur la surface , tandis que l’in- térieur s’est rempli de sélénite coloriée par l’oxyde hydraté de fer. A Pirano , en Istrie , on a trouvé des petites cavités cubiques tapissées de cristaux d’anhydrite : elles sont dans une marne ap- partenant probablement au grand système à Nummulites, l’épi- crétacé de Leymerie , l’hétrurien de Pilla , système qui comprend une grande partie de l’I strie , de la Dalmatie , la partie côtière de la haute Albanie , entre la mer et la vallée de l’Hismo , d’une portion de la partie de l’Epire entre la mer et la vallée du Voioutza ou Acres. Ce système y repose et recouvre le véritable système crétacé à Rudistes , qui ressort çà et là en montagnes ou chaînes , ou se montre dans le fond des vallées. AI. Haidinger a reçu du terrain salifère de Soovar des pseudo- morphoses cubiques comprimées et déformées , qui offrent à leur extérieur une croûte de cristaux de dolomie et un seul cristal de gypse dans leur intérieur, cristal qui remplit tout l’espace de ce dernier. Il y a donc eu formation de sel dans la marne , présence d’une solution saturée saline qui a aidé la formation du double carbonate de chaux et de magnésie (opération catogène) , dispari- tion du reste du sel marin et cristallisation du sulfate hydraté de chaux par suite de l’arri vée de sulfates à la place d’hydrochlorates ; la solution de sel est devenue moins saturée , l’eau a dissous le gypse à la surface pour laisser entre lui et la dolomie un petit espace vide qu’on trouve dans tous les échantillons. Si le grès cristallisé rhomboédrique de Fontainebleau dépend bien de la chaux carbonatée infdtrée , il n’en est pas ainsi des grès cristallisés cubiques , qui existent dans certaines couches aré- nacéo-marneuses du keuper en W estphalie , en Wirtemberg et en Thuringe. Ces cristallisations si fréquentes ont frappé les minéralo- gistes et les géologues depuis longues années , et , à leur sujet , nous pourrions noter ici plus de douze citations d’auteurs depuis Bruck- mann en 1780 {Schrift d. Berlin Gesellsch. Naturforsch Freiind. ) jusqu’à Noeggerath (iV. Jahrb. /. min.^ 18à6 , e. 3, p. 307). Ce dernier a déjà reconnu que ce sont aussi des pseudornorphoses de sel gemme. Voici l’explication qu’en donne notre ingénieux Hai- dinger. Les surfaces couvertes de ces nombreux cubes de sel étaient SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. A58 les parties inférieures de couches de grès reposant sur des marnes. G’est sur la surface de ces dernières que s’est cristallisé le sel , pen- dant que les marnes étaient encore un limon , de manière à y laisser l’empreinte de la surface inférieure de leurs cubes. Une eau limoneuse les a recouvertes de sable , ce qui a détruit peut-être déjà les parties supérieures des cubes , et a renfermé dans le grès le reste de ces cristaux. Plus tard ces derniers furent dissous et rem- placés petit à petit par des particules sableuses qui n’étaient pas encore agrégées en grès. Dans la Hesse il y a de ces mêmes cubes qui sont remplis de cal- caire compacte et qui offrent à leurs surfaces des stries en partie en escalier. Les pseudomorphoses de sel sont donc jusqu’ici les suivantes, savoir : 1° Celles du sel ayant remplacé du sel ( Mém. de Haidinger, Ahh. d. K. Ges. d. fViss. von Bohmen , 5 sér., V. III, p. 3 , et Noeggeratli , Jahrb.f. min.') ; 2“ Le Polyhalite (Mém. de Haidinger, Zeit. j. Phys.., v. IV), et Blum , Pseudomorphoses p. 223 ; 3° Ps. en gypse ; à" Ps. en gypse avec croûte de dolomie ; 5° Ps. d’anhydrite ; 6“ Cavités vides; 7° Ps. remplies de grès; 8° Ps. remplies de calcaire. M. Constant Prévost met ensuite sous les yeux de la Société plusieurs échantillons de marnes et de calcaires dans lesquels se voient les divisions à formes pyramidales qu’il a fait connaître en 1809, et dont l’explication, qu’il a cru devoir en donner alors, est aujourd’hui contestée par M. Haidinger. M. Constant Prévost renvoie pour l’exposition de la question dont il s’agit au Journal des mines pour l’année 1809 et au Bulletin de la Société géologique , 1^^ série, t. YHI, p. 320, séance du 19 juin 1837, pl. VU, fig. 3. Sans prétendre discuter les opinions auxquelles M. Hai- dinger s’est arrêté de préférence, puisqu’il ne connaît, dans ce moment, ni les faits ni les raisons sur lesquels ces opi- nions sont fondées , M. Constant Prévost demande si dans les phénomènes observés il ne pourrait pas y avoir réellement deux causes : le remplacement de cristaux cubiques, comme cela paraît incontestable, pour les cubes que l’on voit à la surface des plaques de grès du Keuper , et 2^ un retrait qui se serait opéré d’une manière régulière dans des directions perpendicu- SÉANCE DU FÉVRIER 1847. 459 laires à chacune des faces d’un cristal cubique , ou d’une cavité cubique laissée par un cristal de cette forme , dont la substance aurait disparu sans avoir été remplacée. C’est ainsi que M. Constant Prévost a conçu la division des marnes argileuses de Montmartre , dont il croyait avoir trouvé l’explication dans les cavités cubiques des marnes calcaires de Montmorency et de Moulignon. Il fait observer que dans aucun cas les pyramides quadrila- tères dont chaque face est plissée parallèlement à sa base ne sont isolées ^ qu’il y en a toujours six dont les sommets conver- gent vers une cavité centrale dont la forme est cubique -, que chaque face de chacune de ces pyramides est par conséquent et nécessairement en contact avec une face de l’une des cinq autres pyramides , et que rien , dans ce système , ne rappelle les trémies de sel marin. Il faut faire remarquer de plus que la base carrée des pyramides ne se sépare jamais de la gangue , comme le font les côtés , de telle sorte que l’existence d’un cube est plutôt idéale que réelle, puisque l’idée de ce cube ne résulte que de la juxtaposition de six pyramides quadrangu- laires dont les sommets convergent. Le fait est que pour les marnes des environs de Paris les résultats sont exactement ceux que l’on obtiendrait si l’on admet dans une masse suscep- tible de retrait une cavité cubique d’une dimension quelconque, et si l’on suppose que la matière s’éloigne du centre de la ca- vité perpendiculairement à chacune des six faces de cette cavité. On voit que nécessairement des solutions de continuité auront lieu suivant la ligne de jonction de chaque deux surfaces et dans un plan prolongé intermédiairement à ces deux faces ^ qu’il en résultera la division de la gangue qui environne la cavité cu- bique en six pyramides dont les dimensions croîtront à mesure que le retrait augmentera , et la surface des côtés de chaque pyramide pourra être plissée par l’effet de ce retrait même. M. Constant Prévost , en terminant, remercie M. A. Boué du nouveau témoignage de confiance et de bonne confraternité qu’il a bien voulu lui donner en lui adressant directement des observations qui semblent contredire une opinion qu’il a cru pouvoir soutenir anciennement. SÉANCE DU 15 FÉVRIER l8Zi7. /|60 Séance du 15 février 1847. PRÉSIDENCE DE M. DÜFRÉNOY. M. Cil. Martins, secrétaire pour rEtiaiiger , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame membre de la Société , M. Babeau (Eugène), notaire, à Langres (Haute-Marne), présenté par MM. Gornuel et Barotte. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la Justice, Joiwnal des Sauants , janvier 1847. De la part de M. Degousée, Guide du soudeur^ ou Traité théorique et pratique des sondages; in-8‘^, 504 p., avec atlas de eSZi pl. Paris, 1847. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; 1847, lei* semestre, t. XXIV, n^s 5 — 6. L'Institut; 1847, n^s 683 — 684. Mémoires de la Société d'agriculture ^ sciences^ arts et belles-lettres de Bayeux ; t. IIl, in-8o, 1845. The Athenœum; 1847, 1006 — 1007. The Mining journal; 1847, nf’s 598 — 599. M. Le Blanc , secrétaire , présente quelques développements sur le contenu de l’ouvrage de M. Degousée offert aujourd’hui à la Société. Le Guide du sondeur de M. Degousée, dit-il , est un ouvrage entièrement neuf, et manquait à la science. La rapidité des progrès faits depuis quelques années dans l’art des sondages explique pourquoi on n’avait pas encore pu les réunir en un corps de doctrine. La table des matières que nous donnons ci-aprés indique les renseignements qu’on peut puiser dans cet ouvrage. Le chapitre VIII paraît devoir intéresser par- ticuliérement tous les géologues. — L’ouvrage est édité, au SÉANCE DU 15 FÉVRIER IB/jT. !\M prix (le 15 francs, par MM. Langlois et Leclercq, rue de la Harpe , 81. Table des mat lèves, CHAPITRE P^ — Précis historique et théorique de l’art des SONDAGES. CHAPITRE II. — Précis géologique. Introduction. Définition et but de la géologie. — Origine présumée de la terre , développements successifs de sa masse; son état actuel. Étude systématique de l’écorce solide. Composition et structure, — Age (terrains). — Applications industrielles. L’c tilde SYStématiquc du sol est développée ainsi qidilsiiit: Ce que l’on doit entendre par minéraux ^ roches , fossiles ; description sommaire des espèces les plus importantes. — Structure générale et particulière de l’écorce solide [couches , filons ^ amas ^ brèches , concrétions ^ etc.). Ce que l’on doit entendre par terrains. — - Division générale des ter- rains en stratifiés et non stratifiés. — Nomenclature et description des terrains stratifiés (d’après MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy). — Nomenclature et description des terrains non stratifiés. Ce que c’est qu’un bassin géologique. — Aspect général des bassins géologiques secondaires et tertiaires. — Dispositions favorables à l’établissement des puits artésiens. — Gisements habituels des com- bustibles fossiles qui peuvent être recherchés par sondages (anthra- cite, houille, lignite , tourbe), — Recherches du sel gemme et des eaux salées. CHAPITRE III. — Connaissances nécessaires et devoirs d’un CONDUCTEUR DE SONDAGES. CHAPITRE IV. — Des différentes applications de la sonde. Des sondes d'exploration pour l’étude des terrains. — De l’enfonce- ment des pilotis et de la pose des pieux pour les lignes télégraphi- ques. — Des puits d’amarres pour les ponts suspendus. — Des sondages sous-marins pour la destruction des récifs et l’étude des ports. — Des sondages horizontaux. — Des sondages des mineurs et de la recherche des gisements minéralogiques et métallifères. — Des puits d’aérage des mines. — Des puits absorbants pour dessè- chements , ou absorption des eaux fétides provenant d’usines. — Des puits artésiens , ou recherche des eaux souterraines et de leur appli- cation. CHAPITRE V. — Des différents systèmes de sondages. 462 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/17. CHAPITRE VI. — Des différents instruments de sondage et de ceux QUI servent a les mettre en œuvre. Outils accessoires. — Outils percuteurs. — Outils rôdeurs. — Outils de nettoyage et de vidange. — Outils vérificateurs. — Outils rac- crocheurs. — Outils redresseurs. — Engins pour les sondages hori- zontaux. — Engins pour les sondages dans les angles de murs. CHAPITRE VII. — Tubages. CHAPITRE VIII. — Instruments de précision. Grandes boussoles. — Instruments de poche pour les voyageurs , tels que boussole, niveau à réflexion, lunette à micromètre et à genou pour la détermination des distances; fabriqués par M. Gravet, rue Cassette, 14. CHAPITRE IX. — Puits artésiens. Résultats obtenus dans les différentes localités de France et à l’étranger. CHAPITRE X. — Tarifs des sondes. Conditions générales de sondage. CHAPITRE XI. — Législation. Loi du 21 avril 1810 sur les mines. — Loi du 1 7 juin 1840 sur le sel. • — Ordonnance du 7 mars 1841 sur le sel. — Loi du 29 avril 1 845 sur les irrigations. M. Barotte donne lecture de la note suivante de M. Royer^ Sur les glaciers. La question des glaciers est très intéressante, et je ne suis point étonné qu’on y revienne souvent. Chaque nouveau fait observé est une pierre nouvelle apportée à l’édifice dont M . Agassiz a posé les fon- dements. L’existence des glaciers dans les Vosges est déjà évidente; les traces qu’ils y ont laissées ont une analogie parfaite avec les effets produits par les glaciers modernes des Alpes. On a fait moins d’observations dans le .Iiira, qui cependant présente aussi ses mo- raines. J’ai eu l’été dernier l’occasion d’en voir une qui sans doute n’a point échappé aux géologues qui s’occupent de cette partie si curieuse de la géologie ; je vais l’indiquer néanmoins à ceux que le hasard pourrait conduire de ce côté. Quand on pénètre en Suisse par la route de Pontaiiier, on remonte d’abord, à partir de cette ville, la rive droite du Doubs , que l’on quitte bientôt près du fort de Joux. Depuis ce point , on suit une longue gorge jusqu’au village de Jougne , situé sur la SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18Z|7. hm frontière de la France, et où sont établis les bureaux de la douane. Arrivé à Jougne , le voyageur est frappé de la vue magnifique qui se développe tout à coup à ses yeux : une vallée profonde , en- caissée dans des montagnes élevées , couvertes de noirs sapins , s’ouvre à ses pieds ; ses eaux se dirigent vers la Suisse et vont se jeter dans l’Orbe. Le village de Jougne est posé de la manière la plus pittoresque sur le revers de la montagne, et comme à cheval sur l’arête qui forme le passage des eaux. De Jougne , la route, tracée sur le flanc de la montagne , descend en faisant un long circuit vers le fond de la vallée. Sur cette pente on observe un terrain de transport composé de galets arrondis et de gravier cal- caire. Il n’offre point de forme spéciale , si ce n’est au-dessous du village où l’on distingue quelques mamelons à peine sensibles , mais à une telle hauteur sur le talus qui supporte Jougne que l’on ne peut attribuer ce dépôt aux éléments actuels. A quelques cen- taines de mètres du village , le terrain dont je parle prend une forme décidée , qui ne laisse plus de doute sur son origine : une butte élevée occupe le centre de la vallée et paraît l’avoir barrée entièrement autrefois ; elle est également composée de terrain de transport ; c’est un gravier calcaire mélangé de galets qui sont gé- néralement de petites dimensions. Je n’y ai pas vu de blocs ; on en trouve la raison dans la composition minéralogique de ce ter- rain , les roches calcaires résistant moins à la décomposition et à l’action destructive des agents atmosphériques que les roches sili- ceuses anciennes. Cette butte est évidemment une moraine termi- nale. Elle en a la forme et la disposition. Aujourd’hui elle n’appuie plus ses deux extrémités sur la base des montagnes voisines. Ces deux extrémités ont été en partie détruites par le ruisseau de Jougne qui s’écoule vers l’Orbe. Je n’ai pu , faute de temps , remonter la vallée de Jougne ; je ne serais point étonné que d’autres moraines supérieures à celle que j’ai vue ne s’y présentassent. La nature uniquement calcaire de ce terrain de transport annonce que le glacier qui l’a produit descendait des sommités de cette vallée ; le grand glacier qui cou- vrait la plaine suisse, et qui a semé sur les côtes orientales du Jura ses galets et ses blocs de roches anciennes arrachés aux Alpes , n’a point pénétré dans la gorge de Jougne jusqu’au point dont je viens de parler, puisqu’on n’y rencontre aucun débris de ces roches an- ciennes ; mais quand on continue à descendre cette gorge, on ne tarde pas à trouver des galets et des blocs de ces roches alpines re- posant sur les croupes calcaires du Jura et attestant ainsi la pré- sence de l’action de ce grand glacier. 46/i SÉANCE DU 15 FÉVRIER iS!\7 • M. Damour fait la communication suivante ; Notice et analyses sur un hydrosilicate d'alumine tronc é a Montmorilloii (Vienne), par MM. Damour et Salvétat. Dans la séance du h décembre 18^6 M. Michelin a déposé sur le bureau de la Société géologique des échantillons d’un minéral trouvé à Montmorillon (département de la Vienne ) , et envoyés par M. Mauduyt, membre de notre Société. Pour répondre au désir exprimé par notre confrère, nous avons, M. Salvétat et moi , étudié la composition de cette substance , et nous venons exposer aujourd’hui le résultat de nos essais. Cette matière , très tendre au toucher, est complètement amor- phe et se laisse facilement égrener entre les doigts. Sa couleur est le rose clair. Sans avoir les propriétés plastiques des argiles , elle se délaie dans l’eau avec une extrême facilité. Elle est infusible à la llamme du chalumeau , ainsi qu’à la plus haute température pro- duite dans le four à porcelaine. Chauffée dans un tube , elle laisse dégager beaucoup d’eau , perd sa couleur rose et passe au blanc grisâtre. A une très haute température , elle prend la blancheur et l’aspect du biscuit de porcelaine , et acquiert assez de dureté pour rayer le verre. Chauffée avec le sel de phosphore , elle se dissout partiellement et laisse un squelette volumineux de silice. ' La dissolution bouillante de soude caustique lui enlève une petite quantité de silice. L’acide chlorhydrique l’attaque partiellement sans produire aucune effervescence et dissout ainsi de la chaux , de la potasse , de l’alumine , de l’oxyde de fer et des traces d’oxyde de manga- nèse ; la majeure partie de la matière reste insoluble et conserve sa couleur rose. Si , après ce traitement par l’acide , on fait bouillir la portion insoluble avec une lessive de soude caus- tique , on dissout une quantité considérable de silice. La partie insoluble dans la soude étant traitée de nouveau par l’acide chlor- hydrique est décomposée complètement. La silice se sépare à l’état floconneux et la liqueur acide retient tout le reste de l’alu- mine. L’acide sulfurique , chauffé jusqu’au degré où il commence à en- trer en vapeur, décompose complètement le minéral. En versant de l’eau sur la matière ainsi attaquée , l’alumine et les autres hases sont dissoutes, et il se dépose de la silice pure. La dissolu- tion séparée de la silice donne , avec l’ammoniaque , un précipité SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. /l65 cralmiiine colorée par un peu d’oxyde de fer. La liqueur , séparée de l’aluinine est troublée par Foxalate d’ammoniaque. Le phos- phate de soude y produit un précipité appréciable. Un essai particulier, pour examiner si le minéral contenait de l’acide sulfurique nous a donné un résultat négatif. Ces essais indiquent que ce minéral est essentiellement composé de silice , d’alumine et d’eau ; il contient en outre de faibles quantités de chaux, de magnésie, dépotasse , d’oxyde de fer et de manganèse, La couleur rose particulière à cette substance nous paraît devoir être attribuée à la présence d’une matière combus- tible. La moyenne de quatre analyses, exécutées par M. Salvétat par des procédés différents , présente les résultats qui suivent : Silice Alumine Oxyde ferrique. . Chaux Potasse Soude (traces). Magnésie Eau 0,4940 — 0,1970 — 0,0080 — 0,0150 — 0,0150 — 0,0027 — 0,0010 0,2567 0,9884 Oxygène. Rapport. 0,2566 — 33 0,0992 — 12 0,0077 — 1 0,2282 — 28 0,0920) 0,0072] 0,0042 N 0,0025 ( Trois analyses, faites par M. Damour, ont donné en moyenne : Silice Alumine Oxyde ferrique. . . Chaux Magnésie Potasse Ox. de manganèse. . Eau 0,5004 — 0,2016 — 0,0942) 0,0068 — 0,0021 ] 0,0146 — 0,0041 0,0023 — 0,0009 [ 0,0127 — ^ 0,0021 ) (traces). 0,2600 — Oxygène. Rapport. 0,2599 — 33 0,0963 12 0,0071 — 1 0,2311 — 28 0,9984 L’oxygène des bases à 1 atome , comparé à l’oxygène des bases à 3 atomes , de l’eau et de la silice , présente à peu près les rapports ; 1:12: 28 : 33 , ce qui permet de construire la formule : (G«, M., k.) S.3 + 4 {Al, ÿ.) S/2 + 28 ». En calculant les proportions relatives des divers éléments de ce Soc. géol., 2® série, tome IV. 30 /j66 séance du 15 FÉVRIER 18^7. minéral , cl’ api es la formule cjui précède , et , pour simplifier, rem- plaçant la magnésie et la potasse par ime cpiantité équivalente de chaux , on trouve les nombres suivants : En loooo®. Oxygène. '11 atomes de silice. . 635041 0,5111 — ■ 0,2655 4 atomes d’alumine. 256932 0,2068 — 0,0965 1 atome de chaux. . 35602 == 0,0287 — 0,0080 28 atomes d’eau. . . 31 4944 = 0,2534 — 0,2252 1242519 1,0000 On voit que ces nombres se rapprochent beaucoup de ceux qu’on obtient par l’analyse , nous pensons donc que la formule générale : r S.3 + 4 R 'S'-2 + 28 H est celle c[ui permet de reproduire le mieux les résultats de nos analyses de ce minéral. M. Berthier a analysé une substance trouvée à Confolens ( Cha- rente ) , qui lui a présenté la composition suivante : Oxygène. Silice. . . . 0,5750 — 0,2990 Alumine. . . 0,2080 — 0,0970 Chaux. . . . 0,0240 — 0,0070 Magnésie. . . 0,0240 — 0,0090 Eau 0,1540 — 0,1370 - 0,9850 Ai. Adam a bien voulu jiermettre à run de nous d’examiner , dans sa collection , un échantillon du minéral de Confolens ; les caractères extérieurs de cet échantillon sont identiques à ceux de la substance envoyée par AI. IVlauduyt. Il est très probable que ces matières constituent une seule et même espèce. Les différences cpi’on remarque entre l’analyse de Al. Berthier et celles que nous venons d’exposer tiennent à la méthode suivie pour effectuer le dosage de l’eau. Dans l’analyse de AI. Berthier, le minéral avait été desséeiié préalablement à la température de 100" ; cette matière avait dû perdre ainsi une quantité d’eau con- sidérable ; nous en avons acquis la certitude en opérant de la même manière sur le minéral de Alontmorillon. 1 gramme de cette matière , conservé pendant quelques jours à la température de 1 5° dans un vase fermé , puis chauffé SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/(7. k(^7 jusqu’à lOO®, a perdu 0°'’ ,1^55 Chauffé au rouge, il a perdu 08'-,1512 En tout. . . 0®*’,2567 Les quantités relatives des autres éléments doivent ^Dar consé- quent varier selon qu’on opère sur la matière plus ou moins privée d’eau. Craignant d’altérer la constitution intime du minéral en l’exposant à la température de 100°, nous avons préféré, dans nos analyses , effectuer le dosage de l’eau et des autres éléments , en prenant pour point de départ la température de 15°, dans une atmosphère dont l’état hygrométrique ne pouvait être affecté de variations sensibles. Le minéral de 3Tontmorillon et celui de Confolens nous pa- raissent , d’après rensem]3le de leur caractère , se rapporter à la famille des Halloysites ; leur composition se rapproche aussi lieaucoup de celle du minéral décrit sous le nom de Lenzinite de Saint-Sever; il nous paraît prudent de les classer sous le nom H allô jsite jusqu’à ce que les analyses qui seront faites sur les matières analogues aient permis d’établir entre elles des divisions bien déterminées. M. Delanoue prie M. Damour de vouloir bien lui dire s’il s’est bien rendu compte de la cause de la coloration en rose de l’Halloysite qu’il a analysée. La Quincyte blanchit au feu, elle doit évidemment sa cou- leur à une substance organique, et l’Halloysite, simplement rosée , devient aussi très blanche par la calcination ^ mais lors- qu’elle est d’un rouge foncé , comme cela arrive quelquefois , elle prend au feu une teinte bleuâtre dont il se propose d’étu- dier la nature. M. Damour répond que celle qu’il a analysée a été soumise au feu de porcelaine et est devenue blanche^ que la coloration quelle offre lui paraît due à la présence d’une matière combustible plutôt qu’à toute autre cause. M. d’Omalius demande si une quantité de matière colorante si petite peut être reconnue par l’analyse. M. Delanoue répond que moins d’un millième de cobalt ou de manganèse donne des réactions très sensibles. Il reconnaît, du reste , la substance en question comme parfaitement iden- tique avec les Halloysites blanches, vertes ou roses, qui caracté- SÉANCE DU 15 FÉVRIER ISA/. /168 lisent, avec le maganése et la nontronite , l’ooiile inférieure du versant S. -O. du Limousin. M. Virlet ajoute qu’il a observé dans les tufs ponceux modi- fiés de l’île de Milo , lesquels appartiennent à la formation ter- tiaire subapennine, des bancs d’une roche savonneuse d’un gris verdâtre assez remarquable, et que M. Sauvage, qui a aussi visité cette île de l’arcbipel grec en iSIiQ , vient de recon- naître comme appartenant aux Halloysites. En effet, sa com- position étant : Eau . 12,70 Oxygènp. — 11,20 Silice . 31,60 — 16,80 Alumine . 23,20 — 10,70 Magnésie et alcalis. . 3,20 Quartz . 29,30 conduit à la formule « La rencontre de cette roche dans les terrains de Milo, dit M. Sauvage (1), offre de l’intérêt. Elle dérive des roches du groupe feldspathique par un mode d’action qui s’est exercé sur de grandes étendues. L’Halloysite de Milo est la même que celle des terrains tertiaires de la Champagne , où nous avons rencontré ce minéral constituant les principales assises de l’ar- gile plastique. » M. Frapolli lit le Mémoire suivant de M. Scheerer, dont il a fait la traduction de l’allemand à la demande de l’auteur. Discussion sur la nature plutoniciue du granité et des silicates cristallins cpii s^p rallient^ par M. Th. Scheerer (traduit de l’allemand par M. L. Frapolli). J’ai publié dans \e?, Annales de Poggendorff (t. LXYIIÎ, p. 319) un mémoire sur une espèce particulière d’isomorphisme, Vfsonw7- pliisme polymère^ qui joue un rôle très étendu dans le règne mi- néral. Le mémoire dont M. Berzélius a communiqué un résumé, dans la séance du 11 février 18/i6 de l’Académie de Stockholm, sert en quelque sorte de base et d’introduction au travail actuel ; c’est pourquoi je crois essentiel d’en indiquer ici d’abord les con- clusions principales. (1) Ann, des ruines^ 4® série, t. X, p. 77, SÉANCE DU 51 FÉVRIER iSll7 . /l69 Première partie. ■ — Quelques mots sur l’isomorphisme polymère. Dans le gneiss primitif aiiipliiJiülique du pays aux environs de Krageidc, petite ville du littoral de la Norvège mt'ridionale , on reneontre de nombreuses parties de granité et de cpiartz earacté- risées par la présence de plusieurs minéraux. C’est dans le journal de Leonliard qu’on trouvera une de.scription détaillée du gise- ment de ces minéraux, que j’ai publiée ü y a quelque temps. Ils se présentent en petites masses disséminées irrégulièrement. Le dicliroïte (1) et un autre minéral inconnu jusqu’à ce jour, et que j’ai nommé asqjasiolite sont de leur nombre. Ces deux minéraux ne diffèrent pas seulement par leur compo- sition chimique , mais en même temps par leurs caractères exté- rieurs. Quoique l’aspasiolite possède absolument la même forme cristalline (2) que le dicliroïte , elle en diffère cependant par sa composition chimique , par sa couleur , sa dureté , son éclat et son poids spécifique , ainsi qu’on peut s’en convaincre par le tableau suivant : DICHROÏTE. ASPASIOLITE. Composition, Silice 50,44 50,40 Alumine 32,95 32,38 Magnésie 42,76 8,04 Chaux 4,42 Protoxyde de fer 0,96 — de manganèse. traces Eau 1,02 99,25 99,86 Couleur. Tantôt incolore , tantôt une lé- | Nuancé en vert d’huile d’as- gère couleur d’améthiste ou bleu perge , de poireau , rarement pas- clair, quelquefois brunâtre. | sant du brunâtre au rouge brun. (1) Dans la traduction des noms allemands des minéraux, nous avons suivi dans ce Mémoire la nomenclature le plus généralement répandue et consacrée tout nouvellement par le grand ouvrage de M. Dufrénoy. C’est pourquoi , même dans ce cas spécial, nous substi- tuons à la dénomination de cordiérite, dont s’est servi l’auteur, celle de dichroïte qui a le mérite d’être plus ancienne , plus connue, et d’indiquer une propriété. [Note du traducteur . j H (2) L’aspasiolite se trouve rarement cristallisée ; cependantM. Scheerer en possède de beaux prismes hexagonaux réguliers. {ÎNote du traducteur 470 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. Dureté (1 ). 7 à 7 1/2 ( le quartz est quel- quefois un peu plus dur). 3 à 4 (entre le spath calcaire et ta chaux fluatée). Éclat, Vitreux. Gras sur les faces des cristaux , peu brillant et même mat dans la cassure. Densité. ' 2,60 J 2,764 On peut se faire une idée exacte des différences extérieures de ces deux minéraux par la comparaison du dicliroïte avec la ser- pentine ; car on ne distingue celle-ci de l’aspasiolite compacte que par l’analyse. Or, pour expliquer l’identité de forme que pré- sentent ces deux corps d’une composition si différente , nous sommes forcés d’avoir recours aux lois de l’isomorphisme. Mais quelles sont dans ce cas les matières isomorphes ? En comparant les compositions du dicliroïte et de l’aspasiolite , on peut se convaincre tout d’abord que , par rapport aux propor- tions de silice et d’alumine , elles sont tout à fait les mêmes , et qu’il n’y existe qu’une différence , mais une différence essentielle , savoir : que le dicliroïte, en dehors de ces substances, ne contient que de la chaux de la magnésie et du protoxyde de fer , tandis que dans l’aspasiolite on trouve en même temps une quantité con- sidérable d’eau. On ne peut donc se rendre compte de l’ki égalité de cristallisation de ces deux minéraux qu’êii admettant que Veau est susceptible de se comporter comme hase isomorphe à l’égard de la magnésie., de l’oxyde de fer., etc. Cette explication devient en- core plus vraisemblable , si l’on considère qu’en regardant l’eau comme étant à l’état d’hydrate, la composition de l’aspasiolite ne saurait conduire à aucune formule admissilile. Or, ainsi que le calcul l’a démontré , lorsque l’eau remplace la magnésie c]ui manque à l’aspasiolite, ce ne peut être un atome d’eau qui se substitue à un atome de magnésie , mais trois atomes d’fi remplaceront exactement un atome de magnésie. Ces trois atomes d’eau représentent un atome d’eau basique que je désigne- rai par (») (1) Suivant l’échelle de Mohs. {Note du traducteur.) SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18A7. /i71 J’indiquerai également par une molécule dans laquelle entre une base monoxygénée et qui renferme une proportion plus ou moins grande d’eau basique. De cette manière , tandis que la formule du dichroïte est m S/2 -j- 3 Si , celle de l’aspasiolite sera = ( R )3 Sz^ -]- 3 R Sz ; cette espèce d’isomorphisme résultant de ces différents rapports entre le dichroïte et Faspasiolite ne se borne pas à ces minéraux ; mais , ainsi que mes autres recherches Font confirmé , elle joue un rôle très étendu dans le règne anorganique. Dans ce résumé je me bornerai à développer ce fait par quelques exemples. Jusqu’à présent on n’avait pas réussi à trouver pour la serpen- tine une formule chimique qui représentât exactement la compo- sition moyenne obtenue par un assez grand nombre d’analyses. En considérant que treize analyses de serpentine faites par onze chimistes donnent une quantité d’eau variable entre 12,27 et 21,00 pour 100 , on concevra que cette question est difficile sinon impossible à résoudre. De quelle manière une seule et même for- mule aurait-elle donc pu représenter exactementla composition d’un minéral dans lequel la cjuantité d’eau est si inconstante ? La solu- tion de ce problème n’est devenue possible qu’autant qu’on prend notre nouveau point de vue comme point de départ. L’eau de la serpentine n’est pas de l’eau à l’état d’hydrate, mais elle fait Jonc- tion de hase et remplace une portion plus ou moins grande de ma- gnésie. En calculant les proportions tl’oxygène de ces treize ana- lyses de serpentine, et en comprenant dans ce calcul un tiers de l’oxygène de l’eau ( parce que 3 S — ( H ) ) , on trouve que dans toutes les serpentines la proportion entre la qua/itité d'oxygène de la silice et celle des bases est très près r/e 1 : 1 ; et l’on obtient des treize analyses la moyenne suivante : 's/ (R) 21,39 : 20,62 = 100 ; 96,4 Il n’y a donc , entre ces deux proportions d’oxygène , qu’une faible différence de 3,6 pour 100; mais cette petite différence, qu’on pourrait même attribuer avec raison à diverses circonstan- ces accidentelles , perd beaucoup de son importance si l’on rem- place dans le calcul le poids atomique de la magnésie qui , selon SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. ’ hl^ Berzéllus, est — 258,14 par la valeur que j’ai obtenue d’après mes recherclies. Suivant mes analyses, le poids atomique de la magnésie est = 250,97. En appliquant ce poids atomique aux pro- portions de l’oxygène dans les serpentines , le rapport moyen in- diqué ci-dessus se réduira à ; Si (R) 21,39 : 21,09 == 100 : 98,6 La petite différence de 3,6 pour 100 est donc réduite par l’in- troduction du nouveau poids atomique à 1,Z|. pour 100 , et il est prouvé , aussi exactement que l’analyse chimique a pu l’établir dans cette circonstance , que la proportion d’oxygène contenue dans la silice et celle contenue dans les autres bases , l’eau basi- que non exceptée , sont égales. D’où il résulte , pour la serpentine , la formule extrêmement simple que voici : (R)3 Si Et, si nous supposons que toute l’eau basique de la serpentine soit remplacée par de la magnésie, cette formule se réduira aux termes suivants : R^ Si- c’est-à-dire que ce sera celle de Xolivinc. Ces deux minéraux , la serpentine et l’olivine, doivent avoir la même forme cristalline. C’est, en effet, ce qui a lieu ; car c’est un fait connu depuis long- temps , mais dont on ne parvenait pas à se rendre conq^te, que la serpentine cristallisée , telle au moins qu’elle se présente en Nor- vège et dans l’Amérique du nord, n une forme identique avec l’oli- vine. Yoilà donc une seconde preuve bien frappante en faveur de notre nouvelle espèce d’isomorpliisme. Le dichroïte est h l' as- pasiolite ce que Volivine est h la serpentine (1). (1) Pourquoi la magnésie et les différentes bases isomorphes qui sont dans la serpentine et dans les autres minéraux contenant de l’eau basique ne sont-elles pas remplacées par celle-ci d'atome à atome? Cela s’explique d’une manière très simple , car il est évident que des combinaisons comme les suivantes; . ... i ( ■ j K ( R3 • ( S/ et (if S/, présentent nécessairement les mêmes formes cristallines. En conser- SÉANCE DU 15 FÉVRIRE 18/1 7. hn Il résulte du calcul des proportions de l’oxygène de plus d’une centaine de minéraux qui contiennent de l’eau et que j’ai examinés avec soin , que presque tous , dès le moment que l’on considère l’eau qu’ils renferment comme étant de l’eau basique , donnent des formules plus simples , plus harmoniques et plus en aceord avec la composition fournie par l’analyse cliimique , ce que l’on n’obtient pas en admettant que cette eau s’y trouve à l’état d’hy- drate (1). De cette manière les formules deviennent extrêmement sinqoles ; les minéraux serpentineux nous en fournissent entre autres un exemple bien intéressant. J’ai mis dans le tableau sui- vant les anciennes formules en regard avec les nouvelles : Formules anciennes. Formules nouvelles. Serpentine (2). . . 2 S/2 -|- 3 . . . (R)3 S« Gymnite Ûg S/ -[- Mg g/ ÎMtrS ) . Dermatine .... S/ -f- 4 If (R)^ S/ Chrysolite 3 (M^2Si + if)_[-M^ft2 . . (r)3 Si Chlorophaïte. . . . Fe S/ + 6 H- (R)^ Si . .... Picrophyllite.. . . ) • (S/ 4- 2 H- (R)^ S/ [¥e^ ) x4.phrodite 4 S/2 -j- 9 If . . . . « . (R)'^ S/ Spadaïte. ... 4 S/ -|- Mg' (R)^ S/2 Picrosmine. . . . MgS S/^ + H (R)^ S/2 ( 4 Mg ) •• Monradite. . . . , | ÎS/2-|-3lf (R)^ S/2 vaut une seule et même forme , elles peuvent donc se trouver mélan- gées entre elles dans toutes les proportions possibles, et, par consé- quent , avec des quantités d’eau très variables. (1) Les zéolithesen sont exclues. Dans ce genre de minéraux, l’eau ne paraît pas faire fonction de base , mais se trouver véritablement a l’état di' hydrate ; ce qui s’explique par le fait que toutes les zéolithes sont caractérisées par l’absence complète de magnésie, c’est-à-dire par V absence d’iuie base qae l'eau basique remplace de préférence . . (2) L’ancienne formule de la serpentine n’est exacte que pour des serpentines contenant 13 à 14 p. 100 d’eau. ii hlh SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. Formules anciennes. Formules nouvelles. Talc (1).. .... (R)3 S>i Magnésite (R)3 Les formules des minéraux micacés et chlorités et celles de cer- tains phosphates et arséniates qui renferment de l’eau, et qui presque toutes n’avaient pu jusqu’ici être considérées ni comme simples ni comme symétriques entre elles , ont acquis à un très haut degré ces propriétés. On pourra facilement se rendre compte de cette simplification générale des formules lorsqu’on verra , par exemple , que : 7 minéraux obtiennent la formule de la serpentine. 4 minéraux celle du grenat. 7 id. de l’épidote. 8 id. de l’augite. 6 id. du vivianite du Cornouaille. 4 . id.. id. de Bodenmais. On peut donc exprimer la composition de 36 minéraux divers, contenant de l’eau , par six formules très simples. De l’ensenible de nos recherclies il résulte : qu’un atome de magnésie ^ ou de protoxyde de fer ^ de jnanganèse, de cobalt^ de nickel et cV oxyde de zinc^ peut être remplacé^ d’après les lois de l’isomor- phisme ^ par trois atomes cV eau ^ et qu’un atome d’oxyde de cuivre l’est par deux atomes. Ces faits nous dévoilent une nouvelle espèce d’isomorphisme que j’appelle isomorphisme polymère^dx antithèse de V isomorphisme monomère connu jusqu’à ce jour. Cette loi devra bientôt s’étendre très probablement à un nombre bien plus consi- dérable de corps. J’ai essayé , ‘ par des réflexions plus approfondies sur la nature des divers carbonates de magnésie et du carbonate de chaux qui contiennent de l’eau, de démontrer que l’isomorphisme polymère joue un grand rôle, non seulement dans l’atelier gigantesque de la nature , mais aussi dans nos laljoratoires. Sous ce rapport, je ren- verrai à deux mémoires qui ont paru dans les Anncdes de Poggen- êorjf et qui se rattachent d’une manière directe à celui dont nous donnons un résumé. Au surplus , la présence de l’eau basique dans le règne minéral nous fournit des éclaircissements pleins d’intérêt sur la formation (1) L’eau qu’on trouve dans le talc est tout à fait négligée dans la formule ancienne. SÉANCE Dü 15 FÉVRIER 1847. hi^ de certaines soi-disant pseudomorphoses , ainsi que sur différents phénomènes lithologiques et géognostiques dont j’ai parlé avec plus de détail dans le mémoire indiqué. Qu’il me soit permis , en terminant , de rappeler un fait qui , bien qu’en rapport avec l’isomorphisme polymère , n’a cependant aucune influence sur ce dernier , mais qui est d’une grande impor- tance en raison de toutes les conséquences qu’on peut en tirer. Il peut se présenter les questions suivantes ; L’eau basique se trouvait-elle à rorigine dans les nombreux minéraux qui la con- tiennent , ou bien y a-t-elle pénétré après coup par suite d’in- fluences postérieures? J’ai exposé mes idées sur cette question dans différents mémoires insérés dans les Annales de Poggendorff^ et dans le journal de Leonbard et Broun, où j’ai fait mention de quelques faits qui concernent l’aspasiolite et la serpentine. Je me bornerai donc ici à l’énonciation de quelques remarques géné- rales. Personne ne peut songer à attribuer la proportion d’eau de ces minéraux à des influences atmosphériques , puisqu’une telle in- fluence dans la plupart des cas aurait été impossible , et qu’en supposant qu’elle eût pu se manifester dans quelques circonstances, cela aurait évidemment donné en même temps naissance à d’au- tres effets. Si donc on n’admet pas, ainsi que j’ose le croire, l’hypothèse sans fondement, que des substances telles que la ma- gnésie, le protoxyde de fer, l’eau, etc., peuvent se promener arbi- trairement à travers la masse d’une roche indécomposée et parfai- tement solide et compacte, comme serait le quartz , par exemple, nous sommes conduit à nous rapprocher de l’opinion que l’eau , dans le cas qui nous occupe, serait primitive. Deuxième partie. — - Sur la nature plutonique du granité et des silicates cristallins cpii s’y rallient. § I. Quels sont les faits qui peuvent servir de base à une théorie des granités? L’opinion de ceux qui regardent le granité comme ayant une origine plutonique se fonde d’abord sur les rapports de contact de cette roche et trouve une confirmation vraisemblable dans son analyse avec quelques autres roches de nature granitique qui sont de véritables formations volcaniques. Lorsque les masses de granité se trouvent en contact avec d’autres roches , et surtout avec des dépôts stratifiés , ceux-ci paraissent avoir subi fréquem- ment des altérations , avoir été métamorphosés, c’est-à-dire qu’ils ont acquis une texture plus ou moins cristalline , qu’il se mani- SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 476 feste quelquefois une augmeiitatioii de leur rieliesse en silice , et qu’aux limites du granité elles renferment bien souvent certains minéraux qu’on désigne sous le nom commun de produits de contact. Ces phénomènes cju’on peut résumer dans la proposition suivante , la structure cristalline du granité dépasse , da/is certaines circon- stances.^ les limites de cette roche, suffisent-ils pour faire prononcer d’une manière incontestable que le granité a été primitivement dans un état de fusion ignée? Aucun géologue , je pense , n’osera l’af- firmer sans restriction. Quant à l’analogie extérieure de cjuelques produits volcaniques réeenis avec les roches granitiques , elle ne fournit pas non plus de preuves sérieuses ; car cette analogie n’est pas bien grande en général , et d’ailleurs les progrès de la chimie nous ont fait connaître un noml^re considérable d’exemples cjui prouvent que des combinaisons chimiques d’une composition tout à fait identique , ayant la plus grande ressemblance dans leurs caractères extérieurs , peuvent se former par des voies tout à fait différentes. Ainsi , les deux arguments principaux que nous avons indiqués comme étant le fondement des théories qui admettent la formation plutonienne du granité sont loin d’avoir une portée absolue; ils ne peuvent servir qu’à augmenter les données probables dans le cas où l’on a été conduit par d’autres considé- rations d’un ordre supérieur à admettre la nature plutonique du granité. Mais quels sont ces faits plus essentiels , capables de nous éclai- rer à cet égard? Si, comme nous venons de le prouver, ce ne sont pas les phénomènes de contact , on devra en chercher la raison exclusivement dans la nature de la masse granitique elle-même. En effet , nous ne saurions trouver à cette question aucune ré- ponse plus directe , plus exacte , ou plus sûre , qu’en nous adres- sant au granité lui-même, c’est-à-dire en étudiant sa constitution cliimiquc et mécanique. Ces recherches nous montreront si un mélange de minéraux , tel que celui du granité et des silicates cristallins de la même famille , peut être le résultat du refroidis- sement successif d’une masse qui a été en fusion ignée. Ce n’est surtout que dans ces derniers temps que , poussé par le désir d’arriver à déchiffrer d’une manière définitive le mystère de la formation du granité , on a essayé de parvenir à une solution en suivant cette loi directe. On ne saurait cependant en faire un reproche aux géologues anciens ; car aussi longtemps que les sciences chimiques et physiques ont été dans l’enfance , ce genre de recherches n’aurait conduit à aucun résultat certain. Bien moins excusables sont , au contraire , ces géologues qui , de nos sÉAî^(,r<: DU 15 fêvriek i8/i7. hl’7 jours, ne s’attachent excliisivenient qu’aux conditions extérieures du granité et refusent toute espèce d’attention à sa structure in- time. Celui qui se Ijorne à ne regarder le granité que comme une roche cristalline composée de feldspath , de quartz et de mica , s’arrête précisément au point où devraient commencer les re- cherches les plus importantes. l^’étude de la structure intime du granité, au point de vue chi- mique et physique , forme le sujet principal de ce mémoire. Avant d’entrer en matière , je crois utile de faire mention des travaux qu’on a faits antérieurement et qui se rattachent plus ou moins à notre sujet. § 2. Revue historique .‘—Déyd aux temps de Breislak on avait com- mencé à tirer de la nature intime de la masse graniticiue elle- même des arguments fort concluants contre l’origine plutonique de cette roche. Breislak les cite dans sa Géologie (1) en disant : « Une autre difficulté qui s’élève contre l’origine ignée du gra- nité est celle qu’on déduit des divers degrés de fusibilité dont ses parties sont douées. Les quartz ne sont fusibles qu’à un très grand degré de chaleur , et plus grand que celui de nos fourneaux ; les micas se fondent , mais avec quelque difficulté ; les feldspaths sont assez fusilDles. Dans l’échelle de la fusibilité des corps , quelle dif- férence entre le cjuartz et le fîuate calcaire I Si donc les granités se sont cristallisés par le refroidissement , leurs parties auraient dû se séparer et se cristalliser à des époques différentes correspondant à leurs divers degrés de fusibilité , et elles ne pourraient jamais se trouver unies et adliérentes entre elles , de manière à présenter une formation contemporaine. Déplus , il semble quelquefois que la substance la plus fusible se soit cristallisée avant celle qui l’était moins et dont elle a été enveloppée. » Ces objections contre la nature plutonique du granité étant plus tard tombées dans un oubli complet , M. Fuchs appela de nouveau l’attention des savants sur ces phénomènes. Bans la séance de l’Académie de Munich, du 28 août 1837, en parlant des théories de la terre (2), il s’exprime de la manière suivante : « On a vu souvent se former dans nos fourneaux des cristaux » analogues à ceux des minéraux naturels , ce dont les plutonistes » se sont emparés à l’appui de leur théorie , mais il n’en est cepen- » dant jamais résulté un mélange semblable à celui du granité. Si (U Traité sur la structure du globe , Paris, 1 822 , t. I , p. 356. (2) Sur les théories de la terre ^ etc., par le D’’ Fuchs. Munich, 1844. SÉANCE DU 15 FÉVRIER IS/i?. h7S » celui-ci , qui est composé , comme cliacun le sait , de quartz , de » feldspath et de mica , avait été en fusion ignée , le quartz au- » rait du se cristalliser et se précipiter le premier, puis, après un » temps assez long, aurait eu lieu la cristallisation du feldspath , » et enfin celle du mica, suivant leurs divers degrés de fusibilité » et leur point de solidification. Dans de pareilles circonstances » il aurait été impossible que les éléments du granité pussent se » trouver aussi intimement mêlés entre eux qu’ils se présentent » dans cette roche , qui renferme même souvent certains miné- » raux encore moins fusibles que le quartz, ainsi que le corindon, » le zircon , etc. , ou d’autres beaucoup plus fusibles , comme le » feldspath , le grenat , l’amphibole , la lépidolite , la tourma- » line , etc. Je le répète , cela est à mes yeux complètement im- » possible. » Je touchai le solde la Norvège en 1833.. l’étais alors tout pénétré des théories plutoniennes les plus orthodoxes. Les objections de M. Fuchs n’avaient pas encore paru; je ne connaissais point celles de Breislak. Et pourtant mon séjour prolongé dans le pays condui- sait mon esprit à s’occuper d’une manière plus exacte des roches granitiques , qui occupent une si grande place parmi les forma- tions de cette contrée. L’ébranlement complet de mes premières croyances a été le résultat de cette étude. J’exposai pour la pre- mière fois mes nouvelles opinions, en 18Zi2, dans une séance de la Société des naturalistes Scandinaves, à Stockholm, où j’ai eu occasion de m’exprimer de la manière suivante (1) : U Les parties du granité qui , dans l’île d’Hittei 6e , prennent )> l’aspect de filons , sont du plus haut intérêt en raison surtout » des éclaircissements qu’elles nous offrent sur la formation suc- » cessive de plusieurs des éléments qui les composent. Car ici l’on » peut de toutes parts reconnaître avec exactitude que le feldspath » s’est cristallisé ou mieux s’est endurci avant le mica et le quartz. » Le premier commence par s’approprier toute la place nécessaire » au développement complet de ses cristaux ; les lames de mica » sont plissées et retournées à son contact ; elles s’inclinent pour » ainsi dire devant sa puissance , tandis que le quartz amorphe , )> ainsi qu’il est facile de s’en convaincre , en est réduit à ne rem- » plir que les espaces vides qui sont encore restés après les » empiétements de ses antagonistes. Le granité graphique qu’on y (1 ) Première continuation des recherches sur la gadolinite , l’allanite et les minér.aux de la même famille. — ^ Jn/i. de Poggendorff, t. LVI , p. 479. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18Zi7. ZsTQ )» rencontre quelquefois nous fournit un tableau bien instructif » de la lutte de deux substances mêlées entre elles dans une masse » liquide et dont chacune prétend au droit de priorité dans la » cristallisation. Dans cette lutte , c’est le feldspath qui a toujours i> le dessus. Malgré la présence de nombreuses parties de quartz » dans son intérieur, il parvient à développer complètement ses » grands cristaux aux arêtes bien achevées, et qui ont quelquefois » des dimensions d’un pied cube. C’est à grand’ peine si le quartz, » pressé de toutes parts, parvient à atteindre des formes qui aient » une pâle ressemblance avec des cristaux comprimés et retor- » dus. Est-ce qu’il peut y avoir des faits plus évidents pour prou- » ver que le quartz était encore liquide ou du moins encore » pâteux , alors que le feldspath était déjà en voie de cristalli» » sation? C’est là un fait d’une Jiaute importance et c[ui mérite de » fixer l’attention de tous les géologues. Par les théories pluto- » niennes ordinaires, d’après lesquelles toutes les roches sont pour » nous des corps qui ont été à l’origine fondus dans le feu univer- » sel , ce fait est inexplicable ; car la silice se fond , comme tout le « monde le sait, plus difficilement, et doit par conséquent se » solidifier bien avant un silicate de magnésie et de potasse. » D’après cette loi , si les théories du simple refroidissement « étaient vraies , on devrait donc trouver partout dans les roches » cristallines les cristaux de quartz bien développés et le » feldspath écrasé et réduit à ne servir que de remplissage. Mais » comme c’est précisément le contraire qui a lieu , nous obtenons « une preuve frappante de la vérité suivante , qui ne saurait être » trop appréciée : que dans la formation des roches primitives le )) feu n a pas produit à lui tout seul toutes sortes de prodiges , et » que l’idée la plus juste que l’on peut encore se former sur l’ori» » gine de ces roches est celle qui attribuerait aux deux éléments , » à l’eau et au feu, une égale puissance créatrice. « Plus tard, dans un Mémoire imprimé dans la Gea Norvegica (1), j’ai de nouveau exposé avec de plus grands détails mes objections contre la nature purement plutonique du granité : « Il est à peine nécessaire de dire , écrivais-je alors , que l’arran- » geinent des minéraux accessoires dans les granités stratifiés con- « duit aux mêmes conclusions que celles qu’on tire de l’arrange- « ment du quartz et du feldspath. Les rapports de structure de ces » deux minéraux en contact avec l’orthite, la malaconeet l’ytter-* (4) Sur la norite et les filons de granité riches en minéraux qui sont renfermés dans cette roche dans Vile de VHilleroé. 480 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. » spath , sont tout à fait identiques avec l’arrangement cristallin » d’une niasse saline qui se serait solidifiée autour d’un corps » préexistant. Il en résulte donc forcément que le minéral ren- » fermé est toujours le plus ancien , c’est-à-dire qu’il a cristallisé » avant la masse rayonnée qui l’entoure . On peut donc conclure avec » certitude que la cristallisation des minéraux dont nous parlons » s’est effectuée dans l’ordre chronologique suivant; 1° l’orthiteet » probalffement presque en même temps la gadolinite; 2° lamala- » cône et l’ytterspath; 3° le polyklas et le feldspath; 4“ le quartz. S’il » était vrai que ces minéraux, dans leur état primitif, ont tout » simplement été en fusion ignée, et qu’ils ont pris, sous l’inffuence » d’un refroidissement successif, leur forme actuelle , ils devraient » être arrangés suivant l’ordre de leur fusibilité , et celui qui se fond » le plus difficilement aurait dû cristalliser le premier. » Dans ce dernier cas , la série prendrait l’ordre suivant : 1° le quartz ; 2° la malacone , le polyklas et l’ytterspath qui , certes , n’ont pas le même degré de fusibilité , mais qui fondent tous plus facilement que la silice pure ; 3“ la gadolinite ; 4° le feldspath ; 5” l’orthite. Si nous comparons maintenant ces deux séries , nous nous aper- cevons, au premier coup d’oeil, que non seulement elles n’ont pas la moindre analogie entre elles , mais que l’ordre de disposition des minéraux , dans l’une et dans l’autre , est presque inverse. M. F. de Boucheporn arrive, par l’examen de la disposition des éléments du granité , à des résultats semblables. « La disposition » des éléments du granité dont nous parlons, dit-il dans ses » Études sur V histoire de la terre (1), souvent sensible dans le » granité le plus commun , l’est surtout dans le granité à grands » cristaux de feldspath , comme il en abonde dans presque tous » les massifs granitiques considérables ; elle l’est dans le granité >) nommé graphique , où le quartz prend si régulièrement l’em- » preinte rentrante des angles saillants du feldspath ; elle l’est )) plus distinctement encore dans le granité à tourmalines et à gre- )» nats , où les éléments sont bien mieux tranchés par la couleur » et par la forme. Nulle part on ne rencontre dans ces variétés » un cristal de quartz enchâssé dans la pâte feldspathique ; mais » qui n’a remarqué les cristaux de tourmaline aux faces polies et » brillantes , les prismes du feldspath , le grenat multiface , enfin » les feuillets mêmes du mica enchâssés dans du quartz hyalin ou » dans une pâte quartzo-feldspathique , qui s’est moulée sur eux » de manière à porter, par la plus parfaite exactitude, l’empreinte (1) Paris , 1 844 , p. 216. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 481 » OU creux de leur forme régulière ? C’est donc un fait général , » caractéristique de la structure du granité , que les substances » les plus fusibles y sont le plus souvent enchâssées et forment em« » preinte dans la moins fusible de toutes. Voilà , certes, un grand »' fait ; sans aucun doute , un utile enseignement y est renfermé , » et si l’on veut trouver quelque lumière sur l’origine du granité ; » c’est là qu’il faudra la chercher. » Enfin, M. Schafhâult, dans sa discussion des nouvelles hypo- thèses géologiques et de leurs rapports avec l’histoire naturelle (1), I s’est élevé contre la nature plutonique du granité , en lui opposant I plusieurs objections de la même nature. Ne possédant pas ce mé- I moire , je suis obligé , malgré moi , d’y renvoyer le lecteur. § 3. Tableau des arguments principaux que la constitution chi-^ mique et mécanique du granité nous journit contre les opinions cpü lui attribuent une origine purement ignée. — 1° L’ existence du quartz isolé dans le granité. Ce fait très simple, et auquel nos yeux trop habitués ne prêtent pas toute l’attention qu’il mérite , examiné avec plus de soin , suffit déjà pour donner lieu aux scrupules les plus fondés contre l’origine ignée du granité. Jusqu’à présent on n’a pu encore réussir à obtenir, par refroidissement lent d’un sili- cate en fusion et saturé de silice , la mise en liberté de cette silice à l’état de quartz. Que si l’on objecte à ce fait qu’un refroidisse- ment artificiel et même aussi retardé que possible est de trop courte durée en comparaison du refroidissement extrêmement lent qui a dû avoir lieu lors de la formation plutonienne de ce granité, nous rappellerons les coulées de lave qui , certes , ne se refroi- dissent pas trop promptement; car, d’après M. Alexandre de Humboldt, la coulée de lave qui sortit brusquement du Jorello de 1759 à 1760, et qui couvrit une vaste plaine jusqu’à la hau- teur de 550 pieds, avait conservé, après quarante ans , une chaleur assez considérable pour permettre d’allumer des corps suffisam- ment combustibles , comme le serait un cigare , dans les crevasses de sa surface. Est-ce que cette coulée gigantesque de lave , et mille autres épanchements volcaniques , presque tout aussi importants, ne devaient pas se refroidir bien plus lentement qu’un filon minime I de granité qui s’introduit sur de grandes étendues au milieu de I terrains à peine métamorphosés et renfermant des débris fossiles ? ] La masse de granité zirconien , par exemple , qui s’élève près du lac Maridal , aux environs de Christiania, et qui n’occupe qu’une (1) Münchener Gelehrte Auzeigen ^ april 1845 , p. 557- — 596; et Leonhard et Broun ^ 1845, cahier 7, p. 858, Soc. gfeoL, 2“ série, tome IV. 31 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/s7. hS2 surface d’environ 1 myriamètre carré (1), projette des ramifica- tions de 1 à 2 myriamètres d’étendue dans des couches d’argile schisteuses de transition , renfermant des débris fossiles, ainsi que dans le calcaire. On trouve dans ce granité des grains de quartz isolés même dans les endroits où le filon n’atteint qu’une épaisseur de quelques mètres, et où les roches voisines n’ont éprouvé (ju’une altération très faible , visible à peine à deux ou trois pas du filon. Ce n’est donc pas au refroidissement plus rapide de la lave qu’on doit attribuer l’absence de grains de qucirtz qu’on y observe. Mais une autre circonstance importante, la nature chimi- que de cette lave , peut avoir exercé dans certains cas une influence modifiante. Un grand nombre de laves sont composées, comme cha- cun sait , de labrador, de rhyncholithe , d’augite , d’amphigène et d’autres minéraux semblables , qui tous consistent en silicates ayant des propriétés neutres et parfois même basiques. Les laves ne con- tiennent donc pas l’excédant nécessaire en silice qui, se séparant des silicates neutres par un refroidissement lent, pourrait être mis en liberté à l’état de quartz. Rien de plus naturel donc que l’absence de ce minéral dans ce genre de lave. Mais il s’en faut de beaucoup que toutes les laves soient eomposées de cette même ma- nière , ce que prouvent , par exemple , les obsidiennes. D’après les analyses de Klaprotli , de Vauquelin , de Collet-Descatil et de MM . A. Erdman et berthier, les obsidiennes de plusieurs loca- lités, tant vitreuses que cristallines, renferment ; Silice 69,60 à 81,00 p. 100 ^ Alumine et oxyde de fer. . 5,20 à 14,50 » Potasse et soude 6,40 à 12,20 » Chaux et magnésie 0,30 à 10,10 » Cette composition se rapproche beaucoup de celle de plusieurs granités. D’après les recherches de Aï. Durocher (2) , la quantité de silice du granité ordinaire (3) est entre Silice. 68,00 et 74,00 Alumine et oxyde de fer. 15,00 et 21,00 Potasse. ...... . . 6,40 et 7,80 Chaux et magnésie. . . . 1,60 et 2,30 p. 100 (1) L’auteur a indiqué ces mesures en milles de Norvège, Le mille de Norvège, mesure de longueur, est de 1 1 ,295 mètres. (iV. du trad.) [i)SarV 'origifie des roches oy a ni tique s ; Comptes-retidus de t Acad. . CS sciences , n" 17 (25 avril 1845), p. 1275. (3) M. Fritzsche, de Freiberg, a bien voulu me communiquer les SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. /jSS La composition de la pierre ponce est quelquefois identique avec celle des granités. Elle consiste, d’après M. Berthier, en Silice. 70,00 Alumine et oxyde de fer. . . 16,50 Chaux. . 2,50 Potasse 6,50 95,50 11 est donc démontré que l’on trouve parmi les laves des produits volcaniques en quantités considérables qui ont une composition tout à fait analogue à celle des granités , peu importe que ces pro- duits appartiennent au bain primitif ou qu’ils soient le résultat d’une nouvelle fusion de matières déjà solidifiées. Dans la consti- tution chimique des laves on ne trouve donc aucune raison qui s’oppose à la présence du quartz isolé dans leur masse. L’absence de ce minéral dans les laves ne saurait être justifiée en face des théories plutoniennes , qu’en supposant que toutes les laves riches en silice se refroidissent plus rapidement que la masse de quel- que filon de granité que ce soit dans lequel on rencontre du quartz isolé. 2° Le groupement mécanique des éléments essentiels ou accessoires du granité. C’est précisément ce groupement qui déjà du temps de Breislak , et même auparavant peut-être , avait fait naître de justes scrupules contre la fusion ignée primitive du granité. Nous avons rappelé , dans la revue historique , les faits principaux qu’on avait remarqués à cet égard. Tous viennent prouver que dans la plupart des cas les composants essentiels ou accessoires les plus fusibles du granité se sont solidifiés les premiers , et les moins fu- sibles les derniers. Ce phénomène m’a intéressé de tout temps au plus haut degré , et je n’ai négligé aucune occasion pom' re- cueillir des notes et des échantillons qui pussent m’éclairer sur ce sujet. D’après mes observations , rachmite,le grenat, latourma- line, l’amphibole , l’orthite , l’allanite, la gadolinite , la pyrite de fer, la pyrite arsenicale, le cobalt gris et le mica, se sont soli- difiés avant le feldspath, et celui-ci avant le quartz. On peut sur- tout s’apercevoir de cette différence du point de solidification lors- que les minéraux de la première série , c’est-à-dire les plus fusi- bles, se trouvent immédiatement en contact avec le quartz (1). résultats de l’examen de sept espèces de granité et de gneiss. La quan- tité de silice qu’il a trouvée est de 63,42 à 77,26 p. iOO. (1) 11 n’est pas question ici du remplissage successif des filons, mais SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 484 On voit alors que le quartz n’a jamais empêché ces iiiinéraux de cristalliser parfaitement , lorsque toutefois les autres conditions nécessaires à leur cristallisation étaient réunies. 11 en est de même lorsque ces minéraux se trouvent en contact avec le feldspath ; il y en a pourtant quelques uns d’entre eux , comme par exemple le mica , qui laissent entrevoir une certaine hésitation , en prenant ainsi à tâche de nous prouver que leurs points de solidification res- pectifs étaient très rapprochés les uns des autres. Nous voyons ce fait se reproduire entre le feldspath et le quartz. En règle géné- rale , il est vrai , le feldspath développe ses cristaux , atteignant quelquefois des dimensions énormes de 1 pied cube (1), sans éprou- ver le moindre obstacle dans l’intérieur de masses volumineuses de quartz , et il détermine la forme des petites parties de quartz dans le granité graphique ; mais les exemples où le contraire a lieu ne manquent pas. J’ai trouvé, par exemple , des cristaux de quartz à arêtes bien complètes dans une masse feldspathique blan- che et cristalline , qu’on pouvait prendre pour de i’orthose , et qui, dans les environs de Modum , constitue comme une espèce d’amande granitique secrétée au milieu du gneiss primitif (2). M. Durocher, dans son mémoire , rappelle , lui aussi , plusieurs exemples semblables. Du reste , bien que chez quelques uns de ces minéraux , les points de solidification ne soient pas toujours bien saillants , il n’en est pas moins vrai que le plus grand nombre rentre tout à fait dans la loi générale ; et le fait que des miné- raux, dont le point de fusion est beaucoup plus bas que celui du quartz , étaient déjà solidifiés lorsque celui-ci n’était encore qu’une masse plastique, n’en reste pas moins bien constaté. M. Fournet a cherché à expliquer ce phénomène éminemment paradoxal par rapport aux théories plutoniennes par l’hypothèse d’une surfusion de quartz. Il admet que le quartz fondu, en se re- Iroidissant lentement , se comporte comme l’eau , le phosphore et le soufre fondus , corps dont la température , comme l’on sait , peut bien de l’existence de ces minéraux comme partie intégrante du gra- nité et des roches de la même famille. (1 ) C’est entre autres ce qui arrive dans les filons de granité de l’île d’Hilteroé et près d’Arendal. Voyez P(9g'g'c/zd'o?j(/', Ann.^ t. LVI, p. 489; Ç)t Leonhard' s et Broun s Jahrbuch pour Vannée 1843, p. 660. (2) J’ai publié une description plus détaillée du gisement de ces parties granitiques caractérisées par la présence du béryl , de la pyro- physalite , de la tourmaline, etc. — Ann. de Poggendorff\ t. XLIX , p. 533. SÉANCE DU 15 FÉYRIEtt 1847. /l85 tomber bien au-dessous dvi point de leur fusion sans qu’ils se soli- dilienl. M. Fouruet est même porté à penser qu’il existe peut-être une loi d’après laquelle les points de solidification et de fusion d’un même corps ne coïncideraient pas toujours absolument. Mais il ne faut pas oublier que le maximum de différence qu’on ait pu ob- server jusqu’à présent entre ces deux points pour un même corps , pour le soufre, n’atteint qu’ environ 100'’. Quelles ne sont pas 1 d’ailleurs les précautions qu’oii est obligé d’employer lorsqu’on veut abaisser le point de solidification? Le repos absolu du corps soumis à l’expérience est de toute rigueur ; la moindre agitation, le I contact le plus léger d’un autre corps, suffisent pour que la solidi- I ficatioii se fasse instantanément. Ajoutez que jusqu’à présent on j 11’ a pu obtenir de résultats satisfaisants que sur des quantités de ! soufre qui ne dépassent point les proportions de quelques gouttes. Examinons maintenant quelle différence, en degrés centigrades, nous aurions entre les points de fusion et de solidification de la si- lice d’après l’hypothèse de Al. Fouruet. Le point de fusion du quartz n’est pas bien connu , mais nous savons , à n’en pas douter, qu’il est encore plus élevé que celui du platine. Ce métal peut être fondu , ou du moins ramolli par la chaleur la plus élevée que nous puissions produire dans nos fourneaux (1). J’avais déjà dé- montré que , d’après des calculs , cette température pouvait être estimée à 2570”, lorsque M. Plattner, par des recherches directes , a fixé (2) le point de fusion du platine à 2534'’. En prenant donc le chiffre rond de 2500'’, nous ne dépasserons point la réalité. Il est également connu que la silice se fond à la flamme du chalumeau d’hydrogène. La chaleur produite par cette flamme est , d’après mes calculs (3) , d’environ 3100% et plus exactement de 3170'’; le point de fusion de la silice doit donc être entre 2500“ et 3100'’; en le rapprochant de la moyenne 2800*’ nous resterons plutôt au- dessous qu’au-dessus de la vérité. Il s’agit désormais de déterminer le point de fusion des minéraux les plus fusibles de la première série , tels que l’achmite , le grenat, I la tourmaline et la pyrite de fer. Ce point ne pourrait être établi (1) Sur le maximum de chaleur produit dans un haut fourneau et sur les effets de V emploi de Vair chaud. Ann. de Poggendorff , t. LX , p. 518 ; et Ann. des mines, 3® série. Détermination du point de fusion de plusieurs produits d'usine et de la température à laquelle se fondent divers silicates ; appendice au Mémoire de Merbach sur V emploi de l'air chaud» (3) Voyez la première livraison de mes Éléments de métallurgie : chez Vierveg , à Brunswick. ilSil SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. rigoureusement que par des recherches pyrométriques et des ob- servations immédiates ; mais une exactitude scrupuleuse n’étant pas nécessaire , la comparaison avec des corps analogues dont le point de fusion est approximativement connu est plus que suffi- sante. Les mattes plombeuses de l’reiberg, qui, d’après les ana- lyses de MM. Lampadius, Merbach et autres , renferment environ j Soufre 20 Fer 64 Arsenic 6 Plomb , cuivre , zinc et argent. \ 0 fondent, selon M. Plattner, à 1047°. La pyrite de fer composée de Soufre. ... 54 Fer 46 fondue sous une pression suffisante , n’a pas un point de fusion plus élevé , mais , suivant toute probabilité , encore beaucoup plus in- férieur. Mais , n’importe , nous l’évaluerons à 1000°. 11 résulte de la comparaison des compositions de l’amphibole, de la tourmaline, du grenat et des autres minéraux qui nous concernent , avec celles des diverses scories dont les points de fusion ont été déterminés par M. Plattner dans son excellent ouvrage , qu’à l’exception de quel- ques micas on ne peut que difficilement attribuer à ces minéraux un point de fusion supérieur à 1500”. Car tout le monde sait qu’ils peuvent être fondus complètement , et avec la plus grande facilité , à la flamme du chalumeau, à une température d’environ 2000°. Yoilà donc le quartz, dont le point minimum de fusion n’est cer- tainement pas au-dessous de 2800°, qui par suite des théories phi- toniennes de M. Fournet devrait s’être conservé dans les granités à l’état liquide, ou du moins d’une plasticité prononcée, jusqu’à une température de 1000° à 1500°. Selon cette hypothèse, le quartz en fusion aurait par conséquent la propriété de se ref roidir jusqu’à 1300° et 1800o au-dessous de son point de fusion sans se solidifier. Une telle assertion , même en la réduisant de moitié , serait encore SLifiisante pour nous démontrer la hardiesse vraiment singulière de cette hypothèse. Je ne puis cependant me dispenser de rappeler que M. Durocher a indiqué une circonstance qui lui ôte un peu de sa rudesse. M. Durocher fait remarquer qu’on ne doit pas s’ima- giner les principes du granité dans le bain , l’iin à côté de l’autre , mais qu’ils se trouvaient fondus ensemble, et que ce n’est que plus tard que les différentes combinaisons se sont séparées de cette masse SÉANCE DU 15 Février 1847. 487 homogène , l une après l’autre , dans l’ordre de leur puissance de cristallisation. Ce n’est pas le quartz envisagé comme silice pure qui aurait subi ce grand refroidissement sans se solidifier , mais bien le quartz combiné avec des bases , c’est-à-dire un silicate en fusion, visqueux et vitrifiable. Ce fait est en partie très réel; il explique, en la corrigeant, la tliéorie de M. Fomnet, mais sans cependant la justifier. Car il est évident que le point de solidifica- tion du silicate , formant le bain dont les différentes combinai- sons se sont séparées, devait se rapprocher d’autant plus du point de fusion de la silice , de 2800^^, que le nombre des combinaisons isolées devenait plus grand, ou, en d’autres termes, que la quantité des bases renfermées dans ce même bain diminuait. Donc, vu de près, l’argument de M. Durocher n’explique , d’une manière satis- faisante , que la formation des premiers cristaux ; plus tard , on est obligé d’attribuer au bain une surfusion toujours plus considéra- ble, jusqu’à ce qu’elle atteigne précisément le même degré que celle que iVI. Fournet prête à la silice. Si l’opinion de M. Durocher était la vraie , on rencontrerait bien dans le granité des cristaux de feldspath et même de minéraux encore plus fusibles , mais non pas entourés de quartz , mais bien d’un silicate amorphe , d’une espèce de pétro-silex. 11 n’en serait pas résulté de granité, mais un por- phyre dépourvu de quartz. La deuxième condition que la théorie de M. Fournet exige pour acquérir un certain degré de probabilité, c’est la tranquillité abso- lue des masses granitiques pendant leur refroidissement infiniment lent. Je ne sais si ceux qui attribuent à plusieurs granités une ori- gine éruptive , et je suis de leur nombre , peuvent admettre un tel repos. Qu’il n’ait pu avoir lieu dans quelques points , cela n’est pas impossible , mais qu’il ait été général, c’est ce que je ne puis admettre. Les cristaux brisés de tourmaline , d’amphibole, d’ach- mite, etc., que l’on rencontre si souvent dans le granité, et dont les débris sont entourés de quartz et de feldspath , prouvent suf- fisamment qu’il s’est opéré des déplacements. Après une étude approfondie des circonstances qui accompagnent le groupement mécanique des éléments du granité, on ne saurait plus , il faut l’avouer, envisager cette roche comme ayant été pri^- initi veinent dans un état de fluidité purement ignée. Cette opinion ne peut être défendue qu’en ayant recours à des hypothèses dont la hardiesse même empêche l’admission. 3. La présence de minéraux pjrognoniiques dans le granité. — J’ai désigné sous le nom de minéraux certaines sub- stances qui , à une température dépassant à peine le rouge- brun , hSS SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. possèdent la propriété de produire instantanément une lumière spontanée plus ou moins vive, cpii, étant accompagnée , ainsi que M, Henri Rose l’a démontré, par un dégagement de chaleur, peut être considérée comme une véritable production de feu. Ce qu’il y a de plus remarquable dans le phénomène , c’est que ces minéraux, durant leur combustion apparente , subissent des modifications très sensibles dans leurs propriétés physiques , tandis que leur compo- sition chimique reste la même , sauf peut-être une certaine dimi- nution de l’eau qu’ils contiennent quelquefois. Plusieurs gadoli- nites, ortlîites et allanites sont pyrognomes au plus haut degré. Les recherches (1) que j’ai faites autrefois sur ce sujet m’ont appris que ces minéraux , après le phénomène lumineux , subissent dans leurs propriétés les modifications suivantes ; a. Ils sont devenus plus insolubles dans les mêmes acides , puissants minéraux qui naguère les attaquaient complètement; b. leur couleur et leur transparence se trouvent plus ou moins altérées ; c. enfin leur poids spécifique a augmenté sensiblement et dans plusieurs cas jusqu’à 6 p. 100. Le poids spécifique de la gadolinite d’Jlitterôe , dans son état naturel , est, par exemple, de à, 35 , tandis qu’ après cette espèce de calci- nation il est de à, 63. Une différence aussi prononcée entre l’état delà matière avant et après le phénomène lumineux, et qui paraît tenir à une diminution instantanée de volume , de laquelle tous les autres phénomènes indiqués dépendent , s’explique d’une ma- nière très simple, ainsi que je l’ai démontré (2), par un déplace- ment d’atomes. Quoi qu’il en soit , les faits sont bien avérés. En les prenant pour base, je pense pouvoir demander comment il se fait que ces minéraux pyrognomiques (3) se rencontrent dans des roches qui étaient jadis en fusion ignée. Ce n’est point leur pré- sence dans ces roches , mais bien leur état pyrognomique qui doit nous surprendre. Ces minéraux s’étant solidifiés avant le quartz , s’ils eussent été isolés d’un fluide incandescent , auraient dîi rester soumis à une haute température longtemps encore après leur ÎQ Annales de Poggendorff, t. LI , p. 493. 2j Annales de Poggendorfj\ t. LI , p. 495. 3) J’ai signalé, il y a quelques années, l’existence (voyez A/in. de Poggendorff , t. LXI, p. 655) de gadolinites , d’orthites et d’allanites dans les granités de soixante localités différentes en Norvège et en Suède , de cinq localités de la Finlande , de quatre localités du Groen- land et de cinq localités de l’Amérique septentrionale. Je me trouve aujourd’hui en mesure d’augmenter jusqu’à cent le nombre de ces gisements connus. J’y comprends celui d’un minéral voisin de l’orthite que M. Breithaupt a découvert près de Marienberg en Saxe, SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 489 solidification. Mais alors, comment auraient-ils acquis et conservé leurs propriétés pyrognomiques ? En réfléchissant sur rensemble de ces considérations tirées de la constitution chimique et mécanique du granité , on est convaincu que l’état primitif de fusion simplement ignée de cette roche , quoique les phénomènes de contact soient en faveur de cette hypo- thèse , îdest pas justifié par la nature intime de la masse grani- tique elle-même. Quel a donc été l’état primitif du granité? Il est démontré qu’à l’origine il formait une masse plastique , et il n’est pas du tout improbable que cette masse possédait une très haute température ; mais en même temps cette masse n’a pu être aucu- nement dans l’état de simple fusion ignée. C’est dans le paragraphe suivant que nous essaierons de résoudre ces diffficultés apparentes. ^ à. Essai d'une détermination plus exacte de Vétat du granité avant sa solidification, — ' Mon intention n’est pas d’introduire une nouvelle hypothèse dans la science ; il s’agit plutôt de tirer, d’après des faits irrécusables , des conséquences qui nous servent d’argu- ments à l’aide desquels on puisse parvenir, sinon à déchiffrer tout à fait le problème de la formation du granité , du moins à nous rapprocher quelque peu de sa solution. Je n’entre donc pas en ma- tière avec une supposition , mais avec \mfait. Il est reconnu que plusieurs des éléments du granité contiennent de l’eau. Le mica, la pyrite, le talc, l’amphibole , la tourmaline, la gadolinite , l’orthite et l’allanite peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à 4 et 5 pour 100 d’eau combinée chimiquement. La chlorite , qui est un élément accessoire de quelques protogynes , en contient jusqu’à 9 et 13 pour 100. Dans quelques granités il se présente encore d’autres minéraux contenant de l’eau , comme, par exemple , dans la syénite zirconienne de Norvège. Dans bien des localités , et notamment près Brenr’g , Laurwig , Fràderikswàrn et SandeQord , on trouve dans cette syénite un minéral qui , par son extrême variabilité d’aspect , a tenu pendant longtemps les minéralogistes dans une fausse voie. On appelait autrefois radiolite une variété de ce minéral en grands cristaux rayonnants , tandis qu’une autre variété également rayonnée , mais en cristaux très minces , était connue en partie sous le nom de bergmannite , et en partie sous celui de sprenstein. Cette dernière variété avait été re- gardée par plusieurs géologues comme étant de la paranthine. L’analyse de ces minéraux , en apparence si différents , m’a dé- montré (1 j qu’ils appartiennent à une seule et même espèce, c’est- (1) Ann. de Poggendorff^ t. LXV, p. 276. SÉANCE Dü 15 FÉVRIER 1847. 490 à-dire à la nati’olite. L’aspect inaccoutumé qu’elle revêt dans la syénite zirconienne est probablement dii à ce quelle ne se trouve pas ici dans des géodes, mais que, ainsi que le feldspath et l’am- phibole , elle constitue réellement un élément de cette roche. La quantité d’eau, d’environ 10 pour 100, que contient cette natro- lite , est égale à celle de la natrolite ordinaire. Enfin , nous cite- rons l’aspasiolite , qui renferme 7 pour 100 d’eau, et qu’on trouve dans les parties de granité à gros grains qui sont renfermées dans les gneiss primitifs. Personne, que je sache , n’a contesté jusqu’à présent que l’eau contenue dans ces minéraux s’y est combinée dès l’origine , lors de leur solidification. Elle devait, par conséquent, s’y trouver déjà lorsque le granit ne formait encore qu’une masse pâteuse. L’existence primitive de cette eau dans le granité devient encore plus vraisemblable depuis que nous savons que l’eau joue , avec la magnésie, le protoxyde de fer, etc., le rôle de base polyméro- isomorphique. Or, cette base exige, tout aussi bien que les autres, sa part d’action dans la formation du granité. Ce n’est donc pas en se fondant sur une hypothèse que nous attribuons à l’eau une certaine coopération dans la formation de cette roche , mais par suite de l’existence d’un fait , et d’un fait aussi démontré que la présence de la magnésie ou des alcalis dans le granité. Il ne reste qu’à établir si cette coopération a été essentielle ou accessoire : question que nous allons examiner. Le granité ne pouvait pas renfermer moins d’eau qu’il n’en contient à présent en combinaison chimique ; la proportion d’eau était donc ou la même ou plus considérable. Nous connaissons par là le minimum; cherchons à en déterminer le maximum. Il ne saurait plus venir dans l’idée de personne de faire cristalliser le granité par précipitation dans une dissolution aqueuse ; mais on pourrait dire que cette roche formait comme une espèce de bouillie aqueuse , un mélange humide dans lequel les hydrates de silice , d’alumine et des autres bases seraient entrés comme composants. Or , un tel mélange, aurait dû occuper un espace infiniment plus grand que celui qu’il occupa plus tard lors de sa solidification comme granité. D’ailleurs, soit de ce fait, soit des circonstances qui en résultent nécessairement , il aurait dû en arriver une foule de phénomènes si différents de ceux que nous observons réelle- ment, qu’il ne vaut pas la peine de ponrsuivre davantage une telle supposition. Les éléments du granité, ou du moins la totalité de ces éléments , n’a donc pu se trouver dans la pâte à l’état d’hy- drate, car dans ce cas la quantité d’eau contenue dans la bouillie SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18Ü7. A9i granitique n’aurait pu être moindre de 50 pour 100, tandis que la quantité d’eau dont l’existence dans les granités peut être dé- montrée de nos jours , ne dépasse guère un à quelques pour 100. La quantité d’eau contenue primitivement dans le granité doit par conséquent être entre 1 et 50 pour 100 , et il est très probable que ce cquantuni se rapproche davantage du minimum que du maximum. Voilà une idée approximative de la quantité d’eau renfermée dans la pâte granitique. Qu’on la 6xe à 5 , 10 ou 20 pour 100 , c’est à peu près indifférent. Mais comment se formera-t-il un gra- nité cristallin d’une masse aussi passive dans laquelle les compo- sants ne sont pas même des hydrates? A moins d’en appeler direc- tement à la providence , en abandonnant ainsi les voies de l’expérience, nous ne saurions nous passer d’emprunter le feu des plutonistes ; nous y sommes forcés , non seulement parce qu’il nous paraît impossible de ramener par un autre moyen à l’action chi- mique la masse humide de granité, et de lui donner ainsi le degré de plasticité et même de mollesse dans lequel elle s’est trouvée un temps sans contestation , mais encore parce que nous ne pouvons nier que plusieurs phénomènes qui se voient au contact du gra- nité avec les autres roches rendent la haute température origi- naire de la masse granitique , sinon tout à fait certaine , du moins probable. Là, où il ne peut être question de l’emploi de la ba- lance ni de mesures , on ne saurait malheureusement parvenir à une démonstration mathématique ; il ne s’agit donc ici que de trouver un mode d’explication qui ne soit en contradiction avec aucune de nos connaissances actuelles. 11 n’existe pas une seule théorie, si ce n’est une théorie mathématique, dont on puisse dire quelle soit absolument vraie. Pas une n’est assurée contre les chan- gements que l’avancement de la science nous contraint d’y appor- ter. Dès le moment que l’on prouvera que l’admission d’une haute température originaire conduit à des controverses , ou que cette hypothèse peut être remplacée par une autre plus vraisemblable , nous serons obligés de l’abandonner. Tant que cela n’a pas lieu, nous ne rejetterons point ce qui est admis généralement , nous ne démolirons point avant d’avoir édifié. C’est donc du point de vue de l’état actuel de nos connaissances , et convaincu de la possibilité que de nouvelles expériences peuvent changer cet élat de choses , que J admets le feu comme étant un agent essentiel dans la forma- tion du granité. Des proportions d’eau de un à quelques pour 100 se trouvent dans le bain granitique. Supposons que cette bouillie, épaisse et humide, soumise à une pression qui en euipêche le dégagement de /l92 SÉANCE DU 15 FÉ\R1ER ISA?. l’eau, soit chauffée jusqu’à une haute température ; qu’ arrivera-t-il? Nous ne pouvons répondre qu’ approximativement , et par des in- ductions théorétiques , à un problème que nous ne saurions espérer de voir résolu par l’expérience. Il arrivera , avant tout, que cette pâte imprégnée d’eau et chauffée sous une forte pression fondra à une température de beaucoup inférieure à celle où fondrait un mé- lange identique , mais anhydre. Il me paraît démontré que les atomes des matières solides , déjà écartés les uns des autres par la simple chaleur, doivent l’être encore plus par la vapeur d’eau qui vient s’interposer entre eux sous une très haute pression , ce qui viendrait accélérer singulièrement le passage de toute la masse à l’état liquide. La fonte des sels , dans leur eau de cristallisation , nous fournit un exemple semblable. Le granité une fois amené à cet état qui, bien qu’étant un état de fusion , ne saurait être con- fondu avec wwQ: fusion tout simplement ignée , il en résultera néces- sairement, pendant son refroidissement lent , des effets d’une na- ture très différente de celle des conséquences qui suivraient le refroidissement d’une masse sèche , c’est-à-dire d’une masse qui aurait été en fusion purement ignée. Les vapeurs d’eau , ainsi inter- posées et soumises à une forte pression qui pouvait en partie les condenser et les maintenir à l’état liquide , ont du prolonger la liquidité ou du moins la plasticité du granité jusqu’à une tempé- rature proportionnellement très basse. Les minéraux qui avaient plus de tendance à cristalliser , ceux dont la puissance de cristalli- sation suffisait à vaincre l’influence contraire des vapeurs aqueuses et à rapprocher et ordonner leurs atomes de manière à ce qu’il en résultat des cristaux ou une masse cristalline , ont dû être les pre- miers à se séparer. Toute l’eau que les minéraux ne se sont pas ap- propriée lors de leur cristallisation se concentrent successivement dans le bain riche en silice , puis enfin dans la silice pure , qui , en raison de son peu de tendance aux formes régulières et de l’augmen- tation continuelle de cette eau , n’a pu se solidifier que très tard. Cela n’a dû s’opérer qu’ alors que la température du granité se fut encore considérablement abaissée, et lorsque l’eau, qui n’était pas en eombinaison chimique, est parvenue à se dégager entière- ment de la masse granitique ; ce qui n’a pu avoir lieu qu’ après de très longues périodes. Par ce moyen , la séparation de la silice libre et le groupement , en apparence paradoxal , des éléments du granité, trouvent ainsi leur explication. Et nous voyons en même temps comment les minéraux pyrognomiques ont pu acquérir leurs propriétés caractéristiques au milieu d’une masse en fusion ; ils ont cristallisé à une température qui , non seulement était au- SÉANCE DU 15 FÉVRIEIV. 18/l7. /l9?y dessous de leur point de fusion actuel , mais qui if arrivait pas même à la chaleur rouge , degré auquel se manifeste cette produc- tion si remarquable de lumière et de chaleur. Dans une question aussi importante que celle de la formation du granité, on ne saurait employer trop de circonspection. C’est pourquoi nous hésiterions encore à nous fonder sur ces conclu- sions , si d’autres phénomènes ne venaient augmenter encore da- vantage les chances de notre hypothèse et appuyer cet état de fusion ignéo-aqueuse du granité. En voici quelques uns : a. Les propriétés de certaines cavités géodiques, de certainesveines et de certains filons des roches granitiques. — On trouve fréquem- ment dans le granité et dans le gneiss primitif des cavités dont les parois sont revêtues de cristaux de diverses espèces. C’est surtout en Norvège que j’ai rencontré un nombre assez considérable de semblables cavités renfermées dans des masses compactes de roches imperméables ; c’est là que j’en ai étudié la structure avec beau- coup de soin. Eh bien , toutes les circonstances qu’on y observe tendent à démontrer que les cristaux qu’elles renferment y ont été déposés par une solution quelconque. Dans plusieurs localités des environs de Modum , Snarum et Sigdal , j’ai trouvé , dans des ca- vités pareilles , des cristaux de quartz atteignant un poids de plu- sieurs livres , et dont la structure démontre évidemment qu’ils se sont formés par couches successives de dedans en dehors. Les di- verses périodes d’accroissement sont marquées par de minces cou- ches d’une matière pulvérulente et opaque , interposées entre les couches transparentes du quartz , et disposées souvent d’après les mêmes lois de gravité qui régissent les précipités qui se font dans un liquide. Dans une cavité révêtue de cristaux de quartz et d’amphibole on pouvait très bien s’assurer que ces derniers, dont quelques uns atteignaient la longueur d’un pied , s’étaient non seulement formés les premiers , mais qu’ils avaient gêné la cristal- lisation du quartz , qui a eu lieu postérieurement. Je conserve , dans ma collection, un cristal de quartz recueilli dans cette cavité, qui se trouve fendu en quatre parties par trois cristaux d’amphi- bole libres auparavant , et dont l’axe longitudinal est presque per- pendiculaire à l’axe principal du cristal de quartz. Ces quatre parties dépassent plus ou moins les cristaux d’amphibole. Je pour- rais citer aisément encore bien des exemples qui démontrent l’ac- croissement successif des cristaux dans les cavités , et leur cristalli- sation dans un liquide. Ils sont tous très connus ; il suffit donc d’en faire mention pour appeler sur eux l’attention des géologues , qui , à la vérité, ne paraissent pas y avoir réfléchi suffisamment jusqu’à Il9ll SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847 . ce jour. Nous observons les mêmes phénomènes dans une certaine classe de fdons qui se présentent dans les roches granitiques ou autres. On peut y reconnaître d’une manière, je dirai presque ma- térielle , que leur remplissage s’est fait par les dépôts de solutions ou de bouillies qui s’échappaient de la roche encaissante. C’est pourquoi on les a nommés filons de sécrétion. En résumé , l’observateur attentif des roches granitiques ne peut se défendre de l’idée que celles-ci contiennent pour ainsi dire un suc qui , s’écoulant dans les cavités et dans les fentes , tapissait de cristaux leurs parois; ce suc pénétrait plus ou moins dans les roches stratifiées que le granité , pendant son état plastique , venant à toucher, et, en favorisant par imbibition leur métamorphose, prenait une part plus ou moins grande à la formation des produits de contact. Le fluide imprégnant la masse chaude du granité ne saurait être convenablement autre chose que de l’eau à une très haute température , mais maintenue cependant à Tétât liquide , et pouvant s’échapper en gouttelettes sous une énorme pression. Elle contenait en dissolution une partie des substances solides , et sur- tout de la silice. Nous savons , en effet , par les recherches intéres- santes de M. Schafhâult (1), que l’eau chauflee au-dessus de 100®, dans la marmite de Papin , acquiert la propriété de dissoudre de la silice , et que de cette dissolution il se précipite des cristaux de quartz. Combien plus facilement ne devait donc pas être soluble la silice dans une eau possédant très probablement une température incomparablement plus haute ! h. La transformation des schistes argileux en roches prenant l’aspect de gneiss et de granités. — Dans plusieurs points delà Norvège méridionale on peut se convaincre facilement que les couches des schistes argileux du temps où les masses granitiques opérèrent leur injection n’étaient pas aussi solides, qu’elles n’é- taient pas encore endurcies comme elles le sont aujourd’hui , mais qu’elles possédaient une certaine plasticité et pouvaient être plis- sées en grand. Sans cela , le granité pénétrant dans les couches des schistes n’aurait pu ni leur faire prendre la forme de rides on- dulées , ni les repousser sans les briser en morceaux nombreux et anguleux. Les schistes argileux , déposés sous les eaux , renfermant souvent des débris fossiles , n’étaient probablement redevables d’une telle flexibilité qu’à l’humidité qu’ils renfermaient en- core. Or, lorsque nous voyons ces schistes être transformés dans le voisinage du granité en gneiss et même quelquefois en des ro- (1) Münchener Gelehrte Anzeigen 1845 april , pag. 557—596. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 495 ches granitoïdes , qu est-ce que c’est que cela , sinon la transforma- tion en roches granitiques de masses contenant de l’eau et por- tées à une haute température ? En considérant comme prouvé , par suite des faits positifs que nous venons de rappeler, que l’eau a joué un rôle essentiel dans la composition du granité , on se demandera si d’autres corps expan- sibles , comme , par exemple , l’acide carbonique , ou si même d’au- tres agents impondérables , en dehors de la chaleur, n’ont pas exercé une certaine influence dans cette formation. Quant au pre- mier point, les recherches de M. Brewster sur les liquides renfeiv més dans divers cristaux transparents paraissent bien indiquer que, dans quelques cas au moins , des gaz fortement comprimés ont as- sisté à la formation des minéraux les plus anciens. L’influence des agents impondérables n’est pas impossible non plus. Nous con- naissons à cet égard l’existence d’un fait qui n’est pas à négliger ; JM. Pierre Riess , à qui nous en devons l’observation, a démontré qu’un fil de platine , sous l’action d’un très fort courant électrique, peut fondre à une température qui ne dépasse que de peu 200°, c’est-à-dire environ 2300'’ au-dessous de son point de fusion ordi- naire I II serait prématuré de poursuivre l’examen de ces faits et de s’en faire un appui pour l’explication de la formation du granité ; car, dans l’état actuel de nos connaissances , cela ne serait possible qu’en nous lançant dans le domaine des hypothèses. Appuyons- nous donc aujourd’hui uniquement sur, les faits, sur l’existence primitive de l’eau dans la masse plastique et fortement échauffée du granité. Dans tout cela je ne pense guère avoir exposé rien de bien nouveau , car un grand nombre de géologues ont admis depuis longtemps le concours de l’eau dans la formation du granité. C’est d’ailleui'S un précepte ancien et reçu des plutonistes , qu’// faut se figurer les roches cristallines primitives comme ayant été fondues sous l’eau et sous une forte pression. Suivant ce précepte , tachons de nous former une idée claire des circonstances qui en résultent , et toutes les objections plus ou moins fondées qu’on a pu opposer jusqu’à présent à ceux qui admettaient l’état de fusion originaire du granité tomberont d’elles-mêmes. M. d’Omalius demande à M. Damour s’il admet que l’eau joue ainsi tantôt le rôle de base et tantôt celui d’acide. M. Damour répond que la question soulevée par M. Scheerer a beaucoup d’intérêt ; il rappelle à cette occasion les travaux de M. Millon sur les bases polyatomiques. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. M. Delbos ajoute qu’il y a des chimistes qui regardent les acides comme formés d’un atome d’acide et d’un atome d’eau épigénique pouvant être remplacé par une base. M. Angelot fait, sur le Mémoire de M. Scheerer, les obser- vations suivantes ; Dans l’intéressant mémoire dont nous venons d’entendre la lec- ture , M. Seheerer met en avant l’idée de la formation des gra- nités par une double cause , le concours de l’eau et du feu. Sans me prononeer d’une manière péremptoire pour ou contre cette idée très digne d’attention , je crois devoir faire remarquer cepen- dant que la présence d’une très petite quantité d’eau, dans certains mieas et certains minéraux accidentels plus ou moins abondants dans quelques granités , n’a point , pour prouver une double cause de formation , l’importauce décisive que M. Scheerer paraît lui attribuer. Cette présence peut parfaitement s’expliquer dans le cas de la fusion purement ignée des granités. L’eau, en effet, peut bien être un des éléments^ sans être cause ou agent de cette formation plus que les autres éléments de la roche. Dans un assez long mé- moire, lu à la Société en février 1842 , je cherchais à établir, contre l’opinion d’un assez grand nombre de géologues , que très probablement il y avait communication entre les eaux superfi- cielles et les matières minérales à l’état de fusion ignée dans l’in- térieur du globe , et qu’au moyen de l’énorme pression hydrau- lique produite par les colonnes d’eau descendantes , elles devaient rester liquides au contact des matières incandescentes et jouer un grand rôle dans les phénomènes volcaniques. Mais tout en donnant à cette idée toute la démonstration dont elle me paraît susceptible, je commençais par reconnaître, et je m’attachais même à établir, par une suite de raisonnements plus serrés, je crois, qu’on ne l’avait fait jusque là, qu une d/sso/ut/on primitive d’eau ^ dans les matières minérales à l’état de fusion ignée dans l’intérieur du globe, était non seulement un fait probable , mais un fait nécessaire dans l’hypothèse, assez généralement admise maintenant, de l’état pri- mitivement gazeux de notre globe. En effet, dans une masse chaotique gazeuse , la loi de la diffusion des gaz a dû agir et mé- langer ensemble toutes les matières. Quand certaines d’entre elles ont graduellement passé à l’état liquide sous l’influence d’une cer- taine diminution de température et de l’augmentation de la pres- sion , il a dû y avoir, par suite de cette énorme pression même , dissolution de tous les gaz et vapeurs dans ce chaos de matières SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. /i97 minérales liquides , malgré leur haute température. L’eau a donc pu entrer comme élément dans les roches qui se sont formées par suite du refroidissement de ces matières. Je ne veux pas abuser des moments de la Société en reproduisant ici les longs dévelop- pements que j’ai donnés à ces idées. Je me contenterai donc de renvoyer à mon mémoire lui-même (1). M. d’Omalius ajoute qu’il lui semble qu’il n’y a pas de diffé- rence d’opinion entre M. Scheerer et M. Angelot. M. Frapolli est de cet avis. M. Angelot dit qu’alors les opinions de M. Scheerer rentre- raient dans les siennes. M. d’Omalius croit qu’il y a tout - à - fait accord entre MM. Scheerer et Angelot. Il semble que M. Scheerer a voulu montrer la différence entre la manière dont a eu lieu la fluidité ignée et celle dont nous l’admettons ordinairement. M. Delanoue fait remarquer qu’il semble incroyable de prime abord que l’eau puisse rester partie intégrante de minéraux formés par suite d’une fusion ignée , et cependant rien de plus probable, dans certains cas fort exceptionnels, que l’hypothèse de M. Angelot (rintervention de l’eau rouge et liquide i\ une haute pression)^ rien de plus évident et de plus ordinaire que l’existence de l’eau dans certains corps soumis à une fusion ignée (hydrates de potasse , soude , etc.). L’acide borique , qui est si fixe à la plus haute température , se volatilise en retenant de l’eau. Et, soit dit en passant, c’est probablement à cette propriété qu’est due l’arrivée, jusqu’ici assez énigmatique, de l’acide borique dans les si^oni de la Toscane. M. Hébert répond que M. Aug. Laurent a lu, le 25 janvier 18Ü7, à l’Académie des sciences, un extrait d’un travail dans lequel il a constaté par des expériences précises et multipliées que le borate de potasse, chauffé à une température supérieure à celle de la fusion de l’argent dans un fourneau à calcination, a été fondu, mais retenait encore 1 pour 100 d’eau. Ce qu’il y (t) Voir Note sur la cause des émanations gazeuses provenant de l’intérieur du globe , par M. Angelot. {^Bulletin de la Société géolo- gique de France^ i»"® série, t. XIII , p. 178 — '194.) Soc. gèol. , 2® série , tome IV. 32 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18^7. /l98 a (le singulier, c’est que le même borate de potasse vitrifié , chauffé de nouveau sur la lampe à alcool à une température bien inférieure à celle à laquelle il avait déjà été soumis , et à peine suffisante pour le ramollir , laissa perdre une partie de cette eau qu’on vit se dégager en bulles et se condenser à l’extrémité étranglée d’un tube bien desséché, dans lequel il avait renfermé le borate de potasse vitrifié. Cependant , comme il ne croyait pas toute l’eau éliminée , M. Laurent fit fondre le borate d’ammoniaque avec une petite quantité de spath d’Islande bien pur, et il obtint à la fin un verre transparent qui , pesé , montra que toute l’eau avait enfin été chassée. M. Boubée pense que M. Scheerer s’est fait une opinion exa- gérée de la présence de l’eau à l’origine des granités -, il semble qu’il était plus simple de supposer que les corps en fusion ont la propriété d’absorber les matières gazeuses et de les rejeter ensuite lors de la solidification. M. Frapolli fait observer que c’est là l’idée de M. Angelot, et que M. Scheerer ne s’est écarté de cette idée que pour s’ap- puyer uniquement sur l’expérience de la composition des miné- raux. M. Virlet ajoute à ce que vient de dire M. Angelot que l’in- tervention de l’eau dans les phénomènes volcaniques lui paraît d’autant plus difficile à nier, qu’elle se manifeste par la pré- sence de nombreux hydrosilicates zéolithiques que beaucoup de roches plutoniques renferment ^ que d’ailleurs quelques unes de ces roches, comme les ophiolithes , ne sont elles-mêmes que des hydrosilicates, et qu’enfm, pour les personnes qui ont étudié les phénomènes des filons , l’existence d’hydrates pluto- niques n’est pas plus douteuse que celle des carbonates, des sulfures plutonicjues , etc. Observations sur le métamorphisme normal et la probabilité de la non-existence de véritables roches primitives a la sur- face du globe, par M. Virlet d’Aoust. Le mémoire de M. Scheerer ^ analysé d’une manière si claire par M. Frapolli , m’a fait éprouver d’autant plus de plaisir que la plupart des idées de ce savant chimiste sur la formation des SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. /i99 granités viennent tout à fait à l’appui de mes opinions sur l’existence des granités métaniorphiques (1). L’auteur, à la vérité , n’explique pas d’une manière bien précise comment il entend que l’eau de composition qui existe dans quelques uns des éléments constituants, et qu’il regarde comme primitive ^ est originairement intervenue dans la formation ; mais cette intervention devient très simple et très facile à comprendre, si on admet que les gra- nités ont , comme les gneiss , une origine complexe due au méta- morpliisme normal , et sont le résultat de la transmutation d’an- ciens dépôts formés sous les eaux. Cette hypothèse peut se déduire des propres observations de M. Scheerer, qui signale les gneiss de la Norvège méridionale comme étant non seulement le résultat de la transformation des schistes argileux , mais encore comme ayant été métamorphosés sur plusieurs points en roches granitoïdes. J’ai signalé aussi un exemple analogue au Montabon , près Cha- lon-sur-Saône , où le granité rouge qui constitue cette montagne m’a paru être également le résultat d’une sur-modification ou d’un métamorphisme plus avancé de la grande bande gneissique , dont il forme le prolongement oriental (2). La transmutation des (1) Bull. Soc. géol.., 2® série, t. P‘’, p. 766 et 825; et t. III, p. 94. Voir au t. IV, p. 297, ce que j’ai dit aussi en note relativement à l’origine métamorphique de certains porphyres et d’autres roches réputées plutoniques. Depuis la présente communication , le Mémoire de M. Fournet sur le métamorphisme dans les Vosges , dont M. Vi- quesnel n’avait fait que donner une analyse succincte, a paru dans le t. IV du Bull. ; il y développe, à la page 239 , d’une manière très claire les phénomènes d’imbibition et de pénétration réciproque des masses ignées et neptuniennes , que j’avais décrits d’une manière plus générale dans ma Note sur les roches d'imhihition , t. P'’, p. 845. (2) Bull. Soc. géol.., 2" série , t. III, p. 326. Depuis longtemps déjà M. Élie de Beaumont avait été amené à émettre une opinion semblable relativement aux gneiss charbonneux des Vosges, et voici comment il s’exprime à ce sujet à la page 316 du t. 1®‘ de la Description de la carte, géologique de France : « Il semble véritablement très probable » que toutes ces matières charbonneuses ont eu pour origine des végé- » taux déposés en même temps que les matières premières de la roche , » quelle que puisse être aujourd’hui la texture cristalline de celle-ci. » S’il en était ainsi, le gneiss dont nous parlons devra être classé » parmi les roches métamorphiques , ce que la présence des amas de » calcaire grenu tendait déjà à faire soupçonner ; et cela ouvrira le » champ à bien des conjectures sur V origine du leptynite et du granité )) à petits grains auxquels le gneiss se lie si intimement. » L’hypothèse de l’origine métamorphique du gneiss des Vosges est » parfaitement en rapport avec son gisement qui est parallèle à celui 500 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18Ü7. roches séclimentaires en granité, owXeviv granitiflcntion , pour em- ployer un mot qui caractérise le phénomène , n'est donc pas plus dillicile à admettre que leur changement en gneiss ; il suffit seule- ment de supposer ou que l’action métamorphisante a été plus di- recte et plus intense , ou qu’elle a été plus prolongée. Aussi la gneissification et la granitification des schistes argileux de la Nor- vège portent-elles M. Scheerer à se demander en quelque sorte instinctivement qu’est-ce que cela , si ce n’est la transformation en roches granitiques de masses contenant de l’eau et portées à une haute température ? Evidemment s’il avait poussé comme moi un peu plus loin la conséquence , il arrivait à la seule application qui me paraisse pouvoir se concilier avec les faits ; car en envisageant la question de la génération des granités sous ee nouveau point de vue, on fait aisément concorder toutes les circonstanees géolo- giques et minéralogiques avec les déductions de la chimie ; l’in- tervention de l’eau dans les différentes proportions constatées s’explique très bien ; sa conversion de l’état de simple mélange à celui de composition est facile à concevoir ; elle s’opérait en même temps que les autres substances se combinaient entre elles et passaient probablement aussi de l’état de mélange à celui de com- binaisons chimiques. Il n’est plus besoin alors de supposer , soit avec les neptuniens, ce magma, cette bouillie granitique originelle devant contenir au moins 5 p. 100 d’eau d’hydratation ; soit avec les plutoniens , cette espèce d’oxydation chaotique des roches pri- mitives par l’eau, qui force à admettre, contre toute probabilité, qu’elle existait lors des premiers encroûtements de la surface du globe. Il n’est pas nécessaire d’admettre non plus, comme on le suppose trop géuéralement , qu’une très haute température ait toujours été indispensable pour produire le métamorphisme normal et les transformations granitiques , puisque les expériences de M . Schaf- hault ont démontré que sous l’influence de la pression la vapeur d’eau échauffée au-dessus de 100° jouit de la propriété de dissou- » du micaschiste et du schiste argileux, schistes qui passent de l’un à » l’autre et auxquels le gneiss passe lui-même. » M. Daubrée ayant de son côté signalé en Suède des faits tout à fait analogues (t. IV, p. 213, de la 4® série des Ann. des niines'^, M. Élie de Beaumont en a conclu, dans une de ses savantes leçons au Collège de France de 1846 , que la grande formation des gneiss de la Suède, sur laquelle repose le terrain silurien , était, comme celle des Vosges, le résultat d’une transformation de roches sédimentaires , due au mé^ tamorphisme normal. 501 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18il7. cire la silice, et que très proliableiiient , conune Oa également dé- montré M. Brewster, rintervention d’autres gaz a du avoir aussi une grande influence sur le développement de la cristallisation des roches modifiées. Cela est si vrai, cjue la plupart de ces roches ont conservé leur stratification, et cp’on voit même certains granités, comme , par exemple , ceux des Alpes de la France centrale , de la Bretagne (1) , etc., conserver encore cpielquefois aussi leur schis- tosité et leurs plans de stratification primitive , en offrant des passages évidents avec des roches d’origine incontestablement stratifiée ; enfin l’on peut voir encore dans les granités de Nor- mandie (2) , qui servent au revêtement des trottoirs de Paris , et dont l’origine métamorphique est si évidente , des milliers de fragments non fondus, quoique le plus souvent aussi modifiés, des différentes roches plus anciennes qu’ils renferment ; ce qui annonce que très vraisemblablement leur granitification n’a exigé qu’un simple ramollissement des masses. L’hypothèse du métamorphisme normal , cpie les découvertes de la géologie, autant cfue l’avancement de la chimie inorganique, tendent chaque jour à élever au rang des vérités les mieux dé- montrées, conduit à faire admettre , comme conséquence natu- (!) M. Durocher, dans son intéressant travail sur l’origine des roches granitiques , s’appuie sur les liaisons intimes qu’il y a entre les granités , les porphyres quartzifères et les pétrosilex de la Bretagne , tant sous le rapport des passages insensibles qu’ils présentent sur une même zone et à des distances très rapprochées, que sous celui de la compo- sition chimique et de la pesanteur spécifique , pour en conclure avec raison que ces granités sont des roches pétrosiliceuses parvenues à un développement complet, et que les porphyres quartzifères, ou , comme il les appelle, les granités porphyroïdes , dans lesquels il reste encore une petite portion de la pâte qui paraît n’avoir pas été décomposée entièrement , offrent les derniers termes de l’état originaire de ces roches. Mais M. Durocher, partant de l’hypothèse ignée , pense que les pétrosilex ne sont que des granités dont la cristallisation n’a pu se développer ; tandis qu’ils appartiennent, en partie du moins, aux roches d’imbibition , et qu’il existe bien des raisons, surtout en Bre- tagne , pour n’y voir simplement que l’un des premiers termes d’une série de transformations métamorphiques dont les porphyres et les granités ne sont que les plus avancés. Dans le Morvan , les porphyres blancs quartzifères , à structure schisteuse et à noyaux étrangers de la Roche-en-Breuil , que je regarde comme métamorphiques, me pa- raissent aussi avoir donné lieu , par un développement plus considé- rable de la cristallisation , aux granités blancs très cristallins des en- virons de Lormes. (2) Ball.^ 2* série, t. III, p. 94. 502 SÉANCE DU 15 FÉVRIER iSkl . relie, une autre hypothèse qui est depuis longtemps entrée dans mes convictions les mieux arrêtées et à laquelle le mémoire de M. Scheerer me semble donner toute actualité, savoir : qail n existe très probablement plus, et qu’il ne peut même plus exis- ter a la surface du globe de roches primitives , c’est-à-dire qui n’auraient été soumises à aucune transformation soit chimique , soit simplement moléculaire, depuis son refroidissement ori- ginel. En effet, si, par un de ces hasards extraordinaires, il y avait encore, sur quelque point de la surface du globe, de ces roches de premier encroûtement , la condition première de leur existence serait de ne contenir aucune trace d’eau de combinaison : or, plu- sieurs des éléments constituants (1) de la plupart des roches gra- nitiques généralement considérées comme les plus anciennes en contenant toujours plus ou moins, ces roches ne peuvent évidem- ment être considérées comme représentant ces masses ignées anhy- dres. Au surplus , lors même que certaines de ces roches graniti- ques seraient tout à fait privées d’eau de composition , il y aurait encore bien des raisons pour les maintenir dans la catégorie des roches modifiées. Le métamorphisme normal , ainsi étendu à toutes les roches dites primitives , n’est d’ailleurs que le corollaire de la théorie de la chaleur centrale et de la fluidité ignée originelle du globe ; c’est la conséquence des nombreux phénomènes chaotiques qui ont dû signaler le refroidissement de la première enveloppe solide et le dépôt des premiers sédiments ; car il suffit de tenir un peu compte des lois de la pesanteur, pour voir que, par suite de la simple pres- sion exercée sur la masse fluide par cette croûte encore mal con- solidée et flottant en quelque sorte sur un bain de densité moindre, il y a eu sur toute la surfaee du globe , pendant les premières pé- riodes géologiques, de nombreux flux et reflux de chaleur. C’est à ces retours frécjuents de la chaleur, à ces effluves centrales, qu’il faut principalement attribuer le métamorphisme normal , qui a dû nécessairement s’étendre à toutes les masses primitives , tant (l) Ces éléments, reconnus déjà dans plus de cent gisements diffé- rents, sont le mica , la pinite, le talc, l’amphibole, la tourmaline, la gadolinite, l’orthite et l’allanite, qui peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à 4 et 5 pour f 00 d’eau de composition; le dichroïte et l’aspasio- lite, qui en contiennent depuis 1 jusqu'à 7 pour 1 00 ; la natrolithe des syénites zirconiennes de la Norvège, qui en contient fO pour fOO , et enfin le chlorite des protogynes, qui en contient de 9 à 1 3 pour 1 00. M. Berthier a aussi reconnu que les pétrosilex des environs de Nantes contenaient 1 1 /2 pour 100 d’eau de composition. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 508 pliitoniques que neptimiennes, lesquelles ont été modifiées et trans- formées bien plutôt deux et trois fois qu’une, si même, ce qui est fort probable , elles n’ont pas été fondues et refondues. Le défaut d’homogénéité générale des granités , dont la texture varie souvent d’un point à un autre , et les difterences qu’ils présen- tent dans les proportions de leurs éléments intégrants sur des points quelquefois très rapprochés, viennent encore étayer l’hypothèse de la transmutation successive de toutes les roches anciennes ; car les liaisons intimes qu’il y a entre les roches du groupe granitique , lesquelles passent souvent par les nuances les plus insensibles les unes aux autres , s’expliquent bien plus facilement par des actions métamorphiques variées ou qui ont agi sur des roches de compo- sitions différentes, que par pénétration ou juxta -position réci- proques de ces mêmes roches. N’est-ce pas l’idée qui doit venir tout d’abord, lorsqu’on examine, par exemple, les rapports, signa- lés pour la première fois par M. Rozet (1) , qui existent entre les leptynites , les gneiss et les granités des Vosges , rapports si intimes, qu’on ne pourrait le plus souvent dire où commence et où finit l’une ou l’autre de ces roches? C’est encore l’idée que je me suis faite depuis longtemps , relativement à la syénite , en voyant com- ment dans les montagnes granitiques de Myconos, l’une des îles de l’archipel grec , elle passe et repasse successivement au granité commun , sans ciue celui-ci éprouve d’autre modification que celle qui résulte d’un changement dans son mica, transformé en partie ou en totalité en amphibole. Ce changement du granité ordinaire en granité syénitique est rendu très vraisemblable par celui que l’on remarque quelquefois dans le voisinage de certains filons de quartz , où les roches micacées se trouvent transformées d’une ma- nière très évidente en masses amphiboliques , dioritiques ou chlo- riteuses (2). L’existence des nombreuses substances accidentelles (1) Description géologique de la partie méridionale de la chaîne des Vosges , i n - 8 ” , 1834. (2) C’est un phénomène que j’ai eu souvent occasion d’observer dans les montagnes d’entre Saône-et-Loire ainsi que dans celles du Pilât; M. Daubrée l’a également signalé aux environs d’Arendal, en Suède , où l’on voit des passages du gneiss au schiste amphiboleux dans le voisinage des mines de fer (page 212 du Mémoire précédemment cité). Enfin, M. Fournet , auquel on doit tant d’observations intéressantes Sur le métamorphisme accidentel ou de contact, le cite à la page 74 de son Mémoire intitulé : Simplification de î étude d’une certaine classe de filons , inséré dans les Annales de la Société royale d’agriculture de Ly on pour SÉANCE DU 15 FÉVRIER IS/jJ. 50/l des granités sur certains points , tandis qu’elles n’existent pas sur d’autres , s’expliquerait d’ailleurs bien difficilement , si l’on n’admettait ou une composition originelle variable , ou , ce qui est bien plus probable , l’intervention sur certains points d’éléments nouveaux qui sont venus pénétrer la masse , s ajouter à ses éléments constitutifs et les modifier. N’aurait-on pas encore d’ailleurs une preuve de l’origine métamorpliique de ces roches dans l’existence du bitume que quelques unes d’entre elles renferment , et qui , s’il n'est pas un produit sid generis ^ indiquerait la disparition de corps organisés dont l’existence ne se révélerait plus que par la présence de cette matière minérale organique. Enfin , je crois que l’état d’agrégation mécanique meme des lo- ches à structure cristalline peut encore très bien être invoqué comme l’une des meilleures preuves du métamorphisme général ; car leur cristallisation anormale , confuse et souvent imparfaite , n’annonce certainement pas , comme l’a au reste fort bien démon- tré M. Scbeerer, une fluidité ignée originelle et un refroidissement très lent , et tel que celui de la première croûte du globe , qui , quelque rapide qu’on le suppose avoir été , a pu durer des centaines et même des milliers de siècles. Cette agrégation, dont jusqu’ici les hypothèses neptuniennes et plutoniques ne sont point encore parvenues à donner une explication rationnelle , me paraît devoir s’expliquer, au contraire , très bien par l’iiypotlièse du métanior- pliisme normal; et les expériences de MM. Scbafliault, Brewster, Biess et Scbeerer font aisément concevoir que , sous l’influence de la pression , de la vapeur d’eau et des autres gaz , ainsi que sous celle des agents impondérables qui_ ont pu également avoir leur part d’influence, le feldspath, le mica et les autres substances mi- nérales ont fort bien pu aussi cristalliser à une tenq3érature qui pouvait être d’autant plus basse , (jiie généralement ces substances sont elles-mêmes d’autant plus fusibles, qu’elles sont plus Ijasicjues; tandis que , en raison de sa grande infusibilité , la silice , seulement ramenée à l’état de masse plasticpie , n’a pu cristalliser, et a con- servé les formes généralement amorphes et englobantes qu’elle montre dans presque toutes les roches à structure granitoïde. Ce genre de formation se concilie très bien avec la manière d’envisa- ger la cristallisation des roches granitiques par suite d’une fusion ignée aqueuse de M. Scbeerer, ainsi qu’avec les propriétés py- rognostiques Cju’il a constatées dans un grand nombre des sub- stances minérales c]ui les constituent. Quelques géologues ne manqueront sans doute pas d’invoquer en faveur des anciennes idées exclusivement plutoniques les injec- 505 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. lions évidentes de la plupart de ces roches ; mais je me bornerai à leur rappeler ici ce que j’ai déjà dit ailleurs à ce sujet (1), que le surgissement de telle ou telle roche n’entraînait pas nécessairement toujours la conséquence d’une origine ignée , parce que le méta- morpliisme a pu , dans de certains cas , donner lui-même lieu et en agissant par pression sur les masses inférieures, à des surgisse- ments analogues. En résumé , je pense qu’un examen bien raisonné des roches cris- tallines et fait sur le terrain même , doit porter tout géologue qui réfléchit un peu aux conséquences de l’ensemble général des faits qu’elles présentent à douter qu’il existe encore quelque roche que l’on pourrait réellement considérer comme primitive , dans toute l’acception de ce mot , qui ne devra plus avoir désormais qu’une valeur géologique purement relative ; car toutes les roches que l’on a appelées jusqu’ici primitives pourraient bien n’être que de deuxième , de troisième , etc., formation , si même elles ne sont d’une formation encore beaucoup moins ancienne. Je ferai observer, en terminant, que je ne pense pas, comme quelques géologues , que les cristaux de quartz observés dans les filons et les géodes des granités et des gneiss de la Norwége soient dus à des ségrégations , mais bien , comme le suppose M. Scheerer, à des sécrétions , lesquelles, ainsi que je l’ai dit ailleurs (2) , ont du être déterminées par des transports moléculaires postérieurs, tout à fait analogues à ceux qui ont donné naissance aux nodules siliceux , ferreux oti calcaires , ainsi qu’aux cristaux de quartz , de chaux carbonatée et de tant d’autres substances qu’on rencontre , soit dans les interstices , soit tapissant les cavités géo- diques ou l’intérieur des coquilles fossiles des terrains plus récents. Les granités et les gneiss ne sont pas , en effet , des roches assez uni- formément compactes pour que des courants, surtout s’ils étaient favorisés par une grande pression et une haute température, n’aient pu parfois s’établir dans leur intérieur, comme dans les autres ro- ches , et déposer dans leurs fentes ou cavités , sous forme de cris- taux , les molécules des substances qu’ils pouvaient contenir en dissolution et entraîner à leur suite. [\) Bull. Soc. géol. , 2® série, t. I, p. 854. Voyez aussi ce que vient de dire M. Fournet à la page 240 du t. IV, qui peut donner une idée exacte de la manière dont le phénomène a pu se produire. (2j Bull. Soc. géol., 2* série, t. I , p. 746 ; t, II , p. f 98 ; et t. 111 , p. 150. 506 SÉANCE DU MARS 1847. Séance du 1®’' mars 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Hugard, vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame membre de la Société , M. le docteur William Roux, rue du Puits-Saint-Pierre , à Genève, présenté par MM. Ed. Ruinart de Rrimont et Lévêque. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Alcide d’Orbigny , 1® Paléontologie fran- çaise, — Terrains crétacés; livraisons 119 — 120. — Terrains jurassiques ; livraison 42. 2o ployage au pôle Sud et dans U Océanie ; pl. I à VL — Géologie; pl. IV à IX, in-fo, sans texte. De la part de M. Paillette, 1® Piano general^ etc. (Plan général des ravins et mines de la Sierra Almagrera , province de Murcie, par MM. J. M. et J. L. de Madariaga) -, 3 f. grand- aigle. Malaga, septembre 1845. 2^ Piano, etc. (Plan des limites des mines du Ravin-du-Roi dans la Sierra Alhamilla, province d’Almeria, par M. Manuel Reynante) -, 1 f. colombier. Malaga , 1843. 3o Piano, etc. (Plan des concessions des mines du ravin du Jaroso et des mines adjacentes , par MM. J. M. et J. L. de Madariaga)-, 1 f. colombier. Malaga, 1842. 4« Piano ^ etc. (Plan des mines comprises dans le ravin du Jaroso et de la Sierra Almagrera , province de Alméria) ^ im- primé sur soie. 1842. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences ; 1847, l*^!’ semestre, t. XXIV, no*^ 7 — 8. L’Jnstitut; 1847, n^s 685—686. SÉANCE DU lei* MARS 1847. 507 Annales de V Auvergne , t. XIX, novembre et décembre 1846. The Athenœuni , 1847; 1008 — 1009. The Mining Journal^ 1847 ; 600 — 601. Néues Jahrbuch de Leonhard et Bronn ; 1846 , 7^ cahier. — 1847, 1er cahier. Par suite de la correspondance, M. Alcide d’Orbigny présente à la Société 6 pl. in-folio de fossiles publiés en 1846 dans le Voyage de V Astrolabe de M. Dumont d’Urville; ces planches contiennent , en dehors de quelques fossiles de transition , une série de coquilles des terrains crétacés du Chili et de Pondi- chéry. Quant aux fossiles de Pondichéry, pendant queM. d’Or- bigny les publiait en France, M. Forbes les étudiait en Angle- terre; il en résulte que les publications ont paru simultané- ment; et, en effet, il paraît que M. Forbes a communiqué son travail vers la moitié de 1846, mais il n’a paru qu’au com- mencement de 1847 dans les Tyrans action s de la Société géologique de Londres. Ainsi, bien que M. d’Orbigny ait l’an- tériorité de publication, M. Forbes a eu celle de communication, et M. d’Orbigny se déclare tout prêt à abandonner ses dénomi- nations pour adopter celles de M. Forbes, sauf toutefois dis- cussion zoologique des espèces. Les planches présentées par M. d’Orbigny contiennent deux séries de fossiles; les uns de l’île Quiriqiiina, au sud du Chili, et les autres des environs de Pondichéry, recueillis par M. Fon- tanier et envoyés en France depuis un grand nombre d’années. Ces fossiles appartiennent tous à la même époque contempo- raine de notre étage turonien de France. Chacune de ces deux séries de fossiles présente non seulement des espèces com- munes aux deux localités , Pondichéry et Chili , mais encore des espèces identiques avec celles du même étage en France. On peut citer parmi celles-ci le Nautilus Sowerbianus , le Baculites anceps , la GerviUia aviculoides ^ la Trigonia sinuata , Park ; le Cardium caudatiun , le Cardiuin Hillanum. De plus, parmi ces espèces identiques, il y en a qui ne se sont rencontrées jusqu’à présent que dans la craie , comme celles appartenant aux genres vlJanira.^ et même toutes les autres espèces ont des formes à peu prés semblables aux nôtres. On remarque 508 SÉANCE UU 1^1’ MARS ISA 7. néanmoins une forme nouvelle pour le terrain de craie , c’est une Ovula qui a été prise mal à propos pour une Cjprœa par M. Forbes. Ces fossiles, comparés à quelques échantillons rapportés par M. Itier de l’île de Java, ont fourni à M. d’Orbigny la certitude, par l’identité des espèces de ces diverses localités, que le même dépôt se trouve à la fois sur les trois points. Par suite de cette communication, M. de Verneuil fait remar- quer qu’entre les terrains prétendus crétacés du Chili et ceux de Pondichéry, bien que M. d’Orbigny y ait trouvé des espèces identiques, il y a cette différence qu’au Chili ils paraissent former un passage vers le terrain jurassique, tandis qu’à Pon- dichéry ils se rapprocheraient des terrains tertiaires. En effet, M. Darwin a décrit toute la formation calcaire delaCordiliére du Chili comme renfermant en différents endroits, et notamment àCoquimbo, à Copiapo et à Guasco , des espèces jurassiques et crétacées associées dans les mômes couches. M. d’Orbigny répond aux observations de M. de Verneuil que les fossiles décrits par M. Darwin comme provenant du Chili appartiennent les uns à l’île de Quiriquina et les autres à la Cordiliére de Coquimbo, points distants de 7 degrés au moins en latitude. Les fossiles de la première localité se trou- vent au niveau de la mer , au pied occidental des Andes , et appartiennent bien , comme nous l’avons vu , à l’étage turonien de France-, quant aux fossiles de Coquimbo, les uns appar- tiennent au terrain crétacé, les autres au terrain jurassique, à un étage qui rappelle le lias et caractérisé par une Gr y pliée voisine de la G, arcuala, et des Spiriféres également voisins du A. W alcoüi Sow . M. Dufrénoy rappelle à ce sujet que parmi des fossiles ré- cemment envoyés à l’Ecole des mines par M. Domeyko , et provenant du Chili, on remarque des Spiriféres et des Téré- bratules d’un caractère jurassique non équivoque, et même des Gryphées arquées dont la forme spécifique ne saurait être douteuse-, il ne subsiste donc plus aucune incertitude au sujet de l’existence réelle du terrain jurassique dans cette localité , et à M. Domeyko appartiendrait l’antériorité de la découverte, car depuis longtemps ce géologue a envoyé des fossiles de ces localités, en annonçant dès les pr^^miers envois leur caractère SÉANCK DU 1'"’* 3IARS i8/i7. - 509 jurassique. Cette opinion ne fut pas d’abord partagée à l’Ecole des mines ^ mais un dernier envoi a tranché définitivement la question. M. d’Orbigny confirme pleinement tout ce que vient de dire M. Dufrénoy : il rappelle même que déjà en 18/i2 M. Diifrénoy lui avait communiqué quelques uns des fossiles de M. Domeyko, et que ces fossiles furent publiés la même année dans la pl. XXI f de la paléontologie de son voyage dans l’Amérique méridionale, avec indication positive de gisement jurassique. Compte des recettes et des dépenses exécutées pendant l’année 1846 pour la Société géologique de France , présenté parM. Damoür, trésorier. RECETTE. DÉSIGNATION 1 RECETTES O c O RECETrES *»- de» 2 NATÜRE DES RECETTES. prév lies c 3 ,S nhapilre» de la recelle. S au Imdgel. eftccluées. s s < 'q P §1. Produiis ordinaires des réceplion». . ' d 2 ' Droil» d’enlrêe 1 I de l'année couranie. , 500 10.000 • 752 9,684 50 > 252 50 316 • > Colisalion» < desannéespréeédenle». 800 757 10 U II 4-2 90 §2. rrodniis exli aord. | 1 V ) ( de l’année 1847. . . . 500 510 10 )i » » des récepiions. . 1 » 1 j CotUritioni* im#» foî'4 2,400 500 2,100 641 „ 300 M i 6 i de Bullelins el al)onneni. . B 50 141 50 » B § 3. Pul)lica lions. . . . < 7 ' •Venie v de Mémoire» 1,0U0 18 a 1,116 92 70 116 70 » B ' 8 74 9 Ar)éra"es des Renies sur l’El.it. . . . 1,407 1,434 27 « » B 10 Arrérages des Bons du Trésor 50 « 50 s n > » » l 11 RecPlics ini prévu 6«*, 100 80 15 65 U 19 S5 § 5. Renirées divers''». . { 1 12 Remboursement de frai.? de mandais. 25 50 „ . 9 50 1 Recetteextraord. relative au Bullelin. 193 50 343 50 150 » » » ' 14 Recelle extr. relative aux Mémoire». U » 80 » 80 > a B 13 Inléiêts de fonds placés ( placemenl temporaire che* MM. Gouiii et C'. • 17 50 17 50 » * § 3. Solde du compie 16 Totaux des recette». . . . 17,493 50 17,674 95 8f)9 20 687 75 Reliquat en caisse au t numéraire. 958 23 95S 25 précédenl 3! décembre 1845. \ Boni. . . . 2,000 S 2,000 ■ Totaux de la recette et du reliquat en caisse 75 20,633 20 COMPARAISON. La Recelle effectuée s’élève à 20,633 20 La Recelle présumée était de 2o,/|5i 75 L’excédant de la Recette réelle monte à t8 1 45 510 SÉANCE DU iei' aiARS 1847 DEPENSE. DÉPbJ^SKS etrecluées. 1 Augmentation. 1 Diminution. 1,800 s> 300 B )) » „ 800 B 100 1, B » „ „ 1,2:2 95 „ )ï 27 05 368 55 U U 31 45 281 30 31 30 s 324 65 « » 75 35 154 25 y JJ 95 75 154 65 » » 95 35 89 45 ], 1) 10 55 159 95 » » 340 05 11 65 » » 88 35 4,891 70 108 30 1,033 20 1) )) 66 80 2,010 » iO » » )) 1 223 là ,1 „ „ 90 II 90 ), 28 85 21 15 )) n 372 15 2,027 85 n » II 1) 118 50 18 50 16,232 80 222 80 1,340 - DÉSIGNATION des chapilies de la dépense. § 1, Personnel. §7- Frais de logement. Frais de bureau. . Encaissements. . . Matériel Publications. . . . Placement de capi- taux Dépenses imprév. . Nature des dépenses. . ^ I son traitement “ } travaux auxiliaires Garçon de bureau | ' ’ * ^ ( gralibcaiion . . Loyer, contributions et assurances.. Gbaufl’age et éclairage Dépenses diverses Ports de lettres Impressions, litliographies, avis et cir- culaires Change et retour de mandats .... Mobilier Bibliothèque Collections ! impression, planches, pa- pier, etc affranchissement achat d’exemplaires. . . indemnités et dépenses Mémoires^ supplémentaires. . . . coloriage de cartes . . . menus frajs Achats de rentes sur l’Etat Avances de fonds remboursables. . . niiPENSES prévues au budget. ],8Ü0 300 800 100 1,300 400 2Ô0 400 250 250 100 500 100 5.000 1,100 2.000 150 50 2,400 100 17,350 COMPARAISON. La Dépense présumée était de.. 17,360 » I^a Dépense effectuée s’élève à 16, 262 80 La diminution de !a Dépense réelle monte à . 1,117 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE i8/i6. La Recette totale étant de. ... 20,633 20 Et la Dépense totale de 16, 232 80 Il reste en caisse audit jour. . 4o SÉANCE DU MARS ISA 7. 511 MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYEES ET DES PLACE- MENTS DE CAPITAUX. NOMBRE TT â T iTfTn a DES COTISATIONS. fr. c. ( aiiténeurement à 1846... 68 20,4oO » Recette] , ,, t pendant l année 1846 7 2,100 w Totaux 75 22,5oO » Legs Robei'ton ! 12,600 8 Total des capitaux en caisse. 35,100 » PLACEMENTS EN ACHATS DE RENTES 5 o/o. 1,407 fr. de rentes achetées anté- 1 fr. c. 1 î rieurement à 1846 .... 33,002 10 ’ 84 fr. de rentes achetées pendant [ 35,029 95 l’année 1846... 2,027 85 1,491 fr. de rentes. — Excédant de la recette sur la dépense 70 o5 MOUVEMENT DES ENTRÉES ET DES SORTIES DES MEMBRES. Au 31 décembre 1845, les membres maintenus sur les listes officielles comme devant contribuer aux dépenses de 1846 s’élevaient au nombre de 475 Les réceptions, du 1®“" janvier au 31 décembre 1846, sont montées à 52 j A déduire : les décès, démissions et radiations. . 26 j Total des membres maintenus sur les listes au 31 décembre 1846 501 Ainsi l’accroissement du nombre des membres, du l®*" janvier au 31 décembre 1846 , est de 26. M. Rozet lit le rapport suivant sur la gestion du Trésorier pendant Tannée 18Z|6. 512 SÉANCE DU MARS 18/17. Rapport sur la gestion du Trésorier pendant Vannée I8/16. Ayant été chargés par le Conseil , MM. Angelot, Michelin et moi , (l’examiner les comptes de notre Trésorier relativement aux recettes et dépenses de l’année 1846 et d’en rendre compte a la Société , nous avons l’honneur de vous présenter le résultat de cet examen. RECETTE. § lei\ Droits d’entrée, — Les droits d’entrée se sont élevés à 752 fr. 50 c. , ou 252 fr. 50 c. au-delà des prévisions^ mais ils présentent une diminution de 27 fr. 50 c. sur ceux de l’année précédente. Cette somme de 752 fr. 50 c. ne repré- sente pas un nombre rond de droits d’entrée à 20 fr. par membre , par suite d’une différence de change. Cotisations. — Cet objet , qui se subdivise en trois articles , était prévu au budget pour une somme de 11,300 fr. , et l’on n’a reçu que 10,954 fr. 10 c. , ce qui produit une diminution de 348 fr. 90 c. , provenant principalement des retardataires sur l’année courante. § 2. Cotisations une fois pay ées, — Elles étaient prévues pour 2,400 fr. , mais elles n’en ont produit que 2,100, ce qui est inférieur à la prévision d’une cotisation , et pendant l’année précédente l’augmentation avait été de 1,200 fr. sur la même somme par quatre cotisations. § 3. Fentes des publications. — Celle du Bulletin a dépassé de 141 fr. la prévision *, celle des Mémoires , de 116 fr. 70 c. j et celle des cartes coloriées, de 74 fr. La vente des Mémoires figure cette année dans la recette pour une somme de 1,116 fr. 70 c., c’est le chiffre le plus élevé qui ait encore été obtenu \ mais il faut dire aussi qu’il résulte de la vente des deux parties du t. 1 et de la première partie du t. II de la seconde série. Dans tous les cas, il montre que nos publications commencent à se répandre davantage, ce qui doit nous engager à les multiplier le plus possible. § 4. Rentrées diverses,' — Les arrérages des rentes sur l’Etat ont éprouvé une augmentation de 27 fr. provenant du place- i SÉANCE DU MARS 1847. 513 ment des cotisations une fois payées , qui se faii au fur et mesure des paiements. Les bons du Trésor, qui figureront à l’avenir dans le budget comme sommes en caisse, ont donné un intérêt de 50 fr. Les recettes imprévues ne se sont élevées qu’à 80 fr. 65 c. Les remboursements de frais de mandats dont la prévision était de 25 fr. , n’ont produit que 15 fr. 50 c. Les recettes extraordinaires relatives au Bulletin offrent une augmentation de 150 fr. , provenant du paiement, par deux membres, d’un supplément de frais occasionné par leurs publications, ce qui a produit une diminution de 108 fr. 30 c. sur les frais présumés de la publication du Bulletin. Qu il nous soit permis de faire remarouer ici que ce volume (Ille) renferme des Mémoires dont rétendue dépasse de beau- coup celle des communications qui doivent être imprimées in- tégralement dans le Bulletin, et qu elles auraient pas pu être admises sans une notable diminution de texte , si leurs auteurs n avaient consenti à payer une partie des frais dHmpression et de planches. Nous voyons figurer dans la recette une somme de 80 fr. , comme recette extraordinaire relative aux Mémoires. Cette somme a été payée par notre ancien agent pour couvrir des frais occasionnés par un oubli de sa part. Enfin , les fonds déposés temporairement à la caisse Gouin ont donné un intérêt de 17 fr. 50 c. En résumé, les augmentations importantes de la recette portent sur les droits d’entrée , la vente du Bulletin , celle des Mémoires, des cartes coloriées , et des frais extraordinaires rela- tifs à des publications faites dans le Bulletin. Les diminutions, qui n’ont pas d’importance, sont principalement relatives aux cotisations annuelles et une fois payées, dont une partie sera certainement couverte par des rentrées ultérieures. En total , l’excédant de la recette réelle sur la recette pré- sumée est seulement de 181 fr. 45 c. \ DÉPENSES. § 1er. PersonneL — Les dépenses de ce paragraphe, relatives Soç. géol. , 2® série, tome IV, 514 SÉANCE DU l^ï* MARS 1847. au personnel de la Société, ne présentent aucune augmentation ni diminution. § 2. Frais de logement, — Les dépenses relatives au loyer et aux contributions de toule espèce offrent une diminution de 27 fr. 05 c. sur les prévisions, et celles de chauffage et éclai- rage une économie de 31 fr. 45 c. § 3. Frais de bureau. — Les dépenses diverses ont aug- menté de 31 fr. 30 c. , mais il y a eu une diminution de 75 fr. 35 c. sur les ports de lettres , de 95 fr. 75 c. sur les impres- sions, avis et circulaires. § 4. Encaissements. — Les changes et retours de mandats n’ont coûté cette année que 154 fr. 65 c. , ce qui donne une économie de 95 fr. 35 c. sur la dépense présumée. § 5. Matériel. — Vous aviez voté une somme de 100 fr. pour le mobilier, il n’a été dépensé que 89 fr. 45 c. La bibliothèque pouvait disposer d’une somme de 500 fr. , elle n’a employé que 159 fr. 95 c. Nous engageons l’archiviste à employer la totalité de la somme qui lui est allouée par le budget de 1847 à des re- liures réclamées pour la conservation d’un grand nombre d’ou- vrages , et au collage des cartes , qui seraient bientôt perdues si on continuait à les consulter dans l’état où elles sont. Une somme de 100 fr. était destinée aux collections, il n’a été dépensé que 11 fr. 65 c. C’est un article qu’il faut néanmoins continuer à laisser figurer dans le budget. § 6. Publications. — 49 feuilles d’impression duIIU volume de la 2^^ série du Bulletin ont été distribuées aux membres , et il reste encore 108 fr. 30 c. sur les 5,000 fr. votés pour cet objet, et cela par les raisons que nous avons données plus haut. L’affranchissement du Bulleiin n’a coûté que 1,033 fr. 20 c., au lieu de 1,100 prévus. L’achat des Mémoires s’est élevé à 2,010 fr. , c’est-à-dire à 10 fr. au-dessus de la prévision. Une somme de d50 fr. avait été affectée à des indemnités et suppléments pour la publication des Mémoires : cette dépense s’est élevée à 313 fr. , dont 90 fr. pour coloriages de cartes demandés par les membres, qui les ont payés, et 73 fr. pour les frais d’un tirage supplémentaire. SÆâNCÈ du MARS 1847. 515 § 7. Placement de capitaux, — Il a été placé sur l’Etat Une somme de 2,027 fr. 85 c. , ce qui présente une diminution de 372 fr. 15 c. sur la somme de 2,400 fr. présumée. §8. Dépenses imprévues. — Enfin, les avances de fonds remboursables ont dépassé de 18 fr. 50 c. la somme de 100 fr. à laquelle elles avaient été évaluées. En résumé, la dépense présumée était de 47,350 fr. » c. la dépense effectuée a été de 16,232 80 Il y a donc eu sur la dépense une diminu- lion de. . . 1,117 fr. 20 c. Les économies portent principalement sur les dépenses de la bibliothèque, l’impression du Bulletin^ les impressions di- verses, les changes et retours de mandats, et sur les frais des collections. Balance et résultat définitif. La recette totale s’est élevée en 1846 à 20,633 fr. 20 c. La dépense a été de 16,232 80 Il restait en caisse au l^*' janvier 1847. . 4,400 fr. 40 c. L’état financier actif de la Société se composait donc, au lei' janvier 1847, de 1,491 fr. de rentes 5 p. 100 sur l’État, qui ont coûté à la Société une somme 35,029 fr. 95 c. Et une somme de 4,400 fr. 40 c. restant en caisse, repré- sentée par des espèces métalliques, des bons du Trésor et des bons de la caisse Gouin. Au 31 décembre 1845 le nombre des membres maintenus sur les listes officielles était de . 475 Les réceptions, du 1<^^’ janvier au 31 décembre 1846, se sont élevées à 52 Les démissions , décés et radiations. ... 26 Le nombre des membres maintenus sur les listes, au 31 décembre 1846, est donc de 501 Nous avons donc obtenu un accroissement réel de 26* membres pendant l’année qui vient de s’écouler. 516 SÉANCE DU MARS 1847. Ainsi, messieurs, l’état prospère de notre Société s’est nota- blement accru, ce qui doit être attribué à la bonne adminis- tration, au zèle et à l’activité de notre Trésorier, qui a su continuer l’excellente méthode de ses prédécesseurs , et enfin à l’augmentation de nos publications, qui sont arrivées au point de pouvoir tenir au courant des progrès de la science les géolo- gues de toutes les contrées de la terre. Nous avons donc l’honneur de vous proposer, messieurs , d’approuver les comptes de notre Trésorier , et de le déclarer cjuitte et déchargé de la responsabilité de sa gestion pour l’année 18/i6. Paris , 1®'' mars 1 847. V. F. Angelot, H. Michelin, Rozet, rapporteur. A la suite de cette lecture, quelques observations sont échangées entre différents membres sur les moyens cju’il y au- rait de rendre la publication du Bulletin de plus en plus utile. M. Boubée proposerait de joindre au compte-rendu ordi- naire des séances des analyses ou même une revue périodique des Mémoires et ouvrages géologiques les plus importants pu- bliés à l’Étranger. Quelques membres font observer qu’un pareil travail ne pour- rait évidemment pas être mis à la charge seule des secrétaires , qui , du reste , sont déjà chargés de publier à la fin de chaque année un bulletin bibliographique répondant en partie aux be- soins du moment. M. d’Omalius d’Halloy ajoute que ce bulletin bibliogra- phique , n’arrivant qu’une fois l’an , ne remplit peut-être pas complètement le but qu’il pourrait atteindre s’il était publié à intervalles plus rapprochés. Les sciences géologiques marchent rapidement, et tel ouvrage, tel Mémoire qui peut avoir aujour- d’hui l’importance de l’actualité, et sous ce rapport devrait être porté immédiatement à la connaissance du public, pourra perdre, avec le temps, une partie de l’intérêt qu’il avait d’a- bord, et devenir même suranné au bout de quelques mois, de quelques semaines peut-être, par suite de nouveaux travaux, de nouvelles découvertes. SÉANCE DU 1^» MARS 18/l7. 517 >1. Rozet proposerait de faire un appel officiel au bon vou- loir de chaque membre. M. Éiie de Beaumont rappelle, à ce propos, que tout membre est libre d’envoyer, de lire, de déposer sur le bureau des ana- lyses de travaux qu’il aura crus importants -, les Secrétaires ou la Commission du Bulletin décident ensuite sur le choix de ces analyses. Enfin, M. le Président répond à toutes ces observations qu’à côté de la question d’utilité doit être placée la question d’ar- gent ; évidemment une revue des travaux géologiques, publiée en dehors des travaux habituels de la Société , aurait une uti- lité très grande , surtout pour les membres éloignés des biblio- thèques publiques et des grands centres scientifiques -, mais jusqu’à quel point la Société serait-elle prête à subvenir aux frais d’une semblable publication? La question d’argent est donc ici trop grave, et elle ne peut être résolue en séance de la Société ^ en conséquence elle sera renvoyée à la décision du Conseil. Note sur le calcaire pisolitique ^ par M. Hébert. J’ai riioniieur de mettre sous les yeux de la Société quelques échantillons de fossiles appartenant au terrain désigné sous le nom de calcaire pisolitique , et en dernier lieu de terrain danien par 31. Desor. Ces échantillons sont dans un état de parfaite conser- vation ; les formes , les ornements mêmes des espèces dont ils pré- sentent les empreintes ou les moules, y sont reproduits sans lapins légère altération. Jusqu’ici les localités où l’on a pu observer ce terrain , Laversine , Bougival , Port-3Iarly, 3îeudon et Vigny , n'avaient donné que des débris mal conservés. Il y a quelques jours, en parcourant les limites du dépôt du calcaire grossier, entre Houdan et 3Ieulan , j’ai rencontré dans la vallée de la Maiddre, près d’un petit liameau , situé à 1 kilomètre de Mareil^ et nommé Falaise , une roche d’une vingtaine de pieds d’éléva- tion et d’une étendue à peu près égale en longueur, qui me parut appartenir au calcaire pisolitique. Cette roche , dont voici un échantillon , contenait, en effet , en abondance une petite Lime semblable à celle de Laversine , et ses caractères minéralogiques favorisaient ce rapprochement; mais il n’y avait guère d’autres fos- 518 SÉANCE DU 1er MARS 18/i7. siles reconnaissables que cette Lime. Je me suis assuré depuis qu’un échantillon de cette même localité avait été déposé en 1841 dans la galerie de géologie du Muséum par M. Raulin. Je ne tardai point à apercevoir de l’autre côté de la vallée, et au même niveau, un amas de rochers , les uns en place , les autres éboulés , que de près je reconnus immédiatement pour un calcaire identique à celui de Yigny. L’épaisseur de ces couches y est à peu près la même qu’à Vigny, 25 mètres au moins. La roche est plus com- pacte qu’à Vigny ; les fossiles y sont moins encroûtés et les em- preintes qu’ils ont laissées ont en général une netteté admirable. Bans les échantillons que j’ai rapportés on remarque : 1" Un fragment de ce fossile Turriculé , désigné fort impro- prement sous le nom de Cerithiani gigajiteiun. D’autres échan- tillons que j’ai placés ici sous vos yeux, et qui viennent de Laver- sine et de Vigny , rendront évident pour tout le monde que c’est une espèce tout à fait distincte et nouvelle ; c’est d’ailleurs l’opi- nion de M. Deshayes. 2“ Des empreintes de Cérites et de Nérinées , qui ont des res- semblances soit avec le jeune de la grande espèce de Cérites de iVIaëstricht , soit avec la Nerinca Marrotiana (d’Orb.) de la craie supérieure de Roy an. Dans tous le cas on peut affirmer que ces em- preintes n’appartiennent à aucune espèce connue du calcaire grossier. 3° TJn Oursin du genre Hemiaster , que M. Desor regarde comme étant très voisin de Y H. inflatus. Cette espèce établie sur un échantillon unique du Muséum, et dont l’origine est inconnue, ne nous fournit aucun renseignement nouveau. le Une Pleurotomaire , voisine du P. roycuia (d’Orb.), de la craie supérieure de Royan , et paraissant identique avec un échantillon de la collection de M. Deshayes , et qui vient de la craie supé- rieure de Valognes. J’ajouterai que les caractères minéralogiques de cette craie de Valognes, à en juger par cet échantillon, l’iden- tifient avec le calcaire de Vigny et de Falaise. 5® Plusieurs empreintes très, nettes et très complètes de Mollus- ques acéphalés, dont pas une n’appartient à une espèce tertiaire. 6“ Des Polypiers parmi lesquels il y en a un identique avec celui figuré par Goldfuss sous le nom (Y Astrea (iraclmoides (craie de Maëstricht). M. Michelin a bien voulu me donner la conviction de cette identité, et par son avis, et par l’examen comparatif que j’ai pu faire dans son cabinet d’un échantillon venant de Maëstricht avec le mien. SÉANCE DU 1er 18A7. 519 Je présente ces échantillons comme une preuve nouvelle de l’exactitude de l’opinion émise en 1834 par M. Elie de Beaumont sur l’identité du calcaire de Laversine et de Vigny avec la craie de Maëstriclit. Cette opinion , fortifiée par les observations de M. Graves sur les fossiles de Laversine, et par celles de M. Desor sur unCidaris de Vigny {Cidarites ForcJihammeri ^ Desor) , qu’il a retrouvé dans le calcaire de Faxoë , rapporté par lui et par M. Deshayes au même horizon géologique, me paraît aujourd’hui généralement admise. Le seul point qui serait peut-être encore contesté par quelques personnes serait la réunion du calcaire de Vigny et des couches observées à Port-Marly , Bougival et Meudon. Qu’il me soit permis d’ajouter un mot sur ce sujet. J’ai visité ces localités pour la première fois avec M. Elie de Beaumont, j’y suis retourné seul, et enfin j’ai eu le plaisir de conduire récemment MM. Graves et Desor à Vigny , à Port-Marly et à Bougival. A Port-Marly nous avons constaté l’identité des couches inférieures avec le dépôt de Vigny et de Laversine ; ces couches inférieures reposent immédiatement sur la craie blanche , mais la surface de contact est nette et tran- chée. La couche supérieure est brisée , démantelée, et ses débris sont de toutes parts enveloppés d’argile plastique. Une grande partie de ces débris sont des blocs alignés , formant presque une couche continue. Ces blocs ont un autre aspect que le reste du dépôt. Ils n’ont plus l’apparence crayeuse ; ils ressemblent davan- tage à du calcaire compacte. A Bougival , la partie inférieure manque , comme manquent aussi les couches supérieures de la craie. Celles-ci, aussi bien que le calcaire de Port-Marly, ont été bouleversées ; mais l’identité des débris a pu être facilement constatée , sans qu’un seul doute ait pu subsister dans l’esprit d’au- cun de nous. J’avais personnellement la conviction que ces blocs de calcaire compacte , à texture cristalline , qui entrent à Bou- gival dans la composition du ciment hydraulique , n’étaient que la représentation des couches supérieures de Vigny , dont je dé- pose un échantillon , lesquels sont là bien en place , et qui ont exactement la même texture ; mais ces messieurs n’ont pas tardé à y remarquer les mêmes fossiles que dans les couches inférieures, et entre autres les mêmes polypiers caractéristiques, et dès lors il ne fut plus question de distinction entre ces diverses couches. Il en est de même de IMeudon , dont le calcaire dit pisolitique n’a jamais été séparé par personne de celui de Bougival. D’après la disposition de ce calcaire dans la vallée de la Manldre, 5-20 SÉAÎNCE DU i^‘ MARS 18Zl7. à Vigny, et en divers points de la vallée de la Seine , il me semble prouvé aujourd’hui qu’il s’est déposé en couches horizontales, qui s’étendent à l’O. de Paris, sous les bois de Meudon, de Saint-Cloud, la forêt de ]>îarly , celle des Alhiets , et sous les plaines de calcaire grossier qui séparent Yigny de Meulan. il se pourrait aussi que Yigny fût une des limites N. de ce dépôt, et Falaise une des limites S.- O. Nous avons, en effet, MM. Graves, Desor et moi, constaté qu’à Yigny le calcaire pisolitique est adossé au N. contre la craie , et , bien que le sol ne soit point entamé de manière à faire voir nettement la superposition , je pense que je ne m’éearterai pas beaucoup de la vérité en donnant pour cette - localité la coupe suivante, dans laquelle les liauteurs sont beau- coup exagérées proportionnellement aux longueurs. A La comté de Vigny. B Calcaire grossier. C Argile plastique. DD Calcaire pisolitique, E Craie. Au S. , au contraire , nous pensons que ce dépôt, que nous avons retrouvé de l’autre côté de la vallée, pourrait bien rejoindre de ce côté la portion que la vallée de la Mauldre a mise à découvert. Dans eette vallée , quelque chose de tout à fait analogue se pré- sente. Du côté de Beyne, la craie paraît être plus élevée que le dépôt de calcaire pisolitique, tandis c|ue ce dernier passe évidem- ment de l’autre côté de la vallée, sur la rive droite de la Mauldre, sous le ealcaire grossier, pour aller, sans aucun doute pour moi, sous la forêt des Alhiets , sous la forêt de Marly et les bois de Meudon , rejoindre les dépôts observés dans cette partie de la vallée de la Seine. Toutefois, à cause des ondulations de la craie qui ne paraît pas avoir, même aux portes de Paris , été entière- ment sous les eaux lors de ce dépôt , et des ravages causés par l’éruption violente qui a accompagné la période tertiaire , la con- tinuité peut ne pas exister dans cette étendue. SÉAiNCE DU 1^' 31ARS 18/i7. 521 On a signalé le calcaire pisolitique en plusieurs autres points du bassin de Paris , à Montereau , aux environs d’Epernay et de Sezanne. N’ayant pu étudier ces localités par moi-même , je m’abstiendrai d’en parler (1). M. Desor a proposé de substituer le nom de terrain Danien à celui de calcaire pisolitique. Je trouve comme lui que rien n’est moins pisolitique que les 80 pieds d’épaisseur du calcaire de Vigny et de Falaise. Je pense aussi qu’il vaut mieux emprunter les noms des terrains à la géographie qu’aux caractères minéralo- giques. Toutefois , comme ce n’est point en Danemark que ce terrain paraît présenter le plus de développement , que ce n’est point là que les relations avec les couches entre lesquelles il est compris paraissent les plus claires , je ne puis m’empêcher d’es- pérer une dénomination plus satisfaisante et de regarder comme provisoires celles qui ont été proposées jusqu’à ce jour. M. Constant Prévost , à la suite de cette lecture, rappelle que des dépôts analogues à ceux de Bordeaux , de Vigny et de Meudon , paraissent exister sur une plus grande échelle à la ceinture E. des terrains tertiaires parisiens, de Reims à Monte- reau (Mont-Aimé, plateau de la Madelaine, etc.). Il demande si M. Hébert a constaté l’identité de ces dépôts avec ceux qu’il a décrits -, il fait observer, en thèse générale , qu’il y aurait des inconvénients à se hâter de donner un nom spécial à un terrain encore peu connu, et qui pourrait n’être qu’un membre des terrains supérieurs ou inférieurs. Au sujet du travail de M. Hébert et par suite de la discussion , qui n’a fait que soulever de nouvelles incertitudes relativement au terrain pisolitique des environs de Paris , M. Rozet s’élève fortement contre l’abus que l’on a fait dans ces derniers temps des caractères empruntés aux fossiles pour la détermination de l’âge des terrains. Les fossiles n’ont qu’une valeur tout-à-fait secondaire-, en général, il faut se méfier beaucoup des détermi- (1) Depuis que cette communication a été faite, j’ai vu chez M. Duval , pharmacien, barrière d’Italie, des échantillons recueillis par lui au Mont-Aimé près Sézanne. Ces échantillons appartiennent évidemment au calcaire pisolitique; ils renferment les mêmes fossiles qu’à Vigny et à Falaise; ils ont aussi la même structure concrétionnée. 522 SÉANCE DU 1er 18Zl7. rations paléontologiques -, il prend pour exemple le Cerithium gignntewn , fossile regardé comme caractéristique de certaines couches du calcaire grossier, et que cependant on cite dans le terrain pisolitique. M. Paillette fait la communication suivante : Messieurs , M. Pernollet, directeur des usines de Poullaouen , a inséré dans le tome IX de la série des Annales des mines ^ !*■« livraison de 18/i6 , un Mémoire ayant pour titre : Notes sur les mines du midi de r Espagne. Ce Mémoire, que l’auteur a continué plus tard (5® livraison de 18/^6 , et qui est le résultat d’une course très rapide faite en Espa- gne durant l’été de 18/45, réunit une grande quantité de faits assez intéressants. Il a été néanmoins jugé sévèrement par tous les ingé- nieurs espagnols ou étrangers qui depuis plusieurs années parcou- rent avec soin cette contrée si remarquable de la Péninsule ibé- rique. — Les faits géologiques , minéralogiques et statistiques n’y étant pas exprimés nettement , on aurait pu , et on voulait même publier un travail complet de rectification. Il aurait eu rinconvé- nient d’insérer dans les Annales des mines ^ à peu de mois de dis- tance , des idées en partie contradictoires. — J’ai donc cru de mon devoir de résumer les principaux griefs reprochés à M. Pernollet pour les présenter à la Société géologique de France . qui compte parmi ses membres plusieurs savants ingénieurs espagnols. ■ — La partie de l’Espagne que M. Pernollet a parcourue n’est point in- connue, comme il le dit. M. Hausmann d’abord, puisM. Le Play, ingénieur en chef des mines , en ont déjà parlé. Moi-même j’en ai dit quelques mots à la suite d’une excursion opérée dans un but tout spécial. Mais ceux qui s’en sont occupés le plus minutieusement sont MM. Ramon Pellico, Amalio Maestre, Ezquerra, Casiano de Prado , et autres ingénieurs, dont on trouve les Mémoires dans les Annales des mines espagnoles , dans des ouvrages particuliers et dans le Bulletin officiel de ce pays. Un autre jeune ingénieur de talent, don José Monasterio , a pris à tâche d’étudier la partie his- torique des fonderies de l’antiquité. * Ce que je dirai aujourd’hui sera , par conséquent , le résumé de ce que tant de personnes zélées m’ont communiqué, et de ce que j’ai vu moi-même dans trois voyages successifs, à Carthagène, en SÉANCE JDU 1^1’ mars 1847. 523 Sierra Almagrera , Sierra de Gador, Murcie , etc., voyages aux- quels j’ai consacré, à différentes époques, un temps considérable, trop court néanmoins , comparativement à celui qu’ont sacrifié à l’exploration de ces contrées les ingénieurs du pays. Les caractères principaux du littoral d’ Alméria , d’ Adra , que je n’avais fait qu’esquisser, ont été mieux décrits et complétés par AIM. Ramon Pellico et Amalio Maestre dans un Mémoire que j’ai traduit , et qui a été inséré dans les Annales des mines (tome 11 , série , année 18/i2). Depuis, les exploitations s’étant multipliées ou approfondies , il a été plus facile de vérifier certains faits qui paraissaient douteux vers l’année 1839. Il ne faut donc pas revenir sur ce qui a été relaté antérieurement. Contentons-nous de dire , avec M, Amalio Maestre , que le prolongement de la Sierra Alma- grera, au-delà de la petite plaine du Pilar de Jaravia , forme une autre chaîne de montagnes qui marche approximativement vers le N.-E., laissant au N. ce qu’on nomme dans le pays la plaine de Lorca, limitée elle-même, vers le N. , parles Cordilières de Murvie- dro et de Garascoy. Elle finit par Fontana, aux montagnes delVlurcie et de Cartliagène.' — Dans la direction du S. se trouve El Campo de Aguilas, limitée par la Méditerranée, et, vers l’E., le Lomo de Bas, étrier ou contrefort qui , se détacliant de la masse principale , at- teint les bords de la mer. ■ — Un autre chaînon se sépare , 7 lieues plus loin , du même groupe , et se termine non loin de Cartliagène, dessinant dans l’entre-deux de ces montagnes le Campo de Mazar- ron. — ■ Plus loin encore , la côte est bordée vers l’E. par une nou- velle série de hauteurs, qui ne s’arrête qu’au cap de Palos. La direction de ce système n’est pas bien marquée , par suite de dis- locations postérieures à son premier soulèvement , dislocations qui probablement , et dans des temps assez modernes , ont occasionné en même temps la formation d’une mer intérieure, connue sous le nom de Mar inenor^ et qui n’est séparée de la Méditerranée que par une langue de sable, n’atteignant pas souvent 200 varas (168 mètres) de largeur. — Le lac salé de Mar-menor a pourtant 5 lieues de longueur sur 3 de largeur. — Toutes ces montagnes ont en général une composition analogue à celle cjue M. Pernollet a indiquée dans son Mémoire. Nous ferons observer toutefois que parmi les schistes argilo-talqueux ou argilo- micacés , les couches qui fournissent la Launa, et que M. Pernollet signale ( page 36, SÉANCE DU 1^' MARS 18/|7. bn '’r® partie) comme des décompositions superficielles , pénètrent si profondément dans la terre , qu’on ne saurait admettre la manière de voir de cet ingénieur. — Le calcaire bleu sombre ou noirâtre , c[ui occupe dans cette région de l’Europe une place si importante , et que M. Pernollet (page 87, f/® partie) désigne sous le nom de calcaire métallifère , n’est pas non plus aussi dépourvu de fossiles qu’il le dit. J’ai vu à plusieurs reprises des rudiments d’Orthocères dans les carrières des environs de Cartliagène. Mais un fait qui n’a échappé à personne , ce sont les placjues de la porte apparte- nant à la maison où demeurait le général Requena , Galle de San Cristoval. On y reconnaît la présence des Ortliocères {giganteas ou lateralis , selon M. Maestre) , dont l’ime devait atteindre plus de 80 centimètres de longueur. — Cette particularité, rapprochée de ce c{ui paraît exister dans le Missouri et l’Illinois, d’où M. Ed. de Verneuil a rapporté de si belles ortliocères à siphon latéral , m’en- gage à faire du calcaire à métaux de la côte orientale de l’Espagne un équivalent géologique. — Je crois qu’il est et sera longtemps dilFicile de se prononcer sur la véritable nature et l’âge de la roche verte signalée (page ù8, E® partie) par M. Pernollet. Elle paraît être souvent une véritable amphiliolite serpentineuse ou une vraie serpentine, comme au Barranco de San Juan , près Grenade. Ail- leurs , elle se charge de feldspath ( Sierra Alhamilla) , tandis que dans d’autres localités elle affecte une texture schistoïde et un faciès prescjue impossible à caractériser. Peut-être est-ce elle encore qui, sous forme de diorite, se montre aux environs de Malaga, où cjuelques gîtes de plomb peu étendus ont été exploités ancienne- ment dans une position presque identicjue à celle des gîtes de Sierra de Gador. Cette roche a du jouer un rôle au moins aussi important que les porphyres dont parle M. Pernollet, ceux signa- lés il y a déjà longtemps par MM. Pellico et Maestre, et d’autres (|u’a indiqués ce dernier ingénieur dans les environs de Sierra de Gador, près des fonderies La Maria et de l’Algive del Yicar. Elle se retrouve encore , avec des caractères serpentineux , en Sierra Alhamilla, et très chargée d’asbeste, dans le ravin de Castala, sur le chemin de Berja aux mines de Sierra de Gador. Des gîtes plomb eux. AI. Pernollet, avec tous les ingénieurs qui depuis 18à0 et I8/4I ont revu les mines de la partie de l’Espagne dont il est ici question, annonce deux séries de gîtes perpendiculaires les uns aux autres , et 525 SÉANCE »U 1^»' MARS 18A7. considère presque tous les gisements voisins du calcaire comme des espèces de fdons - couches , ou des couches dont les parties riches occupent des espaces irréguliers. Moi aussi j’avais cru pouvoir revenir sur mes premières idées, qui étaient celles de M. Le Play. Mais, en vérité, si je rapproche tous les faits, je crois cpi’il y a beaucoup à dire pour et contre cette opinion partagée par plusieurs ingénieurs espagnols très distingués. N’a- t-on pas vu dans le même calcaire , vers Benhaduz , des gîtes plombeux, sortant de la manière d’être des belles nappes plom- beuses que . M. Maestre a déterminées , non seulement dans un Mémoire que j’ai sous les yeux ^ mais encore sur une carte de Sierra de Gador , tracée par lui avec un soin particulier et qu’il a bien voulu me communiquer ? — N’a-t-on pas vu des gîtes près ou dans le calcaire affecter une forme filonienne? — • Il me semble cj[ue , avant de se prononcer sur un fait aussi important et duquel peut dépendre la nature des recherches futures de Sierra de Gador , il sera bon d’attendre des études plus complètes , déjà en- tamées par les ingénieurs espagnols , et des rapprochements avec d’autres gîtes analogues qui ne tarderont pas à paraître. Si la dis- position des métaux en couches par amas , en veines ou faux filons de Sierra de Gador, paraît difficile à expliquer, que dira-t-on de ces gîtes plombeux du Missouri et de l’Illinois, dont l’existence au milieu de couches peu inclinées offre tant de ressemblance avec un dépôt de minerai de plomb , qui se serait fait dans des grottes ou cavernes ? — - Rappelons , en passant , les masses de plomb car- bonaté trouvées en Sierra de Gador ( San Adriano , Santa Rita, etc.). N’oublions pas non plus les rognons de galène décou- verts et exploités par les hardis mineurs des Alpuxaras dans un terrain d’alluvion , ou peut - être même tertiaire , au milieu du grand Barranco ou ravin du revers oriental de Sierra de Gador ; et surtout ne laissons pas se perdre l’observation générale de tous les géologues qui , depuis Hausmann , ont visité le littoral d’Almé- rie et de Carthagène ; je veux parler de la difficulté à reconnaître la stratification du calcaire bleu-noirâtre et des brèches, difficultés confessées par M. Pernollet. — Quant aux gîtes minéraux , consi- dérés comme de véritables filons par quelques personnes , problé- matiques pour d’autres, je ne saurais les attribuer au phénomène qui a produit les gisements dits en couches, ni assimiler ceux d’Almazarron entre eux ou avec ce que j’ai observé dans la Sierra Almagrera. Je ne suis pas non plus en cela d’accord avec M. Per- nollet, qui (page 85 de la 2® partie) voudrait ne pas séparer les gîtes d’Almazarron des couches plombeuses. — Je ne doute même SÉANCE DU Ier 18^7. 5!â6 Das que si M. Periiollet avait eu sous les yeux üii autre plan d’Al- magrera que celui qui a été si mal imprimé sur un mauvais fou- lard, et que s’il eût examiné avec attention ceux que je présente à la Société, publiés à l’époque du voyage de cet ingénieur, une personne aussi distinguée que lui n’eût tiré des conclusions d’une nature toute différente. — -Nous voyons, en effet, sur le plan- foulard , le filon du Jaroso , composé de deux veines parcdlèles , ne pas dépasser la concession de la Esperanza , tandis qu’en 18û2 et en 18Û3 , les ingénieurs signalaient des ramifications ou bifurca- tions dans la Pertenencia de las Animas. A la même époque , la partie métallifère de la Virgen del Mar était découverte et on ex- trayait aussi des métaux à la Régla et dans d’autres veines ou filons. En résumé, dès l’été de 18A5 on connaissait à l’E. du Barra.nco del Jaroso la veine de N. S. de las Angustias dans celui de la Raja , veine dont la direction est du N. -O au S.-E. La veine de San- Jinès , San- Antonio , Maravillas et Misericordia , découverte avec une direction parallèle au Jaroso sur une butte entre le ravin de la Raja et la Rambla, qui débouche à la Boca Mairena, et la veine de la Impensada ddius la Cala del Cristal. A l’O. on avait tracé les veines de San-Francisco , de las Ninas , de Santa-Luisa , de la Virgen de Piedad ^ i\.Q San- Antonio de Padua, àe la Régla et Pertenencias, voisines Ae Nova-Santa-del-Carmen ^ et Siierte del Hom- hre, Suerte Vista-Eloisa, etc., etc., toutes indiquées en direction et inclinaison sur les plans que je présente à la Société. — Un filon qui a dû , en d’autres temps, mériter l’attention des mineurs est celui de Sotarraes ou Cuatro IVIudos , que les Romains ont atta- qué et exploité à l’aide d’une galerie d’écoulement et de roulage , parfaitement droite et longue de 600 pas. Cette galerie débouchait dans Je Barranco del Frances, et permettait de conduire les mine- rais vers les rives du Rio Aîmanzorra , près duquel on a reconnu d’énormes tas de scories , et près duquel aussi était bâti l’antique Urci (1). — Malgré cette multitude de veines minérales ou filons , on ne saurait dire que la Sierra Almagrera continue à fournir de l.)rillants résultats. L’eau se présente déjà dans l’une des mines ri- ches, et ailleurs le fer carbonaté spatbique (argentifère il est vrai. ( l ) J’ai vu , à l’inspection des mines de Lorca et chez divers particu- liers, non seulement des outils, des monnaies, des saumons de plomb avec les initiales connues du peuple romain, mais encore les restes d’un chariot, une main en marbre blanc d’une délicieuse forme, des fragments dê statues , et des frises ^ tous aussi en marbre de belle qua- lité. SÉANCE DU lei’ mars 18/i7. 527 mais à une faible teneur ) , a remplacé les anciens minerais del Jaroso. — Ainsi aujourd’hui on ne trouverait plus exactement la classe cie minéraux que M. Pernollet n’indique pas plus qu’il ne les a vus , les phosphates , les arséniates et les antimoniates de plomb ( p. 75 de son mémoire ) , qui étaient cependant très abondants à l’origine de la découverte. En iSki , 18^2 et 18^3 , il n’était pas rare non plus de trouver des plaques de chlorure d’argent , et en janvier 1843 j’ai vu et recueilli à la Ohservncion de belles lames de cuivre natif engagé dans un hydrosilicate d’alumine. — - M. Pernollet ( p. 82 ) dit que le filon de San-Gabriel , de son deuxième groupe, peut donner une idée des décompositions qui se seraient opérées dans le filon principal. Peut-être, en effet , sera- t-il plus aisé dans l’avenir de comprendre les réactions qui ont eu lieu dans le filon de Jaroso Mais il ne faudra pas oublier que ce filon était, durant l’époque tertiaire supérieure méditer- ranéenne , probablement caché sous les eaux , ainsi que le prou- vent queic[ues lambeaux modernes éparpillés dans la Sierra , et il faudra tenir compte par conséquent de l’influence de l’eau Salée et de l’air sur des galènes antimoniales , sur des carbonates de fer , etc. — Je ne parlerai pas des fiions insignifiants ou veines de la Sierra Alhamilla et d’autres lieux , tous gisant dans les schistes argilo-'inicacés ou argilo-talqueux. Leur peu de valeur les a déjà fait abandonner en partie. — J’ai été bien aise de voir M. Per- noliet terminer la deuxième partie de son mémoire en approuvant cpielques unes des méthodes employées en Sierra de Gador, car je craignais , en lisant la description pittoresque des mines du Puits et du Tornero ( p. 88 et 89, 2® partie), cpi’il n’cùt pas apprécié le cachet particulier du travail des Alpujarenos , travail qui leur per- met d’exploiter avec bénéfice et de très minces capitaux des mines qui en France ne seraient pas abordables. Ailleurs, à l^inarès par exemple ou à Rio Tinto, Al. Pernollet aurait pu voir de grandes exploitations minérales cpii ne le cèdent en rien aux autres mines européennes , et alors il n’eût pas dit qu’une cabane de roseaux signalait au loin une mine espagnole. — Alais aussi les gîtes de Linarès sont tout autres que ceux dont on vient de parler. Dans ces exploitations , comme dans presque toutes les autres, il eût vu que les ouvriers espagnols du midi de la Péninsule sont d’excellents et de hardis mineurs, et qu’on n’a pas besoin, comme il le dit (p. 97, 2*^ partie ) , de s’assurer de leur fidélité, en ne les payant que tous les trois mois, et que s’ils ne sont pas coureurs, ce n’est pas non plus parce que la plupart auraient de bonnes raisons pour ne pas appeler l’atteittion sur eux ( 2® partie ). — En les étudiant avec 528 SÉANCE DU 1^*’ MARS 18/17. soin et en vivant avec eux , on est étonné que dans ces vastes soli- tudes , les vols et les crimes soient si peu nombreux. — Je ne parle pas de leur sobriété assez proverbiale , ce que les prix fixés par M. Pernollet , pour la nourriture de chacun d’eux , démontrent clairement. C’est donc à tort que cet ingénieur a critiqué ( p. 105 ) le hocadillo et Xdigidtara^ expressions fort originales pour quiconque connaît bien le caractère à la fois satirique et spirituel des An- daloux. — Les mines de cette partie du littoral de l’Espagne ont été exploitées dès la plus haute antiquité. Il est même probable que l’origine des travaux est antérieure à la domination romaine. — Ce qu’on lit dans le Registro de minas de la Corona de Cas- tilla prouve évidemment que même celles de la Sierra de Gador ont eu , contrairement à l’opinion de M. Pernollet (p. 101 ) , une assez grande importance. — On y a reconnu , outre des traces d’exploitation par le feu, deux ou trois pièces de monnaie et quel- ques restes de vases qu’on attribue aux Phéniciens. — Si l’on ne trouve pas , et si l’on n’a jamais trouvé dans cette localité des tas de scories un peu importants, il faut croire que les minerais étaient transportés soit à Urci , soit aux environs de Mazarron et de Carthagène, dont les minerais étaient d’un traitement diflicile pour l’époque. Aujourd’hui , malgré l’avancement de la science , tous ceux de Sierra Almagrera et beaucoup de ceux du district de Carthagène ne sont pas aisés à fondre sans une préparation méca- nique bien entendue. J’ai vu, en 1842 et 1843, d’excellents fon- deurs allemands ne produire que des résultats très médiocres avec les beaux minerais qu’on extrayait alors du Jaroso. — Pour qui- conque a vu les immenses tas de scories des environs du Rio Ahnanzoraprès le lieu dit las Herrerias, et surtout cette espèce de formation escoriale , si je puis m’exprimer ainsi , qui forme dans l’actualité l’une des plus grandes richesses des environs de Cartha- gène , il ne restera aucun doute sur le mouvement commercial métallurgique des anciennes villes de Urci et de Carthago-INova. Cette dernière était bien certainement V emporium de l’art des mines espagnoles, et ses rivages représentaient pour l’empire ce que les Amériques ont été pour l’Europe dans les temps modernes. — J’attendrai le grand travail que se propose de publier don José Monasterio sur les formes des fourneaux anciens, pour y joindre des observations et des notes qui me sont personnelles et entre- tenir la Société sur l’art des mines à une époque excessivement re- culée. Aujom'd’hui je me contenterai de faire remarquer , avec don Amalio Maestre , combien il y a de probabilités pour que dans les temps anciens la plaine de Carthagène ej; celle du Rio 529 SÉANCE DU MARS 18/^7. Almanzora aient été des centres d’ii ne iniinense industrie métallur- gique.— J’ai déjà parlé des tas de scories qui bordent cette rivière. Je dirai maintenant qu’il est fort remarquable de trouver dans les scories de Carthagène (1) et dans celles de Mar-menor de 18 à 2Ü p. 100 de plomb avec une quantité d’argent insignifiante, quand les minerais argentifères de ces localités ne donnent pas souvent en produit brut une quantité aussi grande de plomb et fournissent plus d’argent. — Disons donc , à moins d’admettre que les anciens fon- daient mieux que nous, qu’ils mélangeaient les galènes blendeuses du Cabezo de la Raja ( p. à6 ), où toute la partie métallique a été enlevée ( comme on le voit dans diverses mines romaines ) , les .galènes que M. Pernollet signale ( p. ùà , 1^" partie de son Mé- moire) à la teneur de 130 à ùOO grammes d’argent pour 100 ki- logrammes de plomb , et celles qu il indique (p. 59 ) à la teneur de 120 à 200 grammes , qu’ils mélangeaient ces minéraux avec d’autres plus fusibles et de la nature de ceux de Gador, et leurs fourneaux prouvent qu’il ne pouvait en être autrement. — Ainsi se réaliseraient complètement les suppositions judicieuses de M. Pernollet , développées avec soin (p. 67 de la 2® partie de son travail). — Quant aux travaux des mines de l’antiquité , M. Burat, qui en parle dans sa Géologie appliquée, et M. Pernollet qui revient sur ce sujet, n’en ont pas visité assez pour que leurs critiques sur les exploitations anciennes puissent servir de base. Les excavations queM. Burat a décrites sont celles du Campigliese Toscan , et vrai- ment je ne sais pas si un peuple c^ui n’avait que de grossiers instru- ments de travail pouvait mieux opérer. D’ailleurs les Romains étaient dans leur pays ou presque dans leur pays, et nous savons par les Commentaires de César et par les travaux de Pline , qu’ils étaient de mauvais mineurs en comparaison des Aquitains , des Gaulois et des ibériens. — Aussi les anciennes mines du midi de la France (Cenomes, Hérault), col de Bernadell (Catalogne), etc.), où les médailles romaines sont assez abondantes , présentent-elles des méthodes meilleures et plus scientifiques. — En Asturie les mines antiques prouvent de grandes connaissances , et la galerie du Barranco del Fiances , en Almagrera , ne prouve pas non plus une entente moins bien comprise de l’art des mines. Je parlerai plus tard et en détail, non seulement de tous ces travaux, mais encore (1 ) Le lac salé , dit Mar-menor , a son fond composé , jusqu’à plus de 200 varas de ses rives, de scories pareilles à celles de Carthagène. - — Depuis cet été (1 846) on va à la pêche des scories pour les fondre ensuite sur terre ferme. Soc. géol., 2® série, tome IV. 34 ÔSO SÉANCE DU MAES 18/l7. de ceux d’Estramadure et de la période arabe en Sierra Morena. — Dans la première partie de son Blémoire (p. 73), M. Pernollet cri- tique les concessions des mines de 100 sur 200 varas obtenues pour un douro , en formant un puits en un endroit quelconque. Puis, à la page 139 de la 2® partie, il dit que ces concessions demandées sont oj3teiiues sans le moindre contrôle, et, p. 1/iO, il rend coupa- ble l’administration espagnole d’une dépense de 2,000,000 qu’il suppose faite inutilement. Il blâme, p. l/^^ , le mode derecbercbes, et pourtant en Sierra Almagrera, comme ailleurs, il y a au fond des puits des galeries de recoupement provoquées par les ingénieurs espagnols ! Je répondrai à tout cela que les réflexions de M. Per- noîlet ne sont pas exactes; s'il avait lu attentivement la loi orga- nique des mines ( U juillet 1825 ), il aurait vu non seidement que l’administration espagnole ne provoque pas de folles dépenses , mais que dans l’instruction qui en est la suite, et les décrets royanx qui en dérivent , l’administration a coînbattu constamment les demandes illicites. — Confessons seulement une chose, c’est qu’ après le phénomène du plateau de las llerrerias , où , sons un terrain ter- tiaire supérieur horizontalement stratifié^ on découvrit des gîtes plombeux , les ingénieurs espagnols se sont vu quelquefois la main forcée ; ( t cet exemple n’est pas le seul où la science géologic|ue ait fait défaut I — A la page 133 de la 2'‘ partie de son lUémoire, ÙI. Pernollet demande cpielle a pu être l’origine de ces rectangles de 100 sur 200 varas. Je loi répondrai que cette idée première a été puisée en Allemagne , puis importée en Amérique , où , lors de la distribution de riches filons verticaux , on a fait les parts aussi petites que possible pour appeler dans le pays la plus grande masse possible d’exploitants européens. Aussi rAinéricjue méridio- nale espagnole s’est-elle rapidement peuplée. — Croit- on que ce morcellement ait été nuisible aux Espagnols pour avoir été main- tenu ? Qu’on réfléchisse au nombre de bras inoccupés lors de la cessation de la guerre civile et lors du licenciement de 1843 ; puis on se demandera ce qu’il fut advenu si , en 18ùl, ISùS et 1843 , voire même une partie de 1844, plus de cinquante mille hommes vigoureux et remplis d’énergie n’eussent trouvé du pain dans les entrailles de la terre. — Partant du principe de M. Pernollet, on devrait abandonner toutes les mines d’Allemagne ejui ne four- ni.ssent annuellement que des pertes au gouvernement. Heureuse- ment il n’en est pas ainsi. D’ailleurs ces rectangles de 100 sur 200 se sont singulièrement modifiés en grandeur, toutes les fois que cela a été nécessaire ; et quoique M. Pernollet dise ( p. 137 , 2*^ Mémoire j en parlant de l’inscription du phare de Malaga, qu’elle SÉANCE DU '!/"'■ MARS iSll7 , 581 ne serait pas en bon castillan si elle n’était enipliatiqiie , croyez bien, messieurs, que le législateur espagnol sait mettre souvent à profit cette même richesse d’une des belles langues de l’Europe dans un intérêt d’utilité publique ou d’encouragement national. — Voyez ce qu’a produit à l’exportation la Sierra de Gador sous l’empire de pareilles lois depuis 1796 jusqu’à la fin de 18àà ; 13,561 ,139 c|uintaux de plomb , et 365,817 quintaux d’alc{uifoux , représentant une valeur de 82à, 91 3,364 réaux , soit en nombres ronds 200,000,000 de francs. — C’est encore sous l’empire de ces lois que l’inspection de Lorca constate depuis 1842 jusqu’à présent une production moyenne annuelle déplus 123,308 marcs d’argent et de 40,561 cjuintaux de plomb. Je m’arrête, parce que ceci sort déjà du sujet c|ui nous occupe , et pourtant, s’il en était besoin, je mettrais sous les yeux de la Société les Mémoires de MM. bzquerra , Pellico et Maestre , ou même les bulletins officiels qui prouveraient cjue loin d’exagérer les résultats, je les ai plutôt amoindris. M. Rozet fait ol)serYer que des scories de hauts fourneaux, d’age très ancien , antérieurs du moins aux souvenirs histo- riques , n’existent pas seulement en Espagne , mais qu’on re- marque en plusieurs points de la France, et en particulier dans le département de la Dordogne , aux environs de Piégu, prés Nontron , de grandes accumulations de laitiers, de scories, affectant même quelquefois une véritable forme de couches. M. d’Omalius d’Halloy lit la note suivante ; Bè flexions en faveur de V hypothèse de la chaleur centrale du globe terrestre ^ par M. J. J. d’Omalius d’Halloy. Ouoicpie je pense, ainsi que j’ai déjà eu roccasion de le taire connaître plusieurs fois , que les hypothèses sont à la géologie ce que les romans sont à la liuératiii'e , je demande à la Société la permission de fentretenir quelques instants d’une cjuestion de cette nature. Depuis longtemps il ne paraît plus de nouvelles hypothèses géologiques , car nos devanciers en ont tant fait que l’on ne peut plus rien imaginer de nouveau; mais la science, c’est-à-dire les observations, faisant tous les jours des progrès, les considérations sur lesquelles les auteurs appuient leurs idées ne se trouvent bientôt plus en rapport avec les faits connus, et ces idées tombent dans 532 SÉANCE DU 1^1’ MARS 18/l7. l’oubli , pour reparaître plus tard d’uue manière plus en rapport avec l’état des observations et avec le goût du moment; car on ne peut disconvenir que la mode n’exerce son empire sur les sciences comme sur bien d’autres choses. Nous ne sommes pas encore loin d’une époque où les hypo- thèses basées sur la chaleur centrale du globe terrestre jouissaient d’une faveur presque exclusive; mais aujourd’hui on remarque une certaine tendance vers celles qui s’appuient sur le changement de l’axe terrestre , ou vers l’école qui dit ne faire usage que des causes actuelles. Je pense, en conséquence, qu’il n’est pas hors de propos de rappeler quelques considérations en faveur d’une ma- nière de voir qui me semble préférable aux autres. Je ne m’occuperai pas ici de la doctrine du changement d’axe, parce que ses partisans , ayant la bonne foi de con venir qu’ils ne se Ibndent que sur une hypothèse , laissent en quelque manière à chacun son jugement libre , et parce que , en parlant de la chaleur centrale, je ferai sidïisamment connaître c£ue cette hypothèse me paraît la plus simple ; mais je crois devoir faire un nouvel acte d’opposition contre l’espèce de tyrannie que le nom d’cco/c des causes actuelles exerce sur l’esprit des personnes qui n’ont pas étu- dié ces matières à fond. En effet , une doctrine qui expliquerait toute l’histoire de notre globe par l’action des phénomènes qui se passent actuellement doit mériter la préférence sur celles c£ui recourent à des hypothèses qui font intervenir des phénomènes plus énergiques. Personne ne peut élever de doutes à ce sujet , de sorte que la question est de savoir si la doctrine dite des causes actuelles ne forme point d’hypothèses, et si elle explique tous les faits constatés par l’obser- vation. Je demanderai, en conséquence , si ce n’est point faire des hypothèses que de dire qu’il se forme , sous les eaux limpides de nos mers actuelles , des dépôts aussi puissants que ceux que nous présente la série des anciens terrains neptuniens ; que les corps organisés qui sont enveloppés dans ces dépôts s’y transforment en fossiles sem]3lables à ceux que nous trouvons dans les terrains an- ciens ; que Faction érosive des mers sur les côtes s’exerce depuis des milliers de siècles , et a transformé d’immenses continents en vastes mers; que la chaleur que l’on observe en s’enfonçant dans l’écorce du globe , ainsi que les phénomènes des volcans et des tremblements de terre, sont dus à des actions chimiques qui se passent dans l’intérieur de cette écorce? Je demanderai , en second lieu , si c’est , par exemple , une expli- cation satisfaisante que celle qui admet que des soulèvements et SÉANCE DU 31 A RS 18/l7. 5r»3 des affaissements lents, à peu près insensibles, comme ceux que l’on observe en Scandinavie , peuvent produire les plissements et les déchirements de couches que l’on remarque dans nos montagnes. Je dirai de plus que des hypothèses et des explications qui ne re- montent qu’à un ordre de cliose semblable à celui qui règne ac- tuellement ne satisfont pas notre esprit , qui désire toujours remonter aussi loin que possible. Je sais qu’il est un terme où l’investigation du naturaliste doit s’arrêter , et ce terme , c’est celui où cessent les inductions tirées de l’observation. Mais est-ce re- monter à ce terme que de dire que la terre a toujours été comme elle est? Je le crois d’autant moins, que je pense que si la terre avait toujours été comme elle est , elle ne serait pas comme elle est , c’est-à-dire que si certaines forces qui agissent sur elle n’avaient pas été dans le cas d’agir avec plus d’énergie, plusieurs circonstances que présente la terre n’auraient pu se produire. Les astronomes peuvent s’être trompés lorsqu’ils ont supposé que la terre avait été à l’état gazeux , comme les nébuleuses et cer- tains autres astres qui se meuvent dans l’espace ; mais ils ne sont certainement pas sortis de rinduction permise au naturaliste. Il en est de même des géologues , lorsqu’ils ont dit que cette masse ga- zeuse s’était en partie transformée en une masse liquide qui tend à son tour à devenir solide. De sernblalîles hypothèses n’ont rien de contraire à ce que nous connaissons des lois de la nature ; mais la question , pour nous, est de savoir si , en partant de cette hypo- thèse, nous expliquons mieux l’état actuel de notre globe qu’en supposant qu’il a toujours été à peu près tel cpi’il est? On sait que quand les gaz passent à l’état liquide, il se produit une chaleur considérable , de sorte que dès ([ue l’on admet que la terre a été à l’état gazeux , quelque froide qu’ait pu être alors sa température, on répond à l’ol^jection principale dirigée contre l’hypothèse de la chaleur centrale , c’est-à-dire à la question : D’où vient cette chaleur? D’un autre côté, on sait que quand un corp^ liquide passe à l’état solide , il se produit des phénomènes plus énergiques que quand ce corps demeure dans le même état. 11 est inutile que je répète ici comment l’application de ce principe ex- plique d’une manière satisfaisante tous les faits que nous présente l’étude du globe , ces choses se trouvant dans tous les ouvrages élémentaires qui admettent la chaleur centrale. Tout ce que je tenais à faire voir, c’est que cette école peut aussi bien se dire fondée sur les lois de la nature actuelle que celle qui s’intitule des causes actuelles. l’ajouterai cependant une comparaison c{ui est dans la manière SÉANCE Ï)U MARS 18^7. «l’argumenter de cette dernière école. Supposons que, dans un pays où Fart de fondre le bronze était inconnu , il soit venu s’établir des fondeurs qui , travaillant mystérieusement dans un lieu éloigné d’autres habitations , auraient été victimes d’une de ces ex}>losions qui arrivent quelquefois quand on coule de grandes pièces. Lorsque les habitants du pays auront découvert le théâtre du désastre, il se sera établi entre eux une discussion sur les causes de celui-ci. Les uns auront jugé, d’après le bouleversement de l’usine et d’après l’état des cadavres , que les fondeurs avaient été tués par une ex- plosion, tandis que les autres auront dit qu’il était bien plus na- turel d’admettre que les fondeurs avaient été asphyxiés ou empoi- sonnés par des miasmes délétères , plutôt que de recourir à une cause inconnue dont on n’avait aucun exemple dans les ateliers des maréchaux , des chaudronniers et des autres personnes qui travaillent les métaux dans le pays. Or, cette discussion aurait tout à fait représenté celle c]ui a lieu maintenant entre les parti- sans de la ciialeur centrale et les géologues qui disent n’invoc|uer que les causes actuelles. Comme j’ai cité tout à l’heure l’hypothèse cle la submersion de vastes continents, je me permettrai encore de dire quelques mots à ce sujet, non pas c|ue je veuille contester la possibilité de sem- blables phénomènes, qui d’ailleurs s’associent aussi bien avec le système cjue je soutiens qu’avec celui que je combats. Mais il me semble c[u’il n’est pas hors de propos de faire voir c|ue cette hypo- thèse n’est pas aussi évidente c|ue plusieurs géologues le pensent. En efî’et , si nous examinons le sol de nos continents , nous remar- querons cj[ue des parties plus ou moins considérables ne sont pas recouvertes par des dépôts marins postérieurs à la période pri- maire , et que, dans les portions où il existe des dépôts marins se- condaires ou tertiaires, ils sont souvent remplis de débris de corps organisés qui semblent avoir vécu sur la place même où ils se trouvent. Or, comme il paraît cpie les êtres organisés ne peuvent pas vivre à de très grandes profondeurs , et qu’il est probable qu’une partie au moins des sols cpii ne présentent pas de couver- tures marines secondaires ou tertiaires étaient déjà émergés lors de la formation de ces dépôts , on est porté à en conclure que ces terres avaient , dès les temps les plus anciens, des altitudes cj[ui les plaçaient les unes au-dessus , les autres peu au-dessous du niveau de la mer. D’un autre côté , si nous examinons les parties de la surface terrestre occupée par de vastes mers , nous y voyons des profondeurs excessives et rien qui annonce les restes d’anciens con- tinents. On a cru , à la vérité , trouver ce dernier caractère dans SÉANCE DU SIAIIS 18^7. 535 les lies de la Polynésie ; mais la nattire presque exclusivement vol- canique et madréporique de ces îles , ainsi que les grandes profon- deurs de la mer dans leur voisinage, ne semblent pas très favorables à cette manière de voir. An surplus, en élevant des doutes sur le déplacement des continents, je suis loin de contester que des suc- cessions de soulèvements et d’affaissements aient produit dans les parties de la surface terrestre où se trouvent nos continents et nos grands archipels des successions d’émersions et de suljmersions cjui aient fortement modifié les formes des terres émergées. Tout ce c]ue je veux dire , c’est cj[ue je suis porté à croire que les portions du .globe où se trouvent nos terres actuelles ont été, dès les temps les plus reculés , celles dont l’altitude a été la plus considérable, et que la succession des phénomènes géologiques a eu pour résultat général de tendre à augmenter, dans ces mêmes portions de la surface du globe, l’étendue des terres émergées. 11 est à remarquer que cette manière de voir se trouve tout à fait en rapport avec la belle découverte de M. Elie de Beaumont, que les montagnes les plus élevées sont les plus récentes; car on sait c|ue, à l’époque où il y avait moins d’inégalités à la surface du globe, c’est-à-dire quand les masses qui s’élevaient au-dessus du niveau de la mer contenaient une moins grande quantité de matières solides , la surface couverte par les eaux devait être beaucoup plus étendue qu’à présent, ce qui nous explicjue pourcjuoi les débris d’animaux terrestres et d’eau douce sont si rares dans les terrains primaires. Cette manière de voir est également en rapport avec l’opinion qui attribue l’origine de nos terres élevées au jeu des parties dislocjuées de l’écorce qui recouvre le noyau liquide du gloire ; car on con- çoit que les parties qui auront été les plus disloquées et les plus soulevées dans les premiers temps auront continué à être celles qui offrent le moins de résistance à l’action des phénomènes c|ui ten- dent à dégager vers la surface certaines parties du fluide intérieur. M. Delanoue met sous les yeux de la Société un petit flacon de protoxyclîlorure d’antimoine , qui a pris spontanément la forme oolitique dans un coin de son laboratoire, où il l’avait oublié. Il se trouvait, ainsi que beaucoup d’autres précipités de diverse nature, immergé dans l’eau de lavage et soumis aux légères oscillations produites par le roulement des voitures -, il est le seul qui ait pris la texture grenue. 536 SÉAINCE DE 15 MARS 18Zl7. Séance dit 15 mars 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Delahaye, pharmacien, à Paris, rue de Lancry, 35, présenté pai’ MM. Thirria et Sauvage. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS a LA SOCIÉTÉ. La Société re(;oit ; De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des Snoants; février 18/i7.’ De la part de M. A. Daubrée, l\ec/terches sur la forma- tion journalière du minerai de fer des marais et des lacs (extr. des Ann. des mines, série, t. X, 18Zi6) • in-S^, p. Paris, 18/i6. 2o Mémoire sur la distribution de Vor dans la plaine du Rhin et sur V extraction de ce métal (extr. des memes annales , /i® série, t. X, 18/i6) j in-S*^, 36 p., 1 pl. Paris, 18/i6. De la part de M. J. Durocher , Études sur la limite des neiges perpétuelles (extr. des Jnn. de chim. et de phys., 3e série, t. XIX) -, io-8o, 1x7 p., 1 pl. Paris, 18â7. De l.a part de M. le baron d’Hombres Firmas, Rapport fait à r Academie royale du Gard sur le Congrès scientifiepœ de Cènes; in-8«, 2li p. Alais , 18/|6. De la part de M. Hardouin Michelin , Oiuers projets de lois et rapports [Chambres des pairs et des députés) relatifs à des collections d"" objets ddastoire naturelle , etc De la part de M. Ach. de Zigno, Nota, etc. (Note sur la séparation des fossiles du biancone et du calcaire ammonilique des Alpes vénitiennes) ^ in-8o, 15 p. Venise, 18Zi7. De la part de M. W. C. Redfield, On tlirce seaeral hurri- canes, etc. (Sur trois ouragans de l’Atlantique et sur leurs SÉANCE DE 15 >URS 18/i7. 537 relations a\ec les vents trais de Mexico et de TAmérique cen- trale, et quelques notices sur d’autres tempêtes)^ in-S^ , 118 p., 11 pl. New-Haven, 18/i6. Comptes-rendus des séances de l' Académie des sciences'^ 18â7, 1er semestre, n^s 9 — 10. Bulletin delà Société de géographie ^ 3® série, t. VII, n° 37, janvier iSli7. L’Institut; 18Zi7, n^s 687—688. Bulletin de la Société d’ agriculture ^ sciences ^ arts et coin- merce du Puy ; t. lY, livraison , 18Zi6. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse; n^ 96. The Athenœum ; 18Ü7, n^® 1010 — J 011. The Mining journal; 18/|7, n^s 602 — 603. Boston journal of natural histoij; vol. Y, n® 11, 18/i5, A l’occasion du procès-verbal , M. Delbos exprime ses regrets de n’avoir pu prendre part aux discussions de la séance précé- dente. Dans le bassin de l’Adour, dit-il, les terrains nummuli- tiques s’offrent avec des caractères peut-être mieux tranchés que dans le reste du midi de la France^ ils y présentent trois étages bien distincts, qui ne sont pas seulement des subdivi- sions locales, mais qui paraissent, au contraire, se retrouver dans les Corbières, aux environs de Nice, en Grimée, etc. Ces ter- rains reposent sur une craie à Ananchytes ooata , Inoceramus Lamarckii, etc., qu’il croit du môme âge que la craie blanche du bassin de Paris. Des dolomies rougeâtres séparent les deux terrains et forment peut-être l’assise inférieure des terrains nummulitiques. Quant au véritable calcaire grossier, il ne croit pas à son existence dans les Landes et aux environs de Dax. On n’y trouve que le calcaire à Astéries , c’est-à-dire cette formation marine puissante qui recouvre les mollasses et une partie des calcaires d’eau douce du département de la Gironde. Les mollasses repo- sent elles-mêmes sur le vrai calcaire grossier de Blaye et de Pauillac (calcaire à Orbitolites). On voit donc, d’après cela , que le calcaire à Astéries se trouve aussi nettement séparé du cal- caire grossier par les caractères géologiques que par l’ensemble des fossiles. 5B8 SÉANCE DU 15 MARS l8/i7. Il croit que les faluns bleus de Dax correspondent exac-e- ment au calcaire à Astéries de la Gironde. Les faluns jaunes représentent , au contraire , les faluns des environs de Bordeaux , et offrent, comme ces derniers, plusieurs subdivisions, comme il se propose de le faire voir dans une notice qu’il prépare en ce moment. M. Boubée répond que cela n’infirme pas l’opinion de ceux qui disent que les terrains à Nummulites font partie de la craie. MM. Delbos et Michelin sont d’avis que la forme de ces fossiles doit les faire rapprocher des terrains tertiaires. M. Del- bos ajoute que les terrains nummuliiiques se présentent, dans le bassin de l’Adoiir, avec des caractères entièrement indépen- dants de la craie, et paraissent, au contraire, se rattacher inti- mement aux terrains tertiaires. M. Boubée fait observer que les Nummulites s’étendent jus- qu’au terrain néocomien. M. Michelin fait observer de nouveau que les Nummulites du terrain supérieur à la craie sont accompagnées de fossiles tous tertiaires. M. Deshayes oppose à M. Boubée le Mémoire de M. Leymerie. M. Delbos croit, d’après le Mémoire de M. Leymerie, que dans les Gorbiéres les étages inférieurs des terrains nummuli- tiques ne se trouvent qu’à l’état rudimentaire. L’étage supérieur s’y trouve seul ])ien développé. Les formations inférieures ren- ferment moins de fossiles analogues à ceux du bassin de Paris, mais on n’y trouve cependant aucune espèce crétacée, si ce n’est \Ostrea lateraUs et VO. ^)esLcularis ; encoi'e cette der- nière est-elle très douteuse. M. Dufrénoy dit que tout le monde est d’accord pour placer le terrain k Nummulites dans une jiosition déterminée , savoir à la séparation de la craie blanche et du calcaire grossier ^ que tout le monde sait aussi qu’il y existe des fossiles tertiaires et des fossiles crétacés -, la seule question qui reste est donc de savoir à laquelle de ces deux grandes formations il faut associer le calcaire àjNummulites ^ les uns, dont il parlage les opinions, le rangent dans les formations crétacées, par suite de l’étude de la stratification, tandis que les autres, faisant plus d’attention SÉAKCK DU 15 MARS 18/|7. 539 aux fossiles teriiaires, rassocieui à ces foniialions liiodei'ues. M. Constant Préxost demande à M. Deibos quelle est la position précise qu’il assigne aux bancs à Nummulites du port de Biaritz, et à quel point, suivant lui, serait placée la limite entre les terrains tertiaires et ceux de craie sur la falaise qui s’étend de ce même port de Biaritz à Bidart -, il est évident que les lits nombreux inclinés et disloqués que l’on poursuit, de cette dernière localité jusqu’à l’embouchure de la Bidassoa , appartiennent au système crétacé, et M. Constant Prévost avoue qu’il lui a été impossible de bien saisir la ligne de sépa - ration-, il signale à M. Deibos un rocher de calcaire saccharin très volumineux, placé en mer en avant de la falaise, à peu de distance de Bidart, el nommé la Roche qui hoii ; ce calcaire contient une très grande quantité de Nummulites , peut-être d’espèces différentes de celles des rochers de Biaritz -, mais le rocher lui paraît faire incontestablement partie du terrain de craie. La roche, par son aspect , ses caractères minéralogiques, loi a rappelé , jusqu’à un certain point, les bancs évidemment crétacés du cap Passaro , du mont de Sciacca en Sicile , dans lesquels il a trouvé des Nummulites avec des liippurites, bancs qui se voient partout concordants avec le terrain crétacé, dislo- qués comme lui , el recouverts comme lui souvent en super-’ position contrastante par le terrain tertiaire-, il rappelle à ce sujet la note qu’il a insérée dans le Bulletin de la Société géolo- gique ^ 2e série, t. II, p. 27, pl. L M. Gongtant Prévost voit avec plaisir que les nouvelles ob- servations viennent chaque jour indiquer un passage entre les périodes secondaires et tertiaires , et contribuer à appuyer cette doctrine, que l’histoire des phénomènes géologiques ou au moins de ceux qui ont concouru à la formation du sol pourra être suivie sans interruption en partant de l’étude des causes actuellement en action jusqu’aux épo€[ues les plus reculées. Il pense que , comme l’a très bien dit M. Dufrénoy, la discus- sion se réduira bientôt à la difficulté d’appliquer les mots se- condaires et tertiaires à tels ou tels terrains , et qu’un jour on sera aussi embarrassé pour caractériser nettement ces deux groupes de matériaux du sol , qu’on l’est déjà pour séparer les terrains secondaires des terrains primaires. StÎANCE DU J 5 MARS 18/|7. 5Z|0 Ces divisions chronologiques des parties du sol sont des points pris par les géologues dans une série continue de pro- duits , comme ceux que les historiens prennent pour diviser l’histoire des hommes^ mais, de même que certains faits et cer- tains événements peuvent, dans l’histoire d’un peuple ou d’une contrée, telle que l’Europe, par exemple, servir à séparer l’an- tiquité, le moyen âge et les temps modernes, sans que les mêmes coupes naturelles puissent s’adapter â l’histoire de l’Asie ou de l’Amérique, de même les divisions créées par les géolo- gues européens ne pourraient sans doute s’appliquer à toute la surface de la terre que par des interprétations dangereuses pour les intérêts de la vérité. M. Delbos répond à M. Constant Prévost que la Roche (jui hoit\m paraît appartenir encore à l’étage supérieur des terrains nummuîitiques. Au-delà de cette roche, c’est-à-dire après avoir passé le rocher du Goulet , on trouve des calcaires sa- bleux qui se rapportent à l’étage inférieur. Plus loin encore, les couches sont fortement disloquées par une éruption ophi- tique, et une partie des roches situées au-delà du rocher du Goulet se rapporte peut-être aux dolomies des environs de Dax. En tout cas, les assises qui forment la falaise entre ce centre de dislocation et Bidart se rapportent bien évidemment à la craie. Le contact des deux terrains doit donc se faire pré- cisément au point où les couches sont le plus tourmentées. M. Boubée cite Oleron, où l’on observe un mélange sem- blable. M. Delbos répond à M. Boubée qu’il ne connaît pas une seule Nummulite dans toute la craie aiUhentique du midi de la France. Un fossile commun à Royan, qu’on avait rapporté à la N luiunidites scahra Lk., vient d’être reconnu pour n’être autre chose qu’un Orbiiolite. Les Nummulites, au contraire, se trouvent jusque dans le calcaire à Astéries. M. Michelin dit qu’on n’a jamais apporté des Nummulites avec des Hippurites, mais qu’il y a des bancs d’Orbitolites au milieu des terrains crayeux , et que ces fossiles ont été pris pour des Nummulites, M, Paillette dit qu’il a rapporté de Sicile des Nummulites SÉANCE DU 15 MARS 1847. Ô/jl qui ont été vérifiées par les paléontologistes, et qui venaient d’un rocher contenant des Hippurites. M. Dufrénoy croit qu’on ne peut nier qu’il y ait des Hippu- rites et des Nummulites mêlées. Il faudrait établir une réunion de la Société dans les Corbiéres pour décider la question. M. Boubée demande que l’on continue la discussion jusqu’5 ce qu’il en résulte une solution qui puisse être considérée comme l’opinion de la majorité dans la Société géologique. Il n’est pas donné suite à sa proposition. A propos de la correspondance, M. Elie de Beaumont lit les lignes suivantes de M. de Bucb : « J’ai retiré tant de profit des excellentes observations et » descriptions consignées dans les Mémoires de la Société géologique » de France, cjue j’en ai l’aine toute remplie de reconnaissance. »• Je désirerais donc ardemment voir mon nom inscrit sur la liste » (les membres d’une Société à lacjuelle on est redevable de si » beaux travaux.. . Les planches qui accompagnent le Mémoire )> de IMM. d’Arcbiac et de Yerneuil sur les Térébratules des As- » turies, dans \q Bulletin de 1845, sont admirables, et elles n’aug- » mentent pas peu l’étonnement dans lequel doit jeter la connais- » sauce de toute une section de Térébratules jusqu’ici inconnues. » Vous Savez que le sinus dorsal, normal pour toutes lesTérébra- » tules, correspond à un bourrelet de la valve ventrale. Dans la » sectiou des enroulées {cinctœ] le sinus dorsal correspond à un » sinus ventral , mais si exactement que les arêtes sur le bord du » sinus sont placées sur les valves comme une espèce d’anneau qui )) les entoure. Dans la section des Asturies, la valve ventrale est aussi » enfoncée que la valve dorsale ; mais ces deux sinus ne se correspon- » dent pas, ce qui fîiit que la valve dorsale s’élève » toujours vers la valve ventrale comme dans la » figure ci-jointe. MM . d’Arcliiac et de V erneuili observent très bien que cette section remar-| » quable commence avec la Tcrebratula concen- » trica , et nomment , par conséquent , toute la O section : Section des concentriques mais il n’y a rien de concen» » trique dans les formes les plus remarquables : il serait donc à dé- )) sirer cjuils eussent choisi un nom plus distinctif... Nous sommes » enfoncés ici , presque étoufiés dans les Trilobites. La Bohême en )) fournit une quantité étonnante , et plusieurs naturalistes les re- » cherchent avec un soin admirable. En premier lieu, M. Joachim SÉANCE DU 15 MARS 1847. 542 » Rarrande... Nous l’avons vu ici, et peut-être le verrai-je dans » peu à Prague , qui , "^râce aux clic mins de fer, est à nos portes. » J’ai reçu de lui ses noms pour les Térébratules nouvelles de la » Bohême et je m’en servirai. » ... Il fut un temps où vous aviez fait espérer une monogra- » pliie de la formation nummulitique ; vous avez été le premier à » la séparer des formations crayeuse et tertiaire... Si je considère » que cette formation commence vers l’Atlantique et suit sans in- » terruption le pied des montagnes qui bordent la IMéditerranée, » par l’îtalie , par la Grèce , par toute la Natolie , où elle a été » poursuivie par MAI. Hamilton, Edward Forbes et par les ofü- » ciers prussiens qui ont accompagné rarmée turque lors de la )) bataille contre Ibrabim ; si je vois que cette formation traA^erse n l’Euplirate et le Tigre, qu’elle suit la chaîne des montagnes de » Zagros (Susa est bâtie sur des nummuliîes) , qu’elle entre dans » le Alekran, le long du golfe Persique , qu’elle remonte les bords » de rindus et enfin se termine tout à coup à la jonction de la » rivière de Cabul et de l’Indus; si je vois que cette formation » s’étend sur un si grand espace du globe, je dois hd supposer une » très grande importance et j’aimerais bien à la voir décidément » séparée de la formation tertiaire. Aîais ceci s’éclaircirait dans les » Abruzzes , en comparant ce qu’on y remarque avec les pliéno- » mènes des Alpes. AI. Esclier de la Linth assure très positivc- » ment que dans le Yorarlberg , au sautis du pays d’Appenzell , » sur le lac de Wallenstadt , la formation nummulitique , sans » aucun caractère crayeux, est toujours recouverte par une masse )) énorme de macigno. AJ. Gras nous apprend la même chose » pour les nummulites dans les Hautes-Alpes , à l’E. de Gap, » AI. Pareto ne met aucun doute que les nummulites de Nice , du » col de Tende, de iVJenthon , ne s’enfoncent sous le macigno; » c’est encore une suite des observations de AÎAl. Villa dans la » Brianza. » AL Damour fait la communication suivante sur les Geysers (le r Islande. Analyses de qiiekjues eaux thermales silicifères de l’Islande ^ par AI. A. Damour. Ces eaux recueillies , dans le courant de l’été de \ 846 , par Ai. Descloizeaux , chargé d’une mission scientifique en Islande , ont été rapportées dans des bouteilles de verre , fermées avec des bouchons garnis de caoutchouc et soigneusement cachetées. Au SÉANCE DU 15 MARS 18Z|7. ÔZi8 sortir des bouteilles, l’eau était d’ime limpidité parfaite , elle exha- lait une légère odeur d’hydrogène sulfuré. A l’aide des réactifs on reconnaît qu’elles renferment les prin- ciîies suivants : soufre, chlore, acide sulfurique, acide carbo- nique, silice, soude, potasse, quelques traces de chaux et de magnésie. N’ayant à ma disposition qu’une petite quantité de ces diffé- rentes eaux, je n’ai pu toujours doser la totalité des principes qu’elles retiennent en dissolution ; je me suis attaché principale- ment à doser, pour chacune d’elles, les proportions de la silice et des alcalis. A cet effet, un volume d’eau déterminé étant rendu acide par quelques gouttes d’acide sulfurique , a été évaporé à siccité, dans une capsule de platine, à la température de 60 degrés centigrades. Les chlorures , les sulfures et les carbonates ont été ainsi décomposés et les hases converties en sulfates. Le résidu de cette évaporation a été traité par l’eau chaude et lavé par décanta- tion. Le dépôt insoluble a été recueilli sur un filtre : il était formé de silice pure. La liqueur, séparée delà silice, a été évaporée à siccité, et le résidu sec chauffe au rouge dans un creuset de platine. Ce résidu , consistant en suli’ate de soude, de potasse et de magné- sie , a été pesé exactement et redissous dans l’eau. La liqueur a été traitée par l’acétate de baryte, suivant la méthode dont on se sert généralement pour transformer les sulfates en carbonates. On a dosé la potasse au moyen du chlorure platinique , et la magnésie au moyen du phosphate de soude et d’ammoniaque. Le poids de la potasse et de la magnésie , ramené par le calcul à l’état de sul- fates, a été retranché du poids des sulfates réunis ; l’on a obtenu ainsi , par différence, le poids du sulfate de soude qui a permis d’évaluer la quantié de la soude. Le chlore a été dosé à l’état de chlorure argentique , sur une quantité d’eau à part. L’acide sulfurique a été dosé , également à part , au moyen de l’acétate de baryte. Le soufre avait été déterminé, à la source même , par M. Des- cloiseaux , à l’aide du siüfhydromètre. L’acide carbonique a été déterminé dans le laboratoire de M. Alillon , à l’aide d’un appareil analogue à ceux dont on se sert pour l’analyse des matières organiques. Voici le résultat de ces diverses analyses : SÉANCE DU 15 MARS 18Zi7. m Edii (lu grand Grysrr. Un litre d’eau contient : r. m r. Soufre 0,0036 - - 2,448 hydr. suif. par litre Chlore 0,1439 Acide carbonique. 0,1520 Acide sulfurique. 0,0897 Otygène. Kappoi t: Silice 0,5190 - — 0,2696 — 3 Soude 0,3427 - 0,0876 j ^ — 1 Potasse 0,0097 - - 0,0016) ’ Magnésie 0,0031 1,^637 Si , faisant abstraction de l’acide sulfurique , du cldore , de l’acide carbonique , on compare l’oxygène de la soude et de la po- tasse à l’oxygène de la silice , on observe le rapport fort simple 1:3. Maintenant si l’on répartit entre le chlore et l’acide sulfurique les quantités d’alcalis suffisantes pour former des sels neutres , il reste dans cette eau une proportion de soude et de silice dont les quantités d’oxygène présentent le rapport 1:9. Chlorure sodique. . 0,2638 Sulfate magnésique. 0,0091 Sulfate potassique. . 0,0180 Sulfate sodique. . . 0,1343 Acide carbonique. . 0,1520 Oxygène. Bappni Silice 0,5190 — 0,2696 — 9 Soude (1) 0,1227 — 0,0314 — 1 Les autres sources m’ont également présenté entre la silice et les alcalis qu’elles renferment , des rapports analogues. (I) La soude, ici, n’est pas à l’état caustique, mais unie à l’acide carbonique. Or, c’est un fait connu depuis longtemps, et M. Berzélius le signale dans son Traité de chimie ^ savoir, que la silice se dissout à chaud dans les solutions aqueuses de carbonate de soude et de po- tasse, sans que l’acide carbonique uni à ces bases en soit éliminé. SÉANCE BU 15 MARS iSli7 . 5â5 Eni( de la source dite la. Badstofa. Soufre Chlore Acide carbonique. Acide sulfurique. Silice Chaux Soude Potasse Magnésie 0,0061 0,1554 non déterminé 0,0397 0,2630 0,0166 •0,2529 0,0124 Ovygène. — 0,1366 — 0,0647 ~ 0,0021 0,0668 traces Rapports. Q 1 Si l’on sature le chlore , l’acide sulfuric^ue av^ec une suffisante quantité d’alcali pour former des sels neutres , on trouve : Chlorure sodique. 0,2873 Sulfate de chaux. 0,0400 Sulfate de potasse. 0,0229 Sulfate de soude. 0,0103 Oxygène. Rapports. Silice 0,2630 — 0,1366 8 Soude 0,0711 — 0,0182 „ \ Acide carbonique. non déterm. ^ Source .md du Hvergardin. Soufre. . . 0,0091 Chlore 0,1732 Acide carbonique. non déterm. Acide sulfurique. non déterm. oxygène. Rapports. Silice 0,3105 — 0,1613 — 2 Soude 0,3188 — 0,0815 Magnésie traces Source du Store-Hrer. Soufre. . . . 0,0030 Silice 0,3160 Soude 0,3072 Potasse, . . . 0,0150 0,0785 0,8025 Oxygèiip. 0,1641 I 0^081 8 RappoiU % 1 Soc. géol.^ 2^ série, tome IV. 35 SÉANCE DU 15 MARS 18^7. 5/i6 Source de Laiignrnes. Un litre d’eau contient : Soufre 0,0019 Acide carbonique. . non déterm. Chlore 0,0296 Acide sulfurique. . 0,0124 oxygène. Rapports, Silice 0,1350 — 0,0701 — 3 Soude 0,0942 — 0,0241 — 1 Potasse et magnésie, traces Ces résultats peuvent être présentés ainsi : Chlorure sodique. 0,0347 Sulfate sodique. . 0,0221 oxygène. Rapports. Silice 0,1350 — 0,0701 — 5 à 6 Soude 0,05*08 — 0,0130 — 1 Rapports entre les quantités cV oxygène de la silice et des alcalis (1). Abstraction faite des acides contenus dans l’eau. Geyser. . . . ■ r Silice. . 5190 — 0,2696 — 3^ Soude.. 3427 - 0,0876 | ^ ^ 1 Badstofa . . , < t Potasse. 0097 — 0,0016 ) J r Silice. . 2630 — — 0,1366 — 2^ Soude. . 2529 — 0,0647 nfino » , [Potasse. 0124 - 0,0021 1 Silice. . 3105 — — 0,1613 — 2 ] 1 Soude.. 3188 — — 0,0815 - 1 j ( Hvergardin. . | !- Slor-Hver. , .< [■ Silice. . 3160 — — 0,1641 - 2-' Soude. . 3072 — 0,0785 ) q Qg,Q _ | [ Potasse. 0150 - 0,0025 ) * j [ Silice. . 1350 — — 0,0701 — 3 j [ Soude. . 0942 — — 0,0241 — 1 j !- ( Laugarnes. . 1 Déduction faite des sulfates et des chlorures. oxygène. Silice . 5190 — 0,2696 — 9 Soude. 1227 — 0,0314 — 1 Silice . 2650 ^ 0,1366 — 8 Sur ces différentes eaux , on voit qu’abstraction faite du chlore et de l’acide sulfurique , les rapports 1:3, 1:2, entre les alcalis et la silice, se représentent assez exactement, bien que la proportion de ces matières varie pour chaque source. Après la saturation des acides , on observe , sur les deux pre- mières sources , entre la silice et les alcalis restants , les rapports 1 : 8 ou 1 : 9. 11 semble que le moment où ce rapport commence (1) Ces eaux avaient aussi été analysées (les deux premières ) par le D'' Black , professeur de médecine et de chimie à Edimbourg; les ana- Ij’ses de ce savant sont publiées dans les Anncdes de chimie de janvier à mai 1793. SÉANCE DU 15 MARS 'J8/i7. 5/t7 k s’établir soit le point de départ de la formation du dépôt sili- ceux. La souree de Laugarnes nous offre à ce sujet un moyen de contrôle assez remarquable. Cette eau ne dépose pas d’incrustations siliceuses; M. Descloizeaux croyait que je n’y trouverais pas de silice. Or, il en est arrivé tout autrement ; elle en contient , il est vrai , moins que les autres sources , mais le rapport entre la silice et les alcalis est précisément celui qu’on observe dans l’eau du Geyser, 1 ; 3. Le dosage du chlore et de l’acide sulfurique semble ici nous donner la raison de l’absence du dépôt silicieux. Il nous montre , en effet , que la proportion de ces acides étant relative- ment plus faible dans cette eau que dans les précédentes , une plus grande quantité d’alcalis doit rester libre. Après la saturation faite, la soude et la silice que nous supposons combinées dans la disso- lution aqueuse , présentent le rapport 1 ; 5 , ou peut-être 1:6, au lieu de 1 ; 9. Pour déterminer la formation du dépôt silicieux il faudrait donc introduire dans cette source une quantité de chlore ou d’acide sulfurique suffisante pour rétablir entre la silice et la soude restées libres le rapport 1 : 8 ou 1 : 9. La silice contenue dans ces différentes eaux de sources de l’Islande , me paraît avoir primitivement été dissoute à l’état de silicate alcalin : (Nr/, K) Sz : (Nz? , K)^ Sz^ Ces deux silicates que j’ai reproduits artificiellement , sont , en effet, très solubles dans l’eau (1). Plus tard, les vapeurs sulfu- reuses, cblorbydriques , etc., arrivant dans ces eaux par les con- duits souterrains et saturant la dissolution siliceuse alcaline , ont notablement modifié sa composition première. La quantité d’al- cali , combinée à la silice , a subi de cette manière une réduction continue , et le rapport primitif 1 : 2 ou 1 ; 3 est devenu 1:9. A cet état de saturation , une certaine proportion de silice cessant d’être soluble, a du se déposer , et il semble assez vraisemblable que la quantité de silice qui se dépose journellement correspond à la quantité d’alcali qui se trouve saturée sans cesse , soit par suite de l’action des fumerolles , soit par l’effet de l’oxydation des sulfures alcalins transformés en sulfates au contact de l’oxygène de r atmosphère. Le silicate alcalin, dont nous supposons la préexistence, ne (1) Je dois rappeler à cette occasion les travaux de M. Forchhammer sur les silicates artificiels de potasse et de soude. ^Annales des mines , t. IX,. 3* série.) 5â8 SÉANCE LU 15 MARS 18^7. peut” il pas avoir été enlevé aux roches qui servent de réservoir à ces eaux? A cette occasion, je dois exposer ici le résultat de quel- ques essais que j’ai commencés pour étudier quelle est l’action de l’eau pure sur certains silicates. Comme les silicates de soude ne se trouvent dans la nature que combinés avec une notable proportion d’alumine, j’ai voulu , pour ces essais , me renfermer dans la limite des composés naturels, et j’ai choisi d’abord un minéral qui se trouve assez répandu parmi les roches volcaniques anciennes. Ce miné- ral est la mésotype. 11 est, comme on le sait , composé de soude , d’alumine , de silice et d’eau , dont les quantités d’oxygène sont entre elles comme 1 : 3 : 6 : 2. Si l’on chasse l’eau de cette sub- stance , par une faible calcination , on obtient un produit qui re- présente exactement la composition du Ryacolithe, espèce minérale de même formule que le Labradorite, et que l’on considère comme faisant partie constituante de beaucoup de roches traehytiques. En chassant l’eau de la mésotype , je me suis donc procuré du ryaco- lithe pur, mais désagrégé , et offrant la propriété de se combiner de nouveau avec une certaine proportion d’eau, ainsi qu’il arrive pour le gypse cuit. Une quantité de cette matière , pesant 8®",9770, a été placée dans une capsule de platine remplie d’eau distillée , et exposée pendant vingt-quatre heures à une température de 50® à 60'’ centig. La liqueur bien éclaireie a été évaporée à siccité dans une autre capsule de platine. Il est resté un résidu notable de matière alealine silicifère. Traitée par l’eau, cette matière s’est redissoute , et quelques gouttes d’aeide chlorhydrique y ont dé- terminé une effervescence. Evaporée de nouveau, à une faible cha- leur, la liqueur a laissé apparaître des cristaux très nets de chlo- rure sodique. J’ai renouvelé cette expérience avec quelques modifications. 12’', 81 90 de mésotype préalablement chauffés au rouge, dans un creuset de platine , ont été mis en digestion dans un ballon de verre, avec 5 décilitres d’eau distillée ajoutés et décantés successi- vement. Chaque digestion a duré de vingt à vingt-quatre heures, sous l’influence d’une température de 80° à OO**. Chaque décilitre , évaporé à siccité , a donné un résidu salin dont le poids a été déterminé. Résidu donné par le décilitre. Id. 2e 0 ,0950 Id. 3e — 0 ,0850 Id. 4® ~ 0 ,0770 Id. — 0 ,0310 Poids total de ces résidus "07 4üio~' SÉANCE DU 15 MARS lS!l7 . 549 Traitée par Feau , la matière saline s’est redissoute en grande partie ; cependant la liqueur est restée troublée par une matière floconneuse très lente à se déposer. La liqueur exerçait une réac- tion alcaline. Traitée par l’acide chlorhydrique, elle a manifesté une vive effervescence , et est devenue parfaitement limpide. Eva- porée à siccité , elle a laissé apparaître des cristaux de chlorure sodique. Le dépôt salin, repris par l’acide chlorhydrique, et par Feau, s’est dissous en majeure partie en laissant une quantité no- table de silice pure. La liqueur, séparée de la silice , a été saturée d’ammoniaque. Il s’est précipité de l’alumine qui a été recueillie. La liqueur séparée de Falumine a été évaporée à siccité , et le ré- sidu chauffé au rouge pour chasser les sels ammoniques. Le poids du chlorure sodique , resté fixe , a servi à évaluer la proportion de la soude. Cette analyse a donné : Silice 0,0395) pï’.r.tîri Alumine 0,0360 ). . 0,3153 Soude 0,2398 ) Acide carbonique (par différence). 0,1257 0,4410 Ainsi , un demi-litre d’eau , agissant par fractions sur 12^%8190 de mésotype préalablement calcinée , a pu dissoudre 0^^3153 des parties constituantes du minéral. L’acide carbonique , qui figure dans cette analyse avait été enlevé à l’air ambiant par la liqueur alcaline, pendant que cette liqueur était soumise à l’évaporation. Si l’on compare entre elles les quantités d’oxygène de la silice et de la soude dissoutes par Feau , on trouve le rapport suivant ; Oxygène. Rapports. Silice. . . 0,0395 — 0205 — 1 Soude.. . . 02398 — 0613 — 3 Ce rapport est l’inverse de celui qu’on observe sur les quantités de silice et de soude contenues dans les eaux du Geyser et de Lau~ gaines. Il montre cependant avec quelle facilité certains silicates alumineux alcalins peuvent être attaqués et décomposés par Feau. On savait déjà que Feau distillée enlève aux vases de verre , dans lescjuels on la fait bouillir, des quantités appréciables de silice ; dans la dernière expérience que je viens de décrire , le minéral, mis en contact avec Feau chaude , était contenu dans un ballon de verre ; l’opération terminée, je n’ai remarqué aucune altération sur ce ballon : il semble que Faction dissolvante de Feau se soit ainsi portée exclirsivement sur le minéral. En opérant, en premier lieu, 550 SÉANCE DU 15 MARS 18A7. clans des vases de platine , j’ai cru d’ailleurs prévenir l’objection qu’on aurait pu me faire sur l’origine des matières dissoutes par l’eau. Ces observations me semblent venir à l’appui de l’opinion que j’ai émise sur l’origine de la silice et des sels contenus dans les sources chaudes de l’Islande. L’eau, agissant à une température de plus de 120°, sous une pression très considérable et pendant une durée indéfinie sur les roches trachytiques et zéolithiques probablement désagrégées qu’elle pénètre et traveise , doit dis- soudre une proportion notable des éléments cjui constituent ces roches. Or, ces éléments ne sont autres que la silice , l’alumine , la soude , la potasse et la chaux. L’alumine «et la chaux ne restent pas longtemps en dissolution dans les liqueurs siliceuses alcalines ; ces deux matières , en effet , m’ont paru ne pas se trouver, du moins en quantité appréciable, dans la plupart des eaux dont j’ai fait l’analyse ; la silice , la soude et la potasse y sont , au contraire , fort abondantes , et s’y conservent en différentes proportions. Je me propose de continuer ces recherches en étudiant l’action de l’eau sur d’autres silicates naturels , et sur les roches d’origine volcanique. M. Boubée dit que M. Damour nous met sur une voie très précieuse, et cependant il croit qu’en s’attachant exclusivement à la mésotype il s’écarte du but même qu’il semble se proposer ^ qu’il y a une foule d’autres silicates et particulièrement les feldspaths, qu’il faudrait essayer. M. Damour répond qu’il n’a pas eu la mésotype seule en vue ^ qu’il a commencé cet essai sur la mésotype comme il eût pu le faire sur toute autre espèce minérale, et que les dernières lignes de la notice qu’il vient de lire exprimaient suffisamment son intention d’appliquer ce genre d’essai à des roches de diffé- rente nature. M. Descloizeaux lit la note suivante : Observation sur les deux principaux Geysers de V Islande ^ par M. Descloizeaux. Les deux principales sources thermales jaillissantes dont M. Des- cloizeaux a observé les températures à différentes profondeurs, au mois de juillet 1846, sont celles qui sonteonnues sous les noms de Grand-Gejsir et de Strokkur. Les expériences ont été combinées de manière à connaître les températures à différents niveaux , immédiatement avant et immé- SÉANCE DU 15 MARS 18A7. 551 diatement après une grande éruption. Ces températures ont aussi été déterminées pendant une éruption et dans l’intervalle de deux éruptions consécutives. Les thermomètres employés par M. Descloizeaux étaient des thermomètres à déversement , construits , sur les indications de M. Régnault, par Bunten. M. Bunsen, professeur de chimie à Marbourg, qui se trouvait en Islande en même temps que M. Des- cloizeaux , a employé concurremment et aux mêmes expériences , des thermomètres construits par lui-même sur le même principe que ceux de M. Descloizeaux, et n’en différant que par quelques détails de construction. Voici les résultats obtenus par ces deux observateurs : 1° Grand Geysir. Le 7 juillet, à deux heures cinquante-cinq minutes du soir, quatre heures avant une grande éruption ; bassin rempli; profon- deur totale, 23™, 50; longueur de la ligne, 22™, 85. Températures. Hauteurs. 85",0 22™,85 85", 2 19™, 55 106", 4 14™, 75 120", 4 9™, 8 5 123", 0 5™, 00 127", 5 ..... 0™,30 fond. Température moyenne , 108", 33 Le 7 juillet, à neuf heures qua- rante-cinq minutes du soir, deux heures après une grande éruption : le bassin à moitié plein ; hauteur de la colonne d’eau , 22'", 75 ; lon- gueur de la ligne, 22'", 50. Températuri's. Hauteurs. 85", 0 22'", 50 103",0 13'",50 121",0 9"', 70 122", 5 .... 0'",30 fond. Température moyenne, 108", 83 Le 7 juillet, à six heures cin- quante-huit minutes du soir, dix minutes avant une grande érup- tion ; bassin rempli, profondeur totale, 23™, 50; longueur de la ligne , 22™, 85. Températures. Hauteurs. 85"^0 22™, 85 84", 7 19™, 55 110",0 14™, 75 121", 8 9™,85 126", 5 0™,30 fond. Température moyenne , 109", 19 Le 6 juillet, à huit heures vingt minutes du soir, neuf heures après une grande éruption , et vingt-trois heures avant l’éruption suivante : bassin rempli ; longueur de la ligne, 22™,85. Températures. Hauteurs 85",0 ...... 22™, 85 82", 6 19™, 20 85",8 14™, 40 113", 0 9™, 60 122", 7 4™, 80 123", 6 0™,30 fond Température moyenne, 102", 30 552 SÈAiNCE DU 15 MARS l8Zi7. Le 14 juillet , à trois heures quinze minutes du matin , un ther- momètre, plongea 4 mètres au-dessus du fond pendant une grande éruption, a accusé une température de 124°, 24. Les résultats, consignés dans ce tableau, montrent donc qu’il y a , au fond du Grand- Geysir^ un maximum de température immé- diatement avant, et un minimum immédiatement après les grandes éruptions ; la température moyenne de la colonne totale variant d’ailleurs dans des limites assez restreintes. Le calcul montre que le point d’ébullition d’une colonne d’eau , ayant la hauteur et la densité de celle du Geysir, serait : Dans les circonstances où ont été faites les deux premières expé- riences , de 136°, 15 Maximum trouvé 127° en moyenne. Différence 9°,15. Dans les circonstances où ont été faites les troisième et qua- trième expérience, ce point d’ébullition serait de 135“, 398, et 136°, 28. Les minima trouvés dans ces expériences sont 122°, 5 et 123°, 60. La différence avec le calcul est donc de 12°, 898 et 12°,68. Ainsi , au point le plus bas de la colonne du Geysir que le ther- momètre puisse atteindre , l’eau n’est pas en ébullition. 11 faut donc en conclure que le foyer quelconque qui échauffe cette eau n’est pas placé immédiatement au-dessous de ce point inférieur, mais qu’il en est situé à une distance peut-être très considérable. Cette circonstance , ainsi que l’existence d’un maximum et d’un minimum de température, ont conduit M. Descloizeaux à donner l’explication suivante de la manière dont doit se produire le phé- nomène du Geysir. Supposons que la colonne d’eau du Geysir communique par un canal long et sinueux avec l’espace quelconque qui reçoit l’action directe de la chaleur souterraine; après une grande éruption, pen- dant laquelle il y a eu projection d’une grande quantité d’eau et de vapeur, les parties inférieures de la masse liquide sont refroi- dies , et la vapeur d’eau qui arrive toute formée du réservoir soumis à l’action de la chaleur , a une tension moindre que celle à laquelle peuvent faire équilibre le poids de la colonne d’eau et celui de l’atmosphère ; cette vapeur vient donc se condenser au contact de l’eau qui remplit le canal sinueux , et elle abandonne à cette eau sa chaleur latente. L’accroissement de température de l’eau du canal se transmet de proche en proche jusqu’à la partie inférieure de la colonne centrale du Geysir, où le ther- SÉANCE DU 15 MARS 18Zl7. 553 momètre petit pénétrer, mais cet aecroissement est retardé par Tair atmosphérique et les autres gaz que la vapeur entraîne avec elle ; cependant , au bout d’un temps plus ou moins long , Feau du canal doit bouillir , et la vapeur qui continue à se former ne peut plus s’y condenser ; cette vapeur doit donc s’accumuler et acquérir une tension de plus en plus grande , jusqu’à ce que cette tension soit capable de vaincre la résistance de la colonne d’eau , et de la lancer en l’air. Si le dégagement souterrain de vapeur était parfaitement régu- lier , les éruptions devraient se succéder à des intervalles à peu près égaux ; mais il n’en est pas ainsi , et une série d’observations com- mencée le 3 juillet et terminée le 15 , a montré qu’il y a , à peu d’exceptions près , une éruption tous les jours , mais que les inter- valles qui séparent deux éruptions consécutives varient de douze à trente heures. Les deux plus hautes éruptions de la première quinzaine de juillet , dont la hauteur au-dessus de la base du cône du Geysir a été mesurée par M. Sartorius de Waltershausen , ont atteint, l’une à7™,10 , et l’autre /i9"",37. 2® Strokkur. Le Strokkur, situé à une petite distance du Grand-Geysir, offre des dimensions beaucoup moins considérables que celui-ci ; cepen- dant les éruptions atteignent des hauteurs tout aussi grandes sans offrir plus de régularité dans leur retour. Yoici les températures qui ont été observées à différentes hau- teurs de la colonne d’eau qui remplit le canal du Strokkur : Le 8 juillet, à quatre heures trente-huit minutes du soir; hau- teur de la colonne d’eau au-dessus du fond , 1 5. empératures. Hauteurs. 100°,0 . . . . . 10«\15 108",0 . . . . . 6°\00 111°,4 . . . . . 3“\00 112°,9 . . , , . . 0"h30 fond. Température moyenne, 10 4*^, 77 Le 9 juillet, à cinq heures trente-deux minutes du soir, une heure après une grande éruption : hauteur de la colonne d’eau au- dessus du fond, 10"%50. Températures. Hauteurs. 100°,0 10“h50 100°,5 109°, 3 6‘",20 11 4°, 2 2*'h95 fond. Température moyenne , 103", 79 SÉANCE DU 15 MARS 18Zl7. Ô5Ü Le 10 juillet, à six heures cin- quante-sept minutes du soir, six heures après une grande éruption : hauteur de la colonne d’eau au- dessus du fond , 1 0 mètres. Températures. Hauteurs. 99°, 9 10°h00 99°, 9 .... 8°\85 11 3°, 7 4°%65 11 3°, 9 0“,35 fond. Température moyenne, 105°, 27 Température au fond pendant une grande éruption, 115°. Le point d’ébullition d’une colonne d’eau d’une hauteur égale à celle du Strokkur, serait à sa base de 120°,0Zi.3. Le maximum trouvé est de 115° ; c’est donc une difïérence avec le point d’ébullition de 5^j0'i3. Ainsi , comme au grand Grand-Geysir, la colonne qui remplit la canal du Strokkur ne bout pas à sa partie inférieure ; l’explica- tion donnée pour la première de ces sources jaillissantes s’appli- que donc également à la seconde. M. Martins demande si l’explication de M. Descloizeaux dif- fère de celle de M. Lottin. M. Descloizeaux répond que M. Lottin n’a fait que répéter ce qu’a dit Mackensie. A la suite de la communication de M. Descloizeaux , M. An- gelot exprime l’opinion que , dans les canaux sinueux et les cavernes servant de conduits ou de réservoirs aux eaux des Geysers, l’accumulation des vapeurs d’eau n’est que la consé- quence de l’équilibre existant dans l’eau entre les températures et les pressions supportées, et de l’addition à chaque instant d’une nouvelle quantité de chaleur. L’équilibre, dans l’eau, des températures avec les pressions supportées est la loi géné- rale ^ non seulement des Geysers et autres sources jaillis- santes d’Islande , mais ce doit être celle de toutes les sources bouillantes dans tous les pays-, et cela , quelle que soit la source de chaleur^ que ce soit des roches fortement échauffées, ou même des matières minérales liquides à de grandes profon- deurs , pourvu toutefois que cette source de chaleur soit suf- hsanle et placée par en-bas -, ce qui est ici le cas le plus probable. 555 SÉANCE DU 15 MARS 18/l7. C’est, en un mot, le phénomène de l’ébullition de l’eau sur une très grande échelle , mais dans un vase chauffé par dessous et d’une forme particulière. Si l’observation des températures de l’eau à diverses profon- deurs, dans les puits des Geysers, donne des résultats infé- rieurs de quelques degrés centigrades à ceux que doit donner cette théorie , ces résultats n’y sont cependant pas contraires -, ils en sont même beaucoup plus rapprochés que de ceux de la Ihéorie de la diminution des températures avec l’augmentation de la profondeur, ou même de l’égalité des températures à toute profondeur. La cause de cette différence, d’ailleurs assez légère, est la perturbation momentanée que les éruptions apportent à l’état normal , parce que l’eau rejetée est remplacée par des eaux plus froides et originaires de la surface , apportées par d’autres canaux. Dans ces nouvelles eaux, la détente opérée de la vapeur d’eau produite inférieurement tend à ramener l’équilibre des températures avec les pressions, jusqu’à ce que, l’absorption de cette vapeur ne pouvant plus avoir lieu, le bouchon aqueux soit de nouveau projeté. Aussi les intervalles entre les éruptions naturelles doivent être à peu près propor- tionnels à la quantité d’eau projetée -, c’est-à-dire que l’inter- valle entre deux éruptions doit être d’autant plus grand que la projection d’eau dans l’éruption précédente a été plus consi- dérable, puisque la source de chaleur restant à peu prés constante, la quantité d’eau à réchauffer est plus considé- rable. Mais la température des eaux superficielles amenées par des canaux déférents doit être quelque peu variable par suite des variations de la température extérieure , et aussi suivant leur abondance plus ou moins grande et leur séjour plus ou moins prolongé dans les réservoirs où elles se rassemblent. H en résulte dès lors certaines variations dans la durée du réchauf- fement et par suite dans la proportionnalité absolue des érup- tions d’eau et dans la régularité de leur intermittence. Cette explication des phénomènes des Geysers a d’ailleurs beaucoup d’analogie avec celle par laquelle on peut rendre compte de l’intervention des eaux superficielles dans les phénomènes vol- caniques. 556 SÉAISCJi ÜL 15 MARS 18Z|7. M. Descloizeaux répond que les dissolutions ne suffisent pas pour expliquer les différences de températures observées. M. Martins demande de quels instruments M. Descloizeaux s’est servi. M. Descloizeaux répond qu’il s’est servi des thermomètres à déversement construits par Bunten. M. Boubée ne comprend pas la distribution de la chaleur dans les Geysers indiquée par M. Descloizeaux ^ il croit que ces eaux devraient être à une température uniforme après une éruption. M. de Verneuil présente à la Société une Orthocératite gi- gantesque qu’il a rapportée d’Amérique, et donne les détails suivants sur les caractères et le gisement de cette espèce. Les Orthocératites , de même que les Ammonites , atteignent parfois des dimensions que n’offrent plus les Céphalopodes actuels. Sous le rapport du volume et du poids , la coquille la plus con- sidérable de nos jours se rencontre parmi les Acéphales; tout le monde connaît la Tridacnc gigantesque (Lam.), cette coquille qui semble être hors de proportion avec toutes les autres. Quoique beaucoup plus pesante sans doute que n’ont dû l’être les coquilles pélagiennes des Orthocératites, les Tridacnes sont bien moins lon- gues , et aucune coquille , soit des temps géologiques , soit des mers actuelles , ne peut être comparée , sous ce rapport , à certaines espèces d’Ortliocératites , telles entre autres que celle que je mets sous les yeux de la Société. Cette grande longueur des Ortbocéra- tites avait déjà attiré l’attention des paléontologistes et plusieurs auteurs avaient soupçonné qu’il pouvait en avoir existé de 2 mètres de long. C’est la taille que M. d’Archiac et moi nous civions assignée à r O. triangularis , décrite dans notre mémoire sur les fossiles du terrain ancien des bords du Rhin. Cependant, jusqu’à présent, les échantillons connus dans les plus riches collections étaient loin d’atteindre cette dimension , et le fragment que nous possédons de l’O. triangularis n’a que 36 centimètres. Les échantillons les plus beaux que nous ayons vus sur les grandes dalles de calcaire rouge de la Dalécarlie , près du lac Siljan, n’avaient qu’ environ 66 centi- (l) Cette espèce, très différente de la nôtre par sa forme effilée, n’a que 2 centimètres '1/2 de diamètre, c’est-à-dire le huitième de celle que je présente ici. 557 séance du 15 MARS 1847. mètres (2 pieds); enfin la magnifique espèce que M. Defrance a présentée l’année dernière à la Société , et dont il a enrichi les galeries du Muséum d’histoire naturelle , n’a qu’un mètre de long , et n’offre que Ik cloisons. L’échantillon que j’ai rapporté d’Amérique a 1*“,85 de longueur, et on y eompte 125 cloisons. Il est composé de plusieurs fragments trouvés dans la même carrière, et ayant appartenu , sinon au même individu, du moins à la même espèce. Le diamètre de la coquille, mesuré à l’endroit de la dernière chambre , est de 20 à 22 centimètres, et la longueur de la dernière chambre de 40 centi- mètres. Ainsi que je viens de le dire , l’échantillon est fracturé , et si l’on cherche à le restaurer, voici ce que l’on observe. Le der- nier fragment est encore d’un diamètre considérable ( 7 centi- mètres ) , et il est facile de s’assurer que son extrémité est loin d’être celle de la coquille. En mesurant le décroissement du cône , on est conduit à supposer qu’il manque à cette partie au moins 70 à 75 centimètres. Entre les deux principaux fragments, c’est-à- dire vers le milieu , il y a également une partie qui manque , et qui devait avoir environ 30 centimètres; enfin la dernière loge paraît être brisée à son ouverture, et, en y ajoutant 20 centimètres, 'on restera encore au-dessous de la vérité. Ainsi restaurée, celte espèce aurait au moins trois mètres. Quant au nombre total présumé des cloisons , on voit que celles qui existent , très rapprochées les unes des autres , sont espacées de 10 à 13 millimètres près de la bouche, et de 5 à 6 à l’autre extrémité. Si on ajoute à cette extrémité, là où les cloisons sont très serrées, une longueur de 70 centimètres qui lui manque , on aura environ 100 cloisons de plus; la partie médiane qui manque pouvait avoir encore 25 cloisons, en sorte cpi’on arrive à 250 pour le nombre total des cloisons dans cette espèce. Ces cloisons sont assez bombées ; leur convexité , mesurée là où la coquille a un demi-mètre de circonférence , est à peu près de 4 centimètres. Ainsi 3 mètres de long , 60 à 64 centimètres de circonférence , et 250 cloisons , telles sont en somme les dimensions et les divisions naturelles de cette gigantesque coquille. De pareilles proportions ne semblent-elles pas inconciliables avee l’idée cpie conservent encore certains paléontologistes , que les Orthocératites ont été des coquilles internes ? Pour achever de faire connaître cette espèce , il est important de parler du siphon. Placé sur le bord de la coquille, il occupe une partie de la cloison d’autant plus grande que l’animal est plus vieux , c’est-à-dire le tiers dans le jeune âge et la moitié dans l’àge 558 SÉANCE DU 15 MARS 18/i7. adulte. Le docteur Dale Owen possède une Ortliocératite de la même formation , où le siphon occupe les trois quarts de la co- quille. Dans la mienne, le siphon paraît n’avoir été destiné qu’à contenir une partie charnue, qui l’a laissé vide après la mort de l’animal, car il est rempli, tantôt de spath calcaire, tantôt d’une pâte semblable à celle qui remplit les cloisons. Dans l’espèce que j’ai vue chez le docteur Owen , le siphon, au contraire , présente un tube calcaire intérieur , comme dans certaines espèces prove- nant du Trenton limestone de l’Etat de New-York (1). Quelle que soit la disproportion de ce siphon avec celui des Nau- tiles, je suis porté à croire qu’il avait la même destination , c’est-à- dire celle de fixer l’animal à son enveloppe calcaire. Dans des co- quilles droites et aussi longues , où les cloisons n’étaient pas main- tenues par leur forme spirale, on conçoit que l’animal ait eu besoin d’un muscle beaucoup plus fort que chez les Nautiles , et d’ailleurs l’existence, dans certaines Orthocératites , de siphons assez sem- blables à celui du Nautile , et le passage qu’on observe entre ces petits siphons et ceux qui nous occupent , conduisent encore à la mênie conclusion. C’est un fait assez général et qui m’a frappé , que les Orthocéra- tites à large siplion latéral ne se rencontrent que dans l’étage infé-' rieur du système silurien. Celle que je présente ici a été trouvée à Galena , petite ville située au N. de l’Etat des Illinois, sur im affluent du Mississipi nommé fever river. La carrière d’où elle a été extraite est ouverte dans un calcaire bleuâtre , connu sous le nom de blae limestone par les géologues des Etats du Tennessee, de l’Ohio et d’Indiana. Le hlue limestone correspond à ce grand ensemble de couches que les géologues de New-York ont désigné sous le nom de Hudson river groiqj et de Trenton limestone et qui forme la partie supérieure et moyenne de ce que nous appelons étage silurien inférieur. Pour le comparer à nos dépôts d’Europe, je dii’ai que c’est à peu près le Caradoc sandstone et les Llandeilo Jlags des géologues anglais. Avec l’Orthocératite et dans les mêmes couches, se rencontrent les fossiles suivants : Isotelus megistos (Locke), Ceraurus pleurexantlienms (Green), Subulites elongata (Emmons), Leptœnn alternata (Emmons), L. semi ovalis (voisine du Z. sericea) , Orthis testudinaria (Daim.). Ces espèces sont les (1) C’est dans un tube semblable que se moulent ces corps allongés que M. Eichwald a appelés Eyolithes , et que l’on trouve aux environs de Saint-Pétersbourg. Voir notre ouvrage sur la Russie et l’Oural , vol. II, p. 350. 559 SÉANCE DU 15 MARS 18^7. plus caractéristiques du bine Umestone^ et se rencontrent de TE. à rO. , depuis l’Etat de New-York jusque sur les bords du hautMis- sissipi , c’est-à-dire sur des points éloignés de 17“ en longitude, et du N. au S. , depuis Galena jusqu’aux frontières méridionales de l’Etat de Tennessee, c’est-à-dire sur 8“ en latitude. Qu’on ne croie pas toutefois que l’étage inférieur du système silurien soit à décou- vert sur tout cet espace : il y est souvent recouvert par l’étage silu- rien supérieur , par le système devonien , et par ces magnifiques dépôts carbonifères qui feront un jour la fortune des Etats-Unis, Galena est situé près du point de contact des étages inférieur et supérieur du système silurien , et notre grande Ortliocératite est à peine à 100 pieds au-dessous de cette limite. Le terrain silurien su- périeur se compose d’un calcaire magnésifère très riche en plomb, qui constitue la région métallifère du haut Illinois et du Wiscon- sin , et sur lequel je reviendrai plus tard. Il existe, à ne prendre que les caractères minéralogiques , une démarcation assez nette entre le hlae limestone et le calcaire magnésien métallifère qui le surmonte, mais cette démarcation minéralogique ne correspond pas à la division des deux grands étages siluriens fondée sur les carac- tères paléontologiques. Les couches les plus basses du calcaire ma- gnésien contiennent encore des fossiles de l’étage silurien inférieur, de sorte que la division des deux étages du Système silurien s’éta- blit vers la partie inférieure du calcaire magnésien , mais non pas à sa base , et ne correspond à aucune différence tranchée dans la nature minéralogique des couches. Je terminerai en proposant pour cette espèce le nom d’O. Hercu- leaniis ^ celui d’O. giganteus ayant déjà été employé par Sowerby, et en faisant remarquer les grands rapports qu’elle a avec les O. du- plex et commujiis des calcaires siluriens inférieurs de la Russie et de la Suède , dont elle ne se distingue que par sa taille et par ses cloisons un peu plus rapprochées. M. Le Blanc montre un globe de 0'«,56de diamètre, qui a été publié par M. Albrecht Platt, à Magdebourg. Ce globe , très bien fait, sur lequel sont rapportés les courants marins , a été colorié géologiquement par M. Le Blanc, d’après la carte de M. Boué. 560 ADDITION A LA SÉANCE Bü MARS 18/l7. Addition à la séance du 1"'’ mars 1487. M. Leymerie , qui considère depuis longtemps le terrain à Nummulites comme lié au terrain évidemment crétacé du midi de la France, annonce qu’il a tout récemment découvert une preuve évidente de ce fait important. Ce fait consiste en la pré- sence , comme fossile habituel , de la Térébratule qu’il a décrite sous le nom de T. temii-striata et de VOstrea lateralis Nilson, d’une part dans des marnes d’un gris bleuâtre , riches en fossiles tertiaires du bassin de Paris, et, d’autre part, au mi- lieu de marnes identiques minéralogiquement à celles-ci , qui dépendent d’un terrain où il n’existe plus de fossiles tertiaires, mais bien des fossiles évidemment crétacés , par exemple : le Pecteii striato-costatiis , Ostrea carinata, Terehratula alata , Exogp'a cornu-arietis , Ananchytes ovotas ^ etc. Pour M. Ley- merie ces deux assises marneuses , dont l’une s’observe en un grand nombre de points des Gorbiéres , et dont l’autre gît dans les départements de la Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées^ ne sont que deux faciès d’un seul et môme terrain, et consti- tuent un passage paléontologique irrécusable entre la faune ter- tiaire et la faune crétacée. M. Leymerie rappelle , à ce sujet, une idée qu’il a déjà émise dans une autre circonstance, et qui consiste en ce que les types géognostiques de la région méditerranéenne, à partir du trias, ne paraissent pas concorder avec ceux admis d’après les tra- vaux des géologues du nord de l’Europe. Peut-être faudrait-il un cadre spécial pour les terrains du midi. C’est sous l’empire de cette idée qu’il a considéré le terrain à Nummulites médi- terranéen comme pouvant représenter à la fois la partie supé- rieure du T . crétacé et la partie inférieure du T. tertiaire du nord , manière de voir qui se trouve assez bien représentée par l’expression éé épicrétacé dont il se sert pour désigner le terrain en question. M. Leymerie profite de cette circonstance pour appeler l’at- tention de la Société sur le danger d’employer exclusivement les caractères paléontologiques dans la détermination et dans le classement des terrains. ADDITION A LA SÉANCE DU MARS 1847. 561 M. Boubée répond à M. Leymerie : Il est évident pour moi que tous les terrains tertiaires du Midi doivent être élevés d’un étage : ainsi il y a longtemps que j’ai sou- tenu que le prétendu terrain diluvien de l’Aude , notamment le diluvium des cavernes à ossements, devait être considéré comme postdiluvien , et j’ai cherché aussi à démontrer que les terrains qui occupent la presque totalité du département de la Haute-Garonne et une partie des départements qui l’entourent appartiennent, non pas au terrain tertiaire supérieur, comme on le pense , mais au terrain quaternaire de quelques auteurs , nom fort impropre , et auquel j’ai proposé de substituer le nom de postdiluvium , en divi- sant ce terrain en deux groupes ; le postdiluvium sicilien pour les dépôts marins , et le postdiluvium toulousciin pour les dépôts la- custres. (Yoir mon Manuel de géologie ^ p. 202, ô^édit.) — J’ai montré que les terrains de Perpignan sont aussi postdiluviens (post- diluvium sicilien) , et non pas tertiaires supérieurs , comme on le soutenait. Si maintenant on démontre que le terrain tertiaire in- férieur de Bordeaux est du terrain tertiaire moyen , il en résultera que les calcaires de l’Agenais et les autres formations marines de Bordeaux appartiennent à l’étage supérieur , et qu’ ainsi il faut remonter d’un degré tous ces groupes , qu’on avait tous classés d’un étage trop bas pour les avoir considérés chacun isolément. M. Dufrénoy fait remarquer que le terrain à Nummuiites est recouverl, prés de Saint-Justin, dans les Landes, par le calcaire grossier en couches horizontales, en sorte qu’il lui paraît plus rationnel d’associer le calcaire à Nummuiites avec les formations crétacées qu’avec les terrains tertiaires. Quant à l’association qu’il fait du calcaire de Saint-Justin au calcaire grossier , elle repose sur deux observations ; la première, son identité avec le calcaire de Saint-Macaire et de Blaye, dont la position sur la craie est bien caractérisée dans les départements de la Dordogne et de la Gironde -, la seconde , le grand nombre de fossiles com- muns entre ce calcaire et celui désigné par le nom de calcaire grossier dans le terrain de Paris. M. Leymerie répond que , sans avoir visité les localités citées par M. Dufrénoy, il connaît parfaitement les faits dont il s’agit, faits qui se trouvent consignés dans les Mémoires de ce savant géologue. Mais la discordance de stratification sur laquelle s’ap- Soc. géoL, 2:'’ série, tome IV. 30 5()2 ABBITTO-N A LA SÉANCE DU MARS 1847. puie M. Dufrénoy perdrait beaucoup de son importance, si le terrain calcaire marin de Saint-Justin était , ainsi que celui de Bordeaux (non pas celui de Blaye), supérieur au terrain la- custre du bassin sous-pyrénéen, comme les travaux récents des géologues du Midi tendraient à le faire croire ^ car il faudrait alors ranger ces calcaires dans la mollasse. A l’occasion de la communicatiop de M. Leymerie , M. Élie de Beaumont expose en peu de mois la manière dont il a classé, dans ses derniers cours , la partie de la série des terrains stra- tifiés qui s’étend du grés vert au calcaire grossier. M. Élie de Beaumont croit que si la série des terrains fossi- lifères était complètement connue, on n’y trouverait nulle part, entre les fossiles de deux étages immédiatement superposés , une différence plus essentielle que celle qui existe entre deux étages tertiaires consécutifs. « Puisqu’on a reconnu un certain nombre d’espèces communes entre les deux étages tertiaires (éocéne et miocène), il ne voit pas pourquoi la même chose n’au- rait pas lieu entre la craie et le terrain tertiaire (1) -, » car les soulèvements qui sont survenus pendant les périodes tertiaires et qui les ont séparées les unes des autres ayant été au nombre des plus violents, ils doivent avoir été aussi des plus propres à occasionner une grande différence entre les deux faunes qui , avant et après chacun de ces soulèvements , ont peuplé une même portion de la surface du globe. M. Élie de Beaumont s’est élevé depuis longtemps , soit dans ses cours , soit dans ses communications à la Société géologique , contre l’opinion qui regarderait chacune des révolutions de la surface du globe comme ayant déterminé, non seulement des déplacements (2), (t) Bulletin de la Société géologique de France^ série, t. IV, p. 384. Séance du 6 mai 4 834. (2) Des déplacements de populations suffisent quelquefois pour ex- pliquer les différences, souvent si tranchées, qu’on observe entre les fossiles de deux couches superposées. Dans mes recherches sur quel- ques unes des révolutions de la surface du globe, je me suis servi d’ex- pressions telles que celles-ci ; Une violente conunotian, h laquelle il est probable qii aucun être vivant n avait pu échapper, si ce n est à une grande distance des contrées et des mers qui en avaient été le théâtre immédiat [^Annales des sciences naturelles , t. XVIII, p. 325, 4 829). Le renouvellement presque périodique de la population anU 563 ADDITION A LA SÉANCE DU i^r 18/17. mais encore un renouvellement complet des êtres vivants. Ayant cherché à établir que les révolutions de la surface du globe se sont réduites à des soulèvements de montagnes cir- conscrits, chaque fois, dans un simple fuseau de la sphère ter- restre, il ne pouvait être conduit, par ses propres idées, à attribuer aux effets destructeurs de chacune d’elles un renou- vellement intégral de la nature organique sur tout le globe. De même que les terrains tertiaires, les terrains silurien, dévo- nien , carbonifère et permien , dont les dépôts ont été séparés en Europe par des dislocations si bien marquées , présentent cependant en Europe et dans les contrées mêmes où ils sont superposés en stratification discordante , des espèces com- munes qui font de chacun de ces terrains VEocène des terrains suivants. Si quelques parties de la série géologique pré- sentent, en apparence, des lignes de démarcation paléontolo- giques complètement tranchées , telles que celles qui sont si- gnalées entre les terrains paléozoïques et le grés bigarré , et entre le muschelkalk et le lias , cela provient , dans son opinion , de ce que certaines faunes intermédiaires , telles que celles du grès des Vosges, de la parùe inférieure du grés bigarré et des marnes irisées, nous sont encore entièrement ou à peu près inconnues. La faune si curieuse que MM. le comte Munster, Wissmann et Klipstein ont signalée à Saint-Gassian lui semble destinée à faire disparaître la lacune correspondante aux marnes irisées, et le terrain nummulitique lui paraît devoir combler de même une lacune qui existerait, suivant lui, entre la période de la craie blanche et celle de l’argile plastique. Lorsque les fossiles de tous les terrains seront complètement connus, depuis le terrain silurien jusqu’au terrain pliocène, ils formeront peut-être, dans leur vaste ensemble, une série aussi continue que l’est aujourd’hui la série partielle des terrains jurassiques et male et végétale de chaque contrée {Annales des sciences naturelles ^ t, XIX, p. 226, 1830). Ces expressions indiquent assez ce que j’en- trevoyais de partiel et de local dans les destructions d’êtres vivants opérées par les révolutions de la surface du globe. H faut encore ajouter que les œufs des poissons et des mollusques, de même que les graines des végétaux, ont dû échapper bien souvent, sur le théâtre même des soulèvements, à leurs effets mécaniques. e. d. b. ; ÔG/l ADDITION A La SÉANCE DU 1^» MARS 1847. crétacés, et que l’est, d’ajDrés le beau travail deM. de Verneuil , la série partielle des terrains paléozoïques. Pour réunir dans une série générale ces tronçons encore dis- continus, il faut travailler à faire disparaître les lacunes qui les séparent. M. Elie de Beaumont croit que les circonstances qui ont conduit les géologues à rapporter la classification des ter- rains crétacés et supra-crétacés à ceux de ces terrains que les illustres fondateurs de cette partie de la science ont observés [dans le nord de la France et en Angleterre, leur ont fait prendre ipour point de départ un type incomplet, dans lequel existait, à leur insu, entre la craie et l’argile plastique, une lacune qui correspondait à une longue période de temps 5 de là la diffé- rence paléontologique si considérable qui existe entre deux ter- rains, la craie blanche et l’élage tertiaire inférieur, qui dans le nord de la France et en Angleterre sont le plus souvent en contact immédiat run avec l’autre. Des observations qui , au premier abord , ont pu paraître minutieuses, sont venues depuis longtemps signaler, aux portes mêmes de Paris , l’existence de dépôts d’un âge intermédiaire entre celui de la craie et celui de l’argile plastique , et fournir à M. Elie de Beaumont l’occasion d’indiquer la manière de voir que de nouvelles réflexions l’ont conduit à préciser davantage. (( Une partie de Meudon, le chemin de la Princesse à Bou- )) gival , le Port de Marly, Vigny, Saint-Germain-Laversine , » voilà déjà, disait-il dans la séance du 20 juin 1836, une pre- » mière suite de points où l’argile plastique ne repose pas immé- » diatemeni sur la craie blanche ordinaire ^ on observe encore )) des faits de même genre dans le midi de la France, etc.... » Il tirait « de ces fails la conclusion qu’à la période du dépôt du » terrain crétacé proprement dit a succédé une époque tran- » sitoire que l’on pourra , si l’on veut, distinguer de la période » crayeuse, et pendant laquelle les eaux, très basses en cer- )) tains endroits, nourrissaient une population qui différait no- » tablement de celle qui existait lors du dépôt de la craie » blanche. C’est alors que se sont formées ces couches qui of- )) fient quelques fossiles tertiaires avec ceux de la craie (1)... » (1) Bulletin de la Société géologique de France^ î série, t, VH, p. 291. Séance du 20 juin 18.36. ADDITION A LÀ SÉANCL DU MAUS 18/|/. 565 Au Bas-Meuclon « la partie supérieure de la masse crayeuse est » formée par un calcaire jaunâtre peu solide , composé de pe- » tits grains ronds et de petits fragments de corps marins , très » faiblement agrégés, à l’exception de quelques parties plus » dures qui forment dans le milieu de la masse des tubercules » irréguliers. On y trouve des polypiers, des coquilles turricu- ))lées, quelques bivalves et de petites coquilles multilocu- » laires , qui ressemblent à des milliolites (1)... La plupart des )) coquilles recueillies dans cette localité étant indéterminables... » on doit seulement admettre ici , comme il faut l’admettre *))pour certains terrains crétacés du midi de la France, que » plusieurs espèces animales, dont les restes se présentent )) abondamment dans les plus anciens terrains tertiaires, exis- » taient déjà lors du dépôt des terrains crétacés (2). » En différents points de l’Europe, se montrent par lambeaux » discontinus de semblables dépôts, qui correspondent à l’é- » poque pendant laquelle se sont formées les couches de Meudon. Ainsi il n’est plus possible d’y voir une anomalie (3) , » et M. Élie de Beaumont est d’autant plus naturellement porté à admettre le parallélisme des divers lambeaux de terrains su- perposés à la craie blanche, auxquels M. Desor propose de donner collectivement p. 179 le nom à' étage danien, que lui-même, en 183A, il pensait que « ces couches qui , àBougival et au Port » de Marly, forment comme l’écorce de la craie..., le dépôt » calcaire posé immédiatement sur la craie blanche, entre » Vigny et Longuesse (Seine-et-Oise) , et les couches d’un ca- » ractére anormal que M. Graves a observées sur la craie à » Saint-Germain-Laversine (Oise) — pouvaient être les repré- » sentants de la craie supérieure de Maestricht. 11 les ci- tait pour montrer que « la liste des fossiles du terrain crétacé )) supérieur du nord de la France pourrait bien être encore très )) incomplète {fx). » A cette époque, il n’avait encore trouvé à (1) Bulletin de la Société ^éologciue de France , série, t. VI , p. 285. Séance du 1“’ juin 1 835. (2) Société philomatique^ séance du I 8 juin 1836. — Journal l'Institut, ir 164 , t. IV, p. 209. (3) Bulletin, série, t. VII, p. 291. " (4) Bulletin^ 1''“' série, t. IV, p. 392 et 393. Séancedu 19 mai 1834. 566 ADDITION A LA SÉANCE DU MARS l8/l7. Vigny 5 à Port-Marly et à Meudon que des fragments , très nom- breux à la vérité , de l’oursin dont M. Desor a formé une es- pèce nouvelle sous le nom de Cidarites Forchhammeri ^ oursin que, bien naturellement , il n’avait pu rapporter à aucune des espèces décrites et figurées jusqu’alors. Dans ses derniers cours M. Élie de Beaumont a figuré de la manière indiquée par le diagramme ci-dessous les relations de gisement qui lui paraissent exister tant dans le nord de la France que dans le bassin de la Méditerranée entre les ter- rains crétacés et supra-crétacés. Miocène. Éocène. Calcaire pisoUthique, étage (lanien. Craie blanche'. Grès vert. Lacune Miocène. Eocène. / / ! Terrain y / / J / nummulitique. Lacune ? Grès vert. M. Dufrénoy a constaté que prés des forges d’Abesse, non loin des rives de l’Adour et à Saint-Justin , sur la route de Mont-de-Marsan à Agen, le calcaire grossier, prolongement de celui de Bordeaux, repose en stratification discordante sur les couches redressées du terrain nummulitique. Ce dernier terrain constitue par conséquent un étage inférieur au calcaire grossier et tout à fait distinct de ce dernier. Il est bien constaté aujour- d’hui que parmi les fossiles du terrain nummulitique a une par- » tie appartient au terrain tertiaire, qu’une autre appartient à la )) craie, qu’enfin une troisième partie sont des espèces nou- » velles , qui peuvent appartenir aussi bien à l’une qu’à l’autre » formation... , et que la majorité numérique des fossiles ap- » partient à des espèces différentes de celles du bassin pari- ADDITION A LA SÉANCE DU 1^^ flIARS l8/l7. 567 )) sien (1). » D’après ces faits, « M. Elie de Beaumont pense... » qu’on ne pourrait classer les couches alpines dont il s’agit )) qu’après leur avoir appliqué la méthode des proportions nu- )) mériques, que M. Deshayes (ainsi que M. Lyell) a si heu- )) reusement appliquée aux divers étages tertiaires , et il croit » que l’application de cette méthode conduirait plutôt à séparer » les couches en question du calcaire grossier qu’à les en rappro- » cher (2). » Ces mêmes faits viennent directement à l’appui de la conclusion qu’à la période du dépôt du terrain crétacé propre^ 1 ment dit a succédé une époque transitoire , que Von pourra , si Von ueut, distinguer de la période crayeuse , et pendant la- quelle la faune maritime, sans être encore identique avec celle de la mer du calcaire grossier, était déjà très différente de celle de la mer crétacée. « On fera, si l’on veut, une ou plusieurs » formations nouvelles avec les dépôts (de cette époque) si- gnalés en divers lieux (3). » M. de Gollegno, dans une note qui a été imprimée dans le Bulletin de la Société géologique ^ t. X, p. 3^0 (séance du 20 mai 1839), a cherché à faire voir que les couches nummuiitiques de la falaise de Biaritz corres- pondent à celles du Vicentin. M. Elie de Beaumont partage^ complètement cette opinion. A ses yeux, les localités nummu- litiques du Vicentin, de la vallée de Glaris, des Diablerets, de la vallée de Sixt, d’Entrevernes , des environs de Gap, du col du Lauzanier, du cap de la Mortola , des environs de Gênes , de Biaritz, de la Navarre, du flanc méridien du Mont-Perdu, Me la vallée de l’Essera (en Aragon) et autres, qu’il à visitées de 1826 à 1838, appartiennent toutes à un seul et même étage de terrain -, mais il est porté à croire que le terrain nummuli- tique j dont le dépôt , à en juger par l’énorme épaisseur qu’il présente , lorsqu’on y conqirend le vaste système des grés à fu- coïdes (flysh) qui le recouvrent généralement (vallée de Barcelon- nette, environs de Gap, canton de Glaris), doit avoir embrassé (1) Biilietui de la Société géologique de France ^ 'F® série, t. IV, p. 381 et BS’S. Séance du 5 mai 1 834 (2) Bulletin de la Société géologique de France., F® série, t. IV, p. 385. (Séance du 5 mai 1 834.) (3) Bulletin de la Société géologique de France , P® série, t. VII, p. 292, Séance du 20 juin 1836. 5(58 ADÜITIOÎS' A LA SÉANCE DU 1^’*' MAKS 18/i7. un très long espace de temps , est postérieur, au moins en d partie, non seulement à la craie blanche, mais même à la craie de Maëstricht et au calcaire pisolithique. C’est dans cette pen- Mséeque, dans le diagramme ci-dessus, il a figuré une lacune entre la partie supérieure du grés vert et la base du ter- rain nummulitique. Il n’indique cependant cette dernière la- cune qu’avec doute, et ses doutes sont fondés sur ce que, si les couches à hamites, scaphites, turrilites, ammonites, etc., des hautes montagnes de la Savoie , ne sont pas plus récentes que la partie supérieure du grés vert, « on ne trouve pas dans » la Provence, le Dauphiné , la Savoie, la Suisse, de couches » qu’on puisse rapprocher, par leurs fossiles, de la craie blan- )) che de Meudon (1) ^ » et sur ce que, dans les points de la Savoie où le terrain nummulitique repose sur les couches en question (notamment au col de Tanneverge , dans la vallée du Reposoir, à Thone, etc., les couches nummulitiques « font suite )) immédiate au terrain crétacé (2), » à turrilites, etc., de ma- nière à laisser difficilement concevoir qu’une longue période se soit écoulée entre les dépôts des deux systèmes en contact. M. le professeur Sedgwick et M. Murchisan, dans leur grand travail sur les Alpes orientales (3) , ont signalé des liaisons et des passages du môme genre entre les couches crétacées et des couches plus récentes dont une partie rentre dans notre terrain nummulitique. Mais comme des liaisons apparentes de cette na- ture ont souvent été reconnues illusoires, et comme dans les ob- servations qu’il a faites en Grimée, postérieurement au printemps de l’année 1836, M. de Verneuil a trouvé le terrain nummuli- tique superposé à la craie blanche, M. Eüe de Beaumont se borne à l’énoncé d’un simple doute , reconnaissant que l’exis- tence d’une lacune considérable entre les couches à turrilites et les couches à nummulites de la Savoie et des autres parties du bassin de la Méditerranée serait, en elle-même, plus favo- (1) Bulletin de la Société géologique de France, série, t, IV, p. 389. Séance du I 9 mai 1834. (2) Bulletin de la Société géologique de France , 1^’® série, t. IV, p. 389. Séance du 19 mai 1834. (3) Transactions oj the geological society oj London , second sé- riés, t. III , p 301 . ADDITIO:^ A LA SLAxXCE DL MARS 18/i7. 569 rable à Topiiiion de l’extinction progressive des espèces dites crétacées et de leur remplacement graduel par les espèces dites tertiaires et à la classification géologique qu’il rattache à cette opinion. Si cette manière de voir était reconnue exacte, la ligne de démarcation entre les terrains secondaires et les terrains ter-l tiaires deviendrait aussi indéterminée et aussi peu nécessaire j que celle des terrains secondaires et des terrains de transition, i Mais si, pour ne pas rompre d’anciennes habitudes, on veut encore conserver la dénomination générique de terrains ter- tiaires, il semblerait à M. Elie de Beaumont qu’on ne saurait assigner aux terrains tertiaires une limite plus convenable que celle qu’on leur avait donnée dans l’origine, en l’appliquant aux dépôts qui se sont formés après le passage de ce flot im- mense qui a, presque partout, détruit et remanié les couches du calcaire pisolithique, de même que les couches supérieures de la craie proprement dite. « Là où s’observent les traces de » cette révolution qui a raviné les terrains antérieurs , là com- mence proprement le terrain tertiaire (1). » Et comme cette révolution a coïncidé avec le soulèvement des Pyrénées, sur les flancs desquelles le terrain nummulitique se trouve redressé , M. Elie de Beaumont pense que ce dernier terrain devra être classé parmi les terrains secondaires ^ quand même on le consi- dérerait comme constituant un étage complètement distinct de tous les étages des terrains crétacés. M. de Yerneuil remercie M. Elie de Beaumont de l’avoir cité relativement à la Crimée. Cette péninsule offre en effet cela d’intéressant, que la craie blanche , la même que celle de Meudon , s’y trouve en contact avec un dépôt analogue par ses fossiles à celui qui contient les grandes Numrnulites du sud de la France. Il ajoute que, n’ayant pas dans ces derniers temps étudié d’une manière spéciale la formation nummuli- tique en général , il ne saurait- avoir de conviction arrêtée sur le terrain auqutd elle appartient-, mais il rappelle que, dans son Mémoire sur la Crimée , publié il y a dix ans , il avait ex- (1) Bulletin de la Société géologique de France^ 1*'® série, t. YII, p. 292. Séance du 20 juin 1836. 570 ADDITION A LA SÉANCE DU 1®»' MARS ISA?. primé l’opinion qu’elle viendrait peut-être un jour établir un passage entre les terrains secondaire et tertiaire. (( Peut-être , disait-il, admettra-t-on quelque jour que pendant l’intervalle c[ui paraît chez nous avoir séparé les périodes secondaire et ter- tiaire , la mer déposait ailleurs les calcaires à larges Nummu- lites, et alors se comblerait cette grande lacune qui n’a dû être qu’un accident propre aux localités que les géologues ont eu d’abord occasion d’étudier. M. Deshayes demande à M. Elie de Beaumont où est, dans le terrain danien, la lacune dont il vient de parler. M. Elie de Beaumont répond qu’il est difficile de préciser quelque chose à ce sujet -, mais il en existe certainement une entre la craie de Maëstricht et les terrains tertiaires. M. Leymerie répond que les espèces communes aux marnes à fossiles tertiaires et à celles à fossiles crétacés sont parfaitement en place et jouent même, dans l’un et l’autre gîte, le rôle de fossiles habituels. Quant à la question de la postériorité du terrain marin de Saint-Justin et de Langnn au terrain d’eau douce sous-pyrénéen, il désirerait connaître l’opinion actuelle de M. Dufrénoy. M. Dufrénoy répond que si l’on considère sur la carte géo- logique la position du calcaire de Saint-Justin, on voit qu’il se rattache par une série de petits îlots, notamment ceux de Névac et de Castelnau, au calcaire grossier de Saint-Macaire , dont on ne saurait contester l’identité avec ceux de Bordeaux et de Blaye -, en sorte que rien ne lui fait penser qu’il y ait lieu de regarder le calcaire de Saint-Justin comme plus moderne , et que les conclusions qui ressortent de sa position transgressive sur le calcaire à nummulites restent dans leur entier. M. Boubée ajoute les observations suivantes : Cette iaeuoe , dont parle M. Elle de Beaumont , me semble très bien rendre compte de l’état des choses , et éclairer parfaitement cette question , car elle ouvre une place toute naturelle au terrain à Nummulites qui nous occupe. Ainsi , comme je l’ai déjà dit à une autre occasion , distinguant , dans les Pyrénées, les terrains qui font partie de la chaîne elle-même et ceux c|ui sont en dehors de la chaîne , je rappellerai que le terrain crétacé inférieur, le ADDITION À LA SÉANCE DU MARS 18/l7. 571 grès vert et le terrain néocomien y sont largement développés , et s’étendent même très avant dans la chaîne. Mais la craie su- périeure (la craie blanche du Nord) ne se retrouve nulle part dans nos montagnes. On ne l’observe qu’en dehors de la chaîne, en deçà de ce large fossé cpie j’ai déjà signalé au pied des Pyré- nées , et qui sépare ces montagnes des plaines de la Gascogne , comme un grand fossé stratégicjue sépare une place forte du ter- rain qui l’entoure. Eh bien, sur divers points en dehors de ce fossé , on découvre la craie blanche , caractérisée par sa structure terreuse et par ses fossiles les plus connus, notamment \Anan- chytes ovata , X Ostrca vcsicidaris ^ et c’est sur cette craie, l’ana- logue de celle du Nord , c[ue repose le terrain à Nummulites , comme on le voit très bien aux environs de Dax , aux environs de Saint-Gaudens, etc. N’est~il pas évident que ce terrain , dans lequel on peut , au reste , distinguer deux ou trois étages , vient remplir cette lacune, indiquée par M. de Beaumont. — Mais on m’a dit : Qu’est-ce qui prouve que ce terrain à Nummulites qui repose sur votre craie blanche n’est pas tout simplement la partie inférieure du terrain tertiaire , puisqu’il s’y trouve des fossiles tertiaires? Il m’est facile de répondre nettement à cette objection , car j’ai trois sortes de preuves à donner pour démontrer cjue le groupe nummu- litique appartient au terrain crétacé et non au terrain tertiaire. D’abord , le véritable terrain nummulitique , celui qui renferme ces grandes Ammonites en couches relevées , que j’ai décrites dans le Bulletin cV histoire naturelle de France , sous les noms de Nuni- niidites nidlecaput, JY. papyracea , N. crassa , JS', planospira , etc. , je ne l’ai vu nulle part en couches horizontales. Or, par des con- sidérations d’un ordre beaucoup plus général , M. Elie de Beau- mont a démontré que le soulèvement des Pyrénées est postérieur à la période crayeuse et antérieur à l’époque tertiaire ; par consé- quent , c’est un premier caractère géologique qui suffirait à démon- trer l’âge du groupe nummulitique , et qui le déclare antérieur aux terrains tertiaires. — Secondement, le caractère minéralogique des roches qui le composent : ce sont , pour la plupart , des roches , les unes blanches et absolument de nature crayeuse ; d’autres com- pactes , plus ou moins cristallines , mais sans mélange de tous h s éléments divers sableux et argileux , qui semblent un caractère propre au groupe des roches tertiaires , caractère qui subit quelques exceptions , je le sais , mais qui n’en est pas moins le caractère prédominant. Enfin une troisième preuve , c’est que si , dans ce groupe nummulitique proprement dit , on trouve quelques fossiles tertiaires, je puis dire qu’ils n’y prédominent pas. 572 SÉANCE DU 5 AVRIL iSliJ . Le caractère paléontologique est ici tout à fait insuffisant , puis- qu’il y a mélange de fossiles , les uns tertiaires , les autres crétacés. Or, j’ai indiqué deux caractères géognostiques qui tranchent nette- ment la question ; par conséquent , je me crois parfaitement fondé à maintenir l’opinion que j’ai émise depuis longtemps, savoir, que ce groupe nummulitique appartient au terrain de craie ; et main- tenant, éclairé par le parallélisme que iVI. de Beaumont vient d’établir entre les étages du Nord et ceux du Midi , et par les la- cunes qu’il signale , soit dans le Nord , soit dans le Midi , j’ajoute- rai : Non , dans le Midi , il n’y a pas de lacunes. La craie*y est com- plète , et , en effet . . terrain néocomien, grès vert et craie inférieure très développés dans la chaîne même des Pyrénées ; craie tu fan et craie blanche en dehors de la chaîne, surmontée par le groupe num- mulitique, qui complète la série crayeuse et fait le passage immédiat au terrain tertiaire ; en sorte que dans le Midi le groupe nummuli- tique remplit précisément cette lacune , constatée par M. fffie de Beaumont ,tout comme le calcaire pisolitique de M . Ch. d’Orbigny et la craie de Maëstricht semblent la combler dans le Nord. Séance du 5 avril 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Hugard , vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société ; MM. Le baron Léopold de Buch , membre de l’Académie des sciences de Berlin, à Berlin, présenté par MM. Élie de Beau- mont et de Verneuil ^ Féry, architecte, sous-inspecteur des travaux publics, à Paris, rue du Faubourg-Saint-Martin, 71, présenté par MM. les abbés Lévèque et Raquin -, Benoit (Paul) , élève de l’Ecole des mines, i\ Paris, présenté par MM. Diifrénoy et de Verneuil. M. Domnando, correspondant du Muséum d’histoire natu- SÉANCE DU 5 AVRIL 18Zl7. Ô7B relie de Paris , résidant à Athènes (Grèce), est , sur sa demande, admis à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy- tolog/qiwj 25^ livraison. De la part de M. Amédée Burat, Etudes sur les r?iiues. — • Théorie des gîtes mètcdUféres , appuyée sur la description des principaux types du Harz , de la Saxe, des provinces rhénanes, de la Toscane , etc. , in-S^, 358 p., 10 pl. Paris, 18/i5. 2o Etudes sur les mines [supplénient). — Description de quelques gîtes métalliques de d Algérie, de V Andcdousie , du Taurus et du TTersterwald {Prusse) , et de la Toscane; in-S^, 163 p., 1 pl. Paris, 18Zi6. 3^ Etudes sur les gîtes calaminiféres et sur l'industrie du zinc de la Belgique; in-8o, 1x7 p., 5 pl. Paris, 18/i6. De la part de M. leD^ Ch. Martins, De l' ancienne extension des glaciers de Chamonix , depuis le Mont-Blanc jusqu au Jura (extr. de la Revue des deux mondes , t. XVII, 1^^' mars 18/s7)', in-8o, 25 p. Paris, 18/i7. De la part de M. Ch. Lvell , Trav: Is in North America , etc. (Voyages dans l’Amérique du Nord, avec observations géolo- giques sur les Etats-Unis, le Canada et la Nouvelle-Écosse)- 2 vol. in-8*^, avec planches , cartes et coupes. Londres, j8Zî5. De la part de M. W.-C. Redfield, Some account , etc. (Rela- tion de deux visites aux montagnes du comté d’Essex (New- York) dans les années 1836 et 1837) (extr. du Journal de Sillimcin, vol. XXXIII, n<^ 2) 5 10-8*^, 23 p. De la part de M. le prince de Metternich, Die Cephalopo- den, etc. (Les Céphalopodes du Salzkammergute (Autriche) qui se trouvent dans la collection du prince de Metternich , pour servir à la paléontologie des Alpes, par Franz Ritter de Hauer, avec 11 planches lithographiées et une introduction de W. Haidinger) -, hS p, 11 pl. Vienne, I8/j6. SÉANCE DU 5 AVRIL 18Ü7. hlh Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; ISA?, semestre, t. XXIY, il — 13. Bulletin de la Société de géographie ^ 3^ série, t. Yîl , n® o8. Llnstitut; 18Zi7 , no» 689 — 691. Mémoires et Comptes rendus de la Société d’émulation du Doubs t. 1er, 3e et Ix^ livraisons, décembre 18âl -, t. II , et 2e livraisons , juillet 1842 • t. III , décembre 18Zi2 et décembre 18Zi3 -, 2e vol., t. I et II, 18M, 1845. The Athenœum, iS!i7 The Mining Journal , 18A7 ^ n^s 604 — 606. Arsherattelse , etc. (Compte-rendu annuel des progrès de la, chimie et de la minéralogie au 31 mars 1846, par Jacq. Ber- zélius)-, in-8e, 704 p. Stockholm, 1846. Kongl. Vetenskaps-Acadcmiens Handlingar for ar 18/|4 (Mémoires de l’Académie royale des sciences de Stockhobn pour l’année 1844)^ in-8e, 447 p., 13 pl. Stockholm, 1846. Oversigtj etc. (Bulletin des séances de l’Académie royale des sciences de Stockholm pour l’année 1845)* in-S», n^s 1 — 10. M. de Yerneuil offre de la part de M. Ch. Lyell son ouvrage intitulé : Trauels in North America, etc. (mentionné ci- dessus) . M. d’Archiac propose , au nom de la Société d’émulation du Doubs, l’échange avec le Bulletin. — Renvoyé au Conseil. M. de Boys présente, au nom du Trésorier absent, l’état de la caisse au 31 mars 1847. Ttat des recettes et des dépenses depuis le l^r j anuier jusqu au 31 mars 1847. Il y avait en caisse au 31 décembre 1846. . 4,400 fr. 05 c. La recette, depuis le l"*" janvier 1847, a été de 4,124 » Total 8,524 05 La dépense, depuis le 1®^ janvier 1847, a été de 4,360 80 Il reste en caisse au 31 mars 1847 4,163 25 SÉANCE DU 5 AVRIL 18^7. 575 M. Rozet fait une communication sur le terrain crétacé des environs de Dijon , sur lequel M. le D»* Jules Ganat enverra une Note. Ce terrain borde toute la falaise de la Côte-d’Or. M. Thurmann communique des observations sur les relations qui existent entre la géographie botanique et les terrains de la chaîne du Jura et celle de l’Albe wurtembergeoise des Vosges , des collines lorraines et de Kaiserstukz. M. Thurmann cite un grand nombre d’espèces végétales qu’il a observées sur ces dif- férents points , et qui sont en relation constante tantôt avec la nature des roches , mais plus souvent encore avec les circon- stances topographiques de ces diverses stations. La conclusion générale de ses études, c’est que la composition chimique du sol est sans influence sur la végétation. M. Boubée s’applaudit de l’application de la botanique h la géologie , à cause des déductions qu’on peut en tirer pour l’agriculture^ mais , contrairement à l’opinion de M. Thurmann, il pense qu’il y a des roches qui agissent sur les végétaux par leur constitution chimique, et il cite à l’appui plusieurs plantes qui ne se trouvent jamais que sur les memes roches : telles que le Teucrium pjrenaicum , qui apparaît , dans les Pyrénées , par- tout où se trouve quelque couche de calcaire , et qu’on ne ren- contre jamais sur aucune autre roche \ le Sedam sphæricum , qui est propre aux granités de l’Ariége , et qu’on ne découvre non plus jamais sur aucune autre roche, etc., etc. N’est-il pas évident que l’élément calcaire est indispensable au T eucriiim pyrenaicLim , et que la matière alcaline du feldspath est néces- saire à la végétation du Sedum sphæricum ? M. Marcou combat l’opinion de M. Rozet qui pense que le Jura est le produit du soulèvement du Mont-Rose. M. Rozet répond que le Mont-Rose se trouvant au centre de la couche jurassique, il lui a attribué le soulèvement du Jura. M. Constant Prévost fait remarquer que M. Rozet a émis cette idée sous l’influence de cette doctrine qui admet un sou- lèvement partout où il y a des couches inclinées. M. Thurmann nie que le Grand- Vaux soit un cirque comme le soutient M. Rozet. M. Rozet appelle cirque le résultat du croisement des dislo- cations. 576 SÉANCE DU 5 AYRTL 18/l7. M. Thurmann montre que la vallée de Grand-Vaux est bordée de montagnes à couches inclinées vers Taxe ; mais un cirque , dit-il, est un amphithéâtre circulaire. M. Rozet définit une vallée une cavité où feau peut s’écouler et d’où elle peut sortir, tandis qu’un cirque n’offre pas une pente dans un sens ^ les eaux ne s’en échappent que par des cluses ou y forment des lacs. M. Guihal, membre de la Société, à Nancy, annonce qu’il a entrepris de décrire et de figurer tous les fossiles connus des terrains du département de la Meurthe. Le trias lui a fourni 380 espèces, savoir ; environ 100 pour le muschelkalk et le grés bigarré , 5 pour les marnes irisées , et 275 pour le lias. Les trois étages de l’oolitlie lui paraissent devoir en fournir environ 600. Le Secrétaire lit la lettre suivante de M. de Gollegno. Florence, ce 10 mars 1847. Monsieur le Président , Deux mémoires insérés dans le tome IIP du Bulletin de la So- ciété contiennent sur les terrains de l’Italie des assertions qui ne s’accordent point avec ce que j’avais publié moi-même en 18/iâ et 18â5. Qu’il me soit permis de dire quelques mots à l’appui de mes opinions. Je ne saurais assez regretter , en premier lieu , que M. Fouriiet n’ait pas eu plus de temps à consacrer à l’étude des terrains sédimeiitaires des Alpes. C’est à cette circonstance qne j’aime à rapporter la différence cpii existe entre nous au sujet de la classification de ces terrains , difiérence qui disparaîtrait , je l’espère , si , avant de })ublier le travail ]dus développé qu’il pré- pare, M. Fournet voidait visiter en détail les Alpes italiennes. Ainsi , dans ses Notes sur le Tyrol méridional {^Bulletin ^ 2® série,, t. 111, p. 27), il rapporte à la formation du grès bigarré et du muschelkalk toutes les assises calcaires et autres qui se trouvent inférieurement aux calcaires rouges à cassure pierreuse et com- pacte, di\ec, Jptycliies et Ammonites jurassiques. 11 est vrai que « l’existence des grès bigarrés et du musclielkalk primitivement admise dans le l'yrol , puis niée , se trouve maintenant fortement appuyée par les observations les plus récentes » ( page 29 ) , et par- ticulièrement par celles de AIM. de Buch , Meneghini et Pasini. 577 SÉANCE DU 5 AVRIL 18/17. C’est à tort que je pensais, en que le trias ne se voyait dans les Alpes italiennes que sur quelques points isolés et peu éten- dus que j’avais cru pouvoir négliger dans mon Esquisse tVuue carte géologique , tandis qu’il se montre en réalité à la frontière de l’Italie , vers les sources de la Drave , du Gail , de la Piave et du Tagliamento , sur une étendue de ]ilus de 60 myriamètres carrés, et qu’il y constitue quelques unes des hautes cimes qui dé- terminent la division des eaux de l’Adriatique et de la mer Noire. La limite méridionale du trias paraît suivre le cours même de laFella et du Tagliamento, depuis Cliiusa, par Resciutta, Tol- mezzo, etc. , suivant une direction générale sensiblement paral- lèle à la chaîne orientale des Alpes. Sur toute cette étendue le trias se compose principalement d’un calcaire argileux, grisâtre, qui contient les fossiles plus caractéristiques du muschelkalk ( A//- crinitcs liliformis , Ammonites noclosus , etc. ) , outre une quantité d’Avicules, de Térébratules, de Posidonies moins bien conservées; au-dessus de ce calcaire on voit, sur plusieurs points, des grès plus ou moins schisteux , plus ou moins micacés, dont la couleur bigarrée varie du gris verdâtre au rouge de brique. Ces grès contiennent en grande cpiantité \ Aviculn socialis bien caractérisée, YHalohia LomelUi et plusieurs autres fossiles décidément triasi- ques. C’est dans ces grès aussi que paraissent se trouver les dépôts de combustible de Raveo , sur lesquéls AI. Aleneghini a présenté un excellent travail au congrès de Gênes. Le trias des Hautes- Alpes tyroliennes s’étend vers l’ouest jusqu’aux grandes masses porphyriques de Boizano, et c’est à ses assises qu’appartiennent les localités de Saint-Cassian , de Wengen , etc., devenues célèbres depuis quelques années par le singulier mélange des fossiles qu’on y recueille en si grande abondance. Au midi du Tagliamento le trias s’enfonce sous le terrain jurassique , mais il reparaît au fond de quelques unes des vallées du Bellunais et du Yicentin , et no- tamment prèsd’Agordo et de Recoaro. Al. de Buch rapporte éga- lement au trias les marnes à Trigonia IFJiatelyœ de S. Pelle- grino dans le val Brembana {Bulletin^ 2® série, t. II, p. 3â8) , et je dois ajouter que plusieurs géologues italiens considèrent encore comme triasique le grès rouge si bien développé sur les bords du lac de Como et dans le Val Sasina. Ce grès passe souvent au « conglomérat rouge avec cailloux de porphyre quart- zifère et d’autres roches cristallines plus anciennes, » qui est le onzième et le plus inférieur des groupes indiqués par AI. Fournet. J’ai cru , de mon côté , pouvoir rapporter ces grès à la formation jurassique {Bulletin^ 2® série , t. F', p. 181); mais, lors même Soc. géol., 2® série, tome IV. 37 578 SÉANCE DU 5 AVRIL 1847. qu’il vieiidrait à être démontré qu’ils sont réellement triasiques, il ne pourrait en être de même des assises calcaires et marneuses qui constituent les groupes n°® 9 et 10 de M. Fournet. Ces assises pré- sentent une épaisseur totale de 6 à 7 mètres , et leurs fossiles , très abondants et fort bien connus aujourd’hui , appartiennent à la for- mation jurassique ( depuis le lias inclusivement jusqu’aux assises les plus élevées du calcaire de Portland). Je regrette fort , je le répète , que M. Fournet n’ait étudié ces assises .que dans la partie du Tyrol où elles ont été le plus disloquées, et qu’il ait cru ensuite pouvoir généraliser ses observations et considérer comme caractère normal de ces calcaires leur état fendillé , souvent dolomitique , qui n’est réellement qu’un état partiel , postérieur au dépôt du terrain. S’il avait pu prolonger son séjour dans les Alpes italiennes, il aurait trouvé assez d’exemples de passages latéraux depuis le calcaire compacte non magnésien à la dolomie la mieux caracté- risée. Dans la haute vallée du Tessin surtout il eût pu voir au pied des escarpements dolomitiques desblocs dont une des faces est à l’état de dolomie grenue, tandis que la face opposée présente en- corè la schistosité habituelle des roches calcaires de la contrée, qui ont conservé d’ailleurs leur composition primitive et tous leurs caractères sédimentaires à quelques mètres de la surface des escar- pements {Bulletin , série, t. VI, p. 106). M. Fournet eût pu d’ailleurs recueillir dans les dolomies du val Lumezzane , dans celles de Bellagio, de Grianta, des fossiles dont le test est lui-même devenu magnésien , et peut-être eût-il été amené à croire que ce n’est pas à tort que « cette série de couches a été le plus souvent citée » à l’appui de la théorie du métamorphisme. » Mais ces remar- ques s’appliquent plus particulièrement encore au groupe n° 7 de M. Fournet. a Les dolomies Manches , cristallii:^fs , en belles » assises régulières , passant vers le haut à des calcaires blancs, » compactes, veinés de dolomie sub -cristalline , » qu’il a vues à Santa-Agata, sont dues à un phénomène purement local. Les cal- caires rouges et blancs, qui constituent, en Italie, la partie la plus élevée de la formation jurassique , sont parfaitement connus au- jourd’hui dans toute la Péninsule. Outre les localités indiquées par M. de Buch {Bulletin^ 2® série, t. II, p. 359), on les a suivies dans les Apennins des Etats Romains et des Abruzzes, dans les Alonti Pisani, dans les environs du IVlonte Amiata, etc. Nulle part on n’a vu entre le calcaire blanc et le calcaire rouge des assises régulières de dolomie ; seulement, dans certaines localités, àla?tladonnadel Monte de Varese, par exemple, le calcaire blanc est remplacé par une dolomie identique avec celle de Santa-Agata. Mais, de même SÉANCE DU 5 ÀYRÏL 18^7. 579 qu'à Santa-Agata, on voit près de la dolomie de Yarese les masses ignées du Yal Gana, que ]\j[. de Bucli a appelées des porphyres pyroxéniques et que tous les géologues ont retenues pour telles jus- qu’en 18à5... Mais je ne veux point entrer ici dans des discussions théoriques sur les causes de la dolomisation ; je cite simplement des faits qui sont connus de tous les géologues qui ont visité les Alpes italiennes, et j’en appelle en particulier aux membres de la Société qui ont assisté, en 18àà , au congrès de Milan , et qui ont I pu voir à Gavirate le calcaire blanc reposer immédiatement sur I le calcaire rouge à Ammonites , sans aucun indice des assises de dolomie. Rien ne me paraît donc mieux prouvé dans les Alpes italiennes que « l’interposition normale des dolomies parmi d’au- » très roches douées de tous les caractères d’une origine purement )) aqueuse. » — \ ^3. formation niimmulitiqiœ n’étant citée que pour mémoire dans les notes de M. Fournet, jeme bornerai à faire ob- server que des « calcaires grisâtres ou blanc sale , plus ou moins schistoïdes, oolitiquesou compactes, » se trouvent en effet sur plu- sieurs points des Alpes, mais le plus souvent injéricurement au cal- caire rouge avec Aptychies et Ammonites , et qu’ainsi ces calcaires du groupe m 5 doivent bien être rapportés à l’étage jurassique. Je passe maintenant au Mémoire sur le gypse du Monte^Argen- tario de M. Coquand ( 2® série , tome II! , p. 302 ). Je disais , en 18àà, dans mon premier Mémoire sur les terrains sédimentaires des Alpes (tome P*’, p. 179) , que les fossiles du calcaire rouge paraissent devoir faire considérer ce calcaire comme l’équivalent de l’étage oolitique inférieur , peut-être même de la partie supé- rieure du lias; mais je disais aussi que le calcaire fouge et le cal- caire blanc, qui lui est immédiatement superposé , constituent en Italie la partie la plus élevée de la formation jurassique. Si , en fait , la plupart des Ammonites du calcaire rouge se retrouvent dans le lias du nord de l’Europe , ces mêmes Ammonites ne s’en trouvent pas moins dans les Alpes italiennes au-dessus de 6 à 700 mètres de calcaires plus ou moins argileux, plus ou moins siliceux , mais contenant exclusivement , je le répète , des fossiles jurassiques. Je n’ai jamais pensé et je ne pense pas encore qu’on puisse établir, en Italie , des divisions et des subdivisions qui cor- respondraient par leurs fossiles aux divers groupes de la série ju- rassique du nord de l’Europe. Yoici, au contraire , comment je crois pouvoir me rendre compte des caractères paléontologiques des terrains jurassiques des Alpes et de toute ritalie. Qu’on se rappelle la disposition des mers j urassiques , telle qu’elle est in- diquée dans l’explication de la carte géologique de la France , et 580 SÉANCE Dü 5 AVRIL 1847. l’on comprendra que les dépôts des mers qui recouvraient le midi de l’Europe actuelle devaient se former dans des circonstances bien différentes de celles qui influaient sur la nature des dépôts contemporains du nord. Dès lors, on ne saurait retrouver en Italie tous les caractères paléontologiques du lias de Lyme-Regis et ceux des divers groupes jurassiques du comté d’Oxford ; autant vaudrait supposer que les dépôts actuels de la mer Rouge , par exemple, enseveliront toutes les mêmes espèces de mollusques que les dépôts qui se forment à rembouclmre du Nil, du Rhône, ou même à celle de la Seine et de la Tamise. Le lias de Lyme- Regis n’a guère que 30 à 40 mètres de hauteur , tandis que l’en- semble des terrains jurassiques de l’Italie a une puissance de 1,000 mètres environ. Quelles que soient les circonstances qui ac- compagnent la formation de deux dépôts contemporains, il me pa- raît bien difficile qu’il en puisse résulter une diflérence aussi pro- digieuse dans l’épaisseur des sédiments déposés. Si , au contraire , on admet que le terrain jurassique de l’Italie représente l’ensemble de la formation de même nom dans le l^assin septentrional de l’Europe, la puissance totale de chacun des deux dépôts sera sen- siblement égale. On peut d’ailleurs admettre, sans trop s’écarter des possibilités géologiques, que les événements qui ont modifié la faune des mers jurassiques septentrionales n’ont pas exercé une grande influence au-delà des détroits qui communiquaient avec les mers de l’Europe méridionale , et l’on expliquerait ainsi la permanence des espèces basiques en Italie , pendant que les mers de France et d’Angleterre étaient habitées par les animaux dont les restes caractérisent aujourd’hui les groupes jurassiques supé- rieurs. Cet état de choses aurait duré jusqu’au moment où , une révolution générale du globe suspendant la formation régulière des dépôts jurassicpies, toutes (ou presque* toutes) les espèces de cette période disparurent pour faire plac e à la nouvelle faune des couches néocomiennes actuelles. De quelques particularités relatives h la forme extérieure des anciennes moraines des Vosges , par M. Ed. Collomb. Si l’on examine avec attention la section transversale de la plu- part des anciennes moraines des Vosges , on remarque que la pente du talus en aval est constamment inclinée sous un angle très fort , angle qui va souvent jusqu’à 35*’, surtout lorsque ces amas sont couverts d’un revêtement en gazon qui les préserve de l’action destructive des agents extérieurs, tandis que sur le revers opposé SÉANCE DU 5 AVRIL 18^7. 581 du rempart, c’est-à-dire en amont, la pente se perd graduellement et finit par se confondre avec le niveau du sol. Lorsque le gazon manque et que la surface de la moraine n’est formée que de pierres et de sable, comme c’est souvent le cas dans certaines localités , le relief extérieur est modifié par cette circon- stance ; les talus de part et d’autre sont alors moins escarpés , et la difi’érence relative de leurs pentes devient moins sensible à l’ob- servation , parce que les agents atmosphériques tendent constam- ment par leur action lente et continue à dégrader, à niveler des matériaux minéralogiques qui sont simplement posés les uns sur les autres sans être retenus par aucun ciment agglutinatif. 11 elati veinent à cette question des talus, nous prendrons pour type, comme exemple d’ancienne moraine frontale des Vosges , celle qui liarre la vallée de Mollau et qui se trouve au milieu du village de Hüsseren , près de Wesserling ; elle est dans un état de conservation parfait, le sol n’en a jamais été livré à la culture, sauf quelques champs labourés en amont, où l’on peut recueillir des galets striés. Elle est couverte d’un manteau de gazon fort épais qui laisse percer de loin en loin quelques blocs erratiques de gra- nité. Son arête culminante est omljragée de chênes séculaires. Elle a 15 à 18 mètres de hauteur verticale; sa projection horizontale ne décrit pas de courbe bien prononcée ; elle suit une ligne droite qui court d’un bord à l’autre de la vallée dans une direction per- pendiculaire à son axe. Elle a tout l’aspect d’un énorme rempart 1 qui aurait été élevé sur ce point pour la défense de la vallée. La I pente du talus en aval s’éloigne peu de 35" , tandis qu’en amont la 1 pente s’adoucit graduellement et forme plusieurs étages, plusieurs grandes marches d’escalier cpii finissent par se confondre avec le ^ niveau du sol. . Toutes les autres moraines frontales des vallées des Vosges pré- sentent la même disposition relativement à l’inclinaison de leurs talus; en amont la pente est faible, en aval elle est forte. Cette règle est générale et ne présente d’exceptions cjue dans les localités où la configuration du sol a permis aux courants d’eau , aux tor- rents, d’exercer des ravages, qui, avec le temps, ont défiguré l’œuvre des temps passés , surtout si , comme nous l’avons fait re- marcpier tout à l’heure , le revêtement en gazon vient à manquer. Pourc{uoi cette différence dans l’inclinaison des pentes? Je n’ai pu me rendre un compte exact du phénomène que lorsque je me suis trouvé en présence d’une moraine en voie de formation dans les hautes régions de la Suisse , par la comparaison du fait qui se 582 SÉANCE BU 5 AVRIL 1847. passait sous mes yeux avec celui qui avait eu lieu dans les anciens temps et dans d’autres contrées. Ainsi, lorsqu’une moraine est en voie de formation , le glacier apporte tous les jours ses débris au pied de son talus terminal ; la moraine s’appuie contre le glacier, les pierres touchent la glace, sauf quand l’inclinaison du sol est très rapide , mais nous supposons pour plus de clarté que le glacier se meut sur un plan presque horizontal. En tombant , les pierres roulent les unes sur les autres; souvent elles se brisent quand la nature de la roche le permet, parfois les plus gros blocs sont lancés au loin en rebondissant, et les menus débris, les sables s’arrêtent immédiatement à son pied. Aussi longtemps que la partie frontale du glacier est en voie de progression , les choses se passent de même ; mais aussitôt qu’elle recule, c’est-à-dire quelle fond dans une proportion plus forte qu’elle ne progresse , il s’opère un changement dans la forme exté- rieure de la moraine. Les matériaux qui tout à l’heure s’appuyaient contre le glacier en sont maintenant à une certaine distance ; entre la moraine et le glacier il y a un petit vallon , un fossé , dont la largeur est égale à la quantité dont le glacier a fondu. Mais , tout en procédant à son mouvement de retraite , tout en fondant , le glacier n’interrompt pas le transport des débris ; ceux dont sa sur- face est chargée et qui sont destinés , par son mouvement continuel de progression , à alimenter sa moraine , continuent à tomber ; ils jonchent le fossé et contribuent à élever son niveau relatif au-des- sus du sol. La pente du talus tourné du côté du glacier sera par conséquent beaucoup moins rapide que celle du côté opposé. Plus la retraite du glacier aura été lente, plus le nombre des débris dé- posés en amont sera considérable ; il arrivera même quelquefois que le fossé sera complètement comblé ; la section transversale de la moraine, au lieu de présenter une surfaee conique, prendra la forme d’une terrasse , comme on peut le remarquer dans quelques anciennes moraines des Vosges. C’est dans l’été de 1846 que j’ai pu assister à la retraite de quel- ques uns des principaux glaciers de la Suisse , surtout ceux de rOberland bernois. Si la saison eût été froide et humide, les gla- ciers , au lieu de reculer, se seraient portés en avant , et ce mouve- ment aurait eu une influence directe sur la forme extérieure des moraines. Si nous attaehons de l’importance à la question des talus morai- niques , c’est pour constater la différence qui existe avec ceux qu’on 583 SÉANCE DU 5 AVIUL 1847. remarque dans les amas de matériaux de transport résultant du mouvement des eaux. Ensuite elle peut donner quelques indica- tions sur la manière lente ou rapide dont les anciennes glaces ont disparu de la surface du sol. Si les talus ont une inclinaison égale en amont et en aval , le glacier aura opéré sa retraite par un pro- cédé très rapide ; mais si le talus présente une inclinaison très faible en amont, on peut en augurer que le glacier n’a disparu que par une fusion lente. De toutes les révolutions géologiques qui ont exercé leur action sur la surface de la terre , le phénomène des anciens glaciers pren- dra son rang parmi les plus considérables et certes des plus diffi- ciles à expliquer , et cependant les traces qu’il a laissées de son pas- sage présentent cela de particulier , qu’elles sont peu considérables sur la croûte terrestre et qu’elles n’affectent pour ainsi dire que sa pellicule la plus superficielle. A en juger par les faits qui sont aujourd’hui connus , le phénomène a dû avoir une grande portée climatologique , non seulement dans les pays de montagnes , mais probablement sur un liémispbère, si ce n’est sur le globe tout entier , et toutefois les restes matériels , les ruines de cette épocjue, si l’on peut s’exprimer ainsi, sont reléguées dans un petit nombre de localités ; elles sont si faiblement accusées que les géo- logues ne seront pas surpris , si , dans les recherches qui s’y rap- portent , on est obligé d’apporter un esprit minutieux et de tenir compte des plus légers accidents de la surface du sol. M. de Wegmann lit l’extrait suivant d’une lettre de M. Boué à lui adressée. « M. François de Hauer vient de décrire une CAiprina Partschii voisine de la C. A?iguilloni d’Orb. Elle se trouve dans le terrain de Sosau avec des Hippurites {H. costalatus Goldf., etc.), soit à Sosau même, soit au sud de Yienne , près de Grunbacli, au pied d’un haut escarpement de calcaire secondaire. Comme M. de Hauer a eu la satisfaction de pouvoir en faire dessiner des exem- plaires parfaits , soit extérieurement , soit intérieurement , cette Caprine paraît fort curieuse par ses dents, dont l’une est fort grosse, et par la structure de son test qui offre un épiderme qui se délite et une partie interne particulière. Cette description se trouve dans les Naturwissenschafliche Ahhandlungcn de la Société des amis de r histoire natai elle de Vienne, yo\. I, p. 109-117, avec une planche lithographiée, 1847. Quelquefois plusieurs individus adhèrent ensemble, comme le font les huîtres. SÉANCE DU 5 AVRIL i8Zl7. bSli « M. IVJoiiot publie une Notice sur les Alpes allemandes , avec une petite carte géologique et une coupe. Ce ne sera qu’une bro- cliure de 2 à 300 pages. M. de Pizek publie, de son côté, une Carte géologique des environs immédiats de Vienne^ avec plusieurs coupes. M. de Hauer donne des leçons de paléontologie au Musée des mines. M. Partscb se dispose à descendre le Danube jusqu’à son embouchure pour faire la géologie de ses bords en Turquie. « Note critique sur h genre Paléothérium, par M. A. Pomel. Le genre des Paléothérium est certainement un des plus inté- ressants , en ce que c’est par la restitution de ses caractères ostéo- graphiques que Cuvier a commencé cette série de travaux remar- cpiables, qui nous ont fait connaître des formes animales noni- Ijreuses, aujourd’hui éteintes à la surface du globe. Aussi, la partie de ses recherches consacrée à la description de ses formes se fait-elle remarquer par l’exposition des principes qui ont guidé leur auteur dans la route nouvelle qu’il se frayait. Sous ce rapport, nous ne pouvons approuver la critique qu’on en a faite récemment, et bien loin de ne trouver clans ce travail aucun ordre et aucune méthode , nous pensons qu’il était bien plus juste et surtout plus convenable d’y puiser des leçons pratiques de déterminationsostéo- logiques. Les Paléothérium sont des pachydermes ordinaires , c’est-à-dire à système digital impair, cjui participent à la fois des formes des Rhinocéros, Darvares, Tapirs et Chevaux , comme s’ils avaient été le type primitif de ces différents genres de la même famille dont l’apparition est postérieure à la leur. Mais dans ce mélange de ca- ractères propres aujourd’hui à des types généricjues bien tranchés, on reconnaît toujours une prédominance marcpiée des formes tapi- roïdes. Il serait inutile d’entrer ici dans de plus grands détails sur l’organisation de ces animaux ; nous y reviendrons dans un travail général que nous préparons sur la faune du bassin parisien. M. de Blainville est le premier naturaliste c|ui ait songé à donner au genre Paléothérium d’autres limites cpie celles établies par (1. Cuvier, en y rapportant les Lophiodons, et même, mais avec réserve, les Anthracotherium et les Cheropotamus. Or, la plus grande ressemblance des Lophiodons avec les Tapirs est aussi évi- dente que la difïérence entre les Paléothérium et les Rhinocéros, cjue personne ne révocjue en doute , quoicpie le même auteur ait supposé que ceux-là n’étaient que des Rhinocéros sans corne. Il suffit de rapprocher des dents de Paléothérium , de Lophiodon et sj‘Am:jî: du ô avril 18/i7. 585 de Tapir pour se convaincre sans difficulté cpie s’il y avait iin rap- proclieinent à faire entre deux de ces genres ce serait certainement entre les deux derniers, à tel point qu’il est souvent difficile de dis- tinguer une arrière-molaire supérieure de Lophiodon des analogues du. Tapir. Quant aux Ajithracotlieriiun et aux Cheropotanuis ^ il est si évident que tous leurs rapports généraux sont avec les pachy- dermes paridigités , que leur rapprochement avec les Paléothérium ne peut être expliqué que par le but d’établir une liaison entre les deux familles pour compléter la série linéaire en ce point. Nous ne trouvons en effet d’autre motif exprimé par l’auteur, que l’existence d’un troisième trochanter dans un fragment de fémur rapporté à tort aux Anthracotherium^ et ayant certainement appartenu à un Hhinocéros dont on a trouvé d’autres débris incontestables dans le même gîte. En outre , il y a autant de motifs de réunir les Che- ropotamus diuyi A nthracotherium qu’il y en aurait pour associer ceux- ci aux A/wplotherium , et s’il fallait chercher parmi les ossements des plâtrières décrits par Cuvier ceux des Cheropotamus ^ il ii’y a pas de doute que ce ne soit plutôt parmi ceux attribués à Y Anoplothe- riuiu secundarium , notamment les phalanges , que parmi ceux des divers Paléothérium. Nous discuterons plus tardées questions im- portantes; il nous suffit aujourd’hui de fixer sur ce point l’atten- tion des naturalistes , afin qu’ils n’adoptent pas sans contrôle les opinions de M. de Blainville dans ce qu’elles ont de contradic- toire avec celles de Cuvier. Il en sera de même pour la question des espèces qui se trouve traitée dans l’ouvrage de M. de Blainville avec des idées nouvelles, mais en opposition trop marquée avec les faits les plus évidents et les mieux établis pour qu’on puisse les adopter. Pour les réfuter il nous suffira de dire que tous les distingués par Cuvier, de même que les Lophiodons et \es Authracotheriuni diffè- rent entre eux par des caractères aussi tranchés, pour ne pas dire plus , que ceux reconnus entre les espèces vivantes dont la distinc- tion ne peut être révoquée en doute. MaisM. de Blainville, consi- dérant sa théorie de la série linéaire comme un principe d’une ri- goureuse exactitude , établit en fait que les espèces doivent être seulement caractérisées par les difîérènces dans ce qu’il considère comme la raison de la série ; ou , pour parler un autre langage , que les Paléothérium , par exemple , ne pourront être considérés comme d’espèces difi'érentes que lorsqu’ils auront des particularités diffé- rentielles dans leurs dernières molaires supérieures, quand même ils se caractériseraient par tout le reste cîe leur organisation. Or, 586 SÉAPsCE DU 5 AVRIL l8Zl7. l’observation des faits démontre que nous ne pouvons jamais à l’avance établir dans une série d’espèces quel sera le point unique par où elles différeront toutes entre elles, mais qu’au contraire les différences portent sur tous les points ou sur quelques uns indis- tinctement. Partant ensuite de ce fait, M. de Blainville va jusqu’à dire que les espèces vraies seront seulement celles qui viendront combler une lacune dans sa série telle qu’il l’aura établie; en sorte que tout devra être subordonné à la théorie , et que les faits con- traires à cette théorie seront considérés comme des accidents dont il ne sera tenu aucun compte. 11 nous suffit d’ajouter que toute théorie étant une simple conception de l’esprit humain pour faire rentrer dans un cadre simple les connaissances sur les phénomènes de la nature , il n’est pas rationnel d’interpréter les faits dans le but de ces théories , mais plutôt de collationner les théories par l’observation libre et consciencieuse des faits. Nous pourrions relever ici des erreurs capitales, telles que l’in- certitude de la position du Lophiodon anthracoïde , le rapproche- ment du petit Lophiodon de Passy avec les Cochons, la mâchoire jeûner âge d’un ruminant prise en la renversant pour celle d’une espèce nouvelle à' Anthracotherium ^ etc.; mais la discussion de ces faits nous ferait sortir de notre cadre. Plus récemment M. de Christol a communiqué à l’Institut une note sur une section d’espèces qui a pour type le Paléothérium au- relianeiise , et dont le caractère essentiel consiste dans la modifica- tion du type paléothérieu pour passer à celui des solipèdes. M. de Christol , attachant plus d’importance à ces modifications qu’à la forme des dents, a cru pouvoir rapprocher ce Paléothérium des Chevaux sous le nom ^ Hipporitherium , oubliant sans doute qu’il avait déjà reçu celui à' Aachiteiium (M. Meyer). Mais une observa- tion attentive des formes de cet animal nous a démontré qu’il dif- férait autant des Hipparions t|ue des Paléothérium , et cpie le type de sa dentition devait , dans ce cas , entraîner sa position dans la méthode. Il est, du reste , extrêmement curieux de voir une autre espèce, P. minus^ se modifier aussi dans la même direction, avec cette particularité , que dans le premier ce sont surtout les mem- bres , et dans le second surtout la dentition qui se rapprochent du type chevalin. Il résulte seulement de ce fait que le genre Paléothérium se laisse diviser en trois sous-genres dans le sens que Cuvier donnait à cette dernière signification. Le premier comprendra les Paleotheiium vrais, le second le P. s.-g. Plagiolophiis ^ le troisième le SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 587 P. equiniun , S. -g. Anchitheriam . Il est impossible de ranger les Lophiodons dans le même genre, et à plus forte raison les Anthra- cotherium et les Cheropotanius . M. Constant Prévost présente des fossiles provenant de Biaritz. MM. Delbos, Deshayes, Boubée et Rozet présentent des observations sur ces terrains et les fossiles qu’ils contiennent. AVIS. La Société recevra avec plaisir, pour être insérées dans le Bulletin^ les analyses en français d’ouvrages géologiques pu- bliés en langues étrangères. Ces analyses devront, conformé- ment au Règlement, être soumises à la Commission du Bulletin. Séance du 19 avril 1847. PRÉSIDENCE DE M. DÜFRÉNOY. M. Ch. Martins, secrétaire pour l’Etranger , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société, MM. F rancis Marin , docteur en médecine , à Genève , présenté par MM. le vicomte d’Archiac et de Wegmann ^ Émile Cornalia, minéralogiste, à Milan, présenté par MM. de Filippi et Damour. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; De la part de M. le- ministre de la Justice, Journal des Sapants f mars 1847, 588 SÉA^CE Dü 19 AVRIL 18Zl7. De la part de M. Amédée Burat, Géologie appliquée, ou Traité de la recherche et de V exploitation des minéraux utiles ; in-8o, 628 p., avec planches. Paris, 18Zi6. De la part de sir- Rod. I. Murchison, On the silurian rocks, etc. (Sur les roches siluriennes de diverses parties de la Suède)-, in-8o, 50 p., 1 pl. Londres, 18Zi7. De la part du prof. J. Jos. Bianconi, Intorno alla nio- dernità , etc. (Sur l’existence récente du delta d’Egypte), (extrait des Nouu. anu. des sc. natiir. de Bologne, fascicule d’octobre 18/i6) ^ in-S®, 6 p. Bologne, 18/i6. 2o De mare, etc. (Première dissertation sur la mer qui occupait autrefois les plaines et les collines de l’Italie , de la Grèce, de l’Asie-Mineure, etc., et de l’âge du terrain que les géologues appellent marnes bleues)-, in-A®, p. Bologne, 1846. Comptes-rendus des séances de V Jcadémie des sciences; 1847, Ier semestre, n®» 14 — 15. V Institut; 1847, n^s 692—693. The Atheuœum ; 1847, n^* 1015 — 1016. The Mining journal ; 1847, n^"» 607 — 608. Proceedings of the royal Society of London , n^s 62 — 66. Philosophieal Transactions of the royal Society of London for 1846 , part. 1—4. Jddress, etc. (Discours prononcé par le M‘' de Nor- thampton, président, à la séance annuelle de la Société royale de Londres, le lundi 30 novembre 1846)-, in-8‘’, 26 p. Londres, 1847. The royal Society (Liste des membres de la Société royale de Londi'es au 30 novembre 1846). Proceedings of the royal Society of Edinhurgh ; n^s 27 — 28. Transactions of the royal Society of Edinhujgh; vol. XVI, par. 11. Neues Jahrhuch de Leonhard et Bronn -, année 1847 , 2e cahier. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. de Yerneuil communique l’extrait suivant d’une lettre SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 589 qui lui a été adressée de Saint-Pétersbourg , le 15 mars 18/17, par M. le comte de Keyserling. M. Pander prépare un grand ouvrage sur la Livonie et une dizaine de plancbes sont déjà tirées. Yingt planches seront consa- crées aux poissons du système dévonien. 11 a pu souvent figurer de grandes parties du même animal composées de plusieurs pièces considérées jusqu’ici comme appartenant à plusieurs genres. Son travail ne peut manquer d’avancer beaucoup cette partie de la science. M. Hoffmann va enfin publier le récit de son voyage en Sibérie, où se trouveront décrits ces fossiles de l’Inja , cités dans notre ouvrage. M. Yolbortb étudie maintenant les Trilobites , et a fait la découverte intéressante que les espèces à yeux lisses , très légèrement traitées avec de l’acide , font voir des facettes dis- tinctes à la loupe. Ceci vient confirmer ce qui avait été déjà soup- çonné par M. Jlurmeister. Yous trouverez dans les Mémoires de la Société minéralogique de Saint-Pétersbourg un intéressant travail de M. Kutorga sur les Lingules de notre terrain silurien. M. Jasikof de Simbirsk a trouvé dans les grès tertiaires du Yolga une quantité considérable de fossiles de l’argile de Londres. Cet inl'a- tigable géologue a un grand nombre de nouveaux fossiles , une petite tête de Saurien et une vingtaine de nouvelles espèces Per- miennes. M Ozersky traduit iiotre ouvrage en Russe. M. Eichwald vient aussi de publier un intéressant ouvrage sur la géologie de la Russie. A Moscou M. Rouiller a publié réeemment un mémoire .sur les fossiles, dont les planches sont très fiien exécutées.BI.Norcl- mann , à Odessa , a trouvé de grands dépôts d’ossements fos- siles. Enfin , M. Orladnikof m’a rapporté des coquilles fossiles appartenant à des espèces actuelles , telles que Modiola harbata , Mya truncata ^ Haccinum undatum , Natica comca , Midtipora polymorpîia , trouvées dans l’île de Wardbouse , sur les côtes de Laponie et dans plusieurs îles voisines. Ces coquilles s’y trouvent à 70 pieds au-dessus de la mer et méritent d’être signalées aux voyageurs. M. Favre fait une communication, M. d’Omalius d’Halloy communique k la Société le Mémoire suivant de M. Dumont : 590 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Sur la valeur du caractère paléontologique en géologie y par André Dumont, professeur à TUniversité de Liège. De même que le caractère minéralogique des roches dérive de la connaissance des espèces minérales qui les composent, le carac- tère paléontologique est tiré de la détermination des espèces fossiles qu’elles renferment ; mais cette dernière détermination présente des difficultés bien plus grandes et ne peut jamais être aussi certaine que celle des minéraux. « Il n’est pas un zoologiste au courant de la science, dit M. Agas- » siz , qui ignore combien il est difficile d’arriver à une détermi- » nation rigoureuse des animaux vivants , et qui ne connaisse «les nombreuses, incertitudes qui planent sur la distinction des » espèces de différentes familles , alors même qu’on en possède des « exemplaires très bien conservés. « Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est personne, je « crois , qui voulût prendre sur lui de distinguer toutes les espèces » de chauve-souris , de rongeurs , de passereaux , de lézards , de « serpents, de grenouilles, de perches, de spares, de scombres, etc., » d’après la seule inspection de leur squelette , et cependant , c’est » uniquement sur l’étude de ces parties solides que reposent les « déterminations des paléontologistes. )) Il est un autre genre de difficultés que je ne dois pas passer sous » silence, c’est la variété des formes qu’affectent certaines espèces, «•et qui est telle par exemple chez certains crustacés , que les » jeunes et les adultes, les mâles et les femelles , ont été successi- « veinent décrits comme des espèces distinctes, et même comme » des types de genres différents. » Enfin, et c’est surtout le cas de plusieurs familles d’insectes , » de mollusques et de polypiers , il y a des types dont les espèces » sont tellement semblables , que l’observation la plus minutieuse « peut seule conduire à des déterminations rigoureuses, et je doute » fort qu’il y ait un entomologiste qui pût reconnaître certain «Diptère qui aurait été simplement comprimé, ou certains Lé- » pidoptères dont les ailes seraient privées des petites éeailles qui » les recouvrent , on tel Coléoptère auquel on aurait enlevé les « élytres. » il en serait de même pour un conchyliologiste auquel on sou- » mettrait une collection d’Hélices et de Alulettes {imio) privées » de leur épiderme. » Or, si dans la nature actuelle on est quelquefois dans le cas de SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 591 confondre des espèces différentes et de décrire comme espèces distinctes et quelcpiefois comme genres différents divers états de la même espèce , on conçoit aisément qu’une semblable confusion doit avoir lieu très fréquemment dans des déterminations qui ne peuvent être faites que sur des parties d’animaux ou de végétaux souvent mal conservées , déprimées , etc. Mais supposons q^ie cet inconvénient n’ait pas lieu , et voyons quels secours la géologie peut tirer de l’étude des êtres organisés fossiles , pour connaître l’age relatif des couches superposées dans la même contrée; 2° pour comparer les époques de formation des terrains situés sur des points éloignés du globe ; 3” pour fixer les limites des diverses for- mations. I. Lorsque l’on compare les formes organiques qui se trouvent dans une série de couches superposées , on remarque que ces for- mes difïèrent d’autant plus de celles des êtres vivant dans la loca- lité que les couches dont elles proviennent sont plus anciennes ; que ces formes nouvelles se rapprochent d’abord de plus en plus de celles des êtres vivant dans les pays situés entre les tropiques, et finissent même par annoncer une température supérieure à celle de l’équateur. Ces faits, aujourd’hui admis par la plupart des paléontologistes, ont été fortement soutenus par M. Deshayes dans sa Description des coquilles jossiles des environs de Paris^ t. il, p. 776. Suivant cet auteur, « les derniers terrains tertiaires, les plus su- » periiciels,ont été déposés lorsque la température de l’Europe était, )> à peu de chose près , semblable à celle que nous éprouvons » Les terrains tertiaires de cet âge , de la Norvège , de la Suède , du Danemarck, de Saint- Hospice près de Nice , d’une partie » de la Sicile , contiennent à l’état fossile toutes les espèces identi- » cp.res des mers correspondantes , et entre autres celles cpii, plus » localisées, représentent bien mieux pour nous les températures. » Ces fossiles ofïrent les mêmes séries de variétés que les espèces » vivantes, ce qui annonce bien positivement que les terrains men- » tionnés se sont déposés dans des circonstances semblables à celles » dans lesquelles elles vivent encore maintenant. Ces mêmes ter- » rains du midi de la France, du versant méditerranéen de l’Es- » pagne, de Fltalie, de la Sicile , de la Moréc , de la Barbarie » ( Alger ), recèlent une grande partie des espèces qui vivent dans » la Méditerranée , mais en contiennent aussi dont les analogues 592 SÉANCE DU 19 AYRTL 18Ü7. » ne subsistent plus ou sont distribuées en petit nombre dans )> les régions chaudes de l’océan Atlantique et dans les mers de )» rinde. » La seconde période tertiaire se compose d’un grand nombre » de petits bassins , la Superga près de Turin , le bassin de la Gi- » ronde , les faluns de la Touraine, le petit bassin d’Angers , le » bassin de Yieiine en Autriclie , la Podolie , la Volhynie et » quelques autres lambeaux sur la frontière méridionale de la » Russie d’Europe , lambeaux dont quelques parcelles se montrent » non loin de Moscou. Les terrains lacustres de Alayence et des » bords du Rhin appartiennent prol)aldenient aussi à cette pé- » riode. » Pendant cette période la température a été bien différente de » ce que nous la voyons actuellement ; en effet , les espèces pro- » près au Sénégal , à la mer de Guinée, celles qui représentent le » mieux la température de cette partie de la zone écjuatoriale , se » retrouvent à l’état fossile dans les divers lieux que nous venons » de mentionner. » Pour déterminer la température équatoriale de notre seconde » période tertiaire , dit plus loin M. Desbayes, nous avons constaté » l’analogie de près de deux cents espèces de la zone intertropicale » avec les espèces fossiles répandues surtout à Bordeaux et à » Dax, et dans les autres bassins appartenant à cette seconde pé- » riode. » Sur environ IZiOO espèces trouvées dans la première période tertiaire , 38 seulement ont leurs analogues vivants , la plupart sous la zone écpiatoriale ; mais de ce c{ue, à l’épocpie actuelle, le nombre d’espèces s’accroît avec la tem])érature ; de ce que le bassin de Paris renferme, sur une étendue de ZiO lieues de dia- mètre dans un sens et de 55 dans l’autre, 1200 espèces, c’est-à- dire un plus grand nomljre qu’aucune de nos mers n’en rassemble dans un espace aussi restreint , et de ce c|ue ces espèces sont particulièrement grandes et nombreuses dans des genres et des familles dont les espèces se multiplient dans les régions les plus chaudes de la terre, de l’absence dans ce bassin des formes propres aux mers septentrionales , AI. Deshayes conelut que les terrains tertiaires inférieurs du bassin de Paris se sont déposés sous une température équatoriale probablement plus élevée que celle de récjuateur actuel. On a remarqué ensuite que les divers embranchements des ani- maux invertébrés , et meme les diverses classes de ces animaux , avaient été représentés aux diverses époques géologicpies par des SÉANCE DU 19 AVRIL 18/17. 593 espèces de formes particidières, qui se sont successivement éteintes ou modifiées suivant les changements survenus dans les conditions de l’existence , et l’on a cru pouvoir admettre diverses grandes créations successives correspondant à autant de divisions géologi- ques des terrains neptuniens. On a enfin reconnu que les animaux vertébrés se sont succédé dans l’ordre de leur développement or- ganique , de manière que les poissons , les reptiles , les mammi- fères et l’homme ont successivement apparu ou au moins pré- dominé dans les terrains primaires, secondaires, tertiaires et modernes. Il résulte de ces considérations que les fossiles peuvent aisé- ment faire reconnaître dans une contrée l’age relatif des terrains qui ont été formés à des époques éloignées ; mais, à mesure qu’il s’agira de déterminer Tâge relatif de couches appartenant à des époques plus rapprochées, elle offrira moins de valeur, et je doute fort qu’un paléontologiste, auquel on montrerait des fossiles nou- veaux de deux couches voisines , pût dire laquelle des deux est la plus ancienne. II. Les animaux et les végétaux ont nécessairement une organi- sation en rapport avec les conditions d’existence que présente le milieu dans lequel ils se trouvent placés naturellement. On sait , en effet, que, toutes choses égales d’ailleurs , les êtres terrestres ou qui respirent l’air en nature diffèrent essentiellement des êtres aquatiques , et que , parmi ceux-ci , ceux qui vivent dans l’eau douce diffèrent de ceux qui vivent dans la mer. On sait aussi que ceux qui habitent les régions polaires, tempérées et équatoriales, sont d’espèces différentes , et que si certaines espèces existent dans ces diverses régions, ce qui est rare, elles y présentent des modifi- cations particulières. « Le Biiccimun undatuni , dit M. Deshayes » [Description des coepülles fossiles des environs de Paris ^ t. Il , » p. IIU ), se trouve depuis le cap Nord jusqu’au Sénégal , allant » en se modifiant avec la température : aussi est-il assez facile de » distinguer les trois ou quatre termes, principaux de tempéi a- » ture. » On sait enfin cjue les animaux cjui n’ont pas la faculté de se déplacer avec facilité , et cjui habitent les profondeurs de l’Océan , diffèrent complètement de ceux qui vivent à sa surface. Or, on doit le reconnaître , ces trois circonstances , la nature du milieu, la température et la pression , varient d’un point du globe Soe.-géoL, 2® série, tome IV. 38 $ÉANCE DU 19 AVRIL 1847. a94 à Fautre , et robservation démontre que les êtres varient avec ces v^irconstances. Au surplus, on ne trouve guère , sous la même lati- tude, sous le même climat, sous les mêmes pressions d’atmosphère ou d’eau , dans des circonstances qui nous paraissent semblables enfin, d’êtres organisés de même espèce dans des localités fort éloignées les unes des autres , telles que les côtes européennes et les côtes asiatiques par exemple. On ne saurait donc , de la comparaison des corps organisés que renferment les dépôts qui se forment actuellement dans l’ancien et dans le nouveau monde , conclure qu’ils appartiennent à la même époque. Ce qui se passe aujourd’hui a du. avoir lieu dans les temps an- ciens , même en supposant que la température y ait été moins variée, car dans ce cas il en serait seulement résulté que les mêmes espèces pouvaient occuper une surface plus considérable qu’à l’époque actuelle , sans qu’aucune d’elles ait pu vivre en même temps partout où il se formait des dépôts , et il existait alors , comme aujourd’hui, des flores et des faunes particulières plus ou moins circonscrites. On peut, au reste, citer des exemples. Ne trouve-t-on pas dans le phyllade de Wissembach ( Nassau ) un ensemble de coquilles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans des dépôts de la même époque, etc. ? Enfin, on peut conclure des observations les plus récentes que lorsqu’une espèce se trouve exclusivement dans une couche , et pourrait par conséquent la caractériser par sa présence , cette espèce n’a jamais occupé qu’une très petite fraction de la surface du globe et ne peut dès lors caractériser cette couche dans toute son étendue. D’un autre côté , lorsqu’une espèce a occupé une grande sur- face , c’est que son organisation lui permettait de vivre , jusqu’à un certain point , dans des circonstances variées ; mais alors on la trouve non seulement dans une couche , mais dans un système de couches et quelquefois même dans plusieurs systèmes de couches, de sorte qu’elle ne peut plus caractériser ces couches ou ces systèmes. Voyons au reste, en suivant les errements actuels, quelles sont les espèces qui peuvent être considérées comme caractéristiques et ^-rvir à constater l’identité d’àge de couches ou de systèmes de couches observés en des points éloignés les uns des autres. Parmi nombre total d’espèces que renferme une couche dans une première localité , certaines espèces existaient déjà dans les SÉANCE LU JO avril 18/|7. . 59*^ oouclies inférieures ; d’autres se retrouvent dans les couclies su- périeures , et il n’y a qu’un certain nombre à'rqjcccs propres à la couche que nous envisageons dans cette première loealité ; mais parmi ces dernières, les unes sont locales ou particulières à la localité , les autres plus répcuidues géograpiiiquemeiit se trouvent également tlans une seconde localité. Ce ne sont que celles-ci que l’on peut considérer comme cciractcristUpies pour ces deux localités. On conçoit aisément que le nombre d’espèces caractéristicjues va- riera en raison inverse du nombre de localités explorées , et même en raison inverse de leur éloignement , et l’on sera sans doute un jour conduit àaeconnaître qu’// id existe pas d’espèces caraeteris- tiffiies d’ une couche ou nwaïc cf un système de couches janir tous les points du ^lohe. Il ne peut donc exister d’espèces caractéristiques qu’entre cer- taines limites géographiques, et les espèces caractéristiques doi- vent varier d’un bassin à l’autre ou d’une latitude à l’autre. En- visagées sous ce point de vue, les espèces propres à un bassin n’ont pas toutes la même valeur comme caractère paléontologique ; il n’y a que les espèces les plus communes, et que l’on est dans le cas de rencontrer assez souvent dans tous les points où l’on observe , qui puissent être utiles au géologiste ; les autres , à cause de leur rareté, sont à peu près inutiles à ce dernier et n’intéressent que le zoologiste. Enliii , ou doit observer que les espèces caractéristiques d’une couche difïèrent des espèces caractéristiques d’un système dans lequel cette couche est comprise; que les espèces caractéristiques d’un système de couches difïèrent des espèces caractéristic|ues d’une formation dont ce système fait partie , et ainsi de suite ; d’où il résulte que les espèces caractéristiques varient suivant la manière de diviser les terrains neptuniens. En effet , soient des couches A , Il , C , etc. La première A renfermant les fossiles /;/ , n , o. La deuxième il — - -, o ^ p. La troisième G — p -> V- La couche A sera caractérisée par les fossiles. w. La couche B n’aura pas de fossiles caractéristiques. La couche C sera caractérisée par les fossiles ep Le système AB — u. Le système BG — p. La formation ABG — o. Le rapport du nombre d’espèces communes à plusieurs couches 596 SÉANCE DU J 9 AVRIL i8Z|7. ou à plusieurs systèmes de couches, au nombre total d’espèees que renferment ces couches ou ces systèmes , sera exprimé : Pour le système AB , par Pour le système BC , par Pour la formation ABC , par . . . . n O JU -\- 71 O P O P n-\- O P -{■ q c m n O P -\-q Le rapport du nombre d’espèces créées nombre total d’espèces que renferme une couche sera pour la couche B représenté par. Le rapport du nombre d’espèces propres à une couche au nombre total d’espèces qu’elle renferme sera pour la couche A . . Enfin , le rapport du nombre d’espèces qui ont survécu au nombre total d’espèces que renferme la couche A sera exprimé par antérieurement au 77 O n O P 771 777 77 O 77 O 777 77 O Ces nombres font connaître diverses analogies paléontologiques que peuvent présenter les couches ou les systèmes voisins , mais , il faut bien le reconnaître, ces analogies n’ont rien de fixe puis- que les nombres varient à chaque découverte de nouveaux fossiles. ^ On vient de voir que chaque espèce occupe ou a occupé , dans un temps donné, une petite fraction de la surface du globe : je vais actuellement démontrer qu’on ne peut , dans tous les cas , con- clure à priori ^ comme on l’a fait jusqu’à présent , que deux ter- rains qui renferment des fossiles analogues ont été formés à la même époque , et qu’au contraire ces terrains ont été formés à des époques différentes , s’ils sont ou ont été à des latitudes éloi- gnées. Les paléontologistes admettent que les formes organiques , tant végétales qu’animales, que l’on rencontre à mesure que l’on s’en- fonce dans les couches terrestres , indiquent un climat plus chaud que celui de l’époque actuelle. Cette conclusion ne peut être fondée que sur l’analogie que présentent les types fossiles avec ceux de l’époque actuelle vivant entre les tropiques. Or, s’il est vrai que l’on trouve dans certaines couches tertiaires SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 597 des zones tempérées ou polaires des fossiles dont les formes sont plus voisines de celles des êtres vivant sous l’équateur que de celles des êtres qui vivent sous les zones ci-dessus , on se trouve exposé , par la comparaison , à rapporter à une même époque géo- logique les fossiles du sol tertiaire moyen des zones tempérées et polaires et les êtres vivant actuellement sous l’équateur. Il est j vrai qu’une semblable erreur ne serait commise que par un pa- léontologiste qui ne connaîtrait pas bien la faune et la flore ac- tuelles ; mais , lorsqu’il s’agira de comparer les fossiles entre eux , on n’aura aucun moyen de s’assurer que les couches renfermant des espèces analogues dans des parties éloignées du globe se rap- portent à -la même époque géologique. Cela provient de ce que les formes orgcmiques sont bien moins en rapport avec les temps qu'avec les conditions d' existence variables à chaque épocpie d'un point du globe à l’autre. Tel être ofl're une organisation en rapport avee telle température, telle pression d’eau, etc. , et peut fournir des indi- cations sur les diverses circonstances cjue présentait le milieu dans lequel il vivait , mais ne saurait nous donner sur l’époque géo- logique à laquelle il appartient que des notions plus ou moins vagues. Une autre cause, qui peut encore induire en erreur sur l’époque relative de formation de couches voisines, tient aux soulèvements lents de l’écorce du globe , qui ont eu lieu à toutes les époques géologiques aussi bien qu’à l’époque actuelle. En effet , si l’on admet que chaque espèce se tient de préférence dans une certaine zone comprise entre deux surfaces parallèles à celle de l’Océan , il est clair que , si le fond incliné de la mer sur lequel vivent diverses espèces venait à se soulever graduellement , ces espèces devraient , pour se trouver dans les mêmes conditions, se déplacer progressi- vement. Or, il résulterait d’une semblable migration qu’une même couche renfermerait en I et en II des espèces différentes , et que deux couches voisines contiendraient en V et en 11' des espèces semblables. Quoique les considérations qui précèdent puissent passer pour une preuve suffisante que les terrains situés sous diverses latitudes, et qui renferment des fossiles analogues, ont été formés à des 598 séa><;e uu 19 AVRIL 1847. époques ditïérentes , e£ que ceux qui rent'enneut des fossiles dilïé- rents ont pu , au contraire , être produits à la même époque , je vais néanmoins prouver, en remontant à l’origine des êtres , que cette proposition , rigoureusement démontrée pour l’époque ter- tiaire , est également vraie pour toutes les époques géologiques. Si les animaux et les végétaux n’ont paru sur le globe que lors- que le refroidissement y eut atteint certain degré ( 99" par exem- ple ) , il est clair que la vie ne s’est pas développée en même temps sur tous les points de sa surface , et qu’elle a du commencer vers les pôles et se propager vers l’ équateur à mesure que la tempéra- ture s’abaissait et que les conditions d’existence y devenaient com- parables à celles que présentaient les régions polaires lorsque les premiers êtres y furent créés. Si l’on représente par A, B, C la série des êtres qui se sont succédé sous les pôles, par A' , B' , C'... . celle des êtres des zones tempérées, et par A", B", (7' celle des êtres de la zone équato- riale , séries dans lesquelles les espèces A, A', A" ont plus d’analo- gies entre elles qu’avec les autres espèces, les espèces B, B', B", plus d’analogies entre elles qu’avec toutes autres, etc., ces diverses espèces seront distribuées dans l’espace et dans le temps comme on le voit ci-dessous Temps. Série polaire. Serie des zones tempérées. Série écpiatoriale. Les lignes horizontales de ce tableau montrent qu’à toutes les latitudes les êtres se sont succédé suivant une même loi , que nulle part le développement progressif de l’organisation n’est in- terverti , soit que l’on considère les espèces de chaque époque comme des créations particulières ou comme des moditications qu’auraient subies les premiers êtres pour se prêter aux change- ments successifs des conditions d’existence. Les lignes verticales montrent que les animaux et les végétaux qui ont vécu en même temps sous des latitudes différentes, et que nous trouvons, par conséquent , dans des terrains formés à la même époque , étaient différents , comme cela est prouvé à l’époque ac- tuelle, où les êtres X" de la série équatoriale ont peu d’analogie avec les êtres Y' de la série des zones tempérées, et moins encore avec les êtres Z de la série polaire. A B C • 1 • • i 1 1 1 ‘ i . X Y j Z A’ B’ C'I . •I- A” B" j C” • • j • 590 SÉANCE DL 19 AVRIL 18/l7. Lorsque la vie se manifesta entre les tropiques, les premiers êtres polaires avaient déjà subi de grandes et profondes modifica- tions par suite de l’abaissement de la température , ou avaient été remplacés par des créations dont l’organisation pouvait s’accorder avec les nouvelles conditions d’existence que présentaient alors ces régions. Les lignes obliques AA", BB", font voir que, sous des latitudes différentes , des êtres semblables ont pu vivre à diverses époques , et, par conséquent, avoir laissé des traces de leur existence dans des terrains différents. Les êtres A, A', A", qui commencent les séries , sont analogues , parce qu’ils correspondent à des conditions semblables de température , etc. ; mais ils ont vécu à des époques différentes, soit qu’on les considère comme des espèces polaires qui se transportèrent vers l’équateur, ou comme des créations par- ticulières qui eurent lieu sur tous les points du globe , où les con- ditions d’existence devinrent analogues à celles que présentaient les pôles lorsque les premiers êtres y furent ci éés. Si les fossiles les plus anciens des divers points du globe se res- semblent, ce n’est pas parce qu’ils se trouvent dans des terrains formés à la même époque , comme on l’a jusqu’à présent admis à priori , mais plutôt parce qu’ils ont vécu sous l’influence d’une cer- taine température, etc. Les êtres B, B', B", sont dans le même cas ; il en est de même des êtres G , G', G", des êtres X, X', X", qui correspondent à notre température équatoriale , comme le prouvent du reste les fossiles X' de la période tertiaire moyenne de la zone tempérée boréale (bassin de Paris) et les êtres X" vivant entre les tropiques. La distribution géograpliique du terrain bouiller à la surface du globe semble appuyer cette théorie. On sait, en effet, que ce terrain abonde dans les zones glaciale et tempérée de l’iiémisplière boréal , tant en Chine et en Amérique qu’en Europe, tandis que les dépôts cbarbonneux que l’on a cru pouvoir rapporter au terrain bouiller sont rares et peu développés sous la zone écpiatoriale : ne peut-on pas en conclure que l’acide carbonique , fort répandu dans l’atmosphère à cette époque, fut en grande partie fixé par la végé- tation dans les zones glaciales et tempérées lorsque la température trop élevée de l’équateur ne permettait pas encore au règne végétal de s’y établir ? Il serait intéressant de savoir si les régions tempérées et polaires de l’hémispiière austral renferment d’aussi puissants dépôts charbon- neux que celles de l’hémisphère boréal ; mais la plus grande partie de ces régions étant couverte par l’Océan , il sera difficile d’éclair- 600 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zl7. cir cette question ; quoi qu’il en soit, on cite des depots houillers an Chili, dans le S. de la Nouvelle-ilollande , à la terre de Van- Diemen. Il est done démontré par ce qui précède : 1” Que des êtres analogues ont vécu dans des temps différents, ce qui est appuyé par la comparaison des fossiles trouvés dans la période tertiaire moyenne de la zone tempérée boréale et des êtres vivant entre les tropiques; 2“ Que les séries organiques appartenant à des latitudes diffé- rentes ont pu commencer à des époques differentes par des espèces analogues , ce que confirme l’étude des fossiles les plus anciens des diverses parties du globe ; 3° Que, dans le même temps, les êtres organisés des diverses zones géographiques étaient différents , ce qui est également vrai dans le temps aetuel. Dans tout ce qui préeède , nous avons , pour plus de simplicité , supposé , avec la plupart des paléontologistes , que la séi ie orga- nique correspondait partout à un décroissement eontinu de la température à la surfaee du globe ; mais si l’on admet qu’à l’époque où les blocs erratiques furent déposés, la température de l’Europe était plus basse qu’à l’époque aetuelle , et qu’elle s’est relevée de- puis ; si l’on admet, en outre , que de semblables phénomènes ont eu lieu à diverses époques, comme il y a de fortes raisons de 1j croire , et que , par eonséquent, loin d’avoir baissé d’une manière continue , la température ait , à cliacjue révolution , baissé plus l a- pidement pour se relever ensuite jusqu’à un eertain point , à partir tluquel elle ait repris une marche décroissante, on conçoit que non seulement des races entières d’animaux et de végétaux aient été détruites lors de ces abaissements plus rapides de tempéra- ture , mais qu’à partir de chaque mininnini le développement or- ganique ait du suivre d’abord une loi inverse de celle qui aurait correspondu à un décroissement eontinu. Cependant aucune obser- vation assez précise ne confirme encore cette conclusion pour les séries de terrains antérieurs à l’époque glaciaire. Enfin si , comme le pense M. de Boucheporn , l’axe terrestre changea de position à chaque révolution , et si les diverses forma- tions eurent leur équateur particulier , il en sera résulté (que l’on admette ou non une diminution ]n’ogressive de la chaleur propre du globe) une distribution climatérique en rapport avec chaque jiosition de l’axe , et l’on devra trouver en certains points des êtres équatoriaux d ans des formations postérieures à d’autres formations renfermant des êtres polaires. Il est aisé de voir que la succession SÉANCE DU 19 AVllIL 1847. 601 des températures n’a pu alors être seml)lable dans des localités éloi- gnées, et que, par conséquent, si les formes organiques sont un peu en rapport avec la température , aucune série n’offrira la même succession d’êtres organisés. L’étude ultérieure des fossiles que renferment les formations peut infirmer ou confirmer l’hypothèse de M. de BoucJieporn , en faisant voir s’il existait aux diverses époques géologiques des lignes isothermes distribuées d’une ma- nière particulière ; mais le jour où la paléontologie confirmera cette hypothèse , elle aura cessé d’être un caractère géologique. III. Une formation neptunienne devant comprendre tout ce qui s’est déposé par sédimentation entre deux grandes révolutions suc- cessives , il s’ensuit que le plus sur moyen de bien limiter cette formation est celui qui est basé sur la discordance qui peut exister entre sa stratification et celle des formations qui l’ont précédée ou suivie. Malheureusement on ne peut pas toujours constater cette discordance: un soulèvement américain ne dérangerait probable- ment pas le sol européen , et la nouvelle formation se déposerait à la surface de ce dernier en couches dont la stratification serait parallèle à celle des couches de la formation précédente. Lorsque des discordances ne peuvent être constatées , on peut y suppléer, jusqu’à un certain point, par des caractères minéralo- giques et paléontologiques. Le soulèvement d’une chaîne de mon- tagnes a toujours déterminé de brusques et grands mouvements dans les eaux, et a ordinairement été accompagné ou suivi d’éja- culations ferrugineuses , etc. , d’où il est résulté des dépôts de transport dont la composition , la texture, la couleur, etc., tran- chent fortement avee celles des roches formées pendant l’époque de tranquillité qui a précédé. Ainsi , près des parties de l’écorce du. globe c|ui ont été brusquement soulevées , le commencement d’une formation est presque toujours marc|ué par des bancs de poudingue et autres roches conglomérées , ou des dépôts ferrugineux. A la vérité , les parties conglomérées diminuent de volume à mesure qu’on s’éloigne de l’axe de dislocation , les cailloux sont successi- vement remplacés par des grains de sable de plus en plus fins , et même par de l’argile ; mais , dans tous les cas , il y a toujours une différence minéralogique correspondant au changement survenu dans les eaux : ici une formation calcaire est reeou verte par un dépôt argileux ; ailleurs , la formation calcaire est mélangée d’ar- gile, de sable , de matières ferrugineuses, etc. Le fer, à l’état 602 SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. d’oxyde , d’iiydrate , etc. , éjaculé à chaque époque géologique , a été, soit en dissolution , soit en suspension mécanique, transporté par les eaux à de grandes distances , et a coloré en rouge , en jaune et quelquefois en vert les dépôts qui marquent le commencement des formations. Ces différences minéralogiques se sont successivement effacées à mesure que le calme se rétablissait ; la végétation a peu à peu re- pris son empire à la surface du globe , et les produits qui en sont résultés ont formé les dépôts charbonneux qui terminent souvent les formations. C’est ainsi que le terrain ardennais commence par des quartz et des phyllades ferrugineux ( rouges , verts ou aimantifères ) , et se termine par des phyllades d’un noir bleuâtre ; que le terrain rhé- nan commence par des poudingues et des roches ferrugineuses dont la stratification est en discordance avec celle du terrain ar- dennais, et se termine par des psammites, etc. , à empreintes vé- gétales , qui ressemblent beaucoup au psammite houiller, et qui renferment quelquefois des couches d’anthracite ; que le terrain anthracifère, dont la stratification est, dans le Brabant, en discor- dance avec celle du terrain rhénan de cette région, commence par des poudingues et des roches fortement imprégnées de principes ferrugineux , et se termine par le puissant dépôt houiller ; enfin , c’est ainsi que commencent le terrain pénéen , le terrain tria- sique , etc. La présence des fossiles peut aussi, comme je l’ai dit plus haut, suppléer jusqu’à un certain point , aux discordances de stratifica- tion. On conçoit , en effet , que , vers les localités fortement remuées par les dislocations du sol , presque tous les êtres organisés aient péri et que ceux qui leur ont succédé aient été conformés de ma- nière à pouvoir se propager au milieu des nouvelles conditions d’existence qui durent en résulter ; cependant on doit observer que ce moyen perd, comme le caractère minéralogique , de son im- portance à mesure qu’on s’éloigne des lignes de dislocation , et qu’à une assez grande distance de ces lignes, les conditions de l’existence n’ayant pas été notablement changées , les êtres orga- nisés auront continué à vivre ou n’auront été détruits qu’en partie. Le rapport du nombre d’espèces d’une formation au nombre d’espèces qui ont survécu dans la formation suivante , et le rapport du nombre d’espèces que renferme celle-ci au nombre d’espèces nouvelles , donnent , si l’on a égard à leur organisation , une mesure des changements survenus dans cette localité , et peuvent SÉANCE DU 19 AVRIL i%lxl . 608 quelquefois fournir des données pour établir une limite entre ces formations. Il y a néanmoins une circonstance à laquelle on ne fait pas attention et qui ôte une grande partie de la valeur du caractère paléontologique pour limiter les formations , c’est que les animaux et les végétaux qui ont appartenu à une formation, et qui ont péri lors de la catastrophe qui termina celle-ci , doivent se trouver parmi les matériaux de transport qui constituent les premières couches de la nouvelle formation ; d’où l’on peut conclure que les divisions paléontolo^iques ne peuvent concorder exactement avec les divisions géologiques fondées sur les révolutions du globe. C’est ainsi que des analogies paléontologiques ont, dans ces derniers temps , fait réunir au terrain rhénan du Devonshire Vold- red-sandsto/w , que toutes les considérations géologiques doivent faire considérer comme le premier terme de la grande série anthraxifère qui se termina par le terrain houiller. M. de Yerneuil, sans voidoir critiquer sur une première lec- ture le Mémoire de M. le professeur Dumont, combat cette opinion exprimée par l’auteur, que , si les modifications ou mu- tations des espèces fossiles dans les terrains sont bien tran- chées près des lignes de dislocation , elles s’effacent à mesure qu’on s’en éloigne ^ de telle sorte qu’on ne devrait attribuer aux caractères paléontologiques qu’une valeur locale. Il regrette que M. Dumont n’ait pas cité des faits à l’appui de son opinion, et déclare que ses propres observations l’ont conduit à recon- naître que la succession des espèces animales était la même dans les grandes plaines à couches horizontales que prés des axes de soulèvement. Ainsi, dans les plaines de la Russie, dans celles du N.-O. des Etats-Unis, là où les couches s’éten- dent horizontalement sur des surfaces de 300 à hOO lieues , les fossiles présentent les mêmes modifications suivant les ter- rains que prés de l’Oural ou des Alleghanys. Leur loi de déve- loppement successif y est même plus évidente , en ce qu’elle y est plus facile à reconnaître. C’est ce dont il est aisé de se rendre compte, si l’on réfléchit que cette loi est basée sur la superposition des couches terrestres , et que là où la superpo- sition devient incertaine , comme dans certains pays de m.onta- gnes , là aussi la loi doit s’obscurcir. 60A SÉANCE DU 19 AYRIL 18Zl7. M. Michelin objecte aussi que dans certains cas les faunes plus anciennes recouvriraient les plus modernes. M. d’Omalius répond que M. Dumont n’a parlé que de la superposition de faunes Yivant dans la mer à différentes profon- deurs. M. Hébert fait observer que les mélanges des différentes faunes latitudinales devraient se faire indistinctement , tandis que le mélange n’a lieu que pour des terrains en contact et à ce contact même. M. d’Omalius répond que nous ne connaissons pas assez le globe pour avoir une idée de tous ces mélanges par contact. M. Hébert insiste en faisant remarquer qu’il y aurait des mélanges dans le sens horizontal aussi bien que dans le sens vertical. M. Frapolli donne lecture du Mémoire suivant : Réflexions sur la nature et sur V application du caractère géolo^icpie, par M. L. Frapolli. La discussion entre l’efficacité des différents caractères dont on peut se servir pour la détermination de l’âge des formations sédi- mentaires , et partant de celui des roches éruptives , date de loin. Des esprits supérieurs s’y sont essayés ; on ne saurait ajouter rien de bien nouveau à ce que l’on a dit sur ce sujet. Les théories sur lesquelles s’appuie le caractère géologique sont anciennes ; et pour- tant il semblerait presque qu’on en fût encore à l’état d’incerti- tude. En parcourant plusieurs pays étrangers, j’ai trouvé souvent tant de défiance contre l’emploi du caractère géologique , en lisant différents ouvrages, même français, et des plus récents, j’ai dû m’apercevoir qu’il était encore si peu connu , que je ne crois pas tout à fait inutile de dire quelques mots sur sa nature et sur la ma- nière dont il convient de l’appliquer. Trois genres de caractères se sont toujours disputé l’honneur d’être le pivot delà géologie. L’importance de ces différents auxi- liaires a diminué ou s’est accrue à mesure que les connaissances positives de la science se sont développées. C’est ainsi que le ca- ractère minéralogique a presque exclusivement régné pendant un temps ; que plus tard le caractère paléontologique l’a dépassé de beaucoup en influence ; que le caractère géologique est devenu à son tour le plus important, et que son application sera de plus en 605 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. plus cleVûsive , à mesure qu’un plus grand nombre de travaux pré- cis et de cartes topographiques exactes pourront servir de base à son emploi. Nous fournir un signe de reconnaissance authentique , dont on puisse faire usage dans les endroits les plus éloignés d’un bassin, lorscju’on en connaît bien une petite partie , c’est là le grand avan- tage du caractère que l’Anglais Smith a, le premier, employé à la détermination des terrains de sédiment; avantage réel et surtout fort eommode, mais aussi le seul, et, comme on le voit, subordonné au principe stratigrapliique , et dont l’efficacité , principalement pour ce qui regarde les terrains plus modernes , ne saurait être grande lorsqu’on quitte les bassins modèles (1). M. Buckland (2), (1) Il n’est pas hors de propos de rappeler à cet égard un fait cité par un de nos confrères, qui, par sa vaste science paléontologique , est sans contestation une des premières notabilités européennes. « Si l’on compare les espèces de l’étage oxfordien de la Russie mé- )) ridionale, observées par M. Hommaire de Bell, aux espèces du. même » étage , rencontrées dans la Russie septentrionale par MM. Murchison, » de Verneuil et de Keyserling, on s’apercevra que sur les espèces » de Céphalopodes de la Russie méridionale (dont six se trouvent simul- » tanément en France), une seule, \ Ammonites Brightii ^ est com- » mune ; tandis qu’il s’en trouve dans la Russie septentrionale vingt- » six tout à fait distinctes. » M. Alcide d’Orbigny a déduit de ce fait que les mers du nord et celles du midi de la Russie appartenaient à des bassins différents. Je le crois également. Mais alors que penser de ce caractère spécifique qui, sui- vant quelques personnes , doit servir infailliblement à distinguer les formations successives, et qu’on voit ici circonscrit au même bassin? Cette différence des espèces fossiles dans des dépôts de même âge , selon les divers bassins , est encore plus saillante pour les terrains ter- tiaires. Laissons continuer le même savant. « De 32 espèces tertiaires de la Bessarabie, dix seulement sont » communes aux terrains de la Volhynie et de la Podolie, çX aucune Ÿiyiis f) terrains de France de la même époque. » Or, l’auteur de ces considérations, en s’appuyant sur l’observation de leur faciès d’ensemble , regarde tous ces terrains , ainsi que ceux du bassin de Vienne, avec MM. de Bauer etBronn, comme contemporains des faluns de la 'fouraine et de Bordeaux. Voyez pour de plus grands détails la Paléontologie du voyage de M. X. Hommaire de Bell dans les steppes de la Russie méridionale , par M. Alcide d’Orbigny, IIP vol., p. 435 et suivantes, et ce que dit M. de La Bêche dans son Art d’observer en géologie (trad. de M. de Collegno ; Paris , 1838, p. 17), ainsi que M. de Verneuil ( ^/^//. de la Soc. géol. de France , t. XI, p. 178). (2) Séance extraordinaire de la Soc. géol. de France, à Boulogne- sur-Mer, septembre 1839. 606 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. M Prévost, dans son beau Mémoire sur la submersion itérative des continents; M. Boué , en cent endroits différents; Geoffroy- Saint-Hilaire lui-même, le zoologiste éminent, se sont élevés contre cette omnipotence que certaines personnes voudraient reconnaître au caractère paléontologique. M. Alexandre Brongniart, l’illustre auteur de la Géologie des environs de Paris, s’est prononcé, lui aussi, pour les déductions tirées de la stratification. M. Dumont vient de résumer plusieurs des principales objections et de s’élever contre la prépondérance de la paléontologie dans les questions géologic|ues. MM. Dufrénoy etElie de Beaumont ont prouvé, par toute leur vie consacrée à l’établissement et au développement des lois stratigra- phiques, le cas limité qu’ils faisaient de ce même caractère. Son application absolue conduirait nos petits-fils ou nos successeurs à regarder comme contemporains et quasi-coliabitants les hommes et les mammouths dont les dépouilles auraient été enfouies pêle- mêle dans les dépôts meubles actuels stratifiés par une submersion des continents, si une partie de nos terres, après avoir séjourné au fond de l’Océan , venait à revoir le jour encore une fois. Que l’on ajoute à tout cela l’incertitude dans laquelle se trouvent les zoologistes eux-mêmes sur la définition de l’espèce et même du genre (1), Le caractère zoologique, appliqué à la détermination des cou- ches terrestres , n’a donc pour moi qu’une valeur de comparai- son (2). Les considérations minéralogiques ne pouvant conduire (1) Tout le monde reconnaît que les genres peuvent se conserver à travers plusieurs époques. Or, voici pour les espèces : ce sont les résul- tats des recherches faites avec les mêmes collections sur les fossiles du crag de l’Angleterre par un paléontologiste de première ligne de Paris, M. Deshayes, et par un savant également assez célèbre en Allemagne. M. Deshayes a trouvé parmi les fossiles du crag de l’Angleterre 50 pour 1 00 de coquilles analogues à celles qui vivent de nos jours dans les mers septentrionales. — Pour M. Beck de Copenhague, il n’y en a point d’analogues. M. Desnoyers, qui n’a cessé de s’occuper de la faune tertiaire, et qui rapporte le fait que nous venons de citer ( Bidl. géoL, séance du 3 avril 1837), ne s’était pas fait faute d’indiquer la multiplicité des causes qui font varier les espèces d’une même époque sous les différents climats, et même dans les différentes parties d’un bassin, la composi- tion des eaux, la profondeur des courants, la disposition et la nature des côtes et du fond, les vents, les saisons, etc. [Rapport des tra- vaux de la Soc. géol. de France pour 1831). On sait du reste avec quelle facilité on accoutume les espèces marines à l’eau douce. (2) Ce n’est qu’en observant le caractère général d’ensemble despro- 607 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. que bien rarement à une conclusion quelconque, et amenant sou- vent le géologue à des résultats complètement erronés (1), c’est donc sur le caractère géologique , sur la stratigraphie , la seule base véritable (’e la science , qu’on doit porter , je crois, son at- tention principale dans la détermination des formations incon- nues (2). ductions organiques d’une époque, et non par la subdivision des espèces, que l’on peut arriver par l’examen des fossiles à des déterminations non erronées. M. Élie de Beaumont, qui dans ses cours a souvent prêché ce principe , se sert d’une figure géométrique pour représenter aux sens la marche progressive du développement des genres. Il a imaginé un losange dont les côtés tournent autour des angles comme autour de charnières, et qui passe ainsi par toutes les formes possibles, depuis la plus large jusqu’à la plus allongée ou vice vend. Si, lorsqu’après avoir bien étudié dans un bassin donné l’époque de l’apparition d’un §enre fossile, le mode de son développement et ses transformations successives dans la durée des siècles, on observe dans un terrain in- connu des individus dont la forme générale se rapproche plus ou moins de l’état de ce genre à son origine, ou bien d’un développement plus complet , on pourra juger par analogie de la hauteur à laquelle on se trouve dans l’âge des formations. C’est en procédant d’une manière analogue et par un sentiment exquis de l’état de l’organisme à chaque période, sentiment qui découvre la loi générale au milieu de modifi- cations innombrables, et qui résulte de la comparaison de millions d’individus, que M. Alcide d'Orbigny et M. de Verneuil sont parvenus, dans la détermination des terrains de contrées éloignées, par la simple comparaison des fossiles, à ce degré de sûreté qui nous étonne. Ce n'est qu’en suivant ce principe que les meilleurs paléontologistes arri- vent à de bonnes conclusions, quoique souvent ce ne soit qu’en pro- testant de leur dévouement à la délimitation des formations par des espèces bien définies et soi-disant caractéristiques. Ces considérations générales sont les seules qui permettent un emploi sûr du caractère organique. L’adoption franche de ce principe par la majorité des pa- léontologistes ne ferait qu’accroître l’importance de leur science (1) Dans un ouvrage allemand publié en 1825 par un savant qui a beaucoup fait pour la géologie , il était dit, par exemple , avec le plus grand sérieux du monde, que : « tous les grès blancs et qui ont un as- » pect luisant appartiennent au quadersandstein, » On ne s’embarras- sait guère de savoir si ce quadersandstein faisait partie du grès bigarré, du lias ou de la craie, même supérieure; peu importait si pour cela on était obligé de mêler toutes les formations, et de dessiner sur les cartes, comme limites géologiques, tant de lignes courbes, à désespérer le géologue le plus exercé , qui eût cherché à en déduire un profil. (2) M. Dufrénoy a l’habitude de ranger, parmi les caractères qui peuvent faire connaître les minéraux suivant l’ordre de leur im- portance , les caractères géométriques et chimiques , les caractères 608 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/i7. L’axiome que les couches supérieures dans des sédiments hori- zontaux ou presque horizontaux sont également celles qui ont été formées en dernier lieu, est le fondement de la géologie. La science stratigraphique nous apprend à les distinguer des couches infé- rieures, même dans les cas très variés où elles ne sont plus dans leur position originaire. La superposition transgressive, lorsqu’elle existe réellement , étant un indice certain d’une différence dans l’âge de deux dépôts, nous enseigne à déterminer dans toutes les circonstances lequel est le plus ancien. L’observation des débris organiques renfermés dans les couches , et même celle de leur as- pect minéralogicpie , devient un moyen de reconnaissance. Les roches éruptives sont classées d’après la hauteur où elles se trou- vent parmi les dépôts de sédiment (1). Ce genre de recherches n’est extérieurs et les caractères empiriques. S’il ôtait permis de faire un rapprochement, je comparerais aux premiers le caractère géologique et le caractère paléonlologique employé largement; tandis (jue ce dernier caractère, lorsque l’on considère les espèces comme caractéristiques, et les propriétés minéralogiques , se placeraient à côté des deuxièmes et des troisièmes. Ce n’est que par le caractère géologique et paléontolo- gique dans son ensemble, qu’on peut faire de la géologie en grand, de cette géologie qui établit le canevas de toute une contrée, espèce de triangulation géodésique au milieu de laquelle on peut plus tard dé- terminer les points secondaires. Mais dans cette dernière opération, dans la peinture monographique des contrées subordonnées, la paléon- tologie par espèces et l’aspect minéralogique peuvent être très utiles et même nécessaires. La différence entre ces deux classes de caractèies est aussi grande qu’elle l’est entre un continent ou une région étendue et un groupe circonscrit de montagnes ou un petit coin de pays, qu’elle l’est entre les maîtres de la science ou les simples adeptes qui se débat- tent encore contre les difficultés qu’elle présente. On ne peut faire la géologie ou la paléontologie de l’A-tnérique, de l’Asie, de la Russie ou de la France, qu’en employant les grands caractères; on peut parfai- tement s’en passer lorsqu’on ne fait plus que glaner dans quelques massifs isolés de ces pays. (i) Déjà M. Boué, dans son Tableau de la elassification des ter-' rains ^ publié en 1827 , a essayé un classement général des roches plutoniques, d’après l’àge des roches de sédiment quelles ont boulever- sées. On a d’ailleurs cherché à distinguer les roches éruptives par leurs caractères pétrographiques. M. Fournet, au contraire, dans ses Etudes sur les Alpes ^ s’efforce de grouper ces roches par époques géologiques, sans égard à leur aspect ni même à leur composition minéralogique. Il se fonde, pour réunir les groupes, sur les passages d’une roche à l’autre, sur les récurrences de certains éléments, sur la composition chimique et sur 1 époque de leur éjection. De toutes ces méthodes, celle qui consiste à classer ce genre de roches d’après leur injection 609 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847 . point difficile et conduit à des résultats assez sûrs, lorsqu’on ne sort pas d’un même bassin et que les couclies sédimentaires ne sont pas trop bouleversées. Dans ce dernier cas, leur détermination de- vient beaucoup moins facile. On arrive même à un point où ces couches sont tellement redressées, contournées, et brisées , où des causes , soit générales, soit particulières, et postérieures à leur dé- pôt, einont tellement masqué et effacé tous les caractères paléon- tologiques et minéralogiques, qu’il devient à peu près impossible d’arriver par ces seules données à une solution. Mais lorsqu’on quittant le bassin géologique que l’on a pris pour type , l’on veut étendre ces mêmes recliercbes à des contrées éloignées , et qu’on veut comparer au premier des bassins qui n’ont avec lui aucun rapport de continuité, que des continents ou des chaînes de roches massives ont complètement isolés dès leur origine , alors ni la mi- néralogie , ni la paléontologie telle qu’on la conçoit communé- ment, ne sauraient être d’un secours bien certain. La stratigraphie elle-même , considérée comme une série de faits isolés , nous fait défaut , et l’on ne trouve une issue qu’en remontant aux lois qui la régissent , qu’en suivant la seule voie qui nous puisse conduire à la lumière ; cette voie, c’est celle que la pensée philosophique du Danois Niels Steensen ( vulgairement Sténon) avait entrevue à Florence dès 1669, que Lazzaro Moro a indiquée en 17Ù0, que les recher- ches de Humboldt sur la constance de la direction des couches primaires nous ont ouverte il y a près d’un demi-siècle. C’est alors qu’il faut recourir au grand principe du parallélisme reconnu dans les directions des soulèvements contemporains , principe qui suffit à toutes les exigences, qui reste toujours debout, même là où les autres sciences auxiliaires sont obligées d’avouer leur impuis- sance (1). Ce principe, qui s’appuie d’un côté sur l’observation du fait que les couches relevées par des roches massives ayant un alignement dans les couches sédimentaires me paraît encore la seule qui, dans l’état actuel de la science, présente quelques chances certaines de succès. (l) Voici plus précisément les degrés par lesquels on est arrivé à la découverte des lois du parallélisme des directions des couches contem- poraines. N. Steensen et L. Moro ont reconnu avec plus ou moins de clarté la discordance de stratification des dépôts d’àge différent ; Humboldt {^Journal de physique , messidor an ix; Lettre à La Metherie') a ap- pelé l’attention sur la constance des directions des roches schisteuses; M. Élie de Beaumont a trouvé la relation entre la direction des dislo- cations et les époques de discordance de stratification. Soe, géol., 2® série, tome IV. 39 SÉANCE DU 19 avril 18â7. 610 identique , appartiennent à une même époque de formation , est d’ailleurs en rapport intime avec les lois générales que l’on déduit de considérations piuement théoriques ; de ces lois qui découlent de l’hypothèse de la fusion primitive de notre globe, de la chaleur élevée dont son centre serait encore le siège , et de son refroidisse- ment successif. Je ne remettrai pas en question ici cette hypothèse sortie un jour des méditations de Descartes et de Leibnitz , que BufFon a entourée du prestige de son style majestueux et dont la première idée se perd dans la nuit des temps (1). Je ne défendrai point l’hy- pothèse de la chaleur centrale de toutes les autres conceptions sans nombre et plus ou moins vraisemblables que l’imagination des hommes a enfantées dans l’espoir de deviner la formation de l’uni- vers et de ses parties, ilerschel avait soupçonné que le soleil et les planètes n’étaient que des anciennes nébuleuses condensées. Nos confrères M. Angelot et M. Lenglet se sont attachés à expliquer l’accumulation de cette chaleur par la concentration de la matière primitive et par de profonds raisonnements sui' les lois de l’attrac- tion (2). Le génie de Laplace, les calculs de Fourier, les observations positives de Hutton, de Humboldt , d’Arago , de M. de Buch, de d’Aubuisson, de Fox , etc. , une compilation heureuse de ces élé- ments par M. Cordier et quelques expériences qu'il a faites dans les mines, ont achevé de lui donner corps et consistance. En la rapprochant du mode d’origine probable de toutes les planètes, en l’appuyant des lois imprescriptibles de la physique et du mouve- ment des astres , Laplace lui a imprimé un tel degré de probabilité qui s’approche bien de la certitude. La découverte du parallélisme des chaînes de montagnes de même âge est à la fois une des con- (1) Il serait tout à fait hors du cadre et du but de ce petit travail de toucher à l’histoire de toufes les phases par lesquelles l’idée cosmo gonique a passé avant d’arriver au point pratique où elle en est aujour- d’hui. D’ailleurs , comme, dans tous les cas , je serais forcé de me limi- ter à quelques indications , je ne pourrais que redire ce qu’un de nos confrères, M. Delbos , a résumé avec tant de clarté et de concision, dans une note courte, mais empreinte d’un haut sentiment philoso- phique, qu’il a lue à la séance du i 8 mai î 846 [Bull, de la Soc. géoL de France^ 2® série, t. III, p. 510). (2) Mém. de M. F, Angelot sur les conséquences de l’attraction, etc. {Bull, de la Soc. géol. de France t. XI, p. 1 36, 1 840 ), et notes inédites de mon ami. Lenglet, Mém. sur V état primitif et V organisation de Vunicers. Paris, 4 837. SÉANCE BU 19 AVRIL i8/s7. 6li séquences les plus fécondes et la meilleure preuve de celte sup- position (1). L’hypothèse de la chaleur centrale est désormais le lien de réunion de tous les faits observés, la seule dans laquelle ces mêmes faits puissent rentrer sans opposition ; c’est là , on peut le dire , un véritable priucijje ; principe sublime sans lequel la géologie ne se- rait plus qu’un amas de faits incohérents et inexplicables. La presque totalité des géologues s’y sont rangés ; personne ici , je crois , n’est disposé à le contester. Mais même parmi ceux qui ont adopté ces idées comme l^ase fondamentale , on s’est divisé sur les effets qui doivent résulter, à la surface de la terre, du refroidisse- ment progressif de son intérieur. La Société connaît les différentes opinions qui ont été émises sur ce sujet ; je ne les discuterai point, car cela m’entraînerait beaucoup trop loin de mon but; je me bor- nerai à indiquer les plus saillantes. Des trois principaux systèmes qu’on a imaginés pour expliquer la cause des dérangements des couches terrestres , l’un est par trop contraire à toutes les lois de la physique pour qu’on se donne la peine de le discuter ; la sim- ple contraction de l’écorce déjà solidifiée et refroidie ne saurait donner lieu à des épanchements du liquide intérieur (2) , car il est évident que cette contraction ne saurait être équivalente à la diminution de volume que doit éprouver une couche liquide lors de sa solidification , eu égard surtout à la nature probablement métallique de notre globe (3). L’autre système , mieux raisonné , entre plus profondément dans la question ; c’est celui qui consiste à supposer que le bain liquide augmente de volume par la cris- tallisation , et qu’il se produit ainsi des pressions énormes à la surface intérieure de l’écorce terrestre ; ce système est beaucoup plus spécieux. Car il est vrai que nous ne connaissons à peu près que deux corps , l’eau et la fonte blanche , qui augmentent de (1) Les auteurs que nous avons cités cl-dessus ne sont point placés suivant l’ordre chronologique de leurs observations, mais d’après la partie de l’idée théorique qu’ils ont illustrée et fait avancer par leurs travaux. (2) N’ayant à considérer que les manifestations et les effets des ma- tières intérieures à la surface , je ferai abstraction de l’hypothèse con- nue, et qui me parait jouir d’une grande probabilité, que ces matières, soumises à une pression énorme (d’après l’épaisseur actuelle de la croûte, d’environ 1 0,000 atmosphères), constituent un liquide homo- gène , dont les molécules ne seraient pas très mobiles. (.3) Voyez, à ce sujet, les discussions qui ont eu lieu à la Société géologique de France séance du 21 mars 1 842). G12 SÉANCE pu 19 AVRIL 18A7. volume au moment de leur solidifieation , mais on pourrait ré- pondre , d’un coté , que personne ne saurait déterminer avec certi- tude la nature des substances qui forment le noyau de notre globe; de l’autre, que s’il y avait diminution de volume dans la matière du noyau liquide lors de son passage à l’état solide , la densité de ces matières étant augmentée , les parties solidifiées ne pourraient surnager , mais qu’elles seraient attirées vers le c. ntre de la terre pour former ainsi un globe à noyau solide , entouré d’un bain en fusion. Ces arguments n’ont qu’une valeur apparente. D’abord je ne saurais comprendre pourquoi l’on devrait supposer gratuite- ment que l’intérieur de la terre n’est formé que de matières qui augmentent de volume en se solidifiant, lorsque les propriétés de la grande majorité des substances cjui entrent dans la masse des déjections soit anciennes , soit modernes , et cj[ue nous sommes à même d’analyser, viennent donner un démenti péremptoire à une telle opinion. La théorie des couches licpiides de densités diffé- rentes , qui surnagent les unes aux auties dans l’intérieur de la terre , théorie émise par Laplace et prouvée par les observations sur la densité moyenne de la terre , qui donnent à l’ensemble de notre globe une pesanteur spécifique environ double de celle des roches de la surface, répond suffisamment à la deuxième objec- tion (1). D’ailleurs la régularité remarquable que l’on observe dans la disposition des grandes chaînes de montagnes appartenant à un même soulèvement , qui s’étendent en ligne droite sur d’im- menses étendues à travers les continents et les mers ; le parallé- lisme des chaînes de même âge sur tous les points du gloljc qui appartiennent à une zone déterminée , sont des faits qui s’opposent directement à l’admission des deux explications que nous venons d’indiquer (2). (1) Calculs donnés par Bi. Elle de Beaumont dans ses cours, d’après les exjiériences les plus récentes, celles de M. le professeur Reich de Freiberg ( Bull, delà Soc. géol. de France ^ séance du %\ mais 1842), et Méin. de SI. Angelot sur les conséquences de la contraction des roches ignées lors de leur solidification [Bull, géol.., t. XIV, p. 49). (2) Je ne pourrais me dispenser de rappeler ici un système qui a été remis sur le tapis à plusieurs reprises et avec insistance ; j’entends parler de celui qui attribue à des ciiangements présumés de l’axe terrestre les dérangements et la variété qu’on observe dans la surface exondée de notre planète. Ce système , dont l’idée était maintes fois venue à Eesprit de plusieurs physiciens qui ne crurent pas devoir s’y arrêter, rajjpelé par un mot que l’imagination vaste , mais toujours réglée , de Laplace, avait lancé et retiré en même temps, écrasé par les calculs de SÉA>CE DU 19 AVRIL 18Zi7. 613 M. Elie de Beaumont , qui , ainsi que tout le monde le sait , par un Mémoire qui est devenu un des points de départ de la Poisson, a été entre autres plus ou moins longuement développé par K. -F. Kloden de Berlin et par M. Frédérik Klee, de Coperdiague. M. Klee , dans son Déluge (publié en danois en 1842 , en allemand en 1 843 , et plus tard en français), admet une sorte de chaleur Interne de notre globe ; mais il suppose que « son centre est occupé par un » noyau solide....; « que « l’écorce ne repose pas immédiatement sur ce » noyau, mais qu’elle forme autour de lui comme une voûte semblable » aux nuages qui voguent dans l’atmosphère ; « que des feux sou- M terrains occupent les grandes cavités intermédiaires. » Suivant cet auteur, tous les changements qui ont eu lieu à la surface de la terre sont dus à des déplacements d’axe qui ont pu se répéter nombre de fois, ou, en d’autres termes, à l’antagonisme de la force centrifuge et de force centripète. Le soulèvement des grandes chaînes de montagnes et des hauls-j)lateaux des continents n’aurait lieu que par l’effet de la première , lors de l’établissement d’un nouvel équateur et en sa proxi- mité. Son grand déluge universel a été causé par le dernier déplace- ment d’axe , dont M. Klee parvient à déterminer l’étendue de 90*^, et toutes les circonstances les plus détaillées. Ce grand phénomène a dû avoir lieu après que l’homme était déjà répandu sur la terre , et plu- sieurs nations ont pu échapper au désastre , bien que ce cataclisme ait eu la puissance de donner aux continents une forme toute nouvelle , et de creuser tous les golfes et les mers méditerranéennes, y compris l’At- lantique , entre le Groenland et la Norvège. La variation périodique de l’axe actuel sur son orbite , variation évaluée par Laplace à environ 1^°, et dont la cause, due à l’action perturbatrice du soleil et de la lune sur les couches matérielles accumulées autour de l’équateur ter- restre ( ménisque équatorial), est , depuis Newton, parfaitement connue en astronomie, ne résulterait que des dernières oscillations qui affectent encore l’axe déplacé. La cause des changements d’axe lui est inconnue; il ne la recherche pas ; il ne veut point bâtir de nouvelles hypothèses. Les changements d'axe sont un fait incontestable. Cette idée s’est tellement emparée de M. Klee, qiFil va jusqu’à immoler la théorie de Laplace pour le cas où il serait reconnu qu’elle ne peut pas s’accorder avec son svstème. Les relèvements et abaissements qui ont lieu anjour- d’iiLii à la surface de la terre sont dus à la force expansive du feu in- térieur, (!ui tend à dilater généralement l’écorce du globe, « de même » qu’un gaz emprisonné dans un ballon en gonfle également toutes les » parties. » M. Klee développe ces idées dans un volume in-8 , et il les appuie sur une foule d’assertions plus ou moins exactes, et de données historiques qu’il serait ici déplacé de discuter. La même idée fondamentale du changement de l’axe du globe a été reproduite, dans ces derniers temps, par M. de Boucheporn , dans ses Études sur l'histoire de la terre (Paris , l 844) ; ses opinions sont en- tées sur cette idée , à l’appui de laquelle il fait intervenir la comète hypothétique de Halley et de Buffon , et qu’il cherche à prouver par SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z}7. 61A science (1) , a, le premier, appelé l’atteotion sur rensemble de ces phénomènes ; qui , le premier, a su rapporter au grand livre des lois éternelles les jalons que ses devanciers avaient fixés sur la route , a dû cliercliei’ à se rendre compte des causes générales qui ont entraîné la manifestation d’effets d’une régularité aussi sur- prenante sur la surface de la terre. D’après ce savant , il y a eu pour notre planète, et pour tous les corps célestes en général , une première période où , après la liquéfaction des substances formant la plus grande partie des nébuleuses originaires, une solidification le parallélisme de M. de Beaumont. M. de Boucheporn admet , lui aussi, un noyau solide, une couche intermédiaire qu’il suppose en état de fusion ^ puis l’écorce. Pour lui, il n’est pas certain que la cha- leur du globe soit centrale ni originaire* elle a pu être produite à la surface par des agents chimiques , et n’ètre que partielle. Dans sa longue dissertation, il développe le théorème que toutes les inégalités du globe ne seraient dues qu’aux ridements parallèles engendrés à plu- sieurs reprises , à de grands intervalles, et suivant des directions diffé- rentes sur l’écorce flottante, par le choc de comètes qui auraient causé chaque fois un nouveau déplacement de l’axe terrestre. Il trouve dans la disposition des principales chaînes de montagnes , la preuve de l’existence d’autant d’équateurs successifs. Tfeus ces systèmes, qui ne sont pas fondés sur la recherche des faits ou qui reposent sur une appréciation incomplète et inexacte de ces mêmes faits , ne soutiennent pas un seul moment l’examen de l’obser- vateur * quelque talent que l’on apporte à leur défense, ils se ressenti- ront toujours de leur origine. Ni les divagations savantes de M. de Boucheporn, ni les rêveries lourdement enfantées de M. Klee, ne sauraient affaiblir le moins du monde tout ce qu’ils ont d’inadmissible et de paradoxal. La régularité du mouvement de notre satellite et des lois qui régissent tout le système solaire, s’oppose irrémissibleraent à de telles suppositions; et, pour employer le mot d’un savant illustre, il serait aussi absurde d’admettre que des chocs ont altéré ce système, que de les supposer à l’égard d’un chronomètre parfaitement réglé. C’est bien là le cas de dire, avec M. d’Omaliiis d’Halloy, que « les hypo- » thèses sont à la géologie ce que les mauvais romans sont à la litéra- » ture. » (1 ) Ann. des sciences naturelles , t. XVIIL Pour se faire une idée de ce qu’était la science avant que les nou- velles théories fussent venues y répandre la lumière, il suffit de lire les paroles qu’un wernérien modéré iînprimait dans le seul traité fran- çais classique qui existât en 4 820, et que M. Desnoyers cite dans son rapport sur les travaux de la Société pour 4 831. On y lit : « Que la w présence des corps marins sur les hautes montagnes est bien plus fa.- » cilement explicable par le soulèvement des eaux mobiles de l’Océan, » (|ue par le redressement des niasses minérales inertes et immobiles. » SÉANCE DU 19 AYlliL 18/|7. (515 partielle de ces mêmes matières a commencé à la surface. Cette première pellicule de cristallisation a dû se former à peu près partout dans le même temps. L’influence de la chaleur solaire ne pouvant être Ijien considérable à une époque où la température intrinsèque du globe était aussi élevée, les mouvements atmosphé- riques ont du être également faibles ; de là l’absence de grands courants équatoriaux , c|ui , sans cela , auraient pu retarder la fixa- tion des molécules fluides entre les tropiques. Pendant un certain laps de temps , le refroidissement de la pellicule terrestre ayant lieu rapidement , et ce temps a dû. être assez long , sa contraction a dû être plus grande que celle de l’intérieur (1). De là de nom- breux fendillements et des crevasses dans cette pellicule qui , bri- sée , tourmentée de mille manières par les pressions variables et les vents d’une atmosphère chargée des vapeurs les plus pe- santes (2) , par les marées de cette mer ignée universelle , a dû donner passage , à tout moment , à des épanchements de la matière intérieure, et a dû être exposée souvent à être redissoute au moins en partie. Mais il est arrivé un point où la contraction de l’écorce solide a dii équivaloir à peu près à la diminution de volume des couches liquides c|ui se figeaient (3). L’action des marées générales ne dut plus être aussi sensible sur la croûte solidifiée ; l’atmosphère s’épura de ses vapeurs les ^plus lourdes ; la grande masse des eaux a pu se condenser à la surface. Cependant , l’influence du noyau incandescent était encore assez grande pour réagir sur la partie inférieure des dépôts cpii se faisaient au fond des mers ; il sepro- (1) M. Élie de Beaumont, en s’appuyant sur les observations ther- mométriques souterraines d’Arago et sur les formules trouvées par Poisson et par Fourier, est arrivé par des calculs aussi simples qu’in- génieux au résrdîat approximatif, il est vrai, mais pourtant remarquable, (ju’à dater de la solidification de la première pellicule terrestre, le re- froidissement annuel de la surface du globe a dû être, pendant environ trcnte-huit mille ans, plus grand que celui de sa masse totale; et qu’à dater de cette époque le refroidissement moyen annuel de la terre a dû surpasser celui de la surface et qu’il le surpasse de plus en plus. ( Comptes-rendus des séances de VÂcad. des sc.^ t. XIX , séance du 16 déc. 1 844 ). — Voyez encore les expériences de M. G, Bischof, à Bonn {Neiies Jahrhuch fur Min., etc., 4 8 41.) (2) Voyez l’élégante Exposition de l'ensemble des phénomènes (jui se sont manijcstcs à la surface du globe, par M. le vicomte d’Arcliiac, Paris, 1840 , p. 12. (3) Comparez ce qu’en dit M. Angelot {Bull. géoL, t. XIV, p. 54 ; 1842). (31(5 SÉANCE DU 19 AYRiL 18^7. diiisait des couclies cristallines par métamorphisme normal (l).Les inégalités du sol à rextérieur n’étaient pas très considérables; de nombreuses terres basses seulement ont dû fournir matière (1) Voyez, pour ce qui regarde ce genre de métamorphisme, les leçons à l’École des mines de M. Élie de Beaumont (traduction alle- mande de M. Vogt; Brunswick, 4 846), qui en 4 833 en exposait la théorie au Collège de France , et les notes intéressantes de M. Virlet , consignées dans le Bulletin de notre Société pour 4 837 (séance du 4 9 juin), ainsi que dans celui de cette année (séance du 4 5 février), j’admets, avec M. de Beaumont et M. Virlet, le métamorphisme nor- mal des formations dites primitives de la Suède, tel que M. Murchison paraît l’avoir compris, et que notre confrère vient de l’adopter dans sa dernière note. Seulement , je dois le dire , je ne saurais le suivre dans l’aj^plication du même phénomène à la plupart des granités , et notam- ment à ceux de la Bretagne. Au surplus , je dois noter qu’il y a loin de ce genre de métamorphisme qui a dû modifier les dépôts les plus an- ciens, h ces idées singulières qui ont porté M. Keferstein et d’autres savants même très distingués, mais trop préoccupés des conditions chi- miques de la terre, à admettre la transformation morphologique des grès rouges en porphyres , ou des schistes en granités , par la seule in- llnence des réactions moléculaires inhérentes à ces roches. La question de savoir quelle est la nature de la stratification des roches cristallines se rattache à celle-ci. Depuis que les principes de Werner, qui les considérait comme un dépôt aqueux , ont été défini- tivement mis de côté , on a beaucoup discuté sur ces roches. M. Lyell, qui a là-dessus presque exclusivement suivi les idées de Hutton , s’ar- rête à l’action métamorphique qui aurait transformé et continuerait de transformer peu à peu en gneiss et en granités les débris de matériaux sédimentaires préexistants, stratifiés au fond des mers et enfouis à de grandes profondeurs. D’autres géologues, et parmi ceux-ci des sa- vants du Nord très distingués, n’ont pas regardé comme étant une vé- ritable stratification les divisions des schistes appelés primitifs, tels que ceux de la Scandinavie , et les alternances qu’ils présentent dans leur isalure minéralogique ; ils ont même adopté l’opinion que ces appa- rences d’une stratification souvent très marquée et fortement inclinée ou presque verticale , n’étaient dues , ainsi que la formation des gra- nités qui en maints endroits sont enclavés dans les mêmes schistes, cju’à des actions moléculaires et chimiques. D’autres encore ont rejeté en totalité ou en partie l’idée d’un métamorphisme normal, et se sont attachés à expliquer la stratification de ces dépôts « azoïques » , soit au moyen d’un laminage lors de l’éruption des granités , soit par un procédé de dépôt chimique , ou par l’effet des attractions spécifiques combiné avec celui de la densité des substances composantes c{ui se précipitaient au milieu d’un bain igné. Vouloir étendre à l’infini la répétition des transformations sous le prétexte de s’attacher aux causes actuelles, ce serait une manière bien SÉAJVXE DU 19 AYlllL 18/l7. 617 aux sédiments qui se formèrent dans ce temps. L’étendue des dépôts primaires , telle quelle nous a été démontrée par les grands voyages d’un de nos plus savants confrères (1) , est une preuve que les mers occupaient de vastes espaces. C’est alors qu’a com- mencé le régime actuel pour le globe que nous habitons ; la tranquillité venant à régner sur la terre , la vie organique a pu s’y développer. A dater de ce point , la contraction de l’écorce so- lidifiée , dont les dernières limites du refroidissement (2) n’a- vaient plus lieu qu’avec une extrême lenteur , ne suffit plus à ba- lancer la diminution progressive du volume du noyau liquide (3), dont la masse était d’ailleurs continuellement réduite par l’enlè- étroite d’envisager l’aclion des forces physiques qui, variables dans leurs effets, ne se modifient aucunement dans leur essence, et restent, en ce sens, toujours acluelles. Sans méconnaître donc qu’il doit y avoir eu du granité véritablement primitif, résultat de la coagulation de la première peiliL ule, et (ju’il peut y avoir eu une sorte de schistes cristallins également pri- mitifs, résultant de l’action des marées et des courants du bain igné au moment de la solidification , nous sommes convaincus que la plupart des roches dites primitives, autres que les granités ou leurs analogues, présentent les traces d’une véritable stratification , et qu’elles sont , ainsi que certains granités, etc., qui y sont renfermés, d’origine métamor- phique normale. Car il est difficile de concevoir que les dépôts réelle- ment primitifs aient pu sc conserver, sans se fondre , dans les profon- deurs où ils étaient recouverts par les couches plus récentes , lorsque nous voyons la transformation en micaschistes et en gneiss de roches qui ne sont pas plus anciennes que les terrains jurassiques. Ce cas peut exister, nous ne le nions pas, mais la manière d’être de la plupart des dépôts primitifs, de ceux de la Scandinavie, par exemple, nous porte <à douter qu’il ait réellement lieu. Quant aux gneiss qui renferment des fragments de roches étrangères, et aux gneiss formant des filons , ils ne peuvent entrer dans les catégories des roches primitives ou métamorphicjues; leur origine plutonienne, et leur éruption postérieure au dépôt des terrains qu’ils traversent ne saurait être sujette à contestations; leur structure peut très bien être due à ce qu’on a appelé le laminage des roches ignées. (1) Edouard de Verneuil, Voyages dans la Russie d'Europe et dans r Amérique du Nord. (2) D’après Fourier , l’effet thermométrique actuel de la chaleur centrale à la surface n’est que de ^ de degré; d’après Poisson, il est encore moindre. La surface des laves se refroidit extrêmement vite , et elle reste alors dans un état de température à peu près stationnaire; tandis que, à quelques pieds seulement de profondeur, la roche conti- nue d’êire fondue , et elle ne se refroidit qu’avec une lenteur extrême. (3) La dilatation linéaire des solides diffère peu de celle de l’eau est de . 618 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. vement des couches extérieures qui se solidifiaient. Le noyau liquide devenait trop petit pour remplir son écorce , tant que sa forme serait restée celle du sphéroïde primitif. Il a donc dû y avoir pour le globe une tendance constante à s’éloigner de cette forme. L’accélération de rotation produite par la diminution du diamètre de la terre ne pouvait à elle seule donner lieu à une diminution de capacité (1); sa croûte étant loin de présenter une rigidité absolue , ne pouvait permettre qu’il se formât des vides ; elle n’aurait pu se soutenir un seul instant sans surnager sur le bain qui la supportait. Or, à mesure cpie le niveau de celui-ci s’abaissait , il a dû en résulter entre les différentes pièces de la voûte solide une pression latérale énorme tendant à en faire sortir les parties les plus faibles , de la même manière cpie nous voyons des voussoirs d’anciens ponts en plein cintre , poussés en dehors par la pression des côtés surchargés. Mais un bombement qui se fait de cette manière peu à peu sur un seul point de la surface , ne saurait produire une diminution de capacité de l’écorce. Pour qu’au contraire cette capacité n’en soit pas augmentée, il faut que le bossèlement se fasse , soit tout autour et pai-allèment à un grand cercle de la sphère, soit au moins sur toute la longueur d’une moi- tié de la surface de notre .globe ; le ]:)ossèlement sera alors compris entre deux grands cercles qui , dans un cas donné , pourront être deux demi-méridiens. Que ce soit l’un ou l’autre de ces phéno- mènes qui s’accomplit , il n’en suivra pas moins l’affaissement graduel et général des deux grands hémisphères latéraux , dans le premier cas; de tout le reste de l’enveloppe , à l’exception de l’espèce de côte de nielon ou àe fuseau en bas-relief cpii se sou- lève , dans le second. Les diamètres, dont les extrémités viennent aboutir à une grande zone qui parcourt tout autour la surface de la terre, auront été allongés dans l’un des cas aux dépens de tous les autres ; ce seront, dans l’autre cas , les rayons ejui aboutissent au fuseau de soulèvement qui auront subi un allongement analo- gue. Le soulèvement zonaire parcourant toute la circonférence du ('1 ) M. Elie de Beaumont qui, on peut le dire, n’a oublié aucune des questions qui peuvent intéresser !a géogénie, a fait des calculs qui , d’après le principe des aires, prouvent que si l’on suppose la croûte suffisanunent solide pour se soutenir , le sphéroïde qui se formera à l’intérieur par le refroidissement , dont le mouvement sera plu.s accé- léré , et (jui sera par conséquent plus aplati , ne peut être en aucun point tangent à la surface inférieure de la croûte primitive. Il s’en ap- prochera davantage à l’équateur qu’aux pôles , mais il ne le touchera point. SÉANCE DU 19 AVRIL IS/l?. 619 sphéroïde , sa seule action suffira à conserver l’équilibre entre la croûte et le noyau. Les deux calottes s’affaisseront tranquillement. Mais pour que ce genre de soulèvement se fasse , il. faut une énorme puissance de pression. Le soulèvement par côte de melon , tel que l’entend M. Elie de Eeaumont , est plus concentré , il exige une dépense bien moins considérable de force vive , et se trouve être plus en rapport avec les faits que l’on observe sur la surface de notre gloire ; mais dans ce cas le reste de la croûte ne peut s’affaisser qu’en se déformant, quoique très légèrement (1). 11 ne pourrait s’effectuer si la croûte n’était pas aussi incohérente et peu rigide qu’elle l’est en effet (2). (^1) Il est important de lemaï quer fjue oes changements de forme sont si petits qu’ils ne sauraient avoir aucune influence appréciable sur les révolutions î'égulières et sensiblement constantes du globe , et qu’ils ne pourraient produire cjue des oscillations tout à fait minimes de son axe dans l’espace, oscillations incapables d’aucune action sur la réparti- tion des climats. (2) Notre savant secrétaire, M. Le Blanc, a cité un fait qui prouve, jusqu’à l’évidence, la nécessité de cette marche des choses pendant le' refroidissement d’un corps fondu ; a Quand on coule de grosses pièces » en fonte, comme des canons, dit-il , on établit les moules verticale- » ment; on coule une surcharge considérable de matière fondue, et >) malgré cela on évite rarement les vides ou chambres qui se forment » dans l’intérieur de la pièce. On a souvent attribué ces vides à des » bulles d’air; nous pensons que la cause qui les reproduit d’une ma» » nière si constante est le refroidissement subit de la croûte, accom- » pagnéd’un refroidissement plus lent de l’intérieur... Quand on coupe « une balle de fusil, on trouve toujours dans son intérieur un petit » vide qui n’est pas souvent à son centre de figure. Ce fait, qui nuit à » la justesse du tir, a été vérifié à l’arsenal de Metz sur 1,800 balles, 5) sans qu’on y ait trouvé une seule exception. » [Bull, de la Soc. géol. de France, t. XII, p. 140.) Ce vide inférieur, dernier résultat de la solidification d’une masse liquide, et qui, dans les balles de plomb, est excentrique, lenticu- laire , et opposé à la direction de la gravité au moment de leur solidifi- cation , remplacera probablement tôt ou tard la partie centrale de notre globe , et il sera sphérique. D’ici là , il arrivera même un phéno- mène assez curieux, et que M. Angelot a analysé avec une grande puissance de logique {^BulL, D® série , t. XIII, p. 248 ). Tant que la croûte de notre globe conservera encore une certaine souplesse, et les changements de niveau actuels nous montrent que nous sommes encore dans ce cas, elle ne discontinuera de s’adapter à son noyau; mais, « quand elle aura atteint une épaisseur suffisante pour ne plus s’écrou- it 1er, dit M. Angelot, il devra se former une chambre concenlricjue M complète dans laquelle il se fera une nouvelle sphère solide. En phé- SÉANCE DU 19 AYIUL 18Zî7. 620 Cette action de bossèlement a dii être lente , extrêmement lente mêiiie à l’origine ; mais la rapidité de sa progression a dû s’ac- croître à mesure que le bombement devenant pins considérable , et cette partie de la croûte se trouvant de plus en plus éloignée du centre de la terre et poussée en dehors du niveau moyen de sa surface , la résistance de la zone ou de la cote bombée par rap- port aux deux calottes latérales venait à diminuer. Il a même dû arriver un instant où , la progression de rapidité dans le mouve- ment ainsi accéléré étant parvenue à sa dernière limite , la partie bosselée de l’écorce qui n’était plus en état de résister, a dû se briser en plusieurs points. La masse fluide intérieure pressée par le poids des deux moitiés de la voûte qui s’affaissait , soumise aux lois d’égalité de pression des liquides , a dû exercer à son tour des efforts puissants sur ces points de moindre résistance , et contri- buer, par son émersion , au bouleversement des parties avoisi- nantes , jusqu’à ce que les colonnes ignées balançant par leur hauteur la pression générale , n’eussent pu rétablir l’équilibre momentanément dérangé. C’est ainsi que, lorsque la pression inté- rieure agissait puissamment sur les deux côtés d’une longue fente, il se formait de grandes chaînes de montagnes ; et que, lorsqu’au con- traire les effets de cette pression limités par une disposition parti- culière des parties de l’écorce solide, ne portaient que sur des points isolés , il se faisait des cirques ; ou qu’après un écroulement plus ou moins partiel de la partie relevée , il en résultait ces cratères de soulèvement sur lesquels M, de Buch a le premier appelé l’atten- tion des géologues (1). » iioniène semblable pourra se reproduire dans cette nouvelle sphère, » une ou plusieurs fois, jusqu’à la solidification totale , qui pourra » peut-être produire, au sein de cette dernière sphère solide , une pe- » lite chambre centrale. Que feront, pendant ce temps, les gaz qui se dégagent constamment pendant le refroidissement? (1 ) C’est là ce qu’on a appelé la théorie des soulèvements. M. de Buch avait donné une forme pratique aux indications de plusieurs an- ciens savants lorsqu’il a attribué aux mélaphyres le soulèvement des terrains alpins; il était réservé à ses successeurs de développer cette idée, d’en tirer une théorie et de la pousser aux dernières conséquences. On parlait encore, il y a quelque temps, d’une théorie des affaisse- ments. C’est la théorie de De Luc. De Luc faisait enfoncer toutes les plaines pour ne maintenir au même niveau que les arêtes des monta- gnes ; des cavités intérieures auraient absorbé les eaux surabondantes de l’Océan. L’espace occupé par les montagnes n’étant guère, d’après Humboldt, qu’environ le centième de la surface des continents, et les arêtes étant encore une parcelle infiniment petite de l’étendue du SÉANCE DÜ 19 avril 18^7. ()2l De là deux états dift'éreiits dans la vie de notre globe : 1° des pé- pavs montueiix , on voit quels bouleversements supposait cette hypo- thèse. On a voulu, plus lard, reproduire celle théorie, en admettant toutefois la contraction du noyau de la teire. J’ai lu altenlivement ce qu’il en est dit dans le Bulletin de la Société , t. XI, p. 4 83, et ce n’a pas été sans étonnement , je dois le dire, que j’y ai vu, confondus dans un anathème commun, le princij)e des soulèvements des chaînes de montagnes , la théorie des cratères de soulèvement ou d’enfoncement (ce qui revient au même) produits par la force des gaz, et troisième- ment les idées sur lesquelles Hopkins a fondé ses calculs; trois choses qui n’ont rien de commun. Aujourd’hui, ces malentendus se sont éclaircis, et je suis heureux de constater qu’entre le savant défenseur des affaissements et les géologues qui ont adopté la théorie des soulè- vements, il n’y a plus aucune différence d’opinion. Dès qu’on reconnaît que la grande partie de l’écorce qui s’aftaisse ne peut exécuter ce dé- placement qu’à la condition qu’il y ail un mouvement de bascule, et qu’une autie partie se soulève, il n’y a plus de diversité entre les deux théories. Seulement , puisque les soulèvements, en raison de l’espace restreint qu’ils occupent, sont beaucoup plus appréciables que l’affais- sement, et que d’ailleurs l’affaissement ne peut avoir lieu que par suite du soulèvement, on permettra que je continue d’appeler les mouvements généraux de l’écorce, soiilèvenients. Quant aux cratères de soulèvement, o!i I là on est encore bien loin de s’entendre, du moins en appaience. On a assez mis en doute l’exis- tence de ces cratères. Les uns ont attaqué l’ensemble de la théorie du célèbre géologue prussien; les autres, tout en admettant celte théorie dans son principe, ont contesté les faits particuliers qui en avaient été cités comme exeuiples. D’autres encore ont prétendu qu’il y avait bien des soulèvements cratériformes dans les terrains schisteux, mais qu’il ne s’en était point produit dans le sol volcanique. Quelle que puisse être ma conviction, après la lecture du grand et beau Mémoire de MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont, sur le Cantal [Ann. des mines, 4 833), et de leur réponse aux objections qu’on leur avait faites [ réponse de àî. Dufrénoy dans le procès-verbal de la séance de la Société géo- logique de France , 4 0 juin 4 833 ; Mémoire de M. de Beaumont , lu à la séance du 4 7 février 4 834), ainsi que de leurs P/Iémoires sur le Vé- suve et sur l’Etna; n’ayant pas étudié les localités mises en discussion, je dois me tenir dans la plus complète réserve sur les cas spéciaux. Je ne pourrais pourtant passer sons silence de combien de poids est pour moi l’opinion de M. de Waitershausen , qui, après avoir accompli son ouvrage monumental sur l’Etna , en avoir levé une carte topogra- phique, comme il n’en existe pas une seconde, et avoir consacré exclu- sivement à l’étude de cette montagne huit années de sa vie, et qui, après avoir couronné toutes ces recherches par la visite des autres volcans duMidi et par un grand voyage en Islande, vient d’écrire à l’Académie, en lui envoyant son ouvrage magnifique, quelle Ses vues sur la formation «et la structure des volcans, et spécialement pour ce qui regarde leur 622 SÉANCE DU 19 AVRIL i8il7. riodcs de tranquillité correspondantes à ce bossèlementj à ce soulè- » soulèvement, coïncident dans tous ies points essentiels avec celles de » M. Éiie deBeaumont (./IfcV;/, t Etna) \ résultat d’autant plus décisif, » cju’il n’y est point arrivé , dit-il , par suite de discussions abstraites, » mais qu’il Ta déduit directement d’observations consciencieuses pour- » suivies sur la nature mêuie pendant plusieurs années. » Mais qu’il me soit permis d’exprimer couibieo il m’est difficile de concevoir que cette théorie ait pu devenir l’objet de tant d’attaques. D’abord je ne saurais comprendre des éruptions vocaniques qui se feraient jour tout à coup du milieu d’une grande plaine, sans déranger le moins du monde les couches environnantes. Ensuite, ou il faut nier toute espèce de soulè- vement et en venir aux idées de M. de Montlosier, qui, en 1832, affir- mait encore « que les Alpes, et en général les groupes de montagnes, » ne sont que des continents élevés et à pente douce, déchirés par un » précipité tombé du haut de l’atmosphère dans leur milieu; » ou bien il faut admettre que , s’il y a eu des soulèvements longitudinaux , il peut y avoir eu également des soulèvements par cirques. Or, s’il a pu y avoir des soulèvements par cirques dans les terrains cristallins et schis- teux , pourquoi ne doit-il pas y en avoir eu dans les terrains volcani- ques? Je dirai plus; d’après les conditions qui sont nécessaires pour qu’il se fasse un soulèvement circulaire, et qui consistent dans l’égalité de résistance de la suiface, au-dessus du point comprimé, il est évident que ce genre de soulèvement a dû surtout avoir lieu là où des couches d’épanchement uniformes et multipliées présentaient à un haut degj’é cette condition voulue; car il ne faudrait pas s’imaginer, comme on l’a cru parfois, que ce fût toujours l'épaisseur totale de l’écorce de la terre qui a été déplacée lors de la formation d’un soulèvement circulaire ; ce cas n’est arrivé que pour des cirques où des masses ignées considéra- bles ont été poussées de l’intérieur à un état plus ou moins solide. Dans toutes les autres circonstances , et pour ies terrains volcaniques en par- ticulier, il est très probable, ainsi que M. Elle de Beaumont l’a fait remarquer, que des matières liquides aient pénétré par des fentes jus- qu’au-dessous des couches ies plus superficielles, qui seules ont subi le redressement. Supposons, par exemple, qu’un effort se fasse par la matière intérieure au-dessous d’un point où se trouvent des basaltes en couches étendues et horizontales; la matière fondue remontera jusqu’au- dessous de ces couches unies, par les fentes résultant du retrait du dicke qui, s’étant refroidi plus tard que le chapeau de la nappe basaltique, n’avalent pu être remplies après coup par en haut; cette matière, arri- vée devant l’obstacle , s’y amassera comme un champignon , commen- cera à le soulever, et, aj)rès s’être introduite entre ies couches supé- rieures et les inférieures , laissera retomber les premières au milieu , par cela même qu’elle aura trouvé une autre issue. Quant à la question de savoir si c’est à la pression générale de l’é- corce , agent ordinaire des soulèvements , qu’on doit attribuer la for- mation de ces cirques cratériformes , ou bien à toute autre puissance agissant sur un point de sa partie inférieure , elle ne me paraît pas fa- SlfeANClî DU l9 AVRIL i8/s7, 628 vement lent d’une zone circulaire ou d’une côte de melon, et que plus cile à résoudre pour les cas particuliers. En général , la disposition des volcans sur les grandes lignes de soulèvement porterait à croire qu’ils se sont formés au commencement de l’époque à laquelle ils appartien- nent , et qu’ils ont profité des soupivaioi que les ruptures qui l’ont ira- médialement précédée avaient établis à travers la croûte terrestre. A cet égard, M. Elle de Beaumont a l'ait remarquer non seulement que la plupart des volcans sont disposés suivant les grandes lignes de soulève- ment , et surtout à la limite de deux grandes plaines de hauteurs différentes ; mais que le pic deTénériffe et l’Elna se trouvent ju'éeisé- menldans la prolongation des deux cxti-émilés de la chaîne de l’Atlas , et que le second occupe le point de croisement de la direction de cette chaîne avec celle des soulèvements du Ténare , dans lesquels renlîerait le Vésuve; tandis que, d’autre part, quelques observateurs distingués sont portés à croire que les cratères de l’Auvergne se trouvent sur de semblables croisements. Rien cependant ne s’uj)pose à ce que des gaz accumulés sous un point donné de l’écorce , où des fentes les condui- saient jusqu’auprès de la surface du sol, aient pu parfois vaincre sa résistance et j:)rodnire, sur une échelle plus grande, ce que M. Pilla a vu s’accomplir en petit, sous ses propres yeux, au milieu du cratère du Vésuve, en \ 834 [Méni. de la Soc. géol. de Fr.., t. î , 2® série, p. 176). Les phénomènes de toute espèce que l’on observe auprès des volcans et en mille autres endroits différents , les recherches de tant de savants sur les causes des propriétés des eaux minérales , celles surtout de M. Scheerer ( Bull, géoh, février 1847), qui prouvent que l’eau a été de tous temps combinée à l’état basiffue avec les roches incandes- centes , sont des faits bien propres à faire attribuer à l’action des gaz et des vapeurs l’éruption des laves actuelles. Or, si des gaz, trouvant toujours une issue toute prête à mesure qu’ils arrivent, sont capables d’élever des colonnes de laves de plusieurs milliers de mètres au-dessus du niveau moyen de la surface , quelle ne doit pas être leur puissance lorsque, faute d’un soupirail , ils sont forcés de s’accumuler et de se comprimer! Les malheurs sans nombre qu’on a déjcà eus à déplorer et qui sont dus à des explosions par la force de la vapeur à une haute température, ne nous avertissent-ils pas assez de la puissance de cette force si redoutable ? Les faits historiques, tels que le célèbre soulève- ment du Jorullo rapporté par Fiumboldt , etc. , admeltent-üs aucune réplique sérieuse? car il ne suffît pas de faire semblant d’ignorer la chose , et de dire que ce sont des laves accumniées, comme l’a fait M. Lyell {Èlém. de géol., trad. française; Paris , 1839). M. Elie de Beaumont a comparé l’action volcanique à celle du vin de Champagne, qui se répand en dehors d’un goulot par la force expansive de l’acide carbonique qui le fait mousser; cette propriété des gaz a été mise à profit dans ces derniers temps dans une saline de l’Allemagne , où l’on exploite le sel gemme par dissolution ; on y est parvenu à effec- tuer une grande économie de force motrice en remplaçant les pompes à eau par des pompes soufflantes ; l’air introduit jusqu’au fond des SÉANCE DU 19 AYRTL IS/j?. (V2/i tard M. de Waltersliatisen a appelé soulèvement séculaire (1). Dans ces périodes , espaces de temps analogues à celui où nous vivons , des causes semblables produisaient des effets pareils à ceux que nous pouvons observer de nos jours. Une plus grande puissance des agents chimiques , et les influences météorologiques modifiées, surtout dans les premiers temps , par la plus grande uniformité d’une température plus élevée , par la composition des eaux et de l’atmosphère de l’époque , par la disposition des mers et des con- tinents , par l’existence probable d’une plus grande quantité de sources minérales et thermales , ont dû seules y apporter quelque sondages au moyen de tuyaux , suffît, dans son ascension par bulles, à diminuer tellement le poids de la colonne li(|uide , qu’elle remonte bien au-dessus de sou niveau naturel, et peut ainsi arriver aux canaux d’écoulement. Les produits laviques actuels laissent échapper une énorme c{uanlité de gaz et de vapeurs. En Auvergne , les basaltes modernes présentent plus de traces de gaz cjue les basaltes anciens. Les trachytes ont des scories; les porphyres, très rarement; les granités, jamais. Ainsi beau- coup de gaz accompagnent les éruptions modernes , très peu ou point les anciennes. Ce n’est pas une simple différence de nature dans les produits de diverses couches concentriques du globe que nous avons à considérer ; ce sont, d’un côté, des substances avec des gaz; de l’autre , des substances sans gaz. Cette idée, qu’on trouve consignée dans le Mémoire sur le Cantal de MM. Elie de Beaumont et Dufrénoy {^Aiin. (les mines, 3® série, 1. III, p. 568, 1833 ) explique jusqu’rà un certain point pourquoi les volcans de nos jours forment une com- munication permanente entre l’intérieur de la terre et sa surface, tandis que les éruptions anciennes n’étaient que temporaires. Lors de l’abaissement de température, les gaz des couches extérieures n’étant pas soumis à de grandes pressions, se sont dégagés avant la so- lidifîcation de la pellicule la plus superficielle. Dans les couches plus profondes, ils ont été retenus par la pression , et n’ont pu commencer à se dégager que lorsque ces couches étaient arrivées à une tempéra- ture beaucoup plus basse. Tant que la solidification s’est limitée aux couches supérieures, il n’y a pas eu de dégagement ; les roches qui en dérivaient ne pouvaient renfermer de vapeurs. Plus tard, la solidifica- tion a atteint les couches à gaz , ils se sont alors dégagés. C’est le même phénomène que celui de la végétation de l’argent observé par Gay— Lussac : tant que ce n’est que la croûte qui se solidifie, il n’y a pas d’éruption; mais lorsque la solidification atteint l’intérieur de la masse, alors on voit le phénomène. Si la terre n’avait pas eu d’autres causes de dérangement, les éruptions de l’intérieur n’auraient commencé qu’avec les volcans. (1 ) Uiher die suhmarinen imlhnnischen Aushrilcke des Vctl di Noto , Goettinger Studien ; 1845. 625 SÉANCK DU 19 AVRIL 18/i7. différence , et réagir surtout puissamment sur la vie des végétaux et des animaux , en leur imprimant en général un cachet de con- temporanéité respective (1) ; 2“ des époques d’agitation , moments de soulèvement brusque et de rupture^ marqués par l’arrivée des matières intérieures à la surface. Des émanations nombreuses de vapeurs très variées ont signalé ces époques (2). Il en est résulté la destruction et l’altération partielle des anciennes roches , et la production de nouvelles, par métamorphisme anormal (3) sur plu- (1) Lorsqu’une cerlaine forine d’organisation pour s’accommoder aux nouvelles conditions ambiantes a subi toutes les modifications dont elle porte les germes et dont elle est capable, si le milieu où elle vit continue de s’altérer, elle périt, elle cesse d’exister; une nouvelle forme vient la remplacer, a II n’y a de créations possibles , dit Geof- » froy, qu’en raison de l’essence et selon la nature des éléments am- » biants qui s’organisent en eux. A chaque cycle géologique, ces élé- » ments se sont plus ou moins modifiés , et alors ce sont autant de » formes qui varient dans une même raison. » {Princiqjes de philosophie zoologiqiie ; Vq.\'\s 1 830.) Combien de fois ce changement aura-t-il encore lieu avant que l’existence de toute organisation soit devenue impossible sur la terre? (2) Voyez le Mémoire de M. Angelot sur les causes des émana- tions gazeuses provenant de l’intérieur du globe (^Bull. de la Soc. géol. de France ^ t. XIII, p. 178; 1842), où l’auteur, s’appuyant sur des arguments irrécusables, établit l’absorption primitive des gaz et des vapeurs par les matières liquides incandescentes , et leur dégage- ment progressif de toutes les parties de la masse, en raison de l’abais- sement de température , ainsi qu’il arrive lors du refroidissement des laves. La cause de la volcanicité actuelle n’est encore, pour nous, que la continuation de ce même phénomène pendant notre période de tran- quillité. M. Angeloî émet également sur la formation des filons métalli- fères une hypothèse qui, comme tout ce qui sort de la plume de ce sa- vant éclairé, est empreinte d’un véritable sentiment scientifique; en se fondant sur la densité supérieure des parties centrales de la terre , den- sité qui, en supposant le globe partagé en trois couches concentriques donnerait, pour la plus inférieure, une pesanteur spécifique de 18,89, il admet qu’au moyen de l’espèce d’ébullition qui doit résulter des gaz qui s’échappent jusque des parties les plus profondes, de faibles traces des métaux les plus pesants peuvent être entraînées à l’état liquide des profondeurs où les relègue leur densité; la température de ces métaux serait tellement élevée, Cju’arrivés subitement à des couches où ils sont soumis à une pression moindre, ils se subliment et vont s’y déposer. Voyez encore, pour la théorie des filons métallifères, la géologie de d’Aubuisson et les mémoires si pratiques et si importants de M. Burat sur les filons de la Toscane, de l’Allemagne et de l’Algérie. ( 3) L’idée et les premiers développements de la théorie du méla- Soc. gèol,^ 2^ série, tome IV. 40 SÉANCE DU i9 AVRIL 18^7. (5:>6 sieurs points de la terre ; un changement plus ou moins considé- rable des propriétés des eaux et de Fatmosphère ; des modifications correspondantes dans l’organisme des animaux et des plantes. Une partie de la surface terrestre avait été dévastée ; les eaux de la mer, déplacées rapidement pendant le mouvement accéléré qui avait précédé la rupture, ou lancées violemment pendant cette rupture elle-même , s’étaient changées en courants et en vagues énormes qui Font partiellement rasée et ravinée (1), et qui ont amené au loin ces matières dont l’immensité des dépôts a bien souvent exercé la raison ou l’imagination des géologues. La nature s’était rajeunie par le contact de nouveaux éléments ; après la fin du ca- taclisme , un jour plus beau recommença à briller sur la terre ; des forces nouvelles travaillèrent à la marche de l’univers. La rupture achève d’établir l’équiliJ^re de capacité ; elle n’est que la dernière expression du soulèvement séculaire. Le refroidis- morphisme anormal sont dus à l’Italien Ardiilno et à l’école écossaise. Les ouvrages de Hulton et Playfair, de Mac-Culloc, etc., en sont pleins. M. de Bnch , M. Boué, MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, MM. de Collegno , P. Savi , Studer, G. Piose , etc., les ont appuyés plus tard par un nombre infini d’observations. M. Forchhammer a prouvé, par des analyses, l’identité chimique des schistes argileux et des gneiss de certaines parties de la Scandinavie ( Report on the in- Jluence of fucoidnl Plants upon the Formations oj the Earth ^ on Metamorphism in general, etc., by G. Forchhammer. — Rep. of the British assoeiation for the achancement of science for 1844 ). Cette espèce de métamorphisme a agi de deux manières : soit par un simple changement de température au moyen du contact des masses ignées, comme sur les calcaires transformés en marbres saccharoïdes, soit par l’action de cémentation des substances volatiles qui , comme nous venons de le voir, ont dû toujours accompagner les dislocations terrestres. C’est à ces dernières influences qu’est due l’origine des dé- pôts anormaux non organiques, tels c[ue les gypses, les substances magnésiennes, la plupart des sels gemmes, etc. (1) C’est là une des causes de formation des cliliiviuins proprement dits, et la seule parmi ces causes qui ne se manifeste que dans les mo- ments où les forces physiques du globe sont sur le point d’acquérir leur maximum d’effervescence. La délimitation exacte de ce qui dans le dépôt des terrains diluviens des différentes périodes, est du à cette cause, ou !)ien aux agents ordinaires des forces physiques, l’action de l’atmosphère et des éléments qu’elle renferme, et faction des eaux de la mer et des eaux continentales, liquides ou solides, y)endant les pé- riodes de tranquillité, constitue une des questions les plus importantes de la science. Malheureusement la substitution à' agents fantasticiues aux causes réelles et actuelles a jeté dans ces derniers temps cette partie de la géologie dans une si déplorable confusion , qu’elle est à peu près encore à refaire. T>1] 10 AVRTÎ. i8/|7. 627 sement étant progressif et continuel , ce genre de soulèvement re- commence de suite après le rétablissement de cet équilibre (1). Mais l’action qui s’est exercée a du avoir pour effet de déformer légèrement le spliéioide ; l’équilibre de capacité a été satisfait aux dépens de celui de la forme ; la direction du soulèvement qui va suivre sera déterminée par les conditions les plus propres à ra- mener le globe à ses dimensions normales. Que le soulèvement ail; été zonaire ou circonscrit entre deux demi-grands cercles , les dia- mètres des grands cercles qui lui sont perpendiculaires auront été raccourcis. Supposons un moment que la direction du soulève- ment ait été parallèle à un méridien, ou bien cju’ilse soit effectué dans l’espace comi)ris entre deux demi-méridiens d’un même hémisphère ; il est évident c[ue la circonférence de la terre aura diminué parallèlement à l’équateur, et c{ue la croûte se trouvera être aux pôles û un niveau plus élevé cpie celui qui lui est propi e par suite des lois de l’aplatissement, il faudra donc que le pro- chain soulèvement se fasse de manière à allonger les diamètres de l’équateur et des petits cercles qui lui sont parallèles , par rapport à ceux des méridiens. 11 en résultera un deuxième soulèvement se croisant à angle droit avec le premier. Or, admettons que les bossèlements se sont toujours faits sous la forme d’une côte de melon , et que le premier se soit fait par le relèvement d’un demi-méridien. Pour satisfaire aux conditions que nous venons d’indiquer, le second devra venir se placer en croix avec celui qui a eu lieu, et à peu de distance de l’équateur. 11 coupera perpendiculairement les cercles méridiens ; mais sa po- sition plus précise dans i’iinmense zone limitée par les tropiques , sera déterminée par les points de moindre résistance ; la côte de soulèvement pourra se trouver dans la demi-zone torride septen- trionale , ou dans sa pareille du Sud ; ce deuxième bombement pourra commencer à se développer sous le méridien de Paris, sous (1) A la rigueur, cette succession immédiate d’un nouveau soulève- ment lent ne serait pas absolument nécessaire. Des tiraillements , des commencements de relèvements suivant plusieurs des lignes antérieures, ont pu parfaitement suffire à maintenir l’équilibre de capacité pendant les périodes tranquilles. Dans ce cas, le soulèvement brusque du, fu- seau ou de la zone de bombement ne déviait jdus être regardé que comme effet de la concentration instantanée de l’action ^ par suite de la résistance de l’écorce à de plus grands tiraillements. C’est là une idée sur laquelle M. Elie de Beaumont a souvent insisté, et qui, i! faut l’avouer, a de grandes chances de vérité, et présente même, comme système explicatif des faits, des avantages qu’on n’obtieni point en ad- mettant des soulèvements successifs, généraux et isolés. 028 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. celui (le File de Fer, ou l3ien sous tout autre queleoiique , de ma- nière à venir se placer sur le premier ou du côté opposé ; ses effets embrasseront la longueur d’un demi-grand cercle ou à peu près. Cette action nouvelle aura eu pour effet de relever le niveau de la croûte à l’équateur. Les points de la surface qui se trouveront les plus déprimés , les plus rapprochés du centre après la deuxième rupture , et partant , ceux qu’il faudra relever ])Oiir rétablir la forme normale , seront les vastes espaces où aucun soulèvement n’a encore eu lieu , et qui dans notre supposition sont compris entre la direction du méridien soulevé et celle de l’équateur. La marche du troisième soulèvement devra donc être parallèle , ou à peu près , à l’im ou à l’autre de deux grands cercles qui , en partant simultanément de l’équateur, se dirigeraient vers le IN.-E, ou vers le N. -O. Le fuseau en bas-relief pourra être situé dans la partie septentrionale ou dans la partie méridionale du globe ; dans l’hémisphère où les autres soulèvements ont déjà eu lieu , ou bien dans l’hémisphère opposé. Sou emplaeeinent plus précis sera encore déterminé par les points de moindre résistance. Plus tard , d’autres bossèlements demi-circulaires se feront dans les espaces intermédiaires ; mais après une suite plus ou moins longue de répétitions, les chances redeviendront favorables au. re- tour des anciennes direetions , et ainsi de suite. Ce fait de la répétition de directions analogues dans des soulèvements appar- tenant à des époc[ues très éloignées l’une de l’autre , est complè- tement constaté par l’observation (1). Il n’est pas nécessaire d’a- (1) Tout le monde connaît les directions données par M. Elle de Beaumont sur le méridien du lieu, pour les treize soulèvements admis par lui actuellement dans l’Europe occidentale; nous ferons seulement remarquer qu’ils se partagent, d’après leurs directions, en sept groupes principaux, dont chacun renferme des soulèvements d’àge très différent. \. Hundsrück, Côte-d’Or. 2. Ballons des Vosges, Pyrénées. 3. INord de l’Angleterre, Corse. 4. Hainaut, Alpes principales. 5. Rhin , Alpes oecidentales. 6. Thüringerwald. 7. Mont-Viso , Tenare. La reproduction de plusieurs directions à des époques très éloignées, indiquée dès le commencement par M. Élie de Beaumont, est si frap- pante, qu’a une époque où tous les soulèvements admis aujourd’hui n’étaient pas encore reconnus, M. Le Blanc avait cru y voir une loi de perpendicularité constante entre le soulèvement successif et celui qui, par son âge, le précède immédiatement. SÉANCE DU 19 AYIUL 1847. 6*29 jouter que la direction méridienne du premier soulèvement n’est qu’une pure supposition , qu’elle n’est aucunement nécessaire ; que ce même bossèlement a pu se faire suivant une tout autre direction quelconque , entraînant alors également une position différente des bossèlements successifs. Nous avons dit de même que l’emplacement de ces bombements postérieurs pouvait être dans riiémisplière où s’est fait le premier, ou bien dans l’iiémi- spbère opposé. Cela est vrai en théorie ; mais dans le fait, M. Elie de Beaumont fait remarquer que l’immense majorité des terres se trouve renfermée dans un bémisplière dont l’Europe occi- dentale est à peu près le centre ; ce qui tendrait à montrer que les soulèvements se sont plus souvent reproduits d’un même côté du globe que du côté opposé. C’est là une conséquence naturelle des conditions de moindre résistance ; la croûte , surtout dans les époques les plus modernes oii elle était plus épaisse , a dû avoir toujours plus de tendance à se briser du côté où elie avait été déjà maintes fois bouleversée et où elle se trouvait plus élevée , que là où elle était encore plus intacte. Les couches de sédiment qui se sont déposées pendant une pé- riode de tranquillité , venant à être relevées et bouleversées , à la lin de cette période, par le soulèvement accéléré et par la rupture, dans toute l’étendue du bombement , M. Elie de Beaumont a fait reni arquer cju’on peut distinguer l’àge des dépôts sédimentaires en les mettant en rapport avec les différentes époques d’agitation ; car les couclies déposées après un soulèvement n’ont pu être l^ou- leversées par lui, comme celles qui l’étaient avant. Or, les sou- lèvements s’étant faits parallèlement à des grands cercles , et ayant chacun une orientation différente (1), il suffira d’étudier la (1) M. de Boncheporn , qui admet le parallélisme découvert par M. Élie de Beaumont, en voulant combattre sa théorie des soulèvements, diî, entre autres choses, que la simple contraction due au refroidissement aurait pour effet d’exclure tout parallélisme de fractures; il donne à ce proj)os re.xemple « d’juie pomme qui se flétrit et se dessèche, et dont )j la peau, attirée par la partie intérieure en tous ses points, ne forme » pas des rides parallèies, mais qui se grimace, au contraire, de la façon b la plus capricieuse. « [Etudes sur l’histoire de la terre^ Paris, 1 844, p. 86.) C’est la une comparaison qui confond deux forces physiques complètement différentes dans leurs manifestations: la /o;rc de cohé- sion d’une masse molle , humide , et même quelquefois un peu vis- queuse, où la résistance variée des fibres organiques , que le dessèche- ment déchire ou raccourcit, favorisée par l’absence complète de rigi- dité de la peau, produit toutes sortes de modifications capricieuses; et force de gravité^ la pesanteur, rapprochant uniformément de son centre toutes les parties de l’écorce de la terre, qui , même en adop- 630 SÉANCE DU 19 AVRIL 18^7. direction générale du soulèvement qui a bouleversé les eouehes d’une époque donnée , pour pouvoir établir l’identité d’âge des eouehes dérangées par ce même soulèvement dans des bassins éloi- gnés. Les faits que M. Elie de heaumont a réunis dans son Mé- moire sur les soulèvements des montagnes , et ceux qui sont venus s’accumuler de tous les côtés, ceux que MM. Jloblaye et Yirlet ont indiqués dans leur grand ouvrage sur la Morée ; ceux que M. Alcide d’Orbigny a reconnus en Amérique, etc., etc., prouvent assez la vérité de ce principe. C’est parce que je suis d’opinion qu’il s’est élevé au rang d’un véritable caractère géologique , et qu’en dehors de cela , lorsqu'on s’éloigne des bassins types , on n’a rien de bien certain sur quoi s’appuyer, que je ne crois pas inutile de dire quelques mots sur son application. Les lois de parallélisme des soulèvements de même âge ont été l’objet d’attaques peu fondées d’un côté, et d’exagérations qui se sont également éloignées de la vérité de l’autre. On a dit que leur auteur avait voulu limiter le nombre des soulèvements brusques aux douze et quelques époques qu’il avait reconnues en France. Ce reproche n’a plus eu de sens , lorsqu’on a vu M. Elie de Beau- mont admettre successivement plusieurs époques de soulèvements qui avaient été indiquées par différents observateurs dans les pays les plus divers. Sur ce point la théorie laisse toute latitude , et jamais , j’ose le dire , hien que la largeur nécessaire des zones ou des côtes de bondiement , qu’on pourrait peut-être fixer à une moyenne de 15 à 25 degrés , n’ait pas encore été établie par le calcul , et qu’elle ait dû être très varial:)le aux diverses époques, et aller en augmentant dans les périodes les plus récentes , en raison de l’épaisseur toujours plus considérable de l’écorce , jamais il n’a pu venir dans la tête d’une personne raisonnable d’affirmer que toutes ces zones ou tous ces fuseaux , quelle que fût leur direction ou leur emplacement, avaient dû toucher au sol de la France, qui occupe une portion d’étendue aussi minime de la surface ter- tant les vues de M. de Boiicheporn , repose sur son noyau, comme un grand radeau de planches reposerait sur une masse d’eau nivelée, et dont la demi - rigidité ne lui permet pas de se plisser sur un seul et même point dans plusieurs sens à la fois. Lorsqu’on n’a garde de fon- der ses arguments en se mettant en une contradiction aussi flagrante avec les premiers éléments de la physique que l’on apprend dans les collèges, il n’est pas étonnant que l’on arrive à des théories nouvelles et éblouissantes. On serait tenté, après cela, de demander à M. de Boucheporn si, en faisant sa comparaison, il a cru par hasard que l’axe terrestre fût aussi matériel que le point d’attache qui se prolonge dans le fruit. SÉAINCE DU 19 AVRIL IB/î?. 6Si restre (1). On a objecté encore que , dans une foule de montagnes, les directions des couches relevées ne sont aucunement parallèles à Fallure des chaînons ; que la plupart des chaînes ne constituent point des lignes droites , qu’aucune ne fait le tour du globe; qu’on voit des chaînes s’arrêter brusquement et donner lieu à des plaines, à un pays ondulé ou fendillé; que des couches d’âge difïérent pré- sentent souvent des directions analogues, etc., etc. D’un autre côté, on a cru qu’il suffisait , pour obtenir la direction d’un soulève- ment, d’aller dans une carrière , ou sur la berge d’un chemin vicinal , la boussole à la main , et de noter les degrés de l’angle que forment les couches relevées avec l’horizon; là-dessus toutes sortes de déterminations et de conclusions qui manquent par leur base. Il est bon de remarquer d’abord que M. Elie de Beaumont n’a jamais songé à attribuer à la direction des couches, même géné- rale dans une certaine contrée , une valeur absolue pour la déter- mination de leur âge ; et cpie s’il a avancé que la moyenne des directions des couches relevées peut quelquefois être un point de repère , ce n’est que pour des cas particuliers où l’on peut observer (1 J M. Élie de Beaumont vient d’annoncer dans son cours deux nouvelles directions de soulèvements, dont i’une, à laquelle il a donné le nom de systè/?ie de Longmyiid ^ marcherait entre le N. et le N.-E. , et aurait relevé en dernier lieu les couches antérieures au terrain silu- rien inférieur de M. Murchison; ces couches, dont l’ancienneté rela- tive se montre très distinctement dans le Cumberland , prendraient le nom àç, terrain cambrien. On aurait ainsi l’avantage d’effacer le nom de cambrien.^ devenu inexact depuis que les couches qui avaient servi de type, celles du Westmurenland , du Hundsrûck, des Ardennes, etc., ont été reconnues appartenir au système silurien inférieur, et de pou- voir y rattacher les couches les plus anciennes de la Bretagne. Le sou- lèvement du Hundsrûck viendrait se placer définitivement après le dépôt du terrain silurien et de certaines couches rangées peut-être im- proprement dans le terrain dévonien ; les directions de ce terrain dans les Ardennes, dans la Basse-Bretagne, etc., rentreraient donc dans le droit commun. M. Elie de Beaumont fait observer que la disposition du grauwackengebirge de la Laponie dépend de ce môme soulèvement. Un deuxième soulèvement nouveau est celui que M. Grûner, pro- fesseur à Saint-Etienne, a reconnu avoir agi sur les couches houillères de ce bassin. Ce relèvement , qui se serait fait dans la direetion N. 20*^ O., servirait à expliquer une quantité de faits, et entre autres l’absence en France du calcaire carbonifère dont le dépôt en Angleterre et en Belgique aurait précédé ces dislocations. Ce dernier système vient se grouper avec les soulèvements du Mont- Viso et du Tenare. Le système de Longmynd se rapj)roche de la direc- tion de celui du Rhin et de celui des Alpes occidentales. 632 SÉANCE DU 19 AYRIL 18^7. des directions constantes sur de grandes étendues. M. Elie de Eeaumont ne recommande ce caractère principalement que comme étant utile pour les régions, où le manque de roches massives ali- gnées ne donne aucun autre moyen pour juger de la direction des soulèvements ; mais il insiste sur ce qu’on ne saurait tirer des conséquences acceptables cpi’en se fondant sur l’observation des lignes générales des bosselures terrestres^ Ce sont là les opinions que j’ai toujours entendu émettre à M. Elie de Beaumont dans ses cours. Pour répondre aux autres objections , nous allons analyser les pbénomènes qui doivent résulter à la surface pcir suite des mouvements indicjués. Le premier soulèvement séculaire^ cju’il se soit fait sur une zone ou sur une surface analogue à une côte de melon, n’a pu produire sur les couches superficielles que fentes ou des rides ^ les unes et les autres parallèles, à peu de chose près, à la bosselure. Considé- rons d’abord une zone de bombement , il se fera : a des fentes dans les parties les plus fail)les de la bande médiane de cette zone. Ces fentes, dirigées dans le sens du soulèvement, auront été accom- pagnées çà et là de quek|ues autres petites fentes transversales, résultant de la tension longitudinale produite par l’allongement des diamètres du grand cercle de la sphère. Nous avons au croi- sement de ces deux systèmes de crevasses autant de points favora- bles à remplacement des foyers d’éruption postérieurs ; h des rides , résultant d’un soulèvement indirect des couches sédimen- taires supérieures , dans les zones limitrophes des deux côtés du bossèlement. Car, à cause de sa répartition sur une étendue in- comparablement plus grande, l’afiaissement général et trancpiille de l’éeorce en dehors de la zone soulevée , ne pouvait pas être aussi considérable cjue l’élévation du sol dans cette même zone ; il a dû donc en résulter, aux deux limites latérales du bossèle- ment , une grande pression horizontale analogue à celle qui pro- duit les effets qu’on observe sur la partie concave d’un bâton vert recourbé. Pendant cette action du soulèvement séculaire de la zone de bombement , les bandes limitrophes ont dû se trouver comme renfermées dans une dépression pour l’élèvement déme- suré d’un côté; bien plus, à cause du peu de flexibilité de la croûte terrestre relevée , il a dû se produire dans ces mêmes bandes pen- dant la durée entière du soulèvement , un enfoncement graduel élu sol ; ce cjui, dans les périodes successives, nous explicjiiera par- faitement et l’existence de dépôts riverains dont la puissance se- rait incompréhensible différemment , et la formation de ces tour- J)ières immenses , cpii ont donné lieu à des dépôts de combustibles SÉA^CK DU 19 AVIUL 1847, 633 d'une épaisseur étonnante (Ij. Ces mouvements généraux ont poursuivi leur cours régulier en même temps que des relève- ments et des écroulements partiels très nombreux , et des dégage- ments de gaz de rintérieur, ont pu modifier temporairement plu- sieurs parties de cette croûte incoliérente qui subissait des efforts aussi puissants ; de là , des tremblements du soi plus ou moins violents. A l’époque de la rupture , les fentes , dont la direction avait été préparée peu à peu par la tension transversale dans la partie convexe de la zone soulevée , se sont ouvertes ; les rides des bandes latérales qui n’existaient qu’à l’état de rudiment , se sont développées. Plusieurs crevasses se sont changées en grandes failles. Dans d’autres, des colonnes du fluide incandescent poussées violemment par la pression intérieure , ont monté ; leur poids réagissant sur les zones limitrophes a empêché la croûte de se bri- ser au-dessous d’elles et de se replier complètement ; elles ont sou- levé d’une manière directe les parties solides adjacentes. D’où, formation de nouvelles rides, soit entre deux relèvements partiels, effets des émersions particulières de deux clieminées parallèles et placées sur un même méridien de la zone de bombement ; ou bien sur les côtés immédiats des lignes de rupture , où les couches ont dû être différemment plissées , bouleversées, et même renversées par la pression cpi’exerçaient latéralement les masses encore pâ- teuses (2). Entre la partie convexe formée par le soulèvement qui s’est fendillée , et les parties latérales qui se sont ridées , il a dû rester deux bandes parallèles où la tension s’est trouvée en équi- libre ; là , rien de bien apparent n’est arrivé à la surface , et pour- tant le sol n’en a-t-il pas moins peut-être été exondé graduelle- ment. Les roches éruptives en se refroidissant ont dû subir un grand retrait ; de là, formation de nouvelles failles qui, elles aussi, ont dû être sensiblement dans la direction du soulèvement. (1) Théorie des terrains hoinllers de De Luc, développée et mise au niveau de la science par M. Alexandre Brongniart {Tahledu des terrains ^ etc. , Paris, 1829). Mém. géoL etpaléont. de M. Boué ^ t.D'‘. Méni. de M. ÉLie de Becmmoiit ^ dans le n" 15 de la Revue fran- çaise ^ 1830. Mém. de M. de Collegno sur le gisement de la houille en Eu- rope , etc.^ etc. (2) Ce sont ces rides par pression latérale que Hutton a reconnues, que sir James Hall a si bien déci’ites, auxquelles Saussure a donné le nom de refoulements , mais sans que ni les uns ni les autres se dou- tassent encore de la grandeur et des lois générales du phénomène. SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. mii One si la bosselure , au lieu d’avoir été zonaire , ne s’est faite que sur un espace plus circonscrit et semblable à un fuseau , tous les effets indiqués pour la zone de bombement auront également lieu à la surface , seulement iis seront encore plus compliqués. Ainsi , nous aurons des fentes dans la bande médiane de la côte ; mais ces fentes se multipliant parallèlement sur une grande largeur au milieu du bombement , seront singulièrement réduites aux deux bouts du demi-cercle ; ici , tout le mouvement finira par se résoudre en un nombre plus ou moins grand de rides divergentes qui disparaîtront insensiblement. Les rides des bandes latérales et l’enfoncement graduel au-delà de ces mêmes bandes auront égale- ment lieu, mais elles ne pourront affecter un parallélisme absolu que dans la partie où le soulèvement acquiert son maximum de largeur ; ce n’est cjiie dans ce cas , ou bien le long de la ligne mé- diane longitudinale de la bosselure , qu’elles coïncideront complé ' tement avec la direction générale de cette dernière. Le soulève- ment par côte de melon exigera enfin une quantité de pression beaucoup moins grande , mais les périodes séculaires seront plus courtes et les moments d’agitation plus fréquents. La croule ter- restre sera moins généralement bouleversée à l’époque de la rup- ture ; mais étant obligée de se déformer, quoique légèrement, sur toute sa surface, afin de pouvoir se rapproclier, sans déchirures transversales , à l’endroit du bombement , il en résultera, pendant la période tranquille qui la précède, des tiraillements, des soulè- vements ou des enfoncements locaux , produits par les pressions horizontales entre les differentes pièces qui la composent ; multi- plicité d’effets variés et partiels cpii est l^ien en rapport avec l’état de l’écorce solide telle qu’on l’observe sur la surface terrestre , et avec son instabilité reconnue (1). Les chaînes de montagnes seront (1) Il est parlé ici des tiraillements que subit l’écorce comme d’un effet complexe, mais dépendant du soulèvement lent qui a lieu suivant une zone ou un fuseau. Que si, comme dans la note (2), à la page 626, l’on admet que la période de tranquillité commence par des tiraille- ments de toute espèce, au lieu d’être signalée par i’avénement d’un nou- veau systèîne qui se développerait peu à peu , ces tiraillements ne doi- vent plus être regardés que comme les avant-coureurs et les prépara- teurs pour ainsi dire du soulèvement instantané. Dans tous les cas , il est certain que des tiraillenmnts doivent se faiie, et qu’ils ont lieu pen- dant tout le cours de la vie du globe. Dans la situation forcément hy- pothétique où se trouvent toutes ces questions il ne nous reste qu’à souhaiter vivement que des calculs exacts puissent bientôt venir ré- pandre une lumière plus claire sur la géogénie. Peut-être trouvera-t-on SÉAÎSCE DU 19 AVRIL ISA?. 635 plus limitées dans leur étendue ; car, non seulement au moment de la rupture l’action soulevante se partagera sur une multitude de cl) allions isolés et en rapport avec les crevasses qui se sont produites , ainsi qu’il arrive lors du soulèvement zonaire ; mais les deux extrémités de la bosselure devant passer par un état intermédiaire avant que les rides qui en font la suite soient obligées de remplacer le fendillement , ces crevasses ne se prolon- geront pas même sur toute la longueur du bossèlement demi-cir- culaire. L’étendue longitudinale de la partie montagneuse ne pourra donc atteindre qu’un tiers environ de la péripliérie du grand cercle (1). Dans le premier soulèvement arrivé sur une surface très peu ac- cidentée , et où les mouvements sont réduits à leur pins simple expression, les fentes, les rides, et les contournements des couches, à l’exception des plissements qui ont dû se faire près des cheminées d’émersion, et qui ont dû être entons sens autour des masses d’é- ])anchement, avaient toutes un alignement sensiblement parallèle à la direction générale de la zone de boml^ement. En prenant la moyenne d’une seule ride , on aurait pu en conclure l’orientation de tout le soulèvement. Un seul cataclisme ayant eu lieu, les cou- ches relevées avaient été nécessairement dérangées lors de cette catastrophe. Plus tard, il n’en fut plus ainsi : les périodes vinrent s’ajouter aux périodes, les soulèvements aux soulèvements; ceux-ci s’entrecroisèrent de mille manières difterentes. Dans les dernières époques, les fractures des bossèlements devinrent moins fréquentes, mais les nouveaux soulèvements c]ui en résultèrent étant beau- coup plus considérables , en raison de l’accroissement de l’épais- seur de l’écorce , masquèrent fort souvent les plus anciens (2) ; des points de la surface furent affectés par plusieurs ruptures suc- alors que les mouvements de ia croule terrestre et les catastrophes qui s’ensuivent, dépendent à la fois un peu de toutes les différentes causes que nous soinmes obliges de supposer aujourd’hui, et qui ne se pré- sentent à nous qu’enveloppées des ténèbres du mystère. ('!] Leçons orales de V Ecole des mines. (2) L’observation, constatée sur toute la surface du globe, que les plus hautes montagnes sont progressivement celles qui ont dérangé les couches les plus récentes , et par conséquent qui ont été formées en dernier lieu, est une preuve remarquable en faveur de ces théories. Les boulever-seaients les plus anciens n’ont formé que des plateaux dé- chirés ou des montagnes comparativement petites comme celles de la Scandinavie ou du nord de l’Allemagne et de la France; les Pyrénées, les Alpes, l’Atlas, le Caucase, les Andes, l’Himalaya , doivent aux dernières catastrophes leur principal relief. (336 SÉANCE DU 19 AVRIL cessives, d’autres ont été renferiués entre les l3onibenients de plu- sieurs soulèvements. Des masses liquides ou pâteuses de toute na- ture remplirent à plusieurs reprises des crevasses qui s’étaient formées ; les oscillations de ces colonnes liquides tendant à rega- gner l’équilibre après être montées dans les cheminées d’émersion, produisirent des réactions de pression à l’intérieur, qui se tradui- sirent en dyckes et en filons pénétrant dans les parties fendillées (1). D’anciennes masses plutonicjues déjà solidifiées furent relevées une deuxième et une troisième fois, sans cjue la pâte incandescente arrivât toujours à se procurer une issue sur un ou plusieurs côtés. Les couches environnantes ont été alors rejetées vers tous les points (1) Pour (}ue de tels effets se produisent , il n’esl pas nécessaire que la matière ignée soit à l’état liquide; il suffit qu’elle soit pâteuse. C’est même là l’état auquel se trouvaient les colonnesdonl nous parlons, chaque lois quM y a eu redressement direct. Jamais, dans ce cas , la matière intérieure n’a été amenée liquide à la surface. Les granités dans l’axe des chaînes montagneuses , les trac hyîes au milieu des cirques de soulève- ments , etc., étaient , lors de leur épanchement, dans un état dedemi* consistance ; lorscpie les roches plutoniques venant de plus bas étaient liquides, elles n’ont fait que remplir des fentes, elles n’ont rien sou- levé. Ce fait , que nous observons sans exception , est une des jireuves cpie ces masses pâteuses sont véritablement la cause du soulèvement direct, lequel n’est que le produit de la réaction de ces mêmes masses en ascension , et de l’inertie des couches pi éexislanfes. Cet état pâteux est liien analogue à celui cjue nous connaissons dans le fer ou dans le (juarlz fondu ; la matière d’émersion a pu se trouver à cet état par plu- sieurs causes différentes, soit c|u’clle appartînt à celte couche intermé- diaire participant à la fois des propriétés de la croûte et de celles du noyau, et qui a dû se présenter la première pour le remplissage des fentes produites; soit que, dans le bombement, toujours plus sail- lant , qui a préparé la rupture , elle ait eu le temps de se refroidir da- vantage ; soit encore qu’elle se trouvât dans un état de condainaison particulier qui lui a permis de rester pâteuse à des températures fort dilférerjtes , ainsi que cela paraît avoir eu lieu pour le granité. L’état de combinaison dans lequel les granités se trouvaient lors de leur émersion est une des questions les plus importantes de la géologie, et qui se rattache aux phénomènes de métamorphisme et à toutes les grandes lois de la science. Ne pouvant nous occuper pour le moment que des phénomènes mécaniques qui régissent toute la géologie , il ne nous est pas permis de l’aborder; cette question n’en reste pas moins une des plus intéressantes, et, quoique les belles découvertes de M. Scheerer [Uibcr cine eigenthümlichc Art der Isoniorphie , welche cAnc ausgedeJinte Rolle i/i Minernlreicdw spiclt ; von Th. Scheerer in Lhristiania; Ann. de Poggendorff, t. LXVIII, ç,lBuU. de la Soc. géol. de Fr., séance du 15 février 1847) lui aient fait faire un grand pas, elle n’est point encore résolue. SÉANCE BU 19 AVRIL 18/|7. G37 de l’horizon ; de jurandes fractures ont été déterminées dans le sol ; elles rayonnent autour du point ou du chaînon relevé. Parfois, des masses pâteuses se sont répandues sur des couches peu inclinées ; leur retrait de refroidissement a alors entraîné les tranches de ces couches, de manière cpie les roches sédimentaires ont l’air de plonger au-dessous des masses plutoniques. C’est ce que j’ai vu entre autres à Wettiii, près de Halle (Saxe prussienne ), où les couches houillères s’inclinent et vont s’enfoncer au-dessous des porphyres qui les ont débordées. Lorsque la pâte injectée venait en contact avec des roches de la surface, et que, par sa température ou par les émanations de quelcpie nature qu’elles fussent , liquides ou ga- zeuses, qui ont toujours accompagné les épanchements de l’inté- rieur, elle a produit des altérations sur les roches avoisinantes, ou lorsqu’elle y pousse des fdons, il est facile d’en conclure que les ro- ches qu’elle traverse ont préexisté ; que si la masse plutonique n’a été que relevée, alors tout moyen de contrôle cesse. Des courants partis de soulèvements postérieurs dénudèrent les couches fractu- rées précédemment , et en portèrent les débris au loin. Des soulè- vements , traversant par leur direction une ancienne bande de ridement, y produisaient des fentes ou des chaînons ayant une di- rection quelquefois à angle droit avec celle des couches préexis- tantes, ridées et souvent déjà rasées par la dénudation. Nous avons dans ce cas des coucJies relevées fort anciennement, et qui pourtant forment le corps de montagnes ayant une tout autre direction , et dont l’àge est infiniment plus récent, D’autres fois, des couches horizontales, comprises dans l’étendue d’un soulèvement posté- rieur, ont été entraînées dans la direction des couches plus an- ciennes relevées suivant un tout autre alignement , ou bien eles couches d’une telle époque, respectées par plusieurs soulèvements suecessifs , ne furent dérange^es c|ue plus tard. Les soulèvements brusques surtout ont été accompagnés d’une quantité d’affaisse- ments partiels qui donnent aux couches toutes sortes de directions. Parfois c’est le soulèvement séculaire qui a eu le plus d’influence dans la formation des continents (1), et alors on n’a d’autre indice (1) M. Rozel de la Soc. géol. de Fr., vol. XII, 1'® série) admet, parmi les causes du changement relatif des niveaux des terres et des mers, les variations que la gravitation a du éprouver sur les dif- férents j)oinls du globe, par suite des déplacements de la matière qui s’accumule dans les bossèlements successifs. Les travaux géodésiques et les observations astronomiques, les résultats obtenus par le pendule et par le bai omètre s’accordent, dit-il, à nous montrer que le niveau moyen des terres et des mers est loin d ’étie conforme dans tous les points du globe, à la surface d’un ellipsoïde de révolution ayant ou 638 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. de ee relèvement, qui a porté à ‘des milliers de pieds de distance verticale le niveau de couches, restées d’ailleurs parfaitement hori- zontales (1), que dans les lignes d’anciens rivages, dans les roches percées par des mollusques saxicaves de l’époque, etc. (2); c’est d’aplatissement , forme régulière la plus rapprochée avec laquelle on puisse comparer les limites de notie planète; il existe des portions fort étendues du continent qui sont plus basses que le véritable niveau moyen de la mer, sans que pour cela elles soient envahies par les eaux ; d’autres où la mer remonte bien au-delà du point où l’ellipsoïde in- diqué serait osculafeur à son niveau. Il est certain que les eaux de la mer doivent s’accumuler en excès à l’approche des continents , et sur- tout des continents très élevés ^ et que la surface de ces eaux ne saurait répondre d’une manière exacte à la convexité de la terre; mais si l’on a égard à l’importance infiniment petite des bossèlements , et surtout des plus anciens , par rapport au rayon terrestre , on né saurait accorder à cette cause une très grande influence dans la répartition des terres el des mers Car l’attraction des eaux vers un point déterminé ne pou- vant se faire qu’à la suite d’une accumulation de matière, le soulève- ment a du toujours précéder et dépasser de beaucoup les changements de niveau du liquide. Le niveau de la mer est , à la Rochelle , au-des- sous de la surface de l’ellipsoïde; mais, ])our qu’il pût la dépasser, d faudrait d’abord qu’un bombement se fit du côté du continent, bombe- ment qu’il ne pourrait que suivre de loin, et (jui très probablemen! restreindrait encore davantage les limites de l’Océan au lieu de lui pei - mettre de s’avancer dans les terres. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que les petites différences qu’on observe entre le niveau moyen des eaux de plusieurs contrées du globe sont probablement dues en grande partie aux courants sous-marins qui sillonnent constamment l’Océan. Or, si un soulèvement a lieu au loin , et qu’à sa suite la disposition des mers, et parlant la marche des courants, vient à être changée , il y aura éga- lement sur les points en question un changement relatif du niveau des terres et des mers. C’est là une cause d’immersion , et même de trans- lation de matières qui me paraît plus réelle que les variations dans la pesanteur par suite des ridements terrestres, et qu’il ne faudrait pas perdre de vue, car elle a pu avoir des effets partiels assez considé- rables. (1) Lorsqu’il n’y a pas de causes locales particulières, la déviation de l’horizontale produile par la courbure du bossèlement est infiniment petite et ne saurait être appréciable à l’œil. (2) Les recherches de ce genre sont d’une importance encore plus grande lorsqu’il s’agit des époques anciennes que pour l’époque actuelle. Personne n’a oublié le fait it)téressant signalé par M. Deshayes , qui a trouvé en Belgique la craie inférieui e superposée au calcaire de transi- tion percé par des coquilles lithophages de l’àge de la craie [Rapport de M. Bohlaye sur les travaux de la société pour 1832). Si ce fait n’indique point un soulèvement lent, ce dont, ne connaissant pas l'état des lieux, je ne peux juger, il est toujours une preuve de la hauteur à SÉANCE DU 11) AYRUL '18^7. le cas qui se présente actuellement entre autres pour la Scandi- navie (1). D’autres fois, au contraire, c’est à la suite des ruptures brusques cpi’un des côtés de l’écorce bosselée est retombé au- dessous du niveau moyen , en même temps que les matières d’é- panchements soulevaient de hautes chaînes de montagnes (2). Ici un certain bossèlement ayant passé, les couches de la formation qui l’a précédé ou de celle qui l’a suivi sont discordantes; plus loin , l’affaissement général qui ha accompagné n’a pu causer sur leur gisement réciproque aucun effet sensible. Dans les époques secondaires et tertiaires , après que plusieurs soulèvements séculaires et plusieurs ruptures ont eu partagé la surface en mers profondes et en continents , une autre cause d in- certitude est venue s’ajouter à tant de complications et à accroître encore davantage les difficultés du géologue. De par les lois iso- thermes , la surface intérieure de la croûte terrestre est forcée de suivre une ligne ondulée en rapport direct, quoique éloigné , avec les différences de niveau du fond des mers et des continents. Le soulèvement zonaire ou en forme de côte qui vient passer sous une surface aussi inégale, produit, lui aussi, des fentes et des rides tout comme le premier soulèvement séculaire ; mais , abstraction laquelle arrivaient à un certain temps les eaux crétacées, et de la pro- fondeur où s’est fait le dépôt. (1) Observations de M. de Buch et de M. Al. Brongniasb^ Tableau des terrains qui composent Vécorce du globe ; Paris, 1 829 ; Bruxelles, 1 838 , p. 108 ; et Comptes-'rendus de Berzélius pour 1826 , p, 292). Voyez également le Mémoire de M. Reilhau [Magazi/i for naturvi- dcnskaberne ^ 2® série, vol. I), et celui de M. Lyel! [Philosopkical Transactions , 1835) , ainsi que le Piapport de BI. ÉÜe de Beaumont sur les Observations de M. Bravais dans le Fiumark [Comptes-rendus de l'Acad. des ac., t. XV, p. 817, 1842). On sait , d’après les sondages [Recherches sur la partie théorique de la Géologie ^ par M. de la Bêche, trad. de M, de Collegno , 1 838 , p. 1 35), qu’une élévation du sol de cent brasses sufüî'ait pour mettre à sec toute la mer du Nord, une grande partie de la Baltique et les mers intérieures de la Grande-Bretagne sur une étendue d’un grand nombre de millions de mètres carrés , et que toute cette vaste région conserve à peu près un niveau constant. Si , comme l’a pensé M. Le Blanc (séance du 25 janvier 1841), u l’exhaussement actuel des côtes de la » Baltique indique la direction d’un grand soulèvement futur; » si le soulèvement lent de la Suède continuait cà agir jusqu’à cette limite, on aurait là une immense plaine où rien ne révélerait une action soule- vante déterminée. (2) M. Elie de Beaumont fait remarquer l’alignement de plusieurs chaînes , telles que celle des A.ndes, par exemple, et celle de la côte de Mozambique, etc., qui suivent la limite des continents. SÉANCE DU 19 AVRIL ISA?. 640 faite même des croisements et des dérangements locaux préexis- tants, ces fentes et ces rides seront sujettes à suivre dans plusieurs cas des alignements antres que celui du l:)ossèlement. lien résultera toujours des fentes sur la surface d’un continent élevé au-dessus du niveau moyen des ondulations de la croûte ; ces fentes seront exposées , il est vrai , à suivre pendant quelque temps la direction des crevasses antérieures ; elles passeront souvent autour d’un massif igné peu étendu, au lieu de le diviser, etc.; mais leur marclie générale ne s’éloignera pas beaucoup de celle du soulè- vement ; la matière ignée venant occuper ces fentes , engendrera des montagnes qui s’arrêteront , et cjiielquefois même brusque- ment, là où commence l’action que nous allons indicpier. Le remplissage des bassins profonds sous-marins se fait en gé- néral d’abord par un dépôt en couches d’épaisseur inégale qui bouche toutes les parties les plus profondes et donne à la surface du fond une inclinaison faible, il est vrai , mais assez sensible pour cjue les sédiments supérieurs, bien cpie s’approchant conti- nuellement de l’horizontale au moyen d’une plus grande épais- seur de leur milieu, finissent par présenter toujours une certaine concavité qui suit au moins de loin les formes du bassin origi- naire (1). Lorsque le soulèvement séculaire, quittant le continent [1) Un des hommes qui onl, fait faire le plus de progrès à la géolo- gie , M, de la Bêche, admet {Rec]i. sur la />'®. tJiéor. de la Géologie , trad. de M. de Collegno, p. 34 et suiv.) c[u’à l’extrémité des deltas d’embouchure il peut se former, dans certaines eirconstances, des cou- ches de 30" à 40° d’inclinaison ; je crois, avec M. de Collegno (note à la p. 54 de U Art d’observer en géologie')^ que ee mode de dépôt ne forme jamais de véritables couches. S’il y a un cas, à mon avis , où il soit possible et môme nécessaire que des couches à surfaces sensible- ment parallèles se forment dans une position assez inclinée, ce ne peut être lorsqu’un courant qui se traîne sur le sol tend par son action meme à égaliser les matières qu’il charrie ou qu’il trouve accumulées; cela ne saurait arriver que dans un bassin profond, où des courants superficiels amènent des eaux chaigées de matières en suspension ; ces matières, retombant après le ralentissement du courant , viendront se déposer tranquillement sur le fond, au-dessous de la portée du mouvement des vagues, et rien n’empêchera qu’elles ne forment un sédiment d’une épais- seur à peu près constante, et qui suivra assez bien les irrégularités du sol. D’après les expériences de M. Bravais dans le Nord et de M. Aimé à Alger, l’agitation des vagues se communique jusqu’à 30 et 40 mètres de profondeur; on s’aperçoit, par l’aspect de la surface de la mer, de l’approche du banc de Terre-Neuve, qui est à 1 60 mètres au-dessous du niveau des eaux ; on sait également que l’action des vagues se fait encore sentir, quoique faiblement, à 1 88 mètres, à file de Bourbon, Ce n’est donc qu’au-dessous d’une profondeur moyenne de 200 mètres qu’il SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 641 OÙ il a préparé des fentes et des montagnes , vient à passer infé- rieurement à un de ces bassins cjui se trouvent au-dessous du niveau moyen de la croûte ondulée , les couches de sédiment qui y sont étendues et qui peuvent être récentes, ou mieux encore ap- partenir à une autre époque et avoir été recourbées en bassins même très concaves par des soulèvements antérieurs , subiront , par le seul fait du relèvement vertical du fond et de la diminution de sa capacité , une pression latérale puissante c]ui tendra à y former des rides. Or, la direction de ces rides lentement préparées et dévelop^ pées par le soulèvement séculaire , augmentées et exagérées au moment de la rupture , sera toujours en rapport soit avec la di- rection des couches relevées plus anciennes qui les supportent, soit avec la forme des bassins ; car il est évident cjue , toutes cir- constances égales d’ailleurs , la direction de ces rides sera toujours suivant le sens de la plus grande longueur des mêmes bassins, c’est-à-dire dans le sens où un nombre moindre de rides suffit pour satisfaire le mouvement (1). M. Elic de Beaumont a fait re- peut se former des dépôts en couches assez inclinées. Mais de telles profondeurs ne se trouvent dans les cas ordinaires que bien avant dans la mer, où les seules matières qui peuvent être encore mé(;aniquement conservées par les eaux sont aussi fines que des argiles, ce qui empêche encore le résultat que nous venons d’indiquer; car, ainsi que M. Élie de Beaumont l’a souvent rappelé au Collège de France, les dépôts ar- gileux se font à la manière des précipités chimiques; les molécules so- lides répandues dans le liquide se condensent vers le fond pour former une bouillie épaisse qui naturellement va occuper les parties les plus basses et qui ne s’éclaircit par la sédimentation que bien peu de temps après et très lentement. II se fait donc dans ce cas un dépôt également presque horizontal. Ce n’est , par conséquent , que dans des conditions exceptionnelles, là où des forts courants superficiels existent dans des mers profondes , et plutôt lorsqu’il s’agit de dépôts sableux et fins, et non de dépôts de sables grossiers et de galets, ou de sédiments cal- caires qui, par suite des conditions d’existence des animaux sécréteurs, n’ont pu s’effectuer que dans les bas-fonds , qu’on peut attribuer une cause originaire naturelle à des couches faiblement inclinées; et cette inclinaison même ne saurait atteindre les limites extrêmes que M. delà Bêche et plusieurs autres géologues ont cru pouvoir lui attribuer : en- core faudrait-il en excepter les endroits soumis à l’action de courants sous-marins profonds , comme ce serait, par exemple , celui qui , sur les côtes du Chili , remonte vers l’Equateur. (i) Supposons que la rupture d’un bossèlement parallèle au grand cercle méridien de Paris vienne soulever par deux chaînons, d’un côté l’arête longitudinale de la Grande-Bretagne , de l’autre côte , la bande, qui lui est sensiblement parallèle , du Danemark et de la Norwége Soc. f/éob, V série , tome IV. 41 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. marquer que le fond des bassins , même les plus profonds , lors- qu’ils dépassent une certaine étendue , doit participer à la con- vexité de la surface terrestre. Dans ce cas , la partie du fond qui est soumise à cette loi sera sujette à se fendiller à la manière des continents; mais les couches récentes qui recouvrent le fond des bords des bassins , lorsqu’il est concave , au-delà des bas-fonds qui entourent souvent les côtes , et des alluvions d’embouchure (1 ) , seront forcées de se plisser, et cela dans un sens analogue à la marche du rivage. Si donc , par hasard , la direction du soulève- ment se trouve couper le rivage à angle droit , celle des rides lui sera perpendiculaire. Les terres dont le niveau delà surface ap- proche du niveau moyen de la croûte terrestre seront fendillées elles aussi , mais elles ne donneront lieu ni à des montagnes ni à des rides ; elles ne présenteront que peu de traces de la révolution qu’elles ont subie. Ces effets doivent avoir été surtout sensibles pendant les dernières périodes primaires et pendant toutes les pé- riodes secondaires; car alors l’écorce du globe était déjà suffisam- ment inégale et elle n’était pas encore aussi épaisse que plus tard (2). Le poids de puissants dépôts marins a pu avoir égale- ment une certaine influence dans les inflexions de l’écorce ter- restre, surtout lorsqu’elle était encore faible et lorsqu’il y avait déjà une tendance au mouvement. M. Elle de Beaumont , qui s’est méridionale. Ce soulèvement relèvera les deux côtes est et ouest de la mer du Nord, et, suivant le de.gré de son étendue verticale, il plissera les couches récentes déposées dans ce bassin peu profond, ou bien il se bornera à les recourber ; dans ce dernier cas, le fond du bassin aura acquis une plus grande concavité sans que les couches en soient sensi- blement dérangées. Mais qu’un soulèvement postérieur vienne passer dans quelques millions d’années, sous cette même mer; alors si le fond a été plissé, il y aura exagération de ces plis; que s’il n’a été rendu que concave, à commencer d’une certaine distance des côtes où il n’aura pas été beaucoup encombré par des déj*ôts postérieurs, il sera obligé de se rider. Quelle que soit la direction du nouveau soulè- vement , les rides marcheront dans le sens de la plus grande longueur du bassin, c’est-à-dire du sud au nord. (1) D’après les calculs de M. Élie de Beaumont, un talus dont le maximum n’est que 2®,50\ ne commence, dans l’Atlantique qu’à une assez grande distance des terres , au-delà du contour des sondes de 4 00 brasses. Les bas-fonds qui entourent les côtes sont souvent pro- duits par l’action destructive et égalisante de la mer; c’est surtout sur les côtes anciennes et formées par des roches tendres que cet effet est très apparent. (2) Les calculs des conditions de concavité ou de convexité du SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 6/îB servi de ces considérations pour expliquer dans certains cas l’é- paisseur très grande de quelques dépôts riverains des époques re- culées , admet que ces dépôts ont pu exercer parfois l’action du dernier grain que l’on ajoute sur l’iine des deux balances en équi- libre (1). Dans ce cas, si le bassin est concave , il y aura ridement dans le sens longitudinal , et le mouvement sera d’autant plus l’acile que les rivages se rapproclieront en s’abaissant ; des forma- tions plus ou moins considérables de combustible pourront se rattacher à ce phénomène. S'il est convexe, son enfoncement de- viendra beaucoup plus difficile , il ne pourra s’exécuter qu’au fond d’un bassin hydrographicjue sont d’une simplicité élémentaire : Soit m la profondeur du bassin, c sa demi-largeur, R le rayon terrestre ; On aura (2R— m) D’où aR— w Et nous obtenons les conditions suivantes : m > 2 R — m concavité m- 2R — /;/ limite jji <' — — convexité ^ 2 R — Ht Si nous appliquions ceci au cas d’un bassin qui aurait 2,000 mètres de largeur, et par suite, pour lequel c ■= \ ,000 ; nous aurions pour condition de concavité 1,000^ “ >ïtnr^ et nous ne trouverions pour valeur limite de in qu’un peu plus d’un mètre, (i) On pourrait peut-être expliquer de celte manière le rétrécisse- ment de certains bassins pendant le cours même d’une période tran- quille, fait qui vient répandre le doute sur la question si un dépôt in- férieur dépassant de toutes parts un dépôt supérieur, doit être par cela seul attribué à une période plus ancienne. Le lias de certaines parties de l’Europe se trouve dans ce cas. SÉANCE DU 19 AVRIL 18^7. moyen d’un ridement, et il y aura pression contre ses bords, ce cpii pourra déterminer un relèvement réel des côtes. Mais, en gé- néral , la plus grande masse des sédiments se faisant à peu de distance des côtes , l’effet probable pour les bassins très étendus, et par conséquent convexes, serait de faire plonger lentement le rivage pour sordever le milieu des continents et le fond du centre des bassins, ce c|ui serait en opposition à la majorité des foits observés actuellement , où ce sont , au contraire , les côtes qui se relèvent. Réfléchissons d’ailleurs que la partie des terres qui est émergée, en raison de son poids spécifique qui est plus du double de celui de l’eau , doit tendre à établir un niveau général uni- forme, ce qui n’arrive pas pour les terres qui sont au-dessous du niveau de l’Océan , puisqu’elles perdent beaucoup de leur poids. Les plaines ne se sont formées en couches horizontales cjue par abaissement lent pendant le dépôt, et presque toutes ont été mises à sec par soulèvement lent. Le fond d’un grand nombre de vastes plaines de la surface terrestre est formé par des couches ridées, plissées, ou même repliées et rasées quelquefois par une dénuda- tion postérieure, sans qu’on puisse y découvrir aucune roche ignée autrement qu’alors que des soidèvements plus récents les ont re- levées encore une fois par leurs tranches. Ces couches sont souvent si peu inclinées , C{ue c’est à peine si les métamorphoses cjui sont arrivées au moyen d’émanations dans les axes de leurs rides, viennent témoigner de leur position dérangée , malgré l’absence de toutes roches plutoniques, cjui, en s’élevant au-dessous, et même en restant cachées , auraient dû les briser et écarter les côtés des fentes en les soulevant. Les travaux de Hoffmann sur le nord de l’Allemagne ; le magnifique ouvrage de IHM. Murchison , de Yerneuil et de Keyserling sur la Russie ; les descriptions des Allé- ghanys; celle de la Bretagne, par M. Dufrénoy ; les beaux Mé- moires de AL Dumont sur le sol de la province de Liège , et de AIAÎ. Thurmann et Rozet sur le Jura ; et bien d’autres ouvrages descriptifs témoignent , par les coupes cju’on peut y étudier, de l’importance de ces ridements par pression latérale , de ces relève- ments des couches indirects et indépendants des roches d’émer- sion, qui peuvent résulter soit du recourbement de la surface su- périeure d’une certaine zone entre deux chaînons d’émersion , soit du simple relèvement ou enfoncement vertical du fond des bassins. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer tout ce c|u’il y a de rude dans le métier du géologue , et combien ce serait hasardé SEANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 6Z|5 de vouloir pousser un principe juste et fécond au-delà des limites qu’une main de maître a su lui tracer. Le caractère géologique qui découle de toutes ces considérations est le seul qui nous amène à des résultats certains; mais, pour s’en servir, il faut savoir faire la part à tous les mille et un accidents locaux ; il faut étudier la surface des couches et suivre patiemment les formations quelque- fois sur des centaines de lieues ; il faut principalement avoir égard aux alignements des roches massives , aux fentes , aux failles et aux rejets des vallées; aux cours des rivières qui souvent sont en rapport avec ces phénomènes. Il faut considérer plutôt les couches relevées directement à quelque distance de ces mêmes roches, que celles qui doivent leur inclinaison aux pressions latérales indi- rectes et variables , et avoir bien soin , avant de rapprocher la di- rection générale observée dans une contrée, d’un des soulèvements adoptés pour un autre pays , de réfléchir d’abord si , d’après la longueur probable des bombements , le soulèvement qu’on prend pour modèle peut passer par cette contrée ; ensuite de déterminer la direction que ce soulèvement doit avoir sous le méridien du lieu (1). Pour arriver à de bonnes déterminations , on doit mettre également à contribution la pétrographie, en étudiant bien l’aspect des roches (2) et la nature des galets qui composent les dihérents (1) M. Elie de Beaumont n’a cessé d’appeler l’attention sur ce point • il n’est, en effet , que trop aisé, lorsqu’on rapproche des directions dans des pays éloignés, de faire abstraction de la courbure du globe, et de ne point songer à ce qu’à l’exception de ceux qui sont parallèles à fécpiateur, les bossèlemetîts, à mesure qu’on les poursuit, viennent couper chaque nouveau méridien sous un angle différent; de manière qu’un soulève- ment qui , de Paris, marcherait vers le N.-E. , ne pourrait arriver aux antipodes qu’avec une direction N. -O. absolument contraire et à angle droit avec la première. Cette circonstance est trop évidente pour qu’il ne suffise pas de l’avoir indiquée; en calculant l’angle sphérique formé par le grand cercle de soulèvement avec le méridien du lieu, ou bien en construisant les directions sur un globe suffisamment déve- loppé, on parviendra aisément à des données exactes ou approxima- tives. (2) J’entends par aspect des roches ce faciès général que conser- vent presque toujours les composants d’un même étage, et dont un œil exercé peut découvrir les traces, soit dans des circonstances acciden- telles communes , soit encore entre une roche métamorphosée et son analogue à l’état naturel. Le faciès général dont nous parlons , qui tient ordinairement à un certain mode de structure originaire des ro- ches, est un véritable caractère auxiliaire , quoique empirique, qui est bien autrement important que celui qu’on tirerait de la classification SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. conglomérats (1), ainsi que le pays de leur provenance ; il faut s’ai- der de la chimie , de la minéralogie , de la zoologie , de la bota- nique. IL jüiit surtout ne point restreindre sa pensée à Vhorizon au-^ quel peut atteindre sa proprevue, et ne point s'imaginer que Von domine la nature lorsqu’on n’en aperçoit que les exceptions; il ne faut point mettre en doute la vérité d’un principe génércd parce qu'on n’a pas su le suivre da?is le labyrinthe de ses manifestations par- tielles. Il faut se rappeler le précepte du grand-prêtre de la géo- logie pratique , Saussure , qui , vers la fin du siècle dernier , s’é- criait que : « Les montagnes ne doivent pas être observées avec un microscope. » M. de Verneuil fait la communication suivante : Note sur le parallélisme des roches des dépôts paléozoïques de r Amérique Septentrionale avec ceux de V Europe suivie d\in tableau des espèces fossiles communes aux deux conti- nents, avec r indication des étages oit elles se rencontrent , et terminée par un examen critique de chacune de ces espèces ; par M. de Verneuil. Après avoir étudié pendant plusieurs années , en Russie et en Suède, la distribution des fossiles du terrain paléozoïque , l’objet principal de notre courte visite dans l’Amérique septentrionale était de vérifier si la distribution stratigrapbique des animaux y est la même qu’en Europe. 11 a donc fallu nous familiariser d’abord avec la géognosie de cette immense contrée , en rassembler eouclie par couelie les divers fossiles (2), ou du moins les principaux , puis y distinguer : 1“ les espèces propres à l’Amérique; 2" les espèces minutieuse des roches par espèces ou suivant leur nature minéralo- gique, et qui est fort peu utile eu géologie. (1) On sait tout le parti qu’a su tirer de ce caractère M. Al. Bron- gniart lorsqu’en 1823 il était parvenu par ce simple moyen à rappro- cher les terrains de Superga de ceux du Vicentin , classement que la science paléontologique est venue confirmer plus lard. (2) En décrivant les espèces nouvelles que nous avons rapportées, nous aurons souvent occasion de rendre justice aux divers savants qui se sont occupés avec tant de succès de la géologie des États qu’ils ha- bitent, et à qui nous devons une bonne part de nos fossiles. Nous les prions , en attendant , de recevoir ici l’expression de notre reconnais- sance. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Ù7. 6A7 identiques avec celles d’Europe. Les premières seront l’objet d’un travail postérieur où nous nous occuperons davantage de la géologie des Etats-Unis ; les secondes seront le sujet des considérations sui- vantes, que nous essaierons de restreindre dans les limites qui con- viennent au Bulletin. Pour bien faire comprendre la distribution des fossiles en Amé- rique , et pour mettre à même de juger si les espèces identiques avec celles d’Europe s’y trouvent dans les mêmes couches que ces dernières, si enfin l’époque de leur apparition et la période de leur durée sont concomitantes dans les deux continents, nous ferons connaître, aussi succinctement que possible, la série des dépôts qui composent l’ensemble du terrain paléozôique , soit dans l’Etat de New- York , soit dans celui de l’Ohio , ou dans les autres Etats situés au N. -O. des Alleghanys. La superposition des couches et des étages une fois bien établie , nous dirons quelles sont les espèces identiques avec celles d’Europe qu’ils renferment. C’est là que nous chercherons les éléments nécessaires à la solution de cette double question : 1° Les espèces se présentent-elles dans le même ordre en Amérique et en Europe, ou, en d’autres termes, y a-t-il dans leur succession, depuis les couches fossilifères les plus anciennes jusqu’à l’étage houiller inclusivement , une loi commune aux deux conti- nents? 2" Est-il possible de tracer, entre les divers groupes ou étages du terrain paléozoïque d’Amérique, des divisions correspondant à celles que nous avons établies de ce côté de l’Atlantique sous les noms de systèmes silurien , dévonien et carbonifère? L’importance que, dans ces recherches , nous sommes porté à accorder aux espèces identiques entre les deux continents, nous a engagé à en donner la liste avec l’indication des divisions où elles se rencontrent , et à joindre à ce tableau quelques détails sur chacune de ces espèces , et en particulier sur leius divers gisements. Ce sont pour ainsi dire nos pièces justificatives. Composition du terrain paléozoïque dans l’État de New-^Yori'. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas de terrain peut- être qui s’étende d’une manière continue sur une plus vaste surface que le terrain paléozoïque de l’Amérique septentrionale, et cela seul suffit pour le rendre digne de notre intérêt. Les parties déjà re- connues de cet immense bassin comprennent 30 à 35 degrés de lon- gitude et 15 degrés de latitude ; mais ses limites septentrionales sont encore incertaines , et si , comme le croient quelques voyageurs , elles s’avancent jusque vers le cercle polaire, le terrain paléozoïque SÉANCK DU 19 AVIUL 18/}/. Ôlib eiiiDi asserait, à partir de Tusciilaosa en Alabaina , son extrémité méridionale , un espace de plus de 30 degrés de latitude. Toute cette étendue est loin d’être également étudiée. Plusieurs Etats ont ordonné des études géologiques destinées à faire connaître les ri- chesses minérales de leur sol, et qui ont donné lieu à des publica- tions très remarquables, mais l’Etat de New-York a fait plus, il a entrepris la noble tâche de publier un ouvrage complet sur son histoire naturelle. Les travaux géologiques confiés à des hommes éminents ont jeté une vive lumière sur la constitution géognos- tique de cette partie des Etats-Unis. Un de ces hasards heureux , comme l’histoire des sciences nous en offre des exemples, a voulu que le territoire de l’Etat de New-York offrît précisément, au-des- sous du système carbonifère, la série paléozoïque la plus complète. Toutes les conditions favorables se réunissaient en outre pour y faci- liter les études stratigraphiques et pour donner à la superposition, et par conséquent à la paléontologie , dont elle est la base fonda- mentale ^ une certitude yéritablement scientifique. En effet, dans . la partie N. -O. de cet Etat, les couches inclinent très légèrement au S., de manière à faire affleurer, à mesure qu’on s’avance vers le N. , des couches de plus en plus anciennes. Le relief du sol pré- sente une pente précisément inverse ; il atteint une assez grande élévation près des limites de la Pennsylvanie et s’incline au N. vers le lac Ontario. Il résulte de cette disposition une série de lacs et de petites rivières qui, se dirigeant du S. au N., coupent transver- salement les formations. Ces rivières , profitant probablement de fissures préexistantes , entament le sol comme le Niagara jusqu’à la profondeur de 200 ou 300 pieds, et permettent d’étudier et de reconnaître avec certitude la superposition des divers étages. Il nous est arrivé plus d’une fois de comparer les avantages naturels de cette contrée avec les difficultés que présente la Russie d’Europe , où les plaines sont si peu accidentées , et l’épais manteau diluvien qui les recouvre si peu déchiré. Aucun pays de l’Europe ne nous offre un développement com- plet et non interrompu des systèmes silurien et dévonien, et il faut, pour l’observer, traverser l’Atlantique. Depuis les couches fossili- fères les plus anciennes , qui correspondent à l’étage inférieur du système silurien, jusqu’à la houille exclusivement, il y a, dans l’Etat de New-York, une succession continue de dépôts qui se su- perposent en stratification concordante, sans cependant se recouvrir entièrement. Les quatre géologues officiels de l’Etat de New-York se sont accordés à y reconnaître 28 groupes ou sous-étages , qu’ils ont réunis de la manière suivante ; SÉANCE DU 19 AVRIL 18/i7, 6/(9 Tableau des groiqjes de la-série paléozoïque de t Etat de New-York, Vieux grès rouge. ( Grès et schistes. Division Érie, 27. Groupe de Chemung. 26. Groupe de Portage. 25. Schistes de Genessee. 24. Calcaire de Tully. 23. Groupe de Hamilton. 22. Schistes de Marcellus. Division Helderberg. Division Ontario. Division Champlain. !21. 20. 19. 18. 17. 16. 15. 14. 13. 12. (11- 10. ( 9. / 8. Calcaire cornifère. Calcaire d’Onondaga. Grès de Schoharrie. Grès à queue de coq. Grès d’Oriskany^^^ Calcaire supérieur à Pentamères. Argiles schisteuses à Delthyris. Calcaire à Peiitamerus galeatas. Calcaire hydraulique. Groupe salifère d’Onondaga. Groupe de Niagara. Groupe de Clinton. Grès de Médina. Conglomérat d’Onéida. Grès gris. Groupe de la rivière Hudson. Schistes d’ütica. Calcaire de Trenton. Calcaire de Black river. Calcaire siliceux. Grès de Postdam. Il ne faut pas perdre de vue que ces groupes sont de valeur iné- gale; en effet, les uns, tels que le grès de Schoharrie ou le calcaire de Tully n’ont que quelques pieds d’épaisseur , tandis que d’au- tres, tels que les groupes d’Hudson ou de Portage, atteignent jus» qu’à 1,000 pieds. C’est un inconvénient qu’il était difficile d’éviter, car là où de grandes masses n’offrent de changements ni dans leur nature minéralogique ni dans leurs fossiles , il devient inutile d’y établir des divisions. L’étendue horizontale de ces divers groupes n’est pas moins variable que leur épaisseur ; chacun d’eux , suivi sur son prolongement , se renfle , s’amincit ou disparaît ; en sorte qu’il n’y a jamais deux points où la série soit complète , ni même où elle soit semblable, si ces deux points sont tant soit peu distants. Ces circonstances offraient d’assez nombreuses difficultés , qui ont été heureusement surmontées par les géologues de l’Etat de New- 650 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. York , et nous devons rendre ici toute justice à la sagacité avec la- quelle ils ont su mettre au jour tous les détails de superposition des divers étages ou sous-étages dont se compose le terrain paléo- zoïque. Le groupement qu’ils en ont fait en cinq divisions est peut- être moins heureux ; ce sont des coupes assez artificielles, auxquelles ils attachent d’ailleurs eux-mêmes peu d’importance. Fondées sur - des différences, soit dans les caractères minéralogiques , soit dans l’étendue de la distribution géographique, elles ne correspondent pas toujours , ainsi que nous le verrons par la suite , avec les divi- sions principales ou les systèmes de l’Europe. Si nous ne maintenons pas les divisions principales établies par les géologues de l’Etat de New-York , nous nous permettrons aussi de réu- nir c[uelcj[uefois plusieurs des groupes partiels qui figurent dans le ta- bleau précédent, et que nous allons rapidement passer en revue (1). \ . Grès de Postdam. De même qu’en Russie et en Suède, les dé- pôts sédimentaires dans l’Etat de New-York commencent par un grès (2). A Keeseville, près du lac Champlain, où nous l’avons vu, ce grès est quarzeux , dur, et à grains fins, passant presque au c[uarzite. Il est divisé en couches horizontales et a plus de 100 pieds d’épaisseur.Ilcontient une petite Lingule arrondie, prescpie toujours brisée, que M. Dali a figurée sous le nom de L. prima. C’est une coquille qui ressemble beaucoup aux Oholas ou Ü7?gu/ites, lesquels en Russie caractérisent un grès analogue. Dans les deux pays, les fragments de ces coquilles , disséminés dans la roche , la divisent suivant des plans parallèles. Selon le docteur Emmons, le grès de Postdam devient en quelques endroits une roche poreuse , blan- châtre et presque friable , comme est en général le grès des envi- rons de Saint-Pétersbourg. D’après le même auteur, il présente cjuelcpiefois de ces rides {ripple marks) qui indiquent des dépôts tranquilles dans une mer peu profonde. 2. Calcaire siliceux {calciferous sandroch). — Cette roche est la première d’une série de couches calcaires qui caractérisent, en Amé- rique, l’étage inférieur du système silurien. A Little Falls, où nous l’avons examinée , c’est un calcaire foncé très impur , et mêlé d’ar- gile ou de silice ; quelques couches sont magnésiennes , remplies (1) M. Hall lui-même , dans l’ouvrage qu’il prépare sur la paléon- tologie de l’État de New-York, reconnaît l’utilité de pareilles réunions. (2) Selon le savant professeur Emmons , il y a encore au-dessous du grès de Postdam un système de couches très épais, qu’il appelle Taca- nic System. Nous nous abstiendrons d’en parler ici ; car ces couches n’étant connues nulle part, là où les formations sont horizontales, quelques doutes ont été élevés sur leur âge véritable. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zl7. (351 de fissures et de géodes, tandis que d’autres présentent une struc- ture oolitique ; la roche du reste est nettement stratifiée, et repose directement sur le gneiss avec une faible inclinaison. A Middle- ville, les géodes sont remplies de cristaux de quarz à double pyramide et d’une limpidité admirable. Cet étage est pauvre en fossiles; M. Hall y cite quelques Turbos, des Pleurotomaires et des Evomphales ; mais il est remarquable qu’il n’y existe que peu ou point de bracliiopodes. Son épaisseur est d’environ 250 à 300 pieds. 3. Calcaire de Black ricer comprenant le Chazy et hirdseye Uines- tone. — A la roche précédente succède un autre étage calcaire de 150 pieds de puissance environ, plus pur, de couleur bleu ou gris- clair , et qui paraît être le point de départ ou le berceau de la plu- part des êtres que nous allons voir se développer dans l’étage infé- rieur du système silurien. Quelques types cependant lui sont par- ticuliers , tels que les Lituites et le genre Macliirites Lesueur ( espèce d’Evomph ale senestre). Les trilobites, eneore peu nom- breux, y sont représentés par les genres Isotelus et Illœnus ^ les Orthocératites , qui y aequièrent quelquefois la taille énorme de 8 ou 9 pieds , y présentent ces divers types que l’on a nommés Ormoceras et Endoceras ^ suivant que le siphon est renflé et annu- laire , ou qu’il renferme un tube dans son intérieur. Les brachio- podes , comme formes initiales , nous offrent les genres Orthis , Lcptœna et Terebratula . M. Hall remarque avee raison que le cal- caire de Black river, de même que tous les groupes subordonnés, pos- sède des espèces propres qui naissent et meurent dans ses limites , ou du moins qu’on ne revoit plus au-dessus, et des espèces qui lui sont communes avee les groupes subséquents ; parmi ces dernières, nous citerons Y Isotelus gigas, V Illœnus crassicauda et X Orthocera- tites hilineatiun Hall. Les trois groupes précédents renferment une grande abondanee de fucoïdes. Zl, 5, 6. Calcaire de Trenton. Schistes d’XJtica. Groupe delà rivière Hudson. — Ces trois groupes ont tant de fossiles communs qu’ils doivent être réunis , et nous verrons bientôt que , dans les Etats de l’ouest, ils n’en forment en effet qu’un seul. Ils constituent sans contredit la partie lapins importante de l’étage inférieur du système silurien, par le nombre de leurs fossiles et l’immense étendue qu’ils occupent. Les caractères principaux de la faune de cette époque sont, d’une part, l’absence ou la rareté des animaux vertébrés, dont aueun débris n’a encore été découvert en Amérique (1), et de l’autre, (1) Nous apprenons par MM. Sedgwick et Murchison [Proceed. of the Geol. Soc-. 1847, p. 177) que des fragments de poissons du genre Onchus ont été récemment découverts dans les schistes de Llandeilo SÉANCE DU 19 AVRIL iH/j?. 652 le grand développement des trilobites et des mollusqLies , notam- ment des Ortliocératites et des brachiopodes. Aux formes initiales des Isotdus et des lllœnus, que nous avaient offertes les trilobites dans le groupe précédent, se joignent iei les Tri nucléus , les Caly- mene , les Ceraurus , les Lichas et les Phacojjs. Parmi les Ortho- eératites, se distinguent particulièrement ces grandes espèces à si- phon latéral , nommées Endoceras et Diploceras , que nous avons vues commencer dans le groupe précédent. Les gastéropodes et les acéphales lamellibranches présentent , dès cette époque , un assez grand nombre d’espèces ; mais ils le cèdent en importance aux brachiopodes , qui sont représentés par les trois genres que nous avons déjà cités dans le calcaire de Black river. Quant aux poly- piers, le Colunrnaria (ilveolata Goldf. , caractéristique de ce der- nier calcaire , est remplacé ici par le Chœtetcs Petropolitanus , un des fossiles les plus abondants. Les fiicoïdes s’y montrent aussi , particulièrement vers la base. he ccilcaire de Trenton est ordinairement noir, bitumineux, et quelquefois un peu magnésien. Il a 2 à 300 pieds d’épaisseur , et est souvent, comme à Trenton Falls , divisé en strates minces et horizontales. A sa partie supérieure , il devient plus schistoïde , plus argileux , et passe insensiblement aux schistes d’Utica, remar- quables par leur couleur noire, qui semble indiquer une certaine pro- portion de bitume. La rareté des fossiles dans ces schistes contraste singulièrement avec l’abondance de ceux du calcaire de Trenton. Bien que la transition minéralogique de run à l’autre groupe soit insen- sible, et ne paraisse avoir été accompagnée d’aucun mouvement violent , les espèces du calcaire de Trenton finissent presque toutes là où cesse ce dépôt; mais cette disparition n’est qu’un de ces acci- dents locaux qu’il faut savoir apprécier et distinguer du phéno- mène de la succession normale des espèces , car ce n’est en réalité qu’un déplacement. Les espèces, détruites par des circonstances qui leur étaient défavorables dans le territoire de New-York, ont con- tinué à se propager dans les régions situées à l’ouest, et lorsque ces circonstances ont changé de nouveau , lorsque la nature des dépôts a été modifiée , et que les schistes d’Hudson ont remplacé ceux d’Utica, alors les animaux qui composaient la faune de Trenton sont revenus occuper leur ancienne patrie , non pas tous in- tégralement, mais avec cette rénovation partielle et successive que et dans le calcaire de Bala. Si les poissons sont assez rares dans l’étage inférieur du système silurien pour avoir échappé jusqu’à ce jour aux recherches des géologues d’Angleterre, il n’est pas étonnant qu’on n’en ait pas encore trouvé en Amérique. SÉANCE BU U) AYRÎL 18/l7. 653 le temps leur avait imprimée. Les espèces caractéristiques des schistes d’Utica sont le Graptolites dentcitus Vanuxem,orné d’une double rangée de dentelures, et un petit trilobite nommé TriartJiiis Bechii. Ces schistes peuvent avoir 75 pieds d’épaisseur. Le groupe qui nous occupe se termine, dans l’Etat de New-York, par des roches de 8 à 900 pieds d’épaisseur , et que l’on en a sépa- rées dans l'origine sous le nom ^Hudson rivet' group. Ce sont des scliistes à grains plus ou moins fins , et des grès très argileux , gris et brun-foncé, que l’on pourrait appeler grauwackes. La cou- leur verdâtre , assez claire , des schistes , en général , permet de les distinguer de ceux d’Ütica, auxquels ils passent d’une manière in- sensible. La partie inférieure de ce groupe est, comme les schistes d’Utica, très pauvre en fossiles, excepté en Graptolites, dont on compte plus de dix espèces. 11 n’en est pas de même de la partie supérieure : on y trouve un assez grand nombre de bivalves incon- nues auparavant , telles que sept espèces d’un genre voisin des Mo- dioles , et appelé Modiolopsis , deux ou trois Avicules (genre très rare à cette époque), la Pterinca carinata Cour., etc. On y voit aussi apparaître cjuelques espèces nouvelles de trilobites, d’Ortbo- cératites, de Pleurotomaires, et enfin le Cyrtolites ornatus Cour. La plus grande partie des espèces , cependant , surtout parmi les bra- chiopodes, sont les mêmes cpie dans le calcaire de Trenton. 7 et 8. Grès gris et conglomérat d’Oneida. — Le groupe de la ri- vière Hudson est surmonté , dans l'E. de l’Etat de New-York, par un conglomérat quarzeux , et dans FO. par un grès gris, qui , l’un et l’autre , ne contiennent que des fucoides. Ces roches , que nous n’avons pas eu occasion de voir , ont une épaisseur variable ; c’est avec elles c[ue se termine ce que les auteurs de la Géologie de New-York ont appelé la division Chainplain . Comme, selon ces mêmes auteurs, ces grès passent insensiblement à ceux de Médina, la limite entre les divisions Chainplain et Ontario est tout à fait arbitraire. 11 semble préférable de terminer la première grande division des dépôts américains avec les schistes de la rivière Hud- son, c’est-à-dire là où disparaissent la plupart des types d’ani- maux caractéristiques de l’étage silurien inférieur d’Europe. Les grès et les conglomérats qui succèdent aux schistes d’Hudson four- nissent une base assez naturelle à la division suivante. 9. Grès de Médina. — Les grès précédents, ainsi que nous ve- nons de le dire , se lient à ceux de Médina , sans qu’il y ait entre eux de démarcation tranchée. Ce nouvel étage se compose de grès rouge ou bigarré, très argileux, passant quelcjuefois à des roches presque entièrement argileuses , ou alternant sur d’autres points avec des grès quarzeux, et il se termine à sa partie supérieure par 05A SÉANCE BU do AVRIL 1847. une bande de grès gris assez constante , connue sous le nom de grey band. Les couches rouges et argileuses ont souvent leur sur- face couverte de corps cylindriques , se croisant en tous sens , et appelés Fucoïdes Harlani. Près de Rochester , ils se trouvent à la partie supérieure de ce grès. Les couches quarzeuses renferment c{uelques fossiles marins, entr’ autres la Lin^ida cimenta Cour., une Cytherinn assez semblable à la C. altci Conr., et le Dellerophoii tri- lob citas ^ espèce commune en Angleterre dans les roches de Ludlow et de Caradoc. La présence de quelques sources salées pourrait fa- cilement faire confondre ce groupe avec celui d’Onondaga , si l’on négligeait l’étude de la stratification : ce sont les sources salées les plus anciennes de l’Amérique septentrionale. A la partie supérieure du grès de Médina , M. Hall signale l’existence de ces rides {ripplc marks) dues à l’action des eaux , sur les bas-fonds ou le littoral de la mer. 10. Groupe de Clinton. — Ce groupe comprend des roches de composition assez différente. Près d’Utica, on nous l’avons vu pour la première fois , il nous a présenté un grès rouge rempli de petits trilobites , Agnostus latus Hall. A Rochester , les bords de la ri- vière Genessee , profondément excavés , exposent une très belle coupe du groupe de Clinton. Les couches, en allant de haut en bas, sont dans l’ordre suivant : 1 . Argiles schisteuses renfermant des bancs calcaires avec Terebratida hemisphœrica , environ 12 pieds. 2. Argiles schisteuses vertes 15 à 20 pieds. 3. Calcaire à F entameras oblongas ... 3 ou 4 pieds. 4. Roche de fer oolitique 1 ou 1 1/2 pied. 5. Argiles schisteuses vertes 23 pieds. La couche de fer oolitique, quelque minee qu’elle soit, aune constanee remarquable et peut être suivie sur une distanee de 160 kilomètres. Elle donne lieu à plusieurs exploitations. Le groupe de Clinton est assez riche en fossiles. Le plus remarquable par son abondance et sa vaste distribution, tant en Amérique qu’en Europe, est le P entameras oblongas; puis vient la Tercdmi- tula hemisphœrica. Ce groupe semble être la limite supérieure des Graptolites , qui n’y sont représentés que par une petite espèce , si abondante dans certaines couehes qu’elle y laisse une matière charbonneuse colorant la surface en noir. IVl. Hall signale eneore beaueoup d’autres fossiles , parmi lesquels nous cite- rons la queue d’un Hemicryptarus , voisin de \ Asaphus expansas^ les Leptœna depressa L. elegantala ow sericea ^ Chonetes cornuta Hall, Terebratida reticalaris T. congesta Conr., Spirijer bra- 655 SÉANCE DU 19 AYDTL iS/f/. chynota (fragment assez analogue au S. lynx) et des Tentaculites. 11. Groupe de Niagara. — Le groupe de Clinton est régulièrement surmonté par les argiles et les calcaires de Niagara, groupe presque aussi important que celui de Trenton , et qui mérite comme lui la plus grande attention, (i’est la roche qui donne naissance à la célèbre cataracte de Niagara. La partie supérieure de l’escarpe- ment d’où les eaux se précipitent est un calcaire bleuâtre , légère- ment siliceux et magnésien , qui contient quelques géodes de gypses ; la partie inférieure est composée d’argiles schisteuses dont l’érosion peut expliquer la retraite, si lente d’ailleurs, de la cata- racte. ANiagaramême, cet ensemble de couches contient peu de fos- siles , mais à Lockport et à Rochester on en trouve un très grand nombre , surtout dans les parties argileuses. Parmi les plus inté- ressants nous citerons les suivants : Phacops liniiduriis Green , Biimastus Barriensis , Homalonotus delpliinocephalus , OrtJio-^ ceratites annulatus , Spirifer Niagarensis Conr. , S. cyrtœna , S. sidcatus, S. crispas, S. hilobiis Linné, Ordiis elegantida ^ O. hy- brida^ Leptæna depressa , L. transcersalis , Terebratida redcidaris T. nitida Hall, T. caneata, Caryocrinus ornatus , Hypandiocrinites decorus Phill. , Cyathocrinites pyrijormis Phill. Tout ce groupe , déjà assez puissant à Niagara et qui augmente encore d’épaisseur vers les grandes plaines de l’O. , s’ainincit au contraire et dispa- raît dans la partie orientale de l’Etat de New-York. A Scho- harrie,par exemple, le calcaire de Niagara manque, ainsique les groupes de Clinton et d’Onondaga, et les n°® 6 et 13 de notre ta- bleau ( voir p. 4 ) se trouvent en contact. C’est ici que les géo- logues de New-York ont placé la limite supérieure de la division Ontario , et cette limite est aussi celle que nous adoptons pour les Etats de l’O.; mais dans l’Etat de New-York, là où se développent les groupes inférieurs de la division Helderberg , nous les réunis- sons à la division Ontario , ainsi qu’on le verra plus tard , pour avoir un ensemble de dépôts analogues par leurs fossiles à l’étage silurien supérieur d’Europe, 12. Groupe sali f ère cVOnondaga. - — Au-dessus des calcaires de Niagara se développe une masse considérable d’argiles schisteuses et de marnes comprenant , d’après les auteurs de la Géologie de New-York , des bancs ou amas de gypse , des calcaires impurs , concrétionnés , souvent argileux et quelquefois poreux et magné- siens. Elle doit contenir aussi du sel , car elle donne naissance à un grand nombre de sources salées. Au point de vue économique, c’est un dépôt d’une grande importance, puisqu’il contient tous les gypses et tous les sels exploitables de la partie occidentale de l’Etat 656 SÉANCE DU 19 AVRIL i8Z[7. de New-York. Au point de vue de la science , il vient confirmer un fait presque général en Europe, celui de l’association du gypse, du calcaire magnésien et des sources salifères. Quant aux fos- siles , il est très pauvre , comme tous les dépôts de cette nature , et n’a fourni aux observateurs cjue quelques moules de coquilles mal conservés. Malgré sa puissance qui , l^ien qu’imparfaitement connue , est au moins de 7 à 800 pieds, ce groupe est presque limité à la partie occidentale de l’Etat de New-York. 11 s’étend à peine dans le Canada au-delà de la rivière Niagara, et manque complètement à l’O., dans les Etats d’Ohio, d’Indiana et du Ken- tucky , etc. 13, là, 15 et 16. Calcaire hydraulique . Calcaire a Pentamerus galeatus. Argile a Delthyris. Calcaire supérieur h Pentamères. Ces quatre étages ayant peu d’épaisseur et présentant la même distri- bution géologique , nous croyons devoir les réunir en un seul. Le nom de calcaire hydrauliciue ou waterlime , très défectueux en lui-même , puisque l’on trouve en Américjue de la chaux hy- draulique à d’autres étages , a été appliqué à un calcaire peu épais et bleuâtre. A Scliobarrie , ce calcaire, mêlé de parties plus argileuses , et stratifié en couclies minces , peut avoir 20 ou 25 pieds d’épaisseur. Plusieurs des couches sont couvertes de Tenta- culites et de Cythérines ; les premiers , tous dirigés dans le même sens , semblent avoir pris cette position sous l’influence de cou- rants sous-marins , à l’épocjue de leur dépôt. Les fossiles caracté- ristiques sont le Tentaculites ornatus Sow., la Terehratula sulcatUy voisine de la T. canalis Sow., la Cytherina cüta Conr., Y Euryp fe- ras remipes Dekay, et un grand Phragmoceras , assez voisin du P. ventricosum de Ludlow. Le calcaire à Pentamères c]ui surmonte le calcaire hydraulique s’en distingue par l’épaisseur de ses bancs , la compacité de la roche qui la rend susceptÜDle de former des escarpements verti- caux sur les flancs des vallées. îl n’a que 12 à 15 pieds d’épaisseur aux environs de Schoharrie , mais selon M. Yanuxem , il atteint quelquefois jusqu’à 80 pieds. Les fossiles caractéristiques sont : le Pentamerus galeatus , Y Evomphalus profundus Conr. , les Avicula monticula et naviformis , Conr. , et une singulière encrine , voisine des cystidées, appelée par AI. Conrad Lepocrinites Guehhardi. Au-dessus de ce calcaire, viennent les argiles ou calcaires argi- leux à Delthyris, d’une épaisseur d’environ 30 à àO pieds. On y voit apparaître un assez grand nomlDre d’espèces du genre Acrocu- lia Phill. {Platyeeras Conr. ) ,' qui manque dans l’étage silu- rien inférieur et qui est encore très rare dans le groupe de SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zi7. 657 Niagara. Parmi les autres fossiles nous signalerons les espèees sui- vantes : PJiacops Hausmanni Brongn. , Asaphus jiasutas Cour. , Platy- ceras veiitricosiim Conr. (1), P. Guehharcli Cour., Leptœna depressa Leptœnci punctidifera (voisin du L. niiranda Barr.), Spirijer ma- crojAcuriis Conr., S. pacliyopterus Gonr., S. hilohus Linné, Te- rehratiila dejlexa Sow. , ou espèce très voisine , Atiypa inflata Conr., voisine de ILf/. sphœrica Sow., Atrypa œqidradiata Conr., Terehratala redciilaris , Ordtis hybrida^ Ordds voisine de F O. oc- clusa Barr., Millepora repcns et autres petits polypiers. Plusieurs de ces espèces existent dans le groupe de Niagara. Le calcaire supérieur à Pentamères ne se distingue de Létage précédent que par la nature plus compacte de la roche et par quel- ques fossiles qui s’ajoutent à ceux des couches sous-jacentes, tels qu’un Pentamère lisse, voisin du P. galeatus qui se tiouve dans le calcaire dévonien de l’Eifel et probablement aussi dans les cou- ches sduriennes de la Bohême. Les cpiatre étages dont nous venons de parier forment la partie inférieure de ce que les géologues de New- York appellent la série d’ITelderberg ; c’est dans ces montagnes et dans le voisinage de Schoharrie qu’ils sont le mieux développés. En contact immédiat avec le groupe de la rivière d’Hudson {Hudson river group)^ ils sem- blent y remplacer les couches de Niagara. Lorsqu’on les suit vers rO., on les voit s’atténuer et disparaître là où celles-ci se déve- loppent. 17. Grès d’Orlskany. — C’est un grès quarzeux qui , dans l’Etat de New-York, n’a jamais plus de 30 pieds d’épaisseur, et qui se réduit souvent à trois ou quatre. 11 est rempli de fossiles , et son importance n’est pas due seulement à cette circonstance, mais en- core à ce qu’il se prolonge jusque dans les Etats de Pennsylvanie et de Yirginie, où il acquiert une puissance de 300 pieds ; il manque au contraire à l’O. de l’Etat de New- York et dans tout l’espace compris entre les limites de cet Etat et le Mississipi. Selon M. Hall, ce grès sem]3le avoir été déposé dans des dépressions dues , soit à des inégalités naturelles de la surface des roches préexistantes , soit à des dénudations. Les fossiles y sont toujours à l’état de morde , excepté dans les endroits où la roche est légèrement cai- carifère. Les plus communs sont de grandes Acroculia et les Spirifer cidtrijugatusP^ç>e\\\^x \ S. inacroptcrus Roemer ; S. orenosiis Conr.; Atrypa elongata Conr. ; A. peculiaris Conr.; Orthis unguijor/nis (i) Le genre Platyceras de Conrad n’est autre que le genre Acro- culia de Phillips. Soc. géoL , 2*^ série, tome IV. 42 658 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. Gonr. {Rîppar'ionix proxinms Yanux.). Le genre Spirijer , qui n’existait pas réellement avant le groupe de Clinton , et qui , soit dans ce sous-étage , soit dans les suivants, n’est représenté que par de petites espèces , prend ici un développement particulier et ofïVe des espèces qui, par leur taille, ainsi que par leurs plis nombreux, se rapprochent du type dévonien et carbonifère. 18 et 19. Grès à queue de coq et grès de Sclioharrie. — - Ces deux groupes ont si peu d’épaisseur que nous croyons devoir les réunir ; ce sont l’un et l’autre des grès bruns à grains fins et très calcari- fères. Par l’action de l’atmosplière , le calcaire est entraîné , et la roche devient poreuse. Le premier de ces grès est caractérisé par des impressions énigmatiques en forme de queue de coq , et que l’on rapporte à quelque genre inconnu de plantes marines; le se- cond mérite d’ètre signalé d’une manière toute spéciale comme le i point le plus bas où l’on connaisse en Amérique le type des pois- sons dévoniens. M. John Guebbard de Sclioharrie y a trouvé un fragment èè Aster olepi s ^ que nous avons vu dans sa collection. Dans les mêmes couches apparaît aussi le genre Pleuroijuchus, avec des dimensions qui rappellent les espèces carbonifères. Les autres fos- siles sont : \e, Phacops macrophtalrnus^Xe P. laticostatus Green; un grand Cyrtocère analogue à une espèce de l’Eifel , des Ortliocéra- tites à anneaux transverses, et, selon M. Hall, un assez grand nombre de polypiers. Cette roche n’a que 8 à 10 pieds à Scho- barrie, et ne s’étend pas loin vers l’O. 20 et 21. Calcaire d’Onondaga et calcaire cornifèrc. — Ces deux calcaires, presque toujours associés et difficiles à distinguer l’un de l’autre, nous paraissent devoir être réunis en un seul groupe, aussi important par l’étendue qu’il occupe que les groupes de Trenton et de Niagara. Dans toute la partie occidentale de l’Etat de New- York, où manquent les n°® 13 à 19 de la division d’Helderberg , le calcaire d' Oaondaga repose immédiatement sur le groupe sali- fère. Il est gris, plus ou moins cristallin, et renferme beaucoup d’Encrines et de grandes espèces de polypiers qui ont construit à cette époque des récifs à peu près semblables à ceux qui s’élèvent encore dans nos mers tropieales. Les plus communs sont : les Fa- vorites Gothlandica et alveolaris , F. fihros a , F. favosa Goldf. , des Litliodendron et de grands Cyathophyllum . Ces polypiers sont sou- vent à l’état siliceux et se dessinent en relief sur le calcaire. A Ca- ledonia, selon le colonel Jewett de Lockport, on y trouve aussi des Caténipores (1). (i) Ce point serait essentiel à bien établir; car, en Europe, on ne SÉANCE DU 19 AYRIL 18Zi7. 659 Le calcaire cornijèvc , par sa structure compacte , forme souvent comme la roche précédente, des escarpements verticaux et des cas- cades ; il contient beaucoup de nodules siliceux ou pierres de corne. A Auburn, nous l’avons vu exploité sur une grande échelle comme pierre à bâtir. Au point de vue paléontologique , il se dis- tingue du précédent par l’absence des encrines et des polypiers. Ses fossiles principaux sont : les Calymcne crassinuirginata Hall ; Oclontoceplialus selenurus Cour ; Phacops macrophthalnius ; Cyrto- ceras widulatum Hall, et plusieurs autres Cyrtocères analogues à ceux du Devonshire ; Platyceras diunomm ^ Chemnitzia nexilis; Acroculia erecta ^ Hall; un grand Pleiirorynchiis assez semblable à celui du grès de Schohai’rie; Pterinca cardiijorniis , Hall; Leptœna d( pressa et Terehratida reticidaris. Ces deux calcaires n’ont pas ensemble beaucoup plus de 40 à 50 pieds. 22, 23, 24 et 25. Schiste de Marcellus, groupe de Hamiltoii, Caire de Tidly, et schiste de Genessee. • — C’est un trait distinctif du terrain paléozoïque de New-York, d’être calcaire à sa base et schis- teux ou arénacé à sa partie supérieure. En effet, nous allons voir se développer, à partir du dernier groupe jusqu’au système carbo- nifère, une masse énorme de schistes et depsammites presque en- tièrement privés de calcaire. C’est ce qui nous paraît avoir déter- miné les géologues de New-York à placer ici la limite entre les divisions Helderherg et Erie. L’étendue géographique du calcaire cornifère semble donner à cette limite une grande importance ; mais, outre qu’elle ne correspond à aucune limite des grandes di- visions européennes , son importance , même en Amérique , est considérablement diminuée, s’il est vrai, eomme nous le pensons, que le calcaire cornifère des Etats de l’O. représente à la fois le calcaire cornifère et le groupe de Hamilton de celui de New- York. Le premier terme de la série qui nous occupe est un schiste noir, très bitumineux, de 40 à 50 pieds d’épaisseur, contenant en- core quelques couches ou concrétions calcaires. C’est principale- ment dans ces concrétions que se trouvent les fossiles. Bien que peu nombreux, on y remarque l’apparition de deux genres importants que l’on n’a pas encore trouvés plus bas dans l’Etat de New- York , les Goniatites et les Productiis (1). Les premières espèces de Goniatites ont , comme on devait s’y attendre , le lobe dorsal connaît pas de Caténipores dans les couches dévoniennes inférieures , que nous considérons comme parallèles à celles d’Onondaga. (1 ) Dans rOuest, ces genres se rencontrent dans le calcaire cornifère. 660 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. simple et un seul lobe latéral arrondi ; c’est le type des Goniatit( s de Wissenbacli , dans le duché de Nassau. Les schistes de Mar- cellus en renferment plusieurs espèces, dont Tune, le G. expansus Yanux., semble être identique avec le G. Nœggerathi Bucb. Avec ces Goniatites, se présentent aussi de véritables Nautiles, genre presque inconnu auparavant. Le Productus des schistes de Marcellus pa- raît appartenir au type dévonien. Ces couches passent par degrés à d’autres schistes de couleur olive, dont la masse constitue ce que l’on appelle le groupe de Ha- miltoii. Ce dépôt, qui, à l’Ë. de l’Etat de New-York, atteint une épaisseur de près de 1,000 pieds , s’amincit vers l’O., comme la plupart des groupes supérieurs au calcaire de Niagara ; il perd ses parties arénacées et devient entièrement schisteux. Si l’on en juge par l’abondance des acéphales lamellibranches que l’on rencontre dans ces schistes , on reconnaît que les mers à fond vaseux conve- naient au développement de ces animaux ; les Avicules , rares dans les dépôts plus anciens , n’y présentent pas moins de 15 à 16 es- pèces. Les trilobites , au contraire , y décroissent d’une manière très sensible , et sont réduits à 3 ou Zi espèces : Dipleura Dekafi , Green ; Phacops rnacrophthalnnis et Crjphœus calUteles Green. Les Goniatites sont représentées par deux espèces , dont l’une , le G. iiniangidaris Cour,, a des cloisons plus compliquées que la 23hi- part des espèces des schistes de Alarcellus. Parmi les acéphales si nombreux dans ce groupe, nous citerons comme particulièrement abondants les Microdon bellastriata Conr. ; Avicula oi biculata Hall; A. flabella Conr. ; Orthonota undidata Conr. ; Cardiuni loricatuni Goldf. ; Tercbratida reticidaris et aspera (grande va- riété), T conccntrica ^ Orthis umbonata Gtywv Productus subacu- leatus ]\lurch. ; Leptœna Dutertrii Aliirch. ; Spirifer mucronatus Conr. ; S. granulijerus Hall. Quelques couches calcarifères , au milieu du groiqje d’Hamilton , sur le lac Skeneateles , soiît entiè- rement remplies de CystiphyUum et de CyathophyUum , parmi les- quels se trouve le C. cylindricuni Lonsd. Le calcaire de Tully n’est qu’une bande de 8 à 15 pieds d’épais- seur qui renferme , comme fossiles caractéristiques , la Terebratula cuboïdes et X Orthis striatula Schlot. Ce calcaire, recherché pour les besoins de l’agriculture , est surmonté par un schiste noir {Genessee slate) qui, à part sa position stratigraphique , se distingue à peine du schiste de Alarcellus. 11 renferme peu de fossiles, si ce iX est V Orbicula Lodensis Hall, la Lingula spathulata Hall, et le Chonetes setigera Hall , qui lui est commun avec les schistes de Marcellus. L’épaisseur de ce sous-étage est d’environ 150 pieds. SÉANCE DU 19 AVRIL lSll7 . 661 26 et 27. Groupes de Portage et de Chenmng, Ces deux groupes ont entre eux la plus grande ressemblance minéralogique , et offrent une succession non interrompue de dépôts argileux et sa- bleux d’une très grande épaisseur, les premiers dominant princi- palement vers la base. Le groupe de Portage , près des cascades de ce nom , forme des escarpements de 300à350 pieds , entre lesquels coule la rivière Genessee. Les strates y sont horizontales, et com- posées d’un psammite ou grès argileux micacé , à grains très fins. L’épaisseur de tout le groupe est d’environ 1000 pieds. Ses princi- paux fossiles sont les Goniatites retrorsus Bucli.; G. sinuosus Hall.; Bellerophon striatus Y>èYY Cyatliocrinus oruatlssimus Hall. Le groupe de Chemung de 1500 pieds d’épaisseur présente, en général , une succession d’argiles schisteuses et de grès argileux , variant déstructuré, suivant les diverses proportions^ de sable ou d’argile. A Ithaca, à l’extrémité méridionale du lac de Cayuga, les escarpements sont composés de grès argileux et de grauwaekes , de couleur plus foncée que les couches de Portage. Les fossiles, plus abondants que dans l’étage précédent , ont perdu leur têt , et n ont laissé que leur empreinte ou leur moule. Selon M. Hall , il y a autant de brachiopodes , et plus d’Avicules (1) encore que dans le groupe d’Hamilton. Peu d’espèces leur sont communes. Les tri- lobites, déjà assez rares dans ce dernier, le deviennent plus encore ici , et nous doutons même qu’on y en ait trouvé. Cependant rien ne serait plus naturel , puisque cette famille a encore des repré- sentants dans le système carbonifère. La seule Goniatite qui ait été citée dans le groupe qui nous occupe, le G. Clieniungeasis^ est re- marquable par le grand nombre de ses IoIdcs latéraux , qui indique, pour ce point de l’organisation, une complication en rapport avec l’àge relatif des dépôts. On y trouve un assez grand nombre de brachiopodes , tels que: Spirifer VeriieuiLi Murcli.; S. mesastiialis Hall.; Lœptena interstrialis PhilL; Terebratula reticularis et P/o- ductus suhaculeatus ou memhranaceus . La rareté du calcaire ex- plique suffisamment le petit nombre de polypiers signalés dans les groupes de Portage et de Chemung ; les fucoïdes , au contraire, y sont abondants. Pour terminer cette revue rapide de la série paléozoïque de l’E- (1) Le nombre des Avicula et des Pecten croît à mesure qu’on s’é- lève dans les couches paléozoïques. Ce n’est pas sans étonnement que l’on voit deux genres, déjà si florissants aux époques dévonienne et car- bonifère, arriver jusqu’à nous sans perdre de leur importance, et en laissant dans chaque terrain de si nombreux représentants, 662 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. tat de New-York , il ne nous reste qu’à dire quelques mots des masses puissantes de vieux grès rouge qui forment les montagnes de Catskill , et qui , se prolongeant le long des frontières de la Pennsylvanie, pénètrent dans l’intérieur de cet Etat. Cet étage, de plus de 2000 pieds d’épaisseur, se compose d’alternances degrés et d’argiles schisteuses, contenant des parties endurcies et cimentées par du calcaire , où l’on trouve quelquefois des fragments de poissons analogues à ceux du vieux grès rouge d’Ecosse et de Russie, tels (\MeV HoIopticJms nohilissimus. Le système carbonifère n’existe pas dans l’Etat de New-York, et la série se termine par les roches précédentes , que l’on voit s’enfoncer sous les dépôts carbonifères de la Pennsylvanie. Si l’on embrasse d’un seul coup d’œil l’ensemble du terrain paléozoïque de l’Etat de New-York, on peut saisir quelques traits généraux que nous ne ferons qu’indiquer ici , avant de passer à l’étude de ce même terrain dans les Etats de l’Ouest. Un fait essen- tiel qui frappe tout d’abord, c’est que les couches y étant horizon- tales et concordantes , les êtres organisés présentent , sous la seule influence du temps, des modifications successives telles , que la plupart des groupes ou sous-étages sont caractérisés par des espèces propres aux diverses couches dont ils se composent, et par d’autres moins nombreuses qui les rattachent aux groupes supérieurs et inférieurs. La disposition des matières minérales donne lieu aussi à des considérations importantes. La prédominance des grès et des schistes dans la partie orientale de l’Etat de New-York semble indiquer que c’était de ce côté qu’existait le continent , dont les fleuves et les côtes fournissaient aux sédiments les élé- ments dont ils sont composés (1). Cette vue n’a pas échappé aux géologues américains , et ce qui vient encore la confirmer, ce sont les fucoïdes et les rides , ou ripple marks , dont la surface des couches est souvent couverte, témoins irrécusables du voisinage des bas-fonds et des rivages. Ce qui est important, c’est que ces fu- coïdes et ces ripple marks s’observent à tous les étages , depuis le grès de Postdam jusqu’au groupe de Portage; de sorte qu’il de- vient incontestable que toute la masse du terrain paléozoïque , quelque épaisse quelle soit , a été déposée dans une mer peu pro- (1) Comment ce grand continent n’a-t-il pas fourni aux sédiments formés sur son littoral des débris d’animaux ou de végétaux terrestres? C’est ce dont on ne saurait trop s’étonner. Les premières plantes ter- restres analogues à celles de l’étage carbonifère n’apparaissent que dans le groupe de Chemung, et elles y sont très rares. SÉANCE DU 19 AVRIL ISA?. 663 fonde, dont le fond probablement se déprimait successivement pour recevoir de nouveaux sédiments. Que devient alors l’opinion de certains géologues qui pensent que tous les dépôts siluriens se sont faits dans des mers très profondes , et qui attribuent à cette circonstance plutôt qu’à Faction du temps les différences qui distinguent la faune silurienne de celles qui Font suivie? Composition du terrain paléozoïque dans les États d Ohio , du Kentucky et d Indiana. Entre le grand bassin liouiller qui occupe une partie de la Pennsylvanie et de l’Ohio , et celui des Illinois , s’élève un axe an- ticlinal qui les sépare , et qui fait affleurer toutes les couches plus anciennes jusqu’à l’étage inférieur du système silurien. Ce n’est pas un axe de véritable dislocation ; les couches continuent de rester sensiblement horizontales , leur pente n’étant que de 15 à 16 pieds par kilomètre ; mais cette pente se faisant en sens con- traire des deux côtés d’une ligne à peu près N. -S., qui passe par Cincinnati , suffit pour amener au jour , sur une grande éten- due et par larges bandes , les parties inférieures du terrain paléo- zoïque. Rien n’est plus intéressant, quand on s’est familiarisé avec la série des roches et des fossiles de l’Etat de New- York, que de se transporter à 150 ou 200 lieues à FO., d’observer les changements considérables que cette série y présente , et d’en re- chercher la cause ; c’est ce que nous allons faire de la manière la plus succincte (1). (1) Nousrecommanderonsaux personnes qui désireraient plus de détails sur ce sujet la lecture de deux Mémoires très intéressantsdeM. J. Hall, l’un sur l’identité des formations de l’O. des États-Unis avec celles de l'État de New-York, imprimé dans les Transactions de la Société géologique de Pennsylvanie ; l’autre sur la nature des strates et la dis- tribution géographique des fossiles dans les formations anciennes des États-Unis, inséré dans le Journal d’Histoirc naturelle de Boston, vol. V. Nous avons eu l’occasion de reconnaître l’exactitude des obser- vations de cet habile géologue et nous ne différons d’opinion avec lui , que sur l’âge et les véritables équivalents des schistes noirs bitumineux et de la masse principale des psammites micacés qui les surmontent, dans les États d’Ohio , d’Indiana et du Kentucky. 664 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Tableau des groupes qui composent le terrain paléozoïque dans les États cVOhio^ du Kentucky et dTndiana (1). Système carbonifère. Système dévonien. Ï8. Grès, schistes et calcaires houillers. I 7. Calcaire carbonifère. v6. Psammites micacés à grains fins. é5. Schistes noirs bitumineux, j 4. Calcaire coquillier et calcaire à coraux V supérieur. Système silurien (étage supérieur). Système silurien (étage inférieur). (3. Calcaire siliceux ou magnésien [cl/ff \ limestone). i 2. Calcaire et marnes bleues. 11. Calcaire compacte. Nous allons parcourir rapidement ces divers groupes , en com inençant par les plus anciens. 1. Calcaire compacte. — La couche la plus inférieure que l’on voie afOeurer dans ces contrées (2) est un calcaire gris ou jau- nâtre , compacte , ayant une certaine ressendolance avec du marbre , et qui existe , dit-on, dans les environs de Francfort en Kentucky. C’est le seul représentant des couches inférieures au calcaire de Trenton. Plus au S., vers la chaîne des Alleghanys , des grès se montrent dans cette position. 2. Calcaire bleu. — C’est, en général, le dépôt le plus inférieur cjue l’on puisse atteindre, et sa puissance, dansles environs de Cin- cinnati, est au moins de 5 à 600 pieds. De grandes masses de mar- nes calcaires bleues y alternent avec des calcaires de même cou- leur, stratifiés en bancs assez minees. Ces couches renferment une très grande quantité de fossiles cpii offrent un mélange d’es])èccs nouvelles et d’ospèces caractéristiques du calcaire de Trenton , du groupe d’Utica , et de celui de la rivière Hudson. Le calcaire et les marnes bleues représentent donc dans l’Ouest trois des subdi- visions du terrain paléozoïque de New-York, et les schistes si épais, qui composent le groupe de la rivière Hudson, ont entière- ment disparu. (1) C’est à MM. DaleOwen, Mather, Locke, Hildreth et Foster qu’on doit la connaissance de la constitution géologique de ces États. (2) Selon M. Dale Owen, dans l’État du Wisconsin , on voit affleurer au-dessous du calcaire bleu un calcaire magnésien assez épais, renfermé entre deux masses de grès. Le grès inférieur est blanc, friable comme un grès tertiaire ou comme le grès silurien inférieur de Saint-Péters- bourg ; il occupe en réalité la place du grès de Postdam. Le calcaire magnésien rappelle beaucoup celui qui surmonte le calcaire bleu , et ne s’en distingue que par l’absence de tout débris organique. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zl7. 665 3. Calcaire siliceux et magnésien [Cliff limestone). — Entre le groupe précédent et celui-ci s’interpose en certains endroits , comme à Dayton (Ohio), un calcaire jaune dont les fossiles pré- sentent un mélange des espèces qui caractérisent les deux grands étages du système silurien. En effet, avec V Illœnus crassicaudaetXe Leptama allernata Conr., M. van Cleve y a découvert le Pliacops li mal unis ow. caudatus ^ et le Ptilodictya lanceolata. Le Clifj limes- tone proprement dit est ordinairement siliceux à la base et se transforme peu à peu en un véritable calcaire magnésien II contient une quantité prodigieuse de Pentamerus ohlongus et de Catenipora cscharoides à sa partie inférieure , puis quelques uns des fossiles de Niagara à la partie supérieure. 11 représente donc, dans son ensemble, les groupes de Clinton et de Niagara, devenus plus calcaires et plus magnésiens dans leur prolongement occidental. Son épaisseur est aussi beaucoup plus considérable que dans l’Etat de New-York , car il n’a pas moins de 7 à 800 pieds. En jetant les yeux sur la belle carte géologique des Etats-Unis par M. Lyell (1), on peut juger de l’étendue immense cpie cet étage occupe et du rôle important c|ui lui est assigné , particulièrement dans les Etats éé Indiann , de V Ohio , des Illinois et du Wisconsin. II. Calcaire a coraux et calcaire coquillier. — Le Cliff limestone des géologuesde l’Etat de l’Ohio se termine, à sa partie supérieure, par deux calcaires que l’on peut assez bien distinguer en certains endroits, l’un, à la prédominance des coraux, et l’autre, àcelle des mollusques. Ces deux assises représentent non seulement le calcaire d’Onondaga et le calcaire cornifère de l’Etat de New-York, mais, à en juger par leurs fossiles, ils correspondent encore atout le groupe d’Hamilton. Il en est donc de ce dernier massif schisteux , cjui dans l’Etat de New-York a plus de 1000 pieds d’épaisseur, comme des schistes de la rivière Hudson ; tous deux , formés près des riva- ges, n’ont que peu d’extension à l’O., où se déposaient dans une eau plus pure de minces couches calcaires. La partie inférieure du ealcaire à coraux renferme des Caténipores, et l’on pourrait se demander si on ne doit pas la réunir à la masse principale du Cliff limestone qui , ainsi que nous le dirons bientôt, est l’équivalent de l’étage supérieur du système silurien. Le groupe qui nous occupe, bien caractérisé dans les Etats d Ohio et d’Indiana, s’atténue et disparaît plus à l’O. sur les bords du Mississipi. A Columbus (Ohio) , à New-Albany et à Lewis’s creek (Indiana), il nous a présenté exactement les mêmes ( l) Travels in north America , 2 vol. 1843. 666 SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. fossiles , et parmi ces fossiles les uns sont identiques avec des es- pèces du groupe de Hamilton , tandis que les autres ne peuvent être distingués de certaines espèces du calcaire cornifère et de celui d’Onondaga. Dans la première catégorie, figurent AtsPhncops DiacrophthalniiLS, LoxonenianexlUs, Lucina rugosa GoXàï.^Modiola concentrica Hall. , Prodactus subaculeatus , Spirifer cidtrijiigatus ^ S. heteroclitus , S. mucronatus , Terehratiila concentrica^ T. aspcra; dans la seconde, nous citerons les Cnlyniene crassimarginata Hall., Odontocephalus selemirus Cour., Cyrtoceras undnlatum Hall., Platyceras dumosum Conr., Pentamcrus elongatus Vanux., et Lep- tœn a dep res sa . 5. Schistes noirs hitiunineux . — Nous ne partageons pas l’opi- nion des géologues qui considèrent ces schistes comme le prolon- gement de ceux de Marcellus ; ils sont plutôt à nos yeux les équi- valents des couches de Genessee, puisque les calcaires qui leur sont inférieurs contiennent , ainsi que nous venons de le dire , des fossiles caractéristiques du groupe d’Hamilton. Les schistes noirs de rO. sont très pauvres en fossiles , et ne renferment pas les Goniatites si caractéristiques des schistes de Marcellus ; ils nous ont offert , au contraire , une des espèces des schistes supérieurs au groupe d Hamilton , c’est-à-dire la Lingula spathulata Hall. Cette petite coquille a été découverte par M. Dale Owen au pied de Paradise hill pendant notre voyage dans l’état du Tennessee. Ces schistes , ordinairement noirs , secs et très finement feuilletés , for- ment dans les Etats d’Ohio , d’Indiana et du Kentucky un étage parfaitement caractérisé de 100 à 300 pieds d’épaisseur, qui par sa constance et son uniformité fournit un excellent horizon. G. Psam mites micacés à grains fins. — Les schistes noirs sont surmontés par un puissant et important étage de psammites mi- cacés appelés grained sanchtone^ ou PTarerlef sériés^ dans les rapports officiels sur la géologie des États de l’Ohio et d’Iudiana. Au milieu de ces psammites, et à divers niveaux , se développent, en forme d’amandes , des calcaires chargés d’encrines et contenant quelques fragments de Prodiictus et de Spirifer. C’est principale- ment dans les hnobs , ou collines des environs de Louisville en Kentucky, que nous les avons observés. Dans le Tennessee , les psammites perdent leur partie argileuse et se convertissent en une roche très siliceuse souvent chargée de fer. Les calcaires à encrines s’y développent également, et, sous la conduite du professeur Troost , nous les avons étudiés à fjPhite creek springs ^ près de Nash ville. 7. Calcaire carbonifère. — ^ Tout autour du grand bassin houiller SÉANCE DU 19 AVRIL iSll7 . 667 des Illinois et du Renlucky, se déveloyipe, entre les psammites mi- cacés et les grès qui forment la base des couches houillères , un calcaire gris ou jaunâtre, compacte, entremêlé de bandes siliceuses ou de concrétions de silex particulièrement riches en fossiles , et surtout en Rétépores. Ces bandes siliceuses, peu propres à la végé- tation, donnent lieu quelquefois^ dans le Kentucky, à de véritables déserts. C’est dans le calcaire carbonifère qu’existent les principales cavernes des Etats-Unis, et notamment celle que dans le Kentucky on appelle Maminoth cave ^ à cause de son étendue, qui dépasse 15 kilomètres. Aux environs de Saint-Louis (Missouri), le grand nombre de ces cavernes qui se sont effondrées produit à la surface du sol des dépressions cratériformes , que les habitants désignent sous le nom de Sinh h oies ^ et dont, au premier abord, on a de la peine à s’expliquer l’origine. La partie supérieure du groupe qui nous occupe affecte assez sou- vent une structure oolitique, et est parfaitement caractérisée parles Pejitremites florealis et pyrijonnis ^ ainsi que par un polypier très sin- gulier, que M. Lesueur a nommé Jrchimedes. C’est une espèce de Rétépore dont les expansions rétiformes s’attachent à un axe tordu en forme de vis. Le calcaire carbonifère a ordinairement de 100 à 300 pieds ; mais, dans l’Etat d’Alabama, sa puissance est plus consi- dérable. La présence de ce calcaire à rextrémité occidentale du grand bassin houiller des Allegbanys et l’épaisseur qu’il y acquiert, com- parées à son absence totale dans toute la région moyenne et orien- tale du même bassin , sont d’accord avec les différences si remar- quables que l’on observe dans la distribution des matières miné- rales aux Etats-Unis , quand l’on se transporte de l’E. vers l’O., et que l’on compare les dépôts de deux points éloignés. 8. Gré.y, schistes et calcaires houillers. — C’est dans cet étage que se trouvent toutes les bouilles et tous les anthracites des Etats-Unis, et il n’en existe pas au-dessous qui soient exploitables. Les couches qui renferment la bouille reposent presque toujours sur un grès quarzeux , mêlé de cailloux roulés , qui a la plus grande analogie avec le millstone grit d’Angleterre. Elles comprennent un certain nombre de bandes calcaires de peu d’épaisseur (1) , lesquelles al- ternent plusieurs fois avec la bouille , et renferment à peu près les mêmes fossiles que le calcaire carbonifère, dont elles se distinguent par une teinte brune foncée. (1) L’épaisseur réunie de toutes les bandes subordonnées de calcaire varie , selon le professeur Rogers , de 50 à 200 pieds, et augmente en allant de l’E. vers FO. 668 SÉANCE I)U 19 AVRIL 1847. L’étage houiller occupe en Amérique trois grands bassins , dont deux sont très riches en combustible. Le plus étendu , celui des Alleglianys, n’a pas moins de 1,150 kilomètres de long sur 300 de large. Le second en importance, celui des Illinois, est encore à lui seul presque aussi grand que l’Angleterre proprement dite ; les couches y sont partout horizontales et les houilles toujours bitu- mineuses (1). Le troisième , celui du Michigan , paraît ne contenir que peu de bon combustible. Quant à l’épaisseur, il y a tout lieu de croire que ces grands bassins ne sont pas moins puissants que ceux de la Nouvelle-Ecosse , qui , d’après les coupes si détaillées , publiées dans les rapports sur la géologie du Canada , atteignent l’énorme épaisseur de 14,000 pieds (2). Avec l’étage des schistes et grès houillers se termine le terrain paléozoïque des Etats de l’O. Lorsque l’on compare sa composition si simple avec celle que nous a présentée l’Etat de New-York , où manque cependant toute la partie supérieure , on est frappé du caractère général que prend le phénomène déjà observé dans les limites de cet état, et qui consiste en ce qu’en avançant de l’E. à rO. les formations calcaires deviennent prédominantes aux dépens des formations schisteuses ou arénacées, qui finissent par dispa- raître presque entièrement. Tel est, en effet, le sort des schistes de la rivière Hudson , des grès et conglomérats d’Onéida , de ceux de Médina , du groupe schisteux d’Hamilton , des groupes de Portage et de Chemung, et enlin du vieux grès rouge. Ces groupes , dont l’ensemble forme plus des trois quarts de l’épaisseur du terrain paléozoïque de Neav-York , manquent dans l’O. Les termes de la série, que, par opposition à ceux-ci, on pourrait appeler constants, sont les formations calcaires dcTrenton, de Niagara, et le calcaire cornifère c|ui , ainsi que nous le verrons bientôt , correspondent aux étages inférieur et supérieur du système silurien et au système (1) Comme il n’entre pas dans notre plan de parler ici du métamor- phisme , nous rappellerons seulement que, d’après les belles recherches des deux professeurs Rogers , il est démontré que , dans le bassin des Alleghanys, les houilles perdent leur bitume progressivement à mesure qu’elles approchent des points de dislocation , et deviennent de véri- tables anthracites, là où les dislocations ont eu toute leur énergie. (2) C’est à M. Logan, directeur des travaux géologiques qui s’exécu- tent dans le Canada par ordre du gouvernement, et l’un des observa- teurs les plus exacts et les plus consciencieux , que l’on doit la connais- sance de ce fait si intéressant. Ses mesures ont été prises sur des cou- ches légèrement relevées, et qui affleurent sur les côtes de la mer, en sorte qu'elles offrent un grand degré de certitude. 669 SÉANCE SU ^9 AVRIL 1847. dévonien. On voit donc que les formations schisteuses, déposées plus ou moins sous rinlluence des rivages, ont moins d’importance que les formations calcaires , et que , pour mettre en parallèle les étages de deux contrées distantes, c’est surtout à celles-ci qu’il faut s’attacher. JNous ne terminerons pas cet aperçu, sans faire remarquer combien la prédominance du calcaire dans le terrain paléozoïque des Etats-Unis, surtout vers sa base, contraste avec la composition du même terrain en Angleterre , où, selon les justes expressions du savant professeur Sedgwick, toutes les bandes de calcaire au-dessous | X de la série carbonifère sont depuis phénomènes locaux qui n’ap- | paraissent qu’à intervalles. Après avoir énuméré rapidement les divers groupes qui composent le terrain paléozoïque , soit dans l’Etat de JNew-York , soit dans ceux de 1 Ohio et d’Indiana , nous allons maintenant essayer d’établir, au moyen des débris organi- ques, un parallèle entre les deux rives de l’océan Atlantique. Parallélisme dit terrain paléozoïque de V Amérique du Nord arec celui de V Europe (1). Quand on peut suivre sans interruption les couches d’une con- trée à une autre , on parvient facilement à les rattacher ensemble et à démontrer eomment elles se correspondent. Alais lorsqu’au contraire deux continents sont séparés par une vaste mer, on n’a d’autre moyen que d’étudier dans chacun d’eux une certaine série de couches comprises entre deux points connus et bien détermi- nés, de comparer leurs fossiles, de rechercher les espèces identi- (l) Depuis qu’on s’occupe de géologie aux États-Unis , on a cherché à comparer les dépôts sédimentaires de cette contrée avec ceux d’Eu- rope; mais ce n’est que depuis la publication du Système silurien de M. Murchison qu’on l’a fait avec quelque succès. Si les limites dans lesquelles nous sommes forcé de nous restreindre aujourd’hui ne nous permettent pas d’apprécier ici les essais tentés dans cette voie par MM. Conrad, Dale Owen , Rogers , Troost, Jackson et par les géologues de l’État de Nev^-York, ce n’est pas que nous en méconnaissions le mé- rite. Personne, au contraire, plus que nous, et nous éprouvons le besoin de le dire , n’admire les grands travaux publiés dans ces der- niers temps par les géologues américains. Il faut louer surtout la sage indépendance avec laquelle ils ont d’abord étudié leur sol sans se préoccuper de l’Europe. Cette partie de leurs travaux est presque tou- jours irréprochable. Pour ce qui concerne la relation des dépôts sédi- mentaires dans les deux continents, nous espérons qu’ils nous par- donneront les légers changements que l’étude comparative des fos- siles nous engage à proposer. 670 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. ques, et de voir si ces espèees sont réparties suivant une même loi. S’il arrive que dans les deux contrées un certain nombre de sys - ternes caractérisés par les mêmes fossiles se superposent dans le même ordre, quels que soient, d’ailleurs, leur épaisseur et le nom- bre de groupes physiques dont ils se composent , il est philoso- phique de considérer ces systèmes comme parallèles et comme synchroniques. C’est précisément ce que nous allons faire ici. Les coupes des dépôts sédimentaires que nous comparerons dans les deux pays comprennent les plus anciennes couches fossilifères , et s’étendent jusqu’à celles qui renferment la houille. Elles sont donc de valeur égale, et si nous parvenons à établir qu’il existe en Amé- rique une certaine succession de systèmes ou d’étages disposés comme en Europe et caractérisés par les mêmes fossiles , nous au- rons , ce semble , suffisamment prouvé qu’ils sont parallèles. Une des difficultés principales du sujet naît de ce que , dans l’Amérique septentrionale, le ter; ain paléozoïque est plus complet qu’en Europe. Nous avons vu, en effet, qu’il se compose d’une série de dépôts concordants entre eux , et qui se lient les uns aux eiutres de telle sorte qu’il est difficile d’y tracer des divisions tran- chées. Il en résulte que les limites qui correspondent à celles des difîérents systèmes d’Europe doivent , dans certains cas , offrir quelque incertitude ; mais cette incertitude a peu d’inconvénients si nous pouvons reconnaître facilement et mettre en parallèle les parties moyennes de chaque système. En efï’et, le point important, c’est de s’assurer que pendant la période paléozoïque le règne ani- mal a subi , dans les deux continents , des transformations simul- tanées telles que les espèces identiques occupent des gisements correspondants. C’est là ce qui assure aux caractères paléontolo- giques cette généralité d’application qui fait leur valeur, et c’est là aussi la partie la plus facile de notre tâche. La série des dépôts paléozoïques étant , comme nous venons de le dire , plus complète en Amérique qu’en Europe , la comparai- son que nous allons essayer de faire pourra éclairer quelques points contestés dans la classification européenne , et fournir certains liens qui nous manquent. La comparaison de l’Europe et de l’Amérique septentrionale aura encore cet avantage précieux, de déterminer quels sont, parmi les groupes dont se compose chacun de nos systèmes , ou chacune des divisions du premier ordre du terrain paléozoïque , ceux qui ont le plus d’importance par leur constance et la facilité avec la- quelle on les reconnaît dans tous les pays. Nous verrons ainsi que ces groupes sont, dans l’étage inférieur du système silurien, les cal- 671 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/17. caires à Ortliocératites de Suède et de Russie, dans l’étage supé- rieur, les calcaires de Wenlock et de Gothland ; dans le système dévonien, ceux de l’Eifel, delà Bretagne, du Devonshire, etc., etc. Système silurieji {étage itiférieiti^. — Cet étage est représenté aux Etats-Unis par les six premiers groupes de la série de New- York. Le grès à Lingules de Postdam est probablement l’analo- gue du grès à Obohis de Russie et des grès inférieurs de la Sean- dinavie (1). Ce sont dans les deux continents les roches fossilifères les plus anciennes , et , quand on songe à leur antiquité , on s’é- tonne d’y reneontrer un genre de coquilles qui appartient encore à la création actuelle , ce qui prouverait que les conditions d’exis- tence n’étaient pas alors très différentes de ce qu’elles sont au- jourd’hui. Le calcaire siliceux , ceux de Black river et de Trenton sont les équivalents d’une grande partie de l’étage silurien inférieur d’Eu- rope , et ils oceupent la même position que les schistes bitumi- neux et les calcaires à Ortliocératites de Suède et de Russie. Les schistes d’üticaet le groupe de la rivière Hudson , avec lesGrapto- lites à leur hase , représentent les schistes à Graptolites , qui succè- dent en Suède au calcaire rouge à Ortliocératites. Ce sont aussi les mêmes que ceux de Bain en France. Cet ensemble de dépôts renferme en Amérique une très grande quantité de fossiles (2), parmi lesquels nous avons reconnu dix-sept espèces qui , en Europe , se trouvent dans l’étage inférieur du système silurien , savoir : Calyniene Bliunenhachi ^ C. Fischeri, C. punctata , Illœnus crassicauda ^ Lichas laciniatn ^ Cerauriis pleure- xanthemiis, Trinucleus Caractaci, Phacops Dalmani, Ortliocératites commuais ou duplex , Lituites convolvaiis , Bellerophon bilobatus , Spirijer lynx, Orthis testiidinaria , O. Verneuili^ Stromatopora concentrica , Ptilodictya lanceolata et Chœtetes Petropolitanus. A l’exception des Calymene Blumenbachi , C. punctata , Spiri^ fer lynx, Stromatopora concentrica , et Ptilodictya lanceolata ^ qui s’é- lèvent plus ou moins dans les couches supérieures, les espèees que nous venons d’énumérer peuvent être considérées comme caracté- ristiques de l’étage silurien inférieur dans les deux continents. (1) Selon le professeur Sedgwick, les plus anciennes roches fossili- fères du pays de Galles seraient aussi , comme celles d’Amérique, ca- ractérisées par des Lingules et des fucoïdes. [Journal of the GeoL Soc., vol. III , p. \ 57.) (2) Le premier volume de la Paléontologie de l' État de New-York , par M. Hall , qui va paraître, sera entièrement consacré à décrire les 672 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. Le grand nombre proportionnel des trilobites nous donne l’idée du développement considérable qu’avait déjà pris cette famille, et qui correspond à ce que l’on observe en Europe. Mais outre les identités d’espèces, il y a encore certaines analogies de genres que l’on voit se manifester souvent dans les dépôts de même époque. Nous citerons ici comme exemple le genre Isotclus qui représente en Amérique nos Asaphus à huit articulations, et qui , comme eux , est propre à l’étage inférieur du système si- lurien. Les Ortliocératites qui , par leur large siphon latéral vide ou muni d’un tube à l’intérieur, forment un type si remarquable que IVl. Hall appelle Eiidoccras (1), sont également caractéristiques du système qui nous occupe, soit en Europe, soit en Amérique, et ne paraissent pas avoir prolongé leur existence jusqu’à l’époque silurienne supérieure. Elles sont aussi abondantes dans les couches de Trenton que dans les calcaires à Ortliocératites de Suède et de Russie , et nous pensons qu’il doit y avoir plusieurs espèces iden- tiques entre les deux pays, bien que nous n’en ayons encore reconnu cpi’ime seule. Les Belléroplions datent aussi des premiers temps de la créa- tion , et l’on en trouve à peu près autant en Amérique qu’en Eu- rope. Le plus intéressant pour nous est le B. bilohatus du calcaire de Trenton , qui est certainement le même que celui que l’on trouve dans le calcaire silurien inférieur de Christiania, ou dans les grès et schistes contemporains du pays de Galles. Avec les trilobites et les Ortliocératites , les brachiopodes , par leurs formes si variées, sont de tous les fossiles de cette époque, ceux qui contribuent le plus à donner un cachet particulier à la faune primitive du monde. Les Ortfiis, les Leptœna et les Téré- bratLiles sont les seuls, en Américjue comme en Europe, qui exis- tent dès les premiers temps ; les autres genres, tels que les Spirifcr, les Pentnmeriis , les Productas , etc. , n’apparaissent cjue plus tard. Les Orthis à plis simples, si répandues en Europe dans les ccuches siluriennes inférieures, sont représentées en Amérique par les O. tricenaria Cour., et O. pcctinclla Emm. , toutes deux voisines de fossiles des groupes qui, selon nous, correspondent à Eétage silu- rien inférieur d’Europe ; il contiendra plus de 80 planches. Le talent et les profondes connaissances de l’auteur disent assez l’intérêt qu’il aura pour la science. ('!) Ortliocératites hisiphonatus Sow., du grès de Caradoc, ap- partient sans aucun doute à ce type. SÉANCE Dli 19 AVRIL 18/î7. 673 ro. calligramnm de Russie et de Suède. Les Orthis testudinarla et Verneidli sont également caractéristiques de l’étage inférieur du système silurien des deux côtés de l’Atlantique ; le Spirifer lynx , que nous considérons comme intermédiaire entre les Sjjirifer et les O/ r/uV, passe de ce même étage jusque dans le groupe de Clinton^ et se trouve également en Angleterre depuis les argiles de Wenlock jusqu’aux couclies siluriennes inférieures. Enfin, parmi les poly- })iers , le Chœtetes Pctropolitaniis est le seul qui soit très abondant dans tous les pays , sans cesser cependant d’être caractéristique. Le Stromatopora concentrica et le Ptilodictya lanceolaUi ne se trouvent pas en Europe avant l’étage supérieur du système silu- rien. Le calcaire de Trenton est séparé du grés de Médina par des masses assez puissantes de grès et de conglomérats sans fossiles. Le grès de Alédina lui-même en renferme très peu , en sorte que lorsqu’on arrive de nouveau à des couclies fossilifères , c’est-à- dire à celles de Clinton , les êtres organisés ont subi, dans la suite des siècles, de telles modifications, qu’on ne trouve plus qu’une faune entièrement nouvelle. C’est là une des raisons principales qui nous ont engagé à placer le groupe de Clinton dans l’étage silurien supérieur et la ligne de séparation des deux étages au- dessous de la grande masse des grès de Médina et d’Onéida. En agissant ainsi , nous nous accordons à peu près avec les géologues de New-York, et nous pouvons dire cpie ce qu’ils appellent la di- vision Champlaiji ^ si l’on en sépare les grès qui la terminent, est l’équivalent de l’étage inférieur du système silurien d’Europe. Dans lesEtats de l’Ohio et d’Indiana, la différence entre les grou- pes de Trenton et de Clinton est , ainsi que nous l’avons expliqué , beaucoup moins marc[uée , à cause de l’absence des grès de New- York. Le calcaire jaune de Dayton (Ohio), et quelques couches inférieures du Cliff limestone^ lient ensemble les deux grandes divi- sions du système silurien. Ainsi à Dayton, avec de véritables es- pèces de l’étage inférieur, on trouve le Ptilodictya lanceolata et des fragments de Pliacops caudatus , espèces qui , chez nous , sont caractéristiques de l’étage supérieur, tandis qu’à Springfield (Ohio), avec les Ccdyniene piinctata , Biunastiis Barriensis , Sphœrexochiis miras, Pliacops Umalarus ou caudatus, Spirifer cyrtœna , Penta- merus ohlongus et Cornulites serpularius ^ qui sont des espèces silu- riennes supérieures , on trouve les Spirifer lynx, Terehratula capax, et Ccdyniene Blumenhachi , du calcaire bleu, qui représente l’étage Sq 1 & i i rr . . . 1 1 Bellerophon slrialus — Uni • — bilobatus * * * — ' dilcitutus « . Pleurolomarja lenticularin. . . . * Subulites elnngahi Evompliahis carbonarius . . . . Iltœnus crassicauda • — pentagulalus . . . , * Macrocheilus curvilineus . . . . Chcnmilzia nexilis . * * Mwckisonia bilineata Avicula Damnoniejisis — Dalmani ‘ * * Aîodiolo SQUüTtiïnifot'o, Inoceramus Chemungensis. . . . Cardiuni loviccituiu * 1 i • j L-ucina proüviu. ......... « Honuxlonoliis dtîphUioc&phQtus ’ 1 1 • 'SanguLariadorsata Açnostus lotus 1 1 • OrthOMrnlitfiS commiinist • • * — defloxo * • * * 1 T-itniUix r/mrnlrnnx * î • * 1 Goniatilcs rotatorius i i — retrorsus 1 1 1 yautihu tubercutatus 1 1 Betlerophon hiulcut i i 1 . i ' 1 ' 1 SI. Élage houiller. TABLEAP de# esfwces conimuiies a l' Europe et à r Amérique du Nord, et des di\i#ioQS du terrain paleoBCHque •Mi elle# #e tenwntient dans ce dernier pa»-#. 1 mCE l?(F. DC s. SII>riIK.% rrrca suriiiii:» eu sierà» siLvairn. SYSTKUB PEVONIB^. S.CABOONIP. 1 TABLEAU des espèces communes à l'Europe el à l'Amérique de Nord , et des divisions du terrain paléo/.oïque où elles se rencontrent dans ce dernier pays. ÉTAGE INF. DU S,t ilLUBlEN. ETAGE 8UPÉBIEUED U SYSTEM B SU LUBlEIf. SYSTÈME DÉYOniEIl. S. CABBONIP. il « il h- a 1 û 5 1 1 j II b H 1 P i s 1 » 5 1 i 2 O 3 i £ 1 V Ë a i 1 2 c i s 5 •i •5 i 1 1 •3 P £ § E C i Ë S î à 1 1 i O s â s è g U i t 5 i O t i Ë S ■S s I t 1 i V O 1 ^2 1 1 1 s U S s s i s £ 1 ■c £ 's S 1 P 2 i 1 X 1 5 « •C 1 U 1 0 1 eo d i 1 X t 'O 1 •c 1 K a 2 ü 1 42. Groupe salifère d'Onondaga. 1 £ 1 à é S. Q 1 49. Argile schisteuse à 1 16. Calcaire super, à Penlamèrc. Ô O 1 £ U 1 •£ 05 2 1 £ 1 S £ 1 £ 3 1 i 1 S 1 1 O S S 1 0 1 É & i 1 5 §■ i 1 O t .1 S 1 ■ 1 . i ; a i i i i i ^ i ^ ::: U g 5 Leptæna transversalis — Dutertrii ' 1 1 — loticostix. . ... . i Chotwtes naiiu • — aarcinulala , i ■1 • « . • . i Cnrn V, * ,? 1 • 16, • * « Funijia Gothlandica • • * Catenipora escharoides • ,? — if»r. ... . 1 • ; 1 j [ ! ’j i 0rÜÔ4 tettudénann | i f ! ! c » h U — kfbrida. J 1 •| Cliœletes Petropolitanus. . . . • — ttnaiala .( 1 i r r r , ■ 1 ^ ! — Eenieinit , . j 1 • 1 ! Cornulites ierpularius • l(> 1 j' 18 3 j 0 3 j 8 1 14 16 1 1 ■2 3 7 0 2 0 4 6 ^ — rrmifnata 1 1 • Graploliles sagittarius • 6 0 0 0 la'; 1 ■n 0 — MwJtant * ' ' j j 1 LtfMM dlT 19 AVRIL 1847. sphère boréal, existe aussi dans l’autre hémisphère, et a été trouvée par M. d’Orbigny près du lac deTiticaca, au Pérou. Il est remarquable que, malgré une distribution horizontale aussi étendue, elle soit, dans le sens vertical, limitée au système carbonifère. P. Corad’Orb.; [P. temiistriatiis Nob.). — Cette espèce est presque aussi répandue que la précédente, et, de même aussi, elle ne se trouve ni au-dessous ni au-dessus du système carbonifère, mais elle en occupe les divers étages. Nous la connaissons à Louisville (Kentucky); à Bagdad, Flintridge, Zanesville, Guernsey (Ohio) ; à Sparta (Illinois), et enfin à Windsor (Nouvelle-Ecosse). M. d'Orbigny l’a rapportée avec la pré- cédente des bords du lac de Titicaca, dans l’Amérique méridionale. On la trouve communément aussi en Angleterre, en Belgique, en Russie et jusque sur le revers oriental de l’Ourak P. Flemijîgi ; (P lobatiis). — Cette espèce, comme la plupart des Prodiictus, est encore circonscrite dans les limites du système carbo- nifère , et a, comme les précédentes, une distribution horizontale très étendue. Nous la connaissons à Antrim, Zanesville, Flintridge et Guernsey (Ohio) ; entre New-Harmony et Mont Vernon, et à Leavens- worth (Indiana). Elle existe aussi sur le plateau bolivien, d’où M. d’Orbigny l’a rapportée. Enfin, elle est répartie sur toute la sur- face de l’Europe, depuis l’Angleterre et l’Espagne jusqu'à l’Oural. P.pimctatiLs Sow. — C’est l’espèce la plus abondante dans l’Amé- rique du nord, soit dans les calcaires subordonnés à la houille, soit dans ceux qui lui sont inférieurs. Elle existe presque partout là où se montre le système carbonifère ; mais nous ne citerons que les localités d’où nous la connaissons personnellement; ce sont les suivantes : Za- nesville (Ohio); sud de Louisville et Eddyville ( Kentucky) ; Blossburg ( Pennsylvanie ); Clark Co. ( Illinois ) ; rapides du Mississipi, etc. Comme la précédente, cette espèce est commune en Angleterre, en Espagne, en Belgique, en Allemagne et en Russie. P. Costa tas Sow. — M. de Koninck , dans sa savante monographie des Productas , indique cette espèce comme lui ayant été envoyée des calcaires carbonifères de Saint-Louis (Missouri). Hfpanthocrinites décoras Phill. — Ce remarquable crinoïde , qui se trouve dans les couches de Dudley, de Gothland, et dans celles de Lockportou de Niagara, confirme le parallélisme de ces dépôts. Le pro- fesseur Troost a aussi découvert la même espèce dans le comté de Perry (Tennessee) Cidarites Nerei Munst. — On trouve dans le calcaire carbonifère de Saint-Louis des piquants de Cidaris lisses, d’une longueur de 35 milli- mètres, et que nous rapprochons du C. Nerei , du calcaire carbonifère de Belgique. C’est dans les mêmes couches qu’a été découvert ce re- marquable crino'ide décrit par MM. Owen etNorwood, sous le nom de Melonites nmltipora. Des fragments de Cidaris ont été aussi décou- verts dans le calcaire carbonifère, à Leavensworth (Indiana), et dans les strates siliceuses du comté de Montgomery (Tennessee). On n’en connaît pas de traces dans le système dévonien. Favosites Gothlandica Goldf. sp. — Espèce commune, en Amé- SÊAl^CK DU 19 AVRIL IS/j/. 707 rique comme en Europe, aux systèmes dévonien et silurien supérieur. Les localités siluriennes où nous la connaissons aux Etats-Unis sont les suivantes: Drummond Island ; Lockport , Monts Helderberg, Scho- harrie (New-York); Chicago (Illinois); Richmond (Indiana); PerryCo. (Tennessee) ; comme localités dévoniennes , nous citerons HamiUon , Columbus (Ohio); rapides de l’Ohio (Indiana); Maguagon, près Détroit (Michigan). En Europe, cette espèce ne descend pas plus qu’en Amé- rique dans la partie inférieure de la série paléozoïque, mais cependant elle commence à se montrer dans les grès de Caradoc. Fungia Gotlilandica Linné. — Petite espèce plate, décrite par Hi- singer, sous le nom de CycloUtes numismalis. Elle se trouve dans les couches de Clinton, au-dessous de celles de Niagara. Dans l’île de Gothland, c’est dans les argiles inférieures au calcaire, et parallèles à celles de Wenlock, qu’on la rencontre le plus communément. Pontes intcrstlncta {^Madreporites Wahl. ; Astrœa porosa Goldf.). — Cette espèce , commune , ainsi que la précédente , au sytème dévonien et à l’étage supérieur du système silurien d’Europe, ne s’est présentée à nous en Amérique que dans ce dernier gisement; mais nous ne doutons pas qu’on ne la trouve bientôt aussi dans le système dévonien (I). Localités : PerryCo. (Tennessee); rapides de l’Ohio. Catenipora escharoides. — Espèce très variable, et qui passe par des nuances insensibles au C. lahyrintlüca . Elle caractérise les groupes de Clinton et de Niagara, qui appartien- nent à la base de l’étage supérieur du système silurien. Nous l’avons vue provenant de l’Etat de New-York , du Tennessee , du Wisconsin, dTowa, de Richmond ( Indiana ), de Beargrass, près Louisville, des îles du lac Huron, etc. M. le colonel Jewet, de Lockport, nous l’a donnée comme l'ayant trouvée à Caledonia dans le Cornvferous Limestone. Si le fait est exact, les Caténipores s’élèveraient un peu plus haut aux Etats-Unis qu’en Europe; mais, en revanche, ils descen- draient plus bas sur notre continent, car, d’après le témoignage de M. Murchison, on les trouve en Angleterre jusqu’à la base de l’étage inférieur du système silurien. En Russie, ils ne paraissent descendre que jusqu’au point de jonction des deux étages. Stroniatopora concentricn Goldf. — Cette espèce, en Amérique, parcourt l’ensemble des systèmes silurien et dévonien ; on la trouve près de Nashville, dans le calcaire bleu, et près de Schoharrie (New- York), dans l’étage supérieur du système silurien. Elle se présente dans le système dévonien, près de la rivière Delaware (Ohio), aux rapides de l’Ohio et à Maguagon près Détroit (Michigan). En Europe, elle est également commune aux deux systèmes. CfathopJnilinu mitratiun Schlot. ; [^Caninia cornacopiœ Midi.). — Cette petite espèce, très bien figurée par M. de Koninck dans son (i) M. Phillips a essayé {Palœoz. foss.^ p. 14) de distinguer l’une de l’autre les espèces dévoniennes et siluriennes; il y a, en effet, dans les dépôts paléozoïques plusieurs espèces de PoriteSt mais nous pensons que le Pontes hiterstinctase rencontre dans les couches siluriennes et dévoniennes. 708 SÉANCF. DU 19 A\RIL 1847, bel ouvrage sur les fossiles du système carbonifère de Belgique, a été découverte par le docteur Yandell dans les collines au sud de Louisville. Elle s’y trouve dans les calcaires à encrines, subordonnés aux psam- mites micacés qui reposent sur le schiste noir, et qui forment la base du système carbonifère. JmplexiLs spiiiosiLs Koninck. — Nous avons reconnu aussi cette espèce avec la précédente dans la collection du docteur Yandell; elle provient des mêmes couches. On la trouve également dans le calcaire carbonifère de Tournay (Belgique). Cliœtetes Petropolitanus Pand. sp. [Favorites Ijcoperdon Say.). — Ce polypier, très abondant dans l’étage inférieur du système silu- rien en Amérique, prolonge son existence, selon M. Hall , jusque dans l’étage supérieur, et même dans le système dévonien. Nous ne le connais- sons que dans le premier de ces trois gisemens. Il abonde à Middleville et à Trenton-falls (New-York); à Oxford (Ohio) ; dans le comté de Perry (Tennessee); à Montréal , à Quebec , à Jessep’s-Rapids , sur la rivière Ottawa, et enfin dans l’île de Terre-Neuve, d’où il a été rapporté par le capitaine Bayfield. De ce dernier point au comté de Perry (Tennessee) il y a presque 30 degrés de longitude. En Europe, le C. Petropolitanus très commun aux environs de Saint-Pétersbourg et près de Christiania, dans des couches contemporaines de celles de Trenton, et n’a jamais été trouvé plus haut. Il existe , il est vrai , dans l’Eifel , un polypier qui lui ressemble extrêmement , mais que M. Lonsdale en a distingué. C. capillaris Phill. sp. — Cette espèce si caractéristique du cal- caire carbonifère de Russie est rare en Amérique aussi bien qu’en An- gleterre. Le docteur Norwood l'a trouvée sur les bords de l’Ohio , à Newburg, près Evansville (Indiana), et le professeur Troost , au pied des monts Cumberland , dans le Tennessee. Fusuliiia cyUndrica Fisch. — Rien ne nous a plus intéressé que de retrouver aux États-Unis cette espèce , si caractéristique , en Russie , du calcaire carbonifère, et qui manque dans toute la partie occidentale de l’Europe. C’est à Flint-Ridge (Ohio), au milieu de l’étage houiller, que cette coquille se rencontre. La roche siliceuse de cette localité est criblée de petites cavités laissées par les Fusulines, et c’est en partie à cette circonstance qu’elle doit sa qualité comme pierre meulière, usage auquel on l’emploie. Cormdites serpidarius Schlot. — Cette espèce, de l'étage supérieur silurien en Europe , se retrouve dans les groupes de Clinton et d’Ha- milton. Les Cornulites sont encore très mal connues, et plusieurs ne sont que des tiges de Cystidées, ainsi que l’a démontré M. Volborth : c’est ce qui nous paraît avoir lieu pour le C. arcuatus ^ du ^ara ^roup. Pleiirodyctium prohlematiciuu Goldf. — Quoique de nature énig- matique, ce fossile est d’une utilité incontestable en géologie par les caractères tranchés qui le distinguent et qui permettent d’en identifier avec certitude les divers échantillons recueillis dans des localités dis- tantes les unes des autres. Le P. prohleinaticum appartient , en Eu- rope , aux couches intermédiaires entre les systèmes silurien et dévo- SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 709 oien, c’est-à-dire aux grès argileux inférieurs au calcaire du Devonshire, aux mêmes grès à Nehou (Normandie), et aux grauwackes fossilifères des bords du Rhin , immédiatement au-dessous du calcaire de l’Eifel, Aux États-Unis, cette espèce se trouve à (]amp creek (Indiana), dans un calcaire parallèle au Coruijerous limestone de l’État de New- York. Tentacidites ornatus Sow. — M. Hall réunit à l’espèce de Wen- lock le Tentaculite si abondant dans le calcaire hydraulique ou IVaUn' Unie de l’État de New-York , tandis que M. Conrad l’assimile au T. annulatus Schlot. La distribution du genre Tentaculite en Amé- rique mérite quelque attention. Les auteurs en ont reconnu 4 espèces : 1" T . ornatus ^ du IVater lime; 2® T. miniitus Hall , du Clinton group (c’est, je pense, le T. parvusàQ Conrad); 3“ T. scalaris Schlot., du Corniferoas limestone ; 4® enfin, T. fissurella Hall, des schistes de Marcellus et de Genessee. Comme on le voit, les Tentaculites sont cir- conscrits à la partie moyenne du terrain paléozoïque , et ne se trouvent ni dans l’étage inférieur du système silurien , ni dans le système car- bonifère. Graptolites. — Bien que la spécification soit assez incertaine dans ce genre , il nous semble qu’il y a une ou deux espèces communes entre les schistes à' Hudson- River et ceux de la Dalécarlie (1). Ces derniers , que nous considérons comme supérieurs au calcaire rouge à Orthocératites , occupent la même position que les schistes d’Hudson. La distribution des Graptolites , rapprochée de celle des Tentaculites , n’est pas dénuée d’intérêt. Ils sont d'un degré plus bas dans l’échelle géologique ; très abondants dans l'étage inférieur du système silurien, ils s’élèvent à peine dans l’étage supérieur à Clinton , et n’ont jamais été observés dans les systèmes dévonien et carbonifère. Cii Europe éga- lement on n’a jamais signalé leur présence dans ces deux systèmes. P. S. Depuis que cette note a été communiquée à la Société géologique , M. de Buch a eu la complaisance de mettre à notre disposition une petite collection de fossiles d’Arménie , qu’il a reçue dernièrement de M. le professeur Abich , et dans laquelle nous avons reconnu plusieurs des espèces dont il vient d’être question. L’examen de ces fossiles permet d’assurer qu’il existe en Arménie des dépôts analogues aux dépôts dévoniens et car- bonifères d’Europe et d’Amérique. Les couches dévoniennes, soit dans la vallée d’Arpatschai , soit dans celle de Bagarrach , ou prés du couvent de Gorverab, contiennent les Terehratida (i) M. Hall, dans l’ouvrage qu’il prépare en ce moment sur la paléonto- logie de l’ctat de New-York , distingue dans les schistes d’Hudson i4 es- pèces de Graptolites, parmi lesquelles il reconnaît comme identiques avec des espèces de l’Europe les G. prlstis ^ sagittarius ^ scalaris et tennis. 710 SÉANCE DU 3 MAI 18/17. reticularis ^ T. aspera ^ Spirifer heîeroclitus , S. Archiaci , S. Verneuili ^ Productus siibaculeatas , Fnvosites spongites et F, poljmorpha , tandis que le système carbonifère , dans la vallée de Dsynserly et dans le Baranko de Gyneschick, est re- présenté par le Spirifer mosquensis et par un Productus voisin du P. seniireticidatus . • Berlin , 1 5 juillet 1 847. Séance du 3 mai 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Ch. Martins, secrétaire pour l’Etranger, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. L’abbé Bazin aîné, à Qaimper (Finistère), présenté par MM. le vicomte d’Archiac et de Verneuil -, Salomon, naturaliste au Muséum d’histoire naturelle, place Saint-Yictor, 36 , à Paris, présenté par MM. Charles d’Orbigny et Marcou. M. le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la marine, Foyage au Pôle sud et dans V Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée, pendant les années 1837, 1838, 1839 et 1840, sous le commandement de M. J. Dumont d’Urville *, texte in-8o • Zoologie, t. I, IL Paris, 1846, chez Gide. — Planches in-F, livraisons 5, 6, 7, 8, 9, — 17, 18, 19, 20, 21, 22, — 34 et dernière. 2o y oyage autour du monde sur la frégate la Vénus pendant SÉANCE DU 3 MAI 1847. 711 les années 1836, 1837, 1838, 1839, par M. Abel du Petit- Thouars. — Planches iiî-b‘, livraisons 12 à 19 et dernière. De la part de M. le D»’ A. Boué, 1° Notes, etc. (Notes sur quelques principes généraux en géologie et sur leurs applica- tions ; , par J. P. Nichol j in-f^, 8 p. Édimbourg 2® The geological structure J etc. (Structure géologique du globe, d’après Ami Boué), par A. K. Johnson -, 1 feuille colom- bier. Édimbourg, 1847. De la part de M. A. Delesse , Sur la uillemite , etc. , (extrait des Annales des mines ) , in- 8*^, 5 p De la part de M. Lortet, Rapport sur les travaux de la Commission hydrométrique en présenté à M, le maire de Lyon; in-8o, 6 p. et tableaux. De la part de M. Thomas Davidson, Observations^ etc. (Observations sur quelques brachiopodes du calcaire de Wen- lock, avec la description de plusieurs espèces nouvelles), (ex- trait éi\\.London geological Journcd for february j847) ^ in-8<’, 12 p., 4 pl. Londres, 1847. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 1847, lei’ semestre , n^s 16 — 17. Bulletin de la Société de géographie , 3^ série, t. VII, n® 39. LTnstitut; 1847, n^^ 694 — 695. The Athenœiim ; 1847, n^^ 1018 — 1019. The IMining journal; 1847, n^s 609 — 610. Correspondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) ^ nouvelle série, t. XXX, 2e vol., 3e cahier. M. Boucault présente à la Société les fossiles suivants pro- venant des mines de fer de Veyras près de Privas , Ardèche : le Belemnites compressas , 2^ Ammonites radians , 3^ Ammo- nites xiariahilis , 4^ Ammonites annulatus...? et 5® un Nautile du lias supérieur. Ces fossiles avaient été envoyés comme pro- venant de l’étage oxfordien. Parmi les fossiles envoyés existait \ Ammonites bijrons ou ITalcotii. M. Berihelot montre un beau relief de l’île de Ténériffe. M. Delbos lit le travail suivant : 712 SÉANCE 1)L 3 MAI iBZl7. Notice géologique sur les terrains du bassin de VÂdour, par M. J. Delbos (1). Introduction, — ■ Le bassin de l’Adoiir , dans le sens le plus large qu’on attache à ce mot en hydrographie , comprend tout le pays sillonné par les différents cours d’eau qui vont se réunir à la vallée principale de l’Adour. Afin d’éviter tout malentendu , je lui assi- gnera,! pour limites, au N., le département de la Gironde, à l’E., la vallée de la Baise , et au S., la chaîne des Pyrénées. Il com- prend donc les départements entiers des Landes et des Basses- Pyrénées , une partie du département du Gers , et un étroit ruban de celui des Hautes-Pyrénées. Les descriptions qui feront le sujet de cette note n’auront pour o])jet cjue la partie du bassin de l’Aclour située au N. du Gave de Pau (2). — La vallée de l’Adour sépare , dans le département des Landes , le pays c[ui nous occupe en deux parties singulièrement distinctes par les caractères orographiques qu’elles présentent : le Marensin , qui s’étend sur la rive droite , et la Chalosse , qui forme la rive gauche et est limitée , au S., par le Gave de Pau. — Le Marensin est ce vaste pays sablonneux qui constitue les Landes proprement dites. C’est une plaine aride extrêmement unie, assez élevée, dont la surface incline doucement vers l’Océan et vers l’Adour. Elle est traversée par deux rivières principales : la Midouze, qui vient se jeter dans l’Adour, entre Dax et Saint- Sever, et la Douze, qui se réunit à la Midouze à Mont-de-lVIarsan. (1) Cette notice est un court résumé des observations que j’ai faites dans les départements des Landes et des Basses-Pyrénées , observations qui feront l’objet d’un travail spécial. Parmi les faits relatifs aux su- perpositions, il en est quelques uns que je suis obligé de ne donner qu’avec la réserve que nécessite tout travail non encore terminé sur un ensemble de terrains aussi compliqué que celui du bassin de l’Adour. Je me proposais d’abord de ne publier la description de ce bassin que lorsque j’aurais assez de matériaux pour en donner une histoire complète; mais les discussions qui ont eu lieu dans le sein de la Société géologique au sujet des terrains nummulitiques m’ayant conduit à exposer quelques uns des résultats auxquels je suis arrivé, et ces ré- sultats ayant paru offrir quelque intérêt, je me suis décidé à en donner un extrait sous forme de notice, en renvoyant pour les détails au tra- vail d’ensemble que je publierai plus tard. (2) M. Grateloup a fait une étude toute spéciale des environs de Dax. Je suis redevable à ce naturaliste de plusieurs renseignements qui m’ont été d’une grande utilité dans mon voyage d’exploration. SÉANCE DE 3 MAI 18A7. 713 Ces deux cours d’eau suivent une direction S.-E., N. -O. — La Clialosse , au contraire , est remarquable par les accidents que présente le sol. L’Adour coule au pied d’une série de coteaux élevés , qui contrastent avec runiformité de la plaine des Landes , et qui semblent former le dernier gradin des Pyrénées. Ces coteaux deviennent de plus en plus élevés à mesure qu’on se rapproche de cette chaîne , et ils sont alignés en plusieurs bandes sensiblement parallèles séparées par les vallées du Gave de Pau , du Gave d’Oléron , de la Bidouze et de la Nive. — La première de ces bandes est la Clialosse proprement dite. Elle est elle-même subdivisée en quatre bandes plus petites , qui sui- vent la même direction S. -S.-E. à O. -N. -O. que l’Adour et le Gave de Pau , et qui sont limitées par trois cours d’eau secon- daires : le Gabas, le Loiits et le Liiy. — Les terrains qui consti- tuent le sol du bassin de l’Adour se rapportent tous à huit chefs principaux : Craie , Dolomies, Terrains nummulitiques , Grès et ligniles , Faluns bleus , Faluns jaunes , Sable des landes , Ophite. L’ensemble de ces terrains se relève sensiblement vers la chaîne des Pyrénées. Leur superposition transgressive se fait d’une ma- nière extrêmement irrégulière ; cependant , dans la Clialosse , ils paraissent se recouvrir successivement du S.-E. au N. -O. — Les terrains de la Clialosse ont été extrêmement tourmentés par l’ap- parition des roches ignées. Des cônes d’ ophite ont disloqué de toutes parts les formations de tous les âges , et s’ils ne se sont pas fait jour constamment , on peut néanmoins reconnaître faci- lement leur voisinage par des traces évidentes de dislocations et par des cliangements très grands dans la composition des roches qu’ils ont redressées. — Les buttes formées par les opliites ont une forme tellement caractérisée, qu’elles ont reçu dans le pays un nom particulier (1). 1“ Craie. — La craie forme le sol sur lequel se sont accumulés tous les terrains du bassin de l’Adour. Elle a été recouverte pres- que partout , dans la Clialosse , par les terrains nummulitiques et par les terrains tertiaires. Elle s’y montre pourtant sur plusieurs points, soit c{u’elle ait été portée au jour par les opliites, soit qu’elle ait subsisté sous forme d’îlots au milieu des mers qui ont (1) Pouy. SÉANCE DU 3 MAI ISA?. 71 h déposé les terrains plus modernes. Sur la rive gauche du Gave de Pau , entre Sallies et Bidach , elle forme des couches puissantes et qui se suivent d’une manière continue. Nous n’avons à nous oc- cuper ici que de celle qui est à découvert dans la Chalosse. — Cette craie est généralement d’un gris bleuâtre , toujours un peu argi- leuse, de dureté moyenne, à cassure compacte. Elle renferme des lits de silex pyromaques noirs , analogues à ceux de la craie blanche du nord de la France (Tercis, Rivière, Angoumé) ; quelquefois elle se présente sous forme d’un calcaire en plaquettes , d’un gris jaunâtre (Rivière). Enfin, à Pouillon (carrières d’Arriosse, de Bastères) , elle est blanche , un peu tranchante , et contient beau- coup de silex. — Les plus remarquables de toutes les localités de craie dans la Chalosse et le Marensin , sont celles de Tercis (rive gauche deFAdour) , de Rivière et d’ Angoumé (rive droite ). Elle y forme des couches redressées sous des angles très considérables ; Ainsi , dans la grande carrière de Tercis , elles plongent vers leN.-E. avec une inclinaison de k5°. Du reste , dans ces localités, les strates ne présentent pas d’inclinaison ni de direction bien fixes ; elles plongent vers divers points de l’horizon autour d’un massif central. — Ces couches crétacées sont très riches en fossiles dont les plus abondants sont les ïnocérames et les Anandiytes , qui at- teignent dans quelques localités des dimensions énormes. Les es- pèces suivantes sont les plus répandues (1) : Tragos pisiformis , Astericis stratisfera , Ananchytes ovata , • — striata , striata^ var. altissima, — gibbus , Inoceranius regidaris , lu oceram us Lam arckii , Lima Mantclli y Pecteii nitidus , — pt^pyraceus ^ Ostrea vesicidaiis , Nautdiis iiid.y Ammonites y 3 esp. ind., dont une très grande , Scaph ites com pressas . La présence de plusieurs fossiles abondamment répandus à Tercis, Rivière, etc. ( Ostrea vesicidaris , Ananchytes ovata , etc. ), me porte cà croire que cette craie représente dans le Midi la craie blanche du nord de la France. — La craie de la Chalosse se pro- longe au-dessous de toute la plaine des Landes. A Villagrain, dans le département de la Gironde, une aspérité de cette craie a résisté à Faction des agents qui ont dénudé tout le pays situé sur la rive (1 ) Les mollusques de cette liste ont été déterminés par M. d Orbi- gny, et les échinodermes , ainsique ceux des terrains nummulitiques, par M. Desor. SÉANCE DU 3 MAI 18^7. 715 gauche de la Garonne ; elle contient , comme celle de Tercis , des Ananchytes ovata, Asterias strathfera^ Traças pjsijormis ^ Inocera - mus rcgidaris, etc. — Enfin la craie de la Clialosse et de Yillagrain me paraît analogue à la craie grise à silex de la Saintonge et du Périgord. Dolomies . — On a décrit, aux environs de Dax, deux ou trois petits lambeaux de dolomies que l’on a toujours considérés comme une modification métamorphique de la craie. Ces roches jouent pourtant un rôle important dans les terrains de la Chalosse , quoi- qu’elles s’y montrent plutôt sous forme de massifs qu’en couches suivies ( Tercis , Rivière , Dax , Benesse , Montant , Arcet , Audi- gnon , Boulin ) . — Elles sont ordinairement compactes , saccha- roides, colorées en ronge plus ou moins foncé, ce qui les a fait confondre quelquefois avec des terrains infiniment plus anciens (Zechstein). Leur structure est largement fragmentaire et n’offre aucune trace de stratification. Elles constituent des massifs assez considérables autour desquels les couches plus modernes se relè- vent sous des angles plus ou moins aigus. Partout elles sont dislo- quées, violemment tourmentées, et présentent toujours des traces non équivoques de l’action des agents souterrains. — L’âge de ces dolomies est une des questions les plus difficiles à résoudre dans la description du bassin de l’Adour. Je ne crois ]>as qu’elles puis- sent toutes être considérées comme de la craie métamorphisée par les ophites , car elles ne contiennent aucun des fossiles ni des silex si abondamment répandus dans cette dernière. A Aiontaut et à Audignon , elles supportent les terrains nummulitiques auxquels elles semblent plus généralement se rattacher , et , quoiqu’elles aient été partout tourmentées par l’effort des roches éruptives , je ne pense pas que leur origine implique de toute nécessité le con- tact de ces dernières avec les roches calcaires. Au reste , la discus- sion d’une question semblable m’entraînerait trop loin hors des limites de cet opuscule : j’en renvoie rexamen au travail d’en- semble que je me propose de publier. Je me bornerai , pour le moment, à les placer avant les terrains nummulitiques, dont elles forment peut-être l’assise inférieure. 30 Terrains nummulitiques . — Les terrains nummulitiques sont, à beaucoup près, ceux qui entrent en plus grande proportion dans la composition des terrains de la Chalosse. Leurs limites superfi- cielles sont assez irrégulières. Cependant ce n’est guère qu’à l’O. d’une ligne un peu sinueuse tirée de Alontfort à Orthès qu’ils acquiè- rent une grande puissance. Les terrains tertiaires les recouvrent pres- que partout dans le triangle formé par cette ligne , l’Adour et le 716 SÉANCE ÜL O MAI 18Z|7. Gave de Pau. Il faut en excepter toutefois la vallée de cette dernière rivière où ils affleurent sur plusieurs points. — Ces terrains présen- tent dans la Chalosse au moins trois divisions bien tranchées et parfaitement distinctes entre elles par leurs caractères paléontolo- giques , géologiques et minéralogiques. Je désignerai ces trois étages par les noms suivants: marnes a Téréhratales ^ calcaires à Echinoclermcs , calcaires à Nummulites. Marnes à Téréhratules . — Ce sont des argiles calcarifères , ordi- nairement bleues ou verdâtres (Cassen, Nerbis, Coudures) , quel- quefois jaunes (Hontet) , assez riclies en fossiles, dont les plus ca- ractéristiques sont le Cancer quadrilohatiis , Terehratula te nui striata^ Orhitolites , etc. — A Montaut (carrière de Périgagne) , elles se présentent avec des caractères minéralogiques différents. Ce sont des calcaires tendres , sableux , contenant une énorme quantité de rognons géodiques de quartz blanc , mamelonnés à l’extérieur et présentant à l’intérieur de magnifiques cristallisations de quartz hyalin. Ces calcaires sont très riches en Orhitolites^ etc. , et renfer- ment quelques nodules de fer liydroxydé. Ils se retrouvent sur les pentes méridionales du Pouy-de-Monsouer, près Boulin. — Quant à leurs caractères de superposition, les marnes à Térébratules re- couvrent les dolomies à Montaut. Peut-être aussi les argiles qui recouvrent la craie à Lespéron ( près de Tercis ) appartiennent- elles au même depot. — Voici une liste des fossiles que l’on peut recueillir le plus communément dans cet étage (1) : Orhitolites media , — suh media; Serpula quadricarinata , Teredo Tournali , Plana ind. , Ostrea hippopodium , Ostrea vesicularis , — gigantea, var. a (de Crimée), V iil sella jalcata , Terehratula tenuistriata , — 2 espèces ind. Cancer quadrilohatus. On devra probablement rattacher à cette formation les marnes rouges gypsifères modifiées par les Opliites qui se trouvent au Pouy d’Arzet, à Gaujac, au Pouy de Monsouer, et les argiles vio- lacées à Aragonites de Bastennes. Calcaires h Echinodermes . — Cet étage a jusqu’ici été confondu avec la craie , ainsi que le précédent. 11 consiste en calcaires ordi- ( I ) Tous les fossiles de mes listes des terrains nummulitiques ont été déterminés par M. d’Archiac , qui s’occupe en ce moment de la des- cription des restes organi.sés que renferment ces terrains dans le bassin de l’Adour. 717 SÉANCE DU 3 MAI 18/l7. naireinent très blancs, à grains fins , quelquefois colorés en bleu. C’est la moins puissante des assises du terrain nummulitique , et elle n’affleure que dans un petit nombre de localités ( Montfort, Nousse, Lahosse, Baigtz, Brassempouy). Les Nummulites commen- cent à s’y montrer, quoique en très petit nombre , mais les restes organiques les plus importants qu’elle renferme se rapportent tous à la classe des Ecbinodermes qui présente ici de magnifiques es- pèces dont plusieurs sont très caractéristiques ( Schizastcr rinw- \us, etc. ) (1). — Les fossiles suivants se rencontrent fréquemment dans cet étage : Schiznster rimosus , Hemiaster complanatiis , Brissopsis clcgans , Macropneustes pulvinatus , Les calcaires à Ecbinodermes reposent sur les marnes à Téré- bratules à Brassempouy. — Aux environs de Montfort, à Baigtz , etc. , ils sont probablement recouverts par les calcaires à Nummulites, quoique je n’aie pu nulle part constater de superposition im- médiate. Calcaires à ISummulites. — C’est dans cet étage que les Nuni- mulites acquièrent tout leur développement. Elles y sont quel- quefois répandues en si grande quantité cpi’elles constituent presque à elles seules la masse de la roche. — Cette troisième assise présente elle-même plusieurs subdivisions : — 1” Ce sont d’abord des calcaires blancbâtres ou bleuâtres à Numimdina gra~ nulosa^ N. mamillata ^ Serpula spiridœa ^ etc., assez développés à Gibret, Eonzacq, Audignon , etc. — 2” Viennent ensuite des cou- ches puissantes de calcaires marneux gris ou bleuâtres, pétris de N. crassa ^ etc. On y trouve aussi V Ostrea gigantea^ la Serpula spiridœa ^ etc. (Baigtz, Nousse, Montfort, Gamarde , Brassem- pouy, etc. ). • — 3” Au-dessus de cette assise apparaissent des cal- caires siliceux renfermant un nomljre prodigieux à' Opercidina ammonea.) Leym. et de N. Biaritziana (Gamarde). — l\^ Enfin je place encore dans cet étage le lambeau de calcaire sableux à Ostrea cyathida qui repose sur des couches à N. iutermedia au .Tuc-du- Nunimidina inillecaput Serpula spirulœa , Natica sigaretina. (1) Les grandes et belles espèces d’Echinodermes que M. Grateloiip indique comme provenant d'une assise qu’il nomme craie blanche., appartiennent toutes à cet étage. Tels sont le Clypeaster altus ^ le Galerites conoicleus G. alho-galerus , G. eæceniricus ^ etc., etc. (Voyez Mém, de géo-zoologie.) 718 SÉANCE DU â MAI 1847. Saumon (commune de Louer). — L’étage supérieur des terrains nummulitiques se distingue bien , comme on le voit , des deux autres. Il repose, à Gibret, sur des calcaires qui paraissent se rap- porter aux assises à Ecbinodermes, de même qu’à Audignon il re- couvre les dolomies. C’est lui qui constitue la presque totalité des terrains des environs de Bayonne, des Corbières et de la montagne Noire (1). — Les fossiles qu’on y trouve le plus abondamment sont : Nammulina granalosa , — inarnillata ^ — crassa , — intermedia ^ — Biaritziana , — caput-serpentis , Pfgorhynchus Delbosii . Desor, Ostrea Cyathula et V Opercidina ammonea caractérisent les conciles supérieures. A” Grès et Lignites. — Je place provisoirement entre les terrains nummulitiques et les Faluus bleus des amas d’un âge très pro- blématique qui ne forment que des amas limités, sans jamais constituer de couches étendues et suivies. Ces dépôts consistent en grès et en lignites. Grès. — Ce sont des roches quartzeuses à assez gros grains, très solides, exploitées pour le pavage dans un grand nombre de loca- lités (Louer , Hauriet, Cardures, Horsarrieu , Gamarde , etc,). A Cassen et à Mugron, iis contiennent assez de calcaire pour être utilisés comme pierre de taille. — Jusqu’à présent on ii’a trouvé dans ces grès que quelques rares enqireintes de plantes d’eau douce indéterminables (2). Ils paraissent s’être déposés dans des dépressions peu profondes et peu étendues des terrains plus an- ciens (3). Leurs relations avec les autres formations ne sont bien visibles nulle part. Lignites. — Dans la commune de Saint-Lon , on exploite un dépôt de Lignite qui a pris, sous l’influence des Ophites , tons les caractères minéralogiques de la houille et même quelques uns des caractères géologiques d’un petit bassin houiller. — Les tra- vaux d’exploitation ont été poussés jusqu’à AO mètres de profoii- Operculina ammonea , Pecten opjercularis ? Ostrea cyathula , — vesicularis , — gi gante a , Serpula spirulœa. (1) Voyez le Mémoire de M. Leymerie. (2) Scirpus , Schœnus, d’après M. Grateloup. (3) M. Grateloup a déjà fait cette remarque sans donner aucune opinion sur leur âge. s^;aNce dit 3 MAI 18/(7. 719 lîeiir sans qu’on ait pu atteindre le foiul du dépôt liouiliier. On a trouvé quatre couches , dont Tune à une épaisseur de 3 mètres. Les couches supérieures, très pyriteuses, sont disloquées par une mul- titude de failles comme les véritables couches houillères. Les as- sises inférieures fournissent, au contraire, une bonne houille sèche qui ne contient que peu de pyrites et dans laquelle on trouve de nombreux nodules de succin (1). — Ces dilïérentes couches sont séparées par des assises d’un grès à grains fins et de marnes noi- râtres plus ou moins imprégnées de sulfure de fer et pétries de tiges carbonisées de plantes. Un éciiantillon de cette marne retiré du fond de la mine m’a offert des empreintes de Mytilus ncutiros- d’un Mytilus voisin du M. semiradiosus ^ d’Orb., à' Auomia lœvigata , de Card'iiun ohlirjimm , et enfin d’une coquille qui offre la plus grande ressemblance avec le Cardiiim Hillanwn du grès vert (2). — Pendant le dépôt des grès et des lignites , la Chalosse devait être occupée par la vaste embouchure d’un cours d’eau puissant. Cette période , pendant lac{uelle des lacs , des marécages et des fleuves avaient remplacé la mer qui déposait les terrains num- mulitiques , me paraît correspondre parfaitement à l’époque des molasses, des calcaires d’eau douce et des meulières du bassin de la Gironde. Ces formations d’eau douce furent recouvertes, dans le S. -O., par des assises marines qui se déposèrent contemporaine- ment dans le bassin de la Gironde et dans celui de l’Adour, 5^ Palans bleus. — Je range sous ce titre une série de dépôts qui ont été considérés comme très différents les uns des autres , de même cjue j’élimine quelques assises que je rapporterai à des terrains plus modernes. — Les Faluns biens se divisent en trois assises : Calcaires coquilliers. — Des calcaires grisâtres , très riches en fossiles, dont il ne reste plus que les moules , sont exploités dans la commune de Gaas ( carrière de Garans ) , où ils reposent sur une marne d’un bleu foncé , renfermant quelques déin is de tests cal- cinés de coquilles. Ces calcaires m’ont offert les fossiles suivants (3) : Astcrias lœvis , Fihularia ovata , Nummulites , MilioUtes , Troc lias Benettiœ , Turbo Parkinsoni ^ Delphinula scobina , Pecten Billaudelli . (1) Je dois quelques uns de ces détails à M. Paul Barrère, directeur de la mine de Saint-Lon. (2) Ces fossiles ont été déterminés par M. d’Archiac. (3) Voyez la liste donnée par M. Grateloup dans le Mémoire de M. Dufrénoy [Mérn. géoL). 720 SÉANCE DU â MAI 18Zl7. C’est-à-dire tous les fossiles caractéristiques du calcaire à Asté- ries du bassin de la Gironde. — Je rapporte à la même formation les couclies de calcaire grossier qui forment l’éminence nommée Tuc-du-Saumon, dans la commune de Louer. On n’y trouve que très peu de fossiles , mais on y remarque des masses énormes de madrépores parfaitement conservés et identiques à une espèce commune aux environs de Bordeaux. — Enfin , à Lesperon , à Lourquen, àla Hosse, il y a des calcaires bleuâtres, sub-spathiques, qui appartiennent probablement à la même assise. A Bastemies, des couches à fossiles analogues ( Crassatdla tiimicla) sont impré- gnées de bitume. Marnes à Natlca mciximo. — Elles n’affleurent que dans un petit nombre de localités ( Gaas , Cazordite ) . Ce sont des argiles bleuâtres, ordinairement très fines , qui se distinguent parfaite- ment des vrais falims par les fossiles qu’elles contiennent : Na tic a maxlma , Ampidlaria crassatina , Trochus Boscianus, Trochus lahariun , Turbo Tavkinsoni , Delphi nula scohina. Faluns bleus a Echinides. — Ce sont des marnes sableuses, d’nn bleu foncé, mêlées de gros gravier, qui forment le sol d’une partie de la Cbalosse (Ozourt, Narrosse , Sort, Garrey , Cambran , Poyartin, Clermont , etc. ). Elles sont remarquables par la grande quantité d’Ecbinodermes et d’ossements de cétacés qu’elles ren- ferment : Liinulites , Clypeasier mnrginatiis , Echinolampas conoidea , — Rirhardi , — oviformis , ovalis\ Panopœa Faiijasii, Cytherea Islandicoides , Nanti lus aturi , Côtes , vertèbres de très grands cétacés; dents de poissons , etc. Les calcaires et les marnes à Natlca maxima , Turbo Pnrhinsoui ^ Delphinula scobina^ etc., me paraissent correspondre parfaitement au calcaire à Astéries du département de la Gironde. On peut s’en assurer en comparant les listes de fossiles de ces assises avec celles du dépôt de Terre-Nègre (1) et du calcaire à Astéries des environs de Bordeaux (2'). — ■ Quant aux marnes à Echinides, elles ren- (1) Voyez Mémoires géologiques ; Dufrénoy (2) Voyez mon Mémoire sur l’âge de la formation d’eau douce in- férieure du bassin de la Gironde. SÉANCE DU 3 MAI ISA?. 721 ferment beaucoup d’espèces du calcaire à Astéries, ce qui fait que je les range dans la même formation cpie les couches précédentes, cpioiqu’elles contiennent cpielques fossiles que l’on n’a rencontrés juscju’à présent que dans les couches les plus inférieures des faluns du bassin de la Gironde ( Clypeaster niarginatiis , Edùuolainpas Richardi). — • S’il vient à être prouvé par les recherches ulté- rieures des paléontologistes que le calcaire à Astéries appartient à l’étage moyen , ce qui paraît présenter quelque probabilité , les marnes à Echinides du bassin de l’Adour devront être sans doute assimilées aux molasses qui forment la partie inférieure des fa- luns dans le département de la Gironde. 6® F(diuis jaunes. — Les couches qui doivent réellement porter le nom de Faluns dans le bassin de l’Adour forment trois groupes distincts. Calcaires h Cardita Joiianneti de Mont-de-Marsan. — Cette assise fournit les seules pierres de construction que possède le Ma- rcnsin. Elle commence par des calcaires gris bleuâtre, durs, à moules de Cardium hians et de Fusas clavatus , exploités comme pierre dure à c[uelque distance de AIont-de-i\îarsan. — Aux en- virons de cette ville et de Rocfuefort, de nombreuses carrières à ciel ouvert sont pratiquées dans des calcaires sableux , tendres, terreux , très caverneux , contenant un grand nombre de fossiles passés pour la plupart à l’état de moules spatliisés. — Le prolon- gement de ces calcaires couronne le coteau élevé de Saint-Sever, et des sables imprégnés de bitume, à Gaujac, renferment tous les fossiles c|ui les caractérisent {Cardita Joiianneti etc. ). lis présen- tent abondamment les espèees suivantes : Cardita Joiianneti , Pccten Bciidantl , Crthcrea Islandicoides , Ostrca Firginica. Pectiinciiliis glycimcris , Cette assise correspond aux faluns de Salles dans le département de la Gironde. Faluns jaunes de Saint-Paul. — C’est ici que commencent les vrais faluns. Je leur rapporte le dépôt de Saubrigues que l’on a toujours rattaché aux faluns bleus, parce qu’il renferme quelques fossiles qui ne se trouvent pas dans les dépôts coquilliers de la commune de Saint-Paul, disséminés dans un sable bleuâtre. — C’est danslaeommime de Saint-Paul que les faluns jaunes acquiè- rent tout leur développement. Ils y présentent la plupart des fos- Soc. géoî. , 2*" série , tome IV. 46 722 SÉANCE DU 3 MAI 1847. siles caractéristiques des faluns de Léognaii et de Sancats , aux environs de Bordeaux. Sables h Potamides et a Coquilles d’enihoiichiire. — A Saint-Avit, au N. de Alont-de-AJarsan , Ai . Perris a le premier observé un gisement de faluns très rielies en fossiles, dont j’ai trouvé le pro- longement aux environs de Saint-Sever ( Aîeignos) (1). Le falun de Alandillot, dans la commune de Saint-Paul , paraît appartenir au même groupe. — Tous les fossiles de ces faluns se rapportent à des espèces que l’on ne trouve dans le département de la Gironde c|ue dans certains gisements particuliers ( Alérignac, etc. ). Luciua scopulorum , Cytherea luidata , Chaîna Jloiida^ Mytilus antiquorum , Melanopsis Dufourii , Neritina picta , CeritJdum plicatum , Pyuda Lainei , etc., etc. 7° Sable des Landes. — J’ai peu de chose à dire sur ce dépôt, si ce n’est qu’il recouvre tout le Marensin et couronne tous les coteaux de la Chalosse. Il renferme , dans la Clialosse^ des lits de cailloux roulés qui paraissent augmenter en volume et en abon- dance à mesure qu’on se rapproche de la chaîne des Pyrénées. 8” Ophites. — Les Opliites ont disloqué de tous côtés les terrains du bassin de l’Adour. Elles constituent dans la Chalosse une foule de buttes coniques élevées , à pentes plus ou moins roides ( Pouy d’Euse , Pouy de Saint-Pandelon , Pouy d’Arzet , Pouy de Mont- peroux, Bastennes , Gaujac , etc. ). Elles sont ordinairement pro- fondément altérées à leur surface et se désagrègent souvent en boules plus ou moins volumineuses , composées quelquefois d’é- cailles concentriques (Pouy d’Euse, Saint-Pandelon, etc.). Elles sont dans plusieurs localités accompagnées de petites masses de talcschiste à grain fin et d’une roche feldspathique boursouflée et poreuse comme une ponce volcanique. — Les substances miné- rales qui se trouvent le plus fréquemment associées à l’ophite sont le quartz , l’épidote , le talc , le fer oligiste , le fer hydroxydé et l’amiante. — Tels sont les caractères généraux des ophites consi- dei ees en elles— memes. C est à leur apparition que doit se l’apporter l’origine de quelques nouvelles substances qui n’existaient point dans le S. -O. de la France avant l’époque où elles se sont fait jour (soufre , arragonites, etc. ) , et celle des sources thermales, salées {]) Je dois la connaissance de ce dépôt à M. Léon Dufour, qui a bien voulu me diriger lui-même aux environs de Saint-Sever. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 723 et sulfureuses. — Le soufre cristallisé s’est présenté dans la eom- mune de Saint-Boés associé à une marne calcaire bitumineuse. Dans la même localité , le pétrole et le bitume imprègnent toutes les roches calcaires. — Les Arragonites se trouvent disséminées en grand nombre, à Bastennes, dans des argiles rouges ou lie de vin. Des cristaux de quartz hyacinthe adhèrent fréquemment à leur surface. — Des marnes violacées, analogues à celles de Bastennes, se présentent partout où les argiles se trouvent en contact avec les Ophites. Ces marnes renferment ordinairement des lits minces de chaux sulfatée. — Enfin le kaolin a été rencontré en Chalosse à Gaujac et au Pouy de IVlonsouer. Il est recouvert, dans la pre- mière de ces localités, par les argiles rouges dont je viens de par- ler. — Les sources salées ne se rencontrent guère que dans le voi- sinage immédiat des Ophites. Dans la Chalosse , celle du Hourn, située au pied du Pouy d’Arzet , est peu abondante. Celle de Gau- jac, au contraire, est assez considérable, et contient une assez forte proportion de sel pour que l’exploitation pût en offrir quelque intérêt. Mais c’est surtout sur la rive gauche du Gave de Pau, à Sallies et à Oraâs, que ces sources se présentent avec un grand dé- veloppement. — La fontaine d’eau thermale , qui est située au centre même de la ville de Dax , n’est chargée d’aucune matière étrangère , ou du moins n’en contient que des traces inapprécia- bles. C’est une des sources les plus chaudes que l’on connaisse ; sa température est voisine de l’ébullition. — Les sources sulfureuses sont très abondantes dans la Chalosse ( Tercis, Dax, Gamarde, Pré- chacq, Donzaq). — Comme toutes les roches ignées, les Ophites ont agi sur les roches qu’elles ont traversées de deux manières dif- férentes : comme force mécanique, elles ont redressé, disloqué les couches d’une foule de manières ; 2® comme force métamor- phique , leur voisinage a fait subir aux roches des modifications variées qui se sont manifestées tantôt par un changement de struc- ture et d’aspect ( modifications physiques ) , tantôt par un chan- gement de composition intime ( modifications chimiques). — 1° Effets /néca/ii(jiies. — La date de l’éruption des Ophites se rapporte à une époque assez moderne. Elles ont redressé les cou- ches de craie à Tercis, Rivière, Angoumé, etc., sous des angles qui atteignent quelquefois 90". — Les terrains nummulitiques offrent un piongement assez considérable à Baigtz et à Audignon. Enfin les faluns bleus se présentent en couches inclinées de 10° à 15“ à Lesperon. — Les formations supérieures à ces différents dépôts ne présentent pas de traces bien authentiques de relè vement ; mais ce- pendant il n’est guère douteux que l’apparition d’une partie au SÉANCE DU 3 MAI 18/i7. 72k moins des Ophites neleur soit postérieure , comme nous le verrons en parlant des bitumes. — 2“ Effets chimiques. — Le soulèvement des Ophites a été suivi d’un dégagement de plusieurs substances qui ont attaqué les roches voisines en agissant sur elles comme agents chimiques. C’est ainsi que les roches calcaires ont été chan- gées en sulfate de chaux dans une foule de localités ( Arriosse. Cau- penne, Bastennes , Gaujac, etc. ). Les dolomies , comme je l’ai dit, me paraissent devoir constituer une formation indépendante des autres terrains, mais à laquelle l’action plutonique n’est peut-être pas étrangère. — 3" Effets physiques. — Je range sous ce titre les métamorphoses que les Ophites ont fait subir aux diverses roches par leur chaleur combinée souvent à une pression considérable. Telle est la transformation du calcaire en marbre (terrain num- mulitique de Bastennes), etc... — Mais il est deux questions qui réclament une attention toute particulière : 1° celle de la trans- formation du lignite en houille, et 2’ celle de l’origine des bi- tumes. — Comme je l’ai déjà dit , la commune de Saint-Lon ren- ferme un gîte considérable de lignite qui présente des phénomènes de dislocation singuliers qui lui donnent quelque ressemblance avec un vrai dépôt houiller. Ce petit bassin a été soumis à des actions mécaniques énergiques qui l’ont fendillé et relevé dans toute son étendue. L’effort des roches plutoniques a certainement joué un rôle dans sa constitution actuelle. — Les bitumes s’offrent avec un développement considérable à Bastennes et à Gaujac. Ils imprègnent des sables qui se rapportent à plusieurs formations différentes. A^insi , à Bastennes , ils sont exploités dans les faluns bleus ; à Gaujac, dans les faluns jaunes, et, dans ces deux localités, dans le sable des landes. — La date de l’infdtration des bitumes est de beaucoup jK)stérieure à l’époque du dépôt de ces divers ter- rains. Si l’on étudie avec soin les excavations et les galeries dans lesquelles on exploite les sables bitumineux , on ne tardera pas à reconnaître que les infiltrations se sont faites de bas en haut., qu’elles ont imprégné toutes les matières incohérentes, et qu’elles ont, au contraire, entouré les roches dures, les cocpiilles, etc., sans péné- trer dans leur intérieur. Les choses ne se passeraient pas autrement dans un laboratoire de chimie , si l’on soumettait à l’action du feu un vase contenant à sa partie inférieure des matières suscep- tibles de donner, par la distillation, des huiles ou des .goudrons, et dont le reste serait rempli de sable froid. Les huiles les plus volatiles se rendraient à la partie supérieure , tandis que les pro- duits les plus fixes resteraient dans les parties moins froides. Des faits analogues se présentent dans les mines de bitume. A Gaujac, SÉANCE DU 3 MAI 18/l7. 725 le bitume devient de plus eu plus fluide à mesure qu’on approche des limites supérieures de son infiltration ; à Orthez , les roches ne contiennent que du pétrole vers leur partie supérieure , et , à me- sure qu’on s’enfonce , le hitume de vient de plus en plus solide , de moins en moins onctueux. Tout présente donc ici les caractères d’une volatilisation ou d’une distillation dont les produits se se- raient condensés dans les couches meidjles qu’ils auraient tra- versées. — Que l’on suppose maintenant une masse minérale en fusion se faisant jour près d’un dépôt de li^piite. Si cette niasse n’arrive pas jusqu’au lignite même , elle agira sur lui par une chaleur lente et progressive qui pourra le fondre, l’agglutiner et le transformer en houille , comme M. de Collegno l’a fait voir pour des gîtes semhlahles qui se trouvent en Toscane. Si , au con- traire, la roche ignée vient à pénétrer dans l’intérieur des dépôts, le lignite se trouvera subitement soumis à l’action d’une chaleur extrêmement intense qui le décomposera en huiles empyreumati- ques, goudrons, etc., qui se volatiliseront et imprégneront lésinasses supérieures. ■ — Cette théorie n’est point en désaccord avec les faits chimiques. On sait que le bois , la houille , etc. , se décomposent en une foule de substances voisines par leurs caractères du pétrole et des bitumes. La distillation sèche de la résine de ])in , celle de la houille avec de l’eau, fournissent, d’après M. Cailliot et M. Rei- chenbach, des huiles qui présentent tous les caractères du pétrole. Les goudrons de houille , soumis à la distillation , laissent pour résidu un bitume solide dont les caractères se rapprochent de ceux de l’asphalte. Les bitumes de la Chalosse pourraient passer pour un mélange de pétrole et d’asphalte. • — Si. la théorie que je viens de proposer est vraie , la date de l’apparition des Ophites sera clairement déterminée , puis(|ue les bitumes c[ui en auront été le résultat auront imprégné et traversé toutes les formations tertiaires , y compris le sable des Landes. Conclusions. — Les diverses formations du bassin de l’Adour pourront se grouper de la manière suivante dans la série générale des terrains : i" Craie branche 2" Terrains nummulitiques (l) I Craie de Tercis. r Dolomies? \ Marnes à Térébratules. { Calcaires à Echinodermes. ( Calcaires à Nummulites. (1) La question de l’àge des terrains nummulitiques n’étant pas 726 SÉANCE DU 3 MAI 1847. 3° T. tertiaire inférieur? 4° T. tertiaire moyen. . 5° T. tertiaire supérieur. 6° Roches d’épanchement Te ne donne pas cet ordre de superposition comme irrévocable- ment fixé. De nombreuses observations sont encore indispensables avant que Ton puisse établir d’une manière certaine la constitu- tion géologique du bassin de l’Adour. Ma notice n’est qu’un simple aperçu géognostique que je donne avec toutes les restrictions que m’impose l’étude encore superficielle que j’ai faite de ces terrains aussi peu connus que compliqués. La nouveauté du sujet me ser- vira d’excuse si j’ai commis quelque erreur. M. Virlet d’Aoust fait observer à M. Delbos que, sans rejeter tout-à-fait l’hypothèse de la formation de certains bitumes par la décomposition des matières organiques, il faut cependant bien se garder de trop généraliser les théories de MM. de Reichen- bach, Turner et autres chimistes, qui attribuent exclusive- ment la formation des bitumes à la transformation et à la distil- lation lente des matières organiques -, qu’il a démontré , en effet , depuis longtemps (1) , par un simple calcul appliqué aux sources de pétrole de l’île de Zante, qui sont bien loin d’être les plus abondantes , que ces théories sont tout-à-fait incon- ciliables avec les faits , lorsqu’on vient à soumettre ceux-ci à un examen raisonné. M. Frapolli présente à la Société la carte géologique d’une partie du nord de l’Allemagne , dont il est l’auteur, et lit la note suivante : encore vidée, je les classe en un terrain indépendant , intermédiaire à la craie blanche et aux terrains tertiaires. (l) Bull. Soc. géol. de France l*"® série , t. IV, p. 203; 2® série, t. P*", p. 844; Dictionnaire pittoresque des sciences naturelles à l’article Bitumes. ( Grès? ( Lignites? ( Faluns bleus. ) Faluns jaunes. I Sable des Landes, j Ophites. ! h-; i i i =5 1 r -I 1 j 1 i I- -ê I c î ."ü -’ 'i "r 'H ^ s' >' "1 i '? ^ S ^ 'O ^ ti: ^ i:^; ÔO i. :_ =: H O' = ’fi ■^KUIK.IJ .>p /opj) ,Jl .ip ipicp SÉANCE DU 3 MAI 1847. ITJ Quelques mots à propos rVune carte géologique des collines suhhnercyniennes , et essai d’une topographie géologique de ce pays, par L. Frapolli. § î. Exposition du travail, La carte que j’ai riionneur de soumettre à la Société , com- prend le pays de eollines qui s’étend au N. du Harz , entre ees montagnes et les hauteurs du Hackelwald d’un eôté , entre la Wipper et la Holzemme de l’autre. Le tracé topographique est exécuté d’après les travaux géodé- siques les plus récents ; les nombreuses routes nouvelles y ont été introduites d’après des levées faites par moi-même ; le relief oro- graphique a été revu et reetifié , j’y ai fait les ehangements qu’une étude approfondie des rapports de la surface avec la structure intime du sol m’a démontrés nécessaires. L’échelle de ^ laquelle j’ai exéeuté le tracé de cette earte , m’a permis de n’y omettre aueun détail géologique de quelque importance. Cet es- pace , de plus de 40 lieues carrées , souvent rasé et recouvert, pour les trois quarts , par des dépôts meubles très épais , et qui , au premier abord , paraissent empêcher toutes les recherches géolo- giques, a été étudié pas à pas et de manière à ne pas laisser C espace de 50 mètres carrés sans qu’il ait été vu et visité soigneusement. J’insiste sur ce fait et sur ce que ma carte n’a pas été coloriée d’après les méthodes ordinaires, en prenant des eoupes et en rac- eordant les points par des lignes arbitraires , car ce n’est que sur un travail exéeuté de cette manière que je pouvais m’appuyer, pour en déduire les conelusions dont j’avais besoin. J’y insiste d’autant plus , qu’ayant eu le malheur d’être obligé de détruire souvent les travaux faits par mes devanciers , je crois devoir expliquer la eause de cette différence , qui ne tient qu’à la proportion du temps et des soins qu’ils ont pu donner à la description de ce pays, et de eeux que j’y ai pu eonsaerer moi-même. Les projeetions horizon- tales des affleurements de terrains y sont déterminées de manière que les lignes qui les représentent sont vraies toutes sans exception, à 20 mètres près. Les nombreux massifs de gypse sont indiqués par des signes ou par des lettres qni les rapproehent des diffé- rentes formations desquelles ils font partie. Des lettres, distribuées par centaines sur toute la carte , indiquent les points où les diffé- rentes formations sont à jour, et qui eorrespondent à des observa- tions spéeiales que j’ai consignées dans mes notes. Une coupe 728 SÉANCE DU 3 MAI '18Zl7. transversale, depuis le granit du Harz juscpi’aii Hackelwald , et qui s’étend sur une longueur de 7 à 8 lieues dans la partie la plus accidentée du pays , a été levée par moi à l’aide de mesures trigo- nométriques ; elle représente le relief du sol à l’échelle de ? avec hauteurs simples ; cette coupe a près de deux mètres de lon- gueur, Une quantité de hauteurs y sont calculées à l’aide de for- mules trigonométriques , en prenant pour point de départ le niveau de la Eode , niveau dont la hauteur , au-dessus de la Bal- tique , est connue en plusieurs points par les travaux de Yillefosse et de F. Hoffmann. Les angles donnés par le graphomètre , les pentes de la surface , les inclinaisons des couches , les divisions géologiques des terrains y sont indiquées. Un grand trapèze, d’une lieue de côté , choisi dans la partie du pays la plus appropriée , a été levé trigonométriquement avec le soin le plus scrupuleux ; il devra servir au calcul de la quantité des masses enlevées par la dé- nudation. Une autre coupe longitudinale démontre l’affleurement successif des différentes formations dans le sens parallèle au Ifarz et s’étend en croix avec la première d’un l)out à l’autre du pays étudié. Cette seconde coupe , d’une longueur démesurée et exécu- tée au , avec hauteurs doubles , a également été basée sur différents travaux trigonométric{ues. Une vingtaine de sections des autres parties du pays, exactement dessinées, soit à vue, soit, pour plus de précision , à l’aide de carreaux , présentent tous les principaux accidents de superposition. Les directions exactes des coupes se retrouvent dans le plan ; j’ai dû souvent suivre des lignes brisées, afin d’éviter les endroits où la dénudation a effacé toute trace de relief orographique. Un grand panorama , pris de la plus haute des collines subhaercyniennes , levé à l’aide de car- reaux , suivant la méthode de Leonardo da Yinci , et exécuté à la plume, représente, en perspective, le relief d’une grande partie du pays étudié. Ce panorama , ainsi qu’une douzaine de vues pittoresques et géologiques en même temps , car elles ne sont là que pour appuyer, par la vue de la nature , le récit de quelque fait , ou les conclusions de quelque théorie , sont destinées à orner le texte par des gravures sur acier ; une cincpiantaine de vignettes sur bois , représentant autant de petites coupes ou d’objets géolo- giques, finiront de rendre l’exposition des faits tout à fait évi- dente. J’ai voulu cjue le lecteur , à l’aide de tous ces moyens , du plan colorié et accompagné du relief orographique exact, des coupes levées géométriquement, des vues pittoresques, d’une col- lection de roches cl de fossiles à l’appui , qui compte plus de 1,500 échantillons , et qui sera exposée dans quelque grande ville de SÉANCE DU 'à MAI 18/17. 729 r Allemagne (1), put , par sa pensée , se transporter sur la nature elle-même , et qu’il pût y juger des faits , qu’il pût y observer par lui-même les superpositions , qu’il pût appréeicr le relief orogra- phique et mesurer les rapports nomljreux qui existent entre ce relief et la structure intérieure du sol. Ce n’est qu’ après avoir fait un travail poussé à ce degré de scrupuleuse exactitude et de détail, que j’ai hasardé quelques conclusions. La gramvacke a été partout la limite de mes études spéciales ; il importe donc bien de distin- guer ce que je peux dire sur le pays subhaeicynien , des excursions rapides que je fais dans l’intérieur du massif. L’un est le résultat d’un travail, l’autre une relation de voyage. Qu’il me soit permis , en terminant rémunération des travaux que j’ai exécutés , de rappeler à la reconnaissance de tous les amis de la science ce génie exceptionnel , placé à coté du trône , dont le savoir et la noble simplicité des manières évoquent à chaque instant le jeune voyageur qui apportait jadis, à l’Europe étonnée , la con- naissance de tout un nouveau monde. Alexandre de îlumboldt , que l’Allemagne s’est accoutumée à regarder, depuis un demi-siècle, comme le représentant de tous ses intérêts scientifiques , et dont l’appui est toujours assuré à quiconque désire s’occuper sérieuse- ment , à quelque nation qu’il appartienne , a bien voulu encourager mes faibles recherches ; c’est lui qui m’a oljtenu les plans à l’aide desquels j’ai pu exécuter le tracé de ma carte ; c’est à la protection magique de son nom vénéré et tout-puissant que je dois d’avoir été le bienvenu partout on je me suis présenté ; sans lui mon travail ne serait pas accompli ; en le proclamant ici , je ne fais que remplir un des devoirs les plus sacrés. Grâces soient rendues aussi à mon savant ami le professeur Gus- tave Rose , qui a bien voulu visiter avec moi les lieux que j’avais étudiés , et me procurer l’assistance de son expérience consommée et du savoir profond de son illustre frère. Je manquerais égale- ment à la plus légitime reconnaissance, si je ne rappelais point les sentiments que m’ont inspirés , d’abord le professeur Schumann à Quedlinburg, physicien profond , homme probe et honoré dans tout le pays, qui, par son influence et par son amitié, n’a cessé de m’assister pendant quatorze mois de rudes travaux , et a su m’apla- nir maintes difficultés et maints obstacles ; puis feu le docteur Schwalbe de la même ville , cet homme qui , étant jeune encore (1) M. Ernst Yxem, horloger à Quedlinburg, homme fort instruit et zélé pour la scicence, se charge de l'envoi des petites collections de roches et fossiles du pays qui pourraient lui être demandées. 730 SÉANCE DU 3 MAI 1847. et riche , a employé sa fortune et sacrifié sa vie en soignant gra- tuitement tous les pauvres de sa province, .le croirais, enfin, com- mettre un crime d’ingratitude et de lèse-hospitalité , si j’oubliais de nommer M. Friedrich Ludolf Haussmann , de Rothleberode , qui m’a facilité l’étude de la Thuringe ; M, de Grode, le chef bien- veillant du Harz hanovrien , et MM. Koch d’Andreasberg et Au- gustin d’Eisleben , ingénieurs du plus haut mérite , qui m’ont reçu avec l’hospitalité franche et cordiale dont j’ai joui au IVIagdes- prung comme à Goslar, et qui distingue tous les mineurs de ces pays. § 2. De quelques auteurs qui se sont déjà occupés de la géologie de la contrée. J’arrivais dans le pays , les cartes à la main ; après quelques jours il me fut facile de me convaincre qu’aucun travail spécial n’avait été fait sérieusement sur cette contrée ; les indications don- nées dans les livres répondaient bien peu à ce que l’on voyait dans la nature. Il y a une trentaine d’années, M. Schulze avait élargi jusqu’à ce point une carte de Alannsfeld ; c’est même lui qui avait noté le premier les lignites du pays, mais l’époque seule de son travail indique assez ce qu’il a dû en être. M. Boué avait fait quel- ques bonnes observations dans le Harz , mais il ne s’y était pas arrêté. AI. de Buch avait dit quelques mots pleins de sens sur la Rosstrappe ; il avait parlé des émersions plutoniques dans le Harz; il ne s’était pas étendu au pays environnant. M. Zincken, à qui l’on doit un travail développé sur l’intérieur d’une partie du pla- teau haercynien , a fait une excellente monograpliie de cette même Rosstrappe, mais il s’y est renfermé. Al. Gerniar, une des an- ciennes colonnes de la science minéralogique allemande , et auteur du bel ouvrage sur les empreintes houillères de Wettin , n’avait fait qu’effleurer ce pays. L’illustre savant de Gôttingue , M. Hauss- mann , qui nous a légué d’aussi beaux travaux sur le Harz propre- ment dit , et qui nous a fait connaître les bords du Weser , n’en avait parlé que par incident. AJ. Keferstein , il y a quelque vingt ans et plus , s’est occupé spécialement de la géologie de ce district; quelque utiles qu’aient été ses écrits pour les progrès de la science , ils se ressentent du manque absolu de principes géologiques de cette époque , où une école nombreuse ne savait encore détermi- ner qu’à l’aide des caractères minéralogiques. Le grand ouvrage de Freiesleben n’a pas dépassé le Alannsfeid ; celui de Villefosse , rempli de données précieuses , reste pourtant assez étranger à 731 SÉANCE DU 3 MAI 1847. la géologie. Friedrich Hoffmann est le seul qui, à la suite de sa belle description topographique du N. -O. de rAllemagne , et en combattant M. Keferstein , établit quelques vérités frappantes sur la géognosie de ce pays ; son ouvrage est excellent , et , tant qu’il ne s’agit que de la forme superficielle du pays , d’une exactitude que j’ai été toujours obligé d’admirer chaque fois que je m’en suis servi sur le terrain ; mais l’auteur, qui avait toutes les qualités néces- saires pour exécuter un travail géologique accompli , a été brisé par la mort, au plus beau de son ouvrage. Il n’a pu terminer la partie géologique , elle est à peine ébauchée. On dirait qu’il a craint de toucher à l’arche sainte, il n’en parle point, il passe vite et se perd dans la plaine lointaine ; il va se noyer dans les flots avec ces collines qu’il décrit rapidement. Sa carte géologique manque très souvent d’exactitude ; mais cela est naturel , car c’est un travail immense et dont l’accomplissement exigeait la vie d’un homme tout entière , et elle n’y aurait pas suffi. M. Roemer, qui , par son essai de classement paléontologique des terrains de craie du N. de l’Allemagne (Hanovre 1841 ), a rendu un véritable service à la science , a déterminé Tâge des couches dans quelques points de notre contrée ; ce n’était pas son but d’en faire la géo- logie spéciale. M. Dunker n’a parlé qu’en passant de quelques formations de ce pays ; d’ailleurs les beaux ouvrages de ce savant sont des travaux presque uniquement paléontologiques. MM. Nau- niann et Cotta sont restés au-delà des frontières du royaume de Saxe , et ce dernier savant n’a étendu ses belles cartes que du côté de la Thuringe. Les personnes qui , après ces messieurs, y ont fait de la géologie , se sont limitées à des monographies plus ou moins restreintes ; et quelques unes n’ont même eu garde de co- pier ou de dénaturer, en y ajoutant de faux faits ou de fausses applications, les idées de Hoflinann. Je dois pourtant nommer quelques hommes très instruits qui habitent le pays , et qui , s’ils cultivent d’autres sciences, ou si leurs occupations ne leur per- mettent pas de se dévouer à la géologie comme ils le voudraient, ne manquent point de s’intéresser, et avec un l3on sens remar- quable , à toutes ces questions. Devant me limiter au pays compris dans ma carte , je citerai en premier lieu M. Stiehler , à Wernige- rode , qui a écrit un j^eau Mémoire sur l’origine de la houilh; ; M. Giebel, de Quedlinburg ; AI. Heyse , auteur d’une description des fossiles du muschelkalk des environs d’Aschersleben ; M. Ra- bert , àRübeland; M. Hampe, le savant botaniste, à Blankcn- burg , et bien d’autres amis de la science qui pullulent dant cette belle Allemagne , pour qui la prpipité antique de ses fils , le dé- 732 SÉANCE DU 3 MAI 18/i7. veloppeineiit de Fintelligence , la passion pour Fétiide , et Fainour du travail , sont les meilleures garanties d’un avenir certain. ^ 3. Composition du sol et gisement géncrnl des formations ; dge des roches massives. Les terrains primaires constituent le fond de tout le N. de l’Al- lemagne. îls se montrent dans l’Eiffel , ils se montrent dans le Harz , ils se montrent près de Magdeburg ; ils forment une seule et même grande formation à laquelle appartient le Cornouailles et la Bretagne. Plus on avance vers FE. , moins ces formations sont tourmentées. En Bretagne , le terrain cumhrien a été reconnu sur des étendues considérables ; on trouve encoi’e le terrain silurien dans les Ardennes ; d’après la détermination qu’on a faite des restes organiques , et par suite de plusieurs considérations géologlcpies , le plateau de Afagdeburg et le îlarz paraîtraient recouverts, du moins en grande partie, par les formations auxquelles on a jusqu’ici donné , peut-être avec trop de généralisation , le nom collectif de dévoniennes, mais la direction du terrain silurien domine dans ce dernier massif. Dans les plaines sans lin de la Russie , AÎM. Mur- cliison , de Verneuil et de Reyserling, ont reconnu ces deux der- niers terrains sur d’immenses étendues , et en couches à peu près bori zou taies. Des roches graniticpies forment en quelque sorte le noyau du plateau liaercynicn. Il ne faudrait pourtant pas s’imaginer que les grandes plaques rouges qu’on voit sur toutes les cartes du Ilarz soient tout à fait conformes à la vérité. L’influence que ces roches ont exercée sur les couches de sédiment environnantes, nous montre bien cpi’ellcs n’ont pas été formées à la place qu’ elles oc- cupent actuellement. La direction moyenne, à peu d’exceptions près, N.-E. des schistes primaires, n’est pas souvent en rapport avec les masses irrt'gulières des granités , ou l’alignement général E.-S.-E. du massif baercynien. Ce fait epie M. Germar a indiqué depuis longtemps (1), et f{ui est notoire dans le pays, a donné (1) Geognostische Bemerhiingeii auf einer Reise iihcr den Harz and das Thüringenvald • — vom Herrcn Prof essor Germar in Halle., 1819. Je trouve dans cette petite brochure , où M. Germar n’a fait que donner son journal de voyage , des observations d'une exactitude surprenante , et qui n’auraient pas dû échapper à ses successeurs. M. Germar fait remarquer que dans le Bas-Harz (c’est-à-dire là où de grandes érup- tions postérieures ne sont pas venues bouleverser les formations) , les couches des schistes et des grauwaekes courent E.-O. , et plus souvent SÉANCE DU 3 MAI 1847. 733 lieu à une théorie singulière , qui fait dériver les granités du îlarz d’une fusion successive des couches de transition qui se serait propagée des parties inférieures jusqu’à la surface. L’étude des phénomènes de contact , si variés et soumis pourtant à des lois fort simples , démontre facilement combien l’application de cette hypothèse à ce pays est insoutenable. Une partie des couches de transition était déjà relevée depuis longtemps ; les granités n’ont fait que les percer en redressant leurs tranches déchirées , ou en soulevant meme certaines portions à la manière d’un emporte- pièce. Ce n’est que dans des localités très restreintes que les schistes et les grauwaekes ont passé à l’état de micaschistes , de gneiss , de quarzites ; mais presque partout , autour et à peu de dis- tance des masses granitiques, on voit s’y développer quelques petites paillettes de mica, ou bien les grauwaekes se sont transfor- mées en liornstein , les schistes en phtanites. Des masses de dia- bases , de porphyres, des nombreuses déjections d’amphibolites , quelques parties serpentineuses , le tout accompagné de roches métamorphiques de toute espèce , de quarzites , de soi-disant gabbro , d’amygdaloïdes , de variolites , etc. , etc. , se rencontrent abondamment au milieu de ces sédiments d’une époque re- culée. Un grand noml^re de fdons lemplis de minéraux variés, de fer carbonaté et oxidé rouge ou hydroxidé , de plomb , d’argent, de cuivre , d’antimoine , de zinc , de manganèse , d’arsenic , de cobalt , de chaux Ihiatée , de Ijaryte , de strontiane , forment la richesse de ce pays (1) ; une foule de minéraux improductifs, appartenant surtout à la classe des zéolites et des silicates , les accompagnent. Déterminer les relations d’àge des différentes roches massives qui ont percé les sel listes et les grauwaekes , par rapport au terrains se- encore N.-E., S.-O. ; cette observation, qui à elle seule nous indique une loi générale , est fortifiée et précisée encore davantage par la cita- tion d’un fait qui m’est tombé également sous les yeux, savoir: que « près de la Blecbhütte , où la surface du granité s’abaisse et plonge » vers le nord , cette roche n’a pu changer en rien la direction géné- » raie des schistes qui vient s’arrêter brusquement à son contact. » Je possède des échantillons de cette localité, qui montrent que les tran- ches des couches , déjà auparavant relevées , des schistes , vont frapper contre les granités qui les ont altérés et qui ont rehaussé postérieure- ment le tout dans un autre sens. (1) C’est près de Neudorf, dans le Bas-Harz , qu’on a trouvé du sé- lénium , et, associé à celui-ci , des traces d’une substance que Berzélius a reconnu être du palladium. SÉANCE DU 8 MAI 18Zj7. 78Zi condaires , est une tâche extrêmement diflicile , et je dirais presque impossible , si on se limite à l’observation superficielle du simple massif du Harz. A l’exception des porpliyres d’ilefeld et de Halle, qui paraissent être arrivés ajirès le dépôt du terrain houiller et s’être continués pendant la période permienne , ces roches ne sont ici jamais en contact avec les terrains secondaires. Dans l’état actuel de la science iiétrographique , qui ne permet guère encore de classer les âges des roches plutoniennes par des caractères tirés de leur structure intime , et tant que la géologie du Harz n’aura pas été étudiée en détail , ce qui est loin d’être fait , c’est donc dans le pays environnant ou dans d’autres groupes de montagnes qu’il faut faire de pareilles recherches; l’analogie des roches pourra permettre ensuite quelques rapprochements. Tout ce que j’ajouterai à cet égard ici ou vers la fin de cette notice, et , je dois le dire, tout ce qu’on a pu répéter là-dessus jusqu’à présent, ne doit , ne peut avoir qu’une valeur approximative. Dans son dernier ouvrage sur le Harz, Al. Haussmann a admis l’ancienneté relative de certaines roches qu’il appelle diahases , et qui sont connues coni- munénient sous le nom de iirgrü/isteiu , par rapport aux granités du pays ; je suis porté à croire qu’il a raison ; en tous cas il me paraît absolument certain que ces roches n’ont pu s’injecter dans les couches schisteuses que lorsque celles-ci étaient déjà redressées et rasées ; les phénomènes de métamorphisme qu’elles présentent surtout du côté du toit, ne laissent point de doute à cet égard. J’ai, en cela , le regret de devoir être en contradiction avec l’ojîi- nion exprimée par quelques savants distingués. Hélas! on ne peut être de l’opinion de tout le monde. Je crois pourtant qu’ou fini- rait par se mettre d’accord , si on voulait s’entendre bien sur ce que l’on appelle gninstfin et urgrünstein d’émersion ; car il y a plusieurs masses qui portent ce nom dans le Harz , et qui ne sont autre chose que des roches de sédiment métamorphosées ; et Al. Doué, si je ne me trompe , a du le faire remarquer lorsqu’il a trouvé un débris fossile dans une de ces prétendues masses d’é- ruption dans les environs de Goslar. Aloi-même j’ai examiné, en parcourant le Harz, certaines roches auxquelles quelques géo- logues ont prêté le nom de gahhro , de porphyres ^ de grünsteiji^ et qui ne sont évidemment que des roches altérées fl). Quoi qu’il Q) Je suis tout étonné de trouver que M. Germar avait également observé, en '1819, que certains gabbro’s étaient stratifiés. Ce que dit M. d’Omalius d’Halloy n’est que trop vrai : « La mode exerce son em- )) pire sur les sciences comme sur bien d’autres choses. '> D’abord , SÉANCE DU 3 MAI 1847. 735 en soit, il me paraît résulter de rensemble de la disposition des couches de ce plateau primaire qu’une partie des schistes était déjà relevée suivant une direction moyenne IN.-E., et qu’ils étaient déjà rasés à la manière de ceux d’Angers ou de certaines steppes de la Russie, lorsque les premières roches massives sont venues s’inter- caler à la suite de fentes qui se sont produites dans le sol ; et , tout vu , je crois encore prohahle que les granités qui forment le noyau et le relief principal du Harz aient paru à la surface avant la formation des premières couches secondaires , car il est à peu près certain que le Ilarz , au moins en partie , formait déjà une île lors du dépôt du terrain houiller et du rotliliegendes. Mais ces mêmes granités, et, en général, tout le petit chaînon , ont dû être relevés encore plusieurs fois, et même très hrusquement, pendant le cours des périodes secondaires et tertiaires ; les grands houle- versements qui ont eu lieu dans le pays après l’époque du terrain crétacé en sont une preuve. Les éruptions porphyriques et la di- rection définitive du chaînon et de ses prolongements se rattachent à ces différents mouvements postérieurs. En tous cas , il me paraît certain que ces montagnes formaient, en totalité, une île au milieu de la mer triasique. Depuis cette époque, le Harz a toujours été à sec ; les eaux qui ont encore pu modifier son relief n’ont été que passagères. En était-il de même des îlots qui lui sont analogues, du plateau de Magdehurg, du Tliüringerwald , etc. ? Je le pense ; c’est même ce qui , pour ces contrées , établit, à mon avis , une difïérence plus marquée entre les terrains primaires et les ter- rains secondaires cju’entre les différentes parties de ces derniers : car les premiers étaient déjà en couches non seulement redressées, mais partagées en massifs à plusieurs niveaux différents, dénudées et rasées ; ils formaient des continents et des îles lorsque les ter- rains secondaires sont venus en recouvrir les parties submergées , tandis qu’entre les différents terrains secondaires et tertiaires il n’y a que l’écho des grands mouvements, dont le centre était plus loin, et des déplacements qui ont bien suffi à distinguer les époques tout avait été formé par les eaux, tout était stratifié; plus tard, il n’y a plus eu partout que des produits ignés , et de conclusion en conclu- sion on est arrivé à faire couler les gypses et les dolomies Plusieurs , parmi les questions géologiques, et parmi les plus importantes , ont subi de pareilles phases et en subissent encore. On dirait que rien , dans le monde moral comme dans le monde physique, ne saurait se passer que par action et réaction. 11 y a bien peu d’hommes qui sachent s’ar- rêter devant l’exagération d’un principe. 736 SÉANCE DU 3 MAI 1847. différentes, mais qui n’ont pas complètement changé la disposition des continents. Cela me rappelle involontairement le fait cité par M. Alcide d’Orbigny, qui a observé en Bolivie une ligne de dé- marcation tranchée entre le terrain silurien et le terrain carboni- fère. Il y a là une espèce de grand biatus, dont un pareil ne saurait plus être observé entre les différentes périodes postérieures que lorsqu’on arrive aux derniers terrains meubles. Les terrains secondaires et tertiaires, en commençant par le ter- rain caiBonifère , se sont déposés dans les mers méditerranéennes du nord de l’Europe , en s’appuyant sur les côtes des différents continents émergés , et reculant ou avançant leurs dépôts , qui va- rient de forme d’épaisseur et de nature , en raison des mouvements c{ue subissait l’écorce terrestre à l’origine d’une nouvelle période ou pendant son cours, de la forme c[u’acc]uéraient les golfes et les mers , de la disposition des rivières et des lacs. Entre les plateaux primaires du Harz et de Magdeburg , on retrouve presc^ue toute la série des couches secondaires ; la plus grande partie des sédiments postérieurs aux schistes dévoniens c|u’on a reconnus dans T Europe occidentale s’y sont succédé et s’y sont recouverts tour à tour ; les plus anciens emboîtent les formations récentes. Le terrain houiller, le rothliegendes , le zechstein , les trois membres du trias, diffé- rentes formations de la période jurassique , plusieurs étages cré- tacés , des bas-fonds tertiaires , des dépôts meubles d’époques variées, et, parmi tous ces terrains, des sédiments pélagiens tran- quilles , mécaniques ou chimi'cpies , des sédiments méditerranéens lacustres , d’embouchure , ou de marécages , des dépôts de transport sous»marin, diluvial ou fluviatile ancien, des gypses, des dolomies, du sel gemme, s’y sont donné rendez-vous, et n’ont été masqués qu’en partie par les détritus et les alhivions actuelles. La composi- tion de plusieurs d’entre cette longue série de dépôts nous rappelle , à elle seule, qu’ils n’ont pas été produits , tant s’en faut, sans que des causes étrangères ne vinssent apporter du dérangement dans leur formation successive , sans que des mouvements lents ou pré- cipités du sol lui-même ne vinssent en changer l’étendue, la forme, le niveau, la nature. La présence ou l’absence de plusieurs étages intermédiaires nous permet , même en nous renfermant dans la contrée limitée que comprend ma carte, de distinguer, d’après les simples lois de la stratigraphie, les principaux groupes de forma- tions. Les débris fossiles des corps organisés enfouis dans ces cou- ches viennent confirmer et préciser encore davantage les résultats obtenus, et nous faciliter le rapprochement de ces mêmes forma- SÉANCE DU 3 MAI 1847. 737 tiens avec leurs analogues dans ic coté opposé des l)assins, en France, en Angleterre, en Scandinavie, sans nous obliger à suivre rigou- reusement pas à pas les superpositions. ^ 4. Relief oro^raplit que et structure. La nature des sédiments dont se compose le sol de la contrée sub- liaercynienne , l’ensemble des mouvements qui Font bouleversée , les dénudations qui en ont dévasté la surface à plusieurs reprises, ont modifié diversement le relief orographique du pays. Ce relief, extrêmement pittoresque et varié par son aspect extérieur et sa vé- gétation , est , au contraire, très simple par les lois générales qu’on y reconnaît et qui découlent du mode de son origine. Le Harz lui-même, ce plateau arrondi, mais raviné , et cjuelquefois profon- dément entaillé , d’une hauteur assez uniforme , se terminant au N.-N.-E. par une ligne de falaises boisées et à pentes rapides, et dont le niveau moyen général, de 500 à 800 mètres, n’est dépassé cpie légèrement par des espèces de ballons isolés et moins fertiles dont le plus haut n’arrive pas beaucoup au-delà de 1,200 mètres de hauteur, est le résultat de la présence des couches primaires de schistes et de graiiAvackes, de leur ridement primitif, de l’existence de nombreuses masses ignées cjui les ont percées j ostérieurement, des fentes, des failles et des dénudations gigantescpies c|ui en ont profondément modifié le relief, de la décomposition séculaire qui en a façonné différemment les formes extérieures. Le plateau de Magdeburg, à pentes plus douces, moins haut, mais également élevé au-dessus du pays environnant , correspond à un deuxième afiieurement des couches schisteuses et à des épanchements de roches éruptives. Entre les deux îlots primaires, les couches plus récentes ont subi un ridement général parallèle à la grande ligne de falaises c{ui termine au N.-E. le plateau haercynicn et c|ui se dirige vers l’E.-S.-E. Ce ridement n’est pas l’effet d’une seule révolution ; une étude attentive et détaillée nous montre qu’il est le résultat de plusieurs dislocations successives dont les unes ont pu être lentes , les autres brusques, et qui certainement ont eu des directions fort variées. Mais la disposition des gollés et des côtes était telle, que les mouvements successifs, dans quelque sens qu’ils fussent , n’ont pu que produire l’exagération et la répétition des dislocations an- térieures. Les couches plus récentes ont été constamment en- traînées, lors de leur redressement, dans la direction des ridements anciens. Il serait très difiieile de déterminer lesquels de ces ride- 8oc. fjéol. , V' série, tome IV. 47 738 SÉANCE DU 3 MAI i8Zl7. ineots sont dus à Faction directe des soulèvements latéraux , ou 1 )ien à Faction indirecte du relèvement du fond des bassins ; ils tiennent probablement tout à la fois à Finie et à l’autre de ces deux causes. Le golfe subbaercynien , où se sont déposés les terrains secon- daires , était fermé vers l’orient. La cessation des dépôts supé- rieurs et le peu d’épaisseur des formations triasiques lorsqu’on s’avance vers FE.-S.-E , l’apparition du terrain permien non loin de Gotben , en sont une preuve. Les rides des couches sont peu nombreuses et très peu importantes vers la limite orientale du bassin , où elles ne commencent que par une seule courbure presque insensible; mais cette courbure se modifie bientôt, et elle grandit et finit par donner lieu à des déramations qui , elles- mêmes , deviennent plus fortes et se subdivisent à mesure que l’on avance avec le soleil , c’est-à-dire à mesure que l’on s’approche du méridien géologique de Brocken. La simple inspection raisonnée de la carte de Hoffmann suffit pour nous convaincre de cette allure des couches secondaires qui , ne formant entre Konnern et Magdeburg que deux rides légères et trois fonds de bateau, pré- sentent six rides et sept fonds de bateau entre Goslar et Klinze. Or, c’est précisément ici que le golfe s’élargit davantage et que les formations s’y trouvent plus puissantes et plus au complet. Si le ridement définitif n’était que l’effet d’une pression latérale, il de- vrait être plus fort là où les couches étaient plus élevées et plus horizontales ; mais c’est le contraire qui a lieu. Je crois donc ne pouvoir me passer d’admettre que le dernier ridement , le ride- ment qui a mis à sec et qui a transformé en une plaine ondulée le fond concave et profond de ce golfe , a été autant occasionné par le simple relèvement vertical même du fond , que la pression directe d’un soulèvement latéral. Plusieurs autres considérations de détail me confirment d’ailleurs dans cette opinion. Dans tous les cas , la forme allongée du golfe , dont le grand axe se dirige vers FE.-S.-E. , ne laissait point d’autre alternative à la direction des rides de tous les terrains, depuis ceux qui s’y sont déposés le plus anciennement jusqu’aux plus modernes. Ce sera donc dans l’alignement des massifs antérieurs, dans la succession des roches éruptives lorsqu’on peut l’observer , et dans la direction et Fâge des grandes failles , autant que dans la composition des couches et dans la nature des restes organiques qu’elles renferment, que nous trouverons un appui pour leur classement. Un autre moyen très puissant de contrôle serait l’étude des directions , des inclinaisons et des époques d’ouvertures et de remplissages successifs des nom- 739 SÉANCE EU 3 MAI 18/17. breux filous de riiitérieur du Hai z. On pourrait peut-être parvenir de cette manière à rapprocher avec assez d’exactitude rapparition des différentes substances minérales avec les diverses époques des dislocations; lUcds les phénomènes de ce genre, que je ne pourrais qu’indiquer sommairement dans un travail plus élaboré , ne sau- raient être étudiés et éclaircis que par la plume de l’auteur du grand ouvrage sur le Bas-H arz , qui en dirige les mines et qui possède en même temps, au Magdesprung, la plus belle collection de produits des filons de ce pays qu’il puisse être donné à un homme de désirer. Trois grands systèmes de failles se font remarquer dans le bassin subhaercynien. L’un , courant à peu près de l’E.-S.-E. , serait pa- rallèle à la grande falaise septentrionale du Harz , qui probable- ment lui devrait son existence. Un autre, courant à peu près sui- vant la direction thuringienne , et dont on trouve un exemple dans le cours de la Wipper, depuis Freckleben jusqu’à Ascliersle- ben , dans les marais de la Sée , etc. ; on a fait remarquer depuis longtemps que certaines parties du cours de plusieurs grandes rivières de l’Allemagne septentrionale avaient été déterminées par une cause analogue. Un troisième grand système de failles court du S, -S. -O. auN.-N.~E.; ce système, qui n’a pas épargné les terrains crétacés les plus supérieurs de la contrée , est celui qui a laissé le plus de traces sur la surface du pays ; le lit de la plupart des rivières qui descendent au N. du Harz en dépend; l’Elbe, depuis Alagdeburg jusqu’à la hauteur de Genthin , suit cette même direction. De nombreuses et grandes dénudations ont marqué , pour ce pays comme pour tous les autres , le passage de plusieurs époques d’agitation aux périodes successives de dépôt tranquille, il en est résulté l’enlèvement des couches dans tous les endroits où elles étaient fracturées , et là où des solutions de continuité permet- taient aux eaux d’avoir prise. Les couches récentes sur les bords des massifs anciennement exondés ont été arrachées ; les parties convexes et fendillées des rides furent emportées ; les forma- tions ont été plus ou moins ravinées et décimées suivant le degré de résistance qu’elles présentaient et la violence du courant. Tout le relief du sol se ressent de cette triple action : du ride- ment , des failles, de la dénudation. Les ondidations de la plaine sont disposées en plusieurs séries de coiimes parallèles ; ce sont les débris des rides du soi que la dénudation n’a pu enq3orter. De larges vallées longitudinales sillonnent le pays peu profondément et marchent dans le même sens que les collines. Ces parties con- 740 SÉANCE DU 3 MAI 1847. caves des rides partagent les croupes par de larges fonds de ba- teau ; on peut les appeler des vallées de séparation. D’autres grandes valiées qui se dirigent vers le N.-N.-E. coupent à angle droit tous les accidents du rideinent ; elles servent de lit aux ri- vières principales du pays, et sont tout aussi bien taillées à travers les rides qu’à travers les vallées longitudinales. Le niveau des con- ciles d’une rnéine forniation varie ordinairement sur les deux côtés de ces vallées ; elles sont , dès lors , évidemment des failles élargies démesurénientpar les courants diluviens postérieurs, qui, par leur action successive , en ont même altéré parfois la direc- tion rectiligne (1). Souvent les rivières se détournent brusquement pour couler soit dans les vallées longitudinales, soit entre des cou- ches moins résistantes ; la fente continue alors dans sa direction primitive, ou elle se cache et ne reparaît que plus tard. C’est ainsi que laWipper, après s’étre traînée depuis Hettstaedt jusqu’au-delà de Saiidersleben , dans une de ces grandes failles élargies où le rejet n’est pas moindre de cent pieds , la quitte près de Frecklebeii et court sur la petite ville d’Aschersleben pour se diriger ensuite vers Güsten, en suivant, après avoir opéré sa réunion avec TEiiie, une autre faille parallèle à la première. Rien mieux cpie le cours de toutes ces rivières au sortir du Jlarz , de la Wipper, de l’Eine, de la Selke , de la Rode , de la Holzemme , de l’Ocker, etc. , ne pourrait démontrer la double origine des vallées , dues d’abord à des fentes profondes, remplies depuis par récroulement et élargies d’une manière démesurée par une action érosive postérieure. Rien n’apprend mieux la puissance de ces deux agents, àwjen intérieur et des eaux superficielles. Les traces de l’un sont voilées , on ne les découvre que ]>ar l’étude des couches solides ; l’autre se manifeste de toutes parts à l’observateur du relief. En dehors de cette structure générale , de ces deux grands sys- tèmes de vallées , les vallées de séparation et les vallées transver- sales , cjui forment comme un réseau sur le pays et le découpent en un grand nombre de parallélogrammes rhomboédriques plus ou moins élevés , le mécanisme du relief actuel de chaque ride oflVe encore une séi ie de phénomènes aussi intéressants que ceux (1) 11 y a longtemps que l’on sait que la plupart des rivières coulent dans des vallées qui doivent leur origine à des failles , leur creusement et élargissement aux eaux. M. de Buch et M. Boué font démontré pour plusieurs cours d'eaux de l’Allemagne; M. Dufrénoy, pour la Garonne; M. É. de Beaumont, pour le Rhin; M. de La Bêche , pour les vallées du terrain de craie de l’Angleterre; M. Dumont, pour celles de la Belgique. SÉANCE 1)1} 3 MAI iS!i7. 7Zil que jM . Tliurinann a étudies avec un soin si éclairé dans le Jura de Porentruy (1). On y distingue principalement : a. Les rr.xcs des rides qui , suivant la nature et la résistance de la plus inférieure des for- mations dénudées , sont oceupées par une vallée de soulèvement ou par une croupe, arrondie. ■ — h. Les chaînes et les vallées latérales et longitudinales ; chaque ride peut en compter plusieurs; elles se ré- pètent et alternent douldement autant de fois qu’il y avait de for- mations alternativement solides ou meubles mises à découvert lors de la dernière dénudation, c. Les petits vallons qui découpent les séries des collines et qui ne sont dus généralement qu’à la simple érosion. Ces vallons ne pénètrent que dans les formations les plus superficielles ; les grandes vallées transversales atteignent jusqu’aux terrains primaires et au granité. Les abords du îlarz sont défendus par une ceinture multiple de collines et de vallées qu’on pourrait appeler circonvallation , aux- quelles on donne collectivement dans le pays le nom de Harz^ Rand .J et qui sont également le produit du redressement , de la nature et de la dénudation des dilférentes formations. La hauteur moyenne de ces pays de plaines et de collines , au- dessus du niveau de la mer Balticpie , est de 130 à 200 mètres. 5. Série des différentes formations suivant V ordre de leur super- position et révolutions (pt elles paraissent avoir subies. Je n’ai pas étudié spécialement les couches primaires, mais j’ai parcouru plusieurs fois, et dans bien des directions, les massifs du îlarz et de Magdeburg. Après cela , et jusqu’à des études plus soignées qu’on n’en a pu faire jusqu’ici, je crois que, pour ce qui regarde les terrains appelés de transition , il n’y a rien de mieux à dire que ce cjue M. Elie de Beaumont écrivait en 1833 , dans l’Appendice au iVlanuel géologic[ue de AL de La Bêche. 1. Terrain silurien. — 2. Système du Hundsrück. — <( Une grande » partie des schistes et des grauwaekes du Ilarz ont subi un pre- » mier redressement dans la direction hora 3-à, c’est-à-dire N.-E. » à N. -N.-E. » Ce redressement a dii être un ridement , et les sommités des arcs ont du être de bonne heure emportées par une première dénudation. Cette dislocation se rapproche par sa direc- tion de la marche du soulèvement post-silurien du Hundsrück , et serait déjà une forte présomption en faveur de l’existence du (l) Essai sur les soulèvements jurassiques de Porentruy. T. II des Mém. de la Soc, d'his. nat. de Strashurg. '1832I. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 742 terrain silurien , sinon partout à la surface , du moins à une petite profondeur. Pour lua part, je suis poi té à croire qu’une bonne portion des schistes liaercyniens , surtout dans la partie orientale du massif, appartient à la période silurienne. Le petit nombre de points où l’on trouve des fossiles , ces calcaires d’Elbingerode , qui occupent une aussi grande place au milieu de schistes sans fossiles, et desquels on ne sait pas bien d’où ils viennent ni où ils vont , ne seraient-ils point de petits massifs dévoniens renfermés dans des bassins plus anciens? Les bouleversements ont été si grands et si multipliés dans le Harz , qu’il serait difficile de décider complè- tement cette question , même après une étude stratigraphique détaillée avec des cartes à grande échelle. D’ailleurs il n’est pas encore bien sûr pour moi que ces calcaires d’Elbingerode doivent être définitivement placés dans la troisième période primaire. Les débris qu’ils renferment sont surtout des Polypiers , et l’on sait que cette classe d’animaux n’est pas bien exclusivement caracté- ristique de l’une ou de l’autre formation. 3. Terrain dévonien. — « Les grauwackes qui forment les collines » au N. -O. de Magdeburg , dit IVL Elie de Beaumont , et dans » lesquelles on trouve un grand nombre d’impressions d’Equisétacés » et d’autres plantes peu différentes de celles du terrain houiller, ne » partagent pas la direction hora 3-^ des autres grauwackes de )> rAllemagne. Elles appartiennent probablement à la partie la 5) plus récente des dépôts dits de transition, et la direction de leurs » couches est presque parallèle à celle de l’escarpement N.-E. du ') Marz, dont le soulèvement a sans doute eu quelque influence sur » le ridement qu’elles ont éprouvé. » Je ne saurais rien ajouter à l’exactitude de ce court aperçu, sinon que je crois vraiment difficile de réunir, après ces faits, en une seule et même formation , les collines de Magdeburg et la grande majorité des montagnes du Harz. La différence de l’inclinaison des couches, de leur direction , de l’aspect de la roche , etc. , et tout cela à si peu de distance , me paraît parler en faveur de cette distinction. U. Soulèvement post-dévonien. — C’est au système des ballons que M. Elie de Beaumont attribue le plus d’influence sur la forme générale du relief du Harz. C’est lors de cette dislo- cation post-dévonienne que seraient apparues les grandes masses granitiques du Brocken et du Rammberg , qui ne seraient pas ana- logues à ce granité qui , au Kiffhauser , paraît avoir soulevé une roche d’amphibole , et être postérieur aux terrains du trias. Ces roches éruptives ne sont point sorties à l’état liquide; leur SÉANCE DU 3 MAI 1847. 743 consistance est prouvée , soit par le fait d’avoir arraché une partie des couches primaires à la manière d’un emporte-pièce, soit par l’influence métamorphique très Jiornée qu’ils ont exercée sur ces mêmes couches. La grande falaise septentrionale qui termine ce groupe de montagnes suit la direction E.-S.-E. du même soulève- ment ; une direction E.-O. se reproduit sur plusieurs points de l’intérieur du massif; les couches dévoniennes de Magdeburg et celles du Harz en auraient été redressées ou ridées. Dès cette époque , le Harz ainsi que les collines de Magdeburg ont constitué des îles au milieu de la grande mer carbonifère (1). 5. Dépôt du terrain hoiiHler. — Le terrain houiller s’étend au fond du bassin intermédiaire ; on le voit reposer au pied du Harz, près de Maisdorf. Entre Ballenstâdt et la Selke , ce terrain , composé de schistes et de grès noirâtres avec empreintes végétales, et ren- fermant quelques couches de houille et de calcaire peu puissantes, paraît être une formation d’eau douce; il s’appuie doucement, mais en stratification discordante , sur les couches primaires. Il est recouvert par une petite épaisseur de rothliegendes ; mais on l’a ( I ) Voilà , pour ce qui regarde les terrains primaires de l’intérieur du Harz et de Magdeburg, mon opinion actuelle: elle est incomplète, in- certaine , comme tous les systèmes qui ne sont pas basés sur une longue et minutieuse observation ; mais elle est, à mon avis , la seule ration- nelle. Aussi je demande aux savants géologues qui se sont occupés de ce pays , la permission de la garder jusqu’à ce que des cartes spéciales et faites sur une grande échelle , viennent nous apprendre la disposition exacte et les relations des différentes roches sédimentaires , éruptives, ou métamorphiques, dont l’emplacement, la nature, et les limites, n’ont été donnés jusqu’à présent que d’une manière tout à fait arbi- traire. Ce n’est donc que pour ne pas courir le risque d’être accusé d’igno- rance que je crois devoir rappeler l’opinion d’un savant paléontolo- giste , M. Adolphe Roemer, à Clausthal, qui paraît avoir rencontré dans le Harz la plupart des subdivisions des terrains dévonien et silu- rien de M. Murchison , et même du terrain cambrien de M. Segdwick , et qui admet qu’après le dépôt du trias et des terrains jurassiques, tout le massif du Harz a été renversé complètement, de manière que les couches qui occupaient la position supérieure vinrent se pla- cer à la partie inférieure : « Nach der Ablageriuig ^ etc..., das ganze Uibergangsgebirge ist übergestürzt. y> Du reste, M. A. Roemer dit lui -même qu’il n’a pas eu la temps de visiter convenablement les roches en place, et que pour ses déterminations il n’a pu compter que sur quelques fossiles appartenant a un petit nombre de points, et tirés d’anciennes collections. (A. Roemer, Die Versteinerungen des Harz- gebirges. Hannover^ 1843.) ihh SÉAi>CE DU 3 3IA1 1847. atteint en piusiciu’s endroits par des puits , et niènie par une galerie poussée du fond de la vallée de la Selke dans le flanc de la mon- tagne. Ce terrain est le premier dont les couclies , s’appuyant fai- blement sur le plateau haercynien , affectent la direction E.-S.- E. , normale pour tous les terrains secondaires du pays. Au-delà des limites de ma carte , on le voit encoi e affleurer de dessous le rotli- liegendes, dans les environs de Halle, où il est bouleversé par les porphyres, et près de Neustadt et d’ilefekl, au midi du îlarz ; on le voit de nouveau apparaître sur les pentes du Tliüringerwald près tt’flmenau, etc. Des recberclies Font déjà mis à découvert dans quelques autres points des différentes parties des anciens pays saxons. Le terrain liouiller est-il une formation générale indépendante appartenant à une seule époque, ou bien ne serait-ce qu’un acci- flcnt dans les terrains des périodes paléozoïques, ainsi que Hum- Jjoldt l’avait pensé il y a longtemps? L’uniformité de composition et de végétaux qu’on y remarque parlerait pour la première hy- pothèse. Maison a trouvé des houilles dans le terrain dévonien (bassin de la Basse-Loire), tout aussi bien qu’ au-dessus du calcaire carbonifère. Au Ilarz , il paraît être intimement lié avec le nou- veau grès rou.ge. Je ci ois beaucoup ])lus rationnel et ])lus con- forme à l’observation d’admettre la deuxième opinion. En effet, le terrain liouiller n’est ordinairement qu’un produit riverain de tourbières immenses qui se sont formées dans les périodes tran- quilles de la vie du globe , à une époque où la végétation avait déjà pu s’étendre sur la terre, mais où la température centrale , ayant encore beaucoup d’influence à la surface, donnait aux cli- mats une grande uniformité et encombrait de vapeurs humides l’atmosphère déjà cliargée d’une grande quantité d’acide carbo- nique. Or, rien ne nous oblige à limiter ces conditions générales à une seule période. Dès lors, il est très probable que la même vé- gétation a pu se continuer à travers des révolutions partielles pendant tout le temps très long pendant lequel ces circonstances n’ont pas été sensiblement altérées. Quoi qu’il en soit, il me paraît assez vrai de dire que le terrain liouiller du Harz est le produit de l’époque de tranquillité qui a précédé immédiatement la dispersion des immenses dépôts meu- bles qui ont donné lieu à la formation du rothliegendes , et que ce terrain étant plus ou moins riche, plus ou moins compliqué, s’étend non seulement sur une grande partie du fond du bassin subhaercynien du nord , mais également dans de grandes étendues de la Thuringe où il est recouvert partout par la formation puis^- SÉA^’CE ÜÜ 3 MAÎ 18/l7, 7/i5 santé de cc iiiènie rotiiliegcndcs. Il est inèine très probable que son épaisseur, à Finstar de celle des formations supérieures, aille en augmentant à inesiue qu’on s’éloigne du l)ord des massifs pri- maires. Jusqu’à présent on n’a étaljli des exploitations que sur la limite des bassins, ou bien là où le terrain liouiller a été relevé par les porphyres. Je pense que des rccbcrclies dirigées avee iii- telligence dans des localités convenables, dans Fintérieur des bas- sins des anciens golfes , pourraient offrir de grands avantages. Les seules difîlcultés qin se présentent contre la réussite de sem- blables essais sont la grande profondeur à laquelle il faudrait aller cliercber la bouille , et surtout le système du morcellement des concessions qui régit , en Prusse , l’industrie minière , et qui , fa- vorisant une concurrence jalouse et formidable , s’oppose sans remède à toute avance de capitaux considéral^les. JMais la cherté du combustible , le développement toujours plus grand de l’in- dustrie , la prévision intelligente du gouvernement de Ferlin, sauront bientôt venir à fjout de ces obstacles. 6. Depot du rodiliege/tdes et du zeehstein. — 7. Moiwcments post-pernr.ens. — Les formations permiennes recouvi eut les couclies houillères sans qu’on puisse Inen s’apercevoir d’une discordance de stratification entre ces terrains. Elles se composent, comme cbacun sait, de deux grands groupes, le rotliliegendes et le zeehstein , qui, dans ce pays, lui est concordément superposé. Une foule de dépôts sul^ordonnés , tels que le weissliegendes , le kup- ferschiefer, la raucliwacke , Fasche , le stinkstein , les gypses, le sel, les calcaires magnésiens ou ferrugineux, les dolomies pro- prement dites , complètent ce terrain. Les couches permiennes affleurent presque partout autour des massifs primaires ou grani- tiques du llarz, de Pda.gdeburg, du Kiffhauser, du Thüriiigerwald, sur lesquels elles s’appuient plus ou moins doucement. Elles sont très étendues à la surface dans le pays du Mannsfeld. Le ter- rain entre dans le domaine de ma carte depuis Ballenstaedt jus- qu’à Mettstaedt. Il repose ici sur les couches anciennes ou sur le terrain liouiller, avec une inclinaison N. -N. -E. d’environ 15” à 35°; et il se montre encore entre Blanckenburg et Wernigerode, mais en couches verticales. Freiesleben donne une description dé- taillée de ses caractères. Le groupe du zeehstein apparaît de dessous le grès bigarré [Bun- ter-saiidstein)^ dans le fond d’une large vallée de séparation, près d’Egeln , au beau milieu du bassin subhaercynien , où il forme une petite croupe qui s’enfonce presque verticalement des deux côtés sous les dépôts triasiques et supérieurs. Cette circonstance me paraît SÉANCE DU 3 MAI 1847. 746 indiquer que ce golfe permien a été partagé de bonne heure en deux bassins par un léger ridement qui a eu lieu pendant et après le dépôt du zechstein , et avant la formation des terrains du trias. Le mouvement post-permien me paraît encore prouvé dans ce pays soit par les failles du Mannsfeld , soit par l’ensemble du gi- sement du grès bigarré qui parfois recouvre complètement les terrains antérieurs et va reposer sur les couches primaires, comme au nord du Harz, entre Ballenstaedt et Blanckenburg ; tandis que d’autres fois , et précisément là où il y a des éruptions de por- phyres en voisinage , il s’arrête à une grande distance de ces ro- ches qui ont évidemment exondé une partie des fondations per- miennes avant son dépôt. Nous en avons un exemple dans le Mannsfeld , près de .Magdeburg et d’ilefeld , etc. Dans la plupart de ces localités, des éruptions de porphyres paraissent avoir eu lieu avant, pendant et après les époques houillère et permienne. Ces premiers ridements, qui ont eu lieu au fond des mers per- miennes, ont dû suivre la direction du golfe dans le pays subhaer- cynien ; et d’ailleurs la marche du soulèvement du Hainaut , en- viron E.-O. sous ce méridien , n’était pas très apte à contrecarrer l’influence de la forme des côtes. 8. Dépôt (lu trias.. — Les terrains du trias se sont déposés dans le golfe subhaercynien , comme dans le reste de l’Allemagne , au fond des bassins ainsi modifiés par les dislocations post-permiennes (1). Ils paraissent reposer immédiatement sur le groupe du zechstein. Le trias se compose là aussi , comme ailleurs , des trois dépôts princi- paux, le grès bigarré, le muschelkalk et les marnes irisées [Kcuper). Ces formations renferment accidentellement des gypses et des do- lomies. Aucune discordance de stratification n’est appréciable entre elles dans ce pays ; les trois membres du trias passent , au contraire , de l’iin à l’autre par de nombreuses alternances. Ils sont caractérisés par le même aspect général des roches qu’on a observé dans le Alannsfeld et en Thuringe , dans le Würtemberg, comme au milieu des plaines diluviennes de Berlin , dans les N osges. . . . , et qu’on trouve si bien décrit dans les ouvrages d’ Alberti, (1) L’opinion qui réunirait en un seul groupe le terrain permien et le trias de l’Allemagne , étant fondée sur une erreur, à savoir, l'inter- calation des gypses comme masses éruptives dans toutes les formations de ces deux terrains n’est pas discutable. Si cela était, on devrait ajou- ter au nouveau groupe , les terrains de la craie , et, par conséquent, les couches oolitiques qui lui sont sous-jacentes, car on trouve du gypse tout aussi bien au milieu du plœner que dans le zechstein. Ihl SÉANCE DU 3 MAI 18/i7. de Qiienstedt , d’Elie de Beauiiiont, etc. Malgré tout cela, je ne crois pas loin le jour où on reconnaîtra dans le grès higarié, le inuschelkalk et les niâmes irisées , trois terrains séparés par des révolutions dont on n’a pas encore pu découvrir les traces jusqu’à présent. Une difïerence de divers dépôts superposés, aussi grande et aussi soutenue que celle qui existe entre les trois formations triasiques, ne peut s’expliquer que par un changement complet des conditions orografiques générales. Du pays d’Ascliersleben, où le trias repose en couches ordinai- rement très inclinées dans un fond de bateau étroit et profond, on le suit entre les limites de ma carte , au S. et au JM. , le long du Harz et vers le Hackelwald. Il iorme une ceinture de couches presque verticales et même renversées à — Z| 0° et ■ — 30", qui entoure les formations permiennes de Bettstaedt et de IVIaisdorf, et le massif primaire au-delà de Ballenstaedt et près de Wernigerode. Recouvert et peut-être interrompu par les marais de la Sée , on retrouve le trias dans le large bombement du Hackel, du Huy et du grand Fallenstein, entourant et limitant de toutes parts le canal (1) jurassique et crétacé. On le revoit même pendant quelque temps paraître de dessous les couches récentes dans l’axe de la fracture d’élévation de Quedlinburg, au fond de la vallée du Hoppelberg et sur la croupe gypseuse du Sewecken. 9. Dislocations post-triasiques . — Le soulèvement duThüringer- wald ne saurait être marqué avec certitude par les directions dans le bassin subhaercynien. Mais l’effet de ce grand cataclysme, qui a bouleversé rAllemagne et qui a entraîné l’émersion de grandes étendues de pays au midi et au levant, est marqué indélébilement dans les rides et dans les failles qui ont affecté dès lors les dépôts du trias. Ifimmense étendue des mers du nord de l’Europe, qui entouraient les différents îlots de transition , s’est trouvée tout à coup découpée par ce ridement en plusieurs bassins qui restèrent souvent partagés par les lignes anticlinales des terrains récemment plissés. Notre golfe, qui n’a pas été mis complètement à sec , a cependant subi, lui aussi, un rétrécissement du côté duN.-E., (1 ) Pour éviter toute confusion , on s’est servi , dans cet écrit . du mot golfe ou golfe sahhaercruien , pour indiquer toute l'étendue des mers anciennes qui baignaient le pays compris entre les plateaux actuels du Harz et de Magdeburg. Nous avons plus spécialement employé le mot canal pour indiquer l’étendue comprise entre la falaise septentrionale du groupe haercyniçp, et la ride triasique du Hackel , du Huy et du grand Fallenstein. SÉANCE DE 3 31A1 18^7. 748 et a été divisé en plusieurs canaux. La ride moyenne permienne d’Egeln et de Legerstaedt a été exagérée. Les couches du trias appuyées sur celle-ci et sur les bords du bassin ont été contraintes de se recoiuLer, et deux nouvelles grandes rides se sont formées entre la voûte permienne et les massifs primaires. On les recon- naît dans le plissement qui a donné lieu aux rides dont les bau- teurs d’Ascbersleben , du Hackel , du Huy et du grand Fallenstein , et la croupe large et élevée de FElmwald , ne sont que l’exagéra- tion produite par des causes postérieures. La ride mitoyenne du terrain permien était sous-marine ; elle avait été recouverte par les dépôts triasiques, et le zecbstein n’a pu paraître à la surface que par des mouvements bien plus récents et par le déchirement du trias. Sur les deux grands bombements post-triasiques que je viens d’indiquer, il me paraît ne s’étre plus déposé de terrains en couches. Dès ce moment l’axe qui réunissait les |)oints où se trou- vent le Hackel, le îluy et le Fallenstein , celui de rElmwald, une portion de la ceinture du llarz, et le côté N. -F du bassin , ont été exondés en partie , et sont restés à sec jusqu’aux périodes les plus modernes. 10. Tcrnii/i jumssiqnr. — Les formations jurassiques , dont on trouve à peu })rès tous les étages vers l’emboucbure occidentale du canal, sous le méridien de Goslar , où M. Schuster les a dé- crites, et où M. Arndt les a si bien mises à découvert, ne sont re- présentées dans le pays compris dans ma carte que par un calcaire avec grypbées arcuées que ]VL Yxem a observé le premier auprès du Seweekenberg , et par quelques autres calcaires coquilliers, par des marnes et des argiles noirâtres et des sables et grès à grain très fin, friables et tachetés en jaune orange, qui se montrent près de lialberstadt, sur la limite méridionale de l’Huywald, et à l’O. de Quedlinburg , au milieu de la fracture, de relèvement. L’état des lieux est tel, qu’une description exacte de la superposition de ces dilférentes parties ne deviendrait possible qu’à la suite de {pro- fondes tranchées exécutées convenablement dans le terrain. l.ia nature des fossiles fait ra{){Porter la {plu|part de ces couches à l’époque du lias, et fait attribuer à plusieurs d’entre elles une ori- gine d’embouchure (1) ; car les es{pèces marines qui s’y trou- vent à côté des espèces d’eau douce, et de nombreux débris de vé- (I) C’est là l’opinion qu’ont également émise M. Roemer (P^cr- steincrungen des NorddeutscJicn Oolitlieiigehirges ; Hannover, 1836), et M. Dunker {JMonngraphic der Norddeutschcit P'Vcaldenhildung. — Bvdiinschivcig , 1 8 4 6 ) . SÉANCE DU 3 MAI 1847. 749 gétavix , paraissent avoir été amenés des rivages voisins pour y être ensevelis. C’est dans un des calcaires de cette formation qu’on a trouvé ces plantes singulières auxquelles M. Adolphe Brongniart a donné le nom de Chlatroptcris nwniscioïdcs , et elont M. Zincken a publié une superbe lithographie. Le grand golfe suhhaercyiiien ayant été partagé par les disloca- tions post-triasiques , nous n’avons plus à nous occuper désormais que du canal encore mouillé qui s’est conservé entre le Harz et la ride triasique du Hackel et du Iluy. Cette espèce àa fjord long et étroit n’acquérait une certaine profondeur que vers FO. ; dans le pays de Quedlinhurg il n’était encore représenté c[ue par des ma- récages. On ne rencontre les terrains jurassiques, au bord du Harz, qu’au-delà de l’Ecker ; ils ne commencent, près de Quedlinhurg , qu’au milieu de la ride ouverte, et ils n’arrivent pas même à l’E. jusqu’à la rivière de la Selke. Le trias, déjà exondé en grande partie, circonscrivait tout autour le canal jurassique; vers le Harz par la ceinture élevée qu’il y formait , à l’E. par le plateau d’Aschersleben , au N. par l’axe de relèvement où se trouvent au- jourd’hui les hauteurs du Hackel et du Huy. La ride de Quedlin- hurg n’existait pas encore. Quelque grand courant d’eau pro- venant de l’intérieur des terres et ariivant du côté du levant par la grande faille d’Ascherlehen , venait apporter aux marécages et au\ mers jurassiques les eaux douces et les matières de sédiment. Ce fleuve a continué de couler pendant toute la période , son ht devait se trouver entie Halherstadt et Quedlinhurg. Après le dépôt du lias, un mouvement lent de relèvement dans le sol paraît avoir reculé vers 10. les dépôts c[ui se formaient. 11. Mouvement jjost-juraesilder-clcif) qui sont loin de confirmer l’exactitude de mes idées sur l’origine de cette formation remar- quable. » M. Descloizeaux lit la communication suivante ; Note SUT' le ^isenieut du spath d'‘ Islande , par M. Descloizeaux- La seule localité où l’on ait jusqu’ici rencontié du spath calcaire parfaitement pur, et en morceaux assez volumineux pour satisfaire à tous les besoins de l’optique , se trouve à l’entrée d’une petite baie nommée Eshifwrdur; cette baie est la plus septentrionale des 769 SÉANCE DU 17 MAI 1847. deux branches par lesquelles se termine la grande baie de Rode- fiord ^ ouverte à peu près au milieu de la côte orientale de l’is^ lande. Sur la rive gauche (V Esldfiordar , à une très petite distance d’une habitation nommée Helgartad ^ descend vers la mer, dans un ravin de peu de j^rofondeur, un très faible ruisseau auquel les habitants , frappés sans doute par l’éclat des morceaux de spath épars dans ses eaux , ont donné le nom de Siljurlœkir ( ruisseau d’argent ) . C’est sur la paroi droite du petit ravin au fond duquel coule le Silfiüiœkir^ et à 109 mètres au-dessus du niveau de la mer, que se trouve le gisement de spath d’Islande. Dans la partie qui recèle ce minéral, le ravin offre les dimen- sions suivantes : Profondeur , 5 , 5 0 Largeur au fond , 4,00 Largeur de l’ouverture , 4 ,85 Ses parois , assez irrégulières , ont une inclinaison d’environ 45 mètres, et le fond du ravin suit une pente générale de 30^ On reconnaît la présence du spath dans une étendue de 17'". 80 de longueur sur 4’", 20 de hauteur ; cet espace, limité à sa partie supérieure par la surface même du sol incliné dans lequel est creusé le ravin , est circonserit dans ses autres parties par une roche noire, à pâte compacte , se divisant facilement en feuillets assez minces , et contenant de nombreux cristaux , très petits , de labrador. Le ruisseau qui coule sur cette roche baigne le pied de l’amas de spath. La roche noire dont je viens de parler, désignée depuis long- temps sous le nom de vieux trapp , me paraît être plutôt un basalte à structure porphyroide ; mais une étude approfondie , qui n’est pas encore terminée, pourra seule nous éclairer complètement sur sa nature ; c’est cette roche qui forme, sur les côtes E. et O. de l’Is- lande , deux larges bandes , à peu près parallèles , découpées par de nomîjreux fiords , souvent très profonds , et composées d’assises parallèles , inclinées de 7 à 8 degrés vers l’intérieur de l’île , et renfermant de nombreuses couches de waekes et d’amygdaloïdes plus ou moins altérées , dont les cavités sont tapissées de diverses zéolites. Ce que j’ai dit plus haut montre donc déjà que le gisement du spath d’Islande constitue , au milieu d’une roche ba.saltique, une Sor. géol. , série, tome ÏV. 49 770 SÉANCi: Dû 17 MAI 18/|7. très grosse amande, de forme assez irrégnlière, et dont unepoition a été mise à nu par l’ouverture du raviu qui la contient. L’étude de cette amande m’a fait voir que le spath qui la rem- plit s’y trouve sous deux formes bien différentes. En effet, si l’on se place en face de la géode, sa partie supérieure, que l’on a alors à sa droite , et sa partie moyeinie sont occupées par un énorme cristal de spath , adhérent aux parois solides par deux de ses faces, et offrant une largeur de 6 mètres sur une hau- teur moyenne de 3 mètres. Ce bloc cristallisé , dont quelques tra- vaux préparatoires ju’ont permis de découvrir entièrement la face antérieure , se compose d’un spath translucide ou opaque , très fendillé , et rempli de lames hémitropes. L’ensemble de ce gros cristal, dont la forme générale est celle du rhomboèdre primitif du spath calcaire , est divisé en plusieurs autres cristaux moins volumineux par des croûtes plates , assez résistantes , de cristaux de stilbite fortement serrés les uns contre les autres ; ces croûtes sont généralement très faiblement adhérentes à la surface du spath , tlont une simple secousse suffit pour les détacher; quelques cris- taux isolés de stilbite , disséminés çà et là, ont seuls pénétré de 1 ou 2 millimètres dans son épaisseur. Au-dessous, et à gauche du gros cristal que je viens de décrire, se trouve la seconde partie du gisement. Elle se compose d’une masse d’argile brune en forme de coin , ayant 3 mètres de hauteur à son contact avec le bloc de spath , une largeur de 2 mètres, et 1 mètre seulement de hauteur, au point où se termine le gîte lui- même. bette argile recèle en assez grande quantité des cristaux complets de spath calcaire ou des fragments de cristaux, dont les dimensions, variant ordinairement de k à 15 centimètres, ne dépassent pas 20 à 25 centimètres de coté. l^es cristaux complets se composent des faces du rhomijoèdre primitif, de celles du dodécaèdre métastaticpie de Jlaüy , et de celles d’un dodécaèdre très obtus, placé sur les arêtes du sommet de la forme primitive , et dont le signe cristallographique est h 4. Ses laces, qui appartiennent à un même solide, offrent un certain éclat un peu gras, constant, et particulier pour chacun des solides, et qui permet de les distinguer au premier coup d’œil , lors même qu’une extension irrégulière de quelques unes d’entre elles imprime au cristal complet une apparence peu symétrique. Ces cristaux complets n’offrent en général qu’une faible transpa- rence , et ils ne peuvent être , comme les morceaux extraits du grand cristal décrit plus haut , d’aucun usage pour l’optique. SÉANCE UU .17 MAI iHll7 . 771 C’esl siirlout parmi les IVagiiients de cristaux qui moiitreiit presque exclusivement les faces du rhomboèdre primitif et quelques unes du dodécaèdre métastatique que se rencontrent les échantil • Ions les plus purs et les plus transparents. Jjeur cassure est alors vi- treuse au plus haut degré , mais leurs faces sont {)resque toujours ternes ou plus ou moins profondément corrodées. Sur ces cristaux isolés dans la masse d’argile se trouvent aussi assez souvent implantés des cristaux de stilbite ; mais ceux-ci ne forment plus que très rarement des croûtes régulières, légèrement adhérentes à la surface du spath, comme cela arrive pour les rhom- boèdres du gros bloc cristallisé ; généralement la stilliite pénètre dans le spath , par l’ime de ses extrémités , sur une épaisseur de 1 à 2 millimèti es. l^es échantillons transparents d’un certain volume que l’on ex- trait ainsi de l’argile sont encore loin de pouvoir tous servir aux expériences d’optique. La plupart , comme le spath translucide du gros bloc cristallisé , sont traversés de lames hémitropes dirigées parallèlement aux arêtes culminantes du rhomboèdre primitif. Ces lames , suivant le plan desquelles on parvient souvent à dé- coller deux portions d’un cristal, avaient été prises par Haüy pour des clivages supplémentaires. C’est le docteur Rrewster qui le pre- mier détermina leur nature et leur position par des expériences optiques et microscopicpies. L’épaisseur de ces lames est quelquefois assez considérable pour qu’il soit facile de mesurer l’angle que leur biseau fait avec la face du rhomboèdre qui les renferme , car j’en ai observé qui ont un demi-millimètre d’épaisseur; mais le plus souvent elles sont ex- cessivement minces , et leur présence ne se révèle que parles fines stries produites par leur bord sur les faces du rhomboèdre , paral- lèlement à leur grande diagonale , et surtout par la multiplication des images colorées et la dislocation c|u’on oljserve des anneaux développés par la lumière polarisée dans le spath qui les renferme. Ces derniers phénomènes, étudiés par le docteur OreAvster, ont pu être reproduits artificiellement par ce savant physicien. On conçoit que les échantillons cpii présentent de pareils elfets de coloration soient tout à fait impropres à la construction des prismes de Nicol et autres appareils destinés à l’étude de la lumière polarisée; aussi, comme je l’ai dit dans ce Mémoire , les dimensions des échantil- lons bien purs , dont j’ai pu recueillir une assez grande quantité dans les deux visites que j’ai faites au gisement du spath , en 18^5 et ISi'iô, n’étant jamais très considéiables , on doit regarder 772 SÉANCE DL 17 MAI 1847. coivuiie très rares et ayant une grande valeur scientifique des échan- tillons parfaitement purs de 10 à 15 centimètres de côté. J’ajouterai maintenant quelques mots sur l’origine probable du spath d’Islande. On connaît , en Espagne , en Algérie et en Belgique , d’assez nond^reux exemples de spath calcaire dans des fdons d’origine évidemment éruptive. Un basalte colomnaire du Dattenbcrg, près Linz , sur les bords du Khin , ofb e d’assez grandes géodes i em- plies de cristaux de spath qu’on ne peut guère attri]3uer à des infil- trations. La disposition du gros bloc cristallisé , décrit au commencement de ce Mémoire, et qui se trouve encliâssé dans une immense géode ou boursouilure , au milieu d’une roche basaltoïde , me porte à penser qu’il doit également son origine à une action éruptive, sans qu’il me soit possible , jusqu’à présent , de bien préeiser quelle a dû être cette action. La température de fusion de cette roche ba- saltoide ne peut être invoquée comme une objection à une telle lormation du spath calcaire ; car des éidiantillons de cette roche , exposés par les soins de IVl. Salvetat dans les fours qui servent à porter la porcelaine de Sèvres au dégourdi , y ont parfaitement fondu ; et l’on sait que la température de ces fours est à peine suf- fisante pour transformer le calcaire en chaux caustique. La moindre pression dans les cavités du basalte fondu aurait donc sulïi pour empêcher cette transformation. Quant aux cristaux disséminés dans la masse argileuse, leur iso- lement complet , leurs faces , leurs arêtes parfaitement conservées montrent cpi’ils n’ont pu être formés que là où ils existent aujour- d’hui , et l’on peut croire qu’ après le dépôt du gros bloc cristallisé, ple, l’étude du caractère minéralogique et chimique dans des roches dont l’identité d’âge aura été constatée d’une manière certaine , en faisant connaître les ex'ceptions nondoreuses qui peu- vent sc présenter, viendra rectifier ce que l’énoncé pourrait avoir de trop absolu. De la classification des roches des terrains non stratifiés. — Plu- sieurs géologues ont proposé divers systèmes de classification pour les roches des terrains non stratifiés , et d’après ces systèmes le ca- ractère minéralogique , qui est du premier ordre, a été générale- ment pris pour base de la classification ; quelquefois cependant ils ont eu recours au caractère assez secondaire de la structure (Ij, et en tout cas il me semble qu’on a le plus souvent attaché une importance trop grande aux caractères physiques extérieurs , sans (1) Linné, de Léonhard SÉANCE DU J 7 MA! I8/|7. 787 tenir compte, pour ainsi dire, de la composilion cliimique. Il suffit, pour s’eu convaincre , de rappeler les noms qu’ont reçus quelques roches : le mot gneiss désigne une structure ruban née , particu- lière dans les roches granitiques ; porphyre , qui vient du mot grec TTopf'jpa , et qui signifie rouge , avait d’aljord été employé pour dé- signer le porphyre rouge antique , et depuis , par généralisation , les géologues s’en sont servis pour désigner toutes les roches à base de feldspath qui renferment des cristaux isolés dans leur pâte ; mais dire d’une roche que c’est un gneiss ou un porphyre , c’est indiquer seulement un mode particulier de structure qui peut lui être commun avec un grand iioml)re d’autres qui en diffèrent ce- pendant complètement par leur âge ainsi que par leur cou q^osition minéralogique et chimique. Il serait facile de multiplier ces exem- ples : ainsi les roc'hes qu’on désigne sous le nom à' ophites , de variolites^ thi amygdaloïdes et de spilites^ ont seulement une propiiété physique commune , celle de présentei' des taches , des noyaux et des cellules ; mais elle ne suffit pas pour les faire connaître et pour les définir. Quelquefois les roches sont désignées d’après une pro- priété tout à fait secondaire et encore moins importante que les pré- cédentes , comme , par exemple , d’après l’aspect ou la couleur ; alors, la plupart du temps, leurs noms ont été empruntés au voca- bulaire des mineurs allemands; ainsi Hornstein , Pechstein , Gruns- tein^ s’appliquent à une catégorie de roclies si nombreuse et si variée, que cette première indication n’apprend pour ainsi dire rien, relativement à la nature de celle qu’on examine : enfin les dénominations à' euri te , de trapp , sont en quelque sorte négati- ves , et on doit plutôt les considérer comme un aveu de l’igno- rance où l’on se trouve relativement à la nature de la roche , que comme une véritable qualification : quoiqu’on ait cherché à y at- tacher un sens précis , elles servent en réalité dans les descriptions géologiques à désigner toutes les roches grenues dont la classifica- tion présente quelque difficulté. Nécessité d'étudier Vensemhle des caractères. — On voit , d’après ce qui précède, que les roches ont été le plus souvent classées et dénommées d’après leur structure , leur aspect , leur couleur ; en un mot, d’après des propriétés physiques très secondaires et com- munes à un grand nombre de roches (|ui diffèrent , tant par l’age que par leur composition minéralogique et cliimique : ces pro- priétés, qui sont saillantes et qui frappent tout d’abord les yeux , ont dû attirer l’attention dans l’origine de la géologie ; mais si , à cette époque , elles ont pu suffire jusqu’à un certain point pour établir^quelques divisions générales , il n’en est ]ilus de même ac- 788 SÉANCE I)U 17 MAI 1847. tuelleinent : ce n’est pas en effet d’après quelques propriétés iso- lées , surtout lorsqu’elles sont aussi secondaires que cela a lieu pour plusieurs des exemples que je viens de citer , qu’on peut espérer de classer les roches ; de même qu’en zoologie et qu’en botanique, il est indispensable, ainsi que l’a fait M. Cordier, d’é- tudier à la fois leurs caractères physiques^ chimiques et géologiques^ afin d’arriver à une classification naturelle ; parmi ces caractères , on attachera, du reste, une importance toute spéciale à ceux qui résultent de la composition minéralogique et chimique c{ue l’on peut appeler caractères du premier ordre ou dominateurs. — Si nous examinons d’abord le cda't^QXévo: mi/iércdogique ^ son importance est évidente ; ne résulte-t-elle pas en effet des considérations qui ont été présentées antérieurement? On peut, du reste, très bien le comparer au caractère paléontologique des terrains stratifiés; il y a cette différence cependant que les minéraux définissent les ter- rains non stratifiés d’une manière incomparablement plus précise que les fossiles ne sauraient le faire pour les terrains stratifiés ; car autant les produits du règne animal sont variés , autant ceux du règne minéral sont simples ; ainsi , tandis que les fossiles sont toujours en nombre presque indéfini et que c’est seulement, pour ainsi dire , d’a}>rès l’étude d’une faune entière qu’on peut compa- rer les diverses couches, les minéraux cjui caractérisent une for- mation et qui la distinguent nettement de toutes les autres sont au contraire en très petit nombre. — Il faut reconnaître toutefois c|ue les minéraux sont souvent microscopic{ues et cristallisés d’une manière confuse ; de plus, ainsi que je l’ai déjà fait observer an- térieurement, le peu de connaissances qu’on possède , dans l’état actuel de la science, sur les minéraux ries roches , et en particu- lier sur ceux de la famille des feldspatbs , contribue encore à ren- dre le caractère minéralogicpie insuffisant. Pour des minéraux pariaitement cristallisés, une classification basée sur les caractères extérieurs serait possible jusqu’à un certain point ; c’est ce que prétendait faire Haüy , et t{uoiqu’il fût porté à attacher une im- portance en cpielcpie sorte exagérée au caractère niinéralogic|ue , il reconnut la nécessité d’avoir recours aussi au caractère chimique. Pour les roches dont la classification présente de bien plus grandes difficultés , il est donc absolument indispensable d’avoir égard à la fois au caractère minéralogique et chimique. Jusqu’à présent, cependant , on n’a fait qu’un très petit nombre d’analyses de ro- ches, et, à partcjuelques connaissances générales, on possède peu de données sur leur composition chimique , ainsi que sur les diffé- rences qu’elles présentent, quand on passe d’une variété à une SÉANCJÎ DU 17 31 Al 18Z|7. 789 autre : il est doue facile de concevoir eonibien ont été nombreux les obstacles contre lesc|uels ont eu à lutter les (>cologues qui se sont proposé une classilication générale des roebes (1). Dans l’état actuel de la science, et à cause du peu d’étendue de nos connaissances sur deux caractères dominateurs et les plus importants des roches , le caraetère minéralogique et chimique , une classification naturelle de toutes les espèces me sem]3le J^ien difticile, ou, pour mieux dire, impossible , et elle ne deviendra possible , comme l’a fait obser- ver M. Beudant (2) , c|u’ autant qu’on pourra l’appuyer sur un nombre suffisant de travaux de minéralogie chimique coordonnés avec des observations géologiques. — On conçoit donc que des études de ce genre doivent présenter le plus haut intérêt, et, indépendam- ment du but qu’elles se proposent , elles auront aussi pour effet de conî})léter la série des eomposés c|u’on connaît en minéralogie , et d’appeler l’attention sur des substances minérales nouvelles ou sur des variétés qui auraient éehappé à l’étude ; c’est en effet ce que j’aurai l’occasion de faire observer plusieurs fois dans la suite de ce mémoire. Par ce qui précède , je crois avoir surabondamment dé- montré ï utilité de recherches de minéralogie chimique ^ entreprises en meme temps c[ue des études géologiques sur toute la série des roches non statifiées; il reste à cet égard à remplir une grande la- cune de la science. Dans ces derniers temps , du reste , on a com- pris toute l’importance des travaux de ce genre ; ainsi , M. G. Rose a fait connaître d’une manière complète les propriétés minéralo- giques des roches recueillies dans ses voyages et les analyses d’un très grand nombre de feldspaths ont été exécutées sous sa direction. MM. Berthier, C. Gmelin, Abich, Swanberg, Eersten, Forchham- mer, Wolf, Ch. Deville , etc., se sont également occupés de l’exa- men chimic|ue de roches , et principalement de roches basaltiques ou volcanicjues ; toutefois jusqu’à présent on ne possède qu’un assez petit nombre d’analyses de roches , et il serait assurément difficile d’en réunir une vingtaine. On conçoit du reste qu’il est nécessaire que ces recherches de minéralogie chimique soient exécutées sur des roches vues en place dans des localités bien déterminées , car une collection géologique , quelque complète qu’elle fût , serait loin ('!] Parmi les ouvrages les plus importants publiés dans ces derniers temps , sur la classification des roches , on peut citer ceux de MM. Cor- dier, Dufrénoy et E. de Beaumont, A. Brongniart, de Léonhard , d’Omalius d’Halloy, Walchner, Dumont, Rivière, Boué, Burat , etc. (2) Sur la discussion des analyses minérales. Tome VIII des Mé^ moires de (Institut, 790 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. de pouvoir siifiiie ; le cliiiiiiste géologue doit doue étudier lui- même sur le terrain la roclie analysée ainsi que les variétés miné- ralogiques qu’elle présente ; il doit la suivre dans ses passages suc- cessifs ainsi que dans ses dégradations ; enfin il doit examiner aussi son gisement. Guidé par ces considérations, j’ai pensé que la partie sud des montagnes des Vosges qui renferme une série noiid3reuse de roches d’origine ignée devait offrir, plus que tout autre groupe montagneux , un très grand intérêt pour des recherches entrepri- ses dans le but que je viens d’indiquer; car indépendamment de ce que ces roches sont très variées , elles sont connues pour la plus grande partie par les géologues , soit parce que plusieurs d’entre elles ont été envoyées dans les collections ou employées comme objets d’ornement dans des monuments publics, soit parce qu’elles ont été décrites dans un grand nom]3re de publications, et on peut même dire à cet égard qu’elles sont devenues en quelque sorte classiques en géologie par les descriptions qui en ont été données et surtout par celles de M. Elle de Beaumont. Je vais maintenant faire connaître d’une manière sommaire la marche générale qui a été suivie dans les reeherehes de mi- néralogie chimique dont le but vient d’être exposé. Je ne me suis pas attaché à étudier ces roches dans un ordre déterminé , par exemple d’après leur ordre d’ancienneté , car les données qu’on possède jusqu’à présent sur les roches des Vosges sont assez vagues , et la suite de ce travail contribuera sans doute à jeter du jour sur cette question en permettant de les rapprocher de roches dont l’âge est connu par leur gisement dans d’autres pays. Si on considère, par exemple, les porphyres des Vosges en parti- culier, on reconnaît facilement qu’il y en a plusieurs espèces dif- férentes cjui percent le terrain de transition et c|ui le relèvent ; les uns peuvent donc lui être contemporains , les autres postérieurs ; mais quels sont les ternies de la série des roches stratifiées entre lesquelles ils ont apparu? c’est un problème dont l’étude des Vosges ne me semble pas donner toujours la solution : toutefois la nature minéralogic|ue et la composition chimique de ces porphyres étant connue et bien définie , il sera possible de les retrouver dans d’autres chaînes de montagnes dans des relations qui détermine- ront leur âge. Comme plusieurs roches des Vosges ont reçu , des divers géologues qui se sont occupés de leur étude, des noms dif- férents ou même contradictoires , autant que possible je les dési- gnerai par la localité dans laquelle elles présentent le type le plus remarquable ; je ferai connaître en regard leur synonymie. Pour faire l’étude d’une roche, j’en ai recueilli moi-même une série séam;i' du 17 MAI 18/i7. 791 d’échcuUiilons qui ont été pris sur divers points de la chaîne des Vosges , et je nie suis attaché d’abord à l’examen des types les mieux délînis clans lescjuelsles cristaux étaient nettement séparés, et qui ne présentaient pas de passades aux roches environnantes ; puis j’ai étudié la roche dans ses diverses dégradations , et enfin lorsc[u’elle prenait une texture grenue : il est très avantageux pour ces recherches minéralogiques , ainsi que l’a signalé M. Bron- gniart, d’avoir recours à la calcination , ce qui , en apportant une différence tranchée dans la couleur des minéraux constituants , permet cle les reconnaître souvent plus facilement (i). Quand les cristaux étaient distincts, j’ai séparé successivement ceux des mi- néraux qui entraient dans la composition de la roche, en labrisant, et en faisant avec beaucoup de soin un triage mécanique à la loupe et au besoin à l’aide de l’augette , ainsi que je l’ai déjà indi- qué précédemment , et d’après la méthode proposée par MM. Cor- dier et Berthier : lorsque la pâte avait une texture cristalline non discernable à la vue , je l’ai examinée aussi sous le microscope , afin de reconnaître le nombre et , autant que possible , la nature des minéraux qui la composaient. Après avoir opéré ce triage , chaque substance minérale était décrite et étudiée séparément , tant sous le rapport de ses propriétés physiques ses propriétés chimiques : pour cela, je déterminais sa densité et ses formes cris- tallines les plus habituelles dans la roche ; puis j’examinais ses pro- priétés au chalumeau , et je terminais l’ensemble de ces recher- ches par son a/ialyse chimique. La composition des minéraux iso- lés était ensuite comparée à celle de la pâte de la roche elle- même ou à celle de la roche à l’état de grenu , afin de rechercher quelle pouvait être la nature et la proportion des minéraux qui la composaient ; dans certains cas , la comparaison de la densité de la roche avec celle de ses minéranx permettait d’arriver aux mêmes résultats. Telle est la marche qui a été suivie daus l’examen des diverses roches des Vosges. Pour compléter cette étude, je ferai connaître successivement, à mesure que l’occasion s’en présentera, les dégradations et les passa.ges de ces roches les unes aux autres : je signalerai enfin les diverses localités dans lesquelles elles ont été observées, ainsi que les principaux faits relatifs à leur gisement. Si les recherches dont je viens de tracer le plan n’avaient qu’un intérêt local et servaient seulement de base à une classification des roches des Vosges , il n’aurait peut-être pas été bien utile d’y con- sacrer tout le temps et tous les soins que réclament les travaux de (1) Brongniart, Dict^ d'hist, uat., t. XLVI , p. 28. 792 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. ce genre ; mais il est facile de concevoir que ces recherclics ont une plus haute portée , car comme les Yosges présentent une très grande variété de roches non stratifiées qui ont été rencontrées pour la plus grande partie dans d’autres cliaines de montagnes , il deviendra facile de généraliser les résultats qui auront été obtenus. Du reste , afin d’atteindre ce l)ut , je ferai suivre l’étude de chaque roche des Yosges de l’énumération des principales roches connues qui peuvent en être rapprochées , et quand leur identité ne sera pas parfaite et ne résultera pas immédiatement du caractère mi- néralogique , j’aurai au besoin recours à l’analyse chimique. Les nom])reiises collections du Jcirdinduroi renferment des matériaux très riches que j’ai eu souvent l’occasion d’étudier ; et je dois à la bienveillance de MM. Cordier et Brongniart, Rivière et Charles d’Orbigny , la communication de quelcpies échantillons c[ui m’ont permis de généraliser ce travail en comparant les résultats obte- nus pour les roches des Yosges à ceux des roches provenant des localités les plus diverses. — Je terminerai ce mémoire par un essai de classification et de nomenclature des roches des Yosges , basé sur l’ensemble de leurs caractères, et principalement sur le carac- tère minéralogique et chimique. Enfin , j’y joindrai par la suite une carte géologique détaillée , faisant connaître les relations de position de ces roches dans les principales localités où je les aurai étudiées , et si^tout dans le département de la Ïlaute-Saône. Porphyre de Belj’ahy. Cette roche, qui a la structure porphyrique la mieux caractéri- sée, a été désignée par MM. Yoltz , Thirria, Cordier et Brongniart, sous le nom d’Ophite (1), par M. Elie de Beaumont sous celui de Pdélaphyre (2), et elle appartiendrait au porphyre augitique de BIPJ. Léopold de Ruch et G. Rose : elle forme la plus grande partie de la montagne sur laquelle est bâti le village de Belfahy ; on la retrouve au Puix, à Giromagny, à Bitschwiller, à Horben (3) ; et elle présente un très grand nombre de variétés sur plusieurs points de la chaîne des Yosges. Comme ces variétés sont pro- duites tantôt par la disparition , tantôt par la prédominance des minéraux qui composent la roche , ou même seulement par (1) Voltz , Géognosie des deux départements du Rhin, p. 53. Thirria, Statistique de la Haute-Saône, p. 361. (2) Explication de la carte géologique de France. (3) EL, p. 367. SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. 793 leurs dillérentes manières d’ètre, il est indispensable de s’occuper d’aljord de l’étude de ces minéraux. Je commencerai donc par le feldspath, qui est incontestablement, et de beaucoup , celui dont la connaissance est la plus importante. Feldspath. — Les cristaux de feldspath qui donnent à la roche sa structure porphyrique sont blancs ou Idancs-verdàtres. Dans la partie du ballon sur laquelle se trouve le village de Belfahy, il; ont une légère teinte verte ; leurs arêtes sont vives, et par leur cou- leur ils se distinguent nettement de la pâte. Ils ont généralement 1 à 2 centimètres de longueur et cjuelques millimètres de largeur. Dans plusieurs variétés, qu’on trouve surtout au Puix, ils sont plus nombreux , mais en même temps ils sont beaucoup plus petits. Quant à la pâte de la roche , elle a une couleur qui varie du vert clair juscpi’au vert foncé et au vert noirâtre; cpielquefois elle est mêlée de tons violacés, et, dans quelques cas plus rares, elle a une teinte violacée uniforme. La séparation du feld- spath et de la matière cpii forme la pâte n’est pas toujours aussi nette qu’à Belfahy et qu’au Puix; alors le feldspath prend une teinte verte plus prononcée, qui est due, comme l’apprend l’exa- men sous le microscope , à ce que le minéral qui colore la pâle s’est formé aussi en petite quantité dans le feldspath lui-même pendant qu’il cristallisait. A la Grève, près de Mielin , par exem- ple, les cristaux de feldspath ont une couleur verte aussi foncée que la pâte, et même on ne peut les distinguer que c[uand ils ont pris une teinte blanchâtre par l’exposition à l’air. — 11 arrive quel- quefois qu’on rencontre aux environs de Belfahy, et surtout à l’état de bloc roulé dans le Rabin , une variété de la roche dans laquelle les cristaux de feldspath présentent une couleur rose ou rouge de chair. J’avais d’abord pensé que ce dernier feldspath était diffé- rent du premier, car il a une densité qui est plus faible; mais je ne tardai pas à reconnaître qu’il a des formes cristallines identiques et que ce changement de couleur est produit simplement par une altération atmosphérique. Cette altération, due à l’action de l’air et de l’eau , a sans doute pour effet de modifier l’état de combi- naison de l’oxyde de fer qui entre dans le feldspath , et , cjuelle que soit la manière dont elle s’opère , on peut facilement la con- stater, car, en montant du village vers le ballon de Belfahy, j’ai rencontré des cristaux de feldspath c|ui étaient roses dans la partie de la roche exposée à Faction de l’air atmosphérique , mais qui avaient conservé la couleur blanche verdâtre à l’intérieur de la roche ; de plus, on pouvait observer dans un même cristal un pas- sage insensible du rose au blanc. H paraîtrait donc, d’après cela , SÉANCE i)U 17 MAI 18/l7. 79â que l’apparition de la couleur rose est le premier effet de la dépo- sition de ce feldspatli et de sa transformation en kaolin; elle indi- que que l’oxyde de fer commence à se dé(;ager de la combinaison. Lorsque ensuite il est entraîné ou bien dissous par des acides or- ganiques (1) , le feldspath passe à une couleur blanche un peu mate , il perd de sa dureté et il prend une consistance farineuse. Pour le porphyre de Belfahy, dont le feldspath est du labrador, cette décomposition ne s’exerce presque pas sur la pâte, elle est même très superficielle ^ et elle ne s’opère pas dans toute la roche et sur une grande échelle comme cela a lieu pour Forthose de cer- tains granités ainsi que pour la pegmatite. On a trouvé pour la densité du feldspath extrait de la roche (2) : a — Variété d’un blanc de lait légèrement verdâtre et compacte 2,733 h — Variété d’un blanc légèrement verdâtre et la- melleuse 2,706 c — Variété d’un blanc verdâtre , un peu altérée. 2,694 d — Variété altérée rose 2,670 La moyenne entre les densités a et Z) donne pour le feldspath du porphyre de Belfahy 2,719 Cette densité est celle du labrador. On voit , d’après les variétés e et <■/, que l’altération due à l’ac- tion de Fair et de Fcaii a pour effet de diminuer la densité du feld- spath. La tliminution est d’environ 0,0/i9 dans la variété rose ; ce- pendant il est encore à l’état cristallin , mais il se laisse cliver avec plus de facilité. Je n’ai pas pu réunir assez de kaolin, provenant de la décomposition de ce feldspath labrador, pour en déterminer la densité; mais, d’après l’état pulvérulent que prend la matière , la densité doit encore aller en diminuant à mesure que la décom- position s’avance ; on a d’ailleurs pour la densité du kaolin de Forthose environ 2,200, et si on supposait que celle du kaolin provenant du labrador est la même, oii voit qu’on aurait une di- minution très notable dans la densité , puisqu’elle serait d’envi- ron 0,/i. Par la calcination sa densité devient plus petite, car elle est de 2,600 ; on a donc perte = Zi,38 p. 100. Dureté. — La dureté de ce feldspath est un peu inférieure à (1) Bulletin de la Société géologique, année 1846. Mémoire de M. Daubrée. (2) Pour la détermination de ces densités , ainsi que pour celle d’un grand nombre de roches, j’ai été aidé avec beaucoup de zèle par M. Paufert, garde-mines à Vesou 1. SÉANCE DU 17 MAI IS/l?. 795 celle de l’adulaire du Saiiit-Gotbard et à celle du labrador du Groëoland ; elle est donc un peu plus })etite que 6. Forme. — L’examen des cristaux de feldspath du porphyre montre d’abord qu’ils ne sont pas orientés suivant une direction déterminée, mais qu’ils sont dirigés indifféremment dans tous les sens , comme , de plus , ils sont beaucoup plus longs que larges ; dans la cassure d’un échantillon, ils doivent, toutes choses égales, présenter le plus généralement une forme allongée, ce qui con- tribue surtout à donner à la roche une structure porpliyrique bien caractérisée ; on reconnaît aussi que les cristaux isolés dans la pâte ne sont pas simples, mais qu’ils sont formés par les macles et par le groupement d’un assez grand nombre de cristaux. 11 est facile de constater sur les fragments isolés du feldspath qu’il appartient au système trikUnoédriquc (1) ; on a un clivage facile suivant la face oP et un autre assez facile suivant oo P oo : c’est suivant cette dernière face que les cristaux sont allongés ; en outre, on peut ob- server, parallèlement à son intersection avec oP, une série de stries parallèles très fines, qui sont quelquefois très rapprochées et ne peuvent être bien distinguées qu’à la loupe ; elles indicjuent une macle formée comme celle de l’albite ; X axe de rotation est la ligne menée dans le plan de la base, normalement à la petite dia- gonale ; la face XX assemblage est la base elle-même. Des mesures faites avec le .goniomètre d’application ont donné à peu près oP. 00 P Qo ^ 85" 30, ce qui est l’angle du labrador; l’angle rentrant produit par la macle est donc environ de 171". Suivant co P oo , on ne voit pas le chatoiement qui s’observe généralement dans les cristaux de labrador. 11 est très rare de trouver des cristaux sim- ples : ils sont ordinairement formés par l’agglomération d’une série de cristaux maclés et réunis en groupes. Ces groupes offrent le plus souvent la disposition de bandes parallèles , ou bien ils divergent d’un centre dans toutes les directions ; plus rarement enfin ils s’entre-croisent d’une manière capricieuse et qui n’est soumise à aucune loi. Du reste, les cristaux qui forment ces groupes sont gé- néralement sans modifications et affectent surtout la forme paral- lélipipédique oP. oo P oo : oo P oo , ou bien une forme hexagonale comme celle qui est habituelle à l’orthose. 11 en résulte que, dans la cassure, toutes les figures que présentent les cristaux sont les (l) Pour l’étude cristallographique des minéraux, j’ai le plus sou- vent employé les notations et la méthode de M. le professeur Naumann, de Leipsick. 796 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. sections de parallélipipèdes par des plans et s’obtiennent en dispo- sant des parallélogrammes de diverses manières. CJiahimeau. — Auchaliimeaii, il fond, quoique assez difficilement, en un verre blanc translucide et un peu bulleux ; la variété rose redevient d’abord blanche, puis elle fond comme la première : la variété d’un blanc verdâtre prend, avant de se fondre, une légère teinte jaune, il est plus fticilement fusible que le labrador cha- toyant et type de Finlande ou du Groeland. Dans le tube fermé, il donne de l’eau. Avec le borax, il se dissout aisément et la perle est parfaitement transparente. Avec le sel de phosphore, on a une perle jaune à chaud , incolore par refroidissement , dans laquelle nagent des squelettes de silice. Avec le carbonate de soude, la dis- solütion n’est pas complète ; des squelettes gonllés restent dans la perle : sur la feuille de platine, une coloration verte indique la présence d’un peu de manganèse. Le nitrate de cobalt ne donne rien. Analyse. ■ — Le feldspath s’attaque même à fi oid par l’acide hy- drochlorique très concentré , lorsqu’il a été préalablement réduit en poudre par la porphyrisation ; la silice reste alors à l’état grenu , mais elle se gonfle un peu. Cela peut fournir, comme on l’indique dans les traités de minéralogie , un moyen de distinguer le labra- dor des autres feldspaths c|ui ne sont pas attaquables; car, bien que ralumine reste pour la plus grande partie dans le résidu, on dissout assez facilement les autres bases, et, après l’évaporation à sec, il y a plus du tiers de la matière dans la liqueur. Toutefois, l’attaque complète du minéral par l’acide chlorhydrique est très diflicile : elle aurait lieu plus facilement par l’acide sulfurique ; mais , pour l’analyse quantitative , il m’a semblé préférable et moins long d’avoir recours au carbonate de soude et à l’acidc fluorhydrique. La marche suivie dans ces opérations a été celle qui est indiquée dans les traités d’analyse chimique les plus ré- cents, et surtout dans celui de Ai. Rose. J’ai opéré sur 1^,2, et je me suis conformé à toutes les précautions et vérifications prescrites ; j’ai recherché avec soin les alcalis qui ont été dosés à l’état de sul- fate de carbonate et de chlorure. Sans entrer communément dans le détail des opérations, ce qui pourrait nuire aux études minéra- logiques et géologiques cpie je me suis proposées dans ce mémoire, je vais faire connaître de suite les résultats obtenus, et dorénavant je procéderai toujours ainsi , à moins de circonstances particulières. SÉANCE DU 17 MAT 18/|7. 797 I,2-C,N 4. ,I 2-C IV A 2. l'I. 11. Moyenne. Oxygène. Silice 52,79 52,99 )) 52,89 2 Alumine. . . . )) 27,14 27,64 27,39 12,801 ) Peroxyde de fer. » 1,24 1,24 1,24 0,381 ] Oxyde mangan. » 0,30 » 0,30 0,067\ Chaux » 6,01 5,77 5,89 1,654 i Magnésie. . trace » )) » » f Soude )) )) 5,29 5,29 1,353 ( Potasse » )) 4,58 4,58 0,776 ] lüau )) 2,28 » 2,28 »/: 99,86 > 2,027; Dans les premières analyses que j’ai faites de ce feldspath , j’ai toujours o]3tenii une perte de plusieurs centièmes, de laquelle il m’était impossible de me rendre compte ; j’eus alors l’idée de le calciner, et je reconnus avec étonnement qu’il contenait une quan- tité d’eau très notable ; Pour la variété c j’ai trouvé — Eau zn 2,550. Id. d » » 2,417. Eten joénéral, j’ai toujours obtenu, à très peuprès, lenombre 2,28 de l’analyse. Des essais analogues, faits sur des feldspatbs labra- dors appartenant à des roches de la même famille, m’ont montré que la quantité d’eau est d’autant plus grande que le feldspath a une teinte plus verdâtre et un aspect plus cireux ; elle diminue, au contraire , ou elle devient nulle, quand sa teinte tire sur le gris, (loniment une quantité d’eau aussi notable peut-elle se trouver dans le minéral constituant d’une roch que d’après tous ses ca- ractères on a toujours regardée comme étant d’origine ignée (1)? A cet égard 7 un vaste champ reste ouvert aux hypotlièses ; mais dans cette circonstance, comme dans toute autre, je m’abstiendrai, autant que possible, d’en proposer aucune, car l’étude des roches est généralement trop peu avancée pour qu’il soit possible d ap- puyer des hypothèses sur des bases solides. J’ol:)serverai , du reste, que cette eau n’est pas de l’eau hygrométrique ; car le feldsj)ath avait d’abord été desséché à une douce température, et j’ai con- staté qu’étant mis dans l’eau après calcination, il ne reprenait pas (1) J’ai constaté , par des essais très nombreux et très variés , que ce ne sont pas seulement les mélaphyres qui contiennent de l’eau, mais que c’est une propriété à peu près générale des porphyres, qui s’étend même auv porphyres granitoïdes. 798 SÉANCE DU 17 MAI 18Zj7. Teau qu’il avait perdue. Be plus, comme j’ai opéré sur des cristaux qui étaient aussi purs et aussi nets que possible, on ne saurait ad- mettre que l’eau provient d’un mélange de silicate hydraté, d’une zéolitlie, par exemple, qui aurait pénétré les pores du feldspath. Par conséquent , quoique d’après les idées généralement reçues cela paraisse paradoxal au premier abord , cette eau entre dans la composition du feldspath, et c’est bien de V eau de combinaison . Au surplus , l’exactitude des considérations qui précèdent est démon- trée, à posteriori , par la composition même du minéral ; car, en ne tenant pas compte de la quantité d’eau , on trouve toujours pour l’oxygène de R un nombre trop petit, et il est inq30ssible d’arriver à la formule du labrador. Bien que les idées de M. Scheerersur Y isomorphisme polymère aient besoin, avant d’être adoptées d’une manière définitive, de la sanction de faits nom- breux , et que plusieurs chimistes ne les aient pas acceptées d’une manière complète, il résulte cependant de l’étude d’un grand nombre de minéraux que l’eau peut être considérée comme jouant le rôle de base dans ce feldspath. De plus, admettons aussi avec M. Scheerer que 3 atomes d’eau peuvent remplacer 1 atome de chaux dans des composés isomorphes ; comme il est établi par les analyses antérieures de feldspath que la somme des quantités d’oxy- gène des bases à 1 atome, bien qu’elles ne soient pas isomorphes, est à l’oxygène de l’alumine dans le rap])ort de 1 à 3, il devra en être de même encore, cjuand, dans l’analyse précédente, on aura remplacé l’eau par son équivalent en chaux ; et c’est précisément ce que démontre le tableau ci-dessus. Il faut observer, cependant, qu’il est nécessaire aussi d’admettre cjue le fer est à l’état de per- oxyde , ce qui n’est pas impo.ssiljle , du reste, malgré la couleur verdâtre du feldspath , car des hydrosilicates renfermant du per- oxyde de fer peuvent avoir une couleur verte. Des études plus complètes sur l’isomorphisme polymère apprendront sans doute par la suite si cette conjecture est fondée. Quoi ciu’il en soit , les considérations qui précèdent conduisent, pour les rapports d’oxy- gène, aux nomJires : 1 : 3 : 6, et par consécpient le feldspath ana- lysé est bien du labrador. H faut observer, toutefois, cpie ce labrador constitue une variété Ijien distincte de cette espèce minérale; d’a- bord sa densité, lorsqu’il n’est pas altéré, est un peu plus grande ; il n’est pas chatoyant suivant la face oo P oo ; de plus, il ren- ferme 2,28 p. 100 d’eau jouant le rôle de base, moitié moins de chaux , une proportion très notable de potasse, et presque autant d’alcali que l’albite ou que l’oligoclase. Quoiqu’il soit absolument sans objet de donner un nom particulier à ce labrador, il importe SÉANCE Dr 17 MAI l8/i7. 1%^ cependant de bien remarcpier qu’il diffère notablement de tous les labradors types examinés jusqu’à présent (1), ainsi que de celui des laves modernes, analysé par M. Abich ; il y a donc différence dans les propriétés physiques et chimiques, et en même temps différence d’âge et de gisement géologique. D’après la formule proposée par M. Kerzélius pour le labrador, R est formé de 1 at. de soude et de 3 at. de chaux ; ce qui donne : ( na SI -|- Arl si) -|- 3 (ca si -{- Al si). Pour le labrador de Belfahy, les résidtats ne sont pas très éloi- . i . ï . 3 gués de R— (k, na,ca, lf), en sorte qu’on peut admettre qu’il y a environ 2 atomes de chaux, 2 atomes de soude, 1 atome de po- tasse et 3 atomes d’eau; cela conduit alors à une formule assez compliquée, mais qu’on peut cependant grouper d’une manière simple, comme il suit : I 3 ((ca,H)s, + Al si) j j ^ (na SI sï f f ( K SI SI ) ) Si on fait le calcul de la formule, on trouve : Atomes. Poids atomiques. Silice . . 12. . . . . 577,48. . . . . 52,88 Alumine. . . 6. . . . . 642,33. . . , . . 29,40 Chaux. . . . . . 2. . . . . 356,02. . . . . 4,67 Soude 2. . . . . 390,90. .‘. , 5,97 Potasse. . . . 1. . . . . 589,92. . . . 4,50 Eau 3. . . . . M2,48. . . . 2,58 100,00 Gomme on n’a pas tenu compte du fer et du manganèse, on voit que la formule proposée s’accorde, aussi bien que possible, avec les résultats de l’analyse. Dans l’explication de la carte géologique de France (2), ]M. Elle de Beaumont avait indiqué que ce feld- spath était du labrador, en faisant ofjserver, toutefois, que M. Dau- bréele considérait comme de l’oligoclase : au premier abord , cela 1) Voir Rammelsberg , Handworterbuch , etc. 2] ExpUcdûon de la carte géologique de France. Vosges. 800 SÉANCE I)U 17 MAI 18/l7. paraît vraisemblable ; car, par ses propriétés physiques , il a de la ressemblance avec ce dernier feldspath ; il est, en effet, presque toujours compacte, non transparent et quelquefois un peu laiteux ; en outre, ses cristaux présentent des stries dues à une macle cpii s’est formée suivant la même loi cpie celle de Foligoclase, c’est-à- dire par une rotation de 180” s’opérant autour de la normale à la petite diagonale menée dans le plan de la base. Gomme les cris- taux ne sont pas assez nets pour c|u’il soit possible de mesurer avec quelque précision l’angle de la macle au goniomètre, l’ana- lyse chimique seule pouvait faire connaître, d’une manière cer- taine, si ce feldspath était du labrador ou de l’oligoclase. Jugitü. — Après le feldspath laJ^rador , le minéral qu’on ren- contre le plus ordinairement dans le porphyre de Belfahy est V augite , dont la j)réseiice a été signalée depuis longtemps par MAL Voltz et Tiiirria. ïl est rare de trouver des cristaux ayant quelques millimètres de dimension ; mais, à la loupe, on peut assez fréquemment distinguer le pyroxène sous la forme de petites agrégations d’un vert foncé, ressemblant à de la coccolite, et qui présentent cfuelquefois des cristaux mal définis. Tantôt il semble se fondre dans la pâte, tantôt, au contraire, il forme de petits glo- bules à peu près sphériques, qui s’en séparent d’une manière très nette par une surface lisse et qui donnent à la roche l’aspect d’une variolite à petit grain. Ce pyroxène est généralement d’un vert très foncé et tirant sur le noir. J’ai extrait de petits cristaux d’un échan- tillon à pâte vert clair, dont le feldspath , cpioic|ue cristallisé, avait même couleur que la pâte, et cjui provenait de l’ancienne galerie déminé dite la Sainte-Barbe, à la Planche-des-Belles-Filles. J’ai trouvé pour leur densité 3,273. Les cristaux de pyroxène offrent , en .général , dans la cassure de la roche, des parallélogrammes ou des rectangles indiquant que le minéral est cristallisé dans les formes limitées par les prismes ainsi que par les pinakoïdes ; souvent cependant on peut observer, des deux côtés du prisme, un biseau produit par la combinaison de la demi-pyramide primitive avec les formes précédentes. Dans/la cassure, cela donne un hexagone allongé. Sur plusieurs cristaux verts-noirâtres, et surtout sur ceux cjui sont d’un vert plus clair, j’ai observé la forme cpii , d’après le système de cristallographie de N. Naumann, est représentée par :gcP. ooP oo.(ooPqc). P. C’est la forme habituelle de l’augite des volcans. Outre le py- roxène, on rencontre encore dans le porphyre de Belfahy c[uelques minéraux accidentels et qui sont beaucoup plus rares. Pyrite de fer. — Ainsi on trouve de Va pyrite de fer d’un jaune SÉANCE DU 17 MAI 1847. 801 pâle, disséminée en très petite quantité , et souvent elle n’est vi- sible qu’à la loupe, .l’en ai observé plusieurs petits cristaux de forme cubique et qui présentent des stries sur leurs faces ; ces stries, qui ont des directions perpendiculaires sur deux faces con- tiguës, sont celles que M. Delafosse considère comme l’indication de dissemblance entre des parties du cristal géométriquement égales et comme pouvant servir à expliquer son hemiédrie. La pyrite de fer est disséminée dans toute la masse du porphyre ; mais il n’en est pas de même des autres minéraux desquels il nous reste à parler, qui sont : l’épidote, le quartz, la chaux carbonatée et un minéral qui paraît se rapporter à une chlorite ferrugineuse. Remarquons d’abord qu’ils ne se rencontrent le plus ordinaire- ment que dans les parties de la roche dans lesquelles le feldspath ne forme pas des cristaux nettement séparés, et qui n’ont pas une structure porphyrique bien caractérisée Epidote. — Vépidote est d’un beau vert pistache clair ; elle est radiée et cristallisée , mais le plus souvent ses cristaux sont mi- croscopiques ; j’en ai observé présentant la forme de prismes à 4 faces, allongés, qui sont formés par des faces parallèles à la dia- gonale perpendiculaire combinée avec des pointements latéraux à 4 faces ; ces cristaux sont implantés par une des extrémités de la diagonale perpendiculaire. Au mont Menars, entre Plancher-les- Mines et Auxelles-Haut, on trouve un porphyre vert-noirâtre, avec quelques lamelles de labrador, paraissant n’être qu’une dégrada- tion du porphyre de belfahy, et qui est à la limite de ce porphyre et du terrain de transition , du côté de Plancher-Bas ; l’épidote y forme des fdons avec du quartz, qui occupe ordinairement la partie centrale du filon , et les bandes de quartz sont parallèles aux bandes d’épidote ; dans quelques parties, les filons d’épidote et de quartz se ramifient dans toutes les directions et se multiplient tel- lement, que la roche en est complètement imprégnée ; sa pâte est plus dure et elle prend à peu près la couleur vert pistache de l’é- pidote. On y remarque, en outre, de petits points sphériques verts- noirâtres qui la font ressembler à une variolite. Une varioUte du même genre, et qui m’a paru être formée de quartz blanc entouré d’une couronne concentrique d’épidote vert pistache se fondant insensiblement dans la pâte, se trouve à l’ouest au fond de la vallée qui conduit de la scierie Saint- Antoine au Plain-des-Bœufs. En- fin, M. Thirria (1) a désigné sous le nom de varwlite euritiqus une roche qu’on rencontre à la Chapelotte, près de la Ferrière, (1) Statistique de la Haute-Saône ^ p. 38 4. Soc. géoL, 2® série, tome IV. -il 802 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. sur la route de Faucogney à Coravi llers ; sa masse est imprégnée d’épidote qui lui donne une couleur vert pistache, en même temps elle présente des noyaux qui sont le jdus ordinairement formés de quartz et d’une substance verte particulière qui sera étudiée plus loin ; en sorte que sa couleur, en tranchant sur le vert clair de l’é- pidote, lui donne l’aspect d’une variolite. Ces trois roches sont semblables, et on peut les considérer comme une dégradation du porphyre qui nous occupe, dégradation qui se présente à la limite de la formation ; car au mont Ménars et au Plain-les-Bœufs elle est près du terrain de transition , et à la Chapelotte elle s’est pro- duite près du contact du porphyre avec des roches granito'ides, L’épidote paraît, du reste, s’être formée surtout à la limite du porphyre de Belfahy, car on la trouve encore près de la Grève et de Mielin, à la séparation d’un autre porphyre très développé, aux environs de Servance. Ici , elle ne forme plus des filons ou des stockwerh qui ont pénétré la roche ; elle présente des cristaux ra- diés, bacillaires, dans l’intérieur à'aniygdaloïdcs contenant du quartz^ de la chaux carhonntéc et quelquefois le minéral particulier que je viens de mentionner. Ces quatre substances ne sont pas dé- posées au hasard dans les amygdaloides, mais elles présentent tou- jours des couches concentriques, dont nous étudierons plus loin la disposition. Quartz. — Le quartz se trouve en noyaux de forme plus ou moins sphérique dans ces amygdaloides du porphyre de Belfahy. 11 est blanc, parfaitement transparent, et on n’y observe pas de couches concentriques de diverses couleurs, comme dans le quartz agate des porphyres d’Obersteiii et de quelques autres localités : c’est du quartz hyalin pur, car je me suis assuré qu’il n’éprouve aucune perte par calcination : quand il est cristallisé, il est implanté par une de ses extrémités perpendiculairement à la sur- face de la géode. Les amygdaloides sont souvent formées seidement de quartz ; quelquefois aussi on y trouve du quartz et de i’épidote, mais le plus ordinairement l’épidote ne se rencontre pas sans quartz; quelquefois elles sont microscopiques et elles forment de très petites veinules de quartz répandues dans la pâte, où elles ne deviennent visibles qu après calcination. Chaux carhonatée. ■ — La chaux carhonatée est blanche , à l’état spathique , et elle ne présente pas de cristaux définis ; cela tient d’abord à ce quelle remplit les amygdaloides d’une manière complète. A Giromagny, dans des amygdaloides de plusieurs cen- timètres de longueur, je l’ai rencontrée à l’état saccharoïde et ayant une couleur bleuâtre ; elle contient alors un peu de carbonate de SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 80 B fer, car elle se colore en jaune par Faltération de Fair ; mais elle ne renferme pas de carbonate de magnésie. Près de Faiicogney, sur la route de Coravillers et à Beloncliamp , on trouve une assez grande quantité de carbonate de chaux , répandue dans un por - phyre qui est une variété de celui de Eelfaliy. Les cavités qui con- tieiment la chaux carhonatée sont plus grandes , et ne sont pas à peu près sphériques ou ellipsoïdales , comme quand il y a du quartz et de Fépidote; elles sont, au contraire, angulaires, allon- gées , généralement très irrégulières , et elles peuvent avoir plu- sieurs décimètres dans leur plus grande dimension. Relativement au carbonate de chaux , on peut faire à peu près la même remar- que que pour le quartz et Fépidote : c’est qu’il ne paraît , en gé- néral , se trouver avec abondance que dans les variétés du por- phyre qui ne contiennent pas de cristaux de feldspath nettement séparé de la pâte , et qu’il semble être souvent à la limite de la formation. Quand le carbonate de chaux a été dissous par Faction des eaux pluviales , on a la variété de la roche qui est celluleuse , et qu’on désigne quelquefois sous le nom de Spilite. La chaux carhonatée qui se trouve dans les celkdes du porphyre est le plus souvent accompagnée par une substance verte , übreuse , que je vais décrire avec détail. Plusieurs excursions géologicjues m’ont permis de l’observer avec M . Pidancet , flans un grand nombre de localités , parmi lesquelles je citerai surtout Beifahy , Mielin , Faucogney, Auxelles-liaut , le Puix et les environs de Giromagny. Elle n’avait pas échappé aux études si scrupuleuses de M. Yoltz , et, dans sa description minéralogique et géologique de l’Alsace, il la désigne dubitativement sous le nom de Picrolite ; mais il est fa- cile de reconnaître , par un examen attentif ou par des essais, que ce n’est pas de la picrolite , car elle n’a avec elle qu’une ressem- blance éloignée dans sa structure et dans son mode de gisement , tandis que sa composition chimique est différente. — Le minéral duquel nous nous occupons en ce moment tapisse les cavités cellu- laires qui se trouvent dans la masse du porphyre ; il se rencontre dans presque toutes , mais ordinairement en très petite quantité. Il est formé de fd3res contiguës , radiées , recouvrant comme un enduit l’intérieur des cavités , et disposées en éventail suivant les rayons de demi-splières juxtaposées dont les centres sont sur la surface de contact ; ces fibres sont souvent recouvertes par de la chaux carhonatée blanche cristallisée ; quelquefois aussi elles sont entourées de noyaux concentriques de quartz ; mais , quoi qu’il en soit , le minéral forme une bande fibreuse , de largeur uniforme , de couleur verte plus ou moins foncée , qui , par toutes ses pro- SÉANCE DU 17 MAI 1847. 804 priétés et par son aspect , se distingue bien nettement de la masse de porphyre , ainsi que des autres minéraux qui peuvent raccompa- gner. La densité du minéral est à peu près de 2, 89. Cette densité est élevée surtout pour un hydrosilicate ; mais cela doit être attri- bué à la grande teneur en fer. La couleur du minéral est tantôt le vert , tantôt le noir verdâtre ; les variétés qui ont la teinte la plus foncée paraissent contenir une plus grande proportion de fer, et en tout cas elles se décomposent plus facilement par l’action de l’air , et elles se recouvrent d’un enduit couleur de rouille , ou brunâtre comme l’oxyde de manganèse. La dureté du minéral est très faible ; elle est comprise entre 2 et 2, 5 ; aussi est-il rayé avec la plus grande facilité avec l’ongle. Sa poussière est d’un vert clair, tirant un peu sur le gris , comme celle de la sismondine ; il se laisse écraser avec beaucoup de facilité , mais en même temps il s’agglutine sous le pilon comme les minéraux à base de magné- sie , en sorte qu’il est difficile de le réduire en poudre fine. Dans le tube fermé , il donne de l’eau et il prend une couleur vert som- bre , ou brun tombac à reflets métalliques. Au chalumeau, il fond , mais très difficilement , et seulement sur les bords ; on a une scorie noire magnétique , dont la dureté est égale à celle du feldspath. Avec le borax la dissolution est complète, et on a une perle transparente colorée par le fer. Avec le phosphate de soude il en est de même ; la perle , jaune à chaud , est incolore à froid. Avec le carbonate de soude on a une perle dans laquelle tournoient des squelettes gonflés ; cette perle est opaque et jaune-verdâtre à froid. — Sur la feuille de platine on a la réaction du manganèse. Il s’attaque avec la plus grande facilité par les acides, soit avant , soit après calcination ; la silice séjiai’ée par cette attaque n’est pas grenue ; elle se gonfle , mais elle ne lait pas gelée , comme cela a lieu pour les zéolithes. Les essais ])ar voie humide apprennent qu’il n’y a pas d’autres substances que celles qui viennent d’être indiquées , si ce n’est un peu de chaux : j’ai trouvé aussi quelque- fois une trace d’alcali , provenant probablement d’une petite quan- tité de porphyre mélangé , dont le feldspath avait été attaqué. ■ — La matière dont j’ai fait l’analyse a été extraite de plusieurs cellules , d’un morceau de porphyre que j’avais pris en place dans un en- droit qu’on nomme la Grève, et qui est situé près de Alielin, sur la route entre Servance et Mielin : par le triage, je l’ai débarrassé, aussi bien que possible , du quartz , ainsi que des fragments de porphyre qui l’accompagnaient ; puis j’ai enlevé la chaux car- bonatée , en la traitant par de l’acide acétique très faible ; j’ai re- connu que l’acide nitrique ne devait pas être emplové à cet usage , SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. 805 ni même l’acide acétique concentré, car ils attaquent légèrement la substance ; ensuite le résidu a été lavé , et desséché à une douce chaleur. Pour faire l’analyse quantitative , j’ai attaqué 1^,2 du minéral par l’acide liydroclilorique ; après avoir évaporé à sec pour séparer la silice , la magnésie a été dosée à l’état de sulfate , en employant le procédé de Fuclis , et en précipitant le peroxyde I de fer et l’alumine par le carbonate de baryte : j’ai déterminé le poids de l’alumine et du fer , puis j’ai dosé directement le fer en dissolvant à plusieurs reprises l’alumine dans de la potasse liquide qui était évaporée à sec dans une capsule de platine. En retran- chant de la silice la portion insoluble dans la potasse qui prove- nait d’une petite quantité de la roche ayant échappé au triage , j’ai trouvé , dans deux analyses : 1o i2o Moyenne. Oxygène* Silice 30,37 31,40 31,07 16,156 Alumine 16,08 14,89 15,47 7,224 Peroxyde de fer 22,42 22,00 22,21 6,897 Protoxyde de manganèse. . traces » » » Chaux 0,36 0,56 • 0,46 0,129 Magnésie 1 8,98 diff. 1 9,29 19,14 7,408 Eau 11,43 1 1,66 11,55 10,268 100,00 99,80 100,67 Les nombres trouvés pour la silice, l’alumine et l’eau, semblent indiquer que le minéral est une chlorite ; mais elle serait alors beaucoup plus pauvre en magnésie que toutes celles analysées jus- qu’à présent , et au contraire beaucoup plus riche en fer. Ainsi que cela avait été annoncé par Al. de Alarignac pour la chlorite qu’il a examinée, j’ai constaté que le minéral contient du peroxyde et i du protoxide de fer ; j’ai même fait des essais au moyen du chlorure double d’or et de soude, ayant pour but de déterminer la proportion de ce dernier ; j’ai trouvé dans deux expériences sur 1^2, fe = 4,67 — 3,78 — En moyenne = 4,07 — Oxygène 0,950 donc -Fe —17,54 Id. 5,382. 11 faut reconnaître toutefois que la facilité avec laquelle le chlo- rure d’or se décompose, et que le temps nécessaire pour l’attaque complète du silicate, sont des obstacles qui s’opposent à ce qu’on soit bien sûr de ce résultat. Il est difficile de trouver une formule bien simple qui représente la composition de la substance ; peut- être conviendrait-il d’adopter celle qui a été proposée pour la chlo- 806 SÉANCE DU 17 MAI 1847. rite par M. Uamnielsberg. Quoi cpi’il en soit, d’après l’ensemble dés propriétés physiques et cldmiques, il me semble qu’on peut regarder le minéral comme une clilorite à base de fer ; aussi le dé- signerai-je par la suite sous le nom de chlorite ferrugineuse . ‘ — La chlorite ferrugineuse se montre encore absolument avec les mêmes caractères dans le porphyre vert antique , ^ans les porphyres pyroxéniques du Tyrol et de l’Oural, et en général dans tous les mélaphyres; enfin , dans les cellules de toutes les roches de trapp et de porphyre , on observe aussi des terres vertes qui paraissent n’être que des variétés du même miné- ral (1). La chlorite ferrugineuse a du reste un mode de gisement particulier qu’il est nécessaire d’étudier avec quelques détails. Elle n’est jamais engagée dans la roche de porphyre ou mêlée aux cris- taux de feldspath, elle se trouve seulement dans des amygdaloïdes. Elle a toujours une structure grenue, mais cependant radiée et fibreuse, et ses filtres sont perpendiculaires à la surface sur laquelle elles reposent ; elle remplit tantôt partiellement et tantôt complè- tement les cavités celluleuses qui la renferment. La grosseur et la forme de ces cavités sont excessivement variables : le plus ordinai- rement, cependant, elles sont allongées et à peu près ellipticjues ; souvent on ne les aperçoit qu’avec le secours de la loupe , et on peut reconnaître alors que le porphyre en est complètement criblé; le plus généralement, cependant , elles ont quelques millimètres, et je n’en ai pas observé dans les Vosges dont la grandeur fut supé- rieure à un décimètre. Elles ne sont pas toujours isolées, mais elles communiquent quelquefois entre elles par de petits canaux dans lescpiels se trouve également de la chlorite ferrugineuse ; c’est ce que j’ai observé au Puix, près de Giromagny. Le plus ordinaire- ment, la chlorite ferrugineuse n’est pas seule dans les cavités; elle est accompagnée de chaux carbonntée blanche , formant des lamelles cristallines dans l’intérieur desquelles elle s’engage : ainsi on observe une couche plus ou moins épaisse de chlorite dont l’épaisseur peut même quelquefois devenir microscopique, et dans l’intérieur de l’amygdaloïde se trouve la chaux carhonatée. Cette structure des amygdaloïdes est la plus générale ; cependant on observe quelquefois une structure inverse de celle-là , et la chlorite peut se trouver au centre d’une amygdaloïde cal- caire. — Le quartz , V épi do te tapissent également les cavités des amygdaloïdes , et il importe d’examiner quelle est la disposi- (1) Voir la notice spéciale publiée sur ce minéral par M. Delesse, dans les Annales des mines. SÉANCE Uü 17 MAI 18/l7. 807 tion et l’ordre de succession que présentent entre eux ces divers minéraux. Le quartz est blanc, transparent, quelquefois un peu laiteux; on trouve des amygdaloïdes formées seulement par la clilorite et par le quartz. Le plus ordinairement, le quartz est in- térieur et il est entouré par la clilorite, quelquefois cependant j’ai observé une disposition inverse ; de plus, il y a une bande roportion des deux minéraux par la formule d’alliage : D ^MS-f NF 1) étant la densité de la roche, S celle du pyroxène, F celle du felds- path ; M et N représentant les proportions en volume de pyroxène (1 ) Voir Annales de chimie , t. VI. Sm SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. et de feldspath qui entrent dans l’unité de volume de la roche, en sorte que M -f- ^ 1 • Un déduit de ce qui précède : N S — D IT"" D --- F ïl faut observer cependant que l’emploi de la formule repose sur une liypothèse peu probable , car elle suppose que le silicate de fer est du pyroxène, ce qui ne doit pas être, comme nous le ver- rons tout à l’heure; mais nous pouvons néanmoins essayer d’en faire usage pour le porphyre de Belfahy. Or, quelle que soit la na- ture du silicate vert cjui colore la pâte, sa densité est égale à celle des silicates de protoxyde de fer en général , et on peut admettre par conséquent qu’elle est à peu près 3,00; le feldspath est du la- brador dont la densité est 2,719, et la pâte la plus noire pèse 2,803 : il résulte donc de là que les variétés les plus foncées de la pâte du porphyre de Belfahy contiennent au moins de deux à deux fois et demie plus de feldspath, c’est-à-dire en poids au moins de 65 à 70 p. 100. Ces nombres concordent assez bien avec ceux qui ont été dé- duits de la composition chimique, si on observe que S= 3,00 est tout à fait arbitraire. Du reste , il serait préférable de se servir de cette formule pour calculer la densité du silicate à base de fer et de magnésie : on trouve alors, d’après les analyses précédentes, qu’elle est comprise entre 2,897 et 3,018. Fer oxydulé. — J’ai constaté en outre que la pâte est magnéti- que ; cette propriété n’est pas exceptionnelle pour le porphyre de Belfahy, mais elle s’éteiid aussi aux porphyres pyroxéniques, des- quels je parlerai plus loin, et à tous ceux que j’ai eu l’occasion d’examiner dans diverses collections ; en sorte qu’on peut la con- sidérer comme une propriété générale àe tous les mélaphyres. Dans le but de m’éclairer sur la nature du minéral qui , dans les méla- phyres, attire l’aiguille aimantée , j’ai fait divers essais sur quel- ques minéraux pouvant se trouver dans les roclies. L’amphibole ne m’a paru magnétique que lorsqu’elle contenait visiblement du fer oxydulé. Pour le pyroxène, j’ai reconnu que l’augite de la Passa est magnétique; certains augites des volcans encore en activité le sont un peu quelquefois, et il en est de même de la sahlite et de la coccolite de Norwége : l’augite du porphyre de Belfahy, qui est noir foncé, est aussi magnéticjue, mais la lherzolithe , la sahlite, n’exercent aucune action sur l’aiguille aimantée. L’hypersthène , la diallage bronzite , sont .souvent magnétiques. D’après M. Ber- thier, les silico-aluminates de fer des minerais en grain , ainsi que 815 SÉANCE DU 17 MAI 1847. la cliainoisite , sont magnétiques (1), et cela a lieu encore pour quelques grenats même lorsqu’ils sont transparents (2). Mais de ce que la pâte de tous les mélapliyres bien caractérisés contient , à très peu près , autant de silice que les cristaux de feldspath qu elle renferme , il est facile de conclure que ce n’est ni du gre- nat , ni de la chamoisite qui forme le silicate à base de fer, car ces minéraux renferment beaucoup moins de silice. On ne saurait admettre non plus que c’est de l’iiyperstliène ou de la diallage, car les roches dans lesquelles elles entrent comme élément constituant se distinguent assez facilement par un faciès particulier. J’exami- nerai plus loin si ce doit être du pyroxène ou de 1 amphibole ; mais , que ce soit run ou l’autre de ces deux minéraux , il me semble qu’on doit admettre que la pâte contient une quantité de fer oxydulé extrêmement petite à laquelle elle doit la propriété d’être magnétique : cela résulte en effet de ce qui a été dit sur le magnétisme, car, à cause de son irrégularité même , on doit pen- ser que c’est du fer oxydulé dont la présence ou l’absence rend magnétiques ou non magnétiques les mêmes variétés d’augite pro- venant des mélaphyres ou des volcans. — En examinant le porphyre à la loupe , il m’a semblé reconnaître cpielques paillettes de fer oxydulé, mais je n’ai pu acquérir une entière certitude à cet égard; il me semble toutefois que l’existence de ce minéral est démontrée par ce que je viens de dire, et elle l’est encore par la couleur noire avec reflet bleuâtre qui fait ressembler beaucoup quelques variétés du porphyre au basalte. Du reste, le fer oxydulé magnétique a été observé quelquefois dans cette formation ; car, d’après des rensei- gnements cpie je dois à l’obligeance de M. Virlet , on trouve du fer oxydulé titanifère dans le lit du torrent de Scotino Langada (3), qui coule en partie sur le porphyre vert antique ; or nous verrons plus loin que ce porphyre est un véritable mélaphyre. Dans l’Ou- ral, où les porphyres pyroxéniques sont très développés, IM. G. Rose a signalé plusieurs localités , telles que Ratschkanar et Ela- godat , dans lesquelles ils se chargent peu à peu de fer oxydulé. La mine de Blagodat, qui est si renommée pour les aimants qu’elle fournit, couronne le sommet d’une montagne de porphyre pyroxé- nique c|ui contient du fer oxydulé, et, dans la description qu’il en donne, M. G, Rose (ù) fait observer d’une manière toute spéciale (G Haüy. (2) Berthier, raie sèche, t. 11. Minerai de fer. (3) Au N.E. de Lebetsova , route de Sparte à Marathonisi. (4) Çr. Bose, Reise nach lirai ^ t. P*', p. 345, ligne 10. 816 SÉANCE 1)U 17 MAI 1847. f*ue le fer oxydiilé et le porphyre pyroxéniqiie appartiennent à la même formation. Je pense donc qu’on doit admettre que c’est le fer oxydulé qui rend magnétique le porphyre de Belfahy et en général tous les mélaphyres Silicate vert, — 11 reste maintenant à déterminer quel est le mi- néral qui donne à la pâte du porpliyre sa couleur verte, et la so- lution de cette question présente de grandes difficultés. 11 était naturel de penser qu’on y arriverait par l’analyse élémentaire ; car en recomposant le feldspath dont les cristaux ont été analysés, ce qui reste représente à peu près la composition du silicate de la pâte ; mais il faut observer que si les minéraux qui forment des cristaux isolés dans les roches sont loin d’être purs, cela a lieu à bien plus forte raison pour ceux qui sont cristallisés d’une manière confuse, et qui composent la pâte dans laquelle se concentrent toutes les substances minérales en excès , séparées par les cristalli- sations antérieures. De plus, les substances qui composent le feld- spath et le silicate de la pâte sont en partie les mêmes, il n’y a guère que les proportions de chacune d’elles qui varient : ainsi ils renferment à peu près la même quantité de silice; l’un et l’autre contiennent du fer, quoiqu’il n’existe qu’en petite quantité dans le feldspath. L’alumine, la chaux, l’eau et même la magnésie, sont aussi partagées, et, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, il n’est pas impossible qu’il y ait une petite quantité d’alcali dans le sili- cate vert. On ne peut donc pas être assuré qu’une substance entre exclusivement dans la composition du feldspath , et dès lors on ne peut pas calculer avec exactitude quelle est la proportion de feld- spath de la roche. Du reste, lors même que ce calcul serait pos- sible, comme le silicate vert est en petite quantité, il serait diffi- cile de trouver sa composition chimique, car des erreurs très légères d’analyse, comme celles par exemple qui portent nécessai- rement sur les alcalis et surtout sur la magnésie, pourraient ensuite être multipliées dans le calcul et donner des résultats assez éloignés de la vérité. Par conséquent, bien que la recomposition de la roche d’après son analyse élémentaire puisse avoir lieu quelque- fois, quand on connaît d’une manière précise la composition des minéraux constituants pour le porphyre, dont l’étude nous oc- cupe en ce moment, cette recomposition serait, sinon impossible, du moins bien incertaine, et on ne peut guère espérer qu’elle per- mette de déterminer la formule du silicate de la pâte. Mais on peut cependant tirer parti des analyses qui précèdent pour arriver à la solution de la question. — M. de Buch a établi depuis longtemps qu’un des principaux caractères du porphyre qui nous occupe est SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 817 de ne pas présenter de quartz dans sa pâte. Ce principe est vrai généralement, cependant il ne doit pas être pris dans une acception trop absolue, et il conviendrait peut-être d’y apporter quelques restrictions ; car, indépendamment de ce qu’il y a accidentelle- ment du quartz dans les amygdaloïdes comme celles que j’ai décrites , j’ai pu observer, en calcinant des métaphyres , des amygdaloïdes microscopiques ou des veinules de quartz qui dé- montrent qu’il y a quelquefois un très léger excès de silice dans la roche ; cela a lieu en particulier pour le spilite de Fauco- gney, pour le porphyre de la Grève, etc. Dans la description de la carte géologique de Saxe, M. Naumann signale aussi à Ro- dersdorf un porphyre vert contenant des cristaux maclés d’augite et qui est très riche en quartz (1). Mais c’est surtout l’analyse chi- mique qui permet de constater, dans des roches qui représentent le caractère du mélaphyre, la présence d’un léger excès de silice, sur la quantité théoriquement nécessaire à la formation des miné- raux qui les composent ; car, en analysant les cristaux de feldspath qui donnent au mélaphyre la structure porphyrique, j’ai presque toujours obtenu , pour la silice , un nombre un peu supérieur à celui qui résulte de la composition théorique du labrador. — Il ne serait pas impossible, d’après cela, qu’une petite quan- tité de silice eut été renfermée dans des cristaux de feldspath , de quelques mélaphyres^ ou dans la pâte , à l état de ce que l’on pourrait appeler silice de cristallisation. Du reste, on est naturellement con- duit à penser qu’il ne saurait y avoir plus de quelques centièmes de silice en excès , autrement elle aurait cristallisé elle-même au moment de la solidification. On la rencontre, en effet , à l’état hyalin, dans des roches qui n’en contiennent pas davantage, et dans lesquelles elle s’est nettement séparée, bien que leur struc- ture ne soit pas plus cristalline que celle de la roche que nous exa- minons en ce moment. Enfin, comme elle est en petite quantité, on peut admettre que les c[uantités qui se trouvent dans le feldspath et dans la pâte sont égales, ou tout au moins proportionnelles. Ces deux hypothèses, relatives à l’excès du silice et à la proportion de cette dernière qui entre , soit dans le feldspath , soit dans la pâte, ont , du reste , été vérifiées par l’analyse chimique , ainsi que ce sera démontré dans la suite de ce mémoire ; car, pour le labrador du cap Hoimen , qui est exceptionnel , et qui ap- partient à une roche pouvant être considérée comme une li- mite des mélaphyres, l’excès sur la quantité de silice de la for- (l) Naumann, Geognostiche Skizze^ P*’ vol. Soc. géoL, série, tome IV. 52 818 SÉANCE Dü 17 MAI 1847. mule théorique, qui est alors de beaucoup un nuiæimum, est 3,05 p. 100. De plus, j’ai reconnu que, quand la richesse en silice de la pâte augmente, celle du labrador, qui y forme des cristaux isolés, y augmente aussi et à peu près dans le même rapport. Ainsi, dans la roche du cap îiolmen en particulier, dont le labrador contient la plus grande quantité de silice, la pâte renferme 55,29 p. 100 de silice, c’est-à-dire quelques centièmes de plus que la pâte des mé- laphyres bien caractérisés. — Ce qui précède étant établi, on peut se proposer de rechercher la nature du silicate vert qui forme , avec le labrador, la pâte des mélaphyres. D’après les analyses delà roche, c’est principalement dans la pâte que les affinités de cris- tallisation ont réparti le fer et la magnésie; il y en aura d’autant plus que la roche a une couleur verte plus foncée et tirant plus sur le noir : de plus , il résulte de ce qui a été dit antérieurement que le silicate vert de la pâte ne peut être que du pyroxène ou de l’amphibole. Quoique le porphyre de Belfahy et la plupart des mélaphyres ne renferment qu’assez rarement des cristaux de py- roxène, comme ils paraissent quelquefois se fondre dans la pâle d’une manière insensible, il semblerait assez naturel de penser que le silicate vert est du pyroxène ; mais il faut observer qu’il résulte de l’analyse que le silicate vert de la pâte contient beaucoup d’oxyde de fer, de la magnésie, de l’alumine et de la chaux, quoi- qu’il puisse y en avoir moins que dans le feldspath. En outre, dans la pâte vert noirâtre du porphyre de Belfahy le mieux earac- térisé, qui , à cause de sa eouleur et de son aspect, semblerait au premier abord devoir être formée de feldspath et d’augite, il y a au moins 53 p. 100 de silice: or, si on reeherehe dans le Manuel de minérnlogie chiniiqae de IM. Rammelsberg (1) quelle est la com- po.sition des pyroxènes dont l’analyse a été fciite jusqu’à présent, on reconnaît cju’il n’y a que les pyroxènes rielies en magnésie qui contiennent plus de 54 p. 100 de siliee; et le pyroxène des méla- phyres duTyrol, analysé par M. Kudernasteh, n’en renferme que 50 p. 100. Le plus ordinairement, ceux qui sont riehes en fer et en alumine, comme doit l’être le silieate vei t de la pâte, n’ont que 40 à 51 p. 100 de siliee ; et les dolérites, qui sont des roches de labrador et de pyroxène, n’en ont généralement pas plus de 51 p. 100. — Les amphiboles , au eon traire , cpii auraient les mêmes bases et qui seraient dans les conditions précitées, pourraient ren- fermer 53 p. 100 de silice. C’est ce qui a lieu, par exemple , pour l’amphibole de Garpenberg (Suède) analysée par M. Hisinger. (1) Rammelsberg, t. I, p. 58. SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 819 I I I Eu vertu de ce qui vient d’être dit ci-dessus relativement à la quantité de silice pouvant se trouver en excès dans la pâte, on doit donc présumer c{ue le silicate vert est de Fampliibole, et c’est aussi ce qui m’a paru résulter d’une expérience très simple, .l’ai calciné, en effet, les variétés de la roche qui contiennent du ])yroxène, et j’ai reconnu après celte opération que, tandis c[ue le pyroxène prend une couleur plus foncée, la pâte prend au con- traire , généralement , une couleur brune ou rougeâtre beaucoup plus claire, ainsi que cela a lieu pour les diorites et pour les por- phyres dioritlques qui sont à base d’amphibole; de plus, on voit alors que les cristaux de pyroxène sont aussi complètement isolés que possible de la pâte, de laquelle ils se détachent d’une manière très nette par le contraste des couleuis. Ces effets inverses, pro- duits sur le pyroxène et sur le silicate vert de la pâte, ne permet- tent donc guère d’admettre que ce dernier soit du pyroxèn.* , et alors il est naturel de penser qu’il est de V amphibole. Cela paraîtrait s’accorder du reste avec un fait relatif aux cristaux d’ouralite , et aussi à quelques expériences de MM. Berthier et Mitscherlisch. Dans l’ouralite, le pyroxène, cjui est au centre, se serait formé d’abord , et l’amphibole aurait pris naissance ensuite par un refroidissement plus lent; de même aussi le por- phyre de Belfahy , le feldspath et le pyroxène ont dû nécessai- rement cristalliser les premiers; car ils n’auraient pas pu cristalli- ser si la pâte avait déjà été solidifiée ; ce n’est donc c|ue postérieu- rement que la pâte aurait pris la structure cristalline , et alors il se serait formé de l’amphibole. Je dois faire remarcj[uer cependant que, d’après M. G. Rose, c’est l’inverse cjui aurait eu lieu , et dans l’ouralite l’amphibole serait au contraire une pseudomorphose du pyroxène ; on conçoit du reste que cette pseudoianophose aurait pu se produire dans la pâte du porphyre de Belfahy et de plusieurs mélaphyres , sans que les cristaux de pyroxène isolés et visibles eussent été altérés. Si on admet que le silicate vert qui donne au porphyre sa couleur est une amphibole , cette dernière doit , dans tous les cas , avoir une composition particulière et peut-être même différente de celles connues jusqu’à présent cpii n’ont que rarement 53 p. 100 de silice (1) ; indépendamment de l’oxyde de fer et de la magnésie, elle doit contenir de l’eau, car certaines pâtes en renferment une quantité plus grande cpic le feldspath , et c’est ce que j’aurai l’occasion de faire remarquer encore pour le porphyre vert antique et pour les autres mélaphyres que j’exami- (1) Voir Rammelsberg , Hornblende. 820 SÉANCE DU 17 MAI 18/(7. nerai plus loin : de plus , de ralumine entre très probablement dans sa composition , ainsi que cela a lieu pour la plupart des amphiboles des roches ; enfin il est remarquable que la quantité de chaux puisse y être moindre que dans le feldspath , tandis que les amphiboles analysées jusqu’ici sont en général riches en chaux. Lorsque, dans le porphyre que nous étudions, la pâte devient rou- geâtre ou violacée , comme cela a lieu pour quelques variétés de Giromagny , contenant des cristaux très nets de feldspath et de pyroxène , les éléments qui entrent dans la composition de la pâte ne paraissent pas avoir pu se séparer, et le silicate vert ne s’est pas formé , quoique la roche contienne encore une proportion nota- ble de fe.' . SpHite. Spillte (le Fducogney. - — Quand on quitte Faucogney ( Haute- Saone ) pour se diriger vers Saphoz-le-Bas et Emoulières , on re- marque à gauche un mamelon ayant tous les caractères d’une roche d’origine ignée , car elle se divise en prismes pseudo-régu- liers ayant quelques décimètres de dimension : cette même roche forme la base des trois montagnes au pied desquelles est située la petite ville de Faucogney ; on la rencontre également au Plain- des-Rœufs, à l’étang des Grillots près de Saint-Bresson , à Mon- dalîin , à la Chapelotte , à Rimbach (1) , à Grindelbruch (2), etc. Elle est d’une couleur verte ou violacée, tirant un peu sur le noir ; son aspect est parfaitement homogène; sa texture est cristal- line , grenue , et elle ne présente pas de cristaux isolés bien nets. IJ’après l’ensemble de ses propriétés et d’après son gisement , on est naturellement conduit à la rapprocher du porphyre de Belfahy; c’est aussi ce qui a été fait par M. Thirria , qui la classe dans son {jroupe du porphyre noir et qui l’a appelée spilite (3). Les géolo- gues allemands désignent cette classe de roehe , qui accompagne presque constamment les formations porphyriqnes , sous le nom de numdehtein de poiphynte et de porphyrit-inandclstein . A Fauco- gney , elle présente c|uelquefois des cellules allongées sans direc- tions déterminées, et le plus souvent angulaires : ces cellules, qui sont très rares et petites au pied de la montagne sur laquelle se (1 ) Élie de Beaumont, ExpUccition de Ici carte géologique de France^ p. 366. (2) Voltz, Géognosie de r Alsace , p. 53. (3) C’est le spilite bufonite de M. Broogniart. SÉANCE UÜ 17 MAI 18/l7. 821 trouve le haïueau d’Emoulières, deviennent très nombreuses, très irrégulières et très grandes quand on se dirige de Faucogney vers le village des Mottes; elles sont ordinairement presque entière- ment remplies par de la chaux carbonatée qu’entoure un peu de chlorite ferrugineuse. Par l’altération de l’air , elle prend une couleur brune due à l’oxyde de manganèse. La densité de la roche est de 2,906. Elle est donc un peu supérieure à celle de la pâte du porphyre de Belfahy. Comme cette dernière , elle est magnétique; à la loupe, elle présente des lamelles verdâtres paraissant presque avoir la même couleur que la roche, et qui s’entre-croisent indistinctement dans toutes les directions ; parallèlement à leur longueur , ces la- melles ont des stries très fines qui indiquent qu’elles sont formées de cristaux maclés de labrador. Quand on examine le spilite qui forme le bas de la montagne d’Emoulières, après l’avoir calciné, on y observe quelquefois une multitude de petites veinules de quartz, indiquant qu’il y a une quantité de silice un peu plus grande que celle nécessaire à la formation des minéraux qui entrent dans la composition de la roche : on peut voir, du reste , par l’analyse qui suit, que cet excès de silice est très faible, et seulement de cjnelques centièmes , quoiqu’il soit facile de le constater par un examen à la loupe. Je n’ai pas rencontré de cristaux de pyroxène dans ce spilite. Quand on le pulvérise , il prend une couleur d’un gris verdâtre clair. Au chalumeau , il présente absolument les mêmes propriétés que la pâte du porphyre de Belfahy. J’ai fait une ana- lyse complète de cette roche , et j’ai trouvé : i^2co2,no-Fl2R2. Silice . . 54,42. . . . 28,276 Alumine. 20,60. . . . 9,630 Protoxyde de fer (1). . . . . . 9,44. . . . 2,149 \ Protoxyde de manganèse. . . . 0,93. . . . 0,208 i Chaux . . 3,64. . . . 1,023 f Magnésie . . . 3,87. . . . 1,498 \ 6,767 Soude . . 4,48. . . . 1,146 l Potasse . . 0,94. . . . 0,159 \ Eau . . 1,97. . . '/s 100,29. 1,751 ) L’analyse montre que sa composition est , à très peu près , 1 (I) Une partie du fer est à l’état de peroxyde, quoique tout ait été compté comme protoxyde, 82*2 SÉANCE DU J 7 MU iSM . même que celle de la pâte du porphyre de Belfahy, et qu’elle pré- sente les mêmes relations entre les quantités d’oxygène de R, R, Si ; elle est seulement plus riche en silicate vert ou en amphibole. Elle ne contient guère que 55 p. 100 de feldspath labrador; elle con- stitue par conséquent un porphyre cellulaire qui n’est qu’une va- riété ou qu’une dégradation de celui cjue nous avons étudié. Porphyre brèche. Ainsi que cela a lieu eii général dans les formations porphyri- ques, le porphyre de Belfahy est accompagné de brèches, et elles sont même très développées. De concert avec M. Pidancet, con- servateur du musée de Besançon , j’ai observé ces brèches dans la vallée de Plancher-les-Mines , au village de Belfahy et dans ses enviions, au Bois-du-Roi ainsi que sur le Ballon, aux Grands- Champs sur la route de Servance, au nord du Puix , etc. Les variétés du porphyre qui sont à l’état de spilite même très caverneux , présentent quelcj|Uefois des brèches dont la teinte géné- rale est verte ; ces spilites-brèches se rencontrent à Chauville- rain (1), près de Faucogney, aux environs de Giromagny. Quand leurs cellules sont grandes et très nombreuses , elles sont remplies par de la chaux caiLonatée, mais on y trouve aussi du c[uartz et de la clilorite ferrugineuse. Ces brèclics ont quelcj[uefois des cou- leurs vives, et elles prennent sous le poli de très belles nuances, qui les ont fait rechercher autrefois dans les scieries de pierres du département de la Haute-Saône. En examinant ces l^rèches avec attention , j’ai reconnu que, malgré la diversité de leurs couleurs, elles sont presque exclusivement formées de fragments à angles vifs cjui appartiennent à la roche du porphyre elle-même ou à ses variétés ; on y rencontre cependant aussi des fragments de roche pétrosiliceuse grise, violette ou verte, qui ne ressemblent à aucune des roches des environs et dont les caractères ont visiblement été altérés par la formation même de la brèche. Le plus ordinairement elles présentent une teinte générale qui est verte, mais souvent aussi elle est rouge ou violette ; lorsque les fragments sont petits et n’ont que quelques centimètres, toutes ces nuances et leurs inter- médiaires sont quelquefois réunies sur un seul échantillon , qui frappe alors l’œil par la bizarrerie et le caprice de ses couleurs. (1) Th irria , Statistique de la Haute-Saône. SÉANCE DU 17 MAI ISA?. 8-23 Dans les brèches à teinte verte de la vallée de Plancher, on ren- contre souvent des fragments avec de très gros cristaux de feld- spath labrador, et , sur une surface d’un mètre carré, on peut ob- server toutes les variétés cjue le porphyre présente tant sous le rapport de la couleur que de la structure. Dans les brèches à teinte rouge ou violette, on reconnaît encore très bien les cristaux de la- brador qui sont caractérisés par leurs macles ; il est donc possible que leur couleur, qui n’est pas celle qui est lapins habituelle à la roche, soit due à un changement dans l’état d’oxydation du fer et du manganèse qui aurait été produit dans les fragments bréchi- formes. J’ai observé plusieurs fois des cristaux de labrador dont une partie se trouvait sur un fragment bréchiforme , tandis que l’autre était dans la pâte. Tout porte donc à croire que le ciment qui a réuni les fragments bréchiformes a dû pénétrer à l’état de fusion ; c’est ensuite par son refroidissement que des cristaux de feldspath labrador se sont développés à la fois dans la pâte et dans le fragment ramolli Du reste, dans les variétés de brèches à teinte verte, les fragments sont quelquefois peu nombreux et espacés; de plus, leurs contours sont très peu nets ; il semblerait donc qu’ils ont été corrodés, et qu’ils se sont dissous en partie dans la pâte du por- phyre. Dans les variétés rouges et violettes, le même fait peut s’ob- server ; de plus, les cristaux de labrador des fragments bréchiformes paraissent généralement avoir été altérés ; ils ont une couleur blan- châtre et sont complètement opaques , leurs arêtes ne sont pas nettes, et enfin on n’y observe plus de clivage. Cette altération a sans aucun doute été ])roduite aussi par le phénomène qui a en- gendré les brèches. J’ai cherché quelle est la quantité d’eau que contiennent les principales variétés de l^rèches , et j’ai obtenu les résultats suivants : (1 ) Fragment rouge d’une brèche à pâte verte, de Belfahy. 1,302 (2) Brèche à pâte violacée, contenant de petits fragments d'un vert foncé , de Belfahy 1,725 Pour les brèches vertes, on aurait du reste la même perte au feu que pour le porphyre lui-même. Relativement à l’origine et au mode de formation de ces brèches, il importe de constater ici que celles dont la couleur est rouge ou violette ont une teneur en eau moins grande que le porphyre. Le porphyre brèche paraît être tantôt plus, tantôt moins élevé que le porpiiyre de Belfahy, et se trouver indifféremment soit à la limite, soit à l’intérieur de la formation. SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 82/1 L’examen d’un grand nombre de collections géologiqi^ts m’a fait rencontrer diverses roches qui présentent beaucoup d’ana- logie avec le porphyre de Belfahy ; ces roches sont décrites dans des mémoires spéciaux auxquels je dois renvoyer pour une étude plus détaillée. Je ferai remarquer seulement que le feldspath la- brador n’y est pas toujours nettement séparé et en gros cristaux , comme cela a lieu pour le porphyre de Belfahy choisi pour type ; il y en a même qui paraissent former un passage du mélaphyre au basalte, et qui par leur aspect se rapprochent beaucoup de ce dernier ; mais cependant il m’a semblé qu’elles peuvent toutes être considérées comme des variétés ou comme des dégradations de la roche des Vosges. Les contrées dans lesquelles ces roches ont été observées sont la Morée , le Tyrol, l’Oural, la Norwége , les environs d’Edimbourg en Ecosse, Lamberg près de Dublin, Ta- bago , Hirschberg dans la Hesse électorale , ilampas en Corse , le Tlmringerwald (1) , Elbingerode et llefeld au Harz , la vallée de la Nahe aux environs de Kirn et de Wadern ainsi que plusieurs points du Palatinat et de la Bavière rhénane , Belting (2) près de Sarrebruck, Gottesberg dans la Silésie, Boston aux Etats-Unis (3), enfm la Saxe où MM. Naumann et Cotta (ù) signalent un méla- phyre grenu d’un gris noir éclatant qui forme uo lilon ayant en- viron 0"h33 de puissance dans le granité de Niderspaar près Meissen Je n’ai pas l’intention de généraliser, quant à présent, les ré- sultats des oljservations qui ont été faites dans la première partie de ce mémoire sur la constitution géologique et chimique des divers mélaphyres; cette généralisation serait du reste facile, et il est évident quelle résulte immédiatement de ce qui a été établi rela- tivement à ciiacime de ces roches en particulier ; mais , avant d’aller plus loin, je ferai observer, cependant, que quelques uns des faits constatés antérieurement acquièrent de l’importance à (1) Voir les excellents Mémoires publiés sur les mélaphyres du Thuringerwald par MM. Credner et Cotta. (2) Je dois la communication des échantillons de cette localité à l’obligeance de M. Pomel. (3) Cette désignation de localité est faite d’après une étiquette du Jardin du Roi; l’échantillon contient de grands cristaux de labrador, de la pyrite de fer et de la chaux carbonatée. (4) Naumann et Cotta , V® vol. de la Description géologique de la Saxe y p. 401 . 8*25 SÉANCE DU 17 MAI 18/17. cause des rapprocliements qu’ils pevmelteiit d’établir entre les mé~ laphyres et les basaltes. En effet , la base de ces deux roches est la même, c’est le feld- spath labrador; elles contiennent en outre des minéraux com- muns qui sont le pyroxène et le fer oxydulé ; de plus, toutes deux renferment de Y eau. Les différences qu’elles offrent tiennent sur- tout à la proportion plus ou moins grande des bases dans le feld- spath labrador constituant ; ainsi on peut remarquer que la soude, la potasse et l’eau entrent en proportion notable dans le labrador des mélaphyres proprement dits , tandis que relativement ces bases diminuent ou même disparaissent complètement quand la roche se rapproche des dolerites , des basaltes , et même des laves modernes ; elles sont alors remplacées par de la chaux , qui de- vient la base dominante. On est donc assez naturellement porté à croire qu’il peut y avoir une série de roches intermédiaires formant, tant sous le rapport de la composition chimique et minéralogic|ue que sous le rapport de l’age, un passage en cpielque sorte insensible entre le mélaphyre et la Ijasalte ; c’est ce que des études plus complètes de minéralogie chimique pourront permettre de vérifier par la suite ; mais, en tous cas, à cause de l’analogie minéralogique et chimique que présen- tent ces deux roches , il est bien probable que le labrador du ba- salte contient lui-même de l’eau de combinaison, ainsi que cela a lieu pour les mélaphyres. De plus, quoiqu’il y ait des zéolithes dans les basaltes et dans les autres roches auxquelles on attribue une origine ignée, est-il bien certain , comme on l’admet généra- lement, qu’elles entrent toujours dans la composition même de ce cju’il convient d’appeler la pâte de la roche ? D’après ce qui a été démontré relativement aux mélaphyres , ces zéolithes peuvent se trouver aussi dans les amygdaloïdes et dans les cellules nom- breuses qui pénètrent la pâte en tous sens , et qui sont tantôt visi- bles , tantôt , au contraire , microscopiques et invisibles. M. Nérée Boubée lit le Mémoire suivant : Rapport entre la nature des terres et ï ancienneté relative des alliwions dans les Dallées a plusieurs étages* Chargé par M. le marquis d’Orgein de faire une étude agri- cole et industrielle de son beau domaine de Guilhot , à l’occasion de la mise en vente de ce domaine, j ’ai été conduit à recueillir quel- SÉANCE i)U 17 MAI 18/j7. 8*2(i ques observations qui intéressent autant le géologue que l’agricul- teur; et c’est à ce titre que je viens soumettre à la Société géolo- gique la première partie de ce travail , comme renfermant quel- ques aperçus , nouveaux, je crois, pour la science. Ce premier chapitre a pour titre ; Des terres, bois et prairies qui forment le Do- maine. Pour donner une idée exacte et précise de la nature des terres de Guilhot, je ne saurais mieux faire que de présenter d’une ma- nière générale le résumé de mes oljservations sur l’ensemble des terres de la vallée de l’Ariége proprement dite , dans laquelle est situé ce domaine. La vallée de l’Ariége dans laquelle est situé le domaine de Guil- liot ( communes de Rieux et Bénagues entre Foix et Pamiers) est comme la Seine , comme la Loire , comme la Garonne et comme la plupart des grandes vallées qui se partagent la partie cultivable et liabitable du globe , une de ces vallées à plusieurs étages , dont les eaux diluviennes ont ouvert et creusé l’étage supérieur sur une largeur toujours considérable , et dans lesquelles les eaux post-diluviennes et les eaux actuelles ont ensuite formé plusieurs étages ( ou terrasses latérales ) de plus en plus étroits à mesure que ces eaux devenant moins abondantes se resserraient dans un lit plus restreint et plus approfondi, abandonnant à droite et à gauche l’espace beaucoup plus large qu’elles occupaient précédemment. Le premier étage (l’étage inférieur) , le dernier formé, au milieu duquel la rivière s’est creusé son lit actuel, et qu’elle vient envahir et remplir encore dans ses plus grands débordements , est toujours celui dont la terre est la plus fertile et le sol plus précieux. Ce sont presque toujours des terres cC alliivion , ordinairement susceptibles d’irrigation, et dont la constitution minérale est d’autant plus parfaite qn’il se trouve en amont un plus grand nombre de roches et de formations géologiques diverses , dont les débris , entraînés et mêlés ensemble par les grandes eaux, produisent au loin ces terres d’alluvion si fécondes. A cet égard, la vallée de Foix, comme la plupart des grandes vallées qui prennent naissance dans les Pyrénées , se trouve dans les conditions les plus parfaites ; car le groupe de montagnes d’où jaillissent les sources de l’Ariége, et d’où descendent les nombreux torrents qui en font bientôt une rivière importante , offre dans son ensemble un vaste massif montagneux de plus de 80 lieues carrées de surface, et où se présentent des roches et des terrains géologiques de toute espèce , surtout des granités , des gneiss^ des micasehistes et des phyllades ; des diorites, des talschistes ^ SÉANCE DU 17 MAI 1847. 827 des pegmatites, des euritestX des fcldspathines ; àeÿ, grciuwackes^ des schistes argileux , des qaarzites , des grès , des tnlschistes et des calcaires de plusieurs âges ; des gypses , des argiles bigarrées et des marnes irisées ; des roches pjroxéniqaes ferrijères ^ carbonijères , siliceuses^ bitumineuses^ alunifères ^ etc., etc.; en un mot , les alluvions de l’Ariége comprenant des débris de toute espèce de roches et de toute la série géologique des terrains ; condition in- faillible de fécondité. Car c’est un des principes fondamentaux de la géologie agricole , qu’une terre est d’autant plus fertile qu’elle est composée d’un plus grand nombre d’éléments minéralogiques divers , et récipro- quement quelle est d’autant moins productive que sa composition est réduite à un plus petit nombre de substances minérales , ainsi que je l’ai établi dans ma Géologie dans ses rapports avec V agricul- ture et V économie politique, p. 34, 2® édition. Ce qui précède suffit pour expliquer comment on peut trouver, au sein des montagnes, des terres douées d’une fécondité que ne possèdent presque jamais au même degré les terres situées en pays de plaine , et notamment pour rendre raison de la fertilité géné- rale qu’on remarque dans la plus grande partie de l’arrondisse- ment de Pamiers. Mais j’ai dit qu’il y a plusieurs étages dans cette belle vallée de l’Ariége ; et , en effet, il suffit de parcourir les environs de Pamiers pour reconnaître : 1° que dans leur ensemble les terres des en- virons se partagent entre trois niveaux ou étages principaux nette- ment dessinés tout le long de la vallée ; 2° Que l’étage inférieur cjui longe la rivière s’élève si peu au- dessus des moyennes eaux, que, sur beaucoup de points, il est ex- posé à être recouvert et envahi lors des grands débordements ; 3° On reconnaît sans peine, et abstraction faite de toute théorie, C|ue cet étage inférieur a dû être entièrement occupé par l’Ariége avant la dernière période de son décroissement ; enfin , on s’assure que parfois elle se creuse un nouveau lit au milieu de cet étage in- férieur, envahissant alors des propriétés qui n’avaient pas été pro- tégées par des travaux de défense suffisants , et laissant sur la rive opposée des espaces plus ou moins vastes cjui s’ajoutent gratuite- ment , de par la loi , à l’héritage de l’heureux riverain. En un mot , on s’assure par ces diverses observations que l’é- tage inférieur de la vallée de l’Ariége est tout formé d’ alluvions plus ou moins récentes , au milieu desquelles on peut retrouver et reconnaître , sous forme de cailloux roulés et de grains sableux , des échantillons de toutes les roches qui constituent les montagnes 828 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. de la liaLite vallée , échantillons qui deviennent en même temps la preuve matérielle et sensible des considérations théoriques précé- demment exposées. Si de cet étage inférieur on passe sur les terres plus élevées qui forment le second étage, l’étage intermédiaire, et si l’on examine le sol avec attention , on sera surpris d’y reconnaître diverses circonstances qu’on n’avait peut-être pas remarquées au premier abord. Une grande partie des cailloux qtd s’y rencontrent et qui appartiennent, on le reconnaît, aux mêmes espèces de roches, qui viennent dès lors, on n’en saurait douter, des mêmes montagnes , des mêmes gisements que ceux qu’on a reconnus dans l’étage infé- rieur, s’y montrent néanmoins avec un caractère particulier. Plu- sieurs de ces roches paraissent altérées ; il y en a même un grand nombre qui sont devenues friables, et l’on y voit des blocs de granit que , parle moindre coup, on peut briser et écraser comme un tuf sans consistance, comme une roche pourrie. En un mot, les dé- bris roulés des mêmes montagnes offrent , sur ce second étage , une physionomie toute particulière ; ils y paraissent beaucoup plus vieux , et ils y sont en pi oie , pour la plupart , à une décom- position manifeste. C’est qu’ils sont plus anciens , en effet , ces dé- bris , jmisqu’ils datent de l’époque où l’Ariége , beaucoup plus large, plus profonde et plus puissante que de nos jours, remplis- sait ce second étage en entier, au moins dans ses grandes crues , et où son lit habituel , de la largeur au moins de l’étage inférieur ac- tuel , dépassait certainement en étendue celui qui remplit aujour- d’hui la Garonne à Bordeaux. Il en est des terres de cet étage comme des éléments géolo- giques du sol. Ici , comme dans l’étage inférieur, la terre se com- pose des mêmes débris que cet ancien sol d’alluvion ; et, en raison de leur ténuité et des influences de la culture , ces débris y ont subi une décomposition encore plus complète. Eue partie des matières minérales et des sels qui entraient dans la composition de ces dé- bris a disparu ; en sorte que la terre n’est plus d’une fertilité aussi parfaite , parce que sa composition minérale est devenue moins complexe. Toutefois on reconnaît encore dans ces terres un assez grand nombre d’éléments minéralogiques divers, et, selon qu’elles sont plus ou moins chargées d’humidité et que la décomposition y est plus ou moins avancée , elles offrent encore des sols, dont quel- ques uns sont d’autant plus précieux, que cette décomposition, qui s’y poursuit avec une certaine activité , fournit à la végétation un aliment très actif, savoir : les élémens alcalins, acides, salins, qui résultent de cette décomposition, tels que la soude, la potasse, SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 829 la magnésie, la diaux, les pliospliates, les sulfates, etc., etc., qui entrent en diverses proportions dans la composition d’une partie des matières minérales dont ces roches se trouvent formées. On voit parla comment il se peut que, même avec une compo- sition géologique moins complexe , certaines terres de ce second étage soient aussi productives que celles de l’étage inférieur ; mais il esta remarquer qu’à mesure que cette décomposition s’avancera, ces terres deviendront moins fertiles ; en sorte qu’ après un certain nombre d'années elles se trouveront , selon l’expression vulgaire , presque totalement épuisées. Et telles sont en efïet déjà , à un degré plus ou moins avancé, une partie de ces terres. Toutefois on voit qu’il sera extrêmement facile de les ranimer, de les amender, en un mot, et de les remettre en état de fécondité pendant une nouvelle et longue période d’années. Enfin , si l’on monte sur les troisième et quatrième étages , qui sont à un niveau beaucoup plus élevé , on sera frappé de voir qu’il n’y ait plus que de gros blocs de roches quartzeuses, et plus ou guère plus du tout de granités , de pegmatites , de diorites, et de ces diverses autres roches dont on voit une si grande variété dans les étages inférieurs. En un mot , la constitution géologique du sol est ici beaucoup plus simple minéralogiquement, bien qu’en y réfiéebissant et en reconnaissant que tous ces gros cailloux sont arrondis et roulés comme ceux des autres étages , on ne puisse douter qu’ils n’aient la même origine ; qu’ils n’aient été de même charriés par les eaux, mais par ces eaux beaucoup plus abondantes , beaucoup plus puis- santes qui formèrent et occupèrent tout cet ancien et vaste lit de l’Ariége , plus large que ne l’est aujourd’hui la Gironde aux ap- proches de l’Océan. Alais alors pourquoi n’y a-t-il sur cet étage que des cailloux quartzeux ? Pourrait-on admettre que les alluvions à cette époque choisissaient leurs débris dans les montagnes , comme un géologue choisit ses échantillons? Non , assurément, non ; et on ne saurait mettre en doute qu’à l’époque où ces grandes eaux ont pu déta- cher de leur gîte ces blocs quartzeux , elles n’aient arraché et en- traîné pêle-mêle , comme aujourd’hui , des blocs de toute nature et de toutes les montagnes. S’il n’y a plus sur cet étage que des blocs quartzeux , c’est que ceux-là seuls sont inaltérables et absolument indestructibles, tan- dis que tous les autres ont subi cette décomposition lente , cette destruction inévitable à laquelle nous avons vu , dans le deuxième étage, la plupart de ces roches maintenant soumises. Ceci démontre 830 SÉANCE DU 17 MAI 18/î7, au géologue que ce troisième étage est beaucoup plus ancien que le deuxième , et le deuxième plus ancien que le premier, puisque la destruction des roches décomposables est déjà terminée dans Fé- tage supérieur pendant que cette décomposition, qui marche à grands pas dans le second étage , est à peine commencée sur quel- ques blocs dans Fétage inférieur. D’un autre côté , l’agronome va reconnaître encore ici que Fétat des terres est exactement en rapport avec Fétat géologique du sol. Et en effet , les terres de cet étage supérieur sont beaucoup moins fertiles et beaucoup moins estimées que celles du premier et du deuxième étage ; leur taux , dans le pays , est moindre de plus de moitié ; c’est qu’elles offrent une composition minérale beaucoup plus simple ; c'est qu’il n’y a plus guère de minéraux décomposables contenant de la potasse , de la soude , de la ma- gnésie , du calcaire , etc. , et qui puissent livrer à la végétation ces éléments précieux, l’ont ce cpie ces terres possédaient jadis de semblable est presque totalement évanoui , disparu , absorbé par les milliei s de plantes qui ont successivement vécu sur le sol à ses dépens , et par les eaux qui Font mille fois lavé et complètement lessivé (1). En un mot, ces terres sont épuisées, et on ne leur rendra leur fécondité primitive cpie par un amendement complet , et du reste facile à exécuter dans les conditions heureuses où elles se trouvent à cet égard. En résumé , on voit comment les terres d’alluvion de la vallée de FAriége peuvent se distinguer d’une manière générale en trois classes naturelles , correspondant aux trois étages géologiques de la vallée. On voit que les terres de Fétage inférieur seront , toutes choses égales d’ailleurs , les plus fertiles et les plus durables. On voit que les terres de Fétage moyen offrent aussi des sols produc- tifs , mais à un degré moindre, et plus variables d’une pièce à une autre, et pour une durée beaucoup moindre. On voit enfin pour- quoi les terres des étages supérieurs sont , en général , beaucoup moins estimées et moins productives. Voilà, je puis le dire, la règle générale. On conçoit, il est vrai. (1) Je ne parle ici que des terres d’anciennes alluvions de Fétage supérieur, et non de quelques terres qui sur cet étage reposent sur des roches en place, et dont la nature est alors en rapport avec la composition de ces roches; ni de quelques terres qui longent les ruis- seaux que l’on rencontre sur cet étage, terres qui sont alors de véri- ritables alluvions modernes, et qui, en effet, sont en général extrême- ment fertiles. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 8âi i qu’elle admette des exceptions ; mais il sera toujours facile de s’en rendre compte. Ainsi dans l’étage inférieur, au milieu de ces ter- rains précieux , on trouve aussi des sols de faible valeur, par exemple des sols surchargés de galets ou qui sont même de vérita- bles graviers , parce c[u’ils résultent en effet d’une accumulation de galets non encore tîécomposés , par conséquent plus ou moins dénués de terre végétale, et dès lors impropres à la culture. Ailleurs ce seront des terres de nature celluleuse d’après leur con- stitution géologique , mais remplies d’eau , et par là rendues im- propres à la culture , impropres même à être converties en prairie. Mais ne voit-on pas combien il est facile, dans l’iin et l’autre cas, de corriger et amender de tels sols, et de les convertir en terres aussi productives que celles qui couvrent en général tout ce pre- mier étage ? Ceci posé , il va m’être facile de donner sur la nature des terres de Guilhot un aperçu exact et précis. A l’exception de quelques champs et de quelques bois qui sont sur l’étage moyen , toutes les terres dépendant du domaine de Guilhot sont comprises dans l’étage inférieur de la vallée de l’A- riége et peuvent être indiquées, pour la plupart, comme des types de la meilleure qualité de terre qui soit dans le pays. Toutefois quelques unes de ces terres sont mouillées, et récla- ment un assainissement dont l’exécution n’offrira d’ailleurs au- cune difficulté. Mais, après les travaux d’assainissement, on devra jeter sur ces terres qui , en ce moment , sont acides et surchar- gées d’humus , une bonne proportion de cliaux vive , k hectolitres au moins par hectare pendant cinq ou six années consécutives, et ce seront pour longtemps ensuite les meilleures terres du domaine. Quant aux pièces qui sont sur le second étage (étage moyen de la vallée) , elles sont aussi d’une lionne nature , et , à vrai dire , elles ne réclament encore aucun amendement. Toutefois il sera bon de leur donner un marnage d’ici à quelques années , et la marne qui se trouve dans le domaine , cpioic{ue plus riche en ar- gile qu’en calcaire , suffira parfaitement pour ce sol , et d’autant qu’elle est très à portée du point où il s’agit de l’employer, car elle est dans l’escarpement qui monte du premier au second étage. £/? somme , j’ai reconnu , et la géologie permet de démontrer que les terres du domaine de Guilliot sont dans des conditions ma- gnifiques de culture , et qu’avec quelques réparations faciles et peu dispendieuses on les amènera au plus haut degré de perfec- tion et de fécondité que les meilleurs sols puissent atteindre. l** Au point de vue de la géologie agricole , cette étude dé- 832 SÉANCE DU 17 MAI 1847. montre que V épuisement des terres^ tel que les agronomes l’ont de tout temps admis sans se l’expliquer, mais que les savants ont plu- sieurs fois classé parmi les erreurs et les préjugés populaires , parce qu’ils ne pouvaient pas s’en rendre compte , est dans beaucoup de cas la chose la plus simple et la plus positive. On voit que cet épuisement tient surtout à la décomposition d’une partie des ma- tières minérales qui constituent le sol ; 2° que pendant tout le temps que dure cette lente décomposition minérale , la végétation en retire une alimentation active et puissante ; 3° que, lorsque cette décomposition est terminée , il ne reste dans le sol que des ma- tières inertes , incapables de fournir aux plantes des éléments de nutrition , ce qui oblige alors le cultivateur à donner à la terre des engrais beaucoup plus abondants et plus complexes , jusqu’à ce que, par un amendement géologique convenable, il rende à sa terre les éléments naturels de son ancienne fécondité. 2“ Enfin , pour la géoAogie pure , cette observation démontre que nos grandes vallées n’ont pas été creusées d’un seul trait, mais bien par des causes qui ont agi à des époques très différentes, ce qui au reste vient confirmer, par une observation matérielle et palpable , toute ma théorie du creusement des vallées à plusieurs étages, telle que je l’ai présentée à l’Académie des Sciences, en 1831 , et telle que je n’ai cessé depuis de la professer dans mes cours et dans mes ouvrages ( voir mon Manuel de géologie , p. 21Zi , 4® édition , mon Recueil d’itinéraires en France (Course de Lyon à Grenay) , et surtout le Bulletin de la Société géologique , l*"® série , t. IV, p. 376. M. Frapolli donne lecture du Mémoire suivant ; Faits qui peuvent servir à V histoire des dépôts de gypse , de dolomie et de sel gemme ^ par L. Frapolli. .l’ai eu l’honneur, dans la dernière séance , d’exposer à la So- ciété la série de formations sédiinentaires qui se rencontrent dans les plaines ondulées du pays subliaercynien septentrional. J’ai in- diqué dans cette occasion le gisement général de leurs couches pour chaque époque géologique. Pendant la période carbonifère , les différents groupes monta- gneux primitifs ou de transition émergeaient , comme des îles , du milieu des mers du nord de l’Europe. La Tliuringe et les grandes plaines de F Allemagne étaient sous les eaux. Depuis lors , il s’est déposé dans ces pays à peu près tons les terrains sédiinentaires ; St^ANCE DU 17 MAI 18/17. 833 de Donibreiises époques d’agitation successives y ont laissé leurs traces. 11 en est résulté un ridement général des couches qui rem- plissaient les diftérents bassins ; et ce ridement a été proportionnel avec l’étendue des soulèvements , et avec la profondeur ou la forme des réservoirs. Nous en avons étudié les différentes circon- stances dans le golfe subliærcynien , mais nous avons vu en même temps, par de rapides excursions au-delà de nos limites, qu’elles ne lui étaient pas exclusivement propres , qu’au contraire ce môme mode de gisement des couches secondaires se reproduisait , à quel- ques modifications près, dans la Timringe et dans tout le nord des pays germaniques. Nous avons également vu en passant que ces formations sédi- mentaires postérieures aux terrains primaires renfermaient de nombreux massifs de gypses , de dolomies ou de calcaires magné- siens , et de sel gemme. Plusieurs de ces derniers dépôts acquiè- rent , par leur étendue et par leur multiplicité , une grande im- portance industrielle. Les études cjue j’ai été obligé de faire dans un but géologicpie , m’ont conduit à m’en occuper tout spéciale- ment. Nous verrons, par la suite de ce mémoire , que sous le rap- port de leur origine et sous le point de vue scientifique , leur im- portance n’en est pas moins grande. Dans l’étendue de la carte géographique que j’ai exécutée , entre le Ilarz, le lluy et le Hackelwald , depuis Hettstaedt jusqu’à Wernigerode , les gypses se présentent en plus de vingt endroits différents et isolés. Des dolomies ou des calcaires magnésiens et des sources salées indiquant des dépôts de sel gemme les accom- pagnent le plus souvent ; on y rencontre aussi des anhydrites. Ces roches se trouvent répandues en égale abondance dans tout le pays de Brunswick , dans la Thuringe , et jusque dans les profondeurs des plaines septentrionales, d’où les gypses percent quelquefois sous forme de collines arrondies. § 1. Gisement des gypses dans les pays qui entourent le Harz. On y trouve du gypse intercalé entre toutes les formations secon- daires sans distinction , soit en petites masses isolées , comme gé- néralement dans le golfe subhærcynien , soit en grands dépôts , comme en Thuringe, où on le voit affleurer sur les limites des massifs du muschelkalk et keupriques, et entourer de sa muraille abrupte tout le côté méridional des montagnes du Harz , qu’il ren- ferme comme dans un immense croissant. Le gypse a toujours les caractères d’un dépôt en couches ; il est Soc. géol,, 2® série, tome IV. 53 83/l SÉANCE DU 17 MAI 1847. toujours stratifié , et sa stratification est toujours parallèle avec la stratification des dépôts dans lesquels il est enclavé.. La direction et l’inclinaison de ses couches est toujours conforme aux lois géné- rales de gisement qui dominent dans le pays. Elles occupent tou- jours la position qu’elles devraient occuper, si la roche dont elles se composent n’était point du gypse, mais bien du calcaire, et du cal- caire appartenant à la formation qui le renferme. Ce n’est que dans des points très restreints que la stratification du gypse manque réel- lement ; mais si l’on a soin de bien étudier tout un massif gyp- seux , on parvient presque toujours à en découvrir les traces d’un côté ou de l’autre. Lorsque cette stratification n’est pas très appa- rente , il faut l’attribuer soit à la grande puissance que possèdent les couches de gypse dans certains cas , ce qui fait qu’on ne peut les observer que là où la roche est suffisamment à découvert , soit à son état de fracturement , soit à son peu de dureté et à sa solubi- lité. Car il suffit que des masses gypseuses restent pendant quelque temps à découvert dans des carrières abandonnées , pour que les molécules du gypse les plus voisines de la surface, dissoutes par les eaux de pluie ou entraînées mécaniquement après l’enlèvement de celles qui les rattachaient à la roche mère , finissent par établir sur les parois une sorte d’enduit , fort mince à la vérité , mais qui suffit pour effacer souvent à l’extérieur jusqu’aux apparences de la stratification. Ce qui est le plus singulier, c’est une légère efferves- cence que cet enduit , dans quelques rares circonstances , présente au contact des acides , comme si un excès d’acide carbonique ren- fermé dans l’atmosphère ou dans les eaux de pluie eût pu , sous des influences qui nous sont inconnues , se substituer à une petite partie de l’acide sulfuricjue. Dans tous les massifs de gypse que j’ai visités , aucun excepté, j’ai pu reconnaître distinctement la stra- tification ; partout , sur les flancs du Dorn , sur l’ Asse , et près de Egeln , au milieu du Huywald et près de Sandersleben , aux abords du Harz comme sur la croupe du Sewecken , aux pieds du Kifïhàuser et dans le pays du Hanôvre , j’ai pu m’assurer qu’elle est en rapport régulier avec le gisement général des couches du pays. Ma carte géologique de la contrée subhærcynienne , et son explication que je me propose de publier en Allemagne , appor- teront des preuves nombreuses et frappantes de ce fait fonda- mental. Dans la seule partie ‘du bassin comprise par cette carte , on voit du gypse appartenant aux formations du zechstein, du grès bigarré, du muschelkalk , des marnes irisées et de la craie. On en connaît ailleurs dans le Jura. Le gypse de ces différentes formations n’est 835 SÉANCE DU 17 MAI 1847. pas seulement caractérisé par son gisement , mais il l’est encore par son aspect minéralogique particulier. Ce fades ne permettrait pas, il est vrai , de distinguer deux écliantillons limites expressément choisis, mais, employé sur les lieux et sur de grandes masses , peut être regardé comme un moyen de reconnaissance empirique à peu près sûr, comme une donnée à peu près certaine pour réta- blissement de leur âge. Les caractères minéralogiques des différents gypses , leur couleur, leur éclat, et surtout leur structure générale et caractéristique , se rapprochent par une ressemblance marquée de ceux des calcaires des formations respectives. De nombreuses cavernes { schlotten) , dont les dimensions sont très variables , mais qui généralement sont plus étendues dans les gypses de la formation du zechstein que dans les autres, se trouvent répandues abondamment dans tous les gypses et dans tous les mas- sifs. Leur forme , qui est celle d’un corridor voûté , et constitué comme par une suite de renflements arrondis , et s’étendant au loin , même à des niveaux quelquefois fort différents , au milieu de la masse , ressemble beaucoup à celle que finiraient par acquérir des fentes dans lesquelles se serait établi un courant d’eau. S’il y a une règle générale dans les dimensions de ces cavernes , c’est qu’elles sont proportionnelles avec l’ancienneté et la masse du gypse ; ainsi c’est dans la formation du zechstein qu’on rencontre les plus étendues ; celles de la formation du muschelkalk se rap- prochent beaucoup plus de la forme de simples fentes élargies ; celles du gypse crétacé ne sont presque plus que des fentes. C’est là la règle générale. Dans les parties où le gypse du zechstein, comme dans le Mannsfeld et dans les environs de Rothleberode , est rendu tout à fait schisteux par l’intercalation de nombreux feuillets de bitume , on remarque que ces feuillets sont tous en saillie , quelquefois même de 2 à 3 et û centimètres en dehors du reste de la masse, qui est comme érosée. L’ensemble des caractères que présentent ces cavernes qui , en grande partie , affectent une marche horizontale ou à peu près , indique assez que leur origine n’a rien de commun avec celle du terrain lui-même , et qu’on ne saurait en aucun cas les rapprocher des cellules plus ou moins petites, quelquefois même assez grandes, qui caractérisent si généralement les rauchwackes et les calcaires dolomitiques , et qui, comme nous le verrons, sont dues à des causes toutes différentes. M. Virlet , qui s’est beaucoup oc- cupé de la formation des cavernes , admet comme une des princi- pales causes de leur production , les mouvements de l’écorce ter- 836 SÉANCE DU 17 MAI 1817. restre et l’érosion des eaux (1). C’est à ces deux agents que je crois devoir attribuer le creusement de ces grottes , et principalement à la facilité avec laquelle le gypse , malgré son peu de solubilité , est démoli par les eaux de pluie qui s’infdtrent dans les fissures. Cette démolition , cjui , comme nous bavons indiqué plus haut , se fait en même temps par dissolution et mécaniquement , est si ra- pide , qu’un fort barrage construit en pierres de taille gypseuses , et que j’ai vu dans les environs de Rotbleberode, était à peu près dé- truit , quoiqu’il ne comptât qu’environ dix-buit mois d’ancienneté. La large et profonde vallée de circonvallation qui entoure au midi les montagnes du Harz , et qui les sépare des plateaux de la Tbu- ringe , est due pour la plus grande partie à cette action , qui s’est continuée pendantle cours des différentes périodes géologiques, qui se continue encore de nos jours et qui est assez forte et assez rapide pour rendre dangereux et précaires les établissements placés au-des- sus. Les dénudations et les dépôts diluviens n’ont fait qu’y égaliser le sol et en recouvrir les aspérités après les diverses périodes et dans la mesure de leur puissance. Toute cette grande vallée est parse- mée de fontis et de petits lacs ou étangs , qui ne sont dus qu’à l’écroulement partiel du sol, miné en dessous par l’empiètement des cavernes. Plusieurs de ces mares sont remplies d’eau salée, ce qui nous indique la présence du sel dans les profondeurs , qui subit, lui aussi , à plus forte raison , l’effet des eaux courantes. Le Mannsfeld, les environs de Rotbleberode , de Ellricli, de Saebsa, présentent une foule d’exemples de ces phénomènes. Il n’y a que quelques années qu’une ferme entière des environs d’Uftrungen a disparu par une cause semblable dans les abîmes souterrains. En dehors de ces propriétés générales, et qui leur sont com- munes à tous , les gypses de ces contrées se partagent principale- ment , sous le rapport de leur gisement , en deux groupes bien tranchés. Quelquefois seulement des circonstances exceptionnelles paraissent établir une espèce de passage entre ces deux groupes. Premier groupe. — Gypses plus récents , placés parmi les dépôts du trias dans le muschelkalk et au-dessus ou au-dessous de cette jor- ination , et gypses du Jura et de la craie. — Dans ces formations on voit souvent les dépôts calcaires passer au gypse dans leur partie inférieure , tandis que leur partie supérieure est entièrement con- stituée par du carbonate de chaux ; le passage entre ces deux sub- stances est chimiquement et minéralogiquement tranché ; mais (1) Mémoire inséré au Bulletin , séance du % mars 1833. SÉANCE ÜÜ 17 MAI 18/l7. 837 les lignes géologiques de contact présentent toutes sortes d’ondula- tions, et souvent elles traversent plusieurs couches. Quelquefois encore on ne voit dans ces gypses que des espèces d’amandes cal- caires qui y sont renfermées ; dans ces cas , la stratification ou la schistosité se continue également et sans dérangements à travers ces amandes , et dans la roche encaissante ; seulement elle est plus marquée dans le calcaire c|ue dans le gypse. Des parties d’anhy- drite plus ou moins considérables , entièrement enveloppées et em- pâtées dans le gypse, s’y trouvent souvent associées. Les gypses de ce groupe ne se suivent pas dans toute l’étendue des formations ; on ne les rencontre que dans quelques points iso- lés des dépôts secondaires , au bord septentrional du massif pri- maire hærcynien ou bien dans les axes dénudés des rides de plis- sement , et quelquefois encore , lorsque ce plissement a été très fort, au fond des vallées de séparation (1). Ils y forment alors quel- quefois des rendements considérables. Dans les intervalles des rides, même là où les profondes fractures des grandes vallées transver- sales découpent et mettent à nu toute 1 étendue des formations , aucune trace de gypse n’est visible, à l’exception de quelques petits cristaux renfermés quelquefois dans les marnes du Jura ou créta- cées et dans les lignites , et qui , dus d’abord à l’écho des causes générales , ont pris , suivant toute apparence , leur forme actuelle postérieurement et par des induences organiques. Cette loi du gi- sement des gypses récents au bord des anciennes îles primaires du Harz et de Magdeburg , et dans les axes des rides , c’est-à-dire partout où une solution de continuité de la croûte superdcielle peut avoir eu lieu, partout où des fissures ont pu établir une com- munication de la surface avec l’intérieur, est si régulière , si con- stante , qu’en suivant de l’œil sur une grande carte géologique générale du pays , comme serait celle de Hoffmann , la position des petits massifs de gypse qui y sont marqués par une couleur propre , on peut en déduire avec certitude les limites de ces îles , le nombre et la marche des rides du terrain. En Thuringe , où la dislocation peu apparente du sol ne permet pas aux couches de re- présenter le ridement avec la même régularité, on peut suivre le gypse qui affleure autour des massifs , à la partie inférieure du muscheikalk ou des marnes irisées. En résumé , le gisement des gypses du deuxième groupe est tel qu’on ne peut se refuser d’ad- mettre que leurs couches sont placées dans le prolongement des (1) Ce dernier cas n’est qu’exceptionnel et bien rare. Il a lieu , par exemple, aux environs de Westdorf, près d’Aschersleben. 838 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. couches calcaires des formations resjDectives qu’on voit un peu plus loin , et qu’elles n’en sont que la continuation. Cette transforma- tion dans la nature d’une même couche peut quelquefois se suivre matériellement; elle ressort toujours de l’ensemble des conditions stratigraphiques. Dans le Huywald , au Sewèckenberg près de Padeborn, sur différents points du bord septentrional du Harz, etc. , refait se présente avec la plus grande évidence. Le gypse le plus jeune que j’ai rencontré dans le pays est celui de Süderode et de Stecklenberg. Se développant en couches très fortement inclinées vers le sud , et s’appuyant immédiatement par leurs tranches redressées sur la grauwacke, renfermé entre le mas- sif primaire et la ceinture à section doublement triangulaire du trias , ce gypse représente, par toutes les circonstances de son gise- ment, la continuation et la limite extrême des couches du plæner- kalk brisées, renversées, et interrompues, par le cataclisme post- crétacé , par le soulèvement des dépôts inférieurs , et par les dénu- dations successives (1). Près de Stecklenberg, la carrière à gypse est ouverte dans un petit massif isolé, dont les couches supérieures, plongeant à environ 70“ vers le midi, sont minces , presque schis- teuses et noirâtres , tandis que la partie inférieure du dépôt consiste en une masse blanchâtre tirant un peu sur razur, opaque , et à grain fm , et ressemblant assez , par son faciès , à la craie des cou- ches épaisses inférieures du plænerkalk , qui , dans son état natu- rel , est souvent surmonté par des couches marneuses , se rappro- chant assez , par leur aspect général , des couches noirâtres que nous venons d’indiquer. Dans cette masse inférieure , on voit ré- pandus assez fréquemment , mais sans ordre établi , des noyaux d’une substance brune et molle comme de la stéatite , semblables , par leur forme , par leurs structure et cassure , et par le mode de leur gisement , aux silex qu’on trouve à quelques centaines de mè- tres plus loin , également répandus dans le plæner, où ils ont très souvent remplacé des polypiers du genre des Scyphia. La ressem- blance dans la structure de ces corps va si loin , qu’autour de tous les noyaux renfermés dans le gypse on remarque cette même au- réole d’un blanc de lait et à texture lâche , qui caractérise les silex de tous les terrains , et que l’on sait être de la silice à un état mo- léculaire différent ; mais , comme tout le reste du noyau, cette en- veloppe n’a ici qu’une dureté très faible. La seule dissemblance (1) Topographie géologique des collines subhærcyniennes. (Voyez p. 727 du Bulletin de cette année , séance du 3 mai , et la petite coupe qui est jointe au même Mémoire.) 839 SÉANCE DU 17 MAI 18^7. qu on trouve entre les véritables silex et ces corps est , en dehors de la dureté , dans l’éclat ; les silex sont traosparents ou translu- cides; ceux-ci sont opaques et leur éclat est mat. Une analyse soi- gnée de la matière de ces noyaux , exécutée dans le laboratoire et sous les yeux du célèbre Henri Rose , a donné une formule ana- logue à celle de la stéatite. Les substances élémentaires s’y trou- vent combinées dans les proportions suivantes : Magnésie Oxidule de fer. . . Silice Carbone. ...... 30,976 0,639 62,964 4,083 98,662 Composition qui est extrêmement remarquable , surtout si l’on a égard à ce qu’une telle quantité de silice et de magnésie se trouve dans des corps complètement isolés au milieu d’un gypse très pur, et qui ne renferme à peu près de commun avec eux que le carbone. D’après les réflexions de M. Rose , ce carbone qui les colore pro- vient d’une certaine quantité de bitume, et la coloration disparaît promptement par l’action du feu. Des noyaux analogues sont éga- lement parsemés dans la masse du gypse de Süderode et de Gern- rode , qui sont placés sur la même ligne que celui de Stecklen- berg (1). J’ai trouvé , dans ce même gypse de Stecldenberg , deux échan- tillons de corps entièrement composés de sulfate de chaux hydraté, mais ayant des dimensions et des formes parfaitement semblables à celles des Spntangiis , généralement un peu écrasés , qu’on ren- contre abondamment dans le calcaire crétacé [Plaener-Kalk)^ au- delà de l’espèce de coin triasique qui est venu briser la continuité du dépôt. Je possède ces deux échantillons , que j’ai abattus moi- même du milieu de la masse inférieure. D’autres traces de ces mêmes corps étaient clairement visibles sur la paroi du gypse lors (1) Des noyaux pareils, mais roulés et généralement en fragments à angles émoussés, se trouvent en même temps que des petits galets de gypse à la partie supérieure de la même carrière de Stecklenberg et dans d’autres endroits , dans le limon (Zc/z/?/) appartenant à l’un des terrains meubles qui recouvrent le pays. Il est inutile de dire qu’ils ne sont pas en place. Ce n’est pas, du reste, la première fois qu’on signale des faits ana- logues. Freiesleben en avait indiqué l’existence , pour d’autres locali- tés , il est vrai , il y a longtemps. SàO SÉANCE EU 17 3IAI IS/j?. de ma première visite. Mais ils ne doivent pas s’y trouver très fréquemment ; car y étant revenu plusieurs fois par la suite , il ne m’a plus été donné d’en apercevoir. Second groupe. — Gypses plus anciens appartenant à la forma- tion du zechstein. — D’après des plans de mines du Mannsfeld , ils sont, dans ce pays, régulièrement interstratifiés entre des cal- caires et des dolomies auxquelles roches ils passent transgressive- ment et comme si c’étaient des couches alternantes d’argile et de grès. Ces gypses ainsi séparés d’une manière tranchée des dépôts qui les encaissent, paraissent s’étendre sans interruption sons forme de larges lentilles à la manière d’un grand sédiment neptu- nien parfaitement développé et régulier, dans le Mannsfeld et sous les massifs triasiques de la Thuringe , tout aussi bien que dans les profondeurs du pays , entre le Harz et le plateau de Mag- deburg. Ainsique le calcaire bitumineux du zechstein, le sel et les rauchivaches magnésiennes qui les accompagnent , et avec les- quels leurs lentilles se trouvent comme enchevêtrées , sont placés au-dessus des minces bandes de schistes cuivreux qui recou- vrent le rothliegendes , et qui sont remplies d’empreintes de poissons ayant succombé apparemment en grande quantité à une époque donnée. Pas plus que ces roches qui leur sont asso- ciées, ils ne renferment, à ce que j’ai pu apprendre, aucune trace de corps organisés fossiles ; c’est même cette circonstance qui avait fait donner à l'ensemble de ces dépôts le nom depénéen (1). Les gypses de zechstein sont généralement marbrés en blanc jjleuâtre ou noirâtre par des veines bitumineuses se fondant dans la masse , et quelquefois le bitume s’y est concentré en de nom- breux feuillets qui les rendent schisteux dans le sens de la stratifi- cation ; c’est ce qui a lieu notamment au bord méridional du Jiarz , là où se développe cette grande ceinture gypseuse qui , par les conditions toutes spéciales de sa position , paraît participer aux caractères de ce groupe et du suivant. (1) Ce nom , remplacé en Angleterre par celui de système rnagné- sifère, qui ne désignait que l’ensemble des formations du zechstein, et qui n’était fondé que sur une propriété locale, n'a pu se soutenir lorsqu’en Russie MM. de Verneuil et Murchison ont trouvé des terrains analogues, mais très riches en fossiles, et ne présentant aucunement les mêmes circonstances. Dès lors le nom de pénéen , qu'on avait voulu généraliser à tout le terrain, est tombé ; ceux de zechstein , de jormation magnésienne , et de rothliegendes n’ont plus indiqué que des subdivisions , et tout le système a reçu le nom de terrain per- mien. SÉANCE DE 17 3iAl 18A7. S/rl § 2. Quelle est lu nature géologique et V origine présumable des différents gypses subhœrcyniens? Théorie de leur jorniation. La manière d’être des gypses que nous venons d’étudier, leur stratification constante et constamment conforme aux lois du gise- ment général , leur intercalation toujours régulière parmi les for- mations de sédiment , éloignent toute idée qui pourrait leur faire attribuer, dès l’origine , une nature complètement étrangère à ces derniers dépôts. En vérité, après de tels faits on ne sait comprendre comment un géologue plein de génie et un véritable praticien, feu Hoffmann , trop tôt enlevé à la science qu’il avait illustrée , a pu soutenir que le gypse n’était jamais stratifié , mais que c’était une roebe plutonienne arrivée à la surface par soulèvement , de l intérieur de la terre. Et pourtant il avait étudié ces mêmes gyi)ses et il s’était surtout fondé sur la manière d’être des gypses récents î Exemple remarquable des erreurs auxquelles une idée fortement préconçue peut conduire les esprits , même les plus éelairés , et les observateurs les plus babiies I Gypses plus récents du premier groupe. — Que si , d’un autre côté , l’on réfléebit sur les circonstances qui accompagnent la pré- senee des gypses du groupe le plus récent au nord du Harz ; que si l’on observe son passage aux couebes calcaires qui l’entourent , et dont il n’est souvent que le prolongement ; si l’on songe que le gypse de ces formations ne se rencontre cju’à la limite la plus im- médiate du flarz primaire, ou bien là où les couebes des sédi- ments calcaires approchent des axes de relèvement des rides, et partout où il a pu se former des fentes dans le sol, où une commu- nication avec l’intérieur était possible ; que très souvent la partie inférieure d’un dépôt est complètement en gypse , tandis que la partie supérieure est encore en calcaire ; si l’on se rappelle l’as- pect particulier et caractéristique de chaque gypse , et les rap- ports de ce faeies avee la structure habituelle du calcaire des for- mations respectives ; si l’on n’oublie point ces noyaux singuliers qui , par leurs propriétés et par leur gisement, sont bien évidem- ment des anciens silex transformés en une nouvelle combinaison par l’addition d’autres éléments ; si l’on se représente enfin ces corps spatangiformes, ces débris de têts calcaires d’autrefois, chan- gés eu gypse , et se trouvant dans des couebes qui , par leurs carac- tères stratigrapbiques , appartiennent à la craie reposant plus loin et qui les renferme encore en abondance V origine métamor- phique de CCS roches devient un axiome clair et incontestable. SÉANCE DU 17 MAI 18^7. 8/i‘2 Après tout cela , et après ce qu’en ont dit plusieurs d'entre les maîtres de la science , l’on croit rêver en songeant que , de nos jours encore, quelques géologues, et même des personnes d’un mérite très élevé , ne voyant ces dépôts que dans leurs détails , considèrent les gypses du nord de r/iiiemagne , les uns , comme étant un sédi- ment purement neptunien , les autres, comme une roche pluto- nienne ; les comparant à une série de piliers qui , sortis à l’état pâ- teux de l’intérieur de la terre , auraient redressé les couches environnantes. Il est donc vrai , à ne plus en douter, qu’en premier lieu , les gypses récents de notre pays ont été autrefois des calcaires bien et dûment déposés dans la profondeur de mers où des corps organi- ques ont pu vivre , et que , ainsi que le prouve la présence des silex métamorphosés , ces calcaires étaient déjà déposés et parfaitement solidifiés ; car, d’après l’aspect de ces corps siliciformes , leur pre- mier changement en silex a dû être complètement achevé et dé- veloppé lorsque le second a commencé ; qu’en second lieu , ce métamorphisme des couches calcaires en voisinage des fentes de la croûte terrestre, sur la limite extrême des difïérents bassins, a dû s’opérer par l’influence d’une substance quelconque sortie de l’in- térieur pendant les bouleversements d’une époque d’agitation pos- térieure , et que d’après ce qui résulte de l’ensemble du gisement général des terrains, ce cataclisme et ces changements sont arrivés dans ces pays après la fin de la période crétacée. Les gypses de ce groupe seraient donc le produit d’un métamor- phisme par la voie sèche ^ s’étant fait sur des couches déjà solidi- fiées et très probablement émergées. La vérité de cette proposition devient encore plus évidente si l’on observe c|ue, par suite des lois d’après lesquelles se fait le relèvement d’un bassin , en même temps que les couches qu’il renferme se plissent et forment des rides , les parties sous-jacentes de l’écorce terrestre sont obligées de se frac- turer, et peuvent même en être détachées. Les substances volatiles ou gazeuses , dégagées par le refroidissement des couches du bain intérieur, ont pu donc arriver facilement de cette manière jusqu’à atteindre la surface inférieure et convexe des formations plissées , par lesquelles , lorsqu’elles étaient imperméables aux gaz , ces substances ont été amenées, comme sous des envelo]ipes de che- minée, jusqu’aux ouvertures extérieures à la limite des massifs de transition , ou bien aux fentes qui , dans les axes des rides , s’étaient ouvertes par suite du brisement dû à la quasi-rigidité des couches plissées. Les conditions géologiques rendent donc , à mon avis , l’origine SÉANCE DU 17 MAI ISA?. 8A3 métamorphique de ce groupe de gypses , par des émanations de l’intérieur, tout à fait incontestable; nous allons examiner s’il y a moyen de se rendre compte de la manière dont le changement s’est opéré. Nous avons un fait , tâchons de l’expliquer. Le premier restera, il est l’expression de la nature; les hypothèses par les- quelles nous cherchons à l’éclaircir sont à prendre ou à laisser ; elles sont tout simplement l’expression de notre opinion propre. La transformation du calcaire en gypse par une influence pre- nant sa source dans les eflets généraux de la chaleur centrale peut s’expliquer chimiquement de plusieurs manières. Berzélius, ce géant de la terre Scandinave , ce génie profond et bienfaisant de la Suède, dont toutes les nations lui sont jalouses, me disait un jour, dans un de ces entretiens intimes où il lui plaît de se mettre au niveau des plus humbles adeptes : « Donnez-nous une substance » renfermant du soufre , admettez l’arrivée de vapeurs de soufre , » sidfiueuses ou sulfhydriques , admettez la présence du cal- » caire , et de l’eau à la surface ou dans l’atmosphère , et nous au- » rons toujours du gypse avec la plus grande facilité. » Parmi ces diflérentes explications, j’en ai choisi une, et j’en ai émis la pre- mière idée dans une note alleihande qui a été insérée dans les Annales de Poggendorff (1). L’abondance des vapeurs d’eau qui se dégagent des volcans et des laves, et qui fait supposer l’existence de l’oxigène et de l’hydrogène en dissolution dans les matières du bain intérieur; l’invraisemblance et les inconvénients que présen- terait l’admission de l’acide sulfhydrique comme cause originaire des dépôts de gypse lorsqu’ils sont accompagnés de sel marin (2) ; la grande stabilité de l’acide sulfureux , propriété qui était bien nécessaire pour que le phénomène prit s’opérer facilement au mi- lieu de la haute température qui a du. régner dans ces crevasses de l’abîme , m’ont fait adopter ce dernier corps comme agent princi- pal de la gypsification. Quelques géologues ont mis en doute la production de l’acide sulfureux par les volcans actuels ; mais , outre que cette circon- (1) T. LXIX , p. 481 , 4® division de 1 846. (2) On connaît la promptitude avec laquelle le chlore décompose l’acide sulfhydrique en produisant un dépôt de soufre. Nous verrons plus tard que lorsque le gypse est accompagné par le sel gemme et par les calcaires magnésiens , il a dû y avoir du chlore mis en liberté à l’époque de sa formation. Dans ce cas, il ne se serait donc point formé de gypse , mais tout simplement un dépôt de soufre. Or, c’est précisé- ment le soufre qui , dans les gypses du zechstein qui sont toujours associés au sel, se fait remarquer par son absence. SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. Sà/i stance , si cela était réellement , n’impliquerait aucune impossibi- lité à ce qu’il s’en soit dégagé autrefois , car ce ne serait point la jnemière ni la dernière SLd3Stance dont l’émission ne se reproduit plus de nos jours; il n’y a pas de fait en géologie qui me paraisse mieux établi que celui-ci. On sait, en effet, que les vapeurs d’eau, le gaz chlorhydrique et les éicides sulfureux et sulhydrique sont les principales substances gazeuses qui émanent des volcans, et que ces deux derniers dominent alternativement dans les éruptions. Ce fait a été encore tout nouvellement constaté par un des savants les plus distingués de l’Allemagne, M. de Waltershausen , qui m’a dit avoir observé , pendant son long séjour autour de l’Etna , l’émis- sion d’abondantes vapeurs d’acide sulfureux dans plusieurs localités de ce terrain volcanique. Les gaz proeluits par les volcans sont d’ailleurs très variables. On sait , par exemple , que Humboldt et M. Boussingault n’ont trouvé aucune trace d’acide hydrochlorique ni de sel gemme dans les volcans des Cordillères et au pic de Ténériffe ; tandis que , d’après M. Abich , ce sel se dépose en pe- tite quantité au Yésuve et à l’Etna, et qu’il est très abondant et accompagné d’acide hydrochlorique dans le cratère de Yuîcano. Ici , l’acide sulfureux n’y serait c[u’en très petite cjuantitc et acci- dentellement, tandis c[ue , comme nous avons vu, il paraît très abondant à l’Etna , et cj^u’il ne s’en dégageait point du Yésuve lorsque M. Girard, de Berlin, a visité ce volcan. Ce même gaz semble également être assez commun dans certains cratères d’Amé- rique , car Humboldt l’a observé sortir violemment de la crevasse du volcan de Puracé (1). C’est d’ailleurs chose connue que le dé- gagement d’un gaz donné se fait , dans un seul et même volcan , par périodes irrégulières et intermittentes. Nous supposons donc cpie des vapeurs abondantes de gaz sulfu- reux , ayant une très haute température , et rampant au-dessous des couches imperméables et recourbées du fond des bassins de plissement , soient arrivées jusqu’au contact des tranches calcaires qui formaient les abords des fentes récemment ouvertes , et encom- ]jrées dans leur partie supérieure par récroulement des matériaux. Ces vapeurs auraient remplacé l’acide carbonique des calcaires, dont la combinaison est si peu stable ; leur transformation en acide sulfuricjue aurait eu lieu aux dépens de celui que nous venons de nommer. Gêné par sa tendance à s’échapper par la puissance ele la pression qui le maintenait malgré la chaleur , l’aeide carljonique , en présence d’une base qui lui échappait et d’un acide qui récla- (I) Ann, de chini., H'’ série, t. XXVII, p. 113. SÉANCE DU 17 MAI lSll7 , 8/i5 niait d’être propre à s’en emparer, contraint par la pression, par la base , par l’acide rival , par la température peu convenalile à son organisation , se voyait forcé de céder à son compétiteur une partie de son oxigène , heureux de pouvoir s’échapper à l’état d’oxide de carbone lorsque la force de combinaison ne s’ajoutait plus à la pression pour le retenir. Les formules suivantes représentent la transformation que nous venons d’indiquer : ^ C 02 — 0 = 00 ) S 02 -f 0 = S 03 j = C0-1-S03, et en définitive, nous avions avant la métamorphose : S02 + Ca0,C0^; nous avons après : Ca 0 , S 03 + G 0. Mais l’acidification a pu aussi se faire exceptionnellement et peut-être dans des endroits où l’acide carlionique avait été déjà chassé par la chaleur, aux dépens de l’acide sulfureux lui-même ; c’est du moins ce à quoi portent à conclure les grumeaux de soufre qu’on trouve parfois , quoique rarement , renfermés au milieu de ce gypse , et dont M. F.-L. Ilaussmaim, minéralogiste très dis- tingué et fils du savant de Gœttingue , a trouvé de beaux échan- tillons. Il est arrivé dans ce cas que trois molécules d’acide sulfu- reux se sont décomposées pour donner lieu à deux molécules d’acide sulfurique et à une molécule de soufre (1). 3S02=2S03 + S Nous avions avant : 3 S 02 4- 2 Ca 0, G 0^ Nous' avons après : 2Ga0,S03-fS + 2G02 (1) M. Axel Erdman , de Stockholm , me rappelait à ce propos que lorsqu’on laisse pendant longtemps de l’acide sulfureux en contact avec de l’eau distillée, il se produit non seulement de l’acide sulfurique, mais qu’il se fait en même temps un petit dépôt de soufre. G’est un cas analogue; la base est là , elle veut se marier; elle dit à l’acide : Transforme-toi, complète-toi, afin que tu puisses t’unir à moi ; et l’acide s’exécute. 8Zi6 SÉANCE DU 17 MAI 18Zi7. Tl ne faut pas oublier toutefois que l’action simultanée de la chaleur et d’un grand nombre de corps simples peut décomposer l’acide sulfureux ; que l’hydrogène et le carbone , par exemple , agissent sur lui , même au-dessous de la chaleur rouge ; qu’il ne serait donc pas improbable que les petits dépôts de combustibles végétaux ou quelques parties du bitume disséminé dans les roches aient pu , lors du métamorphisme par la voie sèche , et dans des endroits soumis à une haute température , être remplacés par du soufre (1), Les noyaux et les parties en anhydrite que renferment souvent les masses de ces gypses du deuxième groupe nous montrent assez qu’ils n’ont pas été formés tout d’abord par la voie humide, et que l’agent gypsogène n’a pu produire par lui-même que du sulfate anhydre. L’iiydratation a pu avoir lieu de deux manières , soit immédiatement par l’intervention des eaux superficielles qui peu- vent avoir pénétré à l’époque même du métamorphisme , soit plus tard par une transformation lente de l’anhydrite en gypse s’avan- çant de la surface vers l’intérieur, au moyen de l’humidité de l’atmosphère et sous l’empire de circonstances qui ne nous sont pas complètement connues (2). L’existence de cristaux prismatiques (1) Ce que nous venons de dire là ne peut s’appliquer qu’aux petits nids de soufre qui se trouvent renfermés dans les masses gypseuses. Les grands dépôts de cette substance, tels que ceux de la Sicile, ainsi que Humboldt l’a indiqué pour des dépôts ignés actuels de l’Amérique, paraissent bien plutôt être le résultat de la réaction directe des émana- tions terrestres entre elles. Aussi c'est aux environs des volcans, là où il se dégageait en même temps de l’acide sulfureux et de l’acide sulfu- rique, que ces dépôts sont le plus abondants. Nous citerons à ce sujet un fait observé près de l’Etna par M. de Waltershausen , qui prouve assez que ce métamorphisme du calcaire en gypse, par la voie sèche, n’est pas une chose si extraordinaire ni exclusive aux périodes éloignées de nous: « La formation du soufre, m’écrivait-il, s’élève du milieu du » terrain tertiaire de CaltaniseUa, Girgenti et Cattolica. Les calcaires » de ce terrain sont souvent changés en gypse , et ce gypse est la con- » tinuation des couches calcaires. Le gypse est en outre traversé par » des filons de soufre; ce qui se voit très fréquemment près de Cattoli- ï) ca, et dans différentes mines de Girgenti. « (2) Il est difficile de constater cette transformation par des expé- riences directes ; car lorsque nous prenons de l’anhydrite en morceaux ou même en poudre, et que nous la laissons exposée à l’humidité de l’atmosphère , elle n’est nullement attaquée, pas même dans un temps très long. Gest qu’il arrive ici ce qui est très commun lorsqu’il s’agit de la décomposition des roches, comme, par exemple, des granités, que tant que ces masses sont attachées à la roche mère, la décomposi- SÉANCE DU 17 MÂT 18/l7, 8/l7 droits , dans lesquels on peut voir clairement un passage graduel du gypse qui en forme la partie extérieure à l’anliydrite dont se compose le noyau , me paraît donner à ce fait toute la certitude désirable (1). Les renflements parsemés de distance en distance , qui rendent irrégulières les rides du terrain dans le golfe subliærcynien, et qui en font comme de longues séries de protubérances renfermant quelquefois des cirques; ceux qui constituent, par exemple, les bosses du Seweckenberg , du Hackel, du Huy, du grand Fallens- tein , de l’Asse , etc., sont dus à la transformation du calcaire en aniiydrite et à cette hydratation ; ils ont été produits après la for- mation des rides, et ce sont des espèces d’accidents locaux qui ne dépendent point directement des mouvements généraux de l’écorce (2). tion progresse avec une rapidité beaucoup plus grande, et que lors- qu’on les isole du contact de la terre, elle s’arrête brusquement. (1) Ce fait, que j’avais observé sur des cristaux appartenant à l’École des mines de Paris, m’est confirmé par M. Hugard , qui m’a assuré que le cabinet de la Sorbonne en possède également. Le mélange d’anhydrite et de gypse, prouvé par les analyses de M. Stromeyer, aurait pu être expliqué par l’insuffisance de la quantité d’eau présente au moment de la gypsification. Mais ce dernier phéno- mène de cristaux ayant les formes de l’anhydrite , et qui ont commencé leur transformation par la surface, ne me paraît pouvoir être interprété que par l’hydratation postérieure. Cette même hydratation progressive de l’anhydrite s’observe en grand près de Bex. Elle n‘a pas échappé à M. Élie de Beaumont, qui, dans sa notice sur les salines de ce pays , en \ 824 , décrivait ce gise- ment de la manière suivante : « Près de Bex, on trouve dans le cal- » Caire deux couches courtes, et d’une épaisseur considérable, d’anhy- » drite saccharoide , qui , près des surfaces exposées à l’air, est trans- )) formée en gypse , et qui , en quelques points, est imprégnée de mu- )> riate de soude, et contient même des petites masses de sel gemme, » quelquefois fibreux. » On ne peut s’empêcher de reconnaître, à ces lignes, le jeune observateur décrivant avec une exactitude scrupuleuse des dépôts qui, dès lors, lui paraissaient anormaux, mais qui, en même temps, voulait s’abstenir soigneusement de toute idée théorique prématurée. (2) M. Élie de Beaumont, appliquant à cette question la méthode rigoureuse dont il a doué la géologie , a indiqué la cause et calculé l’étendue de ce gonflement, qui est la suite de l’épigénie et de l’hy- dratation , et qui s’ajoute aux autres considérations pour venir confir- mer par le fait l’hypothèse de l’origine métamorphique : ft L’épigénie, à laquelle peut être attribuée l’anhydrite, dit-il, consiste » en ce que , dans tous les atomes dont se composait une masse calcaire , SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 818 Gypses plus anciens du deuxième groupe. — La stratification pa- rallèle de ce genre de gypses intercalés en grandes lentilles, mais régulièrement dans les formations sédimentaires , le développe- ment de leurs dépôts dans la TJiuringe et dans le Mannsfcld , où ils paraissent s’étendre en lentilles entre des couches calcaires ou dolomitiques sur toute la surface du bassin , ne permet pas de les attribuer à un métamorphisme postérieur et par voie sèche des couches calcaires. Ces gypses ne paraissent point renfermer natu- rellement d’anhydrite; si on trouve de cette substance dans la ceinture hærcynienne du midi , comme près de Lauterberg , par exemple , c’est que là il y a eu action complexe. Leur stratification » l’atome d’acide carbonique a été remplacé par un atome d’acide sulfu- )) rique, de sorte que chaque atome Ca C de carbonate de chaux dont le » poids était 6.32,456 est devenu un atome de sulfate de chaux Ca S, pe- » sant 857,184. De là il résulte que chaque mètre cube de calcaire, » dont le poids est de 2750 kilogrammes, aura produit 3727 kilo- » grammes d’anhydrite. Or, comme la pesanteur spécifique de l’anhy- » drite est 2,9, 3727 kilogrammes de cette substance occuperont un » volume de 1"\2852. x\insi l’hypothèse de l’épigénie entraîne, comme )) conséquence, celle d’un gonflement dans le rapport de 1 à 1,2852, )) ou de^j^y^. La congélation de l’eau est accompagnée d’un gonflement » de seulement, et ce gonflement suffit pour faire crever les vases » les plus solides. Le gonflement, presque quatre fois aussi considé- » rahle d’un calcaire changé en anhydrite , doit de même avoir fait » éclater et avoir soulevé les parties superposées de l’écorce terrestre, )) circonstance qui s’accorde de la manière la plus frappante avec le » gisement de l’anhydrite en amas des Alpes et des Pyrénées, qui » occupe généralement des centres de dislocation plus ou moins » complètement analogues à des cratères de soulèvement. )) Que si un atome de calcaire est changé en un atome de gypse )) hydraté Ca S-}- 2 >t, qui pèse 1 082,1 43, il doit en résulter un gonfle- » ment bien plus grand encore. La pesanteur spécifique du gypse étant )) 2,332, un mètre cube de calcaire, qui pèse 2750 kilogrammes, )) donnera 4705 kilogrammes de gypse, qui occuperont un volume de » 2™, 01 77 ; ainsi le gonflement sera de plus de moitié. Ce résultat est » également en accord avec la position ordinaire des gypses des Alpes )) et des Pyrénées , dans des centres de dislocation , et même avec celui )) des gypses des marnes irisées, dont les amas se présentent généra- » lement avec des formes et des positions indiquant une sorte de force V éruptive qui, du reste, pourrait déjà résulter de la seule introduc- » tion de l’eau dans de l’anhydrite contemporaine du terrain. » (Bull, de la Soc. géol. de France ^ t. YIII , séance du 6 mai 1 837, et Mém, jnur servir à une descript. géol. delà France, t. I, p. 148.) SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 8/4^) est en même temps plutôt marquée par la position du dépôt et par la schistosité que par des véritables couches , ou du moins elles sont si puissantes qu’on a beaucoup de peine à les reconnaître. Ces derniers faits , et surtout les circonstances nombreuses de .gisement que nous avons indicjuées plus haut , s’accordent beaucoup mieux avec l’idée d’une production contemporaine à leur dépôt au fond des mers. Car, si nous supposons cjue des fentes se trouvaient au fond de l’ancienne mer du zechstein , et que de ces fentes il sortait du gaz sulfureux ; cjue ce gaz avait le pouvoir ee former un pré- cipité de gypse ; que ce précipité a fini par boucher les fissures du sol , et qu’à une époque donnée ces soupiraux , par suite de nou- veaux mouvements de la croûte terrestre , se sont réouverts , la stratification presque régulière et alternante des gypses ne nous paraîtra plus extraordinaire. Ce mode de formation par la voie humide se conçoit du reste encore plus facilement que celui par la voie sèche. Lorsqu’on ajoute de l’acide sulfurique en excès dans une dissolution de car- bonate de chaux , il se fait un précipité, et l’acide carbonique est mis en liberté; cette action est beaucoup plus énergique lorsqu’il s’agit tout simplement d’une dissolution d’oxyde de calcium, et elle peut être encore singulièrement favorisée par la présence ou par l’intervention d’autres éléments. Du carbonate de chaux se trouve en dissolution dans prescjue toutes les eaux ; il s’en trouvait dans les eaux de cette époque , et même , à l’aide d’une plus grande quantité d’acide carbonique , probablement en plus grande abon- dance qu’aujourd’hui. Il a pu encore s’en trouver tout d’abord formant le test de mollusques qui devaient bientôt périr, ou les ca- rapaces de milliards d’infusoires qui , tant qu’il n’y avait pas d’ex- halaisons délétères , ont dû habiter ces anciennes mers , comme ils sont venus peupler les mers crétacées, où le célèbre Ehrenberg nous les a fait connaître. L’acide sulfureux , arrivant de l’intérieur de la terre , se transformait au même moment , par le contact de l’eau et en présence de l’oxygène qu’elle tenait en dissolution en acide sulfurique. La mise en liberté d’une quantité proportion- nelle d’acide carbonique et la formation immédiate d’un précipité de gypse en étaient les suites naturelles et nécessaires. Nous ver- rons plus bas que cette action a dû être singulièrement favorisée par la présence de plusieurs autres substances élémentaires. L’ab- sence à peu près absolue de fossiles qu’on remarque dans les gypses ainsi que dans toute la formation du zechstein , vient s’ajouter aux autres circonstances qui donnent à notre hypothèse de l’émis- sion du gaz sulfureux dans les profondeurs des anciennes mers une Soc. géol. , 2® série , tnme IV, 850 SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. orande vraisemblance. Dès la première apparition de ce gaz , Tor- ganisation a dii disparaître (1). Sur les pentes méridionales du Harz et sur tout le pourtour de ces montagnes , comme dans le pays du Mannsfeld ou dans les axes des rides , et partout où le nouvel élargissement post-crétacé des sou- piraux a permis aux émanations métamorphosantes d’arriver en- core une fois jusqu’à la surface , cette action récente paraît avoir exercé , elle aussi , son influence sur les formations permiennes. Dans ces cas spéciaux , le métamorphisme par la voie sèche s’est ajouté au métamorphisme par la voie humide ; alors les couches du zechstein proprement dit ont été elles- mêmes partiellement attaquées , et les limites de ce dépôt et du gypse qui lui est subor- donné deviennent indécises et ondulées (2). Outre ces deux groupes de gypses , il y a encore dans le pays des gypses fibreux, transparents ou colorés , répandus en grande abon- dance entre les couches des marnes irisées ou dans le fentes qui les traversent ; et des gypses cristallisés , soit confusément à grandes parties, soit en beaux fers de lance remplissant des fentes ou des petites cavernes dans les masses gypseuses ; enfin du gypse en petits cristaux isolés dans les argiles jurassiques ou crétacées, ou qui se développe en petites l oses sur la surface des lignites pyriteuses ex- posées à l’air. La nature, la position et les circonstances qui accom- (1) Il est vrai que Humboldt a trouvé que le sel peut produire , par sa seule concentration dans les eaux, un effet semblable ; car il chasse l’air qu’elles contenaient, et les poissons finissent par ne plus pouvoir respirer [^Auu. de chim. et de jihys,, t. XII , p. 300. 1819); mais ce n’est pas à cette action lente qu’on peut attribuer la destruction immé- diate d’une quantité de poissons aussi grande que celle dont on voit les débris dans les schistes cuivreux, et la cessation au même instant de toute vie animale dans ces mers. (2) Toute la Thuringe paraît avoir subi, avec le reste du nord de l’Al- lemagne, le grand mouvement post- crétacé ; aussi les calcaires des couches triasiques y sont-ils attaqués, mais là seulement où les gaz étaient conduits par des fentes et retenus par la pression d’un toit non perméable. Les gypses se sont donc toujours développés, soit à la partie inférieure du muschelkalk , soit à la partie inférieure des keupers. Après avoir traversé le grès bigarré , ils se répandaient sous le muschel- kalk , et l’ayant traversé à son tour par quelques fentes , ils en faisaient de même sous les marnes irisées. Cette circonstance que la partie su- périeure du muschelkalk n’est attaquée en général que là où elle est recouverte par le dépôt marneux qui vient après, nous prouve que la dénudation de ce pays était déjà faite en grande partie lors du mouve- ment des Pyrénées. SÉANCE DU 17 MAI 18Ü7. 851 pagnent le gisement de ces gypses , leur assignent une origine secondaire au milieu des dépôts déjà formés, et par des causes dont l’action peut, en grande partie, se continuer de nos jours. Ce sont , pour la plupart , des productions dues au jeu régulier des éléments pendant les périodes de tranquillité, et dont nous n’avons pas à nous occuper pour le moment. § 3. Gisement et origine présumable des dolomies du pays suhhœrcynien. Les dolomies^ et plus souvent les calcaires plus ou moins magné- siens^ accompagnent les gypses dans toutes leurs phases. D’après les plans des mines du Mannsfeld, la raucliwacke et les cendres dolo- initiques se trouvent interstratifiées avec des calcaires au-dessus ou au-dessous des gypses permiens et origine aqueuse. Elles y forment de vastes dépôts et reparaissent au loin dans les pays environnants. On les trouve également accompagnant les gypses récents et leur faisant passage , mais en petites masses , au bord septentrional du Harz et dans plusieurs points des axes des rides. Comme les gypses, les calcaires magnésiens des différents âges se distinguent par un faciès particulier qui se rapproche de celui des calcaires des formations res- pectives. Us sont presque toujours percés par un grand nombre de cellules , et portent ainsi les traces du passage des substances vola- tiles. La stratification de ces roches , lorsqu’elles accompagnent le gypse produit par la voie sèche , n’est pas toujours bien distincte ; mais leur gisement ne permet pas de douter de leur passage au gypse et au calcaire pur de la formation à laquelle ils appartien- nent. Cependant cette stratification est quelquefois très prononcée ; cela se voit notamment au Seweekenberg, où, étant avec M. Gus- tave Rose , j’ai pu remarquer à peu de mètres de distance la suite des mêmes couches minces ondulées qui d’abord étaient en gypse, et plus loin se changeaient en calcaire magnésien et en muschel- kalk pur. D’après les faits que nous venons de décrire , on Fa compris , nous sommes portés à attribuer aux dolomies et aux calcaires ma- gnésiens une origine métamorphique analogue à celle des gypses. Mais nous avons la preuve matérielle de cette hypothèse. Les cal- caires magnésiens sont souvent fragmentaires, ce qui est encore en relation avec ce mode d’origine que nous leur assignons. Or, il arrive que des fois, comme dans le petit massif de calcaire magné- sien crétacé qui surmonte le gypse entre Süderode et Gernrode , tout près de l’enceinte des jardins de cette dernière ville, les bords 852 SÉANCE DU 17 MAI ISllJ , des fragments qui limitent les fentes sont en calcaire magnésien très celluleux , brun et hérissé de petits cristaux rhomhoédriques , tandis que le noyau de ces mêmes fragments est en calcaire pur ; ce dernier, à une légère teinte jaunâtre près, ressemble en tous points au calcaire crétacé quelque peu siliceux du même étage , qu’on voit à quelque distance dans la plaine , et qui ne renferme pas la moindre parcelle de magnésie. La transformation est dans ce point tellement avancée , que toute trace de stratification en a été effacée. M. Gustave Rose, à qui je montrais ces faits , ne pou- vait se défendre de l’étonnement en voyant combien tout cela était évident. Des analyses de cette roche , également exécutées dans le laboratoire et sous la direction de son illustre frère , ont donné : N® 1 . Calcaire crayeux jaunâtre de Süderode formant le centre des fragments. Carbonate de chaux. . ,Ca C = Silicate de chaux. . . Ca Si = Alumine Al = Oxyde de fer ¥e ~ Silicates insolubles. . . = Ces derniers silicates sont composés de : si = 6,001 Re -f Al = 2,510 Ca r= 0,980 9,491 N® 2. Calcaire brun cristallin^ saccharoïde et celluleux., qui forme les bords des fragments ou qui les trai>erse en veines. Carbonate de chaux. . . . Ca C =- 87,570 Silicate de chaux Ca Si — 00,597 Silice Si = 00,210 Alumine Al Oxyde de fer. ÿej 0,427 Carbonate de magnésie. . MgC = 11,270 100.074 88,760 0,330 0,353 1,060 9,490 99,993 SÉANCE m 17 MAI 18/i7. 853 La première variété de la roche , celle qui forme le noyau des fragments où les substances volatiles n’ont pu pénétrer, ne renferme donc point de carbonate de magnésie ; c’est de la craie pure , ne renfermant qu’en viron 9 pour 100 de silicates insolubles, comme le plæner des environs. La deuxième variété , celle qui constitue l’enveloppe de ces fragments, qui ont de 0'“,05 à 2 ou 3 déci- mètres de diamètre , et qui est en contact immédiat avec les fis- sures qui amenaient les émanations de l’intérieur, ne renferme point de silicates d’alumine et de fer ; ces derniers y paraissent remplacés par une plus grande proportion de silicate de chaux et par de la silice pure , et au lieu de cela on y remarque plus de 11 pour 100 de magnésie carbonatée. Cette dernière roche n’est donc point encore une véritable dolomie ; c’est un calcaire magné- sien , une dolomie en voie de formation. La cessation de l’émission des gaz avant que la métamorphose complète fût achevée , par un fait semblable à celui de ces insectes fossiles frappés par la mort au moment de leur accouplement , nous a permis de surprendre la nature dans son laboratoire. Et quel laboratoire que celui de la nature ! Que de phénomènes que nous, pauvres pygmées, parcelles infinitésimales du grand Tout, nous efibrçons plus ou moins mala- droitement d’expliquer, et que nous ne saurions jamais reproduire I S’ensuit-il qu’il faille nier ces mêmes phénomènes? Je ne le crois pas. J’aime alors mieux rester dans la conscience de mon insuffi- sance, en m’inclinant devant la majesté de Funivers, que de me creuser le cerveau pour bâtir des systèmes impossibles. § 4. Du sel gemme dans le nord de V Allemagne et de son origine probable. La présence du sel dans ce pays est hors de doute ; mais, quoique cette roche y forme très probablement de grands dépôts dans les profondeurs, il est à peu près impossible de faire des observations assez sûres et qui puissent nous éclairer complètement sur ce sujet. Les sources salées sont très fréquentes dans tous les pays qui envi- ronnent le Harz , mais elles tarissent lorsqu’on s’interne dans les schistes et les grauwackes. Ainsi que le gypse et les calcaires ma- gnésiens , les sources salées se rencontrent , soit à la limite des montagnes de transition , soit là où des grandes fentes , espèces de puits artésiens naturels , permettent aux eaux pluviales de remon- ter à la surface. Naturellement on les trouve en règle générale dans les fonds les plus bas du sol. En raison de sa solidiilité , le se gemme en nature n’est visible aucune part à la surface ; mais on 85A SÉANCE DC 17 MAI 18A7. l’a atteint par des forages à Artern , au milieu de la Thuringe, et ailleurs. On vient même d’en découvrir un gîte très puissant à de grandes profondeurs dans les environs de Brunnswick. îl paraît S'étendre en grandes lentilles, à la manière des anciens gypses, dans le bassin profond du système permien supérieur. On dirait qu’il y repose, comme tout autre sédiment marin régulier, entre des dépôts de nature différente. Les eaux d’infdtration l’amènent de ces abîmes jusqu’à la surface. Je ne connais point de sel, dans le pays, qui puisse être réuni au groupe des gypses récents ; mais nous savons^ par les belles observations d’un des premiers savants de F Allemagne, que du sel a pu exister autrefois associé au gypse, même là où l’on n’en trouve plus aujourd’hui (1). Nous n’avons donc point de preuves directes qui nous condui- sent à attribuer à une cause exceptionnelle l’origine des sels sub- hærcyniens. H y a évidemment et il y a eu du sel gemme déposé par l’évaporation de bras de mer séparés de l’Océan, ou de lacs intérieurs; et les voyages de Humboldt dans l’Asie nous ont fait connaître l’étendue immense que peuvent avoir pendant une seule période de tranquillité « les effets d’un manque d’équilibre entre » l’évaporation, et le volume d’eau qui est amené par les affluents » et les précipitations de l’atmosphère (2). >» Les adeptes de Werner, et Hassenfratz en premier lieu, avaient ad- mis exclusivement cette origine. M. Mathieu de Dombasle, dans les Jnnales des mines pour 1821 , allait plus loin ; il attribuait à l’éva- poration des lacs , même d’eau douce , mais sans issue , le dépôt des conciles salines et gypseuses, et il espérait arriver à déterminer la durée absolue d’un dépôt par les alternances de ces coucbes et des bandes marneuses ou argileuses dues aux inondations pério- diques. C’est cette même thèse de la production du sel en couches par dévaporation des eaux stagnantes qu’a soutenue également , mais avec des vues d’ensemble, M. Angelot, dans un Mémoire empreint d’une vaste érudition , c{u’il a consigné dans notre Bulle- tin (3). Cette explication, dont la vraisemblance me paraît démon- (1) Dans un de ses nombreux et profonds travaux sur les métamor- phoses, M. Haidinger a démontré que des cristaux de sel gemme ont laissé leurs traces au milieu des formations gypseuses de Paris, qui, de notre temps, ne présentent plus aucun vestige de cette substance. (2) Asie centrale , t. II, p. 4 43. (3) T. XIV, p. 356. M. Hommaire de Hell, qui a visité après Humboldt le bassin aralo-caspien , et qui vient de publier un grand et bel ouvrage sur ces pays, attribue également les terrains et étangs salés, et les dépôts SÉANCE DU 17 MAI 18^7. 855 trée pour tous les sels stratifiés qui ne se trouvent pas en lentilles enchevêtrées , associés avec des gypses, des dolomies et du soufre , ne peut suffire pour les cas très nombreux où ces dernières roches les accompagnent. La simple évaporation ne saurait former des lentilles ayant sans intermédiaires la puissance énorme qu’on re- marque dans certaines masses salines de F Allemagne. Mais s’il y a beaucoup de sel qui est déposé par l’effet de l’évaporation , il y en a aussi qui est en relation avec les phénomènes volcaniques ; telle paraît être, par exemple, la grande source salée que M. R.us- segger, le savant voyageur de l’Orient, a observée sur File de Alilo, dans un sol volcanique, et près d’une solfatare (1). D'ailleurs je ne saurais admettre que le sel en général se soit trouvé à l’origine tout formé à la surface. Pour celui de F Allemagne, l’analogie de gisement avec le gypse me fait conclure à une analogie de forma- tion. Cette supposition s’accorde également avec l’origine présumée des dolomies ; elle en acquiert et donne en même temps à cet ori- gine une plus grande vraisemblance. § 5- Essai (Vune explication rationnelle de la formation des calcaires magnésiens et du sel dont nous venons de parler. Les circonstances géologiques nous prouvent que les calcaires magnésiens sont, comme les gypses, d’origine métamorphique. Toutes les probabilités se réunissent encore pour indiquer que le sel gemme intercalé entre ces autres dépôts de l’ancienne forma- tion du zechstein est dû à des causes peu différentes. Ce fait est incontestable pour les gypses et pour les dolomies ; il est vraisem- blable pour les sels. Nous serions trop heureux de pouvoir parvenir à l’expliquer en démontrant sa nécessité par des considérations salifères superficiels des plaines au nord-ouest de la mer Caspienne et de certaines localités des environs de la mer Noire, au dessè- chement de ces plaines, occupées autrefois par une mer plus vaste, qui se serait opéré à la suite d’une évaporation lente, inconstante dans ses résultats, et donnant lieu à de nombreuses oscillations dans l’étendue de cette mer, jusqu’à la fixation complète de la limite des eaux actuelles. Les eaux des étangs et des lacs, séparées alternative- ment du bassin de la mer à la manière de certaines limanes actuelles de la mer Noire, devenaient toujours plus salées par les inondations succes- sives qui apportaient des eaux salines , et par l’évaporation qui les dis- sipait pendant les grandes chaleurs de l’été [Les steppes de la mer Caspienne , le Caucase, la Crimée et la Russie méridionale, par M. X. Hommaire de Hell, t. III , chap. xi). (•1) Noue. ann. de géol, et min. de Leonhard et Bronn, pour 1840. 856 SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. tliéoriques. Malheureusement les conditions chiiniques et phy- siques cjui ont accompagné rorigine de ces roches nous sont trop peu connues , et nous en sommes réduits à faire des hypothèses sur les corps qui se trouvaient réellement en présence à ce mo- ment, sur leur état, sur la température à laquelle ils étaient sou- mis , etc. Ce serait donc de la présomption que de vouloir bâtir une théorie complète sur ce sujet. ÎMais nous pouvons essayer, même d’après nos connaissances actuelles , de répondre à quelques chimistes et à quelques géologues , qui , en se fondant plutôt sur leurs connaissances propres et théoriques que sur une étude patiente de l’état des lieux et de la nature, ont traité , je crois , avec trop peu de faveur les opinions encore susceptibles de développement , il est vrai , de M. de buch , et celles qui ont attribué certaines dolomies à une métamorphose par la voie humide. Dolomies accompagnant les gypses formés par ^wie sèche. — Ar- rêtons-nous aux dolomies proprement dites , aux dolomies com- plètes. Nous supposerons, avec M. Elie de Beaumont, que dans ces roches un atome de dolomie, Ca 0 , C 02 -f Mg 0 , C 02, a remplacé deux atomes de calcaire CaO, C02 + CO, C02; ce qui , du reste , est parfaitement en rapport avec l’état fragmen- taire que présentent les calcaires magnésiens (1). A quel état la (1) Nous ne pouvons nous empêcher de rappeler, à ce sujet, les paroles que M. Élie de Beaumont prononçait dans la séance de notre Société du 6 mars 1837, qui relient d’une manière remarquable l’as- pect géognostique de ces roches dans la nature, avec les spéculations chimiques que l'on peut faire sur leur origine « L’hypothèse qui attribue à une épigénie l’origine des dolomies » caverneuses et fendillées, telles que celles du Tyrol et de Nice , se » prête, elle aussi, comme celle de l’épigénie des gypses, au contrôle » des calculs atomistiques. Une partie des Polypiers qui existent (à »Gerolstein, Eiffel) dans le système silurien se trouvent à l’état de «dolomie cristalline et caverneuse, et ont cependant conservé leur » forme générale , et même des traces reconnaissables des dessins déli- » cats de leur surface. Ces Polypiers, primitivement calcaires, ont )) donc évidemment subi une épigénie qui, quel que puisse avoir été « l’agent chimique qui l’a produite , a amené une légère diminution « plutôt qu’une grande augmentation de volume. On satisfera pleine- r> ment à cette condition en supposant que l’épigénie qu’a eu à subir la SÉANCK DU 17 MAI 18/17. 857 magnésie peut-elle s’être ainsi introduite dans la masse même des calcaires? Difficilement à l’état solide. On croyait autrefois c|ue la cémentation de l’acier se faisait par une compénétration des molé- cules solides de deux corps mis en contact à une température donnée; mais après le Mémoire classique de M. Le Play (1) , une telle opinion n’est plus discutable. D’ailleurs la magnésie ne pour- rait être arrivée de l’intérieur de la terre à l’état solide. Malheu- reusement la magnésie elle-même et son carbonate sont fixes , et nous ne connaissons aucune combinaison magnésienne qui soit complètement volatile. La plupart des chlorures sont volatiles , d’autres se fondent sans qu’il nous soit possible de les vaporiser ; et le chlorure de magnésium est précisément dans ce dernier cas. Mais le point de volatilisation est . comme celui de fusion , très variable , et il se pourrait très bien c|ue ce qui n’est pas volatil dans nos laboratoires , le fût bientôt à des températures un peu plus élevées. C’est pourquoi nous ne saurions rejeter complètement l’idée que le carbonate de magnésie ait pu être rendu gazeux. Quant au chlorure de magnésium , il est en notre pouvoir de le rendre volatil ; il suffit pour cela de le placer dans des conditions )) substance calcaire primitive de ces Polypiers a eu finalement pour » résultat de remplacer chaque double atome de carbonate de chaux » Ca C -f- Ca G, pesant 1264,912, par un atome de dolomie » Ca C Mg C , pesant 1 1 67,246. Dans ce mode d’épigénie, 1 mètre » cube de calcaire, pesant 2750 kilogrammes, aura donné 2537'"'', 6 » de dolomie; et la pesanteur spécifique de la dolomie étant 2,878, » ces 2537‘'‘‘,6 auront occupé un volume de 0"h88175. Ainsi il y » aura eu retrait, et les interstices laissés par l’épigénie auront eu un » volume de 0'",1 1 825 ou d’environ de celui de la masse calcaire » transformée. Ce résultat répond pleinement à l’état caverneux de la » dolomie des Polypiers de Gerolstein , et de plus, il répond aussi à » l’état si remarquablement caverneux et fendillé de ces masses colos- » sales de dolomie du Tyrol, de Lugano, de la Franconie, etc., pour « lesquelles l’hypothèse de l’épigénie a été proposée depuis longtemps )) par M. Léopold de Buch. « {Bull, géol., t. VIII.) (1) La cémentation de l’acier était une pierre d’achoppement pour toutes les théories chimiques; c’était une anomalie au grand précepte connu jusque là par les alchimistes : corpora non agimt nisi soliita (*à l’état liquide ou gazeux). M. Le Play, en prouvant qu’elle se fait à l’aide de l'oxyde de carbone, a fait rentrer ce phénomène dans l’ordre des lois naturelles ; il a produit à ce sujet une véritable révolution dans les idées. (Vovez le Mémoire de M. Le Play, Ann. des mines, 3« sér-, t, XIX, p. 267. 1841.) 858 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. où des vapeurs ou des gaz puissent rentraîner mécaniquement par leur courant. Dans la nature, les dolomies portent reinpreinte du passage des gaz ; elles sont presque toujours associées aux gypses , et ceux-ci sont accompagnés de sel marin. Le chlore n’a donc pas été bien étranger à la formation de ces terrains ; et , d’un autre côté , les gaz sulfureux qui ont formé le gypse ont pu entraîner la magnésie qui se serait trouvée dans les profondeurs à l’état de chlorure. Il a dû en résulter dès lors avec le calcaire une double décomposition partielle ; nous avions : Mg, Ch2 + âCaO, C02; il s’est fait : CaO, G02 -f MgO, C02,' plus une molécule du chlorure de calcium qui , étant déliques- cent , ne saurait plus se trouver dans les roches de la surface. Dolomies et sel accompagnant les gypses anciens formés par voie hiunide. — L’association des gypses , des calcaires magnésiens ou dolomies , et du sel marin, en lentilles alternantes et s’enchevêtrant réciproquement dans la formation du zechstein , nous prouve que ces dépôts pouvaient se former indifféremment à peu de distance et peut-être même contejnporainement dans la même mer. Cela s’explique parfaitement , si nous supposons la présence dans les eaux des carbonates de soude et de chaux , et l’émission simul- tanée d’émanations d’acide sulfureux et d’acide hydrochlorique ou de chlore avec du chlorure de magnésium par les soupiraux existant au fond de la mer ; et si l’on admet que l’abondance re- lative de chacun de ces corps a varié souvent pendant le cours des émanations, tantôt l’acide sulfureux étant prépondérant, tantôt le chlore , tantôt le chlorure de magnésium. Ce qui devrait résulter d’un pareil mélange de corps qui se trou- veraient en présence dans un liquide aqueux , à une température bien certainement au-dessus de la chaleur tenq>érée et dans des proportions variables , est clair pour tout le monde. Le chlore , lorsqu’il existe, viendra en aide à l’oxygène de dissolution; il complétera l’oxidation de l’acide sulfureux aux dépens de l’eau. Les carbonates de soude et de chaux , attaqués dans les eaux où ils se trouvaient en dissolution ou en suspension , par les acides chlorhydrique et sulfurique , se décomposeront en partie, et il se 859 SÉANCE DU 17 MAI 1847. dégagera de l’acide carbonique. La soude pouvant former avec le chlore un sel moins soluble que la chaux , c’est sur lui qu’elle se portera de préférence ; par la même raison , la chaux se combinera plutôt avec l’acide sulfurique ; l’hydratation du sulfate anhydre , favorisée par la présence des eaux , se fera au même moment. Le chlorure de magnésium , inattaquable au milieu d’un excès de chlore, remplacera plus loin une partie du calcaire. Suivant Ta- bondance locale de l’acide sulfurique , du chlore ou du chlorure de magnésium , il se formera du gypse , du sel ou des dolomies. Un genre d’action une fois commencé, il se développera jusqu’à ce qu’une grande diminution dans la quantité du gaz agissant , ou l’abondance croissante d’éléments différents , viennent changer les conditions ambiantes. Yoici , réduites à leur plus simple expression , les réactions qui ont dû se passer, et, j’ose le dire , que, d’après l’ensemble des phénomènes de gisement et géologiques , nous pouvons affirmer s’être passées au fond des anciennes mers permiennes ou au milieu des formations plus récentes disloquées de l’Allemagne du centre et septentrionale. Ces réactions s’appuient et s’expliquent mutuel- lement. L’émanation des gaz sulfatisants et du chlore ou de l’a- cide hydrochloriqiie a rendu possible l’arrivée des vapeurs magné- siennes ; l’intervention du chlore ou de l’acide hydrocblorique a facilité l’oxydation de l’acide sulfureux et la décomposition du cal- caire. La présence d’autres éléments , tels que le potassium , le brome , l’iode , le bore , le sélénium , etc. , qui ont dii également accompagner, mais en de petites quantités , les émanations méta- morphosantes , ont pu compliquer, mais non altérer, la marche générale du phénomène. Le carbonate de soude étant soluble , se trouvait abondamment dans les mers du zechstein ; il s’y est fait d’énormes dépôts de sel. INe pouvant exister dans les roches plus récentes qui étaient déjà solides , émergées, et exposées de- puis longtemps à l’action des eaux atmosphériques , le sel n’a pu s’y produire ; les vapeurs de chlore ou d’acide hydrochlorique se sont alors répandues dans l’atmosphère et ont été absorbées par les eaux. C’est pourquoi le chlorure de sodium accompagne le gypse de voie humide et manque à côté du gypse de voie sèche , comme l’anhydrite se trouve plutôt au milieu de ce dernier et ne se montre avec le premier que dans les cas complexes où les deux actions se sont ajoutées (1). (1) D’après la manière dont se comporte le sulfate de chaux avec la chaleur, l’anhydrite a pu encore, dans certains cas, être le résultat 860 SÉANCE DU 17 MAI 18Zi7. Nous finirons ce paragraphe par une remarque qui pourra don- ner lieu peut-être à quelques réflexions. C’est la superposition presque sans exception et dans toutes les formations , des calcaires magnésiens et des dolomies au-dessus du gypse , tandis que le sel se trouve généralement à la partie inférieure. L’explication de ce fait, dont je ne sais pas assez jusqu’à quel point il soit général, est beaucoup plus facile dans le métamorphisme par la voie sèche que dans celui par la voie humide. § 6. Concliisio/t. La discussion que nous venons d’engager se rattache de bien près à celle du métamorphisme des roches en général. Si je vou- lais rappeler ici tous les savants qui , de près ou de loin , et sous des points de vue différents , ont traité de ces questions , je sorti- rais bientôt du cadre de ce Mémoire. Car le nombre des géologues qui s’en sont occupés , et même de ceux qui ont adopté partielle- ment des idées plus ou moins analogues, est très grand. Dès 1779, Arduino , frappé par les conditions de gisement des dolomies , et malgré l’état où se trouvait alors la chimie , et l’ignorance com- plète oii l’on était à l’égard de la véritable composition des corps , avait positivement annoncé , dans un journal paraissant à Venise, que la dolomie , qu’il croyait alors être de la magnésie (1) , n’était due qu’à une altération du calcaire. M. de Bucli , de son côté , conduit par l’observation des faits , établit sa célèbre théorie de la dolomitisation. Cependant les théories du métamorphisme des roches de sédi- ment , cet enfant des écoles italienne et écossaise , étaient de plus en plus généralement acceptées , et venaient répandre la lumière et mettre de l’ordre dans ce chaos wernérien , auquel on avait su donner habilement des teintes si régulières. MM. Al. Brongniart, Elie de Beaumont , Dufrénoy, Boué, Backewell, Savi, Studer, Sis- monda, etc., apportaient de nouveaux faits et de nouveaux dévelop- pements à l’appui de ces théories, cjue Hutton, Playfair et Mac-Cul- loc avaient défendues ; ils les renfermaient dans les limites du vrai d’une déshydratation du gypse lui-même et d’une recristallisation confuse du sulfate de chaux anhydre, fondu partiellement à de hautes températures, et refroidi avec une lenteur extrême. (i) Ce n’esl que beaucoup plus tard que Klaproth et surtout Vau- quelin [Journal des mines ^ t. XVI, p. 77, an xii) ont reconnu sa composition véritable. SÉANCE DU 17 MAI 1847. m et de la réalité. Les idées sur Torigine de nos dépôts anormaux suivaient de près tous ces progrès. M. Forchli animer attribuait une formation métamorphique aux gypses du Holstein et de la Zélande ; M. Dufrénoy regardait comme contemporaine de l’apparition des ophites l’origine des dépôts anormaux qu’on rencontre dans les terrains de craie des Pyrénées; on dirait même que ce savant il- lustre a voulu dès lors établir nos deux groupes de gypses , ceux formés par la voie humide et ceux formés pcir la voie sèche , car il insiste sur ce « qu’il ne faut pas confondre ces gypses accidentels » associés aux ophites , aux sources salées, et aux cargneules , avec » les gypses tertiaires stratifiés régulièrement (1). » M. Elie de Beaumont consignait , dans le huitième volume de notre Bulletin^ toute une série de considérations et de calculs du plus haut inté- rêt sur la dolomitisation et sur la formation des gypses. îl profes- sait en 1833, au Collège de France, les théories du métamorphisme normal , qui venaient s’ajouter à celles des altérations acciden- telles. M. Boué défendait, de son côté, l’origine chimique des gypses et des dolomies; il osait même y ajouter le sel gemme. Peu de personnes ont contribué à propager la vérité sur ce point autant que M. Boué. MM. Beudant, C. Prévost, Desnoyers, Le Play, de Collegno , Coquand , A^irlet , d’Archiac , Pareto, Gueymard, etc., ont fait d’excellentes observations sur ces sujets , et ont tous adopté plus ou moins complètement cette idée fondamentale d’une ori^ gine métamorphique de nos dépôts anormaux. En présence des observations que nous venons de faire nous- mêmes , en présence des opinions émises par un si grand nombre de géologues, qui tous, quoique divergeant quelquefois, il est vrai , dans l’explication du phénomène , ont été amenés par l’étude de la nature à accepter pour nos dépôts, soit partiellement, soit en totalité , des idées peu difïérentes de celles que nous défendons, nous osons avouer que notre conviction est arrêtée. D’après les faits que nous a offerts l’étude de l’Allemagne cen- trale , nous nous croyons donc fondés à conclure : Que les gypses de ce pays se présentent de deux manières di- verses dans les terrains secondaires : en petits massifs isolés au milieu des terrains du trias, du jura ou de la craie , et en larges lentilles interposées dans les dépôts permiens supérieurs. Que dans l’un et dans l’autre cas , ces gypses sont toujours stratifiés, et qu’ils sont constamment accompagnés de dolomies, qui participent de la nature de leur gisement. Que les sources salées et le sel gemme (f) Ann. (les niincs ^ 3® sér., t, Tl , p. 28. 86:^ SÉANCE DU 17 MAI 1847. y accompagnent le gypse du zechstein ; meiis qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il s’en trouve d’associés aux gypses plus récents. Que l’anhydrite n’accompagne le gypse ancien que dans certaines positions particulières , comme , par exemple , à la limite des ter- rains de transition (Mannsfeld, Lauterberg). Que le soufre ne se trouve avec les gypses du pays qu’en très petite quantité et rare- ment. Que les gypses anciens du premier groupe , interstratifiés avec des calcaires bitumineux ou magnésiens en grandes lentilles en- clievêtrées parmi les terrains du zechstein, et sans fossiles, recon- naissent leur origine de la voie humide ; qu’ils sont dus à la préci- pitation du calcaire renfermé dans les eaux de ces mers anciennes par des émanations venues au moyen de fentes de l’intérieur de la terre ; que des causes analogues ont produit la dolomie et le sel qui les accompagnent ; que leur production au fond des mers a varié de proportions suivant que les gaz sulfatisants , magnésiaques ou salins arrivaient tour à tour en plus grande abondance , ou suivant qu’il se trouvait dans les eaux une plus grande quantité de carbo- nate de chaux ou de carbonate de soude ; que c’est précisément au mélange toujours présent d’une petite proportion de ces divers agents , de la chaux , de la soude , des acides sulfureux et carbo- nique , du chlore et du chlorure de magnésium , etc. , que l’on doit attribuer la facilité avec laquelle les réactions ont pu com- mencer (1). Que les gypses plus récents du deuxième groupe placés par petits massifs à la limite des terrains primaires ou dans les axes des rides, et quelquefois même dans les axes des vallées des formations secon- daires ; intercalés dans les calcaires de ces formations postérieures au zechstein et faisant suite aux couches de ces calcaires , renfer- mant des débris de corps organisés transformés en gypse , ou d’au- tres substances accidentelles se rapportant aux calcaires des forma- tions respectives , possédant chacun un faciès minéralogique prononcé qui les rapproche de ces mêmes calcaires , sont dus à la transformation d’une partie des couches de chaux carbonatée ren- fermées dans les terrains de sédiment. Que cette transformation a (1) Nous savons, par la chimie, qu’il suffit de l’intervention de quelques atomes d’un corps étranger, quelquefois même de la simple application de la lumière, ou d’une simple action de présence, pour déterminer la combinaison de deux substances données, qui sans cela n’opéreraient jamais leur réunion , et que la réaction une fois com- mencée se poursuit par elle-même avec la plus grande facilité. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 868 dû avoir lieu après le dépôt et la solidification de ces couches , et probablement après leur émersion. Qu’elle a dû donc s’effectuer par la voie sèche , et par suite de l’airivée d’émanations de l’inté- rieur à une haute température. Qu’ici , comme dans les mers du zechstein , les calcaires magnésiens ou le sel ont pu et ont dû se former d’une manière analogue ; que si l’on ne trouve pas de sel , c’est que , faute de la présence de la soude , il ne s’en est pas formé, ou qu’il n’a été produit qu’en de très petites quantités , et qu’il n’y existe plus. A la suite de quelque grand bouleversement des fentes se sont produites dans le sol, au fond de l’ancienne mer du zechstein. Des émanations gazeuses sont arrivées par ces soupiraux. Partout où leur action était sensible, la vie organicjue a été détruite ; le cal- caire ou le nation qui se trouvaient dans les eaux ont été précipités à l’état de chaux carbonatée, de sel, de gypse ou de calcaires ma- gnésiens. Lorsque les précipités encombraient Fun des soupiraux , les autres continuaient leurs émissions , mais la nature de ces émis- sions n’était pas constante ; de là l’enclievêtrement des différents dépôts. Lorsque toutes les fentes furent bouchées , Faction a cessé ; elle a été nulle jusqu’à ce qu’une nouvelle révolution eût réouvert les conduits. Le grand cataclysme post-crétacé, qui, plus que tout autre , paraît avoir disloqué le sol de ces contrées , a donné lieu à une nouvelle émission de vapeurs et au commencement de la for- mation des dépôts anormaux des terrains secondaires plus récents. L’émission de ces vapeurs a pu se continuer pendant une ou plu- sieurs des périodes tertiaires , et s’ils étaient arrivés dans des eaux , ils auraient pu donner lieu à des dépôts stratifiés analogues à ceux du zechstein. L’hydratation du gypse s’est faite contemporaine- ment dans la transformation par voie humide ; elle a pu se faire en même temps, mais elle s’est opérée plus probablement après coup, dans la transformation par la voie sèche. Les bosses que les rides présentent sur plusieurs points du pays , sont dues au gonflement produit par la gypsilication dans les endroits de ces rides où il y avait une émission de vapeurs métamorphosantes. Il a pu se for- mer en même temps , et par les gaz sortant d’une même cheminée , la transformation par voie sèche des calcaires encaissant la fissure , et celle par voie humide dans les eaux superficielles lorsque les va- peurs étaient amenées en dernier lieu dans la mer ou dans un lac. Le métamorphisme par voie sèche a pu s’ajouter au métamor- phisme par voie humide , lorsque des vapeurs , arrivant par des fentes réouvertes à travers des dépôts de gypse ou de dolomies in- 86/i SÉANCE DU 17 MAI 1847. terstratifiés avec des calcaires, ont étendu ou complété la trans- formation. L’anliydrite a pu se former , soit à cause du défaut d’eau, et du premier coup dans le métamorphisme par voie sèche , soit après , par suite d’une déshydratation du gypse par la chaleur , et d’une fusion et refroidissement lent du sulfate qui en résultait. Dans ce dernier cas, elle n’est plus qu’un produit de ce métamorphisme ordinaire qui a donné lieu aux calcaires cristallins et saccharoïdes. Le soufre déposé avec les gypses de nos pays est en si petite quantité , que je ne crois devoir le regarder que comme un effet des réactions sulfatisantes à l’époque du métamorphisme. M. Élie de Beaumont lit la note suivante ; Note sur les systèmes de montagnes les plus anciens de V Europe y par M. L. Élie de Beaumont. J’ai eu plus d’une fois l’occasion d’entretenir la Société des re- cherches dont je continue à m’occuper relativement aux systèmes des montagnes de diflérents âges et de directions différentes qui sillonnent la surface du globe , et particulièrement celle de l’Eu- rope. Mon premier travail sur cette matière , lu par extrait à l’Aca- démie des sciences, le 22 juin 1829, était intitulé: Recherches SUR QUELQUES UNES DES RÉVOLUTIONS DE LA SURFACE DU GLOBE, /'rc- sentant dijjérents exemples de coïneidenee entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changements soudains qui ont produit les lignes de démarcatioji qidon observe entre certains étages consecutijs des terrains de sédiment. Les exemples de ce genre de coïncidence dont j’avais cru pou- voir entretenir l’Académie étaient au nombre de quatre seulement ; c’étaient ceux qui se rapportent aux systèmes de la Côte-d’Or y des Pyrénées y àes Alpes occidentales et de la chaîne principale des Alpes. J’y joignais, mais sous une forme hypothétique , un aperçu sur l’origine plus récente du système des Andes. Les systèmes dont je viens de parler figurent seuls dans le Rap- port que M. Brongniart a fait à l’Académie sur mon travail , le 26 octobre 1829, et dans l’article que M. Arago a bien voulu lui consacrer dans V Annuaire du bureau des longitudes i^om' 1830. J’avais cru devoir me borner d’abord aux exemples de coïnci- dence. qui me paraissaient alors les plus frappants et les plus incon-* 865 SÉANCE DU 17 MAI 18/j7. testables ; mais en imprimant mon Mémoire in extenso clans les Annales des scienees naturelles^ t. XYIÜ et XIX (1829 et 1830) , je n’ai pas négligé d’indiquer en note d’autres exemples du même genre de coïncidence , qui avaient déjà à nos yeux un assez grand caractère de certitude pour mériter d’être enregistrés; car j’étais convaincu que le rapprochement général que je cliercliais à établir entre les révolutions de la surface du globe et l’apparition succes- sive d’autant de systèmes de montagnes diversement dirigés pa- raîtrait d’autant moins hasardé que je pourrais citer un plus grand nombre dü exemples de coincidence. Par l’effet de ces indications subsidiaires, le nombre des exemples de coïncidence se trouvait déjà porté à neuf, sans parler du sys- tème des Andes; mais là ne s’arrêtaient pas mes espérances , car je disais des sciences naturelles t. XIX , pag. 231 , 1830) : « Quand même les recherches dirigées vers ce but auraient été » poursuivies pendant longtemps , il serait difficile cjue le nombre » des connexions de ce genre qu’on aurait reconnues présentât » quelque chose de fixe et de définitif. Outre les quatre coïnci- » dcnces auxquelles j’ai consacré les quatre chapitres de ce mé- » moire, j’en ai ensuite indiqué d’autres dans les notes qui y » sont ajoutées; et ces premiers résultats, s’ils sont exacts, ne » seront peut-être encore que la moindre partie de ceux qu’on » peut prévoir lorsqu’on considère combien d’autres interruptions » présente la série des dépôts de sédiment, et combien d’autres » systèmes de montagnes hérissent la surface du globe. » Le même volume contient une planche coloriée (pl. III) qui est intitulée ; Essai d'une coordination des âges relatifs de certains dépôts de sédiment, et de certedns systèmes de montagnes ayant cha- cun leur direction. Cette planche, qui était le tableau graphique de mes premiers résultats, présentait, rangés de gauche à droite, neuf systèmes de montagnes ( sans compter celui des Andes ) , tous dé- signés suivant la méthode dont je me suis fait une règle constante, d’après des motifs que j’ai indiqués, non par des numéros d’ordre, mais par des jioms géographiepies . Et pour compléter l’expression de ma thèse fondamentale , j’y avais fait graver la note suivante : « On a laissé en blanc les montagnes dont la place dans la série n’est » encore que présumée : de vastes systèmes tels que ceux des côtes » de Mozambique et de Guinée ont même dû être complètement » omis; mais les modifications qu’on peut prévoir dans cette série » provisoire la changeraient difficilement au point de porter direc- » tement à croire quelle soit terminée , et que l’écorce minérale Soc. géoL, 2*^ série, tome IV. ^55 866 SÉANCE DU 17 MAÎ 18â7. » du globe terrestre ait perdu la propriété de se rider successive- » ment en différents sens. » Depuis lors cette scrit; provisoire a reçu plusieurs termes nou- veaux qui s’y sont ajoutés ou intercalés sans en clianger la forme générale , et sans modifier en rien les inductions auxquelles elle conduit si naturellement. Le but que je me propose aujourd’hui en appelant de nouveau r'attentiou de la société sur ce sujet, est d’étendre encore la série provisoire dont je viens de parler par son extrémité inférieure , c’est-à-dire par celle qui se rapporte aux phénomènes les plus anciens. Sur la planche coloriée que j’ai citée il y a un instant [Annales des sciences naturelles^ t. XîX, pl. 111, 1830), j’avais fait graver une seconde note ainsi conçue : « On a figuré ici des fougères et des » prêles arborescentes , des lépidodendrons , pour rappeler cpie les » végétaux de cette nature , dont les débris enfouis ont produit la » houille, avaient cru sous nos latitudes peu de temps après le plus » ancien redressement de couches figuré dans le tableau'^ d’où il » suit que dès lors nos contrées se trouvaient clans des circonstances » climatériques dont nous pouvons nous faire quelque idée. » Ce plus ancien redressement de couches figuré dans le jiremier tableau graphic{ue des résultats de mes recherches était celui des collines du Bocage (Calvados), où j’ai trouvé les premiers indices du système des ballons et des collines du Bocage dont je n’ai pu fixer que plus tard, d’une manière précise, la direction et l’âge relatif. Aussitôt que l'observation m’a permis de définir d’une manière complète le système des ballons et des collines du Bocage^ j’ai aperçu qu’il existait des systèmes de dislocation plus anciens , et d’une direction différente. L’un de ces systèmes a été mis en lumière dès 1831 par Al. le professeur Sedgwick , et il figure déjà sous le nom de système du iVestmoreland et du Hundsruck dans l’extrait de mes recherches qui a été imprimé en 1833 , dans la traduction française du Ma- nuel géographique de AI. de la Bêche, publiée par AI. Brochant de Yilliers, et en 183ù dans le LÎD volume du Traité de géognosie de Al. Daubuisson de Voisin, continué par Ai. Amédée Burat, p. 282. Alais je ne me suis pas arrêté à ce premier pas : je n’ai rien né- gligé pour en faire de nouveaux dans cette voie rétrospective qui conduit aux premiers temps de l’enfance du globe terrestre et du règne organique ; malheureusement ces pas ont été lents, parce que les traces des ridements successifs de l’écorce terrestre sont d’autant 867 SÉANCE DU 17 MAI 18/j7. plus méconnaissables et plus cacliées qu’ils sont plus aueleos. Enfm je crois pouvoir indiquer dès aujourd’hui dans ma série quatre termes plus anciens que le ])lus ancien redressement de couelies figuré dans mon premier tableau , et je conserve T espérance que des recherches ultérieures nous feront pénétrer plus loin encore dans la nuit des premiers temps géologiques. Depuis quelques années les géologues ont marché dans cette direction avec une ardeur toute spéciale. C’est en effet dans le do- maine des terrains fossilifères anciens , antérieurs au calcaire car- bonifère , que la géologie a fait récemment dans les deux hémi- sphères les conquêtes les plus inq)ortautes. Elle les doit particuliè- rement aux travaux de MM. Murehison et Sedgwick, en Angleterre, à ceux de MM. Murehison, Sedgwick, de Yerneuil et d’Archiac dans les provinces rhénanes , de MAI. Murehison, de Yerneuil et de Keyserling en Russie et dans les monts Oural , des géologues américains et de MAI. Lyell et de Yerneuil dans les contrées transatlantiques. Je suis parti des faits connus. Je ne pouvais devancer ces vastes conquêtes, mais ma théorie aurait manqué d’un des éléments les plus essentiels de la vitalité scientifique, la faculté des progrès, si elle n’avait pas été apte à faire un pas immédiat à la suite des magnifiques résultats obtenus par nos savants amis. J’essaie au- jourd’hui de faire ce pas, et je suis heureux de pouvoir le tenter sous les yeux mêmes de Al. Alurchison , dans une séance honorée aussi de la présence de notre maître illustre et chéri AI. Léopold de Buch. J’ai préparé lentement , au fur et à mesure des observations , les éléments de ce nouveau progrès. Tant cju’elles ont manqué de précision et d’ensemble, j’ai dû m’abstenir d’arrêter complètement l’esquisse de la partie correspondante de mon tableau, et je me suis borné à indiquer rexistence d’un système de dislocations an- térieur à celui des ballons et des collines du Bocage , auquel j'ai assigné la direction Jiora de la boussole de Ereyberg, c’est-à- dire celle que Al. de Humboldt avait assignée dès 1792 aux ro- ches schisteuses de l’Allemagne. AJais cette désignation ne répon- dait pas à celles que j’avais données pour les autres systèmes de dislocation dont j’avais fixé les orientations en degrés. Celle-ci comprenait toutes les directions plus rapprochées des heures 3 et û de la boussole que des autres heures, c’est-à-dire toutes celles comprises entre l’E. 22° | N. et l’E. 52° N., de manière quelle s’appliquait également bien aux' roches schisteuses des environs de Brest, dirigées E. 25° N. et aux roches schisteuses des mon- 8()8 SéANCE DU 17 MAi ÏSl\7 . tonnes dus Maures et de l’Estërei , dirigées moyeiineiuent à l’E. IN. Cette trop grande généralité indiquait un état de clioses provi- soire dont j’essaie de sortir aujourd’hui , en montrant que les orientations qui sont comprises dans la désignation hora 3-Zt , ou qui approchent beaucoup d’y rentrer, constituent trois groupes distincts à la fois par leurs directions et par leurs âges relatifs , et comparables aux systèmes de montagnes plus anciennement définis des époques subséquentes. Enjoignant à ces trois systèmes celui que M. Rivière a indiqué depuis quelques années sur les côtes S. -O. de la Yeudée et de la Bretagne, comme étant dirigé à peu près au N. -O. et d’une date très ancienne , nous aurons les quatre termes de ma série qui me paraissent pouvoir être indiqués dès aujourd’hui comme antérieurs au système des ballons et des collines du Boeage. Pour parvenir à disséquer et à analyser convenablement un ensendDle d’observations aussi complexe que celui qu’on possède aujourd’hui sur les directions des roches stratifiées anciennes, il est indispensable de procéder avec méthode et précision. Dans la plupart des travaux de ce genre dont j’ai publié les résultats , j’ai employé un procédé graphique dans lequel j’ai fait usage d’une projection stcréograpJtique sur V horizon du Mont-Blanc ^ que j’ai calculée et fait graver exprès dès les premières années de mes re- cherches, et dont je me suis constamment servi depuis lors dans mes cours. Cependant comme je ne pourrais faire entrer cette pro- jection dans le Bulletin , et comme je désire placer complètement sous les yeux de la Société tous les éléments de la diseussion à la- quelle je vais me livrer, je procéderai cette fois par la voie du calcul. La méthode graphique et la méthode ti igonométrique ont cha- cune leurs avantages. La méthode graphique en a un qui me paraît inappréciable, celui de parler aux yeux , qui , pour des tâtonnements géomé- triques , sont toujours les premiers et les plus délicats des ins- truments ; mais elle semble au premier abord moins précise que l’autre , cjuoique , dans la réalité , sa précision soit au moins égale à celle des observations mêmes auxquelles on l’applique. La méthode trigonométrique , plus lente, et réellement plus ri- goureuse , donne surtout avec plus de sûreté le résultat moyen d’un grand nombre d’observations. 11 semble d’ailleurs qu’on se trouve plus naturellement porté à se servir de la méthode graphique lorsqu’on a à combiner de 809 St'ANtiE DU 17 .^lAI 18 Zi 7. grands traits orograpiiiques foiteiuciit dessillés sur les cartes, et à suivre au eoiitraire la voie du ealcul lorsqu’on a Zi réduire Zi une moyenne de nombreuses observations exprimées directement par des chiffres, telles que celles qu’on peut faire sur les roches schis- teuses anciennes. Rien n’empêche au surplus, même lorsqu’on ne peut publier que l’un des deux modes de discussion , de s’aider aussi de l’autre dans les tâtonnements préliminaires, et c’est ce que je n’ai pas né- gligé de faire pour vérifier mes résultats. Lorsqu’on possède un grand nombre d’observations de riiiec- tion faites dans une contrée peu étendue , on peut aisément les assembler par groupes en dressant pour cette contrée une rose des directions suivant la méthode que j’ai indiquée , et dont j’ai donné un exemple dans l’explication de la carte géologique de France , t. I, p. Ztfil Zi/i.67. Le point délicat consiste à comparer et Zi com- biner sans erreur notable des observations faites dans des contrées plus ou moins éloignées. Les chaînes de montagnes et les couches redressées forment sur la surface du globe différents systèmes dont chacun se fait remar- quer par le parallélisme qui existe approximativement entre ses divers éléments. La sphéricité de la surface du globe apporte des difficultés dans la définition et dans l’analyse de ce parallé- lisme si frappant pour les yeux ; et , comme je l’ai dit ailleurs (1), V on sent bientôt la nécessité d’analyser cette première notion d’un » certciiii parcillélisme avec assez d’exactitude pour que l’étendue » de l’espace , dans lequel ce parallélisme pourrait exister, ne soit » jamais dans le cas d’en mettre la définition en défaut. » Pour cela , il faut avant tout se rappeler que, lorsqu’on trace » un alignement quelconque sur la surface de la terre , avec un «cordeau, avec des jalons ou de toute autre manière, la ligne » qu’on détermine est la plus courte qu’on puisse tracer entre les ). deux points extrêmes auxquels elle s’arrête , et cpi’ abstraction » faite de l’effet du léger aplatissement ctue présente le sphéroïde « terrestre , ime pareille ligne est toujours un arc de grand cercle. » Deux grands cercles se coupant nécessairement en deux points » diamétralement opposés ne peuvent jamais être parallèles dans Recherches sur cjuelques unes des révolutions de la surface du globe (extrait imprimé dans la traduction française du Manuel géolo- gique de M. de La Bêche , publié par M. Brochant de Villiers . et dans le IIP volume du Traité de géognosie de M. Daubuisson de Voisin, continué par M Ainédée Durât). 870 SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. » le sens ordinaire de ce mot ; mais deux arcs de grand cercle » d’une étend.iie assez limitée pour que cliacun d’eux puisse être » représenté par une de ses tangentes pourront être considérés » comme parallèles , si deux de leurs tangentes respectives sont » parallèles entre elles. C’est ainsi que tous les arcs de méridien » t{ui coupent l’équateur sont réellement parallèles entre eux aux «points d’intersection. En général, deux arcs de grands cercles » peu étendus , sans être même infiniment petits , pourront être « dits parallèles entre eux s’ils sont placés de manière à ce qu’un « troisième grand cercle les coupe l’un et l’autre à angle droit » dans leur point milieu. Par la même raison , un nombre quel- » conque d’arcs de grands cercles , n’ayant cliacun que peu de lon- » gueur, pourront être dits parallèles à un même gi'aud cercle de » comparaison ^ si cliacun d’eux en particulier satisfait à la con- » dition ci-dessus énoncée par rapport à un élément de ce grand « cercle auxiliaire. Pour cela , il est nécessaire et il suffit que les » différents grands cercles qui couperaient à angle droit chacun de « ces petits arcs dans son milieu aillent se rencontrer eux-mêmes » aux deux extrémités d’un même diamètre de la sphère. Si cette « condition est remplie , et si en même temps tous les petits arcs » de grands cercles dont il s’agit sont éloignés des deux points » d’intersection de leurs perpendiculaires , s’ils sont concentrés » dans le voisinage du grand cercle qui sert d’équateur à ces deux » pôles , ils pourront être considérés comme formant sur la surface » de la sphère un système de traits parallèles entre eux. Les diffé- » rents sillons d’un même champ ou de deux champs voisins ne «peuvent jamais, à la rigueur, s’ils sont rectilignes, présenter « d’autre parallélisme que celui qui vient d’être défini , et cette « définition a l’avantage d’être indépendante de la distance à « laquelle ces deux champs se trouvent placés (1). » Le problème fondamental que présente un pareil système de petits arcs observés sur la surface du globe, où ils sont tracés par des crêtes de montagnes ou par des affleurements de couches, consiste à déterminer le grand cercle de comparaison à Fun des éléments duquel chacun des petits arcs observés est parallèle. Les petits arcs déterminés par l'observation, dont nous venon- de parler, peuvent généralement être considérés comme étant eux- mêmes des sécantes infiniment petites , ou des tangentes par rapport à autant de petits cercles résultant de l’intersection de la surface de la sphère avec des plans parallèles au grand cercle de comparaison Manuel géologi(pie , p. 623, et Traité de géognosie, t. III, p. 294. SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 871 qui forme réqiiateur de tout le système. Cliacim de ces petits cer- cles est un parallèle par rapport à l’équateur du système , il a les mêmes pôles que lui et ces pôles sont les deux points où se coupent tous les grands cercles perpendiculaires aux petits arcs qui consti- tuent le système de traits parallèles déterminé par l’observation. Le proijlème auquel donne Jieu un pareil système de traits pa- rallèles observé sur la surface du globe se réduit, comme nous venons de le dire , à déterminer ses deux pôles , ou , ce qui revient au même , son équateur ; c’est-à-dire le grand cercle de compa- raison auquel cliacun des petits arcs observés peut être considéré comme parallèle. Cette détermination serait facile , et elle pourrait se faire d’après deux ou du moins d’après quelques observations seulement , si la condition du parallélisme était rigoureusement satisfaite ; mais comme elle ne l’est , en général , cpi’ approximati- vement, la détermination du grand cercle de comparaison ne peut plus résulter que de la moyenne d’un grand nombre d’observa- tions combinées entre elles ; et tant que les observations ne sont pas très multipliées et répandues sur un grand espace , on ne peut que marcher vers cette détermination par des approximations suc- cessives. Afin de parvenir à résoudre le problème avec toute l’approxi- mation dont il est susceptible , on peut remarquer cpie si tous les petits arcs satisfaisaient rigoureusement à la condition de parallé- lisme que nous avons définie , les tangentes menées à chacun d’eux dans son milieu seraient toutes parallèles au plan du grand cercle de comparaison ^ qui est, comme nous l’avons déjà dit, l’équateur de tout le système. Dans ce cas , si , par un point quelconque de l’espace , on tirait des lignes droites respectivement parallèles aux tangentes menées aux petits arcs dans leur milieu, toutes ces droites seraient comprises dans un même plan , que deux quelconques d’entre elles suffiraient pour déterminer, et ce plan serait parallèle au plan du grand cercle de comparaison^ équateur du système, et serait perpen- diculaire au diamètre de la sphère qui en joint les deux pôles. Mais en général la condition de parallélisme que nous avons définie n’est pas rigoureusement remplie par les petits arcs obser- vés , et par suite les tangentes qu’on peut mener à chacun d’eux par son point milieu ne sont pas parallèles à un même plan. Donc si , par un point cjuelconque , par exemple par l’uii des points de la surface où on a observé , on mène des droites qui soient respec- tivement parallèles aux tangentes de tous les arcs observés, ces droites ne seront pas comprises dans un même plan ; mais elles 87'2 SÉANCK DU 17 MAI 18/l7. formeront \m fnt^ccdti aplati ^ et d’autant plus aplati que les petits arcs observés approclieront davantage de satisfaire tà la loi du pa- rallélisme. On pourra alors faire passer par le point d’où partent toutes les droites qui composent ce faisceau un plan c[u’on dirigera de ma- nière à représenter ce qu’on pourrait appeler la section principale de ce faisceau , c’est-à-dire de manière à ce que les sommes des angles formés par les sécantes de part et d’autre de ce plan soient égales entre elles et les plus petites possible, il est évident que le plan ainsi déterminé sera parallèle au plan du grand cercle de com- paraison auquel tous les petits arcs approclieront le plus d’être pa- rallèles et qui pourra être considéré comme Vcqiiateur approximatif de tout le système et qu’il sera perpendiculaire à l’axe des pôles de cet équateur qui seront eux-mêmes les pôles approximatifs du système. Pour déterminer ce plan qui est en général celui d’un petit cercle, il suffit de déterminer, pour le point de la .surface de la sphère qui forme le sommet du faisceau , une tangente à la sphère qui y soit comprise , et de fixer en même temps l’angle formé avec ce même plan par le rayon de la sphère c]ui aboutit au sommet du faisceau. Ces deux déterminations doivent être l’objet de deux opérations successives et distinctes. Il faut , avant tout , élaborer les éléments de la forme du faisceau dont la section principale détermine la position de tout le système sur la splière terrestre. Pour cela on choisit parmi les points où les observations ont été faites un de ceux qui approchent le plus d’être le centre de figure du réseau formé par tous les points d’observation. Au besoin on prendrait même un point où aucune observation n’aurait été faite , mais qui serait le plus central possible par rapport à l’en- semble du réseau. Cette condition, qui, à la rigueur, n’est pas indispensable, devient cependant essentielle, ainsi que nous le verrons plus tard , lorsque , pour abréger les calculs , on se contente d’approxi mations. Par le point qu’on a choisi pour être le sommet du faisceau , et que nous nommerons centre de réduction , on imagine des droites respectivement parallèles aux tangentes menées à chacun des petits arcs observés dans son point milieu , et on prolonge ces droites par la pensée à travers la sphère terrestre jusc[u’à ce qu’elles repa- raissent à la surfaee. Elles deviennent ainsi autant de sécantes de la sphère terrestre. Chacune d’elles sous-tend un arc de grand cercle c|ui part du sommet du faisceau et dont la grandeur et la position SÉANCE DU 17 MAI l8/l7. 873 peuvent être déterminées par la résolution de deux triangles sphé- riques dont nous aurons plus tard à nous oecuper. Si tous les petits arcs observés faisaient rigoureusement partie d’un même système de traits parallèles , toutes les sécantes se trouveraient dans un même plan , et ce plan , qui déterminerait à lui seul tout le système , pourrait être nommé le plan directeur. Le plan directeur coupe le plan tangent à la sphère , au sommet du faisceau des sécantes, c’est-à-dire au point choisi comme centre de réduction.) suivant une droite tangente à la sphère, qui repré- sente pour le sommet du faisceau la direction du système , et qu’on peut appeler la tangente directrice. Le plan directeur ^ qui est généralement celui d’un petit cercle , coupe le plan du grand cercle perpendiculaire à la tangente direc- trice , suivant une droite qui part du centre de réduction et qui rencontre l’axe des pôles du système. L’angle que forme cette droite avec le rayon de la sphère, qui aboutit lui-même au centre de ré- duction est égal à celui qu’elle forme avec le plan du grand cercle de comparaison , équateur du système , et pourrait être appelé \ angle écpiatorial. L’angle écpiatorial E et l' angle h. cpie la tangente directrice forme avec le méridien astronomique du centre de réduction déterminent à eux seuls tout le système. Ce sont ces deux angles A et E qu’il s’agit de déduire des obser- vations , c’est-à-dire des directions des petits arcs observés et de leurs positions sur la sphère teiTestre. Si ces petits arcs étaient tous exactement parallèles à un même grand cercle de comparaison, les sécantes parallèles à deux d’entre eux suffiraient pour déterminer la position du plan directeur et par conséquent les deux angles cherchés A et E. Mais si , comme c’est le cas ordinaire , les petits arcs observés ne satisfont que d'une manière approximative à la condition du parallélisme avec un même grand cercle de comparaison , deux de ces petits arcs ne con- duiront pas exactement au même plan directeur que deux autres , et on pourra déterminer autant de positions du plan directeur qu’il y aura de manières possibles de combiner deux à deux les petits arcs observés , c’est-à-dire que si ces petits arcs observés sont m . ni — 1 au nombre de m , on aura positions différentes du , m . m — 1 plan directeur ) et par conséquent , valeurs de l’angle A , formé par la tangente dir^trice avec le méridien du centre de ré- 87à SÉANCE DU 17 MAI 1847. diictioîi , et , valeurs de l’angle équatorial E. Les valeurs de A et de E qui devront être employées s’obtiendront par une moyenne. On pourra cependant simplifier les calculs sans en clianger le résultat d’une manière considérable , en prenant d’abord la moyenne de valeurs de l’angle A formé par la tan- gente directrice avec le méridien du centre de réduction , ce cjiii déterminera la position du grand cercle perpendiculaire à la tan- gente directriee; puis projeter les ni sécantes sur ce dernier plan et prendre la moyenne de leurs ni positions , ce qui donnera la va- leur de l’angle équatorial E. Alais le calcul , exécuté même de cette manière , serait encore d’une excessive longueur , et on n’aurait que bien rarement des observations de direction assez précises pour justifier une aussi longue élaboration. 0 importe donc de simplifier ce travail au- tant qu’il soit possible de le faire , sans compromettre l’exactitude du résultat. ‘ Or , une propriété très générale des systèmes des petits arcs observés fournit un moyen de simplification très satisfaisant. Généralement tous les petits arcs observés sont compris dans une zone de peu de largeur, divisée en deux parties égales par un grand cercle qui est le grand eercle de comparaison ou l’équateur du système. Si donc on prend pour centre de réduction un point compris dans la zone occupée par les points d’observation et aussi central que possible par rapport à l’ensemble de ces points , ledit sommet ne pourra être très éloigné de la position encore inconnue du grand cercle de comparaison , équateur du système , et l’angle équatorial devra être très petit, On pourra par conséquent , sans commettre une très grande erreur, procéder d’abord pour obtenir au moins une première détermination approximative de l’angle A formé! par la tangente directrice avec le méridien astronomique du centre^ de réduction , comme si X angle érpiatorial E devait être nul c’est-à-dire comme si le centre de réduction était placé sur le grand cercle de comparaison. S’il en était réellement ainsi , et si les petits arcs observés satis- faisaient rigoureusement à la condition du parallélisme , l’une quelconque des sécantes déterminerait tout le système, et les arcs de grands cercles, sous-tendus par les diverses sécantes, seraient des parties d’un même grand cercle qui serait le grand cercle de corn- '®ioi SÉANCE x3L' 17 3IAI ISZj?. 875 parai son. L'angle formé par p'and cercle avec le méridien astro- nomique du centre de rédaction serait identique avec celui que forme la tangente dircctriee s; ec ce même méridien. Si les petits arcs observés l e satisfont pas rigoureusement à la condition d’être parallèles à même grand cercle de comparaison , chacun d’eux donnera une valeur différente de l’angle formé par la tangente directrice avec le méridien astronomique ; et si les points d’observation sont en nombre /??, on aura à prendre la moyenne de ces m valeurs. Cette première moyenne déterminera l’orientation de la tan- gente directrice , orientation qui est le plus essentiel des deux élé- ments cherchés. Après l’avoir obtenue, il restera à déterminer X angle écpia- torial E formé par le plan directeur avec le rayon de la sphère passant par le centre de réduction., en projetant les m sécantes sur le plan du grand cercle perpendiculaire à la tangente directrice. La projection de chaque sécante se détermine par la résolution d’un triangle sphérique rectangle , dont l’arc sous-tendu par cette même sécante forme rhypotin'nuse , et dont l’un des angles aigus est l’angle formé par cet arc et par le grand cercle perpendiculaire à la tangente directrice. Dans ce tiiangie rectangle on déterminera les deux côtés de l’angle droit qui seront , l’arc mené perpendicu- lairement de l’extrémité de la sécante sur le grand cercle perpeiidi- cidaire à la tangente directrice., et a, l’arc de ce grand cercle, com- pris entre le pied de la perpendiculaire et le sommet du faisceau des sécantes. La valeur correspondante de X angle éciuatorial E sera , , 1 r 1 a cos donnée par la iormule tang L = ! 1 — cos a cos xjj Si on a pris l’im des points d’observation pour le centre de réduction , on aura pour ce point a = 0 = 0 , et la formule se réduira à tang E = La valeur correspondante de E sera donc indéterminée, et on devra prendre simplement la moyenne des valeurs correspondantes aux m — 1 autres points. Il est na- turel qu’il en soit ainsi , car le point qu’on a choisi pour le som- met du faisceau des sécantes ne peut donner lui-même de sécante ; ainsi il ne fournit pas d’élément direct pour la détermination de l’angle E. Il n’inPme sur la valeur de cet angle que par l’effet de la supposition qu’on a faite volontairement Cjue le grand cercle de comparaison passe par le point adopté comme centre de réduction, et cette supposition se trouve introduite dans les calculs relatifs à tous les autres points. Dans le cas où il n’y aurait qu’un seul point d’observation 87(5 SÉANCE ÉU 17 MAI 18Zl7. et où ce point aurait été pris pour centre, de réduction , l’angle E resterait complètement indéterminé , et il est clair, en effet , que dans ce cas Je directeur doit rester indéterminé. Cependant si , dans le cas où il n’y a qu’un seul point d’ol3ser- vation , on prenait un autre point pour centre de réduction, le calcul s’effectuerait sans difficulté , mais alors il y aurait une sé- cante , l’angle formé par le grand cercle perpendiculaire à la tan- gente directrice et par l’arc du grand cercle sous-tendu par la sécante serait droit ; l’angle a serait généralement nul et l’angle ^ ne le serait pas ; donc t(in§ E serait 0 , et l’angle E serait lui-même égal à 0 ; cela signifierait cjue le plan directeur passerait par le centre de la sphère , résultat qui ne fait que reproduire la suppo- sition introduite arliitrairement , que le point pris pour centre de réduction est situé sur le grand cercle de comparaison ^ équateur du , système. Dans le cas seulement où la sécante sous-tendrait un arc de 90^, l’arc serait lui-même de 90° , mais alors l’arc « serait indé- terminé et par suite la valeur de tang E serait elle-même indéter- minée. Tous ces résultats sont conformes à la nature des choses , , et sont autant de confirmations de l’exactitude de la marche que j’ai indiquée. Toutes les sécantes étant projetées sur un plan qui passe par le centre de réduction , sommet du faisceau , on tire dans ce plan , par le même sommet, une ligne dirigée de manière^ que la somme des angles formés au-dessus d’elle par la projection d’une partie des sécantes soit égale à la somme des angles formés au-dessous par les projections des autres sécantes. Cette ligne est la trace du plan directeur^ c’est-à-dire du plan du petit cercle qui fixe sur la sphère la position de tout le système auciuel les petits arcs observés appartiennent approximativement. Cette dernière ligne , qui passe au centre de réduction , forme , avec le rayon de la sphère qui part du même point , un angle E c[ui. détermine la distance du petit cercle obtenu à l’équateur du système. Cet angle, qui représente la latitude du petit cercle par rapport à cet équateur, a pour valeur la moyenne des m ou ■ m — 1 valeurs de l’angle E ; si on trouve que cette valeur est nulle , ou pour mieux dire , que la somme des valeurs de l’angle E , qui tombent au-dessus du centre de la sphère, est égale à celle des valeurs du même angle qui tombent au-dessous , on en con- | dura que le point pris pour centre de réduction avait été dioisi de la manière la plus heureuse, c’est-à-dire qu’il se trouvait réelle- ment sur le grand cercle de comparaison ; mais généralement il n’en sera pas tout à fait ainsi , et la position moyenne de toutes SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. 877 les sécantes projetées passera au-dessus et au-dessous du centre de la sphère, et donnera une valeur approximative de V angle érjun- torial E , de laquelle on déduira d’une manière approximative aussi la position du grand cercle de comparaison. Si cet angle est petit, ce qui arrivera le plus souvent , on pourra considérer l’opération comme terminée ; mais si cet angle était un peu grand , on pourrait regarder seulement comme provisoire la position obtenue pour le grand cercle de comparaison , et recom- mencer toute l’opération en prenant pour centre de réduction un point situé sur ce grand cercle provisoire. On arriverait ainsi par des approximations successives , qu’on peut porter aussi loin qu’on le voudra , aux valeurs des deux angles cherchés. De ces deux angles, ainsi que je l’ai déjà dit, le plus important à connaître et le plus facile à déterminer approximativement est l’ange A que forme la tangente directrice avec le méridien du centre de réduction. angle équatorial E est généralement très petit. Il a besoin , par conséquent , d’être déterminé avec précision , et il arrive bien souvent que les observations qui fixent les directions des petits arcs observés en différents points de la surface de la terre ne sont pas assez ])récises pour que cette dernière détermination présente cjuelque chance d’exactitude. Comme les calculs numé- riques qu’elle exige sont fort longs , on fera bien de ne les entre- prendre qu’ autant que les observations de direction qu’on aura réunies paraîtront assez exactes pour mériter d’être soumises à une élaboration aussi ardue. Il ne faut pas perdre de vue que les angles aetrp, qui déterminent la valeur de l’angle équatorial E , dépendent eux-mêmes des différences entre la valeur moyenne de l’angle A et les valeurs particulières dont cette valeur moyenne est déduite. On concevra, d’après cela, que V angle équatorial E devant géné- ralement être assez petit , il ne pourrait être déterminé d’une ma- nière véritablement satisfaisante qu’autant que les observations de direction seraient plus exactes et plus nombreuses qu’elles ne le sont ordinairement. Au reste , renoncer à déterminer cet angle , c’est tout simple- ment se borner à admettre que le grand cercle de comparaison doit passer assez près du centre de réduction pour que la distance à laquelle il en passe et le sens dans lequel cette distance doit être comptée importent peu à connaître ; or, cette supposition est souvent indiquée par l’ensemble des observations , même de celles qui ne peuvent entrer dans le calcul d’une manière assez évidente pour qu’on ne pût songer à s’en départir que par suite de calculs basés sur des données rigoureuses. 878 SÉANCE DU 17 .iAï 18â7. Od s’en tient alors à la première des deux opérations qiie j'ai in- diquées , et on considère la tangente directrice qu’elle détermine comme celle d’un grand cercle peu éloigné du véritable écjuateur du système et propre à le remplacer provisoirement. C’est en partie afin que cette substitution présente le moins de chances d’erreur possible que le centre de rédaction , qui doit devenir un des points j de cet équateur provisoire , doit être placé dans la position la plus i centrale possible par rapport à l’ensemble des points d’observation. | L’opération doit toujours commencer par mener d’un point * centred de réduction , que l’adresse de l’opérateur consiste à choisir le mieux possible , des sécantes parallèles à tous les petits arcs observés ; à déterminer les angles formés par le méridien astrono- | mi- mique du point qu’on a choisi comme centre de réduction avec les arcs du grand cercle que sous-tendent ces sécantes , et à é' prendre ensuite la moyenne de tous les angles ainsi déterminés. [ Or, cette moyenne peut être obtenue très facilement avec une approximation suffisante. En effet , pour déterminer le grand cercle qui , partant du point pris pour sommet du faisceau des sécantes ou pour centre de réduc- tion , renferme dans son plan la sécante parallèle à un petit arc observé en un point donné, il suffit de joihlre ce dernier point au centre de réduction par un arc du grand cercle qui forme la base d’un triangle sphérique , dont les deux autres côtés sont les por- tions du mériden du centre de réduction et du point cV observation considéré , compris entre ces points et le pôle de rotation de la terre. On résout ce triangle, et on connaît ainsi l’angle formé par l’arc de jonction des deux points avec leurs méridiens respectifs; |gi ) on peut aussi déterminer la longueur de cet arc. ! | On résout ensuite le triangle sphérique rectangle dont ce même fi arc est l’hypothénuse et dont l’un des côtés de l’angle droit est la M: 1 moitié de l’arc sous-tendu par la sécante qui correspond au point ^ ^ d’observation qu’on a considéré. On arrive ainsi à connaître la longueur de l’arc sous-tendu par cet le sécante et l’angle formé par l cet arc et le méridien du point choisi comme centre de réduction. Ayant répété la même opération pour tous les points d’ observa- ^ tion , on connaît les angles formés avec le méridien du centre de réduction par tous les arcs sous-tencius par les sécantes , et on n’a plus qu’à exécuter un simple calcul arithmétique. Lorsqu’on doit s’en tenir à cette première partie du travail , à celle qui détermine la tangente directrice^ l’opération, que je viens d’indiquer, peut recevoir, sans inconvénient , de .grandes simplifications qui la rendent d’une pratique très facile. SÉANCE DE 17 MAI 18^7. 879 Oo n’a pins besoin alors de connaître la longueur de l’arc sous- tendu par chaque sécante ; il sullit de connaître l’angle qu’il forme avec le méridien du centra de réductiou. Cet angle lui-même n’a pas besoin d’être calculé directement ; on peut se borner à le supposer égal à celui que forme le petit arc observé au point d’observation auquel la sécante correspond avec le méridien de ce point , après avoir augmenté ou diminué cet angle d’une quantité égale à la différence des angles alternes internes que forme l’arc de jonction du centre de rédaction et du point d’observation avec leurs méridiens respectifs. Cette différence est connue par la résolution du triangle sphérique dont ces deux points et le pôle de rotation de la terre constituent les trois sommets ; et c’est la seule quantité pour la détermination de laquelle on ait besoin de recourir aux formules de la trigono- métrie sphérique. Il est vrai que cette siinplification introduit une inexactitude ; l’angle formé par le méridien du centre de rédac- tions ^ avec chacun des arcs sous-tendus par les sécantes, se trouve augmenté ou diminué d’une quantité égale à l’excès sjjhériqae (Ij des trois angles du triangle sphérique rectangle dont la moitié de cet arc forme un des côtés de l’angle droit , et dont l’arc de jonction du centre de rédaction avec le point cV observation cor- respondant forme l’hypothénuse. Mais il est aisé de voir que y dans la moyenne finale , les excès sphéricpies des triangles rec- tangles dont il s’agit doivent entrer les uns positivement , et les autres négativement, et que si le centre de rédaction est habile- ment choisi , ces excès sphériques , dont chacun en particulier est ordinairement peu considérable , à moins que les points d’obser- vation n’en soient répartis sur un très grand espace , doivent se détruire sensiblement , et n’influer sur la moyenne que d’une quan- tité négligeable. L’opération se réduit alors tout simplement à joindre le centre de réduction avec les points d’observation par autant d’arcs de grands cercles , et à déterminer la différence des angles alternes internes que ces arcs de jonction forment avec les méridiens de leurs deux extrémités. J’ai souvent employé , pour résoudre ce problème, une méthode graphicjiie dans laquelle je me sers delà projection i,téréographicqae sur l’horizon du. Mont-Blanc àanl j’ai déjà parlé ci-dessus; mais (i) Voyez, pour la définition et le calcul de Vexcès sjjhériqae de la somme des trois angles d’un triangle sphérique, la géométrie de Le- gendre et les notes qui font suite à sa trigonométrie. {^Géométrie et tri- gonométrie de Legendre , 10® édit., p. :â2!5 et 4:24.) S80 SftANCE LE 17 MAI 18Zs7. j’ai préféré employer anjourd’liui la méthode trigonométriqiie. Elle se réduit à la résolution d’une suite de triangles sphériques dont chacun a pour base l’arc de grand cercle qui joint le ccnttc de rédaction à l’un des points d’observation, et pour sommet le pôle de rotation de la terre ; il n’est pas même nécessaire , pour notre objet actuel , de résoudre ces triangles complètement : on n’a pas besoin de connaître la longueur de leur base ; il suffit de calculer les angles qu’elle forme avec les deux méridiens auxquels elle aboutit , pour en déduire la différence des angles alternes in- ternes Cf t elle forme avec ces méridiens , différence qui entre seule dans la suite du calcul. Or, pour connaître cette différence avec une ap})roximation suf- fisante , il n’est pas non plus nécessaire d’effectuer les calculs rela- tifs à tous les triangles sphériques indiqués. Ces calculs exigeraient beaucoup de temps , mais on peut les abréger singidièrement sans trop en diminuer la rigueur, au moyen du tableau suivant que j’ai formé des résultats obtenus par la résolution de trente-six triangles, ayant tous pour sommet le pôle boréal et pour leurs deux autres angles différents points de l’Europe pris à diverses latitudes , depuis la Laponie jusqu’en Grèce et en Sicile, Ayant eu l’idée de ranger les résultats suivant l’ordre des latitudes moyennes des deux som- mets méridionaux de chaque triangle , j’ai vu de suite que les ir- régularités de leur marche n’étaient pas assez grandes pour empê- cher de faire entre eux des interpolations approximatives d’une exactitude suffisante pour la pratique dans le plus grand nombre des cas. J’ai pensé dès lors que leur publication pourrait avoir son utilité. , SÉANCE DE 17 AfVI 4 8/|7 881 Tableau présentant, pou r différents points de l’Europe, la différence des angles formés par leur ligne de jonction avec leurs méridiens respectifs. Points comparés. Laponie. ... Keswick. Viborg Stockliolm.... Laponie Prague., Gelle Gotlieboig ... Sôdeikoping. Kongelf Viborg Keswick Clii’sliania .. Keswick Stockliolm .. Keswick I, aponie Montagne Noire.. Grampians. Keswick.... Güllieborg . Cliurcb-Slretton Viborg Brest jGrampians Cliurcb-Slreilon. Stockholm Brest Grampians Prague Kesw ick Brocketi Grampians Saint-Malo. ... ,. Keswick 'Prague ÎKeswicIi Binger-Loeb. .. Keswii'k Burlweis. Ghureb-Sirelton. Burlweis...... .... Prague Bayreii th Pajreuth Binger-Loch — Prague Saiot-Malo.. ..... Prague Morlaix ,.. Binger-Loch . .. Sr.inl-Malo S.iiut-Malo Bre.st Keswick Ajaccio Saint ïropez. Prague Pr.igue.. Ajaccio. Prague., Saint-Tropez. Brest Messine Brest Cap Colonne.. .. Latitude DilVérence Diirérerice Prapports entre Latitudes. Longitudes. des des angles 1 es diir. des long. longiturles. ail. iiil. < îtdesang. ait. iiil. ':ü«00'00"N 5'i 3.Î 00 23‘’30'00"E ' 5 9 13 0 62'’17'30" ■ 28”39'J3" ^ Z5<>42'24" 1 : 0,89715 (10 4-2 40 50 -20 34 26 25 50 E ; 5 43 19 El 60 1 37 10 42 31 9 17 00 1 : 0,86690 '70 00 00 50 5 19 23 30 00 E / 12 5 00 E j CO 2 39 2 Il 25 00 !0 13 00 1 : 0.89489 60 39 45 57 44 4 14 48 15 E i 9 37 30 E ^ 59 11 54 I 5 10 45 4 27 2 1 ; 0,85932 5S 28 30 57 51 45 14 00 00 E 9 38 45 E ^ 58 10 7 1 4 21 15 3 42 00 1 : 0,84970 60 42 40 54 35 00 26 23 50 E 5 9 13 O 57 38 40 31 35 3 ' 26 54 42 1 : 0,85206 59 55 20 5'i 35 00 8 28 30 E 5 9 13 O 57 16 10 13 37 43 11 28 26 1 . 0,84186 59 20 34 54 35 00 15 43 19 E 5 9 13 O 56 57 47 20 52 32 17 34 24 1 t 0,84181 70 00 00 43 25 00 23 30 00 E 0 20 00 O 56 42 30 23 50 00 20 31 52 1 : 0,86084 56 25 00 54 35 00 6 37 00 O 5 9 00 O 55 30 00 1 28 0 ) 1 12 32 1 : 0,82424 57 44 4 52 35 00 9 37 20 E 5 10 20 O 55 9 32 14 47 40 12 10 40 1 : 0,82701 60 42 40 48-23 14 26 25 50 E 6 49 35 O 54 32 57 33 15 25 27 29 52 1 : 0,82701 56 25 00 52 35 00 6 37 00 O 5 10 20 O 54 30 00 1 26 40 1 10 36 1 ; 0,81462 59 20 34 .48 23 14 15 43 19 E 6 49 ."5 O 53 51 54 22 33 4 18 21 32 1 : 0,81410 56 25 00 50 5 19 6 37 00 O 12 5 00 E s 53 15 92 18 42 00 15 3 20 1 ; 0,80510 54 35 00 51 48 29 5 9 13 O 8 16 20 E > 53 11 44 T t 13 25 33 10 46 10 1 : 0,80214 56 25 00 48 39 3 6 37 00 O ) 3,^ J i 4 21 26 O ( 2 16 34 1 48 40 1 ; 0,79570 54 35 00 50 5 19 5 9 13 O 12 5 00 E j 52 20 9 | 17 14 13 13 41 42 1 : 0,79613 . 54 35 00 49 55 00 5 9 13 O / 3 10 39 13 8 26 24 1 : 0,79219 , 54 35 00 . 49 38 00 5 9 1,3 O ) r on 13 26 54 E 1 ^ 18 36 17 14 44 40 1 : 0,79251 , 52 35 00 49 38 0 ) 5 10 20 O Kl r o.n 13 26 54 i ^ 18 37 14 14 32 54 1 : 0,78130 ,50 5 19 , 49 56 41 12 5 00 E Uo 1 00 9 15 29 E K” ^ 2 50 31 2 10 54 1 : 0,76767 49 56 41 , 49 55 00 9 15 29 E Kq 55 50 -i 5 30 00 E \ ^ 3 45 29 2 52 35 1 : 0,76539 , 50 5 19 . 48 39 3 12 5 00 E ) in 20 11 4 21 26 0 16 26 26 12 28 24 1 : 0,75811 . 50 5 19 . 48 30 00 12 5 00 E .q 47 39 -2 6 10 00 O i ^ “ 18 15 00 13 33 10 1 : 0,76088 . 49 55 00 . 48 39 3 5 30 00 E 1 ,,q 47 4 1 4 21 26 ü \ ^ 9 51 26 7 28 46 1 ; 0,75878 . 48 39 3 48 23 14 4 2l 26 O KiS 31 8 -b 6 49 35 O 2 2 28 9 1 51 00 1 : 0,74924 . 54 35 00 . 41 55 1 ;) 913 G KiS 45 00 2- 6 23 49 E 1 11 33 2 8 44 22 1 : 0,75663 . 52 35 00 , 43 16 27 5 10 20 O .7 53 t 4 18 29 E K’ 9 28 49 7 3 50 1 : 0,74511 50 5 19 ,. 43 25 00 0 20 00 O K ^ 12 25 00 9 4 36 1 : 0,73101 .. 50 5 19 ,. 43 16 -27 12 5 00 E 4 18 29 E j 46 40 53 7 46 31 5 39 00 1 ; 0 72766 ,.50 5 19 .. 41 55 1 12 5 00 E t #g QQ 4Q 6 23 49 E K 5 41 11 4 7 40 1 ; 0,72590 .. 50 5 19 .. 41 1 27 12 5 00 E ) 00 oti 26 35 00 El ^ 14 50 00 10 39 8 1 : 0,71798 .. 43 25 00 ,. 43 16 27 0 20 00 O K3 ,0 t 4 18 29 E j I 4 38 29 3 11 28 1 ; 0 69830 .. 48 23 14 .. 38 n 3 6 49 35 O ) ,3 8 r 13 14 30 E f * 2 20 4 5 13 53 26 1 : 0,69217 .. 48 23 14 .. 37 39 12 ]\ 6 49 35 O Ka 1 13 î 21 41 19 E ^ 28 30 54 19 44 42 1 : 0,69244 Soc. génl. , 2® série, tome lY. 56 882 SÉANCE DU 17 MAI 18^7. Les trois premières colonnes de ce tableau, vers la gauche, indi- quent , deux par deux , les points de l’Europe qui ont formé , avec le pôle boréal , les trois sommets de chaque triangle , ainsi que leurs latitudes et leurs longitudes. Les deux colonnes suivantes indiquent la moyenne des latitudes et la différence des longitudes des deux sommets de chaque triangle adjacents à sa base. La sixième colonne indique la différence des angles alternes internes formés par l’arc du grand cercle qui joint les deux sommets méri- dionaux de chaque triangle avec les méridiens de ces deux points , qui forment les deux autres côtés du triangle. Cette différence est le moyen de comparaison des orientations observées aux deux sommets méridionaux. Enfin , la septième et dernière colonne du tableau indique le rapport qui existe dans chaque triangle entre l’angle au pôle , qui n’est autre que la différence des lon^iuides des deux sommets mé- ridionaux , et la différence des angles alternes internes formés par l’arc de grand cercle qui joint ces deux sommets avec leurs méri- diens respectifs. En examinant attentivement le tableau, on verra que ce rapport déeroît avec une eertaine régularité à mesure que la latitude moyenne des deux sommets méridionaux du triangle diminue , c’est à dire à mesure que ce triangle s’allonge vers l’équateur et P proche de devenir un demi-fuseau. Il est aisé de concevoir qu’en effet le rapport dont il s’agit doit suivre cette marche décroissante. Si le triangle était infiniment petit et que les deux sommets méri- dionaux fussent à une distance infiniment petite du pôle , le rapport serait celui de l’égalité , 1 à 1. Si le triangle était équivalent à un demi-fuseau , ce qui suppose que l’un des sommets méridionaux du triangle est aussi éloigné de l’équateur vers le S. que l’autre vers le N. , le rapport serait celui de 1 à zéro. Si le triangle était isocèle , ce qui suppose que les deux sommets méridionaux sont à la même latitude , le rapport s’obtiendrait par la résolution de rim cies deux triangles rectangles dontle triangle isocèle se composerait, et le rapport des tangentes des deux angles serait égal à celui de i’unite au sinus de la latitude. Enfin , dans le cas ordinaire où les deux sommets méridionaux du triangle ont des latitudes inégales , le second rapport a la valeur qu'il aurait s’ils étaient ramenés l’un et l’autre à leur latitude moyenne augmentée d’une petite quantité. En effet, la différence entre la différence des longitudes des deux sommets méridionaux du triangle et celle des angles alternes internes formés par l’arc qui les joint avec leurs méri- diens respectifs est égale à V excès sphéricjae des trois angles du 883 SÉANCE DU 17 MAI iSà7 . triangle lui-même , et la somme des deux côtés de ce triangle qui aboutissent au pôle étant constante , V excès sphérique de ses trois angles , qui est proportionnel à sa surface , est d’autant plus grand que les deux côtés approcbent plus de l’égalité. Quand le milieu de la base se trouve sur l’équateur, l’excès sphérique est égal à l’angle au pôle, c’est-à-dire à la différence de longitude des deux côtés méridionaux , d’où il résulte que la différence des angles alternes internes formés par la base avec les deux méridiens est nulle , et que le rapport est , comme nous venons de le dire , celui de 1 à zéro. Il en serait de même si, la base étant oblique, elle avait son point milieu sur l’équateur. J’ai été étonné au premier abord de la petitesse des irrégularités que présente dans sa marche le rapport qui nous occupe, car il me paraissait naturel de croire que pour des points placés d’une manière aussi disparate que ceux qui entrent dans le tableau ^ le rapport de la septième colonne aurait varié d’une manière plus irrégulière. D’une autre côté , si l’on remarque que la marche dé- croissante de ce rapport n’est pas complètement régulière , et pré- sente même des anomalies, on pourra s’étonner que j’aie consigné ici cette série irrégulière. J’aurais pu en obtenir une parfaitement régulière en considérant une suite de triangles isocèles , qui tous auraient eu le même angle au sommet , et dont chacun aurait eu ses deux sommets méridionaux à la même latitude. Chacun d’eux se serait décomposé en deux triangles rectangles , et dans chacun de ceux-ci on aurait pu calculer la différence des angles alternes internes formés par la base avec les méridiens extérieurs au moyen de la formule : tnn^ C sin a taiig B , où <7 représente la latitude comptée , comme à l’ordinaire , à partir de l’équateur, et B l’angle au pôle ; formule dans laquelle on lit que dans ce cas le rapport de la septième colonne décroîtrait régulièrement du pôle, où il serait 1 : 1 , à l’équateur, où il serait 1:0. Mais il n’y a aucune raison pour remplacer une formule très simple par un pareil tableau , qui lui-même n’aurait pu être appliqué à des triangles non iso- cèles et même à des triangles isocèles où l’angle B aurait eu une valeur différente de celle employée , que d’une manière approxi- mative et sans ciii’on pût apprécier le degré de rapproxiniation , tandis que le tableau que je présente fait voir d’un coup d’œil de quel ordre est l’erreur, toujours assez peu considérable , que l’on est exposé à commettre pour des points de latitudes dijférentes , et tous renfermés dans l’étendue de l’Europe , en remplaçant le calcul d’un triangle sphérique par une simple proportion dont il fomnit le rapport. Il demeure bien entendu que ce tableau , de mêms que SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. 88A Ici projection stéréographiqne dont j’ai déjà parlé, n’est qu’un in- strument expéditif de tcàtonnement , et que , si l’on veut obtenir un résultat absolument rigoureux , il faut prendre le temps d’exécuter le calcul trigonométrique; mais en pareille matière on a plus à craindre d’étre induit en erreur par les illusions qu’un simple calcul approximatif aurait fait disparaître , que j>ar les inexacti - tudes que ce calcul pourrait renfermer. Les géologues qui se livrent à des rapprochements entre les di- rections des différents accidents que présente l’écorce terrestre doivent toujours être en garde contre les illusions qui résultent de la forme sphérique de la terre et de la manière dont elle est représentée sur les cartes géographiques. Au moyen du tableau ci-dessus on pourra dissiper ces illusions pour ainsi dire d’un trait de plume , et son emploi pourra être utile non seulement pour les calculs qui me l’ont fait construire, mais pour une foule de tcàtonnements géométriques relatifs à des comparaisons de directions. La combinaison élémentaire dont ces tâtonnements se compo- sent consiste essentiellement à examiner si deux petits arcs de grands cercles placés sur la sphère, à quelque distance l’im de l’autre , sont exactement ou à peu près parallèles entre eux. Ces deux petits arcs, d’après la définition rappelée ci-dessus, seront exactement parallèles entre eux , si un même grand cercle les coupe l’un et l’autre perpendiculairement par leur point milieu ; mais ils seront déjà très voisins du parallélisme , si l’arc du grand cercle qui joint le milieu de l’un au milieu de l’autre est peu étendu , et fait avec eux des angles alternes internes égaux. En eflet , ils feront alors partie des deux côtés d’un fuseau de peu de largeur, dont le milieu de l’arc de jonction sera le centre ; ils occuperont sur les deux côtés de ce fuseau des positions symé- triques, et prolongés l’un et l’autre jusqu’à l’équateur du fuseau, ils y seront exactement parallèles. Considérés dans les points mêmes où ils ont été observés , ils ne peuvent être parallèles l’ini à l’autre que par l’intermédiaire d’un grand cercle de comparaison. 11 est assez naturel de choisir pour grand cercle de comparaison l’un des deux arcs prolongé , et dans ce cas le défaut de parallé- lisme que les deux arcs présenteront dans les points où on les a observés a pour mesure V excès sphérirpæ du triangle rectangle formé par l’arc de jonction des points milieu des deux arcs, par run des deux arcs prolongés, et par la perpendiculaire abaissée sur son prolongement du point milieu de l’autre arc. A moins que ce ti'i angle ne soit très grand , ce qui suppose les deux points très éloi- SÉAISCK DU 17 MAI l8Zl7. 885 gnés l’im de l’autre , V excès sphérique dont il s’agit sera toujours peu considérable ; les deux petits arcs pourront donc , dans le plus grand nombre des cas , être considérés comme sensiblement paral- lèles si l’arc qui joint leurs points milieu forme avec eux des angles alternes internes égaux. Réciproquement , si en un point donné on veut tracer un petit arc de grand cercle parallèle à un autre petit arc de grand cercle existant en un autre point de la sphère , il suffit de joindre les deux points par un arc de grand cercle , et de tracer le nouvel arc de manière qu’il fasse avec l’arc de jonction le même angle que l’arc observé. En opérant de cette manière pour transporter une direction d’un point à un autre , on se rapproche , autant que possible , du procédé par lequel on trace , par un point donné d’un plan , une parallèle à une droite donnée dans ce plan. On a égard à la con- vergence des méridiens vers le pôle de rotation de la terre, comme on aurait égard sur un plan à la convergence des rayons vecteurs vers leur foyer; mais on fait abstraction, du reste, des effets de la courbure de la terre. Pour se rendre raison de cette espèce de départ cpi’on opère ainsi , entre deux effets provenant l’un et l’autre d’une même cause , la sphéricité de la terre , il suffit d’imaginer qu’on détache le réseau des points d’observation de la partie de la sphère terrestre à laquelle il appartient pour l’appliquer, sans le défor- mer, sur la zone torride , de manière que la ligne équinoxiale le divise en deux parties égales. On pourra alors , sans commettre de bien grandes erreurs , considérer les méridiens comme des droites parallèles , et transporter une direction d’un point à un autre par le même procédé que si on opérait sur un plan. On pourra , par exemple , prendre un point de la ligne équinoxiale pour centre de réduction , et mener par ce point des droites formant avec le méridien du lieu les mêmes angles que chacun des petits arcs observés avec les méridiens respectifs de leurs points milieu, puis prendre la moyenne des directions ainsi transportées en un même point, comme on le ferait sur un plan. Or , la zone torride , où la terre , abstraction faite de l’aplatis- sement , dont nous ne tenons aucun compte , est courbe comme partout ailleurs , ne présente iei d’autre avantage que le parallé- lisme presque exact des méridiens , parallélisme qui dispense de considérer la différence des angles alternes internes que fait avec deux méridiens différents un arc du grand cercle qui les coupe. Mais la courbure de la terre est ici , comme partout ailleurs , la 886 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. source d’une petite erreur , mesurée dans la comparaison de deux points , par ïea^cès sphérique de la somme des trois angles d’un trian- gle reetangle, dont l’hypothénuse est l’arc qui joint les deux points et dont l’un des côtés de l’angle droit est la prolongation du petit arc observé. On pourrait aussi imaginer que le réseau des points d’observa- tion , après avoir été enlevé de la surface de la splière terrestre , fût appliqué sans déformation sur la région polaire , de manière à ce que son point central coïncidât avec le pôle qui deviendrait le centre de réduction. Chaque petit arc observé sur la surface de la sphère serait transporté au pôle de manière à y faire encore le même angle avec le méridien de son point milieu; puis on. pren- drait la moyenne des directions de tous ces petits arcs transportés au pôle. Ce serait opérer comme si on avait substitué à la surface sphérique de la terre un plan q'uilui serait tangent au pôle même. Les méridiens seraient sensés développés sur des droites passant par le pôle , et les parallèles deviendraient des cercles ayant le pôle pour centre commun. Pour les points très voisins du pôle , cette substitution n’entraînerait que des erreurs insensibles; mais à me- sure qu’on s’éloignerait du pôle l’inexactitude serait de plus en plus grande. Dans le transport de tous les petits arcs observés au pôle exécuté ainsi , comme si on opérait sur un plan , il y aurait réellement un petit défaut de parallélisme entre l’arc transporté et celui qui aurait servi de point de départ , et ce défaut de pa- rallélisme aurait toujours pour mesure \ excès sphérique du triangle rectangle, dont l’arc de jonction du point d’observation au centre de réduction est l’iiypotliénuse , et dont le petit arc observé , pro- longé autant qu’il est nécessaire, forme un des côtés de l’angle droit. Dans tout l’espace intermédiaire entre la région équatoriale et la région polaire , les méridiens et les parallèles , qui servent de coordonnées pour déterminer les positions des points sur la sur- face du globe , cessent de pouvoir se construire sans erreur sensible sur des coordonnées rectangulaires ou sur des coordonnées polaires tracées sur un plan ; ils ont en quelque sorte une manière d’être intermédiaire entre celle des coordonnées rectangulaires et celle des coordonnées polaires. Projetés de telle manière qu’on voudra sur un plan qui serait tancent à la sphère terrestre vers le milieu de l’iiémisplière boréal, les méridiens seront toujours représentés par les lignes convergentes. On doit avant tout tenir compte de cette convergence , et on y parvient au moyen de la résolution d’un triangle sphérique , ou par l’emploi plus expéditif du tableau SÉANCE DU 17 MAI 18^7. 887 donné ci-dessus ; on fait ainsi l’équivalent exact de l’opération que je viens d’indiquer pour les régions polaires et équatoriales. Mais tenir compte de cette disposition des coordonnées n’est pas encore tenir un compte complet de la courbure de la surface , et l’erreur commise a toujours pour mesure , dans ce cas comme dans les pré- cédents, l’eû^cès sphérique de ce même triangle rectangle dont j’ai indiqué les éléments. La région polaire et la région équatoriale , ainsi que nous venons de le dire , n’ont ici d’autre avantage que la simplicité de la dis- position des méridiens et des parallèles , qui sont les coordonnées au moyen desquelles les positions des points sont déterminées sur la surface de la sphère , et qui peuvent , sans erreur notable , être construites sur des coordonnées planes , savoir : pour la région équatoriale, sur des coordonnées rectangulaires, et pour la région polaire , sur des coordonnées polaires. Les di.spositions particulières que présentent ainsi les coordon- nées sphériques dans les diverses régions de la sphère corres- pondent à celles qu’y présente la spirale loxodromique . On sait que l’arc de loxodromie qui coupe l’équateur se confond avec un arc d’hélice tracé sur le cylindre qui enveloppe la terre suivant son équateur , arc dont le développement est une ligne droite , et que la partie de la loxodromie qui se trouve à une très petite distance du pôle ne diffère pas d’une manière appréciable d’une spirale lo- garithmique ; l’hélice et la spirale logarithmique sont des simpli- fications que la loxodromie éprouve en deux points particuliers de son cours sans que ses propriétés en soient altérées. De même les simplifications que la disposition particulière des méridiens apporte à certaines constructions près des pôles et de l’équateur ne change rien à la valeur réelle de ces constructions , et laisse exactement la même erreur que l’on commet lorsqu’on opère relativement aux deux extrémités d’un arc du grand cercle tracé sur la sphère , comme on opérerait aux deux extrémités d’une ligne droite tracée sur un plan. Or, c’est là précisément ce qu’on fait lorsque , en s’en tenant à la première partie des opérations que j’ai indiquées, on trace aux deux extrémités d'un arc du grand cercle placé sur la sphère terrestre d autres arcs , qui forment avec lui des angles al- ternes internes respectivement égaux ; car on fait abstraction de la courbure de cet arc, tout en tenant compte de la diversité des angles sous lesquels il coupe les différents méridiens. Cette diversité des angles sous lesquels l’arc de jonction des deux localités coupe les différents méridiens est toujours en effet la pre- mière chose à considérer. Lorsqu’on veut comparer la topographie 888 SÉANCE DU 17 MAI 18/17. géologique d’une localité à celle d’une autre localité sous le rap- port du parallélisme des accidents qui s’y observent , la première chose à faire est de déterminer la différence des angles alternes internes que forment , avec les méridiens des deux localités , l’arc de grand cercle qui les joint. Des lignes (de petits arcs de grands cercles réduits à leurs tan- gentes) , menées dans les deux localités perpendiculairement à l’arc qui les joint, seraient parallèles entre elles , dans toute la rigueur de l’expression. Si ensuite on faisait tourner ces petits arcs de quantités égales et dans le même sens , ils conserveraient encore l’apparence du parallélisme , mais ils ne seraient plus rigoureu- sement parallèles ; ils occuperaient des positions symétriques dans un fuseau dont le point central serait au milieu de l’arc de jonction des deux localités, et ils s’écarteraient d’autant plus du parallélisme que le fuseau serait plus large et qu’ils seraient plus éloignés de son équateur. On pourrait faire tourner le petit arc de grand cercle de l’une des contrées de manière à le rendre paral- lèle au prolongement de l’arc tracé dans l’autre contrée , c’est-à- dire perpendiculaire à un arc de grand cercle , perpendiculaire lui-même à l’arc prolongé. Or, la quantité dont le premier petit arc aurait tourné pour prendre cette position aurait pour mesure , comme il est aisé de le lire sur la figure même , Y excès sphérique de la somme des trois angles du triangle rectangle formé par l’arc de jonction des deux localités , par le petit arc prolongé et par la perpendiculaire abaissée de l’autre localité sur son prolongement. excès sphérique de la somme des trois angles de certains triangles sphériques donne si souvent la mesure des erreurs qui se glissent presque inaperçues dans la comparaison des positions de différents arcs de grands cercles tracés sur une sphère , cju’il est naturel de chercher à se rendre compte , par la considération même de Y excès sphérique , de la grandeur que peuvent atteindre , dans tels ou tels cas , les erreurs dont il s’agit. \è excès sphérique se trouve introduit dans les calculs géologiques par des motifs analogues à ceux qui le font prendre en considéra- tion dans les calculs géodésiques . On se sert de Y excès sphériciue en géodésie pour ramener le calcul d’un triangle sphérique à celui d’un triangle plan ; on s’en sert en géologie pour corriger l’erreur que l’on commet en supposant cpie la surface de la terre se confond avec un plan qui lui serait tangent dans le milieu de la contrée dont on s’occupe. Rien n’est si fréquent que de raisonner et d’opérer comme si la surface de la terre se confondait avec son plan tangent. On y est SÉAJNCK DU 17 MAI 18A7. 889 conduit par l’apparence de platitude que cette surface présente à nos regards et par l’habitude de la voir représentée sur des cartes géographiques qui sont des feuilles de papier planes. Pour nous bien rendre compte des erreurs qui peuvent résulter de cette substitution du plan tangent à la surface sphérique , ana- lysons d’abord une opération très simple. Lorsqu’on veut planter une longue et large avenue , telle par exemple que celle des Chanips-Élysées à Paris, on commence par en fixer la ligne médiane avec des jalons alignés; puis, aux deux extrémités de cette ligne médiane , on lui élève de part et d’autre des perpendiculaires d’une longueur égale à la moitié de la largeur de l’avenue , et on fixe ainsi les deux extrémités des deux files d’arbres qui doivent la composer ; enfin on aligne tous les arbres de chaque file d’après leurs points extrêmes. Si l’opération est exécutée avec une rigueur mathématique , chacune des deux files d’arbres est un arc de grand cercle et ces deux arcs font partie d’un fuseau dont le milieu de la ligne mé- diane est le centre. Ils n’ont de rigoureusement parallèles que les deux éléments situés au milieu de leur longueur. Prolongés l’un et l’autre à cbacune de leurs extrémités par une suite de jalons , ils iraient se rencontrer aux deux extrémités opposées d’un même diamètre de la sphère terrestre ; prolongés par leurs tangentes ex- trêmes, ils se rencontreraient aussi à des distances qui, sans doute , seraient très grandes , mais qui ne seraient pas infinies. On pourrait se proposer de mener par l’extrémité de l’iin de ces arcs une ligne exactement parallèle à l’extrémité correspon- dante de l’autre arc , et de déterminer quel angle ferait cette ligne avec l’extrémité du premier arc. On aurait ainsi la mesure du plus grand défaut de parallélisme qui existe dans la figure. Cette détermination peut se faire de deux manières ; par les for- mules ordinaires de la trigonométrie sphérique, ou par cette consi- dération que l’angle cherché est égal à V excès sphérique de la somme des trois angles d’un triangle sphérique rectangle , où les côtés de l’angle droit sont un des côtés de l’avenue , et la perpen- diculaire abaissée sur ce côté légèrement prolongé de l’extrémité du côté opposé. Prenons un exemple, et le ^calcul même éclaircira cette double proposition . Supposons que l’avenue dont il s’agit ait 1,000 mètres de lon- gueur et 50 mètres de largeur. La diagonale de cette avenue for- mera avec l’un des côtés et avec la perpendiculaire abaissée sur celui-ci de l’extrémité de l’autre côté un triangle sphérique rec- 890 SÉANCE DU 17 MAI i8/l7. tangle où les deux côtés ^ et c de l’angle droit seront : 1® ô , l’un des côtés de l’avenue , dont la longueur est de 1,000 mètres, pro- longé d’une quantité négligeable; 2® c, la perpendiculaire abaissée de l’extrémité du second côté de l’avenue sur le premier légère- ment prolongé , perpendiculaire dont la longueur ne différera pas sensiblement de 50 mètres. Pour déterminer en degrés > minutes et secondes les valeurs de , b b et c . on aura c = ’ 20 i : 360 : : 1,000™ : 40,000,000™. ^ _ 360», 1000 __ 36» 540' “40,000,000 “ 4,000 “ 1,000 “ ’ ‘ C 3^ 20 1",620. Les deux angles aigus B et C de ce triangle doivent se déter- miner par les formules ; tang B tang b sin c tang C tang c sin b ’ mais , dans le cas actuel , les valeurs de B et de C qu’il s’agit de tirer de ces formules forment une somme si peu différente d’un angle droit, que la '.différence ne peut être calculée avec les tables de logarithmes ordinaires , ce qui montre que l’excès sphérique du triangle dont nous nous occupons est à peu près inappréciable. En effet, en recourant au second mode de calcul, on trouve d’après la formule de Legendre (1), pour V excès sphérique du B. ô c sin A triangle que nous considérons, €= ^ = 0 ,00012733 , A r c’est-à-dire environ 13 cent millièmes de seconde sexagésimale, quantité absolument imperceptible ; ce qui montre que les deux côtés de l’avenue, dont nous avons parlé, doivent paraître bien réellement deux lignes droites parallèles. Mais l’application des mêmes formules prouve qu’il n’en serait plus ainsi d’une avenue mille fois plus grande : or les rapproche- ments auxquels on se livre de prime abord lorsqu’on veut com- parer entre eux , sous le rapport de leur parallélisme , les accidents topographiques d’une vaste contrée , ses chaînes de montagnes , (l) Legendre , Géométrie et trigonométrie ^ 10® édition, p. 426. SÉANCE DU 17 MAI ISA?. 891 ses côtes , ses rivières , reviennent à peu près à concevoir une ave- nue très longue et d’une largeur plus ou moins grande , tracée à travers cette contrée, et à examiner si les accidents topographiques que l’on compare pourraient en border les côtés. Concevons une pareille avenue , de dimensions mille fois plus grandes que celle dont nous venons de nous occuper, c’est-à-dire ayant 1,000 kilomètres de longueur et 50 kilomètres de largeur. En raisonnant sur cette avenue exactement comme sur la pré- cédente , nous aurons à résoudre par les formules , tang B tang b - et tang C nr tang c sin b un triangle sphérique rectangle , dans lequel les deux côtés de l’angle droit seront : b 9^^ = 3^2400" c = 27' = 1620" on trouvera B 87° 9' 43", 28 G ~ 2'’ 52' 27", 30, la somme de ces deux angles surpasse 90” de 2' 10", 58 , qui représentent rcj:cé.s- sphérique du triangle rectangle dont il s’agit. Calculé par la formule de Legendre , Y excès sphérique du même triangle est de 127", 33 ou de 2' 7", 33. La différence de 3" qui existe entre cette solution et la précédente tient à ce que la formule approximative qui donne l’excès sphérique n’est déjà plus parfai- tement exacte pour un triangle de mille kilomètres de côté. Maintenant , si de l’extrémité de l’un des côtés de notre grande avenue idéale on abaisse une perpendiculaire sur le second côté prolongé d’une petite quantité, puis, que par l’extrémité du premier côté on mène une perpendiculaire à cette perpendiculaire , celle- ci sera rigoureusement parallèle à l’extrémité du second côté , et elle fera avec le premier côté un angle égal à Y excès sphérique que nous venons de calculer, c’est-à-dire de 2' 10", 58. Telle est l’erreur la plus grande que comporte , par suite de la sphéricité de la terre , la construction idéale à laquelle nous avons fait allusion en imaginant la vaste avenue dont nous venons de parler ; mais il est à remarquer que Y excès sphérique des trois angles d’un triangle étant proportionnel à sa surface , la même construction répétée pour une avenue de 100 kilomètres de largeur comporterait une erreur de 4' 21", 16; pour 200 kilomètres de largeur, 8' 42", 32 ; pour 1,000 kilomètres de largeur l’erreur serait de 43' 31", 6. Elle n’atteindrait un degré qii’ autant que l’avenue de 892 SÉANCE DU 17 MAI i8/l7. 1 000 kilomètres de longueur aurait une largeur de 1,378 kilo- mètres , c’est-à-dire plus grande que sa longueur. La diagonale du quadrilatère sphérique orthogonal, dont le côté est de 1,000 kilomètres, est elle-même d’environ 1,000“. V 2 — l,àlà kilomètres, qui font environ 350 lieues. Or, il est aisé de voir que l’erreur commise sur le parallélisme de deux lignes passant par deux points donnés de la surface terrestre sera la plus grande possible si ces lignes font avec la ligne de jonction des deux points des angles d’environ Zi5“ ; car l’erreur est nulle si les lignes comparées sont perpendiculaires à la ligne de jonction des deux points r elle redevient nulle si les deux lignes coïncident avec la ligne de jonction des deux points : l’erreur maximum correspond évidemment à la position moyenne entre ces deux extrêmes ; ainsi qu’on peut d’ailleurs le démontrer par la formule même de Legendre. De là on peut conclure que tant que deux points ne sont pas éloignés déplus de l,à00 kilomètres ou 350 lieues, l’erreur qu’on peut commettre sur le parallélisme de deux lignes qui y passent, en faisant abstraction de la courbure de la terre , ne va jamais à hU'. Embrassons un espace un peu plus grand encore. Concevons que par un point de la surface de la terre on mène deux grands cercles perpendiculaires entre eux , qui pourront être , par exemple , une méridienne et sa perpendiculaire , mais qui pourront avoir aussi une tout autre orientation. A partir du point où les deux grands cercles se coupent à angle droit , mesurons sur chacun d’eux une distance égale à 7“ 1/2 du méridien, et par les quatre points ainsi déterminés élevons sur les deux grands cercles des perpendi- tulaircs. Par cette construction, qui est analogue à celle sur laquelle repose la projection de Cassini ^ nous formerons un qua- drilatère sphérique orthogonal dont les quatre côtés seront égaux , et dont les quatre angles seront de même égaux entre eux , qua- drilatère qui se rapprochera d’un carré autant que peut le faire une figure tracée sur une sphère. Ce quadrilatère serait même un carré exact s’il était infiniment petit , mais il aura un diamètre égal à 15'’ du méridien, et ses quatre angles égaux entre eux surpasse- ront chacun 90'^ d’une quantité qui, répétée quatre fois, formera ce qu’on pourra appeler V excès sphérique de la figure entière. Maintenant les cpiatre côtés du quadrilatère sont rigoureusement parallèles deux à deux dans leurs points milieu ; mais à leurs ex- trémités ils ne sont plus parallèles , bien que les diagonales fassent avec eux des angles égaux; ils s’écartent du parallélisme d’une 893 SÉANCE DU 17 MAI 1847. quantité égale à la moitié de Vû^rcés sphérique de la figure totale , c’est-à-dire au double dej’excès de chacun des quatre angles sur 90°. Il est aisé de voir que cette quantité est égale à quatre fois \ excès sphérique d’un triangle sphérique rectangle dont l’un des côtés de l’angle droit est de 7° 1/2, et dont l’un des angles aigus est de Le second angle aigu G de ce triangle se calcule par la formule cas C = cos c sin B , qui donne cos G = cos 7° 30' sin 45° etG = 45° 29' 1 7". Get angle excède 45° de 29' 17", et, en quadruplant eette quantité, ce qui donne 1° 57' 8", on a celle dont les extrémités correspondantes des côtés de notre qua- drilatère s’écartent du parallélisme. Or, notre quadrilatère a une largeur égale à 15® du méridien , c’est-à-dire à environ 1,667 kilomètres, ou un peu plus de 400 lieues. Il pourrait embrasser la France avec la plus grande partie des Iles Britanniques , de l’Allemagne et de l’Italie septen- trionale. Les deux points situés aux deux extrémités d’une de ses diagonales sont éloignés de plus de 2,350 kilomètres ou de près de 600 lieues , et cependant l’erreur la plus grande qu’on puisse com- mettre en comparant des lignes situées aux deux extrémités de cette diagonale de la manière la plus défavorable ne .s’élève pas à 2°. Ge résultat est conforme au précédent, auquel nous étions par- venus par une voie un peu différente , car pour des distances bien éloignées encore d’être égales au quart du méridien , les excès sphériques de triangles semblables auxquels elles servent de base sont à peu près proportionnels à leurs carrés ; or on a (1414)^ : 43' 31", 6 :: (2350)^ : .r = 2° 0' 13", proportion dont le quatrième terme ne diffère de 1° 57' 8" que de 3' 5", et cette différenee vient en partie de ce que je n’ai calculé que d’une manière ap- proximative les diagonales dont j’ai comparé les carrés. La dia- gonale de 2,350 kilomètres est à peu près égale à la distance de Lisbonne à la pointe nord de l’Ecosse , ou de Naples à Ghristiania. On peut conclure de là que lorscj^ue l’on comparera entre elles des directions observées dans l’Europe occidentale moyenne , en négli- geant l’effet de la courbure de la terre , mais en tenant compte de la convergence des méridiens vers le pôle , on ne commettra que rarement une erreur de 2®. Il y aurait cependant un cas où les erreurs pourraient devenir plus considérables; ce serait celui où on procéderait de manière à en accumuler plusieurs: ce qui arriverait par exemple si, au lieu de comparer directement un point à un autre , on le comparait par l’intermédiaire d’un troisième , ainsi qu’on peut le faire impu- nément lorsqu’on opère sur un plan. En effet, on ajoute alors à 4 21 44 10 52 37 59 50 lo 4 34 1 7 40 1 8 42 1900 13 18 26 11 38 17 49 12 58 38 lo 6 18 i 1 11 56 1 15 23 1 16 33 2000 14 44 1 29 1 42 25 54 51 lo 4 58 1 13 27 j 1 19 42 1 23 32 1 24 49 Il est aisé de constater le degré d’approximation des valeurs de t que renferme ce tableau. A et G étant les deux angles aigus du trian- gle rectangle , V excès sphérique de ses trois angles sera s = A -{- C ■ — 90®. A étant mesuré sur la carte de même que le coté b , on déterminera G par la formule cot. G = cos b tang A ; ici b doit être exprimé , non plus en kilomètres , mais en degrés , minutes et secondes. Si h est sa mesure en kilomètres prises sur la carte , on aura b ; /. ; : 90” : 10,000 ; h ~ 90”. Celle ])iemiere ré- 10,00(» ’ SÉANCE EU 17 3IAI 18/l7. 899 ductioii opérée , ou n’aiira que deux logaritliines à chercher pour trouver celui de cos. C. Supposons, par exemple, A = 40% A- — 1,000, nous aurons 1 d’abord b = 90" = 9", et nous trouverons, cot^ c = cos 9® tan g 40® ; C =: 50^ 20' 57" d’où £ = 40 > + 50" 20' 50" — 90= = 20' 57". 2 Supposons encore A rz; 45”, k = 2000 , nous aurons b zz= 90” — 18”, et nous trouverons C — 46® 26' 12", d’où £ = 45® + 46” 26' 12" — 90" = 1*^ 26' 12". Le tableau donne approximativement les valeurs correspondantes de e , qui sont £ = 20' 53" et £ = 1° 24' 49"; ces valeurs approxi- matives sont plus petites que les valeurs exactes : la première de 4", et la seconde de 1' 23". Mais les différences, surtout la première, sont très petites. On voit par là que les valeurs de £ , données par la formule approximative et celles données par un calcul rigou- reux , ne diffèrent que de quantités qui , pour notre objet , sont à peu près insignifiantes. Ces valeurs ne diffèrent d’une manière un peu notable que vers la fin du tableau où la seconde des deux valeurs de z , que nous venons de considérer , occupe la dernière place ; mais l’erreur est encore si peu considérable , même pour cette dernière , qu’il ne peut y avoir auciï i inconvénient réel à employer les valeurs approximatives à la place des valeurs rigou- reuses. Les valeurs rigoureuses sont , au reste , si faciles à calculer, qu’on pourra aisément les déterminer dans tous les cas où on en aura besoin , soit dans l’étendue embrassée par le tableau, soit au-delà de ses limites. Peut-être, en voyant combien ces valeurs rigou- reuses sont faciles à obtenir, s’étonnera-t-on que je me sois borné à consi.gner dans le tableau les valeurs approximatives; maison aura le secret de cette préférence en remarquant que la forme de la formule approximative m’a permis de remplir les 180 cases du tableau sans effectuer complètement la calcul pour chacune d’elles, facilité c|ue la formule rigoureuse ne me donnait pas. Avec cette dernière il m’aurait fallu répéter 180 fois le calcul logaritbinique. 900 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. La |)r()()iesslou que suivent les deux dilï'éreuees que je viens de citer montre que la formule approximative , qui donne Fearcèv sp/iérique , presque rigoureusement exacte pour les triangles dont le plus grand côté n’a pas plus de 1000 kilomètres , l’est déjà beau- coup moins pour ceux dont le plus grand côté en a 2000, et devien- drait rapidement de plus en plus inexacte si on l’appliquait à des triangles plus grands encore. En faisant usage du tableau pour tous les cas auxquels il pourra s’appliquer, et en recourant , pour le petit nombre de ceux auxquels il ne s’appliquera pas , au calcul complet du triangle sphérique rectangle , on obtiendra aisément pour le centre de réduction une direction moyenne dont on pourra toujours répondre à quelques mi- nutes près. J’en donnerai ci-après des exemples , en m’occupant successive- ment des divers systèmes de montagnes auxc|uels cette note est consacrée. Parmi les systèmes de montagnes dont je me suis occupé jusqu’à présent de fixer l’àge relatif et la direction, le plus ancien était le sys- tème du JVestmoreland et du Hundsrücl:. Ainsi que je l’ai annoncéen 1833, dans l’extrait de mes recherches sur quelques unes des révo- lutions de la surface du globe , inséré dans le Manuel géologique , l’idée première de m’occuper de ce système m’a, été suggérée par les recherches dont M. le professeur Setlgvrick a communic{ué les résultats, en 1831 , à la Société géologique de Londres. « Ce » savant géologue, qui s’était occupé Tdès lors) depuis près de dix » ans de rex])loration des montagnes du district des lacs du » Westmoreland , a fait voir que la moyenne direction des diffé- )) rents systèmes de roches schisteuses y court du N -E. un peu E. » au S. -O. un peu O.. Cette manière de se diriger fait que, l’un » après l’autre, ils viennent se perdre sous la zone carbonifère qui « couvre les tranches de leurs couches; d’où il résulte qu’ils sont » nécessairement en stratification discordante avec cette zone. » L’auteur confirme cette induction en donnant des coupes détail- » lées ; et de tout l’ensemble des faits oljservés il conclut que les » couches des montagnes centrales du district des lacs ont été pla- » céés dans leur situation actuelle avant ou pendant la période du » dépôt du vieux grès rouge , par un mouvement qui n’a pas été » lent et prolongé , mais soudain (I). » (1) Voyez Recherches sur quelques unes des révolutions de la sur- jace du globe etc.... Manuel géologique , par M. de La Bêche, tra- duction hançaise par M, Brochant de Villiers , p. (3 24 ; et l'raité de m \ SfiANCK DU 17 MAI 18/i7. A cette époque, les belles reclierclies de M. Murchisoii sur la région silurienne n’étaient pas encore ou étaient à peine commen- cées , le nom même de terrain silurien n’avait pas encore été pro- noncé , et , frappé de l’irrégularité des couches de transition mo- derne que j’avais visitées à Dudley et à Tortworth, couches qui n’avaient encore été rapprochées d’aucunes de celles duWestmore- land, je disais que des circonstances autres que celles mentionnées par M. le professeur Sedgwick me faisaient regarder moi-même comme bien probable qiie ce soulèvement « avait même eu lieu « avant le dépôt de la partie la plus récente des couches que les «Anglais nomment terrains de transition, c’est-à-dire avant le )) dépôt des calcaires à Trilobites de Dudley et de Tortworth (1). » iM. le profeseur Sedgwick a aussi montré , continuais -je, « que , si on tire des lignes suivant les directions principales des « chaînes ‘suivantes , savoir: la chaîne méridionale de l’Ecosse, >) depuis Saint-Abbs-Head jusqu’au Midi de Galloway, la chaîne »’de graiiwacke de l’île de Man, les crêtes schisteuses de F île )) d’Anglesea , les principales chaînes de grauwacke du pays de «Galles et la chaîne de Cornouailles, ces lignes seront presque « parallèles l’une à l’autre et à la direction mentionnée ci-dessus , « comme dominant dans le district des lacs du M estinoreland. « L’élévation de toutes ces chaînes qui influent si fortement sur le « caractère physique du» sol de la Grande-Bretagne, disais-je en- « core, a été rapportée par M. le professeur Sedgwick à une même « époque , et leur parallélisme n’a pas été regardé par lui comme « accidentel , mais comme offrant une confirmation de ce principe « général , déjà déduit de l’examen d’un certain noivdjre de mon- « tagnes, cpie les chaînes élevées à la même époque présentent un « parallélisme général dans la direction des couches qui les coni- « posent , et par suite dans la direction des crêtes que ces couches '/) constituent (2). « Passant ensuite de la Grande-Bretagne sur le continent de l’Eu- rope, je disais que (( la surface de l’Europe continentale présente « plusieurs contrées mOntueiises, où la direction dominante des « couches les plus anciennes et les plus tourmentées court aussi , « comme M. de îlumboldt l’a remarqué depuis longtemps , dans « une direction peu éloignée du N.-E. ou de l’E.-N.-E. {Hora 3-à, géognosie de M. Daubuisson, continué par M. Amédée Burat , t. III, p. 297. (F) Ibid, p. 624 et 298. (2) lbid \ p. 623 et 299. 902 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. » delà boussole des Mineurs). Telle est, par exemple, la direction » des2 ouches de schiste et de gratiwacke des montagnes de l’Eiffel , » dn Himdsrück et du pays de Nassau , au pied desquelles se sont » probablement déposés les terrains carbonifères de la Belgique et » de Sarrebrück (ces derniers reposent, à Nonnweiler , route de )) Birkenfeld à Trêves (1) , sur la tranche des couches de schiste » et de quartzite). Telle est aussi celle des couches schisteuses » du Hartz ; telle est encore celle des couches de schiste , de grau- » wacke et de calcaire de transition des parties septentrionales et » centrales des Vosges, sur la tranche desquelles s’étendent plu- » sieurs petits bassins houillers ; telle est même à peu près celle des » couches de transition , calcaires et schisteuses , d’une date pro- » bablement fort ancienne , qui constituent en grande partie le » groupe de la montagne Noire , entre Castres et Carcassonne , et » qui SC retrouvent dans les Pyrénées , où , malgré des boulever- » sements plus récents , elles présentent encore , et souvent d’une » manière très marquée , rempreinte de cette direction primi- » tive. )) Enfin , cette direction hora 3 — k est aussi la direction domi- » nante et pour ainsi dire fondamentale des feuillets plus ou moins )) prononcés des gneiss , micaschistes , schistes argileux et des » roclies quartzeuses et calcaires de beaucoup de montagnes appe* » lées souvent primitives, telles que celles de la Corse , des Ùlaures » (entre Toulon et Antibes) , du centre de la France , d’une partie » de la Bretagne , de l’Erzgebirge , de Grampians. . . . » Le parallélisme de cette direction et de celle observée par » M. le professeur Sedgwick , en Angleterre, joint à la circoii- » stance que cette loi d’une forte inclinaison dans une direction à » peu près constante , à laquelle obéissent presque universellement » les couches et les feuillets des terrains les plus anciens de l’Eu- » rope , ne comprend pas les formations d’une origine postérieure, conduit naturellement à supposer que l’inclinaison de toutes les U couches de sédiment qui sont comprises dans le domaine de » cette loi est due à une même catastrophe qui , jusqu’ici , est la » plus ancienne de celles dont les traces ont pu être clairement re- » connues. Il ne faut cependant pas désespérer, ajoutais-je, de voir » des recherches ultérieures mettre les lignes de démarcation , que » l’observation indique déjà entre les différentes assises des anciens » terrains de transition , en rapport avec des soulèvements plus (1 ) Explication de la Carte géologique de la France , t. I®*’, p. 698. SÉANCE DU 17 MAT 18Zi7. 903 » anciens et encore plus effaces que celui dont nous venons de j n pa?'ler (î). j Ce sont CCS espérances , de vieille date , que je vais essayer de réaliser; mais auparavant je dois compléter, autant que l’état des observations le permet aujourd’hui , l’étude du système dont je viens de retracer les traits fondamentaux et d’abord rappeler pour- quoi je l’ai nommé système du Westmoreland et du Hundsrüch . Les noms qui rappellent un type naturel bien déterminé , « tels » que ceux de calcaire du Jura , d’argile de Londres , de calcaire » grossier parisien , ont, en géologie, des avantages tellement mar- » qués, qu’il était à désirer qu’on pût en employer du même genre » pour les divers systèmes d’inégalités d’âges différents qui sil- » lonnent la surface de la terre. Il n’était pas sans embarras de » choisir, pour indiquer une réunion de rides qui traversent une » grande partie de l’Europe , qui probablement s'y sont produites » au milieu d'aceidents préexistants ^ et qui , depuis, ont été sou- » mises à un grand nombre de dislocations , un nom simple et » facile à retenir , qui se rattacliât à des accidents naturels du sol n et cpii ne fût pas exposé, à cause de sa brièveté même, à donner » lieu à des équivoques et à des disputes de mots. Il m’a semblé » qu’on pourrait adopter pour le système dont nous parlons le » nom de système du fV estmoreland et du Hundsrüch^ en convenant » de prendre la partie pour le tout, et en rattachant tout l’en- » semble à deux districts montagneux, où les accidents très an- * » ciens qui nous occupent sont encore au nombre des traits les » plus proéminents. On pourrait tout aussi bien l’appeler système » du Bigorre , du Canigou , du Pilas , de l’Erzgebirge , du Harz , » puisque les couches schisteuses anciennes , dont ces montagnes » sont en grande partie composées , paraissent avoir contracté elles- )) mêmes , à l’époque ancienne ejui nous occupe , leurs inflexions » primordiales. Mais comme ces mêmes montagnes paraissent de- » voir une grande partie de leur relief actuel à des mouvements » beaucoup plus récents , j’ai craint qu’en les faisant figurer dans » la désignation d’un système d’accidents bien antérieur à la con- » liguration définitive qu’elles nous présentent , on n’introduisît » trop de chances de confusion (2). » Depuis que ces pages ont été publiées , la réunion en un même (1) Manuel géologique ^ p. 625 et 626 — Traité de géognosie ^ t. ïü,p. 301." (2) ïbid., p. 626 et 301-302. 90/4 sfivNCi: î>r 17 mai 18/|7. faisceau tle tous les accidents omgraphiques et stiati^rapliiques , dont je viens de rappeler les noms , est devenue de plus en plus indispensable ; quelques autres même ont dû y être réunis , quel- ques accidents partiels et de peu d’étendue devront seuls être dé- tachés des masses avec lesquelles ils étaient confondus. J’ai cru pendant longtemps que les couches schisteuses les plus anciennes de l’Ardenne , du Hundsrück , du Hartz , etc. , correspon- daient , par leur âge , à celles du Longmyjid , sur lesquelles les couches siluriennes inférieures reposent en stratification discor- dante. C’est dans cette pensée qu’en 1835 je proposai à M. Mur- chison, ainsi qu’il a bien voulu le rappeler dernièrement (1), de donner au groupe de roches schisteuses anciennes qui forme la base du Longmynd le nom de système hercynien , nom auquel M. le pro- fesseur Sedgwick a préféré celui de système cambrien. Mes illustres amis ont conservé eux-mêmes, pendant longtemps, quelque chose de cette ancienne opinion ; car sur la belle carte des terrains schis- teux des bords du Rhin, qu’ils ont publiée en 18ZiO, ils ont indiqué un noyau cambrien dans l’Ardenne , près de Bastogne et de Houf- falize, et un autre sur les bords du Rhin , près d’Oberwesel et de St-Goar. L’incertitude où nous étions sur l’existence réelle de ces noyaux cambriens , l’impossibilité de les limiter avec précision , et d’autres difficultés encore, nous ont déterminés, M. Dufrénoy et moi, à figurer une grande partie de ces contrées schisteuses, sur la carte géologique de la France publiée en 18ùl , comme composées de terrains de transition indéterminés désignés simplement par la lettre /, et j’ajoutais dans l’explication de la même carte : U L’expression terrain ardoisier laisse dans une indétermination » dont il ne me paraît pas encore prudent de sortir aujourd’hui , et » l’époque du dépôt des schistes et des quartzites de l’Ardenne , et » l’époque de la conversion en ardoises d’une partie des premiers. . . . » Les schistes verdâtres qui, près de Bingen, sur le Rliin, alter- » lient avec des quartzites , m’ont paru présenter une ressem- » blance frappante avec ceux qui alternent de même avec des quart- » zi tes près deNouzon, sur les bords de la Meuse. De part et d’autre » les quartzites sont semblables , et ils rappellent en tout point (1) Murchison , Mémoire lu à la Société géologique de Londres le 6 janvier \ 847. — Quarterly journal oj the geological Society, t. III, p. 167. SÉANCE BIT 17 MAI 18/j7. 905 » quelques uns de ceux de la llreta^ne. Le calcaire qui se trouve à » Stromberg, un peu à TE. de Bingen , constitue une analogie dë » plus avec le terrain des bords de la IVJeuse et de la Semois (1). De « petits bancs calcaires , remplis de crinbides et contenant aussi des » spirifers et d’autres fossiles, sont intercalés dans les schistes ardoi- » siers , depuis Moncy-Notre-Daine , près deMézières, jusqu’à )) Bouillon » (2), suivant une ligne dirigée del’O.-S.-O. àl’E.-N.-E. Tons les pas que la science a faits depuis lors ont tendu à rajeunir les terrains dont il s’agit, par conséquent à les éloigner du terrain du Longmynd et à les rapprocher du terrain dévonien. Mais je rappellerai d’abord les analogies qui , sans en fixer encore l’àge , me portaient déjà , il y a six ans , à reconnaître un grand ensemble de dépôts contemporains dans ces terrains de transition indéter- minés de l’est de la France , qui tous sont afïëctés de la direction hora 3-à. Je disais dans l’explication de la carte géologique qu’à l’angle septentrional des Vosges, « au N. -O. de Scbirmeck, le terrain se » compose de couches parallèles dirigées de l’O. 30° S. à rE,30°N. » et plongeant d’environ 60" au S. 30" E. , de schistes argileux à » surface luisante , de grauwacke et de calcaire gris. On trouve , » dans les calcaires et dans les schistes , des Entroques , des Poly- » piers et des coquilles univalves et bivalves, malheureusement » peu distinctes (3). » Et j’ajoutais plus loin : « Ce terrain » schisteux , avec grauwackes et calcaires subordonnés, me paraît >» avoir une grande analogie avec celui des parties de l’Ardenne » voisines de Mézières et de Bouillon , et rien n’empêcherait qu’on >» ne supposât que ce sont deux affleurements d’un même système , » qui, dans tout l’intervalle entre Mézières et Framont, demeure » couvert par des dépôts plus modernes (à). » Je disais encore que « dans la partie méridionale des Vosges et » dans les parties adjacentes des collines de la Haute-Saône, on » trouve , au-dessous des porphyres bruns , un système de roches » schisteuses dont la direction court généralement entre le N.-E. » et l’E.-N.-E. Ces roches schisteuses renferment des couches de » grauwacke , des débris végétaux et quelques amas de calcaire >* fossilifère. C’est la même réunion d’éléments que dans le terrain (1 ) Explication de la Carte géologique de la France^ t. \ p. 265. h)Ihid., t. p.. 258 (1841). ‘ (3) Ibid., t. T, p. 322. (4) Ibid., chap. V, t. F‘’, p. 323. 906 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. » Stratifié des environs de Scliirmeck , ou dans la partie de l’Ar- » denne qui avoisine Mézières et Bouillon, Ces schistes rappellent » également ceux qu’on observe dans les montagnes entre la Saône » et la Loire , et dans la partie méridionale du Morvan , entre » Autun et Decise , et qui contiennent de même des amas stratifiés )) de calcaire avec Lncrines et quelques autres fossiles en petit » nombre. Tous ces terrains schisteux font probablement partie » d’un même système que les roches éruptives ont disloqué (1). » Dans l’espace compris entre les granités du Cbanqi-du-Feu et » les montagnes granitiques de Sainte-AIarie aux Mines , la direc- » tion moyenne des schistes se rapproche, à la vérité, davantage de >* la ligne E.-O. ; je concluais cependant que l’étofïe fondamentale >> sur laquelle la succession des phénomènes géologiques a, en quel- » que sorte, brodé le relief actuel.... des Vosges, était un terrain » pourvu , dans beaucoup de parties , d’une stratification assez ré- » gulièrement dirigée de l’O, 30 à AO" S. à l’E. 30 à AO" N. (2) , ( moyenne E. 35" N. ) J’ajoutais que « le sol des Vosges et de la Forêt-Noire avait été » compris dans un ridement très général qui avait affecté tous les » terrains anciens d’une grande partie de l’Europe et leur avait ») imprimé cette direction habituelle versl’E. 20 à AO" N., que j’ai )> signalée dans les gneiss, les schistes et autres roches anciennes, » dont les bandes juxtaposées constituent le sol fondamental des » Vo.sges (3). » Dans le chapitre suivant du même volume, j’ai signalé les ana- logies qui me paraissent exister entre les roches fondamentales des montagnes des Maures et de l’Estérel , qui bordent la Médi- terranée entre Toulon et Antibes, et celles des Vosges. «Les )> roches cristallines stratifiées des montagnes des Maures for- )) ment, disais-je , un système analogue à celui que nous avons » déjà signalé dans les Vosges (p. 309). Elles semblent avoir pour » étoffe première un grand dépôt de schistes et de grauwackes à » grains fins , contenant des assises calcaires et des dépôts char- » bonneux. » La cristallinité paraît s’y être développée après coup , par «voie de métamorphisme, mais d’une manière inégale, suivant (1) Explication de la Carte géologique de la France^ t. Fq Ibid., t. Fq p. 301. Ibid. , t. F**, p. Fl 7. 907 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. » les localités. C’est aux environs de Toulon et d’Hyères que la » cristallinité a fait le moins de progrès et que les schistes sont le » moins éloignés de leur état primitif (1). » « Dans la presqu’île de Giens , les couches schisteuses sont » verticales et dirigées de l’E.-N.-E. à l’O.-S.-O. (2)] » Ce que les schistes de la presqu’île de Giens ont peut-être de » plus remarquable , c’est la présence des couches calcaires qui y » sont intercalées. Elles se trouvent près de la pointe occidentale , » où les roches du système schisteux qui nous occupe ont quelque » chose de moins cristallin , de plus arénacé , et une teinte plus » grisâtre que dans les autres parties , et se réduisent même , en » quelques endroits , à des quartzites schistoïdes blanchâtres ou )»gris(3). ») Les assises calcaires et les quartzites intercalés dans les )) schistes de la presqu’île de Giens rappellent naturellement les » schistes qui contiennent simultanément des couches subordon- » nées de ces deux natures, dans les Ardennes et dans les Vosges. J) (Voyez ci-dessus, chap. IV, p. 25ù, etchap. V, p. 321 (Zt).) » Les schistes d’Hyères ont de grands rapports avec ceux » des Grampians , comme le montrent les descriptions de Saussure » comparées à celles de Playfair (5) ; quelques unes de leurs va- » riétés ressemblent également au killas du Cornouailles (6). » Le principal groupe des directions observées dans les monta- » gnes des Maures se dirige moyennement au N. ZiZi° E. , direction » peu éloignée de celle que nous avons déjà signalée dans les » Vosges (chap. V, p. 311 , 318, 32Zi et Zil7), et résultant du » ridement génércd, qui , à une époque géologique très ancienne , a » affecté les dépôts stratifiés cCune grande partie de V Europe (7). » Cette direction moyenne est en effet comprise dans le champ trop large peut-être de la désignation hora 3-Zi , cependant elle s’éloigne plus de la ligne E.-O. que dans les autres localités que je viens de citer ; mais nous verrons bientôt qu’on peut essayer de subdiviser le groupe de directions qu’elle représente. (l) Explication de la Carte géologique de la France^ t. H**, p. 447. 1^)Ibid., p. 448. 3] Ihid.^ p. 449. 4] Ibid. , p. 450. 5) Ibid., p. 453. 6) Ibid., p. 454. (7) Ibid. , p. 467. 908 SÉANCK ï>ü 17 MAI 1847. La direction de la plupart des anciens terrains stratitiés de l’Eu- rope se reproduit plus exactement encore dans les îles de Corse et de Sardaigne. Les montagnes granitiques qui composent la partie occidentale de la Corse forment une suite régulière de rides paral- lèles, dirigées à peu près de l’O.-S.-O. à CC.-IN.-E. , et embras- sant dans leurs interstices les écbancriires symétriques des golfes de Porto , de Sagone, d’Ajaccio , de Valinco et de Yentilcgne (1). D’après M. de la Marmora, les crêtes qui forment , en Sardaigne, les terrains de transition affectent une direction semblable. Cette même direction reparaît avec de légères variations dans les terrains de transition de la montagne Noire , entre Castres et Carcassonne, et dans ceux d’une partie des Pyrénées. Le massif de la montagne Noire , entre Castres et Carcas- sonne , depuis Sorrèze et le bassin de Saint-Féréol jusque vers Saint-Gervais et le pont de Camarès, est formé de masses ellip- soidales de granités séparées par des bandes de roc lies schisteuses et calcaires, dont l’une présente les belles carrières de marbre de Cannes , entre Carcassonne et Saint-Pons. Ces diverses roches ont nue tendance prononcée à former des bandes dirigées vei s l’E. 30 à ^i0“ N. ; celles qui .sont stratifiées se dirigent vers l’E. 25 , 30, 35, 40 et 45" N. La moyenne de toutes ces directions, que j’ai lelevées en grand nombre en 1832, m’a paru être E. 34" Y. La même direction s’ob.serve aussi dans beau- coup de points des Cévennes, entre Meyrueis et Anduze. .T’avais cru reconnaître encore la même direction fondamentale dans les roches schisteuses et calcaires souvent pénétrées par des granités qui forment la base des Pyrénées. Duroeber, cpii depuis lors a fait de nombreuses observations sur les terrains anciens des Pyrénées , a publié une nombreuse série d’observations de direction (2) dont la moyenne s’écarterait un peu moins de la ligne E. -O. ; mais peut-être ces directions devraient- elles être divisées en deux groupes. Les fossiles renfermés en différents points dans les roches de transition cpie je viens de passer en revue n’ont pu servir, pen- dant longtemps, qu’à montrer qu’elles devaient être fort anciennes, sans qu’il fût possible de s’en servir pour les rapporter à un étage déterminé. Dans cette incertitude , nous ne pouvions pas , M. Du- (!) J. Reynaud, Mémoire sur la constitution géologique de la Corse. Mémoires de la Société géologique de France t. I, p. 3. (2) Durocher, Essai sur la classification du terrain de transition des Pyrénées {Jnn . des mines, 4*^ série, t.VI, p. 24 et. suivantes. \ 844). SÉANCE DU 17 Mai 18/i7. 909 frénoy et moi , les li-gurer 'sur la earte {>é()lop/ique de la France autremeiît cjue eoiimie tcnains de ti tt/isition indéterminés ^ et elles y sont en effet coloriées en brun clair et marquées de la lettre i , qrd est consacrée à ces terrains. Nous sommes redevables à M. de Bucli de la cessation de cet état d’incertitude. M. de Buch,cjui nous honore aujourd’hui de sa présence, a lait, dans ces dernières années, plusieurs voyages en France. L’année dernière, il a parcouru une grande partie des Pyrénées. A diverses époques, il a bien voulu examiner les collections de fossiles des localités sus-mentionnées que nous avons réunies à l’Ecole des mines. Il a vu aussi ceux qui se trouvent dans les musées de Strasbourg et de Lyon. Tout récemment encore, il a examiné sous ce point de vue les collections recueillies dans les Pyrénées et dans les carrières de Céiunes, par M. Üufrénoy et par moi, et il a reconnu , à l’ensemble des fossiles dont il s’agit , un caractère dévonien. Il rapporte spécialement au système dévonien les fossiles des terrains de transition des Pyrénées orientales , de la vallée de ' Campan, des carrières de Cannes (montagne Noire) et de celles de ! Seliirmeck dans les Vosges (1). Toutes ces localités fossilifères, de même que celles du Hartz et des environs de Bayreutb, sont donc dévoniennes ^\wdi\'è elles me parais- sent l’être de la même manière que les localités du Ilundsriick, du pays de Nassau, de l’Eifel et de la Westpbalie, que IVIM . Sedgwick et Alurcliison avaient coloriées comme siluriennes dans leur belle carte publiée en 18^i0. Dans leur mémorable travail sur les fossiles (l) Depuis le moment où j’ai fait cette communication à la Société géologique , M. de Buch , en retournant à Berlin, a visité les environs de Schirmeck et de Framont avec MM. de Billy et Daubrée ; et dans une lettre subséquente , dont je suis heureux de pouvoir consigner ici un extrait, il a confirmé son opinion de l’àge dévonien des calcaires de transition des environs de Schirmeck et de Framont. Beiiin, le 19 juillet 1847. « Le calcaire de Russ, de Schirmeck et de Framont est un )•> banc de corail, Calamopora jjolrnwrpha , Spongites, Cyathopliil- )) lum , ni silurien, ni carbonifère, donc dévonien j c’est Gerolstein et » plus encore le Mühlthal du Hartz. Vainement on cherche des Spiri- » fers, des Térébratules , mais on trouve entre Schirmeck et Framont •>) Y Ortoceratites reguiaris assez grand; il est encore dévonien à » Elbersreuth près de Bayreuth. » 910 SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. des terrains anciens des provinces Rliénanes, imprimé dans les Transactions géologiques , à la suite du mémoire de MM. Sedgwick et Murcliison (1) , MM. le vicomte d’Aichiac et de Yerneuil ont placé dans le terrain silurien les localités fossilifères d’Abentheur (Hundsrück) , de Wissembach , Ems, Keinmenau , Niederosbacli , Braubacli, Haüsling, etc. (duché de Nassau), de Prüm et de Daim (Eifel) , de Solingen , Liegen, Unkel, Lauderskron , Lind- lar, etc. ( Westpbalie) , et ils les ont par conséquent distinguées des localités dévoniennes des mêmes contrées. Aujourd’hui il serait question de considérer toutes ces localités comme dévoniennes , et je suis très porté à croire que c’est particulièrement de ces loca- lités , regardées primitivement comme distinctes du terrain dévo- nien proprement dit , que doivent être rapprochées les localités fossilifères de la France dont je viens de parler. Les terrains schisteux du Fichtelgebirge et du F rankenwald, dans lesquels sont encastrés sous forme lenticulaire les calcaires fossilifè- res d’Elbersreuth,prèsde Bayreutli, et des environs de Hof, appar- tiennent essentiellement au système de couches anciennes caracté- risées par la direction hora 3-Zi. C’est là que M. de Humboldt, en 1792 , a été frappé pour la première fois de la constance de cette direction. 11 en est de même des terrains schisteux de rErzgehirge qui sont le prolongement de ceux de Fichtelgebirge et du Fran- kenwald, et de la plus grande partie de ceux du Hartz. Enfin, cette direction se dessine encore de la manière la plus nette dans les couches fossilifères des environs de Prague. Le beau travail que M. Joachim Barrande a commencé à publier sur ces derniers dépôts ne permet pas de douter qu’ils n’appartiennent au terrain silurien ; mais ils paraissent cependant ne pas être dénués de quelques rapports avec le terrain fossilifère d’Elbersreuth, car on lit les lignes suivantes dans la savante notice de M. Barrande: « Il » ne sera pas hors de propos de faire observer en passant qu’un assez » grand nombre de nos bivalves du genre Cardium , etc., parais- « sent se rapprocher de celles que le comte Munster a décrites » comme appartenant au calcaire d’Elbersreuth (2).» Les lumières nouvelles que ces divers rapprochements jettent si (1) Transactions of tJie geological Society oj London : new sériés ^ t. YI. (2) Joachim Barrande, Notice préliminaire sur le système silurien et les Trilobites de Bohême (1846), p. 45. SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 911 lieureusement sur les terrains de transition que nous nous sommes bornés à colorier, M. Dufrénoy et moi, sur la carte géologique de la France comme terrains de transition indéterminés, ne per- mettraient pas encore de les colorier d’une manière bien certaine. Il reste toujours évident que le terrain ardoisier derArdenne et du Hundsrück constitue un système différent du terrain antliraxifère de AI.[d’Omalius d’Halloy, Les trois assises inférieures de ce terrain que AI. d’Omalius a désignées sous les noms de poudingue de Burnot , de calcaire de Givet et de Psammites du Condros , me pa- raissent toujours former un système distinct du terrain ardoisier, sur lequel le poudingue de Burnot repose près de Givet et de Fumay, et à Pepinster, près de Spa, en stratification discordante. A mes yeux , ces trois assises constituent le terrain déronien pro- prement dit , et les couches nommées aussi dévoniennes qui font partie du terrain ardoisier appartiennent .stratigrapliiquement à un système plus ancien. Le terrain de transition longtemps indé- terminé , qui comprend le terrain ardoisier de FArdenne et du Hundsrück, et ceux que j’ai cherché à y rattacher dans les Vosges, dans les montagnes des Alaures et de FEstérel, etc. , se compose de ces couches dévoniennes anciennes^ de couches siluriennes et peut-être de couches plus anciennes encore. Ce terrain est la matière constituante essentielle du Hundsrück et de toutes les rides dirigées liora 3-^i , que j’ai désignées sous le nom de système du IVestmoreland et du Hundsrück . Il devient évident , d’après cela , que ce système de rides est postérieur au terrain silurien et même aune partie des couches qu’on désigne aujourd’hui comme dévoniennes ; mais il demeure également évident qu’il est anté- rieur, d’une part , au terrain dévonien de la partie S.-E. des Vosges (1) , et de l’autre , au poudingue de Burnot qui repose en stratification discordante sur les couches redressées du terrain ar- doisier. Le système du poudingue de Burnot, du calcaire de Givet et des psammites de Condros , a été regardé pendant quelque temps comme repix'sentant le terrain silurien. A la même époque , de terrain ardoisier a été considéré comme représentant le terrain cambrien. Cela expliquera naturellement comment j’ai été conduit à regarder le système de rides du Hundsrück comme se rapportant à une époque intermédiaire entre le terrain cambrien et le terrain silurien. L’indécision où on a été ensuite sur Fage d’une partie des ( l) Voyez Explication de la Carte géologlipic de la France ^ t. I®‘ , p. 363. 91^2 SÉANCE DD 17 MAI IS/l/. couches dont les rapports stiatijp apliiques déterinincnt l’a^e re- latif de ce système de rides, a dii me faire prévoir depuis long- temps un changement dans l’énoncé de cette détermination et me rendre en même temps très circonspect à proposer un nouvel énoncé; mais en envahissant ainsi le terrain ardoisier et en général tout notre terrain de transition indéterminé , qui est la matière constituante essentielle des rides du système du Hundsrück, les dénominations de couches siluriennes et de couches dévoniennes ont conquis le droit de préséance , par rang d’âge , sur le système du Hundsrück. Je ne puis qu’applaudir à une pareille concjuête et m’empresser de la proclamer au moment où les derniers nuages qui me la faisaient considérer comme douteuse vienneiit de dis- paraître de mon esprit. Si tous les doutes n’ont pas encore dis- paru , relativement à la classification de ces couches, il est cepen- dant devenu évident que le système du Hundsrück est postérieur aux couches siluriennes et aux couches dévoniennes anciennes ; mais rien n’est changé quant aux motifs qui le faisaient considérer comme antérieur au poudingue de Burnot , au calcaire de Givet et aux psammites de Condros , qui me paraissent représenter le terrain dévonien proprement dit ^ en ce sens qu’elles sont l’équi- valent chronologique exact du vieux grès ?'ouge des géologues anglais. Un coup d’œil sur la structure stratigraphique de la Grande- Bretagne va confirmer ce premier aperçu. Dès l’origine, je dois m’empresser de le reconnaître, M. le professeur Sedgwick a indiqué l’âge relatif du système de rides ^ auquel il a rapporté les montagnes ilu AVestmoreland , les Lead Hills, les Grampians, en des termes auxquels l’énoncé que je pro- pose aujourd’hui ne fait que donner peut-être une plus grande précision. Dans le mémoire qu’il a communiqué à la Société géologique , en 1831 , M. le professeiu* Sctlgwick disait que les chaînes dont il s’agit avaient été soulevées avant le complet déve- loppement du vieux grès rouge (1). 11 est vrai que ce premier énrncé ne s’opposait pas à ce qu’on supposât le soulèvement de ces mêmes chaînes plus ancien que le vieux grès rouge , mais les dernières publications du savant professeur de Cambridge ont levé à cet égard toutes les incertitudes. Dans un de ses derniers mémoires , lu à la Société géologique (1) Ail elevated nearly of the some period , before the complété développement of the old-red-sandstone. [Proeeedings oj the geolo- gieal Society oj London ^ vol. B'', p. 244 et 283.) SÉAÎSCE 1)11 17 MAI ÏSà7. 913 de Londres , le l‘2 mars 18/i5 , M. le professeur Sedgwick dit que dans la vallée de la Lune , les roches de Ludlow supérieures sont recouvertes par une masse épaisse de tilestonc^ dont les couches les plus élevées sont remplies de fossiles appartenant tous aux espèces du terrain silurien supérieur. Il pense cju’il n’existe pas de véritable passage entre ce tilestone et le vieux grès rouge qui le recouvre , et cette opinion est basée sur les trois faits suivants : 1° C’est une règle générale que les conglomérats du vieux grès sont en discordance complète avec les schistes supérieurs du Westmoreland : on peut en citer un grand nombre d’exemples in- contestables. 2"" Les couches du conglomérat élu vieux grès rouge, sur les bords de la Lune , ne sont pas exactement parallèles aux couches du tilestone. 3" Ces conglomérats contiennent de nom- breux fragments ele tilestone qui doivent avoir été solidifiés avant la formation des conglomérats (1). IM. le professeur Sedgwick a encore confirmé ces conclusions dans un nouveau mémoire lu à la Société géologique de Londres, le 7 janvier 18^i6, en disant qu’il existe une ressemblance générale entre les espèces que renferme le terrain silurien supérieur dans la région silurienne et dans le Westmoreland. Considéré comme un grand groupe , le terrain silurien supérieur peut , d’après le savant professeur, être regardé comme presque identique dans les deux contrées, et il se termine , dans rime et dans l’autre , par des cou- ches appartenant à un même type minéralogique, c’est-à-dire formées de dalles rouges ou ti lésion es (2). Enfin , dans son dernier mémoire lu à la Société géologique, le 16 décembre 18/i6 , M. le professeur Sedgwick regarde leconis- ton liniestone du Westmoreland comme l’équivalent du caradoc sandstone , et les couches les plus élevées de la même série ( entre Kendal et Kirby-Lonsdale j comme représentant les ladloiv-rocks supérieurs et le tilestone de la région silurienne (3). 11 est donc avéré que le redressement des couches du Westmo- reland est postérieur au dépôt du tilestone , mais antérieur à celui du vieux grès rouge proprement dit. Les couches schisteuses rouges qui sont désignées sous le nom de tileitojie ont été considérées jusqu’à ces derniers temps, surtout d’après leur couleur , comme formant Lassise inférieure (1) A. Sedgwick, Quarterly Journal of the ^eological Society, vol. 1", p. 449. (2) A. Sedgwick, ià/c/., vol. II, p. LI9. (3} A. Sedgwick, Ibid.^ vol. IIÏ , p. 159. Soc, géol. , 2^^ série, tome IV. -38 SÉANCE DU 17 MAI ISA?. 91^ du vieux grès rouge ; mais dans ses publications les plus récentes, M. Murchison a , de son côté , séparé le tllestonc du vieux grès rouge , pour le comprendre dans le terrain silurien. Dire que le redressement des couches du Westmoreland est postérieur au üles- tone et antérieur au reste du vieux grès rouge , revient donc exactement à dire qu’il est postérieur au terrain silurien et anté- rieur au vieux grès rouge , dans V acception actuelle de ces deux expressions , et qu’il établit la ligne de démarcation entre ces deux grandes formations. Cet énoncé cadre , d’une manière remarquable , avec celui au- quel j’ai été conduit ci-dessus relativement au Hundsrück , lors- que j’ai dit que le redressement de ses couches est postérieur au dépôt du terrain silurien et des couches dévoniennes anciennes , mais antérieur au dépôt du terrain dévonien proprement dit. On doit , en effet , se rappeler que le terrain dévonien , tel que MM. Murchison et Sedgwick Font défini originairement d’après l’étude du Devonshire , est la réunion des couehes qui, sans avoir la couleur ni la composition du vieux grès rouge , en sont néan- moins les équivalents chronologiques. Or, à l’époque où cette dé- finition a été donnée , le tilestone était encore compris dans le vieux grès rouge. Le terrain dévonien , tel qu’on l’a poursuivi sur une partie du continent de l’Europe , d’après ses caractères pa- léontologiques , comprend donc des couches qui représentent chronologiquement le tilestone. Je suis porté à présumer que les couches dévoniennes anciennes , qui font partie du terrain ar- doisier de l’Ardenne et du Hundsrück , sont les équivalents chro- nologiques du tilestone , et que le poudingue de Burnot , le cal- caire de Givet et le psammite du Condros, que je désigne sous le nom de terrain dévonien proprement dit représentent collec- tivement le vieux grès rouge dans le sens restreint actuel de cette expression , le vieux grès rouge proprement dit. Cette question pourra peut-être se décider par une étude nou- velle du Cornouailles et du Devonshire, faite dans ce but spécial. Des couches fossilifères, bien caractérisées comme siluriennes, ont été signalées dernièrement sur la côte S.-E. du Cornouailles, aux environs de Falmouth et de Saint-Austle , par M. Peach. Dans une lettre adressé le 12 avril dernier à sir Charles Lemon , sir Roderick Murchison dit qu’à la première vue des fossiles re- cueillis par M. Peach , il reconnut qu’il existe au Cornouailles de véritables couches siluriennes, et même des couches siluriennes inférieures , fait dont il trouve la preuve dans la présence de cer- tains Orthis à côtes simples, qui sont le caractère invariable de SÉANCE DU 17 MAI 1847. 915 cette époque. 11 annonce en outre que runc des coquilles , le Belle- rophon trilohatas , que M. Peacli a trouvées avec certains débris de poissons dans la zone des roches de Polperro, est une des coquilles caractéristiques des tilestones du Herefordshire et de Sliropsliire, et a aussi été trouvé dans les couches du même âge du Cumberland (sur les confins du Westmoreland, entre Kirby-Lonsdale et Kendal), couches qui forment, dit-il, l’assise supérieure du terrain silurien ou une transition entre le terrain silurien et le terrain dévonien. M. rdurchison ajoute encore que le district du Cornouailles dans lequel existent des couches siluriennes incontestables, est celui dans lequel M. le professeur Sedgwick et sir Henry de La Bêche avaient indiqué l’existence d’une ligne de soulèvement dirigée du N. “E. au S. -O. , qui , en amenant au jour certains schistes quartzeux et argileux , avait relevé les couclies de part et d’autre au S.-E. et au N. -O. suivant une ligne qui traverse la baie de Falniouth. Avant d’avoir subi ce nouvel examen , toutes ces couches fossilifères du Cornouailles avaient été coloriées comme dévoniennes. Ainsi que M. le professeur Sedgwick l’a annoncé dans le mé- moire de 1831 que j’ai déjcà rappelé, les chaînes des Lead-îiills et des Grampians , en Eeosse , qui , lorsqu’on les considère avec leurs prolongations dans le nord de l’Irlande , forment deux des lignes fondamentales des îles Britanniques , paraissent avoir reçu les traits principaux de leurs formes en même temps que les mon- tagnes du Westmoreland et que la chaîne fondamentale du Cor- nouailles. Le vaste massif des montagnes de l’Ecosse, comme celui des contrées Rhénanes , a sans doute éprouvé , même dans les Grampians , plusieurs soulèvements successifs à ries époques fort éloignées les unes des autres. On y en distinguera probablement de plus aneiens que celui qui nous occupe. Il s’y en est aussi produit de plus modernes. J’ai moi-même exprimé depuis longtemps l’opi- nion que les montagnes de l’Eeosse et de l’Irlande , depuis les îles Orcades et Shetland jusqu’aux granités de Wicklow et de Car- low , présentent des dislocatiojis parallèles aux failles du système du Rhin, et qui en sont probablement contemporaines (1). J’ai aussi indiqué, dans ces montagnes, des accidents stratigraphi- ques postérieurs au dépôt du terrain jurassique et antérieurs à celui des terrains crétacés (2). Peut-être y en a-t-il d’autres encore (1) Explication de la Carte géologique de la France ^ 1. 1®*”, p. 434, (2) Annales des sciences naturelles , t. XIX, 916 SÉANCE BU 17 MAI ISA?. de dates postérieures ou iuteriiiédiaires ; mais il paraît évident que la convulsion qui a façonné le relief principal des Grampians et des Lead-îlills , est précisément celle qui a redressé les couches sur les tranches desquelles reposent les conglomérats grossiers c|ue M. le professeur Sedgvvick et M. Murchison ont si bien décrits comme formant dans ces contrées la base du vieux grès rouge (1). Ces poudingues , à très gros fragments , que les anciens géologues écossais signalaient, avec tant de raison, comme les témoins d’une grande révolution du globe , et qui marquaient à leurs yeux la limite entre les terrains primaires et les terrains secondaires , ne rappellent en rien le tilestene. Tout annonce qu’ils représentent la base du vieux grès rouge proprement dit. La présence du terrain silurien n’a pas encore été signalée en Ecosse d’une manière complètement démonstrative , mais je crois qu’on peut regarder comme extrêmement probable que les couebes de schiste et de grauwaeke des Lead-Ilills , dont sir James Hall a si bien décrit les contournements , que les calcaires , les schistes ar- gileux et les roches arénacées des Grampians et des îles de Jura et d’Isla , que Playfair , le docteur Mac-Cullocli , i>J. le profes» seur Jameson et d’autres géologues écossais ont étudiés avec tant de soin, appartiennent, au moins en grande partie, à ce terrain. Il paraît donc difficile de douter que la grande discordance de stratification de l’Ecosse ne corresponde exactement à celle du Westmoreland. Il me paraît également probable que le poudin- gue inférieur du vieux grès rouge de l’Ecosse correspond aux pou- dingues de Burnot et de Pepinster , et, par conséquent, que la grande discordance de stratification de l’Ecosse correspond à celle cpii existe en Belgique entre le terrain ardoisicr et le terrain dé- vonien proprement dit. Enfin , je crois reconnaître ce même pou- dingue dans celui de Poullaouen en Bretagne, et en général dans tous ceux que M. Dufrénoy a signalés comme formant dans cette presqu’île la base du terrain dévonien tel que nous l’avons limité sur la carte géologicjue de la France. Cet horizon géognostique me paraît le plus largement et le plus fortement marqué de tous ceux qu’on peut indiquer aujourd’hui dans la série des anciens terrains de transition. En l’adoptant comme base de ( lassilication on en reviendrait finalement à la principale division que M. d’Omalius (1) A. Sedgwick and R.-I. Murchison : On the structure and rela- tions of the deposits contained between the primary rocks and the oolitic sériés in the north of Scotland. — Transactions of the gcolc- gical Societj' oj London, new sériés , t. IH, p. 125. 917 SÉANCK Ï)U 17 MAI 18A7. (l'Halloy a indiquée depuis longtemps dans la série des terrains de transition , par le partage en terrain ardoisier et terrain antliraxifère, dont il a posé les fondements dès 18Ü8, dans son Es- sai sur la s^cologic du nord de la F raarc, piil^lié dans le Journal des mines ^ t. XXIV, p. 123. L’importance de cette ligne de démar- cation , si lieureusement indiquée il y a bientôt quarante ans par run des observateurs les plus pénétrants qui aient exploré l’Eu- rope ^ me parait d’autant plus grande , que les beaux travaux de ÎVÎôL Murciiison et de Yerneuil sur la Suède et la Russie , et le dernier mémoire de M. de Bucli sur l’île Baeren (1) , montrent qu’elle constitue réellement l’un des traits les plus étendus de la structure de l’Europe septentrionale. Quelques mots vont suffire pour faire comprendre ma pensée à cet égard. 31M. Murciiison et de \erneuil, dans leur dernier voyage en Suède , ont constaté que File de Gotliland jirésente les différents étages du terrain silurien superposés i’im à l’autre, plongeant légèrement au S.-S.-E. , et formant des crêtes qui se dirigent à l’E.-N.-E. Le magnifique ouvrage de MM. Murchison , de Yerneuil et de Keyseriing , sur la Russie, nous montre la côte méri- dionale du golfe de Finlande , formée aussi par les différentes assises du terrain silurien, présentant encore une inclinaison légère, mais dirigée vers un point de Fiiorizon plus rapproché du S. que le S.-S.-E. , et avec cette circonstance cpie les couches silu- riennes supérieures ne se montrent cpie dans la partie occidentale de cette côte. Au midi , et à peu ele distance de cette même côte , le vieux grès rouge , qui couvre en Russie de si grands espaces , se superpose au terrain silurien ; mais à FO. , en face de File de Dago, il est en contact avec les couches siluriennes supérieures, tandis qu’à FE., près de Saint-Pétersbourg et du lac Ladoga , il s’appuie directement sur les couches siluriennes inférieures : par conséquent il est superposé au terrain silurien en stratification discordante. De plus, il n’est assujetti en rien aux allures du terrain silu- rien. Il le déborde, à partir du lac de Ladoga, pour s’étendre vers Archangel , où il se perd sous les eaux de la mer Blanche. Enfin, les remarques ingénieuses que M. de Buch a consignées dans son beau mémoire sur File Baeren , nous conduisent à concevoir que , (l) Die Baeren-Insel nach B. M. Keilhau, von Léopold von Buch, — Berlin, 1847. 918 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. s’étendant sous les eaux de la mer Glaciale , le vieux grès rouge entoure au N. le vaste système des montagnes de la Scandinavie pour aller se relever dans les îles Shetland et au pied des montagnes de l’Ecosse. Souvent disloqué dans ces contrées septentrionales, le vieux grès rouge y laisse cependant apercevoir un vaste réseau de disloca- tions plus fortes encore , et antérieures à son dépôt , dont une partie ont affecté les couches siluriennes d’une manière plus ou moins sensible. Ainsi l’horizon géognostique du poudingue de Burnot, de Pépinster et de l’Ecosse, forme un des traits les plus largement dessinés de la structure stratigraphique de FEurope septentrio- nale, depuis la rade de Brest jusqu’à la mer Blanche, et depuis les îles Shetland jusqu’à l’Ardenne et même jusqu’aux ballons des Vosges. J’ajouterai peut-être quelque chose encore à l’intérêt que peut présenter cette rapide esquisse , si je montre que dans tout ce vaste espace , et même dans des contrées qui s’étendent beaucoup plus au midi , on peut suivre un grand ensemble de dislocations toutes concordantes entre elles par leurs directions , et toutes pos- térieures au terrain silurien et aux couches dévoniennes anciennes (tilestone fossilifère) , mais toutes antérieures au vieux grès rouge et au terrain dévonien proprement dit. Il ne me sera pas possible de comprendre aujourd’hui dans ce résumé :a totalité des localités européennes dans lesquelles on a I observé des directions dépendantes du système du iV estmoreland I et du Hundsrück. Je me bornerai à un certain nombre pour les- quelles j’ai actuellement des oljservations plus nombreuses ou plus pr 'cises que pour les autres, et je m’occuperai de grouper toutes ces observations de manière à en déduire une moyenne générale par les procédés que j’ai indiqués au commencement de cette note ; puis je comparerai cette moyenne générale aux observations locales pour apprécier l’importance des divergences partielles qui pour- ront se manifester. Je vais passer en revue successivement , en allant du nord au sud, ces diverses localités ou cantons géologiques. Dans chacun d’eux , je remplacerai toutes les observations de direction par une moyenne qui représentera la direction d’un petit arc du grand cercle dont le milieu se rapporterait au centre du canton. On se rappellera qu’un léger déplacement dans ce point central n’ap- porterait pas de changement sensible dans le résultat final , d’où il suit que la détermination de ce point n’exige aucun travail spécial. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 910 Pour chaque canton , je désignerai le point central de la manière la plus simple possible, et j’indiquerai sa latitude, sa longitude et l’orientation du petit arc du grand cercle qui y représente les ob- servations de direction. lo Laponie. Dans ces dernières années, M, le professeur Keilhau a fait d’excellentes observations géologiques dans la Laponie norvé- gienne. Elles ont paru dans sa Gea-Non>egica avec une carte géolo- gique de cette contrée , et M. de Netto en a publié, dans un des der- niers numéros du journal de MM. Leîiouard et Broun , un résumé accompagné d’une carte réduite (1) . Les formations sédimentaires de la Laponie, déjà décrites en partie, il y a quarante ans, par M. Léo- pold de Bucli , appartiennent, suivant toute apparence , au terrain silurien. Elles sont redressées dans des directions qui se rapprochent généralement de l’E.-N.-E. Je rapporte leur direction moyenne, déterminée simplement d’après la carte de M. de JNetto , à un point à peu près central de la Laponie , pour lequel les désignations que j’ai annoncées sont ; Laponie lat. 70° N. ; long. 23° 30' E.; direc- tion E. 22“ 30' N. 2® Côte méridionale du golje de Finlande. La direction de la bande silurienne des provinces baltiques de la Russie , est assez exactement représentée par une ligne tirée de Revel à Cronstadt. Cette ligne , qui est sensiblement parallèle à la direction des cou- ches siluriennes et à la direction générale de la côte méridionale de la Finlande, coupe le méridien de Oorpat, qui répond au milieu de la longueur du golfe de Finlande, sous un angle de 73°. Pour ce canton géologique , les désignations seront : Estonie , lat. 59° 30' ; long. 24 23M5" F.. , direction E. 17° N, Ile de Gothland. Dans File de Gothland, les couches silu- riennes plongent légèrement au S.-S.-E. et sont dirigées à l’E.-N.-E. (2). On peut prendre pour point central de ce canton la ville de Wisby, située à peu près au milieu de la longueur de l’île. , lat. 58° 39' 15"; long. 16° 6' 15" E. ; direction E. 22° 30' N à° Grampians. Le trait le plus facile à saisir dans la structure strati graphique des Grampians est la direction presque rectiligne de leur base méridionale. Cette direction fait, avec le méridien du Loch-Tay qui se trouve presque au milieu de sa longueur , un (1) Jcdirhuch fur minéralogie geognosie un petrefactenkunde , année 1 847, p. 129. (2) Murchison , Quarterly Journal of geology, février 1847, t. III, p. 21 . 920 SÉANCE BU 17 MAI 1847. angle de 52°. Je prends pour point central de ce groupe un point situé sur les bords du Locli-Tay , par 56" 25' de latitude nord et 6" 37' de longitude à FO. de Paris. La désignation que j’ai annon- cée devient alors pour ce groupe : — Grarnpians^ lat. 56" 25' N., long. 6“ 37' O. , direction E., 38" N. 5" Westmorcland. D’après M. le professeur Sedgwick, les cou- ches du groupe montagneux du Westmoreland se dirigent généra- lement du S. -O. un peu O. , au N.-E. un peiiE. J’adopte comme moyenne la direction E. 37" 30' N., et pour point central la ville de Keswick. — Keswich ^ lat. 5/j“ 35' N., long. 5'’ 9' 13" O., di- rection E. 37" 30' N. 6" Région silurienne. Je prends pour centre de cette région le bourg de Cliurcli-Stretton , situé au pied du Longmynd, et pour direction la moyenne de celles que la belle carte de M. Mur- cliison assigne aux couches siluriennes. — Charcli-Stretton, lat. 52" 35', long. 5" 10', 20" O., direction E. 42" N. 7" Cornouailles. La ligne suivant laquelle les couches silu- riennes sont soulevées sur la cote S.-E. du Cornouailles, se dirige, d’après M. Murchison , au N.-E. et traverse la baie de Fahnouth. Je prends cette ville pour point central. — Falmouth , lat. 50" 8', long. 7" 23' O., direction E. 45° N. 8" Er2gebirge. D’après le travail publié dernièrement par M. le professeur Gotta sur les filons de l’Erzgeiiirge (1) , la direction moyenne des roches stratifiées de rErzge])irge rapportée au méri- dien magnétique, est horn 5 1/4. La déclinaison à Freiberg étant d’environ 16° 40' O., cette orientation revient à E. 27“ 55' N. par rapport au méridien astronomique. Je prends naturellement pour point central Freiberg. — Freiberg^ lat. 50° 55' 5" N., long. 11" 0' 25" E., direction E. 27° 55' N. 9“ Frankenwald. Je prends pour point central la ville de Hof, où M. de Humboldt résidait lorsqu’il a eu la première idée de s’occuper de la direction remarquablement constante des eou- ciiesde ces contrées, et je prends pour direction celle figurée sur la belle carte géologique de l’Europe centrale , par M. de Dechen , qui est E. 28" N. : les calcaires d’Ebersreuth,près Bayreuth, appar- tiennent à ce groupe. — Hof ^ lat. 50" 29' N., long. 9° 35' E., di- rection E. 28" N. 10“ Bohême. J’ai fait en Bohême, en 1837, un certain nombre (l ) Cotta , Die Erzgange und dire Bezcichnungen zu dcu Erupti- vengesteinen , nachgewiesen ini departement de f Aveyron von Fournet, SÉANCE DU 17 MAI 1847. 921 d’observations sur les directions des couches du terrain de cal- caire , de schiste et de quartzite dont M. Joachim Barrande a si bien établi depuis lors l’ordre de superposition et l’âge silurien ; j’en ai fait aussi sur les directions des schistes et des gneiss qui avoisinent le terrain silurien. Yingt-huit de ces observations faites aux environs de Prague , de Przibram et de Brzezina , tombent (‘litre TE et l’E. 50° N. , et donnent , pour moyenne , la direction E. 28° 40' N. Si on se bornait aux observations faites sur les cou- ches siluriennes , la direction moyenne serait un peu moins éloi- gnée de la ligne E.-O, Je m’en tiens à la moyenne générale. ■ — Prague , lat. 50° 5' 19", long. 12'’ 5' E. , direction E. 28" 40' N. 11° Ardenne. Les couches du terrain ardoisier de l’Ardenne se dirigent en général entre leN.-E. et l’E.-N.-E. ; d’après l’impor- tant mémoire que M. Dumont vient de publier sur le terrain ar- dennais ^ elles oscillent autour d’une moyenne qui est à peu près E. 25® N. J’avais indiqué moi-même d’une manière générale entre Charleville et Eépin une direction moyenne de l’E.-N.-E. à i’O.-S.-O. , en signalant en plusieurs points la direction E. 25° iN. (1) ; et d’après l’autorité de M. Dumont, qui a fait dans cette contrée des observations plus nombreuses que les miennes, je n’hésite pas à m’arrêter à cette même direction E. 25° N. qu’on peut rapporter à Mont-Henné dans la vallée de la Meuse. — Ar- denne , lat. 49" 53', long. 2° 23' E. , direction E. 25° N. 12° Condros. La direction moyenne des couches de l’ Ardenne présente quelque incertitude à cause des écarts nombreux et con- sidérables qu’on y observe , et cela m’engage à faire entrer en ligne de compte la direction beaucoup plus régulière des couches anthraxifères de Condros, direction que je regarde, ainsique je l’ai annoncé ailleurs (2) , comme une reproduction postérieure et accidentelle de celle des couches de l’ Ardenne. D’après M. d’Oma- lius d’Halloy (3) , les crêtes du Condros se dirigent régulièrement à l’E. 35“ N. Le centre du Condros est un peu au N. de Alarche et Famene , par 3” de long. E. de Paris, et 50° 15' de lat. JN. — Condros^ lat. 50° 15', long. 3° E., direction E. 35° N. 13° Taunus. La chaîne du Taunus présente sur la route de Wies- (1) Explication de la carte géologique de la France ^ chap. iv , t. P‘-, p. 259 à 263. (2) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du ^lobe , extrait inséré dans la traduction française du Manuel géolo- gique de M. de La Bêche , p. 616. (3) D’Omalius {Journal des mines ^ t. XXIV, p. 275). 922 SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. l'aden à Langen-Scliwalbach , une série de couehes de quartzites et de sehistes, dont la direction moyenne est k l’E, 33° 13' N. — Tannas , lat. 50“ 41' N. long. 5“ 47' E., direction E. 33“ 13' N. 14° £inger-Loch. Le Taunus est le prolongement oriental de la chaîne du Hundsrück, dont il est séparé par le Rhin, qui s’échappe de la plaine de Mayence par le défilé appelé le Binger Loch. Dans i ce défilé la direction des couches de quartzites et de schistes verts de l’extrémité de Hundsrück , est assez irrégulière , ce qui tient sans doute à la formation violente de la fissure dont l’élargisse- ment a produit le défilé. La moyenne des observations que j’y ai faites m’a donné la direction E. 43° 50' N. — Binger-LocJi, lat. 49° 55', long. 5’ 30' E., direction E. 43" 50' N. 15° Hiindsrnck-Taanus. Le Hundsrück et le Taunus ne for- ment réellement, comme on vient de le dire, qu’une seule chaîne coupée en deux par un défdé. La direction moyenne de cette chaîne, qui représente assez bien celle des diverses bandes du terrain de transition de la contrée , est à TE. 27“ 30' N. On peut la rapporter au défilé qui partage la chaîne en deux tronçons. — Binger-Locli , lat. 49“ 55', long. 5° 30' E,, direction E. 27" 30' N. ^ 16° Bretagne. Parmi les directions comprises dans la désigna- tion générale hora 3-4 qui s’observent dans les roches schisteuses d’une foule de points de la presqu’île de Bretagne, une partie seule- ment me paraît se rapporter proprement au système du Westmo- reland et du ïîundsrück. On en voit un exemple bien développé dans les départements de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-]\ord , aux environs de (iancale , de .lugon et de Lamballe. Point cen- tral, Saint Malo. — Saint-Malo.^ lat. 48° 39' 3", long. 4“ 21' 26" O., direction E. 42“ 15' N. 17" Bretagne, Lorsqu’on jette les yeux sur la partie de la carte géologique de la France qui représente la presqu’île de Bretagne , on est frappé de certaines lignes d’accidents stratigraphiques qui la traversent en entier, par exemple de Caen à Belle- Isie et du cap de la Hague à la pointe de Pemnarch. La direction moyenne de ces lignes est à l’E. 47° N.; elles me paraissent devoir repré- senter la direction du système de Westmoreland et de Hunds- rück ; on peut les rapporter à Saint-ilîalo comme point central. — Saint-Malo , lat. 48° 39' 3", long. 4° 21' 26" O. , direction E. 47° N. 18° Schinneck. Aux environs de Schirmeck et de Framont les couches dévoniennes anciennes qui forment l’extrémité N.-E. du massif fondamental des Vosges se dirigent à l’E. 30° N. — Schinneck, lat. 48^» 26' 40", long. 4° 45', E., direction E. 30° N. 19° Massif central des Vosges. Les couches schisteuses qui en- I SÉANCE DU 17 MAI iS!l7. 923 tient dans la composition du massif fondamental des Yosges se dirigent moyennement à FE. 35° N. ; on peut rapporter ces direc- tions à Saint-Dié comme point central. — Saint-Dié , lat. 48° 17' 27", long. 4° 36' 39'' E. , direction E. 35" N. 20° Montagne Noire. Les directions observées dans le massif de la montagne Noire, au nord de Carcassonne, dont j’ai déjà parlé, peuvent être rapportées à un point à peu près central de ce massif situé par 43° 25' lat. N. et 20' longitude O. de Paris. — Montagne Noire , lat. 43*' 25' N. , long. 20' O. , direction E. 34*^ N. 21° Eyères. Les couches scliisteuses de la partie S. -O. des mon- tagnes des Maures présentent, aux environs d’Hyères, des directions moins éloignées de la ligne E.-O. que dans le reste du massif; très souvent leur direction est à peu près E.-N.-E. — Hyères , lat. 43° 7' 2", long. 3° 47' 40", direction E. 22° 30' N. 22° Ile de Corse. Les roches anciennes de File de Corse se diri- gent moyennement, d’après M. Reynaud , vers FE.-N.-E.; on peut les rapporter à Ajaccio comme point central. — Ajaccio , lat. 41° 55' 1", long. 6° 23' 49" E. , direction E. 22° 30' N. Il s’agit maintenant de prendre correctement la moyenne générale de ces 22 directions moyennes partielles, en ayant égard aux posi- tions géographiques respectives des points auxquels elles se rappor- tent. Pour cela nous exécuterons l’opération indiquée dans le com- mencement de cette note. Nous choisirons un point sur la direc- tion présumée du grand cercle de conqraraison , qui doit repré- senter le système du Westmoreland et du Hundsrück , et auquel tous les petits arcs qui représentent les directions locales sont considérés comme étant approximativement parallèles ; nous y transporterons toutes les directions et nolis en prendrons la moyenne . Je suppose que le grand cercle de comparaison dont il s’agit passe au Binger-Loch., et je prends ce point pour centre de réduction. Pour transporter au Binger-Loch la direction E. 22” 30' N. , observée en Laponie par 70'’ de lat. N. et 23° 30' de long. E. , je détermine, au moyen du tableau de la page 881 , la difïérence des angles alternes internes que forme , avec les méridiens du liinger- Loch et du point d’observation en Laponie, l’arc de grand cercle qui réunit ces deux points : la différence est de 15" 35' 23". J’en con-| dus que , transportée au Binger-Loch , la direction E. 22° 30' N., observée en Laponie , deviendra E. 22° 30' -|- 15° 35' 23" — e . N. , t étant l’excès sphérique d’un triangle sphérique rectangle dont je m’occuperai ultérieurement. SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 92/i Exécutant la même opération pour chacun des 20 points dont les directions doivent être transportées au îîinger-Loch , je forme le tableau suivant, dans lequel je comprends également les deux directions qui se rapportent au Binger-Locli même, et je fais l’ad- dition. JO Laponie E. 22° 30' 15° 35' 23" ’ — £ . N. 2° Estonie E. 17 V 1 5 34 49 — £ . N. 3° Wisby E. 22 30 8 37 46 — £ . N. 40 Grain pians E. 38 » 9 43 9 + £ . x\. 5° Keswick E. 37 30 8 26 24 + £ . N. 6» Church-Stretton. . . . E. 42 » 8 20 56 + e . N. ■JO Falnionth E. 45 » 9 53 24 4- £ . N. 8° Freiberg E. 27 55 + 4 1 16 + f . N. 9" Ilof E. 28 » + 3 8 3 5 -b £ . N. 10° Prague E. 28 4 0 + 5 3 14 -1- £ . N. 11° Anienne » 2 23 6 + £ . N. 12° Condros E. 3 5 » 1 55 12 H- £ . N. 13° Taurins 1 3 + 19 13 3 + £ . N. 14° Binger-Loch (coucbes). E. 4 3 50 P » » 1) )) N. 1 5° Binger-Loch (chaîne). . E. 27 30 » » » » » )) N. 16° St-Malo (couches). . . . E. 42 1 5 7 28 59 4- £ . N. 17° St-Malo (grandes lignes). E. 47 7 28 59 4- £ . N. 1S° Schirmeck E. 30 » 1) 34 14 £ . N. 19° St-Dic E. 3 5 » » 4 0 17 — £ . N. 29° Montagne Noire. . . . E. 34 » 4 13 37 — £ . N. 21° Hyôres E. 22 30 1 13 47 — £ . N. 22° Ajaccio V. 00 30 + » 38 53 — £ . N. Somme. . 706° 53' 9° 2 9' 5'' 4- V ±e La somme, toute réduction faite, est de 697° 23' 55" -f- 2 + £, et en la divisant par 22 , on a pour la moyenne des directions rap- portées au Binger-Locli E. 31«M'59"+ N. Pour qu’elle ne renferme plus rien d’indéterminé , il reste seulement à apprécier la valeur de I] ^ e. La quantité e que j’ai fait entrer dans le tableau, est, comme je l’ai indiqué ci-dessus, p. 888, V excès sphérique d’un triangle sphérique rectangle qui a pour hypoténuse la plus courte distance du poi/it centrât de réduction {Binger-Loch) au point d’observation auquel elle se rapporte , et pour l’un des angles aigus, l’angle formé par la direction transportée au Binger- Loch avec la plus courte distance. 11 est aisé de voir que , suivant la position respective du point central de réduction et du point d’observation et suivant la direction qui a été observée , V excès sphérique dont il s’agit doit être employé soustractivement ou ad- ditivement, ainsi que le tableau l’indique et comme je l’ai aussi 925 SÉANCE DU 17 MAI 1847. rappelé dans l’expression de la soniine , en y écrivant 2 + s* 1"^ tableau renferme 20 de ces quantités g, dont 8 soustractives et 12 additives. i.a plupart sont nécessairenient fort petites, et comme elles entrent dans la somme avec des signes contraires , elles doivént se détruire mutuellement, à très peu de chose près. Mais quelques unes , se rapportant à des points assez éloignés auxquels corres- pondent d’assez grands triangles , ont des grandeurs notables. La somme 2 + s se réduit sensiblement à celle de ces valeurs plus grandes que les autres , prises elles-mêmes avec le signe qui leur convient. Il est nécessaire de calculer les plus grandes de ces valeurs de £ pour apprécier l’inlfluence qu’ elles peuvent exercer sur la dé- termination de la direction moyenne. Le calcul s’exécute très simplement au moyen du tableau de la page 898 , ou en se servant directement des formules consignées page 899. Par une simple construction faite sur une carte , on trouve que pour la Laponie on a approximativement ^ = 22"= 2lilià kil. A=: 34*’ 1/2, ce cpii donne , à l’aide de la formule cos G = cos h tang A , £ = 1« 59' 35". Pour tous les autres points on peut se contenter des résultats tirés à vue du tableau de la page 898 , d’après les distances et les angles déterminés sur la carte , et on trouve : Pour V Estonie, b \Q\\ kil. , A = 18% c = 33'; Pour ïfisby, b^ 1102 kil., A=: 24", e 19'; Pour les Grampians , b ■= 1073 kil. , A = 74*^ 30', e = 12'; Pour Keswick , b — 889 kil., A == 68" 30', s = 12'; Pour Churcli-Stretton , b = 786 kil. , A= 60°, z~ 12'; Pour Falmoutli, b = 907 kil., A = 41" 1/2 , e =: 17'; Pour Saint-Malo (couches) , b 722 kil. , A — 28°, e 9' ; Pour Saint-Malo (gr. lignes), 4 = 722 kil., A =:32°45',£:=:10'; Pour la montagne Noire, b zrz 741 kil. , A = 26^ 30', g rrrlO'; Pour Hyères , b — 112 kil. , A = 57° 30' , £ = 12' ; Pour Ajaccio, b — 893 kil. , A = 71° 30', g = 10'. Les valeurs de £ relatives aux autres points , tous plus rappro- chés du Binger-Loch que les précédents , seraient encore plus petites, et comme elles entrent dans la valeur de 2 + £, les unes positivement et les autres négativement , elles doivent se détruire presque exactement entre elles : on peut se dispenser d’en tenir compte. Quant aux valeurs de s qui viennent d’être calculées, la somme de celles qui sont prises négativement est 3° 23' 35" , la somme de celles qui sont prises négativement est 1° 12'; donc 2 + 6 z::: — 2” 926 SÉANCE DU 17 MAI ISlil . S I 2 11' 35" et — m — 5' 58", ou en nombres ronds àS + s = — «6'. Or, dans l’état actuel des observations , il n’y a presque pas lieu de tenir un compte rigoureux d’un pareil résultat. Plusieurs des direc- tions , dont nous prenons la moyenne , après les avoir transportées au Binger-Locli , présentent des incertitudes de plus de 3°, et le remplacement de leur valeur réelle exacte pour leur valeur ap- proximative actuelle pourrait faire varier la moyenne de plus de 6'. Toutefois , comme il est évident que la somme des excès sphériques est négative, et qu’elle tend à diminuer la moyenne de plusieurs minutes, nous y aurons égard , autant qu’il est permis de le faire aujourd’hui , en adoptant pour la direction moyenne du système du Westmoreland et du Hundsrück , transportée au Binger-Locli , un chiffre un peu plus petit que celui donné par notre premier calcul , et nous la fixerons en nombres ronds à E. 31° 3ü'N. Je ferai remarquer, en passant, combien le choix d’un point à peu près central, comme le Binger-Loch, pour centre de réduc- tion, a simplifié notre marche : d’une part, la somme des angles ajoutés ou retranchés aux directions transportées pour tenir compte de la convergence des méridiens vers le pôle , s’est ré- duite , toute compensation faite , à — 9" 29' 5" ; d’une autre part , la somme des excès sphériques s’est réduite , toute compensation faite , à environ 2" 11'; de sorte que le nombre 31° 30', qui représente la direction , diffère peu d’être la 22° partie de 706° 23' , somme des nombres qui représentent les directions partielles , car 706” 23' zz: 32" 6' 30". SjC résultat de tous ces calculs est d’ar- 22 river à réduire cette moyenne de 36' 30". Or, en y arrivant, comme nous l’avons fait par une série de compensations , on évite beaucoup de chances d’erreurs dans lesquelles on aurait été plus exposé à tomber en prenant pour centre de réduction un point excentrique tel que la montagne Noire ou la Laponie. Il nous reste maintenant à nous rendre compte du degré de confiance c|ue mérite notre moyenne. Pour cela j’exécute l’opéra- tion inverse de celle que j’ai faite , en transportant au centre de réduction toutes les directions observées ; je reporte la direction moyenne du centre de réduction à cliacun des points d’observa- tion , et je la compare à la direction observée. Dans ce nouveau transport je ne tiendrai compte de l’excès sphérique que pour les points où je l’ai déterminé ci-dessus , points qui sont les seuls où il ait quelque importance. A la rigueur il faudrait calculer de 927 SÉANCE DU 17 MAI ISA 7. nouveau V excès sp/iérif/ae pour ciiacuii des points d’observation en le rapportant à la direction moyenne déterminée pour le Binger- Locli , et non à la direction observée en chaque point; mais les corrections qui résulteraient de ces nouveaux calculs seraient peu considérables et peuvent être négligées. D’après les calculs auxquels nous nous sommes déjà livrés , la direction E. 32^ 1/2 N. transportée, ainsi que je viens de le dire, du Binger-Loch au point d’observation en Laponie , devient E. 310 30' _ 150 35' 23" + 1« 59' 35" N. — E. 17'^ 5à' 12" N. Elle diffère de la direction observée E. 22“ 30' N., de 35' à8". En opérant de la même manière pour tous les autres points d’observation , j’ai formé le tableau suivant: Direction calculée. observée. Différence. Laponie E. 17® 54' 12" N. 22° 30' + 4° 35' 48" Estonie E. 16 28 17 N. 17 » + 0 31 43 Wisby E. •23 11 14 N. 22 30 0 41 14 G ram pians E. 41 1 9 N. 38 » 3 1 9 Keswick E. 40 14 24 N. 37 30 2 14 24 Chnrcli-Stretton. . . . 39 44 56 N. 42 » 2 1 5 4 Falmontli E. 41 6 24 N. 45 » 3 53 36 Freiberg B. g 7 28 44 N. 27 55 0 26 16 Hof E. 28 2 1 2 5 N. 28 » 0 21 25 Prague E. 26 2 6 46 N. 28 40 + 2 13 14 Condros E. 3 3 25 12 N. 35 » 4- 1 34 48 Ardenne E. 33 53 6 X. 2 5 » 8 53 6 Tau nus 16 5 7 N. 33 13 + 1 56 3 Binger-Loch (couches). E. 31 30 00 xX. 43 50 -f 12 20 00 Binger-Loch (chaîne). . E. 31 30 00 N. 27 30 4 00 00 St-Malo (couches). . . . E. 38 49 59 N. 42 15 + 3 25 1 St-BIalo (grandes lignes). E. 38 48 59 N. 47 » + 8 11 1 Schirmeck E. 32 4 14 N. 30 » 2 4 14 St-Dié E. 32 10 17 N. 35 -h 2 49 43 Montagne Noire. . . . E. 35 53 37 N. 34 i> 1 53 37 Hyères E. 32 55 47 N. 22 30 lo 25 47 Ajaccio I 7 N. 22 30 8 31 7 2° 5' 25" La somme des différenees ne devait pas être nulle parce que nous avons adopté pour le point centrai de réduction ( Binger- Loch) la direction E. 31“ 30' N. exprimée en nombres ronds, au lieu de la moyenne des directions trans})ortées en ce point. Pour plu- sieurs des points d’observation les différences sont considérables, mais on n'a pas droit d’en être surpris d après la nature même des observations faites dans ces points. Ainsi pour les couches du Bin- ger-Loch la différence est de plus de 12% mais nous avons remar» 928 SÉANCE Bü 17 MAI iSll7 . que tout d’abord que la direction est probablement anomale. Pour Hyères, pour Ajaccio et pour la Laponie , les différences sont considéral^lcs aussi , mais nous avons simplement employé pour ces trois points la direction E.-N.-E. Or, lorsqu’on exprime une direction de cette manière, il est généralement sous-entendu qu’on ne prétend pas les fixer très rigoureusement. Pour les grandes lignes qui traversent la Bretagne la différence est de 8“ 11' environ ; mais la direction de ces lignes ne se prête pas à une déter- mination complètement rigoureuse. Pour l Ardenne, la différence est de près de 9° : c’est une des plus considérables et peut-être des plus singulières que renferme le tableau. Je suis porté à l’attribuer principalement à ce que la dislocation qui a relevé le front de l’Ardenne , près de Mézières , suivant la direction du système des ballons (1) , a comprimé la masse des terrains schisteux situés plus au nord , et rapproché leur direction de la ligne E.-O. La produc- tion des dislocations du système du Hainaut peut encore avoir con- couru plus tard au même résultat. Quant aux autres points , pour lesquels la direction observée paraît mériter plus de confiance, les différences ne dépassent pas A", et elles sont le plus souvent au- dessous de 3”, c’est-à-dire qu’elles ne sont guère au-dessus des incertitudes et des erreurs que comportent les observations elles- mêmes. Nous remarquerons encore que les différences les plus considé- rables sont les unes en plus et les autres en moins , d’où il résulte qu’elle approchent beaucoup de se compenser, et qu’on retrou- verait à très peu près la même moyenne , en regardant comme défectueuses les observations qui y ont donné naissance, et en ne tenant compte que des autres. Enfin , faisant un retour vers Je point de départ de toutes les observations de ce genre , nous remarquerons que non seulement la direction E. 31” 1/2 N. , qui se rapporte à un point de f Allemagne septentrionale , rentre complètement dans l’indication /tara 3-A , donnée il y a plus d’un demi-siècle par M. de Humboldt ; mais que cette moyenne , transportée à Hof, ne diffère pas cf un demi- degré àe la direction générale des couches de Erankenvvald que l’illustre voyageur a signalée , au début de sa carrière , comme se reproduisant d’une manière très générale dans les couches schisteuses anciennes tl’une grande partie de l’Europe. La direction moyenne E. 31°1/2N. que nous avons adoptée pour (l) Voyez Explication de la carte géologique de la France, chap, iv, t. Ph p. 266. SÉAiNCi DU 17 MAI 18/i7. 929 le Bingei - Loch , détermine celle de la tangente directrice du systcDic dit fFestnio! (dcind et du Hiutdsrück. L’angle A , formé par cette tangente avec le méridien du Binger - Loch , est égal au complément de 31“ 1/2 ou à 58*^ 1/2. Mais pour déterminer complètement sur la sphère terrestre la position de ce système dont nous avons supposé que le grand cercle de comparaison passe par le Binger-Loch, il faudrait confirmer ou rectifier cette supposition en déterminant , comme je l’ai indi- qué dans la première partie de cette note , V angle équatorial E. Malheureusement les données que nous avons soumises au calcul ne paraissent jias assez précises pour conduire à une valeur de cet angle , à laquelle on puisse attacher une importance réelle. Le point de départ des calculs à laire se trouverait dans les différences contenues dans le tableau que nous venons de former ; mais ces différences ne suivent aucune loi régulière , tout annonce qu’elles sont dues en grande partie aux erreurs d’observation , et qu’en les employant dans un calcul , on le baserait sur une combinaison de chiffres presc|ue entièrement fortuite. Il n’y a pas lieu d’exécu- ter un pareil calcul ; ainsi , quant à présent , l’opération ne peut être poussée plus loin , et nous sommes obligé de nous en tenir à la supposition que le grand cercle qui passe au Binger-Loch en se dirigeant à l’E. 31" 1/2 N., est le grand cercle de comparaison ou l’équateur du système du IVestnioreland et du Hundsrüch . Il est probable , sans doute , que cette supposition n’est pas tout à fait exacte et qu’elle est destinée à subir une rectification ultérieure. Il est toutefois à observer que le grand cercle dont il , s’agit divise à peu près en deux parties égales l’ensemble des points où ont été observés jusqu’à présent les ridements dépendants du système du pf^cstmoreland et du Hundsrück , et cette remarque doit porter à présumer que le grand cercle de comparaison pro- visoire que nous adoptons ne sera pas déplacé, dans la suite, d’une quantité très considérable. Après avoir ainsi discuté la direction du système du fVestmore- land et du Himdsrlick , après avoir reconnu que le groupe com- pacte et uniforme des lignes stratigraphiques dont ce système se compose , est antérieur , dans toute l’Europe , au vieux grès rouge et au terrain dévonien proprement dit , et postérieur au terrain silurien et aux couches dévoniennes anciennes [tilestone et tilestone fossilifère) , nous pourrons nous montrer plus difficiles que par le passé, pour y laisser renfermés des accidents stratigraphiques qui n’y figuraient qu’à titre d’anomalies. Nous pourrons , suivant la marche que j’ai indiquée depuis longtemps (voyez le commen- Süc. (jéoL, 2® série, tome IV. 59 930 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. ceiuent de cette note ) , essayer de séparer ces anomalies et de les grouper elles-mêmes en systèmes. D’après les observations déjà anciennes de IVI. Murchison, con- signées et figurées, dès l’année 1835, dans sa première notice sur le système silurien , les collines du Longmynd , dans la région silu- rienne , sur les pentes desquelles se trouve le bourg de Cliurch- Stretton^ sont formées de schistes et de grauwuckes schisteuses. Les couches de ces roches sont fortement redressées et courent au N. 25'’ E. Les couches siluriennes les plus anciennes reposent sur leurs tranches en stratification discordante. Ces dernières , beau- coup moins redressées que celles qui leur servent de support , se dirigent à l’E. N. ; la différence entre les deux directions est de 23*’, et la différence entre la première et la direction E. 39 ’ kh' 56" N. du système du Westmoreland et du Hundsrück , transportée à Church-Stretton , est de 25° 15' k", c’est-à-dire plus que double de la plus grande des différences contenues dans le tableau des différences j’ai présenté ci-dessus; bien que dans la région silurienne proprement dite les deux classes de directions forment deux groupes fort réguliers. Gomme il est évident, en même temps , que les couches du Longmynd ont été redressées avant le dépôt des couches siluriennes les plus anciennes de la contrée , notamment avant celui du caradoc sandstone ^ j’ai cru devoir con- sidérer le Longmynd comme le type d’un nouveau système de montagnes plus ancien que le terrain silurien et que je propose de uommer système de Longmynd. Partant de ce premier aperçu, j’ai cherché si, en épluchant.^ pour ainsi dire , tous les accidents stratigraphiques des couches les plus anciennes de l’Europe , dirigés entre le N. et le N.-E. , je n’en trouverais pas un certain nombre dont l’âge fût de même anté- rieur au terrain silurien , et dont les directions fussent assez peu divergentes pour qu’il y eût lieu d’en prendre la moyenne après les avoir toutes ramenées à un point central de réduction par le procédé que j’ai employé ci-dessus. Voici les résultats que j’ai obtenus. Ils sont encore peu nom- breux ; ils me paraissent suffire cependant pour donner déjà une assez grande probabilité à l’existence réelle du système du Long- mynd. 1® Région silurienne. Dans les collines àu. Longmynd ^ aux envi- rons de Church-Stretton , la stratification des roches schisteuses et arénacées sur lesquelles le caradoc sandstone repose en stratifica- tion discordante est dirigée au N. 25° E. — Church-Stretton , lat. 52° 35', long. 5° 10' 20" O., direction I\. 25° E. SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. 931 2'* Bretagne. Les schistes anciens de la Bretagne présentent dans certaines parties de cette presqu’île beaucoup d’accidents stratigrapbiques dirigés à peu près au N.-N.-E. Cette direction se manifeste particulièrement parla forme allongée du S. -S.-. O , au N.-N.-E. d’un grand nombre de masses éruptives de granité et de syénite qui pénètrent les schistes anciens , et par la manière dont différentes masses de cette nature s’alignent et se raccor- dent entre elles. On voit beaueoup d’exemples de ce phénomène aux enviions de Morlaix , notamment entre Morlaix et Saint- Pobde-Léon, où l’orientation de l’ensemble des aecidents de cette espèce est assez bien représentée par une ligne tirée de Saint-Pol- de-Léon à Landivisiau , ligne dont le prolongement passe près de Douarnenez , et dont la direction est à peu près S. 20*^ 30', O. -N. 20° 30' E. M. Dufrénoy me paraît avoir signalé un autre accident du même système, lorsqu’il a dit dans le troisième chapitre de l’expli- cation de la carte géologique de la France : L’extrémité O. du )) bassin de Rennes appartient encore au terrain cambrien. Nous » sommes, il est vrai , peu certains de la limite qui sépare dans ce » bassin , les deux étages du terrain de transition ; mais cepen- » dant nous la croyons peu éloignée d’une ligne qui se diri- » gérait du N. 15 à 20° E. , au S. 15 à 20° O. , et qui suivrait à » peu près la route de Ploërmel à Dioan. En effet , les terrains » situés à gauche et à droite de cette ligne présentent des carac- » tères essentiellement différents (1). » Enfin un examen attentif de la carte géologique montre que la classe d’accidents qui nousoecupe se dessine à très grands traits dans la structure géologique de la presqu’île de Bretagne , par exemple par la ligne tirée du Gap de la Hagne à Jersey, à Uzel , à Baud , etc, , du N. 21° 30' E. , au S. 21° 30' O. : par la ligne de Guernesey aux îles Glenan qui est sensiblement parallèle à la précédente , et par la ligne tirée de Barfleur à l’île d’Hoedic , suivant la direction du N. 2ù° E., au S. 2Ù'’ O. La moyenne des différentes directions que je viens de citer est le N. 21° E. Elle peut être rapportée à Morlaix qui est le point dans le voisinage duquel ces mêmes direetions se dessinent le plus nette- ment. — Morlaix, lat. ù8" 30', long. 6" 10' O., direcüonl^. 21° E, 3° Normandie. On peut voir par différents passages du mé- moire de M. Puillon-Boblaye sur la constitution géologique de la (l) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France ^ t. 1”, p. 210. OSÉ SÉANCE DU 17 MAI 18A7. Bretagne , qu’il y avait aperçu cette classe d’accidents en beaucoup de points ; mais il les signale surtout dans une région distincte de la précédente et située sur les contins de la Bretagne et de la Nor- mandie, entre Domfront, Vire, Ayranclies et Fougères, où il a vu régner, sur une étendue de plus de 200 lieues carrées, une for- mation complexe de granité et de roches maclîfères qui en est spécialement affectée. Il mentionne particulièrement le gneiss ma- clifère de Saint-James , département de la Manche , comme stra- tifié du N.-N.-E au S. -S. -O. (1). l.es accidents de la classe qui nous occupe, tant en Normandie qu’en Bretagne, s’observent seu- lement dans les terrains c{ui servent de base au terrain silurien, et sont par conséquent antérieurs au dépôt de ce dernier. — Saint- James, lat. Ù8" 3ù' 18" , long. 3“ 39' 3ù" O. , directinn N. 22'^ 30' E. ù" Limousîji. — Les granités du Limousin forment , au milieu des gneiss , des bandes assez irrégulières cjui cependant ont une tendance marquée à se rapprocher de la direction N. 26® E. S. 26“ O. Le point central de la région où on les observe se trouve à peu près par Zi6® de lat. et ÙO' de long. O. de Paris. La formation de ces bandes de granité et de gneiss parait être très ancienne. — Limousin, lat. Ù6“, long. 0° ÙO' O., direction N. 26” E. 5“ Erzgehirge. Un examen attentif de la belle carte géologique -de la Saxe, publiée par MM. Naumann et Cotta, fait distinguer dans rErzgebirge quelques traces de dislocations dont la direction est comprise entre le N.-E. et le N.-N.-E. La limite N -O. du massif de gneiss de Freiberg en est un exemple. D’après M. Nau- inann , la ligne de .séparation des deux roches entre Nossen et Augustusburg se dirige hora 3 3/8 par rapport au méridien ma- gnétique. Cette ligne et toutes celles c[ui s’en rapprochent par leur direction sont promptement interrompues , comme le sont celles que je viens d’indiquer aux environs de IMorlaix. Tout an- nonce qu’ elles ont été croisées par la plupart des autres dislocations qui ont affecté les couches de l’Erzgebirge ; elles doivent donc remonter à une époque antérieure au plissement et même au dépôt des couches dévoniennes anciennes ( tilestone fossilifère) et des couches siluriennes , ce qui les rapproche bien naturellement du redressement des couches du Longmynd. La direction hora 3 3/8 transformée en de.grés devient N. 50“ 37' 30" E., et, corrigée de la déclinaison magnétique qui est à Frei- (1 ) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. ™ Mémoires du Muséum d’histoire na- turelle, t. XV, p. 49 (1827). SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. berg d’cMiviion 16'' MY, vers l’O., elle devient N. 57' 30" E. Les directions dont je viens de parler peuvent être rapportées à Freiberg , étant observées dans des points de l’Erzgebirge qui n’eu sont pas très éloignés. — Freiberg, lat. 50'' 55' 5", long. 11® 0' 25" E. , direction N, 33^» 57' 30" E. 6® Morarie et parties adjacentes de la Bohenie et de d Autriche . D’après la earte géologique de l’Allemagne , dressée par IVI. de bueli et publiée par Sebropp , et d’après la carte géologique de l’Europe moyenne , publiée par Al. de Dechen , le sol de la partie S.-E. de la Bohême et des parties adjacentes de la Aloravie et de l’Autriche est formé principalement de zones alternatives de granité et de gneiss, avec calcaire et autres roches subordonnées, qui se dirigent au N. 30 à 35® E. ; moyenne, N. 32® 30' E. Aucune trace de cette série d’accidents ne se prolonge à travers la bande silu- rienne des enviions de Prague , ce qui indique qu’ils sont dus à des phénomènes d’une date antérieure au dépôt du terrain silurien. Les accidents stratigraphiques dont il s’agit s’observent particu- lièrement près des limites communes des trois provinces, dans une contrée dont le centre est peu éloigné de Zlabings. — Zlahings, lat. Zi8® 59' 5/i, long. 13® 1' 9" E., direction N. 32® 30' E. 7® Intérieur de la Suède. Les terrains anciens de l’intérieur de la Suède, sur lesquels le terrain silurien repose en stratification discor- dante , présentent beaucoup d’accidents stratigraphiques d’une ori- gine antérieure aux grès et poudingues quartzeux qui constituent la base du terrain silurien. D’après la carte géologique de la Suède pu- bliée par M . Hisinger^ ces accidents forment plusieurs groupes dont l’un se dessine fortement dans le voisinage de la ligne tirée de Go- theborg à Gefle , tant par les accidents topographiques que par les contours de certaines masses minérales , et par des masses calcaires lenticulaires qui s’alignent entre elles. Ces accidents statigraphi • ques , dont le prolongement méridional passe très près des dépôts siluriens horizontaux du Kinneculle et des collines de Ballingen , sont dus , sans aucun doute , à des phénomènes antérieurs à l’exis- tence du terrain silurien. Les lignes suivant lesquelles ils se dessi- nent s’éloignent un peu moins du méridien que ne le fait la ligne tirée de Gotheborg à Gefle , qui , vers le milieu de sa longueur, coupe le méridien sous un angle de k1'\ Vers le milieu de l’inter- valle compris entre ces deux villes, les lignes stratigraphiques cou- rent sensiblement au N. 38® E. — Milieu de la distance de Gotheborg à Gejle., lat. 59" 11' /tV', long. 12® 12' Zi2" E , direction N. 38® E. 8® Nord-ouest de la linlande. Dans la partie N. -O. de la Fin- lande , aux environs d’üleaborg , la côte S.-E. du golfe de Bothnie SÉANCE DU 17 MAI 1847. 934 se dirige, entre Yasa et Uleaborg, sur une longueur d’environ 300 kilomètres et avec une régularité remarquable, suivant une ligne qui fait avec le méridien d’üleaborg un angle de U2° 1/2. La côte du golfe de Bothnie est formée, dans cette partie, de roches primitives dont les accidents stratigrapbiques paraissent être parallèles à la côte et se prolonger vers le N.-E. jusque dans les montagnes de la Laponie russe. Ces accidents stratigrapbiques, de même que la côte dont ils ont déterminé la position . sont eux-mêmes très rap- prochés du prolongement de ceux que nous venons de signaler en Suède , entre Gotheborg et Gefle. La direction dont nous nous oc- cupons ne paraît pas se continuer à travers la partie silurienne ou dévonienne ancienne de la l^aponie ; elle est due, suivant toute appa- rence , à des phénomènes d’une date antérieure au dépôt du terrain silurien. Je crois donc être fondé à rapporter au système du Long- mynd les accidents stratigrapbiques dont je viens de parler. — Uleaborg , lat. 64® 59', long. 23® 9' 36" E , direction N. 42® 1/2 E. 9° Sud- est de la Finlande. D’après l’intéressante notice sur la géologie de la Russie que M. Strangways a communiquée en 1821 à la Société géologique de Londres (1) , les roches schisteuses de toute la partie méridionale de la Finlande, depuis Abo et les îles de Pargas jusqu’à Viborg. se dirigent en général à peu près au N.-E. Les granités des environs de Yiborg sont limités du côté des plaines de Saint-Pétersbourg par une ligne qui court aussi à peu près au N.-E. M. le capitaine Sobloevski dit, dans son intéressant mémoire sur le S.-E. de la Finlande (2) , que la direction des gneiss des environs d’Imatra , au milieu desquels est creusé le lit de la célèbre cataracte de la Yokça , à quelques lieues au IN. de Yiborg , est presque de quatre heures., c’est-à-dire presque N. 60® E. par rapport au méridien magnétique. La déclinaison dans cette contrée étant d’environ 8® à l’O , je me crois fondé à conclure qu’une classe importante des accidents stratigrapbiques du S.-E. de la Finlande serait assez bien représentée par une ligne passant à Yiborg et dirigée vers le N. 50® E. Ces accidents stratigrapbiques ne se continuant pas dans les couches siluriennes de la côte méri- dionale du golfe de Finlande, doivent être antérieurs au dépôt du terrain silurien. — Vihorg, lat. 60® 42' 40", long. 26® 25' 50" E., direction N. 50® E. (1) W. Strangways, An outline of the geology of Russia. Transac'- lions of tiie geological Society of London , new sériés, t. I , p. F (2) Sobolevski , Coup d’œil sur V ancienne Finlande , etc Annuaire du Journal des mines de Russie (1839), p. 117. sf:ANr,E iMi 17 .'vui 18/|7 9:^5 10'* Moutn^nes des Mcuncs ei d(‘ l’Esterel. Dans le cliapitre sixième de l’explication de la carte géolo^jiqnc de la Fraïu'c , j’ai consigné un assez grand nombre de directions observées dans les roches stratifiées anciennes des montagnes des [Vlaures et de l’Esterel rjiii bordent la Méditerranée entre Toulon et Antibes (1). J’ai représenté ces observations par une rose des directions qui rend manifeste la tendance qu’ont les couches dont il s’agit à se diriger vers le N.-E. , ou plus exactement vers le N. Zt^t® E. ( E. JN. ). Cette direction est comprise parmi celles qu’em- brasse la désignation générale Jiora 3-4, mais elle se trouve très rapprochée de leur limite nord , et elle s’éloigne beaucoup de la direction moyenne du système du IVestmoredand et du Hundsrück ^ que nous avons trouvée être au Bingcr-Loch E. 31" 1/2 N., et qui, rapportée à Hyères, devient E. 32® 55' 47" N. , et rapportée à Saint-Tropez, E. 32" 33' 58" N. Ces deux dernières orientations se rapprochent beaucoup l’une et l’autre de l’E. 32" 1/2 N., et par conséquent lorsqu’on les compare à la direction E. 46° N. indi- quée par la rose des directions , la différence est de plus de 13®. Ce fait est un des premiers qui m’aient porté à soupçonner que les directions de date très ancienne , comprises dans la désignation générale hora 3-4 ou très voisine d’y rentrer, devraient être divi- sées en plusieurs groupes. Cette subdivision n’est pas indiquée sur la rose des directions des roches schisteuses anciennes des Maures et de l’Esterel ; mais on peut croire que cela tient à l’imperfection de quelques unes des obser- vations dont cette rose offre le tableau. La plupart de pes observa- tions sont exprimées en degrés , cependant quelques unes le sont d’une manière plus générale, telle que N.-E. ou E.-N.-E. Les observations qui sont exprimées de cette manière sont celles qui ont été faites en des points où la direction de la stratification ne pouvait être mesurée avec plus de précision. Des recherches plus suivies les feraient disparaître du tableau, où elles seraient rempla- cées par des directions cotées en degrés qui ne seraient pas toutes E. 45° N. , ou E. 22 ’ 1/2 N. , qui pourraient même s’écarter nota- blement de l’un ou de l’autre de ces deux points de la boussole. Si ce remplacement avait lieu , il est probable que les directions se presseraient en moins grand nombre dans le voisinage de la di- rection N.-E. Cette direction appauvrie diviserait alors le faisceau (1) Explication de la Carte géologique de la France, t. p. 467. 936 SÉANCE DU 17 MAI ISA?. en deux groupes , dont Fun se rapprocherait davantage de la di- rection E.-O., et l’autre de la direction N. -S. J’ai cherché à effectuer cette décomposition d’une manière ap- proximative pour voir quelle serait à peu près la direction du groupe le moins éloigné de la direction N. -S. Pour y parvenir j’ai remarqué que la rose des directions en contient 92, comprises entre FE. 15“ N. et FE. 15^ N. inclusive- A275“ ment (1). La moyenne de toutes ces directions est égale à “ — A6" 3A' 34". J’ai retranché de ces 92 directions toutes celles qui sont comprises entre E. 15“ N. et E. 32“ 1/2 N., puis un certain nombre de celles qui sont plus éloignées de la ligne E.-O. de ma- nière à ce que la moyenne de toutes les directions retranchées soit environ E. 32® 1/2 N. Après le retranchement de ces directions , au nombre de 33, formant un total de 1075®, le tableau n’en ren- fermerait plus que 59, formant un total de 3200°, et donnant par leur moyenne la direction E. 54® 14' 14" IN., ouN. 35“ 45' 46" E., direction qui ne diffère pas de 4° de celle du Longmynd trans- portée à Saint-Tropez. Cette différence, toute faible qu’elle est , pourrait encore être atténuée. En effet, la division du groupe total des directions voisines du N.-E. en deux faisceaux , dont Fun donne à peu près pour moyenne la direction E. 32^^ 1/2 N. , est un problème d’analyse indéterminée qui peut être résolu de plu- sieurs manières. Il est aisé de voir que parmi toutes les divisions que comporte le groupe de directions voisines de N.-E. consti- tué comme il est sur la rose des directions , j’ai adopté celle qui donnait pour le second faisceau la direction la moins éloignée de la ligne N. -S. Mais si le remplacement du petit groupe de di- rections rapportées exactement au N.-E. était effectué, ainsi que je l*ai indiqué , il existerait d’autres solutions , et dans celle que l’on obtiendrait en suivant la marche suivie ci-dessus , le faisceau septentrional se rapprocherait un peu plus encore de la ligne N. -S. que dans la solution que j’ai obtenue, de sorte que la différence , 4° , toute faible qu’elle est , se trouverait encore atté- nuée. Si les deux faisceaux dans lesquels on peut ainsi diviser les direc- tions des roches stratifiées anciennes des Maures et de FEsterel cor- respondent à des phénomènes de dates différentes , il est évident que le plus moderne est celui qui se rapproche le plus de la (l) Explication (le la carte géologicjue de la France, t. I*', p. 467. SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 9B7 ligne E.-O. , car on observe particulièrement des directions de ce groupe aux environs d’Hyères et dans la presqu’île de Giens , où les roches schisteuses , quartzeuses et calcaires , paraissent appar- tenir au terrain silurien ou au terrain dévonien ancien [tilestonc^. Les directions , plus rapprochées de la ligne N. -S. , s’observent au contraire plus particulièrement dans les micaschistes et les gneiss du reste du massif des Maures, ce qui semble indiquer qu’elles sont dues à des phénomènes plus anciens. Tout conduit ainsi à les rapprocher de celles de Longmynd et des autres localités que nous venons de parcourir. On peut rapporter ces directions à Saint- Tropez , comme à un point suffisamment central , relativement à ceux où elles ont été observées. On a ainsi pour représenter les directions qui nous occupent dans les montagnes des Maures et de l’Esterel. — Saint-Tropez , lat. 43" 16' 27" long. 18' 29" E. , direction , N. 35® 45' 46" E. Les dix contrées dans lesquelles nous venons de suivre des lignes stratigraphiques que je crois pouvoir rapporter au système Long- mynd sont réparties dans diverses parties de l’Europe situées les unes à l’O. , les autres à l’E. , quelques unes beaucoup au 'N. et les dernières au S. du Binger-Loch. Ce dernier point, qui nous a déjà servi de centre de réduction pour le système du Westmo- reland et du Hundsrück , remplit encore assez bien les conditions de point central par rapport au nouveau groupe d’observations que nous .élaborons. En conséquence nous prendrons le Binger- Loch pour centre de réduction du système de Longmynd . En suivant la même marche que précédemment nous formerons le tableau suivant : Church-Stretton. ... N. 25° »' »" -|- 8° 21' 18" — t . E. 2° Morlaix N. 21 » » 8 50 4u — * . E. 3° Saint-James N. 22 30 » -\- 7 5 55 — g . E. 4° Limousin N. 26 » • 7 66 52 — e . E. 6° Freiberg N. 33 57 30 — 4 1 16 — £ . E. 6° Zlabings N. 32 30 » — 5 4 2 53 — i . E. 7° Milieu de la distance de Gotheborg à Gelfe. . N. 38 » > — 5 32 56 . E. 8° uleaborg N. 42 30 . — 14 57 6 -|- e . E. 9° Viborg N. 50 » » — 17 14 48 — £ . E. 10° St-Tropez N. 35 45 46 » 5l 58 -|- c . E. Somme. . 327° 13' 16" — 14° 22' 16" 1 ± € En réduisant complètement la somme des données consignées dans ce tableau, elle devient 312® 51' -j- S ± e, et en divisant cette somme par 10 , nombre des directions partielles , on a pour la direction moyenne du système de Longmynd ^ rapportée au Binger- 938 SSANCE du 17 MAI 1847. Loch N. 31“ 17' 6" + S ± € 10 Dans cette expression il ne reste plus d’inderminé que S + g , c’est-à-dire la somme des corrections dues aux excès sphériques de certains triangles rectangles dont j’ai déjà indiqué plusieurs fois les éléments. Le Binger - Loch est placé presque aussi heureusement par rapport aux observations que nous discutons actuellement, comme déterminant le système de Longmynd , que par rapport à celles discutées ci-dessus pour déterminer le système du fV estmorelcmd et du Hundsrück. Il se trouve peu éloigné du prolongement direct des directions signalées en Suède et dans le N. -O. de la Finlande , de manière que bien que les points où ces directions s’observent soient fort éloignés du Binger-Loch , les excès sphériques qui leur correspondent sont peu considérables ; ceux qui se rapportent aux autres points d’observation sont également assez petits. Au moyen de constructions exécutées sur la carte et du tableau de la page 898 , on trouve : Pour Churcli-Stretton , Pour Morlaix , Pour Saint-James , Pour le Limousin , Pour Freiberg , Pour Zlabings, Pour la Suède , Pour Uleaborg , Pour Viborg, Pour Saint-Tropez , 4 = 796 kil., A = = 82” 1/2, f = 3'; h = 806 kil., , A:= = 54”, g = 13 b-= 680 kil., , A = O xa 11 g = 9'; 4 = 490 kil.i , Ar = 17" 1/4, g = 3'; 4 = MOkil., , A = = 44°, c = 3'; 4 = 556 kil., k- = 71" 1/2, c = 4'; 4 = 1110 kil., k = ^11“, g = 9'; b = 1980 kil.. A- kh in (TI II . = 7'; b = 1780 kil., , A = = 6" 30', g = 15' 4 = 450 kil.. A = = 29», g = 10' En ayant égard au signe avec lequel chacun de ces excès sphéri- ques doit être pris , on trouve 2 + s = — 24', et par suite ’ 10 — 2' 24". Cette valeur est à peu près négligeable; nous nous bornerons, pour y avoir égard, à diminuer de 2' 6" la moyenne ci-dessus et nous adopterons, comme étant nombres ronds, la moyenne la plus correcte possible de toutes les observations que nous avons considérées rapportées au Biiiger-Loch N. 31" 15' E. Nous avions trouvé pour la direction du système du IFestmorelcind et du Hundsrück, rapportée au même point E. 31° 1/2 N., direction qui revient à N. 58“ 1/2 E. Ces deux directions diffèrent de 27" 15'. On voit quelles sont parfaitement distinctes l’une de l’autre. Il nous reste à examiner comment la direction moyenne du système de Longmynd s’accorde avec les directions partielles que 93d SÉANCE DU 17 MAI ISM . nous avons combinées. Pour cela nous n’avons qu’à la transporter du Binger-Loch , auquel elle se rapporte , dans chacun des points d’observation. A la rigueur, pour exécuter ce calcul , il faudrait déterminer de nouveau V excès sphérique relatif à chaque point , non d’après la direction observée en ce point , mais d’après la direction moyenne adoptée pour le Binger-Loch. Toutefois, comme les corrections qui résulteraient de ce nouveau calcul se- raient en somme fort peu considérables , je les néglige; et en me servant des valeurs de c déjà employées , je forme le tableau sui- vant : Direction calculée. observée. Différence. Church-Stretton. . . . N. 22° 56' 42" E. 2 5° -f 2° 3' 18" Morlaix N. 22 37 20 E. 21 » B — 1 37 20 Saint-James N. 24 18 5 E. 22 30 » — 1 48 5 Limousin N. 2.3 21 8 E. 26 s » + 2 38 52 Freiberg N. 35 19 16 E. 3 3 57 30 — 1 21 46 Zlabings Milieu de la distance en- N. 37 6 53 E. 32 30 — 4 31 53 tre G otheborg et Gefle. N. 36 38 56 E. 38 » B ■p 1 21 4 Uleaborg N. 46 5 6 E. 42 30 » — 3 35 6 Viborg N. 48 44 48 E. 50 » » + 1 15 12 St-Tropez 30 13 2 E. 35 45 46 + 5 32 44 ))0 3' )) La dernière colonne de ce tableau donne , toute réduction faite , une somme égale à — 3'. 11 est aisé de voir, en effet, qu’en négli- geant 2' IbJ' — 2' 6" — 18'' dans l’expression de la direction moyenne rapportée au Binger-Loch , nous avons dû rendre trop faible de 10 fois 18" et de 180" = 3' la somme des expressions des huit directions calculées. L’opération est donc correcte. ! Elle fait voir que pour sept des dix points que nous avons con- sidérés , l’accord entre la direction calculée et la direction observée est très satisfaisant , les différences entre les directions observées et les directions calculées étant de moins de 3°. Pour les trois autres points , les différences entre les directions observées et calculées sont plus considérables. Pour Zlabingsla différence est de plus de à" 1/2 ; mais il est à remarquer que les contours des masses de granité et de gneiss du S.-E. delà Bohême ne sont ni rectilignes ni très bien définies. On peut en dire autant de celles du IN.-O. de la Finlande , I où la différence est de 3° 35' 6" ; ces dernières sont d’ailleurs impar- ' faitement connues. Quant aux directions rapportées à St-Tropez , I où la différence est de 5® 32', ùà", nous avons vu que ce n’a été qu’après une discussion qui a laissé quelque incertitude que nous SÉANCE DU 17 MAI 18Ü7. 940 avons pu les dégager des autres directions qui sont comprises dans la rose des directions des Maure i et de FEsterel. Les différences que nous venons de remarquer n’ont donc rien qui doive sur- prendre , et il est à remarquer que les trois différences les plus considérables , — 4° 36' 53", — 3^^ 35' 6", + 5° 37' Uk", étant affectées de signes différents , tendent à se compenser ; leur somme est — 2“ 34' 15", ou — 154' 15"; et il est aisé de voir qu’en n’ayant pas égard aux observations auxquelles elles correspondent, on aurait trouvé un résultat différent de celui auquel nous nous sommes arrêtés , de 15' seulement , c’est-à-dire la^direction moyenne N. 30® Ë. environ ; or la suppression de l’une quelconque des autres observations aurait produit une variation à peu près du même ordre. Il me paraît difficile de ne pas admettre , en dernière analyse , que ces dix directions appartiennent à un même système , dont la direction , rapportée au Bi/iger-Loch , est représentée le plus cor- rectement possible par une ligne dirigée au N. 30“ 15' E. Cette ligne qui iàit avec le méridien du. B inger- Loch un angle de 30® 15' vers TE. est la tangente directrice du système. Pour déterminer complètement ce système , il nous resterait à calculer, ainsi qu’il a été dit dans la première partie de cette note , l’angle équatorial E. ; mais le calcul serait encore moins exécutable pour le système (lu Longmynd que celui du fV estmorcland et du Hundsrück , à l’é- gard duquel nous y avons renoncé par les motifs énoncés page 929. Nous serons donc réduits à nous en tenir, provisoirement au moins , à la supposition employée dans les calculs précédents , c’est-à-dire que le grand cercle qui passe par le Binger-Loch en faisant avec le méridien un angle de 30® 15' vers le N.-E., est l’équateur ou le grand cercle de comparaison du système du Longmynd. Cette sup- position est destinée sans doute à une rectification ultérieure ; mais il me paraît fort probable que le véritable équateur du sys- tème du Longmynd n’est pas fort éloigné du grand cercle dont nous venons de parler. En effet, ce dernier laisse la Moravie et la Bre- tagne à des distances peu différentes l’une de l’autre ; il passe entre la Suède et la Finlande , où les accidents du système du Longmynd jouent un rôle si proéminent, et, indépendamment des directions dont nous avons pris la moyenne, on en trouve dans les contrées qu’il traverse, qui paraissent devoir lui être rapportées comme celles des gneiss de Sainte-Marie-aux-Mines et celles de beaucoup d’ac- cidents stratigrapliiques plus modernes , mais dus à l’influence du sol sous-jacent, des couches de l’Eifel , du Hundsrück , de l’Idar- Wald , etc SÉÂNCK DU 17 MAI 18/l7. 9^1 D’après ce que nous avons vu de la structure de cliacune des contrées où ont été observées les directions que nous avons fait entrer dans le calcul , il est clair que toutes les dislocations aux- quelles ces directions se rapportent sont dues à des phénomènes très anciens et antérieurs au dépôt du terrain silurien; et je crois qu’on peut considérer la formation du système du Lou^mynd comme ayant marqué le commencement de la période silurienne. Mais ce système de dislocations n'est pas le plus ancien de ceux dont on observe les traces en Europe d’une manière distincte , et la période silurienne n’est pas la plus ancienne de celles dont on y retrouve les dépôts, .le crois qu’on peut essayer dès aujourd’hui d’esquisser quelques traits de l’histoire an té-silurienne. Il nous suf- fira, pour en trouver un très marqué, d’essayer de déterminer l’âge relatif de la partie des dislocations comprises dans la dési- gnation générale hora 3-ù que nous n’avons pas employée dans les calculs qui précèdent. Lorsqu’on ne pouvait encore indiqqer la direction des disloca- tions des couches les plus anciennes que par la désignation géné- rale que je viens de rappeler, et lorsque l’âge précis d’une grande partie de ces couches était encore indéterminé , on était réduit à composer de toutes les dislocations dont il s’agit un seul fais- ceau , dont l’analogie conduisait à penser que l’âge relatif serait le même que l’âge de celles qui en auraient un bien déterminé. Mais le progrès des observations permettant aujourd’hui de procéder à une analyse plus exacte , on peut distinguer dans cet immense faisceau trois directions et trois âges. Nous en avons déjà extrait le système du fVestmoreland. et du Eundsrück , que nous avons mis à sa véritable place , immédiate- ment avant le dépôt du vieux grès rouge proprement dit : nous venons d’en séparer également le .système du Longmynd , que nous avons placé avant le dépôt du terrain silurien ; mais il nous reste encore un groupe assez nombreux de directions plus rapprochées de la ligne E.-O. que celles du système du JVestmoreland et du Hunds- rück., et en même temps plus anciennes, car elles sont antérieures au dépôt du terrain silurien. .Te veux parler surtout des directions des roches schisteuses les plus anciennes de la presqu’île de Bretagne. .Te les ai mentionnées dans l’extrait de mes recherches, consigné dans la traduction française du Manuel géologique de M. de La Bêche , et dans le Traité de géognosie de M. Daubuisson (1) , (l) Manuel géülogi(pie ^ p. 625 — Traité de géognosie, t, III, p. 300. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 94-2 comme l’un des types des dislocations hora 3-4 antérieures au dépôt des terrains de transition modernes de la Bretagne, qu’on sait aujourd’liui êtie siluriens et dévoniens. C’est frappés de leur constance et de l’évidence de leur âge relatif que nous avons cru , M. Dufrénoy et moi , devoir, dans le premier volume de l’explica- tion de la carte géologique , indiquer l’E. 25° N, eomme la direc- tion du système du JVestmorelaîid et du Hundsnik ^ indication qui a été reproduite par M. Beudant dans sa Géologie élémentaire, et par M. de Collegno dans ses Elenienü di geologia. Cette direction, qui , en raison surtout de ee qu’elle s’observe dans une contrée aussi )ccidentale que la Bretagne , diffère beau- coup de celle du système du JVestmoreland et da Hiaulsi iick , telle que nous l’avons précisée ci-dessus , est celle d’un système parti- culier, antérieur au terrain silurien, que je propose de nommer système du Finistère , en raison du rôle important et bien distinct qu’il joue dans la constitution du département de ce nom. Je vais d’abord rappeler les observations faites dans la pres- qu’île de Bretagne , et dans le Bocage de la Normandie , sur les- quelles repose rétablissement de ce système. Je signalerai ensuite , dans d’autres parties de l’Europe , certaines dislocations qui me paraissent devoir s’y rapporter. Je chercherai enfin à fixer son âge relativement au système du Longmynd ^ qui est lui-même antérieur au terrain silurien. Dans le chapitre III de l’explication de la carte géologique de la Fl 'ance , M. Dufrénoy partage les terrains de transition de la presqu’île de Bretagne en deux grandes division^, dont l’inférieure est désignée sous le nom de terrain cambrien , et la supérieure comprend le terrain silurien et le terrain dévonien. « Les couches » du terrain cambrien , dit-il , généralement inclinées à l’horizon » de 70 à 80°, sont orientées de l’E. 20° N., à l’O. 20° S. Elles » ont été placées dans cette position par le soulèvement du granité » à grains fins (1). » Cette direction se rapporte surtout à la partie centrale de la Bretagne , notamment à la route de Ploërmel à Dinan. Dans la partie occidentale les directions s’éloignent un peu plus de la ligne E.-O. Dans le Bocage de la Normandie, et dans le département de la Manche, elles s’en rapprochent, au contraire, davantage. « Près du cap de la Hague , dit ]M. Dufrénoy , au contact de la i) syénite , le schiste qui forme la côte d’Omonville est talqueux ; (l) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France^ chap. III , t. P*', p. 208. SÉANCE DU 17 31AI 18/17. 9Zi3 » il contient de petits cristaux d’amphibole disposés dans le sens » de la stratification. Les couches de ce schiste plongent N. 16° O. » et se dirigent E. 16° JN., presque exactement suivant la ligne de » dislocation propre au terrain cambrien Dans les carrières » d’Equeudreville , près de Cherbourg , les couches du schiste se » dirigent à l’E. 18“ N. et plongent de 75° degrés vers le N. (1). » Aux environs de Saint-Lô , la direction générale des schistes » est à l’E. 20° N. (2). Au pont de la Graverie, on exploite plu- » sieurs carrières dans un schiste bleuâtre et satiné , dont la stra- » tification est dirigée à l’E. 18° N. avec une inclinaison de 80° (3).» Dans la pointe occidentale de la presqu’île, les roches schisteuses anciennes sont toutes affectées de la direction E, 20 à 25° N. , qui est la même que celle dont nous venons de parler, modifiée par Feflet de la différence de longitude. Cette direction se montre sur- tout d’une manière très prononcée dans les micaschistes et les gneiss qui forment le sol de la ville de Brest et d’une grande partie de la large pointe comprise entre la rade de Brest et l’île de Bas. M. Puillon-Boblaye avait déjà été frappé de ce fait, que dans la région dopt je viens de parler, la stratification, quoique rapprochée de la direction N.-E. S. -O., n’est plus la même que dans les autres parties de la Bretagne , où il l’indique comme comprise entre le N. E. et le N. -N.-E. ; je trouve la trace de cette remarque, qu’il m’avait comniunicpiée de vive voix, dans les expressions suivantes de son mémoire, déjà cité: .... Des côtes de la âlanche à Lander- neau , la direction des strates est dans le sens du N.-E. au S.-O, [h). La direction E. 20 à 25° N. se retrouve encore dans les schistes micacés et chloritiques qui font partie de la pointe méridionale entre Gourin et Quimper, Dans le Bocage de la Normandie, ainsi qu’en beaucoup de points de la Bretagne , notamment au pied méridional de la Mon- tagne-Noire près de Gourin , les premières assises du terrain silu- rien sont siqDerposées en stratification discordante sur les tranches des couches plus anciennes redressées par les dislocations dont nous venons de parler. M. Lefèbure de Fourcy, ingénieur au Corps royal (1) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France ^ chap. III, t. I«‘‘, p. 212. (2) Ihid.^ p. 213. (3) Ihid. , p. 214, (4) Puillon-Boblaye, Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. Mémoires du Muséum d’histoire naturelle , t. XV, p. 66. (1827.) SÉANCË 1)IJ l7 MAI I8â7. m des mines , dans sa Description géologique du département du Finis- tère , cite aussi une superposition semblable sur le rivage méri- dional du Goulet de Brest, depuis la pointe des Espagnols jusque près de Kerjean, et sur la rive méridionale de la rivière de Lan- derneau , La direction E. 20 à 25® N. des schistes les plus anciens se re- produit aussi quelquefois dans les couches siluriennes. M. L. Fra- polli cite de nombreux exemples de ce fait dans son excellent mémoire Sur la disposition du terrain silurien dans le Finistère et principalement dans la rade de Brest (1;. Mais ces directions que les couches siluriennes ne conservent pas sur de grandes lon- gueurs ne sont probablement que des reproductions accidentelles de celles des couches inférieures , reproductions dont j’ai depuis longtemps cité un exemple frappant dans les couches dévoniennes et carbonifères de la Belgique où reparaît souvent la direction naturelle du terrain ardoisier (2). M. L. Frappolli dit, avec beau- coup de raison, je crois , que « ees directions anormales qu’alfecte » le terrain silurien du nord du Finistère sont une des meilleures » preuves de la présence du terrain cambrien au-dessous des grès ») qui forment la base du premier ; elles sont l’effet de çette pré- » sence ; elles n’existeraient pas sans cela (3). » Les directions que je viens de citer concordent ensemble d’une manière extrêmement remarquable. Pour s’en convaincre il suffit de les rapporter toutes à un même point, par exemple à Brest, pris comme centre de réduction. En transportant toutes ces direc- tions à Brest , sans tenir compte de V excès sphérirpie qui ne don- nerait ici que des corrections insignifiantes, nous formerons le tableau suivant : Brest E. 20 à 25° . . . Ile d’Oiiessant. . . . E. 25 à 30 — ))° 25' 15" N. rioërmel E. 20 + 1 33 26 N. Omonville E. 16 -h 1 54 » N. Étiueudrevile. . . . E. 18 4- 2 9 13 N. St-Lo E. 20 ■4~ 32 44 N. Pont de la Graverie. E. 18 + 2 32 44 N. En faisant la somme on trouve 137® à 1^7” + 10® 16' 52", qui (1) Bulletin de la Société géologique de France^ 2* série, t. II, p. 517. (2) Recherches sur quelcpies unes des révolutions de la surface du globe. Manuel géologique , p. 632. Traité de géognosie ^ t. III, p. 314. (3) L., Frapolli, Bulletin, p. 561. SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. 9lib se réduisent en moyenne à 152° 16' 52". En divisant par 7 nom- bre des points d’observation on a pour la direction moyenne du système du Finistère rapportée à Brest, E. 21" ^t5' 16" N. Dans l’Introduction de l’explication de la carte géologique de la France, t. I, p. 60, nous avions indiqué, M. Dufrénoy et moi, la direction E. 25° N., qui s’éloigne un peu plus de la ligne E.-O., mais nous comprenions dans le groupe de directions , dont nous cherchions à donner la moyenne , celle des schistes des environs de Saint-Malo et de Gancale qui me paraissent maintenant se rap- porter à un autre système. Cette direction cadre avec les observations d’une manière qui devra paraître satisfaisante , si l’on remarque surtout combien de bouleversements ont affecté le sol de la Bretagne, après celui dont le système du Finistère est la trace. Pour s’assurer de cet accord il suffit de reporter la direction obtenue à chacun des points d’obseï-'- vation , et de la comparer à la direction observée. On forme ainsi le tableau suivant i Direction calculée. observée. Différence. Ile d’Ouessant. . . . E. 22° 10' 27°30' -j- 5° 19' 29" Brest E. 21 45 IC N. 22 3o + 0 4 4 44 Ploërmel E. 20 11 50 N. 20 » — 0 11 50 Omonviile. ..... E. 19 51 16 N. 16 » — 3 51 16 Équeudreville. ... E. 19 36 3 N. 18 » — 136 3 St-Lo E. 19 12 32 N. 20 » + 0 47 28 Pont de la Graverie. E. 19 12 32 N. 18 » — l 12 32 0° 0' 0" Les seules divergences un peu notables sont celles de l’île d’Ouessant et d’Omonville ; or , il est à remarquer que l’une et l’autre ont été observées dans le voisinage de grandes masses éruptives , d’une part les granités qui forment la plus grande partie de l’île d’Ouessant , de l’autre la syénite du cap de la Hague ; or, on sait que ce n’est pas dans le voisinage de pareilles masses qu’on reneontre le plus ordinairement des directions parfaitement régulières. On peut donc regarder la direction E. 21" 45' 16" N., ou en négligeant les secondes, E. 21“ 45' N. comme représentant à Brest le systè/ne du Finistère ; ce serait celle de la tangente di- rectrice du système menée par Brest. Le système du Finistère ne se montre pas uniquement en Bre- tagne et en Normandie. Un examen attentif des cartes géologi- ques d’une grande partie de l’Europe , permet d’y en découvrir Soc. géol. , 2® série, tome IV. GO SÉANCE DU 17 MAI 18Zj7. 916 des traces qui , à la vérité , sont peu suivies à cause des nombreuses dislocations subséquentes qui les ont en partie effacées. Je citerai particulièrement la Suède et le midi de la Finlande. La direction E. 21" 15' J\., qui représente à Brest le système du Finistère^ étant prolongée suffisamment, passerait un peu au midi de la Suède et de la Finlande. On trouve dans le tableau de la page 881 , que la différence des angles alternes internes formés par la plus courte distance de Brest à Stockholm avec les méridiens de ces deux villes est de 18° 21' 32"; entre Brest et Viborg, la même différence est de 27" 29' 10" ; pour Brest et Gotlieborg la différence est de 13" 1' 10". De là il résulte qu’en tenant compte de l’excès sphérique calculé comme si le grand cercle qui passe à Brest, en se dirigeant à l’E 21" 15' N. , était le grand cercle de comparaison du système , la direction du système du, Finistère transportée à Gotlieborg est E. 9" 23' N., et à Stockholm E. 1" 21' N. La même direction transportée à Viborg est E. 1° 9' S. Dans le milieu de la Suède, près des lacs Wenern , Wettern, Hjelmaren , cette direc- tion serait environ E. 7° N. Dans le milieu de la côte méridionale de la Finlande, entre Abo et Friedriksvern , elle s’éloignerait peu de la ligne E -O. Or , si l’on examine avec attention la belle carte géologique de la Suède , publiée par Al. ïlisinger, on verra que dans la partie centrale de ce pays , entre Gotlieborg et üpsal , il existe en effet dans les masses de roches anciennes sur lesquelles le terrain silu- rien est déposé en stratification discordante , un grand nombre de dislocations et de lignes stratigraphiques dirigées à l’E. quelques degrés nord. Tout annonce que le midi de la Finlande avait été fortement disloqué avant le dépôt du terrain silurien qui forme la côte mé- ridionale du golfe de Finlande , et qui n’a éprouvé depuis son dépôt que de faibles dérangements dont nous nous sommes déjà occupés. Les roches anciennes du midi de la Finlande présentent différentes lignes statigraphicjues dirigées à peu près N.-E. S. -O., que nous avons rapportées au système de Longniynd ; mais leur (hrection diffère essentiellement de celle de la côte dont elles ne déterminent que les découpures. Celle-ci doit se rapporter à une autre série d’accidents stratigraphiques qui ne peuvent être que fort anciens, car tout annonce que les roches cristallines de la Finlande étaient émergées dès le commencement de la période sdiirienne et qu’elles ont formé la côte septentrionale de la mer dans lacpielle s’est déposé le terrain silurien de l’Estonie. Enfin on peut remarquer que la partie méridionale de la Finlande renferme SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. 9h7 ime zone dirigée à peu près de FE. à FO. dans laquelle sont dissé- minées un grand nombre de localités célèbres par la présence de dilFérents minéraux cristallisés d’origine éruptive et que cette bande paraît être le prolongement de celle qui traverse la Suède suivant la direction que je viens de signaler ; or, ni en Suède , ni dans les parties de la Russie contiguës à la Finlande , ces gîtes de minéraux ne se prolongent dans le terrain silurien. Tout annonce donc qu’ils ont été produits avant ie dépôt de ce terrain et que les accidents que présente la zone dont nous parlons appartiennent , par leur âge et par leur direction , au système du Finistère. Il sera peut-être également possible de reconnaître le système du Fi ni stère dans le sol fondamental des Pyrénées et de la Catalogne. La direction du système du Finistère transportée dans un point de la partie méridionale du département de FArriége , situé par 42“ 40' de lat. N. et par 1° de long. O. de Paris, en calculant Fe./;céA .sp/zé- rique comme si Brest se trouvait sur le grand cercle de comparai- son du système , se réduit à E. 17“ 26' 37" E. La direction du sys- tème du fVestmoreland et du Hundsrück , qui est au Binger-LocJi E. 31“ 1/2 N., étant transportée de même au même point des Py- rénées , devient en ayant égard à la légère correction additive que donne la considération de Y excès sphérique E. 36° 27' N. Or, ni F une ni Fautre de ces deux directions ne paraît coïncider avec la direction moyenne des roches schisteuses anciennes des Pyrénées. Al. Durocber, dans son intéressant Essai sur la classification du terrain de transition des Pyrénées (1), indicjue d’une manière gé- nérale la direction E.-N.-E. comme propre aux roches stratifiées les plus anciennes des Pyrénées ; mais dans les nombreuses me- sures de direction qu’il a soin de rapporter, on voit que les direc- tions des roches dont il s’agit oscillent dans l’intervalle compris entre FE. et FE. 40° N., et que très souvent elles se rapprochent soit de FE. 30 à 35“ N., soit de FE. 15 à 20° N. , c’est-à-dire de deux directions peu éloignées, Fune de celle du système du West- moreland et du Rundsrüch Fautre de celle du système du Finistère. AI. Durocher compare ces directions à celles des roches schis- teuses anciennes de la Bretagne , et il me paraîtrait fort possible que dans les Pyrénées comme en Bretagne les directions dont nous parlons dussent être divisées en deux groupes appartenant aux deux systèmes dont je viens de parler. C’est, au reste , une question que je me permettrai de signaler à l’attention de AI. Durocher (1 ) Annales des mines , 4® série , t. YI , p. 1 5. 9A8 séance du 17 MAI iShJ. qui a exploré les deux contrées avec tant de soin et de persé- vérance. La direction du système du Finistère , transportée dans les mon- tagnes des Maures et en Corse, en tenant compte de l’excès splié- rique calculé comme si le grand cercle qui passe à Brest , en se dirigeant à l’E. 21® 45' N. , était le grand cercle de comparaison du devient, pourHyères, E. 13° 46' N., et pour Ajaccio, E. 11° 42' N. Elle s’éloigne beaucoup des directions qu’on y ob- serve le plus habituellement dans les roches stratifiées anciennes. Si ces roches présentent quelques orientations qui se rapportent réellement au système du Finistère , elles doivent y être peu nom- breuses. Peut-être serait-on plus heureux en recherchant cette même direction , soit dans les roches schisteuses anciennes des côtes de l’Algérie , soit au centre de l’Espagne dans celles des mon- tagnes de Guadarrama. La même direction, transportée dans l’Ardenne, à Monthermé, en observant que pour ce point la correction due à Y excès sphé- rique serait complètement insignifiante, devient E. 14° 48' N. Elle s’écarte de 10° 12' de la direction moyenne E. 25° N. des couches ardoisières de cette contrée , tandis que celle-ci ne s’éloigne que de 8° 53' 6" de la direction du système du Jf^estmoreland et du Hundsrück ; ce qui prouve que l’anomalie signalée ci-dessus , dans la direction des couches ardoisières des bords de la Meuse , ne se rattache pas , comme on aurait pu le croire au premier abord , au système du Finistère. La direction du système du Finistère , transportée au Bingcr- Loch , devient E. 11“ 35' N. Elle diffère par conséquent de 20° en- viron de celle du système du hVestmoreland et du Hundsrück qui est pour le Binger-Loch E. 31° 1/2 N., et de plus de 47° de celle du système duLongmynd^ qui, rapportée au même point, est IN. 31° 15' E. ouE. 58° 45' E. La comparaison de ces trois directions rapportées à un seul et même point montre que les trois systèmes dont nous parlons sont parfaitement distincts l’un de l’autre sous le rapport de leur direc- tion ; mais nous ne les avons pas encore rendus complètement dis- tincts sous le rapport de leur âge relatif. Nous avons vu que le système du Longmynd et le système du Finistère sont antérieurs l’un et l’autre au terrain silurien auquel le système du Westmoreland et du Hundsrücli est au contraire postérieur. Il reste à déterminer quel rapport d’âge les deux premiers ont entre eux. Quant à présent, je ne connais pas encore de terrain sédimentaire dont je pusse affirmer qu’il a été déposé sur les tranches des cou- SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. 9/Ï9 elles redressées de riiii des systèmes, et que ses propres couelies ont été redressées par TaLitre. Je ne puis doue déterminer le rap- port d’âge des deux systèmes par le moyen ordinaire et le plus di- reet , mais je erois qu’on peut y parvenir par l’applieation des remarques suivantes, que M. de Humboldt a consignées dans le premier volume du Cosmos. « La ligne de faîte des couches relevées n’est pas toujours paral- » îèle à l’axe de la chaîne de montagnes ; elle coupe aussi quelque- » fois cet axe, et il en résulte, à mon avis, que le phénomène du » redressement des couches , dont on peut suivre assez loin la » trace dans les plaines voisines, est alors plus ancien que le sou- » ièvement de la chaîne (1). « M. de Humboldt a souvent appelé l’attention sur ce point aussi important que délicat de la théorie des soulèvements. Asie centrale, t. î , p. 277-283. Essai sur le gisement des roches 1822 , p. 27. Relut, hist., t. llï,p. 24/4--250. Or, il me paraît qu’en certains points de la Bretagne , dont j’ai déjà parlé des couches redressées suivant le système du Finistère ont été soulevées de manière à constituer une arête appartenant par sa direction au système de Longmynd , et antérieure comme ce système au terrain silurien. Je le conclus des observations sui- vantes que M. Dufrénoy a consignées dans le premier volume de l’explication de la carte géologique de la France , et dont j’ai déjà rappelé une partie précédemmeut. « L’extrémité O. du bassin de Rennes appartient encore au ter- » rain cambrien. Nous sommes, il est vrai , peu certains de la » limite qui sépare , dans ce bassin , les deux étages des terrains » de transition ; mais cependant nous la croyons peu éloignée » d’une ligne qui se dirigerait du N. 15 à 20” E. au S. 15 à 20” O. , ») et qui suivrait à peu près la route de Ploërmel à Dinan. En effet , » les terrains situés à gauche et à droite de cette ligne présentent » des caractères essentiellement dilïérents : cette circonstance serait » inqiossible si elle ne résultait pas de leur différence de nature , » attendu que, la stratification étant généralement de l’E. à l’O. , on » devrait retrouver, sur la route de Ploërmel à Dinan, les mêmes » couches traversées par celle de Nantes à Rennes ; mais il n’en » est point ainsi : en effet , les couches de grès , si fréquentes et si ») caractéristiques dans le terrain silurien , qui forme tout le pays » à 1 E. de la ligne que je viens d’indiquer, ne se retrouvent pas , » au contraire , dans la partie O. de ce bassin, que nous avons » coloriée comme appartenant au terrain cambrien. Les schistes (^) A, de Humboldt, Cosmos, t. P*’, traduction française, p. 352, 950 SÉANCE DU 17 MAI i8Zl7. eux-mêmes , entre Corlay et Josselin, c’est-à-dire dans toute «l’épaisseur de cette partie inférieure, possèdent des caractères >> très différents de ceux des environs de Rennes ; ils sont, en effet , « bleuâtres et satinés, tandis que les schistes entre Rennes et » Nantes sont de véritables grauwackes schisteuses. Enfin la direc- » tion des couches confirme cette distinction. A FO. de la limite « que nous avons assignée pour les deux terrains de transition, les » couches se dirigent constamment de FE. 20” N. à FO. 20“ S., » tandis que les schistes qui sont à droite de cette ligne sont » orientés de FE. 10 à 15” S., à FO. 10 à 15” N. Ces deux directions » sont précisément celles qui caractérisèrent les terrains cambrien » et silurien (1). » (>es schistes satinés dirigés à FE. 20” N. appartiennent, par le redressement de leurs couches , au système du Finistère , et ils ont été soulevés pour former une protubérance ou une crête di- rigée vers le N. 20° E. , qui a constitué la limite occidentale du bas- sin silurien de Rennes. Cette crête appartient par sa direction au système de Longmynd. On voit donc que le système de Longmynd est POSTÉRIEUR au système du Finistère. On arrive à la même conclusion en observant comment les dislo- cations dépendantes du système de Longmynd ^ qui se trouvent aux environs de Morlaix , accidentent les couches de roches schisteuses redressées suivant le système du Finistère. Les trois systèmes dont nous venons de parler, tous les trois fort anciens et tous les trois dirigés de manière à être compris dans la désignation générale hora 3 à ou à ne s’en écarter que fort peu, ces trois systèmes se croisent au centre de la Bretagne dans un es- pace assez peu étendu, entre Saint-Malo et Ploërmel. Ce ne sont pas cependant les seuls systèmes très anciens qui s’observent en Bretagne. Dans ces dernières années, M. Rivière en a signalé un autre , mais celui-ci se distingue complètement des trois premiers par sa direction qui s’éloigne peu du N. -O. , au lieu de se rappro- cherMu N.-E. D’après M. Rivière, ce système est parallèle aux côtes S. -O. de la Vendée et de la Bretagne. Déjà M. Boblaye, dans son excellent travail sur la Bretagne, était arrivé lui-même, relativement aux côtes S. -O. de cette presqu’île, à des conclusions que je ne pourrais traduire aujourd’hui plus exactement qu’en admettant un système parallèle à la direction générale de ces côtes, et en le supposant (i) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France ^ chap. ni , t. I”‘‘, p. 21 0 et 21 1 . V SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. 951 tort ancien, lî signale coniine un des traits les plus marqués de la structure géologique de la Bretagne que ses côtes S.-O. sont bordées par un plateau plus élevé que rintéiieur de la contrée, à travers lequel les rivières s’écoulent dans des vallées profondément encaissées. « La côte méridionale , dit M. Boblaye (1), est décou- » pée par des sinuosités profondes et multipliées ; cependant une » ligne tirée de Saint-Nazaire à Pont-i’Abbé , ou de l’E.-S.-E à B rO.-]N .-0., représente assez bien sadireetion générale. » Le pla- teau méridional, ajoute plus loin M. Boblaye (2), s’étend de ]’E.-S.-Eà rO.-N.-O., sur une longueur de plus de ôO lieues, de Nantes à Quimper. Cette même direction de l’O.-N.-O à l’E.-S.-E. est, d’après M. Boblaye, celle des roclies cristallines an- ciennes dont le plateau est formé. Il la mentionne '3) comme existant uniformément dans les gneiss et les protogines. Il parle ail- leurs (4) des granités et protogines stratiliés de l’O.-N.-O. à l’E.-S.-E. licite en particulier (5) le gneiss de Quimperlé dirigé à l’E. -S. -E. , et il indicpie (6) dans le granité de Carnac de petites couches de micaschiste dirigées de même à l’E.-S.-E. Il est à remarquer cjue M. Boblaye reproduit pour toutes ces localités la même orientation exprimée seulement d’une manière générale O. -N. -O. — E.-S.-E., ce qui indique qu’il a fait abstrac- tion des variations locales, et qu’il n’a peut-être pas entendu fixer cette orientation avec une précision rigoureuse. Je crois cjue, dégagée de tous les accidents qui appartiennent au système des ballons , cette direction s’éloigne de la ligne E.-O. plus que ne l’a pensé M. Boblaye, et que M. Rivière est plus près de la vérité en disant que dans la région dont il s’agit , la stratification se dirige du N. -O. un peu O. au S.-E. un peu E. (7). Il me paraît résulter, en effet, de l’étude que j’ai faite moi-même de ces eootrées, en 1833, et de l’exa- men de la carte géologique de la France, que la direction du système .qui nous occupe peut être représentée par une ligne tirée de l’île de Noirmoutier à l’île d’Ouessaot, de ’E. 38" 15' S. à l’O. 38" 15' N. Cette ligne , qui est jalonnée par les masses isolées des îles d’IIœdic , (1) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologic^ue de la Bretagne. Mémoires du Muséum d’histoire naturelle^ t. XV, p. 54. (1827.) (2) Ibid., p. 65. (E md , p. 75. (4) Ibid., p. 71. (5) Ibid., p. 70. (6) Ibid., p. 69. (7) A. Rivière, Eludes géologiques et minéralogKiues , p. 264, 952 SÉANCE DU 17 MAI lS!i7 . d’Houat, et de la presqu’île de Quiberon , se prolonge suivant la ligne des îles terminales du Finistère, de Beninguet à Ouessant. Le système qu’elle représente converge , à Ouessant , avec le système dirigé E. 20 à 25" N., dont nous nous sommes occupés en dernier lieu ; et considéré dans cette région seulement, il mériterait presqu’à aussi juste titre que lui le nom de système du Finistère. Mais comme il domine surtout sur les côtes du Morbihan et qu’il se prolonge dans les départements de la Loire-Inférieure et de la Vendée et jusque dans celui de la Corrèze , il est plus naturel de lui donner un nom tiré d une contrée moins voisine de sa termi- naison apparente, et je propose, avec l’assentiment de M. Rivière, de le nommer .système du Morbihan. La direction E. 38° 15' S. ■ — O. 38" 15' N., que j’ai indiquée ci-dessus, peut être censée rapportée à Vannes, ville située à peu de distance de quelques uns des points où cette direction se dessine le mieux , et qui serait un centre de réduction très favorablement situé pour toutes les observations de direction faites dans les di- verses parties de la France occidentale où le système se montre avec le plus d’évidence. Il est probable, du reste, que ce système est fort étendu ; sa di- rection semble se retrouver dans les roches schisteuses du dépar- tement de la Corrèze, de la Dordogne et de la Charente, par exemple aux environs de Julliac, dans les schistes sur lesquels re- ])Osent en stratification discordante les petits lambeaux de terrain houiller de Chabrignet, de Montchirel, de la Roche et des Bichers. La direction moyenne de ces roches paraît en effet comprise entre le S.-E. et l’E. ùO" S. Or il est aisé de calculer que la direction E. 38° 15' S. , transportée de Vannes à Uzerche (Corrèze), eu égard aux différences de latitude et de longitude des deux points, devien- draient E. ùl° 22' S. D’après quelques observations que j’ai faites à la hâte en 1834, la moyenne des directions les plus fréquentes dans les gneiss et les micaschistes des environs de Messine, en Sicile, est E. 53° 45' S. La direction E 38" 15' S., transportée de Vannes à Messine, en ayant égard aux différences de latitude et de longitude des deux villes, devient à peu près E. 50® 55' S.; la différence n’est que de 2° 50'. On pourrait donc conjecturer que la direction des roches cristallines évidemment fort anciennes des environs de Messine, appartient au système du Morbihan. Peut-être cette direction existe-t-elle aussi dans quelques parties du Bohmerwald gebirge (sur les frontières de la Bavière et de la Bohême) et de l’Erzgebirge. M. Cotta, dans un travail que j’ai déjà SÉANCE DE 17 MAI 18/i7, 953 cité précédemmoiit (1), indique dans ces contrées cinq directions presque parallèles enîre elles qui me semblent devoir être distin- guées de celles qui se rapportent au système du Tliuringerwald. Ces directions courent sur 11 , 10 3/8, 11 , 10 3/8 , 10 7/8, heures de la boussole, c’est-à-dire en moyenne vers le N. 19” 7' O. magné- tique, ou vers le N. 35° à7' O. astronomique. Or la direction O. 38*^ 15' N. transportée de Vannes à Freiberg, eu égard aux diffé- rences de latitude et de longitude de ces deux points , devient O. 50° 28'N. ouN. 39*^ 32' O.; elle diffère d’environ 10° 1/2 de la di- rection O. àO" N. du Tiiüringerwald , mais elle ne s’écarte que de 3” /t5' de la moyenne des directions indiquées par M. Cotta. En tenant compte de l’excès sphérique , la différence pourrait aller en nombres ronds à environ ; elle ne serait pas beaucoup au- dessus des erreurs possibles d’observation. Les accidents stratigra- pliiques auxquels se rapportent les directions dont nous venons de prendre la moyenne affectent les schistes anciens de l’Erzgebirge ; mais on n’en observe pas la prolongation dans le terrain silurien des environs de Prague : tout annonce donc qu’ils ont été produits immédiatement avant le dépôt du terrain silurien. 11 me paraît fort probalde que les indices de stratification signa- lés dans les roches cristallines de l’Ukraine se rapportent aussi au système du Morbihan. Le sol d’une partie des plaines de F Ukraine est formé par une masse de roches cristallines, connue sous le nom de steppe granitique qui s’étend de l’O.-N. -O. à l’E.-S.-E. de la Volhynie, par la Podolie aux cataractes du Dniéper et qui , traversant ce fleuve , va se perdre près des bords du Kahniuss sous les dépôts carbonifères du Donetz. La direction des plis nombreux que présentent ces roches est en moyenne peu différente de celle de l’axe longitudinal de la steppe granitique, et M. Murchison les attribue avec beaucoup de vraisemblance à un soulèvement de cette masse cristalline ; mais ces roches cristallines présentent des indices de stratification dont la direction est toute différente de celle de l’axe longitudinal de sa masse , et qui , ne se continuant pas dans les couches carbonifères , doivent avoir été produites avant leur dépôt. Diverses variétés de pegmatites sont les roches dominantes vers l’extrémité E.-S.-E. de la masse cristalline, près des bords du Kahniuss (2) : plus près du Dniéper, sur les bords de (1) B. Cotta, Die Erzgange und dire Bczîehungen zii deu Erupti- ven^esteinen . (2) Le Play, Voyage dans la Russie niéridionaUy par M. Anatole de Demidoff, t. IV, p. 61. SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. 951 Li Vollcliia, au S. de Paulograd, et entre cette vdle et Alexan- drovsk, M. Murciiison a observé diverses variétés de gneiss quart- zeuv et feldspatbique passant à un quartz compacte gris qui alterne avec des lames très minces de talc verdâtre rarement micacé, un micaschiste grenatifère alternant avec des couches très minces d’un gneiss granitoide , etc. Ces roches sont souvent en couches verticales, mais leur plongement habituel est du côté de l’E. sous un angle considérable. Leur direction, d’après M. Murchi- son, est presque parallèle au cours de la Voltchia, qu’il indique dans son texte comme dirigé au IN. 15 ' O. ; mais qui , d’après sa belle carte zoologique de la Russie, se dirige au N. 28° O. il dit formellement que la direction dominante de ces roches est du IN.-IN.-O. au S -S.-E. (1), c’est-à-dire du N. 22" 30' O. au S. 22° 30' E. Or, la direction du système du Morbihan^ transportée de Vannes i lat. 17° 39' 26", long. 5° 5' 19" O. ) à Yassiliefka, dans la vallée de la Voltchia (lat. 18° 11' 10", long. 33° 17' 6" E. de Paris) , en tenant compte de X excès sphérique calculé coîiime si le grand cercle qui passe à Vannes en se dirigeant à l’E. 38° 15' S., était le grand cercle de comparaison du système , cette direction devient S. 25° 16' E. , elle ne difl’ère que de 3° 16' de celle indi- quée par M. Murciiison. La dilFérence est encore moindre que celle que nous venons de trouver pour la Saxe ; seulement elle est en sens inverse. D’après ces rapprochements que le temps et l’espace ne me per- mettent pas de pousser plus loin en ce moment et de formuler aussi complètement que j’ai essayé de le faire pour le système du hVestmoreland et du Himdsrück et pour le système du Longmy/id , je suis })orté à présumer que le système du Morbihan n’a pas été moins largement dessiné en Europe que les trois autres systèmes dont je me suis occupé précédemment. L’existence de ce système me paraît indiquée aussi avec assez de probabilité au-delà de l’Océan atlantique , dans des régions qui , à la vérité , ne nous sont que très imparfaitement connues , dans le Labrador et dans le Canada. Il est aisé de calculer en effet que le grand cercle qui passe à Vannes en se dirigeant à l’O. 38" 15' N., coupe le 65° méridien à l’O. de Paris, par 57" 23' 15" de lat. N., en se dirigeant de l’E. 11° 3' 42" N. à l’O. 11° 3' 42" S. , et le 90° méridien à l’E. de Paris, par 51° 37' 54" de lat. N., en se dirigeant de l’E. 31" 33' 1" N. à PO. 31° 33' 1" S. Si on trace (l) Murchison , de Verneuil et Keyserling , Russia in Europe and the lirai mountains ^ t. I, p. 90. 955 séance du 17 aiAi lS!i7 . approximativement cet arc de grand cercle sur ime carte de l’Amé- rif|ue septentrionale , on reconnaît aisément qui! coupe la côte N.-E. du Labrador près du port Manvers, un peu au N. de Nain , traverse le Labrador près du lac Seal , coupe la pointe méridio- nale delà baie dMIudson, passe au N. de la rivière d’Albany dont il suit la direction , passe un peu au S. du lac Saint-Joseph , et coupe ensuite le lac des Lois. Dans cette dernière partie de son cours il passe à 60 lieues environ au N. -O. de la côte N. -O. du lac supérieur qui lui est parallèle dans son ensemble. L’axe longi- tudinal de rile-Royale, située dans ce vaste lac , lui est éga- lement parallèle , et en général les accidents des côtes de la partie occidentale de ce lac , formées de roches primitives en masses élevées et escarpées , présentent dans leur configuration générale plusieurs lignes dirigées à peu près de LE. 31° 1/2 N. à l’O. 31® 1/2 S. , de sorte qu’elles se coordonnent à la direction du sys- tème cia Morbihan , à peu près de la même manière que les côtes S. -O. de la presqu’île de Bretagne. On peut remarquer en outre que la ligne générale qui forme la limite entre les parties du Canada et du Labrador, composées de roches primitives , et les con- trées qui plus au Sud sont formées de couches siluriennes presque horizontales , est parallèle dans son ensemble et dans beaucoup de ses parties à l’arc de grand cercle dont nous venons de parler. Le système cia Morbihan est certainement fort ancien , et M. Bo- blaye, sans s’occuper précisément de son âge relatif, a eu bien évidemment le sentiment de l’aocienneté des accidents stratigra- phiques qui s’y rapportent ; on peut le conclure des passages sui- vants de son mémoire sur la Bretagne que j’ai déjà mentionnés dans mes recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe ( Annales des mines naturelles ^ t. XYIïl , p. 312). « Les roches du second .groupe, dit M. Boblaye (1), se mon- » trent partout en gisement concordant avec les terrains qui » les supportent ; elles occupent une grande partie du centre du » bassin de l’intérieur ( de la Bretagne ) ; elles forment presque » partout une bande plus ou moins développée entre les terrains >> granitiques anciens et les terrains de transition. » Dans les Côtes-du-Nord et le Finistère , elles appartiennent » donc au système de stratification dirigé entre le N.-E. et le N. -N.-E., et dans une partie du Morbihan et de la Loire-Infé- » rieure, au système dirigé à l’E.-S.-E. » Nous croyons donc que la Bretagne montre , dans des terrains (I] Puillon-Boblaye , loc. cit.^ p. 66. 956 SÉANCE DU 17 MAI 1857. " très rapproches d’age et de position , la réunion de deux systèmes » de stratification à peu près perpendiculaires entre eux , dont l’im, » dirigé E.-S.-E. , se retrouve dans une partie des montagnes de » rintérieur de la France et dans les Pyrénées, et l’autre , signalé » depuis longtemps par M. de liumboldt, dirigé entre leN.-N.-E. » et le N.-E. , appartient aux terrains de même nature dans les « montagnes du nord de l’Europe ( Angleterre, Eeosse , Yosges, » Forêt-Noire, Harz et Norvège ). » J’ajouterai à ce fait remarquable, continue M. Boblaye , que » la vallée de rintérieur ( de la Bretagne ) forme la séparation des ». deux systèmes.... Je puis avancer, ajoute-t-il encore, comme » fait général , que la stratification du terrain de transition tend » partout à adopter la direction de l’E. à l’O. , quels que soient » d’ailleurs Page et la direction des strates qui le composent. » Il en résulte , dans la partie méridionale de la Bretagne , une » concordanee apparente , mais dans la partie septentrionale et » surtout dans le Cotentin , une discordance absolue. » Si à ce fait nous ajoutons que, dans le Cotentin et la partie » limitrophe de la Bretagne , les axes des plateaux et les longues » vallées qui les séparent ne sont pas dirigés vers le N.-E. comme » la stratification des roches anciennes qui les composent , mais » constamment de l’E. à l’O., il résulte, à ce qu’il me semble, » du rapprochement de ces faits, que les axes du plateau ancien » ont subi des modifications postérieures à sa consolidation, et que » ce sont ces axes modifiés qui ont déterminé la direction de la » stratification dans le terrain de transition. » 11 me paraît difficile de ne pas conclure de ce passage que M. Boblaye regardait les accidents stratigrapliiques dirigés, sui- vant lui , à l’E.-S.-E. du plateau méridional de la Bretagne , de même que les accidents stratigrapliiques dirigés entre le N. -N.-E. et le N.-E. du plateau septentrional , comme produits à une épo- que antérieure au dépôt du terrain de transition , c’est-à- dire du terrain silurien. Les observations de M. Dufrénoy , celles de M. Bivière et les miennes conduisent à la même conclusion. Si on promène un œil attentif sur la partie de la carte géologique de la France qui représente la presqu’île de Bretagne , on voit que les lignes assez nombreuses par lesquelles s’y dessine le système du Mor- bihan s’interrompent constamment dans les espaces occupés par le terrain silurien. Je citerai pour exemple la ligne tirée de l’île de Guernesey à Sillé-le-Guillaume (département de la Sarthe). Cette ligue, jalonnée par diverses masses granitiques, est en même SÉANCE DU 17 MAI 18^7. 957 temps dessinée par plusieurs massifs de sc!iistes anciens et de gneiss , qui s’allongent suivant sa direction; mais elle n’est représentée par aucun accident remarquable dans les bandes de terrain silii» rien qu’elle traverse. Les bandes siluriennes et dévoniennes sont constamment orien- tées suivant la direction du système des Ballons ^ qui est postérieur aux terrains silurien et dévonien , et peut-être même au calcaire carbonifère. Cette direction, dans la presqu’île de Bretagne, n’est nulle part aussi bien dessinée que dans les districts occupés par ces terrains. En cela elle contraste d’une manière frappante avec la direction du système du Morbihan , qui s’évanouit , au con - traire , généralement , lorsqu’elle arrive aux districts siluriens et dévoniens. Cette loi présente cependant une exception ; car on voit les lignes suivant lesquelles sont dirigés les plis des terrains an- tliraxifères des bords de la Loire et des environs de Sablé, s’in- fléchir vers le S. , à l’E. d’une ligne tirée de Beaupréau à Ségré , et prendre à peu près la direction du système du Morbihan. Le même fait se reproduit plus au N., entre Domfront et Seez; mais ces faits particuliers me paraissent devoir être expliqués en ad- mettant que , dans ces parties peu étendues , la direction du sys- tème du Morbihan s’est repioduite accidentellement à l’époque de la formation du système des Ballons ^ phénomène dont j’ai déjà mentionné plusieurs exemples. L’exception dont il s’agit ne me semble donc pas infirmer la règle générale de laquelle je conclus que le système du Morbihan est aussi évidemment antérieur aux couches siluriennes de la Bretagne que le système des Ballons leur est postérieur. Le système du Morbihan se trouve par conséquent , relativement au terrain silurien, dans le même cas que le système du Longmynd et le système du Finistère. Mais quel est l’âge relatif du système du Morbihan comparé aux deux derniers? Je ne puis , pour le moment , appliquer à la solution de cette question c{ue des moyens analogues à ceux par lesquels j’ai essayé de faire voir que le système du Finistère est plus ancien que le système du Longmynd ; leur application me conduit à conclure que le système du Morbihan est postérieur aux deux autres. Ainsi que je l’ai déjà remarqué, l’une des lignes les mieux des- sinées de ce système est celle qui s’étend de l’île de Noirmoutier à l’île d’Ouessant. Cette ligne suit de l’île de Beninguet à l’île d’Oues- sant la chaîne des îles terminales du Finistère, où la direction de la chaîne n’est pas parallèle à la stratification des roches qui la composent ; elle coupe la direction de la stratification sous un angle 958 SÉANCE DU 17 MAI i8Z{7. cV environ 60°, ainsi qu’on peut le constater en considérant la direc- tion de la bande schisteuse qui traverse l’île d’Ouessant de l’O.-S.- O. à l’E.-N.-E. En appliquant ici la remarque importante de M. de Humboldt, déjà rappelée ci-dessus, p. 949, on conclura que le système du Morbihan est postérieui% comme \q système du Lo/igmynd , au système du Finistère ^ auquel appartient la direction de la bande schisteuse de l’île d’Ouessant. On peut remarquer , en outre , sur la belle carte géologique du Finistère publiée par M. Eugène de Fourcy , ingénieur des mines, que les roches granitiques du plateau méridional de la Bretagne enveloppent, notamment près de F embouchure de la rivière de Quimperlé , des lambeaux de roches schisteuses qui , malgré leur état actuel de dislocation , conservent la direction du système du Finistère , ce qui conduit naturellement à supposer qu’ils avaient été plissés par le ridement du système du Finistère avant d’être disloqués par le soulèvement des granités du système du Morbihan. Des considérations du même genre conduisent d’ailleurs à re- connaître que le système du Morbihan est postérieur système du Longmynd et cette seconde conelusion comprend implicitement la première, puisque nous avons déjà reconnu que le système du Longwynd est postérieur au système du Finistère. La ligne tirée de Guernesey à Sillé-le-Guillaume , qui est , ainsi que nous Favonsdéjà remarqué , l’une de celles où se dessine le système du Morbihan , traverse la partie de la Normandie que M. Boblaye signale spécialement comme le domaine de la direc- tion N. -N .-E. , propre au système du Longmynd. Elle s’y dessine par divers accidents stratigraphiques et orographiques , mais elle laisse généralement subsister la stratification N.-N.-E. Elle y joue , par conséquent, relativement au système du Longmynd^ le rôle que la direction du Longmynd joue par rapport au système du Finistère comme je Fai rappelé ci-dessus, p. 949, le long de la route de Ploërmelà Dinan. Ainsi les mêmes motifs qui nous font conclure que le système Fz/z /.y est antérieur au système du Longmynd doivent nous faire conclure également que le système du Longmynd est antérieur au système du Morbihan. Cette même ligne , parallèle à la route de Ploërmel à Dinan, qui élève , sans déranger leur stratification , les schistes plissés suivant le système du Finistère , se conduit tout autrement par rapport au système du Morbihan. Son prolongement méridional traverse le plateau méridional de la Bretagne , qui appartient au système du Morbihan ; mais bien loin d’interrompre ce plateau, comme elle 959 SÉANCE DE 17 MAI 18/i7. interrompt les plateaux schisteux de Ploërme! , elle s’évanouit à son approche , et elle cesse de se dessiner par aucun accident stra- tigraphique ou orograpbique remarquable. Ainsi le même raison- nement qui montre que le système du Lougmynd ^ auquel appartient cette ligne si remarquable, est postérieur diU système du Finistère, montre aussi qu’il est antérieur au système du Morbihan. ïl me paraît donc établi que les quatre ridements de l’écorce terrestre , dont nous nous sommes occupés dans cette note , se sont succédé dans l’ordre suivant : Système du Finistère , Système du Longntynd , Système du Morbihan , Système du FVestmoreland et du Hundsrück ; Et que le troisième est antérieur à toutes les couches siluriennes qui existent dans la presqu’île de Bretagne, de même que le qua- trième leur est postérieur. Les schistes anciens de la Bretagne resseml^lent sous plus d’un rapport aux schistes anciens du Cumberland , à ceux de la série dont fait partie le schiste noir lustré et souvent maclifère de Skiddaw. Jusqu’à présent on n’avait pas trouvé de fossiles dans ces schistes anciens du Cumberland ; mais j’apprends par une lettre récente de M. le professeur Sedgwick, que pendant l’été de 18à7 il y a découvert des Graptolites et des Fucoïdes. Quelques rares fossiles ( Encrines) se trouvent aussi au milieu des schistes anciens de la Bretagne et de la Normandie dans le calcaire de Cartravers (Côtes- du-Nord), qui forme une masse lenticulaire peu étendue, ren- fermée dans des schistes noirâtres lustrés et dans celui du Quency enclavé dans des schistes bleuâtres satinés , entre Saint-Lô et Lit- try (1). Dans les schistes anciens du Cumberland on ne trouve pas de calcaire , et le calcaire est fort rare aussi dans les schistes anciens de la Bretagne et de la Normandie où je ne connais d’autres masses calcaires que celles de Cartravers et du Quency , à laquelle il faut ajouter quelques plaquettes calcaires aux environs de Saint-Lô. Les schistes anciens de la Bretagne me paraissent avoir, au total , beaucoup plus de ressemblance avec les schistes anciens du Cum- berland qu’avec les ardoises vertes liées aux feldstones de M. le professeur Sedgwick. Cette circonstance concourt avec le fait que les schistes dont il s’agit sont tous affectés par les rides du système (1) Dufrénoy, Explication de la carte géologirpie de la k rance ^ t. I , p. 3. 960 SÉANCE DU 17 MAI 18^7. (h. Finistère aussi bien que par celles des systèînes du Longmynd et du Morbihan , pour me faire penser que les schistes anciens de la Bretagne sont réellement très anciens. Dans l’explication de la carte géologique de la France ces schistes ont été coloriés en gris clair, indiqués par le signe et désignés sous le nom de terrain cambrien. Cependant si ces schistes correspondent aux schistes anciens du Cumberland, il est douteux, d’après les savantes re- cherches de M. le professeur Sedgwick , qu’ils aient aucun repré- sentant dans les montagnes cambriennes du pays de Galles , tandis qu’ils en auraient un certain dans les montagnes cambriennes du Cumberland Pour faire disparaître cette inconséquence de lan- gage sans altérer considérablement la nomenclature reçue , je pro- poserai de désigner à l’avenir les schistes anciens de la Bretagne sous le nom de schistes cambriens. Les schistes anciens de la Bretagne , soit qu’ils affectent la direc- tion du système da Finistère , celle du système da Longmynd ou celle du système da Morbihan sont recouverts en stratification discordante par un grand dépôt de grès, de poudingues quart- zeux et de quartzites , qui paraît être l’équivalent du grès de Cara- doc. Ce fait peut s’expliquer très simplement en admettant que la mer où s’est déposé le grès de Caradoc a été beaucoup plus étendue que celles où se sont déposées les couches fossilifères antérieures à ce grès. Je crois que cette mer a couvert les parties de la Bretagne , de la Scandinavie et de l’Amérique septentrionale où le terrain silurien s’est déposé , et que les premières couches siluriennes qui s’observent dans la Bretagne , la Scandinavie et l’Amérique sep- tentrionale , sont non seulement à très peu près contemporaines , comme l’établissent si bien les savantes recherches paléontolo- giques de AI. de Verneuil, mais exactement contemporaines, et qu’ elles représentent proprement le grès de Caradoc. Je crois enfin que les couches souvent cristallines sur lesquelles ces dépôts quart- zeux reposent sont beaucoup plus anciennes , de sorte que dans ces diverses contrées il existe dans la série des terrains stratifiés une lacune considérable . En Bretagne cette lacune me paraît corres- pondre à la double période de tranquillité qui s’est écoulée entre le soulèvement du système du Finistère et celui du système da Mor- bihan. Suivant nos conjectures, les parties du sol européen et améri- cain qui forment aujourd’hui la Bretagne , la Scandinavie et les Etats-Unis, auraient été abandonnées par la mer au moment où se sont formées les rides de l’un des systèmes antérieurs (en Bre- tagne celles du da Finistère) ; mais la mer y ‘serait revenue SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 961 immédiatement après la formation des rides du système du Mor- bihan ^ et un ^rand dépôt de grès et de poudingues quartzeux , dont le grès de Caradoc fait partie , aurait été dans une grande partie de l’Europe et de l’Amérique le résultat de son invasion. Le grès de Caradoc formerait ainsi un horizon géognostique comparable à celui du vieux grès rouge. Mais comment l’horizon du grès de Caradoc se dessine-t-il dans le pays de Galles? s’il est prouvé que le système du Morbihan est antérieur à toutes les couches siluriennes de la Bretagne^ doit-on en conclure cju’il est antérieur à toutes les couches des montagnes du pays de Galles, que M. Murchison regarde comme appartenant à la partie inférieure du terrain silurien? Cette question importante se trouvera sans doute résolue lorsque M. Murchison et M. le professeur Sedgwick seront tombés com- plètement d’accord sur la classification des couches de cette contrée si intéressante et si difficile. Tout le monde sentira combien il serait téméraire de ma part de vouloir résoudre dans mon cabinet une question cjui tient encore en suspens les géologues les plus éminents et ceux qui ont le mieux étudié le pays, .le puis d’autant moins essayer de le faire , que les travaux dont le pays de Galles a été l’objet dans ces dernières années n’ont pas encore été publiés d’une manière complète. Désirant cependant montrer combien j’attache d’importance à une question cpii me paraît intéresser à un très haut degré l’avenir de la géologie paléozoïque, j’essaierai d’apporter pour sa solution le faible tribut de mes conjectures. Le point essentiel me semblerait être de trouver dans le dessin si compliqué de la structure stratigraphique des montagnes du pays de Galles un trait qu’on ])iit rattacher nettement au vaste horizon du grès de Caradoc. Or, je remarque que la ligne tirée du centre du massif du Longmynd au centre du massif de l’île d’An- glesey est sensiblement orientée suivant la direction du système du Alorbihan ; que cette ligne passe dans le voisinage des sommités les plus élevées du pays de Galles ; que les couches les mieux ca- ractérisées et les plus anciennement reconnues du terrain silurien s’en tiennent éloignées avec une sorte de respect; que cette ligne forme l’axe d’une zone qui semble avoir formé dans la mer où s’est déposé le grès du Caradoc , une île dont l’île d’Aiiglesey serait un reste , à peu près comme l’île de Guernesey est un reste d’une île que formaient , dans la même mer, les masses de granités et de schistes anciens , non recouvertes, qui s’étendent, ainsi que je l’ai remarqué précédemment , page 956 , de Guernesey à Sillé le Gnil- laum'è.^ ’ Soc. géol. , 2" série, tome IV. 61 962 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. La réunion de ces diverses circonstances me conduit à conjec- turer que la zone du pays de Galles , qui s’étend de l’ile d’Anglesey au Longmynd, a été élevée au-dessus du niveau des mers, comme la bande de terrain ancien qui s’étend de Guernesey à Sillé le Guil- laume , par le ridement de l’écorce terrestre auquel est dû le sys- tème du Morbihan , et que la disposition afïectée relativement à cette zone par le grès de Caradoc et par les couches siluriennes su- périeures à ce grès , fait partie intégrante de cette disposition géné- rale et toute nouvelle qui me portent à regarder le grès de Caradoc comme formant la base d’une formation indépendante et l’un des meilleurs horizons géognostiques qui aient encore été observés. Dans l’hypothèse que je me hasarde à proposer , le sol de cette île , premier noyau du pays de Galles , qui comprenait l’île d’An- glesey et les collines du Longmynd , aurait été traversé duS:-S.-0. au N.-N.-E. par la crête du Longmynd et par une série d’autres crêtes parallèles et contemporaines , qui sans être alors aussi éle- vées qu’elles le sont aujourd’hui , auraient présenté dès cette épo- que une première ébauche de leurs formes actuelles, dépendante du système de rides dont le Longmynd lui-même fait partie. Mais pendant la période qui a suivi immédiatement la formation du système du Longmynd ^ ces crêtes seraient demeurées en partie submergées, ou n’auraient formé qu’une série d’îles étroites, orientées du S. -S -O. au N.-N.-E. : elles n’auraient fait partie d’une grande île continue, orientée dans son ensemble du IN.-O. au S.-E. , qu’ après la formation du système du Morbihan. Les circonstances les plus énigmatiques que présente le gisement d’une partie des couches du pays de Galles , me paraissent con- corder avec mon hypothèse. Les couches du grès de Caradoc, qui reposent en stratification discordante sur les schistes du Longmynd, reposent au contraire en stratification concordante sur une longue série de couches fossilifères parmi lesquelles sont comprises celles du lac de Bala et peut-être d’autres beaucoup plus anciennes. Cette double circonstance peut s’expliquer très simplement en ad- mettant que les couches schisteuses du Longmynd et les couches du grès de Caradoc , qui leur sont superposées transgressivement , laissent entre elles une lacune égale à toute l’épaisseur des couches qui prolongent inférieurement, jusqu’au calcaire de Bala et plus bas encore , la série constamment concordante avec le grès de Caradoc. L’hypothèse proposée permet en effet de concevoir que la su- perposition du grès de Caradoc siir les couches redressées des col- lines du Longmynd ne se serait pas opérée immédiatement après SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 963 le redressement de ces dernières conciles , mais seulement après la formation du système dit Morbihan , que nous avons vu être pos- térieur au système dit Longmynd. Pendant la période comparati- vement tranquille qui s’est écoulée entre la formation du système dit Longmynd et celle du système dit Morbihan il a dû se former dans les mers une série de couches régulières , et cette série peut exister dans le centre même du pays de Galles , si la mer n’en a été complètement exclue qu'au moment de la formation du système du Morbihan. Cette série, dans mon hypothèse, est parallèle au grès de Caradoc, du moins en apparence, parce que le bosselle- ment qui a émergé une partie du sol du pays de Galles , lors de la formation du système dit Morbihan , et qui a empêché le grès de Caradoc et les couches supérieures du terrain silurien de s’ y déposer, n’y a produit que des dénivellations et presque pas de plis ni de fractures. Dans ma supposition , les fractures et les plis dont ces couches sont affectées, seraient généralement indépendantes de la forma- tion du système du Morbihan ; quelques unes dirigées presque exactement vers le N.-E. , appartiendraient au système du VP est- moreland et du Hundsrück ; d’autres appartiennent certainement à des systèmes plus modernes notamment au système de la Côte-d' Or. Peut-être y aurait-il aussi un partage à effectuer parmi les dislo- cations dirigées vers le N. -N.-E. J’ai exprimé ailleurs l’opinion qu’il existe dans la partie occidentale de la Grande-Bretagne et en Irlande heaucoup de dislocations dirigées à peu près au N. N.-E. , dont la date est postérieure au dépôt des terrains paléozoïques (1) ; mais j’ignore si une part doit être faite au système du Rhin dans les rides des couclies de la région du Snowdon , si profondément étu- diées par M. le professeur Sedgwick , ou si ces rides doivent être toutes considérées comme appartenant au même système strati- graphique cpie les couches redressées du Longmynd dont elles se rapprochent par leur direction. Je crois cependant que la plupart des directions N -N -E. qui existent en si grand nombre dans les parties montagneuses du pays de Galles , doivent en principe leur existence à un phénomène de ridement antérieur non seulement au grès de Caradoc, mais encore à un groupe considérable de couches fossilifères anté- rieures à ce grès. Ces couches fossilifères inférieures et le grès de Caradoc lui- même sont souvent affectés de cette même direction (1) Explication de la Carte géologique de la France t. I*’’, p. 435. SÉANCE DU 17 MAI 1847. Q6ll N.-N -E. : la crête des stiperstones qui constitue le bord occiden- tal des collines du Longmynd en offre un exemple d’autant plus remarquable que le grès de Caradoc y est non seulement redresse dans la direction N.-N.-E., mais en même temps passé à l’état mé- tamorphique. Les collines mêmes de Caradoc, et particulièrement le Lawley, présentent d’autres exemples du même fait , qui se multiplie presque à l’infini dans cette contrée ; il est du à ce que les accidents stratigraphiques du système du Longmynd ont été am- plifiés pour la plupart à l’époque où se sont produits les accidents du système du PV estmoreland et du Hundsrück , qui souvent ont dévié de leur direction naturelle pour se confondre avec les pre- miers. D^autres accidents postérieurs et surtout de nombreuses éruptions de roches de trapp , opérées suivant les fissures origi- naires du système du Longmynd , ont encore concouru selon toute apparence au même phénomène. Il me paraît en effet naturel d’appliquer à ces masses éruptives l’hypothèse que j’ai appliquée, dès la première publication de mes recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe, aux leucitophyres et aux trachytes de l’Italie méridionale , dont les éruptions sont bien pos- térieures au système des Pyrénées et des Apennins. J’ai fait remar- quer dès lors qu’on observe la direction de ce système dans « deux » rangées de masses volcaniques , qui courent parallèlement aux >' Apennins, l’im à travers la terre de Labour des environs de » Rome à ceux du Bénévent , et l’autre dans les îles Ponces de » Palmarola à Ischia (1) » et je dirais des roches trappéennes du pays de Galles comme des ophytes des Pyrénées, dont le soulèvement a aussi été postérieur à la formation du système des Pyrénées et des Apennins , « qu’ elles se sont souvent alignées par files qui suivent les » di rections de toutes les anciennes fractures , de tous les clientes » plus ou moins oblitérés que présentait le sol qu’elles avaient à » percer (2) ». Ces éruptions de roches trappéennes, ainsi que M. Murchison l’a parfaitement constaté , se sont renouvelées à diverses époques , pen- dant le dépôt des couches siluriennes et même longtemps après leur dépôt ; il en est résulté des accidents stratigraphiques très variés dans leurs détails, mais la superposition contrastante des couches supérieures du grès de Caradoc sur les tranches des roches schis- teuses du Longmynd, observée par M. Alurchison près du Mynd- Annedes des sciences naturelles , t. XVIII , p. 297 (1829). Ifè) Manuel géologique p. 656. — Traité de géognosie , t. III, p. 361. SÉANCE DU 17 MAI iSlll . 965 3Jéi'l J((rni et (le Choidton Bridge (1) , au pied iiiêiiie des collines du Longniynd, est à mes yeux un trait caractéristique qui se rat- tache à l’horizon géognostique du grès de Caradoc , et qui me pa- raît ne devoir laisser aucun doute sur le point fondamental de l’explication que je propose. Les changements de niveau qui ont accompagné dans le pays de Galles la formation du système du Morbihan et qui en ont émergé une partie , ont été cause que la mer a couvert , dans le pays de Galles même , certaines régions qu’elle ne couvrait pas auparavant , notamment les pentes du Longmynd, en même temps cju’elle a en- vahi d’immenses espaces en Bretagne , en Scandinavie , en Amé- rique, etc. Cet envahissement me paraît indiqué d’une manière évidente par rimmense étendue horizontale que prend subitement la série de couches qui commence au grès de Caradoc , et cette ex- tension toute nouvelle établit à mes yeux une ligne de démarca- tion des plus tranchée entre la série des couches c[ui y participe , et que j’appellerais assez volontiers le terrain silurien proprement dit , et la série de couches plus ancienne et plus circonscrite ou du moins tout autrement circonscrite dont le calcaire de Bala fait partie. Un phénomène analogue s’est accompli , pendant la période jurassique, lorsque l’argile d’Oxford est venue s’étendre sur les couches paléozoïques et triasiques des plaines de la Russie, sans y avoir été précédée par le lias ni par le premier étage oolithique ; et ce fait , sur lequel les savantes observations de MM. Alurchison , de Verneuil et de Keyserling ne laissent aucun doute, pourrait motiver de même le partage du terrain jurassique en deux terrains distincts. Il appartient aux illustres géologues qui ont fait jaillir des mon- tagnes du pays de Galles tant de lumières inattendues , de fixer le nom qui devra être donné à la série de couches fossililêres , infé- j rieure et parallèle au grès de Caradoc , dont le calcaire de Bala fait | partie : je me bornerai à désigner cette série de couches sous la i dénomination de série fossilijère du calcaire de Bala; mais quel que soit le nom qui pourra lui être imposé définitivement, il me paraît évident que cette série inférieure représente chronologique- ment la période géologique comparativement tranquille qui s’est écoulée entre la production du système du Longmynd et celle du système du Morbihan . La série fossilifère du calcaire de Bala n’existe pas dans la pres- [\) Murchison silurian system . pl. XXXI, fie. 3; pl. XXXII, fig. 4 ; etpl. XXXIII, fig. \ 966 SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. qu’lie de Bretagne. Les premières couches siluriennes qui s’obser- vent dans cette contrée et qui me paraissent représenter le grès de Caradoc , reposent constamment sur des couches beaucoup plus anciennes, de sorte qu’il doit exister, au point de superposition, une lacune dans la série géologique , comparable à celle que j’ai signalée précédemment (voyez page 56/1 du présent volume) entre la craie blanche et l’argile plastique de beaucoup de parties de la France et de l’Angleterre. La lacune doit être ici très considérable, car ce n’est pas seulement la série fossilijère de Bala qui me paraît manquer dans la plus grande partie de la Bretagne, .le n’y trouve pas non plus de représentants des schistes verts avec porphyres subordonnés {jeldstones) du pays de Galles et du Westmoreland. Suivant mes conjectures, la mer aurait couvert l’emplacement des montagnes actuellement les plus élevées du pays de Galles pendant la période comparativement tranquille qui a suivi la for- mation du système du Finistère , et c’est pendant cette période que se serait formé le terrain des ardoises vertes et des feldstones. La mer n’aurait abandonné que partiellement cet espace au moment de la formation du système du Longmynd ^ et c’est pendant la période subséquente que s’y serait déposée la série fossilifère du calcaire de Bala. Le dépôt de cette série se serait prolongé sans interruption jusqu’au moment de la formation du système du Morbihan , et le grès de Caradoc ferait à peu près continuité avec cette même série , parce que le ridement qui a donné naissance au système du Morbihan ne se serait opéré dans le pays de Galles qu’avec une faible intensité. 11 aurait suffi cependant, pour que la mer du grès de Caradoc ne pût opérer aucun dépôt sur les couches fossilifères des parties aujourd’hui les plus élevées du pays de Galles, et pour quelle pût en opérer au contraire sur le pied des pentes des collines du Longmynd que la mer précédente n’avait pas recouvert. Les quatre systèmes de montagnes dont nous venons de parler, quoique fort anciens , sont peut-être bien loin cependant d’êtie les plus anciens qui se soient dessinés sur la surface du globe. Le plus ancien des quatre , le système du Finistère , est postérieur aux schistes cambriens de la Bretagne , qui se présentent déjà comme un groupe régtdier de dépôts sédimentaires , comparable, sous beaucoup de rapports , aux groupes de dépôts sédimentaires qui représentent les périodes de tranquillité subséquentes. L’analogie conduirait donc à supposer que le dépôt des schistes cambriens de la Bretagne aurait été précédé par la formation d’un système de SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. 9(57 montagnes plus ancien que celui du Finistère. Peut-être même iaudrait-il traverser une série plus au moins étendue d’époques de soulèvement et de périodes de tranquillité pour remonter jusqu’au moment où le refroidissement graduel de l’écorce terrestre a cessé d’être plus rapide que le refrodissement moyen de sa masse to- tale (1). Je manque de données pour rien préciser à cet égard, mais je m’empresse de prendre acte dès aujourd’hui de ce que M. Rivière , qui a beaucoup étudié le département de la Vendée et le S. -O. de la Bretagne, signale dans ces contrées un système de dislocations plus ancien que tous ceux dont nous venons de nous occuper. D’après M. Rivière , ce système , que je proposerais de nommer système de la Vendée^ se dirige à peu près du N.-]N.-0. au S.-S -E. (2). Peut-être M. Boblaye a-t-il déjà signalé , sans le savoir, un ac- cident stratigraphique en rapport avec ce système , dans le passage suivant de son mémoire sur la Bretagne , déjà cité ci-dessus. « Granité et micaschiste ^ stratification. Dans cette formation de » granité et de micaschiste , la stratification ne montre plus cette » uniformité de direction E.-S.-E. — O. -N. -O. que nous avons » vu régner dans les gneiss et protogines. A partir de Saint- Adrien » (près Redon), en suivant les bords du Blavet jusqu’à Pontivy et » de là au Guémené, on la voit se diriger au N. -N. -O. , puis s’in- » fléchir vers le N. -O. et 10. , en approchant du Faouet, s’ap- » puyant constamment au S. » Elle paraît ainsi envelopper le massif postérieur au leptinite , M qui prend un très grand développement dans cette partie cen- » traie de la Bretagne. Je dois dire en terminant ce qui est relatif » à cette formation , que parmi les micaschistes observés à sa sur- » face , il en est plusieurs qui m’ont paru plutôt superposés qu’in- >♦ tercalés (Sainte-Barbe près le Faouet, etc. ) (3). » Je crois avoir été dans le cas d’observer de mon côté des acci- dents stratigraphiques qui font partie de ce même système , à une époque où je ne soupçonnais pas encore son existence indépendante. (1) Voyez une Note sur le rapport qui existe entre le refroidisse- ment progressif de la masse du globe et celui de sa surface , que j’ai consignée dans les Con?ptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences , t. XIX, p. 1327 (16 décembre 1844) (2) A. Rivière, Études géologiques et minéralogiques ^ p. 264. (3) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologicjue de la Bretagne. — Mémoires du Muséum d'histoire na- turelle, t. XV, p. 75 (1827), 968 SÉANCE DU 17 MAI i8/l7. En 1833 j’ai parcouru dans toutes ses parties l’île àe Belle-Isle , où j’ai relevé un grand nombre de directions. Cette île est formée presque en entier par des schistes verts lustrés , avec veines irré- gulières ( e quartz blanc laiteux , qui ressemblent beaucoup , sous le rapport minéralogique, à certains kilUis du Cornouailles. L’aspect lustré de ces schistes est évidemment du à un phénomène métamorphique , et le métamorphisme est quelquefois poussé au point que des cristaux de feldspath se développent au milieu du schiste qui passe ainsi à un gneiss porphyroïde , dont on observe un exemple remarquable à la pointe des Canons , à l’extrémité S.-E. de l’île. Les schistes de Belle-Isle sont certainement fort anciens. Ils me paraissent l’être au moins autant que ceux que j’ai cités ci-dessus, page 957, comme enclavés dans les granités du plateau méridional de la Bretagne, où ils conservent, malgré leur état actuel de dislo- cation , la direction du système du Finistère. Le lambeau saillant de roches schisteuses qui constitue l’île de Belle-Isle est le dernier terme d’une série de lambeaux de gneiss et de schistes , qui , commençant à Redon , s’avance au milieu des granités du Morbihan dans la direction de l’E. 20° S., c’est- à-dire dans la direction propre au système du Firüstère. Cependant la direction du système du Finistère n’est pas à beau- coup près celle qu’on observe le plus fréquemment dans les schistes de Belle-Isle ; des directions qui en moyenne sont presque perpen- diculaires à celle-là y sont infiniment plus habituelles. Les schistes de Belle-Isle sont extraordinairement plissés , mais leurs plis , quoique souvent très sinueux , présentent des directions qui se groupent pour la plupart autour des quatre orientations suivantes : O. 35° N. , N. 20‘' O. , N. 3° 10' O. , N. 19° 32' E. ; les directions comprises entre l’E. et le N.-E. sont peu nombreuses. La direction O. 35° N. est à trois degrés près celle du système du Morbihan; la direction N. 19° 32' E. se rapproche encore davantage de celle du système du Longmynd ; la direction N. 3^® 12' O. pourrait être rapportée au système du nord de V Angleterre. Quant à la direction N. 20° O. , je serais très porté à admettre qu’elle appartient au système de la V endée. En admettant avec M. Rivière que le système de la Vendée est le plus ancien de tous ceux dont on observe des traces dans la France occidentale on concevrait comment les schistes de Belle- Isle, déjà fortement plissés suivant le direction de ce système , ont pu l’être encore par ceux des systèmes postérieurs dont la direction était peu différente , tandis qu’ils n’ont pu l’être aussi aisément par SÉANCE DU 17 MAI 1847. 969 ceux dont la direction était presque perpendiculaire comme le sys- tème du Finistère et le système du JVestmorelcmd et du Hundsrück. Je ne connais pas personnellement les faits d’après lesquels M. Ri- vière considère le système de la Vendée comme plus ancien que tous ceux auxquels nous pouvons le comparer ; mais indépendam- ment de la circonstance que je viens de signaler, les rapproche- ments suivants me portent encore à croire fondée la classification proposée par cet habile géologue. Les directions des cinq systèmes que nous venons de considérer, présentent entre elles des relations qui , sans se réduire à ce qu’on pourrait appeler des chiffres absolument mathématiques, sont ce- pendant remarquables par la simplicité dont elles approchent dans des limites qui ne dépassent pas beaucoup l’incertitude dont il est certain que chacune d’elles en particulier demeure encore affectée. Le système de la Vendée est dirigé , d’après M. Rivière , au N.-N.-O., soit N. 22*’ 30' O. La direction du système du Finistère, transportée à Vannes, est à très peu près E. 21° 5' N. La direction àn système du Longmynd , transportée à Vannes, est à très peu près N. 22“ 49' E. La direction du système du Morbihan est à Vannes E. 38° 15' S. La direction du système du kVestmoreland et du Hundsrück , transportée à Vannes , est à très peu près E. 39^ 59' N. On voit , en comparant ces directions , que celle du système du Finistère est perpendiculaire, à moins d’un degré et demi près , à celle du système de la Vendée , auquel le premier a succédé peut- être immédiatement. On voit de plus que la direction du système de Longmynd , qui a suivi les deux autres , forme d’une part , avec celle du sys- tème de la Vendée , un angle de 45“ 19', et de l’autre, avec celle du système du Finistère , un angle de 46“ 6', c’est-à-dire que la direction du système du Longmynd divise l’angle , formé par les directions des deux systèmes qui l’ont précédé , en deux parties égales entre elles à moins d’un degré près. La direclion du système du Morbihan forme un angle de 29“ 15' avec celle du système de la Vendée , et un angle de 59“ 20' avec celle du système du Finistère ; elle a divisé l’angle compris entre les directions de ces deux systèmes antérieurs en deux parties , dont l’une est à peu près double de l’autre. De plus , elle fait un angle de 15“ 26' avec une ligne perpendiculaire à la direction du système du Longmynd ( ligne qu’on pourrait appeler une direction virtuelle), de sorte qu’elle a aussi divisé en deux parties, dont l’ime 970 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. est à peu près double de l’autre , l’angle formé par la direction du système de la Vendée , et la perpendiculaire à la direction du système du Loîigmynd. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’en faisant subir à la direction du système du Morbihan un changement de vingt-cinq minutes seulement , on rendrait ce double rapport à très peu près exact, et que dans ces deux divisions comparées entre elles, la partie double de l’autre se trouve placée en sens inverse. Ces relations me paraissent très remarquables en ce qu’elles semblent indiquer que la direction du système du Morbihan a été une eonséquence des directions des trois autres systèmes et en ce qu’elles tendent par conséquent à confirmer les raisonnements qui nous ont fait concku'e qu’// leur est postérieur. La direction du système du Westmoreland et du Hundsrück fait , d’une part avec la direction du système de la Vendée , un angle de 72° 31', et de l’autre, avec celle du système du Morbihan^ un angle de 78'* 14'; ces deux angles ne différent l’un de l’autre que de 5" 43', ainsi on peut dire que la direction du système du F^estmo-- reland et du Hundsrück a divisé en deux parties peu éloignées d’être égales entre elles l’angle formée par les directions de deux des systèmes antérieurs. De plus, la dirt ction du système du West- rnoreland et du Hundsrück forme d’une part , avec la direction du système du Finistère , un angle de 18° 54', et de l’autre, avec la direction du système du Loîigmynd ^ un angle de 27° 12'. Le pre- mier de ces deux angles est à peu près , au second , dans le rapport de 2 à 3 , et on peut remarquer que si on faisait subir à la direc- tion du système du Finistère un changement de 29 minutes seule- ment, et qu’on le supposât E. 39° 30' N. , le rapport de 2 à 3 de- viendrait sensiblement exact tandis que les angles que cette direc- tion ferait avec celles des systèmes de la Vendée et du Morbihan ne différeraient plus que de 4®, 45'. Les directions des systèmes de montagnes qui , dans l’ordre chronologique ont succédé au système du W estmoreland et du Hundsrück , se prêtent également à des rapprochements du genre de ceux qui viennent de nous occuper. La direction du système des Ballons ^ transportée à Vannes, est a peu près E. 8° 40' S. La direction du système du nord de V Angleterre , transportée à Vannes , est à peu près N. 5° 25' O. Enfin , pour nous arrêter aux systèmes de la période paléozoï- que , la direction du système des Pays-Bas , transportée à Vannes, est à peu près E. 10° 10' N. De là il résulte , qu’à Vannes , la direction du système des Ballons SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. 971 fait avec la direction du système du W estnioreland et du Hunds- rück un angle de Zi8" 39', avec la direction du système du Morbihan un angle 29“ 35', avec la direction du système du Finistère un angle de 29° 45', avec une perpendiculaire à la direction du sys- tème du Longmynd un angle de 14® 9', et avec la direction du système de la Vendée un angle de 58® 50'. Ainsi la direction du système des Ballons a divisé en deux parties à peu près égales l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et du Morbihan , et elle a formé , avec la perpendiculaire à la direction du système du Longmynd et avec les directions des systèmes du Westmoreland et du Hnndsrüch et de la Vendée , des angles qui approchent beaucoup d’être dans les rapports de 1 : 3:4. On voit encore que la direction du système du nord de V Angle- terre a formé avec la direction du système de la Vendée uu angle de 17" 5', avec la direction du système du Longmynd un angle de 28° 14', avec la direction du système du Finistère un angle de 74® 20', et avec la direction du système des Ballons un angle de 75® 55'. Ainsi elle a divisé l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et des Ballons en deux parties à peu près égales, et l’angle formé par les systèmes de la Vendée et du Longmynd en deux parties, dont le rapport est à peu près celui de 2 à 3. Enfin , la direction du système des Pays-Bas a formé avec la direction du système du Finistère un angle de 10® 55', avec la di- rection du système des Ballons un angle de 18® 50', avec la direc- tion du système du Westmoreland et du Hundsrück un angle de 29® 40', et avec la direction du système du Morbihan un angle de 48® 25'. Ainsi elle a divisé l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et des Ballons en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 1 à 2. L’angle formé par les directions des systèmes du Westmoreland et du Hundsrück et du Morbihan en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 2 à 3 , et l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère, et du Morbihan en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 1 à 5 . Ces derniers rapports exigeront une révision et probablemeiit des rectifications ultérieures; ils sont moins exacts cpie ceux (jue nous avions remarqués en premier lieu, et cela me porterait à conclure que la méthode de calcul que j’ai suivie dans cette note est , en elle-même , plus exacte que la méthode graphique dont je m’étais contenté dans mes recherches antérieures sur les directions de différents systèmes de montagnes. En tout état de cause , les rapprochements auxquels nous venons de nous livrer, me paraî- traient tendre à faire présumer que les directions assignées aux 97^2 SÉANCE DU 17 MAI 18Zi7. divers systèmes que nous avons considérés , ne présenteraient guère que des inexactitudes de l’ordre de celles qui se manifestent dans les divisions d’angles que nous venons de considérer, inexactitudes dont la plus considérable est de moins de cinq degrés. On pourrait même en inférer que les inexactitudes de ces dé- terminations sont encore moindres , car d’une part il n’est pa&^ établi qu’il soit dans l’essence du phénomène des ridements suc- cessifs de l’écorce terrestre que ces bissections et ces trisections, s’opèrent avec une exactitude absolue et dans tous les cas cette rigueur ne devrait se manifester qu’ autant qu’on pourrait com- parer entre eux les véritables grands cercles de comparaison des différents systèmes au lieu des grands cercles de comparaison provi- soires dont nous avons dû nous contenter : enfin les rapproche- ments auxquels nous venons de nous livrer ne conduiraient pas exactement aux mêmes résultats dans tous les points où on pourrait transporter les directions à comparer. Nous nous sommes borné à opérer uniformément toutes ces comparaisons sur les directions, transportées à Vannes ; mais il y a telle de ces comparaisons pour laquelle un point de l’Europe, fort éloigné de Vannes, serait peut- être plus heureusement choisi , et dont le choix seul pourrait équi- valoir, relativement à la plus incertaine de nos conqiaraisons , à cette modification de 25 à 29', dont nous avons parlé, et même à des modifications plus considérables encore. Nous avons vu, en effet, précédemment ( voyez ci-dessus , p. 893 ) que dans l’étendue d’un carré sphérique de ûOO lieues seulement de coté , la correc- tion due à V excès sphérique dans le transport d’une direction d’un point à un autre , peut s’élever à près de 2". S’il y avait plusieurs, directions à transporter en un même point dans cet espace cir- conscrit , les corrections seraient différentes et pourraient être en sens opposés. De pareils transports pourraient donc quelquefois changer de 3 à k" les angles formés par les directions transportées, et si les transports s’opéraient dans un espace plus étendu , les modifications deviendraient plus grandes encore. Pour chacune des divisions d’angles c|ui s’opèrent approximati- vement entre les directions transportées à Vannes, il y aurait géné- ralement un point de la sphère terrestre où il faudrait transporter les directions auxquelles elles se rapportent pour qu elles s’opéras- sent le plus exactement possible. La recherche de ces points ne serait pas sans intérêt pour la détermination des rapports des dif- férents systèmes comparés entre eux ; mais le temps et l’espace me manquent pour me livrer actuellement à cette recherche. Je remarquerai seulement que ces rapprochements , malgré leur im- 973 I SÉANCE DU 17 MAI 18Zl7. perfection , sont déjà plus voisins de l’exactitude que plusieurs de ceux auxquels on s’est livré jusqu’à présent sur les directions des différents systèmes de montagnes. En effet, M. Rivière et M. Le Blanc se sont attachés à montrer que deux systèmes de montagnes dont les formations ont été con^ sécutives , approchent souvent d’être perpendiculaires l’un à l’autre (1). M. Le Blanc a cité comme exemples de cette perpen- dicularité le système du nord de V Angleterre et le système des Pays-Bas ; le système du Rhin et le système du Thüringerwald ^ du Bohmerwald Gebirge , du Morvan ; le système de la Côte-d’Or et le système du mont Viso ; le sytème des Pyrénées et le système des lies de Corse et Sardaigne. Parmi tous ces exemples , un seul peut être mis en parallèle avec ceux que je viens de citer, c’est le pre- mier; il tst en effet certain que le système du nord de V Angleterre est perpendiculaire , à 5° près , au système des Pays-Bas. Mais le système du Rhin (N. 21'’ E.) fait avec le système du Thürin- gerwald (O. àO» N.) un angle de 71®; le système de la Côte- d’Or (E. àO® N.) fait avec le système du mont Viso (]N. 22® 30' O.) un angle de 72" 30'; le système des Pyrénées (O. 18" N.) fait avec le système des îles de Corse et de Sardaigne (N -S.) un angle de 72". Dans ces trois derniers cas il s’en faut de 17 à 19 ’ que les systèmes comparés ne soient perpendiculaires entre eux , et on ne peut même pas dire qu’ils le soient approximativement , attendu que les directions que j’ai assignées à ces systèmes , sans être sans doute d’une exactitude rigoureuse , ne présentent certaine- ment pas des erreurs de plus de 17". .le serais d’autant moins porté à le croire , que dans chacun de ces trois exenqiles les deux sys- tèmes se coupent de manière à former entre eux des angles de 72 et de 108® à peu près, c’est-à-dire des angles qui sont entre eux comme 2:3. Mais lorsqu’il s’agit de rapprochements de ce genre , il n’est pas nécessaire de comparer toujours entre eux des systèmes de montagnes immédiatement consécutifs. Ainsi que M. L. Erapolü l’a parfaitement expliqué dans son remarquable mémoire sur la nature et l’application du caractère géologique (2) , il paraît bien qu’il existe dans la nature une cause puissante qui tend à donner (1) A. Le Blanc, Bulletin de la Société géologkiue de France, t. Xll, p. 140 (1841). A. Rivière, Etudes géologiques et minéralogiques , p. 252. (2) L. Y Ydii^oWi , Bulletin de la Société géologique de France. 2" série, t. IV, p. 628 (1847). SÉANCE DU 17 MAI 18/i7. 97ll aux rapports de directions qui nous occupent une exactitude au moins approximative. Mais cette cause ne tend pas nécessairement à faire que deux systèmes qui se sont suivis consécutivement dans une même contrée , soient perpendiculaires entre eux , tandis qu elle peut très bien être cause que deux systèmes dont l’un am a succédé à l’autre, dans une même contrée, après la production de* plusieurs autres systèmes intermédiaires soient réellement perpen- diculaires entre eux. Je remarque en effet que le système des Alpes occidendales (N. 26" E.) est perpendiculaire à 8° près au système des Pyrénées (O. 18° ]N.); que le système de la chaîne principale des Alpes est perpendiculaire à 6° 30' près au système du mont Yiso ( N. 22° 30' O. ). Je remarque aussi que la direction du sys- tème des îles de Corse et de Sardaigne ( N. -S.,) divise en deux parties , qui sont à peu près , dans le rapport de 2 cà 3 , l’angle formé par la direction du système de la Côte-d’Or (E. /lO" N. ) et par celle du système des Pyrénées (O. 18° N.). J’avais déjà remarqué anciennement , dans les directions des divers sys- tèmes de montagnes, une sorte de récurrence périodique (1), à laquelle les déterminations nouvelles contenues dans cette note pourront ajouter quelques termes assez curieux ; mais aucun de ces rapprochements n’approche de l’exactitude dans des limites aussi étroites que ceux que nous ont présentés les systèmes de montagnes dont je viens de déterminer les directions par le calcul , et cela me confirme dans la présomption que cette méthode de calcul est supérieure à mon ancienne méthode graphique. Je me réserve de discuter ultérieurement ces rapprochements avec plus d’étendue et de rigueur; je tenais surtout à faire obser- ver aujourd’hui qu’ils font déjà entrevoir comment la direction de chaque système a été influencée par celle des systèmes anté- rieurs, et qu’ils ofî’rent un moyen de contrôler les rapports d’àge c|ue des considérations d’un autre genre établissent entre eux . Je n'ajouterai sur ce sujet qu’une dernière remarque , c’est que le fait que la direction du système du Finistère est perpendiculaire à celle du système de la Vendée , tandis que les directions des sys- tèmes qui les ont suivis , ont entre elles des rapports moins simples , semble venir à l’appui de l’opinion de M. Rivière , qui regarde le système de la Vendée comme le système de montagnes le plus an- cien de l’Europe occidentale. (l) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe. — Manuel géologique , p, 646 (1 833). — Traité de géognosie , t. III, p. 343 (1834). SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 975 En résumé ^ il me paraît résulter du contenu de cette note , déjà j3eaucoup trop longue quoique trop peu détaillée sous beaucoup de rapports, que riiistoire géologique de l’Europe occidentale pen- dant les premiers temps de la période paléozoïque peut être repré- sentée par le tableau suivant. Tableau des terrains et des sytèmes de montagnes qui se sont formés dans ^Europe occidentale pendant les premiers temps de la période paléozoïque. Terrain des schistes verts satinés de Belle-lsle. SYSTÈME DE LA VENDEE. Direction N. -N. -O. — S.-S.^E. Terrain des schistes cambriens de la Bretagne. SYSTÈME DU FINISTÈRE. Direction , à Brest , O. 21° à5' S. — E. 21° 45' N. Terrain des ardoises vertes du Pays de Galles et des feldstones. SYSTÈME DU LONGMYND. Direction, au Binger-Loeb , N. 31° 15' E. — S. 31° 15' O. ' Série fossilifère du calcaire de Bala. SYSTÈME DU? ]k;:^ORBIHAN. Direction, à Vannes, O. 38” 15' N. — E. 38° 15' S. Terrain silurien proprement dit et tilestone fossilifère. (Gîtes fossilifères de Plymouth , Elbersreutb , Schübelbammer , Abentbeur , Stromberg , Wissenbacb , Kemmenau , Haüsling , Steinlacke près Weilbourg, Oberscbeld près Dillenbourg , Wip- perfurtb , Niederosbacli , Braubacli , embouchure de la Lahn , Ems , Coblentz , Elirenbreitstein , bords de la Moselle , Unkel , Siegen , Salcbendorf près Siegen , Solingen , Olpe , Landers- kron , Lindlar, Isarlohn , Gimborn , Siebengebirge , Altenalir, Daim , Prüm , Limbourg , Martelange , HoulFalise , Wiltz , Long- villy, Mondrepuis , environs de Mézières et de Bouillon (Ar- dennes), environs de Scliirmeck (Vosges), Montagne-Noire (Aude), vallée de Campan (Hautes-Pyrénées). ) SYSTÈME DU WESTMORELAND ET DU HUNDSRUCK. Direction, au Binger-Loeb , O. 31“ 1/2 S. — E. 31“ N. Terrain dévonien proprement dit. 976 SÉANCE DU 17 MAI 1847. Addition : sur les prolongations lointaines du système du Morbihan , du SYSTÈME DES BaLLONS , du SYSTÈME DU WeSTMORELAND ET DU Hundsruck et du système de la Côte-d’Or. Nous avons été conduit ci-dessus , p. 954 , à jeter un coup d’œil sur la prolongation transatlantique du système du Morbihan. Jœ système des Ballons me paraît se prolonger aussi dans l’A^inérique septentrionale. Dès l’origine de mes recherches sur quelques unes des révolu- tions de la surface du globe , j’ai signalé le parallélisme qui existe entre la direction qui domine dans la chaîne des Alleghanys et la prolongation de la direction des Pyrénées (1). Depuis lors, ayant reconnu que le système des Ballons quoique presque parallèle au système des Pyrénées.^ est cependant beaucoup plus ancien, j’ai ajouté : « 11 est naturel de penser que , si réellement le système » dont les Pyrénées font partie se prolonge depuis les Etats-Unis «jusque dans l’Inde, en traversant l’Europe, il doit en être de >) même du système des Ballons auquel il me paraît même bien » ])robable que les Alleghanys doivent une partie de leur configu- » ration (2) ». Aujourd’hui cette probabilité me paraît être devenue presque une certitude. Le système des Ballons et des collines du Bocage est postérieur au plissement des couches anthraxifères des bords » plus ancienne que celui des couches N.-E. — S. -O. qui consti- » tuent les Alleghanys proprement dits (1) . » Cette relation d’an- cienneté me semble aujourd’hui hors de doute et c’est la direction de ces couches redressées antérieurement qui me paraît avoir été reproduite dans plusieurs parties de la chaîne des Alleghanys à l’époque de la formation du système des Ballons. M. Hitchcock indique dans le Massachusetts plusieurs systèmes stratigraphiques dont les directions ne se distinguent pas sensible- ment de celle du système méridien le plus ancien , mais qui sont d’une date plus moderne , ce qui me paraît indiquer que la direc- tion de ce système s’est en effet reproduite dans des phénomènes géologiques postérieurs à sa première origine. Le système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock serait donc un nouvel exemple à ajouter à ceux rappelés ci-dessus, de systèmes dont les directions se sont reproduites à des époques successives et très éloignées les unes des autres. Je vois en effet que M. le Jackson, en explorant les mon- tagnes du New-Hampshire , y a observé la direction qui nous occupe non seulement dans les couches anciennes , mais aussi dans plusieurs filons qui sont, sans doute, plus modernes que les masses qu’ils traversent , bien que fort anciens eux-mêmes. Je remarque en outre que la direction du système méridien le plus ancien forme la limite orientale des terrains crétacés des Etats-Unis , qui sem- blent coupés abruptement à son approche , et que les terrains crétacés sont soulevés sur les flancs des Cordillères de la Nouvelle - Grenade , orientés parallèlement à la direction prolongée du même système. Je remarque enfin que vers les extrémités de la zone où nous l’avons suivie, cette direction est parallèle, d’une part à ralignement général des volcans de l’équateur, et de l’autre à celui des volcans de Uslande et de l’île de Jean Mayen. Or, il me paraît , au fond , peu surprenant qu’une direction , dont l’ori- gine première est extrêmement ancienne et qui a continué à in- fluer sur les phénomènes géologiques jusqu’aux périodes les plus récentes de l’histoire du globe , ait été reproduite partiellement à (i) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe. — Annales des sciences naturelles t. XVIIl , p. 32!2 (1829). SÉANCE DU 17 MAI iSll7 , 985 l’époque où les couches des Alleghanys ont été repliées suivant la direction du système des Ballons. La manière de concevoir la formation des principaux traits du relief des Etats-Unis, que je viens de proposer, se trouve confir- mée par une considération d un ordre complètement différent des précédentes. Toutes les formations paléozoïques qui s’étendent depuis la rivière Hudson jusqu’au Mississipi sont comprises dans un espace angulaire terminé à l’O. par les crêtes àu système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock , et au N. par les terrains primitifs du Canada, que je suppose avoir été définitivement émergés lors de la formation du système du Morbihan. Cet espace angulaire, ouvert au S.-O. , me paraît avoir formé un large golfe dont le fond, situé vers le pied des white mountains se prolongeait peut-être vers Montréal et Québec par quelque bras de mer étroit. Je suis porté à supposer que les sédiments descendus des montagnes pri- mitives de la Nouvelle-Angleterre et du Canada se sont accumulés de préférence vers l’extrémité de ce golfe , et je serais tenté d’expliquer par là pourquoi les terrains paléozoïques de l’Amérique du Nord sont plus épais et plus arénacés, comme l’ont remarqué M. James Hall et M. de Verneuil, près de la rivière Hudson que vers le Mississipi , tandis que les couches calcaires qu’ils renferment aug- mentent au contraire en épaisseur à mesure qu’on s’avance vers rO. Il se serait produit là, mais beaucoup plus en grand, quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé dans le golfe de Luxembourg lors de la formation du Lias (1). Nous avons trouvé qu’à Amherst-Collège , le système du Mor- bihan se dirige à l’E. 19" 20' N. , tandis que le système des ballons se dirige à l’E. à0° 20' N., et le système méridien le plus ancien à l’E. 75" N. De là il résulte qu’en ce point la direction du système des Ballons fait avec celle du premier un angle de 21®, et avec celle du second un angle de àO'. Ces deux angles sont entre eux , à très peu de choses près, comme 3 : 5. Ce rapport n’est pas très simple ; mais si , comme tout semble l’indiquer, ce sont seulement les extrémités du système du Morbihan et du système des Ballons qui se montrent en Amérique, il n’y avait peut-être aucune raison de présumer a priori que la combinaison de leurs directions avec celle du système méridien le plus ancien dût rien présenter de re- in irquable. On pourrait être tenté d’objecter au rapprochement que je cherche à établir entre la direction principale des Alleghanys et celle (1) Explication de la Carte géologique de la France , t. H , p. 4:22. 986 SÉANCE DU 17 MAI 1847. du système des Balloru ^ que le grand cercle qui passe par la cime du Ballon d’Alsace , en se dirigeant à l’O. 16” N. laisse assez loin; de côté toute la masse des Alleghanys, puisqu’il passe à environ 200 lieues au S. -O. de Washington. Un autre rapprochement que me fournit le grand travail géologique de MAI. Alurchison , de Verneuil et de Keyserling sur la Russie , va répondre à cette objection en montrant que le système des Ballons embrasse en Europe une zone d'une très grande largeur. La belle carte géologique de la Russie d’Europe , publiée par les savants géologues que je viens de citei\ nous représente cette vaste contrée comme divisée en deux parties par un axe de terrain, dévonien, dirigé de Voroneje vers le golfe de Riga. Cet axe paraît du à un soulèvement qui a émergé le bassin carbonifère de Moscou , et l’a rendu inaccessible aux dépôts de la période houillère ; qui , par conséquent, doit être d’une date postérieure au dépôt du cal- caire carbonifère et antérieure à celui du terrain liouiller. Or, la direction O. 16" N. , transportée du Ballon d’Alsace à Orel, en Russie (lat. 52® 56' ZiO" IN. , long. 33° 37' E. de Paris), devient O. 36® 38' ]N. Construite sur la carte de Russie, cette direction, coïncide, à très peu de chose près, avec celle de l’axe dévonien dirigé de Voroneje vers le golfe de Riga. Je suis conduit par là à considérer l’axe dévonien du centre de la Russie comme étant en Europe l’un des membres les mieux définis et le plus largement dessinés du système des Ballons. Cet axe dévonien de la Russie comprend , entre lui et le grand cercle dirigé à l’O. 16" N. par le sommet du Ballon d’Alsace , un intervalle d’environ 350 lieues; par conséquent , si on le prolon- geait en Amérique , il passerait à plus de 100 lieues au N. -O. de la chaîne des Alleghanys. On voit par là que cette chaîne est complètement renfermée dans la prolongation de la zone qui, en Europe , est affectée par les dislocations du système des Ballons. Si , comme je suis porté à le croire, la montagne de la Lozère se rapporte au système des Ballons , et si , comme le pense M. Duro- cher, ce même système se retrouve encore dans les Pyrénées, il embrasse en Europe une zone de près de AOO lieues de largeur; peut-être comprend-il dans l’Amérique septentrionale d’autres chaînes encore que celle des Alleghanys. Ce système me paraît avoir sillonné la surface du globe , du bassin du Volga au bassin du Alississipi, immédiatement après le dépôt des couches kfiisidines qui établissent dans ces deux contrées éloignées un horizon géologique si remarquable , et je ne puis me refuser à croire que le bouleversement auquel il est dû , a inter- SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 987 rompu dans ce vaste espace le dépôt du calcaire carbonifère dont les couches les plus élevées sont caractérisées ]iar ces fossiles remar- quables. C’est ainsi que plus tard et dans une direction très peu différente la formation du système des Pyrénées est venue inter- rompre le dépôt du terrain nu mm ali ti que ^ depuis le golfe de Gas- cogne jusqu’aux rives de T Indus. On a proposé tout récemment de classer le terrain nummulitique parmi les terrains èoeènes. Si cette classification est admise , il existera une ressendDlance de plus entre le système des Ballons^ soulevé au milieu de la période carbonifère, et le système des Pyrénées^ soulevé au milieu de la période éocène. En reconnaissant ainsi des périodes zoologiques dont le milieu correspondrait au soulèvement d’un vaste système de montagnes, les paléontologistes effaceront eux-mêmes les derniers vestiges d’une opinion contre laquelle, ainsi que je le rappelais dernière- ment, je me suis élevé depuis longtemps (1), « qui regarderait » chacune des révolutions de la surface du globe comme ayant dé- » terminé , non seulement des déplacements , mais encore un re- » nouvellement complet des êtres vivants. » Ils rendront de plus en plus probable l’opinion contraire , qui admet que lorsque les fossiles de tous les terrains seront complètement connus ^ ils for- meront dans leur ensemble une série aussi continue que Vest aujour ddiui la série partielle des terrains jurassiques et crétacés ou celle des terrains paléozoïques (2) ; ils ramèneront enfin les géologues à baser surtout les divisions des terrains sur leur gisement. C’est ce qu’ils ont fait depuis Werner, et « la circonstance que les boule- » versements qui , en Europe , ont marqué le commencement et » la fin de la période secondaire, se seraient étendus jusqu’aux >» Etats-Unis et dans l’Inde, expliquerait pourquoi ces grandes » coupures des terrains de sédiment semblent se retrouver dans » trois contrées aussi distantes (3) ». Le système des Ballons et le système des Pyrénées traversant les régions qui seront pendant bien des années encore le théâtre principal des travaux des géologues, on conçoit qu’ils fournissent pour la classification des terrains des points de repère précieux , et que les divisions qu’ils déterminent doivent présenter une apparence de généralité qu’on ne retrouve pas dans les autres. Il est donc à désirer qu’on s’accorde à y ratta- (1) Voyez ci-dessus p. 562. (2) Voyez ci-dessus p. 564. (3) Manuel géologique , p. 658. — p. 366. Traité de géognosie , t. 111 ,, 988 SÉANCE DU 17 MAI 18Zi7. cher le coiiiiiienceinent et la fin de la période des terrains secon- daires. La probabilité avec laquelle je crois retrouver en Amérique les prolongations du système du Morbihan et du système de.s Ballons , m’a engagé à revenir sur l’idée que j’ai eue il y a quelques années, de concert avec M. Pierre de Tchihatcheif , de cbereherà suivre à travers l’Asie la prolongation du système du fV estmoreland et du Hundsrück^ et celle du système de la Côte-d'Or. Dans un rapport sur un mémoire de M. Pierre de Tchiliatcheff, relatif à la constitution géologique de l’Altaï, que j’ai lu à l’Acadé- mie dés sciences, le 12 mai 1845 (1), je me suis hasardé à dire : « la direction E. 37“ 30' N. du Hundsrück, prolongée à travers l’Asie, coupe le 85® méridien à l’E. de Paris par 54“ 27' de lati- tude N. , en formant avec lui un angle de 61° 17'; d’où il résulte qu’elle traverse l’Altaï de l’O. 28“ 43' N. à l’E. 28” 43' S. «< On peut remarquer, de même, que la direction E. 40° N. de la Côte-d’Or, prolongée à travers l’Asie, coupe le 85® méridien à l’E. de Paris par 57 ' 27' de latitude nord, en formant avec lui un angle de 62“ 34' , et que par conséquent elle traverse elle-même l’Altaï de ro. 27° 26' N. à l’E. 27° 26' S. » Or ces deux directions , si peu différentes Tune de l’autre , re- présentent très sensiblement la direction de l’Altaï occidental , telle qu’elle se manifeste sur la carte de M. de Tchihatcheff, par la disposition des bandes de roches granitiques et schisteuses. Elle se rapproche aussi beaucoup de la direction O.-JN.-O E.-S.-E. que M. de Humboldt assigne à l’un des systèmes de dislocation de l’Altaï (2). » En adoptant dans la présente note pour le grand cercle de com- paraison, destiné à représenter le système du Westmoreland et du Hundsrüch , un grand cercle passant au Binger-Loch et dirigé en ce point, à l’E. 31° 30' N., je n’ai pas changé sensiblement le point de départ de la direction à prolonger vers l’Altaï , mais j’ai changé cette direction de 6°, et cette modification exige nécessairement que des modifications correspondantes soient apportées à une partie des calculs et des considérations qui viennent d’être rappelés. L’arc de grand cercle qui passe au Binger-Loch (lat. 49“ 55' N. , long. 5° 30' E. ) en se dirigeant à l’E. 31° 30' N., étant prolongé jusqu’au méridien du lac de Télétzk (dans l’Altaï) à 85“ E. tle (1) Comptes-rendus , t. XX, p. 1412. (2) Humboldt , Jsie centnde , t. I , p. 378. 1)89 SÉANCE DU 17 MAI 18/t7. Paris, couperait ce méridien par 49“ 2' 34" de lat. N., et sous un angle de 56“ 53' 2", c’est-à-dire en se dirigeant de l’O. 33° 6' 58" N. à l’E. 33“ 6' 58" S. Il traverserait l’Altaï occidental dans le sens de sa longueur, suivant une direction presque exactement pa- rallèle à l’orientation générale des principales masses granitiques dessinées sur la carte de M. Pierre de Tcliihatcheff, au pied desquelles semblent avoir dû se déposer les calcaire carbonifères du bassin de l’Irtiscli. Comparée à celle qui se rapportait à l’orientation que j’avais pri- mitivement adoptée pour le système du fVestmoreland et du. Hiindsrück , elle est plus éloignée d’environ 4" 1/2 de la ligne O. -N. -O. E.-S.-E., et par conséquent de la direetion assignée par M. de Humboldt aux couches de l'Altaï occidental, de celle du cours de l’irtisch de Bouchtarminsk à Semipolatinsk, de même que de la moyenne des directions que M. de TchihatchefF a tracées sur sa belle carte comme représentant les orientations des couches de l'Altaï occidental, notamment celles des couches carbonifères. On voit , d’après cela , que les directions des couches carboni- fères de l’Altaï occidental et celles des traits principaux de son relief extérieur actuel se rapprochent plus de la direction du système de la Côte-d’Or que de celle du système du TVestmoreland et du Hundsrück. Ainsi l’indécision que j’annonçais dans le passage rapporté ci-dessus , cesse d’exister, et si la configuration extérieure actuelle et les grandes dislocations des couches de l’Altaï occidental se rattachent réellement à quelqu’un de nos systèmes européens, c’est, suivant toute apparence, au système de la Côte-d’Or. Si le système du JVestmoreland et du Hundsrück s’y dessine en même temps , ce ne peut être que dans les profondeurs du sol primor- dial, c’est-à-dire dans l’orientation générale des masses graniti- ques, et de certaines roches schisteuses anciennes. Il paraîtrait cependant que la direction du du fVestmore- Land et du Hundsrück poursuit son cours à travers tout l’empire de la Chine et même beaucoup au-delà. Le grand cercle qui passe au Binger-Loch en se dirigeant à l’E. 31® 1/2 N. , prolongé jusqu’au méridien de Canton (Canton, lat. 23“ 8' 9" N. , long. 110® 42' 30" E. de Paris), va couper ce méridien par 31” 14' 40" de lat. K. , et sous un angle de 39“ 57' 9", c’est-à-dire, en se dirigeant du N. 39® 57' 9" O. au S. 39® 57' 9" E. Il passe à 8“ 6' 31" ou à environ 1000 kilomètres (200 lieues) au N. de Canton; mais, comme il est devenu très oblique par rapport au méridien , Canton ne s’en trouve guère qu’à 120 lieues vers le S. -O. 990 SÉANCE DU T JUIN 1847. Cette direction prolongée depuis le Binger-Locli , atteint la côte de la mer de la Chine , entre l’île de Hong-Kong et celle de For- mose; elle passe ensuite au N.-E. de l’île de Luçon et de tout l’archipel des Philippines, parallèlement à quelques unes de leurs lignes orographiques les plus remarquables, poursuit son cours à travers la Nouvelle-Guinée , le continue ensuite parallèlement à une partie des côtes N.-E. de la Nouvelle-Hollande , et à la di- rection générale de la Nouvelle-Calédonie , et finit par aller couper la Nouvelle-Zéelande parallèlement à la ligne droite à laquelle se terminent, vers le N.-E. , toutes les pointes de la grande île septentriona! e 1 kana- M awi . J’hésite à croire que cette identité de dii ection entre certaines chaînes de l’Australie et certaines chaînes de l’Europe occidentale, situées presque aux antipodes les unes des autres , soit l’indice d’une identité d’âge entre elles. Je crois que les chaînes d’un même âge sont généralement comprises dans un même fuseau de l’écorce terrestre. En fuseau se termine nécessairement par deux pointes situées rigoureusement l’une à l’antipode de l’autre ; près de chacune de ces pointes la direction des chaînes doit tendre à devenir incer- taine. H y aurait donc, dans ma manière de voir, quelque difficulté à concevoir que des chaînes placées dans deux régions situées aux anti- podes l’une de l’autre et cependant parallèles à un \\\^\x\^ ^rand cercle de comparai son, soient les résultats d’un même ridement de l’écorce terrestre. 11 me paraît beaucoup plus probable qu’il existe ici un nouvel exemple d’une direction qui s’est reproduite à deux époques successives et fort éloignées l’une de l’autre. Deux ridements se seraient opérés dans deux fuseaux ayant leurs lignes médianes sur un même grand cercle , mais placés en partie l’un à la suite de l’autre, le long de ce grand cercle , de manière à embrasser à eux deux un espace beaucoup plus long qu’une demi-circonférence. Je suis d’autant plus porté à conjecturer que c’est là l’explication réelle du fait qui nous occupe, que les chaînes orientées dans l’Australie parallèlement à notre grand cercle de comparaison , paraissent plus modernes que celles auxquelles elles correspondent dans l’Europe occidentale , parce qu’elles sont plus saillantes et parce qu’elles sont en rapport avee la ligne volcanique en zig-zag , qui s’étend des îles Philippines à la Nouvelle-Zéelande. Mais la double origine du système que nous venons de suivre depuis la France jusque tout près de nos antipodes, ne doit pas empêcher de remarquer que dans son cours à travers la partie orientale de l’empire de la Chine , sa direction est parallèle à SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 991 celles d’un grand nombre des rivières et des crêtes montagneuses que les cartes figurent dans ces contrées peu connues. Peut-être fournira-t elle , concurremment avec la direction de la Cote-d’Or, dont elle est devenue bien distincte, un des éléments dont on pourra se servir pour déchiffrer la structure orograpbique de l’Asie cen- trale. >■ y#* iSiiiiiiiili' liiliiliiSiis •Æi!:!'.';:: -Il ‘ ‘ . ' liliiiiii î •■■■.= sisy;!'-: i; ■iliiS