Natural History Muséum Library 000233038 loS SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DIS ÏIÜüEfBüS» PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, IMPRIMEUR DK LA SOCIETE GÉOLOGIQUE DK FRANGE . RL'E MIGNON Bulletin DE LA SOCIÉTÉ ©É©IL@©!ï(ÊI0I DE FRANCE. Deii&ièsue Scrie, 'orne jQetaâf'tetne. ^SÙèùæcemë /icw'àe. 1846 a 1847* AU LIEU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ, RC’E DU VIEUX-COLOMBIKU , 26. 1847. 99 4 SÉANCE 1)U 7 JUIN 18Z|7 . surface du globe (extr. du Bull, de la Soc. géol, de Fr.. 2e sér. , t. IV)*, in-8°, 8 p* Paris, 1847. De la part de M. Henri Lecoq, Des glaciers et des climats , ou des causes atnîo sphérique s en géologie; in- 8°, 566 p. Paris, 1847, chez P. Bertrand-, Strasbourg, chez veuve Levrault. De la part de M. Cotteau, Aperçu sur la géologie du départ, de l' Yonne; in-8°, 23 p., 1 tabl. Auxerre, 1847. De la part de M. Ernest Puton , Essai sur les mollusques terrestres et fluvial des des Vosges (extr. de la Statistique du départ, des Eosges, publiée par MM. II. Lepage et Gh. Char- ton)-, in-8°, 104 p. Épinal, chez Valentin. 1847. De la part deM. Jules Grange, Recherches sur les glaciers , les glaces flottantes , etc...-, in-8°, 142 p. Paris, J 847, chez Victor Masson. De la part de M. Agassiz, Système glaciaire , ou recherches sur les glaciers , leur mécanisme , leur ancienne extension et le rôle qu’ils ont joué dans l’histoire de la terre , par MM. AgaSsiz, A. Guyot, et E. Desor-, lre partie. — Nouvelles études et ex- périences sur les glaciers actuels , leur structure > leur progres- sion et leur action physique sur le sol ; in-8°, 598 p., avec un atlas in-fol° de 3 cartes et 9 pl. Paris, 1847, chez Victor Masson. De la part deM. le professeur A. Favre, Notice sur les cartes géologiques de l’ Angleterre (extr. de la Bibl. univ. de Ge- nève )'• in-8° , 23 p. Genève, 1847, chez Ferdinand Ramboz. De la part de M. Joachim Barrande, 1° Notice sur le sys- tème silurien et les Trilobites de Bohème; in-8°, 97 p. Leipsic, 1846, chez G. -L. Hirschfeld ; 2° Nouveaux Trilobites , supplément à la notice ci-dessus -, in-8°, 40 p. Prague, 1846, librairie Calve. De la part de M. R. -J. Murchison , 1° On ihe silurian Sys- tem of rocks (Sur le système silurien des roches) (extrait du London and Edinburgh philosophical magazine , for july 1835) 5 in-8°, p. 45-51. De la part de M. Léonard Horner, Address , etc. (Discours prononcé à la réunion annuelle de la Soc. géol. de Londres , le SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 995 19 lévrier 1847); in-8°, 7 2 p. Londres 1847, chez Richard et John E. Taylor. De la part de M. James D. Dana, On the volcanoes ofthe moon (Sur les volcans de la lune) (extrait de V American Jour- nal of sôience , vol. Il, 2e série) ; in-8°, 23 p. New-HâVen , 1846 , chez B.-L. Hamlen. De la part de M. Ed. Eichwald , 1° N aturhistorische Skisse , etc. (Esquisse d’histoire naturelle de la Lithuanie, de la Volhynie et de la Podolie , sous le rapport géognostico-miné- ralogique, botanique et zoologique); in-4°, 2Ô6 p., 3 pi. Wilna, 1830, chez Jos. Zawadzki; 2° ÏJeber (las silurischè Schichtènsystern in Esthland (Sur le système des couches siluriennes en Esthonie) ; in-S°, 210 p. Saint-Pétersbourg , 1840. Comptes rendus des séances de l7 Académie des sciences $ 1847, Lei' semestre, nos 20, 21, 22. Bulletin de la Soc. d’/iist. nat. du départ, de la Moselle ■; 4e cahier. Metz, 1846. Mémoires delà Société royale des sciences , lettres et arts de JSancy. Année 1844. Bulletin des séances de la Soc. cV a gricult. , sciences , arts et connu, du Puy ; t. V, lre liv. 1847. Précis analytique des travaux de V Académie royale dès sciences , belles-lettres et arts de Rouen pendant Cannée 1846. Comité institué à Valenciennes pour la défense du travail national. — Rapport présenté au congrès central (P agriculture au nom de la commission des assurances , par M. DuchatauX ; in-8°, 20 p. Valenciennes, 1847. The Athenœum , 1847, nos 1021, 1022, 1023. The Mining Journal , 1847, nos 613, 614, 615. Proceedings of the royal Irish Academy ; 1844-1845 , vol. III, part. 1. — 1846, vol. III, part. 2. The Transactions of the royal Irish Academy ; vol. XXI, part. 1. C orresporidenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) ; nouy. sêir., vol. XXXI. Année 1847, t. I, 1er cahier. 996 SÉANCE DU 7 JUIN JL 8 Z| 7 . Proceedings oj the Acâdemy of hatuval sciences of Phila- delphia ; vol . III, nos â-5, july-octob. 1846. Observations sur la position relative des terrains des Alpes suisses occidentales et des Alpes de la Savoie , par M. Favre , professeur à l’Académie de Genève. (Communication faite dans la séance du '19 avril dernier.) Si nous jetons un coup d’œil rapide sur les terrains qui forment les Alpes suisses occidentales et les Alpes de la Savoie , en nous at- tachant surtout à déterminer les relations de position qui existent entre eux , nous trouvons que ces montagnes sont composées de la manière suivante : 1° Terrains de cristallisation — formés par des roches variées fort généralement connues , et sur lesquelles nous ne nous arrê- terons pas. 2° Roches métamorphiques. — Ce sont des gneiss, des micaschis- tes , des protogynes schisteuses, etc. Ces roches reposent d’une ma- nière irrégulière sur le terrain de. cristallisation. 3° Poudingue ou système de Valorsine en couches puissantes con- tenant souvent de l’anthracite. En général ce système est formé à sa partie supérieu re par des schistes , des grès ou des calcaires très argileux , renfermant beaucoup d’empreintes de fougères ; quel- quefois ces dernières roches manquent parce que dans les grands soulèvements les roches argileuses sont plus facilement comprimées que les autres et disparaissent. Je n’ai point encore eu l’occasion d’observer en Savoie de dis- cordance entre ce système à anthracite , et les roches métamor- phiques (1). l\° Au-dessus du système de Valorsine viennent les calcaires et les schistes plus ou moins argileux du terrain jurassique , terminés à leur partie inférieure par une couche de carnieule ou calcaire magnésien celluleux. Ces terrains jurassiques sont à stratification discordante avec le système de Valorsine. On peut faire cette ob- servation sur la rive droite du Rhône , entre Ilex et Martigny. Le Valais forme là une immense coupure à peu près perpendiculaire (1) Cependant cette discordance a été indiquée dans les Alpes du Dauphiné , dans le Bulletin de la Société géologique de France , réu- nion à Grenoble , 1840, t. XI , et dans mon Mémoire sur les anthracites des Alpes. SÉANCE nu 7 JUIN 1847. 997 à la direction des terrains des Alpes. On y voit (fig. 1) que les ter- Terrains : N nummulitique, CA carnieule, C crétacé, Y système de Valorsine, J jurassique, P protogyne. rains cristallins ou métamorphiques forment deux chaînes paral- lèles qui s’enfoncent sous les terrains secondaires de la chaîne sep- tentrionale du Valais. Le système de Valorsine est compris entre ces deux chaînes et les recouvre seulement en partie , tandis que la carnieule surmontée des terrains jurassiques les enveloppe en- tièrement , et l’on peut dire que ces terrains, malgré leS accidents auxquels ils sont soumis , forment une espèce de voûte qui s’étend des bains de Lavey à Saillon en Valais, et qui s’élève dans le massif de montagnes couronné par la dent de Mordes. D’ailleurs la stratification des terrains jurassiques est transgressive avec celle du système de Valorsine. 5° Le terrain crétacé repose sur le terrain jurassique. Il se sub- divise de la manière suivante : a. Néocomien qui est caractérisé par Y Holaster complanatus , et où dans des blocs erratiques on a trouvé les Crioceras. b. Première zone de rudistes de M. d’Orbignv, ou calcaire à Hip- purites ou à Chama Ammonia. On n’y voit jamais de Nummulites. Cette couche est celle qui a le plus d’influence sur le relief du sol des districts crétacés des Alpes. Elle forme en général des arêtes dentelées , très élevées et très arides. c . Terrain albien , gault ou grès vert très riche en fossiles. Dans certaines localités il semble alterner avec des couches calcaires. d. M. Studer a décrit dans le centre de la Suisse un terrain sous le nom de calcaire de Seeven. Ce terrain n’existe ni dans les Alpes de la Suisse occidentale , ni dans celles de la Savoie. Aux Diable- rets , par exemple , on peut placer la main de manière qu’une de ses extrémités repose sur le grès vert, et l’autre sur le calcaire à Nummulites; souvent même les fossiles de ces deux couches sont SÉANCE DV 7 JUIN 18/|7. 908 mélangées. Cette observation répétée dans plusieurs autres localités i ndique bien la non-existence du calcaire de Seeven dans ces régions. Tous ces étages du terrain crétacé sont concordants les uns avec les autres , mais ils sont à stratification discordante avec les terrains jurassiques. En effet, les terrains jurassiques ont été affectés par des dislocations avant le dépôt des terrains crétacés. Ces disloca- tions sont attestées par de grands contournements. Ils se voient dans le fond de quelques unes de ces profondes vallées qui laissent apercevoir la structure intérieure des montagnes. Ces contournements , ou plutôt ce contournement , car c’est un seul accident qu’on remarque en différentes localités, est placé sur une ligne à peu près droite et parallèle aux Alpes. Je l’ai observé sur une longueur de treize lieues environ , dont le point le plus septentrional est la dent de Daily, au-dessus des bains de Lavey (rive droite du Rhône). Ces couches contournées passent au-des- sous du grand massif de la dent du Midi , et reparaissent au sud- est sous les glaciers du mont Ruan, au fond de la Combe de Sixt; on les retrouve également dans la partie inférieure de la montagne des Fiz , du côté de Sixt , où les couches présentent F arrangement indiqué dans la fig. 2. Fig. 2. Le contournement nommé Faucilles du Chantet, vu des pentes du Criou. I. Col d’Anterne , II. Les Fiz, III. Le Colet , IV. Platet , Y. Petite Pelouze , YI. Passage des Tines, YII-YIII. Forêt de sapins, IX. Lac de Gers. SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 999 Ce grand contournement traverse au-dessous des montagnes des Eiz, et se fait voir à la célèbre cascade de l’Arpennaz, sur les bords de l’Arve. Enfin, une cinquième localité où la même observation peut être répétée est près de la Giétaz , dans la vallée de Mégève. Dans tou- tes ces localités le contournement des couches est situé dans les terrains jurassiques, tandis que le terrain crétacé recouvre ces dis- locations sans y participer. 6° Le calcaire à Niwimulites qui a supporté toutes les disloca- tions qui ont donné au sol crétacé son relief. En outre des carac- tères indiqués par M. Leymerie pour ce terrain dans les Corbiè- res (1). il fournit dans les Alpes les deux observations suivantes. Nous remarquerons d’abord que ce terrain contient une cou- che de charbon assez considérable pour être exploitée en quelques points. Les localités sont, en allant du N.-E. au S. -O. : la chaîne du Titlis (2) , à la limite des cantons de Berne et d’Unterwald ; les hauteurs de Beatenberg et d’Habkeren (3) , au nord du lac de Thoune, et le Mittaghorn, au midi de Frutigen. Ces localités sont indiquées par M. le professeur Studer. Il en est d’autres encore que j'ai moi-même visitées, savoir : la célèbre couche des Diablerets , ou le charbon se trouve associé au Çerithium di aboli et à d’autres fossiles , la mine de Peinant , non loin d’ Arrache , rive droite de l'Arve. Cette mine a été décrite par M. le professeur Necker , en 1826 (£f) . J ajouterai seulement à ses observations que la couche à fossiles est placée au contact et au-dessous du vrai calcaire à Num- mulites, et fait partie de ce terrain. La mine de charbon du Petit- Bornant , près Bonneville et celle d’Entrevergne , sur la rive mé- ridionale du lac d’Annecy. Ces huit localités à peu près alignées parallèlement aux Alpes indiquent qu’il s’était formé , à l’époque du dépôt de calcaire à Nunnnulites , un terrain carbonifère ayant une grande étendue , qui a été soumis à des dislocations et à des dénudations. Un second caractère du terrain à Nunnnulites qui a une impor- tance théorique plus grande est le suivant : ce terrain est indépen - (1) Mémoires de la Société géologique de France r 2e sér. , t. I. (2) Studer, Mémoires de la Société géologique de France , 4re sér, t. III , p. 394. C’est seulement un schiste carburé. (3) Studer, Idem , p. 388. On y exploite du charbon depuis qua- rante ans. (4) Bibliothèque universelle de Genève , Sciences et Arts, t. XXXIII p. 90. 1000 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. dant par un gisement des terrains crétacés qui lui sont in férieurs. Ce fait important mérite quelques détails. Les couches à IVummulites sont, comme je l’ai dit , superposées au terrain albien et à la pre- mière zone de Rudistes. Mais aux Voirons , près Genève , les roches nummulitiques , sous forme de grès (1) , reposent sur une couche peu épaisse de calcaire jurassique dont l’âge exact est indéterminé , mais qui est superposée à un calcaire incontestablement oxfordien. Une discordance analogue a été signalée par M. Chamousset dans la chaîne du Nivolet , près d’Aix, où les roches Nummulitiques reposent sur le calcaire corallien , et il dit les avoir vues dans la vallée de Thônes en contact avec un calcaire noir oxfordien , et que M. Sisrnonda les a vues dans les Alpes maritimes reposant tan- tôt sur la craie inférieure , tantôt sur le néocomien , et tantôt sur des couches jurassiques qu'il présume être du lias (2). D’un autre côté M. le professeur Studer a trouvé le terrain à Nummulites reposant dans le canton d’Appenzell sur le calcaire de Seeven , qui , comme je l’ai dit, est supérieur au terrain albien, dans les envi- rons du lac de Thoune , sur le calcaire à Rudistes, et au mont Faudon , près de Gap , sur l’Oxford-Glay. Tous ces témoignages prouvent donc évidemment l’indépen- dance du terrain à Nummulites des Alpes. 7° Le Flysch ou le Macigno est formé par des grès fins, micacés on talqueux , par des grès quartzeux grossiers , par des schistes ou des brèches calcaires qui ont parfois une ressemblance étonnante avec les roches du lias. Approximativement au tiers de son épaisseur ce terrain contient des carnieules et des gypses en couches. Jamais je n’ai trouvé de Nummulites dans le macigno , mais les débris de poissons y sont abondants dans quelques localités : ce sont des écailles, des nageoires et de petites mâchoires. M. Agassiz a reconnu quelques uns de ces fragments comme caractérisant des poissons de l’époque crétacée (3). Ce terrain paraît identique au macigno italien, quoique M. Pilla, dans ses nouvelles observations sur le terrain hétrurien , le place (1) Depuis plusieurs années M. Boué a signalé les Nummulites dans les grès aux Voirons [Guide du géologue voyageur , t. II , p. 395). J’ai pu répéter cette observation. — Les grès de la Valerette, au pied de la dent du Midi , près Saint-Maurice en Valais, contiennent aussi des Nummulites. (2) Bulletin de la Soc. géol. de France , 2e sér., t. I , p. 624. (3) Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, 1 844, t. I, p. 626. SÉANCE DU 7 JUIN 18^7. 1001 au-dessous du calcaire à Nummulites (1). Comme lui nous en avons reconnu l’indépendance. En effet, lorsqu’on chemine de Saint- Jeoire à Samoens en Savoie , on voit que le macigno ou flyscli s’étend en couches à peu près horizontales , quoique ondulées , sur la rive gauche du Giffre. Ces couches s’appuient au N. -O. sur des couches jurassiques , et au S.-E. sur le calcaire à Nummulites qui lui-même est placé sur le calcaire à Chama Ammonia. Cette ob- servation constate que le macigno est indépendant du calcaire à Nummulites. Par conséquent ces deux terrains , le calcaire à JS um nudités et le macigno , sont tous deux indépendants des terrains crétacés et indépendants l' un de l’autre. La pointe de Marcely qui s’élève à 1,280 mètres environ au- dessus de la petite ville de Taninge est entièrement formée par les couches à peu près horizontales dont je viens de parler. Ce nombre donne une idée approximative de l’épaisseur de ce ter- rain. Or, comme il a subi toutes les dislocations qui ont formé le relief actuel des Alpes , il est probable que pour avoir la vraie hauteur à laquelle se sont élevés anciennement plusieurs des dis- tricts calcaires de cette chaîne de montagnes , il faut ajouter à la hauteur actuelle des aiguilles et des pics dont ils sont hérissés l’épaisseur des terrains qui ont été soumis aux mêmes modifica- tions. Ainsi il faut ajouter à l’énorme hauteur de la Pointe- Percée (2) , formée par le calcaire à Chama Ammonia , l’épaisseur du terrain nummulitique et celle de macigno ; et au Buet dont la cime est jurassique il faut reporter les terrains crétacés et num- mulitiques ainsi que les 1,300 mètres de macigno. Les roches de ce dernier terrain étant assez friables , une partie a dû s’écrouler au moment du soulèvement , mais il est probable que dans quel- ques points elles ont subsisté , et que ce n’est que peu à peu , par dénudations et par éboulements , que certaines aiguilles se sont abaissées à la hauteur encore considérable qu’elles atteignent au- jourd’hui. M. de Wegmann, au nom de la Commission nommée le h janvier dernier, lit le rapport suivant sur la gestion de l’ar- chiviste pendant l’année 18 hQ : (1) Mém. de la Soc. géol. de France , 2e sér., 1846, t. II , p. 163 et suiv. (2) Cette haute sommité est placée à la limite de la vallée du Repo- soir, et n'a jamais été mesurée. '1002 SÉANCE DU 7 JITTN 18#7. Messieurs , La Commission que vous avez nommée le h janvier dernier, sur la proposition du Conseil d’administration, pour procéder à la vérification annuelle de l’état de vos archives , m’a chargé d’avoir l’honneur de vous lire son rapport, t— Nous nous con- formerons au classement adopté, en passant successivement en revue les cinq sections en lesquelles se divisent vos propriétés scientifiques et mobilières. I. Archives proprement dites. — Elles sont partagées en trois divisions , savoir : — 1° Les titres concernant la Société et la comptabilité ; — 2° les archives générales ; — 3° la cor- respondance, — Dans la première section sont classés : l’ordon- nance royale constitutive de la Société -, l’ordonnance relative au legs Robert©» ; les baux *, les états des lieux occupés par la Société *, les polices d’assurance ; les traités avec les imprimeurs de son Bulletin et les éditeurs de ses Mémoires. Les registres des recettes et des dépenses de 1830 au 31 décembre 18/16; les comptes et les pièces justificatives de toute nature concer- nant la gestion du trésorier ; les notes des Mémoires retirés de chez l’éditeur et livrés aux membres font partie de cette section, et nous les avons trouvés dans le meilleur ordre. — La seconde section comprend les minutes des procès - verbaux des séances de la Société ; les Notices et Mémoires imprimés dans ses Bul- letins et ses Mémoires ; les minutes des registres des séances du Conseil ; les listes des noms des membres par ordre d’admis- sion ; les registres des feuilles et volumes du Bulletin qui sont envoyés aux membres , aux Sociétés savantes , ou échangés contre des publications périodiques ; les registres d’inscription des dons faits à la Société; le catalogue de la bibliothèque et des collections, et les inventaires du mobilier et du magasin. Votre Commission de l’année dernière avait fait observer avec raison que les minutes des procès-verbaux des séances de la Société et du Conseil semblaient devoir rendre inutile la conservation des ordres du jour. Nous avons partagé cette opi- nion, et autorisé la suppression de ces pièces, qui encom- braient inutilement les cartons. La correspondance forme la troisième section. Le nombre 1003 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. des lettres reçues depuis l’origine de la Société, en 1830, jusqu’au 31 décembre 1845, portées sur un état particu- lier, s’élevait à 1,794, non compris les lettres d’envoi et de remerciements, qu’ii eût été supertlu d’enregistrer, non plus que celles qui concernent l’élection du président, lesquelles sont déchirées séance tenante. Ce chiffre s’est accru de 84 lettres reçues pendant l’année 1846-, mais, ainsi que cela s’est fait jusqu’à présent, nous n’avons conservé parmi ces lettres que celles qui nous ont paru de quelque importance. Huit lettres ainsi choisies sont venues se joindre à la collection d’autogra- phes, dont le nombre est aujourd’hui de 422, y compris la correspondance de M. Boué. Quant aux lettres relatives aux affaires constitutives de la Société, elles sont réunies dans une liasse particulière. — Ici , Messieurs , vient se placer une obser- vation. Nous avons voulu nous rendre compte de ce que coû- taient les lettres envoyées chaque année par les membres des départements et de l’étranger, à l’occasion de l’élection du pré- sident, Cette dépense, en 1846, ne s’est pas élevée à moins de 90 fr. Quelques unes de ces lettres ont coûté jusqu’à 3 et 4 fr. de port , et plusieurs , étrangement attardées , ne sont arrivées qu’un mois après l’élection. Il suffira sans doute de signaler ce fait pour espérer qu’à l’avenir ceux de nos lointains confrères qu’il concerne voudront bien s’y prendre de manière que leur vote, s’il ne peut nous parvenir à moins de frais, nous parvienne du moins en temps utile. II. Bibliothèque. — La Société a reçu, dans le courant de 1846, 166 livraisons ou numéros de publications périodiques ou non périodiques ; 7 brochures -, 202 numéros de journaux $ 12 cartes -, 1 tableau, et 69 volumes. Par suite de ces accroisse- ments, la bibliothèque se composait, au 30 décembre 1846, de : 2,014 volumes-, 5,386 livraisons, brochures, cahiers et numéros de journaux -, 208 cartes , plans et dessins -, 5 atlas j 10 portraits ^ 422 lettres autographes. Par décision du Conseil , les cartes qui peuvent être réunies doivent être reliées en atlas \ les autres collées sur toile , format in-4°. Cette mesure a reçu un commencement d’exécution. Le même esprit de conservation a porté M. l’archiviste à faire relier en volumes, autant que le comporte la diversité du format et 1004 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. de la matière, beaucoup de brochures qu’une lecture fréquente commençait à détériorer, et qui couraient risque de se perdre. Il résulte de là que les chiffres ci-dessus énumérés subiront nécessairement des modifications , puisqu’un certain nombre de cartes se convertissent successivement en atlas, et un certain nombre de brochures en volumes. Un travail aussi long que fastidieux, la collation complète de la bibliothèque et la refonte de son catalogue , commencé par M. Clément-Mullet , a été courageusement achevé par votre agent. Tous les documents ont été également préparés pour le classement des cartes , atlas, plans, coupes et dessins, et la confection du catalogue de cette importante division. Le cata- logue des livres sur cartes volantes et le registre d’inscription à l’arrivée des dons faits à la Société commuent d’ètre tenus avec exactitude. Grâce à tous ces soins , et moyennant la somme im- portante allouée pour la reliure, votre bibliothèque, déjà si riche dans sa spécialité, ne satisfera pas moins par sa tenue extérieure et par la facilité apportée dans les recherches. III. Collections. — La collection de roches, minéraux et fossiles comprenait, au 31 décembre 1845, 10,961 échantillons. La Société en a reçu 141 dans le cours de l’année dernière , savoir: 56 roches et 85 fossiles. M. l’archiviste a continué de caser dans les tiroirs, et par ordre géographique, tout ce qui lui a paru complet comme étude de localités $ le reste a été dis- tribué par terrains. Quelques centaines d’échantillons, sans indication précise d’origine , ont été conservés à part , dans le but de servir à des échanges. Il existe des catalogues partiels de ces subdivisions, mais le catalogue général reste encore à faire. Ce travail difficile, déjà accompli pour le bassin tertiaire de Paris par M. le marquis de Roy s, votre archiviste actuel, sera sans doute achevé par lui ; nous avons lieu de l’espérer de son dévouement et de sa compétence. Un tableau récapitulatif de ces collections locales, dressé dans l’ordre géographique, accompagnait le rapport étendu qui vous fut fait en 1839 par M. Desnoyers, au nom de la Commission des archives ( Bull lresér., t. X). Nous y renvoyons les membres admis depuis cette époque , qui seraient curieux de s’y renseigner. Nous croyons, à vrai dire, peu désirable l’accroissement de ces richesses, qui 1005 SÉANCE I)U 7 JUIN 1847. remplissent ou plutôt engorgent déjà 253 tiroirs. — Sans parler de la dépense à faire pour l’achat de nouveaux meubles, qu’il serait même difficile de caser dans ce local , ces collections n’of- friront jamais des ressources suffisantes aux travailleurs : le voisinage du Muséum et de l’École des mines en amoindrit encore l’utilité. Il est même à souhaiter qu’un triage intelligent remédie dés aujourd’hui à ce commencement d’obstruction , de manière à ne conserver dans les tiroirs , et surtout à n’y ad- mettre à l’avenir, que les roches et les fossiles présentés à l'appui de communications spéciales , relatives à des études de localités. IV. Mobilier. — Aucune acquisition qui mérite d’être men- tionnée n’a été faite en 1846. L’inventaire du mobilier est donc le même que celui de l’année précédente. V. Magasin. — Il nous reste à vous dire un mot de la der- nière partie de vos archives, celle qui comprend l’emmagasi- nage des exemplaires restants du Bulletin et des Mémoires. Il existait en magasin au 31 décembre 1846, savoir : Mémoires: lre série, demi-volumes , 3- 2e série, tome 1er, ■lre partie, 52; 2e, 111; tome II, lre partie, 141. En tout 307 parties ou demi-volumes des Mémoires. Bulletin : 1,379 exemplaires. Il reste en outre une assez grande quantité de défets , sur lesquels on prélève les feuilles perdues réclamées par quelques membres. Votre agent tient avec soin des feuilles mensuelles indiquant, au 1er de chaque mois, la situation du Bulletin et des Mémoires. Ces notes sont remises au trésorier. Quelques exemplaires des Mémoires paléontologiques et géo- logiques de M. Boué et de sa Description de V Ecosse sont' encore disponibles. Ces ouvrages sont délivrés gratuitement à ceux des membres qui en font la demande. Le rapport que nous venons d’avoir l’honneur de vous lire vous garantit, Messieurs, l’état satisfaisant de vos propriétés scientifiques et mobilières : ces propriétés s’accroissent et s’a- méliorent ; le meilleur ordre préside à leur conservation. Vous en êtes redevables aux soins éclairés de vos archivistes successifs. Votre Commission vous propose d’adresser des remercie- 1006 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. ments à M. Clément-Mullet , et de lui donner décharge hono- rable de sa gestion. Signé: F au verge, Delàfossë, de Wegmann, rapporteur. M. D’Àrchiac remercie 1\I. Dufrénoy, au nom de la Société , de l’hommage quil vient de lui faire de son Traité de minéra- logie. M. D’Archiac met sous les yeux de la Société une collection de fossiles envoyée par M. Pratt , et communique ce qui suit : Extrait d'un Mémoire sur les fossiles des couches à Nummu - li te s des environs de Bayonne et de Dax . M. S. -P. Pratt ayant bien voulu nous adresser de Londres la riche collection de fossiles qu il avait recueillie avec le plus grand soin dans les falaises de Biaritz, et M. Delbos nous ayant également communiqué les échantillons résultant de ses études géologiques sur les couches correspondantes de l’arrondissement de Dax , nous nous sommes occupé d’un travail destiné à faire suite à celui qui a été publié l’année dernière (1), et qui avait pour objet la des- cription des corps organisés trouvés par M. Thorertt aux environs de Bayonne , et présentés à l’appui de son intéressant Mémoire géologique sur cette localité. La collection de M. Pratt, la plus complète que nous ayons en- core vue des côtes de Biaritz , renferme 162 espèces, dont 48 sont décrites comme nouvelles , et elle confirme ce que nous savions déjà de l’abondance et delà variété des petites espèces de polypiers dans cette localité ; mais elle fait voir en outre que les mollusques gastéropodes, sans atteindre encore le développement des acéphales, y sont cependant beaucoup plus communs que nous ne l’avions pensé d’abord. M. Delbos a décrit tout récemment les couches à INummulites des environs de Dax et de Saint-Sever, situées à 20 et 25 lieues au N.-E. des précédentes , et si ses recherches n’ont pas fait connaître un aussi grand nombre d’espèces , celles qu’il a recueillies sont intéressantes à d’autres égards. M. Delbos a établi, dans la série des couches nummulitiques qu’il a étudiées, des divisions qui n’avaient pu être tracées d’une manière aussi précise pour les en- (1) Mém. de la Soc. géol. de France , 2e sér., vol 11 , p. 1 89. 1 846. SÈANCli DU 7 JUIN 18A7. 1007 virons de Bayonne , et la distribution dans ses trois étages des 39 espèces que nous avons déterminées fait voir que les crustacés, lés Térébratttles et les ostracées dominent presque exclusivement dans l’étage inférieur, et les Nummulites dans le supérieur. Les radiaires écliinodermes se montrent dans les trois étages, mais plus particulièrement dans le second. Quant aux polypiers et aux gas- téropodes, ils paraissent être fort rares partout. Si I on compare cette faune à celle des environs de Bayonne, on voit d’abord qu’il n’y a que la moitié des espèces qui soit com- mune aux deux localités , et ensuite , que les Polypiers, dont nous connaissons 60 espèces dans les falaises de Biaritz , sont réduits à à ou 5 aux environs de Dax et de Montfort. Les Nummulites sont aussi nombreuses d’un côté que de 1 autre , et , sur 10 espèces que nous avons cru distinguer, 5 sont communes sur ces deux points et également abondantes. Les ostracées suivent un développement inverse de celui des polypiers, et sont infiniment plus nombreux et plus variés au N.-E. qu’au S. -O., et nous venons de dire que les gastéropodes , très rares dans la première localité , étaient au contraire assez répandus dans la seconde. La grande quantité d’échantillons recueillis par M . Deibos nous permet de juger de la proportion relative des individus et des genres dans cette partie du bassin , et d’apprécier les différences essentielles de ces deux faunes contemporaines, éloignées seule- ment de 20 à 25 lieues l’une de l’autre. Ces modifications, en allant du S. -O. au N.-E., seraient en outre une forte présomption en faveur de l’opinion que nous allons émettre ; mais nous ferons remarquer auparavant que si l’on cherche à appliquer aux côtes situées à 10. de Bayonne les divisions proposées pour les environs de Dax, on trouvera que les couches à Nummulites placées sous le phare de Biaritz, et qui disparaissent au N. sous les dunes, se pro- longeant au S. jusqu’au vieux port, comme l’a établi 1VI. Thorent, représentent le premier étage de M. Deibos. Celles qui leur succè- dent , en se relevant du vieux port aux rochers du Goulet , appar- tiennent probablement au second ; et , au-delà du ruisseau qui débouche près de ces rochers jusqu’à celui du moulin Sopite , on voit des calcaires marneux bleuâtres et grisâtres, puis des calcaires sableux jaunâtres avec les Térébratules, les ostracées et les crusta- cés de l’étage inférieur (1). M) Nous ne pouvons dire encore jusqu’où ces trois divisions se maintiennent dans la région pyrénéenne; mais il est certain que , même en agrandissant considérablement leur échelle, elles ne seront 1008 SÉANCE 1)U 7 JUIN 1847. Si nous rassemblons maintenant tous les éléments que nous con- naissons de cette faune nummulitique des départements des Landes et des Basses-Pyrénées, nous trouverons un total de 265 espèces (1), dont 56 n’ont pas été déterminées spécifiquement , mais qui doi- vent être regardées en grande partie comme particulières à cette région. Des 209 espèces déterminées , les seules que nous considé- rerons ici, 128 ou plus de la moitié sont propres à ce bassin ; 10 ou 1/21 se retrouvent dans les couches à Nummulites des Corbières et de la montagne Noire ; 12 dans celles d’autres parties de l’Eu- rope. 48 ou un peu plus de 1/4 existent dans les dépôts tertiaires inférieurs ; 22 ou un peu plus de 1/9 dans ceux de l’époque ter- tiaire moyenne , et à cet égard il nous reste quelque incertitude, les couches d’Osnabruck et d’autres parties de la Westphalie que nous rapportons à cette époque pouvant être plus anciennes ; enfin 4 espèces ou 1/52 appartiennent aussi à la craie. Ces dernières sont une petite Térébratule de la craie supérieure de Belgique et trois espèces d’ Huîtres, cjui , sur la côte comme aux environs de Dax , se montrent dans l’étage inférieur du groupe nummulitique, lequel repose immédiatement sur la craie. Nous sommes ainsi conduit à mettre d’abord en parallèle cette faune avec celle du terrain tertiaire inférieur ; mais ne perdons pas de vue que , dans le S. -O-, les recherches n’ont encore été diri- gées que sur quelques points , et n’ont été faites que par un bien petit nombre de géologues, tandis que la surface incomparablement plus grande des terrains tertiaires du nord a été étudiée avec le jamais applicables aux Alpes françaises, où les Nummulites se trou- vent, au contraire, à la base du groupe, qui s’y divise bien aussi en trois étages, mais caractérisés tout différemment. (l)Nous n’avons point compris dans ce nombre les fossiles du lam- beau tertiaire de Saint-Pallais , près de Royan, rapporté par MM. Al. d’Orbigny et Delbos au groupe nummulitique, parce qu’il nous reste encore quelques doutes sur l’exactitude de ce rapprochement. Nos chiffres résultant de l’examen des fossiles que nous avons pu étudier nous-même directement ne comprennent pas non plus M espèces d’É- chinodermes dont M. Delbos nous a remis la liste, et qui ont été décrites par M. Grateloup comme se trouvant dans la craie des Landes , cou- che qui, en réalité, appartiendrait au système nummulitique. 11 en a été de même de 4 espèces dont le gisement est incertain. Nous avons dû nous abstenir d’autant plus de citer ces Échinodermes que plusieurs des espèces les plus caractéristiques de la formation crétacée se trou- veraient remonter ainsi jusque dans le second étage nummulitique de M. Delbos. Il est donc indispensable de vérifier de nouveau l’identité de ces espèces ou bien leur véritable gisement. SÉAMCü L>L / j u 18/i7. 1009 plus grand soin depuis trente ans. Nous connaissons déjà 60 espèces de Polypiers dans les falaises de Biaritz, et les couches tertiaires du nord de la France , de la Belgique et de F Angleterre ne nous en ont encore offert que 70 à 75. Dans l’un ni l’autre de ces bassins, ces Polypiers ne formaient de récifs ; mais on doit reconnaître que dans celui de la Seine en particulier le développement de certains genres, tels entre autres que celui des Astrées, semble y indiquer des circonstances plus favorables qu’au S. -O., où toutes les espèces sont fort petites et annonceraient une température moins élevée. LesNummulites présentent 3 ou ù espèces communes ; mais le nom- bre des espèces est de plus du double au S. -O. , et les formes comme les dimensions en sont infiniment plus variées, sans que l’abon- dance des individus y soit moins extraordinaire. Les échinodennes ne nous offrent aucune espèce commune , et 1/3 même des genres ne se trouvent qu’au S. -O., où les espèces atteignent en général des dimensions beaucoup plus grandes. Les annéiides , très variés dans le bassin de l’Adour, n’ont point non plus d’analogue dans le Nord. Les concliifères , dont nous avons constaté que \/k des es- pèces étaient communes , de même que les gastéropodes, se trou» vent , par rapport à ces derniers , dans des rapports numériques inverses au N. et au S. ; car, dans les deux arrondissements de Dax et de Bayonne , ils atteignent à peine la moitié du nombre des acéphales. Mais si nous comparons, comme nous l’avons fait l’année der- nière, la faune nummulitique des deux extrémités du versant N. des Pyrénées, nous verrons que les fossiles recueillis par MM. Pratt et Deibos viennent à l’appui des conclusions que nous avions dé- duites de l’examen de la collection de M. Thorent, et les rendent même encore plus frappantes. Ainsi il existe des différences zoolo- giques beaucoup plus grandes entre les couches nuinmulitiques des Corbières et de la montagne Noire, telles qu’elles ont été comprises et décrites par AI. Leymerie, et celles des environs de Dax et de Bayonne , qu’entre ces dernières et la faune tertiaire du nord. Ce résultat nous fait présumer qu’il existait à cette époque , entre le plateau central et les Pyrénées dont une partie avait déjà un certain relief, et comme nous avons essayé de le démontrer pour les divers bassins secondaires et tertiaires du nord, qu’il existait, disons-nous, une banquette sous-marine ou un isthme étroit qui rendait in- complète ou interceptait même tout à fait la communication directe du bassin de 10. avec celui de l’E., formant ainsi deux golfes pro- fonds au lieu d’un détroit ou d’un bras de mer, comme cela peut avoir eu lieu plus tard. Cette barrière nous serait-elle encore indi» Soc. géol. , 2e série, tome IY. 64 \ 1010 SÉANCE IMJ 7 J L'IN 18/|7. quée sur le prolongement de la direction de la montagne Moire, par la ligne de partage sinueuse et largement arquée à PO. des eaux qui se rendent à l’Océan et de celles qui se jettent plus direc- tement dans la Méditerranée? C’est une question que des études ultérieures pourront peut-être résoudre, et sur laquelle nous appe- lons r attention des géologues. Liste clés espèces nouvelles et déterminées de la collection de M. Pratt . Cyclolites andianensis . ■ — len ticularis . Turbinolia atalayensis . — - subundeita. Caryophyllia vertebrata. Oculina compressa. — rugosa . Ceriopora intriccita. Heteropoi a subconcinna. — rugosa. Prcittia glanclulosa. Hornera Edwardsii . Idnionea trapezoides . - — hybrida. Ëschara puncta. — dentaUna. Retepora subechinulata . Flustra glomerata. Tragos mamillatus . Scyphia Samueli. — quinquelobata. V irgularia incerta. Cidaris stria to-gran osa . — subcy/indrica . — sublœvis ( ;l ) . Serpula edata. — funiculosa. As ta r te Prattii . Cardium iriser iplum . Chain ci an te-scrip ta . Mytilus subhillamis . Pecten sub tri parti tus. — Grave si. — Michelotti. Spondylus subspinosus . — plan ico status . Ostrea a quivalvis. • — longicaucla . Scalaria subunclosa. Turbo calrar. — lapurdensis . — biaritzensis. — Buchii . T urritella inscrip ta . Mitra scalcirina. Espèces nouvelles et déterminées de la collection de M. Delbos Lichenopora spongioicles . Num m u l in a grctn ulosa . — ma mi lia ta. Lima trabciyensis . Pecten subopercularis . V ulsella lingulœj or/nis. — e.vogyra. — • dulna. A n o min i ni us t/ ici ta . Terebratiila Delbosi . Goniopygus pclagiensis (Saint-Palais). (1) Nous n’avons point porté sur cette liste ni sur la suivante les espèces d’Échinodermes déjà mentionnées dans le catalogue de MM. Àgassiz et Desor, mais qui n ayant point encore été décrites ni figurées nulle part le seront dans notre Mémoire. SÉANCE 1)U 7 JUIN '18/l7* 1011 M. Boubée présente les observations suivantes sur ce que vient de dire M. d’Archiac : Tant que l’on se bornera à discuter le terrain nummulitique par l’étude des fossiles , on ne sortira pas de la difficulté que sou- lève son classement ; il faut de toute nécessité consulter aussi , et avant tout , les caractères minéralogiques et les relations géognos- tiques et minéralogiques. Et cela est si vrai , que , parce moyen , on arrive tout d’abord à une distinction capitale qui me semble devoir dominer toute la question , et dominer même cet ingénieux et séduisant système de .proportions et de relations numériques entre les espèces de divers étages et de diverses localités que M. d’Ârchiac vient d’établir avec son habileté ordinaire. Cette distinction qu’il me semble si important d’introduire dans la question , c’est qu’une partie du terrain nummulitique est en couches soulevées, disloquées, fortement inclinées, et l’autre partie, au contraire , est en couches horizontales et tout à fait à l’état normal. Par conséquent, une partie de ces roches à Nummulites est an- térieure au soulèvement des Pyrénées , tandis que l’autre partie est postérieure à l’apparition de ces montagnes et par conséquent beaucoup plus moderne. Eh bien ! que l’on étudie , que l’on com- pare chacun de ces groupes , et l’on va trouver encore d’autres ca- ractères qui suffiront , je crois , pour fixer nettement leur place res- pective dans l’échelle des terrains et résoudre les difficultés qui , depuis longtemps déjà, tiennent en suspens l’opinion de plusieurs des membres de la Société géologique. Eu effet, les couches nummulitique s soulevées et disloquées sont précisément les plus riches en Nummulites, celles où l’on ne trouve que peu ou point d’autres fossiles, mais où abondent ces grandes espèces que j’ai décrites, dans mon Bulletin cV histoire naturelle cle France , 1833, sous les noms de Nummulites mille caput , N. papy- racea , N. crassa, N. plano-spira et N. lenticularis. Ces couches offrent d’ailleurs tous les caractères minéralogiques des terrains crayeux , et paraissent, sous ce point de vue , se distinguer nettement des terrains tertiaires. .T’ajouterai que dans les Landes, les Basses-Pyrénées, les Hautes- Pyrénées et la Haute-Garonne, qui sont les seuls points où j’aie eu occasion de voiries terrains nummulitiques en question, le groupe de roches inclinées dont je parle est le plus développé et le plus puis- sant ; c’est même le seul auquel, dans mon esprit, s’appliquait jus- qu’ici le nom particulier de terrain nummulitique, dont les types 1012 séance du 7 juin 18A7. ôtaient pour inoi une partie des environs de Bastennes (Landes) , une partie du territoire de Mouguerre , à l’est de Bayonne, les environs de Gensac , près Boulogne (Haute-Garonne), etc. Sur tous ces points, j’ai toujours vu le terrain nummulitique en cou- ches fortement inclinées reposant sur la craie à Ananchites et affec- tant les mêmes allures que le terrain crayeux proprement dit; aussi ai-je dû le rapporter à la période crayeuse et y voir, ainsi que j’ai eu occasion de le dire dans la séance du 15 mars dernier, le groupe qui devait remplir, dans le midi , cette lacune indiquée par M. Elie de Beaumont comme existant entre la craie de Paris et le terrain tertiaire, lacune que paraissant remplir, dans le nord, la craie de Maëstricht , et peut-être aussi le calcaire pisolitique de 1VI. Charles d’Orbigny. Le fait qui me déterminait surtout dans ce classement, comme je l’ai dit aussi dans cette séance du 15 mars, c’est que le soulèvement des Pyrénées ayant été fixé par des obser- vations et des considérations d’un ordre beaucoup plus élevé après la période crayeuse et avant l’époque tertiaire, il est évident que ces roches à Nummulites doivent appartenir à la première de ces périodes, puisqu’elles sont évidemment antérieures au soulève- ment pyrénéen. J’ai déjà fait remarquer que ce groupe, où abondent les Num- niulites et particulièrement les grandes espèces , est très pauvre en fossiles de toute autre espèce ; néanmoins il n’en est pas entière- ment privé , et si parmi ces fossiles on a pu reconnaître quelques espèces du terrain tertiaire , il faut dire aussi qu’il y en a qui font évidemment partie de la formation crayeuse : tel est le Pecten quin - quecostatus , qui est un des fossiles caractéristiques de la craie , et qui abonde à Gensac, parmi les grandes Nummulites, avec une belle Exogyre non encore décrite , mais que sa physionomie range incontestablement parmi les fossiles de la craie. Au reste , aucun géologue ne sera surpris que ce groupe supérieur clu terrain crayeux contienne à la fois des fossiles tertiaires et crayeux , s’il est le chaî- non qui doit combler la lacune indiquée et faire le passage des ter- rains crayeux au terrain tertiaire. Quant aux roches à Nummulites qui sont en couches horizon- tales , elles forment , elles aussi , un groupe très naturel qui se distingue par beaucoup d’autres caractères de celui dont je viens de parler. Les types de ce groupe sont une partie des roches de Biaritz , cette épaisse couche rocheuse sur laquelle s’élève la ca- thédrale de Bayonne , ces hautes et belles falaises abruptes que l’on voit sur la rive droite de la Nive , en amont de Bayonne , etc. Sur tous ces points , on trouve ces roches horizontales et dans leur siïami: Di 7 juin 1SA7. 1013 état normal; les Nummulites y sont i 1 es nombreuses, mais ce sont en général de petites espèces mêlées de beaucoup de Lenticu- lines, de Rotalites et d’un grand nombre de Mollusques, Oursins et Polypiers, sur lesquels se fondent surtout les proportions ingé- nieusement établies par M. d’Arcbiac. .Nulle part ces roches hori- zontales n’offrent le caractère minéralogique crayeux qui dis- tingue à la première vue les roches du groupe précédent ; elles ont au contraire tout le faciès des calcaires grossiers grisâtres , et des molasses des terrains tertiaires. En un mot, on ne voit ni sur le terrain ni dans l’étude des fossiles aucune raison pour ne pas ran- ger ces roches dans le terrain tertiaire avec les calcaires nummufi- tiques du Soissonnais et des environs de Paris, et pour moi, je dois dire que ce n’est point là du tout ce que j’appelais le terrain nummulitique , parce que je ne voyais aucune raison d’en former un groupe distinct. Je n’appliquais cette désignation qu’aux ro- ches particulièrement et essentiellement nummulitiques dont j ’ai parlé en premier lieu, que j’avais rapportées d’abord, il est vrai, au terrain tertiaire , lorsque j’en décrivais les espèces dans le Bulletin cl’ histoire naturelle , à cause de cette prévention , déjà an- cienne , en paléontologie , que les Nummulites sont des fossiles nécessairement tertiaires , mais que , depuis longtemps , je consi- dère comme crétacés , par toutes les considérations que je viens de résumer tout à l’heure , opinion que j’ai déjà émise lors de notre réunion en Suisse , dans une discussion qui s’engagea sur ce sujet à Bâle , à Tune des séances de la Société helvétique. M. Delbos répond encore en ces termes à la communication de M. d’Archiac : La découverte du lambeau tertiaire situé au nord-ouest de Royan (anse de Terre-Nègre , près Saint-Palais, Charente-Infé- rieure) fait disparaître , dans les sondages artésiens pratiqués sur les deux rives de la Gironde, quelques anomalies que l’on ne sa- vait comment expliquer. Ce lambeau se divise en effet en deux as- sises principales dont les caractères minéralogiques sont très diffé- rents : 1° à la partie supérieure, des alternances de sables grisâtres et de marnes mêlées de gravier, avec rognons ou chailles à cou- ches concentriques d’un calcaire marneux jaunâtre ; 2° des cal- caires qui présentent tous les caractères minéralogiques de la craie sur laquelle ils reposent. Les sables supérieurs ne renferment que des Huîtres ( O. flahel- lala , d’après M. d’Archiac), des Peignes et des ossements de Cé- 1014 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. tacés. Ils pourraient bien correspondre à des sables analogues qui forment la partie supérieure des terrains nummulitiq-u.es du bassin de l’Adour (1) , et qui contiennent des Huîtres au moins très voi- sines des précédentes [O. cyathula , d’après M. d’Arcbiac). J’ai recueilli dans les calcaires blancs inférieurs sept espèces d’Echinodermes, dont deux sont considérées par M. Desor comme identiques avec des espèces de Biaritz , décrites par M. d’Archiac [Echi nùlampas subsimilis , Cœlopleurus Agassizii). Le sondage artésien pratiqué à Peujard (rive droite de la Dor- dogne, 18 mètres au-dessus des eaux d’étiage) a traversé les cou- ches suivantes (2) : 1° Jusqu’à A3 mètres, série de bancs calcaires ; 2° De A3 à A A mètres , sable fin un peu marneux ; 3° A AA mètres , sable fin , verdâtre , à nodules durs , demi-com- pactes , de grosseur ovulaire , renfermant à l’intérieur du calcaire cristallin. Epaisseur, 20 mètres. A0 A 110 mètres, série de bancs calcaires; 5° A 133 mètres , sable rouge , ébouleux. L’orifice des puits est ouvert dans la molasse , et les nos 1 , 2 et 3 se rapportent à cette formation. Le n° 3 particulièrement possède les mêmes caractères que les molasses à calcaire globaire que j’ai signalées aux environs de Castillon-sur-Dordogne (3). Le n° A pourrait alors correspondre au calcaire à Orbitolites de Blaye , et les sables rouges inférieurs représenteraient les sables de l’anse de Terre-Nègre. Nous aurions alors la série suivante , en allant de haut en bas : 1° molasses ; 2° calcaire à Orbitolites; 3° sables su- périeurs des terrains nummulitiques. De même , dans le forage de Béchevelle , ouvert dans le calcaire à Orbitolites même , la sonde a attaqué , à A8 mètres , des sables grisâtres à fragments d’Huîtres , qui correspondent aussi proba- blement à ceux de Saint-Palais ( V. Mém. de M. Jouannet , locu citato). M. d’Archiac répond qu’il ne conteste nullement la distinc- tion que M. Boubée vient d’établir entre deux étages du sys- ('1 ) Notice géol. sur le bassin de V A dour ( Bull. Soc. géol ., 2e sér., t. IV, p. 712). (2) Voyez le Mém. de M. Jouannet ( Act . Soc. linn. de Bordeaux , 1830). (3) Recherches sur la formation d' eau douce , etc. [Mém. Soc. géol., 2e sér., t. II, p. 244). SÉANCE DU 7 JUIN 1S/t7. 1015 tème nummulitique, dont l’un serait redressé et antérieur au soulèvement principal des Pyrénées, et dont l’autre, presque ho- rizontal, serait postérieur 5 ce soulèvement} mais il fait remar- quer que, bien pénétré de l’importance du caractère stratigra- phique et de l’étude directe et détaillée du pays , il n’a préjugé dans sa communication ni la question d’âge ou de parallélisme des couches à nummulites des Pyrénées occidentales ni leur groupement en deux étages. Il a seulement considéré les fos- siles d’abord en eux-mêmes, puis dans leur distribution géo- graphique et stratigraphique locale , et enfin dans leurs rap- ports avec ceux des couches nummulitiques situées plus à l’Est, comme avec ceux des véritables terrains tertiaires du Nord. D’après cela la question purement géologique reste entière, et les données zoologiques quelles qu’elles soient devront néces- sairement se plier à l’évidence des faits géologiquement con- statés. Quant aux deux espèces d’Echinodermes citées par M. Del- bos comme se trouvant à la fois dans le lambeau de Saint-Pa- lais et à Biaritz, M. d’Archiac ne les regarde pas comme iden- tiques, mais comme constituant au contraire des variétés très distinctes dans l’une et l’autre localité. Cette circonstance jointe à l’absence de nummulites le confirme, du moins quant â pré- sent, dans sa première opinion, que tout le dépôt de Saint-Pa- lais peut appartenir au calcaire marin inférieur de Blaye et des environs de Panillac. M. Bivière lit la note suivante : Le tome IV du Bulletin (2e série, p. û68 ) contient la traduc- tion d’un Mémoire de M. Th. Scheerer. Dans ce Mémoire , fau- teur présente comme nouvelle l’idée de faire rentrer l’eau dans la classe des corps isomorphes , et cherche à en tirer un parti avanta- geux , soit pour la spécification des minéraux , soit pour la forma- tion des roches. Je n’assistais pas à la séance dans laquelle M. Frapolli a lu la traduction du Mémoire dont il s’agit ; il m’a donc fallu attendre que cette traduction fût imprimée pour connaître le contenu du Mémoire de M. Scheerer. Pour le moment, je ne crois pas devoir entrer dans la discussion de ce Mémoire ; je me bornerai à constater le fait sui vant. Depuis 1046 SÉANCE M 7 JUIN 1847. 1835 , j’ai pensé que , si i on admettait la théorie de l’isomor- phisme , l’eau pouvait être comprise dans le nombre des corps iso- morphes, c’est-à-dire qu’ elle pouvait remplacer d’autres bases à la manière des corps isomorphes les uns par rapport aux autres. A propos d’une nomenclature atomo-chimique des substances miné- rales, j’avais communiqué à M. Ampère mes idées sur ce sujet ; et en 1838 j’écrivais mon Mémoire sur les amphiboles ; mais ce n’est , il est vrai , qu’en 1844 que ce Mémoire a été publié dans le Bulletin de la Société géologique (2e série, vol. I, p. 528). On lit , page 532 : u Cette formule serait encore la traduction plus rigou- » reuse des nombres , si l’on regardait l’eau comme isomorphe de » la magnésie, de la chaux, etc. ; car alors on aurait pour l’oxy- » gène des bases 17,39, au lieu de 16,69. » J’ai cru alors devoir me borner à l’énoncé de l’idée de l’isomor- phisme de l’eau , parce qu’il se présente des difficultés touchant la théorie de l’isomorphisme en général , lorsqu’on veut la regarder comme la traduction d’une loi naturelle , et non comme une in- terprétation spéculative mais heureuse pour la chimie et la miné- ralogie. D’un autre côté , on rencontre aussi des difficultés très sé- rieuses quand on veut préciser la manière d’être de l’eau et de ses éléments dans la constitution intime et naturelle des substances , soit à l’époque de la formation , soit après la formation des sub- stances. Toutes ces questions sont loin d’être résolues et même sont loin d’offrir des éléments simples pour leurs solutions. Tels sont les motifs qui m’ont engagé à beaucoup de réserve dans l’indica- tion d’une manière de voir, et à m’abstenir de développements dans un travail qui , avant tout , devait être caractérisé par l’exac- titude. Néanmoins, j’ai discuté ces diverses questions, autant qu’il m’a été permis de le faire, dans un Mémoire relatif aux minéraux et aux roches , comme on le verra plus tard. D’ailleurs , tous les chimistes , notamment ceux qui font de la chimie organique , re- garderont certainement comme ancienne l’idée de l’isomorphisme de l’eau ; en sorte que cette idée appartient plutôt aux chimistes qu’à M. Scheerer et qu’à moi. Dans tous les cas , il est évident que ce géologue n’est venu qu’ après moi énoncer l’hypothèse de l'iso- morphisme de l’eau. M. Frapolli répond à la note deM. Rivière : En l’absence de M. Scheerer, qui ne pourra répondre que dans six ou huit mois , et ayant eu l’honneur de le présenter à la So- ciété , ainsi que le Mémoire attaqué , je ne peux m’empêcher de SÉANCE MI 7 .1 U I N 18/|7. 1017 protester contre l’accusation de plagiat que la note du préopinant tend à établir à l’égard de la belle découverte du professeur de Christiania concernant Y isomorphisme polymère. Je ne trouve qu’un seul fait que M. Rivière puisse citer à l’appui de sa réclama- tion , et ce fait n infirme en aucune manière la priorité des tra- vaux de M . Scheerer. D’après le fragment cité dans sa note , M. Rivière, en 18ùà, dans un Mémoire où il s’agissait de tout autre chose , a dit qu’une certaine formule serait changée si on re- gardait l’eau comme isomorphe de la magnésie. 11 s’est arrêté là ; il n’a pas même donné le fait comme une hypothèse à laquelle il ait cru devoir s’arrêter. La question n’a pas avancé d’un seul pas , elle est restée là où l’avaient laissée ces chimistes éminents que M. Rivière lui-même reconnaît comme étant les seuls auxquels appartient l’idée originaire de l’isomorphisme de l’eau. M. Schee- rer, dans son grand Mémoire inséré dans le volume LXY1I1 des Annales de Poggendorff , dont T introduction au travail sur le granité n’est qu’un extrait très court , a prouvé le fait ; il en a dé- terminé les lois et les proportions atomiques. Exclusivement chi- miste, et relégué, comme il la été jusqu’à ces dernières années, au fond d’une usine éloignée de la Norvège, M. Scheerer n’a pu consulter que ses connaissances chimiques , et ce n’est que comme résultat d'un travail d’analyse exécuté sur des centaines de miné- raux qu’il s’est hasardé à proposer des conclusions. Aussi les hommes les plus éminents de l’Allemagne, pays où le travail de M. Scheerer a paru pour la première fois , et ces mêmes chimistes auxquels M. Rivière fait allusion, les Berzélius , les Mitscherlich, les Rose , etc. etc., lui ont fait honneur de sa découverte. M. Rivière assure qu’il avait l’intention de s’occuper plus tard de ce sujet Un autre a été plus heureux ; il est arrivé le pre- mier. C’est ce qui a lieu souvent dans la science. M. Fournet annonce à Al. le Président qu’il adressera bientôt un travail d’observations critiques sur la communication faite au nom de M. Scheerer -, spécialement, qu’il combattra ses idées relativement à l’obsidienne. — II rectifiera en même temps la position qu’on lui attribue gratuitement par rapport à M. Durocher. M. de Collegno présente des observations sur l’île d’Elbe. M. Boué adresse à la Société un essai sur la distribution géologique et géographique des minéraux , des minerais et 1018 séance m 7 juin !8/i7. des roches sur le globe terrestre, avec des aperçus sur leur géogénie. M. le baron d’Hombres-Firmas adresse une note sur la localité de Fressac, si riche en fossiles de l’étage inférieur du système oolithique, et qui offre au minéralogiste des filons in- téressants de galène, de calamine et pyrites avec chaux fluatée, barytine, etc. Il y joint la description de deux térébratules qu’il considère comme nouvelles. La première, qu’il nomme Tere- bratula mini met , n’atteint jamais plus de 3 k h millimètres de longueur-, sa largeur est plus forte d’un quart, et sa hauteur est les deux cinquièmes de sa longueur. Elle présente trois plis, l’un médian , les deux autres divergeant régulièrement vers l’angle des arêtes latérales et cardinales. Le sinus de la valve dorsale correspond au premier, qui occupe près du tiers de la largeur totale. Elle offre deux à trois stries d’accroisse- ment. La seconde, qu’il nomme Leopoldina , est presque exac- tement ronde , et sa hauteur est un peu moins de moitié des autres dimensions qui sont d’environ 8 millimètres dans les in- dividus adultes , et qui offrent plusieurs stries d’accroissement. Le crochet est très peu saillant. Au milieu du natis est une rainure entre deux bourrelets terminés quelquefois par des plis très déliés, qui se prolongent jusqu’au front de la coquille. Sur la valve dorsale on remarque deux petites échancrures aux côtés du crochet. M. d’Archiac fait observer que la Terebratula minima existe dans le Calvados. M. Durocher adresse un Mémoire sur la cristallisation des roches granitiques. Recherches sur la cristallisation des roches granitiques , par M. Durocher. Le mémoire intéressant de M. Scheerer, dont la traduction a paru dernièrement dans le Bulletin de la Société géologique (1) , a pour objet d’expliquer la manière dont s’est opérée la cristallisa- tion des éléments du granité. Depuis longtemps je me suis occupé (1) Bull, delà Soc. géol ., t. IV, p. 468, février 4847. SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1019 de ce phénomène, et j’ai tâché d’en donner une explication en avril 1845 (1). M. Scheerer admet les faits qui servent de base à mon explication , mais il la croit insuffisante et il a jugé nécessaire de faire intervenir un nouvel élément : néanmoins cet habile chi - miste n’a pas envisagé ma manière de voir sous sa véritable face et l’objection qu’il lui a opposée ne me paraît pas tout à fait con- cluante. Je vais commencer par rappeler les principaux points de la ques- tion et la solution que j’en ai proposée; j’examinerai l’objection de M. Scheerer; ensuite je discuterai l’hypothèse qu’il a émise, en m’appuyant sur des expériences qui me sont propres. Nous recon- naîtrons alors si la nouvelle théorie est plus en harmonie avec l’en- semble des faits , si elle en rend mieux compte . Les éléments du granité ne paraissent pas avoir cristallisé dans l’ordre de leurs fusibilités relatives ; car la silice , qui est la partie la plus réfractaire , a formé comme un ciment pâteux au milieu duquel se sont développés les prismes de tourmaline , les lames de feldspath et d’amphibole , les feuillets micacés , les grenats dodé- caédriques. Ce fait fondamental est l’une des principales objections que l’on ait opposées aux théories plutoniennes , et il a servi de point de départ à M. de Boucheporn (2) pour imaginer une origine autre que celle d’une fusion ignée. M. Fournet a cherché à lever la difficulté en attribuant à la silice une surfusion très considérable , c’est-à-dire la propriété de se refroidir sans cesser d’être fluide jusqu’à une température beau- coup plus basse que le point où ce corps entre en fusion lorsqu’on en élève la température. Mais comme je l’ai déjà exposé ( Comptes- rendus de V Académie , t. XX, p. 1276 ) et comme le fait aussi re- marquer M. Scheerer , la distance qui sépare les points de fusion du feldspath et du quartz est beaucoup trop grande pour que l’ex- plication de M. Fournet soit suffisante : il faudrait supposer à la silice une surfusion de plus de mille degrés, tandis que jusqu’à présent les différences observées entre les degrés de température correspondant à la congélation et à la liquéfaction d’une même substance ne s’élèvent guère au-delà de 100. J’ai donné une face différente à la question en montrant que ce n’est pas le quartz qui s’est refroidi sans se solidifier jusqu’à une température voisine du point de fusion du feldspath , mais bien (1) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XX, p. 1275, séance du 28 avril 1845. (2) Études sur l’histoire de la terre , par M. F. de Boucheporn. 10*20 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. une masse semblable aux pétrosilex , c’est-à-dire à des substances qui sont un peu moins fusibles que le feldspath, sans toutefois en différer beaucoup. Cette masse contenait, à l’état de combinaison , de la silice, de l’alumine, des bases alcalines et terreuses, potasse, soude , quelquefois litliine , avec un peu de chaux , de magnésie , d’oxydes de fer et de manganèse, ainsi que des quantités très mi- nimes d’acide fluorhydrique et souvent même d’acide borique. Lorsque cette masse , se refroidissant graduellement, a atteint une température qui probablement était voisine de 1500°, il s’est pro- duit un départ , une séparation entre ses divers éléments ; le mag- ma s’est décomposé en feldspath, quartz et mica; alors a com- mencé l’acte de la cristallisation. Au moineht du départ, si la température de la masse était peu éloignée du point de solidifica- tion des deux éléments les plus fusibles , du feldspath et du mica , leur solidification aura eu lieu d’autant plus vite qu’ils avaient plus de tendance à cristalliser; de façon que le feldspath ayant une tendance beaucoup plus forte que le quartz aura cristallisé au- paravant. Il est important de remarquer que la solidification delà silice n’a pas lieu d’une manière instanl ailée , que ce corps se com- porte comme les substances vitreuses et peut conserver assez long- temps l’état visqueux , surtout étant entouré d’une masse qui est elle-même très chaude. J’ai signalé dans mon premier Mémoire sur ce sujet deux causes de changement de température qui ont du agir successivement et dans des sens inverses : avant le départ des éléments , la silice se trouvait combinée avec d’autres silicates et formait une combi liai- son acide , analogue par exemple à celle de l’acide sulfurique avec un sulfate alcalin ; et , de même que cette dernière combinaison s’opère avec dégagement de chaleur , il est probable que l’acide silicique en s’unissant à un silicate alcalin et terreux doit produire de la chaleur; et inversement, lorsqu’il se sépare d’une combinai- son de ce genre , il doit y avoir absorption de chaleur : ainsi , à l’instant où le quartz a été éliminé d’une combinaison granitique multiple , cette espèce de réduction a dû produire un abaissement de température , faible peut-être , mais qui néanmoins aura pu contribuer à accélérer la solidification des éléments qui avaient le plus de tendance à cristalliser. D’ailleurs au moment où le feld- spath a pris une forme cristalline , son passage subit de l’état li- quide à l’état solide a donné lieu à un dégagement de chaleur qui très probablement n’était pas insignifiant (la chaleur dégagée par la congélation de l’eau est de 75). Cette chaleur se sera com- muniquée à la masse environnante et par suite aura contribué à SÉANCE 1)U 7 JUIN IS/|7. 1021 maintenir le quartz dans un état de mollesse ou de viscosité suffi- sant pour qu’il ait pu prendre l’empreinte de la forme cristalline du feldspath . 31. Scheerer reconnaît, comme je l’ai montré, que dans l’ori- gine tous les éléments du granité étaient combinés dans une masse pétro-siliceuse , mais il a interprété un peu inexactement mon Mé- moire en me faisant dire (t. IY du Bulletin, p. Û86 etZi87) « que les >» différentes combinaisons se sont séparées de cette masse homogène » l’une après ï autre dans V ordre de leur puissance de cristallisa - » tion. » AI. Scheerer suppose ou plutôt me fait supposer que d’a- bord quelques cristaux de feldspath et de mica se sont séparés et qu’il est resté une masse de plus en plus riche en silice , et qui par suite devait avoir un point de fusion de plus en plus voisin de celui de la silice, et ainsi il ne se serait pas formé de quartz libre, mais un pétro-silex très riche en silice. Dans cette supposition l’objec- tion de M. Scheerer serait parfaitement fondée, mais je n’ai dit nulle part dans mon Mémoire que les éléments du granité se sont séparés les uns après les autres; au contraire, j’ai toujours consi- déré dans le granité proprement dit le départ comme ayant été presque simultané pour tous les éléments, et je dis d’une manière précise ( Compte s -rendus , t. XX, p. 1275) que la solidification des divers éléments constitutifs de la roche a dû se faire à peu près en meme temps ; c’est ce qui a dû avoir lieu dans la majeure partie des cas pour les granités proprement dits, mais pas toujours pour les porphyres , et dans ce dernier cas le phénomène a dû se pro- duire à peu près comme l’expose M. Scheerer. Il est facile de concevoir une masse homogène se séparant en plusieurs combi- naisons définies qui ne se solidifient pas à l’instant même où elles se séparent , mais très peu de temps après ; immédiatement après le départ ce sont des corps fluides juxtaposés, tendant tous à se solidifier, mais à des degrés différents. Les choses ont dû se passer ainsi , car le feldspath , le quartz et le mica sont enchevêtrés les uns dans les autres , de façon que le quartz devait déjà être libre , être séparé du magma, quand le feldspath a cristallisé. Il y a une circonstance fort importante dont M. Scheerer a fait complète- ment abstraction, c’est la propriété (que possède la silice) de passer par l’état visqueux avant de se solidifier : comme le mon- trent les expériences de M. Gaudin , cette substance amenée en fusion et abandonnée à un refroidissement spontané reste visqueuse pendant quelque temps et peut même se filer, bien qu’étant expo- sée à une température beaucoup inférieure à son point de fusion. Toute la. difficulté qui peut exister consisterait donc à savoir si, à 1022 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. partir de 1 instant du départ, la silice a pu rester assez longtemps visqueuse pour que le feldspath et le mica eussent le temps de cris- talliser avant qu’elle fût devenue complètement roide. Je ne con- testerai pas qu’il ait pu se produire des actions particulières qui aient prolongé la durée de la viscosité de la silice , peut-être des actions électriques , du genre de celles qui déterminent la liqué- faction d’un fil de platine à une température beaucoup plus basse que son point de fusion : on ne peut faire à cet égard que des conjectures, mais la partie essentielle du phénomène me paraît avoir eu lieu comme je l’ai exposé. Il y a un point de la question sur lequel je dois insister, parce qu’il aune grande importance : l’examen que j’ai fait d’un grand nombre de granités de contrées fort diverses , soit sur les rochers eux-mêmes , soit dans les collections , m’a convaincu qu’en gé- néral il n’y a point eu de démarcations tout à fait tranchées entre les instants de cristallisation des divers éléments de ces roches. Je crois qu’en cela, M. Scheerer et moi, nous différons un peu d’avis. En effet, ce savant a cherché à classer les minéraux que l’on trouve dans le granité d’après l’ordre chronologique de leur cristallisa- tion; ainsi il dit (pag. 480) : « Que dans les filons granitiques de •> l’ile d’Hitteroé, en Norwége, la cristallisation s’est effectuée d’a- » près l’ordre suivant : 1° l’orthite et probablement presque en » même temps la gadolinite ; 2° le malacon et l’ytterspath ; 3° le » polyklase et le feldspath ; 4° le quartz. » M. Scheerer dit aussi (pag. 483) que l’achmite, le grenat, la tourmaline, etc., se sont solidifiés avant le feldspath, et celui-ci avant le quartz. D’après les observations que j’ai faites cet ordre de cristallisation serait acci- dentel ; il ne me paraît pas avoir un degré de généralité tel qu’on puisse en déduire des conséquences positives ; loin de là, je pense qu’au lieu de consister en une série de cristallisations successives , dans la plupart des granités , le phénomène a été caractérisé par la presque simultanéité des cristallisations; c’est-à-dire que la gadolinite, la tourmaline, l’amphibole, etc., n’avaient pas achevé leur cristallisation quand le feldspath a commencé la sienne, et que déjà une partie du quartz avait commencé à se solidifier, était devenue un peu roide , quand le feldspath finissait de cristalliser. Déjà j’ai cité dans mon Mémoire présenté à l’Académie un granité à tourmaline de la vallée de Suc (Ariége) , dans lequel on voit tantôt des cristaux de tourmaline ou de feldspath qui se sont formés au milieu du quartz, et ont marqué dessus leur empreinte; tantôt, au contraire, ce sont des cristaux de quartz qui sont en- veloppés d’une masse feldspathique. Ces empreintes réciproques se séance i>n 7 juin 18Z[7. 1023 montrent non seulement sur un même rocher, mais sur un même échantillon. On en voit un exemple dessiné fig. 1 ; il y a au centre un noyau de tourmaline qui , à une de ses extrémités E, a marqué son empreinte sur la masse de quartz environnante , mais en son milieu le noyau a été comprimé , et en A le quartz a pénétré au milieu du cristal de tourmaline qui était en train de se former ; de l’autre côté ce cristal a aussi été comprimé par du feldspath ; en b et b', au contact du quartz et du feldspath la tourmaline a lancé deux veinules très minces, ce qui montre qu’elle devait être encore en partie fluide lors de la solidification du feldspath et du quartz. Dans le même granité on voit des cristaux de grenats qui se sont formés tantôt au milieu du quartz , tantôt entre le feldspath et le quartz. L’examen de semblables échantillons montre que la solidification du grenat, de la tourmaline, du mica, du feld- spath et du quartz ont du se suivre de très près , et que les miné- raux qui semblent avoir cristallisé les premiers possédaient encore en quelques parties un état de mollesse lorsque les autres éléments se sont solidifiés. Je n’ai pas à ma disposition de ce granité d’Hitteroé qui a été observé par M. Scheerer, mais j’ai sous les yeux un granité à ga- dolinite de Brodbo, prèsFalun (Suède) : on y voit, comme je l’ai indiqué fig. 2 * que si la gadolinite a cristallisé au milieu d’une 1024 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. masse de quartz et d’albite , que si elle a marqué son empreinte sur ces deux minéraux , ceux-ci ont aussi pénétré dans la gadoli- nite , et ont interrompu la régularité de ses faces et de ses arêtes. On est forcé de conclure, ou bien que le quartz était déjà en partie solide au moment où la gadolinite et le feldspath ont cristallisé , ou bien que ces deux substances étaient encore un peu molles quand le quartz s’est solidifié. La résistance que le quartz a opposée au dé- veloppement des autres éléments montre qu’à l’instant de leur cristallisation il était dans un état visqueux , intermédiaire entre l’état liquide et l’état solide. La pénétration réciproque des éléments les uns dans les autres est un caractère propre aux roches granitiques , et quelquefois un même noyau a pris à une de ses extrémités l’empreinte de sub- stances auxquelles il a communiqué la sienne à l’autre extrémité. Ce qui caractérise la structure dite granitoïde , c’est l’état de gêne, d’enchevêtrement, provenant de ce que les minéraux faisant partie du granité ont pris presque simultanément l’état solide ; aucun d’eux ne forme de cristaux nets et parfaitement terminés , excepté lorsqu’il s’est trouvé un vide, une géode où la cristallisation a pu se développer à l’aise. Quelques filons granitiques semblent déroger à cette loi d’en- chevêtrement; ceux d’Hitteroé, par exemple, paraissent être dans ce cas. J’ai dessiné (fig. 3) près de l’usine à cobalt de Snarum, eh Norwége , un fdon de pegmatite à gros grains où le quartz et le feldspath sont en majeure partie séparés d’une manière nette : la zone centrale est occupée par du quartz à peu près pur , et les por- tions latérales sont formées principalement d’orthose en très grands cristaux , dont on voit les pointements pénétrer au sein de la zone siliceuse. A l’intérieur du fdon le quartz est hyalin non cristallisé , mais au milieu de la masse feldspathique on voit un grand nombre de cristaux de quartz qui ont eux-mèmes marque leur SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 1025 empreinte sur le feldspath. .Fai observé plusieurs exemples de ce genre en Scandinavie ; d’un autre côté M. Daubrée a signalé (1) des cas où le quartz se trouve concentré sur les bords des masses granitiques , tandis que les minéraux plus fusibles occupent la partie centrale , comme si la solidification des matières les plus réfractaires avait eu lieu d’abord sur les parois des fentes. On voit d’ailleurs beaucoup de filons granitiques , et c’est même le plus grand nombre, où les éléments sont mélangés et enchevêtrés ensemble comme dans les granités ordinaires : ainsi l’on a des exemples des trois cas possibles : 1 0 celui d’un mélange confus ; 2° celui d’une concentration du quartz dans la partie centrale; 3° celui où le quartz se trouve principalement près des bords , le feldspath occupant la région médiane. Pour expliquer la disposition de certains liions granitiques où la silice est nettement séparée des silicates lamelleux ou cristallisés, et paraît s’être solidifiée tout à fait en dernier lieu , il peut être né- cessaire de recourir à des actions spéciales qui auront prolongé pen- dant longtemps la liquidité de la silice , ou qui auront déterminé les divers éléments à s’isoler et à cristalliser dans un ordre indé- pendant de leurs fusibilités. Mais cette intervention ne me paraît pas être indispensable dans la formation des granités les plus or- dinaires , ceux où les trois éléments sont enchevêtrés les uns dans les autres. M. Sclieerer cite parmi les minéraux que l’on trouve cristallisés au milieu du granité, la pyrite de fer, la pyrite arsenicale et le cobalt gris : je ferai observer que ces substances ne s’y rencontrent qu’acciclentellement. J’ai remarqué les deux dernières dans les mines de cobalt de Skutterud et de Snarum ; quant à la pyrite de fer, je l’ai observée dans plusieurs localités, mais c’est dans les mines de Foldal et alentour (Norwége) , que j’ai vu les plus beaux et les plus gros cubes de pyrite de fer dans une roche syéni- tique. D’après lés relations de ces gîtes métallifères , qu’il n’entre pas dans mon sujet de faire connaître ici , il est possible que la cristallisation de ces sulfures ou sulfarséniures ait eu lieu après coup par suite d’un phénomène de substitution analogue, mais non identique aux épigénies ordinaires : souvent , en effet , on trouve dans le même lieu les mêmes sulfures cristallisés dans des roches de natures diverses , qui ne paraissent pas avoir la même (l) Ann. clés mines , 4e série, t, IV, p. 221. Soc. géol ., 2e série , t. IV. 65 1026 SÉANCÉ DU 7 JUIN 18A7. origine, et qui probablement n’ont pas été toutes à la fois dans un état de mollesse ou de fusion pâteuse. J’ajouterai à la liste des minéraux qui paraissent avoir cristallisé dans le granité pendant sa solidification , et qui ont souvent mar- qué leur empreinte sur la silice et le feldspath , le fer oxidulé qui se rencontre fréquemment en noyaux octaédriques lamelleux, dans le granité à gros grains de la Suède et dans celui des environs d’Arendal en Norwége. Je citerai ensuite le fer titané, qui est très commun dans la syénite zirconienne de la JNorwége méridionale , et aussi dans le porphyre rhombique. Ces roches contiennent quel- quefois encore du fer oligiste : ces substances sont très réfractaires et même infusibles au chalumeau , il n’est pas étonnant qu’elles aient marqué leur empreinte sur le feldspath ; mais souvent aussi c’est le feldspath qui les a comprimées en cristallisant. On pourrait d’ail- leurs citer beaucoup de substances bien moins fusibles que le feldspath , telles que le zircon , le corindon , la polymignite , la gadolinite , l’yttrolantate , etc., qui ont cristallisé au sein d’une masse feldspathique ; il faut donc se garder de croire que ce sont toujours les éléments les moins fusibles qui ont cristallisé les der- niers. Après avoir discuté l’objection principale que Ton ait opposée à l’origine pyrogénique du granité , je vais examiner les autres diffi- cultés signalées par M. Scheerer. Il objecte d’abord h existence du quartz dans le granité : « Jusqu’à présent , dit-il pag. A81 , on n’a » pu encore réussir à obtenir par refroidissement lent d’un silicate » en fusion et saturé de silice , la mise en liberté de cette silice à » l’état de quartz. » Si cela tenait à ce que l’isolement de la silice exige un refroidissement lent , il devrait, suivant M. Scheerer, s’en produire dans les coulées épaisses de lave qui se refroidissent avec beaucoup de lenteur; à la vérité M. Scheerer reconnaît lui- même que les laves des volcans actuels ne sont pas en général sa- turées de silice , et ne sont pas par conséquent dans les mêmes con- ditions de composition que les roches granitiques ; mais il ajoute que parmi les produits volcaniques il y a les obsidiennes et les ponces qui renferment près de 70 p. 100 de silice, et se rappro- chent beaucoup de la composition générale des granités. C’est très exact, mais comme ces matières sont vitreuses ou scoriacées au lieu d’être cristallisées , les conditions de leur solidification étaient défavorables à la cristallisation , et il n’y a point à s'étonner qu’il ne s’y soit pas formé de silice libre, car elle n’a pu s’isoler qu’au- tant qu’il y a eu cristallisation plus ou moins développée. SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 1027 Cependant parmi les produits volcaniques il en est qui contien- nent de la silice libre, et qui répondent directement à 1 objection de M. Scheerer, ce sont, les tracliytes dont on ne saurait contester l’origine volcanique ; beaucoup de laves des volcans actuels sont en effet de la même nature que ces roclies. Or, il y a certaines va- riétés dejxachytes , celle du Siebengebirge, par exemple , qui ren- ferment de la silice libre comme élément de la roche , quelquefois même sous forme de petits cristaux hexaédriques. J’en ai observé aussi dans des tracliytes de l’Auvergne , et dans une lave bulleuse qui paraissait être de nature trachy tique , car il s’y trouvait de très petits cristaux de feldspath vitreux (1) : si le quartz est rare dans les roches pyrogènes de la période moderne , il n’y manque cependant pas d’une manière absolue. Il est à remarquer d’ailleurs que c’est à des laves trachytiques, c’est-à-dire à celles qui contien- nent le plus de silice , que se rattachent les obsidiennes et les ponces qui en sont saturées. Je ferai observer ici que les tracliytes sont , parmi les roches vol- caniques, celles qui se rapprochent le plus des granités : 1° par la présence de l’albite et du feldspath vitreux qui correspond à l’or- those, et cristallise dans le même système ( ces trois feldspaths sont des trisilicates ) (2) ; 2° par l’existence du quartz libre dans plusieurs variétés de, tracliytes; 3° par la présence fréquente de l’amphibole et presque constante du mica dans les tracliytes et les granités. Le pyroxène augite forme pour ainsi dire le lien qui rat- tache les tracliytes aux produits volcaniques. Mais , comme on le voit , sous le rapport de la composition chimique et minéralogi- que , il n’y a pas de séparation absolue entre les deux ordres de roches : la seule différence de composition consiste en ce que les tracliytes sont généralement un peu moins riches en silice que les granités ; ils contiennent une proportion un peu plus grande de soude , de chaux et de magnésie et un peu moins de potasse. Mais ces différences sont faibles , et l’on conçoit aisément qu’en Italie les tracliytes passent aux granités, etles porphyres trachytiques aux porphyres quartzifères. Ces analogies de composi tion et ces passa- (1) J’ai même vu dans un basalte de l’Auvergne un petit noyau de quartz bien caractérisé ; mais on pourrait objecter qu’il s’est formé après coup , et non pendant la solidification de cette roche. (2) L’orthose paraît même exister quelquefois dans les roches tra- chytiques. 1028 SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. ges sont à mes yeux un des arguments les plus puissants en faveur de l’origine ignée des granités. Examinons maintenant la dernière objection de M. Sclieerer, celle qui a pour objet la présence de minéraux pyrognomiques dans le granité; M. Scheerer désigne ainsi des substances qui, à une température dépassant à peine le rouge brun , produisent un dégagement de lumière et de chaleur, et éprouvent en même temps un changement notable dans leurs propriétés physiques et chimi- ques. Plusieurs gadolinites, orthites et allanites étant pyrognomes au plus haut degré , M. Scheerer demande comment ces minéraux , qui auraient dû rester soumis longtemps après leur solidification aune haute température, peuvent offrir aujourd’hui le caractère pyrognomique. Cette difficulté me semble très facile à lever, et M. Scheerer, qui est si familiarisé avec les phénomènes de la chi- mie et de la physique, comprendra sans peine que son objection n’est pas concluante. En effet , les minéraux pyrognomiques qui ont été calcinés ont éprouvé un déplacement moléculaire, une espèce de trempe : or, ne sait-on pas que beaucoup de substances minérales qui ont éprouvé un pareil changement , tendent à la longue à revenir à leur état primitif, à reprendre leur groupement moléculaire normal. Il y en a un grand nombre d’exemples : ainsi l’acide arsénieux obtenu par sublimation est vitreux , mais lorsqu’il est abandonné à lui-même il perd de sa transparence, de sa dureté , de sa densité ; il devient d’un blanc laiteux , forme ce qu’on appelle Y acide arsénieux opaque , et acquiert ainsi un nouvel état qu’il conserve indéfiniment. Le soufre , lorsqu’il a été refroidi rapidement , ne prend-il pas aussi un état particulier qu’il tend à perdre au bout de quelques jours. Ainsi , non seulement il est possible , mais il est même probable , à en juger par analogie, que les minéraux pyrognomiques abandonnés à eux-mêmes pendant un temps plus ou moins long , et qui peut être d’un grand nombre d’années , reviennent à leur état primitif. D’ailleurs dans les con- ditions de lenteur où s’est opéré le refroidissement des roches gra- nitiques , conditions complètement différentes de celles qui ont lieu dans des expériences de laboratoire , il n’y a aucune raison de croire que les gadolinites, orthites, etc., qui se sont refroidies très lentement , doivent offrir les mêmes propriétés , le même arran- gement moléculaire que l’on observe dans les minéraux quand on les a calcinés et refroidis brusquement. J’ai discuté toutes les objections présentées par M. Scheerer; il n’en est aucune qui me semble fournir des conclusions positivement SÉANCE DU 7 JUIN 18/l7. 1029 contraires à l’origine pyrogénique du granité ; néanmoins, je serais le premier à admettre la théorie qu’il a imaginée , si elle me pa- raissait plus en harmonie avec les faits , si elle en rendait mieux raison. Cette nouvelle théorie a pour principe l’intervention de l’eau dans la solidification des roches granitiques , mais les faits qui lui servent de base sont un peu vagues et manquent de préci- sion : « Il est reconnu , dit M. Scheerer (pag. à 89), que plusieurs » des éléments du granité contiennent de l’eau : le mica , la py- » rite, le talc, l’amphibole, la tourmaline, la gadolinite, l’or- » thite et l’allanite peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à » li et 5 p. 100 d’eau combinée chimiquement. La chlorite, qui est » un élément accessoire de quelques protogynes , en contient jus- » qu’à 9 et 13 p. 100. » Je ferai d’abord observer que la plupart de ces minéraux ne se trouvent qu’ accidentellement dans les gra- nités : les éléments normaux qui constituent ces roches sont une ou habituellement deux espèces de feldspath (l’ortliose et l’albite ou l’oligoclase) , le quartz et le mica. Dans les deux espèces parti- culières de granités qui constituent la syénite et la protogyne , il y a , au lieu de mica, de l’amphibole ou du talc : l’amphibole ne contient habituellement que très peu d’eau , moins de 1 et demi p. 100 ; le mica en contient quelquefois un peu davantage de 0 à 3 et même h p. 100 , et le talc en renferme presque toujours de 2 à à p. 100 ; mais le talc n’est pas très fréquent dans les granités , de même que la chlorite ; on sait en efïet que les protogynes sont des roches peu répandues comparativement aux autres roches gra- nitiques. Entre le mica il y a dans les granités un élément principal qui renferme habituellement une petite quantité d’eau , bien que cela n’ait pas encore été signalé ; je veux parler de l’élément feld- spatliique. J’ai essayé divers feldspaths , et j’y ai presque toujours trouvé quelques millièmes d’eau ; j’ai même été incertain de savoir si les feldspaths ne renferment pas tous un peu d’eau ; mais je n’en ai pas trouvé dans un feldspath chatoyant , transparent de Frédé- ricksvern que l’on avait pris pour du labrador , mais qui , d’après mes essais, est de l’orthose ; d’autres feldspaths en contiennent de 1 à 2 millièmes , et comme ceux qui en renferment plus de 2 millièmes sont habituellement un peu opalins, peut-être la pré- sence de l’eau serait-elle l’indice d’un commencement d’altération , car à mesure que l’altération devient plus sensible, la quantité d’eau augmente rapidement. Quant au quartz des granités, je n’y ai pas trouvé plus de 1 à 1 et demi millième d’eau. D’après les quantités d’eau que renferment les trois éléments 1030 SÉANCE DU 7 JUIN ! 8/|7. principaux des granités , et cl’après les proportions dans lesquelles ils se trouvent généralement assemblés , savoir : ÙO p. 100 de feld- spath (orthose et albite ou oligoclase) ,35 de quartz et 25 de mica , on peut prévoir a priori que la plupart des granités ne doi- vent contenir qu’une petite quantité d’eau, moins de 1 p. 100. Comme ce point fondamental sert de base à la nouvelle théorie , il est nécessaire de savoir positivement quelle quantité d’eau ren- ferment les granités et les autres roches présumées plutoniques. M. Sclieerer ne paraît pas avoir fait d’expériences directes sur ce sujet , car il n’en cite aucune dans son mémoire. J’ai examiné en 18Ù5, lorsque j’ai fait mon premier travail sur les granités , un certain nombre de roches et de minéraux ; depuis cette époque j’ai fait encore quelques autres expériences sur ce sujet, et les résultats que j’ai obtenus me paraissent avoir de l’im- portance pour la question actuelle. J’ai déterminé les quantités d’eau renfermées dans beaucoup de roches plutoniques et volcani- ques , et j’ai recherché aussi dans quelle proportion l’eau se trouve distribuée entre les divers éléments des roches granitiques. J’ai réuni les principaux résultats dans le tableau qui termine ce mé- moire. J’ai indiqué dans beaucoup de cas la quantité expulsée entre 15° et 110°, pour faire voir qu’il n’y apas seulement de l’eau hygrométrique. On voit en examinant ce tableau que la plupart des roches dites pyrogènes, renferment de l’eau qui ne peut être expulsée complète- ment que par une calcination au rouge sombre ; mais beaucoup de roches n’en renferment que de très faibles quantités, comprises entre 1 et demi et h à 5 millièmes. Les granités , les pétrosilex et les porphyres quartzifères qui n’ont subi aucune trace d’altération, où le feldspath a conservé tout son éclat et sa transparence 3 m’ont toujours présenté moins de 5 millièmes d’eau. Presque toujours les roches ont subi dans leur partie superficielle un commencement d’altération qui se manifeste par une diminution dans l’éclat et la transparence du feldspath ; lorsque l’altération est devenue un peu plus forte, la lamellosité de ce minéral devient moins nette ; les cas- sures sont moins brillantes, il devient laiteux et puis tout à fait opa- que. En même temps le mica tend à se ternir, et souvent il passe du noir au vert sale ou au gris. Dans tous les cas, lorsque le granité renferme de l’eau, quelle qu’en soit l’origine, elle se trouve répartie entre le feldspath et le mica ; ce dernier élément en contient pres- que toujours beaucoup plus que le feldspath. Dans les granités et les porphyres qui sont un peu altérés, bien qu’étant encore solides SÉANCE DU 7 JUIN 1 8 Z| 7 . 1031 et non friables , la proportion d’eau peut s’élever jusqu’à 3 et même à, 70 p. 100. De même, dans les diorites en voie d’altération, la proportion d’eau augmente considérablement , et il en est proba- blement ainsi de presque toutes les roches silicatées. Relativement à l’introduction de cette eau , je pense que quand il y en a 3 ou 4 p. 100 au plus, elle est due en partie à un commencement de kaolinisation , c’est-à-dire à la disparition d’un peu de silice et d’alcali; mais les roches qui n’en contiennent pas plus de 1 à 1 et demi p. 100 me paraissent susceptibles d’absorber les premières parties d’eau sans se décomposer ; des expériences que j’ai entre- prises me démontreront plus tard si cette manière de voir est fondée. Dans les roches autres que les granités il est plus difficile de reconnaître si elles sont altérées , vu qu’elles ont habituellement très peu ou même pas de translucidité , que leurs couleurs sont un peu foncées ; cependant d’après leur degré de ténacité et leur as- pect , on peut apprécier jusqu’à un certain point si elles sont alté- rées , et lorsqu’il s’y trouve des cristaux feldspathiques , on peut, d’après leur apparence , juger s’il y a eu altération, car elle se pro- duit habituellement dans le feldspath comme dans le reste de la masse , et souvent plus encore dans le feldspath. J’ai reconnu , comme on le voit dans le tableau , que des ro- ches n’offrant pas de traces sensibles d’altération , peuvent conte- nir des quantités d’eau assez considérables ; déjà dans un mémoire publié en 1841 sur les îles Feroe (1), j’ai montré que les roches de trapp de ces îles ainsi que celles de l’Islande., de l’Ecosse et de la chaussée des Géants en Irlande, renferment de 2 à 3 et 4 p. 100 d'eau ; il y a quelques variétés de ces roches qui n’en contiennent que de 0 à 1 et demi p. 100. On voit qu’il y a aussi des quantités d’eau notables dans les porphyres pyroxéniques , les basaltes, les laves et la pierre ponce. Il m’a paru inutile de faire des essais sur les roches serpentineuses et sur les phonolites qui , comme on le sait depuis longtemps , renferment des quantités d’eau assez consi- dérables. On voit que la présence de l’eau paraît être un fait plus général dans la classe des roches dites volcaniques ou pseudo- volcaniques , que dans les roches granitiques ; néanmoins , toutes les roches volcaniques n’en renferment pas , ainsi certains trapps en sont à peu près dépourvus, il en est de même du basalte de Saint-Flour, et l’obsidienne en renferme généralement peu. (l) Ann. des mines, 3e série, t. XIX, p. 547. 1032 SÉANCE DU 7 JUIN l8/j7. La faible quantité d’eau contenue dans les granités ordinaires (abs- traction faite peut-être de quelques granités talqueux ou chloriteux), pourrait bien ne pas y avoir existé dès leur origine , mais provenir d’une réaction de l’eau contenue dans l’atmosphère, réaction ana- logue à celle qui paraît s’être exercée sur plusieurs masses de chaux sulfatées , et les avoir hydratées dans leurs parties supérieures , de même que l’oxygène atmosphérique a exercé son influence d’une manière très inégale sur les différentes roches contenant du fer à l’état de protoxyde , et les a en partie rubéfiées, formant des por- phyres ronges dans la croûte extérieure des masses, au-dessous de laquelle les mêmes roches offrent une couleur verte. 11 ne faut pas perdre de vue que nous n’avons encore pénétré qu’à une très petite profondeur dans l’écorce terrestre, que nous en avons attaqué seu- lement l’épiderme : les échantillons de feldspaths ou de granités sur lesquels nous expérimentons proviennent , soit de la surface , soit de carrières dont la profondeur atteint à peine 30 à ZiO mètres ; mais l’action des agents atmosphériques s’est fait sentir en beau- coup de points jusqu’à une profondeur de plus de 100 mètres, comme le prouvent les parties du filon d’Huelgoët dans le Finis- tère qui ont été décomposées , changées en ocre et hydrosilicates avec argent natif, chloruré et chloro-bromuré. Je me hâte d’ajouter , pour qu’on ne généralise pas trop ma pensée , que beaucoup de roches ignées , même anciennes , les serpentines, les diallagites, etc., me paraissent avoir renfermé de l’eau de combinaison dès leur origine , de même que beaucoup de trapps , de laves , etc. Quelques granités peuvent aussi avoir contenu de l’eau au moment de leur formation : la syénite zir- conienne n’en renferme généralement pas aujourd’hui en quantité notable, ainsi que cela résulte de mes essais, mais en divers points elle peut en contenir , là par exemple , où la natrolite en fait partie. En un mot , mes expériences conduisent évidemment à cette con- clusion que les granités ordinaires et les roches qui en dérivent ne renferment, pour la plupart, que de 0 à un demi p. 100 d’eau lorsqu’ils n’ofïrent pas de traces visibles d’altération , et la prove- nance de cette petite quantité d'eau est au moins incertaine : peut- être est-elle originaire, peut-être aussi est-elle le résultat d’une altération. Dans tous les cas la teneur en eau de la généralité des granités n’est pas de 1 p. 100, comme le suppose M. Scheerer, mais inférieure à un demi p. 100 , et peut-être même à un quart p. 100 pour la plupart des granités tout-à-fait intacts. Voyons maintenant si , même en admettant les prémisses de la SÉANCE 1)11 7 JUIN !8/l7. 1033 théorie , nous y trouverons une explication vraiment satisfaisante: admettons que tous les granités aient contenu dans l’origine quel- ques centièmes d’eau , ce qui n'est pas du tout démontré , com- ment cette eau aurait-t-elle pu les maintenir liquides à une tempé- rature beaucoup inférieure à leur point de fusion , et qui , suivant M. Sclieerer, n’atteignait même pas le rouge? « Il me paraît dé- » montré , dit-il p. Û92 , que les atomes des matières solides déjà » écartés les uns des autres par la simple chaleur, doivent l’être » encore plus par la vapeur d’eau qui vient s’interposer entre eux » sous une très haute pression , ce qui viendrait accélérer singu- » lièrement le passage de toute la masse à l’état liquide. » Pour moi , je ne vois pas comment de l’eau interposée entre les parti- cules des corps solides peut en opérer ou en faciliter la liquéfac- tion ; je ne connais aucun exemple que l’on puisse citer à l’appui. M. Sclieerer invoque la fonte des sels dans leur eau de cristallisa- tion, mais je ne vois aucune assimilation possible entre cet exemple et ce qui a dû se passer dans les granités ; en effet , les sels et les hydrates fondent dans leur eau de cristallisation à cause de leur solubilité dans cette eau , qui augmente généralement avec la tem- pérature, et aussi à cause de leur affinité pour cette eau qui leur per- met de la retenir jusqu’au degré de température suffisant pour que le sel se dissolve dans la quantité d’eau qu’il renferme. Or, quelle est la solubilité du quartz , du feldspath , du mica , de l’amphi- bole, etc. , dans l’eau? quelle est leur affinité pour cette substance ? Elles sont bien minimes , sinon tout à fait milles : il me paraît donc très hasardé de prétendre que le pétrosilex ou le granité ori- ginaire , c’est-à-dire des magmas de silice , de feldspath et de mica , peuvent être liquéfiés beaucoup au-dessous de leur point de fusion habituel , lorsqu’ils sont accompagnés cl’eau et soumis à une forte pression. Il ne faut pas se le dissimuler, c’est un phéno- mène de dissolution aidé, il est vrai, de la chaleur que M. Scheerer veut substituer à un phénomène de fusion ; car la fonte des sels dans leur eau de cristallisation n’est autre chose qu’une simple dissolution : or, les sels qui possèdent cette propriété contiennent tous une quantité d’eau assez considérable ; je ne connais pas de substance qui en soit douée, sans contenir plus de 10 p. 100 d’eau. Mais, M. Scheerer en convient lui-même , le granité n’a jamais pu contenir que quelques centièmes d’eau , sans quoi en la perdant il s’y serait produit des vides considérables , ce qui n’a pas lieu. Pour s’éclairer dans des questions aussi épineuses , il est bon de comparer ce qui a eu lieu autrefois avec les phénomènes que nous mil SÉANCE DU 7 JUIN J 8^7. voyons se passer sous nos yeux. Dans la plupart des éruptions vol- caniques actuelles il se dégage une grande quantité de vapeur d’eau, les laves doivent en contenir notablement au moment de leur sor- tie du cratère , et il s’en dégage de la vapeur même dix ans après qu’elles ont commencé à s épancher sous forme de coulées. L’exis- tence de cette eau interposée dans la masse pâteuse sous une forte pression , nous est parfaitement indiquée par les nombreuses ca- vités, par la structure bulleuse de la plupart des laves; c’est seu- lement quand elles se sont tassées à l’état de repos , que les parti- cules ont pu se serrer mutuellement; alors les vides produits par l’interposition de l’eau ont disparu en grande partie , mais presque jamais en totalité, et la lave est devenue plus ou moins compacte. Cependant on ne voit pas que la présence de l’eau dans les laves , en quantité pour le moins aussi grande que dans les gra- nités , produise rien de semblable à ce que suppose M. Scheerer. Des expériences ont été faites sur la température des laves, prin- cipalement par H. Davy, mais on n’a pas remarqué, du moins à ma connaissance , que ces matières soient maintenues en fusion à une température plus basse , ou plus longtemps , ou dans des conditions autres que des scories de fourneau qui seraient compo- sées de la même manière , mais privées d’eau. Or, je ne conçois pas pourquoi l’eau qui aurait pu abaisser si considérablement le point de fusion des granités n’en ferait pas autant pour les laves actuelles , surtout pour les laves tracliytiques , les obsidiennes et les ponces qui ont une composition à peu près analogue. Je ferai observer, d’ailleurs, qu’il semble peu en harmonie avec les principes de la chaleur centrale , de supposer qu’aux premières époques de la géologie , où l’écorce terrestre devait être beau- coup plus chaude que maintenant , de supposer que les roches granitiques se soient formées à une température bien plus basse que les laves actuelles qui , cependant , sont en général plus fu- sibles. Je vais ajouter quelques autres considérations qui rendent, à mon avis , peu probable l’intervention de l’eau telle qu’on la suppose dans la formation des granités : ce sont en effet de toutes les roches celles qui offrent l’état de cristallisation le plus déve- loppé. Si l'on fait abstraction de quelques variétés de pegmatites et de syénites , il est à noter que ce sont les granités qui présentent le moins de vides , qui ont la texture la plus serrée , la moins caver- neuse. Dans les autres roches il y a habituellement ou de très pe- tites cavités dans toute la masse , ou des géodes en partie creuses , en partie remplies de minéraux présentant une composition diffé- SÉANCE DU 7 JUIN Î8A7. 1035 rente de celle de l’enveloppe. Dans les granités, en général , on ne voit pas, comme dans les roches volcaniques, les trapps et les basaltes des cavités arrondies , bulliformes, annonçant l’interposition d’un gaz ou de la vapeur d eau qui a exercé sa pression sur une masse pâteuse, et souvent est entrée en combinaison avec quelques uns des minéraux qui ont cristallisé à l’intérieur des vides au moment où la température s’est abaissée. Certaines zéolites , celles qui se trouvent dans des géodes entièrement fermées , pourraient bien avoir eu une origine analogue à celle que Ml Scheerer attribue aux granités, c’est-à-dire que ces hydrosilicates auraient éprouvé une espèce de fusion aqueuse à une température inférieure au rouge , et en cristallisant ils auraient retenu en combinaison l’eau qui les accompagnait ; pour rendre cette manière de voir très probable , il suffirait de montrer que sous l’influence de la chaleur et de la pression , les zéolites acquièrent une solubilité croissante avec la température. Certaines agathes , opales et quartz résinites ont peut-être aussi été formés d’une manière analogue ; mais il faut faire attention que ces quartz sont en partie solubles dans une dissolution de potasse, tandis que le quartz des granités ne l’est pas du tout. J’ajouterai que cette origine d’une fusion aqueuse , sous l’influence de la pression et d’une température un peu élevée , quoique inférieure au rouge, ne paraît pas convenir à toutes les zéolites , car il y en a qui se trouvent dans des tufs contenant des débris organisés de végétaux et d’animaux , ou dans des fissures ou bien encore tapissant de grandes cavernes , et à la formation de ces zéolites ont dû probablement concourir des actions électro- chimiques et des phénomènes d’infiltration , de même que pour la production de la calcédoine qui forme souvent de très belles stalactites, comme je l’ai remarqué aux îlesFéroe Pour en revenir aux roches granitiques , je ferai encore observer que l’on y trouve bien plus rarement des zéolites ou des hydrosili- cates cristallisés que dans les roches volcaniques ou basaltiques. En résumé , ce qui rend difficile à admettre la théorie de M. Scheerer, c’est que : 1° la plupart des granités non altérés renferment seule- ment quelques millièmes d’eau, et que dans l’origine cette eau n’a pas pu s’y trouver dans une proportion supérieure à quelques cen- tièmes ; 2° c’est que les éléments du granité ne sont pas sensible- ment solubles dans l’eau , et ont peu d’affinité pour elle ; 3° l’eau de combinaison qui a pu s’y trouver est en quantité beaucoup trop mi- nime pour avoir pu donner lieu à une fusion aqueuse; U° le refroi- dissement des laves actuelles qui s’opère dans des conditions ana- 1036 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. logues à celles qu’implique la théorie de M. Scheerer , n’offre cependant rien de semblable à ce qui aurait dû avoir lieu d’après lui; 5° les granités ordinaires ont une structure éminemment cris- talline; ils présentent quelquefois des druses irrégulières , mais point de cavités bulliformes , et les hydrosilicates cristallisés y sont beaucoup moins communs que dans les roches dites volcaniques . Si les matières sur lesquelles M . Scheerer a raisonné eussent contenu 12 à 15 p. 100 d’eau de combinaison comme la serpentine, etsi les éléments de ces roches eussent été notablementsolubles dans l’eau, son argumentation m’eût paru plus facile à admettre , mais les granités sont dans des conditions tout à fait différentes ; aussi , tout en reconnaissant que les faits exposés par M. Scheerer sont très intéressants pour la géologie , je ne puis les regarder comme con- cluants pour la question qui était à résoudre. Je dois ajouter qu’il ne faut pas considérer sous un point de vue trop exclusif la cristallisation des minéraux que l’on trouve dans les roches granitiques ; car la chimie nous offre beaucoup d’exemples de cristallisations d’une même substance obtenues par des voies différentes. Ce serait aller trop loin si l’on prétendait que partout où on trouve du feldspath, du quartz, du mica, de l’amphi- bole, etc., ils ont cristallisé par voie de fusion. Dans mon mé- moire sur le métamorphisme , j’ai fait voir que beaucoup de mi- néraux silicatés ont pu se former et cristalliser sans entrer en fu- sion ; ainsi j’ai cité des mâcles , du disthène , etc., qui sont infu- sibles au chalumeau , et qui cependant ont cristallisé au milieu de schistes fusibles , sans que ceux-ci soient entrés en fusion , car ils renferment encore des empreintes organiques bien conservées. Le feldspath a pu aussi cristalliser dans certaines veines , druses, ro- gnons , ou bien dans des gneiss sans qu’il y ait eu ni fusion ignée, ni fusion aqueuse , mais par des phénomènes d’agrégation molécu- laire , de la même manière qu’un corps solide peut changer de forme cristalline sans avoir besoin de passer par l’état liquide. Conclusions déduites des expériences. Ce tableau montre que presque toutes les roches dites pyrogènes contiennent de l’eau de combinaison qui ne se dégage qu’entre 100° et le rouge sombre ; elles en renferment des proportions très diffé- rentes et variables entre certaines limites. Les granités ordinaires, ceux qui n’ont pas éprouvé d’altération apparente , en contiennent de 1 à 5 millièmes ; mais dès qu’une roche de cette nature a coin- SÉANCE DE 7 JUIN 1847. 4037 mencé à s’altérer, la quantité d’eau qui s’y trouve augmente rapi- dement et s’élève à 0,030 et 0,040 ; d’ailleurs, même dans les gra- nités qui paraissent intacts, la partie feldspath ique contient habi- tuellement un peu d’eau , moins cependant que le mica. Les pétro- silex et les porphyres quartzifères renferment de l’eau comme les granités et d’autant plus qu’ils ont éprouvé une altération plus prononcée. Dans les roches dioritiques non altérées il y a des proportions d’eau variant de 0,008 à 0,020 ; la plupart des roches de trapp en contiennent de 0,020 à 0,060. Dans les porphyres pyroxéniques, les basaltes et les trachytes, il y en a habituellement de 0,007 à 0,030 ; néanmoins certains basaltes, tels que celui de Saint-Flour n’en contiennent pas plus de 0,001. Dans les laves volcaniques j’en ai trouvé de 0,0045 à 0,0451. Lorsque l’on recherche la quantité d’eau contenue dans les roches et que l’on opère par calcination , il faut avoir soin de re- connaître si elles ne renferment pas de carbonate calcaire , car on pourrait avoir alors une perte plus forte que celle produite par le dégagement de l’eau ; dans ce cas il convient de doser l’eau en l’ar- rêtant dans un tube à chlorure de calcium taré à l’avance. J’ai reconnu l’existence du carbonate de chaux et de la dolomie dans beaucoup de roches pyrogènes où il est impossible d’en aper- cevoir à la loupe ; j’y suis parvenu en traitant plusieurs grammes de ces matières par l’acide acétique ; j’ai ainsi trouvé des quantités notables de dolomie, s’élevant à 0,0092 dans un granité de Stock- holm (Suède) ; à 0,0050 dans une protogyne de la vallée de l’Agly (Pyrénées orientales) ; à 0,0043 dans un pétrosilex de Sala (Suède); à 0,0130 dans une euphotide de la Savoie; à 0,0024 dans un ba- salte de Saint-Flour (Cantal) ; à 0,0062 dans une lave bulleuse et péridotifère d’Auvergne. Dans une syénite liypersthénique de Norvège, j’aî reconnu des traces de carbonate de magnésie, sans chaux et un trapp d’Ecosse m’a fourni 0,0151 d’un carbonate double contenant 34 de chaux et 18 de magnésie. J’ai constaté la présence de 0,001 à0,018 de carbonate calcaire pur ou peu ma- gnésifère, invisible à la loupe, dans 25 échantillons de roches gra- nitiques, amphiboliques , trappéennes, basaltiques, pyroxéniques, trachytiques et de laves de diverses contrées (1) : plus de la moitié des échantillons que j’ai essayés m’ont fourni du carbonate cal- (1) Les échantillons que j’ai soumis à mes essais ne sont pas tous inscrits sur le tableau ci-dessus. 1038 SÉANCE DU 7 JUIN 18Zl7. caire. Ainsi, indépendamment des silicates, les roches pyrogènes contiennent un peu d’eau et fort souvent de petites quantités de carbonates terreux qui paraissent en avoir fait partie dès l’origine et ne point résulter d’infiltrations ; fréquemment aussi elles ren- ferment, comme on le sait déjà, de petites quantités de phospha- tes, de chlorures, de fluorures , de sulfures et des sulfarséniures. La propriété magnétique est beaucoup plus commune dans ces roches qu’on ne le croit en général; les granités seuls sont rare- ment magnétiques; mais sur 38 échantillons de diorites, trapps, basaltes, porphyres pyroxéniques , trachytes et laves que j’ai es- sayés, j’en ai trouvé quatre seulement qui fussent sans action sur l’aiguille aimantée. Le magnétisme de ces roches paraît dû en général à la présence d’une petite quantité de fer oxidulé et quel- quefois de fer titane ou de pyrite magnétique. D’ailleurs il est remarquable que presque toutes les roches cris- tallines , même celles qui ne sont pas magnétiques , cèdent un peu d’oxyde de fer à l’acide acétique bouillant; quand on les calcine, elles prennent presque constamment une teinte rougeâtre ou rosée. Cette rubéfaction paraît due , au moins dans beaucoup de cas, à une peroxidation du fer qui se trouve dans presque toutes les ro- ches, partie à l’état de peroxyde, partie à l’état de protoxyde; la rubéfaction est en général moins prononcée à l’intérieur de la masse calcinée que dans les parties extérieures. Je terminerai ce Mémoire en ajoutant que Foligoclase , cette espèce feldspathique , qui a été observée d’abord dans les roches granitiques du nord de l’Europe , se trouve aussi , mais en moindre quantité, dans celles de la France ; ainsi j’en ai reconnu des lames dans une syénite des Vosges et dans plusieurs granités des Alpes, des Pyrénées et de l’ouest de la France. Légende de la figure -1 . Vue d’un fragment de pegmatite contenant du feldspath, du quartz et de la tourmaline (vallée de Suc, Ariège). F feldspath , Q quartz , T tourmaline. E portion de la tourmaline qui a marqué son empreinte sur le quartz. b , U veinules de tourmaline interposées entre le quartz et le feldspath. Légende de la figure 2. Vue d’un fragment de granité de Brodbo, près Falun (Suède), con~ SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1039 tenant du feldspath albite, du quartz , du mica blanc et des noyaux prismatiques de gadolinite. F feldspath albite, Q quartz, G gadolinite, qm mélange intime de quartz , de petits feuillets de mica blancs et d’un peu d’albite. Légende de la figure 3 . Vue d’un fdon granitique, dessinée près l’usine à cobalt de Snarum (Norvège). F feldspath orthose pénétrant par des pointements à l’intérieur du filon. Q quartz hyalin formant la partie centrale du filon et répandu sous forme de noyaux cristallins au milieu de la masse feldspathique. 1040 SÉANCE DU 7 JUIN 1847 Eau contenue dans les éléments de la roche. § §22 §2 o" OOt." o o : ê ■ : . § : , J |« : fi M|| o b-cyg o< f Orthose. . . 0,18 1 Amphibole et mica- . 0,15 f Feldspath. . 1,10 1 Chlorite et ' talc. . . . 5,24 ' f ’a.iquios *s 1 aSnoa aj la ocj aj|ua î§ S 2g 3 22 § o’ o" o" o' o* o o £ § 3 o cT o* $ Ê § o o ; « ^ *OOOI I3 «RI 3J1H9 O * « S O O a A o s a « s W ( *d *S8J9)ll!UI0|0p x ) i3 ‘saiajuBDicj « S a Osa Q d « * c. c. D. o j -fl lsanb;ipnScui uou \ : ‘sanbponSeui £ Sa Is gfc » Ma. N. N. S5 £ APPARENCE d’altération. [ Pas d’altération | sensible. . . . ( Altération fai- ble, feldspath { laiteux. . . . Idem. ..... Idem Pas d’altéralion sensible.. . . Idem Altération très faible, feld- spath laiteux. 1 Pas d’altération ] 1 sensible. ... J Idem i Feldspath blanc laiteux. . . . Idem Idem Un peu altéré. ! NATURE ET ASPECT DES ÉLÉMENTS DE LA ROCHE. A grands cristaux d’orthose, enchâssés dans une masse à i grains moyens, feldspathiques, quarlzeux et micacés, j A grandes lames d’orlhose blanc avec quartz et quel- 1 ques larges feuillets de mica vert j A grains moyens; les cléments s’y trouvent dans les ( feldspath, 45 0/0 ) (i) proportions à peu normales < quartz, 35 ) . . ( mica, 20 ; Très feldspathique et peu micacé, avec lames d’or- those et d’oligoclase A grandes lames d’orthose et d’oligoclase, peu micacé. Avec albite blanc, mica blanc et gadolinite noire. . A petits grains, proportions normales A très grands éléments, contenant environ les 2/5 de ) feldspath, 1/3 d’amphibole et mica, très peu de » quartz j En masses lamelleuses dans la syénite zirconienne. . | A grains un peu gros, avec feldspath blanc, horn- i blende noire et un peu de mica verdâtre j Contenant environ 50 0/0 de parties feldspathiques blanches, 35 de quartz et 18 à 20 de feuillets verts chloriteux et talqueux Contenant environ 65 0/0 de parties feldspathiques blanches, 50 à 55 0/0 de chlorite, fort peu de quartz. Contenant environ 45 0/0 de parties feldspathiques ■ blanches et rosées , 50 0/0 de quartz et 25 de chlo- 1 rite et talc | 1 NOMS DES ROCHES. Granité Pegmatile Granité Idem Idem Idem Idem Syénite zirconienne. . Orthose chatoyant qui a été pris pour du labrador Syénite Protogyue Granité chloriteux. . . Protogyne 1 S i o o >5 u w Q /Lanildut près Brest (Finis- ' 1ère) Mézières ( IlIc-et-'Vilaine). 1 Béeanne environs de Com- 1 bourg (Ille-et-Vilaine). . 1 Près Chei bourg (Manche). 1 Sjosa , près Nykoping [ (Suède) Brodbo. prèsFalun(Suède). Stockholm (Suède) i \ r Fredericksvern (Norvège), i Idem | Vallée d’Ossau (Basses-Py- 1 rénées) f Savoie \ Près Tarascon (Ariége). . \ Vallée del'Agly (Pyrénées- f Orientales'' f a § 1 "-il •sopiciuSad ta saïunuQ •saiiua^s ’sauiSojo.ij — jN SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1041 J\ii désigné par l’expression de feldspath et feldspathique en général toutes les substances se rattachant au groupe des feldspaths. 1042 SÉANCE DU 7 JUIN 4847 •ajqujos aSnoj aj ogj. ai]ua •oQOI î3 oqi 3.W13 •q ‘sajajujiuojop ! □ ‘sa.iajURaiRO ^ "U ‘sanbiian.âcm uou f -H ‘s ‘sanbiiauSem sinoo-^suo^a ~a '« ¥ O E "1 '2 "? or S fl? « ü s 10 CP1. JJ 2 OJ "S a 5 5. o eu o 3 y * o a,» - ,-2 "ïi 6 ju Jj o &Z .2"® o 33 -r o Soi S 3 JA» 2 o 1.2*5 -2 — C g 3 » g.2 «> S- « ; « P- < s a, 5" § • £ c.'— o o ” S u *■ d a) -3 33 "3 33 T3 "3 -3 ,5 £ J? = ! « b 3.2 = B îêJ 5 = v ~ 2 « *2 — a ^ S 3 - es = a; a> P“> Qj 2 £ u c r> S O «5 S o !» H « c/3 W < u O •saiiqdo •sanbiu^ijjsjDdiîii JS ssnbjSejiEip saqsoy •sddejx •saqcseq no sanb|naxojid sajiqdjoj SÉANCE DU 7 JUIN 1847 1043 - - « - 1 1 a O O © © © © — — © 50 «5 © — © © © I- O Ï.O © © © SG SO si» -st 00 «o © ©__ O SI ■*»’ sf or to 1>‘ -T» «H ©" ©' © ï^"©' 10 I"* -r. © © © * â « a a 5 a a a a 5 O ?: - a | d s « s a a a’ d P d. s a « * » a 35 à ^ S * - ? S a ssssss a 'à a a 2 A •;•••* 0-J, »TJ • oJ • • • • » « O •■« • » • • . . S ■ * eu " « • ’ -a ‘ ■ Wl . C3 • • , G 3 u • -v <3 ^ • • ri * •* ; 3 • g ■ • . • • *> . # « • • • • * « " ! O • 'oj P» •s ;« 3 " ! ■g £ x « * * *3 P • -O . . . * • • • é -Jr | • ; Sf.S" ^ ’ S • : , -3 . U g 'g « oJ • 2 • 2 ” iL ; 2 • « X fl *.“ • « c P •- ,g h .3 5 • . CQ . ^ • m '.lad '. 'O M S» ! . •«{ • <5 • B • CQ • « b # CQ g m'P • “» * CO * eu ‘ '2 ] • • £5 0» * ! "3 5T O, . 3 . •* • ôt ^ • CJ QJ * O reuse er). . ne. . • g* * o, • "© ‘ ^ ] o ' O Si pfi .70 « • w 3 0J © «U • • » £d C CJD • J • G é • C3 * r» ’ . * • s 1* ai O b 'tï O • • ' • £ < o • a» a ©> S. *3 h an « ' S > 3 < « o- "3 2 H S T3 % g S S O c/) O f Auvei 1 t Idem | Idem "Vésuv Idem V Hécla — 3 C S U J / Idem, i Idem | Idem 1 •sayAip 'EJX •saiipiaj •saiij -ouoq^ •saAcq "S9UU9ip -isqo •S9DU0J t) J’ai inscrit les noms de* chimistes auxquels j'ai emprunté les résultats publiés par eux concernant la teneur eu eau de huit substances; toutes les autres expériences ont été faites uni. 10 kh SÉANCE DU 7 JUIN 1SZ|7. M. Desor adresse h M. le secrétaire pour l’étranger la note suivante : A bord de la Sylvie , de Grasse , le 1 1 mai 1847. Notre traversée m’a fourni l’occasion de faire quelques observa- tions sur les différentes espèces de glaces flottantes que les marins désignent sous les noms de ice-bergs et floating-ice ou drift-ice. Nous aperçûmes les premiers ice-bergs , le 16 mars, par û6°,30 lat. et 51° long. O. de Paris. Leur présence à pareille époque dans ces parages nous surprit fort ; car d’ordinaire ils ne se montrent pas avant le mois de mai. Dans le nombre il y en avait d’ énor- mes , bien que le capitaine m’assurât qu’ils n’étaient rien en com- paraison de ceux qu’on voit en été. J’en remarquai quelques uns qui avaient près de 60 mètres de longueur et 25 de hauteur ; mais la plupart n’avaient que 15 à 20 mètres de long , et s’élevaient de 8 à 10 mètres au-dessus de l’eau. Les plus grands avaient des formes anguleuses et massives ; les petits , au contraire , étaient rongés et façonnés de la manière la plus bizarre. On aurait dit des aiguilles flottantes de glacier. Leur teinte était d’un azur mat tirant au vert. Un seul de ces glaçons passa assez près de nous pour me permettre d’en observer la structure. J’y reconnus dis- tinctement une disposition par couches ou bandes parallèles , les unes étant d’une couleur sale et mate , les autres d’une teinte trans- parente. Cette disposition, jointe à la grande épaisseur des blocs, est une nouvelle preuve que ces glaces flottantes ne sont pas for- mées sur des fleu ves , mais que ce sont des débris des glaciers po- laires (1). La température de la mer était de -J- 2", l’air était de + 0°,2. J’ai observé attentivement l’allure de ces glaces flottantes , et j’ai vu que leur direction n’est pas constante, mais qu elles se balan- cent en tous sens , tournant tantôt à droite , tantôt à gauche , sui- vant le mouvement de la vague. Par conséquent, si elles étaient tapissées de sable et de gravier à leur face inférieure, et qu’en passant sur des bas-fonds ce gravier traçât des stries sur la roche solide , ces stries ne seraient pas bien constantes , mais elles présenteraient toutes sortes de courbures et d’ondulations correspondant aux mouvements des glaces flottantes. Cette considération n’est pas (1) Les marins connaissent cette disposition par couches parallèles; mais ils l’expliquent d’une manière erronée , en prétendant qu’elle est due au mélange de glace d’eau douce avec la glace d’eau de mer. SÉANCE 1)U 7 JUIN 1847 . 1045 sans importance pour l’étude du phénomène erratique ; car, s’il était vrai que des glaces flottantes eussent jamais produit des sul- eatures , (ce dont je doute, pour ma part ,) ce ne pourrait être que des sulcatures irrégulières et onduleuses , et l’on ne saurait en au- cune façon leur attribuer ces sillons réguliers et rectilignes qui se trouvent à la surface du sol , dans un grand nombre de localités, surtout en Scandinavie. Le 20 mars, par lat. 42° et long. 49° O. de Greenwich, et en approchant du banc de Terre-Neuve , nous avons rencontré d’au- tres glaces , non plus des ice-bergs mais des ice-fields. Ce sont des glaçons en tout point semblables à ceux que la Seine charriait le mois dernier , avec ces mêmes rebords saillants dont nous avons observé la formation du haut de vos fenêtres , et qui proviennent du choc des fragments les uns contre les autres. Leurs dimensions n’étaient pas très considérables ; ils étaient même , en somme , plus petits que ceux de la Seine ; les plus grands n’avaient pas plus de !\ ou 5 pieds, et leur épaisseur ne dépassait pas 1 pied. La mer en était couverte sur une étendue de plusieurs lieues; ils étaient groupés par grandes bandes , au milieu desquelles se trou- vaient des espaces qui en étaient dégarnis et où la mer était plus calme qu’ ailleurs. Je mesurai à plusieurs reprises la température de la mer, et le 20 mars je la trouvai : À 7 h. du matin, aux abords des premiers'^ glaçons — 1,5 A 8 h. au milieu d’une bande déglaçons — 2,5 — Dans un espace libre , mais entouré de bandes de glaçons. — 2 À midi, après avoir perdu de vue les glaces — 2 À 6 1/2 h. du soir.. .... — 1 C. Temp. de l’air . — 1° Air — 2° A mesure que nous nous éloignions du banc de Terre-Neuve la température de la mer augmenta. Le lendemain , 2i mars, par Ù2°,5Ù lat. et 57°, Ù6 long., je trouvais déjà : Air — 1°,8 Mer 0 A 1 Air Mer — 1 ",5 + 1 Quelle est l’origine de cette glace? Mon opinion était que c’est de la glace de rivière , car elle a la même apparence et la même structure que la glace d’eau ordinaire , comme je m’en suis assuré en en examinant attentivement plusieurs fragments. Or, comme SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 4046 ces glaces se trouvent dans le prolongement S.-E. de l’embou- chure du Saint-Laurent , il me paraît tout naturel qu elles aient été poussées jusqu’ici par les vents du N.-O. , qui sont très fré- quents à cette saison. Mais telle n’est pas l’opinion de notre capi- taine. M. Rich. Il pense que c’est de glace de mer , formée, sous la forme de grundeis , sur le banc de Terre-Neuve , où , la mer étant peu profonde , l’eau se refroidit plus qu’au large , témoin mes propres observations , qui indiquent une température de — 2° et — 2°, 5 (1). Il m’objecte en outre que les rivières qui au- raient pu fournir cette glace ne sont pas encore ouvertes. D’ail- leurs, le fussent-elles , la quantité de glace que nous avons vue est trop considérable pour qu’on puisse lui attribuer cette origine. Il faut convenir qu’il y a bien là quelque difficulté et que la question n’est pas encore entièrement résolue. Réponse de M. Frapolli à la lettre écrite d’ Amérique par M . Desor. Je suis heureux de pouvoir témoigner le plaisir que j éprouve en entendant les belles observations que M. Desor vient de faire dans sa traversée sur les glaces flottantes, et surtout cette distinction entre les glaces qui proviennent des glaciers polaires et celles qui se forment dans les fleuves ou bien au fond de la mer, sous forme de grundeis. C’est là un fait qui est complètement d’accord avec l’idée que je m’étais faite de tout cela quand j’étais dans le Nord , et sur lequel M. Forchhammer revient dans une lettre remplie d’observations intéressantes, et que j’aurai l’honneur de communi- quer à la Société dans la séance prochaine. Je prendrai seulement la liberté de faire observer que les objections renfermées dans la lettre de M. Desor contre la théorie des glaces flottantes ne sau- raient avoir le poids qu’il leur attribue , car le mouvement des vagues au milieu d’une vaste et profonde mer ne ressemble aucu- nement, il s’en faut de beaucoup , à leur action sur les côtes; et que d’ailleurs c’est précisément cette marche incertaine des stries, cette divergence, qui est en rapport constant avec les contours des côtes , ces courbures et les ondulations que les stries présentent dans certains cas , qui s’opposent sans retour à ce que nous puis- sions admettre sur le sol ondulé de la Scandinavie la formation des stries par les courants géologiques , la seule , parmi les explica- tions données jusqu’à présent, qui ne soit pas en contradiction avec (1) C’est aussi l’opinion des naturalistes de Boston. SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 1047 tout le reste de la science. C’est précisément cette variabilité dans la disposition des stries que nous nous étonnons qui ait échappé à bon nombre de voyageurs. C’est cette divergence apparemment déréglée des stries autour des plateaux Scandinaves , qui est venue jeter dans l’esprit de M. Durocher le doute à l’égard des idées de Sefstrom , et qui lui faisait admettre la nécessité d’un nouveau voyage afin de pouvoir en tirer une théorie conforme à la multiplicité des faits (séance du 2 novembre 18ù6). Pourquoi tant de théories diver- gentes ? Cela dépend toujours du même défaut, défaut que de Saus- sure reprochait aux naturalistes de son temps , c’est que la plupart des voyageurs n’ont vu le phénomène qu’au microscope. M. Sef- strôm a vu que , dans la Dalécarlie et dans les environs de Stock- holm , les stries couraient moyennement du nord au sud , et il a songé à son courant polaire ; il ne s’est pas embarrassé de ce qui avait lieu sur les côtes de la Norvège ou de la Laponie. D’autres naturalistes ont vu le parallélisme des stries aussi loin que la portée de leur vue , et ils ont cru qu’elles étaient partout parallèles. D ’ autres , ayant remarqué que les stries changeaient suivant les côtes, et n ayant égard qu’à leur pays, ont dit qu’elles étaient l'effet de l’eau. D’autres observateurs, enfin, ont étudié un gla- cier des Alpes , quelques vallées des Alpes où les glaciers se sont étendus autrefois , quelques moraines ayant plusieurs centaines de pieds de dimension , et ils en ont déduit un vaste linceul qui au- rait enveloppé de sa couleur blafarde le globe terrestre pendant des milliers d’années ; ils ont pris les immenses dépôts meubles des plaines de l’Europe septentrionale et en ont fait un pêle-mêle de moraines glacières. Et c’est après cela qu’on a pu dire qu’ils s’é- taient tenus aux conclusions rigoureuses fournies par une sage et prudente marche du connu à l’inconnu ! M. Ed. Collomb adresse à M. le secrétaire pour l’étranger la lettre suivante sur les neiges des Vosges : Wesserling, 5 mai 1847. J’ai déjà fait plusieurs courses sur nos montagnes; le névé couvre tous nos sommets avec une persistance telle , que les an- ciens du pays ne se rappellent pas l’avoir vu aussi bas , à cette époque de l’année, depuis 1816. Dimanche dernier, par consé- quent le 2 mai , j’ai pu juger, du sommet du Hoheneck , de la masse considérable de neige qui couvre encore toute la chaîne. Sur tous les versants N. elle se maintient à un niveau moyen 1048 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. de 850 à 900 mètres; sur les versants E., à 950 — 1,000 mètres, et sur les versants S. et O. , elle est à peu près à 1,000 mètres. Vue à grande distance, la ligne des neiges décrit une droite ho- rizontale ; mais cette ligne , prise , par exemple , sur les flancs d’une vallée de 10 à 12 kilomètres de longueur, s’écarte de l’hori- zontale ; elle plonge de plusieurs degrés vers le centre de la chaîne. La zone neigeuse est , par conséquent , plus large sur le Hoheneck et le Rothenbach , qui sont des montagnes centrales , que sur les ballons , qui sont placés aux extrémités du système , et qui sont cependant plus élevés d’un centaine de mètres. Le Hoheneck, pris comme centre , est une espèce de pôle neigeux où sont venues se condenser les plus grandes masses. Si on les examine déplus près, on remarque que ces neiges sont, de préférence , accumulées en grande masse sur toutes les pentes du revers oriental ; partout où un col se présente , la neige sur- plombe et forme corniche , exactement comme vous avez pu le remarquer l’été dernier sur les crêtes dentelées qui bordent le glacier de l’Aar. Le surplomb est quelquefois porté à la distance de plusieurs mètres , et de longs glaçons pendent sous cette voûte de neige et font l’effet de gros tuyaux d’orgues. A la distance de 5 ou 6 mè- tres du bord de la corniche , il y a fréquemment une fente longi- tudinale de 8 à 10 centimètres de largeur ; cette crevasse se pro- longe dans toute l’épaisseur de la masse , ce dont on peut s’assurer, parce que sur certains points la corniche de neige s’est détachée et a formé le noyau d’une avalanche. On peut alors voir la tranche dans toute son épaisseur ; sa partie inférieure est transformée en glace bulleuse d’une épaisseur qui varie beaucoup, mais qu’on peut porter, en moyenne, de 30 à 40 centimètres. Pour ce dernier fait , il faut tenir compte de l’époque de l’année où l’observation a lieu. Aux mois de février et de mars derniers, j’ai fait plusieurs observations analogues sur nos sommets et nos cols élevés , et je n’ai pas remarqué l’existence de cette couche de glace bulleuse ; les neiges étaient , à cette époque , transformées en névé , mais la glace bulleuse n’existait pas encore. Les avalanches ont été fréquentes cet hiver dans nos monta- gnes ; j’en ai traversé quatre dimanche dernier au fond de Wilden- stein ; elles sont descendues du sommet du Rheinkopf (1,319 mè- tres) , en ravageant un peu les forêts inférieures , sans toutefois avoir eu la force suffisante pour détruire les arbres de plus de 20 centimètres de diamètre. Mais sur le revers opposé de ce même Rheinkopf , dans la vallée de Munster, elles ont eu une force des- SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1049 tructive beaucoup plus considérable. Une de ces avalanches entre autres , tombée dans le courant du mois de janvier, a enlevé une bande représentant une surface de plusieurs hectares de forêt de sapins et de hêtres. Le sol est complètement rasé , mis à nu : pas un arbre n’est resté debout sur toute la ligne du trajet parcouru , et il y en avait dans le nombre d’un assez fort calibre , ce qui donne à augurer que l’avalanche était animée d’une assez grande vitesse au moment de sa chute. Si elle était descendue avec len- teur, comme je l’ai remarqué ailleurs, les jeunes arbres eussent été pliés et non cassés. Le trajet parcouru est , en ligne droite , de 1,500 mètres , et la pente en moyenne de 46 pour 100. Dans nos montagnes , il faut distinguer les avalanches qui tom- bent en hiver de celles qui tombent au printemps. Au mois de janvier, la neige est sèche, elle se forme en boules , elle se roule sur elle-même et se précipite sur les pentes avec une force irrésis- tible. Au printemps , le phénomène prend un autre aspect les névés se transforment , par le fait de leur chute , en une masse pâ- teuse, qui se charge de boue en passant ; cette masse se meut alors à pente égale avec beaucoup plus de lenteur et ne fait pas autant de ravages dans jles forêts. En examinant , dans le mois de mai ou de juin , le résidu d’une avalanche , au pied d’un couloir, on peut re- connaître , jusqu’à un certain point , à quelle époque de l’année elle est tombée , par la nature et la forme des matériaux qui res- tent sur place. M. Boué écrit à M. de Wegmann : Il est parti de Constantinople , au mois de mai dernier , pour le Taurus et la Mésopotamie , une caravane de savants et demi-savants , en bonne partie turcs. A la tête se trouve un Alle- mand , M. Schwarzenbach. Les Turcs sont des élèves de l’école de Galata-Seraï , et en particulier un élève du colonel de Hauslab , qui avait déjà manifesté à ce dernier beaucoup de goût pour l’é- tude des antiquités , dans un voyage fait ensemble à Pompéia. Ces voyageurs doivent se livrer à des mesures de hauteur, des recher- ches sur les antiquités, sur l’ethnographie, la géographie, et je pense aussi , sur la géologie. C’est la première expédition turque en- treprise dans un but scientifique. M. Damour lit le Mémoire suivant : 1050 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. Nouvelles analyses de la prédazzite et des produits qui résultent de sa décomposition > La prédazzite , substance minérale trouvée à Predazzo , dans le Tyrol méridional, a été décrite et analysée pour la première fois par M. Léonardi , à qui la science est redevable d’utiles observa- tions. Les résultats de cette analyse ont été traduits en formules par M. Petzholdt, et ce minéral a été classé comme constituant une dolomie hydratée ( Beitrdge zur Geognosie von Tyrol , Leipzig, 1843 , § 194), Par suite d’un travail spécial sur l’origine géologique des dolo- mies , M. Fournet , ayant conçu quelques doutes sur la composition de la prédazzite , a désiré que cette substance fût soumise à un nouvel examen et a bien voulu m’adresser à cet effet un échan- tillon très pur qu’il avait pris soin de détacher des parties centrales de la masse. 11 m’a remis également d’autres échantillons choisis sur les bords et formant ainsi une croûte extérieure , puis une ma- tière en concrétions blanches , recueillie dans les fissures de cette même masse. J’ai étudié successivement ces différentes matières ; je vais expo- ser le résultat des essais et des analyses auxquels j’ai cru devoir les soumettre. Prédazzite pure , détachée des parties centrales de la masse. Cette substance , au premier aspect , ressemble à un marbre saccharoïde blanc , à grains très serrés ; sa dureté est égale à celle du calcaire ; elle présente plus de ténacité que le marbre ; j’ai trouvé sa pesanteur spécifique égale à 2,57. Si on l’examine à la loupe , on remarque qu’elle est pénétrée en tous sens par des lamelles qui présentent l’éclat du gypse cristallin ou de l’hydrate de magnésie naturel. Rougie dans un tube , la prédazzite laisse dégager une quantité notable d’eau qui n’exerce aucune réaction sur le papier de tour- nesol. La matière ainsi calcinée présente à sa surface , après le re- froidissement , une multitude de petits mamelons blanchâtres qui ressemblent à une substance efifleurie. L’acide chlorhydrique dissout la prédazzite avec rapidité en produisant une vive effervescence ; une faible quantité de silice en grains reste inattaquée. L’acide sulfurique faible , mis en contact avec le minéral non SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1051 pulvérisé , l’attaque partiellement et produit d’abord une effer- vescence. Bientôt cette effervescence s’arrête , et l’on remarque , après un quart d’heure d’action , un grand nombre de vacuoles uniformément réparties à la surface du minéral. Présumant que la prédazzite pouvait être un calcaire pénétré de lamelles gypseuses, j’ai tâché d’y constater la présence de l’acide sulfurique ; le résultat de cet essai a été complètement négatif. Traité par l’acide acétique . le minéral se dissout avec efferves- cence et assez rapidement. M. Fournet , qui a plusieurs fois em- ployé ce réactif pour distinguer le carbonate de chaux des dolomies, a reconnu que ces dernières exigent pour s’y dissoudre un laps de temps considérable. Une analyse qualitative préalable m’a démontré que le minéral était essentiellement formé d’acide carbonique , de chaux , de ma- gnésie et d’eau ; qu’il contenait de plus une faible quantité de silice en grains et d’oxyde de fer. L’eau a été déterminée directement : l«r- du minéral chauffé au rouge sombre dans un tube fermé à une extrémité et joint à un autre tube rempli de ponce sulfurique a perdu par cette calci- nation 0Br-,1100. Le tube où l’eau a été recueillie a subi une augmentation de poids de 0gr',1050. Une seconde expérience a donné, pour la quantité d’eau recueil- lie , 0§r-,1089. L’acide carbonique a été également dosé directement. lsr-,0000 de matière a été attaqué par l’acide chlorhydrique, dans un ballon de verre communiquant avec un appareil composé de tubes laveurs , de tubes à dessécher, de tubes de Liebig garnis de potasse liquide et de potasse en fragments , analogues aux appa- reils dont on se sert dans les analyses de matières combustibles. Les tubes à potasse pesaient : Avant l’opération . 78sr,6030 Après l’opération 78gr-,8530 Augmentation du poids due à l’acide carbo- nique absorbé 0sr,2500 Un second dosage , effectué par le même procédé , m’a donné 0=r*,26/i0 d’acide carbonique. Pour déterminer l’oxyde de fer, la chaux et la magnésie, lsr*, 0000 du minéral a été dissous dans l’àcide chlorhydrique , la liqueur évaporée à siccité et le résidu sec repris par l’eau acidulée. Un faible dépôt siliceux a été séparé. La liqueur acide étant saturée 1052 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. d’ammoniaque , il s’est précipité de l’oxyde ferrique contenant un peu de magnésie. Cet oxyde a été dissous sur le filtre avec la ma- gnésie , précipité de nouveau par l’ammoniaque , puis séché et pesé. Les liqueurs séparées de l’oxyde ferrique étant réunies, la chaux a été précipitée par l’oxalate d’ammoniaque. L’oxalate de chaux a été transformé en carbonate , puis en sulfate. Le poids de ce sel a servi à évaluer la proportion de la chaux. La liqueur séparée de l’oxalate de chaux a été évaporée à siccité, et le résidu chauffe au rouge pour chasser le sel ammoniac mêlé à la magnésie. Le chlorure magnésique resté fixe a été dissous dans l’eau et décomposé par l’acide sulfurique. Le sulfate magnésique qui en est résulté a été desséché et rougi dans un creuset de platine à plusieurs reprises, jusqu’à ce que son poids demeurât invariable. La proportion de ce sel a servi à déterminer la quantité de la ma- gnésie. Le dosage étant effectué , je me suis assuré que le sel ma- gnésique se redissolvait aisément dans l’eau pure en dégageant une vive chaleur. Ainsi , en effectuant le dosage direct de chacun des éléments de la prédazzite , j’ai obtenu, sur lsr*,0000 : Ire Analyse. 2e Analyse. Acide carbonique. . 0,2500 . . . . 0,2640 Chaux 0,3542 . . . . 0,3547 Magnésie 0,2432 . . . . 0,2461 Eau 0,1089 . . . . 0,1050 Oxyde ferrique. . . 0,0045 . . . . 0,0050 Silice 0,0060 . . . . 0,0055 0,9707 . . . . 0,9803 La perte qu’on remarque sur ces deux analyses , et notamment sur la première , affecte principalement le dosage de l’acide carbo- nique. Si , en effet , on calcule la quantité de cet acide d’après la proportion de chaux supposée à l’état de carbonate neutre ( Ca C ), l’analyse devrait présenter 0§'-,2751 d’acide carbonique au lieu de 0sr',2500 et 0&r-,2640. Cette différence de 1 à 2 centigrammes tient d’abord à la difficulté de doser directement l’acide carbonique sans perte , et aussi aux mélanges variables que la prédazzite peut contenir dans les diverses parties d’un même échantillon. Supposant donc la chaux à l’état Ca C , l’analyse devra se pré- senter ainsi : SÉANCE DU 7 JUIN 18^7. 1053 '1 rr Analyse. Carbon, de chaux. 0,6293 Hyd. de magnésie. 0,3521 ( Ac. carbon. 0,2751 (Chaux.. . . 0,3542 [Eau 0,1089 (Magnésie. . 9,2432 Oxyde ferrique. . 0,0045 Silice 0,0060 Oxygène. — 0,1990 — 0,0995 — 0,0968 — 0,0941 Rapport. — 2 — 1 — 1 — 1 0,9919 2 e Analyse . Rapport. - 2 - 1 - 1 - 1 Oxyde ferrique. . 0,0050 Silice 0,0055 Carbon, de chaux. 0,6299 Ac. carbon. 0,2752 Chaux.. . . 0,3547 TT j j , • A OK., (Eau.. . . . 0,1050 Hyd. de magnes, e. 0,3511 ( sje_ _ Oxygène. 0,1991 0,0996 0,0933 0,0952 0,9915 La prédazzite ne serait ainsi qu’un carbonate de chaux ordinaire contenant un mélange mécanique d’hydrate de magnésie. Les ca- ractères extérieurs du minéral concourent à rendre cette supposi- tion très vraisemblable. Yoici maintenant les résultats de l’analyse de M. Léonardi. L’échantillon a donné par la calcination 0sr-,0698 d’eau. Repre- nant ensuite la matière ainsi privée d’eau, M. Léonardi a trouvé qu’elle contenait Carbonate de chaux. ....... 0,6870 Carbonate de magnésie. ..... 0,3030 Silice, alumine et oxyde de fer. . 0,0100 1,0000 D’après ces données , M. Petzlioldt a présumé que le minéral analysé par M. Léonardi était un hydrocarbonate de chaux et de magnésie ayant pour formule : ( 2 C« C + + Cette formule donnerait : 1054 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. Carbonate de chaus . . M»>{ J”“„ Carbonate J. ma,. Mo. ».»■>{ {^SîT: fc'lïî Eau. 0,0592 1,0000 Cette hypothèse ne saurait s’accorder avec les résultats de mes analyses. M. Petzholdt admet que la chaux et la magnésie du mi- néral sont saturées par l’acide carbonique ; de mon côté , je trouve une quantité d’acide carbonique seulement suffisante pour saturer la chaux. Le mode d’analyse suivi par M. Léonardi pourrait donner raison de ce désaccord. L’hydrate magnésique contenu dans le minéral , étant décomposé par la calcination , a laissé de la magnésie caus- tique qui absorbe assez rapidement l’acide carbonique de l’air. Si la masse calcinée est restée quelque temps au contact de l’air, il a dû se former du carbonate magnésique. Je ferai aussi remarquer que la magnésie et l’eau déterminées dans cette analyse présentent entre elles le rapport approché de 1 à 1 , qui constitue l’hydrate magnésique. Ces considérations , jointes aux résultats exposés ci-dessus , m’a- mènent à conclure que la prédazzite ne doit pas former une espèce minérale distincte , mais qu’elle représente plutôt une roche cal- caire renfermant un mélange d’hydrate magnésique. Prédazzite détachée des bords cle la masse. Cette matière se montre en masses poreuses d’un blanc jaunâtre ; vue à la loupe , elle présente une multitude de vacuoles uniformé- ment réparties à sa surface ; elle se laisse rayer et écraser plus faci- lement que la prédazzite saine. Placée dans l’eau , elle laisse dégager des bulles d’air qui pro- duisent un sifflement ; elle se dissout avec facilité et avec une vive effervescence dans les acides nitrique, chlorhydrique et acétique. Son analyse , faite par les procédés ordinaires , a donné : Eau hydroscopique.. Eau combinée. . . . Magnésie. . . . . . Carbonate de chaux. Silice. Oxyde ferrique . . . Oxygène. 0,0050 0,0140 — 0,0124 0,0300 — 0,0116 0,9281 0,0150 0,0085 Rapports. — 1 — 1 0,9976 4055 SÉANCE DU 7 JUIN 18ZÏ7, On voit que cette matière , par suite de la disparition de l’hy- drate magnésique quelle contenait primitivement, n’offre plus qu’un squelette de carbonate de chaux. Les faibles quantités de magnésie et d’eau quelle retient encore conservent entre elles le rapport de 1 à 1 . Hydrocarbonate de magnésie. Pour compléter les recherches sur la prédazzite , il restait à étu- dier la matière concrétionnée trouvée par M. Fournet dans les fentes de la masse altérée. Cette matière , blanche , mamelonnée à la surface , est compacte dans la cassure ; chauffée dans le tube , elle laisse dégager beaucoup d’eau. Humectée de nitrate de cobalt et chauffée au rouge , elle prend une teinte rose pâle. L’acide sul- furique faible la dissout en produisant une vive effervescence. La dissolution , évaporée lentement , donne des cristaux de sulfate magnésique. L’analyse a donné : 1re Analyse. Oxygène. Rapports. Acide carbonique. . 0,3366 - — 0,2435 — 6 Magnésie 0,4194 — 0,1623 — 4 Eau 0,2060 — 0,1831 — 4 Oxyde ferrique.. . . 0,0090 Silice en grains. . . 0,0250 0,9960 2e Analyse. Acide carbonique. . 0,3367 Magnésie 0,4224 Eau 0,2060 Oxyde ferrique. . . 0,0095 Silice 0,0185 0,9931 La quantité d’eau est ici un peu forte ; une partie doit être com- binée avec l’oxyde de fer et former un hydrate. Ce composé a pour formule : 3(M£C + à) + M*à. C’est donc l’ hydrocarbonate magnésique, espèce déjà bien con- nue , et qu’il est facile de reproduire artificiellement. La compo- sition de cette substance , son gisement autorisent ainsi à supposer qu’elle doit son origine à l’action d’un dissolvant qui aurait enlevé Oxygène. Rapports. — 0,2435 — 6 — 0,1635 — 4 _ 0,1831 — 4 1056 SÉANCE DU 7 JUIN 18^7. l’hydrate magnésique contenu dans la roche , et aurait abandonné plus tard la magnésie. Celle-ci se serait unie à des proportions dé- terminées d’eau et d’acide carbonique. Ces faits me semblent venir à l’appui des conclusions que j’ai tirées de mon analyse de la prédazzite ; M. Fournet, ayant pu voir et étudier sur place le gisement de cette roche , s’est réservé d’en donner la description géologique et d’expliquer sa formation. M. Daubrée fait la communication suivante : Estimation de quelques émanations de chaleur naturelles et artificielles , par A. Daubrée. Parmi les différentes sources de chaleur naturelles ou artifi- cielles qui se répandent dans notre atmosphère , et dont l’action contribue pour une composante , extrêmement faible , il est vrai , à la température que nous observons , il en est quelques unes dont on peut chercher à estimer approximativement la valeur, au moins pour certaines régions. Telle est celle due aux sources ther- males , celle produite par les combustibles minéraux et par les combustibles d’origine contemporaine. Flux de chaleur due aux sources thermales de la France. — Chaque source d’eau thermale réchauffant la surface de la terre en raison de son excès de température sur la température moyenne du lieu, et en raison de son volume, on obtiendra son influence calorifique en multipliant ces deux facteurs l’un par l’autre. — En faisant ces calculs pour les U5 sources thermales de la France dont le volume est approximativement connu (1), on voit que leur effet équivaut, par minute , à celui de 253,53/f litres , dont la température serait élevée de 1° C. au-dessus de la température moyenne de la contrée, cette température étant supposée 13° C. Cette quantité de chaleur pourrait fondre une couche de glace à 0 degré couvrant la France étayant d’épaisseur 0”, 0000032^. — M. Elie de Beaumont, en s’appuyant sur des formules obtenues par M. Poisson (2), a calculé que le flux de la chaleur produit annuellement par le rayonne- ment intérieur du globe correspond, pour Paris, à la fusion d’une couche de glace d une épaisseur de 0,n,0065. — En adoptant ce chiffre comme général pour toute l’étendue de la France , on voit que la quantité de chaleur apportée par les sources de notre pays (4) Comptes-rendus des ingénieurs des mines en 1843. (2) Poisson, Théorie mathématique de la chaleur. Supplément, p. 17. 1057 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. n’est que les 5 millièmes environ du flux direct qui traverse le sol. — Dans certaines contrées peu étendues , la quantité de chaleur apportée dans l’atmosphère par les sources thermales est propor- tionnellement bien plus considérable. Mais comme, d’un autre côté , il existe de vastes régions dépourvues de sources thermales , peut-être la moyenne générale des continents ne diffère-t-elle pas très considérablement de la moyenne calculée pour la France. On ignore ce qui se passe dans les profondeurs de l’Océan , où peut- être les épanchements thermaux sont plus considérables. — Quant à la chaleur déversée par les volcans dans l’atmosphère , nous ne pouvons même nous en faire une idée grossière. Chaleur produite en France par le combustible minéral. — La combustion de 53,387,000 quintaux de houille et de 1,480,800 de lignite qui a été opérée en 1844, en France, correspondrait à la fusion d’une couche de glace couvrant le pays et ayant d’épaisseur 0m, 00067800. — En France , en Angleterre , en Bel- gique et en Prusse, on extrait à peu près les quantités suivantes de houille ; France . 37,800,000 Angleterre. 200,000,000 Belgique 32,000,000 Prusse 29,000,000 298,800,000 La chaleur produite par cette houille liquéfierait une couche de glace couvrant la superficie totale des quatre contrées mentionnées , ou 1,143,000 kilomètres carrés, et dont l’épaisseur serait de 0nl, 001 61800. Cette dernière épaisseur est presque égale à la somme de celles qui résultent , en France , du combustible vé- gétal et du combustible minéral , ce qui n’est pas étonnant , puis- qu’en Angleterre et en Belgique la houille est le combustible principalement employé. Chaleur produite en France par le combustible végétal. — La cha- leur produite en France par le combustible végétal pendant la même année , c’est-à-dire pour la combustion de 44,346,700 stères de bois et de 6,163,800 stères de tourbe (en supposant une puis- sance calorifique de 2,600 pour chacun des combustibles), corres- pond à la fusion d’une couche de glace qui couvrirait la France entière et aurait une épaisseur de 0m, 001 05400. Chaleur développée par le genre humain. — Pour avoir une idée de la quantité de chaleur développée par le genre humain à la sur- face du globe , on peut supposer une population de 800 millions Soc, géol.j 2e série, t. IV, 6 7 1058 SÉANCE DU 7 JUIN ÏSll7. d’hommes , dans laquelle les sexes et les âges seraient répartis dans le même rapport que dans la population de la France. Rela- tivement à la combustion opérée par la respiration , on a admis , d’après les résultats de M. Dumas et ceux de MM. Andral et Ga- va)'vet , une consommation, par heure, de 11 grammes de car- bone pour 250 millions , de 5§r-,5 pour k 00 millions , de 5 gram. pour 150 millions d’individus, ce qui donnerait une combustion annuelle totale de Zi9,612,260 tonnes de carbone. En supposant que la chaleur animale corresponde à la combustion de cette quan- tité de carbone, cela donnerait une quantité de chaleur qui, si elle était employée à fondre une couche de glace à 0° répartie au- tour du globe , en liquéfierait annuellement une épaisseur égale à 0m, 00000836. — Lors même que la chaleur développée par tous les animaux des continents et de l’Océan serait dix fois plus grande que celle qui vient d’être calculée , cette quantité totale serait en- core très faible, comparée aux émanations de chaleur du combus- tible charbonneux. Chaleur employée dans la circulation de l'eau. • — La circulation de l’eau emploie annuellement une quantité de chaleur incompa- rablement plus forte que toutes les émanations qui viennent d’être mentionnées. On peut estimer cette quantité de chaleur comme équivalente à celle que pourrait fondre une couche de glace recou- vrant le globe entier et ayant une épaisseur de 10m,70 (1). Résumé. — Ainsi , en résumé , les quantités de chaleur déga- gées annuellement dans les diverses fonctions naturelles ou artifi- cielles dont il vient d’être question peuvent être exprimées , en épaisseur de glace fondue , conformément à la notation employée plus haut , pour les chiffres qui suivent : Flux dû aux eaux thermales(pour la France). 0m, 0000032 4 Chaleur produite par le combustible végétal (pour la France ) 0ni, 001 05400 Chaleur produite par le combustible miné- ral (pour la France) 0rn, 00071 220 Chaleur produite par le combustible miné- ral (France, Angleterre, Belgique et Prusse) 0m, 001 70037 Chaleur produite par le genre humain (pour la terre entière) 0m,00000836 On sait en outre que le flux de la chaleur interne est représenté par 0m, 00650000 Et, d’après M. Pouillet, la chaleur due au soleil par environ 31m, 00000000 (1) Comptes-rendus de V Académie des sciences y t. XXIV, p. 549. SÉANCE DU 21 JUIN 1817. 1059 La chaleur développée journellement parles animaux et les végé- taux ne constitue pas une source réelle. * — J1 est toutefois à obser- ver que la chaleur développée à la surface du globe , soit par les animaux, soit par les végétaux , ne constitue pas une source réelle qui soit à assimiler à la chaleur du soleil ou à la chaleur interne ; car les animaux et les végétaux ne peuvent sans doute créer de la chaleur et de la force. Comme en général l’action est égale et con- traire à la réaction , la vie des animaux , ainsi que la combustion du bois et de la tourbe , ne font que restituer de la chaleur que ces êtres ont absorbée dans différentes fonctions organiques. Séance du 21 juin 1817. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Victor Thiollière, à Lyon, rue Saint - Dominique , 15, présenté par MM. Coquand et Le Blanc 5 Haehner, consul-général de Saxe, à Livourne (Toscane), présenté par MM. Coquand et Le Blanc $ Àngelo Vegni, directeur des mines du Bottino, à Serra- vezza (Toscane) , présenté par MM. Coquand et Le Blanc 5 J. -B. Logan, à Singapour, présenté par MM. Élie de Beau- mont et Viflet. M. de la Pylaie, sur sa demande, est admis à faire de nouveau partie de la Société. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy - tologique ; 26e livraison -, Paris, chez P. Bertrand. De la part de M. le Dr Eugène Robert, Des moyens propres 1060 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. a détruire les insectes nuisibles aux forets , aux grandes cul - titres , etc. (extr. des Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture , année 1847)*, in-8°, 12 p. Paris, 1847; chez Ve Bouchard-Huzard. De la part de M. Hogard, Notice sur deux petits dépôts de tuf calcaire , situés à Vincey ( Vosges ) (extr. des Annales de la Société d'émulation des Vosges, tom. VI, 1er cahier, 1846); in-8°, 12 p., 1 pl. Épinal,1846, chez Gley. De la part de M. Ch. Desmoulins, Examen des causes qui paraissent influer particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées ; in-4°, 16 p. Caen, 1847 ; chez A. Hardel. De la part de M. le baron de la Pylaie; Notice sur V île de Sein; in-8°, 8 p 1846. De la part de M. A. C. G. Jobert, La philosophie de la géologie ; in-18, 195 p. Paris, 1846 ; chez A. G. W. Galignàni et Compe. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences ; 1847, 1er semestre, nos 23 — 24. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VII, n° 40, avril 1847. L’ Institut; 1847, nos 701 et 702. Mémoires de la Société d’agriculture , des sciences , arts et belles-lettres du département de l’Aube ; nos 98, 99, 100; 2e, 3e, 4e trimestres de 1846. — Nos 1 et 2; 1er et 2e trimestres de 1847. Annales de l’Auvergne; t. XX, mars et avril 1847. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse; n° 97. Bulletin des séances de la Société naudoise des sciences na- turelles; n° 15. The London geologiçal journal; nos 1 et 2. The Athenœum ; 1847, nos 1024 — 1025. The Mining journal; 1847, nos 616 — 617. M* le Trésorier présente l’état de la caisse au 1er juin 1847. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1061 État de la caisse au 1er juin 1847. Il y avait en caisse au 31 décembre 1846. . 4,400 fr. 05 c. La recette, depuis le 1er janvier 1847, a été de 8,431 » Total. .... 12,831 65 La dépense, depuis le 1er janvier 1847, a été de 7,984 90 Il reste en caisse au 31 mai 1847.. .... 4,846 15 M. L. Frapolli expose de la manière suivante l’extrait d’une lettre ix lui adressée parM. Gustave Rose. M. Gustave Rose , ainsi que le professeur Bayricli , de Berlin , sont chargés des travaux pour les cartes géologiques d’une partie de la Prusse. M. Rose a visité l’automne passé les montagnes du Zobten , en Silésie. Il y a trouvé du gabbro stratifié enclavé entre une serpentine et le granité, et reposant sur ce dernier. Yoici le profil de ces montagnes du N. -O. au S.-E : A. Gurkau. B. Le Zobten. C. Le Geiersberg. D. Les Mellenberge. E. Le Hohe Schuss. I. Gneiss. IL Serpentine. III. Gabbro. IV. Granité. Le gabbro dont le grain est très grossier sur le Zobten même se change dans d’autres endroits peu à peu, mais complètement, d’un côté en un schiste vert, tandis que de l’autre il passe à la serpen- tine. M. Rose en conclut que le gabbro, et peut-être même la ser- pentine , sont dus à l’influence exercée par les granités sur les for- mations sédimentaires préexistantes. Je pense comme lui que la plupart des gabbros sont des roches 1062 SÉANCE DU 21 JUIN 18^7. de sédiment altérées; seulement je crois qu’ils sont dus à l’action magnésienne produite lors de l’éruption des serpentines. C’est ainsi que j’ai cru pouvoir m’expliquer la formation des gabbros évi- demment métamorphiques que j’ai vus dans le Harzgebirge. Il ne serait cependant pas impossible que M. Rose finît par s’assurer po- sitivement par la suite que certaines serpentines elles-mêmes sont le résultat d’une action moléculaire. Dans ce cas, l’introduction de la magnésie aurait pu se faire delà même manière qu’elle a eu lieu pour les calcaires magnésiens et pour les dolomies. Ces serpen- tines ne seraient que la dolomie des terrains argileux. M. Frapolli présente ensuite la traduction de l’italien de la notice suivante de M. Pilla , envoyée par l’auteur à M. Éîie de Beaumont. Notice sur le calcaire rouge ammonitifere de V Italie, par M. L. Pilla (1). Dans la section de géologie du congrès de Milan , une longue discussion s’est engagée sur l’âge du calcaire rouge ammonitifère de Lombardie. M. de Buch, dans une note très savante, le clas- sait parmi les formations supérieures du Jura. — Il s’agissait alors de savoir si ce calcaire devait être regardé comme jurassique , ou bien comme appartenant au terrain crétacé. Les arguments de M. de Buch firent abandonner cette dernière opinion. Cependant il reste encore un fait à éclaircir, c’est le gisement de la Terebra - tula diphya qui se trouve dans ce calcaire. Ce fossile élégant avait été déjà placé par l’illustre géologue de Berlin parmi les repré- sentants de la craie (2). M. Coquand affirme qu’en Provence , dans la Drôme et dans le Gard , c’est sans contestation le terrain néo- comien qui le renferme (3). Cette dernière opinion a été également adoptée par nos confrères, MM. Catullo et de Zigno, pour cè qui regarde le gisement de cette espèce dans les Alpes vénitiennes. De mon côté , je tiens comme probable que cette térébratule nous fournit un exemple de plus, et ils ne sont pas rares, d’une même (4) Cette notice a été écrite avant la réunion du congrès scientifique de Gênes. La question dont il s’agit a été portée devant ce congrès; mais je ne connais point le résultat de la discussion. (2) Mém. de la Soc. géol. de France , t. III, p 4 97. (3) Bull, de la Soc. géol. de France , 2e sér. , t. II, p. 4 92, dans une note SÉANCE DU 21 JUIN 18Û7. 1063 espèce traversant deux terrains successifs. D’ailleurs , n’ayant ja- mais été à meme de voir cette térébratule dans aucune localité de l’Italie , je laisse à mes savants collègues le soin d’éclaircir la question. — Je m’attacherai davantage à discuter l’opinion de M. Coquand, qui fait redescendre ce calcaire rouge ammonitifère de l’Italie jusqu’au lias inférieur (1). Ses arguments sont puisés dans les différentes espèces d’ammonites que ce calcaire renferme, et qui , suivant lui , sont pour la plus grande partie caractéristi- ques du lias. Ayant comparé toutes les espèces d’ammonites qui le distinguent ou qui se trouvent dans les couches qui lui sont sub- ordonnées, M. Coquand trouve que de vingt-huit espèces déter- minées , vingt-une appartiennent au lias , une au coral-rag , et une au Jura supérieur ; cinq ne peuvent être rapprochées d’aucun des étages adoptés. — A la vérité , si la nature des espèces d’ammonites devait à elle seule décider de l’âge de notre calcaire , l’opinion de M. Coquand en serait fortement appuyée , car ce calcaire rouge de Toscane a fourni différentes espèces de la famille des Arietcs , telles que Y A. stellaris (Corfinô) , Y A. Conybeciri (id.) , Y A. costatus (Cetona). On trouve d’ailleurs dans le calcaire rouge du lac de Como , les A. fV alcotü , radians , comensis , fie terophy lins . On a rencontré également ce dernier à Cetona dans le Siennois. Enfin , M. de Buch lui-même dit que la famille des Ammonites falcifères prédomine dans la roche en question. Toutes ces espèces sont re- gardées comme basiques par les géologues en général, .le ne parle pas des Ammonites de la Spezia , car j’aurai prochainement l’oc- casion de m’occuper de leur véritable gisement géologique. — Mais si en attendant l’on examine les caractères de superposition du calcaire ammonitifère , il est facile de se convaincre que ses cou- ches ne peuvent sortir de la série jurassique. Ce fait est d’autant plus certain , que les géologues les plus éclairés , tout en accor- dant une grande valeur aux déterminations tirées des fossiles , pensent que lorsque dans certains cas leur nature est en opposition avec les lois de la superposition, cette dernière doit l’emporter. — M. de Buch , dans sa note lue au congrès de Milan , a fait obser- ver avec raison que l’espèce qu’on retrouve le plus constamment dans le calcaire rouge ammonitifère du midi de l’Europe est Y A. tatricus , voisine de l’ heterophyllus . Ce fait est incontestable. Il n’y a pas de localité en Italie où le calcaire rouge n’ait pas fourni cet ammonite. Il a été recueilli encore tout récemment par (1) Bull, de la Soc. géol. de France, 2e sér., t. III, fp. 307 et suiv. 1064 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. un de nos meilleurs élèves, IV J Vecclii , dans les montagnes de Cetona, avec d’autres espèces sur lesquelles je reviendrai. Pour éclaircir la question , il ne sera pas inutile d’examiner la position du calcaire rouge ammonitifère dans les principales localités de l’Italie ou on l’observe , et d’en étudier les relations stratigraphie ques avec les autres séries jurassiques. Nous n’oublierons pourtant pas les caractères tirés de la paléontologie. — Je connais trois en- droits principaux en Italie où cette formation est bien déterminée : la Lombardie , le golfe de la Spezia, et les montagnes de Pise avec d’autres localités de la Toscane. La comparaison des observations faites dans ces trois contrées différentes nous fera connaître la place que doit occuper l’étage qui nous concerne. 1° Formation du lac de Conio. — Après les travaux de MM. de Bach , de Collegno , et de plusieurs géologues distingués de M ilan , la série du Jura et du lias du lac de Como , et des autres localités lombardes, est si connue que nous pouvons nous dispenser d’en faire la description. Je me bornerai donc à rappeler la succession des couches qui la composent et leur ordre de superposition. Je met- trai pour cela à profit une des coupes qui accompagnent le beau travail des frères Villa sur la Brianza (pl. Il , fig. 1). Les couches en sont disposées du haut en bas comme voici (fig. 1) (1) : — p. calcaire dit Majolica. Les fossiles y sont rares; les quelques es- pèces qu’on y trouve sont de la même nature que celles qu’on rencontre dans le calcaire que nous faisons suivre, et qui alterne avec la majolica. — /. Calcaire rouge ammonitifère , caractérisé par de nombreuses ammonites. Parmi celles-ci les unes semblent appartenir au lias : ce sont les A. ff'alcotii, elegans , radians , hetc- rophyllus. D’autres sont particulières à la localité, telles que VA. comensis (Buch). D’autres enfin , et surtout VA. ta tri eus qui parmi toutes les espèces est la plus caractéristique, se trouvent dans le Jura supérieur. Nous ajouterons à ces céphalopodes quelques au- tres espèces qui paraîtraient appartenir à FQolithe supérieure , ainsi que F Aptychus lœvis et lamellosus , et en dernier lieu la Fcrc - bratula diphya que plusieurs géologues rangent parmi les fossiles néocomiens. — k. Calcaire gris de fumée avec des couches de silex , et renfermant quelques fossiles de la série précédente. Dans plusieurs localités , ainsi qu’aux environs d’Induno , ce calcaire (1) Les lettres indiquant la succession des couches dans les figures jointes à cette note se suivent dans un ordre interrompu par le fait qu’on a réuni en une seule légende toutes les séries de couches dont il s’agit. Voyez l’explication des planches, p. 4 077 et suiv. 1065 SÉANCE DU 21 JUIN 18&7, est remplacé par une oolitlie avec de nombreuses articulations de crinoïdes (Pentacrinites subangularis , Miller). — h. Calcaire noi- râtre auquel appartient le marbre noir de Varenna, renfermant quelques grandes ammonites que M. de La Bèclie rapporte à Y Am- monites Bucklandi. Dans d’autres endroits, comme à Perledo, dans la vallée d’Esino , ce calcaire se change en un schiste noirâtre où l’on a trouvé plusieurs fossiles qui varient de ceux des couches précédentes , c’est-à-dire les Nucules brevijormis et Hammeri , les Modioles hillana et plicata , le Pecten lens , quelques Cardites et Plagiostomes , et un petit Cerithium que M. de Buch croit analo- gue à une espèce caractéristique de la grande Oolitlie , etc. Ces mêmes schistes ont d’ailleurs fourni des débris d’un reptile voisin du plésiosaure et différentes empreintes de poissons appartenant aux genres semionotus et lepidotus. Ce calcaire noir passe à un calcaire gris clair avec différents fossiles, c’est-à-dire une Rostel- laire gigantesque , diverses Turritelles et Natices, un Trochus et un Sigaretus. Il se réunit à la dolomie du mont Godeno dans la Grigna erbosa qui renferme le Cctrdiiim trupietrum (1). — Suivent plus bas les poudingues et les schistes cristallins dont nous n’avons pas à nous occuper. D’après cette coupe on ne saurait mettre en doute que le cal- caire et les schistes noirs appartiennent au lias, ce qui est démon- tré par la superposition et par les débris organiques qu’ils ren- ferment. — - Le calcaire rouge ammonivfère qui est l’autre mem- bre le plus important de la série se trouve à la partie supérieure qui se termine par la majolica. Les débris fossiles qu’il renferme appartiennent les uns au lias supérieur ; d’autres paraissent même se rapprocher des fossiles néocomiens. — - Suivant plusieurs géolo- loguefc la Majolica complète supérieurement la série jurassique de la Lombardie. — MM. CatulLo et Curioni persistent à croire que le calcaire rouge ammonitifèré et la majolica sont crétacés ; mais leur opinion n’a plus beaucoup d’adhérents. M. de Zigno , qui regarde comme jurassique le calcaire rouge , met la majolica de Lombardie en parallèle avec la Scaglia des Alpes vénitiennes, et ayant trouvé dans celle-ci des fossiles néocomiens, il attribue la première au même terrain. L’opinion de M. de Zigno me paraît également peu probable. ïl est certain que le Biancone du vénitien est néocomien ; les fossiles cités par M. de Zigno le prouvent. Mais (1) Dans la coupe des frères Villa, cette dolomie est placée au- dessous du calcaire noir schisteux. Dans les autres contrées de la presqu’île, la dolomie est supérieure au calcaire. 1066 SÉANCE PU 21 JUIN 1847. il n’est pas également sûr que cette roche soit la même chose que la majolica de Lombardie , car dans ce dernier calcaire l’on n’a encore trouvé jusqu’à présent aucun des fossiles néocomiens que M. de Zigno cite dans le Biancone. 2° Formation de la Spezia. — Comparons la formation du cal- caire rouge de la Spezia avec celle du lac de Como. — J’ai eu oc- casion dans une autre brochure de traiter de la succession des couches du lias et jurassiques de la Spezia (1). Je doutais alors que les couches des montagnes occidentales fussent renversées. Désormais ce doute est devenu pour moi une certitude, ainsi qu’il est prouvé par les faits que voici (fig. 2) : — • Dans les montagnes à l’est du golfe , et plus précisément au cap Cerf, on voit au-dessus d’une série de roches cristallines stratifiées «, b , c, d, e, /, et au- dessus d’une anagénite quartzeuse rougeâtre g , un calcaire noir schisteux et stratifié h qui concorde par son gisement avec les ro- ches sous-jacentes. — Dans les montagnes à l’occident du golfe on voit du haut en bas les couches suivantes : — h. Calcaire brunâtre en tout pareil à celui qui , dans les montagnes de l’est , recouvre l’anagénite. Ce calcaire est, par sa composition minéralogique, par ses fossiles et par sa position , parfaitement semblable à ce- lui de la vallée d’Esino, près de Perledo , dans la Lombardie. Sa ressemblance avec le calcaire de cette dernière localité est telle , que M. Trotti, de Milan, m’a dit qu’en l’examinant il croyait ab- solument avoir affaire à celui de la vallée d’Esino. Les espèces fossiles de Perledo que j’ai vues à Milan sont les mêmes que celles qu’on a recueillies dans la grotte de l’ Arpaja à la Spezia. — i. Une dolo- mie ayant une forme presque éruptive. — l. Des schistes calcaréo- marneux. Dans les montagnes de Parodi et ailleurs, j’ai vu ces couches inférieures aux dolomies prendre les caractères du calcaire rouge ammonitifère et présenter quelques ammonites empâtées dans la roche , et ayant des formes en tout semblables à celles qui sont communes dans cette formation. — p. Schistes marneux jau- nâtres alternant avec des couches d’un calcaire gris-rougeâtre à grain fin. C’est dans les schistes de cette série que l’on trouve les fameuses ammonites et les alvéoles de béleinnites de la Spezia , dont la plus grande partie sont remplacées par des pyrites. — r. Schistes jaunes dans lesquels M. Coquand a trouvé la Posidonia liasina. — s. Schistes bigarrés analogues de quelques gales tri de Toscane (2). (1) Saggio comparativo de' terreni che compongono il suolo d’Ita- lia , t. IV, p. 6. (2) M. Coquand , n’ayant probablement égard qu’à la couleur rouge 1067 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. — t. Macigno. — En prenant le calcaire brun pour horizon géo- gnostique de cette série , on parvient facilement à reconnaître le renversement des couches dans les montagnes occidentales , et par- tant la véritable position relative de toutes ces couches. En effet , si l’on admet que le calcaire noir est parfaitement semblable à celui de la vallée d’Esino en Lombardie , et que comme ce dernier il s’appuie sur le poudingue quartzeux , il s’ensuit qu’il constitue la base de toute cette série de couches du lias et jurassiques. Les autres couches qui paraissent inférieures à ce calcaire sont de plus en plus récentes. Cela est confirmé par le contact de ces dernières avec le macigno. De cette manière l’ordre de succession des cou- ches vient correspondre à peu près à celui que l’on voit au lac de Como , et elles reprennent leur position naturelle par rapport au macigno qui les recouvre , et l’anagénite qui leur sert de base. ■ — Le fait du renversement des couches dans cet endroit peut donc être regardé comme complètement prouvé. Nous n’en rechercherons pas la raison pour le moment. — Or, si nous prenons pour horizon le calcaire brun de la Spezia que nous regardons comme basique, on pourra comparer avec celles du lac de Como les autres cou- ches qui lui sont supérieures. — La dolomie qui succède au cal- caire brun est identique , sans aucun doute , à la dolomie du mont Godeno qui se trouve associée à ce calcaire. — Les couches super- posées à la dolomie dans les montagnes de Parodi ont été déjà rapportées plus haut au calcaire rouge à ammonites. Il manque- rait donc à la Spezia la série du calcaire gris de fumée avec silex k , qui se trouve entre le calcaire brun et le calcaire rouge ammo- nitifère. — La série des couches calcaréo -marneuses et des schistes siliceux qui , à la Spezia , reposent sur le calcaire rouge à ammo- nites , manque en général sur le lac de Como , car les schistes bi- garrés considérés par M. Coquand comme appartenant au calcaire qui domine dans ces schistes, les a rapportés au calcaire rouge ammo- nitifère. Mais il est facile de s’apercevoir que les schistes dont il s’agit sont ces mêmes schistes siliceux et bigarrés ( galestri ) qu’on voit sur plusieurs points de la Toscane, comme dans les montagnes de Pise, à Campiglia, àMontieri, à monte Rotondo , et qui sont placés à l’extré- mité de la série jurassique , au-dessous du macigno. C est pourquoi quelques géologues, et le professeur Savi en premier lieu, les réunissent tous au macigno ou à la craie. Pour ma part, je pense qu’il est cer- tain qu’il y a en Toscane deux espèces de galestri , dont les uns doivent être réunis au macigno, tandis que les autres appartiennent à la partie supérieure du Jura. Parmi ces derniers je compte les schistes de la Spezia , indiqués par la lettre s. 1068 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. rouge ammonitifère ne représentent point cette série , mais bien les schistes siliceux ( gales tri ) jurassiques supérieurs de la Toscane, dont j’aurai à parler. — Enfin, le macigno succède également à ces couches de la Spezia comme à la majolica de Lombardie. — Il est temps de dire quelques mots des fossiles renfermés dans les schistes ammonitifères de la Spezia. Tout le monde connaît les déterminations de ces espèces par M. Sowerhy , et que M. de la Bêche donne dans son Manuel. Depuis ce temps des études sui- vies ont répandu plus de lumière sur leur nature véritable. On a reconnu que les prétendues Orthocères n’étaient que des alvéoles de bélemnites. L 1 Ammonites Listeri cité par M.Sowerby n’est très probablement qu’une petite ammonite appartenant à la famille des Macrocépliales et non à celle des Goniatites ; du moins on retrouve dans toutes les ammonites que j’ai rencontrées et qui peuvent se rapporter à cette espèce des lobes indiquant des persiliures qui manquent dans les individus appartenant au véritable A. Listeri ; la figure donnée dans le Manuel géologique de M. de La Bèclie présente la même difficulté. Je ne parle point des autres espèces d’ammonites qu’on a trouvées dans ces schistes, et qui ont été dé- terminées par MM. Sowerby ou A. d’Orbigny; ce sont pour la plupart des espèces particulières de la localité; elles ne sauraient donc nous éclairer dans la question d’âge. Leurs formes générales paraissent basiques. Mais je n’attache pas une importance absolue à une telle déduction. Ce que je peux affirmer avec toute certitude , c’est que j’ai trouvé dans ces schistes des individus bien conservés de VA. tatricas , et quelques Nérinées , fossiles qui sont plutôt ca- ractéristiques des formations ooiithiques supérieures. Que si l’on joint à ces caractères paléontologiques la position des schistes am- monitifères de la Spezia qui sont supérieurs au calcaire rouge à ammonites , on est forcé d’en déduire que ces schistes appartien- nent à la série supérieure du terrain jurassique (1). (1) Voici une liste des principales espèces d’Ammonites trouvées à la Spezia : Ammonites particulières à la Spezia. A. Catenatus (Sow); M. d’Orbigny rapporte à cette espèce les A. trapezoidalis et comptas de Sowerby , qu’on a trouvés dans cette localité, lias inférieur (d’Orb.). — A. Sismondœ (d’Orb.), lias infé- rieur (id.y, — A. Phillipsi (Sow.), lias inférieur; — A. articulatus (Sow.), lias inférieur [id.y, * — * A. Stella (Sow.). Suivent les autres Ammonites citées par M. de La Bêche. — Aucun autre gisement de ces espèces n’étant connu, ce n’est que d’après leur 1069 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. Avant de quitter les formations de la Spezia , je veux fixer la position géologique précise que les marbres statuaires de Carrare occupent dans la série du lias et du Jura. — Lorsque des hauteurs de la Spezia l’on passe dans la vallée de laTecchia, qui s’ouvre dans les montagnes voisines de Carrare , on retrouve dans cette vallée un calcaire brun en tout pareil à celui que nous avons dé - crit sur les côtes du golfe ; on y voit les mêmes Cardites , Modioles, Peignes, Térébratules, etc. , de manière qu’il ne peut rester aucun doute que cette roche ne soit la même que le calcaire brun du lac de Como et de la Spezia. Que si de la vallée de la Tecchia le géologue avance peu à peu vers les carrières peu éloignées du marbre de Carrare , il pourra suivre le calcaire brun qui graduel- lement perd sa couleur et sa stratification , et se change en ce superbe marbre statuaire que tout le monde connaît. Que l’on ajoute à ce passage graduel la position relative identique des marbres de Carrare et de Serravezza et du calcaire brun de la Spezia avec celui du lac de Como ; que l’on observe que toutes ces roches sont superposées immédiatement aux schistes cristallins in- férieurs au lias , et l’on n’aura besoin d’aucune autre démonstra- tion pour en conclure avec certitude que les marbres des Alpes apuanes sont absolument la même chose que les calcaires de la Spezia et du lac de Como appartenant au lias. — Une opinion qui reconnaît le synchronisme des marbres blancs de Carrare, qui il y a quelques années étaient regardés comme primitifs, et des roches calcaires noirâtres voisines, peut paraître assez hardie. Mais cette idée que dans un temps on aurait appelée un paradoxe ou une fo- lie est aujourd’hui une des vérités géologiques le mieux démon- trées ; et cela est un des plus grands progrès de la géologie de notre époque. C’est à ce sujet que dans un de mes écrits je disais : — « Lorsque dans les Alpes apuanes on observe le passage singulier » des marbres statuaires aux marbres blancs ordinaires, de ceux-ci faciès zoologique général qu’on les regarde comme basiques, ce qui n’est pas un argument bien sûr. Ammonites communes à la Spezia et à dé autres localités. A. Buchlandi (Sow.) , lias inférieur ; — - A. Conybeari (Sow) , idem ; — A. stellaris (Sow.), idem ; — A. amalthœus (Sow.), lias ; — - A. Boucaultianus (d’Orb.) , lias; — A. heterophyllus (Sow.), lias; — A. tatricus (Pusch), oolithe supérieure; — A. Lamberti (Sow.), argile d’Oxford. — Je ne sais si VA. Boucaultianus , que M. d’Orbigny cite dans la Spezia, peut se rapporter à \ A. Lamberti. 1070 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. »> au bcirdiglio et au bnrdiglio foncé, et de ce dernier au calcaire » noir , on dirait que toutes ces variétés ont été produites par les » différents degrés d’action que les causes plutoniques ont exercées » sur des calcaires imprégnés de matières charbonneuses. On dirait » que ces matières n’ayant subi dans les calcaires noirs aucune ac- » tion ignée y sont restées en entier ; dans le bardiglio commun » elles ont été chassées en partie ; dans le bardiglio fleuri elles se » sont évanouies inégalement dans les diverses parties de la roche ; » on peut enfin penser que toutes les matières charbonneuses ont » été chassées des marbres statuaires et que c’est là la cause de » leur pureté (1). » 3° Formations des montagnes de la Toscane. - — Une des localités où on peut le mieux étudier les relations du calcaire rouge à am- monites en Toscane sont les montagnes de Vecchiano, près de Pise, qui constituent les derniers prolongements des Alpes apuanes vers la vallée du Serchio. Ici les séries basique et jurassique présentent de bas en haut les couches suivantes (fig. 3) : — h. Calcaire brun absolument identique avec celuide la vallée de la Tecchia. — ï. Cal- caire celluleux , dolomitique dans plusieurs points , et ayant tous les caractères de la rauchwacke des Allemands. Ce calcaire , qui forme généralement des masses , représente précisément la dolomie de la Spezia et du mont Godeno sur le lac de Como. Cette roche et la précédente se font remarquer par l’absence absolue de silice. Lorsque le calcaire n’est ni dolomitique ni celluleux , mais com- pacte , on y voit souvent quelques fossiles turriculés dont la forme est constante dans toute la Toscane ; mais ils sont trop engagés dans la roche pour être déterminés. Dans différentes localités des montagnes pisanes , comme par exemple au-dessus des bains de Saint-Giuliano , à l’endroit nommé la Spelonca , j’ai trouvé quel- ques uns de ces fossiles ayant de telles dimensions qu’on y aurait trouvé une ressemblance générale avec les grandes Rostellaires con- nues dans le lias du lac de Como ; j’y ai également vu une ammo- nite dont on pouvait à peine reconnaître la forme générique. — l. Au-dessus de ce calcaire massif on voit un calcaire stratifié avec silice , qui présente en quelques endroits les caractères minéralo- giques du calcaire rouge ammonitifère , et dans lequel M. Savi a trouvé des ammonites peu reconnaissables à cause de leur engage- ment dans la roche ; les formes de ces ammonites rappellent celles qu’on est habitué à voir dans ce calcaire. Sa superposition au pré- cédent est évidemment discordante, ainsi qu’on peut s’en con- (1) Breve cenno s alla ricehezza minérale délia Toscana , § 3, 1071 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. vaincre au lieu appelé la Paduletta. On verra encore mieux cette discordance dans d’autres localités delà Toscane. — 'Vient ensuite une série de couches que nous allons énumérer en indiquant leurs principaux caractères. — m. Couches de marnes et de calcaires mar- neux concordant avec les couches précédentes. M. Savi y a trouvé de singuliers fucoïdes , et entre autres les F. Targioni. — n. Cal- caire brun stratifié et très siliceux ; ce dernier caractère et sa posi- tion le distinguent du calcaire brun /. On n’y voit pas de fossiles. — o. Schistes siliceux bigarrés appelés communément gales tri en Toscane. Ces schistes sont stratifiés en couches minces et très con- tournées.— jj. Calcaire blanc à grain fin et cassure conclioidale, ren- fermant de nombreux noyaux de silex. Cette roche stratifiée dis- tinctement ressemble grandement à la majolica de Lombardie. — - q. Calcaire gris avec silex bien stratifié et dont les couches sont très bouleversées. — r. Série de couches marneuses jaunâtres ou verdâtres avec calcaire marneux à grain fin de même couleur. — - Dans quelques localités des montagnes pisanes , on voit succéder à ces couches d’autres schistes bigarrés qui représentent parfaite- ment les mêmes schistes qu’on rencontre sur la côte occidentale de la Spezia, et qui sont au-dessous du macigno (1). Age de ces diverses séries de couches. — Nous avons vu : 1° que le calcaire brun représente le lias de la Spezia et du lac de Como ; 2° que le calcaire celluleux ou rauchwacke est l’équivalent de la dolomie de ces mêmes localités; 3° que le calcaire stratifié est pa- rallèle au calcaire rouge à ammonites de ces contrées. — -M. Savi s’appuyant sur les fucoïdes trouvés dans les couches calcaréo-mar- neuses, au-dessus du calcaire rouge à ammonites, a placé dans la craie inférieure ces couches et celles qui leur sont superposées. J’ai quelque difficulté à admettre cette opinion de mon savant collègue, et j’ai même donné dans une autre brochure (2) les raisons qui me font croire que toutes les séries dont nous avons parlé sont l’équi- valent de celles qu’on trouve sur les montagnes occidentales de la Spezia entre le calcaire rouge à ammonites et le macigno. — - Un fait très remarquable en géologie c’est la ressemblance des carac- (1 ) Il paraît exister dans les montagnes jurassiques de la Toscane deux séries de schistes siliceux bigarrés, dont les uns sont au milieu des couches jurassiques ( près des montagnes de Vecchiano, au monte di Legnaja ), etdont les autres fermeraient la série (schistes de la Spezia, de Campiglia dans les Maremmes, deGerafalco, etc.). Je ne saurais trop insister sur ces singuliers schistes siliceux bigarrés, car ils me paraissent être tous propres des formations jurassiques de la Toscane. (2) Distinzione del terreno Etrurio » p. 28 et suivantes. 1072 SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. tères, la régularité et l’uniformité de superposition qu’on observe dans des couches de contrées éloignées et séparées par plusieurs formations intermédiaires plus récentes. Si les preuves avec cette vérité manquaient, on pourrait citer la série du lias et du Jura italien. Nous avons vu que le calcaire brun et le calcaire rouge ammonitifère du lac de Como sont tout à fait identiques avec ceux de la Spezia et des montagnes de Pise , et que ces calcaires con- servent partout les mêmes positions relatives. C’est ce que Ton observe également dans d’autres localités de la Toscane qui ne s’en éloignent que par quelques petites exceptions provenant de la suppression accidentelle de l’une ou de l’autre couche. — Les montagnes de Campiglia dans les maremmes Toscanes nous offrent une série de couches du Jura et du lias parfaitement semblables à celles décrites dans les montagnes Pisanes , comme on les voit dans la fig h . — - En partant du pied de ces montagnes dans la plaine de la Cornia , et en avançant vers la vallée del Seccatojo , on voit sur les pentes orientales du Ri alto di monte Calvi , du haut en bas, la suc- cession des couches que voici : — t. Macigno bien caractérisé , sur lequel est bâti le village de Campiglia. — r". Une série nombreuse de couches de marne schisteuse et de calcaire marneux absolument identiques-avec celles qui renferment les ammonites et les béiem- nites de la Spezia. Aucun de ces fossiles n’y a pourtant été trouvé jusqu’à ce jour ; l’identité n’est donc déduite que de leurs caractères minéralogiques et de la position qu’elles occupent (1). Ces couches supportent le macigno de la montagne de Campiglia-Vecchia. — /. Dans la colline qu’on appelle du Gabbro al Fico on voit se suc- céder une formation de calcaire rouge à ammonites avec silex (2) et très puissante. Dans cet endroit je n’ai pu retrouver d’ammo- nites, mais elles ont été recueillies par M. Savi, M, Coquand et moi dans la même formation qui se fait voir dans une localité du Campigliese peu éloignée, et sur laquelle nous reviendrons.- — i". Le calcaire ci-dessus s’appuie par les tranches de ses couches redressées et bien distinctes contre la montagne escarpée qu’on appelle Poggio del Cerro crociato. Les couches de ce calcaire se diri- (1) Il est vrai que j’ai vu dans la collection de M. Coquand, à Campiglia, un morceau de ces schistes marneux , avec une petite Am- monite défigurée , qui ressemble beaucoup à quelques unes de celles de la Spezia. (2) Le mot italien con selce employé au singulier ne me permet pas de savoir avec certitude si l’auteur a voulu dire silice ou silex. ( Le traducteur . ) SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 107 S gent du nord au sud. Cette montagne laisse deviner même de loin une structure complètement différente de celle de la colline pré- cédente; elle se compose d’une grande masse de calcaire com- pacte, blanchâtre, celluleux ou sub-cristallin, sans aucun indice de stratification. Au point où le calcaire rouge stratifié se joint à ce calcaire blanchâtre et massif, une petite dépression indique la dis- cordance de superposition des deux roches. — Si du côté oriental du Monte-Ccilvi on passe, pour examiner les rapports de ces deux ro clies calcaires , sur la partie occidentale de la même montagne, on voit d’autres accidents qui rendent leur position géologique encore plus claire. — Dans le vallon de Fucinaja , et plus proprement au lieu appelé la Gran Cava , le calcaire rouge à ammonites reparaît avec tous ses caractères ; c’est la continuation de celui qu’on voit au lieu dit la Caldana , où l’on a trouvé des ammonites caracté- ristiques. On voit dans ce calcaire un grand nombre de débris d’Encrines, qui peuvent se rapporter à Y Apiacrinites rotundus , et différentes couches de schistes siliceux rougeâtres qui l’accompa- gnent dans sa partie supérieure ; on peut suivre ces schistes vers Montione et Monte-Rotondo où sous l’influence des agents plutû- niques ils se sont changés en alunite. Mais ce qui donne une grande importance à cette localité , c’est la superposition transgres- sive du calcaire rouge qui par les tranches de ses couches dislo- quées s’appuie contre un mamelon de calcaire blanc cristallin et massif, dont il n’est séparé que par un conglomérat de frag- ments de ce dernier calcaire (fig. 5). — - Il découle de tons ces faits : 1° que les schistes siliceux formant la partie supérieure de la série jurassique du Campigliese sont identiques avec ceux que, à la Spezia , on voit sous le macigno ; — - 2° que les couches de calcaire marneux qui les supportent représentent les schistes du même genre qui renferment les ammonites de la Spezia ; - — 3° que le cal- caire rouge annnonitifère de cette partie de la Toscane n’est que la continuation de celui qui se montre en Lombardie , à la Spezia et dans d’autres localités du centre de l’Italie ; — -4° que le calcaire massif et le calcaire cristallin qui est au-dessous du précédent et en stratification discordante avec lui sont l’équivalent du marbre statuaire de Carrare , du calcaire brun de la Spezia , et de celui du lac de Como. Considérations générales . — La position exacte du calcaire rouge ammonitifère dans les différentes parties éloignées de F Italie nous étant connue , nous pouvons désormais nous occuper de le caser dans la série jura-liasique. Ce classement nous permettra de dé- terminer les couches qui lui sont inférieures ou supérieures. — Sur Soc, géol, série , tome ÎY« 68 A 07 A SÉANCE DU 21 JUIN 1847. le lac de Conio ce calcaire forme sans contestation la partie supé- rieure de la série jurassique. Sa position le prouve. Cela est si vrai, que quelques géologues , se fondant d’ailleurs sur la présence de la Terebratula cliphya , Font placé dans la craie. D’un autre côté les ammonites qu’il renferme porteraient à le faire regarder non seule- ment comme jurassique mais comme appartenant aux formations les plus anciennes de ce terrain ; car, d’après les observations si justes de M. de Buch, ces ammonites rentrent pour la plupart dans la famille des Falcifères, qui a vécu pendant le dépôt du lias supé- rieur et de la plus ancienne des oolitlies. — La place que le calcaire rouge occupe dans le centre de l’Italie est plus en rapport avec les ammonites qu’il renferme. A la Spezia et dans les montagnes de la Toscane, il repose immédiatement sur une dolomie ou rauch - wackc , et sur un calcaire noir, roches qui, par leur position et par leurs fossiles, sont identiques à la dolomie et au calcaire brun de la vallée de FEsino sur le lac de Conio, que tous les géologues regardent comme du lias. Dans les localités de la Toscane , on le voit d’ailleurs supporter une série de couches jurassiques , qui par leur position peuvent être classées dans la partie supérieure du Jura. Ces couches paraissent manquer au lac de Como , à moins qu’on ne les suppose représentées par la majolica; mais les carac- tères minéralogiques si différents des deux roches et F épaisseur des dépôts de la première rendent ce parallélisme un peu forcé. C’est donc par des considérations paléontologiques qu’il faudra tâcher de fixer l’âge de notre calcaire rouge dans l’Italie centrale. — Nous avons dit que les schistes à ammonites de la Spezia et les autres schistes jurassiques qui les recouvrent reposent entre le cal- caire rouge à ammonites et le macigno. Ce caractère suffirait cà lui seul pour faire placer ces schistes dans la partie supérieure de la série jurassique. Mais les géologues qui ont examiné les différentes espèces d’ammonites de la Spezia, tels que MM. Sowerby, de Buch et d’Orbigny, les ont regardées comme appartenant au lias et même au lias inférieur. Je crains de paraître téméraire en voulant discuter les conclusions d’autorités aussi respectables. Pourtant, je prendrai la liberté de faire quelques observations sur ce sujet, avec tous les égards qui sont dus à des paléontologues aussi distin- gués. Il est bon de remarquer d’abord que la plus grande partie des ammonites de la Spezia sont des espèces nouvelles ; elles ne sau- raient donc aucunement nous éclairer sur Fâge des couches qui les renferment , et F on est réduit à se fonder sur les caractères géné- raux des familles , ce qui affaiblit de beaucoup les conclusions qu’on peut tirer. Ensuite Fon observe qu’avec les ammonites à SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. 1075 faciès liasique on rencontre également VA. ta tri eus , VA. Lamberti , et quelques Nérinées qui caractérisent ordinairement l’oolithe su- périeure et l’argile d’Oxford. Que si l’on ajoute ces caractères à leur position stratigrapliique , on est autorisé, je crois, à conclure que ces schistes occupent la partie supérieure de la série jurassique, et représentent peut-être en grande partie l’argile d’Oxford. Il s’ensuit alors naturellement que le calcaire rouge à ammonites doit être rapporté à la formation jurassique inférieure. — On arrive à la même conséquence par l’examen des caractères stratigraphi- ques du calcaire rouge à ammonites et des séries de schistes cal- caires qui dans les montagnes de Pise et de Campiglia lui sont superposées. Ces dernières séries occupent précisément la même position que les schistes ammonitifères de la Spezia, auxquels ils ressemblent beaucoup par leurs caractères minéralogiques; elles sont placées entre le calcaire rouge et le macigno. Il est vrai qu’une circonstance importante paraîtrait s’opposer à l’adoption de ce parallélisme ; c’est que dans les calcaires schisteux de la Toscane on ne voit point les ammonites de la Spezia, et l’on y trouve au contraire différents fucoïdes semblables à ceux du macigno. Mais si l’on considère : 1° Que ces dépôts ont une grande ressem- blance minéralogique avec ceux de la Spezia ; 2° que quelques calcaires qui font partie de ces dépôts dans les montagnes de Mas- saciuccoli près de Pise ressemblent tout à fait à la majolica de Lombardie ; 3° que les dépôts dont il s’agit occupent exactement la même position que les schistes à ammonites de la Spezia; A0 qu’on n’y voit aucune trace de fossiles crétacés; 5° qu’enfin d’après M. Studer on trouve quelques fucoïdes du macigno même dans le fllsch liasique des Alpes: je me crois en droit de repro- duire ce que M. de Buch a avancé pour le calcaire rouge amino- nitifère de Lombardie , c’est-à-dire qu’il est peu probable que ces quelques fucus rencontrés dans leurs couches suffisent pour les faire remonter jusqu’aux formations crétacées. — D’après les faits que nous avons passés en revue et que je crois exacts , on peut donc conclure que le calcaire rouge à ammonites de l’Italie a été déposé à la partie inférieure de la série jurassique. Cette position est dé- duite non seulement de ses rapports stratigraphiques, mais encore de la nature des fossiles qu’il renferme ; car les ammonites falci- fères qui sont communes dans cette roche sont propres , d’après M. de Buch , au lias supérieur et à l’oolithe inférieure. Un autre caractère vient d’ailleurs appuyer le classement parmi les formations jurassiques du calcaire rouge que nous retirons défini- tivement du lias. 11 résulte de toutes les observations que j’ai pu 1076 SÉANCE DI 21 JUIN 18 /| 7. faire en Italie , que la silice commence à se montrer dans les der~ nières couches secondaires, c’est-à-dire dans les couches étrusques, et qu’elle est très abondante dans toute la formation de la craie et dans la partie supérieure du Jura, puisqu’elle disparaît entière- ment dans le lias et dans les autres formations plus anciennes. Or, puisque cette substance se trouve abondamment dans le calcaire rouge ammonitifère et manque absolument dans le lias qu’il re- couvre, il s’ensuit même de ce côté une forte présomption en fa- veur de notre opinion. — La position que je viens d’attribuer au calcaire rouge ammonitifère de l’Italie ne diffère pas beaucoup de celle que M. Coquand a soutenue dernièrement. La distance entre l’oolithe inférieure et le lias est si petite qu’on peut parfaitement placer un dépôt incertain dans l’une ou dans l’autre de ces for- mations , sans dépasser les limites d’incertitude inhérentes à notre science. Mais puisque M. Coquand déduit de sa classification du calcaire rouge une conséquence très importante et qui ne me paraît point exacte, je crois devoir examiner les arguments sur lesquels il s’appuie. — Yoilà le raisonnement de M. Coquand: « Si le calcaire rouge à ammonites représente en Italie le lias in- »> férieur , on doit regarder comme dévonien ou silurien le calcaire » cristallin de Carrare et de Campiglia , tandis que les schistes » également cristallins qui le supportent appartiennent au terrain » cambrien (1). » Notre confrère trouvera bien peu de géologues qui voudront partager son opinion. Je suis parfaitement d’accord avec lui quant à la discordance de stratification bien évidente qu’on observe en Toscane entre le calcaire rouge ammonitifère et les calcaires saccharoïdes, et comme lui je ne peux adopter l’opinion de quelques uns de nos confrères qui doutent de cette disposition transgressive ou qui ne lui accordent point l’importance qu’elie mérite. Mais je ne saurais aucunement admettre que le hiatus chronologique qui existe entre ces deux formations soit aussi grand qu’il le pense. Il suffit de suivre le passage du marbre de Carrare au calcaire brun de la vallée de la Tecchia renfermant des fossiles tout à fait identiques à ceux qu’on trouve dans le calcaire de même couleur de la vallée d’Esino en Lombardie qui est placé dans la même position , pour acquérir la conviction que les marbres statuaires des Alpes apuanes , les calcaires saccharoïdes de Campi- glia , et la rauchwacke de la Toscane, ne peuvent absolument être classés dans le lias inférieur. — Les anagénites et les schistes cris- (1) Bull , de la Soc. géol . de France , 2e sér , t. Il, p. 165 et suivantes. SÉANCE DU 21 JUIN 18/j7. 1077 tallins qui supportent en stratification concordante ou discordante les marbres statuaires et les rauchwackes des Alpes apuanes, ne renfermant point de fossiles, forcent le géologue à une grande ré- serve. Leur âge ne saurait donc être déterminé pour le moment avec quelque certitude. Nous attendrons de nouveaux faits qui permettent d’éclaircir cette question. Conclusion. — C’est un grand pas pour la science que d’être parvenu à bien distinguer en Italie le jura du lias. Il reste à déter- miner avec précision les différentes séries de ces formations ainsi qu’on l’a fait pour le nord de l’Europe. Pour obtenir des divisions naturelles , les seules qui puissent être acceptées comme un avan- cement dans la science , il faudra les déterminer à l’aide de carac- tères géologiques et paléontologiques bien discutés. En attendant , d’après les faits qui nous sont connus , nous pouvons affirmer : 1° que le calcaire rouge à ammonites nous offre un horizon géo- gnostique précieux pour les dépôts du lias et du jura du midi de l’Europe, et que cette formation appartient au jura inférieur; — 2° que les calcaires noirs fossilifères, les rauchwackes , et les marbres cristallins inférieurs au calcaire rouge , appartiennent au lias; — 3° que les dépôts de calcaires marneux à ammonites qui lui sont superposés peuvent être rapportés au jura supérieur (1). Explication générale des coupes. Fig . 1 . Montages de la Brianza , près du lac de Como. A Yalsassina, B Grigno du nord , ou mont Godeno , C Grigno du sud , D Lac de Lecco , E Cornes de Canzo , F Craie. (1) J’avais déjà écrit ce Mémoire lorsque M. Yecchi m’a communi- qué plusieurs observations importantes qu’il a faites dans une localité de Toscane encore inconnue des géologues, au mont Cetona, dans le Siennois. M. Vecchi y a vu une série de couches jurassiques absolu- ment pareilles à celles que j’ai décrites sur divers points de la Toscane, et dans lesquelles il a été assez heureux pour rencontrer des fossiks qui viennent confirmer les conclusions que je viens de prendre , et répan- dent la lumière sur différents dépôts de la Toscane, sur lesquels on avait été très incertain jusqu’à ce jour. Je crois bien faire en donnant ci-après le travail de M. Yecchi ; j’y ai ajouté quelques notes, qui ser- viront à expliquer la classification que j’ai faite des couches du Jura et basiques de l'Italie < 1078 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. Fig. 2. Montagnes du golfe de la Spezia. A Mer Méditerranée B Campiglia, C Montagnes occidentales de la Spezia , D Golfe de la Spezia , E Montagne orientale de la Spezia, F Rivière Magra. Fig. 3. Montagnes de Veccliiano et de Massaciuccoli , près de Pise. A Montagne de Massaciuccolo , B Embouchure de P. à Padula, C Montagnes de Legnaja, E Montagne de Bastione , F Paduletta, G Montagne de Bruceto, ■H Vallée du Serchio. Fig. 4 Montagnes de Campiglia , dans les Maremmes. A Campiglia, B ^Montagne de Campiglia Vecchia , C Montagne des Schienali , D Cime du Gabbro al Fico , E Cime du Cë'rro Crociato. Fig. 5. Vallon de Fucinaja , près de Campiglia en Maremme. Fig. 6 . Montagne de Cetona , dans le Sienois. Fig. 7. A Marnes subapennines , B Conicchio , C Le Petraje , D S. Casciano de’ BagnL Couches inférieures au lias. a. Schistes cristallins ; b . Calcaire gris sub-lamellaire ; c. Calcaire blanc saccharoïde ; d. Anagénite siliceuse et calcaire ; e. Aphanite métamorphique ; f. Calschiste cristallin ; g. Agénite quartzeuse (Verrucano). ■■■' 8 b 83ÔCI Couches du lias. Inférieur, h. Calcaire brun , non siliceux, à bivalves (avec A. Buck- lundi , au lac de Como), SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1079 Supérieur, i. Dolomie; if. Calcaire cristallin ; Calcaire compacte ou celluleux ( raiichwackë ) avec fos- siles turriculés. Couches du Jura. Inférieur, k. Calcaire gris avec silice; dans d’autres endroits, paral- lèle à uneoolithe avec Pentacrinites; l. Calcaire rouge ammonitifère ; v. Majolica; m. Schistes avec fucoïdes; n. Calcaire brun avec silex (oolithe à Cetona) ; o. Schistes siliceux bigarrés; p. Majolica avec silex; q. Calcaire gris avec silex. Supérieur, r. Schistes calcaréo-marneux avec Ammonites ; rf . Schistes calcaréo-marneux avec Posidonia iiasina ; r n . Schistes calcaréo-marneux sans fossiles (à Cetona , on y voit F A. serpentinus) ; .v. Schistes siliceux bigarrés ( gale s tri ) ; t. Macigno. 4° L’ordre de superposition des couches est en partie réel , en partie théorique. 2° La série des couches inférieures au lias, de celles du lias et du Jura inférieur jusqu’à / est réelle. 3° La série des couches jurassiques inférieures de / à q et des couches jurassiques supérieures est théorique en partie. 4° Les couches /, i', i" sont absolument synchroniques. Les couches r, /, r n sont supposées synchroniques. 5° Quelques couches se reproduisent dans différentes positions , au milieu des séries. De ce nombre sont : l, lf, o , p, s. Voici maintenant { extrait d’un Mémoire de M. Vecchi , que M. Pilla a joint à son travail ; nous regrettons que îe défaut d’espace ne nous permette point de le reproduire en entier. Notice géologique sur la montagne de Cetona , par M. Ezio De’ Vecchi. La montagne de Sarteano ou de Cetona forme un pic isolé au milieu du pays sub-apennin à collines ondulées qui l’environne Les pentes se rallient au sud et au nord avec les collines de S. Ca- sciano et de Ghianciano , qui sont alignées dans cette direction et 1080 SÉANCE BU 21 JUIN 18/|7. qui vont se réunir aux collines sub-apennines , près de Monte- pulciano; àl’E. et à FO. elles tombent avec une forte inclinaison et ne paraissent pas se joindre aux terrains qui les entourent — Cette montagne se compose de couches calcaires, de schistes et deplita- nites que quelques espèces d’ammonites que nous y avons trouvées font classer à première vue dans la période jura-liasique. — Mais il n’est pas aussi aisé de préciser davantage les formations jurassi- ques auxquelles ces nombreuses couches correspondent. Nous mettrons à profit pour cela la présence de quelques couches con- nues dans d’autres localités , et qui vont nous servir d’horizon géognostique. — Nous y trouvons d’abord un calcaire marneux renfermant des bandes de silex , et qui est souvent rougeâtre. C’est là le même calcaire rouge ammonitifère qu’on voit près de Como , et dans différentes localités de la Toscane , et qui est du Jura supérieur pour M. de Buch , du lias inférieur pour M. Co- quand , et du terrain jurassique inférieur pour M. Pilla. * — On y reconnaît en deuxième lieu ce même calcaire compacte ou cellu- leux à fossiles turriculês indéterminables qu’on rencontre à Vec- chiano et à Spelonca , et qui , se trouvant là à la partie inférieure des montagnes Pisanes , fait passage aux marbres de Carrare et de Serravezza. M. Coquand regarde ce calcaire comme inférieur au lias ; pour MM. Savi et Pilla , il ne sortirait point de cette forma- tion. M. Pilla a même prouvé dernièrement son parallélisme avec le calcaire du mont Godeno , près du lac de Como , où il est as- socié au calcaire brun basique et aux dolomies, et où il se trouve dans la même position qu’en Toscane, au-dessous du calcaire rouge ammonitifère et sur le Verrucano. — Ce dernier calcaire occupe une grande étendue dans le pays qui nous concerne. Très puissant, car il constitue la plus grande partie de la masse, et en quelque sorte le noyau delà montagne, on le voit former l’escarpement à peu près vertical appelé clellc Ripe qui la limite à l’ouest, et qui marche en ligne droite du N. au S. sur la longueur d’environ une lieue ; on le rencontre encore dans les collines de Spineto et de Sarteano , et jusqu’auprès de Cetona. Il est gris clair, très souvent compacte, et il renferme çà et là quelques lits d’argile ferrugineuse, mais on n’y voit point de silex. On y trouve également des cristaux de quartz brun, bi-basique, tri-hexaèdre ou dodécaèdre, connus sous le nom de cristaux de Chianciano , et que M. Pilla rapproche de ceux qui se trouvent dans le marbre de Carrare. Plusieurs parties de ce cal- caire sont formées d’une dolomie blanche , saccharoïde, qui ordi- nairement n’est pas très solide et qui s’égrène facilement, mais dont la compacité atteint quelquefois un degré qui a permis de s’en SÉANCE DU 21 JUIN 18^7, 1081 servir comme de marbre (1), ce qui est une nouvelle preuve de T âge de notre calcaire ; car il est clair pour nous que l’association des cristaux de quartz et des parties magnésiennes avec ces calcaires est due à ces actions métamorphiques que M. Pilla, en établis- sant la contemporanéité des calcaires compactes à fossiles tur- riculés , des cargneules , des dolomies et des marbres statuaires dans la Toscane . a démontré avoir agi sur notre lias à une époque antérieure au dépôt des couches jurassiques (2). Ajoutons que le calcaire en question n’est point stratifié , et qu’il offre cette appa- rence de ruines qui rend si remarquables les dolomies classiques du Tyrol (3). A le Ripe , des masses puissantes de travertin s’ap- puient contre ce calcaire , et près de Cetona il est recouvert par des couches alternantes de molasse et de marnes sub-apennines en stratification horizontale. — Les roches stratifiées qui sont su- perposées au calcaire que nous venons de décrire viennent affleu- rer l’une après l’autre à partir de Cetona, sur la route de Celle. Cette route traverse la montagne en suivant à peu près la circon- férence d’un cylindre vertical ; le point culminant d’où la route redescend vers Celle est en même temps une ligne anticlinale géologique où les couches les plus anciennes affleurent sous forme d’un arc-boutant, sur les deux flancs duquel viennent se placer par degrés les plus modernes. C’est une de ces croupes dues à une action soulevante quelconque , d’où les terrains supérieurs frac- turés ont été enlevés, et qui sont si communes en géognosie. — * A partir du pied de la montagne du côté de Cetona , et des plus récents , la succession des dépôts stratifiés dont il s’agit , qui se reproduit doublement des deux côtés de l'axe est la sui- vante : — \ . Marnes sub-apennines (Cetona, ferme du Morrone). — 2. Calcaire marneux gris bien stratifié , avec quelques bandes schisteuses et argileuses. — (Conicchio). — 3. Schistes bigarrés rouges, gris, ou verdâtres, passant insensiblement au précédent, et alternant bientôt avec le suivant. — h. Calcaire gris sub-lamellcux (/, avec silex , ordinairement bien stratifié , mais devenant quel- quefois compacte et massif. — • 5. Massif schisteux o, très puissant, alternant avec des bandes siliceuses ou de phtanite. — 6. Calcaire fl) Le groupe de la Pieta du dôme d’Orvieto parait en être formé. (2) Brève cenno sulla ricchezza minérale délia Toscan a , par M. Pilla. (3) La fig. 6 représente la coupe N. -S. de la montagne. — i", cal- caire celluleux et dolomie formant le cône de Cetona. — l, formations stratifiées qui le recouvrent. 1082 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. rougeâtre l , avec de nombreux lits de silex , très bien stratifié , renfermant un massif phtanitique subordonné , et composé de couches siliceuses colorées en rouge et en vert et très contournées. (Je calcaire renferme plusieurs ammonites enclavées dans la roche, et entre autres Y A. tatricus caractérisant le calcaire rouge ammoni- tifère et l’époque jurassique , une ammonite qui paraît être Y A. heterophyllus , et quelques autres parmi lesquelles M. Pilla a reconnu Y A. Conybeari , Y A. toi'tilis et à Y A. Brauniçinus . Ce dépôt forme le sol de la ligne anticlinale et redescend ensuite avec une déclinaison opposée pour replonger sous les formations supérieures que nous venons de quitter. — En redescendant on revoit d’abord le calcaire rouge ammonitifère avec Y A. tortilis /, puis la masse phtanitique o qui , comme précédemment , lui est subordonnée , et le calcaire n avec des parties oolithiques et quelques fucoïdes mal conservés , et plus tard les schistes rouges et gris o , et les couches calcaires q , sur lesquelles est bâti le village de S. Casciano cle ' Bagni. — Si l’on quitte alors la route de Celle, et que l’on s’enfonce dans une espèce de ravin appelé le Botro di monte Santo , à l’O. de Casciano , on rencontre un calcaire marneux gris , sans silex , avec des bandes argileuses dans lesquelles j’ai trouvé plusieurs ammo- nites que M . Pilla a reconnues appartenir à Y A. serpentinus . Or, ce calcaire est par sa position et par ses caractères minéralogiques le même que celui de Conicchio rn (1). — Les dépôts que nous ve- nons d’énumérer passent l’un à l’autre ; ils sont reliés par les bandes (1) La découverte de Y A. serpentinus dans les couches supérieures aux phtanites, qui sont associées au calcaire rouge ammonitifère, est un fait de la plus grande importance pour la classification de la série jurassique en Toscane ; car si l'on compare ces couches de la montagne de Cetona , que M. Yecchi vient de nous faire connaître (fig. 7) , avec celles que j ai décrites dans les montagnes de Yecchiano (fig. 3) , il est impossible de ne pas reconnaître leur parfaite analogie. Dans l’un et dans l’autre endroit, on a au-dessus du calcaire compacte et des rauch- wackes i" : — 1° le calcaire ammonitifère /; — 2° les phtanites o\ ■ — 3° le calcaire gris à silex q ; — 4° le calcaire marneux sans silex r. — Or, puisque M. Vecchi a trouvé dans ce dernier Y A. serpenti- nus , il est dès lors mis hors de doute que toutes les couches que j’ai indiquées dans les montagnes de Vecchiano (fig. 3) appartiennent à la série jurassique et non à la craie inférieure , ce que j’avais déjà déduit, même sans l’auxiliaire des fossiles , par la comparaison minéralogique des couches de Vecchiano avec celles de la Spezia, et par leur position identique. (Voyez mon travail sur le Terreno etrurio , p. 28 etsuiv.) ( Note de M . Pilla.) 1083 SÉANCE DU 21 JUIN 18Z|7 . i schisteuses et plitanitiques communes à tout ce système , et leur stratification est parfaitement concordante et inclinée des deux côtés de la ligne anticlinale qui se dirige du N. au S. • — On peut donc admettre qu’ils ont tous été déposés dans une seule et même période, pendant laquelle les conditions géologiques se sont main- tenues invariables. Si nous partons donc du point de vue de M. Pilla, qui pense que le calcaire à A. Tatricus correspond à l'é- tage jurassique inférieur, et que nous songeons à Y A. serpentinus du calcaire de Conicchio et de Monte Santo , toute notre série sera parfaitement caractérisée , car celui-ci appartenant au jura supérieur, les masses schisto-phtanitiques , calcaires et oolitliiques qui le réunissent au calcaire ammonitifère viendront se placer na- turellement dans le jura moyen. — La question ainsi posée se trouve réduite au même point où l’on en est à l’égard de l’âge des montagnes Pisanes, de la Spezia, de Como, etc. , dans la discus- sion duquel je n’entrerai point (1). M. Pomel lit la note suivante : Note sur un nouveau Pachyderme du bassin de la Gironde ( Elotlierium magnum), par A. PomeL Le catalogue des mammifères fossiles s’étend tous les jours de plus en plus , et il n’est pas de localité où l’on ne puisse espérer rencontrer encore quelque type nouveau de cette ancienne créa- tion , dont on a en si peu de temps exhumé un si grand nombre de débris. En effet , malgré les persévérantes investigations de M. Lartet et de plusieurs autres paléontologistes, les terrains ter- tiaires du bassin de la Gironde fournissent encore aux recherches (1) Je crois cette question résolue par la comparaison que j’ai faite des couches jura-liasiques du lac de Como, de la Spezia et de la Toscane. Dans toutes ces localités , on a deux points de repère communs par leurs caractères minéralogiques, par leurs fossiles et par leur position relative ; ce sont ; \ 0 le calcaire noir à fossiles jurassiques , associé aux calcaires gris compactes, aux cargneules et aux dolomies, — * 2° le calcaire rouge ammonitifère . Au-dessus de ce dernier calcaire , nous avons, en Toscane, une succession de couches jurassiques qui man- quent en Lombardie, ou qui ne sont représentées dans ce dernier pays que par la majolica. Ces couches renferment les phtanites de nos con- trées, les schistes à Ammonites de la Spezia et de Cetona, et elles constituent la partie supérieure de tout le système. ( Note de M , Ptjla) 1084 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. des naturalistes des animaux nouveaux , dont celui que nous fai- sons connaître aujourd’hui n’est pas un des moins remarquables par les singuliers caractères qu’il présente. Nous en devons la com- munication à M. Luce , qui malheureusement n’en connaît le gi- sement que d’une manière très vague. Les arrière-molaires au nombre de trois sont un peu trop usées pour que nous puissions y reconnaître d’une manière précise la forme de la couronne. La première, surtout, ne présente plus qu’une large surface de trituration échancrée des deux côtés par les restes d’une vallée transversale, plus profonde en dedans qu’en dehors. La seconde , moins usée , présente deux collines qui pa- raissent avoir été formées de deux gros tubercules lisses , assez peu séparés, les deux postérieurs ayant déjà confondu leurs disques d’usure de manière à ne présenter qu’une faible trace de leur di- vision. La moitié postérieure , évidemment plus basse , a son tu- bercule interne plus petit , et sa dentine , mise à nu par la détri- tion , forme un cercle qui devait bientôt se confondre avec le disque d’usure du tubercule opposé pour dessiner une figure trilobée. Celui-ci doit avoir été très large et s’être étendu un peu autour du tubercule interne , car la surface de détrition produit de ce côté deux lobes très prononcés. La partie antérieure de la dernière mo- laire est semblable à celle de la précédente ; mais la postérieure, qui nous est malheureusement mal connue , a une forme assez différente et très curieuse ; elle est formée d’une sorte de large talon bas, circulaire , qui ne présente à la couronne qu’une surface creuse de dentine entourée d’une bande d’émail. Elle est sensiblement plus petite que la partie correspondante de la molaire qui la pré- cède. Les avant-molaires sont certainement au nombre de trois au moins , et peut-être de quatre. Mais la première ne nous serait pas même, dans ce cas-ci, connue par son alvéole, dont il est impossible de constater la présence à cause du mauvais état de l’os ; toutefois elle ne peut qu’avoir été portée par une seule racine implantée assez près de la canine, et immédiatement en avant de la seconde dont nous ne connaissons de même , ainsi que de la troisième , que la partie radiculaire. La dernière fausse molaire est une dent épaisse portée par deux grosses racines, un peu divergentes, formée d’une couronne conique à peine comprimée latéralement et obtuse qui se dirige un peu en arrière , et se termine de ce côté par un talon épais en- touré d’un bourrelet d’émail. Les seconde et troisième fausses mo- laires doivent avoir eu une forme à peu près semblable , sauf pour la grosseur du talon, et leur grandeur ne paraît pas avoir été beau- séance uu 21 juin 1847. 108â coup moindre ; car leurs racines sont épaisses et au nombre de deux disposées comme dans celle que nous connaissons entière. 11 reste encore toute la partie radiculaire d’une grosse dent qui paraît être la canine, Malheureusement nous n’en connaissons pas autre chose ; mais cette partie indique une dent très forte , fusiforme , c’est-à-dire atténuée dans sa racine comme dans sa couronne et à coupe presque elliptique , sans trace de carène au sillon. Le bord incisif est très élargi transversalement ; mais il ne nous a montré aucune trace d’alvéoles à cause de son mauvais état. Toutefois ces dents ne peuvent avoir eu que de petites dimensions , au moins dans leur épaisseur. Les branches de la mâchoire sont assez diver- gentes, et leur symphyse , très élargie de manière à former une sorte de large canal en dessus , ne présente plus de traces de la suture. D’après ces caractères il ne nous paraît pas douteux que notre animal ne doive être rangé dans la famille des pachydermes à doigts pairs, ou, pour mieux dire, des cochons et des hippopo- tames ; par l’élargissement de son bord antérieur il se rapproche de ces derniers, de même que par la forme de ses arrière-molaires, quoique celles-ci soient beaucoup plus simples; par ses avant- molaires il rappelle un peu les anthracothérium ; mais la canine et surtout la dernière molaire ne trouvent aucune analogie dans cette famille, ou celle-ci , loin d’être réduite dans sa partie pos- térieure , se complique au contraire d’une troisième partie en forme de talon tuberculeux. C’est l’inverse de ce que nous voyons dans l’autre famille de pachydermes , ceux à doigts impairs , qui, dans la faune vivante, ont la dernière molaire plus ou moins sem- blable à celle qui la précède , tandis que dans les faunes fossiles ils ont eu cette dent compliquée par une troisième partie. Notre animal est aux hippopotames ce que les tapirs et les rhinocéros sont aux lophiodon et aux paléothérium. M. le secrétaire donne lecture de la communication suivante de M. le docteur Canat. Quelques observations concernant le terrain lacustre cle la Bresse t par M. le Dr J. Canat. Ce terrain s’étend , comme on sait , sur la rive droite de la Saône , et sur la rive gauche au nord du Doubs , bien au-delà des limites du pays de Bresse dont il emprunte son nom. Les plaines du Chàlonnais qui en font partie sont de vastes plateaux bien ni- 1086 SÉANCE DU 21 JUIN 18/l7. velés, interrompus par de longues tranchées sinueuses qui forment les bassins des rivières La hauteur de ces plateaux au-dessus de la mer est très uniformément de 200 à 210 mètres, d’après les cotes de hauteur de la carte du dépôt de la guerre (feuille 137 ). On voit ces cotes descendre entre 190 et 200 mètres, au nord vers le Doubs ; elles s’élèvent un peu au sud et à l’est , vers les limites de la Bresse chdlonnaise , où quelques unes atteignent 215 à 220 mètres. Ce sont les indices du relèvement presque insensible de tout ce terrain vers les Alpes (4)- Une dépression brusque de 10 à 15 mètres permet de distin- guer, dans le voisinage de la Saône , un plateau inférieur formant une zone courbe allongée du nord au sud , large d’environ 8 kilo- mètres , et qui est bien reconnaissable à un myriamètre au nord et au sud de Châlon : ses bords passent d’un côté par Farges , la montée du Maupas, Taisé ; de l’autre par Alleriot , Chatenoi en Bresse , les bois de Lan. Le bassin de la Saône y est compris. Le bord de ce bassin et le bord de la dépression se confondent à Alleriot. La Saône qui n’a que 250 mètres d’un bord à l’autre coule dans un bassin dont la largeur est de 3 ou h kilomètres auprès de Châlon. La largeur du vallon d’un mince filet d’eau comme la Thalie atteint un kilomètre. Les eaux des rivières dans leurs inon- dations couvrent le fond de ces tranchées naturelles , et l’élèvent lentement par leurs alluvions qui s’étendent en prairies admira- bles. Le large fossé qui renferme les prairies de la Saône n’a que 12 ou 15 mètres de profondeur au-dessus des alluvions, dont l’é- paisseur est de k à 5 mètres : dans les plateaux supérieurs , la pro- fondeur des bassins est au plus de 25 mètres. Les dimensions des bassins augmentent généralement dans le sens du cours des rivières. Leurs bords , ou les coteaux parallèles qui terminent les plateaux , sont soumis à une loi qui les assimile à d’anciennes berges façonnées par de puissants courants , c’est-à- dire que dans les sinuosités du bassin le coteau est toujours forte- ment incliné aux endroits où la courbe est rentrante , et qu’il est en pente douce à l’opposé. En effet , dans tous les cours d’eau per- manents ou accidentels le courant qui va en se réfléchissant d’une rive à l’autre , dans les parties sinueuses , entame la berge du côté concave où il vient se heurter et la rend abrupte , tandis que la rive opposée se forme en talus plus ou moins incliné. Le bassin de (1) Une hauteur exceptionnelle de 227 mètres correspond aux bois de Lenan sur la rive droite de la Saône. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1087 la Saône offre un exemple de cette disposition à la hauteur de Châlon, où il décrit une grande courbe : à l’ouest, du côté de la concavité , ses bords sont constitués par les coteaux de Crissey, de Sâint-Jean-des-Vignes , de la citadelle à Châlon, de Saint-Cosme, Saint-Retny et Lux , qui ont une inclinaison prononcée d’environ 12° ; des pentes très douces, au contraire , bordent les prairies du côté opposé vers Saint-Marcel. Les bassins de la Dheüne , de FOr- bin , de la Crosne, de la Soi lie présentent les memes caractères. La dénudation des coteaux par des ravinements laisse apercevoir çà et là les tranches des couches argileuses ou sableuses parfaite- ment horizontales , qui forment tout le sol de la contrée. Les allu- vions reposent ordinairement sans intermédiaire sur les couches lacustres dont les parties supérieures ont été enlevées. Celles de la Saône sont supportées par une argile d’un gris bleuâtre , et quelquefois par une couche aq>ilo-sableuse jaunâtre supérieure à la première. J’ai reconnu ces couches sur une longueur de h myriamètres. Elles font des saillies inégalement découpées dans les berges. C’est le fond même du bassin que les alluvions ont ni- velé. Quelquefois , comme dans le vallon de l’Orbin , des dépôts tourbeux paraissent avoir commencé ce nivellement. La berge droite de la Saône , au-dessus de Châlon , près de la chaussée Romaine qui conduit de la rivière à Crissey, est constituée dans presque toute sa hauteur par une niasse sableuse grossière étran- gère à Falluvion : cette même masse sableuse forme, dans la prai- rie voisine , des monticules et des amas allonges élevés de 1 on. 2 mètres. Ce sont les restes d’une couche dont la partie supérieure a été enlevée dans le creusement du bassin par les eaux , ou bien c est une espèce de diluvium abandonné par ces eaux en mouve- ment. Nulle part, d’ailleurs, excepté peut-être auprès des mon- tagnes, comme à Chagny, on ne trouve au-dessous des alluvions , le dépôt de transport composé de sables , graviers ou galets , ana- logue à celui que charrient les rivières et qu’elles étendent sur le fond de leur lit. Ce ne sont donc pas des cours d’eau permanents qui ont occupé les bassins. Ces longues vallées d’érosion ont dû être produites par un événement subit, tel que le déversement du lac de la Bresse par suite du soulèvement de son fond , ou de la rupture de ses digues au midi. Ce seraient les rigoles d’écoulement que ces masses d’eau auraient creusées en labourant le fond du lac dans leur re- traite. La dépression en forme de zone courbe allongée , voisine de la Saône , paraît être aussi le résultat d’une érosion produite par le 1088 séance du M juirs 1847. déplacement d’une nappe d’eau. Elle est bornée en effet du côté concave par un coteau assez rapide qui règne d’une manière con- tinue depuis Farges jusqu’auprès de Seuvrey, et qui est bien figuré sur la carte du dépôt de la guerre ; du côté convexe , au contraire, le plateau inférieur passe au plateau supérieur par une pente peu sensible. Un sondage artésien pratiqué dans le bassin de la Saône à Châ- lon, et poussé à 159 mètres, n’a traversé que des argiles et des sables. Le terrain des plateaux supérieurs est particulièrement formé d’une argile blanchâtre , médiocrement fertile , dite terrain blanc ou terrain des bois. Le terrain caillouteux , dont a parlé M. Elie de Beaumont, ne se développe qu’au sud de la Seille dans le département de l’Ain. 11 s’en trouve, sur une petite étendue, au nord-est de l’ilot jurassique de Lacrot près Tournus; et il est à remarquer que les gros galets de quartz que l’on voit dans cet en- droit ne peuvent pas provenir des montagnes voisines qui sont toutes jurassiques. Plusieurs tranchées ont été ouvertes récemment sur la rive droite de la Saône pour les travaux du chemin de fer de Dijon à Châlon. Celle de Saint-Cosme a traversé, sur une profondeur de 10 mètres, une sorte de promontoire dépendant du plateau inférieur , qui sé- pare le bassin de la Saône de celui de la Thalie près de leur jonc- tion. Elle présente la coupe de trois couches de terrain s’étendant horizontalement d’un bassin à l’autre, savoir : une couche supé- rieure argileuse jaunâtre qui contient des nodules calcaires et des grains ferrugineux ; une couche moyenne sableuse à lits ondulés et imbriqués, et inférieurement une marne bleuâtre ou verdâtre , très effervescente, compacte, un peu feuilletée , à lits minces sépa- rés quelquefois par du sable fin et du mica. Les deux couches supérieures passent l’une à l’autre. La marne bleue, avant leur dépôt, avait éprouvé des érosions, ce qu’indiquent clairement les inégalités de sa surface. Les saillies et les enfoncements quelle pré- sente sont encroûtés d’une couche d’argile ferrugineuse de 20 ou 30 centimètres (fig. 1). SÉANCE DU 21 JUIN 18A7, 1089 Echelle: Hauteur 3 millimétrés ) r a , > pour métré Longueur 2 ui. ) 1 A. Niveau des alluvions de la Saône. La marne bleue de la tranchée paraît reposer sur une couche argilo-sableuse , déjà mentionnée, supérieure à l’argile grise du pied des berges de la Saône. Ces deux dernières couches lacustres ont été bien vues dans les travaux récemment exécutés à l’embou- chure du canal du Centre. C’est la même argile grise , suivant toute apparence , qui a été rencontrée au-dessous des alluvions de la Thalie dans les travaux du nouveau pont. La coupe du coteau de Saint-Cosme (fig. 2) (1) fait voir comment Echelle : Hauteur 3 millimètres Longueur 2 id. pour mètre. B. Niveau des alluvions de la Saône. les couches sont interrompues par les bassins. Une excavation de la marne bleue terminée par une coupure presque droite témoigne de la puissante force d’érosion qui a creusé celui de la Saône , et fait comprendre comment ce coteau n’est qu’une berge taillée d’abord d’une manière abrupte, dont les lignes ont ensuite été adoucies par l’usure de la partie supérieure et la formation d’un talus au pied. La tranchée de Corcelles est ouverte dans une couche argileuse qui est évidemment la continuation de la partie supérieure du ter- rain de Saint-Cosme : ces deux endroits ne sont éloignés que de (1) Elle est très oblique à la ligne de plus grande pente du coteau. Soc. gèol. , %ÿ série, tome IV. 69 1090 SÉANCE DU 21 JUIN 1847, 2 kilomètres. Les tranchées de Forges et de Chagny sont dans le plateau supérieur ; elles ont traversé des argiles blanchâtres avec grains ferrugineux abondants et des sables inférieurs. Dans la tran- chée de Corpeau, au pied des montagnes jurassiques de la Côte- d’Or, on remarque des amas irréguliers de galets calcaires. Les coquilles suivantes ont été trouvées à Saint-Cosme. Lymnœus palustris (sables de la tranchée , argile grise du pont de la Tlialie). L. auricularis argile grise du pont). Planorbis margincitus (sables, argile grise). P. vortex , variété B (sables). Succinea amphibia , S. elongatci (sables, argile grise). Paludina vivipara (tranchée, couches supérieures). P. impura (argile grise du pont). Valvata piscinalis ( marne bleue et sables de la tranchée ; argile grise du pont). Cyclas palustris ( argile grise) . C. cornea (sables). Ces coquilles d’eau douce sont de l’époque actuelle suivant M. d’Archiac qui a bien voulu les examiner. Par là on doit en- tendre probablement qu’elles appartiennent à une des dernières époques géologiques. Il paraît être difficile en effet ou impossible de différencier de leurs analogues vivants plusieurs coquilles d’eau douce des époques tertiaire ou diluvienne. C’est ce que M. Deshayes déclare, par exemple, relativement au Lymnœus pa- lustris : il en a comparé à diverses reprises les variétés soit vivantes soit fossiles et leur a toujours trouvé une parfaite ressemblance ( Encyclopédie méthodique , 1830 ). On a trouvé des ossements fossiles en petit nombre dans les tranchées de Saint-Cosme, Coreelles etFarges, et en grande quan- tité dans la couche de sable inférieure de la tranchée de Chagny. Ceux de ces objets qui n’ont pas été dispersés restent provisoire- ment entre les mains des employés de l’administration des ponts et chaussées. La plupart n’ont pas été déterminés. On y reconnaît des restes nombreux d’éléphants et d’animaux du genre Cerf, un Rhinocéros, un Cochon, plusieurs espèces de Bœuf, un Cheval. Des fragments de dent d’un Mastodonte trouvés dans la tran- chée de Coreelles ont été soumis à M. Pomel qui avait bien voulu déjà examiner quelques os de Renne, Bœuf, Cheval et Cochon provenant des mêmes couches et de localités voisines. Yoici ce qu’il m’écrit à ce sujet : « Je crois avoir reconnu dans les fragments de dent que vous 1091 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. » m’avez adressés le Mastodonte à dents étroites; mais l’état de M leur conservation rend très difficile, pour ne pas dire impossible, » la détermination de l’espèce. Les Mastodontes jusqu’à ce jour » paraissent propres aux terrains tertiaires moyens et supérieurs. » Les M. angustidens et arvernensis sont de cette dernière époque ; » les M. longimstris et tapiroides sont de la première. Votre fossile »> peut appartenir au Longirostris ou à X Angustidens. Si cette dent » a été trouvée avec les fossiles que vous m’avez déjà communi- » qués, je supposerais volontiers qu’elle a été transportée déjà » fossile dans ce gîte; car je ne connais pas d’association pareille » dans le terrain diluvien , auquel le Mastodonte, dans notre » Europe, paraît normalement étranger. » A ces dernières observations de M. Pomel je dois faire plu- sieurs objections : Le terrain de la tranchée de Corcelles est une argile qui a été formée par la précipitation de matières fines tenues en suspension dans des eaux tranquilles ou peu rapides. Ces eaux n’auraient pu charrier isolément un corps dense comme l’est cette dent de Mas- todonte. On ne voit pas dans la contrée un terrain tertiaire, plus ancien que le terrain de la plaine , d’où ce fossile aurait pu être entraîné. Quel que soit l’âge des terrains superficiels de la Bresse, ce n’est pas la première fois que des dents de Mastodonte y sont trouvées. Il existe à Châlon une dent de Mastodonte à dents étroites, recueillie par un propriétaire de la Bresse, près de Tournus, mais dont le gisement n’a pu être bien précisé. Il est fait mention, dans l’ouvrage de Cuvier d’une autre dent du même animal, qui fut trouvée à Trévoux dans un monticule de sable, et dans ce même terrain de la Bresse. Une découverte tout à fait inattendue a été faite dans la tran- chée de Saint-Cosme vers sa partie moyenne. On a rencontré, dans la couche de sable , à 5 mètres de profondeur , un de ces coins tranchants en pierre dure, armes ou ustensiles bien connus dont se sont servis les hommes primitifs vivant à l’état sauvage. Celui- ci, qui a 8 ou 9 centimètres de longueur, a été fait d’un morceau de diorite compacte artistement usé d’un côté. Le taillant en est très aigu et très régulier. Je l’ai fait dessiner afin que son authen- ticité comme œuvre de l’industrie humaine ne puisse paraître dou- teuse à personne (1). Cette découverte qui a fixé à juste titre l’at- (1) Le dessin de M. Canat était si parfaitement identique avec les autres pierres de ce genre , communes dans les collections , qu’on n’a pas cru devoir le reproduire. 1092 SÉANCE PL 21 JUIN 1847. teution de l’ingénieur du chemin de fer a été de ma part le sujet d’une enquête minutieuse faite sur les lieux : c’est bien dans un terrain vierge de tout remaniement que cet objet a été trouvé. On a dû comprendre , par ce qui précède , que ce terrain n’a rien de commun avec les alluvions de la Saône ou de la Thalie. Le terrain lacustre de la Bresse est classé par M . Elie de Beau- mont comme appartenant à la troisième période de l’époque ter- tiaire, ce qui est la conséquence de son relèvement sur le flanc des Alpes principales. Pour M. Bozet le terrain lacustre tertiaire ne commencerait qu’à la couche d’argile, grise que l’on voit au pied des berges de la Saône ; les couches supérieures appartien- draient à la période dite diluvienne. 11 est certain que cette der- nière partie de son opinion trouve une confirmation heureuse dans la présence , au milieu de ces terrains, d’un objet de l’industrie humaine et de coquilles appartenant à une époque géologique très récente. Les érosions de la marne bleue inférieure de la tran- chée de Saint-Cosme pourraient donner à penser que là peut-être existe la démarcation entre le terrain tertiaire et le terrain dilu- vien , si cette manière de voir n’était contredite par la distribution des fossiles dans les couches. Le terrain caillouteux de la Bresse, qui est relevé sur le flanc des Alpes, serait-il plus ancien que le terrain d’argiles et de sables des plaines du Châlonnais? Le fond du lac aurait-il été d’abord immergé au sud à la fin de l’époque tertiaire, et la partie nord aurait-elle été comblée par des dépôts de la période suivante? Cette supposition ne parait pas admissible quand on observe que le ni- veau si uniforme des plateaux dans la Bresse Châlonnaise se con- tinue dans la Bresse Mâconnaise où commence le terrain caillou- teux. Il résultera au moins des faits qui ont été exposés que la race humaine a habité nos contrées avant la disparition de plusieurs grandes espèces animales. On était déjà porté à admettre qu’elle a existé en même temps que l’éléphant primitif, ce qui est con- firmé. Sa contemporanéité avec le Mastodonte à dents étroites ne paraîtra guère douteuse. L’homme a certainement assisté à des événements géologiques qui ont changé la face de ces contrées, tels que le dessèchement du lac de la Bresse , le creusement des bas- sins des rivières , l’établissement des cours d’eau actuels , et peut- être le soulèvement des Alpes principales , cause première de ces changements, SÉANCE DU 21 JUIN 18/l7. 1093 M. Michelin communique l’extrait suivant d’une lettre qu’il a reçue de M. Edouard Collomb, de Wesserling. 1 9 juin 1 847. « A propos de neige et de glace je viens de recevoir, du mont » Saint-Bernard , des nouvelles qui m’annoncent un fait météo- » rologique extraordinaire , et je m’empresse de vous le conunu- » niquer, tout en vous garantissant la véracité de la personne qui » m’écrit. » « En passant le Saint-Bernardj’ai été témoin des restes d’un phé- nomène qui a mis en émoi tout le pays ; il s’agit de la neige jaune qui est tombée dans les premiers jours d’avril , et qui existait encore au moment de mon passage. Cette neige avait une couleur cannelle claire. Je ne l’ai remarquée que sur le versant méridional de la montagne. La quantité tombée est d’environ 12 centimè- tres, mais au moment où j’ai passé elle était réduite à 3 centi- mètres. Le chanoine Carrel , qui habite près du mont Saint-Ber- nard , ne sait que penser de ce phénomène , et il dit que le même jour une pluie laiteuse est tombée à Chambéry. Cette neige n’a aucun rapport avec la neige rouge , et elle était réellement jaune au moment de sa chute. Les paysans de la con- trée se rappellent avoir observé le même phénomène dans l’année 1799. » M. Michelin lit , au nom de M. Pierre Duchassaing , docteur médecin , au Moule (Guadeloupe) , la notice ci-après , envoyée en janvier 18A7. Essai sur la constitution géologique de la partie basse de la Guadeloupe , dite la Grande-Terre, L’île de la Guadeloupe est , ainsi que la plupart des Antilles , composée : 1° d’une partie montagneuse et volcanique ; 2° d’un plateau calcaire composé des dernières couches de sédiment repo- sant probablement sur une base dérochés volcaniques. Cette opi- nion émise depuis longtemps a été discutée par M. Moreau de Jonnès. Le plateau calcaire est appelé Grande-Terre , et la portion mon- tagneuse est la Guadeloupe proprement dite. Dans les Antilles , ainsi qu’il a été signalé par divers géologues, les terrains calcaires sont généralement situés à l’orient de la par- tie volcanique. A la Guadeloupe, ces deux parties sont assez bien 109A SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. délimitées par ce qu’on appelle la rivière salée. Il ne faut pas croire cependant que toute la portion située à l’occident soit en- tièrement volcanique ; ce serait une erreur , car souvent on y trouve des lambeaux de terrains semblables à ceux de la Grande- Terre. L’exposé que nous faisons aujourd’hui de quelques faits n’a pas pour but d’expliquer par des hypothèses la cosmogonie de nos îles qui ne pourra être entreprise que par de savants voyageurs , ayant beaucoup vu et ayant recueilli des observations nombreuses. M. Moreau de Jonnès, dans son ouvrage sur les Antilles, a commis quelques erreurs dans la distribution des terrains. Tout en signalant les services qu’il a rendus à la science par une foule de faits bien analysés , nous pensons que notre travail ne sera pas dépourvu d’intérêt en donnant nos rectifications. Notre étude de la constitution géologique du pays, quelque imparfaite qu elle puisse être , n’en aura pas moins son utilité , d’abord en donnant aux na- turalistes une idée de sa constitution géologique , et ensuite en ser- vant de clef pour aider à arriver à la connaissance des pays voi- sins , puisque tous les voyageurs sont d’accord pour trouver une grande analogie entre la composition géologique des diverses An- tilles. Une des choses qui nous a le mieux servi dans notre travail , c’est la fouille des puits destinés à fournir de l’eau aux usines à sucre que l’on vient d’établir. Nous avons pu y étudier la super- position de plusieurs terrains et y recueillir des fossiles très bien conservés , et notre surprise a été grande d’y rencontrer certaines espèces rappelant parfaitement le bassin Parisien. Nous signale- rons entre autres une espèce de Lunuiites assez abondante qui nous a semblé ne différer en rien de la Lunuiites umbellata que nous avions trouvée aux environs de Paris , et une bivalve fréquente dans certaines couches, tout à fait semblable au Pectunculus pulvi - natus. Enfin, parmi les Turbinolies plusieurs seront à rapporter à quelques unes des espèces des terrains les plus récents d’Italie et de France. Le tableau suivant, distribué d’après la classification deM. Lyell, fera connaître l’ordre de superposition des terrains tertiaires. nr . { Alluvions , terrains détritiques. l formations madreponques. ( Terrains des galibis ou anthropolithes. Pliocène ( Argile. ancien, ( Tuf blanc, ou calcaire à foraminifères. SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. 1095 i Roches à ravets. Miocène. \ Sables volcaniques remaniés par la mer. ( Tuf jaunâtre. La série toute entière des terrains secondaires , de transition et primitifs ne s’olfre nulle part. Les assises tertiaires reposent proba- blement sur des couches volcaniques semblables à celles qui for- ment la partie montueuse de l’île. Foi ma tion madréporique . Cette formation se présente le long des côtes, et ici se trouve une erreur à relever. Beaucoup de voyageurs , peu versés dans les sciences naturelles , ont appelé madréporiques les masses dont nous parlons , mais l’on se tromperait cependant si l’on croyait, d’après eux , que les récifs madréporiques sont seulement composés de zoophytes. Il y en a au contraire un grand nombre qui n’en renferment que peu , le surplus étant composé de certaines espèces de Serpules très fortes , entrelacées , formant d’énormes masses et entremêlées de nombreuses Balanes. Tout cela constitue des amas considérables dont quelquefois cependant les madrépores forment la portion principale. Ces récifs dans quelques endroits de la Grande-Terre ont éprou- vé un soulèvement très remarquable, et la conservation des corps organisés qui s’y trouvent constate bien qu’ils n’ont été ni roulés ni transportés. Les principales espèces de zoophytes qui y forment des masses assez considérables sont les Astrea argus, pleyades et ana- nas, Meandrina gyrosa , cerebralis et ar colata , Madrepora cervicor - ni s et palmata , etc. Lorsque ce sont des polypiers branelius comme le Madrepora cervicornis et qu’ils sont fortement altérés , les habitants les dési- gnent comme des brandies d’arbres. Les polypiers ci-dessus nommés , les coquilles terrestres et ma- rines qui se trouvent empâtés dans ces récifs avec des débris d’au- tres animaux marins , appartiennent aux espèces les plus abon- dantes de la faune actuelle de la Guadeloupe. Du reste , cette formation , étant contemporaine des roches qui renferment les Galibis ou Anthropoiithes , mériterait à peine d’être distinguée, si des phénomènes différents ne concouraient à la création de chacune d’elles. La formation madréporique consiste donc en dépôts littoraux s’appuyant sur des roches plus anciennes. En différents endroits 109(5 SÉANCE DU 21 JUIN i$ll7 . elle a subi des soulèvements de 2 à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, par suite desquels elle est hors des atteintes des plus hautes marées. Ce phénomène peut s’observer à la batterie du Moule , à l’Anse à l’Eau et en d’autres endroits de la côte Nord. Formation des roches à Gai ibis. Les Galibis sont les peuplades sauvages qui habitaient notre île avant que les Caraïbes ne s’en fussent emparés , et la croyance gé- nérale est que les ossements qui nous occupent appartiennent à la première de ces deux nations. Ce terrain se distingue par un mode spécial de formation , mais toutes les roches qu’il faut y rapporter ne contiennent pas des débris humains. Les eaux pluviales descendent du haut des mor- nes qui dominent les plages marines. Elles filtrent 'à travers les couches calcaires et se chargent du carbonate de chaux qu elles leur enlèvent ; aussi forment-elles des stalactites dans les grottes où elles pénétrent , ainsi qu’on peut le voir dans les hauteurs du gîte des Anthropolithes du Moule. Etant arrivées sur la plage au moyen du carbonate de chaux qu’elles renferment , elles aggluti- nent les grains de sable et en forment une espèce de poudingue à grains très fins, et empâtant les divers objets qui s’y rencontrent. Cette consolidation se fait très rapidement , car nous avons trouvé au milieu des masses des tiges du raisinier ( Coccoloba uvifera , L. ) , qui n’avaient subi aucune altération autre que le dessèche- ment. C’est ainsi que les ossements de Galibis se trouvent con- servés. L’endroit le plus connu pour trouver des anthropolithes est situé près du bourg du Moule , sur les terres de MM. Morrel. Il paraît en exister d’autres que je n’ai pas visités. L’origine moderne de ces dépôts n’est plus contestée depuis les détails donnés par Cuvier dans son discours sur les révolutions du globe. Qu’il nous soit permis cependant d’ajouter que parmi les ossements humains on a trouvé des débris de vases faits avec la même terre que celle employée aujourd’hui dans nos colonies pour fabriquer les poteries poreuses propres à faire rafraîchir l’eau. On y rencontre aussi les Bulinms octonus et Guadalu.pe.nsis et des tiges de Gorgonià flabellum. A la partie la plus supérieure de cette formation qui est aussi la plus récente , j’ai trouvé un calcanéum de chien , renfermant toute sa gélatine et un morceau de silex. Ces deux objets étaient empâ- tés dans la roche , et il a fallu le marteau pour les détacher ; or. SÉANCE DU 21 JUIN 1847 . 1097 les chiens et les silex ayant été introduits dans l’île par les Eu- ropéens , tout tend donc à prouver l’origine moderne des osse- ments humains. Cette formation continue à s’accroître ; elle ne renferme plus d’anthropolithes, mais seulement des coquilles marines conser- vant en grande partie leurs couleurs. On en trouve de beaux exemples à la Pointe des Châteaux. Terrain tValluvion et argile. Nous passerons rapidement sur le terrain d’alluvion déjà décrit et signalé par M. Moreau de Jonnès , et nous ferons seulement observer que l’on y trouve assez souvent l’Amphibulime capuchon ( Succinea cucullata ) , fort rare aujourd’hui. Sous l’alluvion est une couche argileuse sans fossiles et de peu d’épaisseur. Tuf blanc ou roche à coquilles foram inif ères. Ce tuf dont on se sert dans le pays pour amender certaines terres est généralement d’une blancheur assez grande et d’une solidité médiocre. Il se reconnaît toujours en ce que la masse estpresque en- tièrement composée de coquilles poly thalames des genres Miliolaet Vortlcialis. C’est ce tuf blanc qui caractérise les sites du Moule , de Sainte-Anne, de Saint-François et du Morne à l’Eau , car c’est lui qui compose les mornes de ces différentes communes de la Grande-Terre , et qui forme leurs falaises escarpées. 11 se retrouve aussi à la Guadeloupe proprement dite , dans la commune des Trois-Rivières, et près du chemin dit de La Gabarre. On doit probablement le rencontrer encore dans d’autres endroits. Les coquilles que renferme ce tuf sont analogues pour la plu- part à celles vivant dans les mers voisines , mais elles sont parfai- tement pétrifiées, puisque leur coloration a complètement disparu, qu’elles ont perdu leur nacre et que les Echinodermes y ont pris la texture spathique. Une quantité prodigieuse de polypiers se trouve disséminée dans ce terrain , n’étant quelquefois représentés que par des moules ou empreintes , mais presque toujours analo- gues à ceux vivant actuellement. 11 en résulte que l’animalité de celte époque était peu différente de celle d’aujourd’hui. Parmi les fossiles les plus fréquents nous citerons les Clypeaster rosaceus , Spatangus columbaris , Tellina virgata , Pecten nodosus et r adula , Astrea argus , Agaricia eristata , Pavonia un data , etc., et, parmi i 098 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. les espèces dont on n’a pas trouvé jusqu’à présent les analogues vivants, les Clypeaster par vus , nob., Cassidulus Guadalupensis , nob. , et Caryophyllia ponderosa , nob. M. Moreau de Jonnès qui a bien décrit ce tuf n’a pas fait res- sortir son origine aussi récente. On remarquera que les coquilles microscopiques forment ici des couches épaisses , ainsi que M. Alcide d’Orbigny l’a déjà fait ob- server pour le continent américain. Ce tuf présente de nombreux soulèvements , mais tous les mor- nes qu’ils forment courent sous forme de chaînes de l’est à l’ouest, tandis que la chaîne volcanique de l’île est dirigée du nord au sud. Auprès du bourg Saint-François on peut observer des plissements en zigzag. Roches à ravets (1) , sables volcaniques remaniés par la mer) et tuj jaunâtre. Nous décrirons ensemble comme se rapportant à la même épo- que ces trois terrains dont les fossiles sont à peu près les mêmes. Il y aura ici quelques erreurs à rectifier, car M. Moreau de Jonnès, qui a fait voir combien d’autres s’étaient mépris en croyant trouver dans nos îles les terrains granitiques et ardoisiers, a commis lui-même une faute en assignant une haute antiquité aux roches dont nous nous occupons. Voici textuellement ce qu’il dit (pag. 136 et 137 ) sur la pierre à ravets : » Quoi qu’il en soit, il faut ranger ce carbonate de chaux » parmi ceux appartenant aux contrées calcaires de première for- » mation ; il est analogue à celui que l’on trouve sur les flancs des » grandes chaînes de montagnes du globe , et il lui ressemble par » le défaut de stratification , par ses cristallisations nombreuses , » par le peu de coquilles qu’il renferme , par la nature de celles » que nous y avons reconnues (Térébratules) , et qui sont presque >> les seules que l’on observe dans les couches calcaires les plus » anciennes. » Mais l’auteur que nous citons avait dit antérieurement, non pas qu’il a reconnu , mais qu’il avait cru reconnaître des térébratules dans la roche à ravets. Or, ce n’est pas sur une seule coquille que l’on peut établir l’âge d’une roche , et , du reste, les Térébratules se trouvent non seulement dans les terrains de tout âge , mais en- core à l’état vivant. (!) Nom vulgaire des Blattes américaines. SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. 1099 Le calcaire à ravets est sonore , et offre dans son intérieur des parcelles brillantes dues à du carbonate de chaux cristallisé. Il est très dur et ne renferme en général que des coquilles mal conser- vées. Ainsi que le fait remarquer M. Moreau de Jonnès, il a tiré son nom des sinuosités caverneuses qu’il renferme, lesquelles ser- vent quelquefois de retraite aux blattes ; ces cavités ne peuvent être considérées comme des vides dus à des polypiers ou à des co- quilles, et elles sont ordinairement remplies d’argile. Dans les environs de la Pointe-à-Pitre, aux Abymes, au Go- zier, etc., ce sont ordinairement les roches à ravets qui se mon- trent à la superficie. Au-dessous de cette couche on trouve une roche composée de sables volcaniques très friables , d’un gris noirâtre , et qui vue au soleil présente des parcelles brillantes de mica. Elle est assez épaisse , et renferme de nombreux fossiles. Nous avons pu l’étu- dier dans les fouilles du puits des usines Mari y et Zevallos, où nous l’avons reconnue à une profondeur de 23 à 25 mètres sous la roche à ravets, tandis que dans la commune des Abymes elle vient affleurer le sol, et a été regardée par M. Moreau de Jonnès comme la base du volcan sur laquelle s’appuyaient les autres ter- rains. Il est évident que ces sables volcaniques ont été remaniés par la mer, et c’est alors que les fossiles y ont été ensevelis et que le tout a acquis une certaine cohésion. Il arrive même assez souvent que ce mélange forme un poudingue grossier d’origine volcanique. Sous cette dernière couche est un tuf jaunâtre assez fragile qui renferme des fossiles peu nombreux , mais analogues à ceux des couches supérieures. Une grande partie des fossiles contenus dans les calcaires à ra- vets , les sables volcaniques et le tuf jaunâtre ayant leurs analo- gues vivants , nous avons cru pouvoir les rapporter au groupe mio- cène , quoique nous ne connaissions pas bien la proportion relative avec les espèces n’existant plus aujourd’hui. Nous espérons plus tard donner une liste complète des corps organisés fossiles , comparés avec celle des animaux que l’on con- naît aujourd’hui. De l’exposé qui précède on pourra , je crois , tirer les consé- quences suivantes, savoir : Que l’on ne trouve à File de la Guadeloupe que des terrains tertiaires ; Que pendant le dépôt des diverses couches tertiaires il y a eu J 100 SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. des déjections volcaniques dont les résidus ont été remaniés et stratifiés par les eaux marines ; Que l’on ne peut démontrer la haute antiquité d’aucun dépôt ; Que l’on ne peut adopter l’opinion d’Yssert, qui prétend que les ammonites sont communes à la Grande-Terre ; Que l’ile n’est pas une formation dite madréporique , mais qu’elle est due à des sédiments formés sous des eaux marines. Et enfin que les anthropolithes ou ossements humains fossiles ne remontent pas au-delà de quelques siècles. M. Pomel fait observer que partout où on a trouvé l’homme , on a trouvé le chien domestique, même dans les îles de la Polynésie. M. Michelin donne lecture de la note suivante de M. A. de Zigno. Sur les terrains stratifiés des Alpes vénitiennes ; par M. A. de Zigno. Padoue , mai 1847. Dans la séance du 7 décembre 18à6 de la Société géologique de France , M. Catullo m’accuse d’avoir annoncé comme un fait en- tièrement nouveau l’existence du lias dans les Alpes vénitiennes, et d’en avoir fait la communication dans ce sens à la Société dans la séance du 17 mars 1845. M. Catullo ayant répandu dans plusieurs écrits que je me suis arrogé cette découverte , il est nécessaire que je reproduise ici l’article inséré par moi à ce sujet à la page 356 du tome II de la 2e série du Bulletin , séance du 17 mars 18à5 de la Société géologique, afin que chacun puisse reconnaître que M. Catullo s’est trompé sur le sens dudit article, et que je n’ai jamais prétendu annoncer une découverte. Bulletin de la Société géologique , 2e série , t. II , pag. 356. « Guidé par le caractère minéralogique et par les lois de super- » position , ainsi que par l’examen de quelques fossiles , on a re- » connu le trias dans les montagnes du Vicentin. Moi-méme j’ai » cru pouvoir rapporter au lias un assemblage de roches qui se trou - » vent dans les Alpes du Bellunais , entre le kcuper et le jura; mais » toutes ces classifications restent toujours douteuses jusqu’à ce que SÉANCE DU 21 JUIN 1847, 1101 » les limites da jura et du terrain crétacé soient mieux établies à » (aide des caractères p (déontologique s dans toute V Italie boréale .» Depuis Tannée 1845 j’avais en outre annoncé à l’Institut de Venise , à la Société géologique de France et au congrès de Naples, que j’avais trouvé des Criocères dans cette roche qu’on a jusqu’ici appelée biancone , et que des géologues croyaient jurassique , tandis que d’autres en faisaient une roche de l’étage crétacé su- périeur. J’étais au contraire entraîné parla présence des Criocères, et d’autres fossiles caractéristiques, à l’établir pour T équivalent du terrain néocomien inférieur. Ce fait me paraissait donc de quelque importance , d’autant plus qu’il m’obligeait à séparer paléontolo- giquement le biancone du calcaire ammonitifère rouge qui con- tient des fossiles jurassiques en grande abondance. M. Gatullo tache de diminuer l’importance de cette observation en rappelant que les Criocères étaient connus du temps de Mos- cardo (1656) et de Mercati (1719), sans remarquer que, tandis que je crois être le premier qui en Italie ait appelé T attention sur ce genre de céphalopodes, je n’ai jamais prétendu avoir été le premier ni le seul à le trouver. Des échantillons de Criocères existaient depuis longtemps dans les collections du comte Corniani et de l’abbé Corsequato , sans que personne les eut figurés avant l’ouvrage de M. cTOrbigny, et même, après la publication du genre Grinceras, personne, avant moi, n’avait démontré que ces fossiles, qui se trouvaient dans nos collections avec le nom d 1 Hamite s , ap- partinssent au nouveau genre Crioceras. Par les Crioceras je fus amené à établir l’étage auquel appartient le biancone , et ma classification a été admise par les géologues présents au congrès de Gênes. Cette roche immédiatement super- posée au calcaire rouge ammonitifère des Alpes vénitiennes a donc été reconnue offrir le type du terrain néocomien dans toute cette partie de l’Italie par MM. de Buch, Coquand, Ewald, Sismonda, Michelin, Pérez. M. Catullo seul s’y oppose, et cite une promiscuité de fossiles qui est bien loin d’être prouvée. Il suffit d’examiner les planches in-4° du mémoire de M. Catullo pour voir les erreurs qui s’y sont glissées. Voyez les figures de Y Ammonites Beudantii , bicurvatus , latidorsatus , helius , etc. Ce sont de vains efforts pour faire rentrer le calcaire ammonitifère de nos Alpes dans le système crétacé. Dans le Taschenbuch de Leonhard et Broun on a déjà signalé tou- tes ces erreurs. Mes planches de fossiles du biancone ont convaincu M. d’Orbi- gny que cette roche est décidément néocomienne , tandis que 1102 SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7 . les fossiles du calcaire ammonitifère que je lui ai envoyés appar- tiennent, selon ce célèbre géologue, à ceux de ses couches kello- viennes et oxfordiennes. Ainsi la question entre M. Catullo et moi a été décidée en ma faveur par les premières autorités scientifiques. La confusion qui a régné jusqu’ici sur la classification de ces deux roches tient à ce que souvent on n’a pu les distinguer des roches qui les recouvrent , et particulièrement de la scaglia rou- geâtre , blanchâtre et grise avec fucoïdes qui leur est bien supé- rieure, comme je l’ai prouvé dans d’autres écrits , et qui est ca- ractérisée par les fossiles de l’étage senonien. Cette dernière est recouverte par un calcaire sableux qui contient les fossiles de Biaritz et de Bayonne. Ainsi, récapitulant les observations des géologues qui m’ont pré- cédé, et y joignant celles que j’ai faites dans ces derniers temps, nous avons, dans les Alpes vénitiennes et tyroliennes de bas en haut, un système arénacé qui recouvre nos micaschistes , et qui est lui- même recouvert par le trias bien caractérisé et qu’on peut obser- ver à Recoaro, dans la Valsugana, dans le bassin de Trente , à Falcade, Agordo , dans la vallée de la Boite et dans le Fri oui , et qui continue dans les vallées de Fiume , deFassa, et dans la cé- lèbre localité de S. Cassian ; ensuite le lias et les couches dolomi- tiques et oolithiques recouvertes par les couches kelloviennes à Ammonites Zi gnoianus, anceps , Rom maire athleta , viator d’Orb. ; puis le biancone à Belemnites la tus , dilatatus ; Ammonites Astie- rianus , consobrinus , Grasianus , infini dibulum , cpiadri suie citas ; à Crioceras Duvalii, Villiersianus ; à Ancyloceras pulcherrimus, Puzo - si anus , etc. ; ensuite les couches à Hippurites et Actéonelles du Bel- iunais recouvertes par la scaglia à fossiles senoniens. Les terrains tertiaires du Vicentin, du Trévisan et du Padouan renferment dans les couches inférieures et immédiatement superpo- sées à la scaglia les fossiles de Biaritz. Le Pentacrinite trouvé par M. Catullo et par moi dans la Brecciole de Novare , dans le Véro- nais, n’est ni le Pentacrinites caput Medusœ ni le bascvltijormis , mais bien le Pentacrinites cli clac ty lus des environs de Bayonne. Cet étage est recouvert par les couches du terrain miocène à bancs puis- sants de lignite , lequel , dans le Trévisan et en quelques endroits du Yicentin , est lui-même recouvert par les sables et poudin- gues que M. Murchison a rapportés depuis longtemps au terrain subappenin. M. le Président donne lecture de la note suivante de M. d’Archiac. SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. 110S Note sur un plissement du terrain tertiaire dans la 'vallée de la D tonne , et sur les couches que traverse le chemin de fer entre Libourne et Angoulême , par M. d’Archiac. De Libourne à Coutras, le chemin de fer qui parcourt la vallée de l’Isle est constamment en remblai; on ne coupe que le dépôt de transport diluvien composé de sable , de silex gris- noirâtre pro- venant de la craie , de cailloux très arrondis de quartz blanc ou diversement colorés , de granité , de roches amphiboliques , eu- ritiques et schisteuses et de quelques fragments de grès. Au-delà de Coutras, le chemin suit de même le fond de la vallée de la Dronne, et, au ruisseau de Malibeau, les fondations du pont repo- sent sur une marne sableuse en place , gris verdâtre , un peu mica- cée , avec quelques grains de feldspath altéré et qui appartient à la molasse du Fronsadais. En s’avançant vers la Roche -Chalais , les fondations des autres ponts sont aussi établies sur ces mêmes mar- nes, à 3 ou U mètres au-dessous de la surface du sol. Les collines qui bordent la vallée sont entièrement formées par la molasse qui n’atteint pas moins de 100 mètres d’épaisseur entre Coutras et Saint-André de Cubzac. Le haut plateau ondulé qui sé- pare ces deux bourgs ne présente point de bancs solides d’eau douce ni marine au-dessus de la molasse , et ces dernières ne paraissent pas dépasser la crête qui borde au nord la route de Saint-André à Fronsac. La continuité et l’horizontalité de cette bande calcaire qui suit la rive droite de la Dordogne contrastent fortement avec les contours ondulés et flexueux des sommets et des flancs le plus ordinairement boisés des coteaux de l’Isle et de la Dronne qui accusent ainsi de loin leur composition et l’absence de couche so- lide dans toute leur hauteur. On n’a encore trouvé dans cette masse argilo-sableuse aucun fossile déterminable, si ce n’est quelques tra- ces de végétaux charbonnés dans les bancs d’argile schistoïde. La craie ne se montre d’ailleurs nulle part, et le diluvium qui s’élève assez haut sur les pentes recouvre quelques mamelons avancés. La Roche-Chalais est bâtie sur un promontoire composé vers le haut de molasse sableuse, à grain fin, gris bleuâtre, panachée de lie de vin ; au-dessous vient un petit lit de cailloux de quartz très roulés, puis une molasse grise non panachée, et vers le bas une molasse plus solide formant le lit de la rivière. De ce village à Parcou sont des collines recouvertes de diluvium , et l’escarpement qui domine la Dronne au nord de Parcou présente à sa partie su- périeure une masse puissante de grès formée par la molasse pa~ 110 4 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. nachée très endurcie recouvrant la molasse sableuse et friable. A la butte du Four-Latude que coupe le chemin de fer à l’O. de Parcou, on voit sur une hauteur de 9 mètres une molasse pas- sant à un grès tendre , micacé vers le bas, fendillé obliquement et simulant une fausse stratification . Pans une carrière ouverte au- dessous du niveau du chemin la roche est fortement endurcie par une infiltration siliceuse et passe à un poudingue à petits éléments ou à un grès grossier lustré, gris ou jaunâtre, empâtant des nodules de quartz hyalin , de quartz blanc et d’argile grise. L’épaisseur de cette roche est de 2m,50 ; ses plans supérieur et inférieur sont irréguliers , ondulés , et au-dessus et au-dessous la masse sableuse est restée meuble et friable. On y remarque par places des veinules de silex jaspoïde et résinoïde, brun-jaune, de quelques centi- mètres d’épaisseur , et se fondant dans la masse arénacée. La butte de la Poterie située plus au nord présente aussi des bancs de grès subordonnés à la molasse. Par leur disposition arquée et en quel- que sorte testacée ils semblent s’enfoncer irrégulièrement dans la roche meuble. Une couche d’argile impure les sépare les uns des autres. C’est à quelques centaines de mètres au nord de ce dernier point que les travaux du chemin de fer ont mis à découvert sur une longueur de 65 à 70 mètres et sur une hauteur de 5 mètres le plissement dont nous allons parler. Les couches tertiaires placées sous le diluvium présentent de haut en bas: 1° un sable gris un peu argileux; 2° une glaise rouge; 3° une glaise grise; 4° une argile impure ou glaise ferrugineuse. Ces quatre couches d’une épaisseur assez variable, mais qui pour chacune d’elles ne dépasse pas 1 mètre à lm,50 ne sont pas tou- jours nettement séparées et se fondent parfois les unes dans les autres. Elles offrent dans le talus de droite ou oriental des ondu- lations ou des flexions rubanées, tronquées à la partie supérieure par la dénudation à la suite de laquelle s’est déposé le diluvium , et à la base par le niveau même du chemin qui n’atteint point partout les plis inférieurs. Sur l’un des côtés de la coupe, ces ban- des diversement colorées se redressent presque perpendiculaire- ment et s’appuient contre un massif de craie jaune (1er étage). Cette craie qui semble avoir été triturée sur place n’affecte plus de stra- tification distincte et se voit sur une hauteur de 4 mètres. Au-delà les mêmes couches tertiaires semblent plonger dessous , quoique toujours placées dans le même ordre les unes par rapport aux autres ; et à peu de distance la molasse grise , friable , ordinaire , se retrouve dans sa position normale. Cet accident peut s’expliquer , en supposant que le froncement 1105 SÉANCE î>t 21 JUIN 1847, îles couches tertiaires qui paraît dirigé N. -O., S.-E. a été occa- sionné par une pression latérale, et qu’à l’endroit où le maximum d’effet s’est produit la craie sous-jacente a été redressée en coin oblique et incliné du côté où la force était la plus grande. Dans ce mouvement , la craie est restée accompagnée des couches ter- tiaires qui la recouvraient et qui se sont repliées* de ce même côté, de manière à paraître plonger dessous et dans le même sens que celles que l’on remarque à gauche du massif crayeux et qui sont dessus. La dénudation diluvienne a recoupé ensuite les courbes ou arceaux supérieurs des strates redressés dont on ne voit plus que les tranches et qui plongent au N. -E. La craie semble donc subor- donnée aux bandes tertiaires , mais la position relative constante de chacune de celles-ci suffit pour rendre compte de cette fausse apparence. A Matignon , à peu de distance au nord de ce point , un plisse- ment plus simple, ou mieux, un double soulèvement de la craie a donné aux dépôts tertiaires, sur une longueur de 100 mètres, une disposition en bassin extrêmement prononcée. Enfin, en continuant à s’avancer, la craie jaune se relève de plus en plus, mais d’une manière normale , de dessous les sédiments argilo-sableux , tertiai- res, et dans les collines de Gresly, de Chalais et de Montmorau on ne trouve plus que le second étage ou craie tufau. Dans un rapport fait à l’Académie des sciences (1), M. Dufrénoy en parlant des dislocations que nous avions signalées dans les couches crétacées du 8.-0., et particulièrement dans celles des environs de Mareuil ( Dordogne ) , a indiqué l’existence probable dans ce pays de quelques roches ignées qui auraient apparu à tra- vers les dépôts secondaires. Si nous ne sommes point encore par- venu à constater directement la présence de ces roches, non plus que M. de Laroclie-Tolay, ingénieur de cette partie du chemin de fer et qui a bien voulu nous guider et nous accompagner dans nos courses , du moins les plissements que nous venons de mentionner sont-ils une présomption de plus en faveur de l’idée émise par le savant académicien. C’est d’ailleurs le premier exemple de dislo- cation cité jusqu’à présent dans la bande tertiaire située au nord de la Garonne. Se rattacherait-il à quelque phénomène contemporain de l’apparition des ophites sur le rivage tertiaire opposé? C’est ce que l’on ne peut encore affirmer , car nous n’avons point vu , dans (1) Comptes-rendus de V Académie des sciences , vol. XVII , p. 382, 1843. Soc. gèol. , Ie séria, îoma IV» 70 1106 SÉANCE 1)U 21 JUIN 18/|7. le voisinage , de dépôts postérieurs à la mollasse et dont la relation bien établie puisse éclaircir cette question (1). La coupe précédente fait voir en outre que la superposition du terrain tertiaire a lieu dans la vallée dans la Bronne exactement comme nous l’avons décrite à l’est sur les bords de la Dordogne, autour de la Linde et de Bergerac , sur ceux de l’Isle près de Mu- ci dan, et à l'ouest autour de Montguyon, de Montlieu , de Ché- venceau, de la Graulle, de Keignac, de Montendre, etc. Nulle part la série argilo -sableuse de la partie inférieure de la mollasse n’est interrompue par des bancs de calcaire marins ou par des sédiments déposés évidemment par les eaux de la nier (2). De Montmorau , en s’élevant vers la ligne de partage des eaux de la Charente et de la Dordogne, on voit le second étage de la craie augmenter d’épaisseur et former tout le massif qui sépare les bassins de ces deux rivières. Le plateau qui atteint son point cul- minant au signal de Brizard , à un kilomètre environ à l’E. de la route , est recouvert par des grès tertiaires dépendant de l’étage de la mollasse et par un dépôt caillouteux: et glaiseux par place qui ne produit qu’une végétation maigre , rabougrie et rend presque inhabitable une assez grande surface de pays. Le tunnel de Livernan, (1) Ces plissements sont tout à fait analogues, quoique sur une plus grande échelle, à celui que M. de Yerneuil et nous avons signalé au pont de Rentigny, sur le chemin de fer du Nord , entre Creil et Cler- mont (Oise) [Bull.. 2esér. , vol. II, p. 334, 1 845); seulement ils sont plus complets en ce que la craie sous-jacente, fortement dérangée , a été mise aussi à découvert. (2) Sur une grande partie de la surface du département de la Charente - Inférieure , comprise entre la Seugne et la Gironde , et jusque sur les falaises qui bordent cette dernière, on trouve, recou- vrant çà et là les divers étages de la craie, des lambeaux de sable rou- geâtre ou jaunâtre , avec du grès en rognons aplatis et des roches siliceuses meuliériformes en plaques , qui ne sont probablement que des témoins de l’ancienne extension de la mollasse dans cette partie oc- cidentale du bassin , et peut-être aussi du calcaire lacustre qui lui a succédé. Ces couches doivent avoir recouvert le lambeau calcaire marin de Saint-Palais, aux environs duquel nous avons rencontré de nom- breux fragments de meulière et de grès, comme nous le voyons sur- monter encore le calcaire marin inférieur de Blaye. Ainsi la mollasse du Fronsadais, avec les dépôts lacustres, puis marins, qui la recouvrent, succèdent transgressivement sur tout son littoral nord au calcaire marin inférieur de Blaye, dont le substratum n’est pas encore bien connu. Elle appartiendrait donc à une époque tout à fait distincte , et en aurait été séparée par une véritable révolution, au moins dans cette partie du bassin. SÉANCE DU 21 JUIN 18/j 7. 1107 que parcourt le chemin de fer , traverse ce massif sur une longueur de 1,500 mètres, et à 69 mètres au-dessous du sol du plateau qui en cet endroit est à 188,n,09 d’altitude, c’est-à-dire à plus bas que le signal de Brizard , situé un peu à l'ouest. Dans le puits n° 2 on a traversé QU mètres de craie gris-bleuâtre, tendre , marneuse , parfaitement homogène dans toute cette épais- seur comme dans toute la longueur du tunnel, et qui paraît cor- respondre à la partie moyenne du deuxième étage (craie tufau). Elle est surtout caractérisée par la Lima maxima ; les autres fos- siles (Pecten, Cyprin a ligeriensis , une huître inédite, un nautile, etc.) y sont assez rares. On doit remarquer que la roche de cet étage, qui vient affleurer et qui a même été entamée souvent le long de la route, soit en montant, soit en descendant les versants du plateau de Livernan, ne présente nulle part une masse continue, homogène, aussi con- stante que dans les puits et le tunnel , ni la teinte gris-bleuâtre si uniforme qui l’y caractérise. Ces différences sont telles qu’on serait porté à regarder ces calcaires comme réellement distincts et appar- tenant à des étages différents. Cette circonstance paraît due à ce que dans les escarpements naturels ou artificiels de la route on n’a sous les yeux que des parties toujours plus ou moins voisines de la surface qui sont fendillées et modifiées par les agents atmosphé- riques, jusqu’à une certaine profondeur, tandis que la roche tra- versée par les travaux du chemin de fer a toujours été soustraite à cette influence. En descendant vers la petite rivière de Bohême on atteint les couches schistoïdes et en plaquettes de la base du second étage , avec Terebratula alata, Area Beaumont,} , etc., et plus bas, à l’en- droit où le chemin de fer traverse la route , le petit talus qui borde le fond de la vallée est formé par un calcaire blanc jaunâtre caver- neux, très dur , à cassure compacte, avec des fossiles mal conservés mais assez nombreux. Cette assise paraît correspondre à celle que nous avons signalée au sommet du plateau de Beaumont, à l’E. d’Angoulême , immédiatement sous les calcaires en plaquettes, et qu’à cause de ses fossiles nous réunissons encore au second étage (1). En remontant sur le plateau qui sépare la vallée de la Bohême de celle de la Chareau on retrouve les calcaires à pla- quettes de la craie tufau, qui cessent de nouveau à la première descente avant le village de Veuil. Le sol est alors formé par les (1) Etudes sur la formation crétacée , Ir® part., p. 30 f ©t pl. XII f figî 5. 1108 SÉANCE Î)L 21 J LIN 1847, calcaires caverneux compactes précédents , qui , au second coude de la route vers le village , recouvrent des calcaires bréchoïdes durs, jaunâtres, avec Spherulites ponsiana et Hippurites cornupas - toris. Ces bancs ont de 5 à 6 mètres d’épaisseur et sont suivis par un calcaire marneux schistoïde sans fossiles , et par un calcaire jaune, également sans fossiles; tous deux disposés en coin le long de la route et reposant sur la grande assise des calcaires blancs à Hippurites lombricalis , exploitée un peu plus bas , et constituant les pentes rocheuses inférieures du vallon de Veuil. Les petites vallées que traverse la route depuis la descente de Livernan jusqu’ici, et qui sont dirigées du S. -E. au N. -O. sont dues à des brisures qui ont affecté les couches assez sensiblement pour que celles-ci ne se correspondent plus exactement de chaque côté. Après le village , les calcaires blancs du troisième étage son t surmontés comme de l’autre côté des vallons par des couches ana- logues aux précédentes et connues des ouvriers sous le nom de chaudron. Elles sont fort développées sur les plateaux environnants où elles forment souvent le ciel des carrières ouvertes dans les cal- caires blancs. Elles représentent celles que nous avons décrites dans la même position en sortant d’Angoulême par la route de Péri- gueux et montant au hameau de Beaumont (1); Des Spherulites assez grandes s’y montrent également, et leur position entre la grande assise des calcaires exploités , caractérisée par Y Hippurites lombricalis , et les calcaires jaunâtres de la base de la craie tufau , ne peut laisser d’incertitude sur leur position au S. comme à TE. de la ville. Par suite du relèvement successif de tous les étages au N. , les bancs du chaudron ne nous ont point paru exister dans les escar- pements qui entourent immédiatement Angoulème , et à plus forte raison sur le promontoire qu’occupe la ville et cpie traverse le chemin de fer par un tunnel percé tout entier dans la même assise. Celle-ci constitue un calcaire marneux gris bleuâtre , homogène , peu dur, et ressemblant beaucoup à celui du tunnel de Livernan , quoique placé vers le milieu du troisième étage , tandis que l’autre se trouve vers le milieu du second. 11 peut donner aussi lieu à la même observation lorsque l’on compare la roche extraite du tunnel à celle qui affleure dans les escarpements de la colline. (1) Études sur la formation crétacée , Ire part., p. 57, et pl. XII. fig. 5. SÉANCK DU 21 JUIN 18A7. 1109 Cette coupe S. -N. de Libourne à Angoulême confirme donc celles que nous avons données précédemment (1) d’ Angoulême à Mon dieu et de Tliiviers à Bergerac. Quant à la disposition géné- rale des divers étages de la craie du S. -O. , à leur succession et à leur puissance relative , seulement entre les calcaires en plaquettes de la craie tufau et le grand horizon des calcaires blancs d’Angou- lême , il se développe au S. et au S.-E. de cette ville deux assises qui ne paraissent pas avoir leurs représentants à une grande dis- tance à l’O. et à l’E. dans les départements de la Dordogne et de la Charente-Inférieure. M. Martins donne lecture de la lettre suivante de M. Charles Desmoulins. Château de Lanquais, par Lalinde (Dordogne), 7 juin 1847. Monsieur le Président , Une discussion s’est établie dans le sein de la Société géologique réunie extraordinairement à Chambéry (séance du 23 août 1844 ; Bulletin , 2e série, t. I, p. 777 ), et s’est renouvelée à Paris ( séance du 12 janvier 1846 ; Bulletin , 2e série, t. III, p. 144) , relativement à la station exclusive de certaines plantes dans cer- taines zones et dans certains terrains. Cette question se résume ainsi qu’il suit : MM. Beaudouin , Yirlet d’Aoust, Clément-Mullet et Bernard ont parlé en faveur de la station plus ou moins exclusive ; le savant archevêque de Chambéry, monseigneur Billiet et M. l’abbé Cha- mousset ont paru se rattacher, d’une manière encore plus tranchée, à l’opinion de la station exclusive. M. Michelin l’a combattue , et en 1846 M. Bernard s’est rapproché de lui en admettant que l’altitude est plus importante en cette matière que la nature du terrain. Cette vaste et importante question ne peut être définitivement résolue, dans toutes ses parties, que par la comparaison d une masse énorme d’observations de détails, faites spécialement dans ce but et accompagnées de conditions minutieuses autant qu’indis- pensables aux succès des recherches. Les observations de ce genre sont déjà nombreuses, mais éparses et non uniformément coor- (1) Loc. cit pl. XI,fig. % et 3. 1110 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. données. Bien que faites dans l’intérêt de la Géologie , elles sont beaucoup plus particulièrement botaniques , et n’ont pu être ex- posées in extenso devant une Société dont elles auraient trop long- temps détourné l’attention , au détriment de ses études spéciales et essentielles. On pourrait jusqu’à un certain point , en renversant cette proposition , l’appliquer à une Société purement botanique , devant laquelle une discussion de ce genre eut peut-être été trop longuement géologique ; et il m’a semblé que l’examen de la question devait trouver place dans un recueil qui ne fût ni exclu- sivement botanique, ni exclusivement géologique. C’est donc dans les Mémoires de V Institut des provinces de France ( classe des sciences, t. I) , que je me suis adressé à la fois aux géologues et aux botanistes, en les conviant à examiner avec moi , non la ques- tion principale , puisque sa solution dépend de longues et nom- breuses séries d’observations qui ne sont pas encore recueillies , mais une question préjudicielle , celle de savoir quelle est la direc- tion la plus fructueuse à donner aux recherches. J’ai l’honneur de faire hommage à la Société géologique d’un exemplaire de ce mémoire, intitulé: Examen des causes qui pa- raissent influer particulièrement sur la croissance de certains végé- taux dans des conditions déterminées ; et, conformément à l’usage adopté dans la Société pour les travaux qui ont un rapport direct avec les siens, j’en dépose ici, pour le Bulletin , une analyse très succincte. Il est divisé en quatre paragraphes dans lesquels je reprends , une à une , les diverses plantes que nos savants collègues ont nom- mément citées dans la discussion. De ces exemples et des faits que j’ai exposés à leur sujet , je tire des inductions partielles sur la voie qu’on devra suivre dans les recherches; puis j’arrive à deux pro- positions générales qui ont été énoncées devant la Société , et dont l’examen confirme, ce me semble , le choix de cette voie. Le premier paragraphe du mémoire est consacré aux Phanéro- games citées, au nombre de quatre , auxquelles j’ai ajouté le Noyer qui , bien qu’affectionnant presque exclusivement le sol calcaire , se montre exceptionnellement sur des sols siliceux. Le Châtaignier affectionne au contraire le sol siliceux , mais avec addition d’alu- mine , et abstraction faite de toute condition géologique. La Bus- serolle ( Arbutus uva-ursi ), qui a été citée comme croissant sur des roches calcaires , se trouve aussi , d’après les stations précises des échantillons que renferme mon herbier, sur le granité, le schiste et le grès vosgien ; c’est l’altitude ou la latitude correspondante , 1114 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. qui paraît seul influer sur sa végétation. Le Galeopsis ochroleuca croît sur le granité , mais aussi dans un sol d’alluvion sablonneuse , comparativement moderne, et sur des roches volcaniques : il lui faut donc de la silice et de l’alumine. Le Hêtre croît sur divers étages des formations crayeuse et jurassique (calcaire, silice, alumine) , et aussi dans les régions granitiques qui lui fournissent par conséquent ces deux dernières substances ; il n’est donc soumis qu’à des conditions climatologiques. Ainsi , sur cinq végétaux de familles assez variées, deux (Hêtre et Busserolle) obé issent à des influences thermologiques ; deux autres ( Châtaignier et Galéopside) à des influences minéralogiques ; le cinquième (Noyer), sauf de rares exceptions, semble se réunir aux deux derniers , et faire pencher la balance numérique du côté des influences minéralogiques. Pour tous les cinq Vinfluence géologique est nulle . Dans lé deuxième paragraphe , consacré aux Lichens , considérés comme propres aux roches granitiques ou calcaires > je cite trois espèces : 1° Parmelia ventosa (roches granitiques et schistes sili- ceux) ; 2° Lecidea geographica ( roches quartzeuses de toute forma- tion géologique, soit pures, soit avec mélange d’alumine). Je montre , d’après ma propre collection , que ce lichen croît aussi sur les substances artificielles formées d’alumine et de silice (tuiles), et ce n’est qu’au prix iC une déformation notable qu’il se montre sur les calcaires, comme Fries l’a fait remarquer; 3" Lichen parellus Linn. (Orseille d’Auvergne), qui croît sur le gra’nite , sur les roches volcaniques, sur les meulières, sur les grès ferrugineux de la mo- lasse , sur les tuiles ; qui se déforme sur les schistes siliceux , et qui enfin abonde sur les écorces. Ce dernier est évidemment ubiquiste , si ce n’est qu’à ma connaissance il ne croît pas sur le calcaire. Le premier paraît étranger aux roches qui contiennent de la chaux , et le second s’y déforme. En somme , influence minéralogique évidente (sauf les exceptions) : influence géologique nulle. Le reste du deuxième paragraphe traite du genre Umbilicaria , généralement considéré comme absolument graniticole. Il est vrai que toutes les espèces , moins une , sont exclusivement silicicoles (mais non exclusivement graniticoles) ; certaines formes de -VU. vellea croissent sur des rochers calcaires. L’ U. pustulata croît presque toujours , comme on l’a dit , sur les roches granitiques , mais je l’ai trouvée une fois sur le grès siliceux et ferrugineux de la molasse. — Depuis la correction des épreuves de mon travail , j’ai trouvé, dans la partie botanique de la Statistique clés Vosges , par M. le docteur Mougeot , cinq variétés à' Umbilicaria indiquées 1112 SÉANCE or 21 JUIN 18A7. sur les grès comme sur les granités : ces cinq variétés rentrent dans quatre espèces, y compris Y U. pustulata. A propos des Umbilicaria , j’explique qu’ayant employé la no- menclature de Fries, qui a réuni beaucoup d’espèces ancienne- ment considérées comme distinctes par Aclrarius et son école, je pourrais me trouver en désaccord, pour les résultats, avec des botanistes qui suivraient la nomenclature de ces auteurs, et je donne des détails particuliers sur un lichen silicicole et alumini- cole ( Leciclea atro-alba) , dont les divers états sont répartis dans deux genres différents par l’illustre De Candolle ( Flore française). — Pour mettre ceux de nos collègues qui pourraient le désirer à même de suivre les détails relatifs à la forme concentrique d’une des variétés de cette espèce , j’ai l’honneur, monsieur le Président, d’ollïir à la Société un magnifique échantillon de cette forme si remarquable par la disposition régulière des apothécies. Le troisième paragraphe est relatif aux Plantes dont la station exclusive varie avec les localités. C’est là la première proposition générale émise par M. Michelin , et je la confirme par quelques exemples, desquels je tire cette conclusion, qu’il est impossible de résoudre le problème qu’elle présente à nos méditations, si ce n’est peut-être , un jour, par la comparaison de nombreux catalo- gues région// aires qui sont encore à faire presque partout, et qui doivent contenir toutes les indications géologiques, minéralo- giques, climatologiques, hypsomé triques, hydrologiques, thermo- logiques et hygrométriques, qu’il sera possible de réunir sur chaque espèce et sur chaque modification d’espèce. Le quatrième et dernier paragraphe, intitulé : Influence de V al- titude sur la végétation , se rapporte à la deuxième proposition générale énoncée par MM. Michelin et Bernard. Cette proposition est d’une vérité si incontestablement démontrée , que je n’ai pas cru devoir l’appuyer d’exemples particuliers. Je me suis borné à recommander l’étude de deux Mémoires qui doivent être re- gardés comme d’excellents modèles pour ce genre d’observations : ce sont ceux de feu Ramond ( État de la végétation au sommet du pic du Midi de Bigorre , 1826) et de notre savant collègue le doc- teur Ch. Martins ( Essai sur la topographie botanique du mont Fentoux , 1838) (1). — Je me suis permis d’indiquer aussi , comme (1) Ce n’est qu’en janvier 18 47 que j’ai 6u l’avantage de lire son excellent et instructif Foyage botanique en Norvège , et mon travail était livré à l’imprimeur, à l’autre bout de la France, depuis octobre 1846. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. ms renfermant un certain nombre de documents afferents à la ques- tion, un Mémoire que j’ai publié en 1844 ( État de la végétation sur le pic du Midi de Bigorre au 17 octobre 1840 ) ; je n’avais pas osé offrir à la Société ce travail essentiellement botanique , mais la discussion dont il s’agit me faisant penser qu’elle pourrait trouver quelque intérêt à le conserver dans sa bibliothèque, je vous prie, monsieur le Président, de lui en faire hommage en mon nom. La conclusion du Mémoire qui fait l’objet de ma lettre : est celle-ci : « La solution de la question semble devoir naître de » V union des deux éléments , minéralogique et hypsométrique , qui » comprennent et résument tous ceux de moindre importance. » M. Martins fait ensuite la communication suivante : Du transport de certains blocs erratiques de la Scandinavie et de V Amérique septentrionale par des glaces flottantes , considéré comme conséquence de V ancienne extension des glaciers et des changements de niveau de ces contrées , par M. Ch. Mar tins. Ti ois théories divisent les géologues au sujet du transport des blocs erratiques delà Scandinavie. Quelques savants croient en- core qu’ils ont été charriés par l’eau; d’autres pensent qu’ils ont été déposés par d’anciens glaciers, qui ont disparu depuis. M. Murchison , enfin , a émis l’opinion que ces masses ont été transportées par des glaces flottantes provenant des glaciers du nord de la péninsule (1). Mon but, dans cette note, est de mon- trer que les glaces flottantes chargées de blocs erratiques , se sont détachées de glaciers plus étendus que les glaciers actuels , et que ce mode de dispersion des blocs n’est qu’une conséquence de l’an- cienne extension de ces glaciers, jointe à l’immersion et à l’émersion de la presqu’île Scandinave. Supposons , en effet , un instant , qu’à l’époque de la dispersion des blocs , les glaciers de la Suède et de la Norvège n’aient pas été plus étendus qu’ils ne le sont actuelle- ment , et voyons quelles seront les conséquences de cette hypo- thèse. (l) The geology of Russia and the XJral moun tains , t. I , p. 528 ; et Quarterly Journal of the geological Society of London , t. II t p. 349. — 8 avril 1846. 1114 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1° Si l’on prétend que les blocs erratiques ont été transportés par des masses de glace détachées des glaciers actuels , il faudra nécessairement admettre que la Scandinavie était enfoncée sous les eaux de la mer jusqu’au niveau de ces glaciers. Or , sous le 61e de latitude , les glaciers du Justedal descendent (1) jusqu’à 485 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ceux de Lodal et de Nygaard, sont à 577 mètres et 340 mètres au-dessus du même ni- veau (2) ; ceux de Sala et d’Almjalos , qui descendent du Suli- telma , s’arrêtent à 778 et 974 mètres au-dessus de la nier (3). 11 aurait donc fallu que la Scandinavie s’enfonçât à 600 mètres en- viron au-dessous de son niveau actuel pour atteindre le pied de ceux de ces glaciers qui descendent le plus bas. Or, nous avons la certitude qu’elle ne s’est jamais enfoncée à plus de 240 mètres au- dessous de ce niveau ; car la couche coquillère appelée skalen- skigt , qui règne tout le long des côtes de Norvège , et qui nous indique le niveau le plus élevé que la mer ait atteint par suite de l’enfoncement de la presqu’île , ne dépasse pas 240 mètres (4). Il n’existe donc aucune preuve que la Norvège se soit jamais en- foncée au-delà de cette hauteur et qu’elle ait atteint le pied des glaciers actuels. Si l’on objectait que cette immersion a eu lieu antérieurement à l’époque glaciaire , je répondrais avec M. Dau- brée (5) , que l’absence en Norvège de tous les terrains de sédi- ment compris entre l’époque de transition et les derniers dépôts tertiaires , montre que ce pays était émergé pendant la période antérieure au commencement des dépôts les plus modernes. 2° Si les glaces flottantes provenaient des glaciers actuels , elles n’auraient évidemment charrié que des blocs détachés des sommi- ( 1 ) L . von Buch , Ueber die Grenzen des ewigen Schnees im Norden . Gilbert’s Ànhàlen der Physik , t. XLI , p. 22. — 1812. (2) Naumann, Einige Bemerkungen auf Ausfluegen in die norwe- gischen Schneegefilde. Leonhards Tcïschenbuch , t. XVII, p. 167 et 186. — 1823. (3) Wahlenberg , Bericht ueber die Messungen und Beobachtungen zur Bestimmung der Hoehe und Temperatur der Lapplaendischen Alpen unter dem 67e,n Breitegrad ; uebersetzt von Haussmann, § 17 et 29. (4) Desor. Notice sur le phénomène erratique du Nord comparé à celui des Alpes. Bulletin de la Société géologique de France , 2e sér. , t. IV, p. 199. - 1846. (5) Bulletin de la Société géologique de France , t. XIV, p. 573. — 1843. séance du 21 jum 18â7. 1115 tes qui les dominent encore aujourd’hui ; mais il est avéré que les blocs erratiques Scandinaves proviennent de contrées où il n’existe actuellement aucun glacier, il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur la carte qui accompagne l’ouvrage de MM. Murcliison et de Verneuil sur la Russie. On y voit, par exemple , que les blocs erratiques de la Pologne , sont en partie originaires des environs de Philipstadt , au bord du lac Wenern , contrée fort éloignée des glaciers actuels. De son côté, M. Duro- cher fait remarquer que les matériaux déposés dans les parties méridionales de la Suède , « proviennent des collines basses et ma- melonnées de la Suède et de la Finlande plutôt que des hautes ré- gions (1). v Or, dans l’hypothèse de l’immersion de la Scandinavie jusqu’au niveau des glaciers actuels, ces contrées auraient été immer- gées ci une grande profondeur au-dessous de la mer, et ni les glaciers , ni les glaces flottantes , ni la glace de la mer, n’ auraient pu en arra- cher des blocs gigantesques pour les transporter à de grandes dis- tances. L’origine des blocs erratiques nous prouve donc qu’ils n’ont pas été charriés par des glaces flottantes détachées des glaciers ac- tuels. 3° Si la Scandinavie avait été immergée au commencement de l’époque glaciaire jusqu’au niveau des glaciers actuels, comment pourrait-on concevoir le burinage des stries que nous voyons au bord, et même au-dessous de la mer (2). Quel est l’agent qui aurait pu graver des stries à 600 mètres de profondeur. Je n’en conçois aucun. On est donc invinciblement amené, pour se rendre compte de ces stries littorales et sous-marines , à supposer que les niveaux relatifs de la terre et de la mer étaient peu differents de ce qu’ils sont aujourd’hui , ou que la côte était plus soulevée qu’elle ne l’est depuis la période historique : mais alors les glaciers ac- tuels ne plongeaient pas dans la mer , tout le pays était émergé ; et on est obligé de renoncer à expliquer le transport des blocs erratiques par les glaces flottantes détachées de ces glaciers. La plupart des géologues qui ont étudié les phénomènes erratiques en Scandinavie , ont compris cette difficulté. Aussi M. Murchison , qui a le plus insisté sur le rôle des glaces flottantes dans ce phé- nomène , a-t-il admis l’ancienne extension des glaciers du nord de la Scandinavie et de la Laponie , jusqu’au bord de la mer qui fl) Ibid. , 2e série, t. IV, p. 63.-2 novembre 1 846. (2) Dans les environs de Carlscrona, on les a poursuivis jusqu’à 6 mètres au-dessous de la surface de la Baltique Nyt Magazin far Naturvidenskaberne , t. IV, p. 312. 1845. 1116 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. baignait les côtes de la presqu’île , après l’époque pliocène (1) , et le désaccord entre lui et nous ne porte plus que sur l’étendue de cette extension. Restreinte dans ses étroites limites, son hypo- thèse est, comme nous l’avons vu, évidemment insuffisante pour expliquer le transport des blocs erratiques originaires du midi de la Suède. Partiellement d’accord avec les glacialistes, M. Murchison se sé- pare d’eux complètement en attribuant à des cailloux charriés par l’eau les stries et le poli des roches Scandinaves. Mais ces stries étant identiques au-dessous de la mer du Nord, sur les côtes de la Nor- vège, et à 1230 mètres au-dessus , il en résulte qu’il serait forcé d’admettre, pour être conséquent avec sa doctrine, que la Suède, à l’époque de la dispersion des blocs , était immergée jusqu’à 1234 mètres, hauteur à laquelle M. Siljestroem a vu des stries (2). On voit donc que l’hypothèse de M. Murchison suppose une im- mersion qui dépasse de plus de 600 mètres le niveau inférieur des glaciers actuels , et de 994 mètres la limite supérieure de l’argile coquillère. Dira-t-on que la Scandinavie s’est soulevée brusquement , (1) The geology of Russia and the TJral moiuitains , t. I , p. 528 et 554. Voici les propres expressions de l’auteur , p. 528. «We therefore think that ice andsnow may, at on time, havecove- red large parts of Scandinavia and Lapland ; that glaciers advanced from thence to the edges of the sea of the post-pliocene or block pe- rîod, and that finally upon an alteration of climate, probably occasioned by sudden successive changes in the relations of land and water, these glaciers were broken up, and fragments of them, constituting isles with included blocks , were transported during long periods to the south. » Et p. 554. « But whilst wo reject the application of the terrestrial glacier theory to Sweden, Finland, north-eastern Russia and the whole of northern Germany, in short to the lowcountries of Europe, we believe, as before stated, that in the axis of northern Scandinavia and Lapland (the highest point of which is upwards of 8000 feet above the sea) arctic glaciers did formerly exist. These glaciers , probably more extensive than those which there now prevail , formed, we may imagine, the shores of the sea that then covered ail the low lands of Sweden, Finland and Russia and bathed the edges of such glaciers, just as those of the icy sea now ad- vance to the ice-bound cliffs of Spitzbergen. (2) Observations sur les directions qu’affectent les stries des rochers en Norvège, par M. Siljestroem. Voyages en Scandinavie , Géogra- phie physique , t. I , p. 211. SÉANCE DU M JUIN 18A7. 1117 de façon à déterminer une vague immense et à émerger rapide*» tous les points situés au bord de la mer actuelle, jusqu’à 1234 mè- tres au-dessus , soulèvement qui expliquerait les surfaces arron- dies et striées par les cailloux ( drijt ) que charriait ce flot gigantesque (1). Mais tout nous prouve que ce soulèvement a été lent et insensible, comme il l’est encore aujourd’hui. Les inter- valles de repos complet sont marqués par des terrasses avec lignes d'anciens rivages que la mer a battus longtemps , comme le prouve l’aspect des rochers creusés et érodés par l’eau. C’est même une des conséquences du travail de M. Bravais sur les lignes d’ancien niveau de la mer, en Finmark, que M. Elie de Beaumont a fait ressortir avec le plus de soin dans son Rapport sur ce Mémoire (2). Supposons néanmoins un instant qu’il soit démontré que ce sou- lèvement a été brusque et qu’il ait produit la vague immense à laquelle on attribue le phénomène erratique de la Scandinavie, il resterait encore à prouver que l’eau charriant des cailloux et des blocs peut tracer à la surface des roches les plus dures des stries rectilignes et sensiblement parallèles. L'observation nous apprend que l’eau ne possède pas ce pouvoir. Vainement on invoquerait les dimensions énormes qu’on prête aux courants diluviens ; il existe la même disproportion entre les glaciers actuels et les glaciers qui couvraient autrefois la Suisse et la Scandinavie. Cependant les gla- ciers actuels nivellent et strient, comme leurs devanciers : par con- séquent, les débâcles, les torrents, les fleuves, charriant des masses de cailloux, doivent produire et produisent en petit les mêmes effets qne les courants diluviens. Ils érodent les roches , ils les sillonnent de canaux sinueux , ramifiés , anastomosés ; ils y creusent des marmites de géants ; mais iis ne les nivellent pas et n’y tracent pas de stries rectilignes qui , au rétrécissement des vallées , se relèvent d’amont en aval et forment , avec la pente du Thalweg , des angles de 45 à 50 degrés. En outre , les cailloux roulés par les torrents sont arrondis, lisses et jamais striés ; ceux entraînés par les glaciers , sont usés , frottés et striés. Les effets de l’eau et de la glace peuvent donc être analogues , ils ne sont jamais iden- tiques. La manière dont nous concevons , M. Desor et moi , le phéno- mène erratique en Scandinavie , me paraît expliquer la plupart des (1) Yoy. Murchison, On the Scandinavian drift. Journal oj the geological Society of London , t. II , p. 363. (2) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XV, p. 847. — 4842. 1118 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. faits d’une manière plus satisfaisante. Les rochers striés se prolon- geant sous la mer, la péninsule devait être , au commencement de l’époque glaciaire , plus émergée qu elle ne l’est maintenant. Les glaciers s’étendirent au-delà du rivage actuel et atteignirent le Banemarck , comme le prouvent les belles roches polies des envi- rons de Faxoe, découvertes par M. Desor. Alors les rochers furent arrondis, polis et striés, et les cailloux frottés , furent entraînés et dispersés par les glaciers. Quelle était la limite de la nappe de glace à cette époque? c’est ce que personne ne saurait dire, puisque les traces qu’elle a laissées sont cachées en partie sous les flots. Pendant cette extension , la Scandinavie s’est peu à peu enfoncée dans la mer ; ce qui le prouve , c’est la couche argileuse à coquilles qui règne du cap-Nord jusque dans le S. de la Norvège et recouvre partout les roches polies ; ce sont les serpules qu’on trouve à Sorgenfry, près de Christiania, fixées sur des plaques polies et striées, à 60 mètres au-dessus de la mer. Les œsars se formèrent pendant cette période comme se forment les hauts fonds ou plutôt les revler du Jutland. Leur formation a été d’autant plus rapide que les moraines abandonnées par les glaciers étaient des matériaux tout préparés que la mer déplaçait et modelait à son gré. Les cailloux roulés , les coquilles marines ou littorales , dont se composent les œsars , les débris de bateaux fort anciens qu’on y a découverts témoignent assez de leur origine sous-marine. Pendant cette période d’immersion et celle d’exhaussement qui l’a suivie , les glaces flottantes , portant des blocs erratiques , se détachèrent des glaciers qui descendaient jusqu’à la mer , vinrent échouer sur les hauts fonds , et y déposèrent le fardeau dont ils étaient chargés , comme M. Murchison l’a très bien expliqué. La côte continuant à s’élever, ces hauts fonds littoraux ont été suc- cessivement mis à sec avec les blocs dont ils étaient couverts, ce sont les œsars ; et nous voyons maintenant dans la même contrée les traces d’un ancien glacier, les blocs apportés par lui et ceux qui ont été déposés sur les œsars par les glaçons flottants. Ce qui s’observe dans le sud de la péninsule se voit dans le nord. Tout le long du fiord d’Àlten , sous le 70e de latitude, on suit des traînées de blocs disposées horizontalement le long des lignes d’ancien niveau de la mer, par exemple , entre le comptoir de Bossekop et la maison du Gouverneur du Finmark ( Fogcdgaard ). En outre, toute la contrée est couverte de roches striées et moutonnées comme celles qui avoisinent les glaciers de la Suisse. Aux Etats-Unis , près de Boston , où la côte présente aussi des traces incontestables de changement de niveau, M. Desor vient SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. 1419 de retrouver les mêmes apparences. Des surfaces polies et striées s’observent sur toutes les espèces de roches; le granité, la syénite, les schistes clilorités , les calcaires de transition et même des pou- dingues comme la N(i gel-fhœ des environs de Yevay, en Suisse. On y trouve aussi ces demi-cylindres en relief, si caractéristiques de l’action du glacier, signalés déjà dans la vallée deCliamonix et en Scandinavie (1). Les cailloux, frottés et striés, sont extrêmement communs ; mais ce sont plutôt de petits blocs que des cailloux ? comme ceux de la Suisse ou des Aosges. Il existe aussi des œsars parfaitement caractérisés à Mi Ikon, près de Boston. Ils sont connus des habitants sous le nom de ridges , et ont la même forme , le même sommet plat , les mêmes pentes et la même composition que les œsars suédois. Comme en Suède, des routes, toujours pra- ticables , occupent leur sommet , tandis que la plaine voisine est souvent inondée. A Millton , une coupe perpendiculaire au rivage présente successivement la mer, une plaine diluvienne , Fœsar et une colline plus élevée de granité strié et poli dont le sommet est entouré d’une ceinture de blocs erratiques qui ne viennent pas de fort loin , et paraissent avoir été déposés sur la colline par un radeau de glaces flottantes à un niveau supérieur à celui de la plateforme de l’œsar. Dans l’Etat du Maine , on trouve aussi des œsars que les habitants du pays désignent sous le nom de Indian roads ou Rorsebacks ( dos de cheval) , et M. Lyell (2) , en décrivant les ridges du lac Ontario , a parfaitement reconnu leur analogie avec les œsars suédois. .Te ne saurais quitter ce sujet sans insister sur la présence des cailloux et des blocs striés en Scandinavie et aux Etats-Unis. Ces cail- loux sont , pour ainsi dire , le fossile caractéristique de la présence d'anciens glaciers. Enclavés entre la roche et la glace, ils ont che- miné lentement avec elle ; mais, dans ce trajet, ils ont été arrondis, usés, frottés et striés dans tous les sens. L’eau ne saurait produire ces effets. Les cailloux roulés de nos fleuves et de nos torrents , les galets des bords de la mer et ceux des lacs sont polis , roulés , ar- rondis, mais ils ne sont jamais striés. Il y a plus, les cailloux striés parles glaciers, entraînés par les torrents qui s’en écoulent, per- dent leurs stries au bout d’un trajet fort court, car , à 500 mètres de l’escarpement terminal d’un glacier, on ne trouve plus de cail- loux striés dans le lit du torrent. (1) Bulletin de la Société géologique de France , 2e série , t. III, p. 109. — 15 décembre 1845. (2) Travels in north America , t. II, p. 102 J 120 SÉANCE DU 21 J LIN’ iS/l7. Quand on réunit toutes ces circonstances, ou comprend diffi- cilement qu’il existe des cailloux stries dans les parties de la Scan- dinavie et de l’Amérique du Nord qui ont été jadis sous-marines, comme l’attestent les césars qui les recouvrent. Il semble logique de conclure que ces cailloux ou ces blocs ont du être roulés par les vagues à l’époque où les parties littorales de ces pays se sont immergées. Cette immersion s’étant faite avec lenteur, chacun de ces cailloux , pour ainsi dire , a dû se trouver à son tour au bord de la mer, et alors le mouvement de va-et-vient que lui imprimait la marée et les flots a du effacer ses stries en le frottant contre les autres cailloux de la grève. L’examen des cailloux qui se trouvent dans les oesars semblent confirmer cette manière de voir; tous sont roulés, mais il est extrêmement rare d’en trouver qui conservent des traces de stries (1). L’existence simultanée dans une même lo- calité de cailloux striés par les glaciers et d’œsars formés par la mer semble donc contradictoire , quoique les césars soient placés au-dessus du terrain de transport qui renferme les cailloux striés. Une analyse attentive des phénomènes que présentent ceux des gla- ciers actuels qui descendent jusqu’ à. la mer nous fournira la solution de ces difficultés. Au Spitzberg , où se réalise la conception d’un pays envahi par les glaciers , ceux-ci ne s’arrêtent pas au bord du rivage : ils s’avancent au-dessus de la mer en la surplombant (2). (1) Desor. Notice sur le phénomène erratique du Nord comparé à celui des Alpes. Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. IV, p. 201. 1845. (2) Observations sur les glaciers du Spitzberg comparés à ceux de la Suisse. Bibliothèque universelle de Genève. Juillet 1 840 ; Edinburgh new philosophical Journal, t. XXX, p. 284. 1 841 ; et Voyages, en Scan- dinavie de la corvette la Recherche , Géographie physique , 1. 1 , p. 176. J’ai constaté que ces glaciers surplombaient la mer en été , il en ré- sulte que les glaces flottantes qui s’en détachent ne sont pas hautes ; la partie émergée dépassant seulement de quelques mètres la surface de la mer. Dans la baie de Baffin, au contraire, les glaces flottantes (icebergs) ont souvent une hauteur énorme (voyez /. Ross, A voyage of discovery in H. M. s bips Isabella and Alexander for the purpose of exploring Baffin’ s bay, pl. I , II , IY). Elles proviennent de glaciers tels que celui qui est décrit et figuré par l’auteür p. 1 41 , et qui plongent dans la mer. Les glaces flottantes qui s'en détachent ont pour hauteur totale la somme de la partie émergée et de la partie immergée du glacier. Dans les pa- rages du Spitzberg, aucun navigateur n’a jamais rencontré de véritables montagnes de glace flottantes; d’où je conclus que dans aucune saison les glaciers ne s’avancent en glissant sur le fond de la mer, et n’attei- gnent la puissance des glaciers de la baie de Baffin. Ces différences tiennent à ce que les côtes du Spitzberg sont baignées par une branche SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1121 La projection horizontale du glacier occupe donc un segment ; la courbe du rivage en est T arc et l’escarpement terminal du glacier, la corde. Il en résulte qu’un bloc ou un caillou strié enchâssé dans la glace (et ils sont encore plus gros et plus nombreux au Spitzberg que dans les Alpes (1) ) est transporté par le glacier au-delà du rivage et tombe à la mer à une certaine distance du bord. Or , au Spitzberg , j’ai trouvé au pied de l’escarpement des glaciers de Bellsound et de Magdale na-bay des profondeurs comprises entre 30 et 123 mètres. Un bloc strié tombant des glaciers à cette pro- fondeur y est complètement à l’abri de l’action efficace des vagues qui cesse à 5 ou 6 mètres de profondeur ; il le sera d’autant plus que ces glaciers occupent presque toujours le fond des baies où les mouvements de la mer sont beaucoup moins sensibles que sur les côtes battues directement par les lames du large. Si ce bloc n’est point roulé par les flots , ses stries ne s’effaceront pas , car l’eau n’a pas le pouvoir d’enlever les stries en lavant le rocher , comme on en a des milliers de preuves en Suisse et en Scandinavie. Lés choses se sont passées de la même manière à l’extrémité des glaciers Scandinaves lorsque ceux-ci arrivaient jusqu’à la mer. La côte étant fort escarpée, un grand nombre de blocs striés sont tom- bés dans une eau profonde. Cette profondeur augmentant sans cesse par suite de l’immersion de la côte , les mettait de plus en plus à l’abri de l’action des vagues. Mais, dira-t-on, après s’être enfoncé, ie littoral s’est de nouveau relevé , et les cailloux , devenus les galets du rivage , ont dû être roulés et perdre par conséquent leurs stries. Cela est vrai pour ceux de la surface , cela ne l’est pas pour ceux qui étaient recouverts d’une masse de débris, enterrés dans l’argile ou d’un volume trop considérable pour être déplacés par les vagues. Aussi M. Desor a-t-il fort bien remarqué qu’en Scandinavie comme en Amérique, on trouve plus souvent des blocs striés que des cailloux striés, et c’est, enfoncés dans l’argile, ensevelis sous une couche de terrain de transport et mis à nu par des tranchées, qu’on les ren- contre habituellement. En résumé, parmi les blocs et les cailloux de Gulfstream , dont la chaleur fond sans cesse les glaciers par leur base à mesure qu’ils s’avancent dans la mer. (1) Les glaciers actuels du Spitzberg étant simples, ils n'ont point de moraine terminale, et le milieu de l’escarpement est dépourvu de blocs ; mais les anciens glaciers Scandinaves étant des glaciers éminemment composés, avaient des moraines terminales énormes, et versaient dans l’Océan des quantités prodigieuses de fragments erratiques de tout genre. Soc, fjéol., 2e série, tome IV. 71 1122 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. striés par les anciens glaciers Scandinaves à l’époque où ils attei- gnaient la mer , un grand nombre ont été déposés sur les bords de cette mer ; ils ont été roulés et ont perdu dès lors toutes leurs stries, ce sont ceux qui composent les œsars. Les autres, transportés à une certaine distance en avant du rivage par le glacier lui-même ou par les glaces flottantes, sont tombés dans une mer profonde où ils étaient à l’abri de Faction des vagues. Là, ils ont été recouverts successivement d’un dépôt de transport qui , lors de l’immer- sion de la côte , les a préservés de Faction des flots. Ces faits nous expliquent pourquoi le diluvium Scandinave se compose à la sur- face de cailloux roulés au-dessous desquels se trouvent des blocs striés que l’œil exercé d’un géologue familier avec l’étude des glaciers actuels pouvait seul y découvrir. L’on n’a pas encore tenté d’expliquer le transport des blocs er- ratiques de la Suisse par les glaces flottantes; si on l’essayait, on serait arrêté dès l’abord par de grandes difficultés et conduit iné- vitablement à combiner cette théorie avec celle de l’ancienne ex- tension des glaciers. Imaginons, en effet , qu’on voulut se rendre compte par des glaces flottantes du transport des blocs erratiques de la vallée de l’Arve , depuis Chamonix jusqu’à Genève. Voici les faits qui resteraient inexplicables dans cette supposition : on trouve à l’état erratique , sur le coteau de Saint-Roch , au-dessus de la ville de Salianches , un grès poudingue contenant des cailloux roses. Ce grès est en place, entre les villages des Ouches et la gorge des Montées, au débouché de la vallée de Chamonix. ïl faudrait donc admettre d’abord que l’ancien glacier de l’Arve remplissait toute la vallée de Chamonix ; car on ne peut pas raisonnablement supposer que ces blocs soient tombés précisément au moment où des glaces flottantes passaient rapidement devant eux. Sur les flancs des \ oirons , près de Genève , les grès verts de la montagne des Fis ne sont pas rares à l’état erratique. 11 faudra donc accorder que les glaciers atteignaient autrefois cette montagne , et qu’ils ont dé- bouché dans la vallée de Salianches. Mais les Salèves , encore plus rapprochés de Genève que les Voirons, sont couverts de cailloux striés , qui sont du calcaire jurassique , et proviennent par consé- quent de la partie de la vallée comprise entre Salianches et Bon- neville. Le glacier s’étendait donc au-delà de Salianches. On voit que , de proche en proche , on peut faire voir que c’est bien le glacier lui-même qui a transporté les blocs et les débris dont la vallée de l’Àrve est jonchée. Les mêmes exemples s’appliquent au glacier du Rhône. Les eu- photid.es de la vallée de Saas et les serpentines de celle de Zermatt, SÉANCE DU 21 JUIN I8Zl7. 1123 qui se trouvent à l’état erratique depuis Genève jusqu’à Soleure, prouvent que ce glacier descendait jadis jusqu’au point où ces deux vallées débouchent dans le V alais. Les blocs monstrueux d’arkesine, de Steinhof , près Berne, que M. Guyot a retrouvés en place dans la vallée d’Erin , montrent que ce glacier atteignait Sion ; les blocs de protogine du Mont-Blanc et les poudingues de Vallorsine, si communs à l’état erratique dans la plaine suisse, témoignent qu’il dépassait Martigny. Le calcaire de la dent de Mordes et les gypses de Bex , nous apprennent qu’il a débouché dans la vallée du Léman. A partir de ce point , le glacier recouvrait toutes les basses montagnes de la Suisse et n’étaiî plus dominé par des som- mets élevés d’où les blocs erratiques pouvaient tomber à sa sur- face pour être transportés au loin dans sa progression incessante. Aussi les roches erratiques des formations de la plaine suisse sont- elles infiniment plus rares que celles des hautes montagnes. Je ne nie point pour cela que les glaces flottantes n’aient pu jouer un rôle dans le transport des blocs erratiques de la Suisse à l’époque de la fonte et du retrait des glaciers. On voit aux envi- rons de Reichenau , dans les Grisons , des œsars bien caractérisés sur lesquels on trouve quelques blocs erratiques. On reconnaît dans la même vallée du Rhin et dans ceile de Passeyr en Tyrol . que les moraines ont été remaniées à leur partie supérieure par les eaux résultant de la fusion des grands glaciers (1) ; mais il est facile de prouver que ces moraines ont été déposées directement par eux et quelles ne sont pas uniquement formées de matériaux transportés par les eaux ou par des glaces flottantes. En résumé , je ne pense pas que l'on puisse expliquer le phé- nomène erratique en Scandinavie , en Suisse , dans les Pyrénées et dans le nord de l’Amérique , par les glaces flottantes détachées des glaciers , sans admettre implicitement que les glaciers étaient plus grands qu’ils ne le sont actuellement , et sans adopter, par conséquent, la théorie de l’ancienne extension des glaciers telle qu’elle a été formulée par MM. Venetz , de Charpentier, Àgassiz et Desor. M. Nérée Boubée demande la parole : Personne ne désire plus vivement que moi , dit-il , le triomphe des glaciéristes ; et au reste leur cause me paraît si forte par elle- (l) Voyez Bulletin de la Société géologique , t. XIII, p. 345, 2 mai 1842 ; et ibid. , 2e série^ t. il , p. 1 23 , 4 5 décembre 1845, SÉANCE DU 21 J LIN 1847. 1124 même, et elle est soutenue par des géologues si habiles, que je crains peu pour elle les discussions même les plus approfondies. Aussi est- ce avec regret que je vois M. Martins introduire au- jourd’hui dans cette thèse un élément que je considère depuis fort longtemps comme une des erreurs de la géologie actuelle , et d’autant que M. Martins saurait certainement très bien démontrer la théorie de l’ancienne extension des glaciers , sans la faire repo- ser en rien sur cet appui que je crois très mal assuré : je veux par- ler de cet affaissement et de cet exhaussement des continents que l’on met si facilement en jeu depuis quelques années, et que de tous côtés l'on paraît admettre comme un fait très simple et incon- testable; pour moi je crois , au contraire, et j’ai la conviction la plus réfléchie, que cette opinion est une profonde erreur. Je dirai même que depuis huit ou neuf ans j’ai formé et nourri dans mon esprit le projet d’écrire un mémoire spécial à cet égard , projet que la multiplicité de mes occupations m’a seule empêché de réaliser encore , et me porte à livrer aujourd’hui verbalement, ne pouvant supporter plus longtemps le regret que j’ai de voir un principe aussi erroné prendre pied parmi les bases de la géologie. Je me bornerai donc à dire aujourd’hui que je crois être en mesure de démontrer que ces terrasses , ces cordons , ces lignes horizontales que l’on signale chaque jour sur de nouveaux points le long des mers, qui partout sont caractérisés, tantôt par de simples érosions marquées sur les roches du rivage jusqu’à une certaine hauteur, érosions dues à l’action de l’eau de mer ou des coquilles perforantes, tantôt par des sables, des argiles, des galets ou des agglomérats coquilliers récents , où l’on trouve les coquilles même qui vivent encore sur place et presque toujours associées à quelques espèces perdues ou qu’on ne connaît qu’en d’autres parages plus ou moins éloignés, et qui s’élèvent tantôt à 10 ou 12 mètres seu- lement au-dessus du niveau de la mer, ailleurs à 20 et 25 mètres , ailleurs à 50 et 60 mètres, et jusqu’à 250 mètres sur les côtes de la Scandinavie , ainsi que M. Martins vient de nous l’indiquer, ne sauraient être considérées comme annonçant ni des affaissements ni des exhaussements du sol. De cela seul que ce fait est si général qu’on l’observe dans toutes les parties du globe , ne doit-on pas conclure qu’il résulte d’un phénomène général et non pas de causes locales et partielles, qui auraient soulevé à des élévations plus ou moins grandes , tantôt un rivage et tantôt un autre? Pour moi , je ne vois- dans ce fait que la conséquence et le complément de celui que j’ai depuis longtemps cité et cherché à expliquer, je veux parler du creusement des vallées à plusieurs étages : il est évident SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. 1125 pour moi que l’ensemble des causes qui ont produit ces étages qu’on observe dans la plupart des grandes vallées, étages que l’on compte au nombre de trois , quatre et jusqu’à cinq le long de chaque fleuve , étages qui s’élèvent à 10 , 20 , 30 , 50 et 100 mètres au-dessus des fleuves actuels ; il est évident pour moi que ces mêmes causes ont dû laisser à l’embouchure de ces fleuves, et aussi le long des rivages , ces traces et dépôts élevés , ces terrasses suc- cessives qui bordent quelques mers , et qu’on attribue sans raison aucune à des exhaussements du sol. Or, pour rendre plus exactement ma pensée , mais sans vouloir la développer ici à l’improviste , et me réservant de la traiter plus tard, je dirai que le phénomène maintenant reconnu général des anciens niveaux des mers , plus ou moins élevés au-dessus des mers actuelles, n’a rien de commun avec les soulèvements terrestres , mais qu’il se rattache au phénomène tout aussi général et contem- porain du creusement des vallées à plusieurs étages; toutefois je ne prétends pas dire qu’il n’y ait par exception quelques rivages dont l’exhaussement ne soit dû à des soulèvements lents ou même à des soulèvements brusques comme celui de la côte du Chili en 1822 ; mais on n’en peut considérer comme tels qu’un très petit nombre , et moins que tous autres ceux qui présentent des terrasses ou étages successifs. M. le baron de la Pilaye dit que les bords de la Somme pré- sentent plusieurs étages, tandis qu’on n’en voit pas en Bre- tagne. M. Martins donne lecture de l’extrait d’un Mémoire de M. Escher de la Linth. Gebirgskunde des kanton Glarus . Géologie du canton de Glarus, in-12, lil pages, avec une carte géologique du canton et une planche offrant !x coupes. Cette description fait partie du livre intitulé Der kanton Glarus , le canton de Glarus, par le Dr Oswald-Heer et J. -J. Blumer-Heer, Saint-Gall et Berne, 18 46. Le canton de Glarus renferme un des plus puissants massifs de la Suisse; M. Escher y a reconnu les formations suivantes : 1° Des cônes et des talus d’éboulements , de la tourbe et autres formations modernes ; 2° Des blocs erratiques et d’anciennes moraines ; 1126 SÉANCE DU 24 JUIN 18/i7. 3° L’alluvion stratifiée ou alluvion ancienne ; U° Les terrains tertiaires représentés par la molasse , qui se com- pose elle-même de trois couches : la couche supérieure ou molasse d’eau douce ; la couche moyenne qui a été formée au sein des eaux marines ; enfin la molasse d’eau douce inférieure ; 5° La formation crétacée dans laquelle il distingue cinq étages principaux. A. Le flisch caractérisé par la présence du Fucus intriccitus et F. Targionii. Les ardoises du Platenberg font partie de cette for- mation. Elles sont connues depuis longtemps des naturalistes à cause de leur richesse en poissons fossiles ; ceux-ci sont au nombre de quarante-une espèces , distribuées en dix-huit genres , et qui , suivant M. Agassiz , n’ont été retrouvées nulle part ailleurs; on y a découvert aussi une impression de Tortue , et d’un oiseau que M. de Meyer a rapproché des Passereaux conirostres. B. L’étage nummulitique se présentant sous la forme d’un cal- caire gris, d’un grès vert ou d’un schiste argileux , et renfermant outre les Nummulites , des Pecten , des Cônes et le Grypliœa ex- pans a Mur ch. C. Le calcaire de Seewen représentant de la craie et renfermant Y Inoceramus Cuvieri Sow. et Y Ananchytes ovata Lam. D V étage à Turrilites avec Turrililes costatus Sow., Ammonites navicularis Mant. , Inoceramus concentricus et 1. sulcatus Sow. E. L’étage inférieur de la craie renferme le calcaire à Hippurites [H. Blumenbachii Stud.) et à Chaîna ammonia , et le calcaire à Spatangus retusus Lam., Exogyra subsinuata Leym. , et Ostrea carinata. 6° Les formations jurassiques sont représentées par trois couches principales. A. Le calcaire alpin qui représente l’oolithe supérieure et moyenne , mais qui contient malheureusement peu de fossiles , parmi lesquels on remarque néanmoins Y Ammonites biplex Sow. et le Belemnites hastatus Blainv. B. L’oolithe ferrugineuse est plus riche , car on y trouve r. Am- monites Goweranius Sow., A. macrocephalus Schlot., A. Parkin - sonii , des Bélemnites : Ostrea pectiniformis Schlot. , O. calceata Goldf., Terebratula digona Sow. ; et des Pentacrinites. 7° Des couches sédimentaires , schisteuses, contenant de la houille, et qui paraissent appartenir au terrain carbonifère. Nulle part dans le canton de Glarus les roches cristallines ne sont à nu; seulement sur le col appelé Sandpass , les schistes contenant du quartz et du talc sont inclinés du N. au S. , et vont se perdre sous SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. 1127 les marnes calcaires du Todi. Ils montrent cette disposition en éventail , qui paraît être le caractère de roches gneissiques au contact des roches de sédiment. Ces formations azoïques paraissent être un prolongement du groupe du Finsteraarhorn. Notre but en faisant cette courte analyse du travail de M. Escher a été d’attirer l’attention des géologues français sur les formations de la partie orientale du N. de la Suisse. C’est là (canton d’Appen- zell) qu'on trouve le plus grand nombre de fossiles. Or, on sait que malgré les recherches incessantes de MM. Studer , Escher, Necker , Fournet, Favre , etc. , le manque presque total de corps organisés fossiles a toujours été le plus grand obstacle qui ait arrêté la solution des problèmes importants que soulève la structure de la plus haute chaîne de l’Europe. M. Tallavignes fait la communication suivante : Résumé tUun Mémoire sur les terrains a ISlummulites du département de R Aude et des Pyrénées , par M. Taî- lavignes. INTRODUCTIONS Les questions que soulève l’étude des terrains à nummulites sont nombreuses et complexes. Sans sortir des considérations pure- ment géologiques , l’intérêt qui s’attache à ces terrains me paraît tenir à ceci , que les difficultés soulevées par eux touchent à la méthode et par conséquent aux bases même de la science. Il semble , en effet , qu’on ait en présence , pour la classification de ces terrains , deux arguments , ou , si l’on veut , deux méthodes , l’une paléontologique , l’autre géognostique , et la question paraît ramenée à choisir la meilleure. Ce n’est pas ici le cas d’examiner s’il y avait réellement lieu à poser ainsi la question , ni de recher- cher le point précis où en est la solution de cette difficulté. Je ferai seulement observer cpie l’ argumentation employée des deux côtés reposait sur un principe qui n’était pas démont; é , quoique accepté des deux parts; à savoir, que les terrains numnmlitiques des Pyré- nées formaient une seule formation , un seul et unique horizon géognostique. Un des résultats de ce mémoire est d’établir une pro- position contraire. Je ne pense donc pas que la question de classi- fication de ces terrains soit définitivement vidée. L’objet de ce travail n’est pas de comparer ces terrains à ceux du Nord, ni de rechercher la place qu’ils doivent occuper dans la série générale des dépôts de sédiments j je me suis au contraire 1128 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. attaché à étudier ces terrains en eux-mêmes et indépendamment de toute idée théorique ou préconçue ; j’ai cherché à faire connaître d’une façon plus complète , particulièrement sous le rapport géo- gnostique , un des gisements nummulitiques les plus importants, celui de l’Aude , pour lequel on possédait déjà de bons renseigne- ments dans le mémoire de M. Dufrénoy, et dans celui tout récent où M. Leymerie a décrit une grande partie des fossiles qui le carac- térisent. Le résultat général auquel je suis arrivé est d’établir que les couches nummulitiques de l’Aude et des Pyrénées constituent deux formations distinctes par leurs caractères géognostiques et paléon- tologiques. Les terrains qui constituent la première ne contiennent que des espèces tertiaires ou nouvelles. Le caractère de leur faune est exclusivement tertiaire. Les couches qui ont tous les caractères d’une formation indépendante sont ordinairement horizontales, et reposent souvent sans intermédiaire sur le terrain de tran- sition. Je désigne ce groupe sous le nom de Système Ibérien. La deuxième formation ne renferme pas d’espèces tertiaires, et n’a jus- qu’à présent avec le système précédent aucune espèce commune. Le caractère de sa faune. est tout-à-fait distinct, et se rapproche plus des formes crétacées que des formes tertiaires. Les couches sont constamment relevées , et dans Y Aude elles sont en stratifica- tion discordante avec celles du système précédent. Je désigne ce groupe sous le nom de Système Alarici en. Les terrains nummuli- tiques des Pyrénées centrales appartiennent exclusivement à cette dernière formation. L’horizon nummulitique supérieur ou Ibérien comprend des couches situées plus en dehors de l’axe de la chaîne ; il forme sur le versant nord des Pyrénées deux bassins distincts et séparés : le bassin de l’est ou de l’Aude , et le bassin de l’ouest ou des Basses-Pyrénées. La suite de ce résumé va faire connaître les faits et les méthodes qui ont conduit à cette distinction des deux horizons nummuli- tiques dans le gisement de l’Aude. Dans une deuxième partie , je ferai connaître les observations que j’ai faites dans les Pyrénées proprement dites. SECTION I. TERRAIN NUMMULITIQUE PROPREMENT DIT, OU SYSTÈME IBÉRIEN (1). Les terrains dont la description fait l’objet de ce travail forment (1) Voir l’appendice , page 14 41. SÉANCE DU 21 JUIN 1 847 . 1120 un bassin circonscrit entre les terrains de transition de la Mon- tagne-Noire au N., et ceux de même nature qui constituent les Hautes-Corbières au S. Les couches qui appartiennent au groupe nummulitique supérieur se présentent en divers points de cette vaste surface avec des caractères minéralogiques et physiques très variés ; mais il est possible d’en suivre la continuité à travers ces diverses transformations. Les limites qui me paraissent devoir leur être assignées diffè- rent notablement de celles indiquées par la carte géologique de France et par la carte modifiée de M. Leymerie. D’après cette dernière , le terrain à nummulites occuperait dans les Corbières tout l’espace compris entre le terrain de transition de ces monta- gnes et la vallée du Canal. Cette vaste surface me paraît compren- dre trois terrains distincts : le terrain à nummulites proprement dit ou supérieur, le système du mont Alaric , le terrain tertiaire moyen. Le terrain à nummulites supérieur est le moins développé des trois en puissance et en superficie ; je le divise en trois types ou faciès que je vais parcourir successivement. § 1. Type de la Montagne-Noire [faciès calcaire). Le terrain à nummulites est représenté sur le versant S. de la Montagne-Noire par une bande étroite de calcaires qui s’étend sans interruption de Saint-Papou! à Saint-Ghinian , s’appuyant constamment entre ces deux points sur le granité ou le terrain de transition. A l’E. de Saint-Chinian , les terrains tertiaires moyens s’appuient directement sur le sol ancien , et le terrain à nummu- lites reparaît , au milieu des plaines , entouré par les couches mio- cènes. Il constitue le sommet des collines , au pied desquelles coule l’Orb, entre Pierrerue et Cessenon. Peut-être se lie-t-il par des îlots semblables au lambeau signalé depuis longtemps à Balaruc par Astruc. Je rapporte enfin à ce type l’îlot de Bize , dont il est impossible d’assigner les contours avec précision, à cause des mo- difications qu’ont subies tous les terrains entre Bize et Saint- Chinian. Les couches que je viens d’énumérer ont des caractères minéra- logiques et un faciès identiques. Ce sont des calcaires blancs quel- quefois friables, quelquefois siliceux (meulières de Saint-Julien), le plus souvent compactes, pétris de Nummulites atacicus et globulus et d’Alvéolines. L’élément marneux n’est représenté que par des lits peu épais de terre grossière et sableuse, où existent des moules assez nombreux de fossiles, et qui sont intercalés entre des couches 1130 SÉANCE DU 21 /UIN 18A7. calcaires. Au-dessous de ces derniers, le contact avec le sol ancien a lieu par des marnes sableuses, et renfermant peu de fossiles. Dans le département de l’Hérault , à F extrémité orientale de la bande nummulitique de la Montagne-Noire, ce système repose di- rectement sur le terrain de transition ; des fentes profondes qui ont déchiré le sol , et dans lesquelles coulent des rivières , permettent d’évaluer sa puissance avec précision. Elle est en général inférieure à 50 mètres (Saint-Jean). Dans le département de l’Aude , et par- ticulièrement à FO., l’ensemble des couches que je viens de dé- crire repose sur un système peu épais de calcaires compactes très durs et de marnes calcaires blanchâtres qui renferment des fossiles d’eau douce signalés dans le mémoire de M. Leymerie ; on peut voir cette superposition de la manière la plus précise à Cenne- monestiés. Ce terrain d’eau douce , peu puissant d’ailleurs et con- cordant avec le terrain nummulitique dont il forme le membre inférieur, repose lui-même sur le sol ancien. La ligne de séparation du système nummulitique et des terrains de transition est en général droite et les couches continues. La puissance de la portion marine est en général de à0 à 50 mètres; la puissance de tout le système ne me paraît pas dépasser 100 mètres. Les couches appartenant à ce type sont toujours faiblement in- clinées vers le S. Sous le rapport de leur direction, elles constituent deux systèmes remarquables. Depuis son commencement à l’0. de Saint-Papoul jusqu’au delà de Cannes, la bande nummulitique de la Montagne-Noire est en couches à peu près horizontales, et dirigées O. 5 à 6° N. Ces couches sont recouvertes par le terrain tertiaire moyen en couches également horizontales. A partir de Felines Hautpoul, cette bande se trouve brusquement rejetée au N. Les couches nummulitiques et les couches miocènes qui les recouvrent sont fortement relevées et portées à une hauteur considérable. La direction de ce nouveau système , qui s’étend de Felines à Saint- Chinian, est E., 25° N. à Ü., 25° S. L’angle d’inclinaison des cou- ches est considérable et atteint 25°. La direction de ce système est parallèle à une autre grande ligne de dislocation qui a fortement relevé dans la plaine le terrain à nummulites du troisième type et le terrain miocène, et tracé le lit de l’Aude entre Puicheric et Homps. L’îlot de Bize a seul été soumis à des actions métamor- phiques qui rendent sa stratification très difficile à étudier, et ont fair passer le calcaire à l’état saccharo'ide. Si l’on en excepte les couches d’eau douce, il est impossible d’établir dans ce type des étages ou subdivisions. Les fossiles y sont SÉANCE DU 21 JUIN 18/47. 1131 distribués d’une manière très uniforme. J’ajoute peu de chose pour la connaissance de ces derniers aux travaux de M. Leymerie. Je ferai seulement observer que j’ai retrouvé dans les Corbières plu- sieurs des fossiles qui étaient considérés comme particuliers à ce type, la Ncitica longispira et le Nautilus Lanunckii , par exemple. Je me suis également convaincu qu’il existe dans la Montagne-Noire des moules très nombreux de Turritelles, genre considéré jusqu’à présent comme particulier aux Corbières. Néanmoins, la bande de la Montagne-Noire constitue un gîte paléontologique spécial assez distinct. Les caractères distinctifs du type de la Montagne-Noire sont les suivants : 1° sous le rapport pétrographique , le grand développe- ment des calcaires ; 2° sous le rapport paléontologique, le dévelop- pement et l’abondance relative des Echinides et des Nautiles; la présence exclusive, jusqu’à présent, des genres Solarium rT erebclluni et Terebellopsis , l’absence ou le peu de développement des Poly- piers ; 3° sous le rapport de la nature du dépôt peu de variabilité dans les caractères sédimentaires , les mêmes couches s’étendant à de grandes distances ; absence de golfes et de fiords. Espèces habituelles et caractéristiques „ Nummulites atacicus. — — globulus. dlveolina subpyrenaica. Hemiaster obesus . Tereclo Tournali. Lucina corbarica. Ostrea multicostata. Terebratula montcolarensis. | Neritina conoidca. ! N a tic a longispira . ; Terebellopsis Brauni. | Turritella , indét. § 2. Type des Hautes-Corbières . Si nous nous transportons maintenant sur la limite S. de la mer nummuiitique, nous trouverons dans les Corbières reposant encore directement sur le terrain de transition de ces montagnes des cou- ches puissantes renfermant les fossiles que nous venons d’étudier sur le versant de la Montagne-Noire. Le faciès est ici différent, et l’on peut reconnaître que les conditions du dépôt ont été égale- ment différentes. Je range dans ce type le bassin d’Albas et celui de la Caunette ; il devrait également comprendre les terrains de Couiza, de Sainte-Colombe, de Rivel, qui appartiennent à la zone nuinmuli tique de l’Ariège , que je n’étudie pas dans ce mémoire. Le bassin d’Albas est très remarquable par la grande puissance du terrain à nummulites et les nombreux fossiles qu’il renferme» J 132 SÉANCE DU 21 JUIN 1 8/|7 . Il est constitué minéralogiquement de la manière suivante : à la base , des poudingues à gros éléments alternent avec des marnes rouges , sableuses , consistantes , ayant l’aspect des marnes mio- cènes de la plaine ; ces marnes alternent ensuite avec des grès et de faibles assises de calcaires. Toute cette partie est en général sans fossiles; de nouvelles marnes grises, fortes et plastiques, avecde nom- breux fossiles , alternant avec des calcaires blancs , pétris de num- mulites et couronnés par des grès grisâtres fossilifères, terminent le système. Les couches régulièrement dirigées 10° S. plongent au N. sous un angle d’environ 25°. Leur puissance est considérable et ne peut être évaluée à moins de A00 mètres. Prolongées vers l’O., elles ne forment pas de bande continue au-dessus du terrain de transition, comme l’indiquent les cartes. Un puissant terrain tertiaire qui recouvre ces couches au N. s’appuie directement sur ce dernier terrain entre Albas et la Caunette , et constitue les hauts plateaux de La Camp. La faune de ce bassin est assez bien connue. M. Leymerie en décrit quinze espèces, auxquelles j’en ajoute seize autres. Elle est caractérisée par un grand développement de Natices et de Cérites. Le gisement de la Caunette présente la plus grande analogie avec les couches d’Albas. La direction et le plongement sont les mêmes. La puissance seule est différente et peu considérable. Sa faune est caractérisée par un grand développement de Polypiers et d’Ostracées. Ce caractère, joint à son attitude élevée et à l’absence de couches nummulitiques entre ce dépôt et celui d’Albas, me fait penser que les deux bassins ne communiquaient peut-être pas. J’indique dans cette localité vingt-une espèces. On pourrait diviser le bassin d’Albas en deux assises, dont la supérieure serait assez bien caractérisée par les fossiles suivants : Natica acutellci, Cerithium acutum , Ostrea multicostata , mais cette division ne s’appliquerait point au gisement de la Caunette. Les caractères distinctifs de ce type sont : 1° une grande varia- bilité de caractères minéralogiques , à la différence des deux autres types dont les caractères minéralogiques sont constants ; 2° l’ab- sence des fossiles qui caractérisent si bien le 3e type, les Terebratula ienuistriata , Ostrea lateralis , Sërpula quadricarinata et Operculina pulchella (mihi) ; la prédominance dans sa faune des Natices et des Cérites ; 3° la nature du dépôt qui paraît avoir eu lieu dans des bas- sins séparés. 11 tient le milieu par tous ses caractères entre les deux autres types. SÉANCE DU 21 JUIN ISA/. 1135 Espèces habituelles du type des Hautes Corbières. Num midi tes atacicus Leym. — globulus Leym. Alveolina subpyrenaica Leym. Tereclo Tournali. Ostrea gigantea Dubois. — multicostata — Chaîna gigas Desh. Lucinct corbarica Leym. Natica acutella Leym. — albasiensis Leym. — brevispira Leym. Neritina conoidea Lam. Turriteila imbriçataria Lam. Cerithium acutum Lam. — albasiense Leym. — Vend Leym. — involutum Lam. Fusus bulbiformis Lam. § o. Type des Basses-Corbière s . Les couches du bassin d’Albas sont recouvertes par un dépôt formé de roches marno-arénacées , rougeâtres , alternant avec des calcaires d’eau douce , et qui n’est autre que le terrain tertiaire moyen. Si on suit ces dépôts jusque vers les bords du Rabe , on verra paraître au-dessous, des couches puissantes de marnes noires et de grès, pétries de num nullités et de turritelles qui ont un faciès distinct des couches d’Albas , distantes seulement de quelques kilo- mètres. Ce dépôt est le type nummulitique que je désigne sous le nom de Type des Basses-Corbières. Les couches qui composent ce type d’une grande constance de caractères constituent le bas des collines qui bordent le Rabe de Castouge à Saint-Laurent ; elles contournent le plateau élevé qui sépare les plaines de Fabresan et de Tourninan , pénètrent par une gorge étroite où coule la Nielle dans la pleine de Fabresan, qu’ elles constituent presque en entier, et s’enfoncent par une espèce de golfe au milieu du massif du mont Alaric, vers Pellat. Au S. du plateau dont je viens de parler, ces couches suivent exactement la limite des calcaires de Lagrasse sur lesquels elles reposent , for- ment la plaine de Tournissan , le bas de la haute montagne de Lacamp, dont le haut est tertiaire , la vallée d’Agne où une grande dénudation a emporté ce dernier terrain, s’enfoncent par un nou- veau golfe dans le massif du mont Alaric vers Montlaur et Roque- uegade , et constituent les collines qui s’appuient sur les couches d’ Alaric, de Pradelles , jusqu’à Monze. Sur le versant N. du mont Alaric , ces mêmes couches forment une bande continue au pied de cette montagne, de Capendu jusqu'à Fontcouverte ; elles s’écar- tent ensuite pour constituer le bas du plateau entre Moux et Lézignan, se présentent constamment à la base du terrain mio- cène vers Tourouzelle , sur la rive droite de l’Aude , qu elles fran- 1134 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. dussent enfin à Argens pour constituer sur la rive gauche le gise- ment de Roubia , qui n’est plus qu’à quelques kilomètres de l’îlot de Bize. Ce terrain , distribué géographiquement d’une manière si capricieuse, est d’une uniformité de caractères remarquable. 11 se compose toujours à la base de marnes noires schisteuses avec de très minces couches de calcaire compacte intercalées. Dans leur partie supérieure, ces marnes deviennent sableuses et alternent avec des grès grisâtres, grossiers, passant quelquefois au poudingue. Les marnes sont pétries de Nummulites et de Turri telles ; les grès abondent en Cérites et Ostrea multicostata. Il n’y a pas de diffé- rence à cet égard entre Roubia et Monze , entre Tourouzelle et Coustouge. Ces couches abondent en fossiles ; elles renferment presque tous ceux des deux autres types et d’autres qui jusqu’à présent leur sont particuliers. Ce sont précisément l’ Ostrea lateralis et la Terebratala teniüstricitci , qui d’après M. Leymerie existent à Gensac et à Mau- léon, associées à des fossiles du grès vert. Ces fossiles sont habituels et caractéristiques dans ces marnes ; ils se retrouvent à de grandes distances associés à des Nummulites, des Serpules et des piquants de Cidaris , qui donnent à la faune de ces terrains un caractère tout particulier. Néanmoins, l’ensemble des fossiles est le même que dans les deux autres types , et l’on retrouve dans celui-ci la presque totalité des espèces que renferment les deux autres. L 'Ostrea gigantea y joue , comme dans le type précédent, un grand rôle , et y forme quelquefois des couches de plus d’un mètre d’é- paisseur. Enfin, dans les golfes et les anses, se développent des faunes spéciales fort curieuses , dont je tâche de restituer quelques unes (1). Ce terrain , si uniforme sous le rapport de ses caractères , l’est très peu sous celui de la direction et du plongement , ce qui est en partie une conséquence de sa distribution géographique. Les dis- locations qui l’ont affecté ont en général relevé en même temps le (1) Ce Mémoire était composé et déjà sous presse lorsqu’à paru le numéro du Bulletin qui rend compte de la séance du 3 mai 1847, et qui contient une notice de M. Delbos sur les terrains nummulitiques du bassin de l’Adour. Ce n’est pas sans intérêt qu’on verra dans les envi- rons de Dax la partie inférieure des terrains nummulitiques, constituée par des marnes noires à Térébratules, contenant précisément les fossiles qui, dans l’Aude, caractérisent le type des Basses-Corbières : les Terebr . tenuistriata , Ostrea lateralis , Serpula quadri carinata , Ostrea gigantea , etc SÉANCE DU 21 JUIN 18/47. 1135 terrain tertiaire moyen qui le recouvre presque partout. Je me borne à rappeler ici la dislocation qui a affecté ce terrain au milieu de la plaine de l’Aude, entre Castelnau et Roubia , et dont la direc- tion O. 25° N. est parallèle à la grande dislocation de la Montagne- Noire que j’ai indiquée précédemment. La puissance de ce terrain est d’environ 100 mètres. Elle atteint son maximum sur les pentes de Lacamp et son minimum dans la plaine de Fabresan, où les grès supérieurs ont été en grande partie érodés. A Coustouge , ce terrain repose directement sur des couches d’eau douce, dont l’âge géologique n’est pas suffisamment déter- miné (1), et qui constituent un plateau élevé entre Coustouge, Caragulbeset Dones ; à Caunettes, et entre Pradelles et IVIonze , sur une longueur d’environ 8 kilomètres, on voit les couches qui consti- tuent ce type reposer sur les calcaires du mont Alaric dont il sera bientôt question. A Fontcouverte , à Pellat, elles s’appuient sur le terrain de transition qui affleure en ces deux points. Cette diversité des terrains sur lesquels reposent 'les strates appartenant à ce type en fait ressortir l’indépendance. Mais en dehors des points que je viens de citer, où la stratification est évidente , il est des localités où les relations avec les autres terrains du type qui nous occupe sont plus difficiles à observer. Les caractères distinctifs de ce type sont : 1° d’être constitué minéralogiquement par des marnes noires à Turritelles terminées par des grès avec Ostrea multicostata et Cerithium ; 2°l’abondanceet jusqu’à présent la présence exclusive des Terebratula tennis tri a ta , Operculina pulckella, Ostrea lateralis ; 3° de former des golfes et fiords dans des couches plus anciennes. Liste des fossiles habituels. JS um nullités atctcicus Leym. — - global us Leym. Operculina pulchella nov. sp. Astreci (. Parités Leym.) elegans. Se? p ula q uadricarin a ta . Teredo Tournait Leym. Ostrea gi gante a Brauder. — multicostata Desh. ■ — lateralis Nils Lucina corbarica Leym. j Cytherea custugensis Leym. ! Venericardia minuta Leym. | Chaîna gigas Desh. ! Terebratula tenui striata Leym — Venei Leym. ; Turritella imbricataria Lam. — cari ni fer a Desh : Cerithium indét. I Fusus bulbijormis Lam. j Voluta ambigu a Lam. (1) Je ne pense pas que ce terrain soit le représentant des couches d’eau douce de la Montagne-Noire ; il parait au contraire se lier au terrain crétacé inférieur» 1136 SÉANCE BU 21 JUIN 1847. Les dispositions strati graphiques très variées des couches de ce type peuvent néanmoins se ranger sous deux chefs principaux. Lorsque les couches antérieures présentent leur dos , le dépôt des marnes noires s’est effectué exactement au-dessus d’elles, sur la même verticale, et la stratification, sauf la différence d’inclinaison des deux terrains, peut paraître concordante (Coustouge, Monze, Pra- delles). Lorsque, au contraire , les bords de la mer nummulitique étaient formés par des couches présentant leurs têtes , le dépôt des marnes s’est effectué de façon à se juxtaposer contre les couches plus anciennes, de telle sorte qu’un plan mené perpendiculairement à la ligne de séparation présenterait d’un côté des couches appartenant au terrain ancien , et de l’autre des marnes noires. Ce dernier mode est celui que présentent les couches de ce type dans leurs relations avec le terrain crétacé inférieur ( Villerouge-la-Crémade), avec le terrain d’Alaric ( iloquenegade , Fabresan), et avec le terrain ju- rassique (Coustouge, Jonquières). On peut diviser ce type en deux étages : 1° l’étage inférieur, composé de marnes noires alternant avec des couches minces de calcaire, serait caractérisé par les Terebratiila tenui striata, T. Venei , Ostrea la ter ali s , etc., qui s’y présentent exclusivement; 2° l’étage supérieur, composé de marnes sableuses et de grès grisâtres, serait caractérisé par l’absence des fossiles précédents et l’abondance des Cérites et de Y Ostrea multicostata. Tels sont les traits principaux qui caractérisent chacun des types du terrain nummulitique supérieur ou Ibérien de l’Aude, envisagés isolément. — Si l’on considère ce terrain dans son ensemble , on remarquera que les différences qui caractérisent les types que j’y ai signalés portent principalement sur la nature minéralogique des dépôts et la distribution des fossiles, mais que la masse générale des espèces est constante , un grand nombre d’entre elles se trouvant à la fois dans tous les types et dans tons les étages. On est dès lors conduit à penser cpie ces types ne constituent que des faciès diffé- rents d’un seul terrain , d’un seul et même horizon géognostique. Les observations stratigraphiques confirment pleinement cette vue. Une coupe d’Albas à Coustouge montre , en effet, que les couches de ces deux gisements s’enfoncent semblablement sous les terrains d’eau douce , dont les couches sont inclinées en sens inverse , de telle sorte que le bassin d’Albas se trouve au même niveau géolo- gique que celui de Coustouge ; tandis que , d’après sa position sur les couches de transition , on eût pu le croire inférieur à ce dernier. On montrerait de même que les couches des Basses- Corbières et de la Montagne-Noire sont dans un rapport semblable SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1137 par rapport aux terrains miocènes de la vallée de l’Aude. Le ter- rain nummulitique supérieur ou Ibérien de l’Aude constitue donc un seul horizon géognostique et palèontologique . J’ai montré de plus que cet horizon unique était parfaitement indépendant , puisque chacun des trois types repose sur des terrains fort diffé- rents , et souvent directement , et sans intermédiaire sur le terrain de transition. Les fossiles les plus caractéristiques du système nummulitique Ibérien dans le gisement de l’Aude considéré dans son ensemble, sont les suivants : Nummulites atacicus , — globulus , Àlveolina subpyrenaica , Turhinolia sinuosa , Ostrea gigantea , — multicostata , Il est remarquable que ces espèces , qui sont les plus habituelles dans l’Aude , sont aussi celles qui ont la distribution géologique la plus étendue. La plupart des fossiles précédents sont répandus dans un grand nombre de gîtes nummulitiques , qu’il est bien dif- ficile de ne pas regarder comme contemporains. La T. imhricataria existe à Bayonne, en Espagne, dans le Vicentin, à Faudon, dans le Salzburg, à Althofen en Carinthie, en Crimée et en Egypte. La Neritina conoidea et F Ostrea gigantea ont une distribution presque aussi étendue , et ces espèces sont bien connues depuis longtemps dans l’étage tertiaire inférieur de Paris et de Londres. SECTION II. — SYSTÈME DU MONT ALARIC. Les couches nummulitiques qui constituent le troisième type occupent en général des plaines peu élevées ; au milieu d’elles s’élève, comme une île, un système de calcaires et de grèsmarno- calcaires dont la crête principale court suivant la direction de 0. 16° N. Le point culminant de cette petite chaîne, désignée collective- ment sous le nom de mont Alaric, atteint 601 mètres. Des roches semblables constituent tous les environs de Lagrasse ; prolongées vers l’E., elles forment une chaîne élevée qui sépare les deux plaines de Fabresan et de Tournissan , occupées toutes les deux par des marnes noires à Turri telles , appartenant au système nummuli- tique supérieur. La distribution géographique de ce système est assez particulière. Soc , gèoL , série , tome IV, 721 i Lucina corbarica , Neritina conoidea , Natica brevispira , Turritella imhricataria , Ceri th i uni a eu tum . 1138 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. Les couches qui ie constituent , bien que formant une masse con- tinue , sont séparées par des vallées allongées qui forment au mi- lieu des massifs des espèces de digitations occupées en général par le terrain nummulitique supérieur. Cette circonstance permet de diviser les couches du système d’Alaric en cinq petites chaînes. Le terrain de transition perce les couches de ce système en deux points, aux environs de Fontcouverte et près de Peliat; cette disposition laisse apercevoir les couches inférieures. Les fossiles sont rares dans ce terrain , et lorsqu’ils existent ils sont mal conservés. J’en ai rassemblé environ 40 espèces que j’ai décrites et figurées avec Laide et le concours d’un paléontologiste éminent, M. Deshayes. On en trouvera la liste ci-après. Presque toutes ces espèces sont nouvelles. Elles ne se rencontrent point dans le terrain éocène du Nord ou dans les divers gisements du terrain nummulitique supérieur ou Ibérien. Elles se retrouvent au con- traire dans diverses couches des Pyrénées centrales , de la Haute- Garonne , de l’ Àriége et de l’Aude , qui me paraissent constituer un horizon distinct, inférieur au précédent, que je désigne sous le nom d’alaricien. Le caractère zoologique des faunes de ces deux systèmes est fort différent , même dans les espèces qui n’ont pu être rigoureusement déterminées. Les iVdfr'c<7, par exemple , se rap piochent plus par leurs formes des Natices crétacés de Soulatge que de celles si abondantes dans le terrain nummulitique supérieur. Il en est de même des Ostracées , des Echinides et de Polypiers. Les caractères paléontologiques cia système aldricien sont clone tout à fait distincts de ceux clés terrains nummali tiques supérieurs . Les raisons géognostiques sur lesquelles je m’appuie pour sé- parer le groupe du Mont-Alaric du terrain nummulitique su- périeur ou Ibérien sont les suivantes : 1° le système du Mont- Alaric ne peut être regardé comme la partie inférieure des mar- nes noires nummulitiques qui le recouvrent en général , car ces mêmes marnes ne reposent pas toujours sur les couches d’Alaric (Coustouge, Fontcouverte, Roubia), et les couches d’Alaric ne sont pas toujours recouvertes par des marnes noires (Floure, Barbaira) } il y a donc indépendance entre les deux formations; 2° la descente vers Monze montre les marnes noires reposant directement sur le dos des couches d’Alaric , et la stratification peut paraître concor- dante ; mais si l’on suit ces marnes dans les vallées et fiords qu’elles forment au milieu des couches d’Alaric , on observe que lorsque les couches qui encaissent la vallée présentent leurs têtes, les cou- ches du terrain nummulitique supérieur se sont déposées au pied de ces collines en se juxtaposant contre elles (Roquenegade) . Quel- quefois les couches supérieures déposées dans le bas des vallées sont SÉANCE DU 21 JUIN 18Z|7. 1139 inclinées dans le même sens que les couches du système d’Alaric, qui forment des collines encaissantes; c’est ce qui arrive dans la plaine de Fabresan ; des marnes noires constituent cette plaine, au milieu de laquelle coule l’Orbieu, et dont le niveau général est in- férieur à 100 mètres. Leurs couches plongent légèrement au S. et semblent passer par dessous les calcaires du plateau élevé de La- costes, qui sépare les plaines de Fabresan et de Tounisan. Un ob- servateur qui n’aurait vu que cette localité échapperait difficile- ment à cette conclusion. Cette disposition se montre sur un déve- loppement en ligne sinueuse de plus de 10 kil. Du côté opposé de cette même plaine, au lieu dit le Congoust, les marnes noires num- mulitiques en assises horizontales ou faiblement rompues viennent buter au pied des couches du massif culminant d’Alaric qui , en ce point, ont subi les dislocations les plus bizarres et les plus variées, et ont même atteint la verticale. Cette cause ne permet pas de douter que le soulèvement principal du mont Alaric ne se fût effectué avant le dépôt du système nummulitique proprement dit. Le ni- veau général des marnes noires ne dépassant guère 100 mètres (à Roubia il n’atteint pas û0 mètres;, on peut en conclure que le mont Alaric, déjà soulevé, formait au milieu de la mer nummuli- tique une grande île élevée d’environ 500 mètres. Ce relèvement des couches d’Alaric a été le trait dominant de la distribution géo- graphique des terrains nummuli tiques proprement dits du troi- sième type , qui semblent ordonnés par rapport à ce dernier sys- tème. Cette disposition réciproque des calcaires d’Alaric et de Lagrasse et des marnes noires des plaines avait été aperçue depuis longtemps, et il est impossible qu’elle ne frappe pas tous les observateurs. M. Leymerie l’avait attribuée à un changement de faciès, et avant lui M. Dufrénoy l’avait expliquée au moyen d’une faille. Il faut reconnaître que cette dernière explication était parfaitement plau- sible, et même qu’un observateur qui n’aurait vu que les localités indiquées par M. Dufrénoy eût été amené forcément à la même conclusion , mais il est facile de se convaincre que cette manière de voir est inadmissible : en effet, 1° cette disposition s’observe suivant une ligne sinueuse de plus de dix lieues de développement et l’on ne saurait admettre une faille suivant une direction aussi capri- cieusement curviligne ; 2° les couches de marnes noires apparte- nant au terrain nummulitique supérieur qui à Monze reposent sur le dos des calcaires d’Alaric viennent buter à Roquenegade contre la tranche de ces derniers sans solution de continuité ni change- ment de niveau , et l’idée même de faille implique celle de varia- tion dans le niveau. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. U 40 Je conclus de là que les caractères géognos tiques du système du mont Alaric sont tout à fait distincts de ceux des terrains nummuli- tiques du système supérieur ou Ibérien , et qu'il y a entre eux dans l'Aude une véritable discordance de stratification . Les couches du système d’ Alaric ont subi un grand nombre de dislocations : des failles nombreuses, particulièrement aux environs de Lagrasse, en rendent l’étude fort difficile. Les directions prin- cipales sont O. 16° N. (la direction même des Pyrénées) pour la chaîne principale d’ Alaric, et IN . 25° E. pour le massif où se trouve le point culminant. La chaîne principale d’ Alaric entre Monze et Moux a ses couches disposées en forme de selle ou de manteau , et présente, du côté de la vallée de l’Aude, les mêmes couches que vers l’intérieur des Corbières, de telle sorte qu’un observateur qui irait de Capendu à Pradelles , par exemple , marcherait constam- ment sur la même couche. Les autres massifs ne présentent pas la même disposition ; ils forment, soit des plateaux dont les couches, à peu près horizontales au milieu, vont en s’abaissant brusquement du côté des vallées (plateau de Lacoque , vallée d’Agne, Caunettes) , soit de petites chaînes présentant dans ces vallées les têtes de leurs couches (Tournissan, Fabresan). Tels sont les faits qui m’ont amené à considérer les couches du mont Alaric comme un système géognostiquement et paléonto- logiquement distinct du terrain nummulitique proprement dit ; la présence dans les couches d’ Alaric d’un grand nombre de fossiles qui se retrouvent dans les Pyrénées centrales , où manquent com- plètement les espèces du terrain nummulitique supérieur, m’a conduit à synchroniser ces deux terrains. L’étude des lieux et l’exa- men des riches collections rapportées des Pyrénées par M. Dufrénoy, et libéralement mises par lui à ma disposition, m’ont convaincu de la justesse de cette vue et de la distinction constante des deux systèmes. En exposant les faits qui m’y ont conduit , j’ai cherché à être clair et précis. Si je n’y ai qu’ imparfaitement réussi , je prie qu’on me tienne compte des difficultés du sujet. Ces difficultés, ceux qui ont étudié ces terrains les savent; ceux qui ne l’ont pas fait les peuvent soupçonner au nombre et à la diversité des opinions émises. Liste des espèces du mont Alaric. Nummulites Sabothi , n. sp. — Pradelles, Mont-Saboth (Haute- Garonne). — Garumnœ , n. sp. — Commelles, Boussan ( Haute-Garonne) — id., indét. — Pradelles. Alvcolina , esp, non dét. — Marsoulas (Haufcç-Garonne). SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. 11 M Orbitolitcs , esp. non dét. — Pradelles. Miliolites , esp. non dét. — Mont Alaric. Turbinolia , esp. non dét. — Plateau de Lascostes ( Fabresan) , Quillan (Aude ). Astrœa , esp. non dét. — Caunettes. Lunulites puncta tus ? Leym. — Pradelles, Mauran (Haute-Garonne). Cidaris Gothoruni , n. sp. — Pradelles. Catopygus affinis? Ag. — Capendu. — parvulus? Ag. —Capendu. Echinolampas navicella , n. sp. — Pradelles. — ovulum , n. sp. — Pradelles. — Deshayesi , n. sp. — • Comelles , Orignac ( Hautes-Pyrénées). Hemiaster Alarici , n. sp. — • Comelles. — nucléus , Desor. — Comelles (esp. crét.). — globosus? Desor. — Comelles. — subcubicus , n. sp. — Pradelles. — indét. — Capendu. Terebratula Alarici , n. sp. (1) — Comelles, Le Bordier (Haute- Garonne) , Belbèze (Haute-Garonne). — sarracena , n. sp. ■ — Comelles, Comigne , Monlaur. — tenuistriata? Leym. — Comigne. Ostrea Wisigotharum , n. sp. — Monze , Pradelles, Moux , Alet. — Frecheti , n. sp. — Lagrasse, Frechet (Haute-Garonne), Aurignac ( Haute-Garonne ) . — Rollandi , n. sp. — Plateau de Las Costes (Fabresan), Belesta (Ariége), env. d’Alet, Pech del Brau. Gryphœa , Dufrénoyi , n. sp. — Kibaute, Belesta , Foncirque. Sponclylus , indét. — Pradelles. — indét. — Comelles. Lima , indét. — Nebias, Alet. Calcaire pisolitique de Paris? Teredo , indét. — Comelles, Pradelles. Crassatella , indét. — Caunettes, Masd’Azil? (Ariége). Natica , indét. — Capendu. — indét. — Caunettes. Cerithium? indét. — Marbre de Ribaute. — indét. — Sommet d’Alaric. — indét. — Caunettes , Belesta. Turritella disjuncta , n. sp. — Caunettes, Roveredo? Solarium , indét. — Caunettes. APPENDICE. Ce n’est qu’à regret que je me suis décidé à proposer des déno- minations nouvelles, mais j’ai dû le faire pour éviter de perpé- (1) Cette espèce et la Terebratula monteolarensis de M. Leymerie, dont elle est extrêmement voisine , ne sont peut-être que des variétés de la Terebratula biplicata. C’est du moins l’opinion de M. Davidson. 1142 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. tuelles confusions. Il est visible d’ailleurs qu’aucun des termes imaginés pour désigner ces terrains n’était acceptable ; ces termes se réduisent à trois : le terrain nummulitique de la plupart des au- teurs , le terrain épicrétacé de M. Leymerie , le terrain hétrurien de M. Pilla. Le mot de terrain nummulitique me paraît devoir être absolument rejeté. Un terrain ne saurait être désigné par le nom d’un genre de fossiles qui peut se trouver à la fois dans des horizons fort distincts et donner lieu ainsi à des assimilations inac- ceptables. M. Leymerie caractérise son terrain épicrétacé de la ma- nière suivante : géognostiquement , il comprend sous ce nom toutes les couches qui dans le bassin méditerranéen se sont déposées entre la molasse et le calcaire à Rudistes qui serait pour lui le représen- tant de la craie blanche ; paléontologiquement , il assigne comme fossiles caractéristiques un certain nombre d’espèces décrites et fi- gurées dans son Mémoire ; de plus , les couches renfermant ces fos- siles formeraient un horizon unique et lié géognostiquement au cal- caire à Rudistes auquel elles sembleraient même passer. ( Mém . Soc. géol. , 1. 1, 2e série, p. 343 et 357.) Ainsi entendu, le mot d’ épicrétacé ne me paraît correspondre à rien de réel. En effet , il existe dans le bassin méditerranéen, entre la molasse et le calcaire à Rudistes, plusieurs horizons fort distincts par leurs caractères géognostiques et paléontologiques. Le but de ce Mémoire est précisément de ca- ractériser deux de ces horizons que je désigne sous les noms d’ibé- rien et d’Alaricien. Le système alaricien seul se trouve lié géognos- tiquement au terrain crétacé. Les fossiles que M. Leymerie donne comme caractérisant l’ensemble de son terrain épicrétacé se trou- vent au contraire exclusivement dans le système Ibérien , lequel n’est jamais en liaison avec le calcaire à Rudistes. Le mot d’épi- crétacé implique d’ailleurs des idées théoriques que le système moderne de nomenclature cherche à éviter. ■ — Reste le mot de terrain hétrurien, proposé par M. Pilla pour désigner le macigno toscan qu’il considérait comme identique aux terrains nummuli- tiques de Biaritz , de la Montagne - Noire , du Vicentin et delà Crimée. Cette dénomination offre de graves inconvénients : 1° elle présente comme certaine l’identité géologique du macigno toscan et des gisements nummulitiqu.es qui viennent d’être cités. Or, même après ce travail de M. Pilla , il est permis , conformément à l’opinion de M. Savi et d’autres géologues , de révoquer en doute la justesse de cette assimilation; 2° elle donne comme type clas- sique d’un terrain dont la place dans l’échelle géologique est vive- ment contestée un gisement, celui de la Toscane, qui est précisé- ment dépourvu de tous fossiles autres que des fucoïdes, et dont , par SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1143 conséquent, il est très difficile, sinon impossible, de restituer avec un degré de précision convenable la caractéristique paléontologique. Il resterait à examiner si la distinction qui vient d’être faite s’applique aux autres gisements nummulitiques et si elle peut servir à la solution de la question de classification. Dans le sens où je les ai employés, ces mots d Ibérien et d’Alaricien s’appliquent à des groupes de couches des Pyrénées assez bien caractérisés par leurs caractères géognostiques et paléontologiques pour former des unités géologiques distinctes. Ce Mémoire étant avant tout descrip- tif , je ne puis examiner ici comment cette division se pourrait ap- pliquer aux autres gisements nummulitiques ; ce serait là la matière d’un travail spécial qui embrasserait toute la partie systématique de la question. Je me contenterai d’énoncer quelques rapprochements sans pouvoir développer les raisons sur lesquelles je les appuie. — Je considère comme constituant un même horizon géognostique cor- respondant au système que j’ai désigné sous le nom d’ibérien : sur le versant nord des Pyrénées , les terrains nummulitiques de Biaritz , de Bayonne, de Dax et de Montfort, ceux des environs de Pau, décrits par M. Alexandre Rouault, une partie de ceux de l’Aude et de FAriége. Sur le versant méridional , les couches appartenant à ce système paraissent occuper une surface très considérable qui s’étendrait, sans solution de continuité, de Rose à Pampelune. Je rapporte au même groupe le Vicentin , une partie du gisement nummuli tique de Nice (La Palarea, Fontana-Giarrié , non pas les Baussi-Rossi et le pas de Brauss ) , les terrains nummulitiques de Crimée et d’Egypte , ceux de la Dalmatie , de la Carinthie ( Altho- fen) et du Kressemberg. Tous ces gisements ont une faune à peu près identique et à caractères zoologiques exclusivement tertiaires. Dans quelques uns d’entre eux les couches renfermant les fossiles tertiaires reposent directement sur des terrains autres que le ter- rain crétacé, sur le terrain de transition à Althofen , dans le Vi- centin , sur le terrain jurassique. — Les terrains que je viens d’énu- mérer forment un horizon géognostique et paléontologique distinct qu’il est facile de suivre depuis les Asturies jusque dans l’Indostan (pays de Cutch ) et qui est nettement caractérisé et séparé du terrain crétacé , 1° par le caractère tertiaire de sa faune , 2° par l’indépen- dance de son gisement. Entre cet horizon et celui du calcaire à Rudistes également défini et constant , il y a certainement d’autres groupes de couches que l’étude encore si incomplète du bassin méditerranéen ne permet pas, dès à présent, de caractériser et de poursuivre. Ce n’est donc qu’avec doute que je rapproche du sys- tème alaricien qui comprend la majeure partie des terrains num- mulitiques des Pyrénées, les couches nummulitiques de la Brianza, 114 4 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. bien distinctes de celles du Vicentin , et le macigno de la Toscane. Enfin cet horizon me paraît devoir exister sur le versant nord des Alpes (au pied de l’Untersberg, à en juger par les coupes de MM. Sedgwick et Murchison) et dans les environs de Bellune et d’Udine. Je ne dis rien des terrains nummulitiques de la Suisse ainsi que de ceux des Carpatlies dont la faune et la géognosie sont encore trop imparfaitement connues. — Quant à comparer ces terrains à ceux du nord, l’étude de la géognosie du bassin méditerranéen est trop peu avancée pour qu’on puisse le faire conve- nablement. Avant de comparer et de conclure , il est nécessaire d’étudier les faits en eux-mêmes et de les laisser s’accumuler. Dans ce travail, je n’ai voulu qu’une chose, établir et caractériser deux groupes de couches des Pyrénées , jusqu’à présent confondus. Puisse cette distinction être utile plus tard à ceux qui entreprendront l’étude si intéressante , au point de vue de la paléontologie géné- rale, du bassin méditerranéen! (Y. l’explic. de la planche, p . 1162). M. Delbos lit la lettre suivante de M. Ch. Desmoulins. Château de Lanquais, par Lalinde (Dordogne), 8 juin 1847. Monsieur le Président , Je profite de l’occasion qui m’est offerte par l’échantillon de Lichen joint à la lettre que vous venez de lire (voir ci-dessus , page 1109) pour vous présenter quelques observations relatives au silex sur lequel ce lichen s’est développé. Vous trouverez encore sur son étiquette ces mots : de la craie de Maëstricht , que M. Desor a prononcés devant la Société , dans sa séance du 18 jan- vier dernier, en lui lisant un fragment d’une de mes lettres {Bulletin , 2e série, t. IV, p. 423). Je suis tout prêt à renoncer à mon erreur , dès que l’assimilation , examinée en détail , aura été jugée fausse, ou plutôt dès qu’il aura été proposé, après examen des pièces , quelque chose que je puisse mettre à la place de l’hy- pothèse annoncée : et je ne nie pas que je ne sois fort effrayé de voir deuxsavants, aussi haut placés que MM. d’Archiac et Delanoue, répugner si fortement à l’idée de son adoption. Néanmoins, per- mettez (et nos deux honorables collègues , qui semblent attendre de moi quelque essai de justification , voudront bien également le permettre) que je vous expose, aussi sommairement que possible, les diverses circonstances qui nous ont pour ainsi dire forcés à nous réfu- gier à l’abri de cette hypothèse, incapables que nous nous trouvions d’expliquer les faits observés par nous dans le midi du Périgord. Il est évident que les silex auxquels je fais allusion sont au SÉANCE DU 21 JUIN 1847, 1145 nombre de ceux « qu’ont abandonnés derrière elles , comme des » témoins irrécusables de leur puissance et de leur énergie , ces » dénudations de la craie » , dont M. d’ Archiac a constaté l’existence, dans ses belles et consciencieuses Études sur la formation crétacée , 2e partie ( Mém . Soc. géol., 2e sér., t. III , p. 134). « Ces amas de » silex, continue-t-il, le plus ordinairement brisés, mais non roulés, » empâtés dans des argiles sableuses, grises, blanches ou rougeâtres, » nous représentent les éléments insolubles de la masse de craie » dont ils faisaient autrefois partie intégrante (p. 135 ) ». Il y a quinze ans que j’habite le midi du Périgord ; il y a quinze ans que j’en étudie l’histoire naturelle et que j’y recueille , outre ce que nécessitent mes travaux spéciaux , des notes , des échantil- lons ou même de simples observations géologiques; et je me hâte , avec bonheur, de dire que la description faite de ces silex , par notre savant collègue , est d’une exactitude si rigoureuse, que je ne sais pas un mot qui puisse en être retranché ( quelle que soit X attribution à laquelle on doive s’arrêter un jour ) , pas un non plus qui puisse être ajouté au genre de description que l’auteur avait en vue, je veux dire à un signalement général et sommaire. Tout ce que j’y pourrai joindre se composera de ces menus détails qui étaient étrangers au plan de l’ouvrage de M. d’ Archiac, et qui n’acquièrent aujourd’hui quelque importance qu’au point de vue de la question particulière qui nous occupe. Ainsi , je dirai d’abord que , quoique je n’aie parcouru qu’en diligence la portion de route qui sépare Campsegret (1) de la descente de Saint-Mamest , je crois pouvoir reconnaître avec cer- titude quelques unes des variétés de mes silex dans les « grès en «rognons aplatis, de 0m,30 à 0m,60 de longueur, très durs, » blanchâtres , zonés de brun ou de rose , compactes par place , » agathoïdes ou smalloïdes, renfermant des moules de coquilles » marines accumulées çà et là; parmi ces fragments, nous en » avons recueilli qui étaient pétris de Spatangues d’une nouvelle » espèce ». C’est encore M. d’ Archiac qui donne cette exacte , cette irréprochable description ( Études , etc., lre partie; Annal, des scienc. géol ., 2e année, 1843, p. 14). — Pour plusieurs de ces variétés , le mot grès est plus rigoureusement approprié , attendu la structure grenue qu’elles présentent (voir l’échantillon avec lichen, et celui marqué II); mais leur identité avec les silex à pâte fine est si parfaite sous le triple rapport de la nature , du gise- (1) J’ai vu ces silex avec leurs fossiles caractéristiques à 6,000 mè- tres de là , à la Monzie-Montastruc. 1146 SÉANCE Dû 21 JUIN 1847. ment et des fossiles qui s’y rencontrent , que je les ai toujours com- prises sous le nom commun de silex , réservant le nom de grès pour les roches à grains cristallins et distincts , à empreintes uniquement végétales, qui appartiennent au terrain tertiaire (molasse d’eau douce), servent à paver la ville de Bordeaux , et sont généralement connues sous le nom de gi'ès de Bergerac. — Quant aux Spatan- gues que M. d’Archiac a rencontrés dans ces rognons , il a eu raison de les considérer comme une espèce nouvelle. En 1835 , dans mes Tableaux synonymiques , je les avais assimilés, d'après les gravures de Goldfuss, à son Spatangus Bucklandii ; mais M. Desor leur im- pose le nom nouveau (Y Hem i as ter buccardium , et son étiquette , écrite l’hiver dernier à Paris, porte ces mots : <» l'espèce n’est pas » assez haute en arrière pour être le Bucklandii . » Souffrez une digression , monsieur le Président ; elle a pour but d’en finir, avant de passer à d’autres sujets , avec ce que j’ai à dire à propos de ce Spatangue. 11 y a des rognons où on le trouve seul; dans d’autres , il est remplacé par Y Echinolampas Faujasii de mes Tableaux synonymiques [Etudes sur les Echinides, 1837, p. 346(1)). L’Echinide dont je parle maintenant est devenu le Pygurus Fau- jasii Àgass. du Catalogue raisonné dont M. Desor a fait imprimer déjà la majeure partie dans les Annal, des scienc. natur. de 1846 et 1847. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la question de savoir si la précipitation inévitable (2) avec laquelle ce catalogue a été imprimé n’aurait pas introduit , pour mon espèce , un double emploi comme il s’en trouve d’autres dans le même ouvrage , — si M. Desoà’ a pu comparer en nature l'espèce périgourdine avec celle de Maëstricht (pour laquelle je ne connais, moi, que la figure de Faujas) , — s’il est bien certain par conséquent que son Pygurus apicalis soit réellement distinct du P. Faujasii . — si M. Desor a atteint le vrai en rapportant , sans hésitation , à Y api- calis , les figures 3 et 7 de la planche XXX de Faujas , — si je n’ai pas été plus en chance de rencontrer la vérité en ne citant qu 'avec doute la fig. 3 pour mon Faujasii , etc. Encore une fois, ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici (3). J’éprouve le besoin d’avouer, avec (1) J’ai eu l’honneur de faire hommage à la Société des trois Mé- moires dont la réunion compose ce volume. (2) À cause de son départ prochain pour l’Amérique. (3) Il y aurait beaucoup à dire sur l’improbabilité d'une ressem- blance si parfaite dans la face inférieure vfig. 7) , et d’une dissemblance si notable dans la face supérieure : — sur la distinction spécifique que Faujas lui-même attribue aux modèles de ces deux figures, et dans SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1147 une entière franchise , que la première idée de V assimilation de nos silex avec la craie de Maëstricht m’est venue, à moi conchylio- logiste, de la parfaite identité de la fig. 7 avec la face inférieure de l’Echinide qu ils renferment : j’ai cm, et je crois encore avoir entre les mains un fossile identique avec celui de Maëstricht. Si donc M. Desor a eu raison de ne citer qu ’à _ Lanquais le Pygurus F au - jasii , s'il a eu raison de ne citer qu'à Maëstricht le P. apicalis , s'il a eu raison de les considérer comme deux espèces distinctes et de rapporter la fig. 7 à la seconde espèce qui ne se trouverait pas en Périgord , si enfin j’ai eu toit de rapporter cette fig. 7 à l’espèce périgourdine qui ne se trouverait pas à Maëstricht, — j’avoue encore une fois que mon hypothèse perd par là même , non pas peut-être sa base principale , mais certainement sa base première dans l'ordre chronologique. Tous le voyez, monsieur le Président , je ne dissimule rien, parce que je désire que la question soit jugée à fond , et cela sans m’inquiéter du verdict qui peut me condamner. Je reprends. Le n° 1 ( Pygurus Faujasii ) et le n° 2 ( Hem i aster huccardium ) de la faune de nos silex , souvent séparés , sont au moins aussi souvent habitants du même bloc : ensemble ou séparément, ils forment parfois de véritables nougats ; et un savant illustre, que la Société s’honore de compter au nombre de ses membres , M. de Blainville , peut se rappeler qu’il a vu dans mon cabinet, en sep- tembre dernier, l’échantillon le plus magnifique en ce genre , sans doute, qui existe dans aucune collection. Cet échantillon, dont j’ai donné la contrepartie la moins riche (le couvercle) au Musée de Bordeaux, contenait 26 Pygurus Faujasii , 5 Hemi aster huccar- dium ^ 4 Avicula et 1 Asterias tous d’une fraî- cheur merveilleuse. Mon ami et collègue, M. Joseph Delbos, en pourrait, je crois, montrer un croquis à la Société. — D’autres fois (et c’est principalement le Pygurus qui se présente ainsi) les individus brisés , écrasés , brassés ensemble comme les éléments d’une pâte grossière , se trouvent au nombre de plusieurs centaines dans un bloc de 20 à 40 centimètres de diamètre , qu’ils consti- tuent , pour ainsi dire , à eux seuls. — On voit que je dois la bien connaître , cette espèce si éminemment caractéristique , si parfai- tement identique avec la fig. 7 de Maëstricht : hé bien , neuf années l’hypothèse contraire, sur la possibilité d’une déformation qu’aurait subie l’échantillon de la figure 3 : - — sur l’élévation de la région api- ciale , qui peut être due à la présence du test , tandis qu'on ne trouve jamais, en Périgord , que le moule. SÉANCE DU 21 JUIN 1S/|7. 1148 d’études spéciales sur les Echinides, les relations étendues que j’ai entretenues pour ces études , la suite très nombreuse de figures que je possède , la collection certainement la plus riche en France , hors de Paris , rien enfin de tout cela ne m’a fait connaître l’exis- tence de cette espèce ailleurs qu’en Périgord et à Maëstricht. Et quand je dis en Périgord, j’entends dire dans les silex dont il est ici question , car depuis quinze ans que je récolte et que je reçois des fossiles des diverses parties de la province , jamais je ne l’ai vue dans la craie. Avançons dans notre étude , et puisque nous en sommes à la paléontologie de ces silex, passons-la rapidement en revue. Après ces deux Echinides, qui en sont les fossiles dominants et par con- séquent les plus caractéristiques , j’ai cité : 3° Une Avicule : elle est assez commune, et je l’ai vainement cherchée dans les publications de fossiles de la craie , faites par MM. Goldfuss, d’Orbigny, d’Archiac , Dujardin, Leymerie et Matheron ; elle a beaucoup de ressemblance de forme avec VA. subradiata Desh., du grès vert [Mém. Soc. géol. , lre série, t. Y, pl. YI, fig. 5) du Mémoire de M. Leymerie, mais elle n’est pas radiée. U° Une seconde espèce du même genre , très ornée , rappelle VA. anomala Sow. , de la craie chloritée ; mais l’imperfection de l’échantillon unique (empreinte incomplète) ne me permet pas d’avoir une opinion arrêtée, faute d’exemplaire authentique de l’espèce de Sowerby. 5° J’ai cité aussi une Astérie : elle n’est pas décrite dans l’ou- vrage de Goldfuss. 6° Le fossile le plus volumineux et l’un des plus importants de ces silex (où il n’est pas très commun) est une superbe Pholado - mie sillonnée comme le Lutraria Pareti de M. Matheron. Elle n’est décrite ni dans la Monographie des Myes de M. Agassiz , ni dans les ouvrages que je viens de citer. Je n’ai pu saisir aucune preuve de l’existence de dents à la charnière ; je ne pense donc pas que ce soit une Panopée pour M. d’Orbigny. Elle se rencontre aussi , mais très rarement , dans nos craies. 7° Une Modiole assez commune , mais dont il est presque im- possible de se procurer une empreinte entière. Je crois pouvoir la rapporter au Mytilus semi-ornatus d’Orb. Paléont. franc, crétac. , n° 759, t. III , p. 279, pl. 3ùl , fig. 9, 10. Les stries , plus nom- breuses que ne l’indique le texte , ressemblent davantage à celles que montre la figure. Je ne l’ai jamais aperçue dans nos craies. 8° Une autre Modiole (unique) , dont la forme rappellerait , en SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1149 petit, le Lithodomus intermedius d’Orb., si ce n’étaient les grosses côtes longitudinales qui se montrent sur le moule. 9° Un Pinna qid pourrait peut-être se rapporter à un sommet de P. restituta Hœningh. in Goldf. (craie de Westphalie) ; mais les deux seuls fragments d’empreintes que j’ai trouvés sont si petits et si incomplets, que je crois impossible d’arriver à une détermi- nation certaine. 10° (??) Inocercmius regularis ! d’Orb., Paléont. franc, cretac. , n° 923, t. III , p. 516, pl. 410 (terrain sénonien). Le doute ne porte que sur le gisement; l’échantillon est beau , mais je ne l’ai pas recueilli moi-même, et la nature du silex est telle, que je crois qu’il appartient plutôt aux silex ordinaires de notre craie , où d’ailleurs cette espèce se rencontre assez fréquemment. 1 1° Un autre lnoceramus plus petit et mal conservé. S’il était reconnu qu’il appartînt à Yl. Goldf ussii d’Orb., qui se trouve assez fréquemment ici à l’état crayeux , ce serait encore bien favorable à l’opinion de M. d’Archiac, et bien défavorable à la mienne. Il est facile de le confondre avec la Plioladomie ci-dessus, n° 6, vu le mauvais état des échantillons du n° 11. 12° Moules de petites coquilles turriculées, indéterminables ( Cerithium ?). 13° Contre-empreinte (unique) de Venus? 14° Un seul petit fragment à? Ammonites ! Mantelli? 15° Très rares fragments de Sphérulites indéterminables, qu’il faut bien se garder de confondre avec les échantillons silicijiés de nos Rudistes de la craie (qu’on trouve dans le diluvium !). Je parle seulement de ceux qui se trouvent dans les silex dont nous nous occupons , lesquels sont si bien distincts des autres. — On sait que M. Goldfuss a décrit un Hippurites Lapeyrousii de la craie de Maëstriclit ( Petref. , t. II, p. 303 , n° 8 , pl. 165 , fig. 5 fl, c, d, e ,/) . Je crois plutôt que c’est une petite Sphémlite ( Radiolite , d’Orb.) , et je crois pouvoir aussi affirmer que la fig. d représente encore une valve inférieure (jeune ) et non une valve supérieure. J’ai, dans les silex en question, une valve supérieure qui paraît ressembler à ce que devrait être celle de la coquille fig. c ; mais je ne veux pas m’arrêter à ces hypothèses, qui sont par delà les nuages. Il me suffit de rappeler qu’il y a un Rudiste à Maëstriclit (1) , et de dire qu’il y a des fragments incontestables, mais fort rares , de Rudistes dans nos silex . 16° Nucleolites lacunosa , Goldf. (ou très voisine). RR. (1) M. Hœninghaus m’en a envoyé un échantillon tel, que je n’v 1150 SÉANCE DU 21 JUIN 1847, 17° Nucleolites erucifera , Morton (ou très voisine , ainsi déter- minée par M. Desor). RRR. 18° Nucleolites Collegnii ! Desor, espèce nouvelle. RRR. 19° Un moule incomplet de Spatangue indéterminé. 20° Un moule de Natica lyrata? Sow. (craie chloritée) , qui se retrouverait peut-être à l’état crayeux , et un autre moule très petit (jeune?). 21° Un fragment de moule de Volute indéterminée , qui paraî- trait aussi se retrouver à l’état crayeux. 22° Enfin, quelques fragments d’empreintes dont le genre n’est peut-être pas même déterminable. — Pas une seule trace d’Huître , ni de Trigonie , ni de Térébratule. — Pas un seul Polypier bien caractérisé, si ce n’est, autant qu’il m’en souvient , une Lunulite que je ne pus pas recueillir. Voilà tout, si ma mémoire ne me trompe pas, car je n’ai pas , en ce moment , la possibilité de repasser un à un tous les tiroirs de ma collection. Relevons statistiquement ces vingt-deux espèces de genres déterminés. Espèce connue uniquement dans les silex en question et à Maëstricht [Pigurus Faujasii , n° 1), ci Espèces connues uniquement dans les silex en question ( Hemiaster buccardium , n° 2, auquel j’avais jadis, à tort, assimilé une espèce de la craie de Provence ; Avicule , n° 3 ; Astérie , il0 5 ; Modiole , n° 8 ; Nucleolites Colle- gnii , n° 1 8 ) ; ci Espèces des silex en question, qui ressemblent et sont peut- être assimilables à des espèces qui se trouvent dans les craies supérieures au néocomien ( Avicule , n° 4 ; Phola- domye , n° 6 ; Mytilus semi-ornatus ? n° 7 ; Pinna resti- tuta? n° 9; Inoceramus Golclfussii ? n° 11 ; Ammonites Mantelli? n° 14; Nucleolites lacunosci? et erucifera? nos 16 et 17; Natica lyrata? n° 20 ; Volute , n° 21 ) ; ci. Espèce douteuse pour le gisement ( Inoceramus regularis , n° 1 0); ci Espèces indéterminées, trouvées seulement dans les silex en question, et qu’on ne peut porter ni sur l’un ni sur l’autre plateau de la balance, tant qu’on n’est, pas fixé sur leur autonomie ou leur synonymie ( Ceritliiiun ? n° 1 2 ; Venus? n° 1 3 ; Sphœrulites , n° 1 5 ; Sp a tan gus , n° 1 9 ; Lunulites , n° 22) ; ci 22 1 5 10 1 5 vois absolument rien de reconnaissable, même génériquement, et m’a dit que ce fossile est d'une excessive rareté. SÉANCE DU 21 JUIN JL8Ü7. 1151 J’ai donc , en faveur de mon hypothèse, 6 espèces absolument spéciales jusqu’ici à nos silex, et trois d’entre elles sont domi- nantes. 10 autres espèces peuvent, en tout eu en partie, quand elles seront sûrement déterminées , prouver pour ou contre moi ; une seule d’entre elles peut passer pour dominante. Même remarque pour la seule espèce dont le gisement est dou- teux. Même remarque encore pour les 5 dernières espèces non dé- terminées, si elles venaient à l’être. Comment y parvenir? Et pourquoi, me dira-t-on, ne pas dé- crire vous-même celles que vous croyez décidément nouvelles (au nombre de sept au moins)? Je vais proposer un moyen d’atteindre le but, et c’est avec bonheur que je trouve l’occasion de dire pourquoi je ne cherche pas à le faire moi-même : c’est que j’ai promis à M. Alcide d’Orbigny de tenir à sa disposition et de lui adresser, au fur et à mesure de ses désirs , tout ce que ma collection renferme de matériaux susceptibles d’enrichir sa Paléontologie française ; c’est que j’ai renoncé à rien publier moi-même à ce sujet, jusqu’à ce que son magnifique ouvrage soit entièrement terminé : heu- reux d’expier ainsi , volontairement , le tort d’un moment de dépit qui n’était pas pardonnable, même à un vieux collection- neur. Et maintenant, d’ailleurs , je ne consentirais pas , pour tout au monde , à prendre la responsabilité de ces descriptions. J^a Société géologique étant saisie d’une question qui paraît exciter son intérêt, à cause d’un nom tel que celui de Al. de Collegno qui s’y trouve mêlé, je désire que les déterminations soient faites plus sûrement que je ne les puis faire , en présence de matériaux de comparaison que je n’ai pas, avec l’autorité et le désintéressement dans la question que je ne puis avoir. Je veux enfin que la Société sache indubitablement, et moi aussi, si j’ai tout simplement commis une erreur, ou si par hasard il y aurait quelque chose de vrai dans mon hypothèse, c’est-à-dire une distinction réelle d'étage entre nos craies actuelles et celle où gisaient les silex qui nous occupent. Voici donc ce que j’ai l’honneur de proposer à la Société : Que le célèbre auteur de la Paléontologie française veuille bien consacrer quelques jours à l’étude de ces 22 fossiles qui, de toute façon , rentrent inévitablement dans le cadre de son ouvrage , auquel il faudra bien un addenda quelconque ( et c’est pour cette 1152 SÉANCE DE 21 JUIN 1847. raison seulement que je n’offre pas le travail à M. d’Arcliiae qui , lui aussi , le ferait si parfaitement). Qu’il prenne ses heures ; qu’il ait la bonté de m’avertir un peu d’avance : pour ne rien omettre, je repasserai tous mes tiroirs, et je lui adresserai une bien petite caisse , mais qui contiendra tous les matériaux paléon- tologiques de la discussion , et des variétés de couleur et de texture de nos fameux silex . C’est déjà quelque chose, monsieur le Président, que d’avoir ainsi assuré la solution future de la partie paléontologique de la question ; mais ce n’est certes pas tout , car il reste encore sa partie géologique, qui est bien la plus grave, puisqu’ après tout il ne s’agit ici, de l’aveu de tous, que d’un procès de craie a craie. Permettez donc que je passe à ce second point de vue. Je crains, malheureusement, d’être seul ou presque seul à porter le poids de la justification qu’il me faut essayer. Mon savant ami, M. de Collegno, n’est plus en France, et la géologie italienne absorbe toutes ses études. Il n’a d’ailleurs passé que bien peu de jours dans le Périgord, et peut-être n’a-t-il pas recueilli assez de notes pour traiter de si loin la question. M. J. Delbos, qui y a passé un peu plus de temps, et qui a vu avec moi une partie de ce que j’ai vu moi-même, qui a reçu de moi des coupes de nos terrains et des notes que je n’ai plus sous les yeux (mon volume de notes , confié momentanément à un ami , est à soixante lieues d’ici) , M. Delbos, dis-je, pourra peut-être donner à la Société quelques explications afférentes à la question ; et elles mériteront confiance , car il n’est pas possible d’observer avec plus de con- science et de soins que lui. Et d’abord, puisque ce terrain, que j’ai osé appeler danien , n’est pas connu en place , puisque ses éléments désagrégés sont en partie déposés dans un terrain reconnu de tous pour tertiaire , il n’y a pas de coupes régulières à en donner. Nous sommes ici comme au milieu d’une forêt , et il s’agit de déterminer à quel tronc furent arrachées quelques feuilles que nous voyons à nos pieds. La géologie de superposition , si j’ose ainsi dire, n’a pas grand’- chose à faire en ce cas : la parole demeure à la géologie d'induc- tion. Posons les faits : 1° Quinze ans d’observations et de comparaisons m’ont fait voir et manier assez de silex périgourdins , pour que je me croie fondé à dire avec assurance que jamais les silex en question n’ont été trouvés dans nos craies ; et, sauf de bien rares exceptions, je les distinguerai toujours aussi facilement à leur grain , à leur couleur, SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1153 à leur opacité , à leur cassure , à tous leurs caractères enfin , des silex ordinairement pyromaques de nos craies, que des silex meulières que nos terrains d’eau douce fournissent si abondam- ment. 2° Jamais les silex de nos craies n’ofïrent , comme ceux-ci , la cassure conchoïdale en cuvette dont j’offre aujourd’hui . à la Société, sous les nos I et 11 , deux des plus beaux échantillons qui se puissent voir. Ils sont de texture bien différente : le n° II est un des grès désignés par M. d’Archiac. Ils sont à deux et à trois rangs de cuvettes superposées, dont des fentes vous font voir la séparation non consommée , et le moule de la cuvette supérieure du n° I est mobile (bonne fortune très rare à rencontrer). Ce ca- ractère indique une propriété physique fort différente dans les deux classes de silex que je compare ici. 3° A travers les nombreuses variations de ces silex , rubanés ou on non , blancs ou colorés , fins ou grossiers , fissiles ou massifs , tendres ou durs , parfaitement opaques ou translucides sur leurs bords très minces , on les reconnaîtra toujours, soit à cette cassure particulière , soit à la présence du Pygurus ou de l’ Hemiastei , soit, et plus souvent encore, à leur dissemblance absolue avec les silex de nos craies. 4° Ils offrent trois formes : 1° la forme fragmentaire récente , à angles vifs et sans altération de nature à la cassure; 2° la forme fragmentaire ancienne (de l’époque géologique) à angles moins vifs et avec altérations de nature à la cassure (sorte de croûte de couleur différente , sur laquelle un géologue observateur ne peut se tromper); 3° la forme primitive , en rognons plus ou moins aplatis , imitant tantôt une miche de pain , tantôt une portion de strate. Dans ce troisième cas, la croûte existe toujours , excepté aux cassures récentes. Dans ce cas encore , il arrive souvent ( ce qui ne se voit jamais sur les silex de nos craies ) que les surfaces planes de la croûte sont criblées de très petites cuvettes, comme si une pluie forte et dure avait grêlé la pâte encore molle des silex. 5° Jamais on ne trouve ces silex roulés , si ce n’est dans un cours d’eau ou dans une alluvion moderne. 6° 11 est assez difficile de les observer dans leur gisement normal , et celui-ci m’est resté bien longtemps inconnu. Ce gisement , c’est la molasse tertiaire d’eau douce , argilo-sableuse , dont nous fai- sons nos tuiles , dans laquelle reposent nos mines de fer si abon- dantes et si connues par leurs produits; molasse que M. Dufrénoy a placée dans le terrain moyen (sous le nom d 'argiles maculées) , et que des observations récentes, suivies pas à pas depuis l’embou- Soc, géol., 2e série, tome IV. 73 115/1 SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. chure de la Gironde jusqu’à plus de 25 kilomètres au-dessus de Bergerac, ont conduit M. J. Delbos à faire redescendre dans le terrain èocène . Ce n’est point à moi de fournir des preuves pour ou contre ce changement de classification. C’est l’affaire de M. Delbos, à qui j’ai communiqué mes observations, mes notes, mes coupes , et qui en fera usage dans un travail spécial et tout à fait étranger à l’objet que je traite , puisque M. d’Archiac admet, pour nos silex , la même gangue où je les trouve. 7° Je dis seulement qu’il est assez difficile de les voir reposer dans cette gangue , parce qu’ils sont beaucoup plus fréquents hors de son sein. 1° Rien de plus facile à délayer que la molasse ; elle les abandonne à nu sur la craie. — 2° Rien de plus intéressé , de temps immémorial , à les déplacer que le paysan périgourdin , qui passe sa vie à fouir dans la molasse pour en tirer la mine de fer : il retire les rognons des puits et les laisse dormir sur n’importe quoi, sur le diluvium par exemple. — 3° Rien de plus intéressé que ce même paysan à les faire voyager quand ils ne font plus qu’encombrer la surface de son terrain : comme tous les silex , ils prennent mal le mortier , mais ils font d’assez bons murs en pierres sèches , et , tant bien que mal , on en fait du moellon pour s’épargner la peine d’en aller chercher plus loin. On en fait aussi des bornes indestructibles et individuellement reconnaissables à leur forme : enfin on les emploie, on les brise, on les torture de mille et mille façons, qui tendent toutes à les éloigner de leur gisement et à rendre celui-ci fort obscur pour le géologue voya- 8eur- 8° Comme la molasse a toujours été délayée dans nos vallées, il n’y a plus aucune chance de retrouver ces silex en place , ailleurs que sur les plateaux et le penchant des collines , dans la molasse vierge ou dans la molasse remaniée qui leur sert de manteau. 9° Je n’ai point étudié le nord du département de la Dordogne ; j’ignore si ces silex s’y trouvent; et dans quelques courses faites aux environs de Périgueux , je ne me rappelle pas en avoir vu un seul bloc. Je parle donc seulement de ce qui se passe dans le Midi du département. Voilà mes prémisses établies: les conclusions, telles que peut les offrir un pauvre géologue d'occasion ( qu’on me permette de répéter ce mot) , ne seront pas longues à exposer. Les hautes con- sidérations d’ensemble et de comparaisons qui ont dicté l’opinion de M. d’Archiac dépassent la somme et le rayon de mes obser- vations. Il en est de même de celles, non moins élevées, que M. Delanoue a tirées de l’étude comparative et de la séparation 1155 SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. originaire des deux mers crétacées du S. -O. et du N. de la France : l’excessive dissemblance de leurs faunes est un fait incontesté. Je ne cherche donc nullement à combattre les graves objections de ces deux savants , et j’admets qu’elles pèsent de toute leur gravité contre moi. Mais voici la filiation de mes idées : Les silex dont il s’agit ne se trouvent jamais dans les craies du Périgord. Leurs fossiles dominants ne se trouvent jamais dans ces craies ; quelques uns, moins abondants, s’y retrouvent ou paraissent s’y retrouver, mais cette circonstance n'exclurait pas une distinction d'étage ; et, parmi les fossiles caractéristiques cités par M. Delà- noue , pas un seul n’a été vu dans nos silex. Ils ne sont jamais roulés ; donc , ils ne viennent pas de très loin. Leur gisement normal est un terrain tertiaire inférieur, formé du remaniement de matériaux qui proviennent de terrains plus anciens. Le terrain solide le plus superficiel dans la contrée ( en dessous de celui-là) est la craie à Sphérulites (cralerijormis , Hœnin- ghausi , etc. ) , l’étage supérieur , pn un mot, de la craie du S. -O. pour M. d’Archiac comme pour M. Belanoue. Donc , les silex en question sont délaissés par une craie fondue , différente de cet étage supérieur, et qui elle-même lui était encore supérieure. La craie blanche n’existe pas dans le S.-O. , et pas un seul des fossiles de nos silex ne nous porte à lui assimiler notre étage dissous. Au-dessus de la craie blanche on connaît encore la craie de Maastricht , la plus élevée de toutes, assimilée récemment par M. Deshayes au nouveau terrain clanien de M. Desor. Or, le fos- sile dominant par excellence dans nos silex est identique à un fos- sile qui n’est connu que dans la craie de Maëstricht. De là l’idée , pour moi , d’assimiler à cette dernière notre étage dissous. Mais cette idée est téméraire parce qu’elle est appuyée sur un seul fait I — Soit, mais voilà comment elle est née ; et il fallait une hypothèse quelconque , un étage quelconque de craie supé- rieure, pour loger des fossiles et des silex de la craie , qui ne trou- vaient pas place dans les craies de ce pays. Mais encore , cette idée téméraire est , de plus , inacceptable parce que des considérations d’un ordre infiniment supérieur aux vôtres s’opposent à son admission ! — - Soit encore une fois , je le 1156 SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. veux , puisque des savants aussi consciencieux que distingués per- sistent à repousser l’hypothèse. Qu’elle soit donc à néant , cette hypothèse , si ces savants jugent, après la détermination authentique des fossiles, après l’examen des caractères de nos silex , que nous n’avons pas pu posséder un lambeau de craie géologiquement identique avec la craie de Maëstricht. J’accepte ce jugement; mais une fois le nom effacé, il restera la chose , dont je demande qu’on détermine la valeur quelconque. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que, des faits que j’ai exposés, ressort la nécessité de choisir entre ces deux partis : Reconnaître dans notre lambeau de craie dissoute , sinon l’ iden- tique. , du moins X analogue , X équivalent , le remplaçant de l’un des deux étages connus ailleurs au-dessus du niveau de nos craies ; Ou bien admettre , pour notre contrée , l’ancienne existence d’un étage supérieur à ce que nous avons conservé , et établir les carac- tères qui s’opposent à une comparaison quelconque avec les étages supérieurs des autres contrées. Au résumé : Tout ce que je sais ou crois savoir, je viens de l’exposer aux yeux de la Société ; Tout ce que je possède en fait de matériaux susceptibles d’éclai- rer la question, je le tiens à la disposition d’un juge dont nul de nous ne décline la compétence ; Tout ce que j’ai vu et vois encore chaque jour, je serais heureux de le montrer moi- même à celui où à ceux de nos collègues que leurs courses géologiques conduiraient dans notre province , et qui voudraient bien accepter une toute simple , mais toute cor- diale hospitalité périgourdine. M. Rabusson présente une carte du golfe arabique des petits géographes grecs, et une carte générale de la mer Egée, dressée pour expliquer le voyage d’Hannon. M. Ed. Collomb adresse la note suivante ; Nouvelles observations sur V ancien glacier de Wesserling ; par M. Éd. Collomb. Depuis la publication de mon travail sur les anciens glaciers des SÉANCE DU ”21 JUIN 18A7. 1157 Vosges (1), fai eu l’occasion d’approfondir quelques questions se rattachant au même sujet, et que le temps qu’elles exigent pour être examinées à fond ne m’avait pas permis de traiter alors. Je puis aujourd’hui donner à la Société quelques détails précis : 1° Sur la pente exacte de la surface de l’ancien glacier de Wesserling ; 2° Sur la masse ou le nombre de mètres cubes de glace qui exis- taient au moment où ce glacier avait atteint le niveau qui m’a servi pour calculer son inclinaison. La pente. — Comme tous nos anciens glaciers ont subi pendant leur période d’activité des fluctuations profondes, j’ai choisi pour établir la pente de la surface de celui dont il est question une époque d’assez grande extension. Les mesures ont été prises sur une ligne de 8000 mètres de longueur. Pour éviter toute confusion, j’ai mesuré cinq stations différentes sur la rive gauche, stations faciles à reconnaître sur le terrain par la présence d amas de blocs erratiques déposés horizontalement sur les flancs de la montagne encaissante. Ces blocs appartiennent évidemment à la même épo- que ; ils sont tous d’une même espèce de granité blanc sans mélange d’autres roches, et l’on sait que les glaciers, en transportant des matériaux sur leur dos, ont la propriété de ne jamais les con- fondre sous le rapport de leur qualité pétrograpliique. Ces blocs correspondent donc bien à la même époque de transport , et ils peuvent servir de station ou de point de repère avec toute chance d’exactitude. Ce premier fait était important à constater, pour qu’il n’y eut pas confusion entre les différents étages horizontaux correspondant à différentes hauteurs des glaces. Je n’ai pris de mesures exactes que sur la rive gauche de la vallée , parce que de ce côté-là le terrain est très favorable à ce genre d’observations; il est dépouillé de forêts et la position des champs de blocs facile à reconnaître ; ils reposent en général sur des schistes stratifiés. Sur la rive opposée , les affluents latéraux ont un peu dérangé cet ordre de choses , puis , les fortes pentes et les forêts qui cou- vrent le sol sont autant de causes qui auraient entaché l’observa- tion d’inexactitude ; ensuite les blocs erratiques de granité gisent eux-mêmes sur du granité , autre cause d’erreur. Quoi qu’il en soit, autant que j’ai pu en juger, les stations de la rive droite, perpendiculaires à celles de la rive gauche relativement à l’axe du (1) Preuves de l’existence d’anciens glaciers dans les vallées des Vosges, 1 vol. in-8°. Paris, 1847. 1158 SÉANCE BU 21 JUIN 18A7. glacier, n’étaient pas placées sur un plan rigoureusement horizon- tal. Le niveau des anciennes glaces était, dans cette vallée, plus élevé sur la rive droite que sur la rive gauche. Plusieurs causes ont sans doute contribué à ce résultat. La première est l’influence que les affluents latéraux ont du avoir sur la niasse principale. Les affluents de Saint-Nicolas, de Schliflels et d’Urbès déver- saient une masse énorme de glace qui devait nécessairement re- tarder la marche du grand glacier sur cette rive. Ensuite ces petits glaciers étaient chargés de débris ; leurs moraines superficielles étaient garnies de matériaux ; ces petits vallons en sont encore encombrés aujourd’hui. Cette couche de débris empêchait l’abla- tion et la fonte de s’opérer avec autant d’activité que sur les points découverts de la rive gauche. L’orientation des plans , exposés , soit au Midi , soit au Nord , devait aussi contribuer pour sa part à augmenter ou à diminuer le niveau relatif de la surface. En prenant en considération toutes ces causes réunies , on ne sera pas surpris si l’une des rives se trouve , sur certains points , d’une cinquantaine de mètres plus élevée que le même point cor- respondant de la rive opposée, en admettant toujours comme thèse fondamentale que les anciens glaciers étaient doués des mêmes propriétés que ceux qui sont en activité aujourd’hui. La première station au-dessus du Hasenbiihl (1), en amont de Wesserling , est un champ de blocs situé à une trentaine de mètres au-dessus du Hasenbiihl , ou à 100 mètres au-dessus de la rivière. Les blocs reposent ainsi qu’à la seconde station , au-dessus du Marlen, sur des schistes argileux régulièrement stratifiés. Ceux de un mètre cube sont assez nombreux ; il y en a quelques uns de 12 à 15 mètres cubes, et l’un d’entre eux se distingue des autres par sa taille ; il a 30 mètres cubes. A la station 111 , au-dessus de Krüth , l’amas de blocs est à 300 mètres au-dessus du sol de la vallée; leur qualité, leur vo- lume et leur position sont dans les mêmes conditions qu’aux sta- tions I et IL La station 1Y est à 400 mètres au-dessus du sol de la vallée , un peu en amont de Wildenstein ; les blocs y sont plus espacés les uns des autres , ainsi qu’à la station Y, à un kilomètre environ en amont de la précédente , et leur position est plus difficile à bien constater. Plus loin, c’est-à-dire plus en amont, on rencontre encore des champs de blocs , mais je n’ai pas cru devoir y établir de station , parce qu’il se présente ici une difficulté d’observation. (1) Voyez la coupe [Bull. Soc,géol., Ie série, fl III, p. 196. SÉANCE 1)U 21 JUIN 18Zl7. 1159 Les blocs arrondis 11e sont plus aussi nombreux ; dans le nombre on en trouve une grande quantité qui sont anguleux , et comme le sol sous-jacent passe au granité , il pourrait y avoir confusion entre les roches d’éboulement contemporain et les roches trans- portées par les glaces , d’autant plus que les pentes deviennent très rapides. C’est , au surplus , une remarque générale à faire dans nos val- lées : partout le nombre des blocs arrondis et usés est en raison directe de leur distance à l’origine des vallées. Dans les moraines inférieures les blocs arrondis sont en grande majorité , tandis que dans les moraines ou les amas latéraux qui se rapprochent du point de départ des vallées , c’est l’inverse qui se présente ; la plupart des matériaux meubles ont conservé leurs angles vifs. Ces cinq stations sont du reste suffisantes pour établir la pente de l’ancien glacier avec autant d’exactitude que le sujet le comporte. Calculée d’après le tableau suivant , elle est en moyenne de 5,125 pour 100 sur une étendue de 8000 mètres (1). Dans ce chiffre ne se trouve pas comprise la pente du talus terminal qui n’a pas laissé de traces écrites sur le sol et qui reste inconnu. La pente du sol sous-jacent correspondant est, suivant la ligne médiane du fond de la vallée, de 1,362 pour 100. A la coupe longitudinale je joins une carte détaillée qui repré- sente les contours exacts de ce glacier, tels qu’ils existaient à l’époque dont nous nous occupons, et ensuite quatre sections transversales où l’on peut voir d’un coup d’œil la forme du relief du terrain. Une section transversale du Gresson à la maison de Steinte- bach (2) suit une courbe qui part du Gresson , descend dans le vallon de Storckenson , coupe le glacier latéral qui s’y trouvait , passe sur le liiisselberg dont le sommet était entièrement investi de glaces , comme le jardin à la mer de glace de Chainounix ; cette section passe ensuite près de la partie frontale du glacier, à envi- ron 1000 mètres en amont , elle coupe les roches striées en place du Glattstein et du Hasenbühl ; elle quitte le glacier à la station I de la coupe longitudinale. (1) La pente de la surface du glacier de l’Aar est en moyenne , sur une ligne de 7,830 mètres comptée , à partir du pied de l’Abschwung, en aval de 6,90 pour 100, suivant M. Agassiz (voyez Nouvelles études sur les glaciers ). (2) Voyez la carte du terrain erratique de la vallée de Saint-Amarin (Bull. Soc . géol.y 2e série , t. III , p. 1 96). 1160 SÉANCE DU 21 JUIN 18/t7. La seconde section transversale part du sommet duDrumont, traverse le col qui sépare la vallée de SeldiiTels de celle de Saint- Nicolas, remonte le Steinberg, descend sur le glacier principal en coupant la moraine par obstacle du Barenberg , puis remonte à la maison de Steintcbacb. La troisième section présente déjà une épaisseur de glace consi- dérable ; elle part de la Tête du Chat sauvage , descend par une pente rapide jusqu’au pied du rocher de Wildenstein, qui forme aussi moraine par obstacle et quitte le grand glacier pour couper encore un petit embranchement du glacier latéral de Krüth. La dernière section , près de l’origine du glacier , est celle qui présente la plus grande épaisseur de glace ; la vallée est , sur cette ligne , assez resserrée ; elle va ensuite en se rétrécissant de plus en plus jusqu’à son point de départ en amont. A l’occasion de ce rétrécissement des bords des montagnes en- caissantes, il n'est peut-être pas inutile de signaler ici une diffé- rence qui existe entre les anciens glaciers des Yosges et les glaciers actuels des Hautes- Alpes , sous le rapport orographique. En Suisse les glaciers sont, d’après les observations de M. Desor, et ainsi que je m’en suis assuré moi-même , liés à l’existence de cirques supérieurs, de vastes espaces couverts de champs de neige qui font l’office de réservoirs d’alimentation. Dans les Yosges les cir- ques manquent ; en jetant les yeux sur une carte de cette contrée , on remarque que les vallées, considérées sous le point de vue de leur projection horizontale , partent en général de l’arête dorsale de la chaîne, avec tendance à s’élargir d’amont en aval. Sauf quelques rares exceptions , la forme circulaire n’existe pas dans les fonds de vallées; elles se terminent ordinairement en coin plus ou moins rempli par des terrains de comblement. Cette disposition étriquée des vallées supérieures , ce défaut de cirques d’alimentation semble, au premier abord, présenter un fait contraire à la théorie que M. Desor a si ingénieusement déduite de ses observations dans les hautes régions. La difficulté n’est toutefois pas insoluble , et nous avons dans les Yosges un autre fait orographique qui a dû produire dans les anciens temps un résultat identique. Si les cirques manquent , ils sont remplacés par une infinité d’embranchements et de ramifications secondaires , qui , tous , viennent se jeter dans les vallées principales. Nos grandes vallées sont comme le tronc d’un arbre qui se divise en branches et en rameaux divergents. La théorie de M. Desor n’est, du reste , qu’une question de surfaces ; nos grands glaciers n’étaient pas alimentés par de grandes masses de neige rassemblées sur un 1161 SÉANCE DE 21 JtJlN 1847. point orographique , mais ils étaient alimentés par les mêmes masses embrassant les mêmes surfaces disséminées et partagées en plusieurs lots , qui , venant tous concourir au même but, devaient produire les mêmes résultats. Lci masse. — Les différentes coupes longitudinales et transver- sales de l’ancien glacier de Wesserling, que j’ai relevées, m’ont permis de calculer, avec une approximation suffisante, la niasse de glace évaluée en mètres cubes qui encombrait cette vallée à cette même époque de grande extension. Pour le glacier principal, longueur 12500 mètres, largeur moyenne 1700 mètres, hauteur moyenne 333 mètres. 1 2,500 X 1,700 X 333 = 7, 076,250, 000mc- Pour les affluents latéraux , sur la rive droite d’Urbès, 4,000 X 1,200 X 200 = de Schliffels, 2,300 X 500 X 200 — de Sfr-Nicolas, 2,500 X 700 X 300 = 960.000. 000 230.000. 000 525.000. 000 sur la rive gauche de Krüth , 1 ,400 X 2,200 X 300 — 924,000,000 9,715,250,000 Ce chiffre est établi au minimum ; il n’en est pas moins remar- quable que la masse de glace qui encombrait cette seule vallée à l’époque en question était d’environ 10 milliards de mètres cubes. Tableau de la pente de la surface de V ancien glacier de Wesserling. Du pied du Hasenbühl à la station Y, sur la rive gauche , 8000 mètres. Niveau au-dessus de la mer. Du point I 540m II 640 III 800 IY 91 0 Distance des points. de ï à II 4,300™ de II à III 2,900 de III à IV 2,700 de IV à V 1,4 00 Pente, en mèt. En degrés pour ioo. sexagésimaux. 7,69 4° 0' 20" 5,52 3 8 50 4,07 2 47 30 3,63 2 0 20 Y 950 total de I à V 8,000 moy. 5,125 2° 56 4 Tente clu sol sous-jacent , pris au bord de la Thur. Du pied du Hasenbühl jusqu’à la station Y, §ur 8000 mètres , moyenne 1,362. 1162 SÉANCE DU 21 JUIN 18A7, Explication de la planche du Mémoire de M. Tallavignes , antè, page 1127. Lafig. 1 montre la disposition des couches dans le bassin compris entre les terrains de transition de la Montagne-Noire au N. de Trausse et ceux de même nature qui constituent les Hautes-Corbières au S. de Durfort. L’échelle est à 1 /2 Cassini , et l’on a cherché à conserver la même proportion pour les distances horizontales et verticales. Cette coupe permet d’apprécier les relations géognostiques des systèmes alaricien et ibérien , ainsi que des divers types que j’ai cherché à distinguer dans ce dernier système. On y voit : 1°que les calcaires nummulitiques du système ibérien (1er type) reposent directement sur le terrain de transition de la Montagne-Noire. (Des fentes nombreuses permettent d'apprécier cette superposition avec la plus rigoureuse précision. ) 2° Qu’il en est de même dans les Corbières pour les couches ibériennes du 2e type. 3° Que les couches ibé- riennes des trois types, horizontales comme dans la Montagne- Noire, ou relevées comme auprès de Capendu , sont constamment en stratification concordante avec le terrain miocène. 4° Que ces trois types ne forment qu’un seul horizon. 5° Enfin que cet horizon est en stratification discordante avec les couches du système alari- cien. J’ai cherché à présenter dans la vallée de Roquenegade un exemple des deux modes de stratification que j’ai distingués entre les terrains ibérien et alaricien (voy. p. 1138). Ces deux modes existent en effet dans cette vallée, mais non pas de la façon pré- sentée par la coupe. Le point où les couches de marnes noires du système ibérien (3e type) viennent buter contre la tranche des cou- ches d’Alaric, est situé à l’O. et non au S. de Roquenegade. La fig. 2 est une coupe prise aux environs de Limoux , Alet, Couiza et Quillan ; elle montre la disposition des couches comprises entre le terrain miocène des environs de Limoux et les calcaires regardés comme néocomiens , qui forment les hauteurs qui dominent Quillan. L’échelle est celle de Cassini et les hauteurs sont fort exagérées. La bande nummulitique dont cette figure présente la section, relie les terrains nummulitiques des Basses-Corbières à ceux de l’Ariége. Cette coupe fait voir combien la distinction des systèmes alaricien et ibérien est constante. Les marnes rouges alariciennes des Pa- tiassis et les grès micacés qui sont à leur base se prolongent sans solution de continuité jusqu’à Belesta, et forment le grès à lignites de l’Ariége. Ces mêmes marnes et ces mêmes grès reposent à Veraza directement sur le terrain de transition d’Alet et de Saint-Salvaire , tandis que sur le versant N. , à Arse, ce sont les marnes noires à Turritelles , appartenant au système ibérien , qui occupent la même position par rapport aux terrains anciens. c. calcaires, g. grès, p. poudingues, m. marnes, m. r. marnes rouges. 1164 -SÉANCE Dü 5 JUILLET 1847. Krusenstern et Alexandre comte Keyserling) -, in-4°, 465 p., avec un altas de 2 cartes et 22 pl. Saint-Pétersbourg , 1846, chez Cari Kray. Comptes rendus des séances de V Académie des sciences; 1847, 1er sem.? nos 25 — 26. L'Institut; 1847, nos 703 , 704. Bulletin de la Société d’agriculture , sciences , arts et com- merce du Puy ; t. Y, 2e livraison. Annales de la Société d' émulation du département des Vosges; in-8°, t. YI, 1er cah. 1846. The Athenœum; 1847, nos 1026 — 1027. The Mining Journal; 1847, nos 618, 619. The American Journal of science and arts ; 2th ser., vol. II, november 1846, n° 6; vol. III, january — marcb 1847, n°s 7 — 8. Le Secrétaire lit une lettre de M. Collomb qui annonce que M. Schimper attribue au pollen des conifères la couleur jaune de la neige tombée sur le revers méridional du Saint-Bernard. MM. Elie de Beaumont et Angelot avaient déjà émis cette opi- nion dans le sein de la Société. La Société adopte la proposition du Trésorier sur les mesures financières nécessaires pour compléter l’impression du Bulletin . M. Boubée présente un nouvel échantillon des calcaires de transition qu’il suppose percés par les Hélices, et qu’il a décou- verts dans les Pyrénées. Il en a déjà entretenu la Société dans l’une des séances de l’année dernière. M. Frapolli communique le travail suivant : Réponses à MM. Martins et Desor concernant la Théorie des glaces flottantes, et analyse d'une notice manuscrite de M. Paul Weibye de K ra geroe sur celle des vagues, avec le Compte-rendu des nouvelles observations de M . Forchham - mer sur les surfaces polies et striées du Danemark , par L. Frapolli. Ayant lu dans le Bulletin , à la suite de ma note du 11 jan- vier de cette année sur la Théorie des glaces flottantes , plu- sieurs objections auxquelles, faute de les connaître, je n’avais SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1165 pu répondre de suite, je me vois obligé à regret de le faire tar- divement. M. Martins m’avait d’abord opposé « que la nouvelle théorie » suppose que la Scandinavie a été immergée jusqu’à la hau- » teur de l/iOO mètres, car on a observé des roches polies et » striées jusqu’à cette hauteur, tandis qu’on ne trouve des » traces de la mer, consistant en un dépôt argileux coquillier, )) que jusqu’à la hauteur de 240 mètres. » — A cela j’ai ré- pondu, et ma réponse, quoique placée à quelque distance, se trouve consignée dans le compte-rendu de la discussion, que les dépôts à fossiles n’appartiennent qu’à l’époque actuelle, tandis qu’il s’est formé des stries pendant plus d’une des der- nières périodes -, j’ajouterai que par suite des dénudations qui ont signalé généralement, et surtout dans la Scandinavie, la fin des périodes récentes , il n’y a rien de plus naturel que l’ab- sence des débris de ces temps sur les hautes montagnes qui depuis lors n’ont pas été réimmergées. Mais puisqu’on nous a appelé sur ce terrain , il ne sera pas moins instructif de rap- procher l’objection ci-dessus de M. Martins des conclusions que M. Desor son co-opinant prenait dans le Mémoire du 16 no- vembre 1846. Il y est dit : « Que les changements de niveau ne éont pas limités à l’é- » poque historique, mais qu’ils remontent au-delà du diluvium, » et que depuis lors le sol de la Scandinavie a éprouvé des sou- » lèvements et des abaissements successifs 5 » Ce qui résume absolument la même réponse que j’ai dû faire à M. Martins, et qui est tout à fait contradictoire avec son objection. On a ajouté ensuite : 1° Que cette théorie « aura à démon- » trer que les stries formées par des glaces flottantes pous- » sées sur les rivages sont semblables en tous points à celles » qui sont gravées par les glaciers actuels, car il n’y a point de » différence entre celles-ci et les stries des rivages et des mon- » tagnes de la Scandinavie. » Sans entrer dans la discussion du fait, question que je ne veux aucunement aborder aujourd’hui, et dans laquelle je n’entrerai point pour le moment, je me per- mettrai de faire observer que la dernière assertion , reposant sur l’appréciation incomplète des faits, telle qu’elle a eu lieu 1166 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. jusqu’à présent , ne saurait entraîner la conséquence qu’on lui attribue ; « 2° Que la nouvelle théorie présentera sans doute aussi une » explication simple et facile de ce fait sans exception du cap )> Nord jusqu'à Christiania, savoir que dans tous les rochers du » rivage le côté arrondi , poli et strié est tourné vers Tinté- » rieur des terres, tandis que le côté escarpé, anguleux et non » strié regarde la mer, et que ce devrait être le contraire, si » la nouvelle explication était la véritable. » D’abord, il est complètement inexact de dire que tous les rochers du rivage sont escarpés du côté de la mer *, il n’v a d’escarpés de ce côté que les rochers qui, parleur élévation au-dessus des eaux, ont subi l’action des tempêtes et les éboulements du dégel. M. Mar- tins était plus que personne à même de connaître cette action , lui qui vient de résumer avec un style si élégant les observa- tions que de Luc avait faites à TîledePoel. Deuxièmement, la conclusion , que d’après la nouvelle explication ce doit être le contraire , est en opposition avec les lois générales du phéno- mène indiquées dans ma note; car d’un côté la réaction de la vague, lorsqu'elle marche d’accord avec le vent, conserve en- core une très grande proportion de force vive , de l’autre les glaçons provenant, le plus souvent, de la côte et non du milieu de la mer, il en résulte que leur action doit être plus grande sur la partie des îlots qui est tournée vers l’intérieur ; « 3° Qu’aux rétrécissements des hautes vallées de la Suède )> et de la Norvège, les stries sont redressées d’amont en aval, » comme elles le sont dans les mêmes circonstances sur les )> bords des glaciers actuels. Que, d’après la nouvelle hypothèse, » ces stries devraient être inclinées précisément en sens con- » traire, puisque les glaçons auraient été poussés dans les vaî- » lées d’aval en amont. Que c’est là encore une difficulté dont » on attend la solution. )> Il est bon de remarquer que c’est surtout aux débouchés des vallées, là où des circonstances par- ticulières sont enjeu (des barres, etc., etc.), et là où elles s’é- largissent tout aussi bien que dans les rétrécissements, que les stries remontent d’amont en aval. Ensuite, que c’est ne pas connaître l’action des glaçons que de dire qu’ils ne sont poussés dans les vallées que d’aval en amont. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1167 li° M. Martins fait en dernier lieu l’observation « que cette » explication est la troisième que proposent les partisans de » l’action des eaux Qu’après avoir épuisé toutes les combi- » naisons on reconnaîtra, etc. » N’ayant jamais émis d’autre opinion que la présente, les remarques de M. Martins ne peu- vent être à mon adresse 5 les personnes que cela atteint y ré- pondront si elles le .jugent convenable. Je me bornerai donc à demander qu’on veuille bien laisser à chacun sa part de respon- sabilité, et à déclarer que je repousse tout autant la formation des stries des parties de la Scandinavie que je connais , par V action des courants ou de la simple 'vague , que par l' enveloppe fantasque dont on a 'voulu douer le globe terrestre , par laquelle on a prétendu expliquer le phénomène erratique des , Alpes des Pyrénées , des Vosges et des montagnes de V Ecosse , et qui 71 a pas même le mérite dé êti'e très poétique (1). Je dois également faire observer que ma note du 11 janvier avait été écrite , ainsi que le prouve son commencement , à propos d’une notice que M. Desor venait de lire dans la même séance, et que son auteur n’a pas présentée pour l'impression 5 que c’est donc par erreur que dans la rédaction du procès ver- bal , à la p. 416 du Bulletin de cette année, on m’a fait répon- dre à un Mémoire lu par M. Desor à la séance du 16 novem- bre 1846, et que je ne pouvais point connaître, car je ne faisais que d’arriver au commencement de janvier, et la livraison de cette époque n’a été publiée qu’en février. Si j’avais dû répondre au Mémoire du 16 novembre, je l’aurais fait autrement. — Je me bornerai, pour le moment, à relever une inexactitude qui s’y est glissée, et qui tend à donner une idée complètement fausse des opinions de M. Forchhammer. Dans ce Mémoire, dont l’idée principale, celle du soulèvement et de l’abaisse- ment successif pendant la soi-disant période glaciaire, appar- (1) Le fait que les stries des parties basses de la Scandinavie ne pouvaient être expliquées par les théories répandues avait été déjà si- gnalé par M. Durocher [Bull, géol., séance du 2 novembre 1 846), qui reconnaissait plusieurs centres d’action dans un pays où le niveau moyen est de 800 à 400 mètres et couvert de lacs, en même temps que l’impossibilité d’en tirer une théorie conforme aux idées reçues. 1168 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. tient à M. Daubrée (1), M. Desor parle à plusieurs reprises d’une Théorie des vagues v II dit : « qu’une partie des » géologues Scandinaves rapportent le phénomène erratique » tout entier à l’action des flots de la mer Que les sillons » à surface striée seront toujours une difficulté insurmon- » table pour la théorie des courants comme pour celle des )> vagues, aussi longtemps que l’on n’aura pas prouvé que » ces agents ont la faculté de tracer de fines raies dans l’in— » térieur des sillons. » Après cela M. Desor ajoute au bas de la page une note, dans laquelle on affirme que cette théorie des vagues est celle que M. Forchhammer a développée dans son article des Annales de Poggendorff ‘ vol. LVIII. Je regrette beaucoup que M. Desor n’ait pas mieux vu tout ce que le cé- lèbre professeur de Copenhague a écrit dans le Mémoire précité. M. Forchhammer, après avoir admis que c’est la vague qui arrondit les rochers, ajoute que l’eau ne peut point par elle- même exercer une action de striage, qu’il faut pour cela des blocs durs, et que , quoique de gros débris non arrondis, même en se traînant par le seul effet de la vague , puissent former des stries, la petitesse et le parallélisme de ces dernières, tout aussi bien que leur présence sur le fond des larges sillons, ne peuvent être expliqués qu’en admettant qu’elles se produisent en temps d’hiver, lorsque la coagulation de la vague enveloppe les graviers et les sables dont le rivage est parsemé, etc., etc. On trouve tout cela épars dans les pages 638 à 641 du volume indiqué des Annales de Poggendorff , l\e division, 1843. La théorie développée par M. Forchhammer n’est point celle de la vague , mais celles des glaces flottantes , et elle est complète- ment d’accord , dans sa substance , avec ce que j’ai eu l’honneur d’exposer dans la séance du 11 janvier. Je me vois donc forcé malgré moi de protester, au nom deM. Forchhammer, contre les opinions que M. Desor lui a prêtées. Je ne sache pas qu’on ait publié des études bien détaillées sur la théorie des vagues pro- prement dite, qui a été une des idées de M. Eugène Robert,1 (l) Extrait d’un Mémoire de M. Daubrée ( Comptes-rendus de V Académie des sciences pour \ 843, t. XVI , p. 328). SÉANCE DE 5 JUILLET 1847. 1160 et à laquelle adhèrent quelques personnes de Sa Scandinavie. Notre confrère M. Paui Weibye, de Kragerôe, qui défend cette opinion, m’ayant envoyé son manuscrit, je prendrai 3a liberté de le faire connaître à la Société. On y verra que M. Weibye n'attribue à la vague, aidée par les sables et les galets de la grève , que les stries et les sillons des rochers , et aucunement tout le phénomène erratique. L’action des glaçons y est égale- ment admise , mais exceptionnellement. L’exposé du minéralo- giste norvégien acquerra d’autant plus d’intérêt qu’il est ac- compagné d’une carte topographique d’une partie de la côte, où l’on voit les principales directions des stries , et dont, après avoir visité le pays, j’ai dû reconnaître la précision. Je regrette seulement beaucoup d’avoir à déclarer que, quoique recon- naissant l’exactitude de toutes les belles observations de M. Weibye qu’il m’a été donné de constater, je ne peux m’associer aux conclusions qu’il en tire. Analyse d’une notice manuscrite de M. Paul Weibye , de Kragerôe , sur la théorie des vagues. « Placé depuis bien longtemps , dit 1VI. P. Weibye, au milieu de rochers polis et striés, je cède au désir d’exposer au public géolo- gique le résultat de mes observations sur un phénomène si inté- ressant et si peu connu. J’ajouterai quelques réflexions sur les causes qui l’ont produit. Mes conclusions précéderont même l’ex- posé des faits, qui en deviendront ainsi plus intelligibles, et en seront la preuve (1). » Dans toutes les théories imaginées pour expliquer le phéno- mène de friction , on a par trop oublié l’action que l’eau exerce sur (1) L’auteur ne parle point, dans sa notice, du soulèvement lent du pays , et pourtant c’est là la base de son système : c’est que ce sou- lèvement est un fait aujourd’hui connu de tout le monde, une croyance répandue même chez les paysans, et dont il ne croit pas nécessaire de parler. Il faut également avoir en vue , pour bien comprendre la portée de ce Mémoire, que l’auteur n’écrit que d’après l’expérience qu’il a j acquise dans le pays de Kragerôe ; que donc toutes les directions géné- ! raies qu’il donne ne se rapportent qu’à cette contrée ; et que personne , dans ce pays, ne croyant aux effets prodigieux des glaciers, il n’a pu penser qu’il fût nécessaire de combattre cette opinion dans ses détails. Les milles dont on parle dans ce Mémoire sont des milles norvégiens de 1 \ ,295 mètres. Soc. géol ., 2e série , tome IV. (L, FrapolJi.) 74 1170 SÉANCE Dü 5 JUILLET 1847. les roches en place et sur les détritus de la côte, il ne sera donc pas inutile , ce me semble , avant d’adopter de nouvelles théories , de rechercher si une cause tout actuelle ne peut pas avoir produit le même effet. Je crois, d’ailleurs, que plusieurs causes ont pu également contribuer à ce phénomène. Souvent des agents fort différents produisent des effets analogues. » Je dois d’abord repousser la théorie des glaciers. Les observa- tions qui vont suivre ne laisseront , je pense , aucun doute sur l’inadmissibilité de l’hypothèse qui regarde les glaciers comme ayant exercé une action générale. » La théorie de Sefstrôm [Ann. de Poggen do rff , vol. 13) a de fortes présomptions en sa faveur. On dirait à la première vue qu'on en retrouve les traces dans tout le Nord , ici , en Suède , en Finlande. 11 est , en effet , impossible que des amas de blocs et de galets aussi énormes que ceux qu’on trouve amoncelés dans plu- sieurs localités, loin de leur gîte primitif, aient pu parcourir de grands espaces sans qu’une action de glissement et de polissage se manifestât sur la surface des rochers qui leur servaient de lit. » Les idées de M. Frornherz (1) se rattachent en partie aux pré- cédentes. M. Frornherz admet que le polissage des rochers a eu lieu par suite de la débâcle d’anciens lacs , c’est-à-dire au moyen de galets transportés par des eaux torrentielles. L’auteur ajoute pourtant que les rochers polis par les eaux dont il parle ne sont ja- mais striés. » Je vais essayer à mon tour de prouver combien l’action de la mer sur les côtes est considérable, et que c’est principalement aux eaux actuelles de la mer , des rivières , etc. , qu’est dû ce phénomène de friction y que dans tout cela l’action des courants diluviens n’a été que partielle. J’appuierai cette thèse de toutes les observations qui sont à ma disposition. » M. Keilliau a donné, il y a longtemps, le récit d’un fait dont j’ai dû également être souvent le témoin , et qui montre avec une grande évidence la réalité de ce mode d’action. « Près de Brand- » wig , dit-il , sur la terre de Tusteren , où une tempête nous a » retenu pendant deux jours, nous avons pu étudierl’action que les » eaux , agitées violemment , exercent sur les rochers de la côte » au moyen des galets de toutes grosseurs. Plusieurs sillons creu- » ses dans un gneiss très dur descendaient jusqu’au niveau de la (l) Geognostische Beohachtungcn über die Diluvial -Gebilde des Schwarzwald.es . . ... ., etc. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1171 » mer sur un rivage bas et doucement incliné. Une grande quan- » tité de galets obstruaient ces sillons. A chaque retour de la va- » gué ils étaient lancés avec force vers la partie supérieure des » cannelures; lorsque la vague se retirait ils revenaient en roulant »> à leur première place. » Cette description jette une vive lumière sur la formation des sillons dans des roches dures , surtout si l’on songe que ces sillons courent souvent parallèlement avec la stra- tification. Les bras de mer entrent dans les terres dans la direction de la stratification ; leur forme détermine à son tour la direction de la vague , et celle-ci exerce son action sur la surface du sol. Une telle action n’a pu se continuer pendant la longue durée des siècles géologiques , sans que les roches en aient été arrondies et polies , sans qu’elles en aient été recouvertes de stries et de sillons. » Que la mer soit agitée ou tranquille , elle est toujours animée d’un mouvement perpendiculaire aux terres, mouvement qui , chez l’habitant de la Norvège , est connu sous le nom de Düniilng , Dragsjôe , Dragsïie. Tout le phénomène de friction peut se résu- mer dans ce mouvement qui , augmentant grandement par les temps d’orage , exerce une action très forte sur les côtes. La vague entraîne alors avec elle le sable et les pierres de la grève , les lance contre le rivage , et, là où ces projectiles viennent frapper, des morceaux et même des quartiers de rochers sont détachés ; en- traînés par l’élément en fureur, ils lui servent comme d’outil pour de nouvelles démolitions. Or, tout cela ne peut se faire sans que le striage des rochers frottés et arrondis en soit la conséquence. » On est d’ailleurs également forcé d’accorder que les glaces actuelles, chargées toujours pendant l’hiver de galets de toutes di- mensions, peuvent, elles aussi, exercer une pareille action dé striage ; car au printemps , lors du dégel , elles subissent de même ce mouvement perpendiculaire à la côte. » L’adoption absolue de la théorie de Sefstroin , du moins pour ce qui regarde la Norvège , ne saurait répondre aux faits observés. 11 y a des endroits où le fond de la mer est formé d’une multitude de petites croupes rocheuses s’enchaînant l’une immédiatement à côté de l’autre ; si le niveau de la mer était plus bas , ces îlots , dont on ne voit que le faîte , se dessineraient sur un sol profondé- ment ondulé. Des sillons et des stries à double courbure en recou- vrent généralement les parties orientales et occidentales , souvent même les parois verticales ( pl . 11 , fi g. 20 et 21 ). Or, ces sillons et ces stries ne sauraient être attribués à un courant de galets, car, pour pouvoir suivre toutes les inégalités d’un sol accidenté , il au- rait fallu que ce courant eût un mouvement ondulatoire du nord M7 2 SÉANCE Ull 5 JUILLET 1 S/j7. au sud , ce qui n’est pas compatible avec les propriétés que Sef- strom lui reconnaît. D’après eet auteur, la débâcle a dû former une masse pâteuse épaisse et même visqueuse; elle a dû avancer avec une force et une rapidité extraordinaire, et exercer une haute pression sur les parties inférieures. Elle n’a donc pu suivre tous les contours du pays ; mais lorsque , par exemple , elle venait de se heurter contre la paroi d’un rocher plongeant vers le nord , tel qu’il est représenté dans la fig. 22, pl. Il, une partie delà bouillie diluvienne a dû s’arrêter en a , et tandis que celle-ci remplissait le creux , le reste a dû passer par-dessus : ce serait là l’elïet théorique d’un tel courant. Malheureusement le fait n’y répond pas, car même dans de telles localités on trouve souvent la surface de la roche à nu et recouverte de stries et de sillons. D’ailleurs, plu- sieurs de ces trous tuberculeux qu’on connaît sous le nom de mar- mites de géants cpii s’y trouvent , et qui ont k et 5 pouces de dia- mètre sur plus de 2 pieds de profondeur, sont contraires à l’idée du mouvement d’une telle masse , et parlent en faveur de l’action de l’eau. Mais une autre circonstance s’oppose en dernier lieu à ce que l’idée de Sefstrom puisse prédominer : c’est la quantité des galets indigènes des districts respectifs, qui ne forment pas moins des deux tiers des dépôts meubles de la contrée ; ces galets ne peuvent avoir été frottés , arrondis et polis que près de leur gise- ment et par les eaux. » La grande difficulté qui se présente est de savoir comment un certain parallélisme général des stries peut être également expli- qué par Faction d’un courant de galets ou par celle des eaux. C’est un champ nouveau à travailler et où l’on n’a encore fait que très peu d’observations. » D’après M. Keilhau , si , sur les côtes occidentales de la Nor- vège, à commencer du cap Lindesnas, les eaux delà mer se trou- vaient tout à coup élevées de plusieurs centaines de mètres au- dessus du niveau actuel , ces côtes seraient fort peu changées dans leurs contours ; les hauteurs en deviendraient plus déprimées , les vallées , sans varier dans leur direction , ne seraient qu’un peu plus larges et un peu plus étendues. Cette loi est également appli» cable au pays de Kragerôe et de Brewig , et même à toute cette portion de côte jusqu’à 7 milles environ à l’intérieur. Or, une fois qu’il est prouvé que la direction des hautes vallées est ordi- nairement la même que celle des vallées qui sont aujourd’hui au niveau de la mer, le parallélisme général des stries avec ces vallées devient dans tous les cas une condition nécessaire , soit que l’on admette des courants venant du nord et suivant le cours des SÉAXCE DU 5 JUILLET !8/l7. 1175 dépressions du sol, soit que l’on adopte l'action des eaux. » Mais si le parallélisme général des stries, prises en bloc , peut être expliqué également par la théorie des courants et par celle des vagues , la disposition des stries sur chaque petit îlot 11e peut l’être que par cette dernière. Les vagues de la mer se partagent après leur choc contre les côtes émergées des petits écueils (Schee- ren), et, par un mouvement circulaire , elles reviennent frapper ces mêmes rochers en les remontant du côté opposé ; or, ce mou- vement de l’eau a une direction parfaitement analogue à celle qui est indiquée par les stries , cpù s’abaissent des deux côtés en par- tant du milieu de ces petites îles , lesquelles ne se montrent sou- vent au-dessus de la mer que comme de petites moitiés d’un sphéroïde allongé ou irrégulier. Au surplus, les vagues, en frap- pant avec une grande violence contre la partie sud des écueils , en détachent peu à peu des blocs de toute grandeur, ce qui fait que ce côté est plus rarement arrondi que le côté nord , lequel n’est exposé qu’à l’action de frottement , de polissage, et striante , mais non à l’action démolissante des vagues. » Les vagues gênées dans leurs mouvements par les formes du rivage , et même par les accidents du fond , sont obligées de se ré- soudre souvent en des courants tortueux et complexes, dont l’em- preinte se trouve fixée sur les roches de la côte. Que si de pareilles actions sont évidentes près du niveau de la mer, nous pouvons également admettre quelles ont lieu sur son fond , et arriver ainsi à une explication du phénomène observé près de Carlskrona , en Suède , où l’on a trouvé des sillons à 21 pieds au-dessous du ni- veau de la mer. Il n’est pas nécessaire alors de recourir à un en- foncement du sol postérieur au soulèvement du pays. » J’avoue qu’il est assez difficile d’expliquer par notre système les faits qu’on observe près des deux chutes de Dalelf, en Suède. On trouve dans le lit de cette rivière plusieurs rochers portant des sillons extrêmement bien conservés , et qui font avec la direction des eaux un angle de 75° à 86°. Le Dalelf entraîne sans cesse par- dessus ces cannelures une immense quantité de pierres , de sable et de gravier, et pourtant la netteté des stries qui ornent les sillons n’a été aucunement affectée. Ce fait est à la vérité très scabreux; je ne crois cependant pas impossible de l’expliquer. Il suffit d’ad- mettre , ce qui n’est pas improbable , que les eaux du Dalelf pren- nent un cours différent près de ces sillons. » J’admets, du reste, que ce que j’ai dit de l’action de la mer peut s’appliquer tout aussi bien à celle des rivières. » 11 suffit de songer au recourbement des stries et des sillons 117/1 SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7. qu’on voit si souvent sur des surfaces déjà arrondies et polies , pour qu’on ne soit plus tenté d’attribuer le phénomène à l’action des glaces, car celles-ci, n’étant pas aussi malléables que les eaux, ne pourraient aucunement suivre des courbures aussi prononcées. » Les dépôts de galets abondent surtout près d’Arendal , et dans le midi de la Norvège , où ils recouvrent et où quelquefois ils constituent même entièrement des îlots de toute grandeur. Dans ces dépôts les deux tiers des galets à peu près appartiennent aux roches du pays ou des environs ; les autres sont étrangers et pro- viennent du terrain de transition de Christiania. Qu’il en soit dit de même des dépôts des environs de Kragerôe. L’île de Jomfru- land, s’étendant sur un mille de longueur, est formée entièrement de galets de cette même nature , mélangés à du sable et à des ar- giles. On trouve également dans le pays des blocs isolés appar- tenant principalement à des porphyres, à des schistes argileux , à du calcaire de transition avec fossiles , ou bien à des conglo- mérats. » Explication clés planches accompagnant la notice cle M. fi^eibye , sur la théorie des vagues. Planche I. — Carte topographique des environs de Kragerôe, en Norvège. Planche II. — Fig. 1 et 2. — Représentent des portions de la partie N. et de la partie S. de File de Fladskjôer, près de Portôer, où Ton voit des stries dans différentes directions et des sillons recourbés. Fig 3. — Point correspondant sur la carte au Korsesund , près de Skadôe. On y remarque un sillon recourbé et strié en deux sens. Fig. 4. — Paroi d’un rocher strié et sillonné, près de Portoer. 11 est marqué sur la carte par la lettre a. Fig. o. — Représente une partie d’un îlot situé à environ un demi- mille à PO. du port de Portôer, où deux sillons striés vont déboucher dans une grande marmite de géants. Fig. 6. — Paroi verticale d’un rocher près d’Osterriisôer , environ 3 milles à l’O. de Kragerôe , où l’on voit les stries arriver jusqu’au point x, et s’arrêter lorsque la paroi tourne vers le N., ce qui prouve qu’elles ne peuvent être formées par une débâcle venant de ce côté. Fig. 7. — Fait voir des sillons x .y, z , qui remontent en rayonnant, et des stries. Næssundholm, près de Kragerôe; point cl. Fig. 8. — C’est une paroi inclinée vers le S. sur la partie orientale de Skarholm (point c), sur laquelle on ne trouve pas seulement des sillons tortueux et striés , mais encore des stries droites , couchées presque horizontalement , et se dirigeant de l’E. à l’O. Fig. 9. — Représente une portion de la partie N. de la même île (Skarholm), où l’on voit, au point x, des sillons tortueux et striés. PI. I . 2’sir,r. iv, Pt vm.Pag' SlraaholnLJS F SÉANCE DU 5 JUILLET L8Z| / . 1175 Fig. 1 0. — Point remarquable sur Flumlevigholm , près d’Arôe, où le sillon ,v , strié et recourbé, est coupé par les stries droites de la sur- face courant au N. 15° O. Fig. 1 1 . — Marmite de géants sur Sanôe, près de Borôe , de laquelle sortent deux sillons recourbés, qui sont coupés par la direction d’autres stries rectilignes qui recouvrent la surface. Fig. 1 2. — * Partie de Kielsôe , près de Gumôe , avec des sillons tor- tueux striés. Fig. 13. — Partie granitique sur Dybssundholm , dans le Kiilfjord , dans laquelle on voit des amas considérables de mica , dont les feuillets sont implantés verticalement à la surface. Les parties mi- cacées sont polies presque comme une glace, et très bien striées dans plusieurs directions, tandis que le quartz qui les entoure, et dont la surface est un peu plus élevée que celle du mica (voyez la coupe, où les lettres x , y indiquent le mica), ne montre aucune trace de polissage ni rien de semblable. Dans un cas pareil on ne saurait songer ni aux courants de galets ni à la glace; il n’y a que l’action de l’eau qui puisse expliquer un pareil fait. Fig. 14. — Portion de la partie N, de Fengesholm, du côté de Portôer. Les stries courent ici, près du niveau de l’eau, vers l’E. 15° N.; puis elles divergent toujours plus en s’élevant sur la côte, jusqu’à ce qu’elles acquièrent la direction rectiligne N.-E. Fig. 15. — C’est le point b sur l’île Fladskjôer, qui est très remar- quable à cause d’un sillon qui, après s’ètre recourbé plusieurs fois, finit dans une marmite de géants creusée en spirale. Fig. 16. — Montre une courbure marquée des stries sur un rocher in- cliné se trouvant dans le Sondeler-Fjord (golfe de la longueur de 1 mille , et qui entre , vers FO., dans les terres près d’Osterriisôer), en un point où celui-ci , après avoir couru vers l’O., tourne brus- quement vers le N., et devient plus étroit. Fig. 17. — ■ Sillon tortueux et strié x, au voisinage du point représenté par la fig. 1 6. Fig. 18. — Point sur Kaholmen, près Drobak , à 4 milles au S. -O. de Christiania. On y voit une paroi rentrante et arrondie, sur la- quelle se trouvent non seulement des sillons recourbés et striés, mais encore des stries courant dans deux directions différentes , et s’entre-croisant sous un angle de près de 40°. Fig. 19. — Petite rivière, à environ 2 milles au N. de Kragerôe, où j’ai trouvé des stries qui suivaient, dans quatre endroits différents, le cours du ruisseau. Fig. 20 et 21 . — Se rapportent au tex,te. Fig. 22. — • Se rapporte au texte; c’est la coupe d’un point où les stries se prolongent sur la partie basse jusqu’en a. Fig. 23. — Représente plusieurs sillons tortueux sur Bjornôe , près du Havssund ; ils vont aboutir en partie à des petites marmites de géants. La surface sur laquelle on les trouve n'a qu’une très faible inclinaison vers l’O. Fig. 24. — Point l. au Valeberg , près Kragerôe, où Ion voit trois 117(5 SÉANCE 1)U 5 JUILLET 18Zl7. sillons striés jc, y et z;, courant du S.-E. au N. -O., contrairement à la direction générale du lieu. Les deux inférieures y et z vont finir dans la roche compacte , et ressemblent à deux grandes marmites de géants couchées. Il est évident que ces sillons et ces stries ne peuvent être formés ni par des courants de galets venant du N. ni par des glaces; leur production ne peut donc encore être due qu’au jeu des vagues marines, lorsque leur niveau était plus élevé qu’au- jourd’hui, car il n’y a point de doute que la Norvège s’élève. Des phénomènes pareils à ceux-ci sont visibles dans bien d’autres points, Pour que les opinions de 3VL Weibye eussent des chances d’être adoptées , il faudrait que les observations faites sur les côtes des autres pays à roches dures, telles que celles de la Bre- tagne ou des autres contrées du Midi et même intertropicales, pussent concorder parfaitement avec celles, du reste très pré- cieuses, qu’il a faites dans la Norvège; mais le phénomène de striage n’est pas un phénomène général des côtes actuelles ; on voit bien dans la Bretagne, par exemple, des surfaces à peu près polies parles eaux de la mer, et des cannelures d’érosion, mais aucunement des stries. M. Weibye a démontré que les stries ne sont pas disposées suivant une ligne unique , ni même toujours suivant les lignes de plus grande pente -, il a démontré que la disposition de ces stries est en rapport direct avec le mouvement des vagues-, mais après la lecture de sa notice on se demande si c’est bien l’eau aidée du sable et des galets qui les produit. Or, la plus simple réflexion nous fait dire oui, pourvu qu’on entende sous ce nom l’eau à l’état solide, pourvu qu’on y introduise l’idée des glaces hivernales. Or, c’est préci- sément ce qu’a fait M. Forchhammer et déjà depuis longtemps ; c’est là la véritable théorie de M. Forchhammer, celle des glaces flottantes. C’est là à quoi m’ont conduit mes propres observations, dont j’ai eu l’honneur de présenter les résultats à la Société, dans une note du 11 janvier de cette année. M. Forchhammer, qui n’a cessé de compléter ses idées par de nouveaux travaux pratiques , m’a écrit plusieurs lettres sur ce sujet. Je demanderai la permission de faire connaître quelques unes des observations nouvelles qu’il a faites, qui présentent le plus haut intérêt, et qui rendront toujours plus évidentes les différences radicales qui existent entre la théorie des glaces flot- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. 1177 tantes et celle des vagues, entre les opinions de M. Forchham- mer et celles de M. Weibye. J’aime mieux offrir sans plus de délai à la Société ces observations, que de les incorporer, sui- vant les intentions de M. Forchhammer, dans un travail dont je m’occupe, et qui n’est point achevé -, on aura l’avantage d’y suivre sans commentaires la pensée de l’auteur dans la marche qui conduit à ses conclusions. Nouvelles observations de M. Forchhammer sur les surfaces striées et polies du Danemark . (Extrait d’une lettre de l’au- teur àM. Frapolli. Une partie seulement de ces observations a été publiée, en danois.) « Bornholm est très riche en rochers arrondis et polis et en stries très bien caractérisées ; mais on n’y voit aucune part le phé- nomène de Stoss et Leeseite , tel qu’il a été trouvé si générale- ment en Suède (1). » Les rochers de granité et de gneiss sont ordinairement ar- rondis , et leur surface afïecte une forme ellipsoïdale ; ce n’est que sur les côtes qu’on rencontre des falaises à pic , qui sont ici , de même qu’en Suède, produites par l’action combinée du fendille- ment vertical du granite-gneiss de la contrée qui est très riche en feldspath et des vagues de la Baltique. Mais ces falaises ne sont aucunement en rapport avec la direction des stries de friction. » La croupe arrondie et aplatie de la plus élevée parmi les col- lines de File , le Rytterknegt , haute de 500 pieds, est recouverte de stries très bien marquées et d’une grande beauté; elles courent du N. hT E. au S. l\T O. Sur les pentes de la colline, les stries s’éloignent un peu de leur direction normale et elles se dirigent d’un côté vers le S. 33° O. et de l’autre au S. 51° O. L’orienta- tion des stries du sommet répond à la direction de la plus grande étendue de la Baltique. » A l’extrémité la plus méridionale du granite-gneiss , là où cette roche vient à être recouverte par les couches peu inclinées (!) M. Forchhammer, fidèle à son système de s’en tenir à la stricte observation des faits, cite ici, pour les pays qui n’ont pas été l’objet de ses recherches spéciales , l’opinion commune sur la constance sans exception des Stoss et Leeseite ; mais il démontre en même temps que, pour le théâtre de ses observations, la croyance que ces parties se- raient en rapport avec la formation des stries, repose sur une erreur. ( L. Frapolli.) 1178 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. du plus ancien grès de transition de la Scandinavie , les stries se dirigent du S. 3° O. au N. 3° E. Mais les stries les plus belles se présentent sur le Marteau (der Hammer), rocher insulaire qu’une plage sablonneuse rattache aux terres de Bornholm. Ce sont les stries les plus nettes et le mieux conservées que j’aie jamais vues ; elles sont gravées sur une roche dont le poli surpasse également en beauté tout ce que je connais ailleurs. L’outil de polissage , le sa- ble, recouvre encore cet îlot dans nombre d’endroits; il y est même continuellement accumulé par la mer qui le rejette sur les côtes. Les stries qui, suivant l’orientation des pentes, courent diffé- remment dans une direction O. 7° S. et S. 38° O. , sont ainsi moyennement parallèles avec la marche des eaux entre la Suède méridionale et la pointe septentrionale de Bornholm, c’est-à-dire avec le courant principal qui amène au Sund les eaux surabon- dantes de la plus grande partie de la Baltique. >» Sur les rochers qui se trouvent près du niveau des eaux à l’o- rient de l’ île , on voit çà et là beaucoup de stries et de sillons qui ne sont pas très marqués, il est vrai, mais qui sont disposés per- pendiculairement à la côte , et qui par conséquent , vu le soulève- ment régulier et continuel de l’î le , ne peuvent pas être anciens. »> Cependant ce qu’il y a de plus intéressant , ce sont les blocs isolés et striés qu’on voit sur la partie méridionale et occidentale de l’île. La côte est parsemée sur ces points d’un nombre infini de gros blocs isolés appartenant à différentes variétés de granité , au grès de transition ou au grès des keupers ; ces blocs s’avancent au loin dans la mer, et plusieurs d’entre eux présentent des surfaces striées régulièrement et en ligne droite. Les stries qui recouvrent la surface de ces masses isolées sont perpendiculaires à la ligne des côtes ; les rares exceptions à cette règle ne peuvent dépendre que d’une dislocation postérieure des blocs, effectuée soit par les glaces, soit par la main de l’homme. Jamais je n’ai vu striée la surface inférieure de ces blocs, en sorte que je ne saurais plus con- server le moindre doute que ces blocs ont été striés à leur place ac- tuelle , et depuis leur isolement de la roche-mère. Deux localités de cette côte se font remarquer par l’abondance des blocs striés. L’une est peu éloignée du petit village de pêcheurs du nom d’Arnager ; la plage, bornée par une falaise haute et verticale de grès vert mar- neux, y est recouverte en même temps par les silex anguleux qui, havés et brisés par la vague, s’écroulent en grande quantité. Ce sont, à nion avis, ces silex qui, à l’aide du mouvement des flots et des glaces de la côte , ont servi et servent encore toujours de burin pour le striage des rochers de l’endroit. La deuxième localité, qui se 1479 SÉANCE i)U 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . trouve près de Homandshald , présente des circonstances pareilles; on y trouve également dans la falaise des roches siliceuses renfer- mées au milieu des couches molles d’une formation qui n’ést pas encore suffisamment déterminée. *» Un autre fait extrêmement remarquable, c’est le striage du rocher calcaire de Faxôe. Ce récif de coraux , appartenant à la craie la plus récente , est formé en partie de calcaire celluleux, en partie d’une masse molle presque crayeuse, et en partie d’un cal- caire dur et compacte susceptible d’être poli , et qu’on employé même parfois pour les usages du marbre (1). Sur la pente O. de la colline de Faxôe, sur un point qu’on peut regarder comme étant à environ 200 pieds au-dessus du niveau actuel de la mer, on trouve le calcaire compacte marmoriforme très bien développé. En déblayant pour y établir une carrière , on a trouvé toute la sur- face découverte du calcaire très bien polie et striée. On y voyait clairement trois systèmes de stries , et en dehors de cela une quan- tité de raies courbes et irrégulières. D’après l’ordre avec lequel ils se coupaient , il était facile d’établir parfaitement l’époque rela-^ tive de formation de ces trois systèmes de stries droites. Ils affec- taient les directions suivantes : le système de stries le plus ancien , qui était eu même temps le moins évident , avait une direction E. 2° N. et O. 2° S. ; le deuxième système, le plus marqué de tous , oscille entre l’E. 23° à 18° S. et l’O. 23° à 18° N. ; le dernier et troisième système de stries court E. /t3° à Zf5° S. , à l’O. ^3° à fl 5° N. L’action de déplacement qui a produit ces différents effets de striage s’est donc tournée pendant le cours des temps de l’E. au S.-E. ou bien de l’O. au N. -O. , et ce changement dans la provenance de l’action ne s’est pas fait peu à peu , mais dans des périodes séparées les unes des autres d’une manière tranchée. » Tout l’aspect de ce phénomène , soit à Bornholm , soit sur la Seeiande orientale , me parait absolument inconciliable avec la théorie qui admet les glaciers comme étant la cause du burinage. L e-RftterAnegt, sur Bornholm, est, dans une étendue de 100 milles (de 15 au degré) du S. -O. au N.-E. , la montagne la plus élevée (1) Ces couches ont été soigneusement décrites dès 1835 par M. Forchhammer ( Danmarks gcognostische Forhold , Kj'ôbenhavn , 1835), qui dès-lors les regardait comme appartenant à un étage par- ticulier de la craie , plus récent que la craie supérieure d’Angleterre , et auquel ce savant rapportait dès-lors le calcaire de Maëstricht. Ce terrain rentrait donc depuis longtemps dans l’étage inférieur des for- mations que M. Élie de Beaumont a toujours regardées comme inter- médiaires entre la craie blanche et l’argile plastique de Paris. 1180 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. du pays , et les glaciers qui auraient dû former les stries de Faxoe auraient été obligés de changer plusieurs fois la direction de leur marche, et cela non successivement, mais d’une manière tranchée, ce qui me paraît incompatible avec la nature des glaciers. Ces ob- servations ne peuvent non plus ê tre mises ch accord avec les théo- ries qui attribuent le burinage à une inondation , qu’on la fasse venir du pôle nord , ou qu’on lui assigne comme centre de prove- nance les hautes montagnes de la Scandinavie. Le changement de direction sur ces deux îles peu éloignées l’une de l’autre , Born- holm et Seeland, les stries courant au N.-E. sur le Ry tterknegt , et au S.-E. sur Faxoe (celles du dernier système), indique égale- ment un changement du point d’origine dans le mouvement qui a donné lieu à ces stries. Or, les directions suivant lesquelles les stries de Faxoe ont changé dans le cours des temps sont précisé- ment en rapport avec les différentes hauteurs qu’atteint le pays entre Faxoe et la Baltique. Vers l’est s’élève la Steàens Klint , ro- cher de calcaire crétacé , ayant une hauteur maximum d’environ 100 pieds, et qui reste par conséquent au-dessous du rocher strié de Faxoe. Plus loin, également vers l’est, s’étend la partie méridionale de la Scanie, qui de même ne dépasse que légère- ment le niveau de la mer. Les stries de Faxoe les plus récentes sont tournées vers le golfe du même nom qui est encore complète- ment ouvert; le changement de la direction du striage me paraît donc être en rapport avec le changement de la direction de la va- gue produit par le soulèvement du fond de la mer. Le calcaire strié de Faxoe est recouvert immédiatement par une couche sa- bleuse épaisse de 12 à 14 pouces; cette couche sableuse a été, comme le sable du rocher du Marteau à Bornholm , la matière polissante ; les quelques galets isolés qu’elle renferme rappellent l’outil qui a gravé les stries. Sur la couche de sable repose une autre couche de 6 à 8 pieds , appartenant à une formation dilu- vienne à laquelle j’ai donné le nom d’argile à blocs erratiques , et qui représente l’étage moyen de notre grand terrain erratique. L’époque où ce dépôt s’est formé tombe dans la période actuelle ; les fossiles qu’il renferme dans quelques rares endroits sont iden- tiques à ceux qui habitent aujourd’hui les profondeurs de la mer du Nord. Lorsqu’on rapproche cette formation des blocs striés de Bornholm , on ne peut que conclure à une durée très longue du phénomène; car son dépôt paraît s’être continué depuis un temps antérieur à la présence de l’homme dans nos pays du Nord, jus- qu’à l’époque où la disposition des côtes était la même que celle d’aujourd’hui. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. MSI <> Je vais ajouter quelques observations qui , à mon avis , ne laissent plus aucun cloute que de pareilles stries se forment encore de nos jours. Le golfe appelé Issefjord découpe profondément par ses mille détours la partie septentrionale de File de Seeland. Des millions de blocs et de galets gisent dispersés sur ses plages sa- bleuses et doucement inclinées. Lorsqu’en hiver la glace sc forme, elle les entoure et les enclave. Mais pour cpie la glace puisse soule- ver et entraîner toutes ces pierrailles, il faut une circonstance par- ticulière ; il faut que sa rupture au dégel coïncide avec la crue des eaux. Pendant l’hiver de 1844, les eaux s’étaient figées autour d’un des plus marquants parmi ces blocs ; la personne qui me ser- vait pour ces renseignements se servit de l’expression gros bloc , c’est-à-dire un bloc d’environ 60 à 80 pieds cubes ; au printemps, à l’époque du charriage, un glaçon l’emmena au large avec lui. La pression cpie cette grande masse en mouvement a exercée sur la surface du sable , dont l’inclinaison était bien au-dessous d’un degré , a du être énorme ; car il en résulte sur une longueur de plusieurs centaines de pieds un sillon très profond, et comprimé si fortement dans le sable argileux et humide , que six mois plus tard , lorsqu’en septembre j’ai revu la localité , la trace n’en était pas encore effacée , et pourtant les vagues n’avaient cessé de ba- layer cette plage. Il est clair que si ce sol peu incliné avait été constitué par du granité , le bloc y aurait empreint sa marche , en traces ineffaçables , par la gravure d’autant de raies que de pointes saillantes qu’il possédait, et qui pouvaient venir en contact avec le fond. Sur des roches tendres, comme du schiste ou certains calcaires, ce bloc aurait produit des stries et même des cannelures. Sur le sable il ne pouvait former qu’un sillon qui devait bientôt disparaître de nouveau. L'exemple cpie nous venons de donner est un burinage exécuté par la vague en retraite. Il est naturellement perpendiculaire à la côte. » j’ajouterai encore le récit d’un événement qui pourra mon» trer d’un côté la force avec laquelle les glaces et les blocs qu’elles renferment peuvent être mis en mouvement par la vague lors- qu’elle avance et remonte sur le rivage, et de l’autre comment les glaçons peuvent exercer leur action même à une certaine profon- deur au-dessous du niveau de la mer. Vers le milieu de février 1844, nous fumes surpris inopinément par un froid très intense, et le Sund, principalement vers la côte de Seeland, se couvrit rapidement de glaces qui , chassées par une violente tempête du S.-E. , venaient se jeter sur cette même côte. Les glaces s’amonce- lèrent principalement au fond de la baie de Taarbeijk , et l’on 1182 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. commença à avoir des craintes sérieuses pour l’existence du village de pêcheurs adossé au rivage. Mais les glaces ayant pris, et la côte s’étant fermée entièrement , on se croyait déjà hors de danger, lorsque tout d’un coup la masse entière des glaçons réunis se mit en mouvement, remonta sur la plage de manière à y former une digue de plus de 16 pieds de hauteur, et atteignit dans un clin d’œil les maisons les plus voisines. Les parois des bâtiments furent emportées , et la marche de ce terrible glacier ambulant continua d’être si rapide , que les habitants auraient eu de la peine à se sau- ver si un pêcheur, effrayé par le bruit sinistré de la mer, n’avait ^ongé à les réveiller quelques minutes auparavant. M’étant rendu sur les lieux le lendemain , je trouvai non seulement la côte en- tourée par des chaînes de collines formées d’un conglomérat gla- cial , mais je vis plusieurs raies pareilles de collines se prolonger au loin dans la mer; ces collines, d’après le témoignage de tous les pécheurs , étaient bien fixées sur le fond de la mer ; la glace ren- fermait une grande quantité de fucus , des petites pierres et du sable. Or, il est clair qu’une telle masse de glace , ayant un mou- vement aussi rapide et aussi puissant , a dû bouleverser et changer le fond de la mer, et que si ce fond eût été formé par une roche dure, le sahle et les pierres qu’elle renfermait y auraient gravé des stries et des sillons. » Permettez-moi à présent d’appeler votre attention sur une distinction très importante , et qui a été oubliée ou imparfaite- ment comprise par la plupart des auteurs qui se sont occupés de ce sujet. C’est la différence entre les îles de glace (Eisinseln) et les glaçons de charriage (Eisschollen). Les îles de glace ( montagnes de glace) sont, comme tout le monde le sait, de véritables portions de glaciers qui , descendant des côtes abruptes des mers polaires , se jettent dans la mer et sont entraînées par elle. Ce phénomène des glaciers qui se précipitent est si commun sur la côte occiden- tale du Groenland , qu’on y a consacré une expression propre ; les habitants disent : dûs Eis kalbt (la glace fait le veau, elle fait la culbute ;. Ces îles de glace plongent profondément dans la mer. Elles ne peuvent jamais s’approcher des côtes peu inclinées , et si par hypothèse elles devaient produire des stries , elles ne pour- raient le faire qu’à des profondeurs considérables. Leur glace est très pure, et ils ne renferment des blocs que très rarement. M. Ulrich, jeune officier de la marine danoise, échoua, dans l’été de 1846, contre une île de glace dans le détroit de Davis. Séquestré sur la glace pendant que les autres naufragés s’étaient jetés dans les embarcations, et étaient allés à la recherche dés côtes du SÉANCE DU 5 JUILLET I8/|7. 1183 Groenland, il vit passer plus de ùOO grandes îles de glace sans qu’il put y découvrir un seul bloc; et pourtant il avait fixé tout spécialement son attention sur ce point, Les blocs ne sont donc pas communs dans cette région , et cependant les côtes du détroit de Davis abondent en montagnes escarpées , en glaciers et en mo- raines. » Les glaçons de charriage se forment dans la mer et dans les rivières. Ils se forment notamment dans le Sund et dans le grand Belt sur le fond de la mer, où l’on connaît cette espèce de glace sous le nom de glace de fond (grundeis) , et ils s’élèvent ensuite jusqu’à la surface chargés de sable , de graviers et de fucus (See- gras) (1). Sur les côtes, la glace entoure les blocs et les emporte avec soi. Par les temps d’orage, les glaçons sont poussés l’un au- dessus de l’autre , ils se vissent (es schraubt si ch) , comme disent nos marins, et, lorsque la côte est escarpée, ces montagnes de glace peuvent atteindre jusqu’à 50 pieds de hauteur. C’est à ce genre de glaçons et principalement aux glaces de fond que j’attri- bue le striage des surfaces peu inclinées des rochers , lorsque les pierres enclavées et chargées de tout le poids de la glace sont lan- cées par les vagues contre la côte. » Vous pourrez voir par le fait suivant combien la quantité des (1) D’après les principes élémentaires de la physique, souvent rap- pelés par M. Élie de Beaumont dans ses cours , la formation du grundeis est facilitée . dans la mer et dans les bras qui communiquent avec elle , par la salure plus ou moins grande des eaux. La densité maximum de l’eau douce étant à environ 4°, 40, et son point de congélation à zéro , il en résulte , pour l’eau ayant une tem- pérature entre 0 et 8°, une tendance à descendre à la partie inférieure : c’est pourquoi il ne se forme jamais de glace au fond d’un étang ni d’un lac. Dans les rivières, les couches d’eau étant fréquemment mé- langées par le courant, et la rapidité minimum des eaux étant près du fond , il peut se former du grundeis , et il s’en forme en effet. Mais les conditions pour la formation du grundeis sont bien plus favorables lorsqu’il s’agit de l’eau salée. La densité maximum de l’eau de la mer à salure moyenne est à — 3°, 67. et elle se congèle à — 2°, 55. La différence entre ces deux points n’étant que on voit que le mélange de toutes les couches, dans les bras de mer et dans toutes les parties où sa profondeur ne dépasse pas de beaucoup la limite de l’agi- tation superficielle, devient très facile et un effet normal; la glace se forme dès lors dans la partie la moins agitée. Pour les eaux mélangées, telles que les eaux des fjords où vont déboucher les rivières, la facilité de formation du grundeis sera en rapport direct avec la proportion de l’eau dn mer. (L. Frapolli. ) SÉANCE DU 5 JUILLET 1 B/| 7 . lIB/i jjlocs qui sortent chaque année de la Baltique par ce moyen est grande. Dans l’année 1807, lors du bombardement de la Hotte danoise, un cutter de guerre anglais, à l’ancre dans la rade de Co- penhague, sauta. En I8ââ, un de nos plongeurs, connu pour un homme probe et de confiance , se décida à descendre pour sauver tout ce qu’il était encore possible de trouver dans le bâtiment nau- fragé. Il trouva l’entre-pont intact mais recouvert de blocs, dont quelques uns pouvaient avoir une grosseur de 6 à 8 pieds cubes , et on y voyait même çà et là plusieurs blocs accumulés les uns sur les autres. Ce plongeur expérimenté assure que tous les navires coulés à fond qu’il a visités dans notre rade étaient plus ou moins couverts de blocs. C’est là une formation erratique appartenant aux dernières qua- rante années. La cause qui fait que les glaçons fondent aujourd’hui de préférence dans le Sund , entre Helsingor et Copenhague , et qu’ils y laissent leurs blocs , repose sur des circonstances particu- lières. Lorsqu’au printemps la neige du pays appartenant au bassin de la Baltique se fond, il s’établit un courant soutenu sortant de cette mer dans le Kattegat , et pendant les mois de mars et d’a- vril de grands amas de glaçons passent devant Copenhague. Mais en même temps un courant sous-marin reconduit des eaux du Kattegat dans la Baltique. L’eau du Kattegat et celle de la mer du Nord possèdent dans cette saison une température de beaucoup supérieure à celle des eaux de la Baltique , en sorte que ce n’est qu’au plus grand degré de sa salure ( plus du double de celle des eaux de la Baltique ) quelle doit la propriété de pouvoir se tenir à la partie inférieure. C’est ce courant sous-marin qui, en réchauf- fant peu à peu les eaux , facilite sur ce point la fusion partielle des glaçons , cpii laissent alors tomber les blocs ainsi dégagés qu’ils avaient transportés jusqu’ici (1). « M. Martins fait au sujet de la communication de M. Frapoîli les observations suivantes : (1) Une autre cause accidentelle se joint souvent à celle qu’indique M. Forchhammer pour faciliter la fusion partielle des glaces devant le Sund : c’est le retard apporté à leur sortie par les vents du N. -O., qui , produisant un refoulement temporaire des eaux de la Baltique, les retiennent quelquefois prisonnières pendant plusieurs jours. C’est à des causes analogues ou à des remous qu’il faut attribuer l’accumulatiou des blocs erratiques par escouades. (L. Frapoîli. ) SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8/(7. 1185 Remarques sur la réponse (le Di. Frapolli et la théorie des glaces flottantes de Di. le professeur Forchhammer , par M. Ch. Martins. M. Frapolli , attribuant toutes les stries de la Scandinavie à l’action des glaces flottantes poussées par la mer, je lui demandais (p. 240 ) la preuve que la Scandinavie eût été immergée jusqu’à 1 400 mètres, hauteur à laquelle on a vu des stries. Au lieu d’une preuve, il renouvelle son affirmation, et son raisonnement est évidemment un cercle Vicieux , car il se réduit à ceci : les mon- tagnes de la Scandinavie présentent des stries jusqu’à la hauteur de 1400 mètres; or ces stries ont été tracées par la mer, donc la Scandinavie a été immergée jusqu’à la limite de ces stries. Je demandais des preuves de cette immersion, je les demande encore. Puis il cherche à me mettre en contradiction avec M. Desor, qui , dit-il, a admis (p. 204) que la Scandinavie avait été immergée et émergée avant l’époque historique , et que ces changements de niveau remontent au-delà du diluvium. Mais d’abord, M. Desor ne dit nulle pan que la Scandinavie ait été immergée au-dessus de la limite de la couche coquillière , c’est-à-dire au-dessus de 240 mètres; or, c’est là le nœud de la question, et M. Frapolli ne peut pas supposer que M. Desor ad- mette des changements de niveau pendant les périodes géologiques antérieures à l’époque pliocène , lorsque celui-ci commence son article (p. 197) en disant: «Il me reste à traiter des change- ments de niveau que le sol de la Scandinavie a éprouvés pendant l’époque diluvienne, et qui se continuent encore sous nos yeux. » Le paragraphe qui suit n’est que le développement de cette idée. M. Frapolli ne réfutant pas la troisième objection de la p. 420, elle subsiste dans toute sa force. En répondant à la quatrième, M. Frapolli nie un fait reconnu par tous les observateurs qui ont étudié les phénomènes erratiques en Suède. Selon lui, MM. Keilhau, Daubrée, Siljestroem, Bra- vais, Murchison, Durocher, Sclieerer, Desor et Schimper, se sont trompés, avec moi, en disant cpie les rochers étaient arrondis vers l’intérieur des terres, escarpés vers la mer, et en concluant de là que l’agent qui les avait arrondis s’avançait des montagnes vers la mer. Comme c’est un fait de visu , j’en appelle aux voyageurs futurs. Ils décideront aussi la cinquième question (p. 420), qui est également un résultat direct de l’observation. Dans la seconde partie de son Mémoire , M. Frapolli expose, Soc. yéol. , série, tome IV. 75 1186 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. puis réfute lui-même une théorie de M. Weibye, qui attribue, comme M. Eugène Robert, les formes arrondies des rochers de la Scandinavie à l’action des flots. Je n’ai donc point à m’en occu- per. La troisième partie est consacrée à l’exposé de la théorie de M. Eorchhammer. Les observations de ce savant géologue n’ont point été faites eu Scandinavie , mais en Danemark et sur l’île de Bornholm , où les phénomènes présentent une allure différente de celle qu’ils ont sur le continent. Ne les ayant pas observés moi-même , je me contenterai de sou- mettre au célèbre professeur quelques doutes , et de lui demander quelques explications. Sa théorie est la suivante : il pense que les blocs ont été transportés et les rochers arrondis et striés par des glaces flottantes , résultat de la congélation de la mer. Pour expliquer le phénomène erratique de la Scandinavie par les glaces flottantes, résultant de la congélation de la mer , il fau- drait, ce me semble , établir les points suivants , qui me paraissent tous contestables : 1° Que les stries gravées sur les rochers , en Scandinavie , l’ont été par un agent qui marchait de la plaine vers les montagnes ; 2° Que les blocs et le sable entraînés par des glaçons et poussés sur des rivages peuvent strier les roches les plus dures ; 3° Que ces stries sont fines , rectilignes , presque parallèles , et identiques à celles que bruinent les glaciers actuels. En effet, j'ai mis plusieurs fois comparativement sous les yeux de la Société : lü des surfaces polies et striées détachées sous les glaciers actuels; 2 1 des surfaces polies et striées par les anciens glaciers de la Suisse et des Vosges ; 3° des surfaces polies et striées provenant des envi- rons de Christiania et de Faxoe, près de Copenhague. Les stries et le polissage étaient identiques sur ces trois sortes de roches. L’expli- cation de M. Forchhammer devrait embrasser évidemment les Alpes , les Pyrénées , les Vosges , etc. , qui présentent les mêmes surfaces polies que la Scandinavie. Or, dans ces montagnes , les adversaires de l’ancienne extension des glaciers invoquent un agent different , savoir : des torrents boueux , charriant des cail- loux qui ont poli et strié les roches. Il faudrait donc prouver préalablement que les glaciers, les glaces flottantes poussées par la mer et les torrents boueux produisent sur les roches des effets identiques. 4° Une autre circonstance m embarrasse : c’est l’existence , en Scandinavie et en Danemark , de cailloux frottés et rayés dans tous les sens. Ces cailloux ont-ils aussi été rayés par les glaces flottantes? Si l’on répond affirmativement, alors celles-ci produi- SÉANCE Dû 5 JUILLET 1847. 1187 raient, sous ce nouveau point de vue , un effet identique avec celui des glaciers. En un mot, je ne nie point à priori le rôle partiel des glaces flottantes détachées de glaciers ou dues à la congélation de la mer ; je le reconnais dans l'existence des blocs qui recouvrent les césars. Mais , considérant avec MM* de Buch , Elie de Beaumont et IJuro- clier (1) le phénomène erratique comme produit par les mêmes causes générales dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges et la Scandinavie, je répugne à une explication qui ne s’appliquerait qu’à l’un de ces pays et point aux autres De même que les glaciers seuls ne nous expliquent ni les œsars ni les blocs erratiques qui les recouvrent , de même la théorie de M. Forchliammer est inap- plicable au phénomène erratique dans les montagnes, même dans celles de la Scandinavie , où tout montre que l’agent qui a nivelé et strié les roches descendait des sommets vers la plaine. La puissance des glaces flottantes poussées sur le rivage est sans doute fort grande , mais nous n’avons aucune preuve que tous les points de la Scandinavie , depuis 240 jusqu’à 1400 mètres, aient été successivement un rivage à l’époque de la dispersion des blocs. Nous avons même la preuve du contraire , puisque la couche co- quillière déposée antérieurement à cette dispersion s’arrête à 240 mètres au-dessus de la mer. Je terminerai en discutant un fait intéressant rapporté par M. Forchhammer. Un jeune officier danois nommé Ulrich , nau- fragé sur la glace, dans le détroit de Davis, dans l’été de 1846, vit passer plus de 400 grandes îles de glace sans qu’il put y découvrir un seid bloc. M. Forchhammer en conclut que les glaces détachées des glaciers ne transportent que rarement des blocs erratiques. J’ai fait la même observation que M.. Ulrich, en traversant les ban- quises de glaces flottantes dans le premier voyage de la corvette la Recherche au Spitzberg. En étudiant de près les glaciers de cette île, j’ai trouvé la raison de cette absence apparente de blocs erra- tiques. Lorsqu’une portion de glacier tombe à la mer , il arrive de deux choses l’une : ou bien (et c’est le cas le plus fréquent) les blocs sont posés à la surface du glacier, et alors ils se séparent de lui au moment de sa chute et tombent séparément à la mer : ou bien les blocs sont enchâssés dans la glace , mais alors ils ne sont presque jamais visibles. En effet, les sept huitièmes d’une glace flottante étant immergés dans la mer, il y a sept à parier contre un que le bloc sera dans la partie immergée , et par consé- (•1) Voyez Bulletin de la Société géologique , 2e sér. , t. III. p. f 02. 1 1 88 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. quent invisible. Cette probabilité augmente encore si l’on réfléchit que le bloc, en vertu de son poids spécifique, infiniment plus grand que celui du glaçon , tend à le faire chavirer et à occuper sa partie inférieure. Pour qu’une glace flottante transporte des blocs à sa surface , il faut qu’elle se détache d’un glacier sans chavirer, circonstance assez rare , comme j’ai pu m’en assurer dans mes deux voyages au Spitzberg. On trouve néanmoins dans les récits des navigateurs qui ont sillonné les mers polaires de nombreux exemples de blocs trans- portés par des glaces flottantes. Quelquefois ce ne sont pas des blocs isolés , mais des moraines entières qu’une portion de glacier entraîne avec lui en se détachant du reste de la masse. La preuve en est dans 1 exemple suivant que j’emprunte au de Saussure des mers polaires , à Scoresby : « Un grand nombre des glaces flottantes de la baie de Baflin, dit-il (1) , contenaient des couches de pierres et de terre , et quelques unes étaient chargées de rochers formant une couche de grande épaisseur et pesant, comme je m’en suis assuré par le calcul , un million à deux millions de quintaux ( 50,000 à 100,000 tons). L’une de ces glaces flottantes , en parti- culier, était chargée, jusqu’à la hauteur des hunes du navire, d’une telle masse de blocs empilés les uns sur les autres , qu’on apercevait à peine quelques pointes de glace. J’ai recueilli des échantillons de ces blocs qui consistaient en gneiss, diorite, etc. » Ainsi , en résumé , des quantités prodigieuses de blocs sont transportées , même par une seule glace flottante , et quant à celles qui paraissent en être dépourvues , si on pouvait apercevoir les sept huitièmes qui sont immergés , on verrait que souvent des blocs sont enchatonnés dans la partie qui se trouve cachée sous la surface de l’eau. M. Coquand expose brièvement des observations géologiques qu’il a faites récemment sur le Maroc, Description géologique de la partie septentrionale de V empire du Maroc , par H. Coquand, docteur ès-sciences, etc. INTRODUCTION. Les recherches de la commission scientifique et les mémoires des savants géologues qui ont étudié l’Algérie ont déjà établi la série (1) Journal oj a voyage to the northern , fjdiale Fishery , p. 233. 1826. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. il 89 des terrains qui composent le sol de cette partie de F Afrique. Dans un travail publié récemment sur les filons reconnus dans ces con- trées peu explorées (1), M. Burat nous a initiés à la connaissance des lois qui ont présidé à leur formation , tout en nous dévoilant l'a- nalogie qui existe entre ces dépôts métallifères et les conditions que l’on a signalées dans la composition et l’âge des dépôts clas- siques de l’Europe. Grâce à ces précieux documents que la science a enregistrés au nombre de ses conquêtes les plus intéressantes , on possède non seulement des données positives sur la constitution géologique de la partie occidentale du bassin méditerranéen, mais encore on a pu saisir et comparer les traits de ressemblance qui existent entre les montagnes africaines et celles qui leur sont op- posées sur le continent européen , et généraliser de cette manière les notions que nous possédons sur les grandes lois d’ensemble que la nature sait appliquer avec une uniformité si constante à toutes ses œuvres. C’est ainsi que l’Afrique française nous a montré le pro- longement de cette grande formation à Fucoïdes, dont les Apen- nins et les montagnes orientales de la France nous avaient pré- senté de si vastes lambeaux , et ce n’est pas sans quelque surprise que l’on a vu sur un point si éloigné l’identité des caractères mi- néralogiques correspondre à la reproduction des particularités exceptionnelles qui avaient déjà rendu fameux le terrain de ma- cigno et d’albérèse de la Toscane : nous voulons parler des filons métalliques qui , dans la péninsule italienne comme en Afrique , ont pénétré dans ce terme le plus élevé de la formation secon- daire. Cependant , malgré les laborieuses recherches des géologues qui ont pour ainsi dire entamé le continent africain et posé des jalons sur quelques points de sa surface , il reste encore beaucoup à dé- couvrir et beaucoup à faire pour enrichir la science des documents plus complets au moyen desquels on puisse arriver à une formule rigoureuse de classification oryctognostique ; mais un grand pas a été fait et il est juste desavoir d’autant plus de gré aux savants qui parcourent l’Afrique des observations qu’ils nous lèguent, qu’on ne pénètre qu’avec les plus grands dangers et à travers mille ob- stacles dans les régions montagneuses , dont les tribus arabes , gé- néralement hostiles aux Européens, défendent presque toujours l’accès les armes à la main. Je viens à mon tour apporter ma pierre au monument commencé par mes confrères de l’Afrique française, et livrer au jugement des géologues le fruit de quatre mois d’é- (1) Études sur les mines , supplément. Paris, 1846. 1.190 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 /| 7 . tudes faites dans l’empire du Maroc et plus spécialement dans les provinces de Tétuan et de Tanger, dont j’avais la mission d’exa- miner les gites métallifères. Bien que le temps qu’il m’a été donné de consacrer à cette exploration soit insuffisant pour mettre un obser- vateur, quelque zélé qu’on le suppose , en possession de tous les faits relatifs à la constitution géologique de ce vaste empire , sur- tout quand on considère qu’en Barbarie on marche constamment dans des contrées dépourvues de routes et sur lesquelles on n’a pas même l’avantage d’être renseigné par des cartes géographiques même mauvaises, contrées, en un mot, où chaque course est une expédition ; cependant la nature de ma mission , l’appui énergique que j’ai trouvé chez les autorités, la sûreté des guides qui m’ont été fournis par les Maures les plus influents , toutes ces circon- stances m’ont permis de pénétrer dans le cœur même des tribus les plus farouches et de recueillir sur les montagnes qu’ elles oc- cupent les renseignements qui peuvent intéresser la science. Des travaux de recherche que j’ai fait pratiquer sur le filon de cuivre de la vallée de Cuitan et sur celui d’antimoine de Benimzala m’ont aussi singulièrement aidé dans mes études; car. en m’appelant presque journellement sur les districts les plus montagneux de la province de Tétuan, ils me permettaient de constater avec soin la succession des terrains qui se développent depuis la mer jusqu’aux cimes escarpées de Beni-Hassan. Ainsi le sujet de mes études em- brasse à peu près tout le littoral , depuis le détroit de Gibraltar jusqu’à la province d’Oran , et la partie du littoral océanique qui s’étend de Tanger à Larache. On comprendra, sans que je sois obligé d’en faire ici la déclaration , que ma relation ne peut don- ner dans tous ses détails la description des montagnes qui occupent un rayon aussi étendu et qu’elle renfermera par conséquent plus d’une lacune ; mais je me suis appliqué à racheter cet inconvé- nient par de bonnes coupes perpendiculaires et parallèles à l’axe de la chaîne principale et prises sur des points éloignés les uns des autres , de manière à enlacer dans un réseau de coupes la géné- ralité des terrains et à faire servir successivement l’étude de chaque vallée de contrôle à mes observations précédentes. Ce mode d’in- vestigation , peut-être le seul praticable dans des régions habitées par les Arabes, m’a conduit à des résultats généraux dont je peux, sans être taxé de présomption, garantir l’exactitude, car j’ai vu se reproduire dans le même ordre de superposition les divisions que mes premières études m’avaient fait adopter. Je déclare enfin que j’ai apporté d’autant plus de soin et de zèle dans mes explo- rations , que j’étais le premier géologue qui mît le pied sur le sol SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1191 marocain , et que mes recherches, à défaut de tout autre mérite , auraient l'avantage d’étendre jusqu’aux colonnes d’Hercide les notions que nous possédons sur une partie de l’Afrique septen- trionale. Chapitre premier. — Aspect physique de la contrée . Quand on jette les yeux sur la carte de l’Afrique , on ne remar- que à la première inspection , comme traits dominants de sa partie septentrionale , que les deux grandes chaînes à peu près parallèles du grand et du petit Atlas qui , de Tunis au cap Guer au sud de Mogador d’un côté , et de Tunis à Ceuta de l’autre , la coupent dans la direction de l’E. à l’O., ou pour parler plus exactement du N.-E. au S. -O. Cet alignement , qui est aussi celui des Alpes prin- cipales et de la plupart des chaînes montagneuses de l’Espagne , se reproduit au-delà du grand Atlas dans la région Djezoula, dans l’El’hammad , dans le Djebel-Antar et sur la lisière du grand dé- sert de Sahara. Cependant en examinant avec un peu plus d’atten- tion les lignes de faîte et les cours d’eau qui sillonnent l’empire du Maroc, on s’aperçoit bientôt que cette direction générale est con- trariée par d’autres systèmes qui coupent l’Atlas sous des angles variables et qui marchent indépendants de la cause qui a donné à l’Afrique son relief actuel : c’est ainsi que la chaîne du petit Atlas commence à subir une inflexion assez brusque dans le voisinage de Mansour ( province du Rif) , inflexion qui se prolonge en arc de cercle jusqu’aux sommets de la montagne de Djebel-Mousa , où la courbe dessinée s’interrompt brusquement pour former ce fa- meux promontoire que l’on voit se dresser en face de Tarifa , de la baie d’Algeziras et des montagnes de l’Andalousie, dont il n’est séparé en réalité que par le détroit de Gibraltar. Ainsi des hauteurs de Beni-Btouia à Ceuta les arêtes culminantes se courbent insen- siblement vers le nord en parcourant les degrés de la boussole compris entre l’O. et le N. Entre Tétuan et Ceuta l’angle décrit est presque de 90° ; de sorte que cette portion du petit Atlas coupe per- pendiculairement la direction générale de la chaîne. A ce système se rattachent plusieurs chaînons parallèles, qui tels que ceux de Djebel-Mezetalsa , Djebel-Marizan , Djebel-Magran , Djebel - Argan , Djebel-Jazga, Djebel-Jechfeten , se détachent des cimes du grand Atlas en poussant leurs ramifications jusqu’au fleuve Oued-Sbou, bien au-delà deFez ; cette direction^. N. E.-S. S. O. indiquée sur un si grand nombre de points dans l’empire du Maroc et parallèle , comme on le voit , à la chaîne des Pyrénées, SÉANCE El 5 JliLLET JLbA/. 1192 se reproduit dans l’intérieur de l’Afrique et dépasse meme le mé- ridien de Tunis. Nous démontrerons plus tard que la cause qui a imprimé à une portion des montagnes africaines cette direction est liée au soulèvement qui disloqua les couches nummulitiques dont le mont Perdu et les Apennins italiens sont en grande partie formés. Outre ces deux systèmes prédominants , on rencontre aussi quel- ques chaînes qui , comme le Djebel-Guibeleyn, la Djeniha, l’A- duhara , la Miaibiz , ainsi que le bourrelet qui , dans les provinces de Tanger et de Tétuan , sépare les versants méditerranéens des versants océaniques , s’alignent suivant la direction des Alpes oc- cidentales et se confondent même avec elles. Nous avons eu pareil- lement occasion de constater d’autres directions moins nettement accusées et qui se rapportent au soulèvement du nord de l’An- gleterre , à celui de la côte d’Or et du mont Yiso. Dans une es- quisse générale de la contrée , nous devons nous borner à ce simple énoncé, nous réservant d’entrer dans déplus longs développements dans la description particulière des terrains. Mais ce qu’il y a de vraiment remarquable dans les résultats obtenus , c’est que ces in- dications concordent avec l’ordre de succession des formations observées en Europe, et confirment , en en contrôlant l’exactitude, la légitimité des grandes divisions géologiques fondées sur les ca- ractères fournis par les discordances de stratification. Cette tendance des montagnes de l’empire du Maroc à s’éloigner parallèlement à trois directions principales se soutient avec une remarquable harmonie jusqu’aux cimes du grand Atlas , malgré les croisements , les anastomoses fréquentes des systèmes entre eux et les nombreuses variations dévoilées par la boussole. On conçoit d’ailleurs la difficulté , pour ne pas dire l’impossibilité , d’arriver avec toute la précision désirable à une formule applicable à la gé- néralité des faits exprimés dans une contrée si vaste et dont l’ex- ploitation est hérissée de tant d’obstacles. Toutefois , quelque imparfaites que puissent être les observations des premiers géo- logues qui pénètrent dans des contrées inconnues, on ne doit point en accueillir avec trop d’indifférence les résultats, surtout lorsque leurs conclusions tendent à généraliser en dehors de l’Europe mieux connue l’application des lois fondamentales dont l’admirable théorie des soulèvements a doté la science. Abstraction faite du grand Atlas sur lequel nous ne possédons que des documents insuffisants , la portion du Maroc située entre cette grande chaîne et la mer se laisse diviser en trois zones dis- tinctes doi ( l’aspect, la culture et les caractères d’accidentation SÈAÎSUE DU 0 JUILLET 18/|7. 1193 varient suivant la nature et la composition géologique du sol. La première , que nous nommerons la zone littorale , s’étend depuis les côtes jusqu’aux premiers ressauts du petit Atlas dont elle forme les contre-forts septentrionaux : c’est un assemblage de montagnes peu élevées, à formes arrondies et ballonnées, composées de mica- schistes, de pliyllades , de grauwackes , d’anagénites , de grès et de conglomérats rougeâtres La prédominance des couches argileuses et leur alternance avec des bancs d’une consistance médiocre se prête à des désagrégations superficielles , grâce auxquelles les con- tours des montagnes s’émoussent et se recouvrent d’une couche épaisse de terre végétale sur laquelle les tribus arabes ont établi de préférence leurs cultures et leurs habitations ; cependant , lors- que la désagrégation a respecté des couches puissantes de quartzite intercalées dans les schistes argileux , ces couches se dressent alors comme de grands dykes au-dessus des terrains encaissants , et re- lèvent par leurs formes plus âpres la monotonie des lignes environ- nantes. Des exemples d’une pareille disposition se montrent dans les montagnes de Cuitan , entre Sidi-Ali -RifF et Djaritz , dans les plateaux écroulés de Zemzem , entre les fleuves Smir et Nefza (province de Tétuan), dans les environs de JBenimzala et sur plu- sieurs autres points de Beni-Hassan , de Guebara , et d’Orieguan. C’est ordinairement entre les caps formés par les contre-forts expi- rants du petit Atlas que s’étendent les plaines alluviales dont les parties les plus rapprochées de la mer sont couvertes par des eaux marécageuses , tandis que les portions que leur niveau plus élevé place à l’abri des inondations sont converties en vergers délicieux, vrais jardins des Hespérides où les caroubiers , les grenadiers, les palmiers, les figuiers, les jujubiers , les citroniers et les orangers, confondent leurs fruits et se mêlent à des myrtes odorants , à des lentisques et à des lauriers roses gigantesques. La seconde zone occupée par les crêtes montagneuses du petit Atlas dessine les traits géologiques les plus saillants et les mieux définis de la contrée , composée exclusivement de grandes masses calcaires : elle se détache à l’horizon en festons découpés de la ma- nière la plus capricieuse dont le profil prête au paysage des lignes du plus haut style. Les cimes du petit Atlas , dont plusieurs re- tiennent de la neige une grande partie de l’année , reproduisent par l’alignement et la disposition de leurs pics la physionomie majestueuse des montagnes du premier ordre , et elles dominent avec hardiesse les sommités de la première zone qu’elles abritent contre les vents du désert. Dépourvues en général de végétation à cause des débris qui encombrent le lit des ruisseaux et les flancs il9/j SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. des vallées supérieures, ces masses éclairées ne sont pas moins re- marquables par la stérilité de leurs pentes que par l’âpreté de leurs formes. La troisième zone embrasse le vaste espace compris entre le grand et le petit Atlas. A la forme ballonnée des montagnes de la première zone et aux crêtes sourcilleuses de la seconde succèdent des montagnes à contours vagues et mal définis , coupées par des plateaux ondulés et des plaines marécageuses. On dirait une suc- cession sans ordre de coteaux tertiaires perdus entre deux chaînes secondaires. Cette disposition est due à la nature du sol et à la prédominance des couches argileuses délayables dont la décompo- sition détermine la création de frondrières et de ravins profonds que les eaux creusent et comblent alternativement. Ce remaniement continuel des argiles et la propriété qu’elles possèdent de se répan- dre en coulant sur les flancs des montagnes ont fini par en mas- quer les accidents primitifs , en même temps qu’elles ont favorisé le développement d’une végétation vigoureuse sous laquelle la roche vive paraît rarement à nu. Cependant en dirigeant ses ob- servations dans les lits des rivières et des torrents ou sur les fa» laises des côtes comprises entre Tanger et Larache , par exemple , ou bien sur quelques points intérieurs où la présence de couches solides de grès a protégé les argiles sous-jacentes contre les ébou- lements , il est facile de distinguer la nature des éléments miné- ralogiques qui concourent à la formation de ce système , ainsi que leur ordre de succession. Ce sont en général des argiles grisâtres , des calcaires marneux ( albérèse ) et des grès micacés ( macigno ) appartenant au terrain à jucoïclcs et constituant la formation géo- logique la plus étendue de tout l’empire du Maroc ; il paraît en effet se prolonger jusqu’à la base du grand Atlas et envahir une grande portion de l’Afrique septentrionale ; il est bien connu en Algérie par les nombreuses difficultés qu’il a présentées à nos ar- mées , soit pour le transport de l’artillerie , soit pour le mouve- ment des troupes. La troisième zone est la terre labourable par excellence , et elle peut être considérée comme le grenier du Ma- roc ; cependant malgré sa fertilité et la nature du sol si favorable à la production des céréales , il n’y a guère que la centième partie de son étendue qui soit livrée à la culture. Les bas fonds où sé- journent les eaux deviennent des marécages , tandis que la pres- que totalité des montagnes et des coteaux est réduite à l’état de makis, grâce à la coutume qu’ont les Arabes d’abandonner au feu toutes leurs forêts pour les transformer en pâturages. L’esquisse que nous venons de tracer rapidement de la configu- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17* 1195 ration des montagnes de l’empire du Maroc et de leurs directions principales ofïre cela de remarquable et de simple en même temps , que les grandes lignes physiques correspondent aux limites naturelles des formations géologiques avec une si grande précision que la première zone est occupée par le terrain de transition , la seconde parles calcaires jurassiques et néocomiens, et la troisième enfin par le terrain à fucoïdes. Grâce à ces divisions , les recher- ches géologiques dans l’Afrique septentrionale se trouvent singu- lièrement simplifiées et les traits généraux deviennent plus faciles à saisir et à comparer. Le géologue , qui a fait du midi de la France l’objet spécial de ses études, ne peut manquer d’être frappé de la ressemblance qui existe entre les montagnes méridionales du département du Var et le littoral marocain , ressemblance que les mêmes accidents oryc- tognostiques et une végétation à peu près identique rendent en- core plus complète. En effet, la grande bande calcaire qui, depuis le col de Tende jusqu’à la vallée du Rhône , compose le rempart protecteur au-dessous duquel s’étendent les coteaux et les plaines fertiles de Toulon , d’Hyères , de Fréjus et de Grasse , représente la chaîne également secondaire du petit Atlas. Les grès bigarrés de l’Estérel , du Puget, de Cuers , de Solliès , de la Yalette , retra- cent , en en reproduisant la physionomie générale , les caractères des grès rouges des provinces du Rif et de Tétuan : enfin les schistes cristallins des Maures et des environs d’Antibes trouvent leurs analogues , et dans une position semblable , dans la zone lit- torale du Maroc. La découverte que nous avons faite de quelques dépôts de serpentine et de spilite au sein des micaschistes de Ceuta et des grès rouges de la vallée de Cui tan , dépôts si bien développés dans le département du Yar, ajoute encore à l’illusion qui com- plète l’existence dans les deux régions des lauriers roses , des myrtes, des arbousiers, des chênes lièges, des orangers, des agaves américaines et des cactus opuntia . L’ordre que nous suivrons dans la description particulière des terrains que nous avons reconnus dans le Maroc se trouve natu- rellement indiqué par l’ordre même de leur succession. Cette di- vision chronologique est au surplus en harmonie presque parfaite avec la position relative des zones que nous avons précédemment indiquées. Le tableau suivant résume les traits généraux des formations et leurs principales subdivisions. 1106 SÉÀSCE DU 5 JUILLET 18/l7. Terrain de transition. (( a. Schistes cristallins. Silurien. .< b. Grauwackes et quartziles. I [ e. Calcaires fossilifères. * Dévonien. d. Grès et conglomérats rouges. Roches ignées. — Granités. — Serpentines. — Spilites. — et Filons métalliques. ! a. Jurassique. Terrains \ lioo SÉANCE DU 5 JUILLET 1S/|7. et que les angles et les arêtes se détruisent avec plus de facilité , ils prennent en peu de temps la forme de gros blocs roulés. Cependant on observe de distance en distance des escarpements très hardis formés par les assises du macigno dans les montagnes des Oua- drass et qui établissent les lignes de faîte entre les vallées de la Bousfika et de Mgoga. Mais ces escarpements dépassés, la mono- tonie des argiles recommence et ne vous abandonne plus jusqu’au Fundock qui est bâti sur une montagne boisée d’oliviers. Dans le voisinage de ce caravansérail les argiles sont recouvertes par des couches très puissantes d’un calcaire ( albérèse ) bien stratifié et alternant avec des marnes grises, qui, lorsqu’elles sont détrempées par les eaux , forment des passages très difficiles. Les calcaires à leur tour sont couronnés par un système plus puissant encore de macigno dont la physionomie rappelle exactement celle des vallées supérieures des Apennins. Après avoir dépassé le territoire des Benidères , en face du coude de Bousfika, le terrain à fucoïdés vient s’appuyer contre les couches jurassiques de Sempsa , en longeant le revers méridional du petit Atlas, qu’il ne franchit jamais. Les bords de la Bousfika offrent quelques coupes heureuses qui rappellent celles de Tanger, avec les mêmes alternances des argiles , des calcaires et des grès caractérisés par la présence des Fucoïdés. Dans le sentier tracé au-clessus de la rivière on peut recueillir des échantillons cal- caires entièrement pétris de fragments d’Encrines , de Mélonies, de Miliolites, d’Orbiculites et d’autres corps cloisonnés très abon- dants en Italie, et que l’on a presque constamment confondus avec les Nummulites. Entre Fundock et Tanger j’avais aussi ob- servé quelques blocs remplis d’Huîtres et de Gry pliées indétermi- nables , qui en font une véritable lumachelle. Gomme ces blocs n’étaient point en place , je n’ai pu constater leur véritable posi- tion; cependant la vivacité de leurs angles me fait penser qu’ils devaient appartenir à une couche subordonnée dont les affleure- ments auront été emportés dans la débâcle des argiles encaissantes. Le terrain à fucoïdés forme la charpente des régions monta- gneuses qui s’étendent jusqu’à l’axe de la Barbarie proprement dite, c’est-à-dire jusqu’au grand Atlas, en occupant l’intervalle compris entre cette chaîne et celle du petit Atlas. Son prolonge- ment dans les possessions françaises est un fait trop bien démontré pour qu’il soit nécessaire de l’établir ici par des preuves que ne comporte pas notre travail ; d’où l’on peut conclure qu’il recouvre à lui seul les quatre cinquièmes au moins de la portion monta- gneuse de l’Afrique septentrionale qui nous est connue. Soc. géol . , 2e série, t. ÏV. 78 123 Ix SÉANCE Dl' 5 JUILLET 18&7. La présence des Fucoïdei et des Foraminifères dans les argiles inférieures , soit à Tanger, soit à la Bousfika , ne peut laisser aucun doute sur l’âge des couches qui les renferment et sur leur équiva- lence avec le terrain de macigno de l’Italie , qui présente à son tour les mêmes fossiles et occupe la même position. Seulement nous ne connaissons pas en Toscane et dans les Apennins ce déve- loppement excessif d’argiles qu’on a constaté dans le Maroc et dans l’Algérie ; mais en revanche les grès , dans les Apennins , parais- sent s’être développés aux dépens des argiles, et l’on peut dire que l’épaisseur des trois termes qui composent le terrain à fu- coïdes dans l’Afrique n’a rien d’exagéré quand on la compare à la puissance de celui de l’Italie. La direction E. 22° S., O. 22° N., que nous avons relevée sous Tanger, se maintient la même, malgré quelques variations, dans les diverses localités que nous avons eu l’occasion de visiter ; elle affecte en même temps une certaine portion de chaînons situés entre le grand et le petit Atlas, et qui sont tous formés par le terrain à fucoïdes : aussi peut-on dire qu’après la direction des Alpes principales , qui imprime au Maroc ses traits dominants, le soulèvement des Pyrénées est celui qui a influé avec le plus d’é- nergie sur le relief de cette partie de l’Afrique. La position de terrains à fucoïdes a donné lieu dans ces der- nières années à des contestations très vives , et la discussion conti- nue aujourd’hui encore , malgré les travaux spéciaux MM. Savi et Pilla. On sait que ce dernier géologue , dans la première partie de son Mémoire sur le terrain étrurien , considérait le macigno et l’albérèse , qui constituent, à proprement parler, le terrain à fu- coïdes, comme l’équivalent du terrain épicrétacé de M. Leymerie : cette assimilation n’était pas rigoureuse , car il est incontestable que les grès à fucoïdes , dans les Pyrénées , et notamment à Gensac et à Villeneuve de Lécussan , forment un étage inférieur aux Nummulites des Corbières ; il y a plus, les fossiles que l’on avait pris pour des Nummulites dans le macigno de la Toscane ne sont pas de vraies Nummulites , mais bien des Foraminifères voisins des Lenticulites. Plus tard , AI. Pilla observa au-dessus des grès à fucoïdes , dans le Massétano et dans la vallée supérieure du Tibre , un système de grès particulier qui ne se rencontrait qu’^xception- nellement en Italie , et dont il fit , dans un supplément à son tra- vail, son étage supérieur du terrain étrurien. C’est le même système que j’avais déjà reconnu en 18à5 dans les Apennins bolognais, et dans lequel j’avais recueilli des Nummulites et des Turbinolies. M. Pilla alors, au lieu d’assimiler le macigno et l’ai- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. 1235 bérèse à fucoïdes au terrain des Corbières, comme il l’avait précé- demment établi , ne le fit que pour ce nouvel étage, et il proclama son équivalence avec les couches à Nummulites du Vicentin, des envi- rons de Nice et de Alpes maritimes. .Te me trouve parfaitement, d’accord avec mon savant ami pour cette concordance ; je me per- mettrai seulement de lui contester l’exactitude de la détermination d’une Huître très abondante dans cet étage supérieur, et qu’il a considérée comme la Gryphœa coliimbci. Il n’y a qu’à examiner les figures qu’il en donne pour reconnaître l’erreur dans laquelle il est tombé. Je remarque que des méprises de ce genre sont d’autant plus fâcheuses dans des discussions délicates que l’on a projet de résoudre par les arguments paléontologiques, que la fausse appli- cation de ce caractère jette de la défaveur sur tout ce qu’un travail consciencieux peut renfermer d’utile. Ainsi, en admettant sans preuves suffisantes que l’étage à Nummulites du Yicentin renferme la Gryphée colombe , on a l’air de préjuger par l’existence de cette coquille, si éminemment caractéristique du grès vert, l’ori- gine crétacée de l’étage contesté. Comme l’empire du Maroc ne renferme point les couches à Nummulites supérieures aux grès à fucoïdes , je ne m’occuperai que de ces dernières , que je considère comme représentant la craie supérieure. Je me fonde en premier lieu sur leur position incontestable au-dessus des grès verts et au-dessous du terrain épi- crétacé , comme on l’observe dans le Massétano et ailleurs , et, en second lieu, sur la valeur de leurs fossiles, parmi lesquels je citerai le Hamite et Y Ammonite découverts par MM . M icheli et Pentland dans le macigno des environs de Florence, où il n’existe réelle- ment que le terrain à fucoïdes. Si à ces considérations on ajoute les inductions tirées de la présence des gîtes métallifères, très nom- breux en Europe comme en Afrique , nos conclusions se trouveront corroborées par des arguments qui , quoique moins absolus que les premiers , sur lesquels nous nous sommes fondé , ont cependant une portée dont il faut savoir tenir compte. Chapitre cinquième. — Terrain tertiaire. Ce que nous avons à dire sur le terrain tertiaire se réduit à quel- ques indications que nous rendrons aussi courtes que possible , afin de ne pas surcharger ce mémoire de détails fastidieux qui n’a- jouteraient rien à ce que l’on connaît de cette formation Nous dirons de plus que nos observations se bornent à la vallée de la Bousfika : nous avons bien eu l’occasion d’en examiner quelques. î‘236 SÉANCE BU 5 JUILLET 18/(7. lambeaux sur d’autres points , mais les traits de ressemblance qu’ils ont avec ceux des environs de Tétuan nous dispenseront d’en exposer les particularités. Nous avons reconnu que les terrains tertiaires se divisent en trois étages , dont les deux premiers appartiennent à la période pliocène la plus récente, et peut-être même au diluvium. Premier étage. — Il consiste en un assemblage de marne, de calcaire blanchâtre et d’argile qui forme la base de quelques co- teaux tque l’on observe au milieu de la plaine de la Bousfika , et qui servent d’intermédiaire entre la plaine et les ressauts des montagnes secondaires. En se rendant de Tétuan à Tanger ou dans le Rif, on les traverse également, et, malgré les argiles qui en masquent le plus souvent les accidents , il est possible parfois de les surprendre dans les fondrières ouvertes au milieu d’elles. Les fossiles que l’on observe dans les calcaires marneux , les seuls qui résistent un peu, sont des Cyclades, des Paludineset des Planorbes. À mesure qu’on se rapproche des escarpements secondaires qui , de chaque côté de la Bousfika, dominent hardiment les monti- cules tertiaires , on aperçoit intercalés dans les argiles dont la cou- leur passe du jaune au rouge vif, des bancs de poudingues et de brèches dont la puissance va en croissant, et qui, sous Sempsa et sur les bords de la rivière , forment des masses considérables que l’on ne peut mieux comparer qu’à leurs analogues du Tholonet , près d’Aix. Si le ciment argileux est d’origine tertiaire , les frag- ments empâtés appartiennent exclusivement aux calcaires et aux dolomies jurassiques du voisinage. Je crois avoir démontré dans la description que j’ai insérée dans mon Cours de géologie ( Aix , 1839, p. 211 ) le mécanisme qui a présidé à F origine de ces dé- pôts remarquables. Cette explication s’appliquant aux brèches de Tétuan, je ne saurais mieux faire que de transcrire ce que j’en écrivais. « Les chaînes secondaires ont déterminé la forme des lacs au » fond desquels se déposaient les couches tertiaires. Les eaux des » lacs ainsi limités ont dû nécessairement exercer leur action éro- ►> sivesur les bords qui les contenaient, et tous les fragments dé- » tachés et remaniés en se mêlant aux argiles rouges constituaient » un dépôt littoral de poudingues et de brèches , tandis que le » fond se comblait, à la suite de précipations chimiques , d’autres » matériaux. » Deuxième étage. — Aux brèches et aux calcaires lacustres suc- cèdent en concordance de stratification les molasses marines carac- térisées, comme dans le midi de la France, par des Gompholites, SÉANCE DU 5 JUILLET 184'". 1237 des grès effervescents et des calcaires empâtant des débris de co- quilles marines. Ces molasses s’appuyent sur les flaucs méridionaux de Djebel-Dersali , en se moulant, suivant des lignes onduleuses , dans les dépressions préexistantes. Ces lignes représentent le lit- toral de la mer tertiaire dont les contours sont aussi indiqués par les perforations dePliolades que l’on voit dans la roche jurassique. On y remarque des valves ô! Huîtres , des moules de la Perna Sol- dam , le Clfpeaster al tus , le Pecten latissimus , des Spondyles et d’autres fossiles que l’on retrouve également dans la molasse moyenne du bassin méditerranéen. Le second étage forme une bande parallèle à la vallée de la Bousfika , et il s’étend le long de la fracture qui a divisé la chaîne du petit Atlas dans toute son épaisseur, ce qui démontre que cette rupture dans laquelle s’est engouffrée la mer tertiaire est antérieure à la période tertiaire. Une portion de la ville de Tétuan est bâtie sur la molasse. Le jar- din de l’empereur, le marabout et le chemin de Tanger sont au- tant de jalons dont l’étude vous dévoile les divers accidents de ces grès littoraux (voyez fig. 10). Les couches sont fortement redressées et elles se dirigent N. 22° E. , S. 22° O. Cette direction ne diffère pas sensiblement de celle des Alpes occidentales qui est N. 26,J E. , S. 26° O. et qui af- fecte aussi le terrain de molasse des Alpes de la Suisse et de la Provence. Le Maroc , principalement dans les montagnes trans- verses qui suivent le cours du fleuve Mlouia , présente de nom- breuses traces de cette dislocation. La régence de Tunis possède aussi un système de montagnes dont l’alignement parallèle à la direction des molasses de Tétuan offre des indices non équivoques de participation à ce même, mouvement. Troisième étage. — Au-dessous des coteaux tertiaires marins s’étend au-dessous de Kellallinn un vaste manteau d’argiles rouges ou jaunâtres, mélangées de quelques débris remaniés , dont les couches peu distinctes , mais indiquées par une coloration diffé- rente , sont horizontales. C’est au milieu de ces argiles dont la sur- face est recouverte par des bruyères ou des eaux marécageuses que les ruisseaux qui se précipitent du Djebel-Dersali se sont ou- verts des lits profondément encaissés. ÎNous avons été très embar- rassé , et notre embarras subsiste encore , pour assigner leur véri- table place à ces vastes dépôts argileux. Sont-ils réellement tertiaires ? Pourraient-ils être assimilés à des dépôts analogues et parfaitement horizontaux que l’on rencontre dans le midi de la France et notamment dans les environs de Marseille? ou bien se- raient-ils le représentant du diluvium ancien , qui , après le sur- 1238 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Û7. gissement des Alpes principales aurait encombré les vallées infé- rieures? Ces diverses questions que nous nous sommes adressées n’ont pu trouver une solution satisfaisante dans les éléments que nous avons recueillis. Il nous a paru résulter seulement de leur position peu élevée par rapport au niveau de la mer, qu’ils ont été déposés dans un lac , mais nous n’oserions pas affirmer qu’elles sont parallèles aux couches sub-apennines. Nous exprimerons le même doute pour un dépôt de sables argileux jaunâtres que l’on observe au-dessous des batteries de Tanger, et qui repose sur le terrain à fucoïdes. Je laisse aux savants qui viendront après moi ce point de géologie à étudier ; car j’avoue que je n’ai pu bien saisir ses rapports et la place qu’il doit occuper dans l’échelle des formations. Le relief actuel de l’empire du Maroc n’est pas dû précisément à la catastrophe qui a disloqué les molasses : j’ai eu occasion de re- marquer dans la province d’Oran des terrains tertiaires sub-apen- nins soulevés et dont le redressement , par conséquent, se rapporte à celui des Alpes principales. Les montagnes alignées suivant la direction de ce système , que l’on doit considérer comme le plus général et le mieux exprimé , sont justement celles qui , par leur parallélisme et leur étendue , impriment à l’ Afrique septentrionale le cachet de grandeur et de simplicité qui en fait en même temps un de ses traits dominants. C’est , en effet , dans le grand et le petit Atlas , ces deux colosses rivaux , que l’on voit la direction S. -S. -O., N.-N.-E. prédominer sur un si vaste rayon , que les autres di- rections s’effacent pour ainsi dire devant elle. Cette catastrophe a terminé pour cette portion de l’Afrique la série des événements violents qui ont tourmenté la surface du globe , et rien ne dé- montre que le relief du sol ait éprouvé depuis de nouvelles per- turbations. Chapitre sixième. — Formations modernes. Les formations modernes consistent en tinvertins , en brèches osseuses et en fer des marais. g je, Travertins. Les rivières qui prennent leur source dans les montagnes calcaires, ou qui tes traversent dans leur parcours , jouissent de la propriété de dissoudre dans une proportion variable du carbonate de chaux dont elles se dépouillent en partie avant de se jeter dans la mer. Les SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1239 dépôts qu’elles forment consistent en des encroûtements à structure spongieuse et tufacée, que l’on observe surtout à l’entour des res- sauts que franchissent les eaux , et où l’évaporation plus rapide accélère la précipitation des molécules calcaires. Il serait sans in- térêt de décrire ici les diverses localités où de pareilles incrusta- tions s’opèrent , puisqu’il faudrait alors décrire les bords de tous les ruisseaux ; mais il est utile d’établir une distinction entre les travertins modernes et les travertins anciens. Ces derniers occupent une position beaucoup plus élevée sur les flancs des vallées , et se montrent avec une puissance qui souvent dépasse une vingtaine de mètres. Les gisements classiques à signaler sont les vallées de la Bousfika et de Cuitan. La ville de Tétuan est bâtie en grande partie sur des travertins qui sont éloignés aujourd’hui de deux kilomètres au moins de la Bousfika , et qui forment à leur terminaison , vers l’E. , des escarpements verticaux que l’on a utilisés pour la défense de la place. Ces travertins sont là ce qu’ils sont en Italie , c’est-à- dire des masses énormes d’un calcaire grisâtre carié et tubuleux, reposant indistinctement sur tous les terrains et même sur des amas de cailloux roulés que la rivière avait autrefois charriés , ce qui dénote qu’à cette époque la Bousfika coulait sur un plan élevé de 12 à 15 mètres au-dessus du lit qu’elle occupe aujourd’hui. Bien qu’il soit difficile de distinguer des couches distinctes dans le pla- teau qui s’étend à l’ouest de la ville , cependant on observe dans quelques lignes grossières de séparation , qui le divisent en tran- ches parallèles , les effets successifs de la sédimentation , et même quelques temps d’arrêt dévoilés par l’alternance plusieurs fois ré- pétée de sahles et de graviers; d’où l’on doit conclure qu’à la pré- cipitation chimique du calcaire succédaient par intervalles des charriages passagers de matières meubles dus à la crue des eaux. Les Arabes ont profité de cette circonstance pour creuser dans ces graviers des tanières où ils renferment leurs bestiaux et où souvent même ils vivent en famille. Les seuls fossiles que j’y ai observés consistent en des Hélix , dont la forme se rapproche beaucoup de celles qui vivent encore au- jourd’hui dans le voisinage, et en des incrustations de plantes et de feuilles, parmi lesquelles j’ai reconnu des débris de Chamerom humilis , palmier très abondant dans l’Afrique septentrionale. Si les travertins de la vallée de la Bousfika sont les plus impor tants, à cause de leur développement prodigieux, les travertins de la vallée de Cuitan sont plus intéressants par la manière dont ils sont disposés et par le mécanisme qui a présidé à leur formation. La rivière de Cuitan descend des montagnes néocomiennes de 1240 S£A>LE Dl 5 JULLET 1847. Djaritz . et coule dans une dépression profondément encaissée , et qui n’est autre chose qu’une vallée d’écartement ouverte dans le terrain de transition , et dont la direction est à peu près perpen- diculaire aux crêtes de la chaîne principale. A partir du gué de Sidi-Ali-Riffi jusqu’au coude que fait le Cuitan , presque en face du douair de Djaritz, c’est-à-dire sur un rayon de 3 kilomètres environ , cette partie de la vallée est barrée par une série de gra- dins étagés en retrait les uns au-dessus des autres , de manière à reproduire , mais en grand , la disposition intérieure d’un amphi- théâtre romain. Ces gradins sont composés d’un travertin généra- lement assez solide , quoique très tubuleux , et sont séparés par des plates-formes peu étendues , dont le regard ne peut saisir l’en- semble quand on les considère de la base du système. Mais vues d’un point dominant et à vol d’oiseau , elles ressemblent à autant de petits golfes surmontés par autant de petits promontoires. Les eaux pluviales , en y amenant quelques terres . ont permis de les utiliser pour l’agriculture ; mais l’industrie en a tiré un parti plus avantageux en convertissant les ressauts brusques que chaque ligne de gradins forme au-dessus des plates-formes inférieures en autant de cascades qui mettent en mouvement une foule de mou- lins. J’ai compté jusqu’à vingt- trois de ces barrages étagés dont le surplomb, uniforme pour chacun d’eux pris isolément , varie entre les limites extrêmes de 1 à 8 mètres. Les eaux de Cuitan ont uni par s’ ouvrir un passage à travers les tufs jusqu’à la rencontre des terrains anciens, et il est résulté de ce travail une vraie vallée d’érosion dominée sur ses deux flancs par des terrasses sciées ver- ticalement par la rivière même. Lue autre particularité assez curieuse consiste en la reproduction du même phénomène dans le lit de Cuitan au-dessous des escarpements anciens. Les eaux dé- posent, dans les espaces où elles peuvent s’étendre et se tenir en repos dans des flaques, du carbonate de chaux dont l’épaisseur s’accroît par des précipitations successives et constitue des bourre- lets , lesquels , la flaque une fois disparue , donnent naissance aux formes gradinées dont les dépôts anciens offrent de si beaux exem- ples : or, ces derniers n’ont pas d’autre origine , et l’explication se trouve toute écrite dans ce qui s’accomplit aujourd’hui. 11 n’existe réellement de différence que dans l’échelle de proportion , suivant laquelle les uns et les autres ont été formés. Ou conçoit de cette manière que , dans les moments de crue , les eaux recouvrent avec la plus grande facilité les bourrelets qui sont en voie de formation et qu’ elles s’épanchent en cataractes superposées. Dans les temps anciens , ces cataractes barraient la vallée entière , tandis qu’ac- SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1241 tuellement elles sont limitées au lit même que la rivière s’est creusé dans les travertins. Il est utile de s’initier par une étude sérieuse à la connaissance du mode de formation de ces travertins pour échapper aux erreurs dans lesquelles vous entraînerait l’illusion, lorsque pour la première fois on se trouve en face de ces amphithéâtres naturels. Comme la plate-forme de chaque gradin vient se souder exactement contre la base du gradin qui la domine immédiatement, cette juxta- position fait naître l’idée d’une superposition réelle, idée qui ten- drait à faire admettre la sédimentation successive de chaque étage , et attribuer au dépôt une épaisseur énorme , qui serait la somme de tous les gradins réunis , tandis qu’en réalité tous les gradins ayant été déposés simultanément , mais dans des bassins placés à divers niveaux, la puissance du dépôt ne dépasse pas 16 mètres, cette mesure s’appliquant aux escarpements les plus élevés que j’aie pu observer. Les travertins renferment, outre beaucoup d'Hélix , une Méla- twpsie qui vit en grande abondance dans les eaux de Cuitan , et que je crois être la M. buccinoïdes ; on peut dire que l’incrustation est déjà opérée en partie avant la mort de l’animal , car leur co- quille est constamment recouverte , dans les individus adultes , d’une couche très épaisse de calcaire. Outre ces travertins, que l’on peut appeler travertins d’eau douce par excellence, j’ai observé à l’embouchure des rivières quelques dépôts de même nature , mais qui contenaient les co- quilles marines que la mer rejette sur la côte , et parmi lesquelles dominent les Cardium , les Pectuncidus , les Ostrœa et des valves de la Panopœa Faujasii. Avant d’être engagées dans la roche , ces coquilles ont été en grande partie usées par le frottement , car il est difficile d’en rencontrer une dont les deux valves soient unies. Le plus souvent aussi elles sont réduites à l’état de fragments arrondis et granuli formes. Elles sont empâtées dans une roche calcaire, mais tellement pénétrée de sables et de graviers , et même de cail- loux , qu’elle ressemble plutôt aux molasses tertiaires qu’à un dépôt contemporain. La présence de ces animaux marins et des sables dans ces travertins est facile à expliquer. Le vent d’E. qui souffle avec assez de violence et de constance dans ces parages élève , à l’embouchure des ruisseaux et des rivières , des barrages provenant de l’accumulation des sables , derrière lesquels les eaux forment des flaques plus ou moins étendues , dont le niveau est élevé de 1, 2 ou 3 mètres au-dessus de celui de la mer. Ces eaux , se débarrassant alors du carbonate de chaux qu’elles tiennent en 124*2 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. dissolution, empâtent les coquilles, les galets et les sables que les vents ouïe flot de mer ont poussés jusque dans ces flaques , en don- nant ainsi naissance à une roche arénacéo-calcaire , dans laquelle , malgré leur extrême abondance, les coquilles et les sables ne jouent qu’un rôle purement accidentel. Le volume des éléments sableux introduits dans ces formations d’eau douce est en rapport direct avec l’éloignement du dépôt de la côte , c’est-à-dire que les grains sont d’autant plus fins que l’on étudie les travertins plus en amont des rivières , ce qui indique évidemment que les vents seuls ont pu les chasser dans l’intérieur des terres ; car une fois qu’on a remonté les cours d’eau à 3 ou 400 mètres de leurs embouchures , les travertins sont entièrement privés de particules sableuses et ils reprennent les caractères géné- raux que nous leur avons reconnus dans les vallées montagneuses. Cependant cette loi souffre une exception qui justifie l’explication que nous venons de donner ; elle consiste dans la disposition de ces mêmes éléments , mais dans un ordre inverse que l’on remar- que dans les travertins qui se sont précipités entre la ligne du lit- toral , quand la mer est calme , et la limite extrême du bourrelet caillouteux formé à une certaine distance du rivage par le flot de mer au moment de ses plus grandes agitations. Comme les vagues, en déferlant sur la côte , ont la propriété de pratiquer une espèce de triage mécanique de tous les matériaux qu’elles roulent, les corps les plus volumineux sont chassés le plus en avant et forment les arêtes culminantes du bourrelet dont nous avons parlé , tandis que les flots successifs, à mesure que la furie de la mer se calme, dé- posent à sa base d’autres bandes de matériaux dont le volume et la densité vont graduellement en décroissant. Ces crêtes deviennent alors une ligne bien nette de séparation entre les effets créés par l’action des eaux et celle des vents qui opère dans un sens diamé- tralement opposé et produit cependant des résultats analogues voyez fig. 8 et 9 ) . Lorsque, par suite d’un barrage formé plus près du rivage , une de ces moraines marines est envahie par une rivière incrustante , les matériaux qui les composent se recouvrent d’un dépôt plus ou moins puissant de ces calcaires arénacés et pétris de coquilles , de sorte que l’ensemble acquiert une épaisseur de plusieurs mètres , en usurpant les caractères d’un dépôt marin plus ancien. Mais son étendue circonscrite à l’embouchure des rivières et la conservation du test des coquilles renferment son importance dans ses véritables limites, en démontrant que l’on n’a affaire qu’à des dépôts locaux, lesquels , malgré les circonstances curieuses qui les caractérisent , SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1243 ne sont qu’un épisode de la formation des travertins. On concevra facilement la possibilité d’une précipitation plus abondante et plus régulière du carbonate de cliaux sur le rivage que dans les autres régions parcourues par les rivières , quand on réfléchira que les cours d’eau de peu d’importance , connue le sont en général ceux que l’on observe sur le littoral marocain , sont ordinairement barrés à leur embouchure par des dunes et par des amas de galets derrière lesquels les eaux composent de petits lacs et des étangs. Entre Ceuta et Kastorf , on aperçoit à l’embouchure d’un torrent qui descend de l’Angera des vestiges de construction dont l’âge remonte probablement à l’époque de l’occupation portugaise. Une partie de ces fondements est recouverte par un travertin grési- forme analogue à ceux que nous avons précédemment décrits. Il serait par conséquent très possible qu’il renfermât quelque objet de l’industrie humaine ou quelques débris de poterie qu’on ob- serve quelquefois sur les côtes. Pour peu que ces objets eussent été portés par les flots ascendants à une hauteur de 2 ou 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qu’ après avoir été empâtés par des travertins d’embouchure les rivières qui les ont déposés eussent subi un déplacement considérable , comme on le remar- que si souvent sur les côtes sablonneuses , certains géologues n’au- raient pas manqué d’attribuer à la mer ces dépôts que l’on suppo- serait avoir été soulevés postérieurement par une cause quelconque et qui constitueraient ces terrains quaternaires dont on a cité des exemples sur les bords de la Méditerranée. J’ai eu le temps d’é- tudier avec beaucoup de soin le littoral toscan , et notamment les alentours de Popolonia , en face de l’île d’Elbe; mais j’avoue que dans les bancs épais de grès calcarifères qui bordent la côte je n’ai jamais reconnu que la molasse marine ( panchina des Italiens) qui couronne les marnes sub-apennines et que l’on suit sans inter- ruption depuis la mer jusqu’aux montagnes de la Castellina et de Riparbella , où elle atteint une hauteur de plusieurs centaines de mètres, en conservant dans toute ses parties des fossiles exclusive- ment sub-apennins. A présent il se peut très bien que les nombreux ruisseaux qui se déchargent dans la ligne du littoral , comprise entre Piombino et Livourne , et dont l’embouchure est ouverte au milieu de ces grès tertiaires que les érosions de la mer décou- pent et dénudent dans tous les sens , que ces ruisseaux, dis-je, aient déposé dans la panchina même , avec le carbonate de chaux qu’ils tenaient en dissolution , des grès ou des graviers arrachés aux molasses ainsi que les fragments de poterie qu’ils auront entraînés dans leur course. C’est du moins ce qui se produit dans le Voi- SEANCE DU 5 JUILLET iS!l7 . im smage du fort de Torre-Nuova , au N.-O. de Popolonia, où les eaux de Caldana se jettent dans la mer. Ce ruisseau , à son em- bouchure, s’est creusé dans la pancliina sub-apennine un lit très profond et très étroit. Or, ces eaux forment sur les bords de la mer des encroûtements qui diffèrent minéralogiquement d'autant moins de la molasse qu’ils sont , pour ainsi dire , composés à ses dépens. 3Iais ces dépôts insignifiants sont limités à l’embouchure dui^o^o- Calclo , tandis que la pancliina essentiellement marine constitue un plateau qui , sur la côte , s’élève jusqu’à 12 à 15 mètres, en s’avançant dans l’intérieur des terres jusqu’aux premières rampes montagneuses du Campigliais. Aussi M. Savi , auquel on doit la description de ces grès qu'il regarde comme quaternaires, est-il obligé, pour expliquer leur position vraiment extraordinaire au- dessus des côtes , de supposer que les eaux de la mer actuelle à la- quelle il en attribue l’origine jouissaient non seulement de la propriété incrustante au-dessous de sa surface , mais encore d’é- tendre cette propriété aux éclaboussures des flots , qui , dans les gros temps , auraient fourni le carbonate de chaux par lequel auraient été agglutinés les coquilles et les graviers que l’on observe au-dessus du rivage. Cette hypothèse entraîne, comme conséquence nécessaire , l’application du même principe aux pan- china du lac de Rimigliano qui sont la continuation de celles de la côte , ainsi qu’aux pancliina de la Toscane entière. Alors une ob- jection puissante vient heurter de front cette explication : elle est puisée dans la stratification et le redressement uniforme de leurs couches. Voudrait-on invoquer, pour justifier leur position , un soulèvement lent et progressif, comme on l’a constaté sur les côtes de la Scandinavie? Outre que cette supposition, en admet- tant même qu’elle rendît compte d’un fait local , devrait s’appli- quer également aux pancliina de la Castellina et du Yolterranno qui sont portées à une hauteur de 545 mètres , il serait nécessaire de fixer l’époque de leur soulèvement après l’établissement des sociétés humaines, à cause des fragments de poterie rencontrés dans les terrains en question ; mais la stabilité des ruines de Popolonia , la route Emilia , la porte Vecchio de Piombino sont là pour at- tester que depuis l’établissement des Etrusques dans ces contrées aucun déplacement ne s’est opéré dans le niveau des mers. On voit donc que l’appréciation de ce fait général est du domaine de l’histoire des formations sub-apennines (1). (1) Un puits que j'ai fait ouvrir dans les marbres de Campiglia a suivi jusqu’à la profondeur de 43 mètres une fissure de 3 centimètres SÉANCE DU 5 JUILLET I8/j7. 1245 l’ai été entraîné dans cette digression un peu longue par la nature même de mou sujet; car, comme je traite ici d'un terrain contemporain se déposant sur les bords de la Méditerranée, j’ai pensé que l'étude du mode de sa formation pouvait servir utile- ment l’étude des terrains analogues qui se sont établis sur d’autres points. Comme , d’un autre côté , sur la vaste plage qui s’étend de Ceuta au cap Négro et sur les autres ligues littorales du Maroc que j’ai eu occasion d’examiuer, je n’ai jamais rencontré les mo- lasses marines, et que par conséquent toute confusion entre des grès anciens et des grès plus modernes est impossible, je n’ai pu me méprendre sur les vrais caractères de ces travertins d’embou- chure et sur les conséquences qu’on peut tirer de leur position au-dessus du niveau de la mer. C’est aussi de cette manière que je comprends et que j’explique, au milieu des panchinas sub- apennines et littorales de l'Italie , la présence de fragments de po- terie que l’on y a observés. Je terminerai par une dernière remarque ce que j’avais à dire sur les travertins littoraux : c’est qu’ils ne s’écartent jamais des cours d’eau qui leur ont donné naissance ; du moins quand on en rencontre plusieurs lambeaux à l’embouchure d’un fleuve, ils cor- respondent aux diverses embouchures que ce fleuve s’est ouvertes au milieu des sables mouvants. On se rendra pareillement compte de leur épaisseur, comparativement plus grande , quand on réflé- chira que sur les bords de la mer le carbonate de chaux a la faculté d’agglutiner des sables et des graviers qui augmentent d’autant leur volume , tandis qu’en dehors des côtes le calcaire se dépose sans mélange. environ. Cette fissure était remplie par un limon argileux assez dur, mélangé de calcaire stalactitique ; mais avec ces limons avaient pé- nétré quelques fragments d'amphibole et d’ilvaïte provenant de dé- blais anciens placés au-dessus du puits. En examinant au jour quel- ques échantillons recueillis à la profondeur d'une quarantaine de mètres, j'ai reconnu parmi les corps qui avaient engorgé cette fente un débris de poterie étrusque. Certainement si un fait pareil eût été constaté dans la panchina du Livournais , où il aurait pu se produire avec plus de facilité qu’à Campiglia , à cause des crevasses nom- breuses que l’on observe sur les bords de la mer, il eût été bien difficile, pour ne pas dire impossible de distinguer de la panchina le calcaire limoneux introduit postérieurement , et alors on eût pu consi- dérer comme très moderne un terrain que ses fossiles et sa position rapportent à l’étage des marnes sub-apennines. — J'ai cité cet exemple pour prouver comment quelquefois des faits bien constatés peuvent cependant entraîner dans des erreurs involontaires. 1248 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. § 2. Brèches osseuses. Les descriptions que nous possédons des brèches osseuses des bords de la Méditerranée nous dispenseront d’entrer dans de longs détails sur le gisement que nous en avons découvert dans les envi- virons de Tétuan. La forteresse qui couronne les murs de cette ville est assise sur la partie inférieure du terrain jurassique qui , dans le Djebel-Dersah , est composée de dolomies noirâtres très cristallines. A 300 mètres environ du pied de la forteresse , en se rendant en ligne droite vers le chemin d’Angera , les bancs dolo- mitiques se redressent presque jusqu’à la verticale en laissant dans leur intervalle un espace vide , produit par la désagrégation. Ce travail a donné naissance à des surfaces très raboteuses et surtout à une infinité de sillons à peu près parallèles , dominés par des escarpements que les parties de la montagne restée en place for» ment au-dessus d’eux. Ce sont justement ces sillons qui ont été engorgés par un calcaire stalactitique souillé d’argile jaunâtre ou rougeâtre. Quelquefois ce calcaire est pur, à cassure conchoïde , éclatant sous le marteau en écailles très nettes et avec un bruit sonore t il est alors un peu rubané et les zones sont indiquées par des lignes roses. Rarement il est cristallin : des bancs enfin constituent des brèches à gros éléments dans lesquels on distingue les dolomies du terrain encaissant, les calcaires , les phyllades, les grès rouges et des fragments de quartz , que les éboulenïents et les eaux auront entraînés du voisinage et qui auront été saisis par le calcaire incrustant. C’est au milieu de ce calcaire que j’ai découvert des fragments d’ossements emprisonnés , sans qu’il m’ait été possible de détacher aucune pièce qui m’ait permis de reconnaître à uelles espèces de mammifères ils avaient appartenu. Il aurait fallu pour cela enlever des blocs plus volumineux que ceux que j’ai pu me procurer avec mes marteaux ; mais une opération de ce genre , exécutée dans les environs d’une ville arabe, aurait entraîné des inconvénients très graves , et il aurait été téméraire de tenter l’entreprise. Avec ces ossements on rencontre des Hélix dont la conservation est si par- faite que l’on peut en déterminer les espèces avec la plus grande exactitude ; car, bien que la fossilisation n’ait pas respecté le test , cependant le calcaire qui s’est moulé dans les cavités occupées par les coquilles a si bien conservé les détails de leurs caractères ex- térieurs, que l’on y reconnaît sans peine les Hélix lacteu, Lapicida , naticoïdes , erycina , etc., toutes espèces qui vivent encore sur la iU7 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Û7. localité et dont les débris enfouis dans le calcaire stalactitique indiquent le peu d’ancienneté du dépôt. L’intérieur des coquilles est généralement rempli par du carbonate de chaux blanc , lamel- laire et géodique , ainsi qu’on l’observe pour des fossiles des ter- rains anciens. § 3. Fer limoneux des marais. L’espace compris entre les cabanes de Gheroura, au S. de Rastorf , et les contre-forts expirants du terrain tertiaire de Kellal- linn, est envahi par les eaux et converti en grande partie en marécages. Le fond de ces marais est couvert d’un encroûtement de fer liydroxydé , qui y est laissé par les eaux qui y arrivent chargées de principes ferrugineux. Outre les variétés terreuses ou compactes qui y prédominent, on y observe aussi des couches entièrement formées de pisolithes de la grosseur d’une chevro- tine , libres ou adhérents les uns aux autres et agglutinés par le sable que les vents chassent des dunes voisines. Ce dépôt atteint sur quelques points la puissance de 75 centimètres ; mais le fer y est souillé de tant de matières terreuses, qu’il est fort douteux qu’on puisse jamais en tirer un parti avantageux. CONCLUSION. Me voici arrivé à la fin de ma tâche : on trouvera peut-être à critiquer dans un travail qui, embrassant un sujet si vaste, a, avant tout, besoin d’indulgence. J’espère qu’on me tiendra compte de mes efforts et de ma bonne volonté , si surtout on veut bien ne pas oublier qu’une excursion géologique dans le Maroc est une expédition périlleuse qui réclame du courage et de la per- sévérance ; mais elle offre aussi sa gloire. La seule qu’il me soit permis d’ambitionner et que je désire attacher à mon œuvre , c’est d’avoir servi utilement les intérêts de la science , en lui ouvrant un champ jusqu’ici inexploré. RÉSUMÉ. Le Maroc nous a présenté cinq grandes formations géologiques qui sont : 1° La formation de transition composée de quatre étages dis- tincts , dont les deux premiers , caractérisés par les schistes cristal- lins et les grauwackes , représentent le silurien inférieur ; le troi- SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1*2 A 8 sième, par des calcaires à Orthocèrcs et à Trilohites , le silurien supé- rieur; et le quatrième , caractérisé par des conglomérats et des grès rouges , représente le terrain dévonien. Cette formation est traversée par des granités , des serpentines et des spilites auxquels on peut attribuer les filons métallifères que l’on remarque dans leur voisinage. Son soulèvement se rattache au système du nord de l’ Angle- terre et il est indiqué par la direction N. -S. 2° La formation jurassique, vaste assemblage de calcaires et de dolomies, indépendants et du terrain de transition et du ter- rain crétacé. Son soulèvement se rapporte au système de la Côte-d’Or. 3° La formation crétacée , composée de trois étages, dont deux , le calcaire à Chaîna ammonia et le calcaire à Nummulites , con- cordants ; et le troisième , le grès à Fucoïdes , discordant. Le premier représente le terrain néocomien ; le second , le ter- rain du grès vert ; et le troisième , la craie supérieure. Le premier soulèvement qui a affecté les deux étages inférieurs se rapporte au système du Mont-Viso ; le deuxième , qui a affecté le grès à fucoïdes , à celui des Pyrénées. A° La formation tertiaire, représentée par un terrain d’eau douce et un terrain marin, tous les deux miocènes et concordants, et par un terrain argileux horizontal. Deux soulèvements ont marqué cette période : celui des Alpes occidentales , dont la direction est S. 26° O. — N. 26° E. , et celui des Alpes principales , auquel le Maroc doit son relief actuel , et le grand et le petit Atlas leur direction. 5° Enfin les formations contemporaines , qui consistent dans les travertins . les brèches osseuses , les fers des marais et les dunes. Exp l ica tion des figures . La fig. I montre les filons ramifiés de granité au milieu des mica- schistes de Gheroura. La fig. 2 montre la position du calcaire à Orthocères A, des grès dé- voniens B, des grauwaekes C , par rapport au calcaire néocomien N. La fig. 3 montre la disposition des schistes cristallins D, des grau- waekes C et des calcaires siluriens A , aux colonnes d’Hercule. La fig. 4 montre la disposition des terrains de transition et du terrain jurassique dans la vallée d’écartement de Ouedsegera. La fig. 5 indique les relations du terrain jurassique J avec le terrain de transition et le terrain à fucoïdes F. Bull de 7a Soc. Oe'ol. de France 2fS^rTom .IV, TL . X, Page 12$ 8 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . 12^9 La fig. 6 indique les divers étages du terrain jurassique et sa discor- dance avec le terrain à fucoïdes F. A. Calcaire silurien. B. Grès et conglomérats dévoniens. C. Grauwackes. D. Micaschistes. La fig. 7 indique l’alternance du grès à fucoïdes B avec les schistes marneux A. Coupe prise sous Tanger. J Étage marneux. J'. Étage dolomitique. J". Étage calcaire. J'" Étage avec silex. T. Terrain de transition. La tïg. 8 représente un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant sur un bourrelet littoral B et empâtant les galets, les coquilles et les sables rejetés par la mer. La fig. 9 montre un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant dans un ancien lit de ruisseau creusé au milieu d’un bourrelet littoral. La fig. \ 0 donne la coupe de la vallée de la Bousfika , vallée remar- quable par la diversité des terrains qui s’y sont développés. C. Grauwackes. B. Conglomérats dévoniens. A. Calcaire à Orthocères. J. Jurassique. N. Néocomien. T. Terrain tertiaire lacustre. M. Molasse marine. T. Travertins. V. Alluvions. Nota. On peut voir à l’École nationale des mines la collection de roches de l’empire du Maroc que nous y avons déposée. Soc. géol. , 2e série, tome IV. 79 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 12/jO La fig. 6 indique les divers étages du terrain jurassique et sa discor- dance avec le terrain à fucoïdes F. A. Calcaire silurien. B. Grès et conglomérats dévoniens. C. Grauwackes. D. Micaschistes. La fig. 7 indique l’alternance du grès à fucoïdes B avec les schistes marneux A. Coupe prise sous Tanger. J. Étage marneux. J'. Étage dolomitique. J". Étage calcaire. y". Étage avec silex. T. Terrain de transition. La fig. 8 représente un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant sur un bourrelet littoral B et empâtant les galets, les coquilles et les sables rejetés par la mer. La fig. 9 montre un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant dans un ancien lit de ruisseau creusé au milieu d’un bourrelet littoral. La fig. \ 0 donne la coupe de la vallée de la Bousfika , vallée remar- quable par la diversité des terrains qui s’y sont développés. C. Grauwackes. B. Conglomérats dévoniens. A. Calcaire à Orthocères. J. Jurassique. N. Néocomien. T. Terrain tertiaire lacustre. M. Molasse marine. T. Travertins. V. Alluvions. Nota. On peut voir à l’École nationale des mines la collection de roches de l’empire du Maroc que nous y avons déposée. M. Élie de Beaumont lit la note suivante : Note sur les émanations volcaniques et métallifères , par M. Elie de Beaumont. Dans les leçons que j’ai faites au college de France pendant l’année scolaire qui vient de finir (18A6-18A7) j’ai traité des éma- nations volcaniques et métallifères ; j’ai fait à cette occasion quel- Soc. géol. , 2e série, tome IV. 79 1250 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ques recherches, et je me suis livré à divers rapprochements dont je demande à la Société la permission de lui soumettre brièvement les principaux résultats. Le globe terrestre renferme dans son intérieur un immense foyer, dont l’incessante activité nous est révélée par les éruptions volcaniques et par tous les phénomènes qui s’y rattachent. Les éruptions volcaniques amènent à la surface du globe, d’une part, des roches en fusion, des laves, et tous leurs accessoires; de l’autre, des matières volatilisées ou entraînées à l’état moléculaire ; de la vapeur d’eau, des gaz, tels que l’acide liydrochlorique, l’a- cide hydrosulfurique, l’acide carbonique; des sels, tels que les hydrochlorates de soude, d’ammoniaque, de fer, de cuivre, etc. Ces matières volatilisées se dégagent , tantôt des cratères en acti- vité, tantôt des laves qui coulent, tantôt des fissures voisines des volcans, comme les Etuves de Néron, les Geysers, et on se trouve naturellement conduit à y rattacher d’autres jets de vapeurs chaudes qui se dégagent à des distances plus ou moins grandes des volcans actifs, comme les soffioni et les lagonis de la Toscane, ainsi que les sources thermales et la plupart des sources minérales. Ces éma- nations des foyers intérieurs du globe donnent généralement naissance à des masses plus ou moins consistantes, tels que le soufre et les sels des solfatares, les dépôts des eaux minérales, etc. On peut donc distinguer deux classes de produits volcaniques , ceux qui sont volcaniques à la manière des laves , et ceux qui sont volcaniques à la manière du soujre, du sel ammoniac , etc. A toutes les époques de l’histoire du globe , les phénomènes éruptifs ont donné des produits appartenant à ces deux classes , mais la nature des uns et des autres a varié avec le temps. Si on remonte le cours des périodes géologiques, on voit les matières volcaniques a la manière des laves devenir de plus en plus riches en silice. Les plus riches en silice, les granités, sont, en masse, les plus anciennes. On voit en même temps les matières volcaniques à la manière du soufre devenir de plus en plus variées. Je désigne l’ensemble de ces produits par la dénomination d 'émanations volcaniques et métallifères , parce que la plupart des filons métalliques me pa- raissent s’y rapporter. Il faut même y comprendre un grand nombre de gîtes de minéraux pierreux. Dans l’état actuel de la nature, les deux classes de produits sont presque complètement distinctes. Mais à l’origine des choses elles l’étaient beaucoup moins. On est conduit à concevoir qu’au moment où la surface du globe SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7, 1251 terrestre en fusion a commencé à se refroidir les différents corps simples s’y trouvaient répandus sans aucun ordre déterminé. Tout semble avoir été confondu dans ce chaos primitif où les pre- mières masses granitiques ont pris naissance ; mais peu à peu les matières éruptives a la manière des laves sont devenues moins si- liceuses, et les émanations volcaniques a la manière du soufre , qui à l’origine renfermaient presque tous les corps simples, sont deve- nues de plus en plus pauvres. C’est sur cette marche graduelle des phénomènes chimiques na- turels que je désirerais fixer un moment l’attention de la Société. M. de La Bêche a signalé depuis longtemps ce fait extrêmement remarquable, que, parmi les 59 ou 60 corps simples dont se compose aujourd’hui le répertoire de la chimie, 16 seulement sont générale- ment répandus en quantités appréciables à la surface du globe (1). Ces 16 corps, indiqués par des astérisques dans la première colonne du tableau placé à la fin de cette note (où les corps sont rangés dans l’ordre adopté récemment par M. Berzelius, en commençant par les plus électro-positifs), sont le potassium , le sodium , le calcium , le magnésium , Y aluminium , le manganèse , le fer, F hydrogène , le si- licium , le carbone , le phosphore , Y azote, le soufre , Y oxygène, le chlore et le fluor. Quoique généralement répandus à la surface du globe, ces 16 corps simples sont bien loin de s’y présenter avec une égale abondance. Quelques uns d’entre eux , comme le manganèse, le phosphore et le fluor, ne se rencontrent que rarement en quantité un peu notable. D’un autre côté , quelques corps simples, qui ne sont pas compris au nombre des 16 signalés par M. de La Bêche comme le plus généralement répandus , ne le cèdent que peu à quelques uns de ces derniers. Ainsi on peut remarquer que, d’après le tableau même , le titane est très généralement répandu dans l’écorce minérale du globe terrestre ; mais il ne se présente que très rarement avec abondance. On peut ajouter que le brome et Y iode accompagnent très habituellement le chlore , et sont par conséquent à peu près aussi répandus que lui , quoique en propor- tion beaucoup moindre. On peut dire à peu près la même chose du sélénium , satellite assez habituel du soufre. Ces remarques porteraient à 20 le nombre des corps simples très généralement répandus. Mais sur ces 20 corps simples, 12 seu- (1)H.T . de La Bêche, Researches in théorie al geology, p. 24, et tra- duction française du même ouvrage, par M. H. de Collegno , Recher- ches sur la partie théorique de la géologie , p. 16. 1252 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. lement, c’est-à-dire environ des corps simples connus, se rencon- trent fréquemment et en abondance. Les substances minérales fixes et solides à la température ordi- naire, dont se composent les diverses espèces de laves produites par les volcans actuels, renferment \U corps simples, indiqués par des astérisques dans la deuxième colonne du tableau placé à la fin de cette note. Ces corps sont le potassium , le sodium , le calcium , le magnésium , X aluminium , le manganèse , le fer , X hydrogène , le si- licium , le titane , le soufre , X oxygène , le chlore , le fluor. Ces lù corps simples sont tous compris, à l’exception du titane , parmi les 16 corps simples signalés comme le plus généralement répan- dus. Quatre d’entre eux ne se présentent dans les laves solidifiées que d’une manière exceptionnelle, comme par exemple le soufre et X hydrogène dans l’acide sulfurique et l’eau de la Hariyne contenus dans la lave de Niédermendig , le chlore dans la sodalite qui forme un des éléments essentiels des laves du Yésuve, le fluor dans quel- ques lames de mica que contiennent certains produits volcaniques modernes. Ces quatre corps sont réellement étrangers à la plupart des laves, qui ne contiennent par conséquent que 10 des corps simples indiqués, tous compris, à l’exception du titane, parmi les 16 corps simples signalés par M. de La Bêche comme les plus répandus à la surface du globe. Les roches volcaniques anciennes contiennent 15 corps simples indiqués dans la troisième colonne du tableau ci-après. Ce sont les mêmes que ceux que l’on rencontre dans les roches volcaniques actuelles, auxquels s’ajoute le phosphore à cause de la chaux phos- phatée signalée dans quelques roches volcaniques anciennes , mais qui y est très rare. Sous le rapport de la rareté de quelques uns d’entre eux , ces corps simples peuvent donner lieu aux mêmes re- marques que ceux contenus dans les roches volcaniques actuelles. Les roches volcaniques actuelles et les roches volcaniques an- ciennes ont très habituellement pour base des feldspatlis non sa- turés de silice où les rapports entre les quantités d’oxygène conte- nues dans l’alcali , l’alumine et la silice sont comme les nombres 1:3:6 (labrador), 1:3:8 (andesine, ampliigène), 1:3 : 9 ( oligoklase) , et des pyroxènes où le rapport de l’oxygène des bases à celui de la silice est comme les nombres l\ : 8. Certaines laves tracliytiques et certains trachytes contiennent seuls des feldspatlis saturés , où les rapports des quantités d’oxygène, de l’alcali , de l’alumine et de la silice sont comme les nombres 1 : 3:12, et de l’amphibole où le rapport entre les quantités d'oxygène des bases et de la silice est comme U : 9. Certains trachytes seulement con- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1253 tiennent dans quelques cas des grains de quartz isolés. Toutes les roches volcaniques contiennent au contraire, généralement, du fer oxidulé titauifère qu’on peut considérer comme un reste de base qui , ne trouvant pas à s’unir à la silice, s’est combiné avec une quan- tité variable d’acide titanique, par rapport auquel il s’est toujours trouvé en grand excès. Le caractère général de toutes ces roches e^t de contenir un excès de base plus ou moins considérable, et par conséquent d’être basiques ou au moins à peu près neutres. La ùe colonne du tableau est consacrée à des roches éruptives, dont le mode d’éruption paraît avoir différé sous plusieurs rapports de celui des roches volcaniques, notamment par la rareté beaucoup plus grande des scories , mais qui se distinguent encore par leur caractère essentiellement basique , comme les serpentines et une foule de roches de trapp où domine le labrador. On trouve dans ces roches, comme l’indique la Ue colonne du tableau, 30 corps simples, qui comprennent tous ceux déjà signalés dans les roches volcaniques actuelles et anciennes, auxquels s’ajoutent le cobalt , le zinc , le plomb , le bismuth , le cuivre , Y argent, le palladium , le rho- dium , le ruthénium , Y iridium, le platine, Y osmium, Y or, le chrome et Y arsenic. Laplupart de ces métaux y sont, à la vérité, fort rares, no- tamment le palladium, le rhodium, le ruthénium, l’iridium, le pla- tine, l’osmium, qui ne s’y trouvent jamais qu’à l’état natif, et qu’on pourrait peut-être y considérer comme accidentels. Les corps sim- ples , qui sont abondants dans ces roches , sont généralement les mêmes que dans les roches volcaniques ( sauf la prédominance de 1a. magnésie dans les serpentines ). Le caractère essentiellement ba- sique de toutes ces roches leur donne des rapports frappants avec les roches volcaniques , rapports qui ont beaucoup contribué à faire admettre par les géologues modernes leur origine ignée. On peut seulement remarquer que l’eau, très rare comme élément essentiel dans les roches volcaniques modernes, d’où elle s’est presque tou- jours dégagée au moment de leur solidification , est moins rare dans les roches volcaniques anciennes , dont plusieurs comptent des zéolithes hydratées au nombre de leurs éléments essentiels, et moins rares encore dans les roches éruptives basiques, où le dial- lage et la serpentine en contiennent constamment. Pour achever de passer en revue les principales roches éruptives; il nous reste à considérer celles qu’on peut regarder, par opposi- tion aux précédentes, comme essentiellement acidifèrcs , c’est-à- dire celles dans la composition desquelles entrent essentiellement des feldspaths saturés de silice, où les quantités d’oxygène de l’alcali, 1254 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. de l'alumine et de la silice sont comme les nombres 1 : 3 : 12, et qui contiennent en outre généralement des grains de quartz disséminés : tels sont les porphyres quartzifères , le diorite, la syénite , la protogine , le granité et quelques autres roches qu’on peut considérer comme des dégénérescences ou des monstruo- sités du granité, telles que le granité à grandes parties, le feldspath lamelleux, lapegmatite, laleptynite, l’hyalomicte, l’hyalotourma- lite, etc. Afin d’abréger , j’ai considéré toutes ces roches éruptives, acidi - fères, in globo , et je leur ai consacré la 5e colonne du tableau qui termine cette note , colonne que j’ai désignée comme se rapportant simplement au granité. Au nombre des traits caractéristiques qui distinguent essentielle- ment les roches acidifères , on doit remarquer le grand nombre des corps simples qui entrent dans la composition , soit de leurs élé- ments essentiels, soit des minéraux qui s’y trouvent plus ou moins habituellement disséminés. Ces corps simples, indiqués par des asté- risques dans la 5e colonne du tableau, sont au nombre de à2. On trouve parmi eux tous ceux qui existent dans les roches volcaniques et basiques , à l’exception du platine et de quelques uns des métaux qui l’accompagnent constamment (rhodium, ruthénium, iridium, osmium) et de plus les 17 suivants : le lithium , Y yttrium , le glucinium , le zirconium , le thorium, le cé- rium , le lanthane , le didymium , Yurane , Y étain , le carbone , le bore , le tantale , le niobium , le pélopium , le tungstène , le mo- lybdène. Grâce à la présence de ces 1 7 corps , le nombre des corps simples qui existent dans les roches éruptives acidifères est beau- coup plus grand que celui des corps simples qui sont connus pour se trouver dans les roches volcaniques et même dans les roches éruptives basiques. Ce fait est , si je ne me trompe , un des plus saillants que présente la distribution des corps simples dans l’écorce minérale du globe terrestre. Il est d’autant plus re- marquable que les corps simples dont il s’agit, loin de se trouver à l’état natif dans les roches qui les renferment et de pouvoir, jus- qu’à un certain point, y être considérés comme accidentels, ainsi que cela a lieu dans les roches basiques pour les métaux de la fa- mille du platine, s’y trouvent généralement oxidés et engagés dans des combinaisons plus ou moins complexes , dont la nature peut fournir des données sur les phénomènes physiques et chimiques qui ont présidé à la formation des masses qui les renferment. Les minéraux variés dans lesquels entrent ces corps simples s’ob- 1255 SÉANCE DU 5 JUILLET 18&7. servent surtout dans les roches acidifères les plus cristallines, telles que les granités à grandes parties , les pegmatites , les hyalo- mictes, etc.; ce qui peut faire conjecturer que leur présence est eçi rapport avec le fait encore si problématique de la cristallinité remarquable de ces mêmes roches. Cette circonstance exigera , pour être bien appréciée , que nous prenions en considération la connexion qui existe aussi entre les roches acidifères les plus cristallines et les roches métamorphi- ques qui les accompagnent le plus habituellement ( gneiss, mica- schistes, etc.), ainsi qu’entre les roches acidifères les plus cristal- lines et une classe particulière et très nombreuse des gîtes des minéraux que j’ai désignés collectivement (en prenant la partie pour le tout) sous le nom de filons stannifères. J’ai consacré la 6e colonne du tableau aux filons stannifères , en comprenant dans cette catégorie les filons , petits filons et amas qui contiennent des minerais d’étain ou même seulement les sub- stances qui , comme les minerais de tungstène et de tantale , sont généralement accompagnées d’étain et en sont en quelque sorte les représentants. Cette catégorie de gîtes minéraux est la plus riche de toutes en corps simples; on y en compte à8, c’est-à-dire les | des corps simples connus. Parmi eux se trouvent tous les corps simples signalés dans les granités , à l’exception du thorium qui n’y a pas encore été reconnu , et on y trouve en outre sept autres corps : le barium , le nickel , le cadmium , le vanadium , le tellure , X antimoine , le sélénium , dont quelques uns seront peut-être découverts dans les granités à la suite de recherches plus suivies , et qui tous se retrouvent dans les filons ordinaires. La nature spéciale des filons stannifères ne peut être bien appré- ciée que par comparaison avec les filons ordinaires , c’est- à-dire avec ceux dans lesquels s’exploitent les métaux les plus employés, tels que le plomb, l’argent, le cuivre, le fer. J’ai consacré la 7e colonne du tableau à ces derniers filons , qu’on pourrait dési- gner aussi sous le nom de filons plombifères , en raison de ce que les filons de galène argentifère peuvent en être considérés comme le type le mieux caractérisé, et j’y ai réuni les masses cristallines contenues dans les géodes qu’on trouve fréquemment dans les amygclaloïdes des roches basiques , dans les fissures] des septaria d’un grand nombre de formations et dans diverses cavités des terrains sédiinentaires. Cette classe, très nombreuse et très variée, des gîtes de minéraux , est encore très riche en corps simples. On y en compte lx 3 , dont 5 seulement , le strontium , le mercure , le platine , l 'iode et le brome , n’ont pas été signalés dans les gîtes 1256 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. stannifères ; mais ce qui les caractérise particulièrement , c’est , d’uue part, l’absence de 10 des corps simples connus dans les gîtes stannifères, le lithium , Y yttrium , le zirconium , le cérium , le lanthane , le didymium , le tantale , le niobium , le pelopium , le tungstène , corps éminemment oxidables et dont les oxides jouent souvent le rôle d’acides , et de l’autre , la proportion très différente dans laquelle les corps communs aux deux listes se trouvent dans les deux classes de gîtes; car Y étain } le molybdène ne sont abondants que dans les gîtes stannifères , tandis que le barium , le plomb , Y argent ne sont abondants que dans les filons ordinaires. Parmi les 59 corps simples admis dans le tableau , 6 seulement : le thorium , le rhodium , le ruthénium , Y iridium , Y osmium , Y azote , ne se trouvent ni dans l’une ni dans l’autre liste. Le thorium est extrêmement rare , même dans les granités ; les autres , dont les combinaisons sont généralement peu stables et qui se fixent diffi- cilement, sont compris dans le nombre des corps qu’on rencontre à l’état natif. La liste des corps simples qu’on trouve dans les filons ordinaires prend un nouvel intérêt lorsqu’on la compare avec celle des corps simples qui, d’après les travaux d’un grand nombre de chimistes, notamment d’après ceux de M. Eerzélius, et ceux plus récents de MM. Bischof et Kopp , se trouvent dans les eaux minérales. J’ai consacré à cette dernière la 8e colonne du tableau. Elle comprend 25 corps simples et elle n’est, pour ainsi dire, qu'un extrait de la liste des corps simples trouvés dans les filons ordinaires, car Y azote est, parmi tous les corps qui s’y trouvent, le seul qui ne se trouve pas en même temps dans les filons. Enfin, les listes des corps simples qui se rencontrent dans les éma- nations des volcans actuels n’est elle-même , en quelque sorte , qu’un extrait de celle des corps simples qui se trouvent dans les sources minérales. Cette liste , à laquelle j’ai consacré la 9e co- lonne du tableau , se compose de 19 corps simples , dont 3 seule- ment , le cobalt , le plomb et le sélénium , qui n’y figurent que pour des quantités très peu considérables, manquent à la liste des corps simples qui se trouvent dans les eaux minérales. Parmi les 19 corps simples trouvés dans les émanations des volcans actuels on trouve , sauf le magnésium , le titane et le fluor , tous les corps sim- ples qui entrent dans la composition des roches volcaniques ac- tuelles. On y trouve de plus le cobalt , le plomb , le cuivre , le car- bone ^ le bore , Y arsenic, Y azote, le sélénium. Ces derniers rap- prochent la liste des corps simples trouvés dans les émanations volcaniques de celle des corps simples trouvés dans les sources mi- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/Ï7. 1257 nérales et dans les filons , et ce rapprochement est d’autant plus important que les 11 corps simples qui se trouvent à la fois dans les laves et dans les émanations des volcans actuels se trouvent aussi dans les sources minérales et dans les filons. A l’égard de ces corps , la différence entre les deux catégories de gisements con- siste essentiellement dans l’état de combinaison dans lequel ces corps s’y trouvent. Je reviendrai , ci- après , sur ce dernier point , mais auparavant je dois jeter un coup d’œil sur les trois dernières colonnes du ta- bleau. J’ai consacré la 10e aux corps simples qui se rencontrent sur la surface du globe à l’état natif. Ces corps sont au nombre de 20, et ils paraissent figurer à différents titres dans cette liste supplémen- taire. Les uns , comme le palladium , le rhodium , le ruthénium , V iridium , le platine , semblent relégués complètement ou presque complètement dans cette catégorie , à cause de l’instabilité des combinaisons qu’ils peuvent contracter avec d’autres corps. Ils ne forment guère de combinaisons stables qu’entre eux ; ils se trouvent généralement ensemble et paraissent constituer comme un monde à part au milieu du reste du monde minéralogique. Aussi les désigne- t-on assez habituellement d’une manière collective sous le nom de métaux de la famille du platuie. L’or et Y azote semblent aussi devoir , en grande partie , le privilège de figurer dans cette colonne à l’instabilité de leurs combinaisons, Ye plomb, le bismuth , le cuivre , le mercure , Y argent, le carbone , le tellure , l’ antimoine , Y arsenic, le sélénium , le soufre , Y oxygène, semblent ne se trouver dans cette liste qu’en raison de circonstances accidentelles qui les ont soustraits aux combinaisons qu’ils auraient pu contracter. J’ai indiqué, dans la 11e colonne, les corps simples qui ont été trouvés dans les aérolithes, d’après les recherches que M. Angelot a consignées dans deux volumes précédents du Bulletin (1). Ces corps (en ne tenant compte que de ceux dont l’existence est bien constatée) sont au nombre de 21. Tous sont des corps déjà connus et même assez répandus à la surface du globe terrestre ; 15 d’entre eux sont compris dans la liste des 16 corps simples signalés par M. de La Bêche, comme les plus répandus à la surface de la terre. L z fluor manque, mais on trouve en revanche l\ autres corps assez communs aussi à la surface du globe ; le nickel , le cobalt , le cuivre (l ) F. Angelot, Bulletin de la Société géologique de France , lre série, t. XI, p. 136 ; et t. XIV, p. 589. 1258 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. et le chrome. Je ne puis que renvoyer aux ingénieux Mémoires de M. Angelot pour les conclusions à tirer de cette identité des corps simples qui nous sont venus de l’extérieur, avec ceux que notre planète possédait déjà en abondance. Enfin, j’ai consacré la 12 et dernière colonne de ce tableau à l’indication des corps simples qui entrent généralement dans la composition des corps organisés. Ces corps sont au nombre de 16, et ce sont précisément les mêmes que les 16 corps indiqués d’a- près M. de La Bêche, dans la lre colonne du tableau, comme les plus répandus à la surface du globe. Cette identité montre que la surface du globe renferme dans presque toutes ses parties tout ce qui est essentiel à l’existence des êtres organisés ; elle fournit un nouvel et frappant exemple de l’harmonie qui existe entre toutes les parties de la nature. Les 16 corps dont il s’agit se trouvant tous soit dans des productions volcaniques, soit dans les eaux minérales, on voit que la nature a pourvu non seulement à l’établissement , mais à la conservation de cette harmonie indis- pensable. Le globe en vieillissant ne cessera jamais de fournir aux être organisés tous les éléments nécessaires à leur existence. Après avoir ainsi jeté un premier coup d’œil sur l’ensemble du sujet de cette note, j e dois entrer dans un examen plus circonstancié des principaux gîtes métallifères et des circonstances qui paraissent devoir nous en révéler l’origine. J’ai déjà fait remarquer que la liste des 19 corps simples qui figurent dans les émanations des volcans actuels est en quelque sorte un extrait de la liste des 25 corps simples qui ont été reconnus dans les eaux minérales. Parmi les 19 premiers je n’en trouve en effet que trois, le cobalt , le plomb et le sélénium qui ne figurent pas parmi les 25 autres. Or ces trois corps sont si peu abondants dans les émanations volcaniques qu’on ne saurait attacher une grande importance à une telle différence. Parmi les 25 corps trouvés dans les eaux minérales 9 n’ont pas encore été trouvés dans les émanations volcaniques , ce sont : le lithium , le barium , le strontium , le magnésium , le zinc, le phos - - phore , Y iode , le brome , le fluor. Cette différence me paraît elle- même peu importante. Elle tient peut-être simplement à ce que les produits des émanations volcaniques sont bien loin d’avoir été l’objet d’analyses chimiques aussi multipliées et aussi soignées que les eaux minérales dont plusieurs chimistes éminents se sont oc- cupés avec un soin minutieux. Tout me conduit à présumer que ces deux listes seront identiques lorsqu’elles seront complètes l’une et l’autre , et je suis d’autant plus porté à le croire que les corps 1259 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. qui se trouvent dans l’une et dans l’autre se présentent au même état physique et chimique dans les deux classes de produits. Le soufre possède deux systèmes cristallins , F un propre au soufre qui a cristallisé par la voie humide , l’autre au soufre fondu qu’on a laissé refroidir. Or le soufre qui cristallise dans les fissures des cratères des volcans cristallise dans le même système cristallin que celui que déposent les sources minérales, et cela est naturel, puisque dans les cratères des volcans le soufre cristallise au milieu d’un dégagement abondant de vapeur d’eau. Le gypse qui cristal- lise dans les fissures de certains cratères volcaniques est hydraté comme celui qui est déposé par certaines eaux minérales. En un mot les matières qui sont volcaniques à la manière clu soufre sont des produits de la voie humide , de même que les dépôts des sources thermales sont des produits de la chaleur, et ces deux classes de produits ne diffèrent que par la forme extérieure des phéno- mènes qui les amènent à la surface du globe. Ils ont au fond la même origine et ne constituent pas deux classes réellement dis- tinctes. Les vapeurs qui se dégagent , soit des laves qui se refroidissent , soit des fissures des cratères , produisent quelquefois , en se con- densant , des filets d’eau chaude chargée de différents sels , qui sont de véritables sources thermales. Un grand nombre de sources thermales ont probablement une origine de ce genre. Elles pro- viennent, comme les émanations volcaniques, d’une distillation ou d’une sublimation naturelle. Ce serait une supposition gratuite que d’admettre en géologie la sublimation isolée , la sublimation sèche de telle ou telle substance qui paraît avoir joué un rôle dans un phénomène particulier. La nature actuelle ne nous offre pas d’exemples de phénomènes de ce genre. Mais une sublimation , une distillation , un entraînement moléculaire , ayant la vapeur d'eau pu l’eau condensée pour auxiliaire et pour véhicule, sont des phénomènes dont les exemples abondent sous nos yeux et qui peuvent même avoir été plus fréquents et plus variés encore pen- dant les périodes géologiques qu’ils ne le sont de nos jours. Les émanations volcaniques et les sources minérales donnent naissance à différents dépôts. Les vapeurs dégagées par les volcans engendrent les solfatares où se trouvent, avec le soufre , des chlo- rures alcalins et métalliques , de l’hydrochlorate d’ammoniaque, du gypse et d’autres sulfates, etc. Les sources minérales douées de la puissance chimique la moins énergique produisent des dépôts cal- caires et ferrugineux. D’autres, chargées de principes plus actifs, produisent des dépôts siliceux ou des dépôts complexes contenant 1260 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. un grand nombre de substances telles que la baryte , la strontiane , Y acide borique, Y arsenic , le phosphore , le soufre, le fluor. Le plus souvent nous ne voyons que la partie de ces dépôts qui se forme à l’extérieur. Cependant nous pouvons observer aussi les stalactites et les stalagmites auxquelles certaines sources donnent naissance dans différentes grottes et les incrustations que certaines eaux produisent dans les tuyaux de conduite. Il est indubitable que si nous pouvions pénétrer dans les conduits suivis par les sources minérales et par les émanations volcaniques nous les verrions fréquemment incrustés de dépôts analogues. Or ces incrustations auraient nécessairement la plus grande ressemblance, tant pour la composition que pour la forme, avec les filons métalliques ordi- naires tels que_ ceux où le soufre, l’arsenic, le quartz, la baryte sul- fatée, la chaux carbonatée jouent un rôle important. Les rapproche- ments établis ci-dessus entre la liste des corps simples trouvés dans les émanations volcaniques et dans les sources thermales et celle des corps simples trouvés dans les filons ordinaires et la ressemblance des combinaisons dans lesquelles les mêmes corps y sont engagés conduisent naturellement à cette conclusion, qui vient elle-même corroborer l’analogie signalée depuis longtemps dans les relations qui existent d’une part entre les sources minérales et certaines roches éruptives, et de l’autre entre les filons métalliques ordinaires et des roches du même genre J Une des circonstances qui portent à penser que beaucoup de filons ne sont autre chose que des dépôts opérés par des eaux miné- rales dans les fissures qu’elles parcouraient, c’est le gisement même de ces filons qui, à prendre la chose dans son ensemble, est tout à fait analogue à celui des eaux minérales. Les*eaux minérales, en général , se trouvent plus particulièrement dans les contrées où il y a eu des éruptions volcaniques , ou du moins dans les contrées dans lesquelles le sol est bouleversé. Or, c’est là précisément le gisement général des filons ; ils se trouvent principalement dans les contrées dont le sol est disloqué et ils y sont groupés dans le voisi- nage des roches éruptives. La différence principale consiste en ce que les sources thermales sont coordonnées à des roches éruptives modernes, tandis que les filons sont coordonnés à des roches érup- tives plus anciennes. On peut même suivre d’une manière plus complète la liaison des gîtes métallifères en général avec les roches éruptives, que celle des eaux minérales avec les roches du même genre. Comme les eaux minérales se rattachent aux roches éruptives les plus modernes, à celles dont les masses intérieures n’ont pas pu être mises à décou- SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1261 vert, on voit facilement, quand on examine la disposition des sources minérales sur la surface du globe , comment ces sources sont pour la plupart groupées dans les contrées dans lesquelles il y a eu des éruptions modernes; mais on ne peut pas pénétrer jusque dans l’intérieur pour voir la liaison entre les canaux de ces sources mi- nérales et les points où elles peuvent emprunter aux roches érup- tives la chaleur qu elles possèdent et les matières dont elles sont chargées. Au contraire, les filons dont la nature et la structure rappellent les dépôts des eaux minérales sont plus visibles que les dépôts formés par les eaux minérales actuelles à cause des bouleversements qu’a éprouvés dans beaucoup de cas le sol qui les renferme, de la destruction partielle de l’ancienne surface de ce sol qui rend visibles des parties situées originairement dans la profondeur et des secours offerts à l’observateur par les travaux des mines qui pénètrent dans leur intérieur. A la vérité , l’analogie de ces filons avec les dépôts des eaux minérales ne peut se conclure que de leur étude minéra- logique. Les eaux qui les ont formés n’y circulent plus aujourd’hui, ou si des eaux y circulent encore , elles ne sont plus thermales. Les anciens foyers se sont refroidis, l’activité intérieure a été transportée ailleurs; mais aussi, quand, à la faveur même de leur refroidisse- ment, on examine d’une manière complète la série des gîtes métal- lifères qui se rattachent à certaines roches éruptives, on voit qu’il y a une liaison très intime entre ces gîtes et les roches éruptives. En effet les gîtes métallifères ne sont pas tous des filons absolu- ment semblables à ceux dont j’ai signalé les analogies avec les dé- pôts des eaux minérales ; il y a des gîtes métallifères renfermant absolument les mêmes métaux qui sedrouvent renfermés dans l’in- térieur de certaines roches éruptives ou tout à fait dans leur voisi- nage, et tous ces gîtes forment une chaîne continue dont les filons réguliers formés par incrustation dans des fissures constituent une extrémité et qui se rattachent à des gîtes tout à fait compris dans l’intérieur des masses minérales éruptives, ou bien situés immédia- tement à leur contact et qui en dérivent plus directement encore que par le transport moléculaire dû aux émanations et à l’ac- tion des eaux minérales. Tout le monde sait que les filons sont des fentes remplies après coup ; mais on doit distinguer deux classes essentiellement différentes de filons : les uns sont formés par des matières concrétionnées appliquées dans les fentes sur leurs deux parois. Ces substances sont principalement des matières pierreuses ou gangues , telles que le quartz, la baryte sulfatée, la chaux carbonatée, souvent 1262 SÉANCE DU 5 JUILLET 18&7. le spath fluor et différents minerais métalliques, tels que la galène, les pyrites , etc. Une autre classe de filons est formée de roches , telles que les basaltes, les mélaphyres , les porphyres, qui se sont introduites aussi dans des fentes. Mais il y a cette différence entre les deux classes de fdons , que les premiers sont formés de bandes symétriquement disposées , en général formées de cristaux tournant leurs pointes vers l’intérieur de la fente originaire dont le milieu présente souvent un vide tapissé de cristaux libres , tandis que les filons formés de roches telles que le basalte et le porphyre rem- plissent entièrement les cavités dans lesquelles ils se trouvent et ne présentent la disposition en bandes symétriques que d’une ma- nière extrêmement peu distincte résultant simplement de ce que les parties moins cristallines des parois se distinguent légèrement des parties plus cristallines du centre , avec lesquelles elles font continuité. Les filons de cette dernière espèce peuvent être désignés , d’après leur mode de formation bien connu, sous le nom d & filons injectés. Ils se distinguent généralement des filons de la première classe composés de bandes symétriques, qu’on peut désigner sous le nom de filons concrétionnés. La plupart des filons métallifères appartiennent à la classe des filons concrétionnés ; cependant les fdons injectés et les masses de formes moins régulières que constituent très souvent les roches éruptives, sont quelquefois métallifères. Ainsi les filons basaltiques renferment presque toujours du fer oxidulé qui y est disséminé en quantité plus ou moins considérable ; si le fer oxidulé avait une valeur plus considérable, égale seulement à celle du minerai d’étain, ils seraient certainement exploités pour en retirer le fer. C’est ce qui arrive en Suède pour la masse de trapp de Taberg qui est exploitée comme mine de fer en raison des nombreuses veines de fer oxidulé qui y sont encaissées et qui forment une por- tion considérable du volume total. Les serpentines sont aussi très fréquemment métallifères. Elles renferment très habituellement du fer oxidulé et du fer chromé ; c’est même là le gisement habi- tuel du fer chromé, et le fer oxidulé y est quelquefois disséminé en assez grande abondance pour leur donner le magnétisme polaire. Quelquefois enfin , au lieu d’y être disséminé en petites parties, ce minerai y forme des masses considérables comme celle qu’on exploite à Cogne dans la vallée d’Aoste. Il existe même dans différentes contrées des masses de fer oxidulé et de fer oligiste qui peuvent être considérées elles-mêmes comme des roches éruptives. Telles sont notamment celles [de l’île d’Elbe SÉANCE DU Ô JUILLET 18ZÏ7. 1263 que M. Paul Savi et M. Amédée Burat ont décrites avec soin (1). Outre ces minerais de fer sortis directement du sein de la terre par voie d’éruption, il en existe d’autres qui par leur gisement se rattachent plus ou moins immédiatement à des roches éruptives et dont la formation a dû être une conséquence plus ou moins directe de leur éruption. Les mines de fer des Vosges sont très instructives sous ce rap- port. Ainsi que je l’ai indiqué ailleurs (2), il y existe en plusieurs points des masses de minerai de fer qui se rattachent plus ou moins directement à des masses éruptives. On exploite notamment à Fra- mont, à la partie septentrionale du département des Vosges, des amas de fer oligiste,que M. De Billy a décrits avec beaucoup de dé- tails et de clarté et qui sont dans une connexion évidente avec des masses de porphyre quartzifère. Il n’est pas sans intérêt de re- marquer que les gîtes de minerai de fer de Framont, outre la baryte sulfatée , le quartz , Farragonite , les pyrites cuivreuses et autres minéraux plus ou moins habituels dans les fdons ordinaires, ren- ferment aussi de la phénàkite ( silicate de glucinê) , qui établit entre eux et les fdons stannifères un rapprochement correspondant à celui qui existe entre les porphyres quartzifères et les granités. A quelque distance de Framont, se trouvent des fdons de mi- nerai de fer, qui probablement se rattachent indirectement aux mêmes roches éruptives, et dans plusieurs autres points des Vosges on trouve d’autres filons du même genre , qui tous ont probable- ment un point de départ plus ou moins analogue à celui des mi- nerais de fer de Framont. Ainsi , dans le nord des Vosges, dans le voisinage de Bergzabern et de Schoënau , on trouve des filons de fer hématite brun qui renferment en même temps du plomb phos- phaté , de la calamine , etc. Le cuivre se trouve aussi bien que le fer dans l’intérieur des roches éruptives ou dans leur voisinage immédiat. On le rencontre souvent à l’état natif ou sous forme de pyrites dans les serpentines ainsi que dans certaines roches trappéennes. Il est quelquefois ac- compagné par l’argent. L’un des plus beaux exemples qu’on puisse citer à cet égard se trouve dans les gisements de cuivre qui ont été explorés et décrits par M. le docteur Charles T. Jackson, de Boston. Ils sont situés sur les bords du lac Supérieur, notamment (1) A. Burat, Géologie appliquée et description des gîtes métal- lifères. (2) Explication de la carte géologique de France , t. I, p. 423, et Annales des mines , lre série, t. VII, p. 526. 1264 SÉANCE DU 6 JUILLET 1847. à Kewenah-point et dans l’Ile-Royale. Là , le cuivre se trouve disséminé dans les roclies trappéennes , en globules et en assez gros blocs ; il est accompagné de globules d’argent qui sont isolés , soit au milieu de la roche , soit au milieu du cuivre , avec lequel (chose singulière) l’argent ne s’est pas allié. Dans le voisinage de ces ro- ches trappéennes , on trouve encore le cuivre et l’argent natifs, ainsi que la pyrite cuivreuse , dans des filons qui coupent , soit les roches trappéennes elles-mêmes, soit les roches arénaeées, au milieu desquelles les premières ont pénétré. Les gangues de ces filons sont remarquables par leur nature exceptionnelle. On y remarque tantôt la datholite (chaux boratée siliceuse) , tantôt Y épi- do te. L’Oural présente aussi plusieurs gisements de cuivre dans des roches éruptives ou dans leur voisinage immédiat ; telles sont les mines de Turjinsk. Le cuivre natif et les autres minerais s’y trou- vent toujours près des lignes de contact de masses nombreuses de diorites , et des calcaires au milieu desquelles les diorites ont péné- tré. Ils sont accompagnés en beaucoup de points de grandes masses de grenat qui séparent les diorites des calcaires , et qui , suivant toute apparence , ont été produites par l’action des premiers sur les seconds. Une des contrées les plus intéressantes sous le rapport des gîtes métallifères renfermés dans les roches éruptives ou en contact immédiat avec elles, c’est la Toscane. On y trouve un grand nombre de gîtes métallifères, particulièrement de gîtes cuprifères, exploités par les anciens comme mines de cuivre. La pyrite cui- vreuse est le minerai le plus répandu ; elle est accompagnée de cuivre panaché , de cuivre natif , de cuivre oxydulé , de cuivre gris ; on y rencontre aussi de la blende , de la galène , etc. Les mi- nerais de cuivre sont quelquefois répandus dans la roche serpenti- neuse de manière à faire corps avec elle ; d’autres fois , ils sont placés au contact de la roche serpentineuse avec les roches adja- centes ; on voit qu’ils ont été apportés par la roche serpentineuse de manière à être mêlés avec les débris produits par son éruption , qui ont formé à la surface de la masse un conglomérat de frotte- ment. M. Amédée Burat a décrit tous ces gisements avec beaucoup de soin (1). Les roches éruptives volcaniques et basiques sont tellement un des gisements essentiels des métaux , qu’il en est plusieurs aux- (1) Amédée Burat, Géologie appliquée et théorie des gîtes métal- lifères. 1265 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. quels on ne peut presque pas assigner d’autre gisement propre que certaines roches de cette nature , dans lesquelles on les a trouvés disséminés. Tels sont le platine et les métaux qui lui sont habi- tuellement associés, le palladium , le rhodium , le ruthénium , Y iri- dium et Y osmium. Ces métaux, qui forment, dans la série des corps simples , une sorte de famille particulière , se rencontrent généra- lement ensemble. On les recueille ordinairement dans les terrains de transport superficiels ; mais quelquefois on est parvenu à trou- ver leurs gîtes originaires. Ainsi , M. Boussingault a découvert le gisement du platine exploité dans la province de Choco ( Nouvelle- Grenade). 11 a trouvé un filon de grünstein qui traverse la base des Cordillères , et daus lequel le platine existe à l’état de grains métalliques renfermés au milieu de la roche éruptive. On exploite aussi des alluvions platinifères dans l’Oural ; il pa- raît que le gisement primitif du platine qu’elles renferment est dans des roches serpentineuses. On rencontre dans les lavages de platine une grande quantité de fer chromé , minéral qui se trouve ordinairement dans les serpentines; de plus, M. Gustave Rose a indiqué l’existence de grains de platine enchâssés dans le fer chromé , et M. Le Play a observé une connexion très directe entre la disposition des alluvions platinifères et celle des masses serpen- tineuses. Il a même réussi à obtenir le platine en lavant certaines terres qui résultent de la décomposition des masses serpentineuses. Il paraît que le platine sort de ces masses serpentineuses , mais qu’il y est excessivement disséminé : on ne peut parvenir à le recueillir que dans les points où il a été concentré par l’effet d’un lavage naturel qui a enlevé en grande proportion les substances accom- pagnantes et laissé le platine sur le lieu même de la désagréga- tion de la masse qui le contenait , à cause de sa grande pesanteur spécifique. f Le platine et les métaux qui l’accompagnent existent donc dans les roches éruptives. Mais il y a cette différence entre eux et la plupart des autres métaux qu’on rencontre également dans les roches éruptives , qu’on ne trouve guère les premiers que dans les roches éruptives mêmes ou dans les produits de leur désagrégation ; et qu’on ne les voit que très rarement former des filons ou d’autres gîtes à l’entour de ces mêmes roches. Cela tient probablement cà ce que le platine et les métaux qui l’accompagnent sont trop faciles à réduire à l’état métallique , et qu’ils entrent trop rarement dans des combinaisons stables avec des corps étrangers à leur famille. La facilité avec laquelle se réduisent les oxydes de cuivre et d’argent explique de la même manière pourquoi on trouve aussi Soc. géol., 2e série, tome IV. 80 1 '26ti SÉANCE 1)L 5 JUILLET 18^7. très fréquemment ces métaux à Tétât natif dans les roches éruptives. Il ne saurait en être de même par exemple du fer, qui , à une température élevée , ne peut manquer de s’oxyder aux dépens de ’oxygène de l’eau qui, à l’état liquide ou à l'état de vapeur, existe toujours en abondance dans les laboratoires volcaniques. La diversité des propriétés chimiques des différents métaux per- met donc de concevoir assez aisément pourquoi le platine et les métaux qui l’accompagnent sont presque uniquement concentrés dans les roches éruptives qui les recèlent , tandis que le fer, le cuivre , l’argent , le plomb , se sont répandus dans les masses au milieu desquelles les roches métallifères ont fait éruption et s’y sont répandus souvent jusqu’à des distances considérables. Tous ces métaux étant sujets à se trouver dans les roches érup- tives, et se rencontrant aussi quelquefois en dehors de ces roches , dans les masses qui sont immédiatement en contact avec elles , il est difficile de douter que , dans ce cas , ils aient été introduits par l’effet même de l’éruption de la roche qui en renferme ; cela parait d’autant plus vraisemblable que lorsqu’ils se trouvent dans la roche éruptive ils sont ordinairement concentrés , surtout près de sa surface , ce qui semble annoncer que le phénomène qui les a fait pénétrer à l’extérieur, est la suite et la continuation de celui qui les a portés d’abord de l’intérieur de la masse éruptive vers sa périphérie. Et puisque les masses éruptives renferment quelquefois des métaux et les intr oduisent dans les terrains où elles pénètrent , il n’y a rien en soi-mème d’ étonnant à ce qu’on trouve des mé- taux dans les filons ordinaires formés de substances concrétionnées qui sont cantonnés à l’entour de ces mêmes roches éruptives ; car, quoique ces filons conditionnés et les roches éruptives forment deux classes de masses minérales tout à fait distinctes , on ne peut nier qu’il n’y ait entre elles une liaison qui se manifeste , d’une part par la coordination de leurs gisements , et de l’autre par l’identité même des substances métalliques qui se trouvent à la fois dans les unes et les autres. On est donc très naturellement conduit à penser que les substances métalliques contenues dans les filons d’incrusta- tion proviennent en principe de roches éruptives ; seulement elles ne paraissent pas y avoir été introduites tout à fait de la même manière que les roches éruptives se sont introduites elles-mêmes dans le terrain ou que les minerais se sont introduits , de la roche éruptive , dans les roches immédiatement adjacentes. Ils s’y sont probablement introduits par une voie pour ainsi dire détournée, le plus souvent par un phénomène analogue à celui des eaux mi- nérales , analogue à celui des dépôts que les eaux minérales for- séàjXce du 5 juillet J8Zi7. 1267 ment au point où nous les voyons sortir, et qu elles doivent aussi former dans les canaux qu elles parcourent. En effet, si Ton cherche à se faire en quelque sorte h priori une idée de la manière dont a pu s’opérer cette diffusion des sub- stances métalliques autour des points d’éruption des roches métal- lifères , il est naturel de considérer ce qui se passe dans les volcans , dont les émanations renferment encore aujourd’hui un certain nombre de métaux indiqués dans la neuvième colonne du tableau placé à la fin de cette note , le fer , le manganèse , le cobalt , le plomb , le cuivre , Y arsenic. Le fer, sous forme de chlorure , qui se change souvent en fer oligiste , est au nombre des substances les plus abondantes dans les émanations volcaniques actuelles ; le fer oxydulé est habituelle- ment disséminé dans les laves rejetées par les volcans, et on ne peut douter qu’il n’en existe aussi dans les laves , qui peuvent se consolider à la suite des éruptions volcaniques dans des cavités souterraines. Il doit nécessairement se déposer du fer à l’état d’oxyde ou de chlorure dans les fissures que les émanations volca- niques traversent avant d’arriver à la surface. De là , des filons qui se rattachent , dans l’intérieur du sol , à des masses éruptives ren- fermant du fer. Le cuivre étant un des métaux qui se rencontrent dans les éma- nations volcaniques, on peut faire à son sujet des conjectures ana- logues en remarquant qu’en raison de la plus facile réduction de son oxyde, il est naturel qu’il se trouve en globules métalliques dans les roches éruptives d’où se sont dégagées des émanations cuprifères. On est fondé à faire des suppositions du même genre relative- ment à tous les métaux dont la présence a été constatée dans les émanations volcaniques , et à ceux qui ont été reconnus dans les eaux minérales , c’est-à-dire relativement à presque tous les mé- taux qui se trouvent dans les filons ordinaires. Ces suppositions sont d’autant plus vraisemblables qu’un grand nombre d’eaux thermales semblent n’être qu’une forme particulière des émanations volcaniques, et que les filons, ainsi que je l’ai déjè rappelé, présentent dans leurs gisements de nombreuses analogit : avec les eaux minérales , en raison de ce qu’ils se trouvent aussi de préférence dans des contrées dont le sol a été bouleversé, et se groupent autour de certaines roches éruptives anciennes , comme les eaux thermales se groupent autour des roches éruptives mo- dernes et autour des volcans en activité. Certaines sources thermales , qui sont en même temps des jets de vapeur comparables à ceux qui se dégagent des volcans en ms SÉANCE 1)U Ô JUILLET 1847. éruption, comme les geysers de rislancje, si bien étudiés par un grand nombre de voyageurs , et particulièrement par M. Eugène Robert et par M. Descloiseaux , montrent bien clairement la liai- son des deux genres de phénomènes. La supposition à laquelle conduisent les observations de M. Descloiseaux (1) pour expliquer les phénomènes que présentent les geysers de l’Islande , explique aussi de la manière la plus plausible la diffusion des substances métallifères autour des centres éruptifs. Toutes les substances qui émanent des masses éruptives s’en dégagent à l’état de vapeur ; mais lorsque ces vapeurs ont à parcourir de longs canaux ou de longues fissures avant de se répandre dans l’atmosphère , elles doivent se condenser dans les parties de ces conduits qui sont les i plus éloignés du centre d’émanation. Par suite de cette condensa- tion il s’est passé, dans la partie supérieure des filons, un phéno- mène analogue à celui de l’écoulement des eaux minérales par leurs canaux et il s’est formé des dépôts sur les deux parois des filons ; mais , dans la partie inférieure qui avoisine les masses éruptives avec lesquelles le filon se trouve en connexion , toutes les émanations ont du être d’abord volatilisées. Cette supposition d’une volatilisation initiale de toutes les sub- stances métalliques qui se trouvent dans les filons ordinaires , s’a- dapte d’autant mieux aux faits, que , dans ces filons , les métaux proprement dits se trouvent beaucoup moins fréquemment unis à l’oxygène qu’à des corps simples auxquels on a donné depuis longtemps le nom de minèralisateurs , tels que le soufre , le sélé- nium , l’ arsenic , le phosphore , X antimoine , le tellure , le chlore , Y iode et le brome. Ces corps-là non seulement sont généralement volatils, de même que le bismuth qui les accompagne fréquemment', mais ils ont encore la propriété de rendre volatils beaucoup des corps avec lesquels ils se combinent. Il serait difficile de ci oire que cette propriété si remarquable n’ait pas joué un certain rôle dans la production des filons. Ces mêmes corps sont en même temps du nombre de ceux qui se trouvent dans les émanations volcaniques ainsi que dans les sources thermales, et leur présence dans les filons contribue à corroborer les rapprochements déjà signalés entre les filons , les émanations volcaniques et les eaux minérales. Il est difficile de croire que , dans ces différents cas , ces miné- ralisateurs n’aient pas joué à peu près le même rôle : tous ces phé- nomènes-là paraissent se tenir très intimement, et la nature même (1) Voyez dans le présent volume du Bulletin, p. 550 , et Annales de chimie et de physique , 3e série , t. XIX, p. 444. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1269 des corps mis enjeu indique leur liaison. On conçoit par là les rapports qui peuvent exister entre les filons ordinaires et ces gîtes particuliers que j’ai déjà cités, dans lesquels les substances métal- liques se trouvent concentrées près de la surface de certaines masses minérales , où ils constituent ce qu’on a souvent appelé des filons de contact. Les émanations qui sortaient de l’intérieur des masses éruptives ont entraîné les métaux volatilisés vers leur surface. Près ■'T* de cette surface en partie refroidie , ces métaux ont pu se conden- ser en partie aussi , soit dans la roche éruptive elle-même , soit dans celles au milieu desquelles celle-ci avait fait éruption. Une partie seulement a été entraînée au loin avec la vapeur d’eau et les substances les plus volatiles , qui ont formé à la surface des geysers, des suffio ni ou des sources minérales. La supposition de la présence d’une grande quantité de vapeur d’eau dans les points où s’opéraient ces sublimations intérieures , est la seule qui s’écarte des hypothèses les plus généralement ad- mises ; mais cette supposition n’a rien qui soit en contradiction ? avec les faits connus : elle se réduit à dire que les minerais métal- f liques contenus dans les filons ordinaires peuvent être généralement considérés comme volcaniques à la manière du soufre. On est con- f doit à penser que les choses ont du se passer ainsi , puisque c’est ! ainsi que les choses ont lieu dans les volcans, où tout se passe dans un milieu saturé de différents corps , et principalement de vapeur d’eau , et probablement aussi dans les sources minérales , qui sont un phénomène fort analogue, qui sont des volcans réduits, pour ainsi dire , a la partie aqueuse. L’aspect métallique de la plupart des combinaisons des métaux avec les minéralisateurs , et la ressemblance que cet aspect leur donne avec les produits des opérations métallurgiques , semble autoriser la supposition que ces combinaisons sont dues à la seule action de la chaleur , et cette supposition semblerait confirmée par l’hypothèse qui attribue aux minéralisateurs le rôle d’agents de - -L volatilisation. Mais il faut remarquer que plusieurs des combinai- sons dont il s’agit se décomposent lorsqu’on les chauffe fortement. On voit sans doute certains sulfures se former ou se sublimer dans les fourneaux métallurgiques ; mais d’autres sulfures, tels que les pyrites de fer qui sont si répandues dans les filons , se forment journellement sous nos yeux au sein des eaux, et même dans des eaux à la température ordinaire. L’explication que M. Ebelmen a donnée récemment de la for- mation journalière des pyrites de fer , servira à faire comprendre que les actions chimiques mises en jeu dans la formation des mi- 1270 SÉANCE DU 5 JUILLET 18 A7. nerais métalliques contenus dans les filons , ont dépendu plutôt des propriétés que les métaux et les minéralisateurs manifestent par la voie humide , que de celles qui président aux phénomènes de la voie sèche. Dans beaucoup de cas , dit cet habile chimiste , la formation de la pyrite est due à la réaction des matières organiques en décom- position sur les sulfates alcalins ou terreux contenus dans les eaux marines, en présence de limons ferrugineux. « La formule de cette » réaction (dans laquelle M. Ebelmen ne fait intervenir que le » carbone de la matière organique ) est la suivante : 2F203+ 8S03Ca0 + 15C==ZiF. S2-f- 8Ca0C02 + 7C02 » Les ^ de carbone de la matière organique se précipitent à » l’état de carbonate de chaux ; le reste se trouve restitué à Fat- » mosphère à l’état d’acide carbonique. Les 15 équivalents de » carbone avaient abandonné 30 équivalents d’oxygène avant de » passer dans l’organisation. Toute cette quantité d’oxygène reste » définitivement acquise à l’atmosphère. » La quantité totale d’oxygène contenue actuellement dans l’air correspond à peine à 50 centimètres d’épaisseur de pyrite , ce qui permet de concevoir, comme l’a remarqué M. Ebelmen, que la formation des pyrites est encore et a été pendant toutes les périodes géologiques , une partie importante du mécanisme que la nature a employé pour maintenir l’atmosphère dans sa composition normale. S’il en est ainsi , il est naturel d’admettre que la formation de la pyrite peut se continuer encore aujourd’hui sur une grande échelle à la surface du globe , et rien n’empêche de concevoir que des phénomènes plus ou moins analogues produisent des pyrites dans l’intérieur des fissures où circulent les eaux mi- nérales. On pourrait objecter qu’abstraction faite de la glairine ou de la barégine , il n’existe pas de matière organique dans les eaux thermales qui circulent dans les fissures profondes de l’écorce terrestre. Mais il faut remarquer que dans le phénomène auquel s’adapte l’explication de M. Ebelmen , l’intervention de la matière or- ganique n’a d’autre effet que de mettre en présence le fer et le soufre à l’état naissant. Or, dans les eaux qui contiennent de l’hydrogéné sulfuré avec des sels de fer et beaucoup d’autres sels , diverses réac- tions peuvent aussi mettre encontactetle fer et le soufre à l’état nais- sant ; et on peut conjecturer que cela arrive en effet, lorqu’on voit que les eaux thermales de Chaudesaigues , clans le Cantal, déposent des pyrites. SÉANCE DU 5 JUILLET 4 847. 1271 J’ajouterai que probablement ce ne sont pas seulement les pyrites de fer qui sont susceptibles de se former de cette manière ; car les minerais de cuivre qui s’exploitent dans le terrain permien , au pied occidental de l’Oural , se sont concentrés principalement au contact des matières végétales déposées dans ce terrain, et ces minerais sont formés en partie de pyrites cui- vreuses. Les minerais de cuivre des environs de Perm , au pied occidental de l’Oural méridional , se trouvent très fréquemment , dit M. Murchison , arrangés dans les interstices ou groupés autour de la surface des tiges et des branches des végétaux fossiles (à l’état charbonneux). Ils présentent des passages du cuivre oxydulé au cuivre sulfuré gris ou à la pyrite cuivreuse , et quelquefois aux plus belles variétés de la malachite aciculaire, d’un vert éclatant, mêlée de cristaux de minerai bleu ( Kohlen-Salz Kupfer ) (1). Plusieurs gisements de galène et de blende sembleraient indiquer des réactions semblables, et on ne voit pas pourquoi d’autres minéralisateurs que le soufre n’auraient pas donné lieu à des phénomènes du même genre. On peut citer , au con- traire , les schistes cuivreux de la Thuringe comme offrant une preuve de la variété des combinaisons métalliques qui ont pu se produire par la voie humide , avec ou sans le concours des sub- stances organiques. Dans le Kupfer-Schiefer . on trouve répandus en particules très fines et souvent invisibles à l’œil nu , des mi- nerais de cuivre en grains cristallisés ou en veinules. Ce sont ordinairement le cuivre pyriteux , quelquefois le cuivre sulfuré , rarement le cuivre natif, le cuivre gris, le cuivre carbonaté , le cuivre oxydulé. Ces minerais de cuivre sont argentifères. On y trouve en même temps des pyrites ferrugineuses , quelquefois des minerais de zinc , de plomb , de cobalt , de nickel , d’anti- moine , de bismuth , d’arsenic , des veinules de spath calcaire et de gypse , de petites géodes de quartz , de petits feuillets de houille et d’anthracite. Ces substances charbonneuses proviennent des matières orga- niques qui ont probablement joué ici le même rôle que dans l'Oural ; les petites géodes de quartz, qui ne forment qu’une partie très peu importante de la masse , représentent seules les gangues ordinaires des filons. Ce qui confirme la supposition que des réactions chimi- ques , telles que celles qui ont pu être exercées par les substances organiques, ont dû contribuer à précipiter les minerais métalliques (I) Murchison, de Verneuil et Keyserling, Russia in Europa and the lirai mountains , t. I, p. 144. 4272 SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. clans les couches où on les rencontre, c’est que dans les exemples qui viennent d’être cités , ils s’y sont déposés sans leurs gangues habituelles ; mais ils s’y sont déposés dans le même état de com- binaison que dans les filons ; ce qui prouve que , dans les filons , ils se déposent par la voie humide. Les substances métalliques sont plus sujettes à se trouver oxy- dées dans certains filons ou dans certaines parties des filons que dans d’autres. Ce fait bien connu conduit à un nouveau rappro- chement avec les phénomènes propres aux eaux minérales. Le globe terrestre donne naissance à des émanations très variées qui toutes se ressentent , mais à des degrés inégaux , de sa haute température intérieure et de l’activité qui y règne encore. Citons seulement les sources ordinaires d’une température constante et les vapeurs dont elles s’entourent en hiver, les jets de gaz inflamma- bles , les sources de bitume , les sources minérales et thermales à toutes sortes de températures comprises entre 0° et 100° centi- grades , les geysers , les suffi oni et les lagoni de la Toscane , les étuves de Néron , les vapeurs qui sortent des volcans en éruption, les solfatares. On peut distinguer deux espèces de sources thermales. 11 y en a qui , comme les geysers , émanent de roches éruptives qui ne sont pas encore refroidies , tandis que les autres ne doivent leur chaleur qu'au phénomène général de la haute température de l’intérieur de la terre. Les sources minérales sont généralement disposées par groupes, dans chacun desquels existent une ou plusieurs sources thermales principales qui pourraient être considérées comme des volcans privés de la faculté d’émettre aucun autre produit que des émana- tions gazeuses qui, dans le plus grand nombre des cas, n’arrivent à la surface que condensées en eau minérale ou thermale. Ces sources thermales principales sont généralement accompa- gnées d’autres sources moins chaudes , et ces dernières ne sont sou- vent que des eaux superficielles qui , après être descendues dans les fissures d’un terrain plus ou moins disloqué, remontent péné- trées d’une chaleur qu’elles ont empruntée au sol réchauffé par le foyer même de la source thermale principale , ou simplement im- prégné de la chaleur croissante avec la profondeur que le sol pos- sède partout; ces dernières ne sont en quelque sorte que des puits artésiens naturels. Les travaux lumineux de M. de Buch , et ceux plus récents et plus étendus de M. le professeur Bishof , ont répandu de précieuses lumières sur ce groupement des sources minérales ; mais je dois SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1273 renvoyer à leurs savants ouvrages pour ce sujet , devenu aujour- d’hui une branche importante de la géologie. On aurait bien de la peine à expliquer les sources thermales prin- cipales, si on admettait que les eaux qui les composent descendent à une profondeur où se trouverait aujourd’hui , d’après l’accrois- sement ordinaire de la chaleur intérieure , la température néces- saire pour les réduire en vapeur et qu’elles remontent ensuite. Il est probable que les sources thermales les plus chaudes, les sources thermales principales émanent directement de roches éruptives : mais les sources thermales accompagnantes peuvent être considé- rées comme résultant de l’eau qui descend de la surface dans les fissures et remonte à la surface du sol. Ce trajet suffit pour qu’elles se chargent de beaucoup de substances minérales ; et quoique ces sources en soient moins chargées que les sources thermales prin- cipales, elles en renferment cependant un grand nombre. 11 y a eu quelque chose d’analogue dans la formation des filons. Les sources thermales du second genre doivent se former non seulement dans les fissures ordinaires , mais aussi dans celles qui précédemment avaient été remplies par les masses des filons. Les eaux qui descendent ainsi de la surface du sol dans l’intérieur, pour remonter, descendent chargées d’air atmosphérique, par conséquent avec de l’oxygène. Au contraire , les sources qui se dégagent de 1 intérieur de la terre n’ont pas la propriété d’oxyder, du moins au même degré. Voilà comment on expliquerait une cir- constance extrêmement générale dans les filons : c’est que , dans la masse générale des filons , la plupart des minéraux ont échappé plus ou moins complètement à l'action de l’oxygène. Au contraire, dans le voisinage de la surface, jusqu’à une certaine distance , ils sont oxydés , et ils présentent , par suite de l’oxydation du fer, une teinte ocreuse qui a fait donner à cette partie , par les mineurs allemands, le nom éé eiserner-hut (chapeau de fer). Ce fait si général tend à prouver que les filons ont été formés primitivement par des sources thermales profondes. S’ils avaient été formés par les eaux superficielles et aérées , ils se seraient formés oxydés , au lieu d’avoir à s’oxyder après coup. Les sources descendues de la sur- face qui sont venues plus tard s’y échauffer et s’y minéraliser, ,y ont produit les phénomènes d’oxydation que je viens de rappeler, et peut-être une grande partie des phénomène d’épigénie que M. Haidinger a si savamment étudiés, et même quelques uns des transports moléculaires qui ont concentré après coup dans cer- taines zones une partie des richesses métalliques. Un fait analogue à la formation non oxydée des filons et à leur 1274 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. oxydation subséquente s’observe dans les volcans : les substances volatiles en sortent le plus souvent non oxydées et elles s’oxydent au contact de F atmosphère. Ainsi , le fer sort à l’état de chlorure ; mais il finit par se transformer en fer oligiste. L’hydrogène sulfuré sort des volcans non brûlé ; mais , au contact de l’air il brûle lentement et dépose du soufre , ou bien il brûle avec flamme et produit de l’acide sulfureux et de l’eau. Les flammes qui se montrent quelquefois à la surface des volcans sont , pour ainsi parler , F eisernei-hut d’un filon d’hydrogène sulfuré. Ce qui arrive pour les émanations actuelles des volcans , est arrivé aussi pour les anciennes émanations. On voit , de cette manière , comment les deux phénomènes s’expliquent , et comment l’état des filons conduit à présumer que les substances non oxydées qui les remplissent en partie viennent de l’intérieur de la terre et ont été apportées par les sources ther- males principales ou par des vapeurs émanant directement des roches éruptives non refroidies. Si le dépôt des substances métalliques dans les filons ordinaires est dû à des phénomènes qui ont présenté les plus grands rapports, sinon une identité complète , avec ceux des émanations volcaniques et des sources minérales , on doit pouvoir comparer aussi les filons aux phénomènes volcaniques et aux sources minérales , relati- vement aux matières pierreuses qui , sous le nom de gatigues , en forment une partie essentielle. Cette comparaison ne se présente pas aussi simplement pour ces dernières que pour les matières métalliques , parce qu’on ne voit que rarement des substances qui jouent, à l’égard des matières pierreuses le rôle que les miné- ralisateurs par rapport aux métaux. Cependant , certaines substances pierreuses sont susceptibles d’ètre volatilisées par la chaleur des volcans, ou entraînées à l’état moléculaire par des courants gazeux. On cite des cristaux de py- roxène qui ont été sublimés sur la surface d’un mur au contact des laves du Vésuve qui ont couvert Torre del Greco en 1794. On sait aussi que les cristaux de feldspath trouvés dans un fourneau à Sangershausen , en Saxe , avaient cristallisé dans des fissures où leurs éléments devaient avoir été entraînés par les courants gazeux du fourneau. Mais il ne parait pas que les matières pierreuses aient pu être entraînées de cette manière à une aussi grande distance que les métaux Font été par les minéralisateurs. On ne voit guère qu'un pareil entraînement ait pu avoir lieu , si ce n’est par l’entre- mise de quelque corps tel que le fluor qui rend le silicium et le bore volatils , et qui a pu , comme l’a remarqué depuis longtemps SÉANCE DU* JUILLET 18A7. 1275 M. DauOree , exercer une grande influence dans la formation de quelques filons , en jouant , par rapport à certaines matières pier- reuses , un rôle analogue à celui que les minéralisateurs jouent par rapport aux métaux. Je suis très porté à croire que des substances propres à opérer la volatilisation de substances pierreuses et même de silicates , et à favoriser leur transport moléculaire bien au-delà des limites que la seule action de la chaleur n’aurait pu leur faire franchir, doivent avoir joué un grand rôle dans la production de certains gîtes très remarquables et très connus de substances pier- reuses, telles que les filons de FOisans, du Mont-Blanc, du Saint- Gotliard, où se trouvent les cristaux si connus d’épidote , d’axi- nite , de titane , d’aibite , de prehnite , etc. ; mais les phénomènes dont il s’agit n'ont pas eu une bien grande généralité , car les gîtes que je viens de citer sont d’une nature exceptionnelle. M. Léopold de Büch a remarqué depuis longtemps que les mé- laphyres sont généralement accompagnés d’une auréole de filons dont les uns sont caractérisés par la baryte sulfatée et un grand nombre de minerais métalliques , tandis que les autres le sont par l’épidote. Les variolites du Drac, très répandues dans l’Oisans, rentrent , sous ce rapport , dans la catégorie des mélaphyres épi— dotifères. Mais M. de Buch , avec son tact ordinaire , a distingué ces deux classes d’émanations , et il est certain que Fépidote , comme presque tous les silicates , est au moins très rare parmi les gangues des filons ordinaires , dans la formation desquels les ma- tières pierreuses volatilisées , soit par la seule action de la chaleur, soit par l’intermédiaire de quelque substance particulière telle que le fluor, paraissent n’avoir joué qu’un rôle très restreint. La nature des matières pierreuses au milieu desquelles se trouvent les métaux dans les différents gîtes que nous venons de passer en revue , est parfaitement en harmonie avec les remarques qui pré- cèdent. Lorsque les métaux sont renfermés dans les roches érup- tives elles-mêmes , ils y sont simplement empâtés : il n’y a pas là de substances concomitantes , de gangues proprement dites. Lors- qu’ils se trouvent engagés dans les roches adjacentes à la roche éruptive , quelquefois , comme dans plusieurs des gîtes de la Toscane, si bien décrits dans les ouvrages déjà cités de M. Amédée Burat , les minerais métalliques sont renfermés dans les conglo- mérats de frottement qui se sont formés sur la surface extérieure des masses éruptives, ou dans les roches stratifiées ( gabri ) qui sont devenues métamorphiques par l’effet du contact cle ces mêmes roches. Ils sont encore privés du cortège des gangues proprement dites. 1276 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Ailleurs les matières métalliques qui se sont portées de la masse éruptive dans les masses adjacentes , sont accompagnées de silicates qui paraissent s’être formés au moment de leur introduction. Les silicates sont généralement des produits de la voie sèche, et on pour- rait au premier abord s’étonner qu’il s’en soit formé dans de telles circonstances, car les vides qui peuvent exister pendant le refroidis- sement d’une masse de roches injectées, le long de sa surface , sont des étuves saturées de vapeur et ce qui s’y passe ne s’opère pas plus par la voie sèche , que ce qui se passe dans les fissures du cratère d’un volcan ; mais la température y est très élevée , ce qui fait que des silicates peuvent s’y former. Ainsi dans la mine de Turjinsck, dans l’Oural, observée par M. de Humboldt et M. Gustave Rose, les minerais métalliques accompagnent des masses de silicates (g?'e- nats) formés au contact de la roche éruptive (diorite) et des roches sédimentaires. Dans certains gîtes particuliers de la Toscane , dé- crits aussi par M. Amédée Burat , les minerais métalliques ont pénétré dans les fissures des roches stratifiées où on les trouve encore accompagnées de silicates avec lesquels ils se sont consoli- dés. Tels sont, par exemple, certains filons cuprifères et ploinbi- fères qui se sont formés par suite de phénomènes éruptifs opérés au milieu de roches calcaires. Là , les matières éruptives ont pénétré dans les roches calcaires , y ont rempli les fentes , se sont combi- nées avec elles , ont donné naissance à des minéraux particuliers , par exemple à de l’yénite, qui est un silicate de chaux et de fer. On trouve en outre , dans ces mêmes filons , de l’amphibole vert cristallisé en groupes radiés avec de la pyrite cuivreuse au centre. On voit donc très bien que ces filons ont été formés dans des circon- stances propres à la production des silicates. L’yénite et l’amphibole, en se formant par la combinaison des matières siliceuses et ferru- gineuses des roches éruptives, qui renfermaient la silice et l’oxyde de fer nécessaires , avec les roches calcaires , ont constitué naturelle- ment des bandes grossièrement parallèles , de manière que , par exception , on retrouve la disposition en bandes parallèles qui ca- ractérise les filons d’incrustation. Il est donc probable que les matières qui ont dû se combiner avec les éléments du terrain pour composer tes silicates ont été quelque- fois introduites dans les fentes sous forme de roche éruptive ; mais on pourrait supposer aussi qu’elles y ont été introduites par voie de sublimation, ainsique nous venons d’en rappeler la possibilité. Ce qu’il y a de certain , c’est que les phénomènes qui ont présidé à la formation de ces filons doivent être d’une nature exceptionnelle ; car les matières qui composent les gangues dans ces diverses circon- 1277 SÉANCE DU 5 JUILLET l8/l7. stances, rappellent les roches éruptives qui se composent essen- tiellement de silicates, et ces roches sont toujours à une petite distance des gîtes métallifères dont nous venons de parler. Au contraire , dans les fiions ordinaires , qui s’étendent généra- lement jusqu’à une grande distance des roches éruptives avec les- quelles ils paraissent être en rapport, les métaux sont accompagnés par une grande quantité de substances pierreuses concomitantes auxquelles on donne proprement le nom de gangues , et qui sont d’une nature tout à fait distincte de celle des roches éruptives elles- mêmes. Elles sont souvent formées en partie, à la vérité, des mêmes éléments que les silicates dont les roches éruptives se composent ; mais cette identité de quelques uns des principes con- stituants ne rend que plus évidente la différence de leur nature. Les éléments analogues se trouvent dans un état de combinaison tout différent : ils sont séparés au lieu d’être combinés. Les roches éruptives se composent de silice , d’alumine et de diffé- rents alcalis tels que la potasse et la soude, ainsi que de chaux , de magnésie et d’oxyde de fer. Une partie de ces substances-là entre habituellement dans la composition des gangues des filons ordi- naires , mais jamais à l’état de silicates anhydres , très rarement à l’état de zéolithes et de chlorite , ou de silicates hydratés , et le plus souvent dans un état très différent. La silice s’y trouve isolée à l’état de quartz. La chaux , la magnésie, l’oxyde de fer quelque- fois accompagné cl’une petite proportion d'oxyde de manganèse , s’y trouvent à l’état de carbonates simples ou de carbonates mul- tiples , comme la dolomie et le braun spath. On y trouve aussi le fer et la manganèse à différents états d’oxydation. Ces divers états des substances dont il s’agit sont analogues à ceux dans lesquels ils se trouvent dans les terrains sédimentaires et dans les eaux minérales , et l’analogie avec ces dernières est d’autant plus remarquable , que très souvent aussi , les gangues sont formées de baryte sulfatée et de spath fluor , substances dont la présence a été constatée dans les eaux minérales, et qui ne sont connues nulle part sous la forme de masses éruptives. La silice , la chaux , la magnésie , les oxydes de fer et de man- ganèse contenus dans les gangues des filons , de même que dans les eaux minérales ne sont pas nécessairement des émanations des roches éruptives. Ces substances peuvent très bien provenir, comme l’a annoncé M. Bishof (1) , de la décomposition de roches (i) Bischof, LeJirbuch der chemischen und physikalischen Géologie , t. Ie1. 1278 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. traversées par les émanations souterraines , et le phénomène qui a transporté ces substances , au lieu de les combiner comme dans les roches éruptives , les a , au contraire , décombinées , séparées , décomposées. Les substances qui accompagnent les minerais dans les filons métalliques, sont précisément celles qui sont habituellement em- portées lorsque les silicates des roches éruptives sont décomposées par la voie humide. La silice existe dans la plupart des eaux mi- nérales et sa présence explique l’origine des kaolins et celle des argiles lithomarges si fréquentes dans les filons. L’alumine , qui n’est soluble ni dans l’eau pure , ni dans l’eau chargée d’acide carbonique, n’existe d’une manière habituelle dans les filons que dans les argiles lithomarges; car les minéraux qui tiennent de l’alumine en combinaison , comme certaines zéolithes , le plomb- gomme, etc., y sont extrêmement rares. On y trouve aussi, comme je Lai déjà rappelé , de la baryte sulfatée et du spath fluor, substances connues dans les eaux minérales ; et , abstraction faite de quelques rares zéolithes , on n’y rencontre ni la potasse , ni la soude qui ont pu provenir de la décomposition des roches éruptives. Cela tient à ce que ces alcalis ont formé des composés trop solubles. Dans l’état actuel des choses, ces substances sont au nombre de celles qui se trouvent dans les eaux thermales qui arrivent à la surface du sol ; mais il faut remarquer que , lorsque les eaux thermales ont circulé dans l’intérieur de la terre , elles apportent les sels les plus solubles, et ont déposé principalement les substances les moins solubles qui ont pu y être contenues. L’absence habituelle des alcalis dans les filons constitue donc un nouveau rapprochement avec les dépôts des eaux minérales. Cet ensemble de circonstances a des rapports frappants avec ce qui se passe dans la décomposition des silicates lorsqu’elle s’opère à la surface de la terre par la voie humide. M. Ebelmen a jeté dernièrement un grand jour sur ce sujet par ses Recherches sur les produits de la décomposition des espèces minérales de la famille des silicates (1). M. Ebelmen a considéré diverses roches qui avaient subi une décomposition au contact de l’air, par exemple , différents basaltes et des bisilicates , d’une nature analogue au pyroxène , tels que le bisilicate de manganèse d’Alger (rhodonite de M. Beudant), le bi- silicate de manganèse de Saint-Marcel ( Piémont ) , le bustamite de la mine d’argent de Tetala (Mexique). Il a vu que dans ces (4) Comptes-rendus , t. XX, p. 4 415. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1279 décompositions, le minerai avait perdu une partie considérable de sa substance; que la matière qui était restée, qui formait la croûte extérieure, avait changé d’état d’une manière très sensible. Lorsqu’un morceau de basalte est exposé à l’air, il est assez or- dinaire de voir qu’il a pris une forme arrondie , dans laquelle on distingue plusieurs zones qui évidemment ont subi une décompo- sition. En faisant les analyses comparatives des substances décom- posées et non décomposées, 31. Ebelmen a trouvé que ces roches avaient perdu une partie de leur silice ; c’était principalement de la silice qui avait été enlevée. Il y avait aussi quelquefois des al- calis dans ces substances ; ils étaient aussi enlevés. Quant à la chaux et à la magnésie , elles étaient quelquefois enlevées dans des pro- portions plus ou moins considérables. Yoici comment il s’exprime lui-même à cet égard. 1e « Dans la décomposition des silicates contenant de la chaux » et de la magnésie , du protoxyde de fer , du manganèse , sans » alumine , on trouve constamment que la silice , la chaux et la » magnésie sont éliminées, et tendent à disparaître complètement » par le fait de la décomposition. Mais tantôt le fer et le manga- » nèse restent dans le résidu de cette décomposition à un état supé- >> rieur d’oxydation , tantôt ils disparaissent comme les autres bases. 2° » Dans la décomposition des silicates contenant de l’alumine » et des alcalis, avec ou sans les autres bases, l’alumine se con- » centre dans le résidu de la décomposition , en retenant une cer- » taine quantité d’eau. Les autres sont entraînées avec une grau de » partie de la silice. Le produit final de la décomposition se rap- » proche de plus en plus d’un silicate d’alumine hydraté. Ce prin- » cipe comprend , comme cas particulier , la décomposition du » feldspath et sa transformation en kaolin (1). » L'entraînement de la silice est dû à la solubilité de cette terre à l’état naissant , dans l’eau pure et dans l’eau chargée d'acide car- bonique. Elle se trouve, en effet, dissoute dans la plupart des sources , et surtout des sources thermales ; les geysers de l’Islande en sont un exemple célèbre. « Dans les roches d’origine ignée , on trouve du quartz et des si- » licates complexes dont les bases (sans parler de l’alumine) sont » la potasse et la soude , la chaux et la magnésie , du fer et du » manganèse, ordinairement à l’état de protoxydes. Toutes les » bases se trouvent ici dans le même état de combinaison. » Dans les formations sédimentaires , nous retrouvons les mêmes (t) Ebelmen, Comptes-rendus, t, XX, ülo. 1280 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. » éléments; mais les groupements moléculaires sont devenus beau-* »> coup plus simples , et le mode de combinaison , loin d’être le » même pour toutes les bases , comme dans les espèces des terrains » ignés, est essentiellement variable d’une base à l’autre, suivant » l’énergie des affinités de chacune d’elles. » Nous retrouvons dans les terrains formés par voie aqueuse la «silice, soit à l’état de quartz, comme dans les grès, les meu- » lières , soit à l’état soluble dans les alcalis, comme dans la gaise » des Ardennes. » L’alumine se trouve constamment en combinaison avec la silice » et l’eau dans les argiles ; la chaux et la magnésie , le plus souvent » à l’état de carbonates , quelquefois purs , le plus ordinairement » mélangés avec des proportions variables d’argiles , dans les cal- » caires marneux et les marnes. Le fer et le manganèse se trouvent » également à l’état de peroxydes hydratés , mêlés en toutes sortes » de proportions avec les groupes moléculaires précédents , mais » isolés de toute combinaison avec la silice. Quant aux alcalis, on » ne les rencontre plus , en général , qu’en faible proportion dans » les terrains formés par la voie aqueuse (1). » Ils sont restés en dis- solution dans les eaux combinés avec les acides carbonique , sul- furique ou hydrochlorique. Ce n’est pas seulement dans les terrains sédimentaires, récep- tacle final des matières charriées par les eaux , que les diverses sub- stances dont il vient d’être question se trouvent respectivement dans les différents états signalés par M. Ebelmen. Il en est de même dans les filons ordinaires , et cette circonstance suffit à elle seule pour dévoiler leur mode de formation, et pour montrer que les substances d’origine souterraine dont ils se composent en grande partie sont volcaniques à la manière clu soufre et non à la manière des laves. Ces rapprochements entre les matières constituantes des filons et celles que renferment les eaux minérales , méritent d’autant plus d’attention que dans lë voisinage des filons , soit à leur contact , soit même à distance , les roches présentent souvent des altérations plus ou moins grandes, et généralement differentes de celles qui résultent du contact des matières fondues, mais analogues aux altérations qu’éprouvent les parois des fissures traversées par les émanations volcaniques , et à celles que les eaux minérales pro- duisent . et par suite desquelles elles se chargent , comme l’ont si bien expliqué M. Bishof et M. Ebelmen , d'une partie des sub- stances quelles contiennent. (1) Ebelmen, Comptes-rendus , t. XX, p. 1420. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1281 Ce serait peut-être ici le lieu de citer les argiles bolaires bariolées produites par les geysers de l’Islande , et les analogies qu’elles pré- sentent avec différents terrains bariolés ou irisés, presque constam- ment en rapport avec des dépôts de sel gemme , de gypse , de dolo- mie ; mais je ne reviendrai pas ici sur ce que j’ai dit à cet égard dans le 8e chapitre de Y Explication de la Carte de France (1) , qui est déjà imprimé depuis plusieurs années , quoique le volume dont il fait partie n’ait pas encore été livré au public. Les rapprochements signalés ci - dessus sont d’autant plus im- portants qu’ils s’appliquent non seulement aux filons ordinaires , dont les filons de galène argentifère peuvent être considérés comme le type , mais encore à une foule de gîtes qui se rattachent plus ou moins directement à ces filons , et qui , d’un autre côté , se rattachent très directement aussi et quelquefois simultanément à des phénomènes éruptifs , et à des dépôts sédimentaires. Les émanations auxquelles sont dus les filons ordinaires ont agi sur les roches avec d’autant plus d’énergie , qu’ elles ont évidemment possédé au plus haut degré le genre de subtilité nécessaire pour s’introduire dans leurs interstices les plus im- perceptibles. Les petits nids et les mouches de substances métal- liques qu’on trouve fréquemment dans les roches traversées par des filons remplis des mêmes substances , offrent des exemples remarquables de l’introduction des substances minérales par des fissures ou des pores trop déliés pour qu’on puisse supposer qu’elles y ont pénétré autrement qu’à l’état de vapeurs ou de dissolutions. Ces substances doivent , en effet , s’être insinuées par des fissures extrêmement déliées , ou même à travers les pores de la roche , et cela jusqu’à des distances souvent considérables. On peut citer comme preuves les minéraux analogues à ceux des filons qui ont rempli, dans les terrains sédimentaires, les vides laissés par des coquilles fossiles et par d’autres débris organiques. Sous ce rapport , les pétrifications formées par des minéraux de filons , tels que la galène , la baryte sulfatée , la chaux fiuatée , le fer oligiste , les pyrites cuivreuses, présentent un intérêt particulier , de même que les minéraux qui remplissent les fissures des sep tari a (quartz , pyrites , galène , blende , baryte sulfatée, strontiane sul- fatée ) . On peut encore citer comme exemples de substances miné- rales qui se sont introduites dans des cavités en apparence très closes , celles qui forment des noyaux d’amygdaloïdes et qui rem- (1) Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 94. Soc. géol. , 2 e série, t. IV. 81 J 282 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/]7. plissent des fissures dans les roches basiques ou volcaniques , telles que les agates, les calcédoines, les hydrophanes , les opales , les zéolites , etc. Les silicates non hydratés sont exclus de tous ces amas de minéraux, et les analogies qui portent à supposer que les liions ordinaires doivent leur origine à des eaux minérales ou à des émanations volcaniques , s’appliquent également à ces gîtes si variés. Les sources minérales des anciens temps ont dû , comme celles de nos jours , décomposer des masses minérales. Les argiles litho- mages , les quartz décolorés et devenus compactes ou grenus et souvent pyriteux , les gypses et les dolomies épigènes , sont aux filons métalliques ce que les roches altérées sous nos yeux par les eaux minérales ou par les émanations souterraines sont aux in- crustations formées par des sources ou aux solfatares. Les gypses et les dolomies épigènes sont des masses calcaires altérées par des sources minérales ou par des émanations venues de l’intérieur du sol. Une montagne de dolomie épigène criblée de petites fissures tapissées de rhomboèdres de dolomie , est un 1 stock-werk de magnésie. La formation par épigénie de grandes masses de dolomie ne peut se concevoir que par des émanations qui se seraient insinuées dans une multitude de fissures très éten- dues et très déliées , ou , pour me servir des expressions mêmes que j’employais , il y a près de vingt ans , en repoussant les objec- tions opposées aux idées de M. Léopold de Bucli , « par des gaz qui » se sont dégagés du sein de la terre au moment de la sortie des » mélapliyres, en profitant de toutes les fractures que le sol venait » d’éprouver (1). » L’insinuation de la baryte sulfatée , de la blende , de la galène dans les fissures d’une foule de septaria , démontre victorieusement que l’hypothèse de l’introduction de la magnésie dans des fissures | étroites et ramifiées n’a rien d’essentiellement contraire à la nature des forces qui ont régi les phénomènes de la nature minérale. Les substances qui se sont ainsi insinuées dans les fissures de l’écorce terrestre , celles notamment qui ont rempli les filons , se sont souvent épanchées au dehors , comme le font de nos jours les sources minérales et les émanations volcaniques , et elles se sont déposées à la surface du terrain ou répandues dans les roches sé- dimentaires qui s’y formaient par l’action des eaux extérieures. Il (1) Note sur la forme la plus ordinaire des objections relatives à f origine attribuée à la dolomie. — Annales des sciences naturelles , t. XVIIT, p. 269 (1829). SÉANCE DU 5 JUILLET 18Û7. 1VM en résulte qu'il existe une liaison très intime , et même souvent une continuité non interrompue entre les filons et autres dépôts d’in- crustation formés à l’intérieur du sol déjà consolidé et des couches métallifères dans lesquelles les mêmes substances se trouvent dis- séminées, mais généralement en moins grande proportion. Gomme exemple de ces épanchements superficiels , je citerai , avec MM. Murcliison et de Verneuil , les minerais de cuivre répandus dans le terrain permien , au pied de l’Oural , et sortis vraisembla- blement des mêmes foyers que les gîtes cuivreux contenus dans les roches de cette chaîne ; les minerais des schistes cuivreux de la Tliuringe , sortis probablement des mêmes foyers qu’une partie des filons métalliques du nord de l’Allemagne ; la plupart des dé- pôts superficiels de calamine et de galène sortis des filons de blende et de galène des contrées voisines ; les minerais variés des arkoses répandues autour du plateau central delà France, que M. de Bon- nard a si bien décrits , et dont j’ai moi- même signalé ailleurs les relations de gisement (1) ; la plupart des gîtes superficiels de man- ganèse et des gîtes de minerais de fer oolithique et pisolithique , ainsi que des gîtes considérables de fer oligiste , tels que celui de la Voulte ; les gypses et les dolomies déposés en couches ; les dépôts de strontiane sulfatée avec soufre de la Sicile ; enfin , la strontiane sulfatée répandue dans la formation gypseuse de Paris , qui , pro- bablement, sort des mêmes foyers que la strontiane sulfatée en filons dans la craie de Meudon dont elle partage la forme apotome , et à laquelle se trouvent associés le gypse même des environs de Paris , les marnes vertes qui l’accompagnent , les couches de quartz et de chaux carbonatée cristallisées des couches supérieures du calcaire grossier avec la chaux fluatée qui y a été observée , etc.. . . ; et même quoique moins dii\ ctement la blende trouvée avec les py- rites, dans quelques lignites, les filons de fer, de manganèse, de co- balt qui traversent la formation des grès de Fontainebleau , etc On est conduit par l’ensemble des faits et des rapprochements ! que je viens de discuter à considérer la plupart des filons , des vé- ritables filons, des plus réguliers , en un mot, des filons d'incru- station , comme ayant été produits par des dépôts opérés dans les eaux qui circulaient dans des fentes de l’écorce terrestre, à l’état fl liquide ou à l’état de vapeur. C’est là une opinion qui est bien loin j î d’être nouvelle , et qui a de grands rapports avec celle sur laquelle Werner basait sa -théorie des filons. Werner supposait, en effet, que les filons sont des fentes rem- (4) Explication cle la carte géologique de la France , i. II, p. 297. l‘28Zi SÉANCE DU 5 JUILLET '18Ù7. plies, ce qui estime chose aujourd’hui généralement admise. Il supposait , de plus , que les substances dont les fi ons se compo- sent ont été déposées par l’action des eaux , ce qui paraît encore être vrai dans le plus grand nombre de cas , pour les filons in- crustés formés de bandes parallèles. Il supposait enfin que ces eaux ont formé sur la surface du sol des dissolutions superincom- bantes lesquelles ont pénétré dans les fentes qui ont été remplies par les filons. C’est sur ce dernier point qu’on s’est éloigné de l’opinion de Werner. On admet avec lui que les substances minérales ont été déposées par l’action des eaux , que les filons ont rempli les fentes ; mais on n’admet pas que c’ait été par des dissolutions su- perincombantes : on admet , au contraire , que les substances ré- pandues à la surface sont venues de l’intérieur de la terre ; qu’elles ont été entraînées , soit par des eaux minérales , soit quelquefois par des vapeurs aqueuses ; qu’elles ont été déposées en partie dans les fissures par lesquelles ces émanations passaient , et que le reste seulement de ce qui a pénétré dans les fissures et s’y est en partie fixé s’est répandu dans les eaux superficielles , et a été finalement déposé par elles. La dissolution allait en s’affaiblissant à mesure qu’elle s’éloignait du foyer d’où elle émanait, au lieu d’être, comme dans l’hypothèse de Werner, tout au plus aussi concentrée dans les fentes que sur la surface. Cette manière de voir est bien mieux en rapport avec les faits connus relativement aux filons , et elle explique parfaitement la relation qui existe entre les filons et une foule de gîtes métallifères qui se trouvent répandus sur la surface du globe. Tous ces faits qui s’enchaînent, et qui s’expliquent naturelle- ment lorsqu’on admet que les substances contenues dans les fiions sont volcaniques à la manière du soufre , deviendraient autant d’énigmes inexplicables , si on soutenait qu’elles sont volcaniques à la manière des lares . Dans cette dernière supposition , on ne pourrait concevoir les faits les plus simples et le plus habituellement observés dans les filons. On a cité plus d’une fois les agates , les calcédoines , les cristaux de quartz hyalin et d’améthyste qui existent dans les cavités des amygdaloïdes, comme offrant une preuve de l’origine ignée de toutes ces substances. À cela on peut répondre que ces mêmes sub- , stances se trouvent associées dans les géodes du calcaire siliceux de Champigny , près Paris , et dans celles qu’offrent assez fréquem- ment les silex de la craie tufau près de Rouen et du Havre. Si les géodes d’agate et de quartz des amygdaloïdes provenaient SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1285 de portions de silice qui auraient été en fusion en même temps que la roche qui les renferme , on concevrait difficilement pour- quoi ces géodes se trouvent à peu près uniquement dans des roches ayant pour base un feldspath avec excès de bases. Si on admet, au contraire, que ces géodes ont été formées par infiltration, on conçoit aisément F origine du quartz en remarquant que les roches basiques ont été plus susceptibles que des roches sursatu- rées de silice d’être décomposées par des eaux ou des vapeurs acides , et que , quoique moins riches en silice , elles en ont fourni plus facilement. On pourrait expliquer de la même manière l’origine des hydrophanes contenues dans les fentes des serpen- tines du mont Musinet, près de Turin, celle des opales renfer- mées dans les conglomérats trachytiques , et l’absence de sub- stances analogues dans les porphyres quartzifères et dans les granités. Les veines de quartz des granités possèdent d’autres caractères qui indiquent une origine différente. Beaucoup de géologues sont portés à admettre que tous les filons ont été remplis par l’injection de matières en fusion. Il est cepen- dant difficile d’admettre que des cristaux de quartz contenant des gouttelettes formées de deux liquides huileux , dont l’un est volatil à la température de 27° centigrades , aient cristallisé dans un, bain de quartz en fusion. Or le quartz fait partie des gangues de la plupart des filons , et le quartz avec goutelettes liquides est loin d’y être une très grande rareté. Si les matières qui remplissent un filon y avaient toujours été injectées à l’état de fusion, comment expliquerait-on, par exemple, un filon composé de bandes alternatives de fer spathique et de quartz? Au contraire, l’hypothèse qui attribue les filons métalliques ordinaires à des émanations sous forme de vapeurs ou d’eaux mi- nérales permet de concevoir les faits les plus variés que présentent les filons; et, par exemple, le développement des affinités chimi- ques , dont on a remarqué depuis longtemps l’influence dans la manière dont les métaux y sont associés. Les substances qui y sont généralement réunies ont beaucoup de rapports entre elles , et souvent même des propriétés tout à fait analogues. Le nickel et le cobalt , qui se trouvent très souvent ensemble , ont les plus grands rapports dans toutes leurs propriétés ; il en est de même du fer et du manganèse. L’antimoine et l’arsenic , dont les propriétés sont analogues, jouent des rôles analogues et sont fréquemment asso- ciés. L’argent et le plomb ont beaucoup de rapports; ils sont très constamment associés dans les fiions. 11 est assez rare d’y trouver 1286 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zf7. de l’argent qui ne soit pas accompagné de plomb , et cela n’a guère lieu que lorsque l’argent est à l’état natif ou à l’état de chlorure , deux des états de l’argent qui diffèrent le plus des états correspondants du plomb. 11 est encore plus rare de trouver du plomb qui ne soit pas argentifère, parce que le minerai de plomb le plus répandu est le plomb sulfuré , dont les pro- priétés sont très analogues à celles du sulfure d’argent. Le plomb et le zinc , dont les sulfures ont des propriétés analogues , se trou- vent habituellement associés ensemble sous la forme de la galène et de la blende ; enfin il en est de même de toute la grande famille des métaux qui entrent dans les filons stannifères , l’étain , le tungstène , le tantale , le niobium , le pelopium , etc. La division des filons en deux grandes classes, dont l’une contient habituellement un grand nombre de corps simples incon- nus ou très rares dans l’autre , est complètement en rapport avec la supposition que les filons se sont formés dans des circonstances qui ont permis aux affinités chimiques de déployer leur action avec une entière liberté. Elle met d’autant mieux en évidence l’in- fluence des actions chimiques sur la formation des gîtes métalli- fères , que les deux classes se rattachent à deux grandes classes de roches dont la composition chimique présente des différences qui sont en rapport avec celles des deux grandes classes de filons. 11 existe en effet une relation impossible à méconnaître entre la nature des filons et la nature des roches éruptives dans le voi- sinage desquelles ils se trouvent , et avec lesquelles ils sont en connexion. Les filons ordinaires , que j’ai nommés aussi plombi- fères, parce que les filons de galène argentifère peuvent en être considérés comme le type , se rattachent souvent aux roches érup- tives basiques, ils sont surtout caractérisés par le rôle qu’y jouent les minéralisateurs et par l’absence de silicates anhydres. Ils sont moins riches en minéraux et en corps simples que les filons stan- nifères , qui se rattachent directement aux granités et aux autres roches éruptives chargées d’un excès d’acide silicique. Je pourrais multiplier les exemples de ce fait général , mais je me bornerai à citer ici ceux que nous offre l’Angleterre. On trouve dans différentes parties de F Angleterre un grand nombre de filons. Il en existe d’abord en Cornouailles une pre- mière série dans laquelle on exploite les minerais d’étain ; ils sont très intimement liés avec les roches granitiques ; ils contiennent une bien plus grande variété de substances minérales que les autres filons qui leur sont postérieurs. La seconde série renferme les filons qu’on exploite pour les mi- SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7e 1287 lierais de cuivre. Ces minerais sont principalement de la pyrite cuivreuse; il y a aussi du cuivre sulfuré, du cuivre oxydulé, du cuivre natif, du phosphate et de l’arséniate de cuivre. Ces filons , qui sont quelquefois une simple extension des précédents , se rat- tachent encore, mais moins directement, aux granités dont ils s’éloignent souvent beaucoup plus. Les filons de la troisième série portent le nom de filons croi- seurs , parce qu’ils coupent ordinairement les autres , auxquels ils sont postérieurs ; ils renferment des minerais de plomb et de co- balt , du sulfure d’antimoine , de l’argent noir et de l’argent natif. Enfin , il y a une autre série de dépôts métallifères dans le Cor- nouailles et le Devonsliire , ce sont ceux qui renferment seulement du manganèse ; ceux-là pénètrent jusque dans le nouveau grès rouge ; tandis qu’on n’y voit jamais pénétrer les filons de plomb , les filons de cuivre , et encore moins les filons d’étain. Ces différents filons paraissent s’être formés successivement , à des époques de moins en moins anciennes , et on voit la quantité de substances minérales diminuer et leur nature changer, à mesure qu’on revient à des époques de plus en plus modernes , à des époques de plus en plus éloignées des éruptions de roches grani- tiques , qui paraissent avoir été le point de départ de la formation de la plus grande partie au moins de ces filons. Je dis de la plus grande partie , parce que certaines roches tr ap- prennes peuvent avoir été le point de départ de quelques uns d’entre eux ; mais il y a des différences entre les filons qui sont en rapport avec des roches trappéennes et ceux qui sont en rapport avec les roches granitiques. Les premiers , dont on trouve des exemples nombreux et célèbres dans le Cumberland et le Derby- sliire , où ils se rattachent aux toaclstones et aux whinstones , ren- ferment une variété bien moins grande de substances minérales , sont beaucoup moins riches en corps simples et surtout en métaux que ceux qui se rattachent directement aux granités et aux autres roches éruptives chargées d’un excès d’acide silicique. Le Cor nouai) les et la Saxe, où les granités et les porphyres quart- zifères ont été les principaux centres d’émanation des richesses mé- talliques , renferment des filons des deux classes dont la distinction , sans être absolue , a été faite depuis longtemps. Parmi les filons qui paraissent se lier à des roches où la silice est en excès, ce sont seulement les plus modernes qui correspondent , par leur composi- tion , à ceux qui se rattachent aux roches neutres ou basiques. Les filons qui se rattachent aux masses granitiques ne sont pas tous éga- 1288 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. lement riches en corps simples. Les filons ou les parties de filons qui s’écartent des masses granitiques, bien qu’ils s’y rattachent encore , sont beaucoup moins riches que ceux qui y tiennent de plus près. Les émanations granitiques se sont visiblement appau- vries avec le temps et à mesure qu’elles se sont étendues à de plus grandes distances. Elles ont fini par se réduire au degré de richesse des émanations des roches basiques, et les derniers filons émanant des granités ne se distinguent pas de ceux qui émanent des roches basiques , de sorte qu’on ne peut décider s’ils émanent réelle- ment des granités ou de masses de roches basiques restées ensevelies au-dessous de ces derniers. Il y a ainsi deux classes de contrées métallifères : celles dans lesquelles ont eu lieu des éruptions de roches granitiques , où on rencontre tout le cortège de minéraux que j’ai déjà cités comme se trouvant disséminés dans les roches granitiques ; et celles dont les richesses ne dérivent que des roches éruptives volcaniques et basiques. Les filons de celles-ci ne possèdent que la fin de la série des émanations métallifères ; elles ne contiennent que 43 corps simples , et il en est plusieurs qui ne figurent en quelque sorte que pour mémoire dans ce nombre 43 , parce qu’ils y sont fort rares : tels sont Y étain , qui n’est pas moins rare ici que n’est le plomb parmi les minéraux disséminés dans les granités; le pal- ladium , qui n’y figure que pour le palladium sélénié du Hartz ; le bore , que je n’y place qu’à cause des tourmalines, renfermés dans des dolomies du Saint-Gothard et de la boracite disséminée dans certains gypses , et même le molybdène qui n’y est repré- senté que par le plomb molybdaté. Ils ne renferment que des si- licates hydratés , tels que la laumonite , l’harmotome et diverses autres zéolitlies , le silicate de zinc hydraté (calamine) et certaines chlorites. Il faut encore remarquer que Y aluminium ne s’y trouve guère à l’état de combinaison que dans les zéolitlies, dans les chlorites , dans le plomb-gomme et dans quelques autres minéraux qui peuvent être regardés comme des résultats de décomposition , et sous une forme pour ainsi dire mécanique , dans les argiles lithomarges. Son absence ordinaire coïncide avec l’absence des silicates non hydratés. Les 38 autres corps simples n’y sont pas tous également répan- dus. Parmi ceux qui s’y font le plus remarquer , on peut citer le barium , le strontium , le zinc , le plomb , le cuivre , le mercure , Y argent , le carbone , le tellure , Y antimoine , 10 corps qui sont beaucoup plus rares , dont quelques uns même sont inconnus dans SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1289 les granités et dans les filons stannifères. Les filons ordinaires sont surtout caractérisés par le rôle important qu’y jouent les minera li- sateurs , et par Y absence des silicates anhydres. Dans les filons stannifères , le rôle des minéralisateurs est moins prépondérant. Les gangues autres que la silice jouent un rôle moins habituel : des silicates anhydres y existent fréquemment. Enfin , ces filons , ou , pour mieux dire , la classe très étendue de gîtes métallifères , dont les filons réellement stannifères forment seule- ment une partie, se distinguent parla grande variété des minéraux qu’ils renferment. Comme le montre la 9e colonne du tableau placé à la fin de cette note, c’est la classe des gîtes minéraux la plus riche en corps simples. On y en trouve 48 , et ces corps , qui n’y existent pas tous en même temps et qui se remplacent souvent les uns les autres , jouissent en partie de propriétés analogues. Ils sont , pour la plupart , très avides d’oxygène , et , toutes choses égales , ils se rencontrent plus souvent oxydés et moins souvent combinés avec les minéralisateurs, que les métaux qu’on trouve dans les filons or- dinaires. Les oxydes de beaucoup de ces corps jouissent des proprié- tés acides , et se rapprochent, sous ce rapport , de la silice , ce qui rend d’autant plus remarquable la richesse en silice de ces gîtes eux-mêmes , et leurs rapports constants avec les granités , qui sont les roches éruptives les plus riches en silice. Ces gîtes tiennent d’extrêmement près au granité , et leur mode de formation a eu nécessairement les plus grands rapports avec le mode de formation des masses granitiques elles -mêmes. Indépendamment de ce que les gîtes stannifères se rattachent aux granités par de nombreux passages , la liaison est encore établie par la grande ressemblance qui existe , comme le montrent les colonnes 5 et 6 du tableau , entre les listes des corps simples con- tenus dans les uns et dans les autres. Ces deux classes de gîtes sont avec les filons ordinaires celles dans lesquelles il entre le plus de corps simples. Mais une partie considérable des corps simples qui se trouvent dans les filons ordinaires se retrouvent , comme le mon- trent les colonnes 8 et 9 , dans les sources minérales et dans les émanations volcaniques, tandis que parmi ceux qui sont communs aux granités et aux filons stannifères, plusieurs ne se trouvent jamais ailleurs, et un grand nombre ne se retrouvent ailleurs que très rarement et en très petite quantité. Il semble ainsi qu’il y ait eu une sorte de concentration d’une classe nombreuse de corps simples dans la première écorce du globe terrestre , et que , lors de sa formation , il ait existé une cause tendant à ce qu’un grand nombre de corps simples fussent retirés de la circulation 1290 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Les gîtes que je désigue sous le nom de filons stannifères (en prenant , ainsi que je l’ai déjà annoncé , la partie pour le tout j sont sujets à contenir les 42 corps simples contenus dans les granités, à l’exception du thorium que je n’y trouve pas encore indiqué , et qui est très rare dans les granités eux-mêmes. On y trouve , comme dans les granités , le lithium , Y yttrium , le glucinium } le zirconium , le cérium , le lanthane , le didymium , le tantale , le niobium , le pelopium , Y étain , le tungstène , le molybdène; mais on y cite en outre 7 corps simples : le barium , le nickel, le cadmium , le vanadium , le tellure , Y antimoine et le sélénium , qui sont connus pour se trouver assez habituellement dans les filons ordinaires , mais qui n’ont pas encore été cités dans les granités. Ces 7 corps simples sont tous fort rares dans les fdons stannifères, et si plusieurs d’entre eux n’ont pas encore été découverts dans les roches granitoïdes , cela tient peut-être au mode de concentra- tion que la nature a suivi dans la formation des gîtes stannifères. Les 41 autres corps simples, qui sont communs aux roches grani- toïdes et aux filons stannifères , y sont beaucoup plus répandus et y sont beaucoup plus caractéristiques. L’existence prédominante de ces 41 corps simples dans les deux classes de gîtes dénote entre eux des analogies et une liaison très intime. Cette liaison devient encore plus manifeste , quand on examine en quoi les filons de la seconde classe diffèrent, par leur contenu, des filons stannifères. Les corps simples sont très notablement moins nombreux dans les filons ordinaires et dans les géodes des roches basiques ou volcaniques , qu’ils ne le sont dans les filons stannifères : on y en compte seulement 43. Certains métaux , tels que Y or, Y argent, le palladium , se trouvent dans les filons ordi- naires et dans les filons stannifères. Quelques autres , tels que le strontium , se trouvent dans les filons ordinaires et sont encore inconnus dans les filons stannifères ; mais il n’est pas impossible qu’ils se trouvent plus tard dans ces derniers. L’absence de la plupart des corps simples qui forment l’attribut distinctif des gra- nités est ce qui distingue spécialement les premiers. La plus grande richesse des filons stannifères tient en effet aux rapports qu’ils pré- sentent avec les granités , et la présence de tous les corps simples cités dans les granités (le thorium seul excepté) , est ce qui leur donne un caractère distinct. La liaison que ces comparaisons nous révèlent entre les filons stannifères et les granités , d’une part , et entre les filons stanni- fères et les filons ordinaires de l’autre , est un fait important qui montre que l’étude de l’origine du granité est un complément in- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. 1291 clispensable de celle de l’origine des filons ordinaires, et que le mode de formation du granité doit avoir eu un caractère intermé- diaire entre l’origine des filons ordinaires et l’origine des roches éruptives volcaniques et basiques. Le granité , surtout lorsqu’il dégénère en certaines roches qui en sont des dégradations ou des monstruosités, est sujet à renfer- mer une foule de minéraux cristallisés qui ne se trouvent presque jamais ailleurs , si ce n’est dans les roches métamorphiques qui lui sont intimement associées et dans les gîtes stannifères. Tels sont la tourmaline , le zircon , l’étain oxydé , le wolfram , le tan- talite , etc. Ces minéraux contiennent eux -mêmes un certain nombre de corps simples , inconnus ailleurs , et qui n’ont pas continué à faire partie du répertoire des corps simples employés dans le laboratoire de la nature jusqu’aux époques géologiques récentes : tels sont le thorium , X yttrium , le tantale , le niobium , le pelopium ; dont quelques autres , comme le glucinium , le zirco- nium , le cérium , le lanthane , le didymium , Xurane , X étain, le tungstène , le molybdène , bien que se trouvant quelquefois ailleurs , semblent avoir , dans le granité et dans les roches métamorphiques concomitantes , ainsi que dans les gîtes stannifères , leur gisement de prédilection , dont ils sortent presque aussi rarement que le pla- tine et les métaux ses satellites sortent des roches éruptives basiques. Le thorium n’a encore été trouvé que dans le granité ou dans les roches métamorphiques concomitantes ; il n’a pas encore été suivi jusque dans les gîtes stannifères. Le zirconium se trouve dans le zircon empâté au milieu de cer- tains basaltes, mais paraît ne s’y trouver que d’une manière acci- dentelle , comme élément arraché aux granités qui sont son véri- table gisemeut, et la zircone se trouve encore au milieu des gra- nités dans plusieurs autres minéraux. L 'étain , le tungstène , le molybdène , Xurane ne s’échappent en quelque sorte qu’à la dérobée, et en fort petite quantité, des gra- nités , des roches métamorphiques concomitantes et des gîtes stan- nifères. C’est là que tous ces corps ont , pour ainsi dire , leur quartier général , et ils ne font , dans le reste du monde minéral , que de rares et furtives excursions. Quelques autres corps simples , quoique très généralement ré- pandus , se trouvent dans les granités , dans les roches métamor- phiques concomitantes et dans les gîtes stannifères en plus grande abondance que partout ailleurs , ou sous des formes qu’ils ne re- prennent dans aucun autre gisement. Ils s’y trouvent, par exemple, dans des minéraux beaucoup plus nombreux que partout ailleurs , 1292 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ce qui montre que ,. dans les circonstances où le granité s’est formé , ils se sont trouvés plus à l’aise pour développer toutes leurs affi- nités et pour contracter toutes les combinaisons dans lesquelles ils sont susceptibles d’entrer. Ainsi, le lithium se trouve dans quelques eaux minérales , mais il y est assez rare et toujours peu abondant, et , indépendamment de cela , il n’a été reconnu que dans des minéraux contenus dans les roches granitoïdes , dans les roches métamorphiques conco- mitantes et dans les gîtes stannifères. Le titane se trouve dans une foule de roches : c’est un des corps simples les plus répandus , et qui peuvent servir à établir la liaison entre les roches volcaniques et les roches cristallines anciennes ; mais il se trouve dans les roches volcaniques à l’état de fer titané seulement , tandis que , dans les roches anciennes , il entre dans un très grand nombre de minéraux. Le cérium , cpii présente des rapports avec le manganèse dans ses propriétés chimiques, se trouve principalement dans les granités et dans les gisements concomitants , où il y entre dans la composi- tion d’une foule de minéraux inconnus ailleurs. Le bore se rencontre dans les émanations volcaniques actuelles , aussi bien que dans les roches granitiques. C’est un des corps qui peuvent servir à établir la liaison entre les phénomènes anciens et les phénomènes récents ; mais il se trouve bien plus habituelle- ment et en plus grande abondance dans les roches cristallines anciennes, où les tourmalines qui contiennent du bore sont géné- ralement répandues. Le fluor ne joue qu’un rôle très peu appréciable dans les vol- cans. Il se trouve dans les eaux minérales et dans les filons , sous forme de chaux lluatée ; mais on voit qu’il a joué un rôle impor- tant dans les anciens phénomènes de cristallisation , parce que beaucoup de composés qui renferment les corps simples propres aux terrains granitiques renferment en même temps du fluor. Le phosphore contenu dans le phosphate de chaux se trouve dans les eaux minérales et dans la terre végétale qui le fournissent journellement aux corps organisés , et il se trouve répandu avec les ossements, les coquilles et autres débris organiques, dans toutes les roches sédimentaires ; mais le gisement essentiel de la chaux phosphatée cristallisée est au milieu des granités et dans les gîtes stannifères , où l’acide phosphorique se trouve encore dans le manganèse phosphaté et dans plusieurs autres minéraux. Le carbone se présente dans des circonstances assez analogues à celles où se présente le phosphore II entre, pour une partie SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1293 principale, ou au moins très notable, clans la composition des êtres organisés , qui l’empruntent à l’acide carbonique de l’atmo- sphère dans laquelle les émanations volcaniques et les sources mi- nérales le versent constamment. Il se trouve au milieu des roches sédimentaires et métamorphiques sous forme de combustibles minéraux et de graphite , qui doivent leur origine à des débris organiques , et il y entre dans la composition de carbonates qui proviennent ou de débris organiques , ou de sources minérales ; mais on ne peut lui assigner d’autre gisement indépendant des êtres organisés et des émanations souterraines , cpie les roches cris- tallines anciennes ; car il est très probable que le gisement origi- naire du diamant , qui n’est pas encore bien connu, se trouve dans certaines roches granitoïcles très riches en minéraux cristallisés qui sont le gisement originaire de la plupart des pierres précieuses. Tous ces corps , si remarquables par la vigueur de l’action cris- talline qui a présidé à leur formation , sont, dans cette forme par- ticulière , au nombre des minéraux qui caractérisent les granités. Si la concentration de certains corps simples dans le granité se bornait à des corps généralement très rares et assez peu connus , comme quelques uns de ceux que nous venons de passer en revue, on pourrait l’appeler une bizarrerie de la nature , en supposant qu’un pareil mot pût être admis dans la science ; mais un phéno- mène analogue existe pour des corps extrêmement répandus dans tout le règne minéral et même dans le règne organique, particu- lièrement pour le potassium. Le potassium et le sodium se trouvent dans toutes les colonnes du tableau epri termine cette note , excepté dans celle des métaux natifs ; mais il est à remarquer qu’ils n’y sont pas dans la même proportion; que le potassium est plus abondant, proportion- nellement, dans les roches granitiques qu’il ne l’est dans les roches volcaniques actuelles et dans les roches volcaniques an- ciennes. il arrive très souvent cpie , dans les roches volcaniques , il est remplacé parle sodium. De même, la soude est plus abondante que la potasse dans les eaux minérales actuelles et dans les éma- nations volcaniques. Ainsi , le potassium et le sodium ont joué un rôle à peu près analogue ; mais le potassium a joué son rôle plus anciennement, et le sodium aune époque plus moderne. Tapotasse a des affinités plus fortes pour la plupart des acides , et surtout pour la silice , que la soude , et les silicates à base de potasse sont plus stables que ceux à base de soude. Gela explique comment les eaux thermales , en décomposant les roches qu’elles ont à traverser dans T intérieur de la terre , s’v chargent de soude plutôt que de SÉANCE DU 5 JUILLET !8/|7. 129/t potasse , et cela permet aussi de concevoir pourquoi le potassium s’est concentré , de préférence au sodium , dans l’écorce granitique du globe terrestre , dans ce qui paraît avoir été la première croûte refroidie qui a pu se former à la surface du globe terrestre encore en fusion . Enfin , le même phénomène de concentration dans les granités existe pour le silicium , puisqu’en examinant les différentes classes de roches éruptives, on est conduit a les diviser en roches dont la masse est principalement formée par des feldspaths où la silice se trouve en défaut, et en roches extrêmement silicatées , telles que les granités dans lesquels le feldspath est saturé de silice , et qui renferment même un excès de silice libre ; d’où il résulte que les granités et toutes les roches auxquelles se rapporte collectivement la 5e colonne du tableau placé à la fin de cette note , se distinguent essentielle- ment des autres roches éruptives , parce que la silice s’y trouve dans une proportion beaucoup plus grande. Cette dernière remarque doit faire concevoir que le fait de la concentration d’un certain nombre de corps simples dans les gra- nités et dans les gîtes concomitants doit tenir aux circonstances les plus caractéristiques de leur formation. 11 est d’autant plus probable qu’il en est ainsi , que la plupart de ces corps simples jouissent en commun de certaines propriétés : la plupart sont très avides d’oxygène ; toutes choses égales , d’ailleurs , ils sont plus souvent oxydés et moins souvent combinés avec des minéralisateurs que les métaux, qui se trouvent de préférence dans les filons ordi- naires. En s’oxidant , ils donnent naissance soit à des substances alcalines plus ou moins analogues à la potasse , soit à des acides faibles qui ont des rapports plus ou moins marqués avec la silice. Tout porte donc à conclure que c’est la même cause , et par con- séquent une cause très spéciale qui a concentré tous ces corps dans les granités et dans les gîtes concomitants d’une manière si parti- culière. L’action de cette cause , quelle qu’elle puisse être , se révèle encore par les différences qu’on observe entre les effets métamor- phiques qui ont accompagné l’injection du granité et celle de la plupart des autres roches éruptives à travers les roches préexis- tantes. Quelquefois les effets métamorphiques du granité se bornent, comme ceux du basalte ou du porphyre , aux conséquences d une élévation de température considérable, quoique généralement trop faible pour fondre les roches métamorphosées qui ont conservé presque partout leur stratification originaire ; mais, dans une foule de cas , les effets métamorphiques du granité , sans annoncer une SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1295 température capable de foudre les roches qui ont conservé leur stratification , annonce une énergie extraordinaire d’action chi- mique et cristalline, et ces effets dérivent tellement bien de l’action du granité et de l’action même à laquelle le granité doit sa propre cristallinité, qu’ils sont accompagnés de l'introduction de la plupart des corps simples et des minéraux caractéristiques des granités. L’origine granitique de ces minéraux est tellement évidente , que je n’ai pas hésité à comprendre, dans la 5e colonne du tableau placé à la fin de cette note , les éléments de tous les minéraux qui se trouvent dans les roches métamorphiques , dont le métamor- phisme est dû au granité ; ceux , en un mot, qui, suivant l’heu- reuse expression de M. de Humboldt, sont compris dans la pé- nombre du gi'anite et des roches granitoïdes. Les minéraux si variés qui se trouvent disséminés dans les micaschistes rentrent pour moi dans cette classe; et c’est pour cela que j y comprends le spinelle zincifère des schistes talqueux du faldun , l’or natif de certains micaschistes , l’argent que cet or renferme sous forme d’al- liage , etc. ; ce qui me donne des motifs pour comprendre le zinc , l’or et l’argent parmi les corps simples qui forment le cortège des roches granitiques. Les minéraux qui contiennent cette multitude de corps simples que j’ai signalés comme l’attribut spécial des granités, se trou- vent ainsi concentrés dans la zone dans laquelle la cause qui a pré- sidé à la cristallisation du granité a surtout exercé sa puissance ; leur présence est l’un des témoignages les plus palpables de l’action d’une réunion d’agents que l’on désignerait assez volontiers sous le nom à' aura granitica , si l’on voulait se contenter d’exprimer les notions vagues que révèle le premier aspect des phénomènes. Mais si l’on veut y pénétrer plus avant et les analyser plus com- plètement, on remarquera que les minéraux qui contiennent cette multitude de corps ne sont pas disséminés arbitrairement dans toutes les parties des masses granitiques qui en renferment : ils sont concentrés dans certaines parties , et surtout vers la surface de ces masses granitiques. C’est la position dans laquelle se trou- vent ordinairement les minerais d’étain. Ils sont ainsi concentrés, non seulement dans la première écorce du globe terrestre , mais encore dans l’écorce de cette écorce et dans les ramifications que cette écorce a formées dans les masses à travers lesquelles elle était poussée par les agents éruptifs. On observera, en outre, que les parties des masses granitiques et de leurs ramifications dans lesquelles sont concentrées les richesses minérales qui nous occupent, se distinguent du reste des masses, non seulement par 129 G SÉANCE DU 5 JUILLET 1SÜ7 . leur position excentrique , mais aussi par l’excentricité de leur composition ou de leur structure. Elles sont souvent plus cris- tallines que le reste (granités à grandes parties , pegmatites ) ; plus souvent encore elles sont extrêmement quartzeuses , et sont même , sous ce rapport , de véritables monstruosités du granité (liyalomicte , liyalo-tourmalite , quartz en masse) . On est donc fondé à penser que Faction quelconque qui a concentré sur la limite des masses granitiques, les richesses minérales et la surabondance de quartz dont nous parlons, n’est qu’une application plus concentrée de la cause générale à laquelle les granités doivent d’être plus riches en silice que la plupart des autres roches érup- tives , et de s’en distinguer en même temps par une cristallinité particulière. C’est dans cette zone extérieure, désignée si heureu- sement par M. de Humboldt sous le nom de pénombre du granité , que la cause quelconque à laquelle sont dues la cristallinité et la richesse en silice du granité a surtout exercé sa puissance , et c’est là que le secret de son action peut être recherché avec le plus de chances de succès. L’origine éruptive des granités ne saurait être révoquée en doute. Les ramifications qui se détachent sous forme de filons ou de colonnes irrégulières de la plupart des masses granitiques , les fragments de roches préexistantes qui s’y trouvent empâtés , en fournissent des preuves incontestables. Les granités , au moment où ils ont fait éruption , étaient à une température élevée ; on en a la preuve dans les modifications qu’ont fréquemment éprouvées les roches préexistantes , au milieu desquelles ils ont été injectés. La question de l’origine des granités consiste surtout aujour- d’hui à déterminer les différences qui doivent avoir existé entre le mode d’éruption des granités et le mode d’éruption des roches qui s’en rapprochent le plus par leur composition , différences qui doivent être en rapport avec la cristallinité particulière des gra- nités et avec toutes les circonstances qui les particularisent. 11 est certain qu’il a existé des différences essentielles entre le mode d’éruption des granités et celui de la plupart des autres ro- ches éruptives. Les filons de granité ont rarement la régularité et l’étendue que présentent habituellement les filons de basalte et de porphyre quartzifère. Ils ne sont jamais accompagnés de scories ni de roches vitreuses; ils ne sont presque jamais accompagnés de conglomérats qu’on puisse mettre en parallèle avec les conglomé- rats basaltiques , trachy tiques et porphyriques. On chercherait vainement à expliquer ces différences en disant que le granité est le produit d’éruptions intérieures qui auraient rempli de vastes ca- SÉANCE DU 5 JUILLET 18Æ7. 1*297 vi tés situées à de grandes profondeurs dans l’épaisseur de l’écorce terrestre. Les éruptions granitiques peuvent sans doute avoir rem- pli quelquefois de grands vides souterrains produits par les dislo- cations de l’écorce du globe ; mais la profondeur à laquelle ils pou- vaient être situés n’a eu qu’une influence très secondaire sur le phénomène. On en a la preuve dans la disposition des gîtes stan- nifères qui forment le cortège d’un grand nombre de masses gra- nitiques. La richesse de ces gîtes , notamment celles des masses d’byalotourmalites schisteuses , d’origine métamorphique , qu’on exploite à l’Auersberg, en Saxe , varie rapidement avec la distance des points exploités à la surface du sol. Cette variation , observée dans les gîtes stannifères, est d’autant plus significative qu elle n’est qu’un cas particulier d’une variation toute semblable obser- vée dans une foule de gîtes métallifères de la nature la plus variée. On peut citer comme exemples de cette variation les mines d’or de Beresowsk , en Sibérie , le Gosscin , souvent stannifère des filons du Cornouailles , les minerais argentifères rouges de la mine d’Huelgoet , en Bretagne , les Pcicos et les Colorados du Mexique et du Pérou , une foule de dépôts calaminaires , et elle prouve que la surface actuelle diffère très peu de la surface qui existait lors de la formation de ces différents f îtes métallifères, et près de laquelle la richesse minérale s’est particulièrement concentrée. Cette remarque s’appliquant aux gîtes stannifères anssi bien qu’aux autres , on est conduit à conclure que depuis leur formation , et par conséquent depuis l’éruption des granités , à la pénombre desquels ils appartiennent , la surface du sol n’a guère été altérée que par le creusement des vallées. Les granités qui se montrent avec leur grain ordinaire , soit à la surface des plateaux , soit à une petite distance verticale au-dessous de leur surface, ne peu- vent donc être redevables de leur cristallinité à la grande pro- fondeur à laquelle ils se seraient consolidés, Si la forme particulière des roches granitiques et des roches métamorphiques qui leur sont associées tenait seulement à la grande profondeur à laquelle elles se sont produites , on les trou- verait également riches en substances métalliques , quel que soit leur âge. Or, il est certain que, parmi les roches de cette classe , les plus anciennes sont les plus riches , comme on peut s’en con- vaincre en comparant les roches cristallines anciennes de la Suède , de la Finlande , de la Bohème , de la Bavière , de la Nouvelle- Angleterre , etc,, aux roches qui leur sont le plus analogues parmi celles qui sont dues à des phénomènes plus modernes. La Syénite zirconienne de Christiania , le Miascite et les autres roches cris- Soc. géol. , 2e série, tome IV. 82 1298 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. tallines de l'Oural , sont du nombre de celles parmi lesquelles on a signalé la plus grande variété de minéraux contenant habituellement les corps simples spécialement concentrés dans les roches graniti- ques. Ils s’y trouvent en effet presque tous; cependant le molybdène et le tungstène paraissent y manquer. Or ces roches , quoique sans doute fort anciennes , le sont probablement un peu moins que la plupart de celles dans lesquelles se trouvent habituellement les minéraux qui contiennent ces deux derniers métaux. Ainsi leur ancienneté un peu moindre est accompagnée d’un premier degré d’appauvrissement. Cet appauvrissement devient bien plus sensible encore si on compare des roches cristallines acidifères d’âges plus différents . On peut alors faire porter la comparaison sur des localités très nombreuses. M. Scheerer, de Christiania , a signalé, il y a quelques années (1) , l’existence de gadolinites , d’orthites et d’al- lanites (minéraux pyrognomiques contenant du cérium , de l’yt- trium et du zirconium , et le plus souvent accompagnés des autres corps simples , spécialement propres aux roches cristallines acidi- fères) , dans les granités de 74 localités différentes , savoir : 60 en Norwége et en Suède, 5 en Finlande , 4 au Groenland et 5 dans l’Amérique septentrionale (Nouvelle-Angleterre). Il se trouve au- jourd’hui en mesure d’augmenter encore considérablement le nombre de ces gisements et de les porter jusqu’à 100. Il y com- prend celui d’un minéral voisin de l’Orthite que M. Breitliaupt a découvert près de Marienberg, en Saxe. Il ne nomme pas une seule localité où ces roches granitoïdes et métamorphiques ne re- montent pas à une époque ancienne. Si de ces gisements anciens on passe aux roches jurassiques métamorphiques des Alpes, on y trouve encore la tourmaline et les minerais de titane, mais ils sont dépouillés de tout le cortège des minéraux qui contiennent les métaux de la famille du tantale. Les filons à silicates qui accom- pagnent les roches granitoïdes de l’Oisans , du Mont-Blanc , du Saint-Gothard , renferment bien du titane et du bore ( dans l’axinite) , mais ils ne contiennent ni étain , ni tungstène , ni tantale , ni cérium , etc. Les granités de l’île d’Elbe , qui ont fait éruption postérieurement au dépôt des terrains crétacés , et même probablement après le dépôt d’une grande partie des terrains ter- tiaires renferment encore des tourmalines et quelques émeraudes , mais elles y représentent seules les minéraux variés et riches en corps simples des granités anciens. Les granités talqueux ou proto- (1) Scheerer, Annales de Poggendorjj \ t. LXI, p. 655. SÉANCE DU 5 JUILLET 1S/|7. 1299 gines de l’Oisans, dont j’ai donné ailleurs la description (1) , n’ont cristallisé qu’ après avoir été soulevés jusque dans la région des neiges perpétuelles. Ils peuvent être cités comme une des meil- leures preuves que les granités ne doivent pas leur eristallinité à ce qu’ils se sont solidifiés dans les profondeurs de la terre. Mais ces granités dont l’éruption a été si tardive n’avaient guère que le cortège métallifère des porphyres quartzifères, et en même temps ils n’avaient qu’une faible puissance cristalline ; car, près des points de contact avec les roches à travers lesquelles ils ont fait éruption , ils se sont consolidés à l’état d’eurites ; ce n’est que dans l'intérieur des masses que leur grain cristallin s’est développé. Cet appauvrissement des granités produits à des époques récentes est d’autant plus remarquable , que , dans les périodes modernes , les éruptions granitiques sont devenues comparativement beau- coup plus rares qu’elles ne l’étaient dans les périodes anciennes. Elles n’ont plus été que des exceptions , et elles ont été rempla- cées par des éruptions d’une autre forme , quoique composées à peu près des mêmes éléments. En effet , les granités les moins anciens sont généralement les plus sujets à prendre la forme por- pliyroide. Les éruptions granitiques sont devenues beaucoup plus rares vers l’époque du grès rouge ; et, à cette même époque, les éruptions de porphyres quartzifères sont devenues très nombreuses. Les éruptions porphyriques ont différé en plusieurs points essen- tiels de celles des granités. Les porphyres sont souvent accompa- gnés de masses vitreuses (rétinites) , de conglomérats porphyriques et de quelques scories , ce qui n’a jamais lieu pour les granités. La présence des conglomérats semble annoncer que les porphyres se solidifiaient par le refroidissement beaucoup plus aisément que les granités. La présence des roches vitreuses tend à confirmer cette conjecture. Les conglomérats, les roches vitreuses, les scories sont autant de traits de ressemblance entre les porphyres quartzi- fères et les trachytes , qui leur ont succédé et auxquels les por- phyres se lient souvent. Les porphyres quartzifères , et surtout les trachytes sont un peu moins riches en silice que les granités , quoique souvent ils aient pour base des feldspaths saturés. Cette diminution dans la proportion de silice , ce changement dans la forme des éruptions , cette diminution dans la force cristalline (4) Faits pour servir à V histoire des montagnes de l’Oisans, Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris , t. Y, p. 1. — Annales des mines , 3e série, t. Y, p. 3. — Mémoire pour servir à une description géologique de la France , t II , p, 339, 1300 séance nu 5 juillet 1847. sont accompagnés d’un appauvrissement dans le cortège métalli- fère ; car , sauf quelques exceptions qui empêchent de poser la règle d’une manière absolue , telles que Yclvan stannifère de la mine de Wherry , près de Peuzance en Cornouailles , et le por- phyre quartzifère de la mine d’étain d’Altenberg en Saxe , on peut dire généralement que le cortège métallifère des porpl îyres quartzifères ordinaires se réduit à peu près à celui des roches basiques ; celui des trachytes est encore plus réduit. Les porphyres quartzifères et les trachytes sont , pour ainsi dire , des granités éventés. On voit ainsi le cortège métallique des roches éruptives acidi- fères s’appauvrir, à mesure que leurs modes d’éruption et de cris- tallisation se modifient pour se réduire au mode actuel. La richesse métallique diminue en même temps que la richesse en silice et que la puissance de cristallisation ; elle diminue même plus vite , puisque les derniers granités ont été privés de la partie la plus caractéristique du cortège métallique des granités anciens. Il semblerait que les corps simples , spécialement propres aux granités anciens , se sont üxés dans les parties de l’écorce terrestre les plus anciennement consolidées , en même temps que l’action particu- lière à laquelle est due la cristallisation du granité a commencé à devenir moins intense et moins générale. Cette action elle-même ne s’est plus exercée que d’une manière exceptionnelle , comme dans le granité de l’île d’Elbe. L’affaiblissement graduel de la puissance cristalline devient plus évident encore , quand on considère h s effets métamorphiques éprouvés par les roches sédimentaires à travers lesquelles les tra- chytes , les porphyres quartzifères et les granités ont fait éruption. On reconnaît, avec évidence, des effets calorifiques plus ou moins intenses et les modifications de structure cristalline qui peuvent en résulter, dans les roches qui ont été en contact avec les trachytes et les porphyres au moment de leur éruption. Mais ces effets sont loin d’égaler ceux qu’on observe souvent au contact des granités , et surtout des granités anciens , de ceux qui n’avaient rien perdu de la puissance cristalline , de la richesse en silice et de la richesse métallique qui semblent avoir été leur cachet originaire. En effet , si les granités se distinguent des porphyres quartzifères et des trachites, en ce qu’ils ne sont pas associés , comme ces der- nières , à des roches vitreuses et à des scories , en ce qu’ils ne le sont presque jamais à des conglomérats; ils s’en distinguent égale- ment en ce qu’il existe tant de passages entre le granité et le gneiss, entre le gneiss et le micaschiste, quelquefois même , entre le gra- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 1301 nite et le micaschiste , que la question de l’origine de ces roches est nécessairement connexe. Je suis très porté à croire que beaucoup de micaschistes et de gneiss sont des roches d’une origine métamorphique : ce sont des roches déposées à l’état sédimentaire qui ont éprouvé un change- ment d’état cristallin. Cependant certains gneiss sont des roches éruptives qui , en s’étirant à la suite de leur éruption , ont pris une forme schisteuse ou plutôt fibreuse , et il est souvent difficile de distinguer les gneiss des deux origines. M. Virlet a fait voir de- puis longtemps combien il est probable que certains granités ont eux-mêmes une origine métamorphique , que ce sont des dépôts sédimentaires qui ont été altérés par l’action de la chaleur et par d’autres actions, jusqu’au point d’arriver à l’état de fusion. Ces mêmes granités , d’origine métamorphique , auraient pu former des gneiss d’origine éruptive , s’ils avaient fait éruption dans des circonstances convenables. Le sédiment dont la fusion aurait pro- duit ces granités ou ces gneiss pouvait provenir lui-même de granités plus anciens. On conçoit ainsi que l’origine des pre- miers granités, des gneiss anciens et des micaschistes qui s’y rat- tachent n’est pas complètement distincte. L’origine de ces roches est d’autant plus évidemment connexe , que les corps simples qui forment parmi les roc hes éruptives l’apanage distinctif des granités, se retrouvent souvent dans les gneiss et les micaschistes liés aux masses granitiques qui les renferment. Pour expliquer l’origine par voie métamorphique des gneiss et des micaschistes , il faut certainement admettre que la chaleur a joué un rôle essentiel dans l’origine du granité. Mais relativement à ces roches, comme relativement au granité , il y a aussi à tenir compte d’actions diverses , particulièrement d’actions chimiques de différentes espèces, et les considérations qui seront admises relativement à la classe particulière d’actions chimiques qui a présidé à l’origine du granité, doivent pouvoir s’appliquer au gneiss et au micaschiste , attendu que le gneiss et le micaschiste renferment , comme élé- ments contemporains , une quantité de minéraux qui contiennent les mêmes corps simples que j’ai signalés comme spécialement propres au granité. Ainsi la question de l’origine du granité est à la fois d’autant plus importante et d’autant plus difficile , qu’elle comprend celle de l’origine de plusieurs des roches cristallines les plus répandues à la surface du globe. C’est un vaste problème dont la question de l’origine du granité est le nœud. Cette question paraît encore aujourd’hui fort obscure ; mais ce serait déjà un pas important de parvenir à la poser dans toute sa 1302 SÉANCE DU 5 JUILLET 18ZÏ7. généralité, et de signaler les faits principaux qui devront être expliqués simultanément. Quand même on devrait se borner pendant longtemps à grouper ces faits entre eux , on en formerait sans aucun doute un des plus intéressants chapitres de la géologie , qu’on pourrait perfectionner graduellement jusqu’à ce qu’il en découle une théorie. Coordonnés , comme j’ai essayé de le faire dans les pages qui précèdent, les faits conduisent à penser que les parties des granités auxquelles la cause essentielle de leur forme particulière a imprimé son cachet de la manière la plus caractéristique, sont celles où abondent le plus les minéraux qui contiennent les corps simples signalés comme l’apanage spécial des granités. On peut donc con- cevoir que les granités types , les granités modèles , ceux dont il suffirait d’expliquer l’origine pour être sur la voie d’expliquer com- plètement l’origine de tons les granités et de toutes les roches qui s’y rattachent sont les granités stannifères , et , en général , ceux dans lesquels sont répandus en abondance les métaux de la famille de l’étain. Mais , dans ces granités eux-mêmes, les minéraux qui contien- nent ces corps simples ne sont pas disséminés complètement au hasard ; ils sont particulièrement concentrés dans certaines parties des masses et surtout vers leur surface. On les trouve presque aussi fréquemment extravasés dans les roches , au milieu desquelles la masse granitique a été injectée , que répandus dans l’intérieur de cette masse à une grande distance de sa surface de contact avec les roches pénétrées. M. Daubrée remarque, à juste titre, dans son intéressant mémoire sur les amas de minerai d’étain (1) , que tous les amas stannifères , quelle que soit la roche qui les renferme , granité, porphyre, gneiss ou micaschiste, se trouvent toujours près du contact avec une autre roche. Aucun de ces amas ne s’é- loigne de plus de 500 mètres de la jonction de deux terrains. En pareil cas , l’une des deux roches en contact est toujours une des roches sursaturées- de silice que j’ai comprises d’une manière géné- rale dans le groupe des roches granitoïdes. Ces masses stannifères ne le sont dans toute leur étendue que lorsque leur diamètre est peu considérable et ne dépasse pas quelques centaines de mètres , ce qui est du reste assez fréquent ; car les roches les plus stanni- fères sont souvent des masses détachées qui ont pointé en dehors les grandes masses granitiques. Ces masses éruptives qui se distinguent par la présence de (l) A. Daubrée, Annales clés mines , 3e série, t. XX, p. 65. SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1303 l'étain , ou , en général , par celle des corps simples de la famille de l 'étain, du tantale , du tungstène , etc., sont rarement for- mées de granité d’une composition et d’une structure ordinaires ou bien du granité normal ; elles présentent le plus souvent ces diverses roches que j’ai désignées comme des dégradations ou des monstruosités du granité, telles que le granité à grandes parties , le granité graphique , l’hyalomicte (greisen), etc. Ce sont même quelquefois les parties extérieures de ces masses stannifères qui présentent de la manière la plus frappante ce caractère ultra - granitique , si je puis m’exprimer de la sorte. Ainsi le massif stannifère de Geyer , en Saxe , a la forme d’un cône tron- qué dont le plus grand diamètre n’excède pas 260 mètres. Il est encaissé dans le gneiss et formé d’un granité dont le grain est peu développé ; mais il est entouré d’une enveloppe désignée par le» mineurs sous le nom de stochsclicider épaisse de 0m,25 à 3 mètres , composée de granité à grandes parties dont les cristaux sont d’une grosseur extraordinaire. Il semble que la cause particulière de la cristallinité du granité soit venue ici se jouer sur la surface de la masse éruptive , de même , si cette figure n’est pas trop hors de saison, que l’électricité se porte à la surface d’un nuage. On appréciera mieux encore les faits de ce genre en les compa- rant à des faits d’une nature contraire. Les granités talqueux ou protogines à gros grains des montagnes de l’Oisans que j’ai décrites ailleurs avec détail (1) perdent presque complètement leur cris- tallinité et se réduisent à peu près à des eurites dans les points où elles sont en contact avec les roches sédimentaires , à travers les- quelles elles ont fait éruption ; c’est l’effet évident du refroidisse- ment causé par le contact de ces dernières, qui, elles-mêmes, portent les traces de l’action exercée par la chaleur de la protogine et ont passé à l’état métamorphique jusqu’à une très petite distance. Ces granités , dont l’éruption est très moderne , ne possédaient évidemment la vertu métamorphisatrice qu’à un très faible degré ; le contact leur faisait même perdre très facilement la faculté de cristalliser à l’état granitoide ; ils étaient , pour ainsi dire , éventés. Ils se sont conduits à leur surface comme des porphyres quartzifères , et ce qui est très remarquable , leur cortège métal- lique se réduit à celui des porphyres quartzifères et des roches ba- siques. Ils ne sont accompagnés que de filons plombifères et cu- prifères à gangues de baryte sulfatée. Ils ne sont pas plus quartzeux près de leur surface que dans l’intérieur de la masse. (4) Faits pour servir à l’histoire des montagnes de V Oisons. SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . 1304 La cause qui a rendu les granités plus riches en silice que les autres roches éruptives semble aussi s’être déployée dans les gîtes stannifères avec une prédilection particulière. M. Daubrée , dans son important mémoire sur les amas de minerai d’étain que j’ai déjà cité, insiste fortement sur ce fait ,'que dans tous les gisements de minerai d’étain (amas ou filons), le quartz existe avec une grande abondance. Quand le granité devient stannifère, il perd sa nature ordinaire , son feldspath disparaît , il passe à une roche principalement quartzeuse renfermant peu de mica. Dans tous les amas, les petits fdons sont exclusivement composés de quartz, et l’existence du quartz se lie tellement à la présence de l’oxyde d’é- tain , que quand les roches encaissantes sont imprégnées de ce mi- nerai, elles deviennent, en général , pins quartzeuses , comme on le voit à Geyer et à Àltenherg , en Saxe , où l’une des règles pra- tiques de l’exploitation est que la richesse de la roche imprégnée de particules invisibles d’oxyde d’étain, croît en proportion de sa richesse en quartz. On voit ainsi que les caractères qui distinguent essentiellement le granité , sa cristallinité , sa richesse en silice et sa richesse mé- tallique , atteignent de concert leur maximum de développement dans les mêmes points et très probablement par les mêmes causes. Nous ferions un nouveau pas vers la découverte de ces causes , si nous pouvions nous rendre un compte exact du rôle que le quartz a joué lors de la cristallisation du granité. Ce rôle paraît encore extrêmement problématique et a donné lieu , dans ces derniers temps , à d’importantes discussions. Les écrits récents de M Fuchs et de M. deBoucheporn ont rap- pelé F attention des minéralogistes et des géologues sur ce fait que le quartz renfermé dans les granités porte l’empreinte des formes cristallines des minéraux qui l’accompagnent. Ainsi , toutes les collections minéralogiques contiennent des morceaux de quartz hyalin portant l’empreinte extérieure d’aiguilles de tourmaline, et présentant les traces de leurs moindres stries plus exactement qu’on ne pourrait les prendre avec la cire. Dans d’autres cas , c’est le feldspath , ce sont des grenats ou d’autres silicates dont le quartz a pris le moule. Ces phénomènes paraissaient très simples aux géologues qui admettaient l’origine neptunienne du granité; ils les rapprochaient de ceux dans lesquels la silice contenue dans des dissolutions a opéré cette multitude de pétrifications de coquilles , de polypiers , de bois , dont toutes les collections abondent et qui font admirer la finesse du travail lapidifique. 1305 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Ù7. Mais , depuis que l’origine éruptive et ignée du granité a été démontrée , ces mêmes faits sont devenus autant de difficultés. Comment , en effet , concevoir qu’un corps aussi réfractaire que la silice ne se soit consolidé qu’après des corps aussi fusibles que la tourmaline, le feldspath, le grenat? Plusieurs explications de ce phénomène singulier ont été pro- posées ; je ne parlerai que des plus plausibles. M. Fournet , professeur de minéralogie et de géologie à la Fa- culté des sciences de Lyon , a pensé que la silice pourrait jouir à un très haut degré de la propriété de la surfusion. La température de la fusion d’un corps et la température à laquelle il se consolide en se refroidissant ne sont pas nécessairement identiques. La glace fond à 0° ; mais l’eau , lorsqu’elle se refroidit dans des circon- stances convenables , peut conserver sa liquidité à plusieurs degrés au-dessous de 0°. Le soufre fond à 170° centigrades; mais le soufre refroidi dans certaines circonstances peut rester mou jusqu’à la température ordinaire ; le phosphore possède une propriété ana- logue. Pourquoi la silice ne jouirait-elle pas d’une propriété du même genre dans un intervalle de température plus grand en- core ? Non seulement on ne peut le nier , mais on peut assurer que la silice jouit de cette propriété dans une très large mesure. La silice est , en effet , parmi tous les corps connus , un de ceux où les changements de cohésion qui accompagnent le passage de l’état solide à l’état liquide , et surtout de l'état liquide à l’état solide , embrassent le plus grand intervalle thermométrique. Elle ne fond qu’au chalumeau de gaz oxygène et hydrogène , à une tempéra- ture qui a été évaluée à 2800° centigrades ; mais , lorsqu’elle a été fondue , on peut l’étirer en fils, comme l’a fait M. Gaudin , à une température beaucoup plus basse. Quoiqu’elle ne fonde qu’à une température double de celle de la fusion du fer , on peut l’étirer en fils à une température inférieure à la chaleur rouge , c’est-à- dire à une température qui surpasse moins la température ordi- naire , à laquelle le fer ne s’étire plus en fils qu’assez difficilement, que la température de sa fusion ne surpasse celle de la fusion du fer. L’intervalle thermométrique pendant lequel elle est malléable est donc plus grand pour elle que pour le fer ; mais le fer est presque également malléable à un même degré thermométrique , soit qu’on l’y ait porté à partir d’une température plus basse en le chauffant , ou à partir d’une température plus élevée en le refroi- dissant. Il y a toutefois une légère différence qu’on observe dans le fil de fer recuit , c’est-à-dire chauffé et refroidi. Pour la silice , SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 1306 la différence est infiniment plus grande. Le quartz est un corps *très réfractaire qui conserve probablement sa rigidité presque jus- qu’au moment où il entre en fusion ; mais , après avoir été fondu, il reste malléable, comme on vient de le voir, jusqu’à une tempé- rature bien inférieure à son point de fusion. Je ne crois cependant pas que ce soit là la seule et véritable raison de la faculté qu’a possédée le quartz de prendre les em- preintes de la tourmaline et d’autres minéraux facilement fu- sibles. L’observation montre non seulement que le granité ne s’est con- solidé qu à une température assez peu élevée , mais qu’il n’a pas même fait éruption à une température aussi élevée , à beaucoup près , que celle qui est nécessaire pour fondre le quartz. S’il avait possédé , au moment de son éruption , une température égale à celle qu’exige la fusion du quartz , il aurait fondu toutes les roches avec lesquelles il se serait trouvé en contact , même les quartzites purs. Or , on observe , au contraire , que le contact du granité n’a fondu que des roches extrêmement fusibles. Son action s’est le plus souvent bornée à les faire passer à l’état méta- morphique sans faire disparaître leur stratification. On pourrait chercher à expliquer ce résultat , en disant que le granité a été fondu, dans l’intérieur du globe , à une température capable de fondre le quartz ; mais que , dans les cas auxquels je viens de faire allusion , il n’a pénétré dans les fentes où il a formé des filons , qu’à une température déjà très réduite ; or , l’exa- men des roches stratifiées qui sont devenues métamorphiques au contact des granités , réfute complètement cette supposition ; car il est évident que le quartz qu’elles contiennent a été dans le même état de mollesse que celui du granité lui-même ; il a pris de même l’empreinte de minéraux plus fusibles que lui , tels que la tour- maline, le grenat, etc. Pour pouvoir prendre l’empreinte d’une tourmaline ou d’un grenat , le quartz a du nécessairement être amolli ; mais il n’a pas eu besoin d’être fondu. Il est même certain qu’il a produit ce phénomène sans avoir été fondu ; car on l’observe dans les petites masses de quartz renfermées dans le micaschiste. Or , si le mica- schiste est une roche métamorphique , comme on l’admet géné- ralement aujourd’hui , il est certain que les agents quelconques qui l’ont fait passer à l’état métamorphique ne l’ont pas fondue , puisqu’elle a conservé sa stratification originaire, et que , par con- séquent , ils n’ont pas fondu le quartz qu’elle renferme. On peut supposer , à la vérité, qu’une partie au moins du quartz qui forme 1307 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. des ganglions dans les micaschistes y a été introduite à la suite de l’éruption du granité ; mais il serait difficile de concevoir que cette introduction ait toujours eu lieu à une température assez basse pour que le quartz ne fonde pas le mica, et cependant assez élevée encore pour que sa mollesse lui permette de se mouler sur ce minéral. La silice possède une seconde propriété qu’on met en jeu tous les jours dans les verreries et dans les analyses de minéraux , celle de fondre et de produire un verre , lorsqu’on la chauffe avec des substances qui ont pour elle assez d’affinité pour l’attaquer, à une température bien inférieure à celle de sa propre fusion. Cette silice , séparée par la voie humide, au moyen d’un acide, des sub- stances qui l’ont attaquée , reste , à la température ordinaire , à l’état gélatineux , et la silice gélatineuse ne se durcit qu’à la longue. Elle finit cependant quelquefois par devenir très dure , et , au moyen de l’étlier silicique , M. Ebelmen en a obtenu qui avait presque la dureté du quartz. Cette silice qui , pendant longtemps, reste molle à la température ordinaire, présente, en quelque sorte, une seconde espèce de surfusion , et on pourrait admettre que c’est cette surfas ion chimique ou gélatineuse qui a été mise en jeu dans la formation des roches granitiques. Cependant, M. Durocher , ingénieur des mines, professeur de minéralogie et de géologie à la Faculté des sciences de Rennes , a proposé une autre hypothèse. L’eau mélangée de sels reste liquide à une température bien inférieure à celle de la congélation de l’eau pure et de la solidification des sels anhydres; les laitiers des hauts-fourneaux coulent à une température bien inférieure à celle à laquelle se solidifieraient les substances qui les composent , fon- dues isolément. Le granité fondu doit , par la même raison, rester fluide ou mou à une température inférieure à celle à laquelle se solidifieraient le quartz , et , peut-être même , le feldspath et le mica fondus isolément. Cette considération ingénieuse semble , au premier abord , ré- pondre à toutes les exigences de la question ; mais renferme-t-elle à elle seule la solution du problème? Je crois qu’il est permis d’en douter. 11 n’existe pas une relation constante entre la forme que le gra- nité a prise et la marche que son refroidissement a dû suivre , eu égard à la grandeur de la masse et à la place que chaque partie y occupe. Souvent des filons peu épais ont un grain gigantesque, tan- dis que de grandes niasses granitiques sont partout à petits grains. On remarque fréquemment , il est vrai , que le granité a un grain 1308 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847.. un peu plus fin , près du contact des roches au milieu desquelles il a été injecté , que dans le centre des masses ; mais la différence n’est pas très grande et n’est pas même constante ; quelquefois on ob- serve une disposition inverse. Si le granité n’était qu’une roche où tous les éléments aient été à l’état de fusion par la seule action de la chaleur , on ne verrait pas bien pourquoi toutes les masses de granité ne seraient pas enveloppées à l’extérieur par une écorce d’eurite ou de porphyre. Les éléments ayant été saisis instantané- ment par le froid, au contact de l’air ou au contact des roches dans lesquelles le granité a pénétré , il devrait y avoir une écorce de porphyre ou d’eurite; mais c’est ce qu’on n’observe pas générale- ment : les parties extérieures , quoique souvent le granité y soit à grains plus fins , sont généralement à l’état granitique ; quel- quefois même elles ont un grain plus gros que l’intérieur de la masse , comme on le voit d’une manière si remarquable dans le Stockscheidcr de Geyer , que j’ai mentionné il y a un instant. Dans l’hypothèse proposée par M. Durocher , le granité aurait du sa liquidité à ce que le feldspath , le quartz et le mica auraient été en dissolution l’un dans l’autre , et auraient formé une sorte d’alliage fusible. Mais cela ne rend pas raison de ce phénomène très frappant, qu’il y a de grandes masses dans lesquelles le feldspath se trouve presque seul , et qui sont extrêmement cristallines ; d’autres dans lesquelles le quartz ou le mica se trouvent seuls , qui sont aussi cristallines à la manière du granité , et qui ne sont véritablement que des dégradations du granité. Les trois éléments habituels du granité , le feldspath , le quartz et le mica, sont en elïet bien loin de s’y trouver dans des proportions constantes. Sou- vent un ou deux de ces éléments disparaissent presque en entier ou sont remplacés par d’autres éléments , sans que l’aspect et la manière d’être de la roche indiquent qu’elle ait été formée autre- ment que le granité normal. Le feldspath lamelleux , l’hyalo- mite , l’hyalo-tourmalite , la minette , et même certaines masses purement quartzeuses , sont des monstruosités ou des dégradations extrêmes du granité que rien ne conduit à supposer formées au- trement que le granité ordinaire. Or, si , d’une part , ces monstruosités du granité se sont for- mées à peu près de la même manière que le granité normal , il est certain aussi que leur mode de formation a peu différé de celui des filons quartzeux ; elles se lient en même temps aux filons quartzeux par les formes diverses des gîtes stannifères , qui passent insensiblement aux filons stannifères les plus réguliers , lesquels ne sont que le premier anneau de chaîne des filons métalliques SÉANTE OU 5 JUILLET 1847. 1309 dans lesquels il est évident que le quartz a été déposé par l’action des eaux , ainsi que nous l’avons constaté précédemment. J’ai attiré , il y a quelques années , l’attention de l’Académie des sciences sur de nombreuses observations de M. Rozet , qui me paraissent tendre à établir celte liaison entre les granités et les filons quartzeux ordinaires , par l’intermédiaire de certains gîtes minéraux qui , sans renfermer d’étain , rentrent d’une manière générale dans la catégorie des gîtes stannifères par les minéraux qu’ils renferment (1). Je remarquais, en effet, que M. Rozet, dans ses Mémoires sur les montagnes situées cntie la Saône et la Loire , a décrit un grand nombre de masses de quartz de natures et de gisements divers , qui semblent établir une chaîne presque continue entre deux classes de niasses minérales d’origine proba- blement très différentes et en quelque manière opposées , les peg- matitcs et les arkoscs à ciment quartzeux. Je citais, d’après M. Rozet , le*s peguiatites des environs d’Autuii, comprenant une très belle variété du granité graphique, qui se trouvent en filons et en masses transversales dans le gneiss, et qui ont apporté des tour- malines et des émeraudes. Près de Marmagne et de Saint-Sym- phorien , on trouve des émeraudes en abondance dans les frag- ments de roches employées à ferrer les routes. Dans le gneiss et le granité de la même contrée , il existe des filons de quartz , avec mica, analogues à ceux qu’on rencontre habituellement dans les gîtes stannifères de la Saxe et du Cornouailles. Au S.-E. de Chi- seuil , près de Bourbon-Lancy , on observe une grande masse de quartz ferrugineux , quelquefois semi - vitreux , contenant de grandes paillettes de mica argentées, qu’on peut considérer comme un hyalomicte. Au pied S.-E. du Pilas, sur le plateau de Con- drieux , dans le département du Rhône , on trouve, au milieu du granité et du gneiss , du quartz blanc , semi-nitreux , enfumé quelquefois , jaspoïde , qui s’élève sous la forme de cônes irrégu- liers. Le quartz est fréquemment soudé au granité qu’il traverse , et il enveloppe souvent des fragments de granité de différentes grosseurs. A la base des cônes , le quartz pousse dans le granité des ramifications divergentes , comme si celui- ci avait été étoilé pour le recevoir. Ces niasses de quartz paraissent donc avoir fait éruption à la manière des porphyres et des granités , et, quoi- qu'on n’y trouve ni feldspath , ni mica , on peut les considérer, (1) Rapport sur quatre Mémoires de M. Rozet. ( Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences , t. XI, p. 264. 1 841.) 1310 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. de même que les masses de quartz qui font partie des amas stan- nifères , comme une monstruosité du granité réduit accidentelle- ment à un seul de ses éléments. Ce quartz ne diffère cependant du quartz qu’on trouve en si grande abondance dans les filons plombifères et dans les arkoses , qu’en ce qu’on n’y trouve pas la baryte sulfatée , le spatli-fluor et la galène , si habituellement répandus dans les derniers , et on ne peut guère supposer que son origine ait différé très essentiellement de celle des quartz des arkoses , dont le dépôt par voie humide est si évident. Ce quartz éruptif renferme , sur le plateau de Con- drieux comme à Chiseuil , des traces d’oxyde de fer. On voit par là qu’il a fait éruption à une température trop basse pour former des silicates , et on a, d’ailleurs , la preuve du peu d’élévation de la température à laquelle il a fait éruption , dans les fragments de granité qu’il renferme , et qui ne présentent aucune trace de Faction d’une température élevée. Ce cas est un de ceux où la fusibilité qui résulte du mélange d’éléments de natures diverses, ne facilite en rien l’explication du phénomène , et on est ramené à choisir entre l’hypothèse de la surfusion purement ignée et celle de la surfusion gélatineuse. Cette dernière est beaucoup plus en harmonie avec les analo- gies qui existent entre les quartz éruptifs dont nous parlons, et les quartz d’origine évidemment aqueuse qu’on trouve dans les filons plombifères et dans les arkoses. On observe dans ces contrées une foule de veines de quartz qui se lient , d’une part, aux quartz des arkoses , et de l’autre aux cônes quartzeux éruptifs : et si l’on ad- mettait que l’eau a joué un rôle dans la formation des premiers , et a été complètement étrangère à la formation des seconds , la ligne de démarcation entre ces deux espèces de quartz , d’origines si différentes , serait très difficile à établir. Mais il est probable que l’eau a joué un rôle dans la formation de tous ces quartz , et qu’elle n’a pas même été étrangère à la formation des granités dont les cônes quartzeux éruptifs ne sont qu’une forme particulière et , en quelque sorte , une mons- truosité. M. Scheerer , de Christiania , a développé des idées toutes nou- velles à cet égard dans un mémoire publié récemment et dont M. Frapolli a consigné la traduction dans le présent volume du Bulletin , page 468. L’hypothèse qu’il propose pour expliquer l’é- tat cristallin des granités est complètement différente de celles de M. Fournet et de M. Du rocher. Il cite d’abord des faits nombreux, et particulièrement la présence dans le granité des minéraux pyra - 1311 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847, gnomiques , pour montrer que cette roche était à une température médiocrement élevée au moment de sa consolidation. M. Scheerer a donné le nom de minéraux pyrognomiques à certaines substances qui possèdent la propriété de produire instantanément une lumière spontanée plus ou moins vive , dont l’apparition est accompagnée I par un dégagement de chaleur, à une température dépassant à peine le rouge-brun. Ces minéraux, durant leur combustion apparente, subissent des modifications très sensibles dans leurs propriétés phy- siques, tandis que leur composition chimique reste la même, sauf peut-être une certaine diminution dans la quantité d’eau qu’ils con- tiennent quelquefois. Plusieurs gadolini tes , orthites , allanites , sont pyrognomes au plus haut degré. Si ces minéraux , qui , de même que les tourmalines , se sont solidifiés avant le quartz , s’étaient formés dans un fluide incandescent , ils auraient dû rester soumis à une haute température longtemps encore après leur solidifica- tion. Mais alors comment auraient-ils acquis et conservé leurs propriétés pyrognomiques? Il me semblerait difficile de répondre à l’argument de M. Scheerer. Les minéraux pyrognomiques ren- fermés dans le granité me paraissent équivaloir à des pièces cV essai démontrant qu’au moment où ils ont cristallisé et à plus forte rai - son au moment de la solidification du quartz qui s’est moulé sur eux , le granité était à une température inférieure au rouge-brun. Je trouve donc difficile de ne pas admettre avec M. Scheerer que C hypothèse d’un état primitif de fusion simplement ignée du granité , quoique les phénomènes du contact soient en faveur de cette hypo =* thèse , n'est pas justifiée par la nature intime de la masse granitique elle-même. Il est démontré qu’à l’origine le granité formait une masse plastique , et il n’est pas du tout improbable que cette masse possédât alors une très haute température , mais il est cer- tifia en même temps que cette masse n’a pu être à l’état de fusion simplement ignée. M. Scheerer a donné aussi beaucoup de motifs pour établir que le granité en fusion renfermait de l’eau. Plusieurs minéraux conte- nant de l’eau se trouvent dans le granité , et M. Scheerer a pensé que le granité en fusion devait renfermer de l’eau , qu’il en ren- fermait au moment où il a fait éruption , qu’il a conservé de l’eau jusqu’à son refroidissement définitif, que cette eau a pu jouer un rôle dans les phénomènes de sa solidification ; il a essayé de rattacher cette supposition à des considérations très ingénieuses sur la composition de différents minéraux et sur ce qu’il a appelé l 'iso- morphisme polymère. Il a cherché en outre à déterminer la quan- tité d’eau qui pouvait être contenue dans le granité encore mou , 1312 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. et il a reconnu d’abord que cette quantité devait être inférieure à celle qui aurait été nécessaire pour tenir toutes les bases à l’état d’hydrate , car il en aurait fallu pour cela environ 50 pourlOO en poids , et comme l’eau est plus légère que ces mêmes bases , cela aurait fait beaucoup plus de 50 pour 100 en volume. Or , il est impossible d’admettre que le granité, au moment de son injec- tion, ait renfermé une pareille quantité d’eau, dont la disparition aurait occasionné une contraction énorme, et d’autant plus grande, que les éléments du granité éprouvent eux-mêmes, en se solidi- fiant , une contraction considérable , qui , d’après les expériences de M. Deville, est de plus de 10 pour 100. M. Scheerer se borne donc à admettre qu’il pouvait exister 2 ou 3 pour 100 d’eau dans le granité au moment où il a fait éruption. Je ne vois en effet aucune difficulté à supposer que le granité ren- fermait de l’eau quand il a fait éruption , car cela se réduit à ad- mettre que le granité ressemblait, sous ce rapport , aux roches volcaniques, aux laves des volcans actuels, qui, au moment où elles arrivent au jour, contiennent une grande quantité d’eau qui s’en dégage sous forme de vapeurs et dont elles mettent souvent plusieurs années à se débarrasser complètement. Le fait de la présence de l’eau dans les laves en fusion , de- venu familier à tous ceux qui ont étudié les volcans , semble pa- radoxal aux personnes qui en entendent parler pour la première fois. Cela tient à ce que les idées de la masse du public et le lan- gage même de la science ^ sont restés sur ce point à la hauteur de la théorie des quatre éléments , au gré de laquelle le feu et l’eau sont deux principes antagonistes et antipathiques. Il n’est pas absolument nécessaire que l’eau ait été retenue en très grande quantité dans le granité pour avoir produit sur sa solidification et sur la cristallisation des effets très marqués. Les propriétés de l’acier et de la fonte, comparées à celle du fer forgé, montrent quelle influence exerce une très petite proportion de carbone ou de graphite. Les propriétés si diverses et la cristalli- sation si clifiérente des diverses espèces de fonte montre quels puis- sants effets peut exercer une très petite proportion d’un corps étran- ger , tel que le silicium , le phosphore , le manganèse. Pourquoi une quantité d’eau , même très minime, n’aurait-elle pas produit des effets du même genre dans le granité pendant tout le temps où elle y aurait été retenue ? Or , il me paraît probable que si le granité renfermait de l’eau au moment de son éruption , cette eau s’en est dégagée beaucoup plus lentement encore que celle que les laves renferment en arrivant 1 M 3 SÉANCE DU 5 JUILLET J S Z| 7 . au jour et qui s’en dégage au fur et à mesure que le refroidissement de leurs diverses parties atteint une certaine limite. Je suis con- duit à cette conjecture en remarquant , d’abord , que le granité n’est jamais accompagné de scories ni de masses vitreuses ; car on sait que les scories sont dues au boursouflement que la lave en fusion éprouve lorsque l’eau en vapeur la traverse rapidement , et les masses vitreuses, qui contiennent souvent des matières volatiles , paraissent devoir leur structure à un refroidissement opéré assez ra- pidement pour que le dégagement de ces matières fût impossible ; j’y suis également amené en comparant l’état d’intégrité des cristaux de feldspath qui entrent dans la composition du granité à l’état émi- nemment fendillé des cristaux feldspathiques qui existent dans les laves, et surtout dans les tracliytes. Cet état fendillé du feldspath dans les roches volcaniques peut en effet être attribué , avec beau- coup de vraisemblance , au dégagement rapide de la vapeur cl’eau , et l’état beaucoup moins fendillé du feldspath dans les granités pourrait tenir à ce que le dégagement de l’eau a été moins subit dans les granités que dans les roches volcaniques telles que les tracliytes. Peut-être aussi l’eau existait-elle dans le granité en fusion en proportion moindre que dans les laves qui coulent de nos volcans : les effets si marqués que je suis porté à lui attribuer résulteraient de ce qu’elle y aurait été retenue jusqu’à une tempé- rature beaucoup plus basse que celle à laquelle elle se dégage des laves. Une petite quantité d’eau, se dégageant par degrés à une température peu élevée , n’a pu produire de scories, et sa présence n’a jamais fait naître de matières vitreuses. La présence de la silice libre a pu contribuer à retenir l’eau , et cette eau , pendant tout le temps qu’elle a été retenue dans les granités , a pu contribuer, à son tour, à maintenir la silice dans un état de mollesse analogue à l’état gélatineux. Mais je présume que l’action réciproque de la silice et de l’eau , n’a pas été la seule ni même la plus énergique pour retenir cette dernière ; car il ne faut jamais oublier que les feldspatlis lamelleux qui ne renferment pas de quartz libre présentent une cristallinité analogue à celle des granités. Je suis donc porté à croire que l’action de l’eau a été secondée dans les granités par quelque action chi- mique ou physique très particulière et très énergique , et ce qui me conduit plus encore à le penser, c’est la présence de cette multitude de corps simples que j’ai signalée comme l’attribut caractéristique des granités. L’eau, n’est pas la seule matière volatile qui existe dans les laves au moment de leur éruption. Elle y est accompagnée de différents Soc. gëol. , 2e série, tome IY. 83 131 A SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. sels, tels que le chlorure de sodium , le chlorure de fer , l’hydro- chlorate d’ammoniaque, que la vapeur entraîne en se dégageant , et qui se déposent près de la surface refroidie de la lave où ils deviennent souvent un objet d’exploitation. Les minéraux qui contiennent les corps simples, signalés comme appartenant aux granités, nie paraissent y avoir joué un rôle analogue à celui que les sels dont je viens de parler jouent sous nos yeux dans les laves ; mais cela suppose l’action d’agents plus énergiques que ceux qui sont en action lors du refroidissement des coulées volcaniques Les émanations des granités que j’ai désignées ci-dessus sous le nom $ aura granitica devaient être une vapeur singulièrement active et probablement très délétère. Si l’acide hydroehlorique et l’hydrogène sulfuré sont nécessaires pour amener aujourd’hui à la surface du globe des corps aussi sensibles à l’action des réactifs que le fer, la soude, l’ ammoniaque, quelle ne devait pas être l’activité d’agents capables d’entraîner des corps aussi réfractaires que le tungstène , le molybdène , le tantale , le pelopium , le nio- bium , etc. ? Dans son savant et ingénieux mémoire sur les amas de minerais d’étain , M. Daubrée fait observer qu’après le quart/. , qui prédo- mine toujours dans les filons stannifères , les petits filons, les ; veines , et dans la roche encaissante les satellites les plus constants de l’étain sont les composes fluorés, principalement les fluo-silicates, quelquefois les fluo-pliosphates ou des fluorures. Ainsi, les micas qui accompagnent les minerais d’étain sont, en général, riches en fluor. La topaze , la pi uni te , qui renferment encore plus de fluor que ces micas , se rencontrent très fréquemment dans les stock- verks d’étain , etc. M. Daubrée pense donc que le fluor a joué un rôle important dans la formation des amas stannifères;.... qu’il a été dans leur formation un agent tout aussi actif que l’ont été le soufre et les combinaisons sulfurées dans la plupart des autres gîtes métalliques. Le fluorure d’étain , ajoute M. Daubrée , étant une combinaison stable à toutes les températures et très volatile , on peut croire que l’étain est arrivé , des profondeurs qui paraissent être le réser- voir des métaux , à l’état de fluorure ; il en est probablement de même du. tungstène et du molybdène , compagnons fidèles de l’é- tain. Le bore ayant une grande affinité pour le fluor et formant avec lui une combinaison indécomposable par la chaleur et très volatile , on est porté à supposer que le transport de ce corps s’est fait aussi à l’état de fluorure. Enfin , le silicium , qui abonde à SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1315 l’état de silice dans les gîtes d’étain, se comporte avec le fluor d’une manière analogue au bore , et il est également naturel d’ad- mettre qu’une partie de la silice est arrivée sous forme d’acide fluo-siliciquc. Je crois qu’on pourrait ajouter à l’appui , et comme complément de l’idée lumineuse de M. Daubrée , que l’acide» phosphorique est aussi très abondant dans tous les gîtes de miné- raux; qui contiennent les métaux de la famille de l’étain, du tan- tale , du tungstène ; que le cblore s’y trouve aussi quelquefois ; que les pyrites , et par conséquent le soufre , n’y sont pas étran- gers. De là je serais porté à conclure que le composé volatil renfermé dans le granité avant sa consolidation , contenait non seulement de l’eau, du cblore , du soufre, comme la matière qui se dégage des laves lorsqu’elles se refroidissent, mais qu’il contenait en outre du fluor, du phosphore et du bore , ce qui lui donnait beaucoup plus d’activité et la faculté d’agir sur beaucoup de corps sur lesquels la matière volatile contenue dans les laves n’a qu’une action com- parativement insignifiante. L’action énergique de ces substances réunies, sur la silice libre ou combinée, qui existe dans le granité, pouvait les faire adhérer à cette roche plus énergiquement , et les mettre dans le cas de s’en séparer plus lentement et à une plus basse température que ne le font les substances qui sont contenues dans les laves en fusion , et qui s’en dégagent lorsque les laves se refroidissent au-delà d’un certain degré. La présence de ces substances paraît avoir eu pour effet de sus- pendre la cristallisation du granité , et de la suspendre jusqu’à un refroidissement d’autant plus avancé qu’elles étaient plus concen- trées. Les granités n’ont cristallisé qu’après qu’elles étaient dissi- pées ou fixées ; mais lorsqu’ils ont été mis en contact avec des corps froids , après que ces substances avaient disparu , ils n’ont plus résisté aussi énergiquement à leur action coagulante , et ils se sont immédiatement consolidés sans que leur grain cristallin ait pu se développer, ils se sont alors conduits comme presque toutes les autres roches éruptives. Les granités talqueux de l’Oisans, que j’ai déjà cités plus haut , offrent un exemple remarquable de ce fait. Dans la supposition qui vient d’être énoncée , une des différences les plus essentielles entre les granités et les laves des volcans actuels aurait consisté dans la nature des substances qui y étaient renfer- mées lorsqu’ils étaient mous , et qui s’en sont dégagées au moment de leur solidification. Cette supposition me paraît d’autant plus plausible, qu’elle répond pleinement à l’analogie que j’ai signalée 131(5 SÉANCE DU 5 JUILLET !S/l7. entre la manière dont sont distribués dans les gianites 1rs miné- raux qui contiennent les corps simples signalés précédemment comme l’attribut caractéristique de ces roches, et la manière dont se distribuent , dans les tissures et près de la surface des laves soli- difiées , les chlorures et les autres sels ou acides qui s’en dégagent. Les corps simples propres aux granités, et les minéraux qui les renferment , ne s’y trouvent pas tous en même temps. Ils se rem- placent souvent les uns les autres , de même que les chlorures de sodium et de fer et l’hydrochloratc d’ammoniaque ne se dégagent pas tous de toutes les laves avec une égale abondance. De plus , les minéraux qui contiennent ces corps caractéristiques sont bien loin de se trouver disséminés uniformément dans toutes les masses granitiques et dans toutes les parties d’une même masse. Ils sont concentrés dans certaines parties de ces masses , et surtout près de leurs surfaces, et dans les ramifications que ces masses ont poussées à travers les roches préexistantes. Ils s’observent aussi dans les roches stratifiées qui environnent le granité , et qui souvent sont des roches cristallines que le contact du granité a contribué à faire passer à l’état métamorphique ; mais ils ne se rencontrent pas non plus indifféremment dans toutes les parties de ces der- nières roches; ils se trouvent le plus ordinairement dans certaines zones qui avoisinent et enveloppent le granité , dans les parties adjacentes duquel une partie d’entre eux existe en même temps. Ces corps marquent ainsi la zone extérieure de l’espace dans lequel a agi la cause de la cristallisation du granité , mais on les trouve quelquefois plus nombreux et plus concentrés encore dans les gîtes stannifères irréguliers dérivant des ramifications du granité qui ont pénétré les masses adjacentes , et dans les filons stannifères , qui sont généralement plus anciens que tous les autres filons , et qui semblent avoir été les premières juin avales des masses grani- tiques. En prononçant le mot de jum avales granitiques , je ne prétends pas soutenir que le granité ait eu des fumaroles absolument ana- logues à celles des laves des volcans actuels. Le dégagement des substances y était peut-être beaucoup plus lent , et cette lenteur aurait été propre à favoriser la concentration des substances en- traînées près de la surface , de même que les substances qui se dégagent des volcans se concentrent surtout et forment des solfa- tares f lorsque le dégagement de la vapeur est réduit à son mini- mum d’activité. Peut-être d’ailleurs des causes physiques, difficiles à apprécier , parce quelles n’ont laissé aucune trace, se sont-elles jointes aux SÉANCE DU 5 JUILLET J 84? - 1317 actions pour lesquelles on trouve un terme de comparaison dans les volcans actuels. On pourrait croire , par exemple , que l’électricité a joué un grand rôle dans les phénomènes qui ont accompagné la solidifica- tion des granités. Il me paraît difficile de ne pas le soupçonner , lorsqu’on remarque que plusieurs des minéraux qui caractérisent les granités les plus cristallins, ces granités singuliers où nous avons conclu que les phénomènes essentiels à la formation des granités se sont développés avec le plus d’intensité , que plusieurs de ces minéraux , tels que la tourmaline et la topaze , sont électriques par la chaleur. Ces minéraux , dont la solidification a précédé celle du quartz , se sont certainement formés à une température élevée. ' Par conséquent , ils se sont formés électrisés. Dès lors, il est diffi- cile de ne pas admettre que l’électricité a joué un rôle dans leur formation , et il paraît naturel de croire qu’elle en a joué un aussi dans la formation des masses cristallines au milieu desquelles ils ont pris naissance. A moins d’admettre que le quartz ne s’est con- solidé qu après s’être abaissé tout à fait à la température ordinaire, on doit admettre que , lorsque le quartz est venu se mouler sur une tourmaline, celle-ci était électrisée , et il est difficile de ne pas admettre que son électricité ait joué un rôle dans l’agréga- tion du quartz. Mais le rôle de l’électricité peut avoir été plus considérable : il serait difficile de rien préciser à cet égard. Il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il reste encore, dans tous ces; phénomènes , quelque chose de très problématique , et pour ainsi; due de mystérieux ; caries phénomènes actuels auxquels on peut les comparer , sont eux-mêmes singulièrement mystérieux. Ainsi , pourquoi l’eau et les sels existent ils, pour ainsi dire , en dissolution dans les laves à l’état incandescent? C’est un phé- nomène aussi singulier que certain. Ce phénomène a sans doute des analogies avec d’autres que nous produisons dans les labora- toires ; mais ceux-ci ne sont guère plus expliqués. Par exemple , quand on fond de l’argent dans un fourneau., l’argent absorbe l’oxy- gène de l’air, et il le conserve jusqu’au moment où il se refroidit; en le laissant ensuite dégager à travers sa surface déjà solidifiée , tandis que les parties intérieures de sa masse sont encore à l’état de fusion, il produit de petites éruptions analogues à celles des volcans, et qui sont même beaucoup plus considérables relativement à sa masse , que nos plus grands volcans par rapport à celle du globe terrestre : c’est ce qu’on appelle le rochagc de l’argent. La croûte de l’argent se trouve brisée , et l’argent en fusion dans l’intérieur est lancé à travers les fissures par l’oxygène qui se dégage , de 1318 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Ù7. manière à reproduire en petit les principales circonstances des éruptions volcaniques. Ce phénomène est connu depuis longtemps : il a été souvent décrit , mais on ne l’explique pas d’une manière très satisfaisante. 11 y a d’autres phénomènes encore plus simples, qu’on n’explique pas davantage , mais dont il est naturel de le rapprocher. Tels sont ceux que présente l’ état sphéroïdal des corps. Cet état se mani- feste dans une goutte d’eau qu’on place dans un creuset de platine incandescent. Loin de s’évaporer immédiatement , elle forme dans le fond du creuset une masse spliéroïdale qui ne s’évapore que très lentement , qui même s’abaisse à une température très basse , de manière cpi’en s’y prenant convenablement , on peut faire plonger la boule d’un thermomètre dans le creuset incandescent , et l’y voir baisser considérablement. M. Boutigny a même réussi à con- geler de l’acide sulfureux, en le projetant dans un creuset de platine incandescent. Les bquides à l’état sphéroïdal , après être restés comme paralysés dans le creuset incandescent , prennent leur essor en se volatilisant subitement dès que la température du creuset s’abaisse au-dessous d’un certain degré. Ce paradoxe physique tient à des propriétés très peu connues. Il ne me paraît pas absurde de présumer que ces propriétés , quelles qu’elles puissent être , sont les mêmes que celles en vertu desquelles l’eau est retenue dans les laves , sans se vaporiser , tant qu elles sont incandescentes , et se dégage à l’état de vapeur lors- qu’elles se refroidissent au-dessous d’un certain degré. Comme l’eau chargée de diverses substances ne produit pas des effets identiques, lorsqu’on la projette dans un creuset incandescent , on peut concevoir que l’eau contenue dans les granités , où elle était chargée de substances beaucoup plus énergiques que dans les laves , s’en soit dégagée d’une manière différente. Mais lors- qu’on pasôe aux granités , on a à joindre aux singularités qui peu- vent dépendre de l’état sphéroïdal d’un mélange d’eau et de diverses substances , celles qui peuvent résulter aussi de phéno- mènes électriques et celles qui peuvent tenir aux propriétés parti- culières de la silice , à sa surfusion purement thermométrique , ou à sa surfusion chimique et à son état gélatineux rendu compa- tible avec une température élevée par le phénomène paradoxal sans doute , mais indiqué par l'analogie , qui empêchait l’eau de se dégager. Quelque précaire que soit sans doute cette explication, on pourrait soutenir qu’elle est, jusqu’à un certain point, au niveau de l’état présent de la science, puisqu’on n’est arrêté pour la développer da- SÉANClî DU 5 JUILLET 18/17. 1319 vantage que par l’imperfection des connaissances actuelles sur la nature intime des phénomènes physiques qu’on est conduit à invo- quer. 11 faudra probablement attendre, pour la soumettre à une critique plus sévère , que ces phénomènes aient été étudiés d’une manière plus approfondie, et même qu’ils aient été étudiés sui- de grandes masses , car ils sont probablement du nombre de ceux où les choses ne se passent pas exactement de la même manière en grand et en petit , dans la durée d’une expérience de labora- toire et dans les longues périodes pendant lesquelles les phéno- mènes naturels se sont développés dans les grandes masses de la nature minérale. Mais si l’explication qui me paraît aujourd’hui la plus probable doit un jour être modifiée ou remplacée par une autre , il faudra toujours que cette dernière s’adapte aux faits généraux que j’ai signalés relativement à la distribution des corps simples dans l’é- corce minérale du globe terrestre. Cette distribution , représentée par le tableau placé à la fin de la présente note , peut encore donner lieu à quelques remarques par lesquelles, je terminerai ce résumé déjà beaucoup trop étendu. L’ordre dans lequel sont placées les colonnes 2 à 9 du tableau représente à peu près la gradation des phénomènes qui ont pré- sidé à la formation des masses minérales , et la comparaison des proportions inégales et des états de combinaison divers dans lesquels se trouvent les corps simples qui y sont indiqués , fournit de précieuses lumières sur la marche que la nature a suivie pour amener la surface du globe à son état actuel. Les colonnes 2 , 3 et à se rapportent à des phénomènes dans les- quels les affinités développées par la seule action de la chaleur ont joué un rôle prépondérant. Ce sont, en effet , ces affinités qui dé- terminent la formation des silicates , dont sont presque uniquement formées les laves des volcans actuels, les roches produites par des volcans anciens et les roches basiques. On est parvenu à reproduire presque tous ces silicates, de toutes pièces, dans des fourneaux, par la seule action de la chaleur sur les substances qui les composent , de sorte que leur mode de formation ne présente aucune incerti- tude. La 5e colonne du tableau se rapporte à la formation des granités dans laquelle se sont manifestées des actions chimiques ou physi- ques d’un ordre different. Dans le cours dont je présente ici la ra- pide analyse, après avoir étudié les roches volcaniques, j’y avais rattaché successivement d’autres roches dont 1 origine est plus où moins analogue , telles que les basaltes , les differentes espèces de 1320 SÉANCE 1)U 5 JUILLET 18^7. trapps, de traehytes, de porphyres, et j’étais arrivé au granité dont l’origine m’avait paru présenter un problème plus difficile que les autres roches éruptives. Bien que l’action de la chaleur ait pré- dominé, l’eau paraîtrait y avoir joué un rôle considérable , de manière que la formation des granités tient très probablement , d’ane part, par les silicates qui entrent dans leur composition, à celle des laves , et de l’autre , par la silice libre qui y abonde , à la formation des dépôts de silice qui constituent les filons quartzeux. J’avais aussi étudié, dans ce cours, les phénomènes éruptifs sous le point de vue des émanations qui les accompagnent et qui les suivent. J’avais formé cl’abord la liste des substances qui émanent des volcans dans leurs éruptions. Puis j’avais considéré les diffé- rentes émanations qui traversent l’écorce du globe et qui se rat- tachent probablement aux phénomènes volcaniques ou aux autres phénomènes éruptifs, telles que les différentes eaux minérales et les substances qu elles renferment , car les sources minérales sont et ont été probablement, dans tous les temps , le dernier signe d’acti- vité que donnent, avant de s’éteindre complètement, les foyers éruptifs. J’avais examiné ensuite toutes les masses minérales qui paraissent devoir être attribuées à des phénomènes plus ou moins analogues aux dépôts produits par les eaux minérales, tels que les filons d’incrustation , et j’étais enfin arrivé à l’étude des matières qui ont été amenées par les masses granitiques au moment de leur éruption. Les colonnes 9 , 8 , 7 et 0 du tableau sont consacrées à cette série de produits. Les matières cpii se trouvent aujourd’hui dans les productions volcaniques forment deux classes bien distinctes : les unes , volca- niques à la manière clés laves , sont composées de silicates cpii appa- raissent à l’état de fusion , tandis que d’autres , volcaniques a la ma- nière du soufre , sont généralement entraînées à l’état moléculaire. Tels sont le soufre , les chlorures , les hydrochlorates et les autres substances que les laves laissent dégager. A mesure qu’on suit ces phénomènes de proche en proche, en se rapprochant des éruptions granitiques, on voit les deux séries devenir de moins en moins distinctes. Les matières de ces deux classes résultant des éruptions anciennes , sont beaucoup moins séparées que dans les phénomè- nes actuels ; le quartz , qui occupe entre les deux classes de produits la place la plus ambiguë , y est plus abondant, et on trouve là une » famille de corps simples dont un petit nombre seulement joue un rôle dans la nature actuelle après avoir joué un rôle très habituel dans les phénomènes au milieu desquels le granité a cristallisé. T^eur présence nous a fait conjecturer qu’une action chimique SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1321 particulière a présidé à la cristallisation du granité , et que cette action était en rapport avec les propriétés des corps simples dont nous venons de parler. Tout semble indiquer que le granité, lors- qu'il a cristallisé , renfermait non seulement de l’eau, mais encore quelques agents chimiques qui avaient de l’action sur les corps simples qui y sont répandus. Les 5e et 6" colonnes, relatives aux granités et aux filons stanni- fères ; nous présentent les résultats de phénomènes qui , considérés en masse , ont été plus anciens , plus complexes et plus énergiques que ceux auxquels se rapportent les autres colonnes. En s’écartant de ces colonnes , d’une part vers la 2e, et de l’autre vers la 9e, on voit diminuer par degrés le nombre des corps simples contenus dans chacune, d’où il résulte que les foyers des volcans actuels sont les plus pauvres en corps simples qui aient agi sur la surface du globe. Quelle que soit la nature des roches qu’ils ont produites, les foyers éruptifs ont peut-être donné tous, vers la fin, à peu près les mêmes produits , mais il n’en a pas été de même dans le com- mencement de leur activité. Les foyers granitiques ont donné d'abord des produits plus composés et plus énergiques que les autres. On pourrait comparer les émanations de ces foyers divers à des rivières qui se terminent toutes à la mer d’une manière assez analogue ; mais qui près de leur source sont plus ou moins rapides , plus ou moins torrentielles , plus ou moins chargées de corps étrangers , suivant qu’elles prennent naissance dans des montagnes plus ou moins escarpées. Les émanations des granités ont donné une série de produits pins longue et plus variée , de même que les torrents des hautes montagnes qui , entraînant d’abord des blocs et des cailloux , finissent par ne plus charrier que du sable et de la vase , comme les rivières des plaines. On pourrait essayer de représenter la gradation suivie par la nature dans cet appauvrissement progressif, et la marche même de mon cours de l’année 1846-1847, par une figure symbolique, en dessinant une double pyramide dont les deux sommets représen- teraient, l’un les produits pierreux et l’autre les émanations ga- zeuses des volcans actuels , et dont la base unique représenterait le bain de matières fondues sur la surface duquel les premiers granités ont cristallisé , espèce de chaos primitif dans lequel tous les corps simples existaient simultanément. 1322 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. Simplification progressive des phénomènes éruptifs. En étudiant l’ensemble des faits que cette figure représente symboliquement, on est conduit à former une chaîne continue de roches de plus en plus siliceuses et portant l’empreinte d’actions chimiques de plus en plus complexes, depuis les laves des volcans actuels jusqu’aux granités, et une autre depuis les phénomènes volcaniques actuels considérés sous le rapport des émanations aux- quelles ils donnent naissance , jusqu’aux traces d’émanations plus ou moins analogues dont les granités sont accompagnés. En sui- vant les divers anneaux de cette dernière chaîne , on voit apparaître successivement presque tous les corps simples qui ne sont pas com- pris dans les émanations volcaniques actuelles; on voit apparaître, pour ainsi dire, toute la chimie et toute la minéralogie , et on est ramené à l’une des questions les plus importantes de la géologie , celle de l’origine du granité. On est également ramené à cette question difficile , soit qu’on descende jusqu’à la base de la pyra- mide qui représente les produits fondus des foyers d’éruption , soit qu’on descende jusqu’à la base de celle qui représente les éma- nations. A l’origine des phénomènes éruptifs, lors de la production des premiers granités, les deux classes de produits étaient beaucoup moins distinctes par leur composition qu elles ne le sont devenues depuis, et les premiers foyers éruptifs paraissent avoir rejeté si- SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zt7. 1323 multanément et par les deux modes d’éruption à peu près con- fondus les U/5 au moins des corps simples connus tous réunis à l’origine dans une espèce de mélange universel. Il est assez naturel , en elfet , de supposer qu’à l’origine des choses les corps simples étaient mélangés beaucoup plus indistinctement qu’ils ne le sont aujourd’hui ; car l’ordre dans lequel nous les ren- controns actuellement est le résultat d’une longue série de phéno- mènes qu’ils ont tous traversés en obéissant aux lois physiques et chimiques, suivant la nature de leurs propriétés, qui, étant diverses, tendaient d’elles- mêmes à les séparer. C’est ainsi qu’au milieu de toutes ses autres opérations et des secousses violentes qu’elles ont occasionnées , la nature a procédé à un triage progressif des corps simples. Un grand nombre d’entre eux dont les réactions, dans l’état actuel des choses , seraient très faibles pour les uns , très énergiques et très délétères pour les autres , ont été fixés de bonne heure en presque totalité , et il n’est presque resté en circulation que des corps d’une énergie modérée et très sensibles à l’action qu’ils exercent les uns sur les autres dans les circonstances actuelles. Tel est , en particulier , le caractère des 19 corps simples qui figurent dans les émanations volcaniques , à l’exceptioii seulement du potassium et du sodium , dont l’affinité pour l’oxygène est très; énergique , mais qui n’apparaissent dans les volcans qu’à l’état d’oxydes. On peut en dire autant de la plupart des corps simples qui apparaissent aujourd’hui dans les eaux minérales. Un corps très énergique , le fluor , s’y présente quelquefois et seulement en très petite quantité ; mais il s’y trouve toujours engagé dans des com- binaisons à peu près neutres Ce triage graduel est un grand phénomène cpii a marché pendant toute la durée de la formation de l’écorce terrestre , mais dont les effets ont varié à mesure que l’écorce terrestre s’est épaissie. La chose est écrite bien clairement dans le tableau placé à la fin de cette note , dont les colonnes', comparées entre elles, font voir qu’un grand nombre de corps simples se sont concentrés dans les parties de l'enveloppe terrestre sur lesquelles ont du porter les premières atteintes du refroidissement • qu’ils ont dès lors été reti- rés, pour ainsi dire , de la circulation , et qu’ils ne se trouvent plus qu accidentellement dans les masses immobilisées postérieu- rement. Quelques parties de ces masses, coagulées dès le com- mencement du refroidissement, mais non complètement solidi- fiées, ont fait éruption à travers les dépôts sédimentaires qui 132/i SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. s étaient formés les premiers par la désagrégation des matières refroidies à la surface. C?est dans ces jets de matières pâteuses que s’est surtout concentrée une grande partie des substances cpii tendaient à sortir de la circulation. Les gîtes formés de cette manière , les gîtes s ta uni fèves , sont ceux dont la richesse est le plus variée. La richesse en corps simples est donc à son maximum dans les roches cristallines les plus anciennes , dont la coagulation s’est opérée à la surface des grandes masses de matières fondues cpii ont formé la première enveloppe du globe et dans leurs émana- tions les plus immédiates. Le second ordre de richesse se trouve dans les filons qui ont été formés par les émanations de masses moins siliceuses dont le point de départ est situé plus profondément dans l’intérieur du globe terrestre. Le troisième degré se rencontre dans les eaux minérales, qui sont une continuation de ces divers phénomènes d’émanation. Le quatrième degré s’observe dans les émanations des volcans, qui sont un peu plus pauvres que les eaux minérales , et qui ont du reste une grande ressemblance avec elles. Ces phénomènes forment une série graduée : il y a eu de premiers phénomènes très anciens , pendant lesquels la nature terrestre était plus riche en corps simples que pendant les der- nières actions qui se sont passées sur la surface du globe. Ces pre- miers phénomènes ont eu pour effet de concentrer dans quelques roches très anciennes une partie considérable des corps simples connus. La plus grande partie de ces corps simples , doués d’affi- nités chimiques énergiques, ayant trouvé à se fixer, n’ont plus reparu aux époques modernes de l’iiistoire du globe , que très ra- rement , tandis qu’aux époques anciennes leur action était géné- rale. Les phénomènes dans lesquels ils intervenaient étaient cer- tainement plus nombreux et plus puissants aux époques anciennes que dans les temps modernes et à l’époque actuelle, où on ne voit généralement agir, avec la chaleur, que les agents chimiques les plus inoffensifs pour les êtres organisés, ceux dont l’action se développe complètement dans les circonstances physiques qui existent actuel- lement sur la surface du globe , ceux précisément que nous em- ployons le plus habituellement dans nos laboratoires , en opérant par la voie humide , tels que le chlore , le soufre , etc. , qui font partie des émanations les plus ordinaires des volcans. En somme , le silicium et le potassium , et une série nombreuse de corps simples , se trouvent plus abondamment dans la première 1325 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. enveloppe consistante (lu globe et dans ses émanations directes que dans le reste de L’écorce terrestre. Quelques uns y sont même à peu près uniquement concentrés. Ces corps-là ayant été retirés plus ou mois complètement de la circulation dès la formation de la première enveloppe de notre globe, immobilisée par le com- mencement de sou refroidissement, il doit avoir existé une cause très générale qui ait fait qu’en même temps le silicium et le potas- sium se soient portés principalement à la surface extérieure de la masse terrestre, et que cette foule de corps simples, dont la pré- sence est l’attribut spécial des granités et des gîtes stannifères , s’y soient réunis à eux. Cette distribution des corps simples paraît en effet s’expliquer assez naturellement par les suppositions les plus plausibles qu’on puisse faire sur la manière dont les phénomènes chimiques se sont succédé à la surface du globe. Une des hypothèses les plus ingénieuses qu’on ait proposées sur l’origine de l’écorce terrestre et cl’une partie de la chaleur que notre globe renferme dans son intérieur, consiste à supposer qu’il y a eu un moment où les différents corps simples qui entrent dans la com- position des roches n’étaient pas encore combinés avec l’oxygène. L’oxydation , on peut le concevoir, ne s’est pas faite d’une manière uniforme sur tous ces corps, mais certains corps se sont oxydés de préférence aux autres. Parmi les corps qui se sont oxydés de préfé- rence , on doit placer ceuxqui font partie des roches granitiques et des gîtes stannifères. Ce sont , en effet , des corps qui ont dû absor- ber l oxygène avec beaucoup d’avidité , et on pourrait admettre que le silicium et le potassium se soient oxydés plus rapidement que la plupart des autres corps simples, et que c’est précisément pour cela qu’ils se trouvent en plus grande proportion dans les par- ties supérieures de l’écorce terrestre que dans les parties inférieures. Cette supposition s’adapterait assez bien aussi aux propriétés des métaux , tels que le lithium , Y yttrium , le glucinium , le zirconium , le thorium , le cérium , le lanthane , le didymium , Y ura ne , Y étain , le tantale , le niobium , le pelopium , le tungstène , le molybdène , qui se sont concentrés principalement dans la première enveloppe du globe . Tous ces corps simples sont très avides d’oxygène et ne l’aban- donnent que très difficilement. Au contraire , certains corps ont résisté à l’oxydation : ce sont ceux que nous connaissons presque uniquement à l’état natif , et que nous voyons seulement appa- raître lorsque les phénomènes éruptifs les amènent à la surface : tels sont le palladium , le rhodium , le ruthénium , Y iridium , le platine , Y osmium. Tous ces corps-là sont restés dans la profondeur d’où ils n’ont été amenés à la surface que dans quelques cas ex- 1326 SÉANCE I)U 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . ceptionnels par des phénomènes éruptifs comparativement mo- dernes. Leur grande pesanteur spécifique a sans doute contribué à les retenir dans les entrailles de la terre ; mais peut-être aussi ont- ils été entraînés loin de la surface par suite de leur moins grande tendance à se combiner avec l’oxygène. Il serait peut-être assez difficile d’énumérer toutes les causes qui ont pu concourir à opérer ce partage. Il a fallu sans doute qu’il se passât là un phénomène tout spécial , qu’il serait très intéressant d’éclaircir , pour que les deux classes de corps pussent se séparer d’une manière si complète et si exacte , et se porter les uns dans les parties supérieures, les autres dans les parties inférieures de l’écorce terrestre ; mais il pourrait sembler hasardé de sup- poser que la tendance prépondérante de certains corps à se com- biner avec l’ oxygène ait suffi à elle seule pour les extraire presque complètement d’une masse épaisse de plusieurs milliers de mètres. Ce serait peut-être en effet attribuer à cette coupellation naturelle des effets d’une énergie supérieure à celle qu’on peut raison- nablement lui reconnaître ; peut-être cependant pourrait-on re- marquer que la tendance qui existait , eu vertu de la seule diffé- rence d’oxydabilité , à ce qu’un pareil départ se produisît, était secondée par une autre cause, à la puissance de laquelle il est beaucoup plus difficile d’assigner une limite. Le globe terrestre, livré à une combustion qui s’opérait à sa surface dans toute son étendue, devait être un apparëil électro-chimique d’une puissance immense , dont l’action était précisément de nature à amener à la surface les métaux les plus avides d’oxygène. Considérée ainsi , avec tout le cortège d’effets physiques qui a dû l’accompagner , l’oxydabilité prépondérante ou , plus généralement encore , la na- ture chimique des corps simples qui sont particulièrement concen- trés dans la première enveloppe oxydée du globe , peut offrir une explication plausible de leur réunion. Cette explication me semble d’autant plus admissible , que des phénomènes électriques paraissent avoir encore beaucoup con- tribué à la nouvelle concentration qui a aggloméré une partie de ces métaux dans la plupart des gisements que j’ai signalés. Je reviendrai bientôt sur cette intervention probable de l’action électrique, mais je ferai d’abord observer que le jeu des courants gazeux qui ont dû se dégager à travers l’écorce terrestre , a pu con- courir aussi très puissamment à accumuler les métaux propres aux granités dans les positions où on les observe. Nous avons remarqué que les minéraux qui contiennent cette multitude de corps simples ne sont pas disséminés arbitrairement SÉANCE DU 5 JUILLET i 8 Z| 7 . 1327 dans toute l’étendue des masses granitiques; ils sont agglomérés dans certaines parties et surtout vers la surface des masses : c’est la position dans laquelle s’y présentent ordinairement les minerais d’étain. Ils sont ainsi concentrés non seulement dans la première enveloppe coagulée à la surface du globe terrestre, mais encore dans l’écorce de cette enveloppe et dans les ramifications et les émanations que cette espèce de liber ou de derme terrestre a intro- duites dans les masses à travers lesquelles elle a été poussée et avec lesquelles elle s’est trouvée en contact. Pour se rendre un compte exact de la position doublement concentrée qu’occupent les métaux de la famille de l’étain, du tantale , etc. , non seulement dans les masses granitiques eh géné- ral , mais dans certaines parties de ces masses , il faut ne pas se borner à considérer les points où on les trouve disséminés près des lignes de contact, visibles à l’extérieur, des masses granitiques anciennes et des roches adjacentes. Il faut remarquer que ces lignes ne sont que l’intersection , par la surface du globe , de sur- faces de contact très étendues qui sont cachées dans son intérieur. Pour se les bien représenter, on peut imaginer que toutes les masses granitiques aient été dépouillées des assises qui les recou- vrent. Si le granité était ainsi réduit à laisser voir complètement à nu sa surface cle contact avec les roches qui lui sont superposées , cette surface se montrerait presque partout enrichie des métaux que le granité est sujet à contenir, mais ces métaux se trouveraient surtout concentrés à la surface des saillies qu’il présenterait. Le granité, dépouillé, comme je viens de l’imaginer, de toutes les masses qui le cachent en partie, présenterait un certain nombre de protubérances très saillantes qui s’élèveraient au-dessus des autres accidents de sa surface , comme des espèces de cheminées ou même de paratonnerres . Ces colonnes ou pointes saillantes seraient les parties les plus riches en métaux, et la cause de la concentration de ceux-ci peut justifier peut-être , jusqu’à un certain point, la double comparaison que je viens de faire. En effet, ces colonnes irrégulières, toujours plus ou moins fen- dillées , ainsi que les roches qui les avoisinent , ont formé des cheminées naturelles pour le dégagement des vapeurs qui ont pu sortir des granités. Une cause particulière a du souvent rendre très actif le dégagement des vapeurs à travers toutes les protubérances de la première écorce granitique du globe terrestre. Les vapeurs renfermées clans les masses granitiques en fusion (non seulement en vertu de leur action coercitive ordinaire , mais comme l’acide carbonique dans une eau gazeuse comprimée) ont d’abord été sou- 13*28 SÉANCE DI' 5 JUILLET 18/j7. mises à une pression énorme exercée par la quantité immense de vapeur duc à l’eau de la mer vaporisée. Après que la mer se fut liquéfiée, son poids comprima encore les vapeurs contenues dans les masses granitiques placées en dessous de son bassin ; mais les filons ou colonnes grauitiques qui vinrent à pointer daus des continents ou des iles jusqu’à un niveau supérieur à celui des eaux , furent déchargés de cette énorme pression et fournirent aux va- peurs une issue facile par laquelle celles-ci durent s’échapper eu abondance , ce qui favorisa singulièrement Y accumulation dans les pointes des métaux entraînés par ces vapeurs. On peut remarquer aussi que la surface de contact entre le granité et les roches superposées , a marqué pendant longtemps la hauteur , dans l'épaisseur de l’écorce terrestre , où la température a varié le plus rapidement , d’un point à l’autre . et celle par consé- quent où les courants électriques dus aux inégalités de température ont dû se développer avec le plus d intensité. Or, si l’électricité développée de cette manière a influé sur la répartition des métaux dans l’épaisseur de l’écorce terrestre, il est naturel quelle les ait transportés de préférence vers la surface de contact dont je viens de parler, et qu’elle les ait concentrés particulièrement dans les pointes que cette surface présentait. Le dégagement de la vapeur par ces mêmes pointes ou chemi- nées, a du concourir à y produire des mouvements électriques; car on sait que l’écoulement de la vapeur contenue dans une chau- dière donne lieu à un développement considérable d’électricité , dont M. Faraday a montré à se servir pour charger des batteries qui ont la puissance de la foudre. J’ai déjà cité différents faits qui me portent directement à croire que l’électricité a joué en effet un rôle important dans la formation d’un grand nombre de dépôts métallifères. J’ajouterai encore qu’il me parait extrêmement remarquable de voir que le platine, le palla- dium, le cuivre, l’or et l’argent natifs, ont généralement des pesan- teurs spécifiques beaucoup moindres que les mêmes métaux fondus dans nos fourneaux. Ce fait cadre d’une manière remarquable avec l’état ramuleux et réticulé dans lequel se présentent souvent plu- sieurs de ces métaux, notamment le cuivre , l’or, l’argent. Il me paraît, d’après cela , très probable que ces métaux n’étaient pas en fusion lorsqu’ils ont cristallisé, mais qu’ils se réduisaient simplement en grenailles analogues à celles que forme le fer en se réduisant , sans se fondre , dans les foyers catalans et dans les fours à pudler , et à ce qu’on appelle l’éponge de platine. On pourrait admettre aussi qu’ils ont été réduits et agrégés par des phénomènes analogues SÉANCE I)U 5 JUILLET 18/|7. 13*29 à la galvanoplastie et à la formation du cuivre de cémentation. On sait, par les expériences de AF. Fox et par celle de M. Reich, que la plupart des filons métalliques se trouvent habituellement dans un état électrique particulier. Cet état électrique habituel offre un des moyens les plus naturels d’appliquer les phénomènes d’épigénie, de transports moléculaires, etc., qui paraissent s’être produits dans les filons longtemps après leur formation. Au mo- ment de leur formation, l’état électrique a dû y être plus prononcé encore. J’ai d’ailleurs insisté longuement sur le rôle prépondérant que les émanations, sous la forme de vapeurs ou d’eaux minérales, paraissent y avoir joué. Les idées qui viennent d’être énoncées ramènent donc simple- ment à penser que , sous le rapport de l’action des vapeurs et de celle de l’électricité, la formation des gîtes sta lanifères a eu de nombreux traits de ressemblance avec celle des autres gîtes métal- lifères. Ainsi, des vapeurs qui auraient entraîné les métaux des granités à l’état moléculaire ou comme une sorte d 'écume, des courants électriques qui les auraient extraits des vastes masses au sein des- quelles, bien que retirés de la circulation générale , ils étaient encore répandus d’une manière plus ou moins uniforme et en pro- portions presque imperceptibles, ont pu concourir à les accu- muler dans des parties de l’écorce terrestre voisines de la surface , comme s’ils avaient eu pour mission de les mettre à la portée de l'homme qui devait les exploiter un jour. Cette accumulation dans des points élevés, quand même elle devrait s’expliquer par d’autres causes que celles que je viens d’indiquer, cadrerait toujours d’une manière très remarquable avec les faits que j’ai cités ci-dessus, p 1296 (1) , pour faire sentir combien est illusoire la supposition qui cherche à expliquer la nature et la cristallinité (I) Aux faits que j’ai cités pour montrer que la distribution des métaux dans les gîtes métallifères a été généralement influencée par le voisinage de la surface extérieure de la terre, j’ajouterai encore la remarque suivante : les terrains de transport aurifères , si généralement répandus sur la surface du globe, proviennent probablement de la destruction de la partie la plus élevée de gîtes qui , comme ceux de Bérésoxvsk, en Sibérie, étaient surtout aurifères près de la surface. Cette partie superficielle des gîtes ( golden h ut ) a été démolie la pre- mière, et de là vient qu’on réussit si rarement à se rendre compte de l’origine de l’or qui se trouve dans les terrains de transport. Soc. çjéol. . V série , tome IV. 84 1330 SÉANCE DU 5 JUILLET 'JL 8 /| 7 . clu granité, en l’attribuant à des éruptions intérieures qui se seraient opérées , à des profondeurs immenses , dans l’ épaisseur de l’écorce terrestre. Ces diverse^ considérations permettent de concevoir, si je ne me trompe , que la concentration du silicium , du potassium et d’une classe nombreuse de métaux dans les granités , et l'accumulation des derniers dans certaines parties de ces roches, ne présentent pas un problème insoluble ; mais quelle que soit l’explication défini- tive qu’on pourra donner de leur réunion , il est certain qu’elle existe et qu’elle remonte nécessairement à des phénomènes extrê- mement anciens qui ont du être différents des phénomènes qui se passent aujourd’hui sur la surface du globe ; que lors de la coa- gulation de la première enveloppe du globe terrestre, il doit avoir existé une cause quelconque pour qu’un grand nombre de corps fussent retirés de la circulation ; qu’il y a eu une énorme différence entre les phénomènes propres à l’époque où le granité s’est formé et ce qui s’est passé plus tard , lors de la formation des autres roches cristallines ; d’où il résulte epie les phénomènes qui se sont accomplis sur la surface du globe ont suivi une certaine gradation . Quelle qu’ait été la nature des premiers phénomènes géolo- giques , une grande partie des corps simples ont été alors séquestrés de manière à ne plus reparaître ailleurs, et ce fait seul indique un changement graduel dans la marche des phénomènes géologiques. On voit combien cela est contraire à certains systèmes dans les- quels on suppose que tout s’est constamment passé de la même manière sur la surface de la terre, et que l’origine du globe se per- drait dans la nuit d’une période indéfinie , pendant laquelle les phénomènes géologiques auraient tourné perpétuellement dans le même cercle. Si tout s’était toujours passé de la même manière , sans aucun changement essentiel , on trouverait dans tous les gisements de minéraux la même série de corps simples, et non pas une série plus nombreuse clans les gîtes formés, les premiers que dans ceux formés les derniers. La série des phénomènes dont le globe terrestre porte les traces a donc eu un commencement que la science nous permet d’entrevoir. Le globe , semblable en cela aux êtres organisés, a eu sa jeunesse et il a sensiblement vieilli. Si, dans les intervalles des grandes commo- tions dynamiques qui produisent les chaînes de montagnes et qui tuent alors des myriades d’êtres organisés sans détruire complè- tement toutes les espèces , il conserve encore les mêmes organes de mouvement et de changement qu’à son origine, ces organes SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. J 331 ne conservent plus la même vivacité d’action , ne sont plus ali- mentés par des substances aussi énergiques. Il est évident que les plus intenses de ces phénomènes chimi- ques dont la nature minérale est le produit, ont dû avoir lieu, pour la plupart, antérieurement à l’existence des êtres organisés ; et cela seul démontre que le globe terrestre a passé par une série de phénomènes divers et successifs , qu’il y a eu un développe- ment de la nature inorganique. C’est au milieu de ce développe- ment de la nature inorganique qu’a eu lieu le développement de la nature organique , tel qu’il nous est indiqué par l’apparition successive des différentes classes des êtres organisés. Cette marche graduée , suivant une progression décroissante , des phénomènes chimiques, est une des merveilles de la nature , une des parties les plus remarquables de l’ordre général de l’uni- vers. Le globe terrestre était destiné aux êtres organisés qui ont peuplé sa surface , et l’ordonnance générale des phénomènes inorganiques dont il a été successivement le théâtre , était étroi- tement liée au plan général de la nature organique. Les sub- stances des éruptions et des émanations ont été, avec le temps, restreintes presque uniquement aux corps simples, qui devaient être constamment restitués à la surface du globe , pour qu’au- cune de ses parties ne manquât des matières dont les êtres organisés devaient se composer, et les corps simples, qui, par leur nature, auraient pu exercer une action délétère sur les êtres organisés , ou qui devaient rester étrangers à leur composition , ont été retirés, en grande partie, de la circulation dès les premiers âges du monde. L’affaiblissement graduel des agents chimiques qui ont agi à la surface du globe , comparé à l’ordre suivant lequel y ont apparu les différentes classes d'êtres organisés, laisse apercevoir dans l’his- toire de la nature un plan aussi harmonieux que celui qu’on ad- mire dans la constitution de chaque être en particulier. Les orga- nisations les plus complexes et les plus frêles ont paru seulement après que les principes qui auraient pu leur nuire ont été presque complètement fixés ou réduits à des proportions inoffensives. L’homme, dont le développement physique et intellectuel exige des ménagements plus délicats encore que celui de tous les êtres qu’il domine et dont il couronne la série, a paru le dernier, lorsque l’action habituelle des foyers intérieurs du globe sur sa surface était réduite à son minimum d’énergie , lorsque la terre était devenue propre à le recevoir par la fixation presque com- plète de tous les principes délétères, ou du moins par la réduction J 312 SÉANCE DU 5 JUILLET lS/l / . de leur émission aux quantités minimes, qui, dans les eaux mi- nérales, servent au soulagement de ses infirmités et à la proion* gation de son existence. Toutes les brandies des connaissances humaines sont liées entre elles, et la géologie , sœur cadette des autres sciences, a avec ses aînées des relations plus multipliées encore qu’elles n’en ont entre elles : on en trouve une nouvelle preuve clans les conséquences variées auxquelles conduit le tableau de la distribution des corps simples dans la nature , qui a formé la base de cette note et que je place ici en la terminant. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1338 Tableau de la distribution des corps simples dans ta nature. 1 2 O 4 5 G 7 S 9 10 11 12 I ! 2 r* en “ “O - u Z* u" ï 5 * > 3 O 35 c* . o « ►’3 ï c -r ^ Roches basiques. j Granités. S g ’S O O U-i \ <Û Z X S "O £ X? ° c ■£ Sources minérales. Ü O > O 73 C3 *w C Aérolitbes. '? | i 1 1 Potassium | AC * AC •*: * * AC AC 5k 5k 2 Sodium j AC 5k * ’5k AC ac * AC ■• 0k AC 3 Lithium * * 5k * AC 5 Strontium . . .1 AC G Calcium ;5k j AC, ;5k AC ■51^ * ac AC • ' AC 5k 5k 7 Magnésium .... AC j * AC * M AC 5k 5k ac 8 Yttrium 1 * 9 Glucinium 5k * •<• AÇ< ; 10 Aluminium .... * ] * 5k w 5k 5k 5k AC . AC AC 1 1 Zirconium AC * 12 Thorium 15 Cérium 14 Lanthane * . * 15 Didymium ac tG Urânc . . • . . • * - Ac. 07 Maiigancse ÀC AC Ac * . -AC AC AC AC -, 5k 18 Fer AC •À- AC ac Ac AC 5k . • . 5k Ac ac ac * 5k 5k 5k Ac ac ac . . i ac ac ac * AC- 1 24 Plomb * ' * ‘ * •5k 5k 5k 5k ■ j 25 Bismuth AC ac . Acr, ' AK Ac 26 Cuivre 1 AC ac * Ac *7 5k 5k 5k ac 28 Argent 1 AC. ac * *? ac ÀC • . . AC ac 55 Platine fc AC . AC 5k AC I 55 Or * a£ . * ■ AC- . AC 1 1 56 Hydrogène AC 5k AC ' * AC #T , AC Ac AC AC Ac j \ 57 Silicium. . . . . . 5k * AC •AC ac AC Ac AC ac ;AC Ac 9 1 58 Carbone’. Ac 5k . AC Ac AC AC. AC AC | ^ 59 Bore AC' AC AC . AC * 5k ■ik" : AC .5*. * Ac 5k 5k ac : | 47 Chrome 4-- AC AC I. AC | 48 Tellure AC AC ac | * AC . . • 5k i * AC AC AC AC 1 51 Phosphore 5k » . O * 5k X 5k AC 5k 5k Ac 1 |52 Azote -5k . . . , AC 5k. 5k Ac AC 1 5k 5k 1 :54 Soufre . * AC •7^ AC 5k 7- 5k 5k ' 5k S 55 Oxygène , * * AC * * Ac 5k 5k AC Ac | AC | AC | 58 Chlore - 5k 5k ac AC 5k 'r 5k Ac i R 59 Fluor » 4 AC * 5k Ac AC AC .17 ■— I 1 16 14 15 30 42 48 45 j 24 19 | 29 21 H! 133Zi SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. M. Élie de Beaumont, en présentante la Société le tableau qui précédé, donne encore quelques explications verbales sur sa construction et sur les conclusions auxquelles il le conduit relativement aux émanations volcaniques et métallifères. Le même membre lit ensuite une autre note relative à la fusion des glaciers par les vapeurs. Note relative a U une des causes présumables des phénomènes erratiques ; réponse à quelques observations de M . le pro- fesseur AL Mousson et de M. de Charpentier , par M. Elie de Beaumont. Les feuilles du Bulletin qui se rapportent à la séance du 7 dé- cembre 18/16 et qui ont paru depuis plusieurs semaines, con- tiennent (p. 269 du présent volume) une lettre de M. le profes- seur Albert Mousson et un Mémoire de M. de Charpentier, dont l’objet est de combattre le Mémoire de M. de Collegno Sur les terrains diluviens des Pyrénées (1) , et de poursuivre dans ce Mé- moire l’application , faite par l’auteur aux Pyrénées, de l’hypothèse par laquelle je cherche, dans un grand dégel géologique , l’une des causes des phénomènes erratiques. Je crois nécessaire d’ajouter, à cette occasion, quelques dévelop- pements à la très courte note que j’ai présentée à la Société dans la séance du 19 mai 18Zi5 , et qui a été insérée dans le Bulletin (2). M. de Charpentier discute, au commencement et à la fin de son Mémoire, le rapprochement que j'ai indiqué dans la note ci- dessus mentionnée , entre le phénomène erratique expliqué sui- vant mon hypothèse et la fusion des neiges du Cotopaxi opérée subitement dans les éruptions de 17/i2, 1 743 et 17Mi. Par con- séquent , mon savant antagoniste aurait pu ne pas oublier qu’en attribuant la fusion des neiges , dont les Alpes et les Pyrénées au- raient été couvertes , à des gaz de la nature de ceux auxquels on attribue l’origine des dolomies et des gypses, j’entends parler de gaz comparables à ceux qui se dégagent dans les éruptions volca- niques et auxquels sont dues les averses désastreuses qui dévastent souvent les flancs et les environs des volcans , c’est-à-dire de (1) Annales des sciences géologiques , publiées par M. Rivière. 4 843. (2) Bulletin de la Société géologique de France , 2e série , t. II , p. 406. SÉANCE DU 5 JUILLET 18Ù7. 1335 courants gazeux composés en très grande partie de vapeur d’eau. Or , le calcul ingénieux et sans doute très exact en lui-même de M. le professeur Mousson , qui sert de base à tous ceux de M. de Charpentier , se rapporte uniquement à des gaz permanents qui n’éprouveraient aucune liquéfaction et qui n’agiraient pas par leur chaleur latente. En cela il fait abstraction de la cause princi- pale du dégel erratique , dans lequel , comme dans tout autre dégel , la chaleur latente nécessaire pour transformer la neige en eau , est provenue principalement de la chaleur latente de la va- peur condensée. On répète chaque hiver à Paris ce dicton populaire , qui sans doute a son équivalent dans tous les pays où il neige et dans toutes les langues, qu’un bon dégel n’est jamais chaud. Ce dicton, traduit dans le langage de la physique , signifie que la constitution atmosphérique qui opère le plus rapidement le dégel ou la fusion de la glace et de la neige , est un air saturé de vapeur d’eau , qui produit toujours une sensation de froid plus marquée qu’un air sec à la même température (1) . Cet air humide opère la fusion delà glace et de la neige, non par l’effet de sa température qui peut être moins élevée que celle de l’air sec échauffé par un beau soleil pen- dant une journée sereine, mais par la condensation de la vapeur d’eau (2) qui, en abandonnant sa* chaleur latente, transforme en ( I) Cette propriété réfrigérante de l’air humide qui en rend l’action si sensible, se révèle par un autre dicton populaire, expression éga- lement très fidèle des sensations générales : on dit que lorsqu’il neige le froid entre dans les maisons. Les maisons, après la neige, ne sont pas plus froides qu’auparavant : les toits couverts de neige se refroi- dissent même moins que les toits découverts; mais l’air qui remplit les maisons est plus humide et produit , à température égale, une im- pression de froid plus vive. L’air sec est au contraire très mauvais conducteur de la chaleur; de là vient que les voyageurs qui ont éprouvé , dans l’air sec de la Sibérie, des froids de 30 à 40°, en ont trouvé la sensation beaucoup plus supportable qu’ils ne l’avaient pré- sumé à l’avance. Les masques dont en se couvre le visage en Sibérie , sont plutôt une précaution contre le rayonnement de la neige que contre le contact de l’air. (2) Il s’est établi depuis quelques années, dans l’Amérique septen- trionale, une industrie qui offre une illustration bien remarquable des propriétés physiques de la glace, de l'eau et de la vapeur qui se trou- vent mises en jeu dans le phénomène du dégel. On embarque à la fin de chaque hiver, dans les ports de la Nouvelle- Écosse et de la Nouvelle-Angleterre , de nombreuses cargaisons de la glace magnifique que produisent les froids si rigoureux de ces con- trées. Ces cargaisons sont conduites pendant l’été , non seulement'! à 1336 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. eau un poids de glace ou de neige presque égal à huit fois le sien. La vapeur est presque aussi propre à fondre la glace que l’eau à éteindre le feu ou pour mieux dire à refroidir les corps incan- Londres , mais encore au cap de Bonne-Espérance, à Calcutta, à Ba- tavia, et même à Hong-Kong. Depuis que cette note a été lue à la Société géologique , j’ai trouvé l’article suivant dans le Journal des Débats du 23 octobre 1847 : « Le navire l’Àshburton, charge de glace , est arrivé à Hong- » Kong (côtes de la Chine) le 31 août; il avait quitté Boston le » 9 mars. » J’ai lu plus récemment encore, dans le n° du 25 dé- cembre^ 1847 du même journal, qu’à l’époque du 22 octobre 1847, « le gouverneur général des Indes néerlandaises venait d’accorder D à la maison Roselje frères et comp. de Batavia le monopole du ^ commerce de la glace , avec franchise de droits d’entrée, à la » condition , acceptée par MM. Roselje, d’avoir toujours en magasin » une quantité de glace suffisante pour les besoins de Batavia et de ses » environs. » Enfin le n°du29 septembre 1848 annonce que M. Berne , négociant français à Batavia, «a passé avec le gouverneur général » de Java un contrat en vertu duquel il s’est obligé à établir un r dépôt de glace sur chacun des trois principaux ports de Java, sa- li voir : à Batavia , à Smarang et à Soerbaja. » La glace de la Nouvelle-Angleterre , devenue ainsi dans l’Inde un objet habituel de commerce, vogue sur les mers de la zone torride plusieurs semaines , plusieurs mois après que les rivières où on l’a prise, les montagnes au pied desquelles elle s’est formée, ont été débarrassées de leurs glaces et de leurs neiges par les vapeurs du prin- temps, et, traversant deux fois la ligne équinoxiale, elle arrive à Batavia sans avoir subi un déchet considérable. Pour la préserver de la fusion , que semblerait devoir provoquer si rapidement le soleil des tropiques , on se borne à entasser cette glace à fond de cale , sur des madriers disposés convenablement , en séparant les blocs de glace les uns des autres par de petits lits de sciure de bois; on a soin également de mettre obstacle à la circulation de l’air. La glace renfermée à fond de cale a promptement condensé, en presque totalité, la faible quantité de vapeur que pouvait contenir l’air qu’on y a renfermé avec elle, ce qui détermine la fusion d’un poids de glace égal à huit fois celui de la vapeur condensée, poids qui no peut être considérable. Cette fusion opérée, la glace restante n'est plus entourée que d’air où sa température ne peut plus condenser de va- peur, et qui ne peut lui transmettre de chaleur que par son contact aux effets duquel se joignent ceux du rayonnement des parois de la cale. Cet air presque sec , la sciure de bois et la coque de bois du na- vire sont des corps assez mauvais conducteurs pour que la glace qu’ils séparent seuls des eaux des mers tropicales, dont la température est d’environ 27° 1/2, n’en reçoive qu’une très faible quantité de chaleur, et ne perde par la fusion qu’une partie minime de son poids. Au contraire, la glace restée dans les rivières se trouvant en con- SÉANCE Dl 5 JUILLET 1847, 1337 descents. L’eau en contact avec un corps incandescent lui en- lève sa chaleur qu’elle transforme en grande partie en calorique latent. La vapeur en contact avec la glace lui rend ce même calorique latent qui sert à la fondre, et qui ne fait que passer du rôle calorique latent de vaporisation à celui de calorique latent de fusion. La quantité de neige que la vapeur saturée est capable de fon- dre , augmente dans une proportion très lente avec la tempéra- ture de cette vapeur. D’après le beau travail de M. Régnault sur la chaleur de la vapeur d’eau , la quantité de chaleur nécessaire pour transformer l’eau à 0° en vapeur saturée à 0°, est représentée par le nombre 606,5 , c’est-à-dire égale à 606,5 fois la quantité tact, dans les dégels du printemps, avec de la vapeur à une tempéra- ture même très peu élevée , mais sans cesse renouvelée , se résout en eau et s’écoule avec une extrême rapidité. Elle est constamment en- veloppée par un air à peu près saturé d’humidité qui se renouvelle sans cesse et qui donne lieu à une condensation de vapeur continuelle , et par conséquent à la fusion d’un poids de glace égal à huit fois celui de la vapeur condensée. Le contact de l’air, la chaleur du soleil lorsqu’il brille, produisent aussi leur effet, mais cet effet est bien loin d’égaler celui qui résulte de la condensation de la vapeur. C’est ainsi que la glace embarquée se trouve encore presque intacte lorsqu’elle arrive dans l'Inde ou en Chine vers la fin de l’été, après avoir traversé deux fois la zone torride , tandis que la glace do la Nouvelle-Angleterre a disparu depuis six mois. La glace embarquée est soumise au mode de fusion dont M. Mousson a calculé la marche ; c’est pour cela qu’elle ne fond pas. La glace restée en place est soumise à la cause que j’ai indiquée, à la chaleur produite par la condensation de la vapeur d’eau ; c’est pour cela que le dégel s’en opère rapidement. L’air sec, même lorsqu’il est assez fortement échauffé, n’opère que très lentement la fusion de la neige. Il suffit, pour être bien pénétré de cette vérité , de s’être quelquefois promené sur les glaciers par un soleil de juillet ou d’août, accompagné d’un vent sec du N.-E. On voit en outre la preuve de cette vérité dans les iourtes où les Lapons, les Samoièdes et les Esquimaux passent l'hiver. L’air humide agit tout autrement, et ce n’est que dans un climat assez froid pour que l’air y soit presque sec, qu’on peut vivre et faire du feu dans des cavités creusées dans la neige. La comparaison de ces différents faits aidera à concevoir comment les calculs de M. Mousson, quoique très exacts en eux-mêmes, sont inappliquables à la question qui nous occupe. Ces faits montrent clai- rement l’extrême différence qui existe, relativement à la fusion do la glace, entre l’action de la vapeur qui lui cède sa chaleur latente , et celle d’un gaz sec qui ne peut lui céder que sa chaleur sensible. 1338 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. de chaleur nécessaire pour élever de 1° la température delà même quantité d’eau. D’après le tableau publié par mon savant con- frère , la quantité de chaleur nécessaire pour transformer l’eau à 0° en vapeur à 100°, est représentée par 637" ; pour la transformer en vapeur à 200" , par 667,5 , etc. ; et d’après la formule x— 606, 5-}-0,305T , déduite de l’ensemble des expériences (1 ) , on trouve : pour 300° 698,0 pour 400 728,5 pour 500 759,0 pour 1000 911,5 La chaleur latente de l’eau ou la quantité de chaleur nécessaire pour convertir la glace à 0°, en eau à 0°, étant exprimée, cl’après M. Régnault, par le nombre 79,25, on n’aura qu’à diviser les nombres précédents par 79,25 pour connaître la quantité de glace ou de neige à 0°, qui devrait être employée pour convertir 1 kilo- gramme de vapeur saturée à 0°, à 100°, etc., en eau à 0”. On trouve ainsi pour la vapeur saturée : à 0° à 100°, à 200". à 300° à 400° à 500°. 606.5 79,25 637.0 "* 79,25 667.5 79,25 698.0 79,25 728.5 79,25 759.0 79,25 =*= 7,65 = 8,04 — 8,42 = 8,81 •= 9,19 9,38 (2) (1) Y. Régnault, Mémoires de V Académie des sciences , t. XXI, p. 726. (2) Ces nombres, qui résultent d’expériences multipliées, dans lesquelles M. Régnault a encore surpassé, s’il est possible, son exac- titude si bien connue, ne s’écartent que faiblement de ceux qui , de- puis longtemps , servent de règle à la pratique, dans toutes les indus- tries qui emploient la vapeur. On admet dans l’industrie que la vapeur saturée, quelle que soit sa température, contient par kilogramme 650 unités de chaleur, c’est-à-dire une quantité de chaleur capable d’élever d’un degré la température de 650 kilogrammes d’eau. Dans SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1539 Mais au-dessus de 100°, la vapeur qui se dégagerait des fissures du sol ne pourrait plus être saturée ; il faudrait tenir compte de la chaleur qu’elle aurait absorbée en se dilatant , et en supposant que la chaleur spécifique de la vapeur d’eau soit représentée par le nombre 0,8à70 , que MM. Delaroche et Bérard avaient déter- miné ( mais qui , d’après les dernières recherches de M. Pouillet , paraîtrait à la vérité un peu trop faible ) , on trouve qu’elle pourrait fondre un poids de neige égal au sien multiplié à 200° par 9,10 à 300° par 10,17 à 400° par 11,24 à 500° par. 1 2,31 On voit par là que la vapeur d’eau est presque toujours sus- ceptible de fondre et de réduire en eau à la température de 0° un les machines à vapeur, on cherche à condenser cette vapeur sans que l’eau qui sort du condenseur dépasse la température de 35°. L’eau injectée étant à une température moyenne d’environ 15°, on a l’é- quation suivante pour déterminer la quantité x d’eau de condensation qui doit être employée pour chaque kilogramme d’eau vaporisée dans la chaudière. 650 — 35 = x (35 — 1 5) = x . 20 Comme la vapeur avant d’être condensée perd toujours un peu de sa chaleur avant d’entrer dans le condenseur, celui-ci n'a pas besoin de recevoir une quantité d’eau absolument égale à celle indiquée par la formule, et la règle pratique est que le poids de l’eau d’injection doit être égal à trente fois le poids de l’eau d’ alimentation. L’eau, dans les circonstances qui viennent d’être indiquées, sort en effet du con- denseur à la température de 35°. Maintenant, si on introduisait dans le condenseur de la neige à 0° au lieu d’eau , et si l’on voulait que l’eau sortît du condenseur à 0°, quelle devrait être la proportion de cette neige par rapport à celle de l’eau d’alimentation? En partant du résultat pratique, on peut déter- miner le poids de neige y qui devrait correspondre à chaque kilo- gramme d’eau d’alimentatton ou de vapeur par l’équation : 30 . 20 -f 1 . 35 =y. 79,25 I 635 79,25 = 8,01 Ainsi, dans le cas que j’ai spécifié, le poids de la neige de conden- 1340 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. poids de glace ou de neige égal à huit fuis le sien , et qu’elle peu en fondre d’autant plus que la température est plus élevée; mais on peut observer en même temps que sa puissance de fusion n’augmente que lentement à mesure que sa température s’élève, et on conçoit immédiatement que si l’air saturé d’humidité à 20 ou 30° produit un dégel plus rapide que l’air saturé d’humi- dité à 5 ou 6° seulement au-dessus de 0° , c’est presque unique- ment parce que, dans le premier cas, il contient, dans un volume donné , une quantité de vapeur d’eau beaucoup plus grande que dans le second. Indépendamment de ce qu’il néglige la chaleur latente de la vapeur, M. de Charpentier fait encore abstraction de cette circon- stance, que des gaz comparables à ceux auxquels est attribuée l’ori- gine des dolomies et des gypses auraient fait subir à la substance de la neige elle-même un véritable métamorphisme \ en y intro- duisant des matières acides et salines qui lui auraient donné la propriété d’être liquide au-dessous de 0° du thermomètre centi- grade. Tout le monde sait que c’est en mélangeant certains acides ou différents sels, et particulièrement du sel marin, à de la glace, qu’on produit les mélanges réfrigérants au moyen desquels on congèle même le mercure. Je rappelle ci-après , dans une note , la composi- tion de plusieurs de ces mélanges, que je tire de la physique de M. Pouillet , et j’ajouterai que c’est la considération de cette propriété qui m’a porté dernièrement à suggérer à des glacialistes pleins de zèle et de talent l’idée de transporter et de répandre sur les glaciers des matières salines à bon marché, telles que les rési- dus devenus inutiles des teinturiers de Zurich et de Mulhouse. On pourrait peut-être ainsi fondre, à peu de frais, certaines par- ties habilement choisies des glaciers , et en mettre le fond à décou- vert; ce qui permettrait d’examiner d’une manière plus étendue et plus satisfaisante qu’on ne l’a fait jusqu’à présent , les surfaces polies et striées que ces glaciers sont censés recouvrir. Ce n’est pas uniquement dans les laboratoires qu’on voit l’action sation devrait être égal (en nombres ronds) à huit fois le poids de Veau d' alimentation , ce qui revient à dire que la vapeur saturée est ca- pable de convertir en eau à 0° un poids de neige à 0° égal à huit fois le sien. Tel est le résultat de la pratique industrielle appliquée à la question qui nous occupe. Il rentre dans celui auquel nous sommes arrivés par une autre voie. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 13 Al des sels sur la glace produire des abaissements remarquables de température. M. Martins a constaté que près des glaciers du Spitz- berg (1), la couche inférieure des eaux de la mer se trouve, au- dessous de 70 mètres de profondeur, à une température moyenne de 1°,75 centigrade au-dessous de 0°. Ce fait paraît tenir à ce qu’un glacier à 0° en contact avec la mer, dont la température est supérieure à 0°, fond , en partie , par l’action de l’eau salée sur la glace , et donne de l’eau à une température inférieure à 0° et peut-être même à — 2°, constituant ainsi un appareil réfrigérant d’une grandeur gigantesque. L’eau de mer, qui ne contient pas au-delà de 0,0 A3 16 de matières salines où domine le sel marin , se congèle , d’après M. Despretz , à la température de — - 2°, 5 5 et a son maximum de densité à — 3°, 67. De l’eau qui contiendrait seulement un centième de son poids du même mélange salin , se congèlerait probablement à — 0°,59, mais elle ne pourrait demeurer solide à 0°, et par con- séquent elle ne pourrait subsister à l’état de neige sur un sol que le séjour de la neige ou de la glace aurait amené à la température de 0°, quand même l’air qui l’environnerait serait lui-même à 0°. Si donc toute la neige qui recouvre une montagne venait à se trouver mélangée cl 'un centième de son poids de sels analogues à ceux contenus dans l’eau de la mer, sa température s’abaisserait à — 0°,59, et il en fondrait une quantité correspondante à la quantité de chaleur dégagée par son abaissement de température , à celle que dégagerait l’action des sels sur la neige , et à celle qu’elle recevrait lentement du sol et de l’air extérieur , supposés l’un et l’autre à 0°. La vapeur, ainsi que nous l’avons vu ci-dessus , peut , au moyen de sa chaleur latente , réduire à l’état liquide une quantité de glace ou de neige à peu près égale à huit fois son poids. Si à ce poids on ajoute celui de la vapeur elle-même , on voit que de la vapeur employée à fondre de la glace ou de la neige , doit produire un courant d’eau pure d’un poids égal à neuf fois le sien. Ce poids serait plus considérable encore si la vapeur était accompagnée de substances salines ou acides propres à produire des mélanges ré- (1) Mémoire sur la température de la mer Glaciale a la surface , à de grandes profondeurs et dans le voisinage des glaciers , par M. Charles Martins. [Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , t. XXVI , p. 333.) Et Voyages en Scandinavie , en Laponie et au Spitzberg de la corvette la Recherche. — Géographie physirjue, t. II , p. 333. 13/12 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. frigérants ; car si , par l’efïet d’un mélange de sels et d’acides , l’eau provenant de la fusion coulait à la température de — 1°, la quan- tité de chaleur employée à la fusion se trouverait encore augmentée de toute celle que la masse coulante aurait abandonnée en descen- dant de la température de 0' à celle de — 1°, sans parler du dégagement de chaleur que certains acides et certains sels auraient produit par leur action sur la glace ou sur l’eau (1). Il ue serait pas nécessaire que le mélange de sels et d’acides fut très considérable pour que le courant produit eût un poids égal à dix fois celui de la vapeur. Mais ce n’est pas tout encore, car s’il y avait de la ( l) Pouillet, Eléments de physique expérimentale et de météoro- logie , t. II , p. 551 . Si , en même temps qu’il y a fusion dans ces mélanges, il n’y avait pas d’action chimique dégageant de la chaleur, on comprend, dit M. Pouillet, qu’il suffirait de connaître les capacités des éléments et les quantités de chaleur latente pour calculer d’avance le degré de froid que l’on peut obtenir avec des éléments donnés; mais la question est trop complexe pour qu’il soit possible à présent d'en faire l’analyse; nous nous bornerons donc à rapporter les moyens pratiques de faire les mélanges réfrigérants les plus usuels. Tableau, des mélanges réfrigérants. MELANGE DE NEIGE ET DE SEL , OU D ACIDE ETENDU , OU D’ALCALI. Neige I Sel marin ! Hydrochlorale de chaux . 5 Neige. 2 Potasse, . 4 Neigç 5 Neige 1 Acide sulfurique étendu 1 Neige ou glace pilée. 2 Sel marin 1 Neige et acide nitrique étendu Hydrochlorate de chaux 2 Neige. 1 Neige ou glace pilée 1 Sel marin 5 Hjdrochlorale d’ammoniaque et nitrate de potasse 5 Neige 2 Acide sulfurique étendu 1 Acide nitrique étendu I Neige ou glace pilée 12 Sel marin 5 Nitrate d’ammoniaque 5 Hvdrochlorale de chaux 5 Neige 1 ABAISSMF.NT DU THERMOMÈTRE AU-DESSOUS DE 0°. 0o 0o 0o 6o,66 17o,77 17o,77 17o,77 à i7o.77 à 27o,77 à 28o,35 à 51o à 20°, o o à 43o,33 à 54», 44 de 20o,5o à 27», 77 de 23o,35 à 48o, 88 de 27o,77 à 5|o,66 Acide sulfurique étendu. Neige. .......... 40° 550,55 à 58», 35 à 68o.5ô SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1343 glace ou de la neige en excès , le courant devrait en flotter ou en tenir en suspension, ainsi cpie nous le voyons si souvent en hiver dans les ruisseaux des rues de Paris, une certaine quantité dont la température serait abaissée au même degré que la sienne. On conçoit, d’après cela , qu’un courant de vapeur sorti des entrailles d’un terrain couvert de neige , a pu souvent donner naissance à un courant formé d’un poids d’eau , de neige et de glace égal à douze ou quinze f ois le sien , sans parler des matières terreuses qui ont pu eu outre s’y trouver mélangées. La plupart des sels et des acides qui existent dans les émana- tions volcaniques ou dont on peut supposer l’existence dans les gaz auxquels est attribuée l’origine des dolomies et des gypses, sont susceptibles de produire, sur la glace et la neige, des effets analogues à ceux des sels contenus dans l’eau de la mer, ainsi qu’on peut en juger par le tableau reproduit dans la note ci- clessus. Ces effets ont dû servir d’auxiliaires à la chaleur latente de la vapeur d’eau pour liquéfier les neiges à travers lesquelles ou près desquelles le courant gazeux , dont nous nous occupons , est sup- posé s’ètre dégagé. Ils auraient eu toute leur puissance à 0°. Les effets calorifiques de la condensation d’un poids déterminé de vapeur d’eau auraient eu eux-mêmes à 0° une grande partie de la puissance qu’ils auraient eue à 100°, et même à plusieurs centaines de degrés. On voit par là que l’explication du phénomène erratique n’a pas besoin d’attribuer au courant gazeux qu’elle suppose s’ètre dégagé par les fissures du sol , une température supérieure à celle qui lui était nécessaire pour vaincre la pression atmo- sphérique. Elle ne gagnerait que peu de chose à ce que ce courant eût euréeïlement une température très élevée. Il est même à remar- quer que plus la température du courant serait élevée , plus serait grande la déperdition de chaleur qui s’opérerait par le contact du courant avec les parois de la fissure qui lui donnerait issue, puis avec l’air atmosphérique, et enfin par le rayonnement et par la diffusion de vapeur qui auraient lieu avant que l’eau résultant de la condensation de la vapeur fût descendue à la température de 0°. Cela me porte à présumer que si on entreprenait de fondre une masse déterminée de neige au moyen de la vapeur produite arti- ficiellement dans une chaudière, on trouverait économie de com- bustible à opérer à une température peu élevée. L’hypothèse qui admet que le dégel erratique a été produit par des vapeurs à une SEANCE I)U 5 JUILLET 1847. . 1344 température peu élevée, me paraît aussi être celle suivant laquelle la nature l’aurait opéré avec la dépense mi ni nui ni de chaleur. Si l’on remarque en même temps que le poids de la vapeur nécessaire pour fondre un poids de neige déterminé n’est, dans tous les cas, qu’une assez petite fraction de ce dernier, on voit qu’il est parfaitement inutile, pour l’iiypo thèse que je soutiens, de supposer que le courant gazeux ait eu une température supé- rieure à celle qui lui était nécessaire pour vaincre la pression atmosphérique. Ce courant a pu arriver A la surface du sol à une température bien inférieure à celle des courants gazeux qui se dégagent de l’Etna et du Cotopaxi , inférieure même à celle des courants gazeux des soffioni de la Toscane (120°) et des geysers de l’Islande (124°, 24) (1). Le calcul de M. Mousson est donc inapplicable au phénomène erratique , tel que mon hypothèse tend à le faire concevoir. Mais M. de Charpentier y a associé une seconde supposition éga- lement étrangère à mon hypothèse : il parle d’une fusion générale qui se serait opérée en une seconde ; je n’ai jamais entendu rien de pareil. Les torrents des Hautes-Alpes , des Cévennes et de beaucoup d’autres contrées montagneuses , font quelquefois irruption dans leur lit desséché avec une rapidité plus grande que celle avec la- quelle un homme à cheval peut les fuir, et noient ainsi le voya- geur surpris dans leurs gorges. Ces invasions subites résultent d’averses qui sont venues fondre dans les bassins de réception de ces torrents , mais dont la chute a duré un temps appréciable , plusieurs minutes , une demi-heure, une heure. L’eau se rassemble d’abord avec une certaine lenteur, et c’est quand elle est réunie en grande masse qu’elle se déchaîne avec cette vitesse effrayante dont je viens de parler. Les dégels du printemps , qui exigent toujours quelques heures du souffle d’un vent assez chaud pour être très chargé de vapeur d’eau, produisent eux-mêmes des crues rapides et désastreuses, ainsi qu’on peut le voir dans l’excellent ouvrage de M. Surell sur les torrents des Ilautes-Alpes (2), et comme le savent d’ailleurs tous les habitués des hautes montagnes. (1) A. Descloiseaux , Annales de chimie et de physique , 3e série, t. XIX, p. 459. (2) Études sur les torrents des Hautes -Alpes , par M. Surell , in- génieur des ponts et chaussées. L’Académie des sciences, dans sa SMNCE ÏH1 5 JUILLET 1867. mis Les débâcles des rivières, lorsqu’elles se débarrassent de leurs glaces au dégel , sont des événements soudains, engendrés par des phénomènes qui progressent lentement jusqu’à un certain degré. Ces débâcles se propagent si rapidement , que , pour en atténuer les dangers, on les annonce quelquefois ait bruit du canon. On pourrait citer bien d’autres exemples de phénomènes rapides , préparés graduellement. Le dégel de la masse de neige et de glace éboulée en 1835 de la Dent du Midi produisait des masses boueuses qui grossissaient lentement, se mettaient enfin en mouvement, et qui, à des intervalles assez éloignés, débouchaient avec impé- tuosité par la gorge du nant de Saint-Barthélemy. Guidé par M. de Charpentier lui-même et par M. Lardy, j’ai vu avec un vif intérêt dans ces débordements boueux, qui flottaient , avec une aisance incroyable , des blocs calcaires de dimensions considé- rables, quoique inférieures à la profondeur du courant, une image en miniature du phénomène erratique tel cpie je le conçois. Le grand dégel erratique produit surtout , comme ceux du prin- temps , par l’action de la vapeur d’eau sur la neige , aurait exigé de même un certain temps pour la fusion de cette neige et le ras- semblement des eaux. En parlant d’une fusion opérée en un instant, je n’ai pas entendu fixer précisément la durée de cet instant, géologique. , et encore moins la limiter à une seconde. Le calcul qui conduit M. de Charpentier au nombre effrayant de 58,000,000 de degrés (1) consiste à introduire cette durée d'une seconde dans la formule de M. Mousson. On voit qu’il repose sur deux éléments qui, T un et l’autre, sont étrangers et même con- traires à l’hypothèse que je défends. Je n’aurai donc plus à m'en occuper. M. de Charpentier fait aussi un calcul sur la quantité d’eau qui aurait dû traverser en une seconde la plaine de Lastos , au bas de la vallée de Larboust. Il trouve un nombre de 68,000,000 de mètres cubes , et ce nombre est produit par la multiplication des trois facteurs 600, 1,200 et 100 î 400 X 1 ,200 X 100 = 48,000,000. séance du 6 juin 1 842 , a décerné à cet ouvrage le prix de statistique fondé par M. de Montyon. [Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , t. XIV, p. 877. 1842.) (1) Voyez ci-dessus, p. 278 du présent volume du Bulletin. Soc . géol. , 2e série, tome IV. 85 1346 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Or, les valeurs de ces trois facteurs sont contestables ; chacune en particulier. 1,200 mètres représentent la largeur moyenne de la vallée ; cette largeur moyenne n’a pas été mesurée. 100 mètres est la vitesse par seconde que M. de Charpentier attribue au courant erratique. Mais M. de Collegno, bien loin de supposer une pareille vitesse , en repousse formellement la suppo- sition; il rapporte, à la vérité, exempli gratin, un calcul qui donnerait une vitesse de 121 mètres, mais il ajoute immédiate- ment (p. 52 du tirage à part) que ce résultat est beaucoup trop élevé pour qu'on puisse attribuer une telle rapidité aux courants descendus des Pyrénées (1). De mon côté, je n’ai jamais cherché à préciser d’une manière absolue la vitesse des courants diluviens, mais j’ai surtout évité de leur attribuer des vitesses exorbitantes , telles que celle de 100 mè- tres par seconde. Je ne me souviens d’avoir parlé de la vitesse des courants diluviens que dans un aperçu de mon hypothèse sur leur origine , que j’ai remis en i 832 à M. Arago , et d’après lequel mon illustre confrère a rédigé la note suivante , imprimée dans Y An- nuaire du bureau des lojigitudes pour 1832 , p. 348. « La distance du Thian- Chan , à l’embouchure du fleuve Léna , » est de 8 à 900 lieues. A raison de 100 lieues par vingt- quatre » heures, un courant d’eau la parcourrait en huit jours. Supposons » que le Thian-Chan se soit soulevé en hiver , dans un pays où » les vallées nourrissaient des Eléphants , et où il existait des » montagnes couvertes de neige. Les vapeurs chaudes sorties du » sein de la terre au moment de la convulsion , auront fondu une » partie de cette neige et produit une grande masse d’eau à la tem- » pérature de zéro degrés. L’eau se sera précipitée vers la mer, avec » le reste des glaces et des neiges non encore fondues , entraînant » avec elle les corps des animaux qu’elle aura rencontrés dans les » vallées. Or, en huit jours, les cadavres, flottant dans de l’eau à » 0°, n’auront pu se putréfier que très légèrement. Une fois arrivés, » le climat sibérien d’aujourd’hui suffit pour expliquer leur con- » servation. » En supposant la lieue de 5 kilomètres, la vitesse de 100 lieues par jour, dont il est question ici , revient à celle de 500,000 mètres par jour ou de 5m,78 par seconde ; un peu moins de 6 mètres par seconde. (1) H. de Collegno, Sur les terrains diluviens des Pyrénées. (An- nales des sciences géologiques , publiées par M. Rivière. 4 843). SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1347 Une vitesse moyenne de 6 mètres par seconde attribuée aux courants diluviens, dans les plaines, suppose qu’ils en avaient une plus considérable dans les vallées des pays de montagnes. Aujourd’hui, les fleuves qui coulent dans les plaines, qui entourent les Alpes, acquièrent quelquefois dans leurs crues des vitesses de û à 5 mètres par seconde , etM. Surell calcule, dans son excellent ouvrage sur les torrents des Hautes-Alpes , que ces torrents , lors- qu’ils roulent des blocs de 20, de 30 et même de 60 mètres cubes et au-delà, peuvent avoir une vitesse de 14m,28 par seconde , vitesse qu’il qualifie à' excessive , en remarquant que celle des vents impé- tueux n’est que de 15 mètres par seconde (t)..Si la même propor- tion devait être suivie dans le cas qui nous occupe , une vitesse de 6 mètres par seconde dans les plaines en supposerait une de 19,n,56 dans les montagnes. Mais il serait aisé de démontrer que, compara- tivement aux crues des cours d’eau actuels , la vitesse des cou- rants diluviens dans les montagnes n’a pas dû surpasser leur vitesse dans les plaines , dans une aussi forte proportion que celle qui s’ob- serve aujourd’hui dans les crues des torrents comparées à celles des rivières; la vitesse del9m,5ô est donc probablement trop grande comparativement à celle de 6 mètres par seconde ; mais comme celle-ci n’était indiquée que comme un minimum qui a pu être dé- passé de beaucoup , peut-être pourrait-on supposer que les vitesses des courants diluviens dans les Pyrénées ont atteint non seulement 19m,56, mais de 20 à 30 mètres par seconde. On pourrait même être tenté d’en supposer de plus grandes encore ; mais ces vitesses sont déjà énormes, et, d’après les faits rapportés dans le Mé- moire précédemment cité de M. Surell , elles ont dû être capables de produire les effets les plus étonnants. D’ailleurs, lorsqu’on cherche à se rendre compte de la vitesse que les courants diluviens ont pu acquérir, il faut se souvenir que ces courants n’ont pas dû être formés d’eau limpide. M. de Collegno rappelle dans son Mémoire que, suivant les anciennes idées de Palassou , semblables en cela à celles de Saussure , les courants di- luviens ont dû être extrêmement boueux et même pâteux , ce qui empêcherait d’admettre complètement pour eux les vitesses que des calculs même rigoureux pourraient tendre à leur assigner. Un courant d’eau dont la vitesse s’accélère devient en même temps de plus en plus boueux et par suite de plus en plus visqueux , circon- stance qui tend, à limiter sa vitesse et à en empêcher i accroissement indéfini. (4) Surell, Études sur les torrents des Hautes* Alpes , p. 250. 1348 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Dans quelques remarques sur deux points de la théorie des gla- ciers que j’ai lues à la Société philomatique le 30 juillet 1842 (1) . sans sortir des termes généraux , j’ai eu soin de graduer les ex- pressions de manière à exprimer la même distinction. Je disais en effet « qu’avec des pentes et des sections pareilles à celles des cou- » rants diluviens , des courants d’eau prendraient des vitesses » effrayantes ; et que des courants de la boue même la plus vis- » queuse, formant des liants sauvages d’une échelle gigantesque, » prendraient encore des vitesses énormes et capables d’effets pro- » digieux. » Ici encore j’ai omis de fixer avec précision ces vitesses énormes ; mais les nombres mentionnés ci-dessus fournissent les moyens de s’en former une idée. Une grande partie des effets que les courants d’eau sont susceptibles de produire sur leurs lits sont proportionnels au carré de leur vitesse. Le Rhône, à Lyon, dans ses plus grandes crues , atteint rarement la vitesse de 5 mètres par seconde. Celle d’un courant animé d’une vitesse de 20 mètres serait quatre fois plus grande. Ses effets destructeurs seraient donc seize fois plus considérables. Mais si ce courant , au lieu d’être formé d’eau , était formé de boue ayant une densité double de celle de l’eau , les effets seraient encore doublés , et deviendraient trente-deux fois aussi grands que ceux du Rhône dans ses plus grandes crues. Or, si le Rhône venait à choquer ses ponts , ses quais , ses berges avec une force trente-deux fois aussi grande que celle avec laquelle il les choque dans ses plus grandes crues ac- tuelles, il est certain qu’il les balaierait en peu d’instants et en transformerait les matériaux en blocs erratiques et en gravier. De pareils effets peuvent suffire pour expliquer l’origine des vallées , et je crois qu’en attribuant aux courants diluviens une vitesse de 20 à 30 mètres par seconde (2) on atteint à peu près les limites de la vraisemblance ; car une vitesse de 30 mètres comporte en- core des effets plus que doubles de ceux que je viens d’indiquer, (1) Ann. des sciences géol., publiées par M. Rivière, p. 565. 1842. (2) Il n’est personne qui n'ait remarqué des jambages de portes cochères sillonnées et striées par les extrémités des essieux des char- rettes. Ces essieux , au moment du choc , ont rarement une vitesse de plus d’un à deux mètres par seconde. Une locomotive de chemin de fer ne prend que rarement une vitesse de plus de dix mènes par seconde. Or, personne ne doutera qu’une locomotive armée de pointes de quartz ne fût capable de strier la paroi intérieure d’un tunnel. Les fusils à piston n’ont pas encore fait oublier complètement les SfiAKCE DU 5 JUILLET 1 SZ|7 . Ifi/jM attendu que 900, carré de 30, est plus que double de àOü, carré de 20. Les courants diluviens n’ont pas du avoir la même vitesse dans tous leurs points : comme nos rivières , ils ont dû quelquefois se ralentir , et c’est alors surtout qu’ils ont dû former des dépôts. Indépendamment des observations générales que j’ai rappelées, M. de Collegno remarque spécialement (p. à 8 et 58 , et en plu- sieurs autres endroits de son Mémoire ) que les grands dépôts , tels que celui de Garen ( qui tient à la plaine de Lastos ) peu- vent être attribués à un ralentissement que le courant aura éprouvé par suite des coudes , des étranglements et des élargisse- ments successifs de la vallée , et c’est précisément pour un pareil point que M. de Charpentier , dans ses calculs , prête au courant une vitesse à peu près égale au quart de celle d’un boulet de canon ! Enfin , le troisième facteur, Zi 00 mètres, est la hauteur au- dessus du fond de la vallée actuelle à laquelle on observe les dé- bris'erratiques les plus élevés. Or, on peut remarquer d’abord, en thèse générale , que pour expliquer les traces laissées par les courants diluviens sur les flancs des vallées , il n’est pas néces- saire de supposer que ces courants aient jamais été capables de les remplir depuis leur fond actuel jusqu’à la limite supérieure des traces qu'ils ont laissées , car ces mêmes courants , pendant leur durée , ont dû creuser et élargir le fond des vallées de manière à y couler, d’instant en instant , à des niveaux de plus en plus bas. M. de Collegno remarque d’ailleurs ( p. 57 ) qu’un flot arri- vant contre une pente de 20 à 30", y glisserait en la remontant et pousserait devant lui des blocs qui pourraient atteindre ainsi une hauteur supérieure à celle indiquée par le calcul , c’est-à-dire dans le cas actuel , une hauteur supérieure à celle que le courant n’aurait pas dépassée s’il avait continué son cours en ligne droite. Il rappelle en outre ( p. Û8 ) qu’un flot bourbeux peut rejeter à des niveaux assez élevés au-dessus de sa surface , quelques uns des anciens fusils à pierre. Rien ne ressemble plus aux stries erratiques que celles que la pierre d’un fusil produit sur la platine. Or, M. le colonel d'artillerie Morin , membre de l’Académie des sciences , estime, d’après ses propres expériences, que la pierre d’un fusil choque la platine, en ouvrant le bassinet, avec une vitesse d’environ 5 à 6 mètres par seconde. Je suis corivaincu qu’un courant boueux , mêlé de blocs et de frag- ments de quartz , n’aurait pas besoin d’être animé d’une vitesse de 20 mètres par seconde pour couvrir son lit de stries. 1350 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. fragments qu’il a entraînés. On peut voir dans l’ouvrage déjà cité de M. Surell , que des torrents dont la vitesse ne dépasse peut-être jamais 15 mètres par seconde, lancent quelquefois des blocs de roches sur leurs bords ou sur leurs ponts , de manière à les ficher dans les charpentes. Ce savant ingénieur démontre qu’une vitesse de 14m, 28 par seconde « peut rendre compte du transport de ces » blocs énormes (20, 30 et même 60 mètres cubes et au-delà), » que l’on voit après les crues dispersés çà et là sur les lits de » déjection. On se rappelle, ajoute-t-il, que le torrent les balaie » avec une telle facilité qu’ils sont souvent projetés a plusieurs » mètres de hauteur hors de son lit (1). » Un torrent qui aurait tourné dans la plaine de Lastos avec une vitesse de 100 mètres par seconde se serait trouvé dans une cir- constance éminemment propre à lui faire lancer de pareilles écla- boussures à une hauteur supérieure à son niveau moyen , et sans admettre qu’il ait jamais eu cette vitesse énorme , on peut expli- quer , par le concours des deux effets que je viens de mentionner, pourquoi les débris erratiques atteignent, sur la pente qui borde au nord la plaine de Lastos et qui devait être exposée au choc du courant , une hauteur supérieure de beaucoup h celle qu ils attei- gnent sur la pente opposée. De là il résulte que la hauteur de 400 mètres à laquelle on observe encore des débris erratiques sur la pente septentrionale exposée au Sud serait , de toute manière , une mesure exagérée de la profondeur du milieu du courant. On voit donc que le nombre 48,000,000 de mètres cubes , pro- duit de trois facteurs contestables ou même complètement in- compatibles avec les suppositions admises par M. de Collegno, est affecté relativement à la discussion à laquelle il devrait servir de base , d’une inadmissibilité triple et je pourrais dire cubique. Mais il y a plus encore : ce nombre , fût-il calculé rigoureuse-, ment , devrait être réduit dans une forte proportion par cela seul que, dans le Mémoire de M. de Charpentier, il est censé se rap- porter à de l’eau pure , tandis que les courants diluviens devaient être excessivement boueux. M. de Collegno n’a pas oublié de rappeler (p. 53 de son Mémoire ), que le courant de la débâcle de Bagnes , dans la partie la plus rapide de son cours où il avait une vitesse de 11 mètres par seconde , contenait seulement , d’après l’estimation de M. Escher de la Lintli 1/8 de son poids, ou ce qui revient au même ou un peu plus d’un quart de son volume, d’eau pure. On pourrait être tenté d’objecter que cette proportion (1) Surell, Etudes sur les torrents des Hautes-Alpes , p. 250. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1351 entre l’eau et la matière terreuse entraînée diffère si énormé- ment de celle qui a été observée dans les rivières les plus trou- blées par les crues , comme le Rhône , le Nil , le Mississipi , le Gange , qu’on serait tenté de soupçonner qu’elle a été évaluée d’une manière exagérée. Je réponds à cela qu’il n’y a aucune parité entre une eau trouble qui tient les matières terreuses en suspension et une boue coulante. Je ne crois pas qu’il y ait une très grande exa- gération dans l’évaluation que je viens de citer , parce que pour rendre molle et coulante une masse terreuse il faut certainement beaucoup moins d’eau qu’il n’en faudrait pour laver et isoler les grumeaux solides qu’elle pourrait renfermer, opération qui exige nécessairement que l’eau prenne en suspension toutes les matières terreuses qui y sont mélangées. Or , l’expérience a appris que pour laver les minerais de fer en grains, on peut quelquefois, comme dans le département des Ardennes , ne dépenser qu’un volume d'eau égal à sept fois seulemeiit celui des minerais bruts (1). Une grande masse du mortier dont on se sert pour bâtir serait une masse coulante ^ or, quand un maçon fait du mortier, il n’y met pas , en général , un volume d’eau égal à celui des matières terreuses et sableuses qu’il emploie. Enfin , il s’est glissé une erreur ou un malentendu considérable dans le calcul que fait M. de Charpentier de la surface dont les neiges , rapidement fondues , ont pu fournir les eaux du coùrant diluvien de la plaine de Lastos. D’après la feuille 76 de Cassini , cette surface équivaut au moins à une ellipse dont le grand axe serait de 12,500 mètres, le petit axe de 5,500 mètres, et dont l’aire aurait par conséquent pour mesure tt. 6250. 2,750 = 53,996,000 mètres carrés, ou en nombres ronds 54,000,000 de mètres carrés. Cette surface serait même augmentée d’un quart en sus et portée à 67,500,000 mètres carrés, si on y comprenait, comme il paraîtrait convenable de le faire , les surfaces des différents vallons dont les eaux affluent à Garen et passent en face du village de Cazaux, au-dessus duquel se trouvent ces blocs situés à 400 mètres au-dessus du torrent d’Oo , qui fournissent un des éléments du calcul. M. de Charpentier n’évalue qu’à 31,000,000 mètres carrés la surface dont les eaux coulent vers la plaine de Lastos ; il la réduit par conséquent à moins de la moitié de sa grandeur réelle. On trouvera peut-être que je me montre sévère à l’égard de ces chiffres , mais il existe une circonstance qui devait à elle seule (4.) Parrot, Annales des mines , 2e série, t, VIII, p. 47. 1830. 1352 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. rendre ces mêmes chiffres singulièrement suspects d’exagération , c’est qu’en répétant le calcul pour d’autres localités moins resser- rées que la vallée de Larboust , on n’arrive plus à la même impossibilité. Ainsi, M. de Coliegno , dans la réponse qu’il a faite lui-même, dans une séance du congrès scientifique de Milan, aux objections de M. de Charpentier, réponse qui a été imprimée par extrait dans les actes du congrès et en entier dans le Bulletin de la Société géologique 1844-1845, et qui a formé en grande partie les chapitres 13 et 32 des Elementi di geologia de cet habile géologue , M. de Coliegno, dis-je, a montré que la fusion subite des glaciers de la Yalteline pourrait rendre compte de la distribution des blocs erratiques dans le bassin du lac de Como , même dans ses circonstances les plus étonnantes et dans celles qui sont les plus rebelles à l’explication glacialiste. Au surplus, tout en signalant l’exagération des nombres sur les- quels MM. de Charpentier et Mousson ont basé leur argumentation, il est une justice que je suis heureux de pouvoir rendre à mes savants amis , c’est qu’ils ont signalé deux points par lesquels la question des phénomènes erratiques est accessible au calcul. Ce qui me paraît prouver que le calcul n’est pas ici hors de saison , c’est qu’il a conduit ces habiles géologues à toucher, avec leur sa- gacité habituelle, le point délicat de la question , en s’attaquant à la grandeur de la quantité d’eau qui , toute réduction faite, a été né- cessaire pour la production des courants diluviens. Ils me paraissent avoir trouvé le moyen de démontrer que , relativement à beau- coup de vallées moins favorablement situées que la Yalteline, la fusion des neiges d’un hiver normal n’aurait pu suffire pour les produire , et que l’hypothèse de la fusion des neiges ne peut sup- pléer à l’insuffisance aujourd’hui reconnue de celle de la rupture des lacs ( burting of lakes ) pour expliquer les phénomènes erra- tiques par les causes actuelles. En cherchant , rnoi-même , dans la fusion des neiges et des glaces un nouveau moyen de rattacher ces phénomènes aux sou- lèvements des chaînes de montagnes , je n’ai pas eu la pensée de les expliquer par les causes actuelles, et par conséquent je ne me suis pas assujetti à ne prendre en considération que les effets possibles de la fusion des neiges et des glaces accumulées dans un hiver ordinaire. Chacune des années pendant lesquelles l’écorce du globe s’est hérissée de nouvelles chaînes de montagnes a dû être presque aussi anormale au point de vue météorologique qu’au point de vue géologique , et il paraîtrait assez naturel d’admettre au nombre SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1353 des anomalies météorologiques qu’elle a dû présenter la produc- tion d'une quantité extraordinaire de pluie pendant l’été et de neige pendant l’hiver. La question de savoir comment cette sur- abondance a pu être assez grande pour rendre possibles des cou- rants aussi considérables que l’ont été les courants diluviens me paraît à moi-même environnée encore de beaucoup de difficultés; mais je ferai observer que ces difficultés n’ont rien qui soit par- ticulier à la vallée de Larboust , ni même aux vallées des pays de montagnes. Elles existent pour la plaine de Painiers (Ariége) , pour les plateaux de Jaca , de Pampelune (en Navarre), de Mont-Dauphin ( Hautes- Alpes ) , du fort Barrault (Isère), pour la plaine dans laquelle est creusé le lit de l’Ain , immédiatement au-dessous de Cliampagnole (Jura ) , pour les plaines de Munich , de la côte Saint- André (Isère ) , de la Crau ( Boucbes-du-Rliône) , et pour beaucoup d’autres , .tout aussi bien que pour la plaine de Lastos , et si on y voyait un argument suffisant pour couvrir la dernière d’un glacier, on devrait (sauf à expliquer comment un glacier peut produire une plaine) en placer aussi dans les autres , ce à quoi, si je ne me trompe, il a été sursis provisoirement. Les mêmes difficultés se présentent aussi pour les vallées des pays de plaines , où mes savants amis admettent avec moi l’exis- tence des courants diluviens ; et par conséquent, s’il était dé- montré que ces difficultés ne pussent absolument être résolues , cela ne constituerait pour eux-mêmes qu’un demi-succès, ils ne doivent pas avoir oublié que c’est seulement en revenant , pour les terrains erratiques des vallées qui traversent les plaines , à l’hypothèse de certains courants diluviens qu’ils ont pu se débar- rasser de l’hypothèse des glaces universelles et des plaisanteries qu’il était aisé de faire sur d’anciens glaciers du Morvan , suivant jusqu’à la mer les vallées de l’Yonne et de la Seine ; sur d’anciens glaciers de la Côte-d’Or, suivant toutes les sinuosités de la Marne et contournant la presqu’île de Saint-Maur pour se réunir, à Charenton, aux glaciers du Morvan; sur d’anciens glaciers de l’Argonne et de l’Ardenne , suivant tous les contours des vallées de l’Aisne et de l’Oise pour venir se joindre aux premiers à Con- flans-Sainte-Honorine. Des débris erratiques de toutes les provenances que je viens de désigner se trouvent réunis ensemble dans les sablières de Rouen , et de toutes les hypothèses proposées pour expliquer leur transport et leur mélange , celle de grands courants parcourant simultané- ment toutes les vallées dont les eaux affluent à Rouen , est la seule qui puisse mériter un examen sérieux. D’après la grosseur des blocs i35A SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17; et le volume total des débris qu’ils ont charriés, ces courants mé- ritaient bien le nom de diluviens ; or, relativement aux courants diluviens , je suis également convaincu de deux choses : la pre- mière, c’est qu’ils ont été produits par des forces qui existent constamment dans la nature ; qui , pendant les périodes de tran- quillité , sont bien plutôt endormies qu’anéanties ; et qui , dans tous les paroxysmes de leur action , demeurent constamment soumises aux lois ordinaires de la physique : la seconde , c’est que pour produire les courants diluviens , ces forces ont agi avec une énergie extraordinaire. Si elles n’avaient pas déployé une énergie extraordinaire, les traces des courants diluviens de différentes époques n’apparaîtraient pas dans la série des phénomènes géolo- giques comme autant de perturbations et n’auraient pas conduit à recourir aux dénominations de cataclysmes et de terrains clys- miens. Le soulèvement d’un système de montagnes est en lui- même un fait extraordinaire , s’il est vrai , comme j’ai essayé de le montrer, que le genre humain n’a été témoin, tout au plus, que d’un seul phénomène de ce genre. Je ne puis donc m’effrayer de voir établir que , pour expliquer les courants diluviens , il faut recourir à des hypothèses considé- rables , et je ne puis que rendre hommage à la justesse d’une pa- reille déduction. Au reste si M. de Charpentier et M. Mousson voulaient bien rétablir leurs calculs sur des données plus conformes aux aperçus très nettement indiqués par M . de Collegno , ils trouveraient moins exorbitantes les hypothèses à faire sur les dégagements de vapeur qui, à en juger par les éruptions actuelles, ont pu successivement précéder , accompagner et suivre les éruptions des ophites , comme des geysers, et des soffionis temporaires, dont les eaux ther- males et salines des Pyrénées ne seraient plus que de faibhs vestiges. S’il s’agissait d’expliquer les courants diluviens par des pluies , il faudrait les supposer immenses ; mais pour les neiges , qui peu- vent s’accumuler sur les montagnes pendant des années et des siècles, on peut avoir recours au temps pour faciliter l’explica- tion. Lorsqu’on attribue les phénomènes diluviens à de grandes pluies , on est obligé de supposer que toute la quantité d’eau qui y a été dépensée est tombée en très peu de jours; mais lorsqu’on les attribue à une fonte de neiges , on peut concevoir que toutes les neiges d’un hiver et même , en partie , celles de plusieurs hivers consécutifs y aient été employées. Le recours à la neige réduit à son minimum la difficulté de concevoir comment la SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1355 quantité d’eau nécessaire aux courants diluviens a pu se trouver réunie à la naissance des vallées. Le soulèvement de Monte-Nuovo, près de Pouzzoles (29 septem- bre 1538) y fut précédé pendant deux ans par des tremblements de terre. Le soulèvement du Malpays de Jorullo (29 septembre 1759) et la grande éruption du Vésuve , en 1760 , furent précédés par une série de tremblements de terre qui dura dix ans , et sur laquelle M. de Collegno a écrit une notice pleine d’intérêt. Les secousses s’étendirent de la Perse au Mexique. Le tremblement de terre de Lisbonne (1er novembre 1755) fut compris dans leur nombre. Plusieurs d’entre eux furent accompagnés de dégagements de vapeur. Les Hornitos de Jorullo fumaient encore en 1803 , c’est- à-dire quarante-quatre ans après le soulèvement. Un certain changement dans l’aspect du ciel et une baisse con- sidérable du baromètre (indice de la présence de beaucoup de vapeur d’eau dans l’atmosphère) ont été les signes précurseurs d’un grand nombre de tremblements de terre. Je ne vois pas ce qui empêcherait de supposer qu’à l’époque de l’éruption des ophites , des vapeurs se sont dégagées pendant longtemps du sein de la terre ; que ces vapeurs ont couvert les montagnes de quantités immenses de neige ; mais qu’à plusieurs reprises des bouffées plus considérables et subites de vapeurs aqueuses , acides et salines, ont liquéfié les neiges accumulées. Peut-être ne serait-il pas impraticable de concilier ainsi , jusqu’à un certain point , mon hypothèse avec la partie fondamentale des idées d’après lesquelles M . de Charpentier a si ingénieusement expliqué la formation de ses immenses glaciers. Il suffirait d’ad- mettre qu 'un dixième ou même seulement un quinzième de la vapeur se serait dégagé par accès brusques. D’après les calculs exposés plus haut , il n’en aurait pas fallu davantage , car la va- peur aurait pu liquéfier environ huit fois son poids de neige , les sels et les acides auraient concouru au même effet , et la neige n’a pas besoin d’être fondue en totalité pour produire un courant. Peut-être mon excellent maître et ami ne se refusera-t-il pas à me faire de son côté cette légère concession , qui se réduirait presque à reconnaître combien il serait difficile de concevoir que les efforts aveugles des soulèvements eussent réussi à produire de prime abord des générateurs de vapeur parfaitement réguliers et complètement exempts d’intermittences (1) et de soubresauts. (1) On expliquerait très simplement, par ces intermittences, les étages successifs que présentent les vallées des Pyrénées et de beau- 1356 SEANCE DU 5 JUILLET 1847. On cherche sur la surface du globe des traces d’anciens glaciers, et il est naturel de les y chercher dans les limites où comme je me suis empressé de le reconnaître depuis longtemps (1) , on peut concevoir que le climat de l’Europe a été autrefois plus favorable qu aujourd’hui à l’extension des glaciers. Mais il est naturel de chercher aussi, sur la surface du globe, les traces de beaucoup d’autres phénomènes dont l’ordre actuel des choses nous conduit à concevoir la possibilité. Les inondations les plus étonnantes , et je pourrais dire les plus diluviennes , que les annales de la nature nous présentent , ont été produites , soit par des glaciers , soit par des volcans , et quel- quefois par les deux causes réunies. Je rappellerai la catastrophe de Bagnes , celle de la Dent du Midi , celle qui a eu lieu dernière- ment , d’après M. le colonel Acosta, dans les environs de Bogota, les éruptions déjà citées du Coto-Paxi, celles de l’Islande, men- tionnées par M. Krugde iNidda, celle de l’Etna en 1755 , la ruine d’Herculanuin et de Pornpeia , l’éruption du volcan de Galung- Gung , en 1822 , dans l’île de Java, qui fit périr 4000 habitants , celle du volcan de Wunzen, au Japon, qui fit périr, par l’action des eaux , 53,000 personnes. Yoici dans leur ensemble et dans l’ordre chronologique des phénomènes , les passages principaux des récits que La Conda- mine et Bouguer nous ont laissés des éruptions semi-diluviennes de Coto-Paxi. Bouguer et La Condamine, étant sur le Pinchinclia, le 19 juin 1742, remarquèrent un tourbillon de fumée qui s’élevait de la coup d’autres pays, étages sur lesquels M. Boubée a appelé à plusieurs reprises l’attention des géologues. (!) Je demande la permission de reproduire ici le passage du rapport auquel je fais allusion... «Cette supposition d'hivers plus froids en » Europe, pendant la période qui a précédé la nôtre immédiatement, » serait d’ailleurs en harmonie avec plusieurs autres résultats d’obser- » vations qu’il serait trop long de rapporter ici... Parmi ces faits cu- » rieux , je citerai certaines digues de débris qu’on observe dans les >. Alpes, à une certaine distance (quelquefois à près d’une lieue) de » l’extrémité inférieure des glaciers actuels , notamment dans la vallée » de Chamouny et dans celle de Ferret. Les digues dont je parle » m’ont présenté tous les caractères de véritables moraines. Peut- » être le Gulj-stream , qui réchauffe aujourd’hui l’Europe occiden- » taie, n'existait-il pas encore pendant les dernières périodes géolo- » giques qui ont précédé la nôtre. » Comptes rendus des séances de V Académie, t XIV, p. 102 (1842). Rapport sur un mémoire de M. Du rocher. SÉANCE DU 5 JUILLET 1S47. 1357 montagne du Coto-Paxi. Nous apprîmes, à notre retour à Quito, dit La Condamine, que cette montagne , qui avait jeté des flammes plus de deux siècles auparavant, peu après l’arrivée des Espagnols, s’était nouvellement enflammée le 15 au soir, et que la fonte d’une partie des neiges avait causé de grands ravages. Revenus à Quito le 22 juin, on n’y parlait que de l’éruption du Coto-Paxi et des suites funestes de l'inondation causée par la fonte subite d’une grande partie des neiges, dont l’amas, entassé depuis deux siècles au moins, couvrait encore la veille toute la partie supérieure de cette montagne (1). . . Le dernier incendie (du Coto-Paxi), celui de 1742, qui s’est fait en notre présence , dit Bouguer , n’a causé de tort que par la fonte des neiges , quoiqu’il ait ouvert une nouvelle bouche à côté , vers le milieu de la hauteur. 11 y eut deux inon- dations subites, celle du 17 juin et celle du 9 décembre, mais la dernière fut incomparablement plus grande; l’eau, dans sa première impétuosité, bouleversa entièrement le poste qui avait servi de sta- tion à nos sixième et septième triangles ; elle monta de plus de 120 pieds en certains endroits. Sans parler d’un nombre infini de bestiaux qu’elle enleva, elle rasa 5 à 600 maisons, et elle fît périr 8 à 900 personnes. Toutes ces eaux avaient 17 à 18 lieues de chemin à parcourir ou plutôt à ravager vers le S., dans la Cordi- lière, avant de pouvoir en sortir par le pied du Tonguragua ; elles ne mirent pas plus de trois heures à faire ce trajet (2); ( Cela suppose que la vitesse moyenne du courant était de 6 à 8 mètres par seconde. ) Après 1742 , il y a eu de nouveaux embrasements du Coto-Paxi à plusieurs reprises, particulièrement le 27 septembre 1743 et la nuit du 30 au 31 novembre 1744 , et les effets ont encore été plus terribles. . . En 1744, dit La Condamine, les rivières ou torrents s’enflèrent si prodigieusement que trois ou quatre ponts de pierre furent emportés , et qu’une manufacture de drap très solidement bâtie, à 12 lieues du volcan, fut entièrement détruite. Le village de Napo , distant de plus de 30 lieues en droite ligne , peut-être de plus de 60 par les grandes sinuosités du cours des rivières entre les montagnes, fut enlevé entre minuit et une heure du matin , cinq à six heures après la grande explosion (3). (Cela suppose que i? La Condamine , p. 1 30. Bouguer, Mémoires de V Académie pour 1744, p. 271 . La Condamine , p. 156. 1358 SÉANCE DU 5 JUILLET 18&7. la vitesse moyenne du courant était de 10 à 15 mètres par seconde. ) Par des lettres de Quito , reçues pendant que cet ouvrage est sous presse, j’apprends que le 3 septembre 1750 , Coto-Paxi faisait entendre depuis trois jours, sans discontinuation , de nouveaux mugissements plus terribles que jamais , entremêlés de sons écla- tants qui faisaient craindre une nouvelle explosion (1). On voit par ces différents récits que Bouguer et La Condamine ont eu connaissance de quatre inondations produites par le Coto- Paxi , dans l’espace de trois ans et demi , et que la seconde de ces inondations, qui a été l’une des plus désastreuses, est résultée de la fusion des neiges accumulées sur la cime de la montagne dans l’espace de moins de six mois, du 17 juin au 9 décembre 17û2. La fusion des neiges n’a pu être produite par les laves , car le Coto- Paxi est du nombre des volcans qui n’en ont jamais rejeté. Elle ne peut être attribuée qu’au courant gazeux sorti du volcan au moment de l’éruption , et particulièrement à la chaleur latente de la vapeur d’eau contenue dans ce courant gazeux , et condensée en partie au contact de la neige. Cette vapeur s’est probablement trouvée en grand excès , car il n’est pas dit que la fusion de la neige ait influé en aucune manière sur l’allure générale des éruptions du Coto-Paxi comparées à celles du Pinchincha qui n’entre pas, ou qui entre à peine dans la région des neiges perpétuelles. Si, au lieu de se dégager en une colonne compacte par une cheminée établie depuis longtemps , le courant gazeux eût trouvé la cheminée fermée et se fût dégagé au-dessous de la neige par une multitude de fissures, comme par une pomme d’arrosoir, une masse de vapeur infiniment moindre aurait pu produire la même inonda- tion. L'inondation aurait été plus forte si le Tunguragua avait fait éruption en même temps que le Coto-Paxi ; mais on sait qu’il est très rare que deux volcans d’un même groupe fassent éruption en même temps. Si les cimes neigeuses des Andes , au lieu d’être iso- lées , formaient une crête continue , et si des vapeurs s’y déga- geaient simultanément par toutes les fissures du sol , au lieu d’un phénomène semi-diluvien , il se produirait un véritable déluge. Bouguer et La Condamine , on vient de le voir, parlent de ces inondations comme de phénomènes devenus habituels , devenus pour ainsi dire des phénomènes courants pendant la période d’érup- (4) ld.y p. 4 60. 1359 SÉANCE OU 5 JUILLET 1847. tion du Coto-Paxi, dont ils ont été les témoins. On pourrait s’étonner de ne pas posséder encore de récits analogues pour les autres volcans des Andes ; mais on peut remarquer que ces volcans ne versent pas tous leurs eaux dans une vallée peuplée , cultivée , industrieuse, située aux portes d’une grande ville, et que la France, malheureusement , n’a pas constamment entretenu des académi- ciens à poste fixe pour observer ce qui se passe sur tous les volcans couverts de neige. Le Coto-Paxi est, au reste, un des plus remar- quables parmi ces derniers , tant par sa forme régulière que par la splendeur de sa calotte blanche. Coto-Paxi , dans la langue des Incas . signifie masse brillante . D’autres volcans couverts de neige ont d’ailleurs été cités comme donnant lieu à des inondations analogues. Voici en quels termes M. Krug de Nidda, dans son beau Mémoire sur l’Islande, parle de phénomènes du même genre qui ont été observés dans cette île. Les montagnes (1) qui , sur la côte méridionale , s’é- lèvent à une hauteur considérable (environ 4500 à 5000 pieds = 1461 à 1624 mètres) appartiennent à la formation trachy tique. C’est sur ces montagnes que se rassemblent les masses de glace très étendues de la partie méridionale de l’île. La hauteur, la con- tinuité , la masse non interrompue de ces montagnes de trachy tes, de même que la douceur et Funiformité de leur pente méridio- nale , font que les rayons du soleil ont plus de force , et occasion- nent la fusion ou l’agglutination partielle de la couverture de neige , ce qui peut être la cause qui a favorisé la formation et l’accumulation de ces masses énormes de glace. Nulle part, en Islande, on ne trouve les Joküls (c’est ainsi qu’on nomme les montagnes environnées de glaces) plus grands que précisément dans la partie méridionale , où on devrait attendre un climat plus favorable. Sous ces puissantes couvertures de glace sont cachés les grands volcans de la partie méridionale de l’Islande , qui sont principale- ment connus par leur redoutable activité et par les ravages auxquels leurs éruptions sont liées... Les masses de glace qui couvrent le goufre souterrain éprouvent l’effet de la chaleur de l’éruption. Des masses d’eau immenses se précipitent dans les parties basses. Ce qui est épargné par elles devient la proie des courants de laves qui les suivent. En 1783 , le Skaptar Jokül ht une éruption deve- nue célèbre par les ravages qu’elle a causés. Auparavant , on ne connaissait pas ce volcan , et aujourd’hui on ne connaît encore (4) Krug de Nidda, Archives de Karsteo , t. VII , p. 424 . 1360 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. que les vallées dans lesquelles se sont précipitées les masses d’eau et les laves ; mais on ne connaît pas jusqu’ici leur source , le goufre éruptif d’où proviennent tous ces ravages (1). M. Descloizeaux , en montant sur l’Hécla, en 18â6, a reconnu que les laves de l’éruption de 18â5 n’ont fondu les neiges accu- mulées que jusqu’à une petite distance de leur point de contact. J)e là , il résulte qu’en Islande, comme sous l’équateur, les neiges qui ont été fondues dans les éruptions volcaniques ont dû l’être par l’action des vapeurs. Il est naturel de rapprocher de ces faits une observation inté- ressante que M. Eugène Robert a consignée dans son V oyage en Islande . Cet infatigable voyageur a observé sur les dépôts siliceux des anciens geysers , depuis le pied de la montagne de Laugar- fiall , qui les domine à l’O., jusqu’auprès des geysers actuels, un grand nombre de blocs arrondis de mimosite (dolérite) à petits grains qui paraissent avoir été entraînés par les eaux. Il faut ad- mettre qu’il y a eu là une débâcle capable de transporter ces blocs sur la surface des dépôts siliceux. Ce phénomène est peut- être résulté de la fusion des neiges opérée par des éruptions volca- niques. M. Eugène Robert a aussi observé que la montagne de Lau- garfiall, composée de roches pbonolitiques d’un gris bleuâtre est, à sa partie supérieure , mamelonnée et unie comme toutes les mon- tagnes qu il a supposées avoir été longtemps sous des eaux puis- santes et actives (2) {roches moutonnées). Je citerai aussi les effets des courants qui , au printemps de 1755 , descendirent de la cime de l’Etna, et qui produisirent dans le val ciel Bove des dégradations dont les traces sont encore visibles. Ces courants furent attribués par quelques auteurs con- temporains à une éruption aqueuse ; mais d’autres les attribuèrent, avec plus de probabilité , à la fusion des neiges dont l’Etna était encore couvert. Si les phénomènes observés à l’Etna en 1755 n’ont pas été le résultat de la fusion des neiges , ils peuvent être cités , comme quelques uns de ceux que présenta la première éruption du Vé- suve, qui détruisit dans l’année 79 les villes d’Herculanum , de Pompeia et de Stabia , pour prouver que des quantités d’eau con- sidérables sont quelquefois vomies par les volcans ; mais, sous ce rapport , ils ont été bien dépassés de nos jours par les éruptions (1) Krug de Nidda , Archives de Karsten , t. VII, p. 421 . (2) Eugène Robert , Voyage en Islande et au Grn' and , miné- ralogie et géologie, p. 184 et 185. 1361 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. du Galung-Gung, dans l’îlc de Java, et du Wunzeo , au Japon. M. Léopold de Bucli , dans sa Description physique des îles Cana- ries , traduite en français par M. C. Boulanger, décrit ainsi, p. hUO , les éruptions du volcan Wunzen ouUnzen, survenues en 1793 : 5e volcan du Japon , Vnsen , sur une presqu’île, à l’E. de Nan- gazaki. La montagne était autrefois large et pelée, mais point très éle- vée. Les vapeurs qui s’échappaient de son sommet pouvaient s’apercevoir à 3 milles de distance (Kâmpfer, I, 120); mais le 18 du premier mois (1793) , la montagne s’écroula, et il en ré- sulta un enfoncement tellement profond , qu’on ne pouvait en- tendre le bruit de la chute d’une pierre lancée de la partie supé- rieure. Des vapeurs épaisses s’élevèrent pendant plusieurs jours de cet orifice. Le 6 du second mois, le volcan Bino-no-Koubi s’ouvrit à envi- ion une demi- lieue de son sommet , des gerbes de flammes en sor- tirent et s’élevèrent à une hauteur considérable ; en même temps , des coulées de lave se répandirent avec une telle vitesse sur le. pen- chant de la montagne, que toute la contrée, sur un espace de plusieurs milles , fut bientôt en proie à un vaste incendie. Le 1er du troisième mois , à dix .heures du soir, on ressentit dans toute l ile de Kiu-Siu (Eidjo), mais principalement à Simabara , un violent tremblement de terre qui fit écrouler des montagnes , renversa les maisons et crevassa le sol en beaucoup de points. Pendant ce temps la lave ne cessa pas de couler ( Titsingh , Mé- moire des Djogouns , par Abel Rémusat , 1820, p. 203 sq., avec un dessin colorié de cette terrible éruption). Le 1er du quatrième mois , la terre fut de nouveau violemment agitée pendant une heure , et les secousses furent si fortes qu’elles renversèrent des montagnes , et un grand nombre d’habitations furent ensevelies sous les décombres. En même temps, on enten- dait de tous côtés un effroyable mugissement souterrain; tout à coup la montagne Miyi Yama se souleva dans l’atmosphère, mais elle s’affaissa bientôt sur elle-même et disparut dans la mer. Les vagues, jetées avec force sur le rivage, détruisirent beaucoup de villages situés près de la mer, et une masse considérable d’eau , sortie par les crevasses de la montagne , submergea toute la con- trée. Simabara et Figo ne présentèrent plus en un instant que les traces de la plus affreuse dévastation. On évalue à 53,000 le nombre des personnes qui périrent dans cette épouvatable catastrophe M. Lyell, dans la 6e édition de ses Principes de Géologie , et Soc.géol . , 2e série, t. IV. 86 1362 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. M. de Buch , dans sa Description physique des îles Canaries , tra- duite en français par M. C. Boulanger, p. 424, rapportent ainsi, d’après M. Yan der Boon Mesch et d’après M. Van der Capellen, les principales circonstances de l’éruption de Galung-Gung en 1822. La montagne de Galung-Gung ( ou Galongoon ) , située un peu au S. du Talaga Bodas, et au milieu de la vallée , entre les deux chaînes de volcans de Java, dans une partie alors fertile et très peuplée de l’île, était couverte, en 1822, d’une épaisse forêt. On voyait à son sommet une cavité circulaire, mais il n’existait pas de tradition d’aucune éruption antérieure. Déjà , pendant le courant du mois de juin 1822 , les eaux de la rivière Chikunir , qui descend de la montagne , s’étaient troublées , elles déposaient une poudre blanche , exhalaient une odeur sulfureuse , devenaient acides et commençaient à s’échauffer considérablement , trahissant ainsi le grand mouvement de dissolution qui se développait dans l’intérieur. En juillet, les eaux delà rivière Kumir, l’une de celles qui coulent de ses flancs, devinrent pendant un certain temps chaudes et troubles. Le 8 octobre , à une heure après midi , des mugissements hor- ribles se firent entendre; la montagne se couvrit immédiatement d’une fumée épaisse, on entendit une forte explosion, la terre trembla , et d’immenses colonnes d’eau chaude et de boue bouil- lante , mêlées de soufre enflammé , de cendres et de lapilli , gros comme des noix, furent projetés delà montagne, comme une trombe, avec une violence si prodigieuse qu’il en tomba de grandes quantités au-delà de la rivière Tandaï, qui est distante de 40 milles (64 kilomètres). Chacune des vallées atteintes par cette éruption fut remplie par un torrent brûlant , et les rivières , enflées par l’eau chaude et la boue , débordèrent et entraînèrent un grand nombre d’habitants qui essayaient de s’échapper, et beaucoup de bestiaux, de bêtes sauvages et d’oiseaux. On vit avec étonnement à Badang , la ri- vière de Ghiwulan charrier vers la mer un nombre immense de cadavres d’hommes , de bestiaux , de rhinocéros , de tigres , de cerfs, et même jusqu’à des maisons entières. Cette éruption d’eau chaude limoneuse continua pendant deux heures, qui suffirent pour consommer la ruine et la dévastation de toute une province. A trois heures , elle avait cessé , mais il tomba alors une pluie épaisse de cendres et de lapilli qui achevèrent de brûler les arbres et les champs épargnés jusqu’alors. A cinq heures, la tranquillité était parfaitement rétablie , et la montagne se découvrit. Mais ce 1363 SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7. peu de temps avait suffi pour couvrir de limon tous les villages , toutes les habitations jusqu’à plusieurs lieues de distance. Un espace de 2â milles (39 kilomètres), entre la montagne et la rivière Tandaï , fut couvert de boue bleuâtre sur une telle épais- seur, que les habitants furent ensevelis dans leurs maisons , et que dans toute cette étendue , on ne voyait plus de traces des nombreux villages et des plantations qui y existaient auparavant. Dans cet espace, les corps de ceux qui avaient péri étaient enterrés et cachés dans la boue ; mais , près des limites de l’action volcanique , ils étaient répandus sur le terrain en grand nombre et exposés à la vue , en partie bouillis et en partie calcinés. On remarqua que la boue bouillante et les cend res furent pro- jetées de la montagne avec une telle violence que , tandis qu’un grand nombre de villages éloignés furent complètement détruits et enterrés, d’autres , plus voisins de la montagne , fure nt à peine endommagés. La première éruption dura environ cinq heures , et les jours suivants la pluie tomba par torrents , et les rivières , fortement chargées de boue , inondèrent la contrée comme un déluge jusqu’à une grande distance. Au bout de quatre jours, le 12 octobre, à sept heures du soir, ces horribles phénomènes se renouvelèrent. Un tremblement de terre général fut suivi par une éruption dont on entendit le bruit pendant toute la nuit. De nouveaux torrents d’une eau boueuse chaude et chargée de Union , se précipitant vers la vallée , entraî- nèrent avec eux des rochers et des forêts entières , de manière que des collines furent élevées dans des parties où peu de moments au- paravant il n’y avait qu’une plaine. Il fut bientôt impossible de reconnaître cette vallée, auparavant si fertile et si peuplée. Tous les habitants , sans pouvoir seulement songer à la fuite , furent enterrés sous ces limons , et l’on pense que pendant cette nuit plus de deux mille personnes ont perdu la vie dans le seul district de Singaparna , au N. de cette terrible montagne. Dans cette seconde éruption, plus violente que la première, de gros blocs de basalte furent lancés à 7 milles (11 kilomètres) de distance du volcan. Il est dit dans une des relations que la forme de la mon- tagne se trouva totalement changée: que ses sommets sétaient écroulés, quelle était tronquée, et que L’un de ses flancs, qui avait été couvert d’arbres, était devenu un vaste abîme de forme demi- circulaire. Cette cavité se trouvait environ à moitié chemin , entre les sommets et la plaine , et était entourée de rochers escarpés , qu’on disait avoir été entassés dans un ordre nouveau pendant l’é- 1364 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847.. ruption. On assure que de nouvelles collines et de nouvelles vallées furent formées. Les rivières Banjarang et Wulan changèrent de cours dans l’espace d’une nuit (celle du 12 octobre). Le rapport officiel porte que 114 villages furent détruits, et que plus de 4,000 personnes périrent (1). Après cette éruption, le volcan resta en mouvement; il fumait encore le 12 novembre, et lançait en l’air des nuées de vapeurs. Peu de jours après l’éruption , le peintre hollandais Payen se dé- termina à partir de la ville de Bndang pour le volcan qu’il a dé- crit dans une lettre à M. Keinwardts. Il trouva que la quantité de cendres diminuait à mesure qu’il approchait de la base de la montagne ; cependant il ne put l’atteindre : le limon et des cre- vasses nombreuses l’en empêchèrent , et les mêmes difficultés se représentèrent pendant tout le mois de novembre ( Boon Mesch , p. 47 ). Il parle de changements que la forme de la montagne présentait après le 12 octobre, mais il ne décrit pas le goufre demi -circulaire ouvert dans son flanc. M. Blume , botaniste , a examiné sur les lieux le limon dévasta- teur vomi parle volcan. Il était d’une couleur brune jaunâtre, terreux, friable, exhalait une odeur sulfureuse et brûlait sans dif- ficulté. Il n’y a point de doute qu’il ne fût en grande partie com- posé de soufre. Les Malais nomment ce limon bnali , c’est-à-dire pâte, et il est évident, dit M. de Bucli, que cette matière est ana- logue à la moja de Quito, qui, en 1798 , couvrit -la malheureuse ville de Riobamha. Il semble dpnc, ajoute cet illustre géologue, que l’effet de l’ac- tion volcanique dans Vile de Java serait de développer en même temps une immense quantité de vapeurs sulfureuses et aqueuses , qui s’emparent de la roche dont l’intérieur de la montagne est composé , la décomposent jusqu’à en faire une pâte , un buah , et enfin , quand la masse solide est détruite de manière à ne pouvoir- plus opposer assez de résistance , les vapeurs se font jour au dehors, et la matière fluide s’échappe par les crevasses , non comme un courant de laves visqueuses, mais comme des torrents d’eau qui jaillissent par chaque petite ouverture qu’elles peuvent atteindre. On ne peut donc regarder toutes ces eaux que comme des eaux distillées , et il faut croire qu’il en est de même de celles de ces deux rivières, qui sortent du cratère du volcan d’Idjen; car ce (1) Van der Boon Mesch , De incendiis montium Java ?, etc. Lug. Bat., 1826, et rapport officiel du président baron Van der Capellen. SÊAXLE DE 5 JUILLET J8'â7. 1365 cratère se trouve presque à la cime d’une montagne isolée, qui n’est dominée par aucune autre montagne avoisinante. Je remarquerai en passant cette circonstance que le torrent, gonflé par les eaux chaudes provenant de T éruption, flottait un grand nom- bre de cadavres d’hommes, de tigres, de cerfs, de rhinocéros. D’api es M. Lyell (1) , la première indication que les habitants de Kndang reçurent de cette calamité, le 8 octobre , fut la nouvelle que la ri- vière Wulan entraînait à la mer des corps humains et des cadavres de cerfs, de rhinocéros, de tigres et d’autres animaux. Si Java avait renfermé des éléphants , comme Ceylan , le courant en aurait flotté également. Ces cadavres ont été portés jusqu’à la mer; seulement, l’eau étant chaude, si la mer avait été à plusieurs centaines de lieues de distance et si le courant avait mis plusieurs jours à l’atteindre, ils y seraient arrivés en putréfaction. Mais si la même quantité de vapeur, accompagnée de sels et d’acides, avait rencontré à la surface du sol une quantité surabondante de neige, elle aurait donné naissance à un courant quinze fois plus considérable , à une température inférieure à zéro. Ce courant aurait produit des dé- gâts incomparablement plus grands , se serait chargé de beaucoup plus de débris terreux et pierreux , aurait flotté les cadavres d’un beaucoup plus grand nombre d’animaux , et on aurait vu une seconde édition du transport des éléphants et des rhinocéros de ï Asie centrale dans la mer Glaciale. On voit par là, une fois de plus, combien la discussion des points les plus épineux de la question des phénomènes erratiques se lie naturellement à la considération des effets les mieux constatés des émanations volcaniques. Tous ces effets tendent à prouver qu’il peut se dégager, du sein des laboratoires intérieurs du globe terrestre , des quan- tités immenses de vapeur d’eau , et peut-être même d’eau chaude et généralement salée. L’embarras n’est donc pas d’imaginer com- ment des neiges auront pu fondre , soit une fois , soit à plusieurs reprises, suivant l’hypothèse qu’on adoptera sur l’unité ou la pluralité des courants diluviens. Le point délicat , comme je le disais tout à l’heure , est de bien expliquer comment des neiges ont pu s’accumuler sur les montagnes en quantité suffisante. Nous entendons parler dès l’enfance des neiges qui couvrent les hautes montagnes , des vastes calottes de glace qui environnent les pôles. Ces régions glacées nous paraissent tellement le domaine de la neige que nous ne réfléchissons pas toujours assez au contraste (1) Lyell, Principlès oj geology, 6e édit., t. III, p. 263 > 1366 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. singulier que présente un globe , incandescent à l’intérieur, dont un simple puits artésien fait jaillir une source thermale , et dont la surface est en partie couverte de neige ; sur ce qu’un pareil état de choses offre en lui- même de dangereux , par la dispro- portion immense qui existe entre la quantité de la chaleur inté- rieure et celle qui serait nécessaire pour fondre toutes ces neiges ; sur ce qu’il y a d’improbable à ce que l’équilibre merveilleux qui permet à ces neiges de subsister pendant les périodes de tranquil- lité ne soit pas dérangé quand l’écorce solide et froide du globe terrestre vient à être violemment brisée et agitée. Il me paraît très difficile de concevoir que des glaciers se main- tiennent d’une manière permanente sur les parties de la surface du globe qui , dans ses révolutions , deviennent le théâtre spécial des phénomènes de soulèvement. On propose d’admettre que, pendant les premiers siècles qui ont suivi l’éruption des ophites, des gla- ciers immenses se seraient étendus dans les vallées des Alpes et des Pyrénées : une des nombreuses difficultés qui me paraissent s’op- poser à ce que cette hypothèse soit admise , consiste en ce que , pendant cette période peu stable encore et sans doute fertile en tremblements de terre , il a dû se dégager souvent du sol même des montagnes , des bouffées de vapeur capables de fondre les glaces et les neiges et de les faire couler en torrents. Dans ces montagnes , on ne saurait trop le rappeler , il existe encore des eaux thermales La source d’Ax (Ariége) a encore une tempéra- de 82°, 5 ; celle des vapeurs qui se dégagent des geysers n’est que de 124°^24. Qu’on imagine ce qui serait arrivé si toute l’eau sortie en 1793 du volcan d’Unsen , en 1822 de celui de Galung-Gung , était sortie à l’état de vapeur (comme cela a lieu le plus souvent) , et si cette vapeur avait rencontré sur les montagnes autant de neige qu’elle peut en réduire à l’état de courant , c’est-à-dire un poids de neige égal à douze ou quinze fois le sien ! Or, qui pour- rait soutenir que la réalisation d’une pareille rencontre., à l’époque du soulèvement des ophites, doive être regardée comme im- possible , ou même comme improbable? Et s’il est probable qu’un phénomène pareil a dû se réaliser, où aller chercher les traces qu’il n’a pu manquer de laisser sur la surface du globe , si ce n’est dans le terrain erratique ? Au point de vue de la géographie botanique , on a ingénieuse- ment comparé le globe terrestre à deux montagnes couvertes de neige , accolées base à base ; au point de vue géologique et parti- culièrement au point de vue spécial qui nous occupe , on peut le comparer de même à deux volcans couverts de neige , accolés base SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1367 à base. L’analogie serait incomplète si les calottes de glace de ses pôles n’étaient pas entrées quelquefois en fusion , comme celle du Coto-Paxi , et n’avaient pas produit des débâcles proportionnées à leur grandeur. L’hypothèse que j’ai soumise en 1830 à l’appréciation des géo- logues a pour objet de faire entrer eu ligne de compte , dans l’ex- plication des phénomènes géologiques , la réalisation possible de ce danger de la fusion subite des neiges, qui menace réellement tous les jours les habitants du globe terrestre , et de faire entre- voir aux naissances des vallées , où les phénomènes diluviens ont laissé les traces les plus sensibles de leur passage , des causes ana- logues à celles qui produisent de nos jours les inondations les plus redoutables. S’il y a de la hardiesse dans mon hypothèse, ce que je suis bien loin de nier, peut-être n’y en aurait-il pas moins à vouloir limiter la puissance que la nature a pu déployer par cette voie dans ses moments de perturbation (1). Au reste, pour qu’on n’attribue pas à l’hypothèse dont il s’agit plus de hardiesse qu’elle n’en a réellement , je demande la per- mission d’en reproduire ici textuellement l’énoncé primitif. Je le transcris avec toutes les fautes que le progrès de la science a déjà corrigées, tel qu’il a été imprimé au printemps de 1830 dans les Annales des sciences naturelles , t. XIX, p. 213. Il constitue ime note distincte qui, dans la table des matières (p. 239) , est indi- quée sous le titre suivant , qu’on n’accusera probablement pas d’être trop systématique : « Incertitude de la cause des phénomènes diluviens. ' Les effets des courants diluviens sont beaucoup mieux connus » que leur origine. On ne doit pas perdre de vue qu’au moment de la » convulsion qui a donné son relief actuel à la chaîne principale des » Alpes "du Valais en Autriche), la contrée au milieu de laquelle » elle parut présentait déjà de très hautes montagnes , puisque le » système des Alpes occidentales existait déjà depuis longtemps, et » n’était baigné , au moins dans une grande partie de ses con- » tours , que par les eaux de quelques lacs d’eau douce , élevés (1) Lorsqu'on raisonne sur les phénomènes qui pourraient avoir été produits par des vapeurs dégagées du sein de la terre , on ne doit pas totalement perdre de vue les raisons d’après lesquelles des astronomes de premier ordre ont regardé comme possible que les neuf petites planètes , Cérès , Pallas , Junon , Yesta , Astrée , Hébé , Iris , Flore , Métis , ne soient que les débris d’une planète plus grosse qui aurait fait explosion ; des débris erratiques ! 1368 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. » eux-mêmes au-dessus des mers d’une quantité plus ou moins » grande. Les neiges dont ces hautes montagnes ne pouvaient man- » quer d’être couvertes ont dû être fondues en un instant (1) par » les gaz , auxquels est attribuée l’origine des dolomies et des » gypses, et les eaux provenant de leur fusion ont sans doute con- » couru, et peut-être pour beaucoup , à la production des courants » diluviens des Alpes. » Les Alpes Scandinaves donneraient lieu à une remarque du » même genre. » La chaîne des Pyrénées , au contraire, si remarquable par la » simplicité et , si l’on peut s’exprimer ainsi , par l’unité de sa ! » structure, semble s’être élevée en une seule fois (2) du milieu de 1 « dépôts horizontaux , et, selon toute probabilité, du fond même » des mers où s’étaient formés les derniers d’entre eux ; aussi ne » présente-t-elle pas , au moins sous une forme bien remarquable , » le phénomène des grandes pierres transportées (3). M. de Char- » pentier ne l’y mentionne pas; MM. Dufrénoy et de Biily ne » l’y ont jamais remarqué. Le témoignage d’aussi habiles ob- » servateurs me fait supposer que les blocs du Pic du midi cl’Os- » san , remarqués par Palassou , sont un phénomène purement » local, et probablement l’effet d’un éboulement (4). » Tout porte à croire que le phénomène des grandes pierres » transportées n’existait pas non plus dans les Alpes occidentales , (1) Un instant géologique n’est pas une période de temps rigou- reusement définie ; une seconde , une heure , un jour., sont des du- rées qu’on peut également sous-entendre dans l’emploi de cette ex- pression sans en forcer le sens habituel. (2) C’était une erreur : l’unité de la structure générale des Pyré- nées n’empêche pas qu’on ne puisse y distinguer six à sept systèmes de dilocations, ainsi que je l’ai reconnu avec M. Dufrénoy, et comme M. Durocher l’a fait voir avec plus de détail encore. (3) Cette expression fait allusion au Mémoire de M. J. -A. Deluc (neveu) , Sur le phénomène clés grandes pierres primitives alpines distribuées par groupes dans le bassin du lac de Genève et dans les vallées de VArve (1827) : mémoire qui, après les mémorables écrits de Saussure et de M. de Buch, me paraît un des plus intéressants qui aient été publiés sur ces matières avant le travail classique de M. de Charpentier sur le terrain erratique du bassin du Rhône. Je suis étonné de ne pas le voir cité plus souvent. (4) En visitant les Pyrénées l’année suivante (1831) avec M. Du- frénoy, j’ai reconnu mon erreur à cet égard , sur laquelle je me suis empressé de revenir dans mes publications subséquentes , et que M. de Charpentier et M, de Collegno ont depuis complètement rectifiée. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 1569 » avant le redressement des couches de la chaîne principale des » Alpes. » Si la cause que j’ai indiquée précédemment a eu une grande » part à la production des courants diluviens , le célèbre torrent » de la vallée de Bagnes, produit par la rupture subite de la digue » de glace qui retenait un très petit lac , a dû en présenter, quoi*- » que en petit , une image assez fidèle , et d’habiles observateurs » ont en effet été frappés de l’analogie des effets qu’il a produits » avec ceux des courants diluviens. » On peut encore déduire de ce cpii précède que, si les Pyrénées » ont commencé à se couvrir de neige pendant le dépôt de l’argile » plastique et du calcaire grossier, cette neige n’a été fondue subi- » tement dans aucune des révolutions de la surface du globe arri- » vées depuis lors (1). On ne pourrait peut-être pas dire que les » Vosges aient de même été préservées, depuis leur dernière » convulsion , de fontes de neige instantanées. On y observe eu » divers points quelque chose d’analogue au phénomène des » pierres transportées (2). » Si on objectait à ce qui précède que le peu de permanence » de la neige et de la glace les fait sortir du domaine de la géolo- (4) C’était une erreur : il y a eu depuis lors le dégel ophitique. Je ] doute d’ailleurs aujourd’hui qu’à l’époque du calcaire grossier des j montagnes de la hauteur des Pyrénées , situées sous la latitude des Pyrénées, aient dû être couvertes de neiges perpétuelles. (2) Des observations récentes et bien connues ont, en effet, montré que les phénomènes erratiques sont très développés dans les Yosges ; mais plus ils y sont développés et plus il est remarquable que le Jura, les montagnes de la Grande-Chartreuse, celles du Yereors, du Devoluv, le Mont-Yentoux, et en général toutes nos grandes montagnes cal- caires, quoique plus élevées que les Vosges, ne présentent que de très faibles traces de phénomènes erratiques qui leur soient propres. La raison pour laquelle , à hauteur égale , les traces des phénomènes erratiques sont beaucoup plus développées dans les montagnes primi- tives que dans les autres, tient probablement de très près à celle qui fait que les tremblements de terre et les sources thermales sont beau- coup plus fréquents dans les contrées composées de roches éruptives et dans celles que ces roches ont disloquées en se soulevant. Le Jura, privé de tout pointement de roches éruptives, remarquablement pauvre en sources thermales , très rarement secoué par les tremblements de terre , m’a frappé depuis longues années par le contraste qu’il offre avec les parties des Vosges les plus voisines de Plombières, de Luxeuil, de Sultzmatt , sous le rapport des phénomènes erratiques. Si des difficultés insurmontables ne me paraissaient pas s’oppo- ser à l’admission du système glacial, il me serait facile d’y rattacher 1 370 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. » gie , je rappellerais que les glaces voisines des embouchures des » fleuves Léna et Yiloui n’ont pas fondu depuis le redressement » des couches de la chaîne principale des Alpes , époque à laquelle » ont cessé de vivre les espèces d’éléphants et de rhinocéros , dont » un certain nombre d’individus se sont conservés dans ces glaces » avec leur poil , leur peau et leur chair encore mangeable. » L’état de conservation presque parfait de ces énormes cada- » vres serait une raison de présumer que la catastrophe qui les a » transportés jusqu’à leur position actuelle a eu lieu pendant » l’hiver de notre hémisphère boréal, ce qui supposerait beau- » coup plus de force encore à la cause dont j’ai essayé de faire » admettre au moins le concours dans la production des courants » diluviens. » En reproduisant ici cette note , je rappellerai que le même volume des Annales des sciences naturelles renferme , de la page 60 à la page 110 , une Description du second terrain de transport des vallées de la Durance , du Rhône et de l'Isère (diluvium de quelques géologues ) , dans laquelle j& crois avoir répondu d’avance à quelques unes des objections qu’on a élevées, dans ces derniers temps , contre la théorie des courants. Je crois inutile de reproduire ici mes arguments, non plus que ceux que M. de Col- legno a consignés dans son mémoire sur les terrains diluviens des Pyrénées, inséré, en 18A3 , dans les Annales des sciences géolo- giques, publiées par M. Rivière. J’aurai peut-être l’occasion d’y revenir une autre fois. Avant de terminer cette réplique, je crois devoir consigner ici , afin qu’on puisse la comparer plus facilement à la mienne , l’hypo- thèse par laquelle sir James Hall a proposé d’expliquer le phéno- mène erratique des Alpes. « Il est évident , dit l’illustre auteur des expériences sur la » fusion du calcaire en vases clos, qu’une vague se répandant sur » ces hautes vallées alpines , en été , flotterait et entraînerait » toute la glace qui y existe sous forme de glaciers et qui est ac- mon hypothèse. Il me suffirait de supposer que pendant l’existence de ces immenses glaciers qui auraient couvert les Alpes , les Pyrénées, les Vosges , le Morvan , l’Àrdenne (a) , seraient survenus des soulève- ments auxquels remonterait l’origine des dolomies , des gypses , des sources salines et thermales. a) J’ai déjà mentionne ailleurs les moraines de Pont-Aubert et de Spa. Elles me pa- lai*jeul exactement comparables aux prétendues moraines des Vosges. (Comptes rendus hebdomadaires des stances de l'Académie des sciences , t. XIV, p. 98.) SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1371 » cumulée dans les vallées plus élevées, et avec la glace tous les » blocs de pierre qui y sont enveloppés ou qui y sont attachés de »> quelque manière que ce soit. Le courant chargé de ce fardeau » s’échapperait par toutes les ouvertures et coulerait en particulier » par ces dépressions qui actuellement , ainsi que nous l’avons dit , » permettent de voir le sommet neigeux du Mont-Blanc de cer- » tains points de la face du Jura où les blocs abondent. » On peut maintenant rendre raison de l’existence des masses » énormes, déjà mentionnées, qui se trouvent près de Genève et » au coteau de Boisy, et le même système s’appliquera aussi aux » blocs des rivages de la mer Baltique, qui peuvent avoir été por- » tés à leur place actuelle , non par une position permanente et » tranquille de l’Océan , variant par degrés très lents , comme » Wrede l’a allégué , mais par une vague diluvienne subite , dé- » ferlant sur quelque district situé, soit à un niveau assez élevé, » soit assez près du pôle pour être le siège de glaciers (1). « J’ignore pourquoi sir James Hall a supposé que la vague dilu- vienne , à laquelle il a recours , est venue battre les Alpes en été. S’il avait supposé que cette vague les eût battues en hiver , on pour- rait combiner l’hypothèse de sir James Hall et la mienne. En discutant les effets possibles d’une fonte subite des neiges accumulées d'une manière extraordinaire dans des circonstances anormales, je n’entends nullement faire abstraction de ceux qu’a pu produire le déplacement subit des eaux répandues sur la surface du (1) Sir James Hall, On the Révolutions of the Earth surface. ( Eclinburgh Transactions , t. YII , p. 59.) « . . . . . It is obvious , then , that a wave washing, over these » high alpine valleys in summer, would floot and carry off ail tbe ice » in the glaciers , and accumulated in the higher valleys , and , along » with the ice , ail the blocks of stone imbedded in it , or attached to » it in any way. The stream with this load , would find its way through » every opering , and would in a particular manner flow through » those dépréssions which at this day , as we hâve said, afford a view » of the Snowy summit of Mont-Blanc , from certain places on the face » of Jura were these blocks abound. » The enormous masses already mentionned , which are found near » Geneve and ad the coteau de Boisy may now be accounted for; and » the same System will apply also to the blocks upon the Baltic , wich » may hâve been brought to their présent place, not by a permanent » and steady position of the Océan, varying by slow degrees, as has » been alleged by M. Wrede , but by a sudden diluvian wave washing )) over some district situated either at a sufficiently high level, or near » enough to the pôle , to be th6 seat of glaciers, » 1372 SÉANCE 1)U 5 JUILLET 18A7. globe. J’ai indiqué ailleurs (1) le concours probable du déversement vers le N. -O. des eaux du grand lac de la Bresse, dans la production des phénomènes diluviens qui s’observent aux environs de Paris. L’absence d’ossements cétacés dans les dépôts erratiques , qui con- tiennent tant d’ossements d'éléphants , devrait sans doute , comme l’a judicieusement observé M. Fournet, rendre très réservé dans l’emploi de l’hypothèse des vagues diluviennes ; mais cette ab- sence est loin d’être constatée d une manière universelle. Les dents d’éléphants, de rhinocéros, d’hippopotames sont faciles à recon- naître , mais les grands ossements trouvés dans les terrains dilu- viens ne sont pas toujours aussi faciles à déterminer, et beaucoup de ces ossements ont peut-être été classés un peu légèrement , à cause de leur grandeur seulement et de leur réunion avec des dents d’éléphant, parmi les ossements des grands quadrupèdes. D’ail- leurs, l’objection si spécieuse en apparence qu’on tirerait de l’ab- sence d’ossement de cétacés n’aurait une importance réelle qu’au- tant qu’on supposerait que la mer qui a produit le courant était une nier peu profonde et peuplée jusqu au fond. Le fond d’une mer profonde comme l’Océan loin des côtes, ou même comme la Méditerranée , ne renferme guère plus de cétacés que la Sibérie ne renferme aujourd’hui d’éléphants et de rhinocéros : la surface de la mer loin des côtes en renferme elle-même très peu. Si donc le fond d’un océan très profond avait été soulevé de manière que ses eaux dussent ruisseler sur les terres continentales, la plus grande partie de ses eaux aurait pu y ruisseler sans y entraîner de cétacés. Le fond du courant marin , qui aurait agi le plus directe- ment sur les continents , aurait été formé le plus souvent des eaux froides et désertes du fond de la mer, qui sont plus denses que tout le reste. Les carapaces des infusoires qui existent peut-être jusque dans le fond des mers les plus profondes , ont- elles été suffisamment recherchées dans les dépôts erratiques? Les animaux qui pullu- lent quelquefois dans des régions de la mer très éloignées des côtes, ne seraient guère propres à laisser des débris reconnaissables dans de pareils terrains. La partie des eaux de la mer, qui est habituel- lement peuplée d’animaux propres à y laisser des débris distincts, est probablement bien loin de former un dixième de la masse totale. Il y a donc bien des chances pour qu’un dépôt diluvien , formé par une irruption des eaux marines , ne renferme pas de (1) Traduction française du Manuel géologique de M. de La Bêche, p. 655; — et Traité de géognosie de M. Daubuisson, continué par M. Amédée Burat, t. III » p. 359. SÉANCE DU Ô JUILLET 18/17. 1373 débris marins. J’ai supposé que les eaux du lac de la Bresse ont concouru à la formation du dépôt erratique de la vallée de la Seine. Au moment de son déversement vers le N. -O. , ce lac, ré- duit à une faible profondeur par les dépôts qui s’y étaient accu- mulés, pouvait être peuplé jusqu’au fond, et dans les parties les moins grossières du terrain erratique des environs de Paris on rencontre un grand nombre de coquilles lacustres. J’ajouterai encore , d’une part , que les eaux résultant d’une fonte subite des neiges auraient flotté les parties non encore fon- dues des glaciers avec tous leurs blocs , tout aussi bien que les eaux d’une vague marine diluvienne ; et , de l’autre , que les cou- rants produits par une vague marine diluvienne se seraient chan- gés d’eux-mêmes en courants de boue tout aussi bien que ceux qui seraient résultés d’une fonte subite de neiges. Etant donnée une quantité d’eau placée à la naissance d’un sillon ou d’une fente susceptibles de devenir une vallée , les effets qu’elle produira seront toujours les mêmes , quelle que soit son origine, et ces effets sont faciles, sinon à calculer, du moins à prévoir d’une manière générale. Le point délicat de la question , comme je l’ai dit précédemment est de savoir comment une quantité d’eau suffisante a pu se trouver rassemblée aux points de départ des courants diluviens, de ceux qui ont parcouru les plaines aussi bien que de ceux qui ont sil- lonné les montagnes. ! . r. i r REURJIOM EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL (vosges) (1) , Du 1 0 au 23 septembre 1847. Séance du 10 septembre 1847, Les membres présents se sont réunis à midi dans l’une des salles de l’Hôtel-de-Ville, que M. le maire d’Epinal a bien voulu mettre à la disposition de la Société géologique. Les membres de la Société qui ont assisté à la réunion sont : MM. Acosta, Bauja, Billy (de), Blanchet, Clément-Mullet, CûLLOMB, CoRNUEL, Delesse, Desoudin, Dolfus-Ausset, Four, Gastaldi, Guibal, Hogard, Jourdan, MM. Lesàing, Levàllois, Lory,, Maire, Martins (Charles), Mérian (Pierre), Michelin (Ardouin), Parandier, Puton (Ernest), Renoir. Rouville (Paul de). Royer (Ernest), Yaultrin, Zuber (Jean), Un nombreux auditoire a constamment assisté aux séances j on peut citer plus particulièrement les personnes ci-après , dont plusieurs d’entre elles ont pris part aux travaux de la Société (l) Différentes circonstances et des retards involontaires apportés à l’impression de ce compte-rendu ont mis le conseil de la Société géolo- gique dans la nécessité de supprimer une grande partie des nom- breuses et intéressantes communications qui ont été faites à la réunion extraordinaire d’Épinal; du reste , un certain nombre d’entre elles avaient été publiées depuis l’époque de leur présentation. Soc.géol.y 2e série, t. IV, 87 1378 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , en s’unissant à ses membres dans leurs courses et leurs explo- rations scientifiques : MM. MM. j MM. MM. Alexandre, Didiergeorges. Leroy, Petitmongin, Ballon, Dolfus (Gustave), Mareine, Pion, Berher, Durand (Léon), Martinet, Prévotel (Vict Biche, Dutac, Mathieu, Rappin, Bienatmé , Gahon, Maud’heux, Ru AULX. Carrière, Grillot, Mougeot, père, SCHIMPER, Claudel, Haxo, Mougeot, fils, SONREL, Collin, Idoux (L’abbé), Moynier (Eug.), Tocquaine, Collenne, Jacquel (l’abbé), Moyon (Benito), Thoillier, Dan u, Lahérard, fils. Perreau, Vancker, Déblayé . Laurent, Perrey, La Société ouvre sa session extraordinaire sous la présidence provisoire de M. Bauja, doyen d’âge, qui, assisté de MM. Clé— ment-Mullet et Delesse , procède à l’organisation du Bureau. Elle nomme : Président , M. Henri Hogard. Vice-président , M. E. Puton. Secrétaires, MM. À. Delesse et Ed. Collomb. MM. Hogard et Puton remercient la Société de la distinction qu’ils viennent de recevoir ^ ils l’assurent qu’ils feront tous leurs efforts pour qu’elle puisse visiter les points les plus inté- ressants de la partie méridionale des Vosges avec utilité pour la science, et dans le peu de jours qu’elle consacre ordinairement à ses sessions extraordinaires. Dans ce but, M. le Président appelle la Société à arrêter l’itinéraire de ses excursions. La Société décide qu’elle suivra le programme qui a été ré- digé et envoyé à ses membres par MM. Hogard et Puton-, elle pense, en outre, qu’il convient, pour exposer plus complète- ment et plus exactement les observations faites pendant ses courses, de faire deux parts dans les comptes-rendus : 1° L’une relative à la géologie des terrains stratifiés et non stratifiés aux phénomènes qui s’y rattachent. 2° L’autre relative aux phénomènes erratiques. DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1379 Le Bureau constitué, M. Colemie, maire de la ville d’Epinal, assisté de ses adjoints, exprime à la Société combien la ville d’Epinal attache de prix à sa présence dans les Vosges, et la remercie d’avoir choisi cette ville pour ie lieu de sa réunion ex- traordinaire de 1847. Une députation de la Société d’émulation des Vosges, ayant à sa tète son vice-président et son secrétaire perpétuel, est introduite dans la salie j elle témoigne à la So- ciété ses vives sympathies, et lui adresse ses ié licitations fra- ternelles. M. le Président répond à M. le maire que l’accueil que la So- ciété reçoit à Epinal ne permet pas de douter qu’elle n’ait à se féliciter d’y avoir fixé sa session j il se rend l’organe de la re- connaissance de la Société pour la réception cordiale et hospi- talière dont elle est l’objet. Il remercie la Société d’émulation des témoignages de sympathie quelle veut bien donner à la Société géologique, qui savait bien trouver en elle des collègues distingués et des savants voués à l’étude de toutes les sciences } il invite les membres de la Société d’émulation à assister aux séances et aux excursions de la Société géologique. M. le Président donne lecture de l’extrait suivant de deux lettres qu’il vient de recevoir. M. Laurent, conservateur du Musée départemental , informe la Société que les galeries du Musée seront constamment ou- vertes aux membres de la Société géologique, et que des dispo- sitions sont prises pour leur faciliter l’examen des collections qui y sont réunies. M. Collin, directeur de la marbrerie d’Epinal, fait hommage à la Société d’une collection des marbres des Vosges qu’il ex- ploite dans ses usines , et il l’invite à visiter ses établissements. La Société décide quelle visitera le Musée départemental après la séance. Elle remercie M. Collin de ia collection des marbres vosgiens qu’il met à sa disposition-, elle nomme une commission composée de MM. Clément-Mullet, Puton et De- lesse, qui sera chargée de lui faire un rapport sur les établisse- ments de M. Collin, et sur les roches qu’il exploite comme marbrier. 1380 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part deM. Dufrénoy, Mémoire sur plusieurs gisements de pierres meulières des environs de Paris. De la part de M. J. -F. Soleirol , Mémoire sur les carrières des environs de Metz , qui fournissent la pierre a chaux hy- draulique. De la part de M. Hœninghaus , une lettre relative à la décou- verte qu’il a faite, dans un Cyatophyllum du Psammite de l’Eifel, d’une Trilobite à laquelle il a donné le nom de Harpes reflexus. COMMUNICATIONS. M. Delesse donne lecture de la notice suivante : Recherches sur les verres provenant de la fusion des roches , par M. Delesse, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Besançon. Les roclies auxquelles on attribue généralement une origine ignée peuvent, lorsqu’elles sont soumises à une chaleur convenable, être amenées à l’état de fusion ; quand ensuite elles se refroidissent brusquement, elles donnent lieu à des verres dont l’étude fait l’ob- jet de ce mémoire. 1. — Mode d' expérience. — La température à laquelle j’ai soumis les roches que j’ai examinées est celle des fours de verreries ordi- naires chauffés au bois, et toutes les expériences que j’ai entre- prises depuis environ deux années ont été faites chez M. Grezeiy, à la verrerie de la Saulnaire. La roche était pulvérisée, tamisée, puis on remplissait aux trois quarts un bon creuset de Hesse ; le volume de ce creuset était , au plus, d’un décimètre cube ; il était placé sur un fromage et muni d’un couvercle non luté destiné à empêcher, autant que possible, l’introduction des vapeurs alcalines ; il était ensuite porté dans un four à dessécher, chauffé au rouge sombre, et cette précaution était surtout très nécessaire, quand la roche était en fragments, car au- trement elle se serait brisée en éclats qui auraient été projetés de tous côtés. Au bout de quelque temps le creuset était introduit dans l’intérieur du four de verrerie, et près de la porte de charge- DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/i7. 1381 ment afin qu’il ne supportât pas une clialeur trop forte ; alors , ou bien on le laissait pendant 18 heures, après quoi on le retirait, ce qui donnait lieu à un refroidissement rapide y ou bien on attendait une mise hors feu du four, pendant laquelle on diminue graduel- lement le combustible mis sur la grille, et on avait ainsi un refroi- dissement lent , dont la durée était d’environ une huitaine de jours; du reste, lorsqu’on retirait le creuset au bout de ce temps, la tem- pérature était alors assez basse pour que la matière fût entièrement solidifiée. 2- — Observations générales. — Que le refroidissement de la roche soit rapide ou lent, il importe de présenter quelques obser- vations générales relatives à la fusion. La température du four de verrerie à laquelle la roche était soumise était à peu près celle de l’orthose qui fondait en un verre bulleux. Au moment où la roche entre en fusion, il s’y forme un bouillonnement plus ou moins considérable, et souvent même il y a un boursouflement qui projetterait le couvercle si on rem- plissait presque complètement le creuset. Ce boursouflement, qui a surtout lieu au commencement de l’opération , ne saurait être attribué à la perte de l’eau ou de l’acide carbonique d’un peu de carbonate ; car leur dégagement a eu lieu avant que la roche en- trât en fusion ; peut-être est-il dû à un dégagement de gaz oxygène produit par des réactions chimiques ou par des alternances d’oxy- dation ou de désoxydation ; ce qui aurait lieu , par exemple , si l’oxyde de fer ou de manganèse, transformé en peroxyde à la sur- face du bain, repassait à l’état de protoxyde qui est une base ayant plus d’affinité pour la silice, en pénétrant dans l’intérieur du bain par suite des mouvemements de la masse liquide ; ce serait alors une réaction analogue à celle que donne au chalumeau la perle de phosphate (1) , de soude et de manganèse quand on la maintient dans la flamme oxydante. Du reste , dans le verre de presque toutes les roches , il y a gé- néralement des bulles ; ces bulles peuvent être attribuées soit au bouillonnement, duquel il vient d’être question, soit plutôt à ce que dans certaines roches difficilement fusibles , telles que les roches granitoïdes, la matière ayant été seulement amenée à l’état pâteux, toutes ses parties ne sont pas réunies d’une manière parfaite, soit en- fin, dans le cas le plus général, à un refroidissement de la surface du (i) Berzelius, de l’Emploi du Çfialmneau, 1382 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A É PIN AL , bain, plus rapide que le refroidissement de la masse intérieure (1). Elles s’observent aussi dans les métaux comme le plomb et même dans ceux qui, comme la fonte et le bronze, augmentent de volume en se solidifiant: or il résulte des observations de M. Bischoff(2), que quand une roche passe de l’état de fluidité ignée à l’état solide, elle diminue de volume ; par conséquent il doit a fortiori se former des bulles dans les verres provenant de la fusion des roches. îl est facile de reconnaître d’ailleurs , par l’examen du creuset retiré du four , que malgré le couvercle , une oxydation s’opère à la surface de la roclie fondue ; on remarque en effet qu’elle est re- couverte d’une couche brun marron, de silicate de peroxyde de fer dont l’épaisseur est généralement très petite. C’est ce qui a lieu aussi pour les parois du creuset qui sont soumises directement à l’action delà flamme, tandis qu’ à l’intérieur on aune couleur vert de bou- teille plus ou moins foncée , et qui tire sur le noir dans les roches qui contiennent une proportion notable de fër. Bans les circonstances ‘que j’ai indiquées , la roche peut être maintenue en fusion pendant plusieurs jours sans que le creuset soit altéré d’une manière notable ; il n’est pas déformé et les pa- rois ne sont pas corrodées. Il faut cependant faire exception pour les roches riches en mica, ainsi que pour les roches volcaniques qui corrodent fortement les creusets et peuvent les percer ; c’est même un fait sur lequel il importe d’insister , car la facilité avec laquelle les roches volcaniques entrent en fusion et dissolvent ce qui les entoure permet d’expliquer la différence de composition que présentent quelquefois les laves de volcans modernes, et aussi de rendre compte de la position de ces volcans dans les grandes chaînes de montagnes granitiques , c’est-à-dire sur les points du globe où l’épaisseur de l’écorce paraît être la plus faible , et où elle peut avoir été successivement amincie par corrosion, jusqu’à ce qu’il se forme un orifice. Le plus généralement cependant, l’action de la roche fondue sur le creuset ne s’étend pas à un millimètre au-delà de la surface de contact ; on peut y observer en effet une petite bande blanchâtre qui est porcelainisêe et qui se détache assez bien sur le fond jaune clair du creuset. Il résulte donc de ce qui précède, qu’ abstraction faite de l’eau et des substances volatiles qui ont pu se dégager, la composition (1) Leblanc, Bulletin de la Soc. géol., tom. XII, p. 140; et Frapoîli, Bulletin de 18 47 . (2) Bischoff, N eues, Jahrbuch de Leonhardt, 1841, p. 665, DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/|7. 1383 moyenne de la roche fondue sera généralement, à très peu près, celle qu’on aurait trouvée dans la roche elle-même, et c’est en effet ce que j’ai pu vérifier plusieurs fois par des analyses comparatives ; par conséquent aussi, dans la comparaison des densités de la roche avant et après la fusion, on pourra négliger l’erreur qui résulte de la corrosion des parois du creuset. Pott , Gellert , d’Arcet et de Saussure , ont fait les premières recherches sur la fusion des roches et des minéraux; Gerhard (1781) et Klaproth (1), qui s’occupèrent ensuite du même sujet, se sont servis de creusets de charbon ou de brasqué pour évi- ter les inconvénients du creuset de terre; mais, comme je viens de le dire , ces inconvénients ne sont généralement pas très grands , et d’ailleurs après la fonte dans un creuset brasqué à la tempéra- ture de l’opération , la roche a perdu son eau, son fer, son man- ganèse et même son titane; par conséquent le verre qu’on obtient ne permet plus d’établir avec elle aucune comparaison sous le rapport des propriétés physiques ou chimiques; néanmoins j’ai fait des essais de ce genre sur un assez grand nombre de roches ; j’ai obtenu ainsi des verres blancs , grisâtres ou d’un vert peu foncé, et ils étaient presque toujours accompagnés par un petit culot, ou tout au moins par des grenailles de fonte qui adhéraient à la partie extérieure de la masse fondue ; et en outre ces verres étaient plus bulleux et moins fusibles que ceux qu’on obtenait dans le creuset non brasqué. 3 . — V erres. — Ce qui précède étant établi , on peut se proposer l’étude des propriétés des verres provenant de la fusion des diverses roches ; c’est ce qui fait plus spécialement l’objet de ce Mémoire. l\. — Dureté. — En essayant les duretés de ces verres, j’ai d’a- bord constaté qu’elles sont moins différentes qu’on ne serait tenté de le croire d’après leurs grandes différences de composition. Elles sont du reste assez grandes, ce qui tient peut-être à une espèce de trempe produite par le refroidissement brusque de la roche. Les verres qui proviennent des granités, des porphyres quartzi- fères, etc., ou des roches granitoïdes, ont une dureté inférieure ou égale à celle du quartz , soit environ de .7 Le verre de l’orthose a une dureté un peu inférieure à celle de l’adulaire ou à 6 Les verres des porphyres, des diorites, etc., ont de même une dureté égale ou inférieure à .6 Enfin pour ceux des euphotides, des basaltes, des laves mo- (1) Klaproth, Beitrdge , etc. 138/1 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL ? dernes, des minettes, etc., elle est inférieure à celle de la chaux phosphatée ou à 5 La dureté du verre est donc généralement d’autant plus grande, que la roche qui la produit est plus riche en silice. Faisons connaître maintenant les autres propriétés de ces verres et comparons leurs densités à celles des roches qui les ont fournis. 5. — Densité. — Dans ses recherches sur l’action exercée par le feu sur les roches , de Saussure avait observé qu’elles subissent une di- minution de densité par la fusion. Magnus, en 1831 , avait remarqué que les verres provenant de la fusion du grenat et de l’idocrase ont une densité moindre que celle de ces minéraux : MM. A. Brongniart (1), G. Rose (2), avaient constaté aussi que la même relation existait entre les densités de l’orthose et de son verre, ainsi qu’entre celles du dégourdi et de la porcelaine ; par de nombreuses déterminations de densité, MM. A. Laurent, Malagutti et Salvetat ont établi que la densité de la porcelaine diminuait d’autant plus qu’elle avait été chauffée à une température plus élevée, résultat qui devait paraître d’autant plus surprenant que la porcelaine se contracte par la chaleur. Depuis, M. Bischoff, mais surtout M. Charles De- ville , ont fait une série d’expériences précises s’appliquant à di- verses substances minérales; dans ce travail, j’ai cherché moi- même à multiplier et à étendre ces recherches (3), en opérant sur les principales roches , et plus particulièrement sur celles que les géologues regardent en général comme étant d’origine ignée. Pour prendre les densités , j’ai employé les flacons desquels on se sert ordinairement en minéralogie, et j’ai opéré, soit avant, soit après la fusion , sur la matière réduite en petits fragments; j’ai eu soin surtout de n’opérer, autant que possible, que sur les parties du verre exemptes de bulles, et quand le verre était partout bulleux, il était pulvérisé. J’ai chassé aussi bien que pos- sible , l’air restant dans les pores , mais toutefois sans avoir recours à la machine pneumatique, caries corrections qui seraient ré- sultées de son emploi sont négligeables , tant à cause de la na- (1) Brongniart, Arts céramiques , t. ïtr, p. 285. (2) Gr. Rose, Annales des mines de 1 847, 3m# livraison, p. 528. (3) Dans ces derniers temps, mon ami M. Descloiseaux s’est occupé de recherches du même genre sur un grand nombre de roches volca- niques qu’il a recueillies dans son voyage en Islande. M. Descloiseaux a, du reste, trouvé une diminution moindre dans la densité, parce que les produits qu’il a obtenus sont souvent redevenus cristallins par suite du refroidissement lent auquel ils avaient été soumis , la fusion de ses roches ayant eu lieu dans les fours à porcelaine de Sèvres. |i- ■ v j'f liftai I I. , ■V, j ' { ; Y j . . H TABLEAU faisant connaître la variation de densité des diverses roches quand elles passent de l’état cristallin à l’état vitreux. TT PERTE DENSITÉ DIM1K0T il DÉSIGNATION DE LA ROCHE. LIEU DE PROVENANCE. FEU. % OBSERVATIONS SUR LE VERRE. aouia. vi-nae. BliNCE. d-d 1 DESSI, d-d 1 „ Granités. La Roche en Berny (Côte-d’Or) Verre d’une couleur vert de bouteille, inégalement répartie ; translucide, avec bulles inégales et beaucoup de squelettes blancs il a seulement été amené à l’état pâteux ; très fortement réfractaire U i ;,iaia hn. ji.il , lits utile tu 4uaiU tt 11 cnaul ijut q.idqilCS [ ài C <' -1 7 • • o Vn fi 1 il II \ t t mii-i nnir Le Tlioly (Vosges) — comme le précédent : il est aussi très fortement réfractaire ’g 9^21 0,301 H, 09 r t i* t * | *, ' , ' ' 111 C31 C C — noir de Jayet, non transparent, très légèrement bulleux, avec squelettes blancs j très fortement réfractaire 730 2,353 0,172 10,32 p o’rto-i 2,450 0,280 1 0,26 6 7 Granité à petit grain : il est recherché pour le pavé de Paris Granité porphyroïde à grain moyen, avec orthose rose : il est employé pour le pavé de Paris Granité à graiu fin : il est recherché pour le pavé de Paris Sainte-Honorine (Orne) FlamanviUe (Manche) Saint-Brieuc (Côtes du Nord) 0,26 0,55 — idemque (3) — identique (3), seulement sa couleur est le vert bouteille ; il est translucide 2,684 2,680 2,751 2,423 2,496 0,263 0,253 10,03 0,70 9,44 0,27 Leptynites. — il est d’une couleur vert de bouteille, présentant un aspect bréchiforme à cause d’un très grand nombre de petits squelettes blancs qui sont en quantité plus grande que la pâte; un peu pâteux, très fortement réfractaire p y . CS e iij.üuaUe, "uu la 2,336 0,315 11,88 10 Granités syénitiques. Syénite avec quartz, orthose fauve, andésite blanche et hornblende vert foncé Ballon de Servance (Haute-Saône) 0,70 — semblable h (3) — semblable à (3), mais un peu plus foncé ' — semblable à (3) 2,700 2,376 2,447 0,241 0,263 0,21 9,37 12 Syénite avec quartz, orthose brunâtre, andésite rouge et hornblende vert foncé, variété de (11) Plain de Coravillers (Haute-Saône) 0,70 2643 2,425 ; 2,478 j 0,235 0,165 8,84 13 Porphyres granitoïdes. Porphyre quartzifère, à pâte blanche verdâtre , renfermant beaucoup de cristaux dodécaèdres de quartz et des cristaux peu distincts Montreuillon (Nièvre) 1,08 — gris verdâtre, à taches inégalement réparties qui sont de vert de bouteille ; transparent, fortement bulleux avec squelettes blancs; très fortement réfractaire u La Rochotle près Faucogney (Haute-Saône). 0,94 — semblable aux précédents ; seulement on y aperçoit b peine quelques squelettes blancs ^651 2,301 0,275 10,08 Porphyres. — gris noirâtre, très bulleux, réfractaire 8,53 1 16 18 19 20 Pétrosilex gris brunâtre, eu bandes de quelques décimètres dans le porphyre brun. (Dufrénoy et É. de Beaumont) Porphyre rouge antique, à pâte rouge marron Porphyre brun. (Dufrénoy et É. de Beaumont) Roche porphyriqne blanche, à base d'albite à potasse et de quartz, du terrain de transition des Vosges Près Ternuay (Haute-Saône) D’Égypte Cimetière de Faucogney (Haute-Saône). . . Auxelles-Haut (Haut-Rhin) Chagey (Haute-Saône) 1,25 0,29 2,00 1,99 — légèrement brunâtre, un peu bulleux, assez homogène, réfractaire — noir de Jayet éclatant, non transparent, bien compacte, peu réfractaire — idemque (17) — idemque (15), avec de petites bulles répandues dans toute sa masse et squelettes de quartz, réfractaire !.. ! — idemque (17) [ 2,623 2,646 2,763 2,614 2,662 2,349 2,479 2,486 2,359 2,418 2,514 0,274 0,255 10,44 10,09 10,03 9,70 U, 17 21 22 Porphyre brun, à cristaux de feldspaths très peu distincts Diorites. Planelier-les-Mines (Haute-Saône) D'Égypte 1,01 1,81 — noir de Jayet éclatant, non transparent, bien compact, peu réfractaire 2,423 0,210 9,05 23 Diorite à gros grain, avec hornblende vert noirâtre sans quartz Chateau-Lambert (Haute-Saône) 1,40 — idemque (22) 2,'608 0,242 0,171 8,29 24 Diorite à grain moyen, avec hornblende noirâtre, sans quartz Eiqihotiues, &c. Variolite de la Durance - . . . . Chateau-Lambert (Haute-Saône) Hautes-Alpes 2,29 — vert de bouteille, translucide avec bulles nombreuses ; très réfractaire; il a seulement été amené à l’état pâtpnT 2,684 0,174 0,09 26 Eupliotide avec saussurrite grise, légèrement bleuâtre et diallage vert d'émeraude D'Orezza (Corse) 2,68 — fortement coloré, bien compacte, non réfractaire 2,896 2,288 0,606 20,93 Euphotide avec saussurite blanche-verdâtre et diallage verte bronzée en cristaux nettement séparés Schiste talqueux à structure gneisique, avec filets de quartz grenu et chlorite . Mont-Genèvre (Dauphiné) 5,78 — idemque (26) — noir brunâtre, à cassure mate avec quelques squelettes blancs 2,773 2,664 2,641 0,456 0,257 0,227 14,71 8,87 K, 12 Mélapliyres. 29 Porphyre de Belfahy (Mélaphyre), à pâte vert-noirâtre et à grands cristaux verdâtres de Labrador Belfahy (Haute-Saône) 2,14 — noir de Jayet éclatant, non transparent, )>ien compacte, peu réfractaire 30 Trachytes. Trachyle rosé, peu cristallin (Expérience de M. Ch. Deville). 2 775 0,171 Basaltes et roches volcaniques anciennes 2,727 2,617 0,110 4,04 31 Lare ancienne, d'une couleur brun-marron pâle, avec cristaux d’anorthite et quelques grains de péridot vert olive; elle est un peu celluleuse (donnée par 31. Descloizeaux) De la hase de l’Hécla il attauue très fortement le erenset et peut même le pereer facilement fnsihle 33 Basalte noir, bien compacte, avec grains de péridot Lare basaltique. (Expérience de M. ch. Deville). Du Kaiscrstuhl Cône de los Majorquines ! — non réfractaire, d’une couleur vert de bouteille noirâtre ; compacte et à cassure conchoïde. . . . 2,844 2,718 2,836 0,126 0,i 10 lî 1 35 Basalte du pic de Pogo (frfatn) Porphyre amygdaloîde brun-marrou, avec cristaux de feldspath Labrador et géodes siliceuses, dans lesquelles se trouvent les agathes. Laves et roches volcaniques vitreuses. Lave vitreuse du Pic (Expérience de M. Ch. Deville). D’Oberstein (Palatinat) 3,68 — idemque (32) 2,971 2,879 ;■£ ■ L 2,603 0,077 1 37 Lave moderne de la coulée de 1346, couleur très foncée tirant sur le noir, texture cristalline, grenue, avec quelques cavités. . . . De l’Hécla — idemque (32) 2,570 2,464 0,106 4 13 ’ 39 40 4 1 _, ... . ( Donnée par M. Descloiseaux). Obsidienne compacte et bien caractérisée, noire, vitreuse, bien conchoïde ( Donnée par M. Descloiseaux). du P,c. (Expériencede M. Abich . du (Expérience de M. Ch. Deville . Roches A bases de Mica. De l’Hécla Volcan de Chahorra . Pic de Ténériffe ! — il ressemble complètement d’aspect à la roche elle-même ' 2,383 2,486 2,349 2,466 0,082 0,034 2,97 1 1,43 0,83 1 i 42 Pic de Ténériffe Las Pedras blancas 2,482 2,495 2,476 —0,013 — 0,093 0,75 —3,90 U Grande très riche eu mica noir, avec hornblende verte, un peu de feldspath, orthose et de quartz De Clefoy (Vosges) 0,96 — idemque (14), seulement les petits squelettes blancs ne restent pas dans la pâte à cause de sa grande densité qui est supé- rieure à celle des verres des roches granitoïdes, et ils sont venus se réunir à la partie supérieure du verre Gneiss avec mica noir et on peu d’orthose blanc Minette (Woltz) brune foncée, d'un filon de 50 centimètres d’épaisseur qui se trouve dans la syénite Roche formée de mica noir éclatant et de grenat mélanite . . . 2 90'» 2,622 0 980 9 65 4 5 46 47 A la Jumcnterie, sommet du Ballon d’Alsace. 0,95 o’io — noir de Jayet éclatant, non réfractaire — bleu nuancé de noir, non transparent, bien compacte et sans aucune bulle ; facilement fusible — noir éclatant, à cassure très conchoïde, avec bulles au centre; très facilement fusible et très corrosif; il a corrodé deux fois le creuset dans une fonte de dix-huit heures 2,821 2,644 2,625 2,551 0,196 0,093 0,94 2,934 2,829 0,105 3,58 | DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/|7 . 1385 ture des substances dont il s’agit d’obtenir la densité, que des erreurs que j’ai signalées, et qui sont inhérentes au mode d’expé- rimentation suivi pour obtenir le verre. Pour la détermination des densités, qui était une opération assez longue, j’ai été secondé par M. Paufert. J’ai résumé, sous forme de tableau, tous les résultats qui ont été obtenus dans une série assez nombreuse d’expériences. ( Voir pour ce qui suit le tableau joint à ce Mémoire après lapage 1388.) Dans ce tableau les roches ont été réunies en groupes naturels , et dans chacun de ces groupes, elles ont été rangées d’après leur diminution de densité ; on peut voir du reste que leur ordre est à peu près le même que si on avait fait un seul tableau général. 6. — Influence, cle la teneur en eau. — La plupart de ces roches contiennent de l’eau de combinaison, ainsi que j’ai déjà eu l’occa- sion de le démontrer à plusieurs reprises dans des recherches anté- rieures (1), et elle est le plus généralement donnée par la quatrième colonne du tableau qui porte le titre perte au feu ; les guillemets indiquent d’ailleurs dans cette colonne qu’il y aune quantité d’eau nulle ou du moins très petite , qui n’a pas été déterminée , ou bien qui est égale à celle d’autres roches appartenant au même groupe ; comme cette eau disparaît par l’action de la chaleur, la densité de la roche n’est plus rigoureusement comparable à celle de son verre ; mais quoiqu’il soit impossible de calculer la densité qu’aurait eue le verre, si l’eau y avait été maintenue après la fusion, on peut cepen- dant se rendre compte de quelques anomalies qui sont présentées par les roches et principalement par celles qui contiennent une proportion notable d’eau de combinaison. En effet, j’ai constaté(l) que les feldspaths qui renferment de l’eau, tels que l’oligoclase , l’ andésite, le labrador, la saussurite, etc., ont une densité qui di- minue par la calcination ; il en résulte donc que pour des roches appartenant à un même groupe et ayant ces feldspaths pour base, la diminution de densité du verre devra, toutes choses égales, être d’autant plus grande qu’elles renfermeront plus d’eau de combi- naison. On peut, du reste , observer aussi que les roches qui , par leur grande diminution de densité, paraissent faire exception à la loi générale et à l’ordre établi dans le tableau , sont surtout celles qui sont assez riches en eau , comme les eupliotides , les vario- lites, etc., c’est-à-dire celles dont le verre n’est plus comparable à la roche. (1 ) Voir les Mémoire s sur la composition, minéralogique et chi - inique des roches des Vosges. — Annales des mines (i 847) , t. XII , p. 195 et p. 283. — (1848), t.-XIII, p. 667. 1386 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , Quand la composition des roches n’est pas telle qu’elles puissent cristalliser par un refroidissement lent ou rapide, ce qui est le cas le plus ordinaire , et celui duquel je m’occupe en ce moment, les verres qu’elles produisent présentent la plus grande ressemblance; voici quelles sont leurs propriétés générales : 7. — Diverses propriétés physiques. — Leur couleur est presque constamment celle du verre de bouteille plus ou moins foncé ; ce- pendant elle peut varier du noir au vert, au verdâtre et au blanc grisâtre suivant que la roche est riche ou pauvre en fer. Tantôt le verre est parfaitement homogène, tantôt au contraire, ainsi que de Saussure (1) l’avait déjà remarqué , on y observe de petits squelettes blancs formés de quartz et quelquefois de feld- spath , qui ne se dissolvent pas dans la masse, lors même qu’elle est maintenue en fusion pendant plusieurs jours ; cela n’a lieu que dans les roches qui, le plus généralement, contiennent beau- coup de quartz, et qui sont peu fusibles comme les roches grani- toïdes et quelques porphyres. La difficulté que le quartz éprouve à se dissoudre dans les sili- cates ayant la composition de ceux qui constituent généralement les roches, est un fait qu’il importe de constater d’une manière j spéciale , parce qu’il montre que des roches quartzeuses opposeraient une grande résistance à la dissolution, lors même qu’elles se trou- veraient en contact avec des masses à l’état de fluidité ignée. Examinons maintenant chacun de ces verres en particulier : 8 — Granités , Leptynites. ■ — Granités syéni tiques. — Porphyres granitoïdes , (1), (2), (3), etc., (là). Les granités, les leptynites , les syénites ainsi que les porphyres j quartzifères et granitoïdes qui composent le groupe des roches j granitoïdes , donnent des verres ayant un aspect bien constant; ils sont tous difficilement fusibles ; la présence d’une très petite f quantité de mica suffit dans les granités pour que le verre soit très notablement coloré par le fer ; cependant pour le leptynite , ) pour le porphyre quartzifère, et aussi quelquefois pour le granité, on a des verres très peu colorés et ayant une couleur verdâtre , claire; cela a lieu surtout pour celles de ses roches qui, étant très pauvres en mica, sont au contraire très riches en quartz, et qui sont par cela même très fortement réfractaires. Le granité de la Roche (Côte-d’Or), celui de la Serre (Jura), quelques leptynites et même des porphyres quartzifères sont dans ce cas ; ils s’agglutinent plus ' ou moins sans se fondre bien complètement , et la diminution de densité qu’ils éprouvent par la fusion , est plus considérable que (l) De Saussure, Voyages dans les Alpes, t. Ier, p 126. 1387 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. celle des roches granitoïdes ordinaires ; on peut observer en outre que leur verre est d’une couleur et d’une composition très inégales ; car à côté de parties presque blanches, on en a d’autres qui sont vert -noirâtres; cela tient à ce que les premières, plus riches en quartz, ont résisté à une fusion complète, tandis qu’au contraire les secondes proviennent d’une sorte de liquation du silicate de fer qui s’est formé, surtout près du mica , et qui, étant plus fusible, s’est réuni en gouttelettes au milieu de la masse. 9. — Porphyres , (15), 16), etc., (21). Les roches réunies dans ce groupe des porphyres qui sont d’une composition extrêmement variée, donnent des verres plus colorés, plus éclatants, plus compactes et plus fusibles que ceux des roches granitoïdes ; iis s’en rapprochent cependant lorsqu’ils contiennent du quartz, car alors ils renferment des bulles inégales, et on y observe quelques squelettes blancs provenant du quartz non dissous. 10. — Biorites , (22), (23), (24). Les verres des diorites et des porphyres aioritiquës, quelle que soit la nature du feldspath qui leur sert de base, sont identiques d’aspect avec ceux des porphyres sans quartz, tels que ceux de (17), (20), etc. Il n’y a d’exception à faire à cet égard que pour la diorite ôrbi- culaire de Corse , qui ne renferme qu’une très petite proportion d’amphibole, et dont le feldspath très riche en alumine donne des squelettes blancs, t ne se dissout que difficilement dans la masse d’une manière complète. 11 — Euphoticles, Serpentines, etc. , (25), (26).., (27) et (28). J’ai réuni dans le groupe des euphotides, des roches qui par leur grande diminution de densité , paraissent faire exception à la loi générale qui sera énoncée plus loin , car cette diminu- tion est plus grande que celle qu’on serait porté à leur attri- buer d’après cette loi; à cet égard, la variolite de la Durance et Yeuphotide de Corse offrent même des anomalies remarquables. Pensant qu’ elles pouvaient être dues à la grande teneur de la roche en magnésie , ainsi qu’à la présence d’une quantité no- table d’eau de combinaison, j’ai cherché, pour reconnaître si cette conjecture était fondée , quelle était Faction de la chaleur de four de verrerie sur les roches à base d’ hydrosilicate de magnésie ; mais elles n’y entrent pas en fusion complète ; ainsi la serpentine noire verdâtre avec nodules rougeâtres provenant de Cleury, vallée du Tholy, a donné un culot brunâtre assez bien agglutiné; la ser- pentine noire verdâtre , veinée de rouge du Goujot, près de Saint- Étienne (Yosges) , a donné un culot mieux agglutiné que lé pré- cédent et ayant une Couleur plus foncée ; la serpentine blanc ver- dâtre et pseudomorphique de Snarum en Norwège, et une serpentine 1388 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉP1NAL, noble vert clair très onctueuse au toucher, ont donné, la première, une masse blanc jaunâtre, et la 2e une masse rouge de brique qui s’égrenaient l’une et l’autre entre les doigts; enfin la stéatite d’un blanc de lait, dite craie clc Briançon a conservé absolument le même aspect; ces différentes roches, qui avaient cependant été ré- duites préalablement en fragments aussi petits que possible, se sont donc seulement agglutinées d’une manière plus ou moins incom- plète et à peu près proportionnellement à leur richesse en fer indiquée par leur couleur. 12. — • Mélaphyres , Basaltes , Boches volcaniques anciennes et modernes , Laves , (29). (30), (31), etc., (43). Ces roches ont donné des verres qui se ressemblent beaucoup entr’eux, ainsi qu’aux verres des diorites et de plusieurs porphyres ; en sorte qu’il serait le plus souvent impossible de les distinguer ; les caractères généraux de ces verres sont : Couleur foncée qui varie du vert de bouteille au noir de jayet, suivant la richesse en fer de la roche, et qui les rend tantôt opaques et tantôt translucides. Compacité très grande, cassure bien conchoïde, éclat très vif, absence de squelettes blancs de quartz qui s’observent surtout dans les roches à base de feldspatlis riches en silice , contenant du quartz en excès, et qui sont par cela même peu fusibles. Fusibilité beaucoup plus grande que celle des roches qui pré- cèdent, aussi n’y voit-on qu’ assez rarement quelques bulles bien arrondies qui se trouvent surtout au centre de la masse fondue. Dans l’énumération de ces roches qui a été faite sur le tableau, j’ai mentionné d’une manière spéciale celles dont les verres pré- sentaient quelque particularité. Relativement aux roches volcaniques , il importe d’observer que certains produits des volcans peuvent avoir été soumis à un refroi- dissement aussi rapide que celui du verre obtenu artificiellement; on conçoit alors que la différence entre les densités devient très faible ou nulle : c’est ce qui a lieu pour certaines laves et pour l’ob- sidienne ; il résulte même des expériences de M. Charles Deville que la densité de cette dernière roche, qui n’est plus cristalline et qui est un verre naturel, peut être inférieure à celle de son verre artificiel. 13. — Roches à base de Mica, (44), (45), (46) et (47). Les résultats donnés par les roches à base de mica ou qui contiennent une forte proportion de mica varient entre des limites étendues, ce qui tient à ce que la composition chimique de celles de ces roches qui ont été essayées est elle-même très variée ; leur diminution de densité est généralement celle des 1389 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. roches grauitoïdes comme pour (44) , ou bien celle des roches roches volcaniques comme pour (47), suivant qu’elles doivent être rangées à l’une ou à l’autre de ces roches d’après leur gisement et d’après leurs caractères minéralogiques; quelquefois au contraire la diminution de densité est moindre que celle qu’on serait tenté de leur attribuer d’après ces mêmes caractères. Il importe d’ob- server, du reste, que ces roches attaquent toutes très fortement les creusets à cause du fluor qu’ elles contiennent, et par conséquent, les verres qu’elles donnent ne leur sont plus entièrement compa- rables; c’est pour cette raison sans doute, que des recherches spé- ciales faites sur du mica pur m’ont toujours donné des résultats très peu concordants ; ainsi dans trois essais sur le lépidolite rose li- las et en petites paillettes de Rosena,qui ont été exécutés, l’un à la forge et les deux autres au four de faïencerie, j’ai obtenu pour le premier, une augmentation de densité de 0,49 p. 100, et au con- traire pour le deuxième et le troisième des diminutions de densité de 10 et même de 15 p. 100 ; la divergence de ces résultats doit être attribuée à ce que le lépidolite étant un mica très riche en fluor , dissout une portion plus ou moins grande de la matière du creuset suivant la durée de l’opération et à ce qu’une grande quantité va- riable de silicium peut se dégager avec le fluor. 14. — Si on étudie sur le tableau qui précède les variations de densité qu’éprouvent les différentes séries de roches, on voit qu’il en résulte ce fait important, que généralement quand un silicate passede l’état cristallin à l’état vitreux , il y a diminution de densité. On voit aussi que la constance des résultats obtenus pour les roches appartenant à un même groupe et auxquelles on doit appliquer la même dénomination, est assez grande, si on ob- serve qu’elles présentent souvent de grandes différences d’aspect et qu’elles proviennent des gisements les plus divers ; cette con- stance est d’autant plus grande que par plusieurs motifs que j’ai exposés antérieurement, et par leur nature même, des expériences du genre de celles qui ont été entreprises ne sont pas susceptibles d’une grande précision. D’après cela on peut se proposer de généraliser les résultats des expériences de M. Charles Deville ainsi que les miens, et chercher quelle est la relation qui existe entre la diminution de densité d’une roche et sa composition chimique. Pour résoudre ce pro- blème d'une manière complète , il faudrait, il est vrai, des expé- riences beaucoup plus nombreuses que celles qui ont été faites jusqu’à présent, et embrassant toute la série des silicates simples, naturels ou artificiels , afin de décider quelle est , en particulier , 1390 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, l’influence des substances minérales qui ne sont dominantes dans aucune roche et qui se trouvent cependant à peu près dans toutes, telles que l’alumine, la chaux, le fer, la magnésie; on ne peut établir actuellement à leur égard que des conjectures; mais quoi qu’il en soit, si on considère seulement les roches , il résulte du mode d’association des silicates naturels qui les composent et aussi de recherches qui ont été faites sur leur constitution chimi- que (1), qu’on peut établir le principe suivant : « Quand les roches passent de l’état cristallin à l’état vitreux , » elles éprouvent une diminution de densité , qui , toutes choses » égales, paraît être d’autant plus grande , qu’elles ont plus de si- » lice et d’alcali , et au contraire d’ autant plus petite , qu’elles ont » plus de fer, de chaux et d’alumine. » En rangeant ces roches par ordre de diminution de densité , » celles qu’on regarde comme les plus anciennes se trouvent géné- » râlement les premières ; tandis que les plus modernes sont les » dernières ; et en tout cas, leur ordre de diminution de densité est » à peu près l’ordre inverse de leur fusibilité. » Les diminutions de densité d’une même famille des roches sont quelquefois assez variables ; cependant on peut généralement les considérer comme comprises entre les limites données par le tableau suivant : Granités, leptynites , porphyres, quartzifè- res , etc 9 à \ 1 0/0 Granités syénitiques et syénites 8 à 9 porphyres rouges , bruns et verts, avec ou sans quartz qui sont à base d’orthose et d’oligoclase ou ‘d’andesite 8 à 10 Diorites et porphyres dioritiques 6 à 8 Mélaphyres 5 à 7 Basaltes et trachytes , roches volcaniques an- ciennes 3 à 5 Laves , roches volcaniques et vitreuses. . . 0 à 4 Les roches non cristallines qui, comme l’obsidienne, etc., sont déjà à l’état de verre dans la nature , échappent nécessairement aux principes qui viennent d’être énoncés ; cela paraît avoir lieu aussi pour les euphotides, les variolites et pour quelques porphyres dans lesquels la diminution de densité est tantôt plus grande , tantôt au [\) Voir : Mémoires sur la constitution minéralogique et chimi- que des roches des Vosges qui font connaître la composition chi- mique de la plus grande partie de ces roches soumises à la fusion. (. Annales des mines.) DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18Z|7. 1391 contraire plus petite qu’on ne serait tenté de le croire d’après leur teneur en silice et d’après leur composition chimique. Quant aux roches à base de mica, elles doivent être considérées comme ex- ceptionnelles ; mais généralement leur diminution de densité est d’autant plus grande qu’elles sont plus riches en silice. 15. — Si on désigne par Y et Y' les volumes occupés par une même roche à l’état cristallin et à l’état 'vitreux , par cl et d! les densités correspondantes , on aura évidemment Y d = Y' d' ou y-y Y'- d-d! d ; tout ce qui a été dit relativement aux variations de densité des roches s’applique donc aussi aux variations de vo- lume ; seulement ces dernières sont en raison inverse. 16. — Si on connaissait la composition chimique de toutes les roches qui précèdent, on pourrait calculer pour chacune d’elles la densité qu’aurait le mélange des différentes substances qui entrent dans leur composition. Soit en effet S cette densité, et/>i, -}- jt^les quantités pon- dérales des substances minérales qui composent la roche, on aura d’abord p\ + + pgeüc. — 100. dy d% ds étant les densités des substances dont les poids sont respectivement p\ p^p 3, la densité <5 du mélange sera donnée par 1’ expression 100 7 + /r+7+etc- ai ct2 «3 M Dans l’état actuel de la minéralogie chimique des roches, il serait difficile de représenter chaque roche par une formule bien nette , et cette formule aurait d’ailleurs l’inconvénient d’être un peu compliquée; mais on peut observer que la composition de la plupart de ces roches est peu différente de celle des feldspaths con- stituants ; par conséquent on saura dans quel sens varie la densité S pour une roche en la déterminant pour ses feldspaths constituants. 11 serait d’ailleurs facile de reconnaître que ce qui va être dit relativement aux feldspaths s’applique aussi à la plupart des sili- cates qui entrent dans la composition des roches ; en conséquence j’ai déterminé pour les principaux feldspaths la densite qu on au- rait, en supposant que les différentes substances qui les composent ne fussent pas combinées maisrsimplement réunies à l’état de mé- lange ; cette détermination a eu lieu au moyen de la formule («), et le tableau suivant montre suffisamment quels sont les résultats qui ont été obtenus : 1392 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , DENSITÉ ET COMPOSITION DU FELDSPATH. COMPOSANTS- DENSITÉ des COMPOSANTS. - c. "D ^ p7 Eau d-— 1 . . . . * i % » 1 2 3 » Somme 100 100 100 100 100 100 100 100 2 Densité. . \ trouvée d 2,376 2,331 2,622 2,668 2,683 2,719 2,771 2,763 3 l calculée d 2,847 2,900 2,861 2,934 2,907 2,901 2,883 3,165 4 Différence ê-d 0,271 0,349 0,239 0,266 0,224 0,182 0,112 0,402 5 S-d Augmentation de densité. . — - — • 10 14 9 10 8 7 4 15 Les colonnes (1) donnent, d’après différents chimistes, la com- position approchée des huit principales espèces de feldspaths ou P \ 5 Pi 5 Pi > etc- ’ e^es donnent , en outre , les densités dl , , d3 . . . , admises pour la silice, l’alumine, l’oxyde de fer, la chaux, la soude, la potasse et l’eau, lorsque ces substances sont dégagées des combinaisons. Dans la colonne (2) se trouvent les densités d don- nées par l’expérience pour chacun des huit feldspaths ; et dans la colonne (3) les densités <5, calculées pour les mêmes feldspaths au moyen de la formule {a). On voit tout d’abord que les densités S sont plus grandes que les densités d; et il est facile de reconnaître, par un calcul très simple , que cela aurait encore lieu , lors bien même qu’on pren- drait pour les densités de la potasse et de la soude , qui sont un peu incertaines, des nombres plus petits que ceux de M. Karsten, tels , par exemple , que ceux adoptés dans divers travaux de DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 4 847. 1393 M. Kopp et de M. Filhol (1) ; les différences entre les deux densi- sités d et S, ainsi que les augmentations exprimées en centièmes de la densité à l’état cristallin, sont d’ailleurs données par les co- lonnes (A) et (5) ; dans tous les feldspaths il y a donc augmenta- tion dedensilé, et bien que cette augmentation ne paraisse pas suivre une loi simple , toutes choses égales , elle est d’autant plus grande qu’il y a moins d’eau de combinaison et plus de chaux, de soude et d’alumine. Il résulte du tableau précédent que, dans le feldspath , la den- sité à l'état de mélange est plus grande que la densité à l’état cristallin , et plus grande , à fortiori, que la densité a l'état vitreux. Par conséquent , si on suppose que les composants du feldspath , d’abord à l’état de mélange, forment une combinaison cristalline, et soient ensuite vitrifiés par l’action de la chaleur, il y aura suc- cessivement augmentation de volume dans la cristallisation , puis dans la vitrification. Au premier abord , la relation # ]> d > d ', qui existe entre les densités d’un feldspath à l’état cristallin d , à l’état vitreux r/', et à l’état de mélange paraît paradoxale , et même en contradiction avec ce qui a été dit antérieurement ; il semble , en effet , que la densité du mélange rain erratique l’existence simultanée de deux roches d’un » degré de dureté différent : l’une faisant l’office de burin, et » l’autre assez tendre pour recevoir l’empreinte (1). » Ainsi donc, si dans les dépôts erratiques du versant occiden- tal on ne rencontre pas de galets rayés, ce fait provient de ce que la roche de sédiment est fort rare dans les bassins supé- rieurs , sauf le grès vosgien et le grès bigarré , qui se rencon- trent en masses considérables dans les environs de Remiremont, mais qui ont été désagrégés et non rayés par le mouvement des anciens glaciers ; les massifs se composent de granité, de gra- nité porphyroïde, de syénite, de différentes variétés de por- phyres, d’eurites, de serpentines, etc., toutes roches trop dures, trop compactes pour que les galets qui en proviennent aient été susceptibles de recevoir des empreintes burinées. MM. Schimper, conservateur du Musée d’histoire naturelle de Strasbourg, et Antoine Mougeot, docteur en médecine à Bruyères , font hommage à la Société de leur Monographie des plantes fossiles du grès bigarré de la chaîne des Vosges , 3 parties in-4 , avec lx 0 planches imprimées en couleur, 18 M. M. Tocquaine, pharmacien, fabricant de produits chimiques à Remiremont , offre à la Société des échantillons de sulfate et de citrate de magnésie, ainsi que de magnésie blanche, prépa- rés avec la magnésie extraite de la serpentine des Vosges. La Société entend ensuite la lecture des Mémoires suivants : 1° A ote sur quelques fossiles nouveaux , rares ou déterminés d'une manière incertaine , de la formation du trias de la chaîne des Vosges , par M. le docteur Antoine Mougeot. Végétaux fossiles. — Depuis la publication de la Monographie des plantes fossiles du grès bigarré de la chaîne des Vosges dont ( I ) Preuves de V existence d* anciens glaciers dans les vallées des Vosges, par E. Collomb, p. 25. 1847. In-8. !Zl30 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A É PIN AL, nous avons l’honneur d’offrir un exemplaire à la Société géolo- gique, nous n’avons rencontré dans ce terrain aucune fronde nou- velle de fougères, dont le nombre reste fixé à neuf espèces, propor- tion considérable et presque moitié de la totalité des végétaux actuellement déterminés dans le grès bigarré ; mais on a découvert à la partie supérieure du muschelkalk de Sainte-Anne , près Lu- néville, dans un calcaire sableux voisin du keuper , des empreintes végétales que M . Perrin , investigateur si zélé des environs de cette ville, a eu l’obligeance de nous communiquer, et parmi les- quelles nous avons eu le plus grand plaisir à reconnaître une espèce nouvelle de Névroptéris que nous lui dédions. Le Névroptéris Perrini est tout à fait distinct du N. Gaillcirdoti du même terrain ; sa fronde est bipennée ; et à en juger par la longueur des pennes, elle devait avoir des dimensions assez consi- dérables. Les pennes sont alternes , insérées obliquement sur le rachis et légèrement arquées, les pénules sont opposées, imbriquées, de forme arrondie et très courtes ; la nervure médiane se divise de suite en un grand nombre de nervules dichotomes bien marquées. Zoophytes. — Les débris fossiles de zoophytes, si communs dans les groupes du terrain jurassique et crétacé, le sont beaucoup moins dans le sol primaire et secondaire inférieur , pour le muschelkalk particulièrement on n’avait jusqu’alors que des notions très vagues sur les restes d’animaux. De La Bêche énumère dans son Catalogue un Astrea pediculata du muschelkalk sans indication de localité ; depuis il a été reconnu que cette espèce appartenait à la craie; M. Boué, un lithodendron très rare dans le calcaire coquillier du Vicentin. C’est dans ces dernières années seulement que MM. Perrin, de Lunéville, et d’Arcliiac, ayant fait voir à M. Michelin deux fragments de poly- piers , il a pu les figurer et décrire dans son bel ouvrage sous le nom de Spongia triasiaca et Sarcinula Archiaci. Ces deux espèces et Y Astrea polygonalis sont les seuls représentants de ce groupe d’animaux inférieurs dans la formation triasique. Une nouvelle espèce de sarcinule a été découverte à Girecourt (Yosges) l’an dernier ; elle diffère notablement de celle de Magnères (Meurthe). Elle se présente sous la forme d’une masse rétéporée, à tubes rapprochés , étroits , divergents , entrecoupés par des diaphragmes qui forment avec les rayons des cellules d’un milli- mètre et demi environ de longueur sur un millimètre de largeur, ayant beaucoup d’analogie avec les mailles d’un réseau , d’ou le nom de Sarcinula reticuiata que nous pensons lui convenir. Chaque diaphragme, qu’il est difficile d’étudier dans l’échantillon que nous DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1431 possédons , est perforé de quatre ouvertures allongées et s’entre- coupant crucialement. Une autre espèce de zoophyte du genre Turbinolici a aussi été rencontrée en 1 8^6 , à Rehainvillers, près Lunéville, dans le mus- chelkalk, par M. Lebrun. Cette espèce est petite , de forme conique , marquée de douze stries longitudinales profondes, la base en est circulaire. Le zèle que ce jeune géologue déploie nous engage à la lui dédier sous le nom de Turbinolia Lebruniana. Radiaircs. — Dans la classe des Radiaires, nous avons décrit et figuré dans le troisième cahier des Annales de la Société d'ému- lation des Vosges (1842) une nouvelle espèce d’ophiure , genre de radiaire échinoderme dont nous n’avons pu retrouver de nou- veaux individus. Les deux espèces connues dans le muschelkalk sont figurées dans Goldfuss, et proviennent du Wurtemberg et du grand-duché de Bade. Celle que nous avons trouvée à Padoux ( Vosges ) a quelque analogie avec X Ophiüra loricata . mais elle en diffère par la forme des écailles latérales, la disposition des pièces intercalées à la partie inférieure du corps entre ces écailles , et surtout par la lon- gueur des bras, qui sont grêles , aplatis , subulés , au lieu d’être arrondis et larges à la base , lancéolés en un mot, comme dans X Ophiura loricata. Nous avons désigné cette espèce nouvelle sous le nom d 'Ophiura vogesiaca . Mollusques . — Parmi les mollusques, le genre Ostrea présente de grandes difficultés de détermination spécifique, à raison de l’ir- régularité du test ; cependant après l’ Ostrea difformt s , commun dans toute la formation , je citerai Y Ostrea decerncostata ( Münster ) , dans le gré bigarré de Ruaux , et le niulticostata (Munster), dans le muschelkalk de Dampierre (Vosges). Pecten. — Dans la première division du genre Pecten ( ceux dont les tests sont striés ) , nous avons rencontré deux espèces qui nous semblent nouvelles. L’une, provenant du gré bigarré de Fon- tenay, offre des stries divergentes, du sommet à la base, très peu prononcées et très fines , ce qui la rapproche beaucoup du Pecten te nuis tri a tus de Münster , coquille appartenant au lias. Cette circonstance et quelque différence dans la forme générale, qui est oblique , nous déterminent à la désigner sous le nom de Pecten obliquas. L’autre , se trouvant communément dans le calcaire coquillier de Dompierre et Padoux (Vosges), présente des lignes concentriques depuis les crochets jusqu’aux bords, et quoique la ïll'o’2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A É FINAL , forme soit à peu près la même que celle du Pecten discites , le ca - ractère est tellement tranché, qu’il ne peut laisser aucun doute sur la différence. Nous pioposons de le désigner sous le nom de Pecten concentricus . Spondylus. — L’espèce désignée actuellement par Goldfuss sous le nom de Spondylus corn tus est généralement confondue avec T Ostrnlites spondyloides de Sclilotheim ; des échantillons pourvus de tous les caractères génériques déterminèrent Goldfuss à la ranger dans le genre Spondyle. Les individus jeunes de cette co- quille n'ont que des oreillettes rudimentaires ; le bord marginal de la valve droite seulement est garni d’épines qui sont ordinaire- ment détruites à cause de leur fragilité. Le Spondylus comtus est assez commun dans le grès bigarré supérieur de Huaux. Avicula. — Y1 Avicula acuta est une espèce propre jusqu’à présent au grès bigarré ; c’est le Gervilia acuta de Sowerby. L’identité de ces deux espèces ne me semble pas très bien démontrée. En effet, le caractère spécifique de cette dernière , A la antica acuta, n’est pas exact pour l’espèce du grès bigarré; l’aile antérieure est plutôt tronquée et recourbée que pointue : il s’ensuivrait qu’il faudrait plutôt en faire une espèce particulière ou au moins une variété truncata. L’ Avicula Bronii est commune dans toute la formation , dans les couches argileuses et posidonies de Soultz-les-Bains et de Ruaux , comme dans les grès supérieurs. 11 ne faut pas la con- fondre avec Y Avicula Alberti (Munster) , dont le test est lancéolé très oblique , et l’aile postérieure obtuse , tandis que celle de V A- vicula Bronii forme un angle droit. Cette dernière espèce présente trois variétés de forme bien distinctes. L’une , la plus commune , est presque lisse ou à peine striée de lignes concentriques ; la seconde est striée plus profondément , les côtes saillantes sont es- pacées par des intervalles plus que doubles ; dans la troisième va- riété , l’aile antérieure est toujours aiguë , mais la postérieure est très grande et falciforme. \] Avicula cri sp ata de Goldfuss est plus rare que la précédente, et propre jusqu’à présent au muschelkalk ; l’aile antérieure est plus droite que dans V Avicula Bronii , et les lignes concentriques , éloignées l’une de l’autre , comme dans la variété de l’espèce pré- cédente , présentent des ondulations régulières ; dans une variété jeune de cette espèce , qui n’est pas figurée dans Goldfuss, il existe des côtes rayonnantes très prononcées et des lignes concentriques, dont les ondulations correspondent aux côtes. Cette variété devrait être regardée comme l’espèce type , et la figure de Goldfuss , DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18Z|7. l/lOO comme la variété. Il est , en effet , évident que les festons des lignes concentriques ne sont que le résultat du passage de ces lignes sur des cotes saillantes qui ont disparu dans l’espèce figurée dans Goldfuss. Une autre espèce d’avicule , qui ressemble exactement à Y A vi- cula elegans (Münster) de l’oolitlie ferrugineuse , et des grès du lias de Bantz, se rencontre aussi , mais rarement, dans le grès bigarré. Nous n’osons nous prononcer sur cette singulière anoma- lie ; toutefois , nous ferons observer que le grès de Bantz n’est pas bien caractérisé comme appartenant au lias , et qu’il pourrait dépendre du keuper , ce qui expliquerait alors la présence de cette coquille dans le grès bigarré. Area. — Il existe, à l’égard de Y Area inœquivahis , une incerti- tude de position analogue à celle de l’espèce précédente. Mention- née par M. Boué comme appartenant au musclielkalk, indiquée par Goldfuss , seulement dans les marnes du lias à Bretzfeld , et aux environs de Gœppingue , elle a été rencontrée par MM. Gui- bal et Lebrun dans le musclielkalk de la Meurthe , sous forme de moules indéterminables. L’échantillon que je dois à l’obligeance de M. Perrin, de Lunéville, provient aussi du calcaire coquillier de Sainte-Anne ; il est complet et bien caractérisé , et me semble trancher la question. Nucula. — On trouve fréquemment dans les marnes du mus- chelkalk de Dompierre (Vosges) plusieurs moules de nucule dont la détermination spécifique et très difficile ; cependant nous avons reconnu plusieurs formes assez distinctes pour les rapporter aux espèces suivantes : Nucula incrassata , Münster. — elliptica , Goldfuss. — lineata , id. Lyrodon. — Aux deux espèces de Lyroclon , vulgare et eurvi- rostre , indiquées dans la liste des fossiles du grès bigarré , il faut ajouter les suivantes : Lyrodon orbiculare , très commun ; Lyrodon ovatiim et lœviga- tiun , dans le grès bigarré de Fontenay et Aydoiles. Isocardia. — Assez rare en espèces fossiles ; on en cite cependant dans le calcaire primaire , et un certain nombre dans le calcaire jurassique , mais pas dans le trias. Le moule que vous avez sous les yeux provient du musclielkalk de Gi recourt ; c’est bien celui d’une isocarde. La coquille est ventrue , cordiforme ; les crochets sont distants RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, et retournés sur eux-mêmes. Nous lui donnerons le nom de ùia- siaca qui indique son origine. Myacites. — Parmi les espèces non déterminées du genre Mya- cites , qui se rencontrent très fréquemment dans le trias du sys- tème des Vosges, nous avons reconnu les Myacites ventricosus , musculoicles , radiatus ; enfin une espèce nouvelle beaucoup plus allongée et plus étroite que Y elongatus] que nous désignerons sous le nom de Myacites angustatus , assez commune dans le grès bi- garré à Domptail et à Rembervilîérs et Aydoiles. A la suite de cette communication , M. Michelin fait observer que c’est à tort que, dans la première livraison de Y Iconogra- phie zoophyto logique , il a désigné sous le nom de Sarcinula Archiaci une véritable styline. Après avoir exposé suivant lui les distinctions caractéristiques des deux genres, il pense que la nouvelle espèce décrite par M. Antoine Mougeot devra égale- ment rentrer dans celui de la styline, et serait alors nommée Stylina reticulata , A. Mougeot. M. Levallois, ingénieur en chef des mines, donne lecture d’une Notice très intéressante sur des roches d’origine ignée {avec talc et fer oxydule) qu'il a observées à la côte de Thelod , arrondissement de Nancy ( Meurihe ), et il met plusieurs échan- tillons de ces roches sous les yeux de la Société. — Au-dessus d’un grés calcaire basique, avec Ammonites spinatus (Brug), qui se trouve aux deux tiers de la côte de Thelod, M. Levallois a reconnu la présence d’une roche se divisant en fragments pseudo- réguliers d’un gris à reflet verdâtre prononcé , qui est tenace, et qui résonne sous le marteau-, cette roche est un calcaire plus ou moins argileux appartenant à la marne supra-liasique, qui a été métamorphisée, et qui contient des lamelles dotale. — D’autres échantillons de la même localité paraissant tenir de près à la cause métamorphisante présentent , outre le talc , du mica, du fer oxydulé, du peroxyde de fer, etc., et M. Levallois a reconnu qu’ils sont naturellement magnéti-polaires. — Ces roches forment comme un îlot au milieu de la marne supra- liasique, mais nulle part on ne voit paraître la roche éruptive qui a produit ce phénomène remarquable de métamorphisme. (Voir pour plus de détails la notice de M. Levallois. Nancy, 18A7. Grimblot , imprimeur-libraire, place Stanislas, n° 7.) DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1435 M. Delesse fait une communication sur un Mémoire ayant pour titre : Procédé mécanique pour déterminer la composition des roches (1). En appliquant le procédé décrit par l’auteur à diverses roches, on trouve qu’en représentant par 100 leur volume , ona pour les proportions en volume de leurs minéraux constituants : (1) Granité rouge d'Egypte. Orthose rouge 43 Oligoclase blanc 9 Quartz 44 Mica noir 4 (2) Granité porphyroïde et syénilique de Rupt. Orthose blanc 31 Andésite vert d'huile 13 Quartz gris , hornblende et mica noirâtre 56 (5) Granité lin peu porphyroïde du Tholy (Vosges b — (4) Variété grenue de (3). — (3) Granité porphyroïde des Vosges. «u r.. (3,|W ® Orthose blanc 45i._ 28 Andésite touseâtre. 43 ! 7 (3) J (4 )| (5) Quartz gris 52 1 55 60 Mica . il 2 5 (6) Granité porphyroïde des Vosges (autre variété) Orthose blanc 11 Andésite rougeâtre 5 Quartz formant pâte avec les deux feldspaths et un peu de mica. ... 80 Mica 4 (7) Syénite du Ballon d’Alsace à andésite blanche *. («) (à) (<-) M 18 20 20 jaunâtre . . 54 36 30 54 Hornblende vert noirâtre et très peu de mica. . . . f Quartz gris j (à) W Afi 16 ™)34 (8) Syénite du Ballon d’Alsace à andésite rouge. f b) («) Orthose tauve brunâtre 30 Àudesite rouge corail. . ...... 32 30 (a/ Hornblende vert noirâtre avec un peu de mica 10 Quartz gris 28 (9) Diorite à gros grain. Oligoclase blanc avec un peu de quartz. 62 |j Hornblende verte. (10) Diorite orbiculaire de Corse. Feldspath vosgite 84 || Hornblende 16 (11) Porphyre quartzifère des Vosges. Orthose blanc 11 Quartz cristallisé 13 Pâte feldspathique et quartzeuse blanc jaunâtre 75 Pi ni te et mica 5 (4 j Annales des Mines , 1848, 4e série, t. XIII, p. 379. (*) Les lettres a , b , c désignent les variétés d'une même roche; («) , (a) indiquent les résultats obtenus sur deux faces parallèles d’un même échantillon poli ; ils ne diffèrent le plus généralement entre eux que de quelques centièmes, ainsi que j'ai pu le constater par plusieurs expériences. 1436 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A Ê FINAL (12) Porphyre rouge antique. Oiigoclase rose 11 Amphibole 2 Pâle rouge marron 87 (14) Porphyr (a) analysé. — (b) variété de (a). - («JjfiJlM Labrador verdâtre 45 1 42)54 (!.->) Mèlaphyre de la goutte des forges à Giromagny. | Labrador blanc verdâlre 55 ! Amygduloïdes calcaires 3 | Pâte sombre violacée 62 ; vert antique. - (c) variété de (a) riche en labrador. j! (a) W6)| (r) |j Pâte verte. . . 57 J 58)46 M. Delesse ajoute que, le plus généralement, les proportions des divers minéraux qui se trouvent dans une roche diffèrent assez notablement de celle qu’on serait poité à ad- mettre à priori d’après son inspection ; les différences tiennent à des effets très variés, pro- duits par le contraste des couleurs propres aux minéraux , et aussi au mode de répartition de ces dernières dans la roche. M. Delesse fait remarquer à ce sujet qu’un minéral ayaut une couleur éclatante comme le mica, et qui présente, comme lui, une multitude de cristaux toujours très petits, répandus dans la masse de la roche de laquelle ils se déta- chent très nettement, se trouve toujours eu proportion beaucoup moins graude qu’on pe serait tenté de l’admettre d’après l’aspect de la roche. A cinq heures , la Société s’est rendue à un grand banquet qui lui a été offert par la ville de Remiremont, dans le grand salon du palais abbatial , et auquel assistaient M. le maire et le corps municipal. Séance du 17 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La séance est ouverte à sept heures du soir à Gérardmer. M. Delesse, secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. En quittant Remiremont , et jusqu’à Yagney, la Société ren- contre d’abord quelques variétés de granité commun; mais à partir du Sapois elle peut surtout observer, à plusieurs reprises, une roche à laquelle les géologues des Vosges ont donné le nom étenrite porphyroïde , qui se trouve en place à la côte du Sapois, au saut du Rouchot, à Rochesson, à la roche des Ducs, dans la vallée des Truches, et en descendant vers Gérardmer. Cette roche a la structure porphyrique la mieux caractérisée. Sa pâte est noire, grise, brune ou rougeâtre; elle est feldspa- thique, et elle contient des paillettes de mica noir ou brun foncé en proportions très variables. Quelle que soit la couleur de cette pâte, de grands cristaux d’orthose d’un blanc de lait s’en déta- chent toujours d’une manière très nette ; ces cristaux sont ma- clés comme le sont le plus souvent les cristaux d’orthose dans les roches granitoïdes, et leur macle est formée de la même ma- DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/l7. l/l37 nière que celle de l’orthose de la syénile (1) ; seulement les axes des deux demi-cristaux ne se confondent pas en un seul , mais sont parallèles , ce qui donne lieu à des angles rentrants dans la cassure sous le marteau. Il y a en outre, mais accidentellement, des cristaux d’un feldspath verdâtre ou rougeâtre maclé à la manière desfeldspaths du sixième système cristallin, et qui ne paraît pas différent de celui qui se présente avec les mêmes caractères dans le granité porphyroïde des Vosges. Ces eurites porphyroïdes peuvent contenir du quartz, qu’on observe surtout dans les variétés à pâte grisâtre -, ce sont alors de véritables porphyres quart zif ères . On y trouve aussi quel- quefois de l’amphibole hornblende. Toutes ces roches forment dans le granité encaissant, qui s’étend depuis Sapois jusqu’à Gérardmer, des filons séparés du granité d’une manière très nette : la direction d’un filon du Couchetat (vallée des Truches), qui avait iol,60 de puissance, a été trouvée de N. 105° E. Ainsi que l’a fait remarquer M. Le- vallois, leur puissance peut se réduire à quelques centimètres pour des ramifications à proximité d’autres filons 5 généralement elle est d’un mètre ou de plusieurs mètres*, cependant, au saut du Bouchot et à la roche des Ducs, leur puissance est beau- coup plus grande, et elle va jusqu’à 15 mètres, comme le font observer les auteurs de l’Explication de la carte géologique de France. Au haut des Truches, à l’Urson, la Société rencontre un filon d 'eurite micacée à pâte rose feldspathique, et renfermant quelques cristaux d’orthose avec de grands cristaux de mica brun noirâtre ; sa puissance est environ de h mètres *, sa direction est à peu près N. 20° E., et son pendage de 75° de TE. vers 10. Un peu au delà on trouve un dépôt tourbeux qui paraît oc- cuper l’emplacement d’un ancien lac; cette tourbe, qui dans sa partie inférieure est d’assez bonne qualité, est exploitée sur une épaisseur de 1 à 2 mètres. La Société s’est portée au bas du Fény, à la ferme de la Breucbotte, pour visiter une roche assez anormale : cette roche, (1) Voir Annales des mines , t. XIII, p. 667. 4 848. l/l38 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , qui contient quelquefois des fragments de granité et des noyaux argileux verdâtres, qui tantôt est rubanée et tantôt parsemée de petites cavités irrégulières, a paru dépendre de la formation du grès rouge, et présenter de l’analogie avec les roches argi- leuses de Faymont et de la Poirie. Elle est fortement redressée , et elle est enclavée dans le granité. « M. Puton pense qu’il est hasardeux de se prononcer sur l’origine de cette roche avant d’en connaître la composition , elle lui paraît être autant feldspathique que siliceuse, et la manière dont elle se présente lui donne tout l’aspect d’une roche d’épan- chement en filon ou en massif dans le granité. Rien n’indique là une roche sédimentaire modifiée. Seraient-ce les fragments de granité? Mais on sait que les roches d’épanchement peuvent entraîner des débris de la roche encaissante. M. Puton ajoute que si le grés rouge se trouvait dans le voisinage, de manière à lui rattacher cette roche problématique , on serait en devoir de la rapporter à ce terrain -, mais il n’existe ni dans la vallée de Gérardmerni dans les vallées adjacentes. » M. Hogard a indiqué sur ses cartes géologiques de 18/15 et 18 46 le lambeau de terrain dont il s’agit comme appartenant au grés rouge, et à l’égard de la dernière observation de M. Puton il fait remarquer qu ii existe plusieurs lambeaux du même ter- rain dans le voisinage, notamment dans la forêt duHaut-Poirot, lieu dit aux Bloquées, à la Neuve-Roche, commune de Sa- pois, etc. Les blocs erratiques des anagénites du grés rouge répandus à Rochesson feraient présumer que cette formation s’étendait sur quelques unes des cimes dominant cette vallée; et, selon toute probabilité, ces lambeaux isolés aujourd’hui se rattacheraient à la formation du grès rouge comprise entre Dommartin et Corcieux , points dont ils sont à peu près égale- ment éloignés. A Gérardmer, M. Hogard a rendu compte de la partie de la course relative aux phénomènes erratiques. Il s’est attaché à démontrer et à faire sentir les différences qui existent entre les terrains de comblement des vallées des Vosges et les amas de débris transportés par les glaciers. - — Moraines stratifiées . — Il a fait remarquer que les moraines présentaient fréquemment dans leur intérieur des traces de stratification 1439 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. grossière. Ce fait, signalé par M. de Charpentier dans le bassin du Rhône, se représente quelquefois dans les moraines que la Société a été appelée à visiter dans les Vosges. L’explication qui en a été donnée est le résultat des observations laites sur les glaciers en activité, appliquées aux dépôts erratiques anciens. Ainsi , dans la saison chaude , la surface des glaciers est sillonnée de ruisseaux et de ruisselets provenant de la fonte superficielle -, le glacier est en même temps couvert de particules innombra- bles de sable et de gravier. Ces petits cours d’eau , en circulant suivant la pente générale du glacier, entraînent les sables qu’ils rencontrent sur leur passage -, il les rassemblent, les accumulent sur certains points et finissent par les entraîner jusque sur la moraine terminale. Si ces cours d’eau ne changent pas trop brus- quement de direction et qu’ils persistent pendant une saison tout entière, ils accumulent une quantité suffisante de sable pour former une petite couche qui, étant ensuite couverte par les matériaux que le glacier apporte par son mouvement propre, donne lieu à l’origine d’une stratification grossière. Dans les matériaux des moraines il faut donc distinguer : 1° Ceux qui ont été transportés par le mouvement du glacier sans l’intervention de l’eau. 2° Et ceux qui ont été transportés par le concours des ruis- seaux qui circulent à la surface des glaciers. Ces derniers sont généralement fort menus et ne se compo- sent que de sable fin. Les premiers affectent de préférence la forme de blocs. Et comme le transport de tous ces débris est simultané, il en résulte qu’on rencontre quelquefois sur la tranche verticale d’une moraine des masses considérables de sable fin reposant sur des plans de stratification grossière , dans lesquelles se trouvent des blocs métriques à angles vifs disséminés à distance les uns des autres , ou plutôt empâtés. Dans la course du 12 septembre la Société a pu examiner une moraine de cette catégorie sur la route du Tholy à Remiremont, àSaint-Amé. Elle barre la vallée dans un sens transversal ; elle a 15 à 20 mètres de hauteur verticale, elle est presque en entier formée d’une accumu- lation de sable fin et d’une petite proportion de blocs empâtés. M. Hogard , tout en provoquant une discussion à l’égard des moraines, pour engager la Société à se prononcer définitivement îm RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÊPINAL sur l’origine qu’il leur attribue, cite l’opinion de M. de Billy qui pense que dans quelques unes des accumulations placées en aval du lac de Gérardmer, il a cru reconnaître plutôt l’action des eaux que celle des anciens glaciers. (Annales de la Société d’émulation des Vosges). M. Hogard demande à M. de Billy quelles sont dans les Vosges les moraines sur lesquelles ses observations portent le plus particulièrement. M. de Billy répond qu’il a examiné avec attention les blocs erratiques disséminés sur toute la ligne orientale du Jura, et les moraines décrites par M. Collomb dans la vallée de Saint-Amarin (Haut-Rhin), qu’il serait disposé à attribuer leur mode de transport et de dépôt à l’existence d’anciens glaciers ; toutefois il a aussi examiné certains dépôts du versant occidental des Vosges, dépôts dont l’origine lui paraît problématique. M. de Billy croit devoir se ranger à l’opinion d’esprits éminents qui doutent encore. — M. Levallois ajoute qu’il ne pense pas que la question puisse se décider dans une course rapide dans les Vosges-, il ne la trouve pas suffisamment approfondie pour qu’on puisse lui appliquer une solution immédiate. M. Hogard ne croit pas devoir insister , V hypothèse du dilu- vium de Gérardmer , ressemblant parfois aux moraines, ayant pu être pris pour ces dernières , paraissant une question jugée. Mais cependant il ne peut se dispenser de faire remarquer à la Société : 1° Que le premier il a décrit et figuré les moraines de la vallée de Gérardmer • 2° Que ces moraines ont ensuite été visitées et reconnues par divers géologues } 3° Que les expressions employées pour rendre compte des résultats des observations récentes de M. de Billy dans les Vosges sont fort précises, et que tandis qu’aujourd’hui il dé- clare que le moment de se prononcer définitivement n’est pas encore venu, on lui a fait dire formellement, dans le passage cité des Annales, que nos moraines étaient des dépôts de diluvium; ll° Que les points où la prétendue confusion introduite dans la séparation des dépôts formés par les eaux courantes et de ceux formés par suite de l’action des glaciers n’étant nullement indiqués , il n’y a pas lieu de s’arrêter à des observations cri- DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/j7. 1441 tiques dont on n’a pas trouvé moyen de faire application sur les lieux. Quant au diluvium, M. Hogard pense que si l’on parvenait à constater sa présence dans la vallée deGérardmer, en dehors des faibles nappes de terrain de comblement des anciens lacs de la contrée, ce serait un fait aussi curieux qu’extraordinaire-, mais qu’on ne parviendra certainement pas à l’établir, quand meme, en renonçant à l’hypothèse d’une action subite des eaux , on se résignerait à n’admettre que de faibles cours d’eau, exhaussant lentement et successivement leurs lits. Gomment expliquer l’action lente d’un cours d’eau quelconque, se créant, de dis- tance en distance au travers des vallées, des barrages de quelques kilomètres de longueur, de 100 mètres moyenne- ment d’épaisseur, et sur Zi, 5 ou même 800 mètres de largeur ; plaçant sur les crêtes de ces barrages, composés principalement de sable et de gravier, et sans les démolir, ainsi que sur les flancs des montagnes, d’énormes blocs anguleux, de 10, 20, 50 et 100 mètres de roches arrachées aux sommités fermant le bassin, et à 12, 15, 20 kilomètres et plus, des points d’où ils ont été extraits. Comment en même temps expliquer le nivelle- ment des matières transportées entre les divers barrages; et surtout transportées du Honeck au Tholy, en franchissant sans s’v arrêter, les lacs de Retoiirnemer de Longe mer et de Gé- ra rd/ner; (pour ne citer que les lacs existant encore, et qui sont demeurés comme pour faire comprendre l’insuffisance de la théorie du transport des masses erratiques et détritus gla- ciaires, par les eaux courantes.) Lac de G é ranimer. M. Ch. Martins donne à la Société des détails sur une parti- cularité intéressante du lac de Gérardmer. Ce lac, d’environ 2,000 mètres de longueur, présente, dans son régime, un fait singulier et rare en orographie. La pente générale de la vallée, nivelée avec soin par M. Hogard, devrait porter les eaux dans le bassin inférieur de la Moselle, en passant par le Belliard, le Tholy et la vallée de Cleurie. Mais un obstacle infranchissable se présente en aval du lac , cet obstacle c’est la grande moraine frontale de Gérardmer ; elle s’oppose à ce que les eaux suivent leur cours naturel, et comme il faut qu’elles passent quelque Snc. géol. , 2e série, t. TV. 94 1M2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A É FINAL, part, leur écoulement se fait à contre-pente-, c’est en amont qu’elles s’échappent pour gagner un point peu éloigné du saut des Cuves, et s’engouffrer au N. -O. dans l’étroite gorge de la Vologne. Séance du 18 septembre 1817. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD . La Société se réunit le soir dans la salle de l’hôtel de la Truite, à Wildenstein. M. Delesse , secrétaire , rend un compte rapide de l’excursion de la Journée , qui , à cause du mauvais temps, n’a pas été fa- vorable aux observations. Partie à huit heures de Gérardmer, la Société s’est arrêtée au Saut-des- Cuves , où la Vologne offre une cascade des plus pittoresques-, là les mêmes eurites porphyroïdes que nous avons décri tes , en rendant compte de la course du 17 septembre dans la vallée de Rochesson , sont enchevêtrées dans le granité; elles forment des fiions puissants , à pâte de couleur brun- rougeàlre, et elles se détachent d’une manière très nette sur le fond blanc du granité encaissant. Pour arriver au lac de Retournemer, la Société a franchi une barre de granité porphyroïde à mica noir qui dispute le passage aux eaux qui sortent du lac , et donne lieu, par cet obstacle, à une jolie cascade. Arrivée à la maison forestière , sur les bords du lac de Re- tournemer, la Société , arrêtée par une pluie torrentielle , a dû renoncer à faire l’ascension du Hohneck et du Rotabac ; elle s’est dirigée rapidement sur Wildenstein, par la vallée des Faings-Chauvelin et le col de Bramont. Pendant ce trajet , la Société a marché constamment sur un granité porphyroïde à mica noir. Au sommet de la vallée des Faings-Chauvelin , elle a rencontré un grand nombre de blocs d’eurite porphyroïde brune, qui indiquent qu’un filon de cette roche se trouve dans le voisinage. Dans le bas de la vallée, et à la côte de Bramont , elle a observé un granité à grains moyens remarquable par sa grande richesse en quartz , il contient de l’orthose blanc , quelques rares lamelles rougeâtres appartenant 14/jB DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/|7. à un feldspath maclé du sixième système, deux micas, l’un noir, et l’autre blanc d’argent -, la marche rapide de la Société ne lui a pas permis de reconnaître ses relations de gisement avec le granité ordinaire de la contrée-, il est désigné par les géologues des Vosges sous le nom de granité blanc de la Bresse. Dans les berges d’un chemin forestier qui aboutit à la route de la Bresse à Wildenstein, on a remarqué un petit lambeau de gneiss décomposé et friable. Parvenue au col de Bramont , la Société est descendue dans la vallée de la Thur, où elle n’a pas tardé, en quittant le gra- nité, à se trouver dans le terrain de transition caractérisé par des schistes noirs fissiles et compactes, par des quart zi tes bleuâ- tres et jaspoïdes , et par des pétrosilex compactes. COMMUNICATION. M. Levallois, ingénieur en chef des mines, fait hommage à la Société d’une note qui a pour titre : Observations sur la roche ignée d’ Essey-/a- Cote [arrondissement , 1 398, 405,422, 43 1 , 460, 5o6, 556, | 570, 587, 710, 762, 990, toôg, 1 163, i38o, 1429. Bidlt (de). Sur les roches de Framont (Vosges), p. 1 4 * 2. — Dispo ition de la syénile des Vosges, p. i455. — ; Son opinion sur le terrain erratique J des Vosges, p. i44o. — Observations diverses, p. 1 424» i44°* Boissv (de). Coqudles fossiles de Rilly (Marne), p. 17;. Boubée. Sur les terrains tertiaires du bassin de la Gironde, p. 56t. — Sur le terrain à Nummulites des Pyré- nées, p. 571 , 101 1. — Rapport entre la nature des terres et l’ancienneté relative des ailuvions dans la vallée à plusieurs étages de l’Ariège, p. 826. — Terrasses successives des côtes, p. 1123. — Observations diverses, p. 408, 43o, 49§j 5i6, 538, 54i, 55o, 556. Boucaolt présente des fossiles de l’Ar- dèche, p. 711. Bouches-du-Rhône. Terrains traversés par le souterrain de la Nenhe, p. 26 1 . — Terrains tertiaires, p. 266. — Reptiles fossiles, p. 265. Boue. Description de l’atlas des rap- ports entre l’orographie, l’hydrogra- phie et la géologie du globe terrestre, par M. de Hauslab, p. 147. — Sur les travaux de la Société des sciences naturelles et physico-chimiques de Vienne, p. 1 54. — Sur les pseudo- morphoses du sel gemme, p. 455. — Expédition scientifique turque, p. 1049. Bourgogne. Etudes hydrologiques dans les granités et les terrains jurassiques, p. 328. Brésil. Sur le gisement des diamants, p. i57. Bresse. Sur son terrain lacustre , p. io85. Bretagne. Granité à nœuds cristallins, p. 140. — Terrains de transition, p. 525. — Variations de nature des ro- ches pyrogènes, p. 4°9* . Brie. Hydrologie, p. 3-3. | Buçn (de). Sur des Terébralules et sur l’étendue du terrain à Nummulites, p. 54i. — Sur l’île Cherry, p. 764. Budget pour 1847 P 435. c Calcaire. Gisement du spath d Islande, P’ é68, ... Calcaire pisolithique du bassin de Pa- ris, p. 517, Canat. Terrain lacustre de la Bresse, p. io85. Caprine à Gosa, p. 1 65. 583. Caractère géologique. Sur sa nature et sou application, p. 6o4- Caractère paléonlologiquc.Sa valeur en géologie, p. 5go. Carinthie. Terrain éocène, p. i65. Catullo. Notes diverses sur la géologie de l'Italie, p. 254. Cephataspis en Gallicie, p. 164. Céphalopodes fossiles de la Haute Au- triche, p. i5g. — Des Alpes autri- chiennes, p. 422. Chaleur due aux sources thermales, produite par le combustible minéral, le combustible végétal, le genre hu- main, p. io,56. Chaleur centrale, p. 53i. Ghawbers. Variations du niveau relatif de !a terre et de la mer. en Ecosse, p. 432. Charente-Inférieure. Terrain tertiaire près de Royan, p ioi3. Gharpent kr (de). Si les phénomènes erratiques peuvent être attribués à des courants, p. 274. Cn aubard. Observations sur les ter- ET DES AUTEURS. 1Z|67 rains tertiaires du bassin de la Ci- I ronde, j). agâ. Cherry ( ile) , p. 764. Chili. Fossiles crétacés, p. 507. Cinabre. Fossiles dans celui de la Car- ; mob-, p. 164. Collegno (de). Sur le trias et la dolo- mie du Tvrol et le terrain jurassique de. l’Italie, p. 576. Collomb. Ancienne extension des gla- ciers des Alpes, p. 176. — Sur les dépôts erratiques des Vosges, p. 216, 1426. — Sur l’ancien glacier de Wes- serling, p. 11 56. — Sur les galets striés des Vosges et de Suisse, p. 3oi , 455. — Forme des moraines des Vosges, p. 58o. — Sur les neiges des Vosges, p. 1047. — Neige jaune au Sl-Bernard, p. roq3 et 1 1 64 - Comptes du trésorier, p. 167, 509, 5 j 4* — Rapport sur les comptes, p. 5 12. Coquard. Description géologique de la partie septentrionale du Maroc, p. 1188. Crioceras en Italie, p. 254, 1101. Cussy (de). Noie sur le sel marin et les mines de soufre de Sicile, p. 255. Damoub. Hydrosilicate d’alumine de la Vienne, p. 4^4- — Sur les geysers de l’Islande , p. 542. — Analyse de la Prédazzile, p. io5o. — Observa- tion, p. 495. Danemarck. Terrain danien , p. 179. — Puits artésien à Copenhague , p. 768. — Surfaces striées et polies attribuées aux glaces flottantes, r- “77« Dauerée. Estimation d’émanations de chaleurs naturelles et artificielles, p. io56. Delaroue. Sur le terrain crétacé de la Dordogne , p. 42-4 . — Observations diverses, p. 467, 497, 535. Delbos. Sur les terrains du bassin de l’Adour, p.557. — Surla craie, les ter- rains tertiaires et les ophites, p. 71 2. — Sur le terrain tertiaire de Royan et le sondage de Peujard (Gironde), p. ioi5. — Observations diverses, p. 4^6, 540. Delesse Sur la constitution minéralo- gique et chimique des roches des Vosges, j). 774. — Sur les verres pro- venant de la fufion des roches , p. i5So. — Procédé mécanique pour déterminer la composition des roches, ]). i435. — Résultat de la distillation du porphyre de Belfahy. p. 144^- — Chrysotil des Vosges, p. 1461. — Porphyre de Ternuay, p. 1461. — Ordre de succession des minéraux en filons dans i’arkose des Vosges, p. 1462. De Luc. Cause du transport des blocs erratiques dans le nord de l’Alle- magne, p. 170. Descloizeaux. 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Position relative des terrains des Alpes suisses occidentales et de la Savoie, p. 996. Finlande. Sur les pierres d’1 matra , p. 20, 27. — Leur analyse, p. 28. — Phénomènes erratiques, p. 5o. Fonsbca (de). Sur la Sarcolile etlaMel- lilite du mont Somma, p. 14. Forchhammer. Puits artésien à Copen- hague, p. 768. — Sur les surfaces po- lies et striées du Danemarek, attri- buées à l’action des glaces flottantes, P- ll77m , T ' Fournbt. Résultats d une exploration des Vosges. Roches érnptives, p. 220. Galles ( Pays de). Terrains de transi- tion , p. 7 66. Gallicie. Terrains de transition , p, 1 65. Géographie botanique. Ses rapports avec la géogoosie, p. 555, 1 109. Géographie physique. Rapports entre l’orographie , l’hydrographie et la géologie, p. 47- Geysers de l’Islande, p. 542. Gironde. Sondage de Peujard,p. 1014. Gironde ( Bassin de la). Couches tra- versées par le chemin de fer entre Libourne et Angoulême, p. no3. — Rotes sur les terrains tertiaires , p. 390 et 395, 56i. — Elotherium , p. iô83. Glaces flottantes transportant des blocs Espagne. Mines de plomb de la partie méridionale, p. 5 17. Etats-Unis. Lettre sur sa géologie, p. 12. — Grande orthocère, p. 556. — Parallélisme de ses dépôts paléo- zoïques avec ceux de l’Europe, p. 646. — Transport de bloes erra- tiques par les glaces flottantes , p. 1 1 13. — Métamorphisme, p. 23o. — Clas- sification des porphyres, p. a4o. — Pseudomorpbose, p. 247. — Réac- tions aqueuses sur les filons métalli- fères, p. a5o. — Réclamation, p. 1017. Frapolli. Sur le gneiss , p. 408. — Surles collines hærcyniennesau nord du Harz, p. 727. — Faits pour l’his- toire des dépôts de gypse, de dolo- mie et de sel gemme , p. 832. — Sur la nature et l’application du carac- tère géologique, p. Go4« — Sur le phénomène erratique du nord attri- bué aux glaces flottantes, p. 4iG> io46, 1164, 1176. erratiques de Scandinavie et de l’A- méiique du Nord, p. 1 1 13 —Agents des phénomènes erratiques du Nord, p. 4iG> 1046, 1164, 1176. — De l’Atlantique, p. io44* Glaciers. Lenteur de la fusion des an- ciens glaciers, p. 269. — Leur an- cienne extension en Scandinavie, p. 70, 98, 107; — dans les Alpes, io3, 176; — dans la Haute- Autri- che, i55. — Anciennes moraines à Remiremont (Vosges), p. 288, 433. — Anciens glaciers de Wesserling, p. n56. — Forme des moraines des Vosges, p. 58o. — Anciens glaciers à Lure (Haute-Saône), p. 296; — dans le Jura, p. ^62. Grange. Observation, p. 421* ET DES AUTEURS. U69 Granité. Sur &a nature plutonique, p. 475. — A nœuds cristallins de la Bretagne, p. i4o. Granitiques (Roches). Recherches sur leur cristallisation, p. 1018. Graves. Observation, p. 181. Guadeloupe. Sur la soufrière, p. 428. — Sur la Grande-Terre, p. 1093. Guibal. Fossiles de la Meurlhg, p. 576, 1462. Gypses. Gisement et origine de ceux du Harz, p. 833. H Htercynienncs (Collines sub-) au nord du Harz, leur constitution géologi- que, p. 727. — Gisement et origine des gypses , p. 833. — Id. dès dolo- mies, p. 85 1. — Id. du sel gemme, p. 853. Haidingkr. Métamorphoses du fer hy- droxyde, p. i58. — - Sur le périelin , p. 164. Hauer. Orthof ère réunie à une Ammo- nite deHallstadl (Haute-Autriche), p. ï 55. — Fossiles dans le calcaire secon- daire devienne, p.i58. — Céphalopo- des fossiles de la Haute-Aultiche, p. 159. --Terrain éocèneen Carinthie,p. i63. — Caprine de Gosa, p. i65 , 583. — Fossiles dans les Alpes au- trichiennes, p. 166. — Trois étages à Céphalopodes, dans les Alpes autri- chiennes, p. 422. Hébert. Note sur le calcaire pisolilhi- que du bassin de Paris, p. 517. — Observations diverses, p. 4.9S, 6o4. Hklmrkichkn. Gisement du diamant au Brésil, p. i5y. Hogard. Sur les roches de Faimont (Vosges), p. i4»4, i4G4 - — Sur les moraines des Vosges, p. i43S. HoMBREs-FiRMAs(D’).Térébratules nou- velles du Gard, p. 1018. Homme fossile du Puy (Haute-Loire), p. 412. Hongrie. Basaltes de Kremnilz, p. 1 64* Hydrologie générale, p. oj5. — Des granités et des terrains jurassiques de la Bourgogne, p. 328. — De la Brie, p. 3;3. Hydrosilicate d’alumine de la Vienne, p. 168, 464; — de Milo, p. 468. I 1 Ile-et-Vilaine. T rilobi les et autres fos- siles, p.3og. Imatra (Pierres d’). Leur analyse , p. 28. Inde. Fossiles crétacés, p. 5oj. Inondations du Cotapaxi et de Bagne , p. 280, i35o, 1 3 5 6 J Jourdan. Observation, p. 1424. 1 Jura. Recherches géologiques sur le I Jura salinois, p. 1 55. Jura. Existence des groupes portlan- j Islande. Sur les geysers, p. 542. — Gise- ment du spath calcaire, p. 768. Isomorphisme de Peau, p. 468, 101 5. Isomorphisme polymère, y». 469, Italie. Terrain jurassique, p. 579. — Calcaire rouge ammonilifère , p. 1061. dieu et kimméridiendanscettechaîne, p. 12t. — Sur les hautes sommités entre la Dole et le Recuîet, p. 436. — Anciens glaciers, y>. 42. K Kevserling. Sur la Nouvelle-Zemble, p. 11. — Lettre sur la géologie de la Russie, p. 589. Le Beanc. Observation, p. 55c.j, L j Lepiynile des Vosges, p. 1395, IABLE DES MATIERES U70 Levallois. Sur la roche ignée d’Essey- la-Côte (Meurlht ) , p. 1 443. — Ob- servation, p. 1440. Letmehie. Terrain à Nummulites des Pyrénées, p. 56o. —Observations, p. 56 1 , 5^0, Loire [Haute-). Homme et Mastodon- tes fossiles, p. 4*2. Loiret. Cavités et courants souterrains près d’Orléans, p. 772. M Maissin (de). Envoi de roches, p. 3oi. Mammifères fossiles du bassin de Vienne, p. i5g. — Nouveaux de l’Ai- lier, p. 078. M ahcoü. Sur l’existence des groupes portiandien et kiin méridien dans les monts Jura , p. 121, — Recherches géologiques sur le Jura saünois, p. i55. — Sur les hautes sommités du Jura comprises entre la Dole elle Recul- 1, p. 436. — Observations di- verses, p. 454, 575. Marnes. Coquilles fossiles de Rilly, p. 1 77* Maroc. Description géologique de U partie septentrionale, p, 1188. Martin?. Coins calcaires dans le gneiss des A’pes bernoises, p. 214. — Pré- sente des échantillons de gneiss des Alpes suisses, p. 4o6. — Remarques sur les Etudes sur les phénomènes erratiques de ia Scandinavie, par M. Durocher , avec des indications sur ceux des Alpes et des Pyrénées, p. 89. — Objections à la note de M. Frapolli, p. 420, n85. — Trans- port de blocs erratiques de la Scan- dinavie et de l’Amérique du Nord, par des glaces flottantes, p, m3, 1187. — Lac, de Gérardmer, p. 1441. — Résumé des observations de la Société sur les phénomènes errati- ques des Vosges, p. i456. — Obser- vations diverses, p. 2i5, 4c>7» 4°8 , 409,421. 1400,1420. i45 1. Mastodonte de la Haute-Loire, p. 412 Matiibron. Terrains traversés dans le souterrain de la Nerlhc, près Mar seille, p. 261. Macduyt. Sur un morceau de quartz et un silicate dè chaux et de magné- sie, p. 168. Melhliie. Sa de scription, p. 18. Membres nouveaux , p. 5, i46 , 206, 3no, 4o5, 422, 43o , 46o, 5o6, 536, 572, 587,710, 762, 993, io5g, 1 i63. Mètamorpliisine normal , p. 498- — Dans tes roches des Vosges, p. 23o. Meurt lie. Fossiles, p. 5z(j. — Roche ignée d'Essey-!a-Côtej p. 1 443. Michelin. Sur un polypier, p. 1 4 34* — Observations diverses , p. 181, 426, 538, 540, 604. Milo. Hydrosiiirate d’alumine, p. 468. Minéraux. Leur ordre de succession dans les filons de Parkose des Vosges, p. 1462, Mollusques fossiles de Rilly (Marne), p. 177. Montagnes . Systèmes les plus anciens de l’Europe (Vendée. Finistère, L’). Fossiles crétacés du Chili et de l’Inde, p. 507. Orthocère réunie à une Ammonite de Ilallstadt (Haute-Autriche), p. 1 55 ; — gigantesque des Etats-Unis, p. 556. Oursins fossiles de Patagonie, p. 287. P Paillettb. Sur les mines de plomb du midi de l’Espagne, p. 522. — Obser- vation, p. 54-0. Palæotherium , p.584. Paris ( Bassin de). Calcaire pisolithi- que, p. 517.564. Parrot. Observation en réponse à M. Virlet sur les pierres d’imatrâ , p. 20. Patagonie. Oursins fossiles, p. 287. Pentacrinites en Lombardie, p. 255. Perrey. Sortes tremblements de terre, p. 1399. Phénomènes erratiques. Ne peuvent être attribués à des courants, p. 274* — Sur une de leurs causes présuma- bles, par M. Elie de Beaumont , p. i354* — Etudes sur ceux de Scandi- navie, par M. Durocher, p. 29. — — Ceux' du Nord comparés à ceux des Alpes, p. 182. — Attribués à l’action des glaces flottantes, par M. Frapolli, p. 416, io46„ 1164, 1176. — ld. à l’action des vagues , par M. Weihye, p. 1 169. — Dans le nord de l’Allemagne, par de Luc, p. 170. — Des Vosges, p. 216. Piémont. Indications géologiques, p. 53, 55. Pilla. Sur le calcaire rouge Ammoni- tifère de l’Italie, p. 1062. P /anches du Bulletin. I, p. 1 3 ; Tl, p. 296; III , p. 328; IV, p. 385; V, p. 727 ; VI, p. 1077; VII, p. 1162; VIII et IX, p. 1174; X, p. 1248. Raqcin. Mines de fer du lias de Saône- et Loire, p. 3o4. Reptile des Bouches-du-Rhône, p. 265. — De l’Ailier, p. 382. Rivière. Réclamation au sujet de l’iso- morphisme de l’eau, p. ioi5. — Ob- servation, p. 407. Roches éruptives des Vosges, p. 2^0. Rose (G.). Serpentine métamorphique de Silésie, p. 1061. IVouaul-t (Marie). Sur les Trilobites — Figures dans le texte, p. 176, 210, 21», 453 , 520, 54i , 566, 697, ÔgS, 696, 697, y55, 997, 998, 1023, 1024, 1061, 1089, IÔ22, l4<>4- Plomb. Mines dans le sud de l’Espa- gne, p. 522. Pomel. Animaux vertébrés fossiles de l’Ailier, p. 078. — Sur le genre Pté- rodon, 385, — Sur l’homme fossile du Puy en Velay, p. ![ii. — Sur le genre Palæotherium, p. 584. — Sur le genre Eiotherlum, p. io83. — Ob- servation, 1 100. Porphyre de Belfahy (Haute-Saône) , P* 792, iiU- Prédazzite du Tyrol. Son analyse , p. io5o. Prévost (C.). Note sur les terrains ter- tiaires du bassin de la Gironde, p. 3p5. — Sur les marnes à retraits py- ramidaux, p. 4^8. — Sur le terrain à Nummuliles, p. 53p. — Observa- tions diverses, p. 521,575. Ptèrodon. Genrevoisin des Dasyures, p. 385. Puton. Sur le Leptynile des Vosges , p. i3p5 et i4o5. — Sur les roches de Fairnont,p. i4 >4* — Observations diverses, p. i4a3, 1424, 1 438. Pyrénées. Terrain à Nummulites, p. 56o, 570. 1127. — Erosions sur les rochers, p. 74, 77. — Dépôts de transport, p. 80, 85. — - Phénomè- nes erratiques, p. 274, i345 à 1370. d’ille-et-Vilaine, p. 309. Royur. Moraines d’anciens glaciers près de Remiremuot (Vosges), p. 288, i4i8. — Dans le Jura. p. 4 62. Rozet. Notes sur l’hydrologie, p. 575. — Observation sur le gneiss, p. 407. . — Rapport sur la gestion du tréso- rier pendant l’année 1846, p. 5 12. — Observations diverses, p. 215, 3o8, 42*. 453, 52i,5t3, 575. Russie. Notes géologiques, p. 589, 147*2 TABLE DES MATIERES Sai véxat. Analyse d’une pierre nodu- laire d’imaîra, p. 28. — Analyse d’un hydrosilicate d'alumine de la Vienne, p. 464. Saône (Haute-). Porphyre de Belfahy, p. 7^,2. — Spilite de Faucognev, p. 820 — Traces d’anciens glaciers à Dure, p. 206. Saône-et-Loire. Mines de fer dans h* lias, p. 5'4* Sarcolitc. Sa description, p. x4- Scandinavie. Variations de nature des roches pyrogènes, p. 4og. — Etudes sur ses phénomènes erratiques, par M. Durocher, p. 29. — Réponse par M. Mort ins, p. 89. — Réplique de M. Durocher, p. 107. — Comparai- son de ses phénomènes erratiques avec ceux des Alpes, par M. Desor, p. 182. — Us sont attribués à 1 action des glaces flottantes, par M. Fra- polli, p. 4i6, 1164. — A celles des vagues, par M. Weibye, p, 1169. — Transport de blocs erratiques par les glaces flottantes, p. 1 1 iô. Schbereb. Sur la nature plutonique 1 Tallavignes, Terrains àNummuiites de l’Aude et des Pyrénées, p. 1127 et 1162. Térèbratules , p. 54 1 » 1018. Terrain crétacé du bassin de l’Adour, p. 7 i3 ; — supérieur du Périgord, p. n44; — et à Nummuîites du Ma- roc, p. 1220. Terrain danien à Beauvais et en Dane- marck, p. 177. Terrain éocènc en Carinthie, p. i65. Terrain jurassique de l’Italie , p. 579, 1062; — du Maroc, 1214, — supé- rieur dans les monts Jura, p. 121. Terrains modernes du Maroc, p. 1238. Terrain à Nummuîites. Son étendue, p. 543 ; — de l’Adour, p. 715, Vagues. Agent des phénomènes erra- tiques du Nord, p. 416, 1046, 1164, 1 169. Vecchi. Sur la montagne deCetona en Toscane, p 1079. du granité et des silicates cristallins qui s’y rattachent, p, 468» Sel gemme. Sur ses pseudomorphoses, p. 455. — Ses gisement et origine dans le nord de l’Allemagne, p. S53. Sel marin récolté en Sicile, p. 2 56. Sicile. Sel marin et mines de soufre, p. 205. Silésie. Serpentine métamorphique, p, n.61 . Silicates cristallins qui se rallient au granité, 1 ur nature plutonique, p. 4y5. Si mois y . Extension des anciens glaciers dans la Haute-Autriche, p. 1 55 . — Sur le lac de Hallstadt, p. i56. — — Origine des cavernes, p. i5g. Soufre. Son extraction en Sicile, p. 257. Soufrière delà Guadeloupe, p. 428. Spilite de Faucognev (Haute-Saône), p. 820. Stüder. Coins calcaires dans le gneiss des Alpes bernoises, p. 208. Suisse. Formations du canton deGlaris, p. 1125. 1006; — des Pyrénées, p. 56o, 5jo; — des Pyrénées et de l’Aude, p. 1 127; — du Maroc, 1228. Terrain primitif et de transition du Maroc, p. 1 196. Terrain secondaire supérieur., p. 564- Terrain triasiq ne en T y rot, p. 576. Terrains tertiaires des Bouches-du- Rhône, p. 286; — de la Guadeloupe, p. 1090 ; — du Maroc, p. 1235. Thdbmank. Relations entre la géogra- phie botanique et la géognosie, p. 575. — Observation, p. 576. Trilobites dTUe-et-Vilaine, p. 509. Tyrol . Présence du trias, dolomies, p. 576. — Analyse de la Prédazzite , p, io5o. 7 Yebsecjl (db). Lettre sur la géologie des Etats-Unis, p. ~ Sur Tes terrains de transition de Bretagne, p. 525. — Sur une grande orlho- cère des Etats-Unis, p. 556. — Pa- ET DES AUTEURS. 1473 rallélisme des dépôts paléozoïques de l’Amérique septentrionale avec ceux de l'Europe. Composition dans les Etats de New-York, Ohio, Kentucky, Indiana, p. 646. — Paral- lélisme , 669. — Fossiles communs, 688. — Fossiles paléozoïques d’Ar- ménie, p. 709. — Terrain dévonien du Harz, p.759. — Observations di verses, p. 182, 4o3,455, 5o8, 569. Verres provenant de la fusion artifi- cielle des roches, p. i38o. Vienne. Hydrosilicate d’alumine , p. 168, 464. Viqoesnel. Sur la dolomie à fossiles crétacés de la Haute- Albanie , p. 426. — Observation, p. 435. Vihlet. Réponse à l’observation de INI. Parrot sur les pierres d’Ima- tra, p. 27. — Réponse à une note de RJ. Durocher sur le granité à nœuds cristallins de la Bretagne, p. i44- — Traces d’anciens glaciers à Lure ( Haute-Saône), p. 296. — Hydrologie de la Brie, p 7>/ô. — Hydrosilicate Wegmanx (de). Rapport sur la gestion de l'archiviste en 1846, p. 1001. Weibye. Sur la théorie des vagues par Z em b le (Nouvelle-), p. 11. Zigno (de). Sur les terrains stratifiés d’alumine de Milo, p. 468. — Sur le métamorphisme normal, p. 498. — Observations diverses, p. 210, 435, 498, 726. Vosges. Sur la constitution minéralo- gique et chimique des roches, p. 774. Roches éruptives, p. 220. — Méta- morphisme, p. 23o. — Classification du porphyre, p. 240. — Pscudomor- phose, p. v47- — Réactions aqueu- ses, p. 25o. — Leplynile, p. 1595. — Fossiles du trias, p. 1 429- — dé- pôts erratiques, p. 516, 433. — Mo- raines d’anciens glaciers à Remire- mont, p. 288. — Ancien glacier de Wesserling, p. 11 56. — Galets striés, p. Soi. — Roches striées, p. 78. — — Neiges, p. 1047. Vosges. Réunion extraordinaire de la Société à Epinal, p. 1078. — Excur- sions géologiques, p. 1401, i4o3, 1407, 1409, i42o? 1420, i436, 1442, i445, i453, i46o. — Phénomènes erratiques, p. 1406, 1418, i454 « 1426, 1 436, i448, i456. rapport aux phénomènes erratiques du Nord, p. 1 169. des Alpes vénitiennes, p. 1100. FIN DE LA TABLE. ERRATA . Pages. Lignes. 12, 2, au lieu de: postage, lisez : Portage. i5, 28, au lieu de: Fasse, lisez: Fassa. 18, 2, au lieu de: Cavelli, lisez: Corelli. 166, 2 5 , au lieu de : Gapriaa Auguilloui, lisez : Capritia Aguiiloni. 169, 5 en remontant , au lieu de : vacules , Usez: vacuoles. 228, 10, au lieu de: Vazergue, lisez: l’Azergue. 020, 2 i , au lieu de : Dawuingiæ, Usez : Downingiæ. 4c 9, 8 en rémontant, au lieu de : Staurotiles, Usez : Staurotides. 4 1 4 , 8, au lieu de: pluviaiile, lisez : fluviatile. 418, 24. au- Ueu de: des actions, Usez : de l’action. 465, 8, au lieu de: passage, Usez: partage. 465, 55, au lieu de: côtes, Usez: pentes. 479. ligne dernière de la note , au Ueu de : Hilleroé, Usez : Hilterôe. 48i, 8, au Ueu de : Schafhault, Usez : Schafhautl. 481, 28, au Ueu de : Jorello, Usez: Jorullo. 481, 2 de la note , au Ueu de : Auzcigen, Usez : Anzeigen. 482, 22, au Ueu de: Descalil, Usez: Descolils. 482, 4 de La note, au lieu de : ès sciences, lisez: des sciences. 484, 4 des notes , au lieu de: Hilleroé, Usez: Hitteroe. 489, 5of au lieu de : Brenr’g, Usez : Brewi'g. 494» 20? au Ueu de: Schafhault, lisez: Schafhautl. 5oo, 11, au lieu de: application, lisez: explication. 500, 25, au Ueu de: 5 p. 100, Usez: 5o p. 100. 501, 6, il faut une virgule après des Alpes. 5oi, 4°. au lieu de: la Roche en Breuil, lisez: la Roche en Brenil. 5oi, 5 en remontant , au Ueu de : Roche en Breuil, Usez: la Roche en Brenil. 402, 4o, au lieu de : le chlorite, lisez : la chlorite. 5o4, 24, au lieu de: Schafhault, Usez: Schafhautl. 5o4, 25, au Ueu de : Biess, Usez: Riess. 567, 25, au lieu de: du flanc méridien, Usez: du flanc méridional. 568, 20, au Ueu de : Murchisan, Usez : Murchison. 57 j, 24, au Ueu de : Ammonites, lisez : Niimmuliles. 675, 7, au lieu de : de Kaiserslukz, Usez : du Kaiserstuhl. 585, 28, au lieu de: Caprina Anguilloni, lisez: Caprina Aguiiloni. 606, ire, au lieu de : M. Prévost, lisez: M. Constant Prévost. 760, 7, au lieu de : quarzels, Usez : quarzites. 955, 29, au Ueu de: mines, Usez : sciences. 997, 2, au lieu de: carnieule. Usez: cargneule. Pagps. Lignes. ioi5, 25, au lieu, de: Panillac, lisez: Pauillac. 1086, dernière [igné en noie, au lieu de: Letiancl, lisez: Lessard. 1087, 7 et 19, au lieu de: Orbin, lisez: Orbise. 1089, pour l’échelle des deux figures , au lieu de: Hauteur, 3 millimètres ) Longueur, 2 ici. ) 1>UUl m^lic* lisez : Hauteur, i,5 millimètres) > pour métré. Longueur, 1 ici. ) 1089, Nota. Dans la fig. 1, la ligne supérieure du terrain a été omise ; elle doit être rétablie à i5 millimètres au-dessus de la ligne du fond de la tranchée. 1090, i‘e, au lieu de: Forges, lisez: Larges. 1092, 24, au lieu de : immergé, lisez: émergé. 1197, 10, au lieu de: nombres, lisez: membres. 1221, 25, au lieu de : reposer, lisez : reposant. 1255, 21, au lieu de : de ces dernières, lisez : de ces derniers. 1241, 18, au lieu de: Mélanopsie, lisez: Mélanopside. 1241, 19, au lieu de: buccinoïdes, lisez: buccinoides. i337, 5, au lieu de: rôle calorique, lisez: rôle de calorique. 1377, MM. de Billy et Levallois n’ont pas assisté à la première séance (10 septembre) de la Réunion extraordinaire à Épinal. 1377, 11, au lieu de: Bauja, lisez: Bauga. 1378, 16, au lieu de: Bauja, lisez: Bauga. 1426, 16, au lieu de: Hohenuk, lisez : Hoheneck. ERRATUM DU TOME PREMIER, envoyé tardivement par l’auteur. 356, 23. Dans ce cas, etc Remplacer cette phrase par celle-ci : Dans ce cas, les lèvres de ces fentes, avec leurs matières encore in- candescentes, poussées en dehors contre l’enveloppe solide par le rétré- cissement de son intérieur fluide, seraient l’origine des chaînes.