i \^^- r' tt FOKTHE PEOPLE FOR EDVCATION FOR SCIENCE LIBRARY OF THE AMERICAN MUSEUM OF NATURAL HISTORY BULLETIN SOCIÉTÉ ORNIÏHOLOGIQUE SUISSE Imprimerie de Jules-Guillaume Fick. BULLETIN 'l.n-oi(^/^i/^^ SOCIÉTÉ ORNITIIOLOGIÛUE SUISSE T 0 ^i E Premier ix J^ •0, ^' Se/ éâl GENEVE PARIS LIBRAIRIE II. GEORG LIBRAIRIE F. SAVY Hcme maison à Bàlc 2i, rue linulcfouillc 1865&1866 BULLETIN SOCIETE ORNITHOLOGIQUE SUISSE Imprimerie de Jules-Guillaume Fick. iqu-o^f'^^^ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ORNITIIOLOGIQIÉ SUISSE Tome I" — 1" Partie ^ ^, GENÈVE ET BALE H. GEORG, LIBRAIRE 1865 6 PREFACE. eux, mais encore permet la publication de bien des ob- servations nouvelles qui, sans ce secours, n'auraient peut- être jamais vu le jour et seraient par conséquent demeu- rées sans fruit, ne la trouvera-l-on pas indispensable? C'est poussés par ces excellentes raisons, en même temps qu'encouragés par les richesses de notre pays, tout spécialement situé et configuré, que nous nous sommes, il y a un an environ, constitués en Société ornilhologique suisse ; ce n'est pas à dire que nous voulions limiter nos études et le cercle *de nos membres aux frontières de notre pays, ni que nous prétendions mettre au jour de grandes publications, et suivre les traces de quelques so- ciétés plus fortunées que la nôtre, non; nous sommes modestes, et cherchons avant tout, chacun selon nos moyens, à nous intéresser et nous iustruire mutuelle- ment, quitte à livrer à la publicité, dans nos bulletins, les diverses communications qui auront rempli nos séances. Recrutant de droite et de gauche, c'est toujours avec une nouvelle satisfaction que nous recevons des travaux, ou voyons de nouveaux membres s'adjoindre à. notre Sociélé, pour contribuer à l'avancement de la science si intéressante des oiseaux. Victor FATIO, président. w. -S-Q#^ff«3--»- LISTE DES MEMBRES MM. Rogoi, Louis Genève Depierre. D''-M. . Lausanne Revilliod, William. Genève Revon, James 0 Cramer, Gabriel. . • » Boiinel, Edouard . . » Fol, Hermann. • . . » Beaumonl. Auguste » Deschamps, Jaques VI Horugacher, (Charles » Horngaclier, Gabrie » Viollier, Auguste. . . » Paccard, Constant.. » Fatio, Victor » Gindroz, André. . . . » Rc\illiod, Aloïs . . . » Déranger, Marc . . . » De Saussure, Henri » Humberl, Aloïs.. • ■ » Necker, Frédéric . . 5> Binet, Charles » Bourril, Octave.. . . » MM. LuncI, Godefroy. . . . Genève Coulin. Jules » Turrt'itini, Th('odore. Vornet, Henri » Eynard, Féodor ... » Demole, Isaac.. ... » Olph-Galliard, Léon Lyon Barnoby . Londres Senn, Aimé Genève De Fellenberg, E Berne De Murall-Slockar. . Zurich Coulin, Louis Neuchâtel Ragazzi, Slepban . . . Poschiavo Slauffer, S Lucerne Faucoruiel, Joseph. . Genève Ador, Gustave » Ador, Emile. » Turrellini, François. » Galopin, Henri. ... y Demole, Willisni. . . » Tulout. E » Tûurnier, Henri .... » — -xa*'N:s*':%î^*çy««?- OBSERVATIONS SIR LES MŒURS ET LA PROPAGATION (le la CISTICOLA SCIIŒNICOLA, Bonap. PAR GODEFROY LUNEL Conservateur du Musée académique de Genève ( Lu à la séance du l"""" a\ril <8(54 ) Mon intention, en publiant ces notes sur la Cisticole, était seulement de faire connaître le résultat d'observations que j'ai été à même de faire, durant plusieurs années, dans le midi de la France, où vit et se propage ce sylvain. Mais comme parmi les faits que j'ai pu recueillir, il s'en trouvait un certain nombre qui me paraissaient nouveaux, et d'au- tres, au contraire, qui avaient été déjà signalés dans les divers traités d'ornilhologie ; que, d'autre part, tous ces faits se reliant entre eux, je ne pouvais les séparer et parler des uns sans faire mention des autres, j'ai été conduit à donner une histoire complète de la Cisticole, en réunissant à mes observations personnelles tout ce qui avait été publié sur cet intéressant volatile. 2 10 G. LUNEL. Genre CISTICOLE. — Cisticola. Lesson. La CISTICOLE. — Cisticola Schœnicola. Bp. Sylvia cisticola. Tem., Man. d'Orn., t. I, p. 228. » Tem. elLaug., Nouv. rec. de pi. col., t. III. pi. 6, fig. 3. » Pol. Roux, Orn. prov., p. 355, pi. 232. » Savi, Orn. tosc. » Crespon, Orn. du Gard, p. 122. 9 » Faune mérid., p. 189. V Benoit, Orn. sicil., 1840. y> Cara, G.. Orn. Sard. 1842. Sylvia [cisticola] typus. Rûppel. Neue Wirb, Vogel, p. 113. Cisticola schœnicola. Bp. List., p. 12. » Bp. Consp. gen. Avium, p. 286. » Durazzo, Ucc. Ligur., p. 34. » C.ould, pi. 113. » Degland, Orn. Eur., t. I, p. 595. » Jacbert et Barthélémy, Rich. Orn., p. 255. » Hartlaub,Sysl. derOrn. West-Africa, p. 264. » Antinori (Orazio),Cat.Descr.de'uccelli,p.37. * Jerdon, T -G . , The Birds of India, tome II, Parti, p. 174. Salicaria cisticola. Keyserling. » Schlegei, Rev. cril., p. 30. Cisticola cursitans. Blyth. » Franklin. Prinia cursitans. Franklin. Cisticola subhimalayana. Hodgson. NOTE SUR LA CISTICOLE. 11 La Cisticole a été décrite pour la première fois et placée dans le genre Sylvia de Lalham, en 1820, par Temminck, dans la seconde édition de son manuel d'ornithologie. Celte même description, accompagnée d'une figure, a été repro- duite dans le nouveau recueil de planches coloriées de Temminck et Laugier. En 1823, le D"" Paolo Savi publiait dans le Journal de Pise une excellente notice sur les mœurs et la nidification de la Cisticole, avec une figure du nid de cet oiseau. Une analyse de cette notice est. insérée dans les Annales des Sciences naturelles, tome II, 1824, p. 126-129. Le professeur Schinz a donné une planche coloriée du nid de la Cisticole dans son ouvrage intitulé Nalurgeschichle dcr Vôgel, imprimé à Zurich en 1846. Enfin, un nid colorié du piême oiseau a été représenté dans V Atlas de V ornithologie provençale, de Polydore Roux^ Le nid figuré par Savi étant celui de la première nichée, diffère par conséquent beaucoup de celui que l'oiseau cons- truit plus tard. La figure, assez bonne sous certains rap- ports, est grossièrement faite et n'est pas au niveau des des- sins de nos jours. Schinz, dans sa planche coloriée, n'a pas donné au nid de la Cisticole un nombre suffisant de liges et a omis d'in- diquer les fils et les points de suture qui servent à les lier ensemble. De plus, le tissu de la paroi interne du nid est trop mal rendu pour qu'on puisse reconnaître la nature des matériaux qui le composent. 1 Je cite seulemeiil de mémoire la planche de Polydore Roux et ne puis donc formuler de jugement à ce sujet, n'ayant pas VOrni- thologie provençale à ma disposition. 12 G. LUNEL. Ces considérations m'ont engagé à joindre à cette notice une bonne planche représentant le nid et les œufs de la Cisticole, d'après les nombreux exemplaires que j'ai à ma disposition. La Cisticole a le bec allongé, aigu à la pointe et comprimé dans sa moitié antérieure, la mandibule supérieure recour- bée dans toute sa longueur, les narines grandes et oblon- gues, les ailes courtes, obtuses, très-arrondies, les rémiges secondaires atteignant presque la longueur des primaires, la queue courte et étagée, les tarses assez forts, les doigts minces et longs. Le mâle et la femelle ont le dessus de la tête et du corps d'un gris jaunâtre, avec le centre de chaque plume noirâtre; le croupion roux; la gorge et le milieu du ventre blancs; les' côtés du cou, la poitrine et les flancs d'un jaune roussâtre; les rémiges brunes, bordées de roux clair jusqu'aux deux tiers de la longueur de leurs barbes externes ; la queue éta- gée, d'un brun noirâtre en dessus, avec une bordure rousse sur chaque plume, grisâtre en dessous, avec une tache noire et ronde vers l'extrémité de chaque plume, terminée d'un blanc plus ou moins pur sur les latérales et de grisâtre sur celles du milieu. Bec jaunâtre, avec le dessus de la mandibule supérieure brun, iris brun, pieds d'un brun jaunâtre; longueur totale, 0"',10. Les jeunes diffèrent peu des adultes, ils ont seulement le blanc de la gorge et du ventre moins pur, les teintes géné- rales du plumage plus claires et les plumes clair-semées. D'après Savi, au printemps, l'intérieur de la bouche qui NOTE SUR LA CISTICOLE. 13 est chez la femelle d'un jaune sale, serait au contraire d'un beau noir violet chez le mâle; mais celle coloration n'exis- terait que pendant la saison des amours, car dés le mois de septembre cette teinte avait déjà disparu chez tous les mâles de cet oiseau qu'il avait pu observer, et elle avait fait place à la couleur d'un jaune sale qui est propre à la femelle et aux jeunes. La Cisticole habite les contrées méridionales: l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Egypte et la Nubie. Du Chaillu (Mus. Philad.) a trouvé cet oiseau au cap Lopez, sur la côte occi- dentale d'Afiique, pari" latitude sud. Il est également ré- pandu dans beaucoup de parties de l'Inde. Cassin n'a pas pu distinguer les exemplaiies de Du Ghaillu de ceux d'Asie, et il doute de la différence spécifique de ceux de ces diiïé- renles provenances d'avec C. schœnicola. Un exemplaire d'Alger avait seulement, comparativement avec ceux de l'Inde, un peu plus de noir dans la coloration du sommet de la télé. Franklin et Blyth avaient cru devoir séparer la Cisticole de rinde et en faire une espèce à part, sous le nom de Cis- ticola ciirsitaus, mais les comparaisons faites depuis lors, d'un grand nombre de sujets provenant de l'Inde, d'Afiique et d'Europe, ont amené ces auteurs à reconnaître que les Cislicola cursilans et schœnicola ne devaient former qu'une seule et même espèce. Il suffirait d'ailleurs de lire les ob- servations de Jerdon * et la descriplion qu'il donne de la Cisticole qu'il a observée dans llnde, pour ne plus conserver de doutes à cet égard. 1 T.-C. Jerdon, The Dirds of Iiidla, l. II, parliel, p. 174. 14 Cr. LUIVEL. Après avoir décrit le piuiuage qui est en tout point sem- blable à celui de nos individus d'Europe, Jerdon s'exprime ainsi au sujet de ce Sylvain : « Cet oiseau est maintenant considéré comme identique avec celui d'Europe, et il est aussi répandu sur une grande partie de l'Afrique; on le trouve dans toutes les parties de rinde, fréquentant les longues heibes et les champs de cé- réales et de riz ; il fait adroitement son chemin sur le sol pour recueillir des insectes. Je ne pense pas, toutefois, qu'il ait l'habitude d'y courir, comme semblerait l'indiquer le nom donné par Franklin; mais il s'avance à travers les herbes ou les roseaux, en partie en sautillant, en partie en volant. Quand on le fait partir, il prend un vol court et saccadé pendant quelques yards (mètres) et se laisse tomber de nouveau dans l'herbe. Il se nourrit de fourmis, de larves de sauterelles et de différents autres petits insec- tes. » Comme Blyth le remarque, on peut souvent le voir s'élever à une petite hauteur dans l'air, répétant par inter- valles une seule noie: jik, jikK Pendant la saison de la ponte, on peut voir le mâle posé sur une grande tige d'herbe et émettant un petit chant. Le nid est fait d'un duvet végé- tal délicat, entrelacé dans les tiges d'une épaisse touffe d'herbe, et formant une très-belle construction compacte, avec une petite entrée prés du sommet. On a signalé le fait que, pendant que la femelle couve, le mâle augmente le nid en hauteur. ^ D'après l'orlhographe anglaise, ceUe syllabe devrait se transcrire en français : djik, djik. NOTE SUR LA CISTICOLE. 15 La Cislicole est sédentaire dans le midi de la France, où elle vit pendant la plus grande partie de l'année dans les vastes marais et les jonchaies qui bordent le littoral de la Méditerranée ; elle n'est pas rare en Provence, dans tout le Languedoc, dans les environs de .Montpellier et d'Aigues- morles; elle est surtout fort commune dans la liasse Camar- gue et dans les rizières du delta du Rhône. Ce charmant oiseau, d'un naturel vif, est sans cesse en mouvement; on le voit sautiller et voleter à travers les hau- tes herbes, à la recherche des petits coléoptères, des che- nilles, des araignées, des cousins et des petites graines qui composent sa nourriture; mais à peine a-t-il happé quel- ques insectes qu'il s'élève dans les airs par petits bonds, en décrivant des courbes qu'il accompagne d'un cri perçant et répété, que l'on peut rendre par: czi, czi, czi, en appuyant sur la dernière syllabe. H s'arrête tout à coup et se balance à la même place pendant quelques instants, et continue en- suite son ascension. Il monte quelquefois si haut, que l'on finit par le perdre de vue, quoiqu'on entende encore son monotone czi, czi. Au bout de quelques instants, on le voit reparaître et descendre de la même manière; puis, arrivé près du sol, il se laisse tomber comme un trait et se pose sur quelque branche de tamarix ou sur l'extrémité des chaumes ; alors, si c'est un mâle, il fait entendre un petit gazouillement qui n'est pas dépourvu de charme, mais ce chant est de bien courte durée, car notre petit Sylvain reprend bien vite son vol et recommence ses évolutions aériennes. La plupart des oiseaux ont un cri d'appel qui est propre 16 G. LUNEL. à chaque espèce; au printemps, ce même cri devient partie intégrante d'un chant particulier que le mâle seul fait enten- dre et que certaines espèces, telles que la Sylvia curruca, Alauda arvensis, A. nrborea, A. calandra, elc , ne redisent qu'en volant ou en s'élevant au milieu des airs. N'en serait-il pas de même pour la ('.islicole, dont le cri czi, czi, répété par intervalles, et les difîérenles manœuvres exécutées en volant seraient le prélude et l'accompagnement de son chant d'amour, et qui auraient pour finale ce petit gazouillement que l'oiseau fait entendre lorsque, revenant de sa course aérienne, il se laisse tomber sur l'extrémité de quelque branche de tamarix ou d'une tige de roseau? Pendant l'incubation, le mâle s'éloigne peu de l'endroit où couve sa compagne, à laquelle il apporte fréquemment les insectes ailés qu'il a pris au vol. C'est en observant celui-ci, et en épiant ses mouvements, que l'on parvient le plus souvent à découvrir le nid, toujours fort difficile à trouver, tant il est bien caché dans les hautes herbes. Déjà les brises embaumées du printemps font sentir leur douce haleine ; les oiseaux, par leur chant, célèbrent le réveil de la nature et le retour des beaux jours ; les bandes des différentes espèces, confondues et mêlées ensemble pen- dant la mauvaise saison, commencent à se séparer; les cou- ples se forment et se préparent au grand acte de la repro- duction. La Cisticole éprouve de bonne heure ce besoin impérieux de la nature. Dès la fin de mars ou le commencement d'avi il, le mâle et la femelle sont déjà appariés et songent à s'oc- cuper de la construction du berceau qui devra contenir le NOTE SUR LA CISTICOLE. 17 fruit de leurs amours; mais les marais qu'elle habile pen- dant la plus grande partie de l'année, ravagés et dépouillés de verdure par, les tourmentes et les frimas de l'hiver, ne lui offrant alors aucun des matériaux nécessaires à sa nidification, elle quitte ces lieux désolés et vient s'établir provisoirement dans les champs de céréales et les prairies situées dans le voisinage des marécages, qui, en cette saison, sont déjà recouverts d'une abondante végétation. C'est là, dans les hautes herbes, qu'elle fait son premier nid, placé le plus souvent sur le l)ord d'un fossé, ordinairement sur quelque touffe de graminées, telles que les Avenu fra- gilis, Alopecurus agrestis , Bromus syivalicus, ou Dromus Irivialis, etc. iMais à peine les marais, sous l'influence de la belle sai- son et des rayons vivifiants du soleil, ont-ils repris un peu de verdure, que la Cisticole se hâte de regagner ces lieux solitaires, son séjour de prédilection, et va s'y livrer à de nouvelles nichées; c'est là aussi, grâce à la nature et à l'abondance des matériaux qu'il aura à sa disposition, que notre petit architecte va pouvoir mettre en œuvre les res- sources admirables de son art dans la construction de l'édi- fice destiné à servir d'abri à ses dernières couvées. Le nid, auquel travaillent ensemble le mâle et la femelle, est placé à 30 ou 40 centimètres du sol ; il est formé d'un faisceau qui varie entre quarante et quatre-vingts liges d'herbes hautes, appartenant en général au genre Carex, C. flava, C. sylvatica, C. rcmola, C. divulsa, C. flirta, etc. Toutes ces tiges sont réunies, entrelacées et cou- 3 18 G. I.UNEL. sues' ensemble avec la pnroi interne du nid par leur bord, an moyen de petits trous que l'oiseau y pratique avec son bec, et dans lesquels il passe un petit cordon formé avec le fil tiré des boursettes de soie dans lesquelles les araignées font leurs œufs, et quelquefois, mais plus rarement, avec du duvet d'aigrettes de diverses Asclépiadées, telles que Cy- nancltiim vinceloxicrim , C. nigrum . Periploca grœca , Epilobium telmgomim, etc. Ce fil est retenu sur les bords du trou par chacun de ses bouts, que l'oiseau entortille et frise e.i manière de nœud. Ces cordonnets sont de grosseurs différentes et se divisent parfois en deux ou trois rameaux; ils n"onl ordinairement que la longueur nécessaire pour passer trois ou quatre fois d'une tige à l'autre; aussi en faut-il, comme je l'ai déjà dit, un grand nombre pour un seul nid. (juelques-uns de ces fils sont formés avec de petites lanièrt's végétales, mais ces derniers sont en petit nombre et ntanquent le plus souvent dans la plus grande partie des nids. Lorsque les tiges sont trop étroiies, surtout vers leur extrémité, pour que l'oiseau puisse y faire des trous, il se contente de passer deux ou trois fois le fil autour d'elles. Les tiges de carex qui croissent immédiatement au-des- sous du nid sont repliées sur elles-mêmes et entrelacées de manière à lui foimer un soutien élastique. ' Cciii' p'iriiciiidriié confinn- le rapprochement do ia Cislicole du genre Ortlmtomufi rji- Hor^ficid. élahii pour des oiseaux de l'Inde, (jni mil [loiir liabilude do réunir, par des points de suture, les feuil- les Cl li's antres niatérjjnix (|ui leur servent à faire leur nid, ce qui leur a \alu d;ins le pays le nom de Taylor Birds (oiseaux tail- leurs). NOTE SUR LA CISTICOLE. 19 La paroi interne est composée de bourre de peuplier ou de tremble, d'aigrettes de chardons, de laine, de crin et de toiles d'araignée. La base de la partie interne du nid, sur laquelle doivent reposer les œufs, est plus épaisse et recou- verte d'une couche de feuilles sèches et fines, appartenant à des graminées, etc. ; le tout forme un tissu transparent et élastique d'une assez grande solidité, dont les bords s'élevant très-haut, vont en s'éclaircissanl et sont réduits vers l'extré- mité des chaumes à de petits liiaments. Les deux parois interne et externe se touchent immédiatement, et l'entrée du nid est placée vers le haut et sur l'un des côtés. Ce petit chef-d'œuvre est de forme ovoïde allongée, obtus à sa base, un peu ventru vers le milieu, et présente assez bien, dans son ensemble, la forme d'une quenouille. Sa longueur est ordinairement de 0'",1:i et son plus grand dia- mètre transversal de Û'",07. Suivant les localités, la Cisticole fait son nid parmi les joncs ou les roseaux, tels que les Anuido phragmilis, Phaleris arundinacca, Trilkum repens, Poa fluituns, etc. Le premier nid que la Cisticole construit au printemps, n'a pas l'élégance et la solidité de celui qu'elle devra édifier plus tard pour ses dernières pontes, car, comme je l'ai déjà dit, les marais se trouvant, à cette saison, privés de végéta- tion, notre oiseau se voit forcé de venir s'établir dans les champs de céréales, où il n'a pas à sa disposition tous les matériaux nécessaires à sa nidification. Comme les feuilles de graminées sont faibles et faciles à déchirer, elles ne peuvent être que difticilement liées en- semble par des points de suture; de plus, les toiles d'arai- 20 G. LUNEL. gnées sont rares et de petite dimension, ces Insectes étant à peine sortis de leur retraite hivernale et n'ayant pas en- core filé leur coque de soie. La Cisticole est alors forcée d'employer de petites lanières végétales, et pour donner plus de solidité à son nid, d'augmenter l'épaisseur de la paroi interne, et d'y introduire quelques corps étrangers, tels que de h mousse, de l'écorce, des brins de paille et même de petits morceaux de bois. J'ai vu un nid, dans le tissu duquel se trouvaient de petits débris de papier avec des Inmbeaux d'étolTe. Les nids varient quelquefois, et quoique généralement construits avec beaucoup d'art, il s'en trouve parfois de moins soignés les uns que les autres; celte remarque, au reste, peut s'appliquer à la plupart des autres oiseaux, car si l'on compare entre eux un certain nombre de nids, ap- partenant à une même espèce, on trouvera que, sous cer- taines influences, telles que la localité ou le défaut de ma- tériaux nécessaires, ces nids, tout en conservant leur faciès typique, peuvent néanmoins subir des modifications soit dans leur forme, soit dans leurs dimensions, soit dans le plus ou moins de régularité de leur construction. La Cisticole ne fait ordinairement que deux nids, chaque année, dont l'un sert pour la première ponte et l'autre pour les deui dernières, et si parfois il arrive que quelque couple se construise un nouveau nid pour chacune de ses couvées, il ne faudrait pas en induire que cette habitude soit com- mune à tous les individus, mais considérer plutôt le fait comme la conséquence de quelque circonstance particu- lière; d'ailleurs, il est facile de reconnaître les nids qui ont NOTE SUR LA CISTICOLE. 21 dt'j.i servi à leur air d'ancienneté et aux nombreuses plantes grimpantes qui les recouvrent. Il m'est arrivé plusieurs fois de trouver des œufs dans un même nid où j'avais vu pré- cédemment des jeunes. Dans les premiers jours du mois d'août, je découvris au milieu des roseaux, non loin des ruines de l'ancienne église de Maguelone, située près de la mer, à deux lieues de Mont- pellier, un nid de Cisticole recouvert en entier de plantes grimpantes et de petits liserons à fleurs roses, ce qui for- mait un tout des plus ravissants. Dans ce joli berceau re- posaient cinq pelils oiseaux qui, à mon approche, sautèrent hors du nid et se cachèrent dans les hautes herbes. Étant revenu au même endioit quelques heures plus lard, je trouvai mes petits sylvains réinstallés dans leur couche; mais, ne voulant pas troubler de nouveau la tranquillité de la petite famille, je m'éloignai du nid et poursuivis mon che- min dans une autre direction. Les jeunes de quelques espèces d'oiseaux qui nichent à terre, dans les buissons ou sur les arbres peu élevés, quand ils sont déjà grands, mais que leurs plumes ne sont pas encore assez développées pour leur permettre de se servir de leurs ailes, quittent quelquefois leur nid pendant la jour- née, sans doute pour butiner dans les environs et s'exercer à pourvoir eux-mêmes à leur subsistance ; mais leur absence est de courte durée, ils reviennent bien vite à leur gîte pour s'y réchauffer et y passer la nuit. J'ai remarqué cette habitude chez les jeunes des Calamokcrpe arundinacea, Calamodyla cettin, Sylvia cinerea. Hippolais polyglotta, Alauda arvensis, etc. 22 G. LUNEL. Il me reste maintenant à parler de la ponle qui pré- sente un phénomène physiologique des plus intéiessanls. Les œufs , au nombre de quatre à six, sont de forme ovée, leur grand diamètre est ordinairement de IG milli- mètres et le petit diamètre de 11 millimètres; ils sont unicolores, d'un blanc pur, quelquefois d'un blanc rosé, et d'autrefois d'un blanc azuré ou d'un bleu-verdâlre clair. Telle est la ponle normale de cet oiseau. Cependant, il ar- rive parfois que, dans une même couvée, se trouvent mé- langés des œufs des différentes couleurs ci-dessus mention- nées, et, plus rarement encore, des œufs en nombre variable, à fond blanc, avec de grosses et de petites taches d'un rouge de brique, plus rapprochées et comme fondues ensemble vers le gros bout; quelques-uns de ces œufs ont, en outre, de petits points plus foncés, irrégulièrement répandus sur leur surface. J'ai vu pour la première fois des œufs ainsi maculés chez M. Lebrun de Montpellier, qui, outre une collection remar- quable d'œufs, possédait aussi une belle série d'oiseaux d'Europe. ' Cet ornithologiste me dit que lorsque le premier nid de la Cisticole, offi ant cette particularité, lui fut apporté, il n'avait pu croire que ces œufs appartinssent réellement à cet oiseau, et pensa qu'une main infidèle avait bien pu les glisser dans le nid; mais le même fait s'étant renouvelé, il se mit à mieux examiner ces œufs et à les comparer avec ceux des autres oiseaux qui pouvaient nicher dans le pays. « Ces colleclions ncqiiises par M . Doumei, maire de Celte, figurent rnaimenant dans ses riches galeries d'histoire naliirelle et de curio- silés. NOTE SUR LA CISTICOLE. 23 N'ayant trouvé aucun rapport entre ces œufs et ceux d'au- cune autre espèce, tous ses doutes se dissipèrent et il de- meura convaincu qu'ils ne pouvaient appartenir qu'à la Cisti- cole. La présence, dans une même couvée, de ces œufs maculés avec ceux des autres couleurs cause à première vue un sen- timent de surprise. L'histoire du coucou vous vient à la pensée et vous porte à croire à In coopération d'un étranger; mais cette supposition parait bientôt sans valeur, car si l'on examine ces œufs tachetés, on leur trouve un faciès parti- culier, qui empêche de les confondre, non-seulement avec ceux des autres oiseaux qui pourraient nicherdans les mêmes lieux que la ('islicole, mais encore dans des localités bien plus éloignées. Frappé moi-même de l'élrangeié de ce phénomène, et voulant m'éclairer à ce sujet, je commençai aussitôt des re- cherches que j'ai poursuivies durant plusieurs années. Je me suis piocuré un grand nombre de nids de la Cisticole avec les œufs. Dans la plus grande partie de ces nids j'ai trouvé des œufs qui étaient tantôt d'un blanc pur, tantôt dun blanc rosé, et d'autres fois azurés, ou d'un bleu ver- dâlre-clair. Dans quelques couvées seulement j'ai remarqué un mélange d'œufs de ces différentes teintes; enfin, parmi les œufs d'une même ponte il s'en tiouvait quelquefois, mais rarement, de un à trois avec des taches. Une seule couvée de cinq œufs était composée en entier de celte dernière va- riété. Je donne ci-joinl un tableau des couvées qui m'ont offert quelques particularités : l G. LUNEL. 1 Couvée de 4 œufs Blanc Rosé Bleu Verdà- tre Avec des taches 2 2 » 4 » 2 .. .. 1 1 3 ' 2 1 » 3 » -2 1 5 ■ 3 2 5 » 2 3 5 » 2 1 2 5 »> 3 1 1 5 > 5 » 6 » 2 .... 2 1 1 » 6 » 3 ■ 3 Afin (le compléter autant que possible ce travail, je joins ici les observations des auteurs qui ont parlé avant moi de ces œufs. Thienemann ' en a figuré deux , dont l'un est blanchâtre et l'autre azuré. Il semble n'avoir pas connu les formes tachetées. Degland^ décrit la ponte de la Cisticole comme étant com- posée de quatre à six œufs, oblongs, d'un blanc légèrement azuré, quelquefois un peu bleuâtrf, d'autres fois roses, ou tout à fait blancs, sans taches ou avec quelques taches d'un brun foncé. Moquin-Tandon , dans ses « Notes ornithologiques » ^ a ' Einhundert Tafein colorirter Abblldungen von Vijgeleiern zur Forlpjlanzimqsgeschichte der gemnimten VÔgnl, 1845-1854, pi. XXII, fig. 11, a, 6. ^ Ornithologie européenne, 1849, vol. I, p. 595. ^ Bévue zoologique, 1858, p. 434- NOTE SUR LA CISTICOLE. 25 mentionné les œufs maculés, mais seulement d'après les ob- servations de M. Lebrun. Selon Jerdon', la ponle de la Cisticole qu'il a observée dans l'Inde serait de quatre ou cinq œufs d'un blanc trans- lucide avec des taches rougeàtres. En 1848 ou 1849, M. Crespon, de Nîmes, me demanda mon opinion sur deux œufs tachetés qu'il avait trouvés dans une couvée de Cisticoles. Ce naturaliste n'a pas publié ce fait, son Ornithologie du Gard et sa Faune méridionale ayant déjà paru lorsqu'il en eut connaissance. On sait que le commandant Loche, dont la perte est vive- ment sentie de tous les amis de la 'science, avait lécolté et observé pendant de nombieuses années les oiseaux de l'Al- gérie et du midi de la France. Je me suis adressé, pour avoir des renseignements sur la Cisticole, à la veuve de ce zélé naturaliste qui avait partagé tous les travaux de son mari. Voici ce qu'elle a eu l'obligeance de me répondre : « En Algérie, les nids de la Cislicola schœnicola que j'ai vus étaient sembl^blesà ceux que nous avions recueillis, mon mari et moi, dans les environs de Montpellier, et ils étaient composés de matières identiques. Les œufs également étaient exaclemeni semblables ; les uns d'un bleu verdâlre pâle el d'un blanc bleuâtre; les autres roses ou rosés; les uns sans taches, les antres semés de petits points brunàlies; quel- ques-uns ayant des taches d'un rouge brun formant une couronne au gros bout ; chez d'autres, ces taches étant dis- séminées irrégulièrement sur toute la surface de l'œuf. J'en ' Binls i)f Indin. I 8G3 26 G. LUNEL. ai eiitie autres deux, d'un lose vif, dont les lâches sont si rapprochées (ju'eiles recouvienl loule la cotiuille. Je possède un assez grand nombre de ces œufs, mais ils sont si fragiles que nos fréquents déplacements nous en ont fait perdre beaucoup, malgré tout le soin apporté à leur emballage. J'ai remarqué, en général, que le nombre des œufs sans taches appartenant à cette espèce, était inflniment moindre que celui des œufs qui ont des taches. « Les œufs recueillis en .\lgérie, près d'Alger, Milia- nah, etc., sont identiquement paieils à ceux obtenus dans le midi de la France. » Au moment de livrer ces pages à l'impression, j'ai eu connaissance d'un article de M. G. Keitel,' sur la variabilité des œufs de la Cislkola schœnicola. Kn voici la traduction: « 11 n'y a aucun oiseau européen, si ce n'est peut-étie le coucou, dont les œufs varient autant que ceux de la Cisli- cole. Parmi les différentes nichées qui forment un total de 36 œufs que j'ai reçus en 1856 de l'île de Sardaigne, il ne s'en trouve pas deux de parfaitement semblables, tandis que les œufs d'une même nichée se ressemblent davantage pour la couleur et le dessin ; te sont les suivantes : (i 1. Une nichée de six œufs, tous d'un bleu verdâtre sans dessins. « "1. Une nichée de six œufs, même fond de couleur-, avec de grosses et de plus petites taches d'un brun rouge et quel- ques petits points noirs formant une espèce de couronne vers le gros bout. ' Dus Variiren der Eicr cou Scliœnlcola cisticola von Gusiav" tCeilel. Juiinial fur Ornithologie, Jahr|T;. 1858, Tafel 2, fig. o a à 5 t. NOTE SUR LA CTSTICOLE. 27 < 3. Encore une semblable ;tvec le même fond de couleur, nvec de grandes taches et beaucoup de petits points d'un brun noir à reflets violets. (f 4-. Encore une semblable avec le même fond, parsemés de taches d'un rouge clair et d'autres noirâtres. a 5. Sur le même fond, seulement un peu plus clair, de très-grosses taches roussâtres, qui sont plus rapprochées vers. le gros bout. « 6. Sur un fond plus clair d'un bleu verdâtie. beaucoup de taches el de points d'un brun rouge, et de couleur de chair livide. « 7. Fond bleu verdâtre, avec des taches brunâtres en partie fondues. « 8. Fond blanc bleuâtre, parsemé partout de beaucoup de taches et de points noirs ; quelques-unes de ces taches d'un rouge clair. f 9. Fond entièrement blanc, avec seulement des points et de grosses taches d'un rouge clair. » k la suite de cet article, E. Baldamus ajoute: « Deux œufs de ma collection, provenant d'Algérie , ont un fond blanc rougeàtre, avec beaucoup de grosses taches dun rouge de brique, à côté de quelques points de la même couleur également répartis sur toute la surface de l'œuf. Ensuite viennent d'autres œufs complètement sans taches, d'un blanc bleuâtre, blanc ou d'un blanc rose sale. Ces œufs varient aussi assez pour la grosseur el pour la lot me. Les œufs que j'ai vus à Paris el qui provenaient d'Algérie, étaient presque tous du dessin du n" 9 de Keitel, tandis que je n'ai reçu du midi de la France que des œufs d'une seule couleur, verts, 28 G. LUNEL. blancs, bleus ou rougeâtres. » Enfin, d'après le D' Hauss- mann {Nauma)mia,\S51, p. 407), les œufs d'une seule cou- leur seraient en Sardaigne les plus rares de tous. Comme il est facile de le voir, les diverses observations faites jusqu'à ce jour sur les œufs de la Cisticole, offrent certaines différences et paraissent même en désaccord sur quelques points. Néanmoins, il semble permis de supposer que l'influence de la localité pourrait bien avoir sa part dans le mode de coloration des œufs de cet oiseau ; ainsi les œufs provenant de Sardaigne seraient généralement ta- chetés sans distinction du fond de leur couleur; de plus, dans cette île, ainsi qu'en Algérie, les œufs unicolores seraient les plus rares. Dans le midi de la France, ces derniers œufs sont, au contraire, les plus communs et constituent la ponte normale de la Cisticole; par contre, les œufs avec des taches y sont de beaucoup les plus rares, et ont généralement le fond de la coquille d'un blanc pur ou d'un blanc légèrement rosé. Quoi qu'il en soit de ces suppositions, de nouvelles recherches, faites par les ornithologistes placés dans des conditions favorables, pourront peut-être nous donner la clef de ce problème. L'histoire de la Cisticole nous montre, réunis dans un petit oiseau, tous les trésors de la création, élégance de forme, gentillesse et vivacité dans les mouvements, mœurs extraordinaires et, de plus, ce mode admirable de nidifica- tion, destiné à cacher un de ces secrets de la nature que la science seule pourra nous expliquer; en un mot, cette di- versité remarquable de coloration des œufs, qui n'appartient qu'à ce sylvain et qui n'a pas été observée, que je sache. NOTE SUR LA CISTICOLE, 29 chez aucune autre espèce. En effet, si l'on considère les œufs des oiseaux, on trouvera d;ins leur forme et leur mode de coloration un faciès général qui semble leur donner un air de parenté, selon les différents groupes d'oiseaux dont ils proviennent ; si parfois ils varient et présentent quel- ques anomalies de forme ou de coloration, ils ne s'éloignent pas tellement du type qu'on ne puisse, avec un peu d'habi- tude, désigner la famille et même le genre d'oiseaux auquel pourrait appartenir tel œuf pris au hasard dans une collec- tion. Ainsi, par exemple, les œufs de tous les Rapaces noc- turnes (l'Effraie exceptée), dont les œufs sont de forme ovée, sont blancs, sans taches et sphéiiques. Les pics pondent des œufs d'un blanc d'ivoire, lustrés et de forme ovée; ceux de la plupart des échassiet s sont pyiiformes et plus ou moins recouverts de taches ; enfin, les œufs des Fous, des Pélicans et des Cormorans, etc., sont ellipsoïdes, à coquille d'un bleu verdâtre, recouverte d'un enduit crétacé blanchâtre. La classification des oiseaux a été de tout temps l'objet d'études sérieuses de la part des savants ; les uns ont établi leur méthode sur les caractères extérieurs, tirés de la forme générale de l'oiseau, de celle du bec ou des pieds, etc.; d'autres se sont servis des différents os du squelette; enfin, de nos jours, la plupart des naturalistes considèrent l'étude des mœurs des oiseaux, et l'oologie comme la base la plus naturelle d'une bonne classification ornithologique. Des tra- vaux importants ont été publiés sur ce sujet, notamment le beau Traité d'oologie de M. 0. Desmurs, etc. Néanmoins, si la pluralité des faits semble donner raison à tel ou tel système de classification, il paraît prudent, avant 30 G. LUNEL. de se prononcer en faveur-, on conire l'nne ou l'îintre df ces nnéthodes, d'nllenrlre que de nouvelles observations el des éludes suivies d'anatomie nous en aient appris davantage. Chez les oiseaux, de même que dans les autres groupes du régne animal, on rencontre des espèces qui par leurs carac- tères morphologiques ou anatomiques forment des êtres à part, constituant en quelque sorte des anomalies dans les lois générales de la nature, et pour lesquels il sera toujours difficile de désigner une place convenable dans la séiie zoo- logique. EXPLICATION DES FICURES. PI. I. Fig. 3- Nid de la Cislicola achœvicola . > » 3 à 3 c, (lelail,> grossis pour monlrtT la manière dont les liges sont cousues. > » 3 rf à 3.7. Oeufs. NOTE St R LE BÉCASSEAl PLAHRIIYNOUE, TRINGA PLATVnilYiNCHA Tem. et DESCRIPTION D'UN CARACTÈRE NOUVEAU OBSERVÉ CHEZ CET OISEAU l'AK GODEFROY LUiNEL Cui>*eivateur ilu .Must'e ai:a' .u / LiLP.ii dfl. Jr. :;. d. :ie. Jf. ■ nt Oru^naj'ûiil'. l.Tnnôa platvrhyiRiia_2. l'r. subarqiiataJ.Nid eLiPiifs delà (islicoLa scliœiucula.- NOTE SUR LE BÉCASSEAU PLATYRHYNQUE. 37 Selon ma manière de voir, j'aurais placé, à l'exemple de Linné, Gmelin, Ciivier et Schlegel, le Sanderling parmi les Bécasseaux, dont il a les principaux caractères, les mœurs et le genre de vie , n'en différant seulement que par le manque de pouce. Mais, ne voulant pas discuter les rai- sons qui ont pu motiver le maintien de cet oiseau dans un genre à part, j'ai dû me ranger à Tavis des ornilhologisles, qui ont placé le genre Calidris dans la famille des Tr inginés, immédiatement après le genre Tringa, où il est bien mieux à sa place que dans celle des Charadridés. Enfin, près des Bécasseaux, vient naturellement se placer le a,eme Mâche les, qui repose sur une espèce qui, tout en ayant la plupart des caractères des oiseaux du genre Tringa, en diffère cependant parl;i singularité de ses mœurs, par la longueur de ses jambes et la membrane qui unit le doigt externe à sa base avec le doigt médian, et par des variations extraordinaires dans la livrée du mâle. EXPLICATION DES FIGURES. PI. T. Fig, 1.1a. Bec du Trinfiapiotyrliynclia vu de profil el en dessous. y> » 2, 2 a. Bec du Tringa subarqvata vu de profil et en dessous. DISTRIBUTION VERTICALE SYLVIADÉES EIN SUISSE VICTOR FATIO ( Lu à la Société dans sa séance du 7 mars 18(U ) Ce qui frappe d'emblée tout naturaliste qui s'occupe de la distribution géographique des êtres sur la surface du globe, c'est évidemment le rôle immense que lui paraissent jouer ensemble, soit les influences climatériques, soit les diverses contigurations et natures du sol. Cependant il ne s'en tiendra pas à celte première donnée, et pour se rendre compte de certains faits de répartition qui semblent au pre- mier coup d'œil difficiles à expliquer, il devra soigneusement étudier dans tous leurs détails les divers modes d'action de ces deux agents principaux. En effet, l'influence de la tem- pérature ne se manifeste pas uniquement par l'action directe qu'elle exerce sur le corps de l'animal ; c'est elle aussi qui détermine la végétation propre à chaque localité et fournit ainsi aux espèces une des conditions essentielles de leur 40 VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE existence. D'un autre côté, la végétation ne dépend pas ex- clusivement de la température; il faut qu'elle rencontre un sol qui lui soit approprié et une configuration du terrain qui lui soit favorable. Les deux élémenlë se combinent et se modifient réciproquement. Et sans vouloir entrer ici dans l'examen des moyens par lesquels une semence est apportée dans une localité et des causes qui l'y font prospérer, je puis affirmer qu'il faut un concours heureux de circons- tances pour déterminer la présence du végétal qui doit as- surer l'existence de l'espèce, soit directement en lui servant de nourriture, soit indirectement en lui procurant les in- sectes ou autres animaux dont elle se nourrit. La recherche de la nourriture, et même la gourmandise, sont, à n'en pas douter, de grands mobiles pour les ani- maux et surtout pour les oiseaux. .le n'ignore pas que Ton connaît beaucoup de cas où cer- taines espèces ont pu se soumettre, même facilement, à de nouvelles conditions d'existence très -différentes; que, soit effet de modifications amenées parla durée des temps, soit transports et changements souvent accidentels, des oiseaux, par exemple, se sont petit à petit habitués aussi bien à de nouveaux aliments qu'à de nouveaux climats; mais, ces cas étant soumis à des conditions qui disparaissent plus ou moins devant la petitesse de noire champ d'étude, et les animaux qui en ont été affectés ayant tiié quelquefois de ces nouvelles influences extérieures de nouveaux caractères, je m'en tiendrai ici aux cas généraux, à notre état actuel de choses, et, laissant de côté les variétés et leurs causes, j'é- viterai de me lancer dans des discussions qui m'entraîne- DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 41 raient trop loin de mon sujet. En un mot, tout doit con- courir à un but unique, et de la plus haute importance pour les oiseau.x, à la distribution à différentes époques, sur divers points et à différentes élévations, d'une nourri- ture, soit végétale soit animale, appropriée à l'espèce. Enfin, à ces conditions indispensables viennent s'ajouter encore certaines exigences d'habitat que l'on pourrait appe- ler presque de convenance, et qui semblent dépendre sou- vent même des goûts de l'animal, quand ce n'est pas de ses besoins. C'est ainsi que nous pourrons voir plus loin comment telle de ces exigences l'emporte quelquefois sur l'une des condi- tions premières; comment, par exemple, telle espèce atti- rée par ses appétits et ses goûts bravera volontiers tel climat trop extrême en apparence. Connaissant les principales causes des grands passages qui s'effectuent annuellement dans la direction d'un pôle à l'autre, ne pourrons-nous pas nous expliquer tout aussi faci- lement et par les mêmes raisons, les migrations analogues qu'exécutent dans notre pays certains oiseaux auxquels les sommités de nos Alpes tiennent lieu de nord, tandis que nos vallées leur servent de midi? Ne verrons-nous pas, avec ce rapport de conditions, un rapport probable dans la distri- bution des espèces sur un plan horizontal très-étendu et un plan vertical plus restreint, et ne devrons-nous pas chercher à reconnaître jusqu'à quel point cette comparaison intéres- sante peut être exacte jusque dans ses détails ? Mais nous n'avons à nous occuper que d'oiseaux, que de becs-tins même et à les étudier dans la Suisse seulement. 4--i VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE Les Sylvia, considérés comme un genre et divisés en sec- tions, ou, plus naturellement, répartis dans une grande fa- mille, forment, sans contredit, l'un des groupes les mieux représentés en Suisse, mais, en même temps, l'un des moins bien connus. Sachant que la généralité des becs-fins habite plutôt en Europe les zones méridionales et tempérées, nous ne nous étonnerons pas à la remarque que c'est parmi les espèces qui s'étendent le plus vers le nord que nous retrouvons soit nos deux sédentaires, soit aussi presque toutes celles qui s'élèvent le plus haut dans nos Alpes ; mais nous ne nous expliquerons pas toujours aussi promptemenl, sans en ap- peler au sol même, pourquoi une espèce s'élève si haut dans une localité pour rester si bas dans une autre. Voici, en passant, un exemple, pris hors des becs-fins, il est vrai, mais bien frappant cependant, de l'influence du sol et de la nourriture opposée à celle de l'élévation : L'on ne rencontre pas un seul moineau (Fringilla domes- tica), cet hôte si connu de la demeure de l'homme, dans la vallée d'Urseren et ses villages, tandis que l'on en voit, par contre, bon nombre, environ 400 mètres plus haut, dans la Haute-Engadine. L'on ne s'expliquerait pas aisément cette anomalie apparente, si l'on ne remarquait que c'est seule- ment depuis que les Engadinois ont réussi à faire pousser un peu de blé dans leur belle vallée que le dit oiseau y est arrivé et s'y est établi, se refusant opiniâtrement à honorer de sa présence les braves habitants d'Andermalt, chez les- quels certaines conditions dépendant de la position et du terrain ont empêché jusqu'ici la culture du froment. * DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 4-3 Entrons maintennnt dans l'étude même de ces oiseaux dans notre pays, et suivons-les à des hauteurs et dans des localités différentes. J'ai choisi comme points d'étude et comme degrés successifs quatre vallées bien connues. J'aurais dû, semble-l-il, choisir plutôt telle longue vallée où j'eusse pu, lestant dans le même bassin et montant gra- duellement, voir diminuer petit à petit les espèces avec l'accroissement de l'élévation ; il eût été amusant de faire ainsi une promenade ornilhologique en Valais, par exemple ; mais, outre que je n'aurais pas pu trouver une seule vallée qui présentât des conditions d'existence et des niveaux as- sez différents pour accuser des répartitions un peu tran- chées, je n'aurais pas pu non plus, sans sortir de Suisse, trouver le bas de réchelle unique qui pouvait me permettre de poiirsuivie la grande végétation jusqu'au-dessus même de 2000 mètres. Forcé, pour m'élever assez haut, de con- tinuer mes recherches sur les flancs de la montagne, je n'aurais pas profité de l'heureuse influence des vallées sur la distribution verticale; je n'aurais pas retrouvé à 2000 mètres telle espèce que j'avais vue s'arrêter ailleurs déjà entre 900 et 1200 mètres. Il est assez intéressant de voir combien les vallées élevées facilitent l'extension en hauteur dans nos Alpes, la tempé- lature, la végétation, la présence siîre des eaux, certaines conditions même amenées par l'homme, offrant à l'oiseau un séjour' plus facile ; nous voyons, en effet, presque tou- jours, en arrivant dans un bassin, même supérieur, la popu- lation volatile augmenter tout à coup et comme par enchan- 44 VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE tement'. Je vais donc me borner à rechercher les espèces de becs-fins que possèdent quatre vallées différemment si- tuées, sans négliger cependant de citer, çà et là, les cas où une espèce qui semble manquer dans l'une des vallées choi- sies se retrouve pourtant ailleurs, à un niveau analogue, dans quelque autre partie du pays qui semble mieux lui convenir. Je prends comme point inférieur le bassin du Léman et la première partie du Valais, sur un niveau variant de 375 à 500 mètres au-dessus de la mer. Ensuite je compare les observations faites dans ces localités avec celles faites dans une vallée qui, un peu plus élevée et resserrée, est déjà, quoique basse encore, plus soumise à l'influence alpine ; c'est la vallée du Hasli, dans l'Oberland bernois, sur un ni- veau moyen entre 600 et 700 mètres. Après cela, remon- tant la Reuss, je viens étudier la petite vallée d'Urseren au pied du St-Golhard, à environ 1450 à 1500 mètres d'élé- vation. Enfin, je passe dans notre vallée supérieure, la Haute-Engadine, où j'arrive à une hauteur de 1800 à 2000 mètres. Remarquons cependant encore que bien des considéra- tions diverses devront nous occuper chemin faisant ; il ne nous suffira pas de reconnaître une espèce dans une loca- ' Quand l'on connaîtra mieux de quelle manière s'effectuent les passages des becs-fins, et la distribution très-exacte de ces oiseaux dans les différentes parties de notre pays, l'on pourra peut-être attri- buer une importante influence dans leur répartition, non-seulement à la position des versants alpins, mais encore à la direction de l'ou- verture des vallées. DES SYLYIADÉES EN SUISSE. 45 lité pour pouvoir préjuger que cette dernière lui convient ; il nous faudra, bien au contraire, rechercher toujours, pour chaque espèce, si elle est sédentaire dans la vallée, si elle y niche, si, n'y 'étant ni sédentaire ni nicheuse, elle n'y est par conséquent plus que de passage, si enfin les individus qui la représentent sont rares ou abondants. Ce n'est que par ce moyen, et par la comparaison de tableaux successifs que nous arriverons à comprendre jusqu'à quel point cer- taines conditions peuvent s'accorder avec la constitution et les goûts d'un oiseau. Ce n'est qu'en voyant, avec l'éléva- tion toujours croissante, la diminution graduelle soit des genres, soit surtout des espèces, et en comprenant l'ordre de ces disparitions successives, que nous verrons l'influence évidente de la végétation, et que nous comprendrons un rapport intime entre ces différents modes de décroissement avec la hauteur et les différentes répartitions des espèces suivant leurs habitats préférés. Nous comprendrons, qu'après que le climat moyen nous a donné les espèces auxquelles notre pays pouvait convenir, c'est la végétation, modifiée par la température locale et les causes inhérentes au sol, qui seule a pu régler ensuite la distribution verticale de ces mêmes espèces. Mais pour éviter maintenant des longueurs et des répé- titions, j'emploierai ici, dans la construction de mes tableaux, quelques signes et chiffres auxquels je donnerai les signifi- cations particulières suivantes: Un point indiquera la présence d'une espèce dans une localité ; un chiffre placé à côté, entre parenthèses, indiquera l'abondance plus ou moins grande des individus ;(1) signifiant 46 VICTOR FATIO. - DISTRIBUTION VERTICALE présence accidentelle, et (5) signifiant liés-commun ; une n indiqueia le fait de la nichée d'une espèce, et des chiffres en- core indiqueiont l'abondance comparée des individus ni- chant ; une s signifiera sédentaire, et le chiffre inscrit à côté le plus ou moins d'individus passant l'hiver. Enfln la lettre seule indiquerait un fait sans rien stipuler sur sa fré- quence. Je trouverai, je l'espère, dans celte méthode une plus prompte et plus nette exposition des faits. Enfin, je me servirai, dans ce petit champ d'étude, d'une classification que j'expliquerai et motiverai ailleuis, mais qui, basée sur les parties inipoitantes de l'oiseau, son genre de vie et son oologie, me semble plus naturelle que bien d'autres. I Le Léman. Notre vallée, soit, pour le moment, notre niveau inférieur et notre midi, largement ouverte quoique entourée de mon- tagnes de diverses natures, munie d'un beau lac, abondam- ment pourvue de rivières et de marais, couverte de riches campaghes et de bois de tout genre, tout cela avec un climat tempéré, présentant, en un mot, aux oiseaux des conditions d'existence aussi favorables que diverses, ne nous étonnons pas d'y rencontrer, quoique à des degrés d'abondance très- vaiiables, tous les becs-fins de la Suisse entière. Nous y comptons, en effet, 24- sylviadés classés et répartis comme suit, dans tiois groupes et cinq genres différents '. ' .To l.'iisse à dessein de C(jté les Rnitclrts t^i Us Troglodytes qui, m'entraiiKint dans de nouveaux groupes, me forceraient à franchir DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 47 Voici donc sur le tableau suivant les observations dont nous avons besoin : la colonne du centre énuinèie les es- pèces, à gauche sont les divisions naturelles de la famille, à droite sont les séries de signes qui doivent servir à nous indiquer comment nous devons considérer chacune de ces espèces, et jusqu'à quel point nous la possédons. {Suit le tableau K) les limites que je me suis imposées .J;iiis ce pelit travail ; je me bor- nerai à dire que ces oiseaux passent les hivers chez nous, et s'élèvent assez haut dans nos Alpes. * Je ferai remar(|uor qu'un même nombre sur les lignes de pré- sence et de nichée, ne veut pas signilit'r(jue tous les individus arri- vés soient restés pour nicher ; mais bien, avec (5) par exemple, qu'arrivés en grande abondance, il oui, cumparalivement, niché en grand nombre aussi. — Les chitlVes inscrits sur les tableaux sont le résultat d'observations faites pendant plusieurs années dans la val- lée entière, et, comme moyeruies, ils pourraient être parfois inexacts pour telle localité spéciale ou telle année particulière. — Si je ré- pète continuellement le signe, soille point ou la lettre, devant cha- que chitTre, lors même que j'ai ici des têtes de colonnes, c'est que je considèie ces signes et chiffres combinés comme composant en- semble des mots différents capables d'être employés sans têtes de colonnes. SYLVIADÉES. 02cnwib.'-'>(^ >w coiF^ ^tots n:/02 luo^tâic- ^- zn u^ ib. it^ a. » s: :§ ir> es m «j o ■>» C/J a. •^ Ci Cs •^ C^ o a- cri 2 > Z a. -3 «,, t« Cto. s k •^ S' a DES SYLYIADÉES EN SUISSE. 49 Nous avons donc 6 Fauvettes, 4- Pouillots, 2 Hyppo- LAis, 6 Rousserolles et 6 Rubiettes ; en tout 24 espèces sur lesquelles nous n'en avons que deux vraiment séden- taires, ou passant toute l'année dans notre vallée. Ce sont les Pliyllopnevste Trochilus et RuticiUa Rubccula qui, ne craignant pas le climat de pays bien plus septentrionaux que le nôtre, ne nous abandonnent pas non plus à l'ap- proche de l'hiver ; on les rencontre çà et là dans la cam- pagne, parcourant tout transis des buissons couverts de neige, à la recherche d'une pauvre nourriture qu'ils ne se procurent même qu'à grand'peine. Toutes les espèces de notre catalogue se montrent régu- lièrement chez nous chaque année, à l'exception'seulement des Sylvia Conspicillata etRiiticiUa Philomela; la première, trop méridionale pour nous, n'a, en effet, été tuée à ma connaissance qu'une seule fois en Suisse, et cela il y a une trentaine d'années, aux environs de Genève ; la seconde, plu- tôt orientale, fait de temps à autre des apparitions, tantôt dans le Valais et tantôt dans les Grisons ou le Tessin '. Sur 2.S nicheuses que possède la Suisse entière, notre vallée seule en compte 21 plus ou moins régulièies et abon- dantes ; les deux qui nous manquent sont les RtUicilla Phi- lomela et Cyanecula que M. de Sahs dit nicher quelquefois dans le canton des Grisons à des niveaux assez semblables au nôtre, mais dans des conditions répondant mieux, à ce qu'il paraît, aux exigences de ces espèces. L'abondance comparée de plusieurs espèces a changé de- ' .le crois que le Pliilomi'le ;iiira élé bien sumeiil n)(''Coniiu, ou confondu avec le Rossignol qui lui ressemble sous lanl de rapports. 7 50 VICTOR FÂTIO. — DISTRIBUTION VERTICALE puis quelques années, et la quantité dos nichées a varié pour diverses raisons: la démolition, par exemple, des fortifi- cations de Genève, qui peut paraître une considération pour le moins secondaire au point de vue des oiseaux, a cepen- dant beaucoup diminué dans nos environs le nombre des nichées, soit du Calamohcrpe Arioidiiiacea, soit du Ruti- cilUj, Tithys. L'on entendait autrefois partout dans les ro- seaux de nos fossés babiller les Efïarvates ; c'était plaisir, au printemps, d'écouter ces aimables chanteurs; plus de fossés, plus d'eau, plus de roseaux, plus d'oiseaux et plus de nids. Le Tithys, qui maintenant niche peu chez nous et ne se ren* contre presque nulle part entre le pied des montagnes et quelques vieilles cheminées de notre ville, habitait et ni- chait alors en grand nombre sur nos remparts; la destruc- tion de ces vieux murs l'a fait fuir, on a bouleversé ses péna- tes, il est retourné à la montagne, (^e gentil oiseau, toujours en deuil, préfèie à tout la vétusté et la placidité ; hors des rochers il n'habite guère volontiers que les ruines, les ma- sures et les chalets qui lui rappellent la vie solitaire des Alpes ; il n'aime pas les palais, la civilisation n'est pas son fort, et il déménage bien vite dès que la nature environnante ne peut plus s'harmoniser avec la douce mélancolie de son caractère. Ce n'est pas, dans ce cas, la température qui a déterminé la fuite de nos oiseaux, mais bien la privation de conditions d'habitat indispensables pour les premiers, et plutôt de con- venance pour les seconds. 0' est non-seulement parce qu'elle y trouve une nourriture préférée, mais encore parce qu'elle y rencontre ce qui lui convient tout spécialement pour sa DES SYLVIADÉES EN SUISSE. V 51 nichée qu'une espèce habitera telle localité plus volontiers que telle autre. La recherche des conditions favorables à la nichée est un grand but dans la vie de chaque oiseau ; et c'est bien natu- rellement que nous verrons la nidilication devenir un ira- portant agent de la répartition des espèces, à certaines époques, sur divers points et à diverses hauteurs. J'en ferai même, pour ma part, une des principales causes, aussi bien des passages sur un pla| horizontal que des migrations sur un plan vertical. S'il est vrai, en effet, que l'on doive consi- dérer comme la patrie d'une espèce les localités où elle niche en plus grand nombre et avec le plus de succès, il est bien évident aussi, que, quels qu'aient été ses quartiers d'hiver, ou la direction de ses passages, c'est bien la recherche des conditions nécessaires à la réussite de la nichée qui sera pour chaque individu, pour ainsi dire, le vérital)!e mobile de pro- jection ; c'est celte nécessité qui, plus encore que la ciainte d'un excès de température pour son corps à lui, le détermine à partir, c'est elle qui le soutient en route et l'empêche de s'arrêter longtemps dans des localités supportables déjà, et même favorables pour l'adulte ; c'est elle enfin qui le ramène chaque année dans les mêmes parages. Mais la nichée, un des buts du retour à la patrie, n'explique plus d'une ma- nière aussi directe son abandon ou le départ aulumnal; les différents effets d'une température qui s'abaisse agissent sur l'oiseau, et il part de crainte de ne pouvoir résister, non pas tant à la température elle-même, qu'au manque de nourri- ture dont celle-ci vient le priver; il fuit pour chercher ail- leurs (Je nouvelles conditions favorables à sa conservation 52 VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE personnelle, jusqu'au moment où il pourra revenir travail- ler à la conservation de son espèce. Il semble presque loisible de supposer que si chaque es- pèce ne devait pas forcément rechercher, à de certains mo- ments, des conditions différentes indispensables à sa repro- duction, on pourrait voir s'établir à la fois dans un seul pays, ou un seul climat, les représentants de bien des régions éloi- gnées ; nous aurions même, peut-être, sur une seule ligne isotherme un mélange confus d'espèces amenées ensemble par ces transports annuels, si, outre une température favo- rable, les oiseaux ne réclamaient aussi, du terrain un habitai et de la végétation une nourriture convenables. Ne voyons-nous pas chaque année dans nos migrations in- térieures beaucoup d'espèces changer complètement la place et le niveau de leur habitat, les unes montant, les autres descendant; toutes à la recherche non-seulement d'un asile nouveau, mais encore d'une nourriture et d'une température nouvelles et plus convenables à leurs familles. Ne serons- nous pas, enfin, frappés de l'identité qui se manifeste dans les causes du mouvement suivant les deux directions, comme dans les raisons des migrations et des passages; et ne com- prendrons-nous pas, en même temps, l'intéressant parallèle qu'on peut en déduire entre les sommités de nos Alpes et les pôles, relativement à ces divers déplacements et à leurs buts. Mais revenons à nos becs-fins, et remarquons, première- ment, que les uns ont un habitat horizontal plus étendu, c'est-à-dire supportent sur un même plan plus de climats différents, et que les autres ont un habitat plus restreint ; secondement, que, parmi ces premiers, les uns peuvent s'é- DES SYLYIADÉES EN SUISSE. 53 tendre plus au nord et les autres plus au midi ; troisième- ment, que notre pays, qui ne possède pas de milieu assez chaud pour représenter un midi bien avancé, est, par contre, tout à fait propre à nous représenter par des élévations suc- cessives des climats de plus en plus seplenti ionaux ; qua- trièmement, que ce sera parmi les espèces à habitat le plus étendu que nous trouverons la plupart des nôtres, et natu- rellement aussi parmi celles dont l'extension est plus spé- cialement septentrionale, celles qui s'élèvent le plus haut ; cinquièmement, enfin, que s'il est de l'ordre naturel que les eaux gagnent le bas, que la végétation soit en dessus, et que le sol seul demeure en haut , des groupes établis sur l'ha- bitat devront naturellement être répartis suivant celte loi, et les genres et les espèces qu'ils contiennent distribués, ensuite, d'après leurs goûts divers et leurs diverses exten- sions planes correspondant à ces régions. C'est parce que les HUMICOLES exigent peu de la végéta- tion et qu'ils sont plus spécialement attachés au sol, parce qu'ils ont un habitat très-étendu et que beaucoup sont vraiment septentrionaux, que nous verrons quelques-unes de leurs espèces braver, en grand nombre, les unes la froi- dure des sommités de nos Alpes, les autres les frimas de nos hivers. C'est parce que les SYLVAINS, habitant les différents de- grés de la végétation, contiennent des genres plus ou moins répandus et des espèces plus ou moins frileuses, qu'ils pré- sentent aussi des répartitions très-diverses. Les Fauvettes, si abondantes dans le midi, s'élèvent, en général, peu et en petit nombre dans nos montagnes; les quelques espèces 54 VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE même, qui semblent apporter une exception à la règle gé- nérale, la confirment bien au contraire ; c'est parce qu'ils s'étendent tout particulièrement vers le nord, que les Sylvia Alricapilla et Cinerea s'élèvent aussi assez haut dans notre pays. Les PouiLLOTS, plus répandus, sont diversement répartis suivant qu'ils préfèrent les forêts, les bois ou les buissons ; beaucoup ne dépassent pas la limite des arbres variés ' ; et c'est parce qu'il s'avance plus au nord que certains de ses congénères, que \ePh. Trochilus, non-seulement s'é- lève plus haut que quelques-uns d'entre eux, mais encore passe l'hiver chez nous. Le genre Hyppolais, plus spécial aux climats tempérés, appartient comme de droit à nos vallées; et c'est parce que ses représentants aiment avant tout les bocages et les ave- nues, qu'ils ne peuvent s'étabhr ni partout ni bien haut. C'est enfin parce que les eaux courantes seules peuvent résister aux froids de nos montagnes et du nord, que nous trouvons chez les ARUNDINAGÉENS des répartitions varia- bles dans l'altitude et la latitude , suivant que les espèces sont plutôt marécageuses ou liveraines ; tantôt nous ver- rons la Calamodijla aquatka, plus spéciale au midi, rester exclusivement dans nos vallées basses ; tantôt oous rencon- trerons, çà et là, des Calamoherpe - au bord des rivièi'es de quelques-unes de nos vallées élevées. ' Le PhyUop7inustf>Natteri;rl, i[ui ne s'éleml [)as loin vers le nord, s'élève cepend.inl très liaiil dans nos Alpes, attiré, semble-t-il, par l'abondante nourritnre (|u'il ironve dans nos forêts de conifères. ® Observons en passant (jue le Calamoherpe Turdoïdes , que nous ne trouvons nn peu régulièrement près de nous qu'en Valais, DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 55 II Le Hasli. Passons maintenant dans notre seconde vallée, celle du Hasli, et voyons ce que de petites diflerences de conditions ont pu déjà amener de changements. Nous voilà à l'extrémité du lac de Brienz et dans une riante vallée; encore des prairies abondamment arrosées par l'Aar, encore des forêts, des vergers, des villages, des jar- dins; mais les montagnes sont plus proches, et, quoique nous ne soyons, comme je l'ai dit, que très-peu plus haut, et retrouvions beaucoup des mêmes conditions qu'à Genève et en Valais, les chaînes élevées qui nous serrent de près font déjà sentir leur influence, pour ainsi dire alpestre ; en même temps qu'elles offrent de nouveaux habitats, elles modifient, par l'abaissement de la température qu'elles oc- casionnent souvent, soit un peu le climat, soit un peu les conditions de nourriture. Ici nous trouvons 49 espèces certaines auxquelles, comme nous le verrons plus loin, on pourrait peut-être en ajouter 3 autres. Voici sur le tableau de la vallée les espèces présentes, leur rareté et leurs nichées. esl cependant assez abondant dans plusieurs autres parties de la Suisse. SYLVIADÉES. 1^ ►« r: W r- 2 -73 : = cz a 5 o" - c c -: - 5 2.^ Oii^tO*^— t-i tOW tUfcÛ W bSCOCCCO (Ol^^COCO a D =3 ai it>. *» •— '^'bo "S? 'tïî^ ta ^ Oi w "ï— ' )t» o; Ml Q Ci Ci ce o C/3 a Ç5- 1 Je ne dois pas oublier de signaler ici que je suis redevable à M. Kaisermann de quelques observations particulières qu'il a bien voulu me communiquer. DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 57 Nous avons donc, sur 19, seize espèces nicheuses, et plus qu'une sédenlaire; mais ciierchons dans le détail de notre tableau les quelques explications que peut nécessiter le laconisme des signes. Les Fauvettes ont perdu déjà deux de leurs représen- lanls ; toutes ont diminué d'abondance et c'est toujours le S. Cinerea, le moins fiileux et le plus aventurier, qui est aussi le plus commun. Après le S. Conspicillala, c'est VOrphea qui nous manque, et je m'étonne de ne pas le voir faire, comme le Ciirmca, de temps à autre des apparitions dans le Ilasli, puisqu'il se montre souvent à son passage ailleurs dans des localités plus élevées; au reste, il arrive bien souvent que deux vallées en apparence dans des situations semblables ne possèdent pas exactement la même faune, à cause des différentes con- ditions d'existence qu'elles présentent. Chez les Pouillots, nous voyons que le Trodtilus n'est plus sédentaire, et que le Nallereri qui était rare est arrivé au même degré d'abondance que lui ; il nous suffirait même de monter quelques pas dans les forêts qui encadrent la vallée pour trouver ce dernier partout le plus commun. Encore des IIyppolais; ces oiseaux nichent tant qu'ils trouvent des bosquets; le Polyglolta paraît seul, mais il est bien possible que VIcterina s'y montre aussi parfois, car, outre que celte dernière espèce se trouve ailleurs dans des condilions analogues, il peut arriver aussi que les chasseurs de la localité l'oient toujours confondue avec la première. Dans les Rousserolle^ deux espèces ne sont plus que de passage, cl l'Arundinacca est seule assez abondante. 11 8 58 VICTOR FATIO. — DISTRIBUTION VERTICALE se pourrait que le C. Palushis se montiâl quelquefois dans les enviions tie Brienz où quelques endroits semblent devoir lui convenir. Je citerai, en passant, que cette intéressante espèce (le C. Palustris) hahite etnichi» en abondance, envi- ron 400 mètres plus haut, dans toutes les chenevières du val d'Etinen Valais'. Autour d'iléreraance, et surtout aux en- virons de Vex , l'on entend partout au printemps retentir ses chants joyeux et inimitables; c'est qu'il trouve là, avec un climat comparativement plus doux, des conditions meil- leures, soit d'habitat soit de nourriluie. En bas, dans la vallée du Rhône, il est lemplacé partout par son congénère y Arundinacca dont les chants, quoique très-variés aussi, sont loin d'atteindre à une perfection aussi complclo. Pour les HuBiETTEs enfin, l'ordre des raretés a bien changé; \)\\\s i\& Philomeln, \e Liiscinia est devenu très- raie, le Cyanecul.a n'est toujours que de passage; le Phœ- nicurns diminue pour faire place déjà au Tilhys qui se re- trouve dans son élément; on voit ce dernier perché sur chaque rocher, chaque vieux chalet en compte un ou deux nids; passionné pour la montagne, il habite aussi bien à ses pieds que sur ses épaulements supérieurs. Le Rubecula en- fin, quoique un peu moins abondant, demeure encore et 1 este seul pendant l'hiver. m IJrseren. Montons encore davantage et, après avoir passé le trou d'Uri, entrons dans la vallée d'Urseren ; sa pauvreté en arbres ^ Je n'di u-uuvé mille pari en Suisse le Calamoherpe Palustris aussi abondant que dans le val d'Erin. DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 59 nous frappe loiit d'abnrd, car une seule petite forêt de sa- pins et quelques arbrisseaux s'élèvent encore à gauche sur le flanc de la montagne, et préservent en partie des avalanches le village d'Andermalt. Le climat sévère et la nature ainsi que la position peu favorable du sol ne permettent pas une culture bien riche; les prés seuls arrosés par la Reuss. et très-humides par place, présentent à l'œfl une belle verdure et une herbe haute et bien fournie. Des saules et surtout des aulnes blancs bordent en quelques endroits la rivière et disputent aux pauvres arbres de la forêt le bonheur d'abri- ter une partie des becs-fins qui vont nous occuper'. C'est un fait assez heureux que la vallée d'Urseren soit justement sur une des lignes de passage que suivent beau- coup des oiseaux qui traversent notre pays; la liste des es- pèces qui ont été observées passant le St-Golhard, dans un sens ou dans lautre, est réellement intéressante -, On s'étonne de voir dans la collection et sur les i- ;l;ilo- gues de M. Nager une riciiesse comparativement très- grande; mais il f.jnt observer, cependant, que la plupart de ces oiseaux ne sont que de passage, et que c'est la position seule de cette vallée qui lui fait voir, à sa hauteur, tant d'es- pèces différentes. Nous trouvons encore 18 espèces, mais quelques-unes ne sont plus que de passage exceptionnel, d'autres de passage presquedirect, soitnes'arrêtantquelrès-peu, etd'autres enfin nicheuses, ne sont représentées que par très-peu d'individus. ' .Te saisis l'occasion d-' remercier M. Nager pour l'obligeance avec laquelle il m'a communiqué ses propres observalions. 2 Je me propose de présenter bieniôt un parallèle des passages étudiés sur quelques cols élevés de notre pays. 1 0='' SYLVIADÉES. | 1 -— ^- _^ ,^^ __^,^ ?r c -i •< 0 3, a < fis 5' c. 3 c o^ 5' tn ■0 êô" fi: IX en g. B 05 ^^ : en ^"**^-'^' --^^"^ as a "3 'Ji 5. 3 •0 'l. r a' o o_ ô" e' C5 0 ÏÂ' ■g- ? 1 ^ 3 r- n p '. CB 0 \ Ci c F ■a 0 ■■ ^"*— ^-^-«^ i —•^ — •~..^^~ ^"""^ ~^- — H,:^ ~-3=~ Sî 3 >-H -3 s3H:z pni-2:o u 0 El,c- £ = ^= — ^8 ï rs a; c ^ < 03 03 ^ 2! q3_ ; \\ S 2112 — " • S = ^ S' 5^ E C- 0 C- i 0 • — ~ "^ 0: c ! t'- "■ ■ • rr "' ' • en • . S' 0 t/-. eu . 05 en I "3 3 ^ "^ iî'fC^'i^ Tu 1^ fO — S totâco toUwroto .^ 9 3 S 3 3 3 3 3 3 3 3 3 ô| ^^_^_ ^ •>5 , .-^s = ic>. «0 0; 3SS ? '^'5^ 2 S. ? Ci o 2! q d M PI SYLVIADÉES EN SUISSE. 61 Nous pouvons voir au premier coup d'œil sur ce tableau que les espèces même les plus abondantes pour la vallée sont peu communes, ce qui provient probablement autant du manque d'arbres que de l'abaissement de la température. Sur 18 espèces, nous avons encore 12 nicheuses plus ou moins régulières et abondantes; mais nous n'en avons plus une seule de sédentaire, le R. Rubemla même préfère aller prendre un peu plus bas ses quartiers d'hiver. Sur 5 Fauvettes assez faiblement représentées, l'une n'est que de passage irrégniier, deux autres ne sont que ni- cheuses accidentelles, deux autres enfin, toujours les plus communes, comme les moins frileuses, VAtricapilla et le Cinerea, font seules entendre chaque année leurs chants joyeux, toujours les bienvenus à ces hauteurs. Plusque 3 Pouillots : le Sibilalrix ne passe-lil pns ;ivec les autres, ou bien a-t-il passé inaperçu jusqu'ici? Tous trois nichent plus ou moins régulièrement; mais c'est toujours le Nattereri qui a le dessus dans la montagne, et le Rufa le dessous. Encore un Hyppolais, le Polyglotta qui niche quelquefois sur les arbrisseaux dont nous avons parlé. Il est probable que Vfclerina passe aussi par là, mais peut-être a-t-il été méconnu', comme dans le Hasli. Sur A RoussEt\OLLES, pas une nicheuse bien certaine ou bien régulière. J'ai vu chez M. Nager des œufs de VArun- dinacea qui avaient été pris dans les endroits humides delà vallée; celle espèce nicherait-elle régulièrement et volon- ' M. Nngpr cilo VIcterinn dnns l'Urseren, mais ce qu'il m'a en- voyé jusqu'ici pour celle osi)t'Cfc, s'est loujours trouvé le PolygloUa. 62 VICTOR FATIO. — DISTRIRUTIO.N VERTICALE tiers dans ces localités, on bien, serait-elle, comme cela se présente paifois, de temps àaulic airctée dans son passage par quelque obstacle intérieur ou extérieur? I.e C. Plirag- wh7/5, uniquement attaché aux marais, ne s'arrête guère dans l'Urseren. Les C. Tvrdoides et L. Nœvia, enfin, plus rive- rains que les autres, semblent moins étonnants à retrouver ici; je ne puis affirmer qu'ils y nichent, car je sais que M. Nager les a rarement rencontrés, mais j'ai pourtant tué le premier au bord de la Reuss près d'Andeimalt, au commen- cement de juin 1861, et entendu chanter le second, avec beaucoup d'animation, dans des prés touffus, non loin de la rivière, vers la fin de mai 1862. Notre vallée n'est plus d'un niveau assez bon pour pré- senter des conditions bien favorables aux ARUNDINACÉENS ; les SYLVAINS qui préfèrent les arbres aux roseaux n'en trouvent déjà que peu ; et il faut bien ne s'attacher guère qu'au sol, pour pouvoir se trouver confortablement dans des localités aussi maltraitées; c'est à cause de leur peu d'exi- gence que les IIUMICOLES se montrent encore en bon nom- bre, et que sur 5 Ruriettes nous avons aussi les nicheuses les plus abondantes; le Luscinia n'est, il est vrai, plus qu'accidentel, etle Cyaneciiln de passageseulement; mais le Rabecula el le Phœnicurus, tout en diminuant, nichent en- core régulièrement; le TilJnjsMl entendre partout ses har- monieuses petites redites. Notre catalogue a passablement changé, et l'on commence déjà à voir, pour ainsi dire, se dessineriez caractères; beau- coup d'espèces s'arrêtent à peine après ou avant le passage du Gotthard, car il faut une assez robuste constitution pour DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 63 résister aux froids qui aiiivenl quelquefois tout à coup avec un jour de mauvais temps ; les années dififérenl beaucoup et avec elles l'occupation des volatiles dans la vallée; nous n'y rencontrerions peut-être parfois presque pas un seul bec-fin, si nous n'étions, comme je l'ai dit déjà, en plein sur une ligne de passage. IV Haute- Engadine. Arrivons enfin à notre niveau le plus élevé, dans la Ilaute- Engadine, près de ses beaux lacs que dominent les neiges et les glaciers. Malgré la beauté de la végétation de cette vallée, compa- rée à celle de la précédente, la faune a bien diminué; nous nous sentons évidemment dans des légions supérieures. De tout côté nous voyons de superbes forêts de mélèzes et d'aroles ; nous sommes au point culminant de la grande végétation en Suisse et en Europe. Ici, plus que 8 espèces, 4- nicheuses et plus de séden- taires, en tout deux genres seulement.' ^ Je dois à M . J. Sarraz des rpmerciements pour les notes qu'il a bien voulu me communiquer au sujet de ses observations sur les oiseaux en Engadine. SYLVIADÉES. H-cnsjr- H2V3 .~G en ~ 0 — ■ H" -^ " = ?r " S"? . en ■"• X (/: : ! • ; . : . . . S -îi. »« 05 — 0: lU. (^ 3 3 S D ^_^ _ ,_, 1:^ m; «S <>. Ci o ::2 O M r' > C -^ o DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 65 Nous voici dans une vallée si élevée qu'elle correspond à une lalilude nord très-avancée ; la température moyenne est Irès-basse, et il ne reste presque plus en fait d'arbres que de nombieux conifères ; nous comprenons d'avance l'absence des Fauvettes dans de pareilles localités ; mais je ne serais pas très-étonné cependant si l'on rencontrait une fois au moment du passage le Syl. Atricapilla ou le Cinerea. Encore 3 Pouillots, le Sibilalrix n'est plus que de pas- sage très-rare ; le Trochilus passe plus régulièrement, mais ne niche pas ; le Nattereri seul fait entendre partout dans les forêts ses petits pi liui hui hui ou liui hui hui hui, que le mâle répète sans cesse au printemps en agitant les ailes ; constamment en mouvement, et se rappelant de temps à autre par un ilmi bien accentué, le mâle et la femelle par- courent en tout sens, à la recherche des insectes, tous les arbres et toutes les branches. On s'étonne de ne pas re- trouver dans le nord ce gentil petit pouillol qui vient habiter et nicher en grand nombre jusqu'aux limites des neiges éter- nelles ; décidément l'abondance de la nourriture et le mou- vement continuel qu'il se donne lui tiennent lieu de manteau, et la gourmandise et l'amour de la forêt le font passer par- dessus des conditions que la frêle nature de ses congénères aurait pu faire craindre pour lui. Plus de bosquets, plus d'IhppoLAis ; naturellement plus de marais, plus aussi de Rousserolles. Enfin 5 Rubiettes encore; le B. Lnscinia a été, à ma connaissance, vu deux ou trois fois seulement, au moment 9 66 VICTOR FATIO. - DISTRIBUTION VERTICALE du passage ; l'une des fois il fui trouvé mort, au printemps, sur la neige. Le CyaneaUa passe encore assez souvent, mais en bien petit nombre ; le Rubecula niche encore à ces hauteurs , le Phomicurusesi rare, mais niche encore çà et là dans les villages seulement, et je suis persuadé que, sans les habita- tions de l'homme, il ne s'arrêterait plus dans la vallée. Le Tithys, le dernier, est commun et niche partout ; il s'élève encore bien plus haut sur les flancs de la montagne ; c'est bien lui qui tient le haut de l'échelle avec ses congénères. Petit à pétilles espèces, les genres el les groupes mêmes nous ont successivement abandonnés, avec les changements de conditions ; mais nous n'avons pas besoin d'aller bien loin pour retrouver beaucoup de ces oiseaux, traversons seulement en quelques instants le passage de la Beinina, mettons derrière nous la chaîne des Alpes et, descendant vers le midi contre Poschiavo et Brusio, recherchons nos différents niveaux et nos différentes conditions d'habitat. Chaque genre va retrouver successivement des représen- tants, et, par le moyen d'une seule course\ nous nous trou- verons, d'abord au milieu des Sytvia Atricapilla et Cinerea, puis des Hortensis et Curruca, puis près des nichées de VOrphea; bientôt nous écoulerons les mélodies du Ros- signol (Luscinia) ; nous entendrons babiller les Hyppolais ' Je 11.11 pas choisi celle vallée pour poinl uiii(jiie de mes re- cherches, parce que, outre qu'elle no coiilieni pas toutes nos espèces, elle a le désavantage, non-seulemeni d'avoir son niveau inférieur hors de Suisse, mais encore de se trouver du coté des Alpes opposé à celui ou esl la presque lolalité de noire pays. DES SYLVIADÉES EN SUISSE. 67 el siffler partout les Pouillots ; plus bas enfin, nous re- trouverons les RoussEROLLES dans les roseaux de la Valte- line. Nous avons terminé ici cette élude comparative. Nous avons dressé l'échelle au bas de laquelle nous avions 24- es- pèces, et au sommet de laquelle le RuticiUa Tilhys seul nous a laissé en arriére. Nous avons pu voir combien, plus nous montions, plus aussi une petite différence de niveau suffisait pour amener de grands vides dans notre faune. Nous avons justifié, sur ce point encore, le parallèle intéressant supposé entre les sommités des Alpes et le pôle. Nous avons appuyé par des faits, et changé en réalités, plusieurs de nos hypothèses premières; et cependant nous n'avons qu'ébau- ché une étude générale qui deviendrait de plus en plus inté- ressante, à mesure qu'on pénétrerait davantage dans les détails. Quels sont en général, et surtout pour les familles qui renferment un plus grand nombre d'oiseaux sédentaires, les effets produits sur une même espèce ou un même type par la diversité des conditions de son existence ? — Quelle peut-être à cet égard l'influence de l'altitude, et est-elle con- forme en tout à celle de la latitude ? — Ce sont-là des ques- tions qui intéressent également la zoologie générale et l'or- • nithologie, et pour la solution desquelles notre pays offre des facilités toutes spéciales que nous devrions avoir à cœur d'utiliser. LETTRES DF. M. LÉON OLP-GALLIARD. 14 octobre 1864. Je viens de terminer la description que je vous avais promise d'un oiseau que je crois être un métis de la Perdix saxalil'is et de la P. pelrosa. L'exemplaire qui fait le sujet de cette description est une femelle, et a vécu quelque temps à notre parc de la Téte-d'or. M. Gérard, alors directeur de la ménagerie de l'établissement, possédait une douzaine de ces oiseaux qui se ressemblaient parfaitement, et c'est pré- cisément celte circonstance qui me fait douter un peu que j'aie affaire à un métis. Quant à la provenance, M. Gérard m'a indiqué seulement Nice, sans me donner plus de détails. Quoi qu'il en soit, en voici la description : Longueur lotale Bec à partir du front Bec jusqu'à la commissure Aile repliée , Tarse Queue Taille un peu supérieure à celle d'une perdix Gambra femelle que j'ai sous les yeux. O", 295. O", 018. 0", 022. 0™, 166. o™, 038. 0"", 092. 70 LETTRES DE M. LÉON OLP-GALLL\RD. Un des traits les plus caractéristiques de cet oiseau est son collier, qui rappelle celui des deux espèces précédem- ment citées. Ainsi le collier noir de la Bartavelle se fond en arrière avec une ligne d'un roussâtre sale qui l'accompagne à par- tir des plumes auriculaires ; cette ligne roussâtre descend en se rétrécissant de plus en plus, et offre par des teintes plus claires, situées au centre des plumes, l'indication des gouttes blanchâtres que l'on remarque sur le collier de la Garnira. Vers le bas, les deux lignes noires sç rejoignent et ne sont plus accompagnées par la ligne roussâtre qui a cessé d'exister. L'espace circonscrit par le collier noir est d'un blanc grisâtre et non pas bleuâtre comme chez la Gambra. Le noir du front de la Bartavelle est indiqué par un cen- dré foncé qui se fond peu à peu avec une teinte noirâtre sur le front. Un trait sourciller assez large, et d'un gris bleuâtre, descend de chaque côté de la nuque pour se perdre dans le cendré des parties latérales du cou, au mi- lieu de quelques taches noirâtres. Une bande d'un noirâtre plombé assez foncé occupe l'es- pace compris entre les deux traits sourciliers et recouvre le sommet de la tète. Le derrière du cou est loux, mnis d'une teinte moins foncée et moins pure que chez la Guntbra. Un plastron tirant au cendré bleuâtre, comme chez la Bartavelle, occupe la poitrine et descend beaucoup phis bas sur le sternum que celui de l'espèce africaine. Lignes des lianes noires, larges et longues et beaucoup moins largement terminées de roux que chez la Gambra. Roux du ventre plus pâle, ainsi que celui des sous-cau- LETTRES DE M. LÉON OLP-GÂLLIARD. 71 dales. Rectrices à peu près semblables à celles des deux espèces. Parties supéiieures du corps à teintes un peu cen- drées rappelant celles de la Bartavelle ; sur les ailes on re- marque des taches bleues comme chez la P. petrosa. 28 janvier 1865. Il existe encore une paire de ces oiseaux (métis des P. saxatilis et petrosa) au parc de la Tête-d'or, où ils ont pondu, mais les œufs n'ont pas éclos. J'étais malheureuse- ment absent de Lyon à cette époque; sans cela, je me serais empressé de préparer ces œufs et de les décrire. En considérant ces perdrix, je ne puis m' empêcher de penser à la Bochassière de Bouteille, et serais tenté de la faire déchoir du rang d'espèce pour ne plus voir en elle qu'un oiseau tenant à la fois de la Perdix rubra et de la Saxatilis. Car ces deux dernières espèces sont plus voisines l'une de Tautre que la Gambra ne l'est de la Bartavelle, qui ont produit ensemble. A plus forte raison devra-t-on être moins étonné de trouver des individus intermédiaires entre les perdrix Bouges et Bartavelles et les considérer comme métis de celles-ci. Si l'on objecte que les Bochassières de Bouteille diffèrent peu les unes des autres, je ferai observer que tous les hy- brides de Bartavelles et de Gambra du parc de Lyon sont dans le même cas. 72 LETTRES DE M. LÉOxN OLP-GALLIARD. Mais comment les a-t-on obtenus, c'est ce que je ne sau- rais dire. Tous les renseignements qui m'ont été fournis par M. Gérard, alors directeur de la volière, se bornent à ceux-ci, savoir qu'il les avait reçus de Nice. UNE COLONIE D'ARDEA CINEREA EN SUISSE PAR V. FATIO ( Lu à la Société dans sa séance du 3 octobre <864 ) II se passe souvent des phénomènes qui, quoique fort in- téressants, demeurent cependant longtemps ignot^és des na- turalistes. C'est quelquefois même par hasard qu'un ama- teur, en visitant une contrée, apprend tel fait que tous les gens de l'endroit connaissent si bien qu'ils n'y attachent plus aucune importance. C'est de cette manière inattendue que, vers la fm de mai de cette année (18G4), j'eus pour la pi^emière fois connais- sance de l'existence d'une assez forte colonie de Hérons cendrés, établie déjà depuis plusieurs années près de Lu- cerne. Je savais bien déjà que quelques paires vivaient çà et là, isolées dans notre pays ; je savais bien, aussi, que Schinz avait cité cette espèce comme nichant quelquefois dans des rochers près de la partie Uri du lac des Quatre Cantons ; 10 74 V. FATIO. — UNE COLONIE mais je ne soupçonnais pas que l'on pût trouver chez nous une de ces curieuses colonies que l'on rencontre d'ordi- naire en Bohême ou en Hongrie sur les bords du Danube, et que nous a, par exemple, si bien dépeintes Baldamus dans la Naumania} Mon premier désir fut naturellement, à cette nouvelle, d'aller rendre visite aux hérons ; et voici, en quelques mots, ce que mes observations, jointes à tout ce que j'ai pu enten- dre dans les environs, m'ont appris sur l'établissement de ces oiseaux dans ce canton ^. Il y a à peu près douze années que les Hérons cendrés sont établis dans le bas de la chaîne du Pilate, entre Stanzslad et Hergiswyl, dans une partie très-escarpée de la montagne, appelée Lopberg 'K C'est là qu'à 4 ou 500 pieds environ au dessus et au bord du lac de Lucerne, ils ont ûxé leurs de- meures sur des hêtres et des frênes qui poussent, tant bien que mal, dans les fentes des rochers d'une paroi pres- que verticale. D'assez loin déjà, l'on peut distinguer les nids contre la montagne comme de grandes taches blanches à demi mas- quées par les feuilles des arbres; on peut voir passer pres- que continuellement des individus isolés, arrivant de la pêche • Die Reihercolonien, von E. Baldamus, Naumania I, 2, 78. ^ Je remercie, en passant, M. Staufer pour la complaisance avec laquelle il a bien voulu me communiquer tout ce qu'il savait lui- même sur ces hérons et leur établissement. 3 L'on m'a assuré que les hérons avaient été auparavant établis sur une autre partie de la rive, mais que, dérangés, ils s'étaient dé- placés; M. le pasteur 0. Bourrit m'apprend que c'était au-dessus de la Chapelle de Tell. d'ardea cinerea en suisse. 75 ou s'y rendant ; mais tout ceci n'est rien, il faut encore gra- vir, au péril de ses jours, les degrés escarpés et prétendus même inaccessibles qui conduisent jusqu'aux arbres habités, pour se trouver au milieu de la colonie, et jouir, alors, d'un spectacle et d'un concert tout nouveaux. A peine l'un des hérons s'est-il aperçu de l'approche du visi- teur, que, d'un cri perçant, il a bientôt donné l'alarme ; les mâ- les s'élancent dans les airs avec des cris tous plus discordants les uns que les autres, les femelles tendent leurs longs cous, ou se dressent sur leurs nids. Est-on enfin arrivé, non sans peine, au-dessous des habitations mêmes, l'on n'a plus, sous les pieds, qu'une couche épaisse de fientes accumulées, et, au-dessus de la tête, que branchages et nids entremêlés; plus haut, dans les airs, une foule de grands oiseaux exécutent, en poussant les cris les plus affreux et en disposant leurs ailes souvent de la façon la plus étrange, des évolutions de tous genres. Lâche-t-on un toup de fusil, ce n'est plus que mouvement et que bruit assourdissant ; chacun fuit, des jeunes môme abandonnent pour la première fois le nid qui les a vus naître ; quelques femelles seules restent encore, comme consternées et clouées à la place sur leurs grandes pattes par une stupeur profonde. Du ciel, où les hérons effrayés se croisent en tout sens avec des Milans noirs et royaux (Milvius ater et regalis) dérangés comme eux dans leurs retraites, vous voyez de temps à autre plonger sur vous comme une flèche quelque parent qui, plein d'une juste colère, semble vouloir vous transpercer avec son bec ; mais se borne cependant à se 76 V. FATIO. — UNE COLONIE poser au sommet d'un hêlre, ou, le plus souvent encore, à se sauver avec de nouveaux cris. De très-loin vous vo3'ez et entendez accourir les absents qui, remplis d'inquiétude, viennent connaître la cause d'un pareil trouble dans la fa- mille ; suspendu enfin vous-même au-dessus d'un préci- pice, vous vous sentez presque troublé par ce tapage in- fernal. Si cependant, après s'être habitué petit à petit à cette bruyante réception, l'on peut jeter autour de soi des regards plus tranquilles, l'on pourra se rendre compte de la dispo- sition des nids, dont le nombre peut être évalué, malgré Tes difficultés du terrain, à environ 100 à 150, inégalement ré- partis sur un espace d'environ 200 pas de long et 100 pas de large. D'ordinaire placés sur les ramifications des plus fortes branches, ces nids faits de branchages et de racines, sont si négligemment construits, que l'on peut compter quelque- fois par-dessous le nombre des œufs ou des petits. L'on peut trouver, à la même époque, tantôt des œufs d'un gris bleu clair, au nombre de 3 à 5, tantôt deux ou trois petits couverts d'un duvet gris et ornés de grands poils sur la tête, tantôt encore des jeunes prêts à quitter le nid, tantôt enfin des nids vides, soit qu'ils aient été déjà aban- donnés l'année même par les petits, soit qu'ils soient sim- plement de vieilles masures hors de service. Il ne semble pas qu'aucun ordre ait présidé à l'établisse- ment des nids, car les uns sont isolés et assez écartés de droite ou de gauche, tandis que les autres se trouvent grou- pés quelquefois jusqu'à 4 ou 5 sur le même arbre. Les pre- d'ardeâ cinerea en suisse. 77 miers fondateurs de ce village ont bâli, sans doute, dans le seul but de se réunir ; et depuis lors, chaque année, leurs successeurs se sont contentés des restaurations les plus in- dispensables. • Après cette dangereuse ascension au repaire des hérons, et surtout après un retour plus périlleux encore, puisque, de quatre que nous partîmes, nous ne revînmes que trois '; je m'informai aussi exactement que possible auprès de M. Staufer, qui seul avait fait déjà heureusement à différentes époques cet intéressant voyage, des autres circonstances consliiunnl, aux environs de Lucerne, la vie de ces oiseaux durant l'année entière. J'appris alors que les hérons arrivaient en général à la montagne en mars et en avril; que les uns avaient déjà des œufs dans ce second mois, tandis que d'autres en avaient en- core en août ; qu'il y avait donc, dans certains cas, ou des doubles nichées, ou des secondes pontes occasionnées par le dérangement des premières, ou, peut-être encore, des nichées tardives d'individus venus de loin, et reçus comme tiôles à la colonie du Lopberg. On m'assura que chaque famille quittait l'une après l'au- tre la montagne, et qu'il ne restait plus un seul héron dans les rochers vers la fin de septembre ; que tous s'en all.iient prendre, à quelques lieues de là, leurs quartiers d'hiver dans de grandes forêts voisines de la Reuss, pour pouvoir, à leur aise, pêcher la truite dans des trous communiquant avec la rivière, et où l'eau ne gèle que bien rarement. * Celle localité a vu, dil-on, déjà périr plusieurs personnes qui, poussées par leur curiosité, avaient lente aussi une visite aux lie- rons. 78 V. FATIO. — UNE COLONIE D'ARDEA CINEREA, etC. M. Staufer a remarqué, comme bien d'autres, que ces oiseaux semblent avoir, pour ainsi dire, chacun ses habi- tudes, chacun, par exemple, son lieu de prédilection pour la pêche; il a vu en été, tous les jours et toujours aux mêmes heures, les mêmes individus se rendant par le même che- min au même endroit ; il s'est trouvé souvent, en automne comme en hiver, et d'ordinaire la nuit, côte à côte avec nos hérons qui attendaient patiemment le poisson, tandis qu'il affûtait la loutre ; plus vite impatienté que ces oiseaux, il troublait souvent au premier mouvement tous ces pêcheurs échelonnés dans les herbes du rivage. L'opinion de l'observateur que je viens de citer est que ces hérons sont complètement et tous sédentaires ; mais, comme il ajoute que la grandeur de la colonie n'a pas aug- menté sensiblement depuis plusieurs années, et que l'on dé- truit peu de ces oiseaux dans le canton, il me semble im- possible de ne pas admettre qu'une partie d'entre eux émigrent probablement chaque année avec les inJividus voyageurs qui passent dans leur voisinage. PARUS BOREALIS. V. FATIO. (Lu à la Société dans sa séance du l*^*" aoùH864.) Longtemps méconnue cette mésange a fourni matière à tant d'opiniotis diverses qu'il ne me semble pas inutile d'en étudier encore une fois les caractères, et de chercher, sans idée préconçue, dans l'examen de ses différentes formes, si l'on doit enfin, ou séparer complètement les Parus palustris (Linné), alpestris (Bailly) et borealis (de Selys), ou ne dis- tinguer spécifiquement que le premier et le dernier, pour ne plus faire du second qu'une forme particulière du Borealis. La mésange Alpestre ou Boréale a été observée et recon- nue distincte de la Nonnette {palusiris), d'abord dans les Grisons, en Suisse, par Conrad de Baldenstein qui décrivit, sous le nom de Parus cinereus montanus, la forme pré- tendue alpestre^; puis, passablement plus tard, par de * Neue Alpina, vol. 2, 1827. 80 V. FATIO. Selys-Longchamp, qui la décrivit de provenance du Nord, sous le nom de BoreaUs^; puis encore par Bailly qui, l'ayant trouvée en Savoie, la nomma successivement Lugubris, Al- pestris et Borealis, laissant croire toutefois à la possibilité de deux espèces distinctes^ Rencontrée en Scandinavie, elle fut décrite par Wallengreen sous le nom ûeFniticeti^; tuée à Salève près de Genève (en juin 1840), elle fut mise par M. G. Fatio, sous le nom à'Alpeslris,^ dans une tribu des mé- sanges grises avec les Parus sibiricus, higubris, palustris, borealis et atricapillus. Enfin, M. de Salis l'a décrite encore tout dernièrement, de provenance des Grisons, sous le nom de son premier descripteur, soit Parus Baldensteinii/' J'ai étudié moi-même ces mésanges dans nos Alpes, et suis arrivé à la conviction intime que VAlpestris, non-seule- ment n'est qu'une forme particulière du Borealis, mais en- core possède assez de caractères propres pour que l'on puisse le distinguer spécifiquement du Palustris. Après avoir poursuivi ce Parus de la plaine jusqu'aux limites de la végétation, j'ai pu voir avec évidence, en m'élevant sur les flancs de la montagne, d'abord un saut brusque du Pa- lustris à VAlpeslris, puis une transition douce et continuelle de ce dernier au Borealis parfait. Plus la Boréale habite des localités élevées dans nos Alpes, plus aussi sa taille et le coloris de son plumage se rapprochent de ceux de la Boréale « Archives de l'Académie royale de Bruxelles, 1843. 2 Bulletin de In Soc. d'H. nat. de Savoie, 1851 ei 52. ^ Naumania, IV, 1854. * Naumania, VI, 1856. ^ Mémoires de la Soc. d'H. nal. des Grisons, 1861. PARUS BORE A LIS. 81 du Nord : el vice-versa, plus elle habite bas, plus elle perd, naturellement, des caractères que lui avaient donnés des cli- mats plus rigoureux. Nous pouvons voir ici ces résultats comparés sur des ta- bleaux représentant les proportions et la coloration étudiées et suivies avec les différents degrés de Télévation. (Suit le tableau.) 11 ' _ = = ' ^ ? S . ~m a f^ Û5 03 _ o o _ rr 13 C3 b: — 3a Oq _ 3 C C — "= O es c 5 Z ç-cc 3 J2 ce : ce B= : -O r- rc a . cr c- — 5' *. c = 3 =. ^. o c o Jii. 3 3 3 a, 3q 05 09 3 C C = O rc ro ^ .-t =: c = C.-^ -. -^ (î Cd.,-. — c; ce ^ 5 f» Cl = c = D" tn g. t<3 — O O e^ O O '^'^ 3 3 S B 3 - I ii H- o o o *^ ^ K> 05 *> rf^ ri 3 3 >(>> 05 _ ... £ ^ g=Ë « I I CL et o O O <« ^ . * * ce • « - «- • o o cT ' W ?5 Ol C" ©b 1 t 2 b 1 1 O © 3 3 © © O C- -© © © ■— . •^2 s;^ ^ w 1 1 ' ♦«►- © O' © 05 âT 1 1 — 00 © © 2 3 3 3 ^1 1U- ' © 5 © rt- 3 g11 a •" © © 55 as © 3>> V©'-- — © 00 c © H = 0 — T © 5' 3 -© £ 05 © C © i ro" © ;3 »4/ © © r Oi c ■5 ^ © ï:^ 3 o ET ** © c« 3 rc -3 *~ 5 ^ K- o (yj I— 3 H 3 O û. 3 _, ■ CD <« ^ I— cr t/i © fî = :!.> 00 —ÏÏ © f^ ?5 r3 o O o o C/) O w •H O a '- = = c =■ c« cj-tr; o ©9-e: = 3 C/> "CB V. FATIO. — PARUS BOREALIS. 83 Voici les proporlions ; voyons maintenant dans deux ta- bleaux successifs les modes de coloration comparés au prin- temps et en automne, soit les deux livrées des trois mêmes Parus. ( Suivent les tableaux. ) î = H « S ^ ; en -* =■30 = - o ^ a: 2 « »3 H . ■% o r^ 320, ■S 3 s. "« •- o C -s -: c S- ¥ ?- 15 - 3 - "qtq - ^ :3.3 "•a t en » ^ S f <5 c^ c m - -T! 5.5- a ai 3 - = =3 0 Ci -? -o^ ef- ,7 ^ ^S E ni- 5 3= o - = 5 ^' 2. _ "• 3' ^ r~ cr. — l9^ T ,~ a "i ^ ^ E. ^ - - tr rf -: c = < 3 d — = c' — en i.-§ 13 w tS tn ^- = .■? ;^ ILS Si '5 -'J^ ' ^ — en X i3 ST a J=- " 3 £■ en c c» ^ îî. o 2 C N ^ 03 — Cti Cï ^ 35» -î en _ ir ""'= ^2. et 3 £ JJ S!^ g. s' C en et- •— — cns 3 — -5 O - OQ o = a e^ 3 3 =-3 C- 3 =- ^ T-_=^ ;:r c- — ^-3Ï3-ï£ p o 5- c- 5 3 X 05 . — • 3 C ; II 85- __ o Z" ai q' fi 3 aa. —"2 ^ =. i- iï' ^ e' li en ^. en 3 ^ ^ - i" E 05- 2 O ~ 3 - £.'^■§■2.?- (O -: ■ — _ et en — 3 vi 2i 3 ^ X "^ — -^ Q, 3 "E.— - 3 3 -T "> en '^' — c^ fî î n 5 ^ ôT f^ 3~ :: "• p " ê.£ ^ 3-- n IL - 3 S. «■ N en r> p_ C -. .0 c: :;■ 0 f7 -n (~' 05 c- 3 rj o 1- q 3 2 li-- = fï' "^ (^ .:r 3 lo-^2. a- 3- ïï. -1 05 -: A- c- N ^- 2 2 = E H 9> c- P O S - i o ^' o à g •H K parfaite- lotte jus- élendant uesur le ; vers le lanc. en > ca 3 00 5d c 3 -3 0 5 0 C-. d blanc la ca !e et s' n jusq ilrine s de b C c le •- 0 il ^ .E il 3 2 =■"_'? - — <— i X TO — r a 3 £■ s 0. ^ tn ta 5J 73 -O , ta éfli 1 c- — - ^ — o -n o •i s 1 s t --^ ^ î _^ c s 2-ë « ô° J.= ; j fi 5 |i| pu ■~ 3 033 !« D s S " = C « C "3 1 0 ^ '> .!i j " i — îr -^ — — 7. • D :. /i t c 0) c- 5 3 - ~ ' 5 — .^ ;2î ~ — - ^ S ^ 1 -^ ~ «"3 «^ 13 -^ En s o r o -7) û ,^ T _; •:i ^r r'^" ï S 5 c c ■- 72 ■- .= î S -r, J: -^-3 c 3 a; il |g3f ^3 -0 ■0 3 s c: o o o 2 S É '"i ■!: -= ^. -1 ?D , ventre d'un l de nankin au élavé d'une fa rochanldavau s 0 73 -« C 0 3 3 '* « se Te c = . 3.- -M ^ 3 = o 3 i> *i^ 3 _2 Sj -Zj "O d> 3 g. 7) ai e.^ r-3 "^ fù ii-^/tz-^-z-i -g s-s- TrlDc Q ^ i «.=" E: 3 S :; _ ,: "^'=-";2 ■— D 71 1^ ^.i fc2 o s o ^ — -D C-— ,^^ S s s** ? -p 5c s D 3 M2 5 = § 2 0^ s - .= 'c ~ .2 .~ ^ .^ S(J>w~35^-«» S-3 3 «1 c ^ •= — c " h a..2 1 c^ (â' s; sqt-. .-. L *fl S3 ts M '^^ O f^ II i -= s - s. CD 5 a -! C — O s rc — 0 -- •73 <^ ^2 e« f:- 2S-5 ta i ■ - "^ V 3 c c u 2>§ - o •1 2 2 6J- -*' «^3 C'a îîv C3 ■"E. 2: E U3 "3 O 3 S" » -2. 1 = 2 " c^ c "T Ï3 en es c^ -5 = ^ 2. -3 > 3 ^ 13 o1 o 3 n, o" en 2. s a • re «-- o 3 _ (T. 3 0 D 03- 0 ^ 3 ^ X H • 2 O 3 Sr =ô cÔ i 3 cg « en TO "O — 3 C> C^ e« -3 r^ a 3 en 05 fls' _. 12. C E^3 r3 '^ (î. fB ■2 n -a 5' en" 3' 0 -3 B3 0 ri G sa I re- nnes c plus la - 2 cr o ■ë3^ — en T> 5-5^Sg-.ëg? ■|"J9 :j5 3 ;:;• ^ ^ "O : g î^ f» 0 s: 2. 51 s Q_ en ri ^ 3 é^ t» 0 al Ë ci îil g-o » 3 ^S q- '- _-.ara 0 ■'^ _ et). 3 2. q'= g « -. as t« P-3 ---a 3 ^';5 ;;<ï= e'-j? 00 et. 0 (t> -: — c c 2 ^ ~ c 0 '-^ = 3T 3 ?^ n aies lôgèrenient plus menl bordées qu'au p ô3 ' 3 s; 5î o û5 Cl- ^ <^ 3 =•• "^ 2- =• 2. c a ^ - -n en "> î" en 3 5 0" ^' ~ ,^ = = tu ex c ^2. = - •3 et t-i 05 0 0 fpi- ^ = i> i^ 5- '■" =■ c^ 2. =■ -- 3 ë "> 2:5 "/ = =-■ g - - " = ~ - (T. fC ce -s -8 0 r- 0 1— H 0 :2ï -■ o* "C ïi "^ - T3 -! (a " "S g.' c§§- C = Sv = => 5 2. •a " c o 35 en 0 M c en £r ->,• — "î 0 -• '« c> <: en "3 £ft 33- -;■ Se X 3 D -D 3 et. É e« 1 d cr; > -3 53 ^ ixin 0 n o c- «^ " -5 5^ 03 55 m "3 c — c ^ CR 3 O rs — £ cf5 :^î5 0 o 3 ^ - -; = 3 — -j-a c .5 — 0 => = c 5 "a m — Ci- 5 fi- S" O a " a;' _ ;r- 3 =-0 ^•5 " ! s s ^ = ïï i-ii- — r. P3>3q 2..J, ;• 5 0 en i c ~ C- '" --ï S -O ^ j_2 en ^ -3 2 a. S « g g <« _ 3 c 0 2 a; 0 — c g 0 e« ^ e, 5- 3 • ■'S § s* r;, a w ;; en fB 0 fî. e>co 2 a» U a ■j, O 2 0 fD es ;; " 3 3 ra 3 c 3 ' ! ' Il -^ ^ . .S. et 0 ta o o ce o o w Q O O •a es 03 Ç O M C3 6 "-> «s c o 3-« «0 ~" -§J.5 C 'y milieu aies et lie de \ "S -3 ^u -^ = 5-2 ^ TO c î— = rr" £ ■ — o c El = .5 C-" ~ 5 F- - o „, . "= — c ^ ^ u; tï s c ^ ,'/^ "= ^ "S S 5 ^' -^ il i; 'yj c -^ o •.- c c -O) co - c " E . £ ^ C .= O = 3 O a •-• o; 05 • — leur naii- ules. u'au plu- très- 'une u'au 3 a s vers R d'un lesépa endu c elques ed'un dalesd ncée q E E o o "5. F S S 6c'"'ii 3 ? ^ = 0^.= a. C blanches iuféneu osé qui V e la gorg temps et bordées e blanoh r rosé, le teinte I Q, en n. E « CD C et doigts au priute 'un brun c;-oci«-ajai C -Z c O ï o.E i.-;: S'- ^E ^ tTi ^ R c S "3^ §-"" o =^= C-- >— d e- 3 o '— ^ (A >? g^ 0- _^ O c- CD H — es «.3 ^s 3 to a zi O -01 — -; II o S — a — t^ c 3 ^ — ^ » 9 g -, « 3 s «1 e=^ •'_ « E e 2. « aj e -S: .« ^^ 2-^ -« c E 11-5 = 2 c. ~ = « ■= 88 V. FATIO. Quittons maintenant la plaine et, nous élevant dans la montagne, comparons les Nonnettes (P. palustris) que nous pouvons rencontrer jusqu'à des 1100 et 1200 mètres: toutes présentent exactement les mêmes proportions et la même coloration ; un peu plus d'extension dans la tache noire de la gorge distingue uniquement les individus du haut de ceux du bas. Mais abandonnons, les vergers d'abord, puis les bois va- riés, et entrons dans les forêts de conifères; nous avons à peine monté quelques pieds que déjà une grande transfor- mation s'est opérée. Nous avons vu le peu de dissemblance qu'une différence de niveau de 800 à 900 mètres a pu ame- ner entre le Palustris de la plaine et celui de la montagne, et quelques pas seulement ont suffi maintenant pour chan- ger complètement le faciès d'oiseaux qui vivent pourtant, sur ce point, côte à côte. Nos mésanges mesurent tout à coup des proportions passablement plus grandes ; leur queue s'est soudain allongée, leur bec et leurs pattes ont pris plus de force et d'extension; leurs plumes, et parti- culièrement les dorsales, ont pris des dimensions plus fortes. Au lieu d'une petite calotte brillante et d'un noir bleu, nous avons tout à coup une calotte d'un noir brun qui s'é- tend jusque sur le dos; au lieu d'une simple tache à la gorge, nous avons une gorge entièrement noire ; nous avons des joues très-prolongées et des pennes et des rémiges franche- ment bordées de clair; nous n'avons plus la même couleur des pattes, en un mot, nous observons des changements un peu partout. Montons de là plus haut encore, et remarquons que, plus PARUS BOREALIS. 89 nous nous élevons, plus les proportions sont régulièrement fortes et plus la coloration s'éclaircit; ce n'est plus qu'une augmentation graduelle dans Timportance des caractères qui ont servi déjà à faire distinguer d'emblée VAlpestrisûa Palîistris; nous arriverons enfin en montant toujours à des mésanges qu'il sera impossible de ne pas identifier au pre- mier coup d'œil avec la Boréale du Nord. Le Pdriis borca- lis (de Selys) d'Islande, ne présente aucune différence dans ses proportions avec la moyenne des Boréales d'Engadine; les caractères tirés de sa coloration sont les seuls que l'in- fluence de cette latitude nord avancée ait pu exagérer en- core ; sa coloration générale, ainsi que les bordures de ses pennes et rémiges sont plus tranchées et plus claires. Le Parus airicapilliis (Lath.), qui ne semble être que la Boréale de l'Amérique septentrionale, accuse encore exactement les mêmes caractères que notre Alpestre ; il les montre seule- ment dans leur intensité, pour ainsi dire, extrême. Si c'est l'analogie des climats qui fait les rapports qui existent entre la Boréale du Nord et celle de nos Alpes , l'on ne pourra plus supposer que le Palustris ne soit qu'une forme du Borcalis qui, soumise à d'autres conditions, au- rait aussi d'autres caractères; car pourquoi n'aurions-nous pas alors des transitions douces de l'Une à l'autre avec une augmentation continuelle dans l'altitude et la latitude. Comparons encore les différences notables et parallèles qui distinguent d'emblée les deux livrées des Parus alpes- tris et borealis, au peu de dissemblance que montre le Pa- lustris dans ces deux états ; et nous attacherons bientôt une grande importance à ce simple fait, non-seulement pour 12 90 V. FATIO. rapprocher et identifier ces deux premières mésanges, mais encore pour en séparer spécifiquement la dernière. L'Al- pestre, dont l'habitat touche à celui de la Nonnette, ne se retirera pas avec elle, en automne, dans la plaine pour y passer l'hiver ; constituée comme la Boréale pour résister aux frimas, elle restera, comme elle, dans la montagne ; mais, comme elle aussi, elle prendra à sa mue d'automne des plumes très-longues, soyeuses et différemment colo- rées qui, outre qu'elles la protégeront contre le froid, lui serviront aussi à se distinguer toujours de la Nonnette. Le Parus boreatis femelle ressemble beaucoup au mâle en automne, mais s'en différencie un peu au printemps par une calotte légèrement plus brune, par des teintes su péi ieures .plutôt plus claires, par sa gorge noire plus striée de blanc, et enfin, par des joues d'un blanc moins pur. Lesjeimes, peu après la sortie du nid, ont des teintes gé- nérales supérieures et inférieures plus sombres et mâchu- rées que les adultes; le noir de leur tête et de leur gorge est moins étendu et moins foncé. Quant aux œufs enfin, quoique j'aie pu comparer entre eux des exemplaires soit de notre Palustris, soit de nos Alpestris et Borealis, soit aussi du Borealis du Nord ; n'ayant pu travailler encoie sur un assez grand nombre de sujets, je préfère attendre d'en avoir collecté davantage pour oser tirer un caractère de ce côté-là ; je me bornerai à signaler ici que j'ai d'ordinaire trouvé aux œufs de V Alpestris et du Borealis un petit axe plus fort comparativement au grand que chez le Palustris, soit des formes plus arrondies. V Alpestre, soit la Boréale, habite en Suisse les forêts de PARUS BOREALIS. 91 sapins, de pins et de mélèzes ; elle voyage par familles, el se laisse facilement reconnaître à son cri d'appel qui est exac- tement le même à 1100 et à 2200 mètres; elle répèle, en effet, partout, une ou deux fois de suite, et d'un ton vigou- reux, ou bien Izi krace, ou bien simplement krace kraee, fai- sant toujours ae très-grave et long. J'ai entendu aussi, au printemps, en Engadine, à 2200 mètres, le mâle de la Bo- réale produire, outre quelques petits sifflements, le léger gazouillement que Bailly attribue à l'Alpestre. L'époque de la nichée varie passablement suivant les hauteurs et les années; ainsi en 1863, la Boréale, sous la forme d'Alpestre, nourrissait ses petits au nid dans rOberland bernois, à 1100 mètres, au commencement de juin ; la même année la Boréale nourrissait également ses petits au nid, dans les forêts de la Haute-Engadine à 2100 mètres, à la fin du même mois. En 1864, la Boréale fabriquait seulement son nid en Engadine dans le com- mencement de juin; c'est à ce moment que je l'ai vue élargissant avec son bec, dans un mélèze, un trou qui semblait d'un travail tout récent ; elle mettait à celle lâche une ardeur étonnante, sortant continuellement et jetant aussitôt au bas de l'arbre une quantité de débris. Celte mé- sange creuse-t-elle quelquefois elle-même le trou où doit reposer son nid, quand par hasard elle n'en trouve pas un tout fait 1 ? — ou bien se borne-t-elle à arranger à sa façon celui qu'elle a trouvé ? — Je ne puis pas encore répondre * J'cvile à dessein de parler des cas où quelques mésanges ont élé irouvées nichant en terre dans des trous de souris, parce que je les considère comme des faits exceptionnels, du moins dans notre pays. 92 V. FATIO. avec cerlilude à ces questions ; mais je puis pourtant faire remarquer que beaucoup des individus que je tuai à l'époque de la nidification étaient complètement dénudés, soit privés de plumes, sur le front ; peut-être cela provenait-il d'un arrachement pendant le travail de la perforation opéré avec un instrument comparativement trop court. Je ferai observer ensuite que j'ai trouvé, et surtout en Engadine^ beaucoup d'exemplaires munis au printemps d'un bec passablement plus fort que celui des individus capturés en automne ; y aurait-il crue et usure de cet organe dans le but du creuse- ment? — cela semble bien anormal ; mais peut-être pour- rais-je cependant l'appuyer plus lard par ûqs observations analogues faites sur d'autres oiseaux ; le fait est pourtant que j'ai trouvé au printemps plusieurs sujets munis de becs comparables à celui du Parus bicolor. Les petits une fois nés, notre mésange perd encore, comme bien d'autres espèces, les plumes de sa gorge en nourrissant ; il est par conséquent assez difficile de se la pro- curer dans une livrée de noces en bon état après le mois de mai. J'ai tué une fois en Engadine, vers le milieu de juin, .une mésange boréale chez laquelle toutes les faces inférieures ' Si la Boréale se creuse elle-mèiiie un irou pour son nid quand elle n'en rencontre pas de tout fait, l'on comprendra facilement qu'elle doive se trouver plus souvent dans cette nécessité dans l'En- gadine que dans l'Oberland bernois; puisque, au lieu des sapins tendres, et habités par une foule d'oiseaux perforeurs, de celte der- nière localité, elle ne trouve plus dans la première que des mélèzes et des aroles, passablement plus durs, que bien peu de pics perforent pour elle. o ",/ PARUS BOREALIS. 93 étaient complètement délavées d'une belle teinte d'un rose foncé ; cette couleur qui diminua très-peu au lavage était évidemment végétale et provenait bien probablement, ou de la branche suf laquelle l'oiseau avait couché, ou du trou dans lequel il s'était réfugié. Je ne veux pas m'allonger davantage sur cette espèce, Bailly en a assez bien décrit les mœurs et le genre de vie; et j'estime que j'aurai suffisamment atteint mon but si j'ai réussi dans ces quelques lignes, non-seulement à dis- siper quelques doutes que j'avais entendu exprimer; mais encore à rayer comme espèce l'Alpeslris de tous nos cata- logues. Je joins à ce petit mémoire, sous leN"!!, une planche dans laquelle je cherche bien plus à représenter l'espèce unique sous différents aspects, qu'à opposer les deux formes, m'en rapportant à mes tableaux pour faire sentir les diffé- rences et les rapprochements. Les individus sont représentés aux deux tiers de leur grandeur naturelle. EXPLICATION DE LA PLANCHE II. NO 1, Parus borenlis 6 de la Haiiie-Engadine, en livrée de prinlcmps, vu par-dessus. N° 2, Parus borealis (P. Alpeslris) de l'Oberland bernois 6 , en Ijvréi! do prinlemps el vu par-dessous. ' N" 3, Tèle vue de profil du Parus borealis 6 , en automne. L'OOMETRE V. FATIO (Exposé à la Sociëlé dans ses séances du 5 septembre et 5 décembre 1864.) 11 n'y a réellement que bien peu d'années que l'on s'oc- cupe de collecter avec soin les œufs des oiseaux, et il y a bien moins d'années encore que la science a reçu dans ses rangs, sous le nom d'Oologie, l'élude de ces coquilles si in- téressantes à tant de points de vue. La simple curiosité pre- mière a fait place à l'intérêt, et ce qui n'avait élé regardé que comme joli, mais sans importance, a été trouvé et dé- montré intéressant et utile. Un grand nombre d'auteurs ont écrit sur les œufs; les uns, d'abord, les ont cités sans attacher aucune importance à leurs caractères, ou sans même les distinguer ; d'autres, ensuite, tout en leur reconnaissant certaines apparences caractéristiques, ne cherchèrent pas à en tirer profit; d'autres enfin, et tout dernièrement seulement, s'appliquèrent à étudier ce produit ovarien au point de vue de son avantage V. FATIO. — l'oomètre. 95 dans la classification des oiseaux. Beaucoup d'ouvrages parurent dans plusieurs pays et la question fut traitée de diverses manières, suivant les différentes opinions : en Angle- terre, Levin, Graves, Hewitson, Berge, etc. ; en Allemagne, Naumann, Thieneraann, Baedecker, etc. ; en Suisse, Schinz; en France, enfin, Guélard, Lapierre, iVloquin-Tandon, de Blainville, le baron de la Fresnaye, Hardi, Des Murs, etc., publièrent successivement leurs idées sur ce sujet. Mais, ne voulant nullement faire un traité d'Oologie, et ne comptant aborder ici qu'un seul point delà question, je me passerai d'historique, m'en rapportant simplement au beau Traité général d'Oologie ornilhologiqiie de 0. des Murs qui, paru en 1860, me semble résumer presque tout ce qui a été fait jusqu'à cette époque. Il y a assez longtemps que je m'occupe de collectionner et d'étudier les œufs des oiseaux, et j'ai toujours été frappé par l'apparence de certaines affinités qui semblent devoir établir entre eux des divisions naturelles et bien distinctes. Si la situation, la disposition, la confection même du nid, et le nombre des œufs, souvent en rapport avec les pro- portions de la coquille, présentent une fixité réelle dans un même groupe; si l'analogie de la forme peut sembler le propre d'un ordre; si la forme jointe à l'étude du grain de la coquille, de son épaisseur et de sa teinte générale, peut servir peut-être à établir des familles; si la forme, encore, étudiée plus à fond, la teinte externe et interne de la coquille et son mode particulier de coloration peuvent faire distinguer des genres; si tous ces caractères, enfin, unis à l'ornemen- tation spéciale, peuvent servir à la détermination de l'espèce; 96 V. FATIO. — l'oomètre. quel prix ne devra-t-on pas attacher à l'étude approfondie de tous ces points d'une utilité si incontestable. Mais, il faut encore distinguer l'ordre de ces caractères, ou le degré d'importance de chacun d'eux; el ce n'est que parce que nous avons remarqué que la forme el \es proportions four- nissent seules des caractères à employer dans toute la série de la classification, de l'ordre jusqu'à l'espèce, que nous laissons maintenant de côté, comme subalternes, les autres points de cette étude, poumons attacher tout particulière- ment à ces deux conditions premières. Puisque ce n'est pas seulement pour classer ces diffé- rentes coquilles que nous étudions leurs formes, mais bien surtout pour pouvoir aider quelquefois à l'élection des places ornithologiques; il faudrait nous assurer encore, si cette forme de l'œuf est nécessairement dépendante de quelque caractère important de l'oiseau. Chacun a senti la nécessité de cette recherche et c'est pour cela que plusieurs systèmes sont maintenant en pré- sence. En 1818 déjà, Naumann el Buhle, dans leur traité sur les œufs des oiseaux d'Allemagne, attribuaient l'établisse- ment des proportions d'un œuf au degré de développement que le fœtus devait acquérir en lui, et la détermination de sa forme à la configuration de l'oiseau qui devait en sortir, à la grandeur de son tronc, à la grosseur de sa tête el à la longueur de ses jambes. Après eux le docteur Thienemann, dans un ouvrage sur les oiseaux d'Europe et leurs œufs, émet aussi des idées justes el nouvelles ; il nous dit que l'œuf sort la pointe la V. FATIO. — LOOMÉTRE. 97 première, que sa grosseur n'est pas toujours en raison di- recte de celle de l'oiseau, que sa forme est, par contre, dans un certain rapport avec celle de son corps Le premier il étudia la forme, dans le but d'une déflnilion et chercha un point de départ dans la sphère pour désigner ensuite les apparences diverses par différents noms, suivant qu'elles s'écartaient plus ou moins de ce type premier ; il fil un grand progrès, mais ne donna cependant pas un moyen exact ni pour la mesure ni pour la représentation de ces différentes formes. M. Moquin-Tandon ensuite, dans un mémoire sur l'Oolo- gie et sur les œufs des animaux, et plus tard dans la Revue zoologique, semble attribuer les proportions et la forme de l'œuf à la structure de l'oviducte. Plus tard encore un An- glais, M. Hewilson, dans son Oologie britannique, énonce sur les œufs des idées en partie assez justes, quoique incom- plètes, par exemple celle-ci : la grosseur et la couleur dé- pendent de l'âge de l'oiseau. Un second Anglais, M. Berge, semble se rapprocher assez de la vérité quand il nous dit que la grosseur et la forme de l'œuf se règlent sur la gros- seur de l'oiseau, la nature de ses organes de génération et plus particulièrement sur la largeur et l'embouchure du canal des œufs. En France de nouveau, de Dlaiitvillc et le baron de la Fresnaye cherchèrent avec raison à trouver le moyen de reconnaître la cause des différentes formes des œufs dans leur comparaison, le premier avec le sternum, et le second avec le squelette entier de l'oiseau. M. Hardy fit, tout dernièrement, dépendre la forme de l'œuf de la posi- tion habituelle de l'oiseau dans l'action ou dans le repos; 13 98 V. FATIO. — l'oomètre. une position verticale donnait, suivant lui, une forme ronde, et vice-versa, une position horizontale une fo»me allongée'. Des Murs enfin, au milieu de ce chaos d'opinions diverses, semble éluder la question plutôt que la résoudre, et juger ne pas devoir s'arrêter sur ce point important, une fois qu'il a trouvé des mots pour représenter, plus ou moins bien, quelques-unes des formes les plus frappantes des œufs. Il balance et s'appuie tantôt sur un système et tantôt sur un autre, tout en reconnaissant bien cependant l'impoitance de la forme, dont il fait aussi son premier caractère de classi- fication oologique. Mais, je n'ai pas non plus trouvé la solution de la question, et ce n'est donc pas à moi à critiquer en rien le bel ouvrage du savant oologiste français, pas plus que les travaux de tous les auteuis qui l'ont précédé ; chacune des théories a ses inconvénients; mais nous ne soulèverons pas ici les diverses objections que l'on pourrait leur faire, puisque nous n'avons rien encore à leur substituer. Je ne vois, pour ma part, dans cet échafaudage d'opinions différentes que deux idées en présence, l'influence du couienuni, ou du corps de l'oiseau, opposée à l'influence du conloïu, ou du fœtus futur habi- tant la coquille. Pour moi, c'est évidemment le conte- nant qui fait la loi générale et le contenu qui y apporte des modifications ; mais je ne dirai pas, cependant, que ce soit plus spécialement l'oviducte, le sternum ou la position de cet oiseau contenant qui détermine la forme de l'œuf; et, ' M. Hardy a obtenu des mêmes oiseaux des œufs arrondis et des (éufs allongés, en mainlenanl ces animaux tantôt dans la position verticale, et tantôt dans la position horizontale. V. FATIO. — l'oomètre. 99 quoique un moyen terme soit souvent un mauvais parti, je préfère cependant ici combiner des idées qui me semblent dépendre l'une de l'autre. MM. Thienemann, Moquin-Tan- don, de Blainville, le baron de la Fresnaye et Hardy, ont tous plus ou moins raison ; car si la forme et les proportions de Tœuf dépendent du squelette de l'oiseau, le steinum, l'extension de l'oviducle qu'il limite A la position de l'oiseau môme en dépendent évidemment aussi. Et cependant l'un de ces points doit avoir la prédominance; lequel est-ce? et comment le même individu peut-il faire des œufs de diffé- rentes formes ? Ce n'est que l'anatomie des organes de la génération et des pai'ties environnantes dans beaucoup d'espèces et fa- milles opposées qui, jointe à une étude sérieuse des formes, pourra seule nous mettre sur le chemin du dévoilement de cet intéressant secret. Tout ceci est si confus encore, qu'il est permis à chacun de commencer par où il veut, et de diriger ses recherches dans la direction qui lui convient. L'œuf sort la pointe la première, il tourne dans l'oviducle où la coquille se dépose autour d'une masse semi -liquide; quelle influence peut avoii ce mouvement dans différents vases donnés? — les proportions et la position du petit axe, soit de la plus grande largeur, proviennent-elles de la posi- tion du parent, ou du plus ou moins d'extensibilité d'un conduit que limitent un sternum et un bîtssin variables? — les proportions du grand axe proviennent-elles, à leur tour, delà masse de l'œuf et des dimensions du conduit, ou, en d'autres termes, est-ce une pression de l'un des axes sur 100 V. FATIO. - L'OOMÈTRE. l'autre qui, diminuant les proportions clans un sens, les aug- menterait dans l'autre ? — est-ce par le fait de la pesanteur que, suivant que le tube est horizontal ou vertical, soit que le petit ou le grand axe se trouve dans la verticale, l'œuf s'allonge ou se raccourcit dans un tube d'une élaslicilé va- riable qui résiste plus ou moins dyns loules les directions ; y a-t-il, en un mot, des rappot ts nécessaires entre ces deux dimensions? Beaucoup d'œufs sont pyriformes; est-ce peut- être, comme on l'a dit, en prévision de l'extension de telle partie du futur animal ? L'exemple du Serpentaire {Gy\)0%evsiT\uS') rapace qui fait exception dans son ordre aussi bien par la longueur de ses jambes que par la forme en poire très-accusée de son œuf, semble d'abord appuyer cette idée; mais il faut cependant considérer aussi que ses longues jambes ont donné à son corps une position plus horizontale ; et remarquer encore qu'il existe beaucoup d'oiseaux qui, comme les Alca par exemple, font aussi des œufs pyriformes quoique ayant des jambes très-coui les. Comment a-ton obtenu du même ani- mal dans diverses positions des œufs de différentes formes, et comment esl-il sorti de ces coquilles vaiiées des petits en tout semblables? — Est-ce donc dans un phénomène mé- canique qu'il nous faut chercher encore l'explication de cet apointissemenl? Est-ce la pesanteur rencontrant dos résis- tances inégales? est-ce le fait d'une structure particulière de l'oviducte? — est-ce, enfin, une difféienle disposition des parties dures environnantes? — L'anatomie encore seule pourra nous éclairer sur ces divers points; le fait est, toute- fois, que les œufs pyriformes sont d'ordinaire gros compa- rativement au corps de l'oiseau. V. FATIO. - L'OOMÈTRE. 101 Voilà autant de questions qui ont vivement excité ma cu- riosité, et c'est dans le but de m'en faciliter la solution par une détermination prompte et simple des formes et de leurs rapports entre elles, que j'ai fait construire l'instrument que je baptise Oomètre, et dont l'explication est l'unique but de ces lignes'. Je me propose de chercher par l'Oomètre s'il n'y a pas des groupes de formes particulières de l'œuf correspondant à des coupes particulières ornilhologiques ; si, par exemple, le rapport des deux axes entre eux, et surtout la position de l'un sur l'autre, ne varierait pas dans des limites déterminées pour chaque genre, famille ou ordre; ce n'est que par des considérations de celle espèce que l'on pourra assurer à la forme l'importance qu'en réclame la classiiication. Mais l'Oo- mètre n'est encoie pour de pareilles recherches qu'un instru- ment de tâtonnement, et c'est dans d'autres buts surtout que je crois pouvoir en recommander ici l'usage. L'Oomètre a l'avanlage de remplacei par une simple for- mule los mois employés jusqu'ici pour représenter la forme d'un œuf. Beaucoup d'auteurs ont donné pour chaque es- pèce les dimensions du petit et du grand axe; mais ils n'ont pas pu trouver facilement et donner d'une manière exacte la position du premier sur le second, qui seule peut fournir une idée de la forme. Après cela, l'Oomètre sera encore d'un grand secours pour * Je remercie M. le Prof. Tliury fies savnnts conseils qu'il m'a ' donnés pour la combinaison fie mon Oumèlre que j'ai fait cons- truire, à Genève, dans les ateliers de la Société gmCKolse pour la runstruction d' insl rumen ts de physique. 102 V. FATIO. — L'OOMÈTRE. le dessinateur qui pourra trouver facilement et promptemenl la courbe parfaite de chaque œuf. Je n'ignore pas qu'il y a passablement de variabilité dans une même forme, et qu'une espèce peut présenter beaucoup de variétés ; mais je crois qu'une étude sérieuse, faite sur un certain nombre d'exemplaires, pourra toujours déter- miner la forme typique, quitte à établir ensuite, sinon la li- mite de variabilité, du moins la forme des exceptions. L'Oomètre n'est, au fond, qu'un double compas avec des échelles et un triangle de rapports (voir PI. III, fig. 1, 2, 3). C'est, d'abord, sur un large pied de bois B, une forts co- lonne C verticale, graduée d'un côté au demi-millimètre, et supportant une petite plaque horizontale c ; puis, c'est, en arrière, une tige en partie cintrée A, servant à maintenir l'œuf suivant sa longueur entre son extrémité recourbée a et la plaque c ; cette tige A munie d'un index i donne sur l'é- chelle de la colonne C le grand axe de l'œuf, soit a, son mou- vement est très-doux et délicat, afin que l'on puisse sen^r une vis d'airêt au moment du premier contact. L'œuf étant placé, son gros bout, ou grand pôle n en bas, nous, faisons cheminer par une vis à crémaliére une nouvelle pièce D qui, marchant devant et le long de la colonne C, devra nous don- ner le vrai petit axe, soit et; cette pièce porte deux tiges, ' Peul-êire les corichyliologisles trouveront-ils aussi une utilité dans rOomèlre qui leur permeltr.i de prendre des mesures qu'ils n'avaient pu prendre auparavant ni facilement ni parfaitement, et leur donnera de suite, pour un bivalve par exemple, soit le point exact de ses plus grandies largeurs et hauteurs, soit les rapports de ces points avec difîérenis diamètres. V. FATIO. — L'OOMÉTRE. 103 formant un U, et munies à leur sommet des couteaux F et F' horizontaux et courant dans les glissoirs d et d' ; si l'on monte la pièce D et que l'on rapproche les couteaux de la périphérie de Toeuf, l'on trouvera, avec Thabilude, de suite le point le plus large, Pt le contact opéré on n'aura plus qu'à additionner les indications de F et F' lues de leurs zéros aux index iixes /'" et i", pour avoir le petit axe parfaitement exact. Les couteaux sont faits en tranche, au lieu d'être pointus, pour que l'on ait toujours le point de contact à l'endroit le plus large de l'œuf ; il y a en outre deux lectures à additionner, afin d'éviter les er- reurs pouvant provenir d'un défaut de centrage de l'œuf. Après cela, nous lisons encore sur l'échelle de la colonne C et à l'index i' de la pièce D la distance, en millimètres et fractions, qu'il y a du grand pôle n au point de rencontre o) des deux axes a et ^t. Enfin, l'on glisse derrière la co- lonne C un triangle E divisé, jusqu'à ce qu'il arrive au con- tact de la tige A mesurant le grand axe a qu'il divise alors en dix parties égales; l'index i' de la pièce i) indiquera de suite, sur le tiiangle et ses graduations , le rapport au dixième du grand axe a, de la distance du grand pôle n au point de rencontre des deux axes «; soit de combien de dixièmes, centièmes, etc., du grand axe le point de section se trouve éloigné du grand pôle. Si l'on veut avoir la forme d'un œuf, il faut, évidemment, mesurer en premier lieu son grand axe a du grand pôle n au petit pôle tt, puis chercher encore son petit axe a, verti- cal sur a à l'endroit le plus large ; mais avec ces deux seules données, les deux axes supposés même invariables, nous 1G4 V. FATIO. — l'oomètre. pouvons avoir une quanlilé de formes diverses, à cause, soit du déplacement possible de cl sur a, soil des différences entre les axes supplémentaires pris à égales distances à partir de chaque pôle ou «n et oItt. Il devient donc indispensable de déterminer le point exact cù où se rencontrent, au centre de l'œuf, les deux axes principaux, et si possible la dislance nu ou dixièmes de a; il faudra enfin prendre les mesures et rapports exacts des axes supplémentaires à des distances fixes et égales à partir des deux pôles : TOomètre donne à l'instant et avec une parfaite exactitude tous ces résultats auparavant très-difficiles à obtenir. En jetant simplement un regard sur des œufs de diffé- rentes formes, avec les idées que je viens d'émettre ci-dessus, on est étonné de voir d'emblée toutes les formes dépendre de quelques-unes seulement; je ne parle pas ici au point de vueornithologique, pas plus qu'en butde la classification; mais en vue seulement de la recherche des lois qui peuvent présider à l'établissement de la forme et à la composition de la formule qui doit représenter cette dernière. En prenant comme point de départ la forme ronde ou sphérique, nous avons de suite deux séries dont les propor- tions varient sur deux plans différents. La sphère que nous prenons théoriquement pour base, quoiqu'elle ne se montre jamais paifaite en nature, possède deux axes égaux se coupant par leur centre et des axes sup- plémentaires égaux aussi; elle sera suffisamment représen- tée par ces termes: « = a (voir PI. 111, fig. 4). La première série dépendant de la forme ronde, comprend les œufs dits ovalaires elliptiques et cylindriques de Des Murs, soit, en V. FATIO. — L'OOMÉTRE. 105 choisissant parmi des genres bien connus, les Pigeons, les Grèbes et les Cormorans par exemple (voir PI. III, fig. 5). Chez tous les représentants de ces formes, les axes princi- paux se coupent par leur centre, ou très-près de leur centre, et les axes supplémentaires sont toujours égaux, ou presque égaux; les principales différences de caractères ne se trou- vent que dans le rapport de « à a, et les proportions, com- parées à X, des axes supplémentaires égaux entre eux ; c'est cette dernière donnée qui quelquefois seule fera distinguer des œufs elliptiques et cylindriques semblables sur tous les autres points. La formule oL-^rsc.==A; no) = 0,5 a ; cctt ct'n ' pourra représenter cette première série ; mais n'ou- blions pas de dire encore qu'il faudra toujours, dans une for- mule en chiffres, signifier en dixièmes de a, à quelle dis- tance de chaque pôle les axes supplémentaires ont été me- surés. La mesure des axes supplémentaires se fait sur le même principe que celle de ««; on commence par mettre l'index ï' de la pièce Z)sur tel dixième ou frciction de dixième du triangle de rapport, puis on ramène les couteaux au con- tact et lit les dimensions. Dans la seconde série où nous trouvons les œufs de for- mes, suivant Des Murs, ovées et ovoïconiques, soit, par exemple, les Perdrix et les Chevaliers, nous voyons par le simple fait du déplacement de « sur a, un changement com- plet amenant aux formes dites en poire, plus ou moins al- longées suivant que a est plus grand compaialivemenl à «, ' Je désigne les axes supplémentaires par la même leUre que le petit axe avec des primes, secondes, etc., plus la lettre indicpiant le pôle du côté duquel ils sont pris. 14 106 V. FATIO. — L'OOMÈTRE. et plus ou moins pointues suivant que «V est plus petit en comparaison de «'n (voir PI. III, fig. 6). Ainsi donc princi- pales et importantes différences : jamais u n'égale a, nw n'ap- proche jamais de 0,5. a, et «'^ est toujours très-différent de «n. Nous aurons pour formule théorique, avec le secours de trois inconnues à valeurs toujours assez fortes : « -f ^ ^ a ; nw 4- y = 0,5. /v; «^ + 2 ^ «'n. Tout ceci est encore théorique, car ce n'est que l'expérience et l'étude qui pour- ront fixer les limites au delà desquelles chaque forme a changé ; le fait est cependant que voilà l'introduction de nouvelles mesures faciles pour représenter et distinguer les formes, au lieu des deux seules dimensions que l'on pou- vait donner jusqu'ici et qui ne représentaient presque rien à l'esprit. Une formule générale peut tirer son importance quelque- fois simplement des limites de positions de « sur a ; d'autres fois il faudra introduire la comparaison de deux axes sup- plémentaires pour distinguer deux familles, ou deux genres par exemple ^ La donnée des proportions comparées de « et A nous montrera d'abord avec quelles dimensions nous avons à faire; puis de nouveaux rapports nous expliqueront parfaitement la forme de l'œuf. Plus on prendra d'axes sup- plémentaires, plus la description sera complète; et une for- mule riche en termes, et bien donnée, pourra servir seule au dessin du contour parfait d'un œuf. Il est évident qu'une formule se compUque d'autant plus ' Ce n'est quelquefois que par de Irès-peliles différences dans les dimensions de deux axes supplémentaires que l'on peut distinguer le gros bout d'un œuf de son pelil bout. V. FATIO. — L'OOMÈTRE. 107 qu'elle se rapporte à une plus petite subdivision de la classi- fication ; mais qu'importe, quand l'on tient à donner de telle espèce, ou telle variété, une description bien exacte. La difficulté est,bien plutôt, dans la formation des formules générales, car il ne faut pas y être trop concis, afin d'éviter de donner une formule semblable à deux familles trés-op- posées peut-être sur quelques points ; il faut chercher un caractère particulier, et c'est celte recherche qui fait préci- sément l'intérêt de cette nouvelle étude. Voici, en passant, quelques exemples de courtes formules prises au hasard sur les premiers exemplaires venus de quelques espèces oppo- sées; les axes supplémentaires sont pris à deux dixièmes de A à partir de chaque pôle : Sirix passerina. A=0'°,0315 ; «= 0",0269; Ho; = 0,47. A ; «0=0°, 021 7; «5r=0°',0211. Podiceps minor. A — O^.OSSS; x— 0™,0259 ; n'^=0,5. A; «n = 0'",OI94; «^ = 0'",0I91. Totanus //î/ppoZewcos. A=0°',0365-, «=0™,0256ô; nw=0,37.A; an=0™,0225; «;t=0'°,01o2. Uria Troiie. A = 0'",086 ; «= 0"',0522 ; Uu, = 0,36. A; a'n = 0'°,04675 , «^= 0-", 03025. " Si l'on ne craint pas des formules plus compliquées, l'on peut ajouter encore en millimètres, les lisant simplement sur l'échelle de la colonne C, les valeurs soit de nw, soit des distances entre les axes supplénrentaires et les pôles, afin de faciliter le report sur le papier. Nous avons pris nos exemples dans différents ordres, mais nous aurions pu les choisir parmi les Passereaux où l'on trouve presque toutes les formes des autres ordres plus ou 108 V. FATIO. — L'OOMÈTRE. moins accentuées, quoique variant dans des limites moins étendues. Leurs œufs, arrondis, allongés ou apoinlis, per- mettent également, malgré leur délicatesse quelquefois ex- trême, l'appréciation exacte avec TOomètre de toutes ces différences de caractères, aussi bien que de plus grosses et plus solides coquilles; il faut seulement plus de soin dans l'opération ^ . Toutes ces formes et proportions diffèrent non-seulement constamment de familles à familles et de genres à genres; mais encore souvent aussi dans une même espèce suivant l'âge de l'individu, la disposition de son nid, ou même la variabilité des positions qu'il prend dans son activité. Chez la grande moyenne des Passereaux &j tombe cependant d'ordinaire entre 0,4 et 0,5 de a. Ainsi pour nwFrimfdlacœlehs chez lequel a = 0"',0197 et «— 0'",01515, n« sera = 0,4-5. A; et pour un Parus caudatus chez lequel a =0^0144 et cc= 0^01i 1 noj sera 0,455. A. Je termine enfin ce petit exposé sans offrir aucune solu- tion de la question , sans même oser donner encore mon adhésion à aucune des opinions émises jusqu'à présent. Mon seul but a été de faire connaître ici l'instrument qui me sert avec avantage dans" l'étude de la forme variée des œufs généralement admise comme un de leurs plus impor- tants caractères, si ce n'est même le principal. ^ Il est bon de ne pas vider, si possible, les œufs par leurs pôles, car, pour les très- petites espèces, la mesure première de A devient plus délicate, la voûte une fois rompue. - i V. FATIO. — L'OOMÈTRE. 109 EXPLICATION DE LA PLANCHE III. Figure 4. Oomètre vu de face. « 2. « t * côté. a 3, Tiroirs et couteaux vus par-dessus . A. Tige mobile et recourbée servant à mesurer le grand axe. a. Partie supérieure, horizontale, de A servant à appuyer l'œuf par le haut. B. Pied, ou support en bois, de l'instrument. C. Colonne centrale, graduée sur le côté et supportant toutes les autres pièces. c. Petite plaque, à l'extrémité de C, destinée à supporter l'œuf. D. Pièce en U pourvue d'une vis à crémalière et supportant les tiroirs rf et ri'. ^ d et ri'. Tiroirs dans lesquels glissent les couteaux F ei F . F e[ F'. Couteaux destinés à pincer l'œuf de droite et de gauche pour mesurer son petit axe. . E. Triangle de rapport placé derrière C et s'arrêlant contre le bas de A i. Index tracé sur la pièce A montrant sur l'échelle de C les pro- portions du grand axe. i' . Index de la pièce D montrant sur C à combien de millimètres du grand pôle les deux axes se rencontrent; et indiquant sur le tri- angle E combien cette dernière dimension égale de dixièmes du grand axe- i" eti'". Index fixes sur les tiroirs d' et d indiquant, à partir des zéros de F' et F, chacun une moitié du petit axe. 0. L'œuf en place. Figure 4. Forme théorique sphérique de l'œuf. « 5. Forme elliptique. « 6. Forme ovoïconique allongée. A. Le grand axe. 440 V. FATIO. — l'oométré. ce. Le petit axe. ««. Axes supplémentaires. n. Le grand pôle, ou gros bout. ^. Le petit pôle, ou petit bout. fci. Point de section des deux axes. LE SYRRHAPTES PARADOXUS EN SUISSE PAR V. FATIO. Quoique Pallas eût décrit \eSyrrliapte des Kirghises et que l'on eût, peu après, retrouvé l'Hétéroclite plus au nord dans les steppes de Gobi ; ce curieux oiseau était cependant en- core peu connu, quand il vint, en 1851, se jeter en si grand nombre dans les environs de Pékin qu'un membre de l'expé- dition anglaise put, dit-on, en emporter jusqu'à 73 individus vivants. Le Syrrhapte demeurait toutefois étranger à l'Europe, lorsque, poussé peut-être par le même besoin d'émigration qui l'amena en Chine, il fit en 1859, et pour la première fois, quelques rares apparitions en Russie et en Angleterre. Nos naturalistes, étonnés d'une invasion si insolite, considé- raient encore comme une énigme un fait qui bouleversait toutes leurs idées, quand, enfin, en 1863 des bandes nom- breuses, arrivant sur presque toute l'Europe, apportèrent de nouveau le trouble et le bonheur parmi tous les ornitho- ij2 V. FATIO. logistes. Bon nombre de pays possédèrent des Syrrhaples et tous les journaux scientifiques publièrent à l'envi les obser- vations que l'on recueillait de toute part. Le Journal fur Ornithologie, VIbis et la Revue zoologique qui même donna une bonne planche du mâle et de la femelle, fourmillèrent de mémoires sur l'oiseau qui était devenu à l'ordre du jour, sur ses mœurs et sur son genre de vie dans les différentes localités. Je ne veux pas revenir ici sur tout ce qui a été dit, ni parler encore de ce que chacun a pu lire; je me bornerai à tirer de VIbis\ d'un mémoire de M. Alf. Newton, les don- nées générales suivantes, qui suffiront, je l'espère, à faire comprendre l'intérêt que nous attachons aux quelques ap- paritions que l'Hétéroclite a pu faire en Suisse. Pendant l'année 1863 le Syrrhaples paradoxus s'est étendu enEuropesur33degrésdelongitude,depuisBrodyenGallicie, jusqu'à Naran sur les côtes occidentales du Donégall en Ir- lande ; et sur 25 degrés de latitude, de BiscaroUe au pied des Pyrénées au sud, jusqu'à Thorschavn dans les Féroé au nord.' La première apparition signalée avec précision en 1863 date du 6 mai et aurait eu lieu en Moravie; les der- nières apparitions datent de 1864 et sont, l'une, tirée encore du même mémoire, à Novare en février ; et l'autre, tirée du Journal fur Ornithologie, à Plauen en Saxe vers la fin de juin. Mais les Syrrhaptes qui ont niché et passé l'hiver en Eu- rope, se sont pourtant montrés aussi en Suisse pendant l'année 1863, quoique en bien petit nombre, il est vrai. 1 r/ie Jtis, 1864, vol. VL LE SYRRHAPTES PARADOXUS EN SUISSE. 1 13 Quatre individus seulement ont été vus et capturés à ma connaissance dans difféientes localités. Les deux premiers ont été tués, à peu de jours de distance, vers le milieu d'août 1863 dans les environs de Genève, par des chasseurs qui, ne connaissant pas la valeur de ces animaux, laissèrent mal- heureusement perdre pour la science l'heureuse trouvaille qu'ils avaient faite. Ce ne fut que longtemps après ces découvertes que j'appris de personnes auxquelles je parlais par hasard de l'ilétéro- clile, qu'elles croyaient avoir vu des oiseaux semblables entre les mains de deux chasseurs. Je me mis de suite en quête des deux hommes, mais ne pus jamais retrouver que l'un d'eux qui avait heureusement conservé les pattes de son oiseau. J'établis facilement la provenance bien évidente de ces pattes, mais ne pus presque rien tirer de la mémoire du chasseur; il avait oublié la date, et se souvenait seulement qu'en allant, vers le milieu d'août, (en contrebande) faire un petit tour de chasse entre Lancy et le Plan-les-Ouales, à une demi-lieue de Genève, il tira dans un champ un oiseau qui partit seul devant lui et qu'il prenait d'abord pour une per- drix; qu'il s'amusa ensuite à le faire si souvent rapporter à son chien^ qu'il n'était plus présentable et qu'il n'en con- serva que les pattes qui lui semblaient curieuses. La personne qui me parla du second exemplaire tiré dans le canton de Genève me dit simplement qu'elle avait remarqué que cet oiseau avait les extrémités des pennes et des rémiges usées comme s'il avait été gardé en cage; mais je ferai observer que ce fait a été souvent signalé chez les oiseaux libres qui ont souffert dans leurs voyages. 45 114 LE SYRRIIAPTES PARADOXUS EN SUISSE. Au commencement de novembre 1863, un paysan du nom de Mayer tira aussi un Hétéroclite dans un grand champ de grain près de Ziegelried dans le canton de Berne. L'in- dividu qui était encore seul, est tenu pour un vieux mâle par M. Staufer, deLucerne, qui me communique cette nou- velle et possède maintenant l'oiseau dans sa collection. Enfin M. le prof. Miihlberg m'écrit qu'il possède un Syr- rhaple qu'un chasseur a tué le 9 décembre 1863, par une journée de brouillards, dans une localité voisine de Zug, et nommée Sumpf, parce qu'elle est marécageuse par places. Le chasseur n'a vu que ce seul individu qu'il est venu offrir sous le nom de Colin. J'ai vu l'exemplaire qui me semble, comme à M. Miihlberg, un mâle d'âge moyen en livrée non encore parfaite. Aucune compagnie ne s'est, comme on le voit, montrée dans notre pays ; nous n'avons recueilli que quelques individus isolés et égarés qui s'étaient évidemment fourvoyés en venant se jeter dans un pays pré- sentant si peu de rapports avec leur patrie. ANALYSES. Wallace (Alfred-R.). Remarks on the Habits, Distri- bution AND Affinities of THE Genus Pitta. ( The Ibis, Vol. VI, n" 21. .laniiary 1864.) Les Brèves (Pitta) sont un genre d'oiseaux insectivores habitant les forêts des contrées tropicales asiatiques et or- nés généralement de couleurs brillantes et fortement con- trastantes. Par leurs riches teintes bleues et violettes, leur vert délicat, leur jaune et leur pourpre, leur noir velouté et leur blanc pur, elles rappellent les Tangaras de l'Amérique du Sud, et en fait ces deux groupes sont presque les seuls parmi les oiseaux qui n'aient pas de teinte caractéristique ou de style de livrée. Mais au lieu d'être, comme les Tangaras, un groupe dominant, abondant en genres, en espèces et en individus, répandu sur une très-vaste aire géographique, et offrant une grande variété de formes avec presque toutes les combinaisons possibles de couleurs, les Brèves sont un genre petit, probablement décroissant, ne présentant que de légères modifications de forme, et également pauvre en es- pèces et en individus. Elles habitent un distiict qui a été récemment rompu en nombreux fragments et semble avoir 116 ' ANALYSES. été, pendant de longues périodes, dans un état continuel de changement. Les Brèves sont surtout caraclérisées par leur corps court et arrondi, leur plumage serré, leurs pattes très-longues, leurs ailes et leur queue courtes, et leur bec long et fort. Elles courent rapidement et sautillent sur le sol : quand on les serre de prés elles partent d'un vol long, droit et silen- cieux. Ce sont presque toujours des oiseaux rares que l'on ne rencontre qu'en les cherchant assiduement dans les sta- tions que chaque espèce semble préférer. Elles fréquentent quelqurfois les plantations abandonnées et les fourrés prés des villages : toutefois la plupart des espèces ne se trouvent que dans les forêts vierges, préférant les jungles les plus épaisses et les plus épineuses où il est presque impossible de les apercevoir avant d'en être trop près pour pouvoir tirer sans gâter l'échantillon. Dans l'ile de Bourou la P. rubri- micha ne se trouve que dans les entrelacements des joncs épineux où il est impossible à un homme de pénétrer s;'rs se frayer un chemin avec la hache. Plusieurs autres espèces se rencontrent aussi dans des localités d'un accès fort diffi- cile et ne sortent guère de leurs relrailes. Une Brève étendue sur le sol au moment où elle vient d'être tuée est excessivement belle. On ne la trouve pas gisant sur le côté, en un paquet, comme c'est le cas pour d'autres oiseaux, mais elle est invariablement à plat sur le dos, les pieds relevés en l'air, le plumage gonflé et la t;u lie rouge du ventre bien en évidence. Celle particularité tient peut-être à la brièveté de la queue et des ailes et à la ron- deur du corps. ANALYSES. 117 La nourriture des Brèves se compose de différentes es- pèces d'insectes, surtout de Coléoptères et de petits Orthop- tères, ainsi que de vers. Leur bec puissant leur permet de creiisor le sol pour y chercher leur nourriture, aussi le Irouve-l-on souvent encroûté de terre. L'on n'a encore observé la nidification que chez quatre espèces. Le nid est placé près du sol et il est assez gros- sièrement construit de fragments de roseaux, de racines, de feuilles moi les et de mousse. M. Wallace propose une division du genre en sections ca- ractérisées par le mode de coloration. Les 33 espèces de Pitta connues sont ainsi réparties en 10 groupes dont les deux premiers comprennent 1G espèces distribuées sur presque toute l'aréa qu'occupe le genre et se trouvant éga- lement dans la région zoologique indienne et dans la région australienne. La plus grande partie des espèces habitent la région malaise, car l'on trouve les chiffres suivants : en Afri(|ije [I] cl en Asie 6 espèces de 3 groupes, en Australie 2 « « 2 z la femelle que chez le mâle. Seulement, chez celle-ci, |ps moustaches sont moins développées et, au lieu d'être noires, elles ont une couleur blanchâtre qui, tranchant fort peu sur le fond du plumage, est cause qu'on les remarque moins; il suffit d'ailleurs de relever avec une pointe les plumes de cette partie pour s'assurer de leur présence; c'est ce que l'on peut constater chez la femelle que M. Lunel présente à la Société. Séance du ^ juin. — M. Fatio écrit de Meiringen (Berne) qu'il a vu, le 18 mai 1864, de fortes bandes de geais [Garrulus glandariua) passer assez haut au-dessus du lac de Thoune, dans la direction du sud au nord ; il rappelle, à cette occasion, qu'il a déjà signalé un passage de ces oiseaux près de Genthod (Genève) dans le commen- cement du même mots, et se demande s'il y a quelque rapport entre ces passages retardés d'environ un mois el demi et l'abondance ex- traordinaire des individus qui ont suivi l'automne précédent la di- rection contraire. — M. Ch. Binet signale le fait que M. Edouard Pictet a vu dans le courant de mai un guêpier volant sur le Rhône. Celle observation a une certaine valeur, parce que M. Ed. Pictet connaît très-bien cet oiseau, qu'il a eu l'occasion d'étudier dans le midi de l'Europe et en Egypte. — M. Lunt'l montre à la Société et décrit delà manière suivante une variété remarquable de l'Hippolaïs à poitrine jaune [Hippolaïs polyglotla de Selys ex Vieill.j. 148 EXTRAITS Tout le dessous du corps d'un beau jaune sans taches, les parties supérieures et le croupion de la même couleur, avec seulement quel- ques plumes sur le front et au bas de la nuque, d'un brun verdâtre. Les ailes et la queue brunes, bordées de blanchâtre; une seule plume sur chaque scapulairc, ainsi que les troisième et cinquième rectrices d'un des côtés de la queue d'un blanc pur ; bec brun ; pieds d'un gris de plomb ; iris brun clair. Longueur de la pointe du bec à l'extrémité de la queue: (i"',\'i'i. Individu mâle, tiré à la fin d'avril. M. Lunel ajoute que les modifications accidentelles que subit parfois la coloration du plumage des oiseaux constituent ce qu'on appelle des variétés, telles que l'albine, la mélanienne et la variété isabelle ou blonde. Ces anomalies paraissent provenir de quelque maladie, soit des follicules épilhéliennes ou de toute autre partie de l'enveloppe cutanée, maladie qui amènerait, dans les cas d'albi- nisme, la disparition complète de la substance pigmenlaire, et, pour les autres cas, une altération plus ou moins profonde de celte ma- tière colorante, d'où résulterait la variation et le plus souvent l'af- faiblissement des teintes du plumage. Ainsi, dans la variété dite blonde, les plumes, tout en conservant les lâches et le dessin qui caractérisent le type, prennent u'ne teinte pâle, quelquefois grisâtre, ei le plus souvent d'un isabelle plus ou moins clair. Quant à la variété mélanienne, sauf quelques cas, elle n'a été le plus souvent observée que chez des sujets tenus en cage, et paraîtrait résulter du régime auquel ces oiseaux auraient été soumis ; c'est ce que l'on a pu remarquer chez des bouvreuils, des chardonnerets et des alouettes, etc., nourris pendant longtemps exclusivement avec de la graine de chanvre. Enfin, l'Hippolaïs en question offre cela d'intéressant, que (;et oi- seau, par le fait de quelque circonstance particulière, se trouvant sou- mis aux influences morbides qui président à la formation des variétés, et qui aurait dû, avec son mode habituel de coloration, passer à l'état d'albinos parfait, ne présente, au contraire, que quelques faibles traces de celte anomalie ; de plus, le jaune des parties inférieures a pris une teinte beaucoup plus vive et a remplacé, en outre, la pres- que totalité du cendré olivâtre des parties supérieures du corps. DES rROCÊS-YERDAUX. 140 Séance du 4 juillet. — M. Liincl annonce que, dans la nuit du 13 au 14 juin, entre minuit el^ h. du malin, par, une furie pluie et un vent violent du sud-ouest, a eu lieu à Genève le passage d'un vol considéiabic de Vanneaux, Vannellus crislalus Lin. Ces oiseaux, qui venaient du côié du lac, éblouis sans doute par l'éclal des revcr- l)ères de la ville et ayant perdu leur route, sont venus s'abattre sur le square des Bergues, où ils ont erré le reste de la nuii, ne ces- sant de pousser leur cri d'appel et n'ont disparu que lorsque le jour leur a permis de retrouver leur cliemin. M. Lune! attribue à quelque cause extraordinaire la présence parmi nous de ces oiseaux à celle époque de l'année, le passage de printemps des Vanneaux luippés n'ayant lieu ordinairement dans nos contrées que vers la fin de février ou les premiers jours de mars, et leur retour vers le milieu ilu mois d'octobre. — M. le D'Depierre décrit un nid de Blongios trouvé près de Lau- sanne, dans un lieu dit « les Pierreltes. » Ce nid, composé de ro- seaux, a été élevé au fur cl à mesure de la crue des eaux, car il flottait et était retenu librement par les roseaux qui l'entouraient. — M. Lunel a vu dans la Camargue des nids de cet oiseau, à un pied au-dessus de l'eau et appuyés sur les roseaux. Il s'était passe l'inverse de ce que M. Depierre a observé, c'est-à-dire que les eaux s'étaient retirées depuis que le nid avait été construit et que celui- ci était resié suspendu à une certaine hauteur. — M. Falio écrit que M. Slauiïer lui a procuré une SyUia Celli qu'il affirme avoir tuée lui-même près de Lucerne, dans un champ de pommes de terre, en cherchant la S. suecica. M. Falio. tout en faisant remarquer que cet oiseau n'a jamais été signalé dans le Tessin, ne peut cependant s'expliquer son arrivée au nord des Alpes que par le St-Golhard et la vallée de la Reuss. RI. Slauller a obtenu une fois en chair le Cormoranus pyguiœus, tué sur le lac de Lu- cerne. Cet oiseau a été tué à plusieurs reprises sur le lac de Cons- tance. M. Falio signale encore le fait que le Buieo lagopus, qui ne se montre près de Genève que dans des hivers rigoureux et toujours en petit nombre, niche cependant et se rencontre assez abondam- ment aux environs de Constance. 150 EXTRAITS Séance du f' août. — M. LuncI soumet à la Sociélc un m6\ù- tnrsien de Solitaire [Pczophnps solUarla, Siricki. et Melv.) qui a clé acquis par le Musée de Genève, et il donne quelques détails his- loriqnes sur le Dronle et le Soiilairc. Le même fnembrc lit un travail sur un nouveau caractère observé par lui chez le Bécasseau plal^rliynque (voir j»lus liant, p. 31). — M. Falio communique le résultat de.ses recherches, qui tendent à réunir les Parus borcalis et alpeslris (voir plus haut, p. 79). Le mêmeinembre raconte avoir trouvé l'œsophagoel legésierd'uno Crécerelle ( Falco thmunculus) qu'il avait tuée le 22 juin 1864, près de Poschiavo {(Prisons), complètement remplis de pierres de diverses natures et formes, et mesurant en moyenne 0™,009 sur 0"*,007. La grosseur cl le nombre de ces pierres, si communes dans le gésier fortement musculenx des Gallinacés, semblent éionnants à M. Falio, pour l'estomac membraneux d'un Rapace. La présence de ces corps peu digestifs annonçait, suivant lui, un cas morbide el se traduisait par une lassitude probable de l'oiseau, car il se laissa approcher ouvertement de très-près; par une apparence cu- rieuse des plumes qui, après avoir perdu leur rigidité et leur lustre, étaient molles el en désordre; par une maigreur el une légèreté com- parative très-grandes du corps ; et. enfin, par une coloration irès- pàle de la muqueuse du tube digestif. Séance du 5 septembre. — M. Falio présente un instrument nouveau, qu'il nomme Oomclre (voir plus haut, p. 94). Séance du 3 oclobre. — M. IJumberl lit une analyse d'un mé- moire Irès-déiaillé de M. A. Newlon sur le Sijrrkapl.es paradoxus. — M. Falio lit une notice sur une colonie de Hérons cendrés {4rdea cinerea) insiallée près de Lucerne, dans la chaîne du Pilale, sur des rochers escarpés (voir plus haul, p. 73). — M. Depierre dit avoir observé des colonies semblables dans des îlots du Pô. — M. Gindroz signale la réunion pour leur di'parl, vers le 8 sep- tembre, de Martinets à venire blanc [Cupselus alplnus). Ces oi- seaux étaient venus en grand nombre du Salèvc, des V^oirons et montagnes eiuironnautes, à Jusigny. DES rROCÈS-VERBAUX. 151 Séance du 7 novembre. — M. Cli. Binol f;iil l;i communicilion suivjinlc reliilivc à un passoge de faucons Kobcz [F. rufipes] : « Le 27 nvril I8G4, je fus chasser avec un de mes amis au ma- rais de Sionncx, à 2 lieues de Genève ; noiro chasse ne fui pas heu- reuse, cl nous revenions à la maison lorsque, entre le marais do Sionncx cl le pelil marais dit de la Rite (près Puplinges). je fus frappé d'un spectacle orniihologifjue assez cxlraordinaire. A quel- ques centaines de pas do nous tourbillonnaient en grand nombre des oiseaux que leurs ailes arquées et leur vol ra[iidc me firent promplenienl reconnaître pour des oiseaux de proie. Je crus d'a- bord que quoique cadavre avait, pu attirer ces oiseaux ; je vis ensuite qu'ils ne se posaient point à terre, mais seulement sur de petits chênes rabougris qui sont dans les baies. A notre ap- proche, ces oiseaux s'élevèrent promplemenl et se mirent à tour- noyer sur nos têtes. L'un d'eux ayant passé à portée, je lui tirai un coup de fusil, et il tomba avec l'aile cassée. Ayant été le ramasser, je reconnus un mâle du faucon Kobez, d'un beau gris cendré, avec les pattes d'un vermillon vif et les longues plumes des cuisses d'un brun rouge foncé. Comprenant toute l'impoi-lance de cette capture, nous nous embusquâmes, mon ami et moi, derrière les haies, cl au bout de quelques instants les faucons reparurent. Nous en tuâ- mes ainsi, en deux heures environ, huit, dont six mâles et deux femelles. Nous en aurions tué bien davantage si nous avions eu du gros plomb, mais notre petite grenaille, destinée aux oiseaux de marais, en blessa plusieurs que nous ne pûmes avoir. «Le surlendemain, 29 avril, m'étant muni de gros plomb, je re- tournai dans les mêmes parages, et je tuai cinq faucons. Leur nom- bre avait sensiblement diminué, car je n'en vis qu'une quinzaine, tandis que le premier jour j'en avais vu certainement deux cenls. Voici quelles étaient les allures de ces oiseaux: ils planaient con- centri(|ucment comme les autres rapaces, et s'élevaient ainsi à une grande hauteur en poussant des cris stridents; puis, tout à coup, fondaient sur les chênes dont j'ai parlé, où ils dévoraient avec avi- dité les hannetons déjà très-nombreux à celle époque de l'année. « Je remarque que dans les jours qui ont précédé ma chasse, on 1 53 EXTRAITS n'avail signalé aucun orage almosphérique qui ait pu motiver le passage de ces oiseaux et qui les eût ilélournés de leurs pérégrina- tions habituelles. » — M. Depierre a constaté le passage presque annuel de ces fau- cons dans les marais d'Orbe (canton de Vaud). — M. Léon Olph-Galliard envoie de Lyon la description d'un mé- tis de la Perdix saxotllisel de la P. pelrosa [voir plus haut, p. 69), — M. Gindroz présente une variété de la Pe?'rf/a;cmer^ TABLE DES MATIÈRES. Pages Préface 5 Liste des membres 7 Observations sur la Cisticola schœnicola, par G. Lunel. ... 9 Note sur le Bécasseau platyrhynque [Tr. platyrhyncha], par G. Lunel 31 Distribution verticale des Sylviadées en Suisse, par V. Fatio 39 Lettres de M. Léon Olph-Galliard 69 Une colonie d'Ardea cinerea en Suisse, par V. Fatio 73 Parus borealis, par V. Fatio 79 L'Oomètre, par V. Fatio 94 Le Syrrhaptes paradoxus en Suisse, par V- Fatio * 111 Analyses 115 Extraits des Procès-verbaux 1 45 %gisSSiï='~^— BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ORNITHOLOGIQUE SUISSE Imprimerie de Jcles-Guillaume Fuk. BULLETIN ^f Îl.-Di fu^u). SOCIÉTÉ ORNITHOLOGIQUE . SUISSE Tome l" — 2"" Partie GENÈVE PARIS LIBRAIRIE H. GEORG L IBR AIR! E F. S A VY Vème maison ii Bàle 24, rue llautefeuillt 1866 SUR LE GRAND CORBEAU (CORYUS GORAX, Linné) PAR GODEFROY LUNEL Conservateur du Musée académique h Genève (Lu dans la séance du 13 novembre 1806) Sauvage, méfiant et rusé en môme temps que fieffé voleur, le dernier et l'un des plus lâches et des plus dégoûtants des oiseaux de rapine, le corbeau avec son port ignoble, son plumage sombre, son regard farouche et l'odeur infecte qui s'exhale de tout son corps, a toujours été regardé comme un objet de dégoût et d'horreur. Mangeur de cha- rogne par excellence, il flaire la chair morte et l'odeur des tombeaux, dépèce un cadavre avec une incroyable voracité et en fait disparaître les moindres débris; enfin, c'est une bêle maudite, sinistre messagère au cri rauque et lugubre, que l'on voit après la bataille s'abattre en croassant sur le champ du carnage et s'y désaltérer du sang des morts. Tel est le portrait rien moins que flatteur que depuis des siècles l'on nous fait du corbeau. Cependant la plupart des historiens de cet oiseau, même les plus ardents à lui jeter Ja pierre, par un esprit de justice et d'impartialité dont il 6 G. LUNEL. faut leur savoir gré, nous ont aussi parlé des facultés ou des qualités plus ou moins précieuses qu'ils lui ont reconnues. Ainsi, le corbeau serait doué d'une intelligence extraordi- naire. Époux fidèle et constant, il connaît les préludes et les voluptés de l'amour et sait, par ses caresses et l'ardeur de ses désirs, inspirer à sa femelle un sentiment réciproque. Plein de sollicitude pour celle-ci, il ne la quitte jamais, partage avec elle les soins de la famille et pousse jusqu'à l'extrême la défense de ses petits, souvent môme contre des ennemis plus forts que lui. Facile à apprivoiser, même pris adulte, le corbeau devient le commensal de la maison, apprend à parler, à réciter des vers et même à répéter des phrases entières. On dit aussi en avoir vu de dressés à la chasse des perdrix et des faisans. Il reconnaît son maître, s'atta- che à lui et le défend à l'occasion; cette défense irait même parfois jusqu'à la témérité, si l'on croyait l'histoire, rappor- tée par Aulu-Gelle, du tribun Valérius qui, défié en com- bat singulier par un Gaulois de haute stature, ne vint à bout de son adversaire que grâce à l'intervention d'un corbeau qu'il avait élevé : ce dernier s'acharna tellement sur le Gau- lois, le frappant de son bec et de ses griffes, qu'il le mit dans l'impossibilité de faire usage de toute sa force contre Valérius, ce qui valut à celui-ci le surnom de Corvinus. Ces facultés diverses attribuées au corbeau, selon la ma- nière dont elles ont pu être interprétées au gré de l'ignorance ou de la superstition, ont rendu cet oiseau célèbre chez presque tous les peuples, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, et il n'est pas de légendes ou de fables que l'on n'ait débitées sur son compte. SUR LE GRAND CORBEAU. 7 Proscrit dans certains pays comme nuisible, sa tête y était mise à prix, tandis que dans d'autres, considéré ajuste rai- son comme un animal utile à l'agriculture, il était placé sous la protection des lois. Les anciens Romains faisaient grand cas du corbeau i et les augures de ce temps-là l'a- vaient rangé au nombre des oiseaux de mauvais présage. Ils lui attribuaient le don de connaître l'avenir, mais prophète de malheur, le corbeau ne devait prédire que le côté fâcheux des événements. Ils en étudiaient les moindres mouve- ments, observaient avec soin les accidents de son vol et ils étaient parvenus à reconnaître dans la voix de cet oiseau une foule d'inflexions diverses se rapportant à autant d'évé- nements sinistres. On raconte que certaines gens d'alors, dans l'espérance de s'approprier le don de prophétie attri- bué au corbeau, en avaient mangé le cœur et les entrailles. Enfin, ne voulant pas dépasser les bornes qui m'ont été tracées pour ce travail, je ne pousserai pas plus loin l'énu- mération de ce qui peut avoir été dit sur cet oiseau extraor- dinaire et qui de nos jours encore, confondu le plus sou- vent avec les corneilles ou les autres espèces à plumage noir de genres voisins, n'est guère connu que par le sen- timent de répulsion que son seul nom inspire. L'histoire suivante d'un corbeau que je conserve en do- mesticité depuis près de vingt années et les observations que j'ai pu faire pendant ce temps sur les mœurs et les habitudes de cet oiseau, serviront, je l'espère, à le faire mieux connaître et à démontrer tout ce qu'il y a d'exagéré ^ Il est probable que cette vénération des Romoiiis pour le corbeau s'étendait également aux corneilles et aux autres espèces du genre. 8 G. LUNEL. OU de mal fondé dans la mauvaise opinion qu'on s'en est toujours faite. Au mois d'avril 1848 des bûcherons qui descendaient du pic Saint-Loup, montagne à cinq lieues nord-ouest de Mont- pellier, s'emparèrent d'un jeune corbeau. Cet oiseau, sans doute le dernier éclos de la couvée et dont les ailes n'a- vaient pas encore atteint leur entier développement, fut remis à des charbonniers qui amenaient leur chargement de combustible à la ville. Ces derniers, comptant sur une bonne aubaine, vinrent offrir leur prisonnier à un amateur d'ornithologie. Celui-ci le leur acheta à condition qu'ils lui apporteraient à l'occasion les œufs ou les oiseaux rares qu'ils pourraient se procurer. Une fois les charbonniers partis, notre amateur, embarrassé de son acquisition et ne sachant que faire d'un sujet trop mal emplumé pour être de quelque utilité à sa collection, s'empressa bien vite de me l'envoyer, me laissant le maître d'en disposer à mon gré. Me voilà donc possesseur, bien malgré moi, d'un cor- beau; vivant, il me répugnait de le tuer et, partant, peu sou- cieux de garder dans ma chambre un hôte aussi bruyant que peu commode, je l'offris en cadeau à mes amis et con- naissances, faisant valoir les aimables qualités de l'espèce et glissant légèrement sur ses défauts; tout fut inutile, per- sonne ne voulut s'en charger. Pendant ce temps maître corbeau, sans nul souci de son sort à venir, gagnait bientôt, par la gentillesse de ses ma- nières, les sympathies des personnes de la maison; aussi fut-il décidé, en désespoir de cause, que l'oiseau vêtu de noir prendrait place au foyer de la famille, en attendant SUR LE GRAND CORBEAU. 9 qu'on lui eût trouvé un gîte plus commode et mieux appro- prié à ses habitudes. Coco (c'est le nom qui lui fut donné d'un commun accord) fut alors installé dans la cuisine; une caisse placée dans un coin et surmontée d'un pied tourné pour oiseau empaillé, devait lui servir de perchoir, et pour l'empêcher d'exercer ses instincts destructeurs sur les ustensiles du ménage, on lui entoura la patte d'une guêtre de cuir avec un anneau dans lequel était passé un bout de corde qui venait se fixer solidement à la caisse. Cette corde, assez longue pour lui laisser la liberté de ses mouvements, était cependant trop courte pour lui permettre de pousser trop loin ses prome- nades. Pendant les premiers temps notre oiseau parut se com- plaire dans sa nouvelle position; il se tenait tranquille sur son juchoir, n'en descendait que pour prendre ses repas et ne cherchait pas à se débarrasser de la corde qui le retenait. Toutefois, un beau jour le compère, ennuyé probable- ment d'être toujours à la même place, eut la fantaisie de se donner un peu plus de liberté. 11 se mit donc à déchique- ter sa corde avec le bec et finit par la couper ; il fit de même à chaque nouvelle corde qu'on lui mettait, au point que nous nous vîmes forcés de remplacer celle-ci par une petite chaîne; mais notre gaillard ne se tint pas pour battu et s'acharna si bien contre sa chaîne, qu'il finit par la briser. Alors nous jouâmes au plus fort et nous nous mîmes à lui renouveler ses liens sitôt qu'il les rompait, jusqu'à ce que fatigué lui-même de Tinulililé de ses efforts, il cherchât toujours moins à se débarrasser de sa corde ; il finit même Tome I, 2« p. 2 10 G. LUNEL. par s'y habituer à tel point que nous pûmes le voir, an jour que celle-ci s'était défaite, chercher lui-même à se l'attacher à la patte. Lorsque parfois on lui permettait de se promener par la maison, il ne descendait jamais de son perchoir sans s'assu- rer préalablement si sa corde ne tenait pas à la caisse ; à cet effet il la ramenait dans son bec jusqu'à ce qu'il en eût rencontré le bout, et ce n'est qu'alors qu'il se décidait à sauter à terre. Il prenait cette précaution depuis que sa corde étant raccourcie par les nœuds qu'on était obligé d'y faire chaque fois qu'elle se rompait, il lui était arrivé, dans des moments d'effroi, de s'élancer précipitamment de son perchoir et de rester suspendu par la patte. Coco était devenu d'une grande familiarité, on le laissait souvent se promener librement par la maison, il montait sur nos genoux, et pendant nos repas il venait se placer à l'un des bouts de la table, sans jamais touchera rien de ce qui étaitdessus. En nous voyant verser de l'eau dans nos verres, un croaA: nous annonçait qu'il en voulait sa part; puis, pour nous imiter et boire à notre manière, au lieu de plonger le . bec dans le liquide comme font la plupart des oiseaux, il saisissait, au contraire, entre ses mandibules le bord du verre que nous lui présentions, et faisant levier il en ingur- gitait le contenu. Malheureusement notre corbeau finissait souvent par abuser de la liberté qui lui était accordée, et se livrait parfois aux habitudes dévastatrices de sa race, ce qui nous obligeait de le remettre à l'attache. 11 avait un talent particulier pour déchirer les tapisseries et dépailler les SUR LE GRAND CORBEAU. 11 chaises. Un dimanche, étant sortis l'après-midi sans réflé- chir que le corbeau n'était pas attaché, pendant notre absence celui-ci ayant trouvé une chaise à sa portée, en arracha toute la paille et la réduisit à l'état de squelette. Depuis lors j'ai eu le soin de faire remplacer par du bois la paille des chaises de la cuisine, au grand déplaisir du compère, qui ne se hasarda à remonter dessus qu'après quelques jours de bouderie. Notre corbeau nous reconnaissait pour ses maîtres et savait bien nous distinguer des personnes étrangères à la maison; il suffisait pour nous de l'appeler depuis la rue pour qu'il nous répondît aussitôt. Mais c'est surtout à ma femme qu'il témoignait le plus d'amitié ; l'aventure suivante, dans laquelle il faillit perdre la vie, vint mettre le comble à cette affection. Un jour, à l'entrée de la nuit, que Coco se promenait librement par la maison, mon fils s'élant affublé d'une peau de léopard qui nous servait de tapis de pied, s'a- vança vers lui en marchant à quatre pattes. Le corbeau, saisi de frayeur, s'envola par la fenêtre ouverte et disparut par- dessus les toits. Étant montés aussitôt sur la terrasse de la maison, nous vîmes notre oiseau qui volait à une assez grande hauteur. L'ayant appelé par son nom de Coco, à cha- que fois il nous répondit par des croak et vint planer au- dessus de nos têtes sans toutefois se laisser prendre, parais- sant chercher à regagner sa demeure ; mais comme la rue était fort étroite, il lui était difficile de reconnaître la fenêtre par laquelle il était sorti. Pendant ce temps la nuit était venue, nous le vîmes alors s'abattre sur le toit d'une mai- son du voisinage et disparaître à nos regards avec les der- nières lueurs du crépuscule. 42 G. LUNEL. Le lendemain, une personne qui avait été témoin de la scène de la veille, vint nous prévenir que le corbeau était rattrapé. Ma femme aussitôt s'empressa de se rendre à l'endroit indiqué. Voici ce qui s'était passé. De grand matin, le corbeau croyant sans doute reconnaître son gîte, vint se présenter devant la fenêtre d'une mansarde qui ser- vait d'atelier à des tailleurs; mais il arriva par malheur que sa corde, qui lui pendait à la patte, s'accrocha au bord du toit et le pauvre oiseau resta suspendu et fit de vains efforts pour se dégager. Les ouvriers de l'atelier voulurent s'en emparer, mais comme il faisait résistance et les menaçait de son bec, ils se mirent à le frapper et le tirèrent si fort qu'ils lui luxèrent la jambe. Après s'être rendus maîtres de l'animal, les tailleurs lui infligèrent toute sorte de mau- vais traitements, le lièrent au pied d'une table et commen- cèrent à délibérer sur le genre de mort qu'ils lui feraient subir. Le corbeau tout meurtri et le plumage ébouriffé atten- dait, tête basse, l'arrêt de ses juges; ce fut à ce moment que ma femme entra dans l'atelier. A la vue de sa maî- tresse, le malheureux captif releva la tête, poussa un cri plaintif et fit ses efforts pour venir vers elle. Détacher le cor- beau, le prendre sous son bras et l'emporter, fut pour ma femme l'affaire d'une seconde; mais ce ne fut pas toutefois sans avoir reproché aux ouvriers leurs actes de barbarie. De retour à la maison, le corbeau fut déposé à terre et tandis que sa maîtresse allait au fond de l'appartement prendre du linge pour lui panser ses blessures, ne voulant plus la quitter, il se mit à la suivre clopin-clopant en traînant sa jambe disloquée. Depuis ce jour, l'oiseau SUR LE GRAND CORBEAU. 13 reconnaissant s'est pris pour sa libératrice d'une affection qui ne s'est jamais démentie un seul instant, et si parfois il lui arrivait de faire quelque sottise, un seul mot ou un geste de sa maîtresse suffisait pour le mettre à la raison. Enfin, toutes les fois qu'il la voyait paraître, même après une courte absence, il poussait des cris de joie et battait des ailes comme le font tous les jeunes des oiseaux à la vue de leurs parents. Ayant visité la patte du corbeau, je reconnus avec plaisir qu'il n'y avait pas de fracture ; seulement le pied était désar- ticulé au talon et tourné en sens contraire. Après le lui avoir remboîté, je l'entourai d'une compresse imbibée de vin sucré; il y eut d'abord une assez forte enflure de la par- tie malade, mais au bout de peu de jours le mal avait dis- paru complètement et l'oiseau put se servir de sa jambe aussi bien qu'auparavant. Lorsque nous quittâmes Montpellier pour venir à Genève, le chemin de fer n'allait encore que jusqu'à Valence; le cor- beau fut mis dans une caisse à claire-voie et placé sur l'impériale de la diligence. Durant le trajet un voyageur eut la malencontreuse idée, après avoir agacé le prisonnier avec sa canne, de lui présenter la main. L'oiseau lui admi- nistra un vigoureux coup de bec et lui ôta l'envie de recom- mencer ses taquineries. A l'arrivée à Valence, ma femme s'empressa de donner à manger à son corbeau qui, malgré l'obscurité, la reconnut au flair et à la voix et caressa avec sa langue la main qu'elle lui tendit à travers les barreaux de la caisse. De tout temps le corbeau a été considéré comme très- 14 G. LUNEL. vorace^ cependant celui que je nourris s'est toujours con- tenté de peu. Le matin, du pain et la moitié d'un œuf, le plus souvent à la poêle, et un peu de viande cuite le soir lui suffisent pour sa nourriture de chaque jour. Peu délicat sur le choix de ses aliments, tout lui est bon; il aime à ron- ger les os, surtout ceux de la volaille. Il a une préférence marquée pour les corps gras, tels que le lard, le beurre , voire même les bouts de mèches de lampe, etc. Mais c'est surtout du poisson cuit ou cru dont il est le plus friand. Un jour que je changeais l'eau à des poissons rouges, j'oubliai sur la table de la cuisine le bocal qui les contenait, pressé que j'étais d'aller faire une commission. Pendant le peu d'instants que je restai absent^ maître corbeau n'eut rien de plus pressé que de se livrer au plaisir de la pêche et croqua jusqu'au dernier les habitants de l'onde. A mon retour, le drôle, tout glorieux de son exploit, vint à ma rencontre me regardant d'un air narquois et le bec encore recouvert des écailles de mes malheureux cyprins. Cet omnivore a les sens de la vue et de l'odorat extrême- ment développés; il sait parfaitement distinguer, quoiqu'il n'en ait jamais goûté, un mets déhcat d'un autre de qualité médiocre. Je l'ai vu bien souvent se tenir tranquille et comme endormi sur son perchoir pendant tout le temps de notre repas. Mais si un plat plus ou moins succulent venait à être découvert, un croak énergique accompagné de batte- ments d'ailes nous prévenait qu'il en voulait goûter. Le corbeau avale d'un seul coup ses aliments ; cepen- dant si les morceaux sont trop gros, il les assujettit sous ses pieds et les déchire par petits fragments ; lorsqu'un mets SUR LE GRAND CORBEAU. 15 est savoureux, il le palpe avec sa langue et ne l'ingère que par petites bribes. Enfin, lorsque quelque morceau est de son goût et que sa faim est assouvie, il en cache soigneu- sement les restes dans quelque trou qu'il recouvre ensuite avec tout ce qu'il peut trouver à sa portée. J'ai essayé plu- sieurs fois de lui donner des petits oiseaux morts, sans qu'il ait paru en faire beaucoup de cas, se contentant parfois d'en manger les entrailles. Mais il n'en est pas de même des souris, dont il s'est toujours montré très-friand et qu'il avale tout entières. De même que les rapaces nocturnes, le corbeau rend par le bec, sous forme de pelottes, le poil des mammi- fères, les arêtes des poissons, les noyaux de cerises et les autres corps qu'il ne peut digérer. Il aime beaucoup le pain trempé dans du vin sucré. Si l'on prend du thé ou du tilleul en sa présence, il ne manque pas d'en demander, mais il faut le lui servir par cuillerées et non dans le bol. Un jour, lui ayant offert des cerises à l'eau-de-vie, il les trouva bonnes et en avala quelques-unes ; mais il ne tarda pas à subir les influences des vapeurs alcooliques. Ce fut alors un drôle de spectacle que de voir le pauvre oiseau s'en aller tout de travers, trébucher à chaque pas et rouler sur le dos absolument comme un ivrogne; mais son ivresse fut de courte durée, et en moins d'une demi-heure, il fut assez solide sur ses jambes pour monter sur son perchoir. Depuis ce jour je lui ai souvent présenté des cerises à l'eau-de-vie, à chaque fois il a détourné la tête en signe de refus ; c'est ainsi qu'il a l'habitude de faire lorsqu'on lui offre une chose dont il est rassasié ou qui n'est pas de son goût. 16 G. LUNEL. Peu craintif vis-à-vis des autres animaux, il se montre même assez bonasse avec eux, sauf envers les oiseaux de proie pour lesquels il a toujours eu une antipathie profonde. Une fois, lui ayant donné seulement pour quelques jours un grand-duc comme compagnon de chambre, il se prit pour celui-ci d'une jalousie extraordinaire ; mais ne se sentant pas de force à engager la lutte avec un adversaire aussi redoutable, le rusé compère essaya de réduire son ennemi par la famine : toutes les fois qu'on donnait la pâture au hibou, le corbeau, quoique rassasié, se mettait à crier deman- dant sa part du festin, et eût-il dû étouffer, il aurait tout avalé si on l'avait laissé faire. Non content d'avoir rogné la portion à son antagoniste, le drôle, du haut de son perchoir, guettait le moment où l'oiseau des ténèbres, l'œil fermé et la tête tournée sur le dos, paraissait goûter les douceurs de la sieste ; alors sau- tant légèrement à terre, l'adroit filou s'approchait douce- ment à pas comptés et, le bec en avant, lui dérobait leste- ment les restes de son repas pour les cacher en lieu sûr ; remontant aussitôt sur sa perche, le luron s'y frottait le bec, se rengorgeait d'un air satisfait et marmottait quelques mots comme pour s'applaudir de l'heureuse réussite de son stratagème. Ce manège se renouvelait chaque fois que l'on donnait quelque chose à l'oiseau de nuit. Enfin, ce der- nier étant mort, peu de jours après, des suites d'une lésion des organes de la respiration, notre jaloux reprit sa tran- quillité et revint à des appétits plus modérés. Je crois devoir citer, en passant, deux faits qui serviront à démontrer, d'une part, l'aversion du corbeau pour les SUR LE GRAND CORBEAU. 17 oiseaux de proie, et de l'autre, la crainte que celui-ci ins- pire à ces derniers. Un jour que je me promenais sur les bords du Rhône, au lieu dit la Jonction, je fus témoin d'un spectacle très-inté- ressant. Un milan royal, qui planait à une assez grande hau^ leur, était harcelé par les cris d'une volée de mouettes rieuses qui tournoyaient autour de lui. De temps à autre, Tune d'elles s'élançait en ricanant sur le rapace, le frappait de ses ailes et revenait aussitôt prendre place au milieu de la bande. A chaque assaut des mouettes, le milan faisait un simple mouvement d'aile et par l'insouciance et la légèreté de son vol, il semblait se jouer de l'impuissance de ses ennemies. Ce manège durait depuis un certain temps, quand tout à coup un croak retentit, et je pus voir alors un grand corbeau s'élancer des hauteurs du bois de la Bâtie et se diriger en droite ligne vers le lieu de la scène. A la vue de ce terrible adversaire , l'oiseau de proie s'empressa de vider la place, et d'une aile rapide se déroba à mes regards. Le corbeau regagna tranquillement son gîte sans s'inquiéter le moins du monde des mouettes, qui par leur ricanement joyeux semblaient le remercier de les avoir débarrassées de la présence de cet importun personnage. Une autre fois, au printemps, une paire de milans noirs remontaient paisiblement le cours du Rhône, en quéle des poissons qui pouvaient se montrer à la surface de l'eau, lorsqu'un corbeau fondit sur eux à l'improviste et les culbuta tous les deux. Les oiseaux pêcheurs, étourdis de cette brus- que attaque, ne firent aucune résistance et prirent la fuite, le plumage endommagé par les coups de bec de leur agresseur. Tome ï, 2« p. 3 18 G. LUNEL. Peu après j'entendis, de l'endroit oà j'étais, retentir sur la rive opposée des croassements nombreux, entremêlés de cris particuliers répétés de mille manières et sur tous les tons ; c'était notre héros et sa femelle qui se réjouissaient à leur façon de la défaite des milans. Cette haine implacable du corbeau pour les oiseaux de proie et qui, dès l'abord, semblerait annoncer chez celui-ci un caractère méchant, n'est sans doute autre chose qu'un sentiment de légitime défense qui le porte à éloigner de gré ou de force tout ennemi qui se présente dans le voisinage des lieux qu'il s'est choisis pour demeure et où il élève ses petits. J"avais apporté de Montpellier à Genève des lérots, mt/o- xus nilela Lin. Ces jolis animaux, qui avaient été pris tout jeunes, étaient d'une grande familiarité et nous amusaient beaucoup par leur gentillesse. Or, il arriva par malheur qu'un de ces rongeurs, ayant trouvé la porte de sa cage mal fermée, sortit pendant la nuit et eut l'imprudence de grimper jusque sur les pieds du corbeau. Celui-ci trompé par l'obscurité et ne sachant à qui il avait affaire, s'empara de l'intrus qui venait ainsi troubler son sommeil. Réveillé à mon tour par les cris de détresse du malheureux lérot, je me hâtai de venir à son secours ; mais il était déjà trop tard, je n'eus que le temps de recueillir son dernier soupir. Trans- porté de colère, j'infligeai au corbeau une rude correction, sans réfléchir que ce dernier avait agi sans préméditation et peut-être seulement par un sentiment de légitime défense contre l'attaque nocturne d'un ennemi invisible. Depuis lors, soit qu'il se repente de sa mauvaise action SUR LE GRAND CORBEAU. 19 OU qu'il se souvienne du châtiment qui l'avait suivie, l'oiseau noir a toujours manifesté un sentiment de crainte à la vue des lérols survivants, et encore longtemps après il suffisait de lui montrer- un de ces animaux, même empaillé, pour qu'il baissât aussitôt la tête d'an air penaud. M. le docteur Jaubert, dans ses Richesses ornithologiques du Midi de la France, page 91, raconte le fait suivant : « Ce que nous dit Degland du danger que courent les petits poulets des attaques du corbeau, nous rappelle un fait dont nous avons tous été témoins et qui dénote chez cet oiseau un très-haut degré de ruse que beaucoup appel- leraient de l'intelligence. Un de ces animaux vivant en do- mesticité, fut un jour renfermé dans une cage pour certains méfaits de ce genre commis dans la basse-cour. Quelques jours après, ayant remarqué qu'une diminution quotidienne continuait à se faire dans le nombre des petits poulets, on en chercha la cause, et le coupable fut bien vite trouvé. On le surprit à l'affût. Il avait préalablement pratiqué, au bas de sa cage et contre le sol, un trou où sa tête pouvait faci- lement s'engager; c'est là qu'après avoir armé d'un morceau de viande son énorme bec dont il ne laissait sortir qu'un tout petit bout, il attendait patiemment que les petits pou- lets l'eussent aperçu. Sa peine était rarement perdue, car il ne se passait pas de jour qu'elle ne lui procurât à peu de frais le régal convoité. Mais la mèche une fois éventée, le drôle dut y renoncer... Il était cependant facile de voir que toute son attention s'était portée de ce côté et qu'il imagi- nerait bien, un jour ou l'autre, quelque moyen de prendre sa revanche. » 20 G. LUNEL. Revenons maintenant à notre corbeau, qui de même que les autres espèces du genre, a une prédilection pour les objets brillants, dont il s'empare furlivemenl et qu'il va cacher soigneusement. Si l'on fait mine de les lui enlever, il se hâte de les faire disparaître dans son gosier, dont la peau est susceptible d'une assez grande dilatation ; je l'ai vu cacher ainsi, dans cette espèce de poche, de petites clefs, des pièces de monnaie, voire même des épingles et des aiguilles, sans paraître le moins du monde incommodé des piqûres que ces dernières pourraient lui faire. Notre corbeau a une adresse remarquable pour imiter ce qu'il voit faire dans la maison. 11 est parvenu à ouvrir et fermer lui-même le robinet de la pierre à eau, toutes les fois qu'il lui prend la fantaisie de s'administrer une douche. Voici comme il s'y prend pour exécuter cette manœu- vre : deux ou trois coups de bec adroitement donnés en dessous du robinet suffisent pour le soulever et faire couler l'eau ; puis lorsque notre baigneur a reçu sur la tête et le corps la quantité de liquide qui lui paraît suffisante, il se met à taper, non en dessous du robinet, mais bien sur sa poignée et finit par le fermer; cependant cette dernière opé- ration ne réussit pas toujours complètement, et il arrive parfois que le robinet ne se trouve qu'à moitié fermé, ce qui, en cas d'absence de notre part, peut amener une perte d'eau considérable. Pour parer à ces inconvénients, j'ai entouré le robinet de manière à en interdire l'usage à notre oiseau. Si on lave du linge à sa portée, le luron, profi- tant du moment où la blanchisseuse s'éloigne, lui prend son linge et son savon, les met dans l'eau du baquet et pié- SUR LE GRAND CORBEAU. 21 tine dessus comme pour le laver; puis secouant le linge avec son bec, il ne manque pas de lui faire plus d'une déchi- rure, au grand désespoir de la ménagère. Cet oiseau se montre, à juste raison, orgueilleux du lus- tre de son plumage, il en prend le plus grand soin et évite tout ce qui pourrait le souiller ou le froisser. Comme tous les oiseaux, il aime à se baigner fréquemment, même par les plus grands froids ; si l'envie lui vient de prendre un bain et qu'il n'ait pas d'eau à sa portée, il se met à crier comme s'il voulait bo're; alors, si on lui présente un verre ou un vase quelconque rempli d'eau, il le saisit avec son bec et s'en verse le contenu sur le corps. Pour se baigner il monte sur le bord du baquet et en fait plusieuis fois le tour; ensuite remplissant son jabot d'eau, il ia ramène dans son bec et s"en asperge le plumage; puis, posant successi- vement ses deux pattes dans l'eau , il finit par s'y plonger en entier; après s'être bien lavé et avoir répété plusieurs fois le même manège, il sort tout ruisselant du baquet et monte sur son perchoir pour y faire sa toilette et enduire ses plumes de la matière sébacée que sécrètent les glandes de son croupion. Douéd'une constitution robuste, il n'a jamais eu la moindre indisposition, et, quoique déjà vieux, il a conservé toute la gaité du premier âge; il aime beaucoup à jouer avec moi, surtout à me poursuivre en courant tout autour d'une chaise; il est toujours prêt à folichonner, il sufQt seulement d'agi- ter un mouchoir ou un linge quelconque pour le mettre en train. Il se plaît à faire toute sorte de petits tours, comme, par exemple, de relever une bouteille renversée, faire tenir 22 G. LUNEL. en équilibre un morceau de bois ou tout autre objet et cha- que fois qu'il y parvient, il pousse des cris de joie. Enfin, si vous êtes occupé à lire ou à écrire, il monte sur le dossier de voire chaise, s'y lient tranquille, vous tirant de temps en temps par l'habit pour solliciter un regard ou quelques paroles de votre part; il exprime alors son contentement par un frottement réitéré de ses mandibules l'une contre l'autre, ce qui produit un bruit assez analogue au claque- ment des dents d'une personne prise du frisson de la fièvre. D'autres fois, ce bruit est une espèce de grincement que je l'ai eniendu aussi produire même pendant son sommeil. Il a toujours montré une aversion mêlée de crainte pour les individus mal habillés, et toutes les fois qu'il voit un pau- vre, il ne cesse de crier que lorsque celui-ci s'est éloigné. Dernièrement, un mendiant s'étant présenté à la porte de mon appartement que j'avais laissée ouverte, notre corbeau s'est aussitôt élancé vers lui en croassant: les plumes hé- rissées, il a forcé l'intrus à déguerpir et a poussé la porte sur lui; mais, au contraire, si c'est une personne bien mise qui se présente, l'orgueilleux oiseau prend un air fier, relève les plumes de sa tête et de sa gorge et, s'avançant vers le visiteur d'un pas grave et mesuré, il vient poser une patte sur le pied de celui-ci, puis tournant la tête de côté et cli- gnant de l'œil, il le regarde d'un air comique. Ce qui lui a toujours procuré le plus d'agrément, c'est qu'on lui parle et qu'on lui dise qu'il est beau ; il écoute d'abord attenti- vement ce que vous pouvez avoir à lui dire, puis tombant dans une sorte d'extase, et comme fasciné par la voix qui lui parle, il hérisse tout son plumage, enfle sa gorge, SUR LE GRAND CORBEAU. Tô ramène en avant les longues plumes de ses flancs, étale sa queue, laisse tomber ses ailes, ouvre un large bec. et, se baissant tout à coup, il laisse échapper un son de voix écla- tant : ho ho, suivi d'un claquement de ses mandibules; puis se redressant fièrement, il demeure immobile, le bec ouvert, en fermant l'œil d'un air béat. Il se plaît beaucoup à entendre chanter, et la musique le prédispose à faire le beau ou à chanter lui-même, car le corbeau a aussi son chant qui, sans être harmonieux, n'en est pas moins remarquable par son originalité même. C'est d'abord un prélude de cris particuliers, accompagnés de claquements de bec entremêlés de tons bas et gutturaux, auxquels succèdent tout à coup des sons de voix forts et dis- cordants qae l'oiseau s'efforce de transformer en roulades; mais ne pouvant y parvenir, il s'arrête tout court ; et reste comme ébahi le bec ouvert et l'air cocasse. C'est de préfé- rence de grand malin et surtout lorsqu'il est seul, qu'il se met à chanter ; on dirait vraiment que le maestro emplumé a conscience du ridicule de sa fausse voix de basse-taille. Enfin, le ramage du corbeau a beaucoup d'analogie avec le chant d'amour que le grand coq de bruyère redit au printemps à l'heure matinale, lorsque perché sur quelque branche basse d'un grand sapin, il appelle à lui ses femelles. Le corbeau sait parfois donner à sa voix une douceur remarquable et lui fait prendre un grand nombre d'inflexions toutes en rapport avec les diverses impressions qu'il éprouve; il parvient à imiter le cri de plusieurs animaux et, plus ou moins bien, la voix de l'homme. Celui que je nourris imite à s'y méprendre l'aboiement du chien, à tel point que beau- 24 G. LUNEL. coup de personnes ont cru que je possédais un de ces ani- maux. On a cité bien souvent le fait de corbeaux à qui l'on avait appris à parier ; sans vouloir contester la véracité de celte assertion, je crois que, dans beaucoup de cas, on a interprété comme des paroles certaines inflexions de la voix du corbeau ; en tout cas, quoique j'aie fait mon possible pour apprendre à parler au mien, je ne lui ai jamais entendu pro- noncer bien distinctement d'autre mol que son nom de Coco. Cet oiseau se plaît dans l'appartement qui lui sert de • demeure, et quoiqu'ayant le libre usage de ses ailes, même lorsque les fenêtres sont ouvertes, il ne cherche jamais à en sortir. Il est maître chez lui et s'érige en gardien de notre demeure; au premier coup de sonnette qui retentit à la porte d'entrée, il pousse un cri analogue à l'aboiement d'un chien, et s'il arrive alors qu'il soit dans la cuisine et que la porte en soit fermée, il tape du bec contre celle-ci jusqu'à ce qu'on la lui ait ouverte et qu'il ait pu faire la connais- sance du visiieur. S'il vous arrive de laisser tomber ou de briser quelque ustensile de ménage, il vient vers vous en criant et l'air menaçant, comme pour vous reprocher votre maladresse. Méfiant et rusé, il ne s'approche pas d'un objet nouveau pour lui sans s'être préalablement familiarisé à sa vue. Depuis près de quatre ans que j'occupe le même appartement, il n'a jamais dépassé le seuil de ma chambre à coucher, par la seule raison qu'il n'a pu encore se rendre compte de ce qui pourrait être caché derrière mon lit, et comme il n'est jamais entré dans le salon, il suffit d'en laisser la porte ou- verte pour qu'il s'abstienne de passer devant. SUR LE GRAND CORDEAU. 25 Une sorte d'esprit méthodique préside à l'accomplisse- ment de la plupart de ses actions. Ainsi, il ne va jamais d'un lieu à l'autre sans prendre les mêmes détours, c'est toujours aussi du même côté qu'il monte à son perchoir ou qu'il en descend. Il a pris l'habitude de venir sur ma main gauche, puis de là sur mon bras ; si par hasard je lui pré- sente la main droite, il refuse d'y monter. Il n'est pas effrayé du bruit qui peut se faire autour de lui; je l'ai vu se mettre à chanter les jours de fête pendant qu'on tirait le canon dans le voisinage. Il paraît, au contraire, très-impressionné des phénomènes atmosphériques; pendantlesgrandsorages, lorsque la foudre gronde, il se tient immobile sur son juchoir et la tête enfoncée dans les épaules. Je me rappelle l'avoir vu fort épouvanté et conserver pendant plusieurs jours un sentiment d'effroi, regardant sans cesse du côté de la porte, à la suite du tremblement de terre qui eut lieu il y a quelques années dans la vallée de Viége et dont la secousse fut vivement ressentie à Genève. Lorsque quelque chose l'effraie, il laisse échapper aussi- tôt une abondante sécrétion d'un liquide jaunâtre (proba- blement de la bile). Il y a quelque temps, un feu de cheminée ayant éclaté pendant la nuit dans le voisinage, le corbeau voyant les étin- celles chassées par le vent tomber devant la fenêtre de la cuisine, se mit à pousser des cris d'alarme et fit mettre sur pied les locataires de la maison. Depuis que je demeure seul par suite du mariage de mes enfants et de la perte irréparable de celle qui fut ma com- pagne, le corbeau s'est pris pour moi d'un attachement qui TomeI, 2«p. 4 26 G- LUNEL. va toujours croissant; il ne paraît jamais plus heureux que lorsqu'il peut se trouver à mes côtés ou perché sur le dos- sier de ma chaise. Lorsque je suis occupé dans ma chambre à écrire ou à lire, il ne manque pas de venir se poster sur le seuil et s'y tient tranquillement, épiant tous mes mouvements ; alors si je regarde de son côté et que je lui adresse quelques mots, il baisse aussitôt la tête, et saisissant de son bec l'ongle de son doigt médian, il le soulève comme un ressort et le fait claquer sur le parquet en signe de contentement. D'autres fois, si je suis à travailler dans mon laboratoire, il monte sur une chaise à mes côtés, examine attentivement ce que je fais, sans jamais toucher à rien de ce qui m'en- toure, et si je veux le faire monter sur son perchoir, je n'ai qu'à le lui désigner de la main. S'il m'arrive parfois, le ma- tin, de rester au lit un peu plus tard que de coutume, il se meta m'appeler d'un ton de voix particulier jusqu'à ce que je lui aie répondu ; et si je tarde un peu trop, il fait alors du bruit, en jetant par terre avec force et à plusieurs reprises l'écuelle en fer blanc dans laquelle je lui donne à manger. Toutes les fois que j'entre dans la cuisine, il me salue par des ho, ho, ho, suivis d'un mouvement d'aile ; il suffit alors d'un mot de ma part pour qu'il se mette aussitôt à faire le beau. 11 reconnaît de loin le bruit de mes pas, et, lorsque je rentre^ je suis à peine dans le corridor qui conduit à l'appar- tement, qu'il se met à crier et ne cesse que lorsque je suis arrivé vers lui. Dernièrement ayant été obligé de m'absenter, je laissai SUR LE GRAND CORBEAU. 27 en partant au corbeau de la nourriture pour la journée et je chargeai la femme de ménage de lui donner à manger le lendemain; mais celle-ci ayant oublié la commission, le pau- vre animal resta vingt-quatre heures sans prendre aucun aliment. A mon retour, il n'eut rien de plus pressé que de venir vers moi et de faire le beau, il ne se décida à manger que lorsque je l'eus bien caressé; pourtant il devait avoir bien faim, car il n'avait pas laissé la moindre bribe de ce que je lui avais donné en partant. Par l'efiFet de l'âge ou de l'éducation, plusieurs modi- fications favorables se sont opérées dans les habitudes de cet oiseau. Ainsi, il ne déchire plus les tapisseries et res- pecte les meubles et les autres objets de l'appartement. Devenu d'une grande propreté, il a toujours soin de recou- vrir ses déjections d'un morceau de papier ou d'un linge quelconque qu'il peut trouver à sa portée. Lorsque je mange près de lui, il m'enlève délicatement, avec son bec, les miettes ou tout autre débris qui pourrait être resté dans ma barbe ou sur mes habits. Enfin, cet être intéressant, que j'ai l'habitude d'avoir au- près de moi depuis tant d'années, est devenu un compagnon et un ami fidèle auquel je me suis fortement attaché ; sa société me rappelle souvent les souvenirs du passé et me fait trouver moins longues les heures de ma solitude. J'ajouterai, pour terminer, les quelques observations que j'ai pu faire sur la mue du corbeau. Cette mue n'a lieu qu'une fois par année, elle commence ordinairement à la fin du printemps et dure la plus grande partie de l'été. A l'exception de la partie cornée du bec et des ongles, tous les 28 G. LUNEL. autres téguments, et même la peau squammeuse des tarses et des doigts se renouvellent. La mue a lieu simultanément sur les différentes parties du corps; à mesure que les plumes des grandes rémiges, des scapulaires et des couvertures des ailes, etc., tombent, celles qui doivent les remplacer ont déjà atteint une bonne partie de leur développement ; celles du carpe et du métacarpe sont les dernières à se renouveler. Quant à la queue, ce sont tou- jours les pennes médianes qui tombent les premières, les autres suivent successivement jusqu'à la plus externe des deux côtés. Les petites plumes qui entourent l'œil ainsi que celles en forme de poil qui recouvrent les narines, changent aussi à chaque mue. Il en est de même des écailles des tarses et de celles des doigts, que l'oiseau arrache lui-même. En effet, je l'ai vu quelquefois s'enlever, d'une seule pièce, toute la partie squammeuse du pied depuis le talon jusqu'à l'ori- gine des doigts. Il y a quelques années, dans une mue, la majeure partie des plumes de la tête et du cou du côté droit, poussèrent toutes blanches; je m'attendais à ce que ces premiers indi- ces d'albinisme iraient toujours en augmentant; c'est le cas contraire qui a eu lieu, car à chaque nouvelle mue le nom- bre de ces plumes blanches est allé en diminuant, et à cette heure il n'en reste presque plus. S'étant cassé un jour le bout de la mandibule supérieure du bec en déchiquetant un morceau de bois, cette partie se mit à repousser et atteint une longueur qui dépassait d'en- viron huit hgnes l'extrémité de la mandibule. Le même acci- SUR LE GRAND CORBEAU. 29 dent s'étanl renouvelé à plusieurs reprises, le bec a tou- jours repoussé de la même manière. C'est ainsi que j'ai pu recueillir une dixaine de bouts de bec, tous pareils et de même longueur. Enfin, comme je l'ai déjà dit, le corbeau prend un soin extrême de son plumage dont il se montre jaloux à plus d'un titre, et par l'effet des bains fréquents qu'il a l'habi- tude de prendre, son corps est loin d'exhaler la puanteur qu'on attribue généralement à son espèce. Quant à ce pré- tendu port ignoble, ce regard farouche et celte grande vora- cité dont on le gratifie, je dirai, pour ma part, au risque de passer pour coracophile, que cet omnivore, avec son plumage noir aux reflets brillants, avec l'intelligence de son regard, l'élégance de ses formes et les services qu'il nous rend en débarrassant la terre des milliers d'insectes qui ravagent nos récoltes et en purgeant le sol des immon- dices qui infectent l'air, peut être considéré comme un des plus beaux et des plus utiles représentants du monde des oiseaux. LANIUS DUBIUS PIE-GRIECHE TUEE DANS LES ENVIRONS DE LAUSANNE PAR * M. LE D-- DEPIERRE (Lu à la séance du 24 septembre 1866) Au commencement de mai 1865, M. Bastian, prépara- teur du musée de Lausanne, tua dans les environs de cette ville, et dans une localité où il trouvait habituellement le Lanius ritfus, une pie-grièche qu'il prit d'abord pour un jeune de cette espèce. Mais, en la considérant avec plus d'attention, il lui trouva des différences si notables, qu'il s'empressa de la monter, sans toutefois prévoir tout l'inté- rêt qu'elle pourrait exciter plus tard. 11 négligea malheu- reusement de constater le sexe et de noter exactement la couleur des pattes et de l'iris. Ce ne fut même que bien des jours après qu'il me montra cet oiseau, en m'indiquant l'époque et la localité oîiil l'avait tué. Après avoir examiné, avec la plus scrupuleuse attention, ce curieux exemplaire de Lanius, espérant toujours pouvoir le déterminer d'une façon un peu certaine, j'ai dû me con- tenter des conjectures les plus plausibles, tout en laissant le champ parfaitement libre aux recherches et aux opinions ultérieures. 32 DEPIERRE. Celte pie-grièche, que je considère comme un mâle adulte, mesure à peu près toutes les dimensions du Lanius rufus mâle. Sa taille est la même que celle de cette espèce, sa queue est dans les mêmes proportions, son aile est de même longueur et ses rémiges dans les mêmes rapports, ses tarses sont parfaitement semblables, son bec seul paraît un peu plus fort. Je me bornerai donc à décrire ici la répartition particu- lière de ses couleurs, quitte à la comparer ensuite avec les espèces les plus voisines. Un large bandeau d'un noir profond occupe tout le front depuis la base du bec, et passe, sous forme de forte mousta- che, en dessous de l'œil, pour venir se perdre dans la teinte foncée du bas de la nuque. Le sommet de la tête, ou vertex, est d'un gris bleuâtre assez foncé. Le tour de l'œil est blanc, ainsi qu'un large sourcil qui se prolonge passablement en arrière. L'occiput, la nuque et le somipel du dos sont d'un brun foncé et légèrement bronzé. Derrière la tête et à la nuque se remarquent quelques stries transversales d'un rouge brique. Le bas du dos est d'un gris bleuâtre foncé ; le croupion est plus clair, mais de même couleur. La queue est d'un brun-noirâtre foncé avec un liseré blanc au bord des pennes les plus externes. De ces deux dernières, la première est blanche sur les deux tiers envi- ron de sa longueur à partir de la base, et la seconde, sur la moitié seulement. LANIUS DUBIUS. 33 L'aile possède une teinte fondamentale d'un brun-noi- râ'ire, sur laquelle se détachent, soiL le gris-clair des cou- vertures supérieures, soit le liseré roux des scapulaires, des rémiges secondaires et de quelques rémiges primaires. Un assez fort miroir d'un blanc pur occupe le sommet des rémiges primaires ou externes, et quelque peu de la même couleur borde encore l'extrémité des secondaires. La gorge et le milieu du ventre sont d'un blanc-jaunâtre; les côtés du cou, la poitrine et les flancs sont d'un roux-jau- nâtre assez foncé. Le bec est noirâtre ; les pattes semblent avoir été d'un brunâtre foncé. Ces diverses colorations, bien accusées et nettement tran- chées, donnent à notre oiseau un faciès bien caractéristi- que. Cependant il paraît difficile d'admettre que cet exem- plaire isolé puisse prendre le rang d'espèce nouvelle ; car, comment un Lanius de celte taille, avec un aspect, à pre- mière vue, si différent de ses congénères, aurait-il, dans notre pays surtout, échappé à l'attention de tous ceux qui s'occupent si activement d'ornithologie. Il ne semble pas davantage probable que cette pie-griè- che soit une simple variété, et l'idée d'un hybride se pré- sente la première à l'esprit. Parmi les quatre espèces que nous possédons communé- ment en Suisse, les deux plus grosses, les Lanius excubilor et minor ne présentant aucun rapport ni de taille, ni de coloration avec notre sujet, sont donc naturellement exclues de toute comparaison, et nous n'avons plus affaire qu'aux Lanius rufus et coUurio. Tome I, 2* p. ^ 34 DEPIERRE. En étudiant la livrée de notre Lanius à ce nouveau point de vue, nous lui trouvons, premièrement, des caractères communs avec les mâles de nos deux petites espèces. Avec le Lanius nifus, le large bandeau frontal, le trait sourciller blanc, les traces de rougeâtre à la nuque et der- rière la tête, le cendré foncé du bas du dos, le miroir blanc des ailes, enfin la bordure extrême blanche des rémiges secondaires. Avec le Lanius collurio, l'absence de blanc au bas du front, le gris du vertex, le gris du croupion et le large liseré brun-roux des couvertures et des rémiges. Secondement, nous y remarquons encore certaines colo- rations qui ne peuvent être regardées que comme inter- médiaires. Ainsi, le brun-bronzé qui occupe la nuque et le sommet du dos chez le Lanius duhius, rappelle un peu la couleur de ces parties chez la femelle du Lanius rufus, et semble parfaitement un mélange, à doses égales, du brun clair du Lanius collurio et du noir du Lanius rufus dans ces parties. Le gris clair de ses couvertures supérieures provient aussi probablement d'un mélange du brun nuancé de gris du Lanius collurio et du blanc du Lanius rufus, La teinte brun-noirâtre de ses pennes et de ses rémiges paraît encore un composé du brun foncé de ces parties chez le Lanius collurio avec le noir du Lanius rufus. Enfin, la dis- tribution du noir et du blanc sur les pennes externes de la queue du Lanius duhius, tient parfaitement le milieu entre ces répartitions dans nos deux espèces. Le seul caractère spécifique que Ton pourrait attribuer à cette curieuse pie-grièche est donc sa coloration d'un roux LANIUS DUBIUS. 35 foncé à la poitrine et aux flancs. Ni le mélange des teintes, beaucoup plus claires, que nos deux espèces présentent sur ces parties, ni la couleur un peu plus intense de la femelle du Lanius nifiis, ni même celle des jeunes, ne peuvent amener à une pareille intensité sans une forte exagération qui ne se remarque nulle part ailleurs dans le mode général de coloration de notre oiseau. C'est la présence de ce caractère particulier qui m'a engagé à donner ici un nom à ce Lanius, malgré tant de preuves d'hybridité; et si je l'appelle dubms, c'est bien plu- tôt pour attirer l'attention des ornithologistes sur cette forme, comme je l'ai dit, si frappante, que pour en faire une espèce nouvelle. L'on peut voir dans ces quelques lignes que, si certains doutes ont pu s'élever dans mon esprit, je considère cepen- dant, jusqu'ici, mon oiseau comme un métis des Lanius rufus et collurio, également communs dans les environs de Lausanne. Les hybrides apparaissent en général dans deux condi- tions différentes ; lorsqu'un sujet d'une espèce se trouve forcément isolé, au moment des amours, au milieu d'autres espèces du même genre, et lorsque deux espèces très-voi- sines habitent ensemble, à l'époque des nichées, les mêmes localités. Dans le premier cas, la nécessité réunit quelquefois des espèces très-disproportionnées; dans le second, des rap- ports constants donnent lieu bien souvent à des formes tran- sitoires, souvent même à des sortes de races, chez les gal- linacés surtout. 86 LANIUS DUBIUS. Quoique les hybrides à l'état libre ne soient pas très-com- muns dans l'ordre des Passereaux, l'on en connaît cependant bien des cas intéressants produits également des deux ma- nières. Je suis convaincu qu'une élude approfondie de beau- coupde prétendues variétés amènerait à la découverte d'une hybridité beaucoup plus fréquente qu'on ne le pense. La collection ornilhologique de feu M. Laurain, qui a été don- née au musée de Marseille, était très-riche à ce point de vue, et l'on peut y voir encore les principaux échantillons de bien des curieux mélanges. SoriKTK OiwiTiuihOdinn: SnssK ^ Xiïl LAxii's imnr s MÉLANGES OMITIIOLOGIQUES PAR M. V. FATIO J'ai l'intention de communiquer petit à petit à la Société, sous le litre assez large de Mélanges ornilholcgiques, plu- sieurs des notes que j'ai prises çà et là dans mes différentes excursions. I QUELQUES OBSERVATIONS sur la VERDEROLLE (CALAMOHERPE PALUSTRIS. Bcclisl.) (DERSUMPFS^ENGER) EN SUISSE DANS LE VALAIS, AU VAL d'hÉREMENCE (Lu à la Société dans la séance du l^juillet 1865) La Verderolle (Calamoherpe palustris), assez répandue en Europe, a été cependant méconnue de beaucoup d'orni- thologistes, et l'est peut-être encore de quelques-uns. Tem- minck l'a signalée sur les bords du Pô et du Danube, dans quelques parties de l'Allemagne et en Hollande; Degland l'a retrouvée dans le département du Nord en France, en Bel- gique et jusqu'en Russie. Gerbe l'a reçue d'Allemagne, des Vosges, du Bas-Rhin, et l'a découverte aussi dans les Bas- 38 V. FATIO. ses-Alpes, où elle habite, comme dans notre pays, assez haut dans les montagnes. Bailly, enfin, la dit assez commune en Savoie. En Suisse, Schinz et Tschudi ne l'ont observée que sur les bords du lac des Quatre-Canlons, à Scliwilz, à Fluelen et prés de Brunnen; mais le pasteur Bourrit l'a rencontrée aussi sur les pentes sud de l'Albis dans le canton de Zurich, dans le Valais et, par places, sur les pentes des Alpes vau- doises. Cependant la Calamoherpe palustris était encore, In plu- part du temps, confondue chez nous avec sa congénère, la Cal. anmdinacea, et je ne l'avais moi-même encore jamais rencontrée, ni au printemps, ni en été, quand, en 1864, je la découvris, avec étonnement, établie en grand nombre dans le val d'IIéremence en Valais. Elle nichait là, à une élévation d'environ 4,000 pieds, tan- dis que plus bas, dans la vallée du Rhône, ses chants joyeux et inimitables étaient partout faiblement remplacés par les chansons bien moins mélodieuses de l'Effarvatte {C. anm- dinacea), établie dans les roseaux des marais. Je n'avais jamais encore entendu chanter la Verderolle, et ne connaissais ses admirables talents que de réputation, lorsque, dans les premiers jours de juillet, partant vers trois heures du matin pour une excursion de chasse, j'en- lendis tout à coup, au sortir du village d'Héremence, un harmonieux mélange de sons doux et tîùlés, variés à l'infini sur tous les tons, et semblant sortir d'une chanvrière tout près de moi. Malgré mes projets lointains, je ne pus m'empêcher de MÉLANGES ORNITIIOLOGIQUES. 39 m'arrêler, surpris d'une telle volubilité et d'une telle puis- sance. Certaines ressemblances que je remarquai dans quel- ques passages avec le chant de l'Effarvatle me firent bientôt supposer que j'entendais dans ce chanvre une VerderoUe, probablement auprès de sa nichée. Je dus m'arracher enfin à ce concert, mais je partis dé- cidé à revenir trouver un oiseau que je m'obstinais à croire isolé dans cette localité. Je réfléchis toute la journée aux moyens d'arriver à me procurer cet objet de mes désirs. Les chanvrières étagées sur les flancs de la montagne n'étaient séparées par aucun sentier, et l'oiseau, bien caché dans les hautes herbes, tout près du grand chemin, fuyait toujours sans se montrer jamais, et sans qu'on pût le pour- suivre. Les habitants d'IIéremence, qui circulent déjà de grand malin, n'auraient certainement pas fait un bon parti à celui qui, entraîné par sa passion ornilhologique, aurait foulé sans pitié leurs plus belles récoltes. Le lendemain donc, vers deux heures du matin, et avant que personne fût levé, je me glissai furtivement avec mon fusil dans les chanvres jusqu'à la place où j'avais entendu la proie que je convoitais. Vers trois heures, comme la veille, après quelques petits sons à peine articulés, de vigoureux piûh, piûh, piùh bien distincts retentirent tout à coup près de moi ; la VerderoUe commençait sa chanson matinale. Ce ne fut, depuis ce moment, qu'une série non interrom- pue de chants de toute espèce. Tous les oiseaux étaient, à leur tour, contrefaits à s'y méprendre; une fois c'était la 40 V. FATIO. Polyglotte, une fois le Moineau, une fois le Pinson, une fois la Mésange charbonnière ou la Nonetle ; une autre fois le Traquel iarier ou la Bergeronnette, une autre fois encore c'était le chaut die V Alouette, interrompu tout à coup par le cri vigoureux du Pic vert. Tous les chanteurs des environs devaient évidemment supporter l'ironie de ce petit moqueur. Parfois, enfin, c'était un chant tout spécial, tantôt faible et doux, tantôt vigoureux et puissant, coupé de temps à autre par quelques trecc trecc, seulement une ou deux fois répétés. L'on n'entendait que rarement ces déchirements de gosier si fréquents dans le chant de l'Effarvatle. D'autres ornithologistes, qui ont aussi écouté la Verde- rolle, l'ont encore entendue imiter d'autres espèces ; elle con- trefait naturellement les oiseaux qui habitent prés d'elle, en différents lieux et à différentes époques. Temminck l'a entendue en Hollande imiter le cri du Petit pluvier et celui même de VHuitrier. Gerbe a reconnu dans son chant celui du Chardonneret et celui du Merle. Bailly, enfin, l'a entendue parfois contrefaire, en Savoie, VÉffarvatte, la Marouette, la Pie-grièche rose, VEcorcheur, la Niverolle, ïAccenteur alpin et le Traquel motteux. Cette facilité d'imitation que quelques oiseaux n'acquièrent que par l'éducation, se montre naturelle chez nos becs-fins, seulement dans les espèces qui possèdent, comme les Hip- polaïs et lesRousseroUes, une mandibule inférieure large et déprimée. Forcé de rester étendu incommodément dans l'humidité, j'étais partagé entre le plaisir que me faisaient éprouver ces chants inconnus jusqu'alors et la crainte des naturels que MÉLANGES OnNiTHOLOGIQUES. 41 j'entendais continuellement passer et causer sur le chemin, î^'osant, grâces à ces derniers, ni tirer, ni m'en aller, mon observation commença bientôt à se prolonger au delà de mes désirs. La VerderoUe, qui se raillait de moi, venait maintenant chanter jusque dans mes oreilles, et je pouvais voir alors l'intérieur de son bec entr'ouvert, coloré d'un jaune vif, et sa gorge blanche gonflée sous les efforts de sa poitrine. Cependant, après quatre heures d'attente, profitant d'un moment de solitude, je quittai précipitamment une position, sinon ridicule, tout au moins infructueuse. Honteux et désespéré, je cheminais dans une autre direc- tion, quand, à un quart d'heure de là, je reconnus dans une autre chanvrière le même chant et le même oiseau. Mon espoir se ranima et je m'élançai, comme un enfant, du côté où cette voix m'appelait. Je voulais absolument en avoir le cœur net: acquérir une preuve palpable de la valeur de ma première détermination hypothétique, et me venger de toutes les avanies que je venais d'essuyer. Cette fois j'étais dans un endroit plus écarté, et je pouvais écouter et observer mon animal sans me cacher. Cependant, je dus attendre encore près d'une heure avant de pouvoir le tirer à une portée convenable, comme il paraissait un instant au sommet d'une tige. Je tenais enfin le fruit de tant de labeurs, et courus le préparer à la maison du curé qui, seul dans tout le village, logeait des étrangers. Je n'avais jusqu'ici poussé mes recherches qu'au-dessus d'IIéremence; j'allai, dans l'après-midi, plus bas dans la Tome I, •>" p. 6 42 V. FATIO. vallée et remarquai que, jusqu'à Vex, à une heure de là, le nombre des Verderolles allait toujours croissant, à mesure que les chanvrières prenaient plus d'étendue. Je me procurai encore quelques-uns de ces oiseaux ; je vis même des petits courir dans les herbes; mais, n'osant les poursuivre sous les yeux des propriétaires, je ne pus m'em- parer d'aucun d'eux, pas plus que découvrir des nids. Je quittai donc la localité, regrettant les nombreux sujets d'étude qu'en redescendant à Sion je laissais derrière moi. Dans les marais de Châteauneuf, au bord du Rhône, j'ob- servai ensuite attentivement l'Effarvatte pour la comparer en tous points à la Verderolle. La Calamoherpe palustris se distingue de YArundinacea par son chant beaucoup plus varié, plus puissant et moins déchiré , ainsi que par la forme, la position de son nid et la coloration, souvent assez différente, de ses œufs. Le petit édi- fice de la première est, en effet, suivant les auteurs, arrondi et placé dans les herbes tout près de terre, au lieu d'être, comme celui de YArundinacea, plutôt allongé et suspendu aux roseaux à deux ou trois pieds de hauteur. Comme les œufs de l'Effarvatte varient extraordinairement dans leur couleur et dans leur forme, et que certaines de leurs variétés se rapprochent beaucoup de l'apparence commune de ceux de la Verderolle, je n'oserais pas y attacher une grande importance au point de vue d'une distinction entre les deux espèces. J'ai remarqué, en effet, que, sur un grand nombre de nids de YArundinacea, les uns contenaient des œufs légèrement pyriformes, d'un fond verdâtre clair couvert de points d'un > erdâtre plus foncé et disposés souvent en MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. 43 couronne vers le gros bout, comme chez la Sijlvia cinerea ; tandis que d'autres contenaient, au contraire, des œufs, allongés et presque parfaitement elliptiques, d'un fond blanchâtre, grisâtre ou bleuâtre, avec de grandes lachef éparses verdâtres, grisâtres oa bleuâtres foncées. Toute- fois, malgré ces rapprochements, il est permis de dire que les œufs de la C. palmiris sont la plupart du temps plus clairs et munis de plus grandes taches que ceux de VAnm- dinacea; qu'ils se rapprochent, par conséquent, davantage de ceux de la Cal. turdoïcles. La Verderolle, elle-même, varie passablement dans ses proportions, mais elle est cependant, en général, plus forte que l'Effarvatte. Voici quelques dimensions moyennes prises sur des mâles adultes des deux espèces : Calamolicrpe Cal.Arun- Paluslris. çf dinacea. (f Longueur totale, du bout du bec à rextrémité de la queue 0'",140 0'",134. Longueur de l'aile repliée, depuis le poignet jusqu'à l'extrémité 0'",070 O^.OÔé. Longueur de la queue depuis l'anus 0'n,054 0™,053. Distance de l'extrémité de l'aile repliée au bout de la queue.. 0",030 O^SOSa. Des rémiges primaires aux rémiges secondaires . 0"\0-21 O^.OIS. Longueur du tarse 0'",023 0'«',022. Longueur du bec depuis la commissure 0"V019 0"',018. Largeur du bec au milieu des narines 0'",0045 0'°,0045. Longueur du doigt médian avec son ongle O^.Ol? 0'",016. Longueur du pouce avec son ongle .. .. CSOIG 0n>,0145. L'on peut voir, d'après ce tableau des proportions com- parées, que, sauf des dimensions presque partout un peu plus fortes chez la première de ces espèces, nos deux Rous- seroUes ne se différencient pourtant que par leurs ailes, 44 V. FATIO. par la distance qui sépare celles-ci du bout de la queue, et surtout, par l'intervalle qui sépare les extrémités des rémiges secondaires et primaires. Ce second caractère que Gerbe a signalé dans une notice sur l'identité des Calamoherpe palustris et pratensis ^, possède une grande importance, autant par sa constance que par sa valeur numérique. Mais des caractères tout aussi frappants, et tout aussi importants, peuvent se tirer encore des rapports comparés des rémiges extrêmes. Chez la C. palustris, la première rémige mesure de 7 à 8"""' de plus que la quatrième, et la deuxième est de 2""" plus longue que la troisième. Chez la C. anindinacea, la première rémige est presque égale à la quatrième, et la deuxième est très-peu plus grande que la troisième. C'est bien plutôt ces dispositions difîé- rentes des rémiges extrêmes, que la distance des primaires aux secondaires, qui donne à l'aile de la Verdcrolle une forme plus effilée, et à l'aile de l'Efîarvatte une forme plus arrondie. Les colorations des deux espèces, quoique très-variables, peuvent encore servir à les faire distinguer. Il ne sera donc peut-être pas inutile de donner encore une courte description de la Verderolle à ce dernier point de vue. Quant aux faces supérieures, la Cal. palustris est colorée d'un gris-brun-olivâtre un peu verdâtre, s'éclaircissant sur le croupion. 1 Noie sur l'idenlilé des Calamoherpe palustris (Bechstein) et Calamoherpe pratensis (Jauberi), par Al. Z. Gerbe. [Retueet Ma- gasin de zoologie, 1835, 11^ 10.) MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. 45 Un léger trait soiircilier jaunâtre s'étend chez elle de la narine jusque sur l'œil. L'aile est, en dessus, d'un brun noirâtre, et chacune de ses grandes plumes est liserée d'un bronzé clair. La queue, de la même teinte que Taile, mais un peu plus claire, présente une forme plutôt arrondie, par le fait que ses pennes centrales sont les plus longues. Quant aux faces inférieures, la gorge est blanche, lavée sur ses côtés d'un léger jaunâtre. Le somniel de la poitrine, de même couleur, est nuancé d'un brunâtre très-clair. Le ventre est également blanchâtre, un peu mélangé de brun clair. Les flancs sont d'un brunâtre plus foncé. Les sous-caudales sont d'un blanc jaunâtre sale. Le bord du poignet est d'un blanc jaunâtre plus pur. Le dessous des pennes et des rémiges est, ainsi que les cuisses, d'un gris brun. Quant aux tarses et aux pieds de la Verderolle, la colora- tion varie un peu avec l'âge, quoique ressemblant toujours à celle de l'Effarvatte. Ils sont, d'ordinaire, d'un jaunâtre plus ou moins brun, avec une légère teinte de verdâtre sur les doigts. Le bec est d'un brun foncé dessus et jaunâtre dessous. La C. ariindinacea est, en tout^ plus claire dans ses teintes ; toutes ses faces supérieures, ses pennes et ses rémiges, sont d'un gris brun passablement rougeâtre ; de plus la cou- leur qui délave ses faces inférieures est moins sombre et plus rousse. 46 MÉLANGES ORNITIIOLOGIQUES. L'iris est, en général, d'un gris brun chez la Verderolie ; tandis qu'il est, le plus souvent, chezl'Effarvalte, d'un brun plutôt rougeâtre. Voici donc deux espèces très-voisines, mais faciles pour- tant à distinguer par certains caractères de leurs propor- tions et de leur coloration, aussi bien que par leur chant, leur nidification, et leurs habitats différents. L'époque et le lieu exacts du passage de la Verderolie dans notre vallée ont été peu observés jusqu'ici ; mais je crois cependant pouvoir rapporter à cette espèce quelques becs-fins que j'ai entendus, ce printemps, chanter çà et là dans nos broussailles, vers le milieu de mars. II LE MARTINET A VENTRE RLANC (CYPSELUS ALPINUS) EN SUISSE ET PARTICULIÈREMENT A BERNE ( Lu à la Société dans la séance du 9 avril 1866) Parmi toutes les espèces qui nichent dans notre pays, le Cypselus alpinus est bien certainement l'une des plus intéressantes. Cet oiseau construisant ordinairement son nid dans des lieux inabordables, ses nichées sont toujours difficiles à étu- dier ; j'ai cru donc devoir profiter de l'occasion unique que nous offre la cathédrale de Berne pour y observer avec soin les nombreux Martinets qui s'établissent tous les ans sur ses tours. Je ne manque jamais, quand je me trouve dans notre ville fédérale, de monter régulièrement rendre visite aux Mar- tinets à ventre blanc. J'aime à voir de près, chez eux, au milieu de leurs ébats, et pour ainsi dire en famille, ces fiers et turbulents oiseaux, les voiliers proportionnellement les plus robustes. Je visite les nids en rampant dans la poussière des combles jusqu'au bord des corniches. Je fais à l'intelli- gent gardien des tours mille questions différentes ; je m'en- quiers de tout, et c'est toujours avec un nouveau plaisir que je reçois chaque année les mêmes mille réponses. AS V. FATIO. Le Martinet ûes X\^es {Alpensegler, Grosser, Berg, Welter- Spyr) arrive, en général, à Berne vers la fin d'avril, ou quelquefois seulement au commencement de mai. La plupart des individus que nous voyons tourner avec rapidité autour de la cathédrale, ou se poursuivre en criant au-dessus de la plateforme et jusque sur TAar, sont des pa- rents qui ont déjà niché ici l'an passé, ou des enfants qui ont reçu le jour l'année dernière sur ces mêmes corniches. Dans le courant de la seconde semaine de mai, les Mar- tinets commencent la construction de leurs nids, ou la res- tauration de ceux qu'ils avaient occupés autrefois. Us pré- fèrent, le plus souvent, par paresse ou par attachement à de précieux souvenirs, rentrer, comme les hiiundelles, dans leurs anciennes demeures, et retrouver, comme elles, tant de choses ' aimées et abandonnées pour un temps. Vers la fin du mois, ou dans les premiers jours de juin, nos oiseaux commencent à pondre, faisant d'ordinaire un œuf tous les deux jours. Quelquefois le nid n'est pas en- core terminé, que déjà les œufs sont déposés sur la pierre ou sur le bois, pour être entourés petit à petit de matériaux entassés journellement. Un nid parfait présente des formes un peu variables sui- vant qu'il est posé dans une anfractuosité de rocher ou sur quelque poutrelle d'un bâtiment élevé ; il affecte cependant, en général, la forme d'une coupe évasée, peu profonde et comparativement trop petite pour l'oiseau. ^ Au nombre de ces choses, il est intéressant de signaler les nym- phes prêtes à éclore des Diptères parasites qui les attendent depuis bientôt un an, et vont, à la chaleur de l'incubation, éclore et sucer à nouveau les petits et les parents. MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. -49 Les matériaux de construction sont assez variés ; toutefois ils se composent le plus souvent : premièrement, et comme base du nid, d'un tissu de petites bûchettes ; secondement, d'un peu de paille ou d'herbe sèche par-dessus; troisièmement de débris de laine et de plumes dans le centre ; le tout uni et collé à la poutre ou à la pierre par un mastic épais et abon- dant composé de salive, de fiente et de poussière balayée et ramassée aux alentours. L'observation de quelques nids m'a fait connaître une ha- bitude singulière de nos oiseaux à Berne. Les Martinets semblent, en effet, mettre à contribution la nichée des moi- neaux les plus voisins pour recrépir leur demeure avariée ; j'y ai remarqué souvent un enduit jaunâtre externe qui ne pouvait évidemment provenir que de l'œuf de ce Fringille, comme l'attestaient toujours les débris de coquilles adhérant çà et là aux parois de cette coupe fraîchement rebâtie. La terre paraît n'entrer pour rien dans la construction de ce petit édifice ; et cela se comprend aisément, puisque les Martinets posés sur le sol ne peuvent pas, comme les hirondelles, reprendre facilement leur vol, à cause de leurs pattes singulièrement courtes et de la longueur extraordi- naire de leurs ailes. Tout objet doit être pris dans les airs ou ramassé au vol à la surface de l'eau ou du terrain. Le Martinet est par là même plus aérien qu'aucun autre oiseau; il est, pour ainsi dire, condamné à ne jamais toucher terre ; il doit s'accrocher à quelque paroi , et ne se poser que dans des endroits d'où il pourra se précipiter sur ses ailes dans les airs. C'est ainsi qu'en arrivant sous le faîte de la cathédrale, Tome I, T p. 7 50 V. FATIO. Ton voit se traîner de tous côtés sur les solives comme de gros rats gris qui cherchent à gagner les ouvertures du toit pour s'élancer au dehors avec des cris de terreur. La plu- part s'échappent à l'approche de l'importun visiteur ; mais, tandis que l'on en voit disparaître, l'on en voit arriver aussi à chaque instant qui viennent, comme une bombe, se jeter dessus ou à côté de leur nid ; leurs grandes ailes pointues se sont à peine refermées que, vous ayant aperçu, ils se re- lancent déjà dans l'espace avec de nouveaux cris. Il est difficile de compter tous les nids déposés dans les combles, et il est impossible de découvrir aussi tous ceux qu'abritent quelques corniches extérieures ; mais je crois, cependant, que la cathédrale de Berne doit héberger annuel- lement, pour le moins, de quarante à cinquante paires de ces curieux oiseaux. Les Martinets alpins né font ordinairement qu'une ponte et quatre œufs seulement; toutefois, si le gardien de la tour leur en prend deux, ils en repondent deux autres encore. Ces oiseaux sont depuis si longtemps établis dans la cathé- drale, qu'il existe à leur égard (ui règlement particulier de la police. Le gardien, qui fait un petit trafic de leur progé- niture, n'a le droit de prendre que deux œufs dans chaque nid, et plus tard un ou deux petits, suivant les nichées. Après vingt et un jours d'incubation, les œufs éclosent et donnent naissance à des petits qui doivent rester très-long- temps dans le nid qui les protège. Ce n'est guère que six à sept semaines plus tard, dans le commencement d'août, à peu près, que ces jeunes oiseaux s'élancent pour la pre- mière fois hors de leur demeure ; mais ils n'y reviennent plus MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. 51 quand ils l'ont une fois quittée, passant ainsi d'un bond du berceau dans la société des adultes. Tout le monde connaît le Martinet des Alpes adulte ; je me bornerai donc à en dire justement assez pour permettre la comparaison avec deux livrées du jeune âge dont je veux parler ici. Toutes les faces supérieures sont colorées d'un gris-brun assez brillant, et munies de quelques reflets verdàtres et violacés ; la gorge et le ventre sont d'un blanc très-pur, mais strié quelquefois de brun par la coloration des baguettes ou tiges des plumes ; la poitrine est traversée par un large plas- tron d'un brun foncé; les flancs sont bruns, mouchetés de blanc. Les pennes etles rémiges sont noirâtres et chaque petite plume brune est, la plupart du temps, très-finement liserée de blanchâtre. Une tache noire garnit le coin antérieur de l'œil ; celui-ci est grand et muni d'un iris gris-jaunâtre plus ou moins foncé. Les pattes sont emplumées en dessus jusqu'aux doigts qui, tous également dirigés en avant, sont courts, nus et armés d'ongles forts et crochus. L'individu parfait mesure^ du bout du bec au bout de la queue, O^.^S; son aile étroite et allongée égale, du poignet à l'extrémité de la plus grande rémige, 0'",228. La queue, légèrement fourchue, égale O-^jOQ, et l'aile dépasse cette dernière de 0™,04. Le petit âgé de 12 à 15 jours est entièrement couvert d'un duvet gris assez fourré, tout à fait comme un jeune Rapace. Les petites plumes naissantes, largement bordées de blanc, ne se montrent encore, à celte époque de la vie, qu'un peu sur la tête, aux ailes et à la queue. Les pattes sont encore 52 V. FATIO. complètement nues et roses. Quoique l'oiseau ait pondu quatre œufs, il arrive quelquefois que l'on ne retrouve plus que trois petits dans le nid, soit qu'un œuf ait été jeté dehors par quelque brusque mouvement des parents, soit qu'un petit ait été précipité par ses frères difficilement con- tenus dans leur couche trop étroite. Le jeune de 30 à 35 jours est déjà assez semblable à ses parents pour la coloration ; il possède les mêmes teintes fondamentales, seulement toutes ses plumes sont beaucoup plus largement bordées de blanc ; son ventre ne présente presque jamais de stries longitudinales, et ses pattes sont encore d'un rose très-tendre. Il diffère, par contre, encore beaucoup des adultes par ses dimensions ; et, quoiqu'il ne soit plus qu'à deux semaines à peu près de sa sortie du nid, ses ailes doivent croître encore de 0'",046, pour arriver à dépasser beaucoup la queue dont elles n'ont pas encore atteint la longueur. Pres- que toutes ses plumes sont parfaites ; il ne possède plus de gaines ou tuyaux qu'un peu derrière le cou, aux pennes et aux rémiges. Ses trois premières rémiges sont presque égales, tandis que la troisième est généralement chez l'adulte plus courte d'un centimètre environ. Voici, du reste, ses dimensions ordinaires à un mois ou cinq semaines d'existence : Longueur totale O^.SO. Longueur de l'aile depuis le poignet 0™,148. Longueur de la queue 0",063. Longueur du bec depuis derrière les na- rines 0",0095. Longueur du tarse. O^jOlô. MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. 53 De l'extrémité de l'aile au bout de la queue (la queue plus longue) 0",005 à 0"',006. Longueur du doigt médian 0™,01C. Ces curieux oiseaux nichent dans bien des localités de la Suisse centrale et méridionale; le Valais me semble cependant lè canton qui en possède le plus. Nous en avons tous les ans à Salève près de Genève. Ils séjournent volontiers partout où ils trouvent des patois de rocher verticales et inaborda- bles. Ils s'établissent aussi bien près du fond des vallées que très-haut sur les flancs des montagnes escarpées ; partout ils font entendi^e au loin leur giicri qui qui qui qui répété, assez analogue au cri de la Cresserelle. Souvent, quand il fait beau, on les voit à peine pendant des jours entiers. Ils sont à des hauteurs immenses à exé- cuter, par compagnies, des exercices aériens, ou bien ils cherchent les petits insectes que la chaleur de la terre a élevés dans les airs. Si le mauvais temps revient, que l'o- rage gronde dans la montagne, l'on voit reparaître aussitôt les Martinets qui semblaient avoir abandonné la contrée; ils reviennent à la suite des petits êtres que les intempéries de l'atmosphère font redescendre aussi. Ils rasent les prairies, suivant plus volontiers les cours d'eau, non pas tant pour y boire, car ils boivent peu, que parce qu'ils y trouvent plus d'insectes. Leur vol est d'une rapidité étonnante. Ils se montrent peu pendant que la pluie tombe; mais, si le soleil reparaît un instant au miheu des nuages, les voilà de nouveau qui chassent dans tous les sens. Ils engloutissent tout imprudent moucheron qui se ren- contre sur leur passage; celui-ci se colle à leur palais et ne 54 MÉLANGES ORNITHOLOGIQUES. sera d'ordinaire avalé que lorsque plusieurs autres viendront composer avec lui un bol assez volumineux pour offrir plus facilement prise à ce large gosier. Pendant l'éducation des petits, les parents chassent avec plus de frénésie encore. Ils forment à ce moment dans leur bec de très-fortes boules d'insectes agglutinés par leur «alive, et semblent préférer alors de grosses mouches vertes, comme je l'ai remarqué plusieurs fois. C'est principalement aux deux extrémités du jour que les Martinets alpins sortent de leur retraite pour la chasse. Ils semblent craindre un peu l'excès de la chaleur. Cependant, c'est surtout le soir qu'ils s'animent le plus ; très-tard encore ils parcourent en tous sens et en criant à tue-tête les environs de leur demeure. La nuit, ils sont très- agités, il est probable qu'ils ne dorment pas beaucoup, car ils ne cessent, pour ainsi dire, pas de se quereller et de crier jusqu'au matin. A l'approche de l'automne, et à une époque variant, sui- vant les années et les localités, du milieu d'août au milieu de septembre, tous les Martinets à ventre blanc de la con- trée se réunissent depuis leurs divers quartiers sur un point unique, et, après avoir exécuté, tous ensemble, quelquefois pendant deux ou trois jours, des exercices de tous genres et des concerts peu harmonieux, ils partent pour le Midi dont ils nous reviennent avec un nouveau printemps. NOTE SUR LA NIDIFICATION DK L'ORTHOTOMUS LONGICAUDA, Gm PAR ALOÏS HUMBERT [Lu a la Société dans la séance du 6 février 1865) Le genre Orthotomus renferme une douzaine d'espèces qui serencontrenldans l'Inde continentale, à Geyian, dans les îles delà Sonde et les Philippines. Celle qui fait le sujet de cette note semble correspondre à la Molacilla longicauda de Gme- lin; mais il n'y a aucune raison valable pour lui joindre en synonyme, comme l'a fait M. Moore \ la Motacilla sutoria du même auteur qui a été simplement décrite comme suit dans le Systema Naturœ : a M. tota flava minima. Habitat in India, 3 poiiices longa, nidum ex filamentis subtilibus texens, pennis, plumulis, plantarumque pappis sternens, folioque deciduo affigens, quod vegetœ frondi denuo affuit, ova candide pariens, quae formicarum ovis aequiparat Pen- nant. » ^ Moore. Nolice on the spncies of ihegenus Orthotomus. Proc. Zool. Soc. London, XXII, 1854. 56 A. HUMBERT. La caractéristique ne s'applique nullement à notre espèce. En outre, les œufs de VOrthotomus longicanda étant dé- crits par les auteurs les plus récents comme tachetés, et le nid de cette espèce n'étant pas le seul qui soit construit au moyen de feuilles cousues, il est probable qu'on ne doit pas lui rattacher en synonyme la MotaciUa suloria du Systema Naturœ. Quoi qu'il en soit de cette question de nomenclature qui a peu d'importance, VOrthotomus longicanda a été bien caractérisé par MM. Moore et Jerdon. Voici ce qu'en dit ce dernier auteur : « Cet oiseau, bien connu sous le nom de Tailor hird, se trouve dans toute l'Inde depuis l'Himalaya jusqu'au cap Comorin et à Ceylan, et s'étend aussi dans la Birmanie. Il est excessivement commun dans les districts bien boisés où il fréquente les jardins, les haies, les vergers, les jungles basses et même parfois les parties les plus découvertes des jungles à grands arbres. Il va ordinairement par paires, parfois en petites bandes, sautillant incessamment dans les branches des arbres, dans les buissons, dans les rangées de pois, etc., avec un cri d'appel fort et réitéré, tout en ramas- sant différents insectes, surtout des fourmis, des cica- delles et petites larves sur l'écorce et les feuilles, et assez souvent les cherchant sur le sol ^ Il a l'habitude de rele- ver sa queue pendant qu'il cherche sa nourriture et sau- tille à droite et à gauche; à de certains moments, et prin- cipalement quand il pousse son cri d'appel, il soulève les plumes de son cou et montre la bande noire, qui est ordi- * M. E. Layard dit que les araignées sont sa proie favorite. (A. H.) l'orthotomus longicauda, 57 nairement cachée... C'est un oiseau familier, s'approchant très-près des habitations; mais lorsqu'il s'aperçoit qu'on le guette il devient fuyard et craintif, s Dans un pays comme Ceylan où le climat permet, or- donne même de laisser toujours les portes et les fenêtres ouvertes et de rechercher le plein air, où la végétation est constamment riche et abondante et où les oiseaux ne sont pas pourchassés et fusillés par des légions de chasseurs, certaines espèces deviennent bien vite des objets fami- liers. Aussi, peu de temps après mon arrivée dans l'île, j'a- vais appris à reconnaître les allures et le gazouillement de rO. longicauda. Mais, après une année de séjour, je n'avais pas encore trouvé le nid de cette espèce et les indi- gènes que j'avais interrogés à ce sujet ne paraissaient pas le connaître. Le hasard me le fit découvrir. Voici comment : Pendant un séjour que je fis à Nattande, sur la côte occi- dentale, au no'rd de Colombo, je me mis à étudier les mœurs des Nectarinia, charmants oiseaux qui m'avaient tout à fait séduit. J'en tenais quelques-uns en captivité et les nour- rissais d'eau sucrée et d'insectes. Un jour, comme je re- tournais au logis après une matinée de chasse, je vis un Ortholomns sortir d'une grande feuille enroulée en cornet. Je ne doutai pas que cet oiseau insectivore ne fût venu chercher là quelques chenilles auxquelles était dû l'enrou- lement de cette feuille. La plante était au bord du sentier que je suivais ; en passant, et sans m'arrêter, j'arrachai la feuille espérant y trouver quelque morceau délicat pour mes Nectarinia. Quelle ne fut pas ma surprise mélan- 1 Jerdon [T. C.]. The Birds of India. Vol. II, part I, p. 165. Tome 1,2" p. 8 58 A. HUMBERT. gée de joie et de dépit, en m'apercevant que c'était le nid inachevé d'un Orthotomus que je venais de détruire ! La manière ingénieuse dont les bords de la feuille étaient rap- prochés et cousus pour former un cornet, au fond duquel étaient disposés les matériaux du nid proprement dit, me fil vivement regretter mon mouvement irréfléchi. Si mon atten- tion avait été attirée sur cette construction merveilleuse, j'aurais pu, en attendant quelques jours, obtenir le nid com- plètement achevé et les œufs de l'oiseau. En outre, j'aurais pu observer l'oiseau avec plus de soin et même m'en em- parer, de manière à lever tous les doutes qui peuvent pla- ner sur ridentification de l'espèce K Quoi qu'il en soit, ce nid tel qu'il est, me semble digne de quelque intérêt. L'on peut y constater parfaitement le procédé ingénieux au moyen duquel l'oiseau a cousu la feuille. Les deux bords de celle-ci ont été rapprochés, et dans les trous que l'oiseau y a pratiqués au moyen de son bec passent des fils grossiers qui sont arrêtés à la face interne ou externe au moyen d'un nœud, ou, pour mieux dire, d'un bouton formé par l'extrémité des fils entortillée sur elle-même. Les trous principaux sont disposés en deux séries assez irrégulière- ment espacées le long des bords de la feuille ; d'autres qui se trouvent sur le reste du limbe, sont surtout abondants à ^ Le seul oiseau de Ceyian qui construise un nid semblable à celui-ci est la Prinia socialis Sykes, que le colonel Sykes el M. Jerdon disent faire un nid présentant de grands rapports avec celui de VO. longicauda, mais moins bien cousu et dans la cons- truction du({uel il entre plus d'herbes et de fibres végétales. Les allures de la Prinia socialis et le plumage de cet oiseau sont tels qu'une confusion avec VO. longicauda me semble impossible. l'orthotomus longicauda. • 59 la partie inférieure, soit terminale de la feuille. Quant aux fils eux-mêmes, ils sont formés de brins pris à des cocons d'insectes ou d'araignées. Les matériaux qui se trouvent au fond de la feuille et qui formaient le commencement du nid, sont de petites liges de plantes placées verticalement le long de la couture et des graines à pappus soyeux de Bombax (collon trec) qui cou- vraient le terrain près de là. La feuille était à environ deux pieds du sol et faisait par- tie d'une plante qui en portait seulement quatre ou cinq et s'élevait à peine à trois pieds de hauteur, à l'ombre de quel- ques grands arbres. Le limbe de cette feuille a une longueur de 36 centimètres et une largeur de 26 centimètres (en la supposant étalée). L'ouverture du cornet a un diamètre de 9 à 10 centimètres. Les deux bords de la feuille ne se joi- gnent pas parfaitement, mais laissent, au contraire, entre eux un espace bâillant qui varie de 5 à IS""" environ. Le singulier instinct de V Orthotomus longicauda et celui d'autres espèces voisines est connu depuis longtemps. C'est Pennant qui semble en avoir parlé le premier dans son Indian zoology jamais cet auteur avance un détail proba- blement faux lorsqu'il dit que « l'oiseau ramasse une feuille morte et la coud sur les côtés avec une feuille vivante. t> Le capitaine Ilutton i décrivit, en 1833, le nid de cet I iTuffon, On ihe nestofiheTailor bird [Sylvia ruficapilla) , avec une planche, Journal asiat. Soc. ofBengal, vol. H, 1833, p. 502. II se trouve, dans les années 1848, 1855 et 1856 du Jovrnalde la Société asiatique du Bengale, des mémoires de MM. Hutton, Tickell et Théobald sur la nidification des oiseaux de l'Inde. Je regrette de n'avoir pas pu consulter ces travaux qui conliennenl peut-être quelques renseignements sur les Orthotomus. 60 A. HUMBERT. oiseau comme placé entre deux feuilles cousues par leurs bords; il en donne même une figure. Ce naturaliste pense, probablement avec raison, que l'assertion de Pennant, que je viens de citer, est erronée. Il suppose que dans quelque nid formé aux dépens de deux feuilles rapprochées, l'une d'elles se sera détachée de la tige tout en restant fixée au nid par des coutures. Le colonel Sykes ^ a décrit et montré à la Société zoolo- gique de Londres le nid de son Orthotomus Bennettii, espèce qui n'est autre que l'O. longicauda. Il était logé dans la cavité formée en cousant ensemble les bords de deux feuilles ; le nid lui-même était aussi attaché par des fils passant au travers des feuilles et du fond du nid, et l'on voyait que l'extrémité des fils avait été nouée en dehors. Le nid était composé de fibres très-délicates de Vindian hemp ^ et d'herbe. M.deLafresnaye a fortbien décrit^ et figuré un de ces nids. Voici ce qu'il en dit : « Il est placé artistement entre deux grandes feuilles faufilées ensemble par leurs bords avec des fils de coton ; il y est lui-même assujetti par d'autres fils qui sortent de ces feuilles par de petits trous et forment à l'extérieur des espèces de nœuds ou petites houppes qui y sont appliquées comme pour l'y retenir. Ce nid est composé d'une bourre souvent roussâtre et des plus mollettes et de fibres de graminées très-déliées; il est profond de deux pou- ces sur 16 à 18 lignes de diamètre à l'ouverture. » 1 Sykes. Proceedings ofthe Zool. Soc. o/'London, 1834, p. U8. " Crotalaria jimcea. ^ Magasin de Zoologie, 1836. l'orthotomus longicauda. 61 M. E. Layard ^ a décrit aussi le nid de VO. longicauda comme composé ordinairement de fibres cotonneuses mê- lées de crin de cheval et enfermé entre deux feuilles dont les bords sont cousus ensemble avec de la toile d'araignée (cobweb). Il dit avoir vu un nid placé entre les feuilles étroites d'un laurier rose et construit entièrement de fibres de cocotier ; il s'y trouvait au moins une douzaine de feuilles ramenées en forme de dôme et solidement cousues ensem- ble, avec une petite entrée ménagée d'un des côtés. Cette disposition semble exceptionnelle, car M. Jerdon dit qu'il ne se rappelle pas d'avoir jamais vu un nid de cet oiseau cons- truit aux dépens de plus de deux feuilles. M. Jerdon, dans son ouvrage récent sur les Oiseaux de Ulnde -, donne les détails suivants sur la nidification de VO. longicauda : « Il construit son nid avec du colon, de la laine et dif- férents autres matériaux mous bordés quelquefois de poils, et il rapproche une feuille ou plus de chaque côté du nid et les coud ensemble avec du coton qu'il file lui-même ou avec des fils de coton qu'il ramasse, et, après avoir passé le fil à travers la feuille, il fait un nœud au bout pour le fixer. J'ai vu à Saugor un de ces oiseaux attendre le moment où le dirzee (tailleur indigène) aurait quitté la vérandah où il travaillait pour s'y ^précipiter, saisir quelques brins de fil qui s'y trouvaient disséminés çà et là et les emporter en triomphe. Ce fait se répéta plusieurs jours de suite en ma 1 E. Layard, Notes on the ornithology of Ceylan. Annals and Magaz. ofnat.IIistory, vol. XII, deuxième série, 1853, p. <65. ^Jerdon, The Birdsof India. vol II, part. I, p. 466. 62 A. IIUMBERT. présence. Je les ai vus choisir beaucoup d'arbres différents pour y établir leurs niJs ; dans les jardins c'est souvent un goyavier. Le nid est généralement construit à une hauteur de deux à quatre pieds du sol. » D'après tous les auteurs que je viens de citer, VO. lon- gicauda enfermerait son nid entre deux ou plusieurs feuilles. Celles-ci seraient réunies entre elles et liées avec les maté- riaux du nid au moyen de points de suture. Il paraîtrait même, à en juger par les expressions de M. Jerdon ^ que quelquefois ce n'est que lorsque le nid est déjà construit que l'oiseau applique des-feuilles contre lui. Un seul observateur, à ma connaissance, a vu XO. Ion- gicauda placer son nid dans Vinlérieur d'une feuille dont les bords avaient été rapprochés. « II semble, ditM.Nichol- son ^ préférer la feuille du Solaniim esculenlum ou celle de la Cuciirbita octangularis pour y construire son nid et pond quatre petits œufs blancs marqués au gros bout de taches foncées effacées. Après avoir choisi une feuille con- venable, il se met à en rapprocher les bords au moyen de ses pieds et de son beCi il y perfore des trous et les main- tient par des fils de coton terminés par des nœuds qui les empêchent de s'écouler. Le nid est alors construit en dedans de la feuille ; l'entrée est au sommet et le nid semble petit, proportionnellement à la taille de l'oiseau. » ' « The tailor bird draws togelher one leaf or more, generally iwo leaves, on eacli sideof ihe nesl, and slilches ihem logelher with cotton .....'» 2 Noies on an undesoribed species of Tailor bird [Sutoria agilis) xnPrùc. zool. Soc. London, vol. XIX, 1851, p. 194. — CoUe prélendue espèce nouvelle, établie avec doule par l'auleur, ne paraît être autre que VO. longicauda. L ORTHOTOMUS LONGICAUDA. 63 M. Nicholson qui a trouvé souvent ce nid, l'a toujours vu fait de la manière décrite ci-dessus. Notre oiseau sait donc varier d'une manière remarqua- ble ses procédés de construction et montre que l'instinct est loin d'être aussi aveugle et aussi immuable qu'on le prétend trop souvent. Le travail nécessaire pour réunir deux ou plu- sieurs feuilles qui pendent prés les unes des autres doit dif- férer notablement de celui que l'oiseau doit exécuter pour rapprocher et coudre ensemble les bords d'une feuille de manière à lui donner la forme d'un cornet. On peut même considérer l'idée de transformer une surface plane en un réceptacle conique comme bien supérieure à celle qui con- duit à unir des feuilles déjà naturellement rapprochées les unes des autres. Le talent de coudre des feuilles pour soutenir ou cacher leur nid semble être très-répandu chez les Drymoicinœ et former un des caractères de cette division. Ainsi, XOrlhoto- mus coronatus fait un niJ semblable à celui de l'O. longi- cauda, mais moins soigneusement cousu. Il en est de même de la Prinia sodalis. Quant à la Prinia gracilis, qui se trouve dans l'Inde centrale et septentrionale, M. Jerdon dit que son nid est très-semblable à celui du Tailor bird, mais plus petit, fait de coton, de laine, de diverses fibres végé- tales molles, et quelquefois de lambeaux d'étoffes; il l'a toujours trouvé cousu à une seule feuille de Kydia. M. Bernstein ^ a donné une description du nid de la Pri- ^ Bernstein [H.-k.), Over de Zoogenoemde eetbare Vogelnesten en den Neslbouw van eenige andere Javasche Vogels. In Atta Soc. scienliarum Indo-Neerlandicœ , vol. III, 1857-58. 64 A. HUMBERT. nia familiaris de Java, qui montre qu'il a la plus grande ressemblance avec celui del'O. longicauda ie\ que nous l'a- vons observé M. Nicholson et moi. En effet, cette Prima rapproche les bords d'une feuille et y perce des trous dans lesquels passent des fils de coton noués à l'extérieur. Le nid, composé de matières molles, est placé dans l'intérieur de la cavité ainsi formée. La Cisticole {Cisticola schœnicola) sait percer de son bec les minces tiges des roseaux et passer dans les trous qu'elle y a pratiqués les fibres végétales qui supportent son nid. Ce petit oiseau varie aussi ses travaux, puisque le nid qui est destiné à la première ponte diffère de celui qui doit abriter la seconde K Enfin les Drymoica africains, sans posséder un talent de couture, déploient une adresse extrême dans la construc- tion de leurs nids. On peut, en particulier, citer, sous ce rapport, la Drymoica macroiira dont Levaillant a raconté d'une manière si piquante la nidification. Avant de terminer, je voudrais dire encore quelques mots sur la tendance à la variation que paraissent présenter les œufs des oiseaux de ce groupe. On sait que ceux de la Cisticola schœnicola sont bleus, verdâtres, blancs ou roses, et que le fond est tantôt uni, tantôt marqué de taches. ^ Voyez Savi [P.], Sul nido del beccamoschino , in : Memorie scienti fiche. Vise, ^S'^S; — exLmiel (G.), Observations sur les mœurs et la propagation de la Cisticola schœnicola, Bonap., in : Bulletin de la Société ornithologique suisse. Tome P% V^ partie. Genève, 1865. l'orthotomus longicâuda. 65 M. Bernstein ' nous dit que les œufs de la Prima fami- liaris « varient d'une manière très-remarquable, mais qu'ils ont toujours un certain type caracléïistique, qui permet do les reconnaître: » Les œufs de la Prinia .socialis sont , d'après .lerdon, « ordinairement d'un blanc rougeâtre avec de nombreuses ponctuations au gros bout, plus foncées, rouges, souvent cnalescentes ; quelquefois les œufs sont entièrement d'un rouge biique. » Quant à la ponte de VOrlholomvs lonrjicaiida, elle a été décrite de manières très-différentes. D'après le colonel Sykes, les œufs de cette espèce (qu'il décrit sous le nom d'O. Bcu- nettii) , sont petits, oblongs et rouges. M. .îerdon, au con- traire, les décrit comme blancs, tachetés de brun rougeâtre, et suppose que le colonel Sykes a observé le nid et les œufs de la Prinia socialis, qui sont quelquefois d'un rouge de bri- que uniforme. M. Layard dit qu'ils sont d'un blanc verdâtre avec des taches quadrangulaires rougeâtres au gros bout. Flodgson soupçonnait que deux espèces avaient été con- fondues sous un même nom, parce qu'il avait plusieurs fois trouvé des œufs bleus sans taches dans un nid d'oiseau- tailleur. Selon iM. Jerdon, il aurait eu alors affaire à la Pri- nia gracilis dont les œufs sont bleus. N'y aurait-il point plutôt là un fait de variabilité analogue à celui dont la Cisticole nous offre un exemple si remarqua- ble? Je dois me contenter de poser la question. C'est aux naturalistes de l'Inde à la résoudre par des observations ^ Loc. cil. Tome T, 2« p. 'J 66 l'orthotomus longicauda. directes faites sur les différentes pontes et dans différentes régions. L'élude comparée d'un grand nombre de nids d'Or- thotomus et de Prinia d'une même espèce et d'espèces voi- sines fournirait certainement des données intéressantes sur l'instinct et sur l'amplitude de ses variations. EXPLICATION DE LA PLANCHE V : Nid deVOrtfwlomus longicauda; figure réduite. A SoilKii: (lRMTHOLU(ilUri'". Sl'fSSK VO!, 1 IM. V % NUI (II' I llrlliiiloiiiiis loii'urmidii SUPPLÉMENTS (Lus à la Société dans la séance du 7 août 1865) I SUPPLÉMENT AU MÉMOIRE SUR LA DISTRIBUTION VERTICALE DES SYLVIADÉES EN SUISSE J'avais supposé, dans mon Mémoire sur la distribution verticale des Sijlviadées (même vol., première partie, p. C5), que l'on pourrait peut-être trouver une fois dans la Haute Engadine les Sylvia cinerea et aii^icapilla qui, plus répan- dues vers le nord, ne craignent pas de s'élever assez haut ; et j'ai pu vérifier, en juillet 1865, que, durant cet été par- ticulièrement chaud, ces deux becs-fins s'étaient, en effet, montrés, et avaient probablement niché dans cette haute vallée. J'ai rencontré un exemplaire du premier de ces oiseaux dans de rares buissons duSalixpentandra, entre les lacs de Saint-Moritz et de Stalz ; et j'ai entendu éhanter un individu du second dans des arbustes du même genre au-dessus de Devers. Cette trouvaille isolée ne me semble pas devoir éta- blir une règle, mais elle vient cependant à l'appui de mes conjectures. 68 SUPPLÉMENTS. II SUPPLÉMENT AU MÉMOIRE SUR LE PARUS BOREALIS J'ai eu l'occasion d'observer, en juillet 1865, plusieurs jeunes du Parus horealis, et je crois devoir ajouter ici, comme complément à mon mémoire de l'année précédente (même vol., I'' partie, page 90), les quelques observations suivantes qui m'avaient échappé. Les pattes et les tarses sont, chez les jeunes de l'année, d'un joli gris-bleu clair, contrairement à ce qu'ils sont plus tard chez les adultes qui les ont beaucoup plus foncés et moins bleus. En outre, le noir de la gorge s'étend, déjà dans le jeune âge, assez bas sur la poitrine, formant, plus parti- culièrement chez les mâles, une espèce de collier. Je profite de l'occasion pour réparer un oubli, et citer ici le mémoire que M. Z. Gerbe publia en 1854 dans la Eevue zoologique de Guérin, sous le titre de Notice sur le Parus borealis (de Sélys), Mésange boréale, à propos d'individus de cette espèce tués par l'abbé Caire dans les Basses-Alpes. ANALYSES Le perroquet terrestre de la Nouvelle-Zélande {Strigops habroptilus). Le genre Strigops a été établi en 1845 par MM. Gray et Mitchell pour un perroquet de la Nouvelle-Zélande, qui présente des particularités remarquables d'organisation, jointes à des mœurs très-différentes de celles des autres oiseaux de ce groupe. Chez cette espèce les plumes de la face sont décomposées et prennent, surtout en avant, l'ap- parence de vrais poils dépassant la pointe du bec; les ailes, qui ne s'étendent pas au delà des couvertures cau- dales, sont très-obtuses, arrondies, à quatrième et cinquième rémiges les plus longues; la queue est médiocre, très-peu étagée, convexe, égalant le tiers de la longueur totale de l'oiseau; elle est formée, comme une queue de Pic, de baguettes dures et flexibles, à barbules apicales égale- ment flexibles et résistantes. Les tarses sont gros et courts, d'un tiers moins longs que les doigts externes, recouverts d'écaillés arrondies ; les ongles sont longs, forts, 70 ANALYSES. faiblement recourbés et assez acérés. Le plumage est abon- dant, touffu, assez uniforme, comme cela se voit générale- ment chez les espèces nocturnes. Le fond de la coloration est celui des Perroquets, et, en particulier, du Pezopfwnis formosus, non sans de grandes analogies avec certains Stri- gidés dans la disposition générale des taches et des raies. Les plumes de la face et les longues soies qui couvrent les narines et dépassent le bec, montrent aussi des rapports frappants avec ce que l'on voit chez les rapaces nocturnes. Cet oiseau mérite d'attirer notre attention, non-seulement à cause des particularités de son organisation et de son genre de vie exceptionnel, mais aussi, et au même titre que le Notornis ManteUu et les Aptéryx, par le fait qu'il diminue chaque jour et ne vivra bientôt plus, comme le Dronte, que dans l'histoire. On prétend qu'il se trouve encore quelque- fois dans certaines parties des hautes montagnes de l'inté- rieur de l'île septentrionale de la Nouvelle-Zélande, mais c'est dans les parties S.-O. de l'île du centre qu'il paraît être aujourd'hui le plus abondant. C'est un animal essentiellement terrestre qui s'abrite sous les rochers ou se creuse des sortes de terriers au-dessous des racines faisant saillie au pied des arbres. M. David Lyall, chirurgien de la marine royale anglaise, qui l'a rencontré fréquemment, ne l'a vu voler qu'une seule fois. Son vol était court, les ailes ne remuaient presque pas, et l'oiseau se posa sur un arbre à un niveau inférieur à celui d'oii il était parti; bientôt il remonta plus haut en grimpant et en s'aidant pour cela de sa queue. Avant que les chiens devins- sent communs dans l'île, l'oiseau était très-abondant dans ANALYSES. 71 les parties inhabitées. Maintenant il s'est formé une race de chiens sauvages qui l'auront bientôt détruit. Le Strigops ne semble pas construire de nid proprement dit, mais seulement gratter une faible cavité dans la pous- sière formée par le bois pourri. M. Lyall trouva beaucoup de ces nids; ils ne contenaient souvent qu'un petit, jamais plus de deux. Dans un cas seulement il y avait deux petits et un œuf couvé. L'œuf est blanc et à peu près de la gros- seur de celui d'un pigeon. Cet oiseau a un cri rauque. Les Maoris disent que pendant l'hiver les Slrigops se réunissent en grand nombre dans des cavernes et qu'au moment où cette réunion se forme et lors- qu'ils se séparent au printemps, le bruit qu'ils font est assourdissant. Presque tous les individus adultes que mit en peau M. Lyall, étaient excessivement gras, ayant, en particulier sur la poitrine, une épaisse couche de graisse huileuse qu'il était fort difûcile de séparer de la peau. Les renseignements que l'on avait sur ce curieux oiseau ont été beaucoup complétés par les observations récentes de M. Haast, géologue de la province de Cantorbéry dans la Nouvelle-Zélande. Le travail de ce naturaliste a paru dans les Mémoires de la Société zoologique et botanique de Vienne et a été traduit en anglais dans Xlbis '. Nous pensons qu'il peut y avoir un certain intérêt à en donner aussi la traduc- tion française suivante. 1 Noies on the Ground Parrol of New-Zealand [Strigops habro- ptiUis), by Julius Haast. —J/ieJ6i5, vol. VI, p. 340, oclober1864. 72 ANALYSES. « Le Strigops hahropiilus (appelé Kakapô par les Maoris et Ground Parrot par les colons) occupe une des premières places parmi les oiseaux remarquables de la Nouvelle-Zé- lande, non-seulement à ?îause de sa taille, mais aussi à cause de son genre de vie et de la manière dont il se forme une retraite. On sait fort peu de chose sur cet habitant de nos forêts, de sorte que la publication de quelques observations que j'ai faites pendant ma dernière excursion à la côte occi- dentale, peut avoir quelque intérêt. J'ai voyagé pendant plusieurs années dans l'intérieur de la Nouvelle-Zélande, mais ce n'est que dans mon dernier voyage que j'ai pu voir et apprendre quelque chose relativement à l'histoire natu- relle de cet oiseau, quoique j'aie souvent entendu son cri d'appel et vu les traces de ses pas dans le lit des rivières et sur la neige fraîchement tombée. La principale raison pour laquelle je n'avais jamais pris ou même vu cet oiseau (qui, par parenthèse, n'est nullement rare dans certaines parties du pays), c'est sans doute que je n'avais jamais eu de chien avec moi ; en effet, sans un chien, c'est seulement par hasard qu'on peut le voir, «Les principales localités dans lesquelles on rencontre le Kakapô sont les petites prairies dans les bois de hêtres clairs et moussus, près des ruisseaux de montagne, et les pentes rocheuses en dessous des grosses pierres recouvertes de mousse et cachées sous les racines des hêtres ; on le rencontre aussi sur les bords moussus des grandes rivières qui sont inondées de temps à autre à la suite de quelque dégel subit ou de fortes pluies. Sur le revers occidental des Alpes l'on voit les oiseaux granivores diminuer de nom- ANALYSES. 73 bre à mesure que l'on s'enfonce dans les forêts, et là où l'on trouve les sapins, il n'y a plus que des pigeons ou des Nes- lors (Kakas). Plus avant encore, dans la chaîne centrale des montagnes, ceux-ci disparaissent à leur tour; et même VO- cydromus se trouve seulement près des ruisseaux descen- dant des montagnes, là où la forêt s'interrompt pour faire place à des prairies entrecoupées de broussailles. Dans les forêts de hêtres de celte région subalpine où la végétation est luxuriante à l'excès et où l'aspect du vert foncé des mousses et des fougères rafraîchit le voyageur fatigué, la vie animale devient très-rare et l'on ne trouve que VAplenjx, deux petits oiseaux insectivores et le surmulot, qui même là a chassé le rat indigène et usurpé sa place. C'est là que le Kakapô trouve abri et nourriture, tandis qu'au-dessus de lui les Nestor notabilis et Eslingii se nourrissent des graines de nombreux arbustes et de racines de plantes alpines. « Il est digne de remarque que le Kakapô ne se trouve jamais sur le versant oriental des Alpes, quoique l'on y ren- contre aussi des forêts considérables dehêtres. La seule région qui fasse exception est la vallée où coule la rivière Maka- vora qui forme le lac Wanaka. Il semble, par conséquent, être confiné au versant occidental de la principale chaîne de montagnes et passer seulement le défilé bas et boisé qui conduit des sources de la rivière Haastà celle delaMakavora. Même là on ne le trouve pas au delà de l'embouchure de cette rivière dans le lac Wanaka, parce que plus bas les forêts cessent. Le Kakapô est très-abondant dans la vallée TojiE I, i« p. 10 74- ANALYSES. de celte dernière rivière et dans la forêt de Makavora, quoi- que de nombreux bûcherons y soient constamment occu- pés. Lorsque nous campions sur la lisière de cette forêt, nous entendions constamment son cri d'appel, mais aucun des bûcherons ne semblait se douter qu'un oiseau d'aussi grande taille se trouvât dans leur voisinage, quoique son cri, exceptionnellement perçant, eût éveillé leur attention. Dans la vallée de Wilkin (où j'ai trouvé des traces de chiens sau- vages), on rencontre moins souvent le Kakapô, et il manque complètement dans la vallée Hunter, qui contient de grandes forêts de hêtres et qui est séparée par une chaîne de mon- tagnes peu élevées. « Je n'ai pas l'intention de donner une description détaillée du Kakapô, mais je veux seulement faire remarquer que la nature prévoyante a donné à cet animal sans défense, en vue de sa conservation, un plumage qui a tellement l'appa- rence de la mousse qu'il est difficile de l'en distinguer même à une courte distance. Les plumes noires et piliformes qui se trouvent de chaque côté du bec lui donnent une apparence assez sauvage, et les curieuses couronnes de plumes rayon- nantes qui entourent les yeux lui donnent l'air d'un hibou. Mais son énorme bec de perroquet et ses deux doigts réver- sibles déterminent immédiatement les affinités de cet oiseau. « Jusqu'à aujourd'hui l'on a supposé que le Kakapô était un oiseau nocturne. Mes observations personnelles m'ont convaincu que tel n'est pas exactement le cas ; il est vrai, toutefois, qu'il fait entendre son cri une heure après le coucher du soleil^ et que c'est à ce moment qu'il com- mence à errer là où un feuillage épais produit une sorte d'ob- ANALYSES. 75 scurité artificielle. Une fois, à l'heure que je viens d'indiquer, un Kahapu alliré sans doute par la lumière, s'approcha très- près de notre tente, et fut saisi par mon chien; mais dans deux autres occasions, j'ai vu cet oiseau rechercher sa nour- riture pendant le jour et paraître éviter tout danger avec beaucoup de soin. C'est à mon retour de la côte occidentale que je vis pour la première fois un Kahapu en plein jour. C'était dans l'après-midi et le ciel était assez nuageux. L'oi- seau était posé sur un tronc d'arbre coupé, dans une clai- rière, non loin de la rivière Haast. A mon approche, il dis- parut rapidement, mais fut néanmoins saisi par mon chien. La seconde fois où je vis le Strigops pendant le jour, c'était dans une passe de montagne, où un grand individu était posé sur un fuchsia à dix pieds du sol et mangeait des baies. Dès que l'oiseau me vit, il se jeta en bas de l'arbre comme s'il avait reçu un coup de fusil et échappa sous quelques gros fragments de rochers. Ce qu'il y avait de plus surpre- nant, c'est qu'il n'ouvrit pas ses ailes et ne s'en servit nulle- ment pour amortir sa chute. Il est singulier qu'un oiseau possédant des ailes bien formées préfère se servir de ses pieds comme moyen de locomotion, surtout lorsque ces pieds semblent conslruils, à en juger par la position des doigts, plutôt pour grimper que pour marcher ou courir. Cela semble être un exemple qui prouve clairement que les variations de forme s'adaptent au mode de vie. En examinant les ailes, je trouvai qu'elles se mouvaient facilement et ne différaient en rien de celles d'autres types de la famille ùesNestors. Les rémiges sont bien formées ; mais les ailes elles-mêmes sont non-seulement très-charnues, les tendons sont encore très- 76 ANALYSES. grêles et enfouis dans la graisse, ce qui tient probablement à ce qu'ils ne fonctionnent pas. Pour essayer si le Kakapô ne volait pas ou du moins ne battait pas des ailes quand on le poursuivait, je pris un grand individu dont mon chien s'était emparé sans le blesser et je l'apportai dans une clai- rière oîi il y avait suffisamment d'espace pour qu'il pût ouvrir ses ailes en courant, même en supposant qu'il eût besoin pour cela d'un grand espace. Mais au lieu d'essayer de s'envoler, l'oiseali, une fois relâché, courut vers le fourré le plus voisin, se mouvant comme un coq, et avec une rapi- dité qui me surprit beaucoup à cause de ses formes lourdes et de la position de ses doigts. Pendant cette expérience je m'étais posté de manière à voir l'oiseau de côté, et il me sembla que les ailes étaient tenues serrées contre le corps; toutefois quelques-uns de mes compagnons qui se trouvaient derrière l'oiseau observèrent qu'il tenait les ailes légèrement ouvertes, plus, à ce qu'il semblait, pour maintenir son équi- libre que pour s'aider dans sa course. Quoique le corps du Kakapô ne semble pas formé pour une locomotion bien active, il erre quelquefois à des distances considérables; nous trouvâmes une fois l'impression de ses pieds dans le sable pendant plus d'un mille du bord de la rivière. Les gésiers de ceux que nous avons examinés étaient ordinairement rem- plis de mousse très-divisée et en .quantité énorme ; ils étaient très-dilatés et quelquefois si lourds qu'un seul pesait plu- sieurs onces. Nous avons trouvé une exception à cela chez deux individus qui avaient mangé les baies d'une espèce de Coriaria, qui donne une odeur particulière à la chair. L'oi- seau semble beaucoup plus petit quand le gésier est vide, ANALYSES. 77 La masse de ces aliments peu nutritifs quele5/r/^o/}5cloit col- lecter montre pourquoi il vit sur le sol et se trouve dans des districts arides et improductifs, où aucune autre espèce de cette famille ne pourrait exister. Une autre particularité résultant peut-être aussi de son régime végétal, c'est que cet oiseau, au lieu d'avoir, comme d'autres, une graisse molle et huileuse sous la peau, possède une grande quan- tité de graisse ferme et blanche *. Sa chair est meilleure et plus substantielle que celle d'aucune autre espèce de per- roquet et d'un fumet exquis. C'est un mets recherché par les voyageurs qui parcourent les solitudes, et je comprends bien comment les vieux Maoris de la côte occidentale qui nous accompagnaient, sentaient l'eau leur venir à la bou- che quand quelqu'un parlait du Kakapô. a II est certain que, quelle que fût la force de ses ongles et de son bec, un oiseau incapable de voler ne pourrait pas se défendre contre ses ennemis simplement en grimpant aux arbres ou en se cachant dans des trous en terre. Nous pou- vons être certains que partout oîi l'homme n'est pas encore venu avec ses deux animaux domestiques, le chien et le chat (dont plusieurs sont devenus sauvages ici), le Kakapô se trouve en grand nombre, et qu'avant l'apparition de l'homme, ni le chien indigène, i^Kuriy) (que l'on ne trouve plus maintenant), -ni aucun autre animal ne chassait des oiseaux pour s'en nourrir. Il est également certain que ces quadrupèdes dont l'on a vu des traces de pieds sur le lit des rivières alpines, mais dont aucun n'a encore été aperçu par un voyageur scientifique, doivent vivre unique- 1 CelleobservationeslericontraditionavecceilesdeM.Lyail.(A.H.) 78 ANALYSES. ment de poissons. Mon examen des habitations souterraines du Kakapô corrobore ces opinions. Je m'attendais à trouver le Kakapô dans des cavernes bien excavées avec des entrées qui ne permissent qu'à l'habitant d'y pénétrer, en un mot, quelque chose comme le terrier d'un renard ou d'un blaireau. C'est, du moins, ce que les indigènes m'assuraient être le cas; mais je reconnus, sauf dans un seul cas, que les habi- tations consistaient en fentes ou fissures de rochers, en cavités entre les racines d'arbres pourris, ou en ouvertures naturelles entre des fragments de rochers où mon gros chien entrait facilement et d'où il ressortait généralement la tête la première en tenant sa proie dans la gueule; ceci prouve que le chien avait pu se retourner dans l'intérieur. Au commencement, mon chien fut sévèrement puni par le bec et les ongles du Kakapô ; mais après un peu d'expérience, il apprit à attraper l'oiseau du premier coup au travers de la tête. Les Maoris me dirent que le Kakapô était un oiseau très-vaillant et qu'il luttait souvent avec succès contre leurs chiens; cela est difficile à croire, à moins que leurs chiens ne soient d'une race bien, faible. Quoique le mien ait été quelquefois blessé, il n'eut jamais de bataille sérieuse avec aucun de ces oiseaux. Le Kak {Nestor meridionalis) est un adversaire plus respectable. Il se jette sur le dos avec les ailes ouvertes et se défend vigoureusement avec son bec et ses griffes. Comme je l'ai fdit remarquer précédemment, le Kakapôy'û quelquefois dans des places susceptibles d'être inondées. Quand la crue arrive, il est naturellement obligé de s'échapper ; mais je ne pense pas qu'il soit capable de grim- per sur les arbres, du moins je ne l'ai jamais vu faire cela ANALYSES. 79 lorsqu'il est poursuivi par un chien. Dans une occasion toutefois, un Kakapô grimpa sur le tronc d'un arbre à moitié tombé et y resta perché jusqu'à ce que mon chien renonçât à ses essais de s'en emparer. Toutes les habitations du Kakapô que j'ai examinées étaient des cavités ou trous naturels, à l'exception d'une seule qui était creusée artifi- ciellement. Dans la partie septentrionale de la rivière Haast, près de l'embouchure de la rivière Clark, les bords de la rivière avaient atteint, par une accumulation de dépôts, une hauteur de 6 à 8 pieds. J'y ai observé plusieurs ouver- tures rondes qui n'étaient pas suffisamment grandes pour permettre à mon chien d'y pénétrer. Après avoir flairé pen- dant quelque temps, il commença à creuser à une place où, comme je m'en aperçus plus tard, se trouvait l'extrémité de la cavité et attrapa l'oiseau. Ce fait montre, d'une ma- nière évidente, la faculté qu'a l'oiseau de creuser. Le Ré- vérend Taylor dit, dans son ouvrage « Te ika a maui », que le Kakapô vit en bandes ; mais d'après mes propres observa- tions le contraire semble être le cas.. Je n'ai jamais trouvé plus d'un oiseau dans une cavité; mais j'ai très-souvent observé une seconde cavité à une distance de 20 à 30 yards de la première, et l'oiseau qui l'occupait était habituellement d'un sexe différent de celui qui se trouvait dans le premier trou. Le feu de notre camp fut plusieurs fois visité par une paire de ces oiseaux. 11 me semble, par conséquent, qu'ils vivent habituellement isolés, mais que pendant la nuit ils vont par paires, soit pour chercher leur nourriture, soit en vue de l'acte reproducteur. « Je ne sais rien relativement à la nidification du Kakapô; 80 ANALYSES. mais quand la femelle erre avec ses petits elle fait entendre un cri d'appel particulier, ressemblant plus au grognement d'un cochon qu'à quoi que ce soit d'autre. Le Révérend Taylor énumère deux espèces de Kakapôs dans la partie septentrio- nale de l'île. 11 n'y a pas deux espèces entre le lac Wanaka et la côte occidentale ; j'ai examiné plus de 20 échantillons, qui tous appartenaient à la même espèce ; ils étaient à peu près aussi gros qu'un coq de taille raisonnable, par" consé- quent plus grands que le Knvi que j'ai également trouvé pendant cette excursion. « Je ne sais pas si un échantillon de cet intéressant oiseau a jamais été conservé dans l'esprit de vin et envoyé en Eu- rope pour déterminer si son ostéologie concorde avec celle d'autres oiseaux. Notre gouvernement provincial organise d'importantes expéditions scientifiques pour l'étude appro- fondie de la côte occidentale ; et l'on doit espérer que nous obtiendrons bientôt des individus vivants permettant d'exa- miner et d'étudier à fond tous les détails relatifs à ces ani- maux, ce que le manque de temps m'a empêché de faire pendant mon voyage. » A. H. Hutton (F.-W.), Notes on some ofthe birds inhabiting THE SOUTHERN OcEAN. — Notes sur quelqucs oiseaux habitant l'Océan antarctique. The Ibis, juillet 1865. Le mémoire du capitaine Hutton est basé sur ses obser- vations personnelles faites pendant sept voyages autour du cap de Bonne-Espérance à différentes époques de l'année et sur des indications fournies par M. Richard Harris, ingé- ANALYSES. 81 Dieur de la marine royale. M. Harris était parti de Londres au commencement de juin 1832 avec une expédition mon- tée pour la pêche des phoques, et était arrivé en septembre à l'île du Prince-Édouar.i, dans l'Océan antarctique. Il resta là jusqu'au mois de janvier suivant, époque à laquelle il partit pour la terre de Kerguelen ou de la Désolation, comme l'appellent les pêcheurs de phoques. II y arriva avec ses compagnons à la fin de janvier, et le 16 mars, pendant qu'ils étaient à terre occupés à chasser les phoques, leur navire fut naufragé et ils restèrent sur l'île jusqu'au 6 dé- cembre. Us firent alors la tentative audacieuse de faire voile pour la Tasmanie dans un bateau construit avec les débris de leur navire et atteignirent heureusement Port-Macquarie après un voyage de six semaines. C'est pendant son séjour sur ces îles peu connues, qu'il fil des observations soignées sur les mœurs des oiseaux qui les fréquentent pendant la saison de la reproduction. M. Hutton donne des renseignements sur treize espèces appartenant aux genres Chionis, Lestris, Diomedea, Procd- laria, Daption et Prion. Son mémoire est suivi de remar- ques intéressantes sur les rapports qui existent entre la faune ornithologique de l'Océan antarctique et celle de l'O- céan arctique, sur la forme du bec chez les oiseaux pélagi- ques et sur le vol de ces mêmes oiseaux. Dans les pages qui suivent nous nous sommes contenté de traduire ce qui se rapporte à V Albatros (Diomedea exu- lans, L.) et aux rapports et différences de la faune antarc- tique comparée à la faune arctique. Tome 1,2" p. 11 82 ANALYSES. «( D'après mon expérience personnelle el celle du D'Ben- nelt, la nourriture de V Albatros consiste entièrenaent en mollusques pélagiques, en petits crustacés, en méduses el en débris jetés des navires. Je n'ai jamais trouvé aucun frag- ment de poissons dans son estomac, et je ne puis même pas comprendre comment il les attraperait, car il ne fondjamais subitement comme une Frégate ou un Fou, sur ce qui flotte dans l'eau, mais commence toujours par se poser et dévore sa proie à loisir. C'est pour cela qu'on ne peut le pren- dre avec un hameçon que lorsque le navire file au plus 4- ou 5 nœuds, et que l'on peut lâcher beaucoup de ligne et donner ainsi le temps à l'oiseau de regarder l'araoree avant de l'avaler. Le meilleur appât est un morceau de couenne de lard cru, qui est assez coriace pour que les petits oiseaux ne puissent pas l'arracher du hameçon. Ce hameçon n'a pas besoin d'être barbelé, parce qu'il s'ac- croche toujours à l'extrémité recourbée de la mandibule supérieure. Le hameçon doit flotter au moyen de bouchons. «Je n'ai jamais vu \es Albatros voler de nuit et leurs habi- tudes sont tout à fait diurnes, soit à la mer, soit sur terre. On les trouve rarement pins au nord que le 80"* lat. S., mais ils s'approchent si régulièrement de celte limite que je pouvais généralement prédire le jour où nous verrions le pre- mier. Toutefois, en avril 1 854, allant du Cap à Sainte-Hélène, et nous trouvant à une latitude d'environ 25° S., nous en vîmes passer un se dirigeant directement au sud sans s'ar- rêter, même pour examiner le navire. Je soupçonne qu'il avait été pris et relâché après deux ou trois jours de cap- tivité, ou que, ayant suivi un navire hors de sa région habi- tuelle, il la regagnait le plus vite possible. ANALYSES. 83 « Ces oiseaux sont très-communs au sud du 40° do lat.S. et occupent presque toutes les îles du Prince-Edouard et la portion S.-E. de la terre de Kerguelen, lieux où ils se reti- rent en octobre pour la reproduction. Le nid, qui est toujours placé sur des plateaux élevés, est en forme de cône tronqué avec un sommet légèrement creusé ; il est composé d'her- bes et de boue que les oiseaux obtiennent en creusant un fossé circulaire d'environ 2 yards de diamètre et en reje- tant la terre vers le centre jusqu'à ce qu'ils aient produit une élévation d'environ 18 pouces. Dans ce nid la femelle pond un seul œuf blanc qui n'éclôt qu'en janvier. Entre février et juin, à une époque que M. Harris ne peut exac- tement préciser, les adultes quittent les jeunes et vont à la mer pour ne revenir qu'au mois d'octobre suivant, époque à laquelle ils arrivent en grand nombre. Chaque paire va immédiatement à son ancien nid et après quelques caresses à leur jeune qui est resté pendant tout le temps dans le nid ou auprès de celui-ci, ils le renvoient et réparent le nid pour la couvée suivante. Les petits qui ont été abandonnés sont en bon état et on les voit souvent exerçant leurs ailes. Quand les vieux oiseaux reviennent et prennent pos- session de leur nid, le petit reste sauvent en dehors et picote la tête des parents jusqu'à ce que les plumes entre le bec et l'œil aient été enlevées et que la peau soit trans- formée en plaie. Les jeunes oiseaux ne s'éloignent pas beaucoup jusqu'à l'année suivante où ils accompagnent alors les adultes à la mer. 11 est difficile de se rendre compte de la manière dont les jeunes se procurent leur nour- riture lorsque les adultes sont absents, car M. Ilarris assure 84 ANALYSES. qu'on ne voit aucnn adulte dans le voisinage des îles pen- dant plasieurs mois consécutifs. Quelque étrange que cela puisse paraître, l'étrangeté même du fait est une garantie de son exactitude parce que personne ne pourrait inventer un récit pareil ; celte assertion est corroborée, en outre, par l'abondance des Albatros qu'on rencontre en mer, d'a- vril en octobre inclusivement, et leur rareté comparative, surtout celle des vieux oiseaux à plumage blanc, pendant le reste de l'année. Aucun naturaliste ayant voyagé dans les mers du sud entre avril et octobre n'a de doute sur leur abondance à cette époque ; mon expérience personnelle m'a appris que ces oiseaux deviennent plus rares pendant ce dernier mois. Il est plus difficile de réunir des preuves suf- fisantes de leur rareté de novembre à mars, car peu de voya- geurs visitent, pendant cette saison, les régions qu'ils habi- tent et il y en a encore moins qui prennent des notes sur les oiseaux. Toutefois, le D' Pickering, qui faisait partie de l'expédition d'exploration des États-Unis, dit que cet oiseau n'a été vu que quelquefois en janvier tandis qu'il était beau- coup plus commun en avril.» — Le capitaine Cook semble avoir fait des observations analogues. En octobre et novem- bre 1772, les Albatros, dit-il, étaient abondants ; en décem- bre et janvier ils étaient rares ou manquaient complète- ment, et il semble n'en avoir vu qu'un petit nombre jusqu'à son arrivée à la Nouvelle-Zélande, excepté le 10 février 1773 où ils sont indiqués comme abondants ; mais ce jour- là il ne se trouvait qu'à quelques milles de la partie sud-est de la terre de Kerguelen où ces oiseaux nichent. Il ne visita pas de nouveau ces régions jusqu'au milieu de décem- ANALYSES. 85 bre 1773, époque à laquelle il quitta la Nouvelle-Zélande pour le Pacifique, et depuis ce moment jusqu'au milieu de février de l'année suivante, où il s'avança trop au nord pour en ren- contrer, il semble n'en avoir observé que très-peu et la plu- part, sinon tous, étaient des jeunes. A la fin de cette année (1774) il doubla le capllorn; après le mois de novembre il n'est pas fait mention ô.' Albatros, excepté en janvier dans l'île des Etats, jusqu'en mars 1775, époque à laquelle il dit que quelques individus accompagnaient le navire chaque jour jusqu'à ce qu'il fût hors de la région qu'ils habitent. « Sir James Ross, dans sa relation du voyage de YErehus et de la Terror, ne mentionne non plus jamais les Albatros entre novembre et mars. Je suis, par conséquent, porté à croire que les adultes vont à la mer en mars ou avril, lors- que les jeunes sont âgés d'environ trois mois. M. Harris a passé trois semaines du mois d'août à Tristan d'Acunha, Nightingalè's Island et Inaccessible hland, mais il n'a vu di[\mi\ Albatros pendant tout ce temps. Il dit (]ue lorsque les adultes reviennent en octobre, on ne les voit jamais nourrir les jeunes; il est, par conséquent, évident que ceux-ci doi- vent se procurer eux-mêmes leur nourriture. Je présume que les jeunes ont des habitudes nocturnes, allant à la mer de nuit et retournant à leur nid dans la matinée. i La faculté qui permet à Y Albatros de retrouver son che- min pour rejoindre son petit à chaque mois d'octobre, après avoir erré des milliers de milles sur un océan dont rien ne rompt l'uniformité, indique des instincts extraordinaires. M. Harris est convaincu que les mêmes oiseaux visitent leurs anciens nids et s'en servent de nouveau pour les cou- 86 ANALYSES. vées suivantes. Les points de repère qui peuvent guider l'hirondelle dans ses migrations manquent ici complètement ; comme les oiseaux divergent de tous côtés en s'éloignant des endroits où ils se reproduisent et qu'ils traversent quel- quefois le globe entier, la position du soleil qui est le seul guide naturel que l'homme possède, ne peut leur être d'au- cun secours. (1 Le vol de V Albatros est vraiment majestueux, lorsque les ailes étendues et immobiles, il plane au-dessus de la surface de l'eau, tantôt s'élevanl dans les airs, tantôt descendant d'un vol rasant avec les ailes inclinées sur l'ho- rizon jusqu'à ce que la pointe de la plus basse effleure la crête des vagues. Tout à coup il aperçoit quelque objet qui flotte sur l'eau et il se prépare à se poser; combien alors il diffère du noble oiseau dont tout à l'heure on ad- mirait la grâce et l'élégance 1 11 relève ses ailes, ramène sa tête en arrière et creuse son dos ; on voit alors s'allonger deux énormes pattes palmées largement étalées et l'oiseau tombe dans l'eau en poussant un cri rauque qui tient le milieu entre le cri d'une corneille et celui d'un mouton. Il est de nouveau à l'aise, et suit le mouvement des vagues. Bientôt il étend son cou et, avec de grands efforts d'ailes, court sur la surface de l'eau pendant 70 ou 80 yards jusqu'à ce que, ayant acquis un élan suffisant, il ramène ses jambes et prenne de nouveau un plein essor dans les airs. Je suppose que c'est cette nécessité de courir sur la surface de l'eau avant de pouvoir la quitter complètement, qui a donné nais- sance à la fable, admise encore par quelques-uns de nos naturalistes les plus sérieux, d'après laquelle V Albatros pour- ANALYSES. 87 rail marcher à la surface de l'eau presque sans s'aider de ses aiies. Je n'ai jamais vu cel oiseau plonger. Lorsqu'il est pris et posé sur le pont du navire, il lui est impossible de se tenir debout ou de s'envoler, à moins qu'il ne souffle un fort vent, et il reste étendu sur le ventre sans moyen de se relever. Après qu'il est resté à bord quelques minutes, il rejette quelquefois une grande quantité d'huile. a Le nombre extraordinaire des oiseaux pélagiques qui se trouvent dans les régions froides de la terre, comparé au petit nombre de ceux que l'on trouve sous les tropiques, est très-digne de remarque, car c'est précisément l'inverse de ce que nous voyons sur terre. Je pense, toutefois, que l'on peut expliquer ce fait de la manière suivante: Les plantes supé- rieures en organisation ont à désoxyder de grandes quantités d'eau et d'acide carbonique pour former le sucre, les diffé- rentes espèces d'huile, le camphre, la résine et autres subs- tances qu'elles sécrètent; mais cette opération absorbe une quantité également grande de chaleur et de lumière qui ne peu- vent être fournies que par le soleil ; elles doivent, par con- séquent, habiter des climats chauds ou tempérés et vivre sur terre ou, tout au moins, doivent-elles avoir la plus grande partie de leurs feuilles exposées directement à l'air. En effet, l'eau absorbe si puissamment les rayons calorifiques qu'une profondeur de quelques pouces seulement suffit pour arrê- ter tous ceux qui atteignent la terre par un jour sans nuages. « Les plantes inférieures, par contre, qui n'ont guère qu'à produire de la chlorophylle, demandent moins de lumière et une faible quantité de chaleur. Elles sont ainsi 88 ANALYSES. capables de vivre sous l'eau et dans des régions où ne sub- sisteraient pas des formes d'une organisation plus élevée; leur croissance ne rencontrant pas d'obstacles, elles y aug- mentent en nombre et en dimension, bien plus que dans les latitudes chaudes ou sur terre. Maintenant, comme l'eau conserve une température plus égale que la terre, il s'ensuit que dans les régions froides la mer fournit presque à elle seule toute la végétation. Cela a pour conséquence une population également abondante d'animaux inférieurs vivant dans la mer aux dépens de cette végétation et fournissant à leur tour une nourriture aux Pétrels qui, portant avec eux, dans leurs poumons, un appareil pour produire de la cha- leur, n'éprouvent pas, comme les plantes supérieures, le même besoin de vivre dans des climats chauds. Mais comme la chaleur de l'été est beaucoup moindre dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord, les plantes marines, et par conséquent les Pétrels, s'approchent beaucoup plus de réquateur dans les mers antarctiques que dans les mers arctiques. « D'un autre côté, quoique le nombre des individus soit immense, les espèces sont peu nombreuses, ce qui est dû, sans doute, à l'uniformité des conditions dans lesquelles elles vivent. » « Il est très-curieux de remarquer que la plupart des espè- ces de Procellariidœ qui habitent l'hémisphère nord, corres- pondent à des espèces analogues ou très-voisines de l'hé- misphère sud. Par exemple, V Albatros des parties septen- trionales de l'Océan pacifique, Diomedea bracliyiira,Temin., ANALYSES. 89 ressemble beaucoup au D. cxulans, L., quoiqu'il en soit incontestablement distinct. Les ProceUaria glacialis, L. et Pr. pacifica, Aud., sont à leur tour très-voisins du Procel- lariii tjlacialoides , Smith; les Pufjînus[cinereus, Gmel., et Pujfmus major, Faber, duPr. hœsitala, Licht. (necKuhi); les Puffmusanglonim,Temm.,e\,P.obscurus,Gme\.,(\uPufJi>ius assimilis, Gould, et les Thaltissidroma des mers du nord, à l'exception du Thalassidroma Leachi, Temm., ne diffèrent de ceux des mers du sud que dans quelques points secondaires du plumage, le Th. océanien, Kuhl, étant, autant que je puis le savoir, le seul Pétrel commun aux deux hémisphères. Mais tandis que la plupart des Procellariidœ du nord ont des espè- ces représentatives dans l'hémisphère sud, beaucoup de ceux du sud n'ont pas d'analogues dans l'hémisphère nord, par ex- emple, les ProceUaria gigantea, Gmel., Daplion eapensis, L., Prion vittatus, Gmel., Pelecanoïdes urinatrix, Gmel., etc. Ces faits rendent probable l'hypothèse que les espèces sep- tentrionales ont passé par l'équateur depuis l'hémisphère sud, peut-être pendant la période glaciaire et que, ayant été iso- lées depuis lors, elles se sont éloignées quelque peu des for- mes d'où elles tirent leur origine. Le fait que dans les trois cas que j'ai mentionnés, deux espèces distinctes de l'hémi- sphère nord sont en rapport intime avec une seule espèce de l'hémisphère sud, conduit à la même conclusion. La grande étendue des terres dans l'hémisphère nord expliquera proba- blement pourquoi le genre Puffinus, dont les mœurs sont le moins pélagiques de tous (excepté les Pelecanoides qui ne semblent pas avoir passé les tropiques), s'est si largement développé dans ces mers, tandis que les ProceUaria sont Tome I, i" p. ■l'a 90 ANALYSES. restreints à deux espèces assez rapprochées l'une de l'autre. Les deux seules espèces de Procdlaria à présent connues comme habitant les parties tropicales du Pacifique sont aussi représentées chacune dans l'Océan du sud, à savoir : le Pr. parvirostris, Peale, par le Pr. Cookî, Gray, et le Pr. rostrala, Peale, par le Pr. Lessoni, Garn. ; tous deux dif- férant toutefois plus de leurs types, au point de vue de la coloration, que les espèces arctiques'ne diffèrent des leurs. Le Tludassidroma lineata, Peale, également de la zone torride du Pacifique, est une espèce représentative du Th. melanogaster, Gould. ' A. H. CiiUeii (D-" W.-H.), On the Gular Pouch of the mâle BusTARD (Otis tarda, Linn.). Sur la poche gulaire delà grande outarde mâle. The Ibis, avril 1865. L'existence d'une poche gulaire chez la grande Outarde, qui avait été affirmée par d'anciens auteurs, puis mise en doute plus récemment, est prouvée de nouveau par le doc- teur GuUen, qui donne une bonne description de cet organe. Il se trouve, au-dessous de la langue, une ouverture assez grande pour que l'on puisse y introduire le petit doigt, et entourée d'un muscle sphincter. La poche dans laquelle cette ouverture donne accès s'étend jusqu'à l'os de la fourchette ; elle est enveloppée, sur toute son étendue, d'une mince couche musculaire. La poche elle-même n'est point, comme le dit Degland, formée de tissu cellulaire, mais elle est constituée par une membrane distincte, quoi- ANALYSES. 91 que délicate, qui ressemble beaucoup à celle de la vessie aérienne des poissons. Elle est étranglée au-dessous du sphincter, puis considérablement dilatée, et présente, dans le bas, un nouvel étranglement suivi d'un renflement ovoïde terminal. Une de celles qu'a mesurées M. Gullen mesurait, lorsqu'elle était remplie, 9 pouces de long et contenait 14 onces d'eau. Un Tartare qui avait tué un nombre considé- rable d'Outardes et connaissait parfaitement cet organe, affirmait que pendant la saison de la reproduction ses dimen- sions étaient plus que doubles. Immédiatement avant la saison de la reproduction, les Outardes mâles se battent avec fureur pour la possession des femelles. Ils se courent sus avec la tête baissée, le cou énormément renflé et font entendre un bruit ou un cri par- ticulier qui ressemble à ook. Plus tard encore, pendant que la femelle couve, le mâle tourne autour d'elle à une dis- tance de 100 à 150 pieds, poussant par moments le même cri et ayant le cou gonflé, les ailes demi-étendues et tom- bantes et les plumes de la queue retroussées au point de loucher presque le dos. Si on prend un mâle entre l'épo- que où les couples se forment et celle oîi les œufs éclosent, il pousse en captivité ce cri particulier qu'il ne fait enten- dre à aucune autre époque de l'année. Ce fait, qui coïncide- rait avec un développement plus considérable de la poche gulaire, semble prouver que l'organe en question est destiné à contenir de l'air et à produire, à l'aide de l'enveloppe mus- culaire qui le recouvre et du sphincter qui ferme son ouverture, le cri qui ne s'entend que pendant l'époque de la reproduction. 92 ANALYSES. On avait dit que cette poche gnlaire contenait de l'eau que l'Outarde rejetait au raonient où on la prenait. Mais deux Tartares, qui entre eux avaient pris peut-être un mil- lier d'Outardes, tant en Crimée qu'en Bulgarie, affirmèrent au D' Cullen qu'ils n'avaient jamais rien observé de sem- blable. A. H. George-Daïuson Rowley. On certain facts in the eco- NOMY OF THE CuCKOO {Cnculus canorus). Sur quelques faits relatifs aux mœurs du Coucou. The Ibis, avril 1865. L'auteur rectifie d'abord certaines assertions relatives à l'époque de la ponte du Coucou. Il a trouvé des œufs de cet oiseau à partir du 5 mai jusqu'au 19 juillet. Il combat ensuite l'idée de Baldamus d'après qui le Coucou pondrait des œufs semblablesà ceux de l'oiseau dans le nid duquel ils sont pla- cés. Le naturaliste allemand pose comme un failindubitable « qu'il y a des œufs de Coucou qui, pour la coloration et les taches, sont semblables aux œufs des Sylviidœ dans les nids desquelles ils sont pondus, et que la nature établit ces règles de manière à rendre plus facile l'existence des espè- ces. » Les oiseaux seraient alors, selon lui, trompés sur la nature de l'œuf du Coucou ; mais M. Rowley fait remarquer avec raison que cette précaution de la nature est inutile, puisque nous voyons la plupart des oiseaux couver des œufs d'autres espèces. Le D"" Baldamus semble croire à l'influence de l'imagination du Coucou sur la couleur de l'œuf qu'il doit pondre. L'oiseau pense beaucoup aux œufs ANALYSES. 93 du Sylvia hypolaïs au moment où se forme le dépôt calcaire dans son oviducte, et son œuf prend alors la couleur de ceux de ce Bec-fin î ! . Mais quelquefois le Coucou dépose son œuf dans un nid encore vide : a-t-il deviné, dans ce cas, la couleur des œufs qui y seront pondus plus tard ? Le D»" Baldamus a figuré plusieurs œufs de Coucou res- semblant beaucoup à ceux avec lesquels ils ont été trouvés ; M. Rowley pense, de son côté, que l'on avait simplement affaire là à des œufs monstrueux pondus par l'espèce qui avait construit le nid et point du tout à des œufs de Coucou. M. Rowley est d'accord avec le D^ Baldamus sur le fait que les œufs de Coucou présentent des colorations parti- culières dominantes dans certaines localités, que chaque Coucou ne dépose qu'un œuf par nid, que les oiseaux pour- suivent et chassent le Coucou quand il s'approche d'eux, et que celui-ci profite de l'absence des parents pour pondre son œuf. Il n'admet pas, au contraire, que les œufs du Coucou soient plus variables que ceux d'aucun autre oiseau connu, ni que ces œufs aient nécessairement une ressem- blance de couleur et de dessin avec ceux à côté desquels ils seront déposés. Il pense, sans en être toutefois certain, que M. Baldamus a raison de dire que la femelle pond son œuf sur le sol et le porte, avec son bec, dans les nids qui sont d'un accès difficile, mais que, lorsque cela est possible, elle le pond directement. A. H. 94 ANALYSES. V. Faiio, Des diverses modifications dans les formes ET LA COLORATION DES PLUMES. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. de Genève, vol. XVIII, 2' partie. M. Falio s'occupe d'abord de la croissance de ces organes formés de quatre axes superposés, une lige, des barbes, des barbules et des crochels ; il reconnaît ensuite, dans cha- cune de ces parties, un épiderme à l'extérieur, une matière corticale en dessous, une substance médullaire celluleuse à l'intérieur, et, enfin, des granules pigmentalres épars ou groupés dans le centre de chacun des segments superposés qui composent les axes. Il divise ensuite les mues, en mues réelles ou renouvelle- ment des plumes entières, et mues ruptiles ou par nouvelle coloration. Il explique facilement le changement de coloration, dans le premier de ces cas, par un nouvel apport d'un pigment nouveau différemment élaboré dans l'économie par le sang de l'oiseau. Mais il s'attache tout particulièrement à exph- quer l'apparition des couleurs nouvelles dans les plumes qui persistent. Ses observations et ses expériences l'amènent à recon- naître, comme agent de ces modifications, l'humidité de Vair, la température, la lumière, le mouvement et la graisse de V oiseau. L'humidité gonfle et développe la substance corticale de la plume, et facilite ainsi la communication entre ses cel- lules et ses fibres, tout en changeant ses formes. Une graisse liquide incolore, cheminant, à l'extérieur, de proche en proche depuis la peau, ou arrivant, à l'intérieur, par la tige. ANALYSES. 95 dissout, en pénétrant les différentes substances, les ma- tières grasses colorantes disposées dans les centres. Le microscope a montré à M. Falio une couleur appa- rente et une couleur latente ; ce sont les petits granules qui composent cette dernière que la graisse vient dissoudre et répandre partout. La température et la lumière facilitent également les dictions chimiques cl physiques. Mais une plume change aussi quelquefois complètement de couleur, et l'on observe alors une extravasion de l'ancienne matière colorante s'opérant en même temps que la solution de la nouvelle couleur, latente auparavant. Tout ceci s'opère sans aucun apport de sang nouveau, sans résurrection de l'âme de la plume, et uniquement sous l'influence des agents précités. Pendant que ces phénomènes s'opèrent, Thumidité qui délite à la longue, la substance de la plume, détériore toujours, et fait tomber enfin, les bouts extrêmes les plus exposés à son influence. Ces parties terminales de chaque plume étant donc tombées sous l'influence de la mue qu'on a appelée ruptile, la nouvelle coloration apparaît dans les parties les plus voisines qu'elles cachaient jusqu'alors. L'on comprendra facilement pourquoi la coloration che- mine de la périphérie ou du sommet vers la base, puisque les influences externes, qui doivent permettre les actions inter- nes, agissent naturellement, d'abord et surtout, sur les par- ties qui leur sont le plus exposées. Après cela, M. Falio étudie encore les différents dévelop- pements de la matière corticale parallèles aux diverses colorations, et divise alors les plumes en ordinaires, mixtes. 96 ANALYSES. Optiques et émaillées. Toutes celles qui sont contenues dans les deux premiers groupes possèdent des pigments variés et une coloration semblable à la lumière incidente et à la lumière transverse ; elles peuvent avoir de l'éclat et du bril- lant, mais jamais des reflets métalliques. Toutes les plumes renfermées dans les deux groupes suivants contiennent tou- jours des pigments foncés, produisant avec la lumière des effets très-variés; elles peuvent présentera la lumière inci- dente toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et tous les reflets métalliques, tandis qu'elles montrent toujours, à la lumière transverse, une coloration brunâtre ou noirâtre. Cependant il faut encore tirer, soit de la coloration, soit du développement cortical, quelques caractères distinctifs de chacun de ces groupes. Dans les plumes ordinaires, c'est Taxe secondaire ou la barbe qui se développe sous l'action de l'humidité; la bar- bule tombe, chassée par ce gonflement. Dans les plumes mixtes, la barbe et les barbules se déve- loppent également, aussi ces dernières persistent-elles tou- jours. Le caractère- de mixité peut s'accorder avec les trois autres formes, et l'on trouve beaucoup de plumes à la fois mixtes et optiques, ou mixtes et ordinaires, ou mixtes et émaillées; les autres formes ne peuvent pas se rencontrer ensemble sur une même plume. Pour les plumes optiques, c'est la barbule seule qui se développe en noyant ses crochets et accusant de plus en plus sa segmentation première ; elles peuvent présenter à la lumière toutes les couleurs du spectre. Les plumes émaillées , enfin , chassent leurs barbules ANALYSES. 97 comme les plumes ordinaires, quoiqu'élanl évidemment optiques, à cause de leur pigment toujours foncé. Elles sont bleues ou vertes, et les fibres de la substance corticale sont leprésentées, dans leurs barbes, par des cellules polygonales régulières formant une couche transparente émaillée, et comme vernissée à la face supérieure. Voici quelques lois et remarques que M. Falio tire ici de ses observations : i° De deux axes successifs, l'un se développe toujours aux dépens de Vautre ; 2° Pour les plumes ordinaires proprement dites, Vaxe se- condaire prédomine sur le lerliairc ; «3° Dans les plumes optiques proprement dites, c'est l'axe tertiaire qui prédomine sur le secondaire. a) Les plumes mixtes présentent un état moijen ; h) Les plumes émaillées sont optiques par leur pigmen- tation et ordinaires par leur développement. La coloration des plumes ordinaires et mixles ne néces- site pas d'explication ; le brillant qu'elles acquièrent pro- vient uniquement de la multiplication des facettes reflétantes par le développement cortical ; mais les reflets miroitants des plumes optiques, tout comme la coloration bleue des plumes émaillées, doivent trouver^un éclaircissement dans quelques phénomènes d'interférence. M. Fatio observe à la lumière incidente une série de lignes transverses, tantôt brillantes, tantôt obscures, correspondant à la segmentation si accentuée des barbules optiques, et il attribue, par conséquent, la coloration de ces plumes à un phénomène analogue à.celui des anneaux colorés. TomeI, 2«p. '13 98 ANALYSES. Il attribue, enfin, la coloration des plumes émaillées à la superposition d'une couche miroitante, transparente, sur un fond couvert de dessins foncés. Si l'on gratte, en effet, sur un point le vernis extérieur de la barbe, elle n'apparaît plus que noire ou brune en cet endroit, de bleue ou verte qu'elle était. N. Sur le Textor Galbula, Bp. ex Rappel. ' Ce tisserin vit dans le Sennaar, le Kordofan et dans beau- coup de parties du Fleuve-Blanc, en bandes innombrables, formant des vols serrés de deux à trois mille individus qui se tiennent habituellement dans les foins élevés ou l'herbe du Soudan, connue des Arabes sous le nom générique de Ghesc. Les graines qui tombent en grande quantité de ces plantes, fournissent à ces oiseaux une nourriture abondante, et, lors- que parfois cette semence vient à leur manquer, ils se rabat- tent sur les vers et les insectes, surtout à l'époque oîi ils ont des petits, comme j'ai pu le vérifier plusieurs fois. Lorsque ces oiseaux se divisent par bandes de plusieurs centaines d'individus, se transportant d'un endroit à l'au- tre pour aller boire, ce qui a lieu le malin au lever du soleil, et le soir deux heures avant le coucher de cet astre, ils fen- dent l'air avec une telle rapidité qu'ils produisent un bruit semblable à un vent d'orage. On reconnaît facilement l'en- droit où ils ont passé la nuit à l'immense quantité de fientes ^ Traduit de : Antinori{0.) Catalogo descriitivo di una collezione di Uccelli faUa nell' inlerno dell' Africa centrale nord. 8°, Milano 1864. p. 63. ANALYSES. 99 qu'ils onl laissé tomber sur la terre, les herbes et les plan- tes qui se trouvent entièrement recouvertes de cette ma- tière calcaire. Je connais des localités du Fleuve-Bleu et du Rakat où il serait facile d'en ramasser un grand nombre de mesures. Ils nichent en société, sur les bords des fossés ou les rives des fleuves, et souvent au milieu des basses et épaisses forêts de mimosas, aux rameaux pendants desquels ils attachent leurs nids. Ces petits édiQces ont ordinairement la forme d'une bouteille qui serait suspendue par le col, avec un trou dans le fond et sur le côté, d'un pouce envi- ron de diamètre. Ce nid est formé de deux parties princi- pales, d'une cellule ou chambre, et d'une espèce de toit ou d'appentis qui se trouve au-dessus de l'entrée, mais qui ne s'aperçoit pas de l'extérieur. La première trace d'un nid en construction est un anneau d'un pouce et demi environ de diamètre, composé de feuilles de graminées, et suspendu à l'extrémité d'un mince rameau de mimosa ou de toute autre plante ; il est attaché avec une légère inclinaison obli- que, devant servir lui-même d'entrée latérale à l'intérieur de la cellule. A la dislance d'une palme plus haut, le rameau est attaché avec d'autres feuilles de graminées se dirigeant en divers sens vers le bas qui est fermé, et qui, venant ensuite se réunir à l'anneau, forment le squelette de l'édifice. Au commencement de l'opération le mâle et la femelle tra- vaillent ensemble ; tandis que celle-ci se tient à l'intérieur et tourne souvent, soit pour maintenir la forme du nid, soit pour fixer les pailles avec son bec, le mâle restant à l'exté- rieur, avec une adresse admirable, tire à lui l'extrémité de la paille que lui a passée sa compagne, la dirige, l'entrelace et 100 ANALYSES. la noue de mille manières. Ils parviennent de la sorte, à cons- truire, dans l'espace de sept à huit jours, toute la partie interne du nid et la portion de l'externe à laquelle ils ajou- tent une espèce d'enveloppe, qui, parlant du sommet du nid, passe devant l'entrée du milieu, se dirige vers le bas et vient s'enrouler autour d'un anneau horizontal qui forme ainsi l'entrée extérieure. Cette dernière partie de l'ouvrage rend non-seulement symétrique la forme générale du nid, mais l'ouverture, qui est horizontale, se trouvant en oppo- sition et cachant l'entrée interne du milieu, qui est verticale, met la couvée entièrement à l'abri du vent, de la pluie et des attaques des animaux. La quantité prodigieuse de ces nids et le peu d'élévation au-dessus du sol (deux mètres et rarement trois) des rameaux auxquels ils sont suspendus, m'ont permis d'en visiter quelques centaines, dans lesquels j'ai trouvé cons- tamment de cinq à sept œufs teints de deux couleurs très- différentes; ainsi, s'il s'en trouvait trois d'un fond rougeâtre, il y en avaitcerlainement quatre d'un fond vert, et vice versa. Serait-ce un signe distinctif pour le mâle ou la femelle? Ces œufs étaient tous parsemés irrégulièrement de taches cou- leur de rouille plus ou moins foncées et plus ou moins ser- rées, mais presque toujours plus nombreuses vers le gros bout. La forme de l'œuf est allongée, el sa surface opaque. Le grand diamètre est de 20 à SI"-" et le petit diamètre de 13 à 14""". G. L. EXTRAITS DES t PROCÈS-VERBAUX DES ANNÉES 1865 a 1866 Séance du 9 janvier 1865. — M. Demole raconte avoir reçu une Chouette-huioUe, Strix aluco, trouvée sans vie dans un salon. La mon de cet oiseau pouvaii être allribut^e à la faim, el remonter à une quinzaine de jours; elle devait avoir eu lieu après bien des souffrances, car la pauvre bête était dans un état de maigreur incroyable. Tombée par la cheminée, elle avait dû se nourrir de souris et d'insectes, car il se trouvait dans la chambre plusieurs déjections; maisbientôt les vivres lui manquèrent, elson autopsie révéla à M. De- mole la présence dans son estomac de gypse et surtout de fils de laine que l'oiseau, pressé par la faim, avait arrachés au rideau et avalés. Séance du 6 février. — M. Humbert lit une note sur VOrthoto- muslongicauda (voir plus haut, p. 55). — M. Th. Turretiini annonce à la Société qu'il a tué, le 12 jan- vier, un Cygne sauvage, Cygnus musicus, dans les eaux de Coppel. De loin cet animal avait tout à fait l'apparence du Cygne domes- tique; mais s'élant rapproché, M. Tiirreltini reconnut bien vite, au bec jaune et noir, à quelle espèce appartenait cet individu, qui mesurait 4 pieds 5 pouces du bec à la queue. M. Roget dit, à ce sujet , que la présence du Cygne sauvage sur notre lac est rare relativement à la fréquence de son passage sur les bords de l'Océan et près des contrées septentrionales. Il ajoute, 102 EXTRAITS toutefois, qu'au mois de décembre, il y a quelques années, il a vu une forte bande de ces oiseaux sur le lac à une lieue de Genève ; ils paraissaient fatigués et ne se levaient qu'avec peine pour se re- poser bientôt. Peu de jours après on en vit plusieurs sur le marché. — M. Lunel, à propos d'un Aigle impérial qu'il présente à la Société, communique les quelques notes suivantes : M. le D'' Jaubert a publié dans la Revue zoologique une nouvelle espèce d'aigle sous le nom d'Aigle de Sainte- Victoire, Aquila Barlhelemyi ; le même naturaliste en a donné une nouvelle des- cription, accompagnée d'une figure coloriée, dans ses Richesses ornithologiques du Midi de la France, publiées en collaboration avec M. Barthélémy Lapommeraye; voici ce que nous apprend M. Jaubert au sujet de cet Aigle : « La chaîne de Sainte-Victoire, près d'Aix, est le point le plus élevé du département des Bouches-du-Rhône. Il y a douze à quinze ans, pour la première fois, un agriculteur de Puyioubier, M. Lion, se procura un Aigle qu'il présentait au Musée d'histoire naturelle de Marseille ; cet oiseau présentait les caractères suivants : « Livrée générale et taille de l'Aigle royal ; premières scapulaires blanches, formant une épaulette comparable à celle qu'offre l'Aigle botté; port sensiblement plus trapu. « Depuis celte époque un nombre de captures pouvants'élever au chiffre de 15 à 20 provenant toutes do la même localité, sont venues confirmer la constance d'un caractère que ne nous avait jamais présenté l'Aigle royal. a Les contestations auxquelles la distinction decette espècea donné lieu, reposent toutes sur l'opinion qui tend à la rattacher à la précédente, comme n'étant pas suffisamment distincte. Les obser- vateurs méridionaux n'ont trouvé, à aucun âge, les scapulaires blanches chez les Aigles royaux qu'ils ont observés. Ajoutons encore que sur le nombre considérable d'Aigles que nous avons gardés en captivité, la distinction spécifique entre l'Aigle royal et l'Aigle Sainte- Victoire n'a pas cessé d'exister un seul instant, si ce n'est à l'époque de la mue où la perte de quelques plumes la rend moins ■apparente; c'est dans cet état, sans doute, que fut tué, en Allemagne, DES PROCÈS-VERBAUX. 103 un sujet ne possédant les scapulaires blanches que d'ini seul colé , et rapportée VAquila ch7'ysaëtos, de môuie qu'une vieille femelle que possède notre ami M. Laurin. Ou peut voir, dans la collection de la ville de Marseille, la plus l)elle série (|u'il soit possible de réunir des diverses livrées de cet oiseau. » Je joins ici, comme renseignement sur celle question, la traduc- tion d'une noie swr VAquila Barthekinyi, par M. J.-H. Garney' : « Au printemps de 1857 j'ai reçu de mon ami Jules Verreaux deux exemplaires vivants de ï'AquUa Barthelcmyi pris récemment dans le nid sur la montagne de Sainte-Vicloire, dans le Midi de la France, localité particulièrement désignée comme le quartier géné- ral de cet Aigle, par MM. Jaubert et Barthélémy Lapommeraye, dans leur ouvrage intitulé : Richesses ornithologiques du Midi de la France. a. A l'arrivée de ces Aigles je ne pus rien apercevoir qui me permît de les distinguer des Aigles royaux du même âge. L'un d'eux ayant été blessé à l'aile, el cet accident lui ôlant beaucoup de sa valeur comme échanlillon vivant, je le fis tuer en février 1858 el placer dans le Musée de Norwich; par la dissection l'on constata que cet oiseau était un mâle, et concordait, tant par la taille que par la couleur, avec les mâles de VAquila cfirysaëtos du même âge, étant entièrement dépourvu des taches scapulaires blanches qui font reconnaître ordinairement l'içui^a Barthelemyi. Le survivant, que je crois être aussi un mâle, est resté en ma possession jusqu'à aujourd'hui ; mais je n'ai jamais rien pu découvrir dans son plu- mage qui le distinguât de l'Aigle royal. Mais au mois d'avril de la présente année, en visitant l'oiseau après une absence de quelques mois, je trouvai, avec joie et élonnement, que les premières plumes scapulaires des deux côtés du corps étaient deveinies d'un blanc de neige, exactement comme cela est représenté sur la planche donnée dans l'ouvrage de MM. Jaubert et Barthélémy, et ressemblant beau- coup (en tenant compte de la différence de taille des deux oiseaux) aux taches scapulaires blanches que l'on rencontre chez la plupart des échantillons de VAquila pennata. ♦ Ibis, vol. IV, octobre 1864. p. 339- 404 EXTRAITS «J'ai, depuis lors, prié M. Reeve, l'intelligenlet savant conserva- teur du musée de Norwich, d'examiner la série assez considérable des Aigles royaux de cette collection, dans le but de constater si de semblables taches scapulaires blanches existent dans quelques-uns des échantillons qui s'y trouvent déposés. « M. Reeve m'informe qu'il n'a découvert cette particularité que dans un exemplaire qui est un mâle non adulte provenant de l'Algé- rie méridionale. Cela sembleprouverque, quoique mon oiseau aitété si longtemps à acquérir les lâches scapulaires blanches, elles appa- raissent quelquefois beaucoup plus tôt, el confirmer l'assertion de M. Jauberlel Barthélémy La pommeraye, que, dans quelques cas au moins, ces marques distinclives sont visibles dans VAquila Barthe- lemyi immédiatement après qu'il a quitté le nid. L'individu d'Algé- rie mentionné plus haut et un exemplaire d'Allemagne auquel font allusion les auteurs des Richesses ornilhologiques sont, à ma con- naissance, les seuls exemplaires de VAquila Barthelemyi qui soient connus comme ayant été obtenus hors de France. « Il semble, par conséquent, (jue les litres de cette singulière race d'Aigle à être considérée comme spécifiquement distincte de VAquila chrysa'ctos, méritent une considération attentive et des observations ultérieures de la part des ornithologistes qui s'intéressent à l'étude des oiseaux de proie.» Séance du 3 am^il. — M. Fatio signale à la Société l'intérêt tout particulier que présenterait une étude un peu complète de la faune du mont Salève. Il fait remarquer, en efïet, premièrement que cette montagne si voisine de Genève sert comme de limite à quelques espèces méridionales ; secondement (jue l'on y trouve, à un niveau de 3,000 à 3,500 pieds au-dessus de la mer, bon nombre des espèces qu'il faut aller chercber bien loin el bien haut dans les Alpes. Il cite une série d'espèces intéressantes à ces deux points de vue; voici, en passant, quelques-unes d'entre elles que nous trouvons difficilement ailleurs dans notre vallée : Cathartes percnopterus, Falco peregrinus, Aquila brachydactylus, Milvus regalis, M. ater, Corvus corax, Musicapa albicollis, Turdus saxatilis, T. cyaneus, Phillopneuste nattererii, Ruticilla lylliis, R. Cairii, DES PROCÊS-VERBÂUX. 105 Saxicola rubicola, Accenlor alpinus, A. modularis, Parus borealis, Embcriza cia , Loxia curvirostra, Fringilla nivalis, F. Citrinella, F. spinus, F. linnria. Picus uiartius, Tichodroma phœiiiritpivrn, lIirutid<>ruppstri.'<,C;jpsclus alpi7ius,Ti'traotetrix, Perdix rubra. Presque tous ces oiseaux nichonl chaque année sur quelque poinl de cette petite inoiilagne. Les Accentor alpinus, Fringilla 7iivalis, F.spinus, F.linaria el Tichodroma phœnicoptera sont peut-être les seuls que nous n'y trouvions qu'à leur passnge ou en hiver. M. Falio profile de l'occa^sion pour recommander, autant aux chasseurs qu'aux ornithologisles, de protéger le Cai/mrfe qu'il serait grand dommage de voir dispa-raître du Salève. Séance dv. ]"" mai. — M. Fatio communique à la Société qu'il a trouvé au pied du Salève près Genève, dans les éboulis du Coin, la Rubiette caire [Ruticilla cnirii) que Bailly avait déjà décou- verte en Savoie. Il rappelle, à ce propos, le mémoire de Brehm. qu'il a traduit l'année précédente, sur quelques espèces nouvelles dont les mâles ressembleraient aux femelles de l'espèce la plus voi- sine, et remarque que cette Rubiette trouverait nalurellemenl sa place parmi les oiseaux cités par l'auteur allemand. M. Fatio donne quelques mesures comparatives prises sur des Rubiettes caires et tilhys ; mais il trouve si peu de différence dans les pro[)ortions des deux espèces qu'il n'attache quelque importance qu'à certains caractères de la coloration seulement. Les mâles de la Rubiette caii'O, constamment assez semblables à la femelle de la Rubiette tilhys, comme on le sait, se distinguent de celle dernière, non-rseulemenl par une teinte générale d'un gris plus cendré el plus clair, mais encore parla couleur de leurs pennes cau- dales d'un roux beaucoup moins intense, ainsi que par la bordure brune plus régulière et accentuée des bouts externes de ces plumes. Des caractères de si peu d'importance pourraient faire croire à une simple différence d'âge, si les jeunes des deux sexes du ïilhys ne prenaient, déjà dans leur première année, des livrées assez analo- gues à celles de leurs deux parents. Tome 1,2* p. 14 106 EXTRAITS Il est difficile également d'admeltre le fait d'une variété locale, car les deux espèces habitent ensemble à Salève les mêmes endroits. Se trouvant en face de deux formes, évidemment diflférentes, quoi- que séparées par des caractères assez supertlciels, l'on hésite natu- rellement, soit sur la dislance qui doit les séparer, soit sur la cause qui a pu amener leur divergence. — M. J. Demole présente à la Société une boule de 0"',035 qu'il a trouvée dans le gésier d'un Grèbe [Podiceps cristatus). Cette boule consistait en un amas de plumes sternales de l'animal lui-même, pelotonnées et serrées de manière à former un tout com- pacte ; elles étaient liées entre elles par un stuc gluant et présenlaienl une forme très-homogène. La boule en question était enveloppée par un fil de laiton double et tordu de O^jSO de longueur qui en faisait plusieurs fois le tour, et au centre se trouvait un hameçon de O^jOSO de long, rouillé et fort amoindri. Le fil de métal, au contraire, était poli, et comme sortant des mains du fabricant. Évidemment leGrèbe, cherchant sa nourrilure, avait avalé un pois- son fixé à une vette (sorte d'engin de pèche qui consisle en un fil de laiton attaché à une ficelle et muni d'un hameçon auquel on fixe pour amorce un poisson vivant). Temminck signale déjà celte disposition des Grèbes à se remplir le gésier de leurs plumes. — M. Humberi lit la traduction d'une noie sur le Strigops habroptUus (voir plus haut, p. 69). — M. Bonnet donne lecture de la traduction d'un article tiré du Journal fur Ornithologie relatif à la disposition en spirale des taches sur les œufs. Séance du ^juin. — M. Falio lit une traduction d'un article (Lré de Vlbis sur deux Flamants de l'Afrique méridionale. — M. Humbcrt lit un extrait d'un article tiré de Vlbis sur la poche gulaire de VOlis tarda, et d'une autre notice relative aux mœurs du Coucou (voir plus haut, p. 90). M. Depierre se demande, à ce sujet, si cette poche gulaire chez DES PROCÈS-VERBAUX. 107 routarde n'aurait pas quelque analogie avec celles que l'on remar- que de chaque côté de la lête du grand Coq, Tetrao urogallus, au moment des amours. M. Lunel annonce qu'un îbis falcinelle a été tué près de Genève le 24 avril 1865. — M. Roget parle d'un Puffin cendré tué au Creux de Genlhod près Genève, le 15 mai, et dit qu'on en a vu un autre à la même époque de l'autre coté du lac. Séance du S juillet. — M. Fatio dit avoir trouvé des œufs du Coucou mêlés à ceux de différents autres oiseaux , dans des nids de Rouges-gorges et de quelques Fauvettes, par exemple. Quand la ponte était terminée, il a toujours trouvé un œuf de plus que ne le comportait le nombre de ceux déposés par l'espèce; il ne pense donc pas que la femelle Coucou détruise toujours un œuf du nid auquel elle veut confier le sien, comme le pensent quelques auteurs. M. Fatio a également été toujours frappé de la ressemblance de l'œuf du Coucou avec les œufs du nid où il était déposé. Il pense bien, comme quelques personnes, que l'explication lu plus raison- nable de cet étrange phénomène doit se trouver dans l'idée que la femelle, une fois son œuf pondu, s'en empare et vole à la recher- che du nid qui lui convient le mieux ; mais voici cependant une observation qui, tout en demandant à être répétée et confirmée, ne peut venir à l'appui des idées généralement reçues que si l'on veut accorder au Coucou une assez forte dose de raisonnement. M. Fatio remarqua un jour une femelle de Coucou voltigeant à plusieurs reprises le long d'une haie au bord d'un chemin. S'éiant caché, il vit la femelle se poser quelquefois à terre, puis s'enfoncer résolument dans la haie. Assez longtemps après, M. Fatio vit le Coucou s'envo- ler de la même place et s'éloigner avec rapidité. Il s'approcha alors de l'endroit qu'il n'avait cessé d'observer et y trouva, à son grand étonnement, un nid, évidemment de Pinson, à deux ou trois pieds de terre seulement. Dans ce nid il n'y avait qu'un œuf bien sem- blable par sa couleur aux œufs du Pinson ; mais cet œuf mesurait environ la moitié en sus de ceux de cet oiseau. D'après tout ce que M. Fatio avait pu voir, il lui parut évident que cet œuf était celui -108 EXTRAITS de la femelle de Coucou ; il était cependant impossible de dire s'il y avait eu auparavant un œuf qui permît un échange. Par quel hasard un Pinson avait-il niché dans une haie; et comment la femelle Coucou avait-elle reconnu, dans ces conditions anormales, le nid qui pouvait devenir la demeure appropriée à sa progéniture? Dans la même séance M. Fatio cite encore, sur le Coucou, quel- ques notes de M. Vian ; ainsi que quelques observations du même ornithologiste, qui assure que souvent la Draine et le Pinson recher- chent les mêmes arbres pour voisiner pendant leurs couches et se défendre mutuellement. M. Deschamps signale avoir observé les mêmes rapprochements entre les deux mêmes oiseaux dans la Haute-Vienne. — M. Fatio communique à la Société quelques observations sur la Verderolle, Cal. palustris (voir plus haut, p. 37). Séance du 7 acmt. — M. Lunel donne lecture de l'extrait d'un article sur le Textnr galbula (voir plus haut, p. 98). — M. Fatio communique à la Société des observations complé- mentaires de ses mémoires sur les Sylviadées et le Parus borealis (voir plus haut, pages 67 et 68). — M. Fatio signale qu'il a vu, le 23 juillet, un Cailleteau vivant {Perdix coturnix] qui avait été pris dans la Haute-Engadine, près de Pontrésina, à environ 6,000 pieds d'élévation. La caille a été, il est vrai, rencontrée déjà plus bas dans la vallée, mais c'est la pre- mière fois qu'elle a niché à une pareille hauteur. Le même membre cite avoir vu, le 6 juillet, à Valavran, près Genève, deux Soulcies [Fringilla petronia). La présence de ces oiseaux dans notre canton, à une époque qui semble on impliquer la nichée, paraît d'autant plus curieuse que cette espèce ne se montre guère dans nos contrées que vers l'arrièrc-automne. M. Fatio attribue ce fait, comme le précédent, à la beauté et à la chaleur de l'été de cette année. — M. Roget raconte qu'un chasseur de Sionnet lui avait apporté peu de jours auparavant un Héron blongios, Ardea minuta, et trois petits, le tout en vie; l'adulte était un vieux mâle qui se trouvait sur le nid au moment oij il fut pris, ce qui peut faire conclure que dans cette espèce le mâle s'occupe des soins de sa couvée. DES PROGÉS-VERBAUX. 109 M. Lunel dit, à ce sujet, qu'il n'est pas rare de voir le Héron mâle couver les œufs, et il ajoute que quelques années auparavant on lui donna un Bihoreau niàle et deux œufs qu'il couvait. — M. Desehamps communique à la Sociélé qu'il a reçu d'Afri- que, il y a quelques années,- une paire du Ganga cala qui ont niché en captivité, et mené à bien trois petits. Séance du2 octobre. — M. Humbert lit un extrait d'un travail paru dans VIbis sur la faune antarctique (voir plus haut, p. 80) . — M. Fatio raconte qu'il a observé aux Ormonis, dans les Alpes vaudoises, la même faune ornithologique qu'il a trouvée ailleurs en Suisse au même niveau, dans les Alpes bernoises, comme dans les Alpes grisonnes. — M. leD"" Albert Girtanner, de Saint-Hall, écrit, en date du 9 septembre 1865, qu'il a reçu un bel exemplaire du Falco cenchris tué dans les environs de cette ville ; il fait remarquer que c'est le premier individu de cette espèce qui lui tombe sous la main depuis dix ans qu'il étudie les passages. Il annonce ensuite que deux beaux Cygnus musicus ont été tués l'hiver précédent sur le lac de Cons- tance et sont maintenant dans la collection du D"" Stolker. Enfin il signale qu'un nid à'Aquilafulva, renfermant deux petits, a été pris celle année dans les Alpes d'Appenzell. Il rappelle à ce propos que cet Aigle semble s'allacher tout particulièremenl à un nid et à une localité ; que c'est à cause de cela, par exemple, que ce même nid a pu être dévalisé huit fois entre les années 1847 et 1865. Les parenls s'absentaient quelquefois deux ans après la capture de leur famille, mais revenaient cependant toujours au même endroit. Ce membre connaît ainsi trois nids toujours habiles dans les Alpes d'Appenzell, et il ne croit pas que celle chaîne de montagne soit assez riche en pelits mammifères pour nourrir un plus grand nombre de ces rapaces. Séance du 6 novembre. — M. Lunel annonce, comme rareté, qu'une Mouette mélanocéphale jeune a été tuée sur le lac de Genève, en pleine mue, aux environs du 15 septembre. Le même membre présente une hybride de perdrix et lit à ce sujet les quelques mots suivants : 140 EXTRAITS La Perdrix bartavelle s'accouple parfois avec la Perdrix rouge; il résulte de celle alliance des métis qui tiennent le milieu entre ces deux espèces, soit par la taille, soit par les couleurs du plu- mage. Le mâle a ordinairement plus d'affinité avec la Bartavelle qu'avec la Perdrix rouge ; le contraire a lieu chez la femelle. Ces métis sont ordinairement un peu plus petits que la Bartavelle et un peu plus grands que la Perdrix rouge ; ils ont le collier noir, comme la première ; mais ce collier est suivi de quelques taches noires, comme dans la dernière, quoique toujours moins longues et moins nombreuses. Ils ont les plumes des flancs rayées en travers de deux bandes noires comme chez la Bartavelle, la supérieure est moins accentuée et souvent interrompue dans son milieu. Enfin leur plumage a moins de gris cendré et plus de roux que chez la Perdrix rouge. M. Bouteille a publié, dans son Ornithologie du Dauphiné, quelques observations sur celte hybride qui n'est pas rare dans les environs de Grenoble ; il en a fait une nouvelle espèce sous le nom de Perdrix rochassière, Perdix labatiei. Depuis lors ce naturaliste, tout en admettant comme la plupart des ornithologistes, que la Rochassière est une hybride de la Barta- velle et de la Perdrix rouge, se demande comment un rapproche- ment peut avoir lieu, la Rochassière provenant toujours de localités où on ne trouve que la Bartavelle seule. Séance du 4 décembre. — M. Fatio communique ses premières observations sur la coloration des plumes, et annonce qu'il tiendra la Société au courant de ses recherches (voir plus haut, p. 94). — M. Humbert donne quelques détails sur les mœurs du Syr- rhaptes paradoxus, d'après les observations de Raddeen Sibérie. — M. Slauffer écrit de Lucerne qu'un mâle adulte du Viiltur fid- tus a été tué en novembre de cette année au pied du Pilate ; il ajoute, à ce sujet, que des bergers lui ont dit avoir vu dans le cou- rant de l'été deux oiseaux du même genre chasser ensemble les souris sur la dite montagne. Séance du 8 janvier 1866. — M. Fatio donne quelques détails sur la respiration et la pneumaticité des oiseaux. DES PROCÈS-VERBAUX. 111 — Le même membre communique la suite de ses ubservalions sur la coloration des plumes (voir plus haut, p. 94). Séa7ice du 5 février. — M. Roget donne lecture des observations suivantes de M. Vouga père sur le grand Harle. Le grand Harle [Mergus merganser] est sédentaire sur les lacs de Moral, Bienne et Neuchàtel. Je n'ai pas de renseignements exacts sur son habitation sédentaire ou passagère sur les autres lacs de la Suisse, mais je n'ai jamais appris qu'il ait niché sur les bords du lac de Genève, il s'y montre même très-rarement en passage. Il pond dix à douze œufs de 7 centimètres de long et 13 de cir- conférence, d'un blanc jaunâtre, avec les deux extrémités à peu près de la même forme. Il établit quelquefois son nid au bord des lacs, sur des troncs de peupliers coupés à 20 ou 30 pieds au-dessus du sol, au milieu des jeunes branches fraîchement repoussées qui le dérobent aux regards; le nid est alors en forme d'aire et composé de bûchettes et d'herbes sèches. Cependant ces oiseaux préfèrent établir leurs nids dans les forêts de chênes qui avoisinent les lacs qu'ils habitent. Ils choisissent, pour pondre, un creux d'arbre à une élévation de 20 à 30 pieds, rem- plissent la cavité de bûchettes et d'herbes sèches et se trouvent complètement cachés quand ils sont sur leurs œufs. Il y a quelques années, un paysan habitant à une lieue des bords du lac de Neuchàtel, apporta à M. le capitaine Vouga, à Cortaillod, une femelle vivante et six œufs. Il raconta à M. Vouga, qui m'a communiqué le fait, que, se trouvant dans une forêt près de son village, il avait vu un canard entrer dans un creux d'un chêne à 30 pieds au-dessus du sol, qu'il monta sur l'arbre, et qu'introduisant son bras dans le trou, il avait saisi l'oiseau et s'était ensuite em- paré des œufs. Il est donc bien établi par ce fait que le grand Harle niche, non- seulement à une forte élévation au-dessus du sol, mais encore, parfois, à une distance considérable du lac qu'il habile. ~ On doit donc se demander comment ces oiseaux opèrent pour transporter leurs petits nouvellement éclos sur le lac le plus voisin, car on voit les couvées de jeunes Harles encore en duvet nager avec leurs parents. 112 EXTRAITS M. Vouga a eu la bonne fortune de l'apprendre par une circons- tance fortuite qu'il a bien voulu me communiquer et que voici : Un ouvrier de campagne travaillant à ses vignes lui demanda un jour la permission de voir sa collection d'oiseaux, et y remarquant une femelle de grand Harle, il s'écria : « Une bête comme celle-ci m'a joué un beau tour, à moi et à des camarades, quand j'étais domestique à l'île de Saint-Pierre sur le lac de Sienne, » et voici ce qu'il raconta : Il travaillait avec deux camarades à une assez grande distance de la ferme où il était employé et vit un canard entrer dans un trou à 25 pieds de hauteur sur un chêne. Lorsque l'oiseau fut ressorti, il monta sur l'arbre et aperçut dans le trou une dizaine de petits canards venant d'éclore. Il redescendit et envoya à la ferme ses deux camarades chercher une échelle et un panier pour s'emparer commodément de la couvée ; il demeura lui-même en sentinelle près de l'arbre. Pendant l'absence des deux camarades, le canard revint et sor- tit du trou avec un petit qu'il porta au lac; aussitôt il. revint et emporta un second petit, et ainsi de suite; quand les camarades arrivèrent avec l'échelle et le panier, l'oiseau avait fait dix enlève- ments et il ne restait plus aucun petit dans le nid . Il est donc bien établi, par ce récit, qu'aussitôt éclos dans leur arbre, les jeunes Harles sont transportés par leur mère sur l'élément liquide qu'ils ne doivent plus quitter jusqu'au moment où les soins de leur propre couvée les appellent à leur tour à établir leurs nids sur les arbres avoisinants ou éloignés même du lac qu'ils habitent. Il reste à connaître comment la mère Harle s'y prend pour trans- portera l'eau ses petits harleaux nouveau-nés : c'est ce que M. Vouga a pu confiaître aussi par la suite du récit de son ouvrier observateur. En effet, celui-ci lui raconta encore que le canard de l'île Saint- Pierre emporta ses petits couchés en long sur son dos, et retenus au-dessus de ses ailes par un repli de son cou renversé pour cela en arrière. On peut conclure des deux récits qui précèdent, que le père Harle ne s'occupe pas de la couvée tant qu'elle est sur l'arbre, puis- DES PROCES-VERBAUX. il3 que ni l'un ni l'autre des interlocuteurs de M. Vouga n'ont vu deux oiseaux. M. Vouga, en me communiiiuanl les faits que je viens de retra- cer, m'a dit avoir vu souvent, sur le lac de Neuchàtel,des couvées de jeunes Harles eu duvet nager en compagnie de leurs parents, et que parfois les petits se lenaiont sur le dos de père et mère. La couvée reste réunie avec les parents pendant l'hiver jusqu'au prin- temps. Il me semble que l'on peut déduire de celte particularité des mœurs du grand Harle le motif pour lequel ces oiseaux ne sont pas sédentaires sur le lac de Genève, quoiqu'ils l'aient probablement été une fois. Il est probable que c'est l'absence complète de régions de notre lac assez peu fréquentées pour que la jeune couvée puisse vivre et s'élever en paix, qui empècbe des couples de Harles de s'établir sur le lac de Genève. Avant de connaître les faits que m'a communi- qués M. Vouga, j'avais pensé que les Harles étaient sédentaires sur les lacs de Neucliàlel, Moral et Bienne et non sur le nôtre, parce que celui-ci est à une altitude moins élevée ; mais maintenant j'admets préférablement que l'on doit cbercher la cause de l'absence de cet oiseau sur notre lac dans le fait de ses mœurs et, entre autres, de celles qui se rapportent à l'élevage des jeunes. Cette éducation ne pourrait, en effet, avoir lieu maintenant sur un lac dont toutes les rives sont couvertes d'habitations rapprochées et dont les eaux sont sans cesse parcourues par des embarcations de toute nature; une nichée de jeu^ies Harles serait immédiatement poursuivie etcapturée, malgré l'excessive agilité natatoire des petits harleaux. — M. Roget a reçu du même correspondant la note suivante : Il y a. 35 ans, il aurait négligé de profiter de l'occasion qui lui était offerte d'acheter une trentaine d'Alca impennis à 25 ou 30 francs la pièce. Il n'en a,maintenant qu'un dans sa collection, et on lui en a ofTert 1,400 francs il y a bientôt trois ans. L'année dernière, un naturaliste a fait un voyage en Islande et au Groenland sans pouvoir se procurer un seul de ces oiseaux, quoi(|u'il ait offert de le payer Tome I, 2° p. 15 114 EXTRAITS jusqu'à 5,000 francs. L'Alca impennis paraît donc avoir complè- tement disparu. — Le D"' Girtanner, de Saint-Gall, écrit, en date du 9 janvier 1866, que le dernier passage a été, en somme, peu abondant ; qu'il faut cependant porter à trois le nombre des Cygnus musicus qui, à sa connaissance, ont été tués dans le dernier hiver sur le lac de Constance. Il décrit ensuite la quantité de conditions favorables que présente aux oiseaux d'eau la large embouchure du Rhin dans le lac. Cette partie de la vallée du Rhin semble être, et avoir été surtout, le rendez-vous d'une foule d'espèces du Nord. Il cite, en particulier, qu'il conserve vivant, depuis près d'un an, un Anas nigra qui a été pris dans celte localité. Cette espèce, si rare chez nous, vit, dit-il, domestiquée et en parfaite harmonie avec des Anas boschas apprivoisés. Enfin, il raconte comment les chasseurs prennent beaucoup d'oiseaux d'eau vivants avec un simple hame- çon fixé au sol par une ficelle et muni d'un mollusque pour appât. — M. Fatio communique le résultat définitif de ses recherches sur la coloration des plumes (voir plus haut, p. 94). Séance du 9 avril. — M. Fatio lit un mémoire sur le Cypselus alpinus (voir plus haut, p. 47). — M. Lunel annonce avoir vu cette année des Hirondelles dès le 14 mars. Séance du 14 mai. — M. Fatio raconte qu'il vient de tuer un Falco tinnunculus mâle chez lequel la cire du bec et toutes les pau- pières étaient complètement couvertes de granulations violettes, grosses et serrées, rappelant beaucoup, par leur apparence, les grains de millet du Tringa pugnax; mais ayant observé de plus près, à la loupe, ce qui paraissait d'abord de curieuses excrois- sances, il reconnut que ces petits grains étaient autant de parasites suceurs d'une espèce particulière de Tiques. Séance du 11 juin. — M. Fatio dit avoir observé que plusieurs oiseaux travaillent à masquer, d'une manière ou d'une autre, leurs nids, lorsqu'ils les voient découverts. Il cite, à l'appui de cette opi- nion, les trois observations suivantes : I^Un Rossignol qui avait niché au bord d'une route dans le DES PROCÈS-VERBAUX, 115 lierre qui couvrait le tronc d'un vieux chêne, amena devant son nid une petite branche pour le dérober aux regards des passants et des curieux qui l'avaient découvert. 2° Un Pouillot-véloce dont le nid, Siir un petit arbuste près d'un chemin, exposait à tous les yeux ou la femelle ou les œufs, dressa sur le bord de son petit édifice plusieurs grandes plumes pour s'en faire un rempart. 3° Un nid de Rouge-gorge établi à terre près d'un sentier, dans un buisson trop clair pour bien le cacher, fut, à son tour, aussi par- faitement dissimulé derrière quelques grandes feuilles de platane apportées à cet effet par l'intelligent oiseau. Séance du 9 juillet. — M. Fatio décrit comme suit un poulet monstrueux qui lui a été apporté dernièrement : «J'ai acheté, dit-il, le 3 juillet ISGG, un petit poulet à quatre pattes ; il était malheureusement dans un état de putréfaction déjà trop avancé pour que l'on pût en tirer grand parti ; voici cependant à son sujet quelques observations intéressantes : « Ce jeune poulet, du sexe masculin, pouvait avoir vécu de dix à douze jours ei mesurait 0°',110 de longueur totale; il portait, outre ses deux pattes ordinaires, parfaitement constituées, deux autres pattes disposées sur le bas de son dos. Le corps entier de l'animal me sembla d'une structure normale ; il n'y avait que les organes le plus directement en rapport avec cette création subven- tive qui fussent contrefaits ou déviés. « L'extrémité sacrale du bassin était, en effet, mal construite et atrophiée au profit d'une forte colonne osseuse s'élevant de quel- ques lignes sur le quart inférieur de cet os pour supporter la paire de pattes surnuméraire. Au haut de cette dite colonne naissaient deux fémurs fixes, sans articubdtions et soudés ensemble sur la moitié de leur longueur. De ces derniers os parlaient deux jambes bien faites en tout et articulées, mais seulement d'un tiers plus petites que les autres. Ces membres possédaient une musculature très-faible, mais la personne qui avait élevé le poulet m'assura qu'elles avaient été douées de sentiment et de mouvement. « Le point le plus curieux de l'organisation de ce poulet était le 116 EXTRAITS développement tout particulier de son rectum et de sa ou ses terminaisons anales. L'oiseau ne possédait pas d'anus à la place ordinaire, et au premier abord on ne lui voyait pas d'ouverture postérieure ; cependant en observant de plus près, je découvris que son rectum, développé en un énorme sac rempli de matières fécales, possédait réellement trois ouvertures au lieu d'une. Ce sac mesurait 0^,030 de longueur sur 0",020 de largeur à sa base. Il reposait comme sur trois pieds formés de trois conduits ; deux de ces conduits latéraux allaient s'ouvrir sous les cuisses entre les os du pubis et le bassin, et servaient à l'évacuation fécale; un autre, le troisième, allait en arrière et cheminait dans la colonne osseuse, support des pattes subvenlives, largement percée à cet eîTet. Ce dernier canal avait un petit orifice, et comme une espèce de sphincter au sommet de la dite colonne ; mais il ne semblait pas avoir servi encore à aucune déjection. C'est dans ce canal posté- rieur que venaient s'ouvrir les canaux génitaux et urinaires. Mal- gré cette multiplication des orifices, l'évacuation ne se faisait pas bien, comme le prouvent le grand développement du rectum et l'accumulation des matières qui y séjournaient ; c'est même, très- probablement, ce qui a amené la mort du jeune oiseau. Je me propose de préparer le squelette de ce curieux petit animal pour l'étudier plus à fond.» Séance du 13 août. — M. le D^ Depierre présente à la Société deux œufs de fortes dimensions qu'il a trouvés entiers dans un tiroir de rebuts au musée de Lausanne. Comme l'avait présumé M. Depierre, ces œufs sont reconnus pour être deux variétés de VAlca iinpennis. M. Fatio extrait du Rameau de sapin, organe du Club jurassien, quelques observations de M. Paul Vouga sur les Becs croisés, Loa^ia curvirostra, dans les environs de Neuchàlel. Ce naturaliste aurait observé que cet oiseau se nourrit avec avidité des petits pucerons verts qui infestent le dessous des feuilles des arbres fruitiers. — M. Stauffer, de Lucerne, écrit que VAquila clanga n'est pas rare sur la montagne du Pilate et dans les environs. Séance du 24 septembre. — M. le D"" Depierre lit une notice sur une curieuse Pie-grièche (voir plus haut, p. 31). DES PROCÉS-VERBAUX. 117 — M. W. Revilliod signale qu'une forte bande d'oies sauvages s'esl abattue dernièrement dans quelques rues de Genève. — M. Fatio cite qu'il a vu dans les galeries du musée de Neu- châtel et sous le nom de Tetrao urogallus ''^'^-j TABLE DES MATIÈRES Pages Sur le grand Corbeau {Corvus corax], par G. Lunel 5 Lanius dubius, par le D"" Depierre (PI. IV) 31 Mélanges : la Verderolle [Cal. palustris], par V. Fatio 37 Mélanges : le Martinet à ventre blanc [Cypselus alpinus), par V. Fatio 47 Nidification de VOrtholomus longicauda, par A. Iîumbert (PI. V) 55 Suppléments I, II, par V. Fatio 67 Analyses 69 Extraits des prccës-\erbau.: 401 Liste des membres 1 27 T-.-^-^rp^^'^syTr^^ Tome I, ^' p. 17 ORDRE DES PLANCHES i'« PARTIE PI. I. Cisticola schcenicoln, Tringa platyrhyncha. (Lunel) B II . Parus borealis (Fatio) }) III . Oomètre (Fatio) 2« PARTIE PI. IV. Lanius dubius (Depierre) B V. Orthotomus longicauda (Hu.mbert) '-'*-.«S^lS«i>=^55— TABLE GENERALE MATIÈRES CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME Accentor alpinus fFatio], IP Partie, page 105. Alca impennis (Depierre), II, 113, 116. Anas nigra (Girlanner), II, H4. Anas tadorna (Roget), F'' Partie, page 153. Anser cinereus (Revilliod), II, 117. Anser hyperboreus (Depierre), I, 153. Aquila clanga (Stauffer), II, 116. Aquila fulva (Lunel, Girtanner), II, 102, 109. Aquila barthelemyi (Lunel), II, 102. Ardea cinerea (Fatio, Depierre), I, 73, 150. Ardea minuta (Depierre, Lunel, Roget), I, 149. II, 108. Bomby cilla garrula (Demole), II, 126. Buceros (voir Calao) . Buteo lagopus (Fatio), I, 149. Calatnoherpe palustris (Fatio), II, 37. Calao (Tickell, Anlinori), I, 124, 152. Carbo cormoranus (Revon), II, 118. Ciconia alba {Gohz], II, 118. Cisticola schœnicola (Lunel) (PI. I), I, 9. Cormoranus pygm02us (Stauffer), I, 149. Corvus corax (Lunel), II, 5, 132 • TABLE GÉNÉRALE. Cuculus canorus (Humbert, Falio), II, 92, 107. Cygnus musicus (Turretlini, Roget, Girtanner), II, 101, 109, 114. Cypselus alpinus {GindToz,¥âùo, Girlanner), T, 150. II, 47, 118. Draine et Pinson (Vian) (Deschamps), II, 108. Falco brachydactylus (Revon), II, 118. Falco cenchris (Girtanner), II, 109. Falco eleonorœ (Kruper), I, 132. Falco tinnunculus (Falio), I, 150. II, 114. Falco rufipes (Binet, Depierre), I, 151, 152. II, 135. Faune antarctique (Hutlon), II, 80. Faune du Saiève (Falio), II, 104. Faune des Ormonts (Falio), II, 109. Faune de St-Gail et Appenzell (D^ Slolker), II, 125. Fringilla petronia (Fatio), II, 108. Ganga cata (Deschamps), II, 109. Garrulus glandarius (Faho), l, Ml. Hippolays polygotta (Lunel), I, 147. Ibis falcinellus (Lunel), II, 107. Lanius dubius (Depierre), (PI. IV), II, 31 . Larus melano cep halus [Lunel], II, 109. Larus py g mœn s {Re\on), II, 118. Larus ridibundus (Lunel), II, 119. Liste des membres I, 7. II, 127. Loxia curvirostra (P. Vouga), II, 116. Mergus merganser (Vouga et Roget], II, 111 . Merops apiaster (E. Pictet), I, 147. Numenius tenuirostris [Rexon], II, 118. Nycticorax ardeola (Lunel), II, 109. TABLE GÉNÉRALE. 133 Oiseaux mâles à livrée de femelle (Brehra), I, 121 . Oiseaux qui cachent leurs nids (Fatio), II, 114. Oomètre (Fatio), (Pi. III), I, 94. Otis tarda (poche guiaire) (Humberl), II, 90. Orthotomus longîcauda (Humbert), (Pi. V), II, 55. Panurus biarmicus (Lunel), I, 146. Parus borealis (Fatioi, (PI. II), I, 79. II, 68. Passages. I, 111, 147, 149, 150, 151, 152, 153- II, 37, 47, 101, 105, 107, 108, 109, 110, 114, 116, 117, 118, 119, 126. Passages dans la vallée du Rhin (Girtanner), II, 114. Perdixrubra (W.Demole), II, 118. Perdix coturnix (Fatio), II, 108. Perdiic (variété) (Gindroz), I, 152. Perdix (hybrides) (Olph-Galliard, Lunel), I, 69. II, 110. Pezophaps solitaria (Lunel), I, 150. Phillopneuste (Fatio), I, 145. Pitta (WaIlace),I, 115. Plumes, coloration des, (Fatio), II, 94. Podiceps cristatus, gésier, (Demole), II, 106. Poulet à 4 pattes (Fatio), II, 115. Préface, I, 5. Pu ffinus anglorum {Re\ on], II, 118. Puffinus cinereus (Roget), II, 107. Pyrrhula vulgaris et coccinea (Demole), II, 119. Ruticilla cairii (Fatio), II, 105. Strigops habroptilus (Humbert), II, 69. Strix aluco (Demole), II, 101 . Sylviadées (Fatio, Depierre), I, 39, 146. II, 67. Syrrhaptes paradoxus [Faiùo], I, 111. Tetrao (hybrides), (Fatio, Depierre), II, 117, 118. Textor galbula (Lunel), II, 98. 434 TABLE GÉNÉRALE. Tichodroma phœnicoptera (Girlanner), 1, 126. Tringa platyrhynca (Lunel), (PI. I.), I, 31 . Vanellus cristatus (Lunel), I, 149. Volière (D^Stolker), II, 126. Vulturfulms (Stauffer), II, 110. — >o^ — ERRATA l" Partie : Liste des membres, page 7, seconde colonne, au lieu de ; Coulin, Louis,.. .Neuchâtel, lise: : Coulon, Louis,. . .Neu- châtel. Page 69, titre, au lieu de : OlpGaliiard, lisez ; Olph-Galliard. Page 151, ligne 3, au lieu de : 1864, lisez : 1854. 2» Partie : Page 107, ligne 2, au lieu de: du grand Coq , Telrao uro- gallus, lises : Du Tétras cupidon^ Telrao cupido. 100103128