BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie O 13 N° 13 JUILLET-AOUT 1971 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75-Paris, 5 e Directeur : P r M. Vachon. Comité directeur : P rs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : M me D. Grmek-Guinot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Le Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, revue bimestrielle, parait depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Écologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His¬ toire naturelle, 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5 e (C.C.P., Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5 e (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 61 rue de Buffon, 75-Paris, 5 e . En 1971, deux sections sont représentées : Zoologie (prix de l’abonnement : France, 96 F ; Étranger, 110 F). Sciences de la Terre (prix de l’abonnement : France, 24 F ; Étranger, 27 F). En 1972, paraîtront également les sections suivantes : Botanique, Sciences de l’Homme, Sciences physico-chimiques. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE 3 e série, n° 13, juillet-août 1971, Zoologie 13 Deux nouvelles Araignées Filistatidae cavernicoles de Madagascar : Andoharano milloti n. sp. et Ândoharano monodi n. sp. par Roland Legendre * Les Araignées cavernicoles malgaches sont, à ce jour, connues en fort petit nombre ; en réalité, en dehors de la famille des Pholcidae (présentant des espèces inféodées aux grottes), exhaustivement étudiée par J. Millot en 1946, la littérature arachnologique ne mentionne que deux espèces cavernicoles ( Filistata grandidieri E. Simon, 1901, et Filis- tata decaryi L. Fage, 1945) appartenant toutes deux à la famille des Filistatidae. Récemment, M. le Professeur Th. Monod a bien voulu me confier pour examen deux spécimens d’Araignées récoltés par lui le 11 octobre 1970 dans une grotte karstique de la forêt Mikea entre Morombé et Tuléar en plein ouest de Madagascar ; un des spécimens récoltés est une Filistatidae cavernicole nouvelle. Pour identifier cette espèce inédite, j’ai été amené à consulter les collections du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et, de ce fait, à examiner non seulement les types appartenant à la collection E. Simon mais également des captures, non déterminées, réalisées par J. Millot et R. Paulian et con¬ cernant des Araignées cavernicoles malgaches. Ce lot important et renfermant des espèces très diverses fait partie du Fonds J. Millot, il contient une Filistate nouvelle déjà citée, mais ni décrite ni nommée, par L. Fage en 1946. La famille des Filistatidae comprend des Araignées cribellées anciennement groupées dans le seul genre Filistata Latr. En 1946, C. de Mello-Leitao rajoute quelques nouveaux genres et donne une révision des espèces néotropicales ; plus récemment P. Lehtinen (1967) scinde la famille des Filistatidae en plusieurs genres ( Kukulciania , Filistata, Zai- tunia, Pritha, Filistatoides, Andoharano, Filistatinella, Pikelinia et Malalistata). Le genre Filistata ainsi redéfini est limité au sud de la région paléarctique alors que le genre Ando¬ harano est endémique à Madagascar. Les Filistatidae africains viennent de faire l’objet d’une révision générale par P. L. G. Benoit (1968) qui reconnaît deux genres nouveaux : Sahastata et Afrofilistata. Les Filistatidae malgaches actuellement connus appartiennent tous au genre Ando¬ harano Lehtinen dont je donne ici les caractères principaux : calamistrum court, bisérié — céphalothorax avec une bande médio-dorsale pigmentée — labium allongé ; : cymbium long et conique. * Laboratoire de Zoologie (Morphologie et Écologie) de V Université des Sciences et Techniques du Languedoc (Montpellier II), et Laboratoire de Zoologie (Arthropodes) du Muséum national d’Histoire naturelle, 61, rue Buffon, 75-Paris, 5 e . 13, 1 646 ROLAND LEGENDRE Andoharano milloti n. sp. (Fig. 1) Longueur Ç 4 mm ; $ 3 mm — Céphalothorax blanc testacé, entièrement apigmenté, orné de poils clairs, lins et souples, dans sa partie postérieure ; abdomen brunâtre concolore, sans tache pigmentaire, revêtu d’un fin revêtement soyeux très clair. Appendices et pièces buccales blanches testacées ; seules les extrémités sont plus sombres. Aire oculaire non saillante avec une traînée pigmentaire noire entre les huit yeux. Yeux anté¬ rieurs contigus en ligne procurvée, les médians deux fois plus petits que les latéraux, yeux posté¬ rieurs subégaux et contigus, les médians séparés l’un de l’autre par un intervalle double de leur diamètre (cette disposition des yeux se retrouve chez toutes les Filistates cavernicoles malgaches). Pattes marcheuses à forte pilosité, mutiques chez la femelle, armées de deux épines subapi¬ cales sur le tibia I des mâles ; métatarse I des mâles mutique. Calamistrum de la femelle bisérié. La femelle présente un long poil dressé en avant sur la fossette dorsale céphalothoracique ; ce poil est absent chez le mâle. Palpe cj : (longueur 1,5 mm) tarse plus court que le bulbe ; celui-ci est conique allongé, se terminant par un style relativement fin et légèrement incurvé. Mensurations de la PI Ç cj Fémur. 4 5 Patelle + tibia. 4,5 5,5 Tarse. 5,5 6 14,0 mm 16,5 mm 1 Ç holotype (J. Millot, III — 1948) (grotte obscure d’Andravakobé au sud de la falaise de l’Ankarana). 1 (J paratype, 1 $ (J. Millot, 1945) (animaux mutilés) (grotte de la rivière Anke- rika au sud de la falaise de l’Ankarana). Les animaux sont conservés au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. L. Fage (1946) avait pris connaissance des Filistates de la grotte d’Ankerika et signale les affinités de ces individus avec A. grandidieri ; il en donne une description sommaire, mais en concluant : « il convient d’attendre d’autres captures pour décider si nous avons affaire à une autre espèce ». Certes, A. milloti n. sp. présente des affinités nettes avec Andoharano grandidieri E. Simon, 1901, connue de la grotte de Sarondrano sur la côte est de Madagascar ; la taille et la coloration sont similaires, la disposition des épines tibiales des PI du mâle est iden- Fig. 1-5. — Araignées Filistates de Madagascar. 1 : Andoharano milloti n. sp. Ç, vue dorsale (longueur réelle 4 mm) ; 2 : abdomen d’Andoharano monodi n. sp. $ en vue dorsale (longueur réelle : 6 mm dont 3,5 mm pour l’abdomen) ; 3 : articulation tibio- tarsale d 'A. monodi n. sp. ; 4 : articulation tibio-tarsale d’A. decaryi L. Fage, 1945 ; 5 : articulation tibio-tarsale d’A. grandidieri E. Simon, 1901. 648 ROLAND LEGENDRE tique, de même la pilosité de l’articulation tibio-tarsale (fig. 5). Cependant il existe des différences nettes entre les deux espèces : — la patte-mâchoire du mâle d’A. grandidieri est courte et robuste alors que celle d’A. milloti est grêle et relativement longue. Par contre, le style du bulbe copulateur d’A. grandidieri est plus trapu ; — il existe des épines métatarsales sur la PI du mâle d’A. grandidieri alors que le métatarse du mâle d’A. milloti est mutique ; — les pattes locomotrices d’A. grandidieri sont beaucoup plus allongées que celles de la nouvelle espèce. A titre de comparaison nous donnons les longueurs de la PI du mâle type ayant servi à la description de l’espèce par E. Simon (longueur du corps 3 mm) : fémur : 7 mm, patelle -)- tibia : 8,5 mm, tarse : 9,5 mm, total = 25 mm. Andoharano monodi n. sp. (Fig. 2) $ : longueur du corps 6 mm (abdomen 3,5 mm, céphalothorax 2,5 mm). Céphalothorax fauve avec une discrète traînée pigmentaire entre l’aire oculaire et le pédicule ; soies noirâtres insérées au niveau de l’aire oculaire et en arrière du céphalothorax. Abdomen brunâtre gris présentant un fort revêtement pileux sombre sur le tiers dorsal antérieur ; une série de dépressions transver¬ sales (apparemment segmentaires) au nombre d’une douzaine se succèdent jusqu’au tubercule anal, les trois premières servant chacune d’insertion à une rangée de poils noirs. Pièces buccales et appendices fauves testacés, plus sombres à leur extrémité. Pattes mar¬ cheuses inormes ; fémurs piquetés de soies noires, la partie basale des patelles des pattes mar¬ cheuses 1 et II ornée d’un manchon de soies noires, absent sur les patelles III et IV ; patelles des pédipalpes entièrement couvertes de poils ; tibias et métatarses des pattes marcheuses glabres mais semés de granulations régulières plus sombres ; tarses des pédipalpes et parties apicales des tarses des pattes marcheuses couverts de soies noirâtres, drues. Calamistrum bisérié. Aire oculaire faiblement proéminente (configuration des yeux comme toutes les Filistates malga¬ ches). Pattes longues ; voici les mensurations de la PI : fémur : 4 mm, patelle -j- tibia : 5,5 mm, tarse : 5 mm, total = 14,5 mm. Madagascar : grotte à guano (= Asafura) au sud d’Ampalonga dans la région de Morombé (Th. Monod, ll-X-1970). $ type, (J inconnu. Le type est conservé au Muséum national (l’Histoire naturelle de Paris. L’autre Araignée, capturée au même endroit (lot réf. Th. Monod, 14911) est une Drassidae Echemeae appartenant à une espèce vraisemblablement inédite et remarquable (tout comme A. monodi n. sp. d’ailleurs) par son « hirsutisme ». La nouvelle espèce A. monodi ne peut être confondue avec l’espèce de taille similaire A. decaryi L. Fage, 1945 ; elle s’en distingue en effet par des caractères très nets : — l’absence de l’ornementation céphalothoracique pigmentée en forme de sablier, typique d’A. decaryi ; — les fémurs ne sont pas ornés d’anneaux brunâtres ; — l’articulation tibio-tarsale de la PI femelle possède deux petites soies latérales (fig. 3} et non, comme chez A. decaryi, un anneau de soies interne (fig. 4). DEUX NOUVELLES ARAIGNÉES FILISTADIDAE 649 Les Filistates présentent une répartition mondiale montrant une nette prédilection pour les zones chaudes et tout particulièrement pour les zones intertropicales ; bien que la plupart des espèces mènent une vie furtive, douillettement abritées dans des anfractuo¬ sités, on ne peut pas dire que l’ensemble du genre soit troglobie. En effet, les véritables cavernicoles parmi les Filistates sont l’exception ; ils sont caractérisés par l’allongement (parfois hyperthélique chez A. grandidieri) des pattes marcheuses et leur dépigmentation ; par contre, les yeux ne manifestent aucun signe de régression. En dehors de Madagascar, une seule espèce de Filistate est signalée comme caver¬ nicole, c’est Pritha (= Filistata ) gardai E. Simon, 1892, capturée par E. Simon lui-même dans la grotte de San Mateo aux Philippines. A Madagascar, des quatre espèces actuelle¬ ment connues, c’est Andoharano decaryi L. Fage, 1945 qui présente la plus vaste exten¬ sion ; décrite, à l’origine, de la grotte à guano d’Andoharano, dans la vallée du Manomho dans le sud-ouest de l’île, elle a été retrouvée depuis par J. Millot (in : L. Face, 1946) dans la grotte d’Andravakobé au sud de la falaise de l’Ankarana (région du nord-est). Une station inédite prospectée par R. Paulian (Il 1-1948) montre que A. decaryi (1 exem¬ plaire $) est présent dans la grotte de Mitoho (près du lac Tsimanampetsotsa, en pays Mahafalo). Sans doute A. decaryi est répandue dans toutes les grottes de l’île, mais il faut attendre d’autres captures pour préciser sa répartition. 11 n’en est pas de même des petites Filistates de la côte est. Si Andoharano milloti n. sp. semble appartenir au système des grottes de l’Ankarana (grotte de la rivière Ankarika, grotte d’Andravakobé), Andoharano grandidieri E. Simon, 1901 n’a pas été retrouvé dans ces grottes, son origine est la grotte de Sarondrano sur la côte est. Malheureusement, il m’a été impossible d’après les données fort succinctes d’E. Simon de localiser cette grotte visitée par G. Grandidieii ; or, cette petite Filistate n’a pas été retrouvée depuis 1901. Enfin l’exemplaire unique d’A. monodi n. sp. appartient aux grottes de l’Ouest. 11 semble bien que les petites Filistates cavernicoles de Madagascar accomplissent ce que le genre Spermophora réalise parmi les Pholcidae cavernicoles malgaches, c’est-à- dire une grande différenciation en espèces très proches, inféodées chacune à une grotte propre ou à un système de cavités (J. Millot, 1946). RÉFÉRENCES BIRLIOGRAPHIQUES Benoit, P. L. G., 1968. — Synopsis des Filistatidae africains (Araneae). Ann. Mus. Civ. stor. nat. Genova, 77 : 92-102. Fage, L., 1945. — Arachnides cavernicoles nouveaux de Madagascar. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 17 : 301-307. — 1946. — Complément à la faune des Arachnides de Madagascar. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 18 : 256-267. Leiitinen, P. T., 1967. —- Classification of the cribellate Spiders and some allied families, with notes on the évolution of the suborder Araneomorpha. Ann. Zool. Fenn., 4 : 199-468. Mello-Leitao, C. de, 1946. — Notas sobre os Filistatidae e Pholcidae. An. Acad. Bras. Ci., 18 : 39-83. Millot, J., 1946. — Les Pholcidae de Madagascar. Mém. Mus. Hist. nat., Paris, 32 : 127-158. 650 ROLAND LEGENDRE Simon, E., 1901. — Filistata grandidieri sp. nov., Araignée cavernicole de Madagascar. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 2 : 67. — 1892. — Arachnides. In : A. Raffray, J. Bolivar et E. Simon : Étude sur les Arthropodes cavernicoles de l’île Luzon. Voyages de M. E. Simon aux îles Philippines (mars et avril 1890). 4 e mémoire. Ann. Soc. ent. Fr., 61 : 35-52 (F. gardai : 37). Manuscrit déposé le 2 février 1971. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 3 e sér., n° 13, juillet-août 1971, Zoologie 13 : 645-650. Achevé d’imprimer le 30 juin 1972. IMPRIMERIE NATIONALE 1 564 002 5 Recommandations aux auteurs Les articles à publier doivent être adressés directement au Secrétariat du Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, 61, rue de Bufïon, 75-Paris, 5 e (adresse provisoire). Ils seront accompagnés d’un résumé en une ou plusieurs langues. L'adresse du Laboratoire dans lequel le travail a été effectué figurera sur la première page, en note infrapaginale. Le texte doit être dactylographié à double interligne, avec une marge suffisante, recto seulement. Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner un titre ; les tableaux compliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Bauchot, M.-L., J. Daget, J.-C. Bureau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionomie. Bull. Mus. Hist. liât., Paris, 2 e sér., 42 (2) : 301-304. Tinbergen, N., 1952. — The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées par an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. Ils pourront obtenir à leur frais des fascicules supplémentaires en s’adressant à la Bibliothèque cen¬ trale du Muséum : 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5 e .