BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie N 16 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1971 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75-Paris, 5 e Directeur : P r M. Vachon. Comité directeur : P rs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : M me D. Grmek-Guinot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Le Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Ecologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His¬ toire naturelle, 38, rue Geoiïroy-Saint-Ililaire, 75-Paris, 5 e (C.C.P., Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geofïroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5 e (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 61, rue de Buffon, 75-Paris, 5 e . En 1971, deux sections sont représentées : Zoologie (prix de l’abonnement : France, 96 F ; Étranger, 110 F). Sciences de la Terre (prix de l’abonnement : France, 24 F ; Étranger, 27 F). En 1972, paraîtront également les sections suivantes : Botanique, Sciences de l’Homme, Sciences physico-chimiques. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 3 e série, n° 16, septembre-octobre 1971, Zoologie 16 Recherches mammalogiques en Guinée forestière par Jean Roche * Résumé. — Une collection de Mammifères de Guinée forestière (République de Guinée) a été rassemblée dans la région de Sérédou. A côté d’une forte proportion de représentants du milieu forestier, figurent quelques espèces d’origine savanicole. Le matériel ainsi réuni est étudié par groupes zoologiques, avec des discussions concernant la systématique, la répartition géographique, éventuellement l’écologie et les rapports avec l’homme, des différentes espèces. Abstract. — A collection of Mammals from the forested part of the Republic of Guinea lias been made in the région of Seredou. Next to a large proportion of forest animais stand a few sa vanna species. This material is studied by zoological groups and discussions conccrn syste- matic, geographical distribution and eventually the ecological aspect and the relations with man, of the different species. Le sud de la République de Guinée (ex-Guinée française), dans sa partie avancée que limitent les frontières du Libéria et de la Côte-d’Ivoire, constitue l’un des quatre grands ensembles naturels que l’on a coutume de distinguer dans ce territoire. Cette région dite « Guinée forestière », par opposition au reste du pays occupé par des forets claires ou des savanes plus ou moins arborées, à l’exception de la persistance de quelques îlots encore bien boisés en direction du nord-ouest (Routa Djalon), est même largement recouverte, notamment au voisinage des confins libériens, par la grande forêt hygrophile. C’est pour¬ quoi l’extrême sud de la Guinée, en dépit de sa position marginale qui lui vaut la pénétra¬ tion de quelques éléments d’origine savanicole, se rattache très étroitement, du point de vue biogéographique, au bloc forestier d’Afrique occidentale qui s’étend de la Sierra Leone au Ghana (« bloc forestier guinéen »). Nous y retrouvons aussi les caractères climatiques inhérents à un tel milieu, à savoir une température élevée toute l’année (27°-28°C), une impor¬ tante moyenne annuelle des précipitations (2 700 mm pour 117 jours de pluie) et une humi¬ dité atmosphérique atteignant fréquemment la saturation. La saison sèche est peu mar¬ quée, avec un minimum pluviométrique au cours des mois de novembre, décembre et jan¬ vier. C'est, en outre, une région montagneuse de 500 à 1 000 m d’altitude en général, où culminent cependant deux hauts sommets de l’Afrique occidentale : les monts Nimba (1 850 m) et les monts Ziama (1 300 m). Avec l’aide du Gouvernement guinéen et le concours des autorités locales, que nous ne saurions assez remercier, nous avons bénéficié trois mois durant (octobre, novembre et décembre 1950) des avantages mis à notre disposition par la Station agricole et indus- * Laboratoire de Zoologie (Mammifères et Oiseaux) du Muséum national d’Histoire naturelle, 55, rue de Buffon, 75-Paris, 5 e . 16 , 1 738 JEAN ROCHE trielle de Sérédou. Au cours de ce séjour 1 , nous nous sommes consacré, parallèlement à des recherches ornithologiques dont les résultats ont été publiés 2 , à l’étude des Mammi¬ fères de cette contrée, en particulier des Rongeurs sur lesquels nous avons plus spéciale¬ ment porté notre attention. Nous avons pu ainsi réunir, après adjonction d’un petit lot de spécimens obtenus par un autochtone (P. Kolié) avant ou lors de notre arrivée, une importante collection. Cette dernière sera complétée par les collectes antérieures (1957 et 1958), substantielles elles aussi, de 11. Pujol et de E. de Gayf., effectuées précisément aux abords de la même localité. C’est donc l’étude de tout ce matériel, avec addition des obser¬ vations écologiques que nous avons rassemblées, qui fera l’objet du présent travail. - Fig. 1. — Station de Sérédou. La zone cultivée dans son cadre de montagnes verdoyantes. La Station de Sérédou est installée au cœur du pays Toma, sur la route reliant N’Zéré- koré à Macenta et à 35 km environ de ce dernier centre. Bien que située à la lisière sep¬ tentrionale du bloc forestier guinéen proprement dit, tout indique sur place que nous sommes en région typiquement forestière. La Station elle-même repose dans une dépression (alti¬ tude 540 m) en grande partie occupée par des plantations et des cultures vivrières, que 1. Effectué en compagnie et avec la précieuse collaboration de R. Pujol, entomologiste au Muséum. 2. J. Berlioz et J. Roche. Étude d’une collection d’Oiseaux de Guinée. Bull. Mus. Hist. nat., Paris , 2^ sér., 32, 1960 : 272-283. RECHERCHES MAMMALOGIQUES EN GUINÉE FORESTIÈRE 739 cerne au nord, mais surtout au sud et à l’ouest, l’importante chaîne du Ziarna. Ces mon¬ tagnes, d’une altitude allant de 600 à 1 300 m, sont presque entièrement recouvertes par une foret primaire absolument intacte, dont la transformation en Réserve (Réserve fores¬ tière) laissait espérer une heureuse conservation. Malheureusement, selon de récentes nou¬ velles, pareil avenir ne semble nullement assuré. Nos récoltes proviennent pour une large part des environs immédiats de la Station, aussi bien de la zone cultivée que de la forêt de moyenne altitude. Toutefois, grâce à une piste de 15 km reliant Sérédou à la Station de montagne dite du « Poste 5 », où prospèrent, entre autres, les plus vastes plantations de Quinquinas d’Afrique occidentale, nous avons aussi prospecté la forêt jusqu’à une altitude voisine de 1 100 m. Comme nous le verrons plus loin, la plupart des échantillons que nous avons rapportés appartiennent à des espèces inféodées au milieu forestier, ce qui correspond parfaitement à l’ambiance et à la situation géographique du lieu. Cependant, quelques espèces abondamment distribuées dans les régions plus découvertes et voisines du nord sont également venues s’installer ici, à la faveur de la déforestation liée à l’extension des cultures. H. Heim de Balsac et M. Lamotte (1958), puis V. Aellen (1963) ont publié une intéressante étude des Rongeurs, Insectivores et Chiroptères des monts Nimba, à laquelle nous nous référerons fréquemment puisqu’il s’agit d’un massif qui, situé à cheval sur la Guinée, le Libéria et la Côte-d’Ivoire, présente beaucoup de points communs avec la région où nous avons séjourné. De même, les travaux de H. IIeim de Balsac et de V. Aellen (1958 ; 1965 ; 1967) et celui de LL Raidi (1961) sur les Mammifères de Côte-d'Ivoire nous fourniront des éléments de comparaison utiles. Notre publication s’en sera donc grande¬ ment inspirée, en même temps qu’elle leur servira peut-être de complément. Enfin, la paru¬ tion de l’ouvrage de 1). R. Rosevear sur les Rongeurs de l’Afrique occidentale, venant après celui de 1965 consacré aux Chiroptères de la même région, nous oblige en dernière heure à confronter nos conclusions respectives, d’ailleurs concordantes dans la plupart des cas. Le matériel ainsi rassemblé, qu’il soit de 1957, 1958 ou de 1959, et dont l’importance numérique est indiquée en tête des paragraphes consacrés à chacune des espèces, figure actuellement dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris. On trouvera ci-dessous, pour la bonne compréhension de cette étude, la liste et la signification des abréviations utilisées au cours de notre publication dans les tableaux rassemblant, pour la plupart des espèces, les mensurations et le poids des animaux retenus. A ce sujet, nous tenons à préciser : — que les jeunes ont été systématiquement éliminés ; — que certains individus pourtant adultes ou subadultes, mais non mesurés et pesés sur le terrain, n’ont pu en conséquence être mentionnés ; — que, lorsque nous possédions une série d’exemplaires appartenant à la même espèce, et à plus forte raison un important lot de spécimens, ce qui est surtout le cas pour certains Ron¬ geurs, nous avons sélectionné un petit nombre d’individus représentatifs de la marge de varia¬ tion, en taille et en poids, entre les stades adulte (ad.) et subadulte (subad.) les plus avancés. 740 JEAN ROCHE Mensurations du corps (en millimètres) : TC = longueur de la tête et du corps ; Q = longueur de la queue, avec poils terminaux (incomplète quand le chiffre est suivi du signe +) ; P = longueur du pied : O = longueur de l’oreille ; HG = hauteur au garrot (Ongulés) ; AB = longueur de l’avant-bras (Chiroptères). Mensurations du crâne (en millimètres) : LT = longueur totale (maximale) ; B/. = largeur bizygomatique ; LM = largeur maximale de la boîte crânienne (Insectivores) ; M = longueur de la rangée molaire supérieure mesurée aux bords alvéolaires (Ilyracoïdes, Ongulés, Rongeurs) ; LM = longueur de la rangée dentaire supérieure I-M 3 mesurée aux bords alvéolaires (Insec¬ tivores) ; CM = longueur de la rangée dentaire supérieure C-M s mesurée aux bords alvéolaires (Pri¬ mates. Chiroptères, Carnivores). Poids de l’animal en ciiair (en grammes) : Pds. PRIMATES Galagidae Galago (Galagoides) d. demidovi G. Fischer 7 exemplaires comprenant 2 adultes, 2 subadultes et 3 jeunes TC Q P O LT BZ CM Pds 1959-941 -3 ad. . 27-111-1958 145 175 48 23 30,8 22,5 11,5 — 1959-942 (î » ' * • ' . 10-11-1958 145 150 50 27 38,1 22 12,7 — 1959-940 3 subad. . . 15-1-1958 120 170 47 23 — — 11,8 55 Ce petit Galago purement forestier est assez commun dans la région de Sérédou, si l’on en juge par la fréquence de ses captures et surtout de ses cris nocturnes caractéris¬ tiques. La sous-espèce typique, remarquable par la vivacité de la couleur jaune des parties inférieures du pelage, serait propre aux zones forestières allant du sud du Sénégal à l’em¬ bouchure du fleuve Niger. CoLOBIDAE Colobus (Colobus) p. polykomos (Zimmermann) 2 exemplaires adultes O LT 15Z CM 33 113,4 79 35,4 1970-450 $ 29-XI-1959 TC Q 975 P 190 RECHERCHES MAMMALOGIQUES EN GUINÉE FORESTIÈRE 741 Les Colobes, on le sait, sont des Singes inféodés au milieu forestier. La sous-espèce typique de ce Colobe noir et blanc, caractérisée par la couleur gris argenté du tour de la face et du camail, se rencontre dans les parties boisées situées à l’ouest de la Sassandra. A l’est de cette limite, sur une étroite bande comprise entre les fleuves Sassandra et Ban- dama, lui succède la forme C. p. dollmani Schwarz qui, contrairement à l’opinion avancée par Rode, semble parfaitement distincte. Colobus (Piliocolobus) b. badius (Kerr) 2 exemplaires adultes ou subadultes (sans crânes) TC Q P O 1961-412 ?. 12-111-1958 600 701 85 30 Ces deux Colobes bais, recueillis à Sérédou, appartiennent à la sous-espèce typique dont l'aire de répartition englobe la zone de grande lorêt située à l’ouest de la Bandama. Une autre sous-espèce, C. b. temmincki (Kuhl), de coloration beaucoup plus claire, la rem¬ place dans les quelques îlots encore bien boisés disséminés entre la Sierra Leone et le sud du Sénégal (Casamance). Cercopithecidae Cercopithecus mona campbelli Waterhouse J exemplaire adulte TC Q P O LT BZ CM Pds 1961-414 S . 17-1-1958 500 600 145 37 109,1 69,5 30,1 5 000 La Mone de Campbell est distribuée dans toute la partie du bloc forestier guinéen située à l’ouest de la Sassandra, ainsi que dans les vestiges forestiers qui le prolongent jusqu’au bas Sénégal. A partir de la rive gauche de la Sassandra commence le domaine d’habitat d’une sous-espèce distincte, C. m. lowei Thomas, qui se différencie par sa coloration plus foncée, en particulier de la croupe et de la face externe des membres postérieurs. Cercopithecus petaurista buttikoferi Jentink 2 exemplaires comprenant l adulte et 1 jeune TC Q PO LT BZ CM 1970-454 , . — VIII à X-1959 78 53 15 6 24,4 10 10,1 — Ces Musaraignes, à l’exception d’une seule prise dans un piège à rats, nous ont été fournies par les autochtones. Elles proviennent toutes de la zone cultivée. Deux femelles, dont une jeune, présentaient une formule mammaire composée de trois paires de mamelles inguinales. Cette espèce de moyenne taille, de coloration foncée à la fois dessus et dessous, semble assez largement répandue dans les régions forestières de l’Ouest africain. Toutefois, elle transgresse ces limites en pénétrant profondément en savane guinéenne, puisque sa pré¬ sence est signalée dans le Fouta Djalon et même jusqu’en Gambie, vraisemblablement dans les îlots boisés qui subsistent encore. Heim de Balsac fait mention de 31 spécimens rassemblés par R. Pujol à Sérédou, ainsi que des captures de Boola. du Cercle de N’Zérékoré et des monts Nimba. Selon cet auteur, dans une publication en collaboration avec Aellen, la population de Guinée et de Gambie diffère de celle établie à partir de la Côte-d’Ivoire et peut-être du Libéria. Elle pourrait porter l’appellation subspécifique de schweitzeri Peters, alors que la seconde doit appartenir à la sous-espèce pamela Dollman. i r», 2 746 JEAN ROCHE Crocidura theresae Heim de Balsac 21 exemplaires comprenant 19 adultes et 2 jeunes TC Q P O LT LM IM Pds 1970-494