BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie N 267 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1974 189 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75005 Paris Directeur : Pr M. Vachon. Comité directeur : Prs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : Dr M.-L. Bauchot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Conseiller pour l’illustration : Dr N. Halle. Le Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Écologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His¬ toire naturelle, 38, rue Geofïroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geofïroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Abonnements pour l’année 1974 Ab onnement general : France, 440 F ; Étranger, 484 F. Zoologie : France, 340 F ; Étranger, 374 F. Sciences de la Terre : France, 90 F ; Étranger, 99 F. Botanique : France, 70 F ; Étranger, 77 F. Écologie générale : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Sciences physico-chimiques : France, 20 F ; Étranger, 22 F. International Standard Serial Number (ISSN) : 0027-4070. UULLETJN DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 3 e série, n° 267, novembre-décembre 1974, Zoologie 189 Notes sur les Brookesia de Madagascar IX. Observations sur B. tuberculata Mocquard, 1894, B. ramanantsoai sp. nov. et B. peyrierasi nom. nov. (Reptilia, Squamata, Chamaeleontidae) par Edouard R. Brygoo et Charles A. Domergue Résumé. — La récolte de quatre mâles dans la terra typica de B. tuberculata permet, par l’étu¬ de de la morphologie de l’hémipénis, de confirmer la validité de cette espèce. B. ramanantsoai est décrit d’après un mâle, une femelle et un juvénile. Son hémipénis, piriforme, non orné, s’oppose à celui, cylindrique et orné, de B. tuberculata et à celui, bihémisphérique et orné, de B. peyrierasi, nom proposé pour la forme de Nosy Mangabe. étudiée en 1969. En 1969, tout en reconnaissant le polymorphisme des spécimens décrits sous des noms différents, ou groupés sous un même nom, nous hésitions sur la valeur taxinomique des caractères de morphologie externe, assez difficiles à apprécier et dont on connaît mal les limites de variabilité du fait du petit nombre d’individus fournis par chaque récolte. C’est la raison pour laquelle, tout en soulignant cette hétérogénéité, nous nous étions abstenus de créer une nouvelle espèce en décrivant un lot de petits Brookesia, du groupe minirna, récoltés à Nosy Mangabe. Depuis, grâce à la persévérante patience de nos collaborateurs sur le terrain, nous avons pu disposer d’un matériel plus abondant et en particulier d’une récolte de la mon¬ tagne d’Ambre, terra typica de Brookesia tuberculata. Ces nouvelles observations nous amè¬ nent à tenir le plus grand compte de la structure des hémipénis pour l’étude de ce groupe difficile. Nous avions déjà, par ailleurs, montré l’importance de l’origine géographique des spécimens pour une étude valable des Brookesia. En fonction de ces deux critères nous sommes amenés à proposer : — des précisions sur Brookesia tuberculata d'après des spécimens de la terra typica et en particulier sur la morphologie de l’hémipénis ; — la création d’une nouvelle espèce : Brookesia ramanantsoai ; — un nom nouveau, Brookesia peyrierasi, pour la petite espèce du groupe minima qui vit à Nosy Mangabe ; — une revue d’ensemble des espèces et spécimens appartenant au groupe minima. * É. R. Brygoo, 26 rue du 14 juillet , 24100 Bergerac. C. A. Domergue, Institut Pasteur de Madagascar, B.P. 1274, Tananarive. 267 , 1 Fig. 1. — Vues apicale et de profil du mâle de B. tuberculata , n° 683 C. Brookesia tuberculata Mocquard, 1894 F. Mocquard, en 1894, établissait l’espèce B. tuberculata sur un spécimen de la mon¬ tagne d’Ambre, mesurant 32 (14) mm, dont il ne précisait pas le sexe. Après avoir signalé ses grandes affinités avec B. minima Boettger, il ajoutait que la nouvelle espèce « se dis¬ tingue aisément par les nombreux tubercules répandus sans ordre sur les flancs et les membres ». En 1969, l’examen du type nous confirmait la difficulté de mettre en évidence des caractères distinctifs entre B. tuberculata et les autres petits spécimens alors connus. Des récoltes complémentaires étaient indispensables. En avril 1972, G. Ramanantsoa pros¬ pectant la montagne d’Ambre réussit à récolter quatre spécimens mâles, qu’il rapporta à Brookesia minima sensu lato. BROOKESIA DE MADAGASCAR 1771 Examen des nouvelles récoltes (fig. 1) Nos spécimens sont d’une taille au moins égale à celle du type. Le n° 683 C, avec 34,5 (15) mm, représente le plus grand individu actuellement connu. F. Mocquard don¬ nait une taille de 32 (14) mm ; le type, en 1969, très déshydraté par 75 ans de conserva¬ tion en alcool, ne mesurait plus que 28 (12) mm. Nos quatre spécimens étant des mâles, la femelle de cette espèce est encore inconnue si l’on admet, ce qui est probable, que le type est également un mâle. In vivo, la coloration varie du brun clair, au brun-noir. Sans cou marqué, ces Broo- kesia ont un aspect cylindrique, avec un renflement net de la base de la queue. Le tégument est régulièrement hétérogène. Le dessus de la tête est convexe, sans crête importante. Le pourtour de l’orbite est granuleux. Un tubercule proéminent forme une corne à la partie supérieure et antérieure de l’orbite. La crête temporale est marquée par 3 granules ; un 4 e , plus important, est situé en bas et en arrière de cette crête. La région dorsale est aplatie, bordée de chaque côté par une série de granules alignés tandis que d’autres dessinent envi¬ ron 10 chevrons à ouverture antérieure. Les principales dimensions sont indiquées dans le tableau 1. L’élément nouveau le plus intéressant nous est fourni par l’étude de l’hémipénis. Fig. 2. — Hémipénis de B. tuberculata, n° 685 C. A, organe droit : a, corps, b, renflement hémisphérique c, prolongement distal. B, organe gauche : d, zone apicale, e, sillon, f, membrane. 1772 EDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE Iiémipénis (fig. 2) La préparation des hémipénis, organes ténus et fragiles, a été particulièrement diffi¬ cile, le meilleur résultat étant obtenu avec le spécimen 685 C. Les deux organes, bien que de même facture se présentent chez ce sujet sous deux aspects ; nous ne savons pas si cette différence est naturelle ou le résultat d’un artefact. Hémipénis droit. — Très allongé il comprend deux parties : a) ce que nous considérons comme le corps mesure 3 mm ; c’est un cylindre irrégulier terminé par un renflement subhémisphérique ; il porte sur sa face postéro-ventrale un sil¬ lon nettement visible, mais dépourvu de lèvres ; b) un prolongement distal, de 3 mm, en forme de cylindre déprimé, constitué par un tissu blanchâtre se terminant par une zone apicale confusément divisée en trois éléments dont le médian est légèrement découpé en trois denticules. Hémipénis gauche. — Le corps, de forme identique à celle de l’organe droit, est long de 5,2 mm, donc plus grand qu’à droite ; le prolongement distal est très réduit et l’ornemen¬ tation apicale, semblable à celle de droite, succède directement au corps. Le renflement subhémisphérique est souligné à sa base interne par une membrane qui le relie à l’apex ; le sillon présente une lèvre externe formée par une membrane. Le rapport des longueurs hémipénis/corps du sujet est voisin de 1/3. L’examen des autres spécimens permet de confirmer l’aspect général cylindrique et la subdivision de l’apex en trois éléments. Tableau I. — Principales dimensions (en mm) des spécimens de Brookesia tuberculata Mocquard, 1894, de la montagne d’Ambre. Holotype MNHN 93.183 682 C 683 C 684 C 689 C Longueur : totale 32 32,5 34,5 32 34 queue 14 14 15 14 16 Tête : longueur 4 5,5 5 5,5 5 hauteur 3,5 3 3 3,5 corne 0,5 0,5 0,5 0,5 diam. orbite 1,5 1,5 1,5 1,5 écartement des cornes 2 2,5 2 3 Corps : longueur 10 13 14,5 12,5 13 hauteur 4 4,5 4,5 4,5 5,5 largeur 3 3 3 3 4 Membres : bras 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 avant-bras 2,5 2 2 2 2,5 cuisse 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 jambe 2 2 2 2 2 Sexe mâle mâle mâle mâle mâle BROOKESIA DE MADAGASCAR 1773 Attribution spécifique L’aspect général de ces quatre spécimens, la structure hétérogène de leur tégument, leur récolte sur la terra typica de B. tuberculata, permettent, croyons-nous, de les rattacher sans grand risque d’erreur à cette espèce. Brookesia ramanantsoai sp. nov. Matériel et biotope Trois exemplaires, un mâle, une femelle et un juvénile, ont été capturés dans un trou du sol par A. Peyrieras en mars 1973 dans la forêt Ambohiboataba, à une altitude de 1 300 m, à l’est de Mantasoa. I Description du mâi.e (fîg. 3) Le mâle holotype dont les dimensions sont indiquées dans le tableau II présentait une couleur beige, presque uniforme, les doigts et les orteils étant plus sombres à leur extré* mité.*Les'griffes étaient translucides. _ tp 0 1 cm i_,_i Fig. 3. — Vues apicale et de profil de B. ramanantsoai holotype, mâle, n° 728 C. ÉDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE 1774 L’écaillure est hétérogène ; un semis régulier d’écailles agrandies couvre la tête, le corps et les membres. Une ligne de granules marque la limite entre le flanc et l’abdomen et se prolonge sous la queue. Tête En vue latérale on observe une formation supra-oculaire denticulée, un relief nari- naire et une épine peu importante à la partie postéro-inférieure de l’orbite. Une crête tem¬ porale est visible. En vue apicale, la tête fait directement suite au tronc, il n’y a pas de cou ; au niveau de la nuque les formations épineuses sont peu marquées. Le dessus de la tête a un aspect triangulaire du fait de l’obliquité accentuée, vers le bas et l’extérieur, des fosses sus-temporales. De deux points axiaux situés au niveau de la nuque partent des crêtes qui se subdivisent, une branche, externe, atteint le dessus de l’orbite, l’autre, interne, parallèle au grand axe du corps, aboutit à la dépression unissant les deux épines susorbitaires. En vue inférieure, il n’y a pas de grandes écailles gulaires ; tout au plus peut-on obser¬ ver quelques écailles rondes, agrandies, comme sur le reste du corps. Corps Il n’y a ni carène ni chevrons au niveau de la région dorsale ; les épines paravertébrales sont peu développées, sauf pour trois d’entre elles : deux au niveau du tiers antérieur du corps et une dans la région sacrée. 0 S mm I i »-1 I I I Fig. 4. — Hémipénis de B. ramanantsoai : a, sillon ; b, lèvre externe ; c, écusson. BROOKESIA DE MADAGASCAR 1775 Fig. 5. — Profil de la tête du paratype femelle de B. ramanantsoai, n° 729 C. Fig. 6. — Profil du paratype juvénile de B. ramanantsoai, n° 727 C. 1776 ÉDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE Le dessous de la queue, bordé par deux lignes de granules, est aplati. Il n’y a pas de formation épineuse para-anale. Hémipénis (fig. 4) L’hémipénis possède un pédoncule étroit qui passe rapidement à un corps fortement dilaté, globuleux ; il est apparemment lisse à part un sillon sur la face postéro-ventrale. Un examen minutieux montre que le sillon est bordé par une lèvre externe en relief ; la lèvre interne, à peine distincte, aboutit à l’équateur du renflement terminal, sous un écusson formé de trois pièces : deux éléments oblongs jointifs, surmontés par un petit élé¬ ment triangulaire. L’hémipénis gauche est le plus volumineux, sa longueur est de 7 mm ; celle de l’hémi¬ pénis droit est également de 7 mm, mais l’organe est moins dilaté. L’exemplaire mesurant 22 mm (queue exclue), la longueur de l’hémipénis est sensiblement égale au tiers de celle du corps de l’animal. Femelle (fig. 5) La femelle paratype, dont les dimensions sont indiquées dans le tableau II, ne diffère du mâle que par une certaine réduction de la formation supra-oculaire. Juvénile (fig. 6) Nous considérons comme appartenant à cette espèce un juvénile (tabl. II) qui, malgré sa petite taille, présente déjà les principales caractéristiques de l’espèce et notamment les 3 épines paravertébrales. 0 2 mm i___i Fig. 7. — Profil de la tête du spécimen, n° 552 C, B. ramanantsoai, mâle de Périnet. BROOKESIA DE MADAGASCAR 1777 Spécimens de Périnet Nous rapportons à la nouvelle espèce deux spécimens de Périnet. En mai 1969, J. Thiel nous remettait en alcool un petit Brookesia mâle (fig. 7) dont il avait préparé sommairement les hémipénis ; il en signalait les aifinités avec B. dentata. Ce spécimen, qui a reçu le numéro 552 C (= 147 B), avait été récolté le 21.IV. 1969, à Péri¬ net, à 5 m environ d’un ruisseau, alors qu’il se laissait choir d’une hauteur de 50 cm, d’un arbuste situé sous les eucalyptus ; il était 8 h du matin ; le temps était ensoleillé. Les dimen¬ sions de ce spécimen sont indiquées dans le tableau II. Tableau II. — Principales dimensions (en mm) des spécimens de Brookesia ramanantsoai sp. nov. 728 C MNHN 1973-1401 729 C MNHN 1973-1402 727 C MNHN 1973-1403 522 C Longueur : totale 41 43,5 20 42 queue 18 18 9 18 Tête : longueur 6 6,5 2 6 hauteur 4,5 6 3 4 corne 0,5 0,5 0,1 — de 0,5 diam. orbite 2,5 2 1 1,7 écartement des cornes 2,5 3 2 2 Corps : longueur 17 19 9 18 hauteur 6 5 2,5 5 largeur 3 3 2 3 Membres : bras 3 3 2 3 avant-bras 3 3 2 3 cuisse 3 3 2 2,5 jambe 3 2,5 1,5 2,5 Sexe mâle holotype femelle paratype juvénile paratype mâle Les principales différences avec l’holotype de B. ramanantsoai sont : — l’importance de l’épine latérale, à la hauteur et en arrière de la crête temporale ; — l’existence à droite de 4 et à gauche de 5 épines paravertébrales, de section circu¬ laire, ne dépassant pas leur gaine d’écailles de plus de 0,2 mm ; — les chevrons au niveau du dos de l’aire vertébrale, cet aspect étant peut-être dû à l’état de dessication du sujet. Par contre l’hémipénis, autant qu’une préparation imparfaite permette de l’assurer, semble bien du même type que celui de B. ramanantsoai. Le Dr Wolfgang Bohme nous a communiqué les photographies et le dessin de l’hémi- pénis d’un autre spécimen de Périnet ; ce spécimen ne porte que 3 épines paravertébrales ; nous le rapportons à la nouvelle espèce. 1778 ÉDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE Spécimen de Mahatsara En octobre 1968, J. Thiel nous signalait avoir récolté par temps ensoleillé, à 9 h 30 du matin, un Brookesia mâle (T. 139 B) dans la forêt côtière de l’Est, au niveau du village de Mahatsara, km 69 de la RN 5 Tamatave-Fénérive ; l’animal se trouvait à 40 cm du sol sur un tronc d’arbre couché, couvert de mousses et de lichens. Il nous en adressa deux photographies et une fiche de renseignement indiquant une longueur de 41 (17,5) mm, l’absence de véritables épines paravertébrales, sauf des ébauches au niveau du sacrum, la présence de 10 chevrons au niveau du dos. J. Thiel rapprochait ce spécimen de B. dentata et plus précisément de B. dentata sensu O. Boettger, 1913, provenant de Fénérive. Rappelons que selon F. Angel (1929) le spécimen de Boettger n’était pas un véritable B. dentata. Nos efforts pour retrouver la localisation actuelle de ce spécimen sont restés vains T Pour déterminer ce spécimen de Mahatsara, nous préférons attendre que de nouvelles récoltes permettent de mieux connaître les individus de cette région, représentés déjà par 1 exemplaire étudié par Boettger. Nous les classons provisoirement l’un et l’autre parmi les spécimens proches de B. dentata s. 1. Justification de la nouvelle espèce La diagnose de B. dentata, donnée par F. Angel (1942 : 180), pourrait s’appliquer mot pour mot à nos spécimens : « Soles non épineuses. Deux petites épines seulement sur le tiers antérieur de chaque côté du dos, et une autre sur la région sacrée, entre l’insertion des membres postérieurs. Crête dorsale plutôt aplatie. Saillie susorbitaire, ne mesurant pas un demi diamètre orbitaire, bordée de gros granules ». Toutefois, il nous semble préférable de considérer qu’il s’agit d’une espèce nouvelle dont les rapports avec B. dentata ne pourront être établis définitivement que lorsque de nouvelles récoltes de la terra typica, ou tout au moins de la même région, auront permis une étude comparée des hémipénis. En effet, l’expérience nous a montré que, du fait de leur petit nombre, les caractères morphologiques externes ne peuvent suffire pour caractériser valablement une espèce de ce groupe ; par ailleurs, il nous faut tenir compte de la différence des biotopes, puisque l’espèce étudiée provient des limites de la forêt de l’Est, alors que B. dentata a été récolté dans l’Ouest. Nous dédions la nouvelle espèce à Guy Ramanantsoa, ingénieur des Eaux et Forêts malgaches, à qui nous devons déjà de très intéressantes récoltes de Chamaeleonidae. Les types sont déposés au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris où ils ont reçu les n °s MNIIN 1973-1401. pour le mâle holotype et MNHN 1973-1402 et 1403 pour les para- types (femelle et juvénile). La terra typica de la nouvelle espèce est la forêt d’Ambohiboataba, mais B. ramanant- soai se rencontre également à Périnet. 1. Le Pr Robert Mertens, en mai 1969, me signalait que le spécimen ne se trouvait pas au Sencken- berg et, la même année, le Dr G. Peters qu’il ne se trouvait pas au Musée Zoologique de Berlin. BROOKESIA DE MADAGASCAR 1779 Brookesia peyrierasi nom. nov. Synonymie : B. minirna sensu Brygoo et Domergue, 1969, Bull. Mus. natn. Hist. nat., Paris, 2 e sér., 41 (4) : 833-841. Terra typica : Nosy Mangabe, baie d’Antongil, Madagascar. Types : mâle n° 482 C, holotype ; 3 mâles et 4 femelles, MNHN n os 1968.184 à 191, paratypes. En 1969, décrivant les petits Brookesia de l’ile de Nosy Mangabe, nous signalions que leur attribution à l’espèce B. minima n’était faite que sous toutes réserves et (p. 841, note 1) nous notions que le nom de peyrierasi serait indiqué pour le cas où la création d’une espèce nouvelle deviendrait nécessaire. C’est pourquoi nous le proposons aujourd’hui 1 où nous pouvons bien séparer cette espèce, sinon, de B. minima sensu stricto, du moins d’espèces voisines comme B. tuberculata et B. ramanantsoai. Mais l’élément essentiel de détermination repose sur l’examen de l’hémipénis. Celui-ci est bihémisphérique chez B. peyrierasi, chaque hémisphère portant deux groupes d’ergots épineux. Faute de données suffisantes nous ne pouvons donner de nom d’espèce aux spécimens de ce groupe, récoltés à Sambava : femelle n° 668 C, décrite en 1969, femelle n° 681 C, récoltée en mai 1971, ni aux 4 spécimens récoltés sur le Marojezy : 1 mâle (reçu en alcool) et 3 femelles, en 1972. Par contre nous considérons comme appartenant à cette espèce un spécimen mâle, mesurant 38 (17) mm, récolté par A. Peyrieras en novembre 1969 dans la forêt de Fanta- nendra (nord de Maroantsetra) et dont les hémipénis étaient morphologiquement très proches, sinon identiques à ceux des mâles de Nosy Mangabe. Le domaine géographique de B. peyrierasi est, pour le moment, localisé à l'ile de Nosy Mangabe et au nord de Maroantsetra. Le groupe minima Nous rassemblons sous ce nom les très petites espèces de Brookesia de Madagascar qui ont en commun, outre leur petite taille, une morphologie externe pauvre en caractères différentiels. Ce groupe comprenait jusqu’ici, selon nous, 3 espèces : les 2 espèces que F. Angel (1942) rangeait dans son genre Evoluticauda : minima Boettger, 1893, et tuberculata Moc- quard, 1894, auxquelles il faut ajouter B. dentata Mocquard, 1900. Jusqu’en 1969, le nombre des spécimens récoltés était très faible et aucune étude de la variabilité des caractères donnés comme spécifiques n’était possible. Nous avons alors publié la description d’une série homogène, en provenance de Nosy Mangabe, avec pour la première fois l’étude de l’hémipénis. Seules des récoltes effectuées dans la terra typica de chaque espèce peuvent permettre de compléter les descriptions trop sommaires des 1. Les genres Brookesia et Chamaeleo sont suffisamment bien caractérisés pour qu’il ne puisse y avoir de confusion avec Chamaeleo peyrierasi. 1780 ÉDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE auteurs anciens, basées presque toujours sur des spécimens plus ou moins bien conservés en alcool. Une récolte de B. tuberculata faite en montagne d’Ambre nous donna à examiner des hémipénis d’une structure complètement différente de celle de la population de Nosy Mangabe. Enfin d’autres récoltes, près de Mantasoa, nous montrèrent un troisième type morphologique d’hémipénis. La systématique de ce groupe ne pourra être cjue provisoire tant que de nouvelles récoltes n’auront pas permis d’examiner la structure des hémipénis d’individus récoltés à Nosy Be ( terra typica de B. minima ) et à Suberbieville (B. dentata). C’est dans cet esprit que nous proposons la répartition des spécimens du groupe en cinq espèces (tabl. III) ; des mises en synonymie devront intervenir si l’étude de la morphologie des hémipénis de B. minima et de B. dentata permet des regroupements. Tableau III. — Les Brookesia du groupe minima. Espèces Terra typica Types Autres spécimens Hémipénis minina Boettger, 1893 Nosy Be 1893, C. Ebf.nau et A. Stumpff 3 ex. paratype 16.514 Senek. Mus. Nosy Be A. Voeltzkow S enek. Mus. 16.514 MNHN 86.25 Nosy Be, mâle, E. Deyrolles inconnus tuberculata Mocquard, 1898 Ambonitehy Maraomby Mt d’Ambre 1893, Alluaud et Belly MNIIN 93.183 4 mâles de la terra typica G. Ramanantsoa coll. 1972 cylindriques et ornés dentata Mocquard, 1900 Suberbieville 1898, G. Gbandidier MNHN 99.322 inconnus peyrierasi sp. nov. Nosy Mangabe MNHN 1968.184 à 191 de la même localité et du nord de Maroantsetra bisphériques et ornés ramanantsoai sp. nov. Ft Ambohiboatana (Mantasoa) A. Peyrieras, III, 1972 MNHN de Périnet — 1 mâle récolté par J. Thiel piriformes et simples — 1 mâle étudié par J. Bohme Nous donnons également (tabl. IV) une liste des spécimens pour lesquels, en l’absence d’une étude de l’hémipénis, il est préférable de ne pas se prononcer sur leur attribution spé¬ cifique. Il faut attendre que d’autres récoltes, en provenance des mêmes localités, permettent de parfaire leur examen. BROOKESIA DE MADAGASCAR 1781 Tableau IV. —- Spécimens du groupe des Brookesia « minima » sans attribution spécifique. Désignation Origine Localisation actuelle Références « minima » Nosy Be, E. Deyrolles MNIIN 84.582 Brygoo et Domergue, 1969 « minima » Madagascar, M. Majastre BM 89.8.1.6 « dentata » Fénérive, 1904 inconnue 0. Boettger, 1913 ; F. Angel, 1929 « dentata » Mahatsara (région de Fénérive), X-1968 J. Thiel collection J. Thiel, n» 139 B. ce travail minima s. 1. Sambava, A. Peyiîieras XI-1968 collection Institut Pasteur de Madagascar n° 668 Brygoo et Domergue, 1969 minima s. 1. Sambava, A. Peyrieras V-1968 id. n° 681 C ce travail minima s. 1. RCP 225 Marojezy, X1-1972, 4 spécimens, 1 300 m id. n° 722 et 723 C Brygoo, Blanc et Domergue, 1973 RÉFÉRENCES RIRLIÜGRAPHIQUES Angel, F., 1929. — Contribution à l’étude systématique des Lézards appartenant aux genres Uroplatus et Brookesia. Mém. Acad, malgache , 9, 64 p. — 1942. — Les Lézards de Madagascar. Mém. Acad, malgache , 36, 193 p. Roettger, O., 1893. — Katalog der Reptilien-Sammlung im Muséum der Senck. Nat. Ges. Franck- fürt. I. Teil : 117-124. Brygoo, Ë. R., C. P. Blanc et C. A. Domergue, 1974. — Notes sur les Brookesia de Madagascar. VIII. Brookesia du Marojezy. B. betschi et B. griveaudi n. sp. (Reptilia, Squamata, Cha- inaeleontidae). Bull. Acad, malgache, séance du 19 juillet 1973, sous presse. Brygoo, É. R., et C. A. Domergue, 1969. — Notes sur les Brookesia de Madagascar. IV. Une série de petits Brookesia de Nosy Mangabe (Reptilia, Squamata, Chamaeleontidae). Bull. Mus. natn. Hist. nat., Paris, 2 e sér., 41 (4) : 833-841. 1782 ÉDOUARD R. BRYGOO ET CHARLES A. DOMERGUE Mertens, R., 1966. — Liste der rezenten Amphibien und Reptilien. Chamaeleoniden. Tierreich, Lief. 83, juil. Mocquard, F., 1894. — Reptiles nouveaux ou insuffisamment connus de Madagascar. C. r. Soc. philom., Paris, 17 : 3-10. — 1900. — Diagnose d’espèces nouvelles de Reptiles de Madagascar. Bull. Mus. natn. Hist. nat., Paris, 6 : 345-348. Manuscrit déposé le 4 décembre 1973. Bull. Mus. natn. Hist. nat., Paris. 3 e sér., n° 267, nov.-déc. 1974, Zoologie 189 1769-1782. Achevé d’imprimer le 30 avril 1975. IMPRIMERIE NATIONALE 4 564 004 5 Recommandations aux auteurs Les articles à publier doivent être adressés directement au Secrétariat du Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Ils seront accompa¬ gnés d’un résumé en une ou plusieurs langues. L’adresse du Laboratoire dans lequel le travail a été effectué figurera sur la première page, en note infrapaginale. Le texte doit être dactylographié à double interligne, avec une marge suffisante, recto seulement. Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner un titre ; les tableaux compliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Bauchot, M.-L., J. Daget, J.-C. Hureau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionomie. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 2 e sér., 42 (2) : 301-304. Tinbergen, N., 1952. — The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées par an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. Ils pourront obtenir à leur frais des fascicules supplémentaires en s’adressant à la Bibliothèque cen¬ trale du Muséum : 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris.