BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie 2 N” 2 JANVIER-FÉVRIER 1971 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75-Paris, 5® Directeur : M. Vachon. Comité directeur : P^'s Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorsi. Rédacteur général ; M™® D. Grmek-Guinot. Secrétaire de rédaction : M™® P. Dupérier. Le Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l*"® série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2® série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3® série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Ecologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His- toire naturelle, 38, rue Geofîroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5® (C.C.P., Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5® (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 61, rue de Buffon, 75-Paris, 5®. En 1971, deux sections sont représentées : Zoologie (prix de l’abonnement : France, 96 F ; Etranger, 110 F). Sciences de la Terre (prix de l’abonnement : France, 24 F ; Étranger, 27 F). En 1972, paraîtront également les sections suivantes : Botanique, Sciences de l’Homme, Sciences physico-chimiques. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 3® série, n° 2, janvier-février 1971, Zoologie 2 Étude architectonique du rhombencéphale de Latimeria chalumnae Smith (Poisson, Crossoptérygien, Cœlacanthidé) Par Michel Lemire * Résumé. — Le rhombencéphale représente une portion relativement importante du système nerveux central du Cœlacanthe et, par sa disposition particulière, révèle plusieurs caractères « com¬ posites ». L’étude cyto- et myéloarchitectonique met en évidence la prépondérance du système de la ligne latérale : extension des lobes granulaires de l’aire latérale, développement des auricules cérébel¬ leuses et importance des connexions latéroauriculaires. Au contraire, les systèmes gustatif et vestibulaire montrent une nette diminution de leurs projections centrales. Par ailleurs, comme chez la plupart des Poissons, le développement du corps cérébelleux et du tractus spino-cérébelleux est en relation avec la taille corporelle. Summary. — The rhombencephalon is a relatively large part in the central nervous System of Latimeria and its disposition let out several “ composite ” characters. The cyto- and myelo- architectural analysis demonstrate the supremacy of the lateral-line System : extended area late- ralis, well-developed cerebellar auricles and very important tractus latero-auricularis. On the other side, the gustatory and vestibular Systems exhibit a certain diminution in their central areas and connections. The degree of development of the corpus cerebelli and of the tractus spino- cerehellaris is related to the enlarged body size. SOMMAIRE Abréviations des termes employés dans l’illustration. 42 I. — Introduction . 44 But de l’étude. 44 Matériel et méthodes. 44 Rappel de la structure anatomique du rhombencéphale de Latimeria . 44 A. Configuration du cervelet. 45 B. Configuration du bulbe rachidien. 48 II. — Etude cytoarchitectonique . 48 A. Le cervelet. 49 1° Structure histologique. 49 2° Les noyaux sous-cérébelleux. 50 3° Les éminences latérales et les proéminences granulaires cérébelleuses. 54 * Assistant au Laboratoire d’Anatomie comparée, Muséum national d’Histoire naturelle, 55, rue de Buffon, 75-Paris, 5®. 2 . 1 42 MICHEL LEMIRE B. Le ganglion isthmique. 54 G. Les groupements cellulaires du bulbe rachidien. 54 1° Les noyaux moteurs. 55 2® Les noyaux liés aux terminaisons sensibles. 5fi 3® Les noyaux de corrélation. 59 III. — E TUDF. MYÉI.OARCHITECTON'IQUE. 60 A. Les faisceaux cérébelleux. 60 l» Les faisceaux afférents. 60 2° Les faisceaux efférents. 68 Les faisceaux propres au cervelet. 70 13. Les faisceaux isthmiques. 70 1“ Les relations avec le mésencéphale. 71 2° Les relations avec le cervelet. 72 3*’ La décussation propre. 72 4° Les afférences et efîérences bulbo-spinales. 73 G. Les faisceaux de la moelle allongée. 74 1° Les tractus ascendants ou descendants des nerfs crâniens. 74 2“ Les faisceaux empruntant le tegmentum bulbaire à destination ou d’origine mésencéphalique ou diencéphalique. 79 3° Les trajectoires transversales.^. 80 IV. — Discussion. 82 A. Garactères architectoniques propres au Gœlacanthe. 82 1'’ Dispositifs liés au développement des auricules cérébelleuses. 82 2® Dispositifs liés au développement du corps cérébelleux. 83 3° Garactères liés au tegmentum rhombencéphalique. 88 4° Garactères liés aux « noyaux » de la région isthmique et sous-cérébelleuse. 88 B. Relations anatomo-biologiques. 88 1° Informations latérales. 89 2° Informations vestibulaires. 89 3° Informations gustatives. 90 4° Informations ne concernant pas directement le rhombencéphale. 90 5° Synthèse. 90 V. — Conclusion. 92 Bibliographie. 93 Abrévialiona des termes employés dans l’illustration A., auricule cérébelleuse. A.d., feuillet auriculaire dorsal. A.V., feuillet auriculaire ventral, aire oct.lat., aire octavo-latérale. br.conj.ant., brachium conjonctivum anterior. C., corps cérébelleu.x. c.granul., couche granulaire. c.moL, couche moléculaire. C.P., couche des cellules de l’urkinje. I coin.A., commissure auriculaire. I com.més.céréb., commissure mésencéphalo-cérébel- leuse. coin.interlob., commissure interlobaire (intra-auri- culaire). com.ist., commissure isthmique, com.sp.céréb., commissure spino-céréhellcuse. coin, vest.lat., commissure vestibulo-latérale. cr.céréb., crête cérébelleuse. RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 43 déçus.céréb.mot.ant., décussation traclus cérébello- moteur antérieur. déçus.céréb.mot.post., décussation tractus cérébello- moteur postérieur. déçus. « lem.lat. », décussation « lemniscus latéral ». déçus.sp.céréb.cr., décussation tractus spino-céré- belleux croisé. ém.granul., éminence granulaire. f.arq.int., fibres arquées internes. f.l.m., faisceau longitudinal médial. fsc.sol.VII, faisceau solitaire prévagal du nerf VII. gg.ist., ganglion isthmique. l.inf., lèvre inférieure. l.l.lat.ant., lobus linea lateralis anterior, « lem.lat. », « lemniscus latéral ». n.IV, nerf trochléaire. n.VIII, nerf vestibulaire. n.IX, nerf glossopliaryngicn. n.lat., nerfs latéraux (antérieur et postérieur), n.lat.ant., nerf latéral antérieur, n.lat.ant.r.d., nerf latéral antérieur rarnus dorsalis. n.lat.ant.r.v., nerf latéral antérieur ramus ventralis. n.lat.post., nerf latéral postérieur. n.mot.V, nerf moteur trijumeau, n.mot.VII, nerf moteur facial, n.mot.IX, nerf moteur glossopharyngien. n.mot.X, nerf moteur vague, n.opht., nerf ophtalmique superficiel, n.prof., nerf profond. n.sens.V, nerf sensible trijumeau, n.sens. et mot.V, racines sensible et motrice du nerf trijumeau. n.sens.VII, nerf sensible facial, n.sens. et mot.VII, racines sensible et motrice du nerf facial. n.sens.IX, nerf sensible glossopharyngien. n.sens. et mot.IX, racines sensible et motrice du nerf glossopharyngien. n.sens.X, nerf sensible vague. n.sens. et mot.X, racines sensible et motrice du nerf vague. iiov.III,IV,V,VI,VII, noyaux des nerfs III, IV, V, VI, VII. noy.céréb., noyau cérébelleux, noy.lat.cérél)., noyau latéral cérébelleux. noy.lat.V., noyau latéral valvulaire, noy.mot.V, noyau moteur du nerf trijumeau, noy.mot.VI, noyau moteur du nerf VI. noy.mot.VII, noyau moteur du nerf facial, noy.mot.IX, noyau moteur du nerf glossopharyn¬ gien. noy.mot.X, noyau moteur du nerf vague, noy.mot.tegm.ant., noyau moteur tegmental anté¬ rieur. noy.mot.tegm.post., noyau moteur tegmental pos¬ térieur. noy.prêt., noyau prétectal. noy.rét., noyau réticulaire, noy.rét.méd., noyau réticulaire médian, noy.rét.més., noyau réticulaire mésencéphaJique. noy.rét.sup., noyau réticulaire supérieur. « noy. » sens.VII, « noyau » sensible du nerf VII (centre primaire du goût). « noy. » sens.IX, « noyau » sensible du nerf glosso¬ pharyngien. « noy. » vest., « noyau » vestibulaire. pl.céréb.post., plaque cérébelleuse postérieure, pr.noy.r., primordium de noyau rouge, proém.granul.ant., proéminence granulaire anté¬ rieure. proém.granul.post., proéminence granulaire posté¬ rieure. r.més.V, racine méscncéphalique du nerf V. tr.céréb.ac.lat., tractus cérébello-acoustico-latéral. tr.céréb.bulb.rect., tractus cérébello-bulbaire direct, tr.céréb.mot., tractus cérébello-moteur. tr.céréb.mot.ant., tractus cérébello-moteur anté¬ rieur. tr.céréb.mot.post., tractus cérébello-moteur pos¬ térieur. tr.céréb.tect., tractus cérébello-tectal. tr.céréb.vest., tractus cérébello-vestibulaire. tr.gust.asc., tractus gustatif ascendant (tractus VII ascendant). tr.gust.desc., tractus gustatif descendant, tr.ist.bulb., tractus isthmo-bulbaire. tr.ist.céréb., traclus isthmo-cérébelleux. tr.lat.asc., tractus latéral ascendant, tr.lat.desc., tractus latéral descendant, tr.lobo.céréb., tractus lobo-cérébelleux. tr.més.céréb., tractus mésencéphalo-cérébelleux. tr.més.céréb.ant., tractus mésencéphalo-cérébelleux antérieur. tr.més.céréb.post., tractus mésencéphalo-cérébelleux postérieur. tr.oct.mot., tractus octavo-moteur. tr.oct.sp.cr., tractus octavo-spinal croisé, tr.ol.céréb., tractus olivo-cérébelleux. tr.ol.céréb.cr., tractus olivo-cérébelleux croisé, tr.sp.céréb., tractus spino-cérébelleux. tr.sp.céréb.cr., traclus spino-cérébelleux croisé, tr.sp.céréb.d., tractus spino-cérébelleux dorsal tr.sp.céréb.rect., tractus spino-cérébelleux direct, tr.sp.céréb.V., tractus spino-cérébelleux ventral, tr.sp.més., tractus spino-mésencéphalique. tr.tecto.bulb., tractus tecto-bidbaire. tr.tecto.bulb.cr., tractus tecto-bulbaire croisé, tr.tecto.bulb. et sp., tractus tecto-bulbaire et spinal confondus. tr.tecto.ist., tractus tecto-isthmique. tr.tecto.sp., tractus tecto-spinal. tr.tegm.céréb., tractus tegmento-cérebelleux (== tractus mésencéphalo-cérébelleux postérieur), tr.tegm.ist., tractus tegmento-isthmique. tr.trig.céréb., tractus trigémino-cérébelleux. tr.V asc., tractus ascendant du nerf V (ophtal¬ mique). tr.V desc., tractus descendant du nerf V (ophtal¬ mique). tr.VIII asc., tractus ascendant du nerf VIII. tr.VIII desc., tractus descendant du nerf VIII. V., valvule cérébelleuse. 44 MICHEL LEMIRE 1. — INTRODUCTION But de l’étude Lors de leurs études préliminaires, Millot et Anthony (1956 : 184) rapportent, à propos du métencéphale du Cœlacanthe, Latimeria chalumnae Smith, les quelques faits d’observations suivants : « L’existence d’un corps cérébelleux fort conséquent, évagination dorsale en forme de sac à parois très épaisses, nous paraît mériter une particulière considération. D’une part, elle tiendrait à faire admettre que les Latimeria sont des animaux moins sédentaires et des nageurs plus actifs que les conditions de capture inciteraient à penser. D’autre part, elle sépare nettement les Cœla¬ canthes à la fois des Polyptères et des Dipneustes dipneumones... » Ce court extrait exprime fort bien le but de notre recherche. Outre l’intérêt direct que peut susciter une telle étude anatomique, nous avons surtout tenté d’illustrer par des observations cyto-et myéloarchitectoniques les traits caractéristiques de cet étage encépha¬ lique. Puis, dans une optique différente, nous avons également essayé d’établir un paral¬ lèle entre les faits d’observations (anatomiques et histologiques) d’une part et les données biologiques (conditions de vie) en notre possession d’autre part. Matériel et méthodes L’étude suivante regroupe essentiellement les données microscopiques fournies sui¬ vant les trois plans orthogonaux de l’espace (sagittal, transversal et horizontal) par les échantillons suivants : Cœlacanthe C 10 pour les coupes transversales, C 3 pour les sections sagittales et enfin C 17 pour les coupes horizontales. En outre, nous avons pu procéder à certaines vérifications sur C 3 (hémi-sections transversales), C 11 (coupes horizontales du cervelet) et C 12 (coupes horizontales du bulbe). Les coupes ont été effectuées, après inclusion à la paraffine, à 10 ou 15 p. d’épaisseur. L’éventail des coupes a été coloré, dans sa presque totalité, à l’hémalun-éosine ou à l’héma- toxyline de Weigert. En outre, certaines sections ont été imprégnées au protéinate d’argent selon Bodian. Ces colorations permettent aisément une bonne étude topographique des centres nerveux ; néanmoins, il eut été préférable, pour le présent examen, d’y adjoindre des imprégnations argentiques de type Golgi-Cox ou Naiita-parafîine par exemple. Celles-ci auraient permis de définir avec beaucoup plus de certitude l’origine et la terminaison exactes de certains faisceaux. Rappel de la structure anatomique du rhombencéphale de Latimeria Avant d’aborder l’étude descriptive des divers dispositifs cyto- et myéloarchitecto¬ niques du rhombencéphale, il nous paraît bon de dresser un rapide aperçu des caractéris¬ tiques d’ensemble de l’encéphale de Latimeria. Ceci nous permettra de replacer dans un contexte plus général les relations entrevues pour le mét- et le myélencéphale. RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 45 Pour ce faire, il suffît de se reporter au tome II (Système nerveux et organes des sens) de r « Anatomie de Latimeria chalumnae » (Millot et Anthony, 1965). Latimeria tire son originalité d’un volume encéphalique remarquablement bas, faible par rapport à la capa¬ cité crânienne ; l’encéphale présente, dans sa simplicité, un développement harmonieux (p. 30-32). Le bulbe rachidien, pour sa part, semble conforme aux schémas courants chez les Poissons actuels, notamment dans la répartition des noyaux des nerfs crâniens. Au contraire, le cervelet apparaît plus singulier et, par divers caractères « composites », se rapproche tantôt d’un groupe, tantôt d’un autre. Il apparaît difficile de dissocier, chez Latimeria, de même que chez de nombreux Pois¬ sons, l’étude du cervelet de celle du bulbe rachidien. De plus, chez le Cœlacanthe, ces deux structures sont étroitement contiguës car le myélencéphale s’enfonce très loin sous le cer¬ velet. En outre, la liaison topographique et fonctionnelle intervenant entre auricules céré¬ belleuses et bulbe rachidien resserre ces liens d’interdépendance. Ces quelques données préliminaires étant énoncées, abordons maintenant l’observa¬ tion de l’architecture de l’étage rhombencéphalique. 1“ Configuration du cervelet a) Morphologie externe Le métencéphale dorsal du Cœlacanthe comprend deux parties proportionnellement aussi importantes : un corpus cerebelli, impair, et deux auriculae cerebelli. Le corps cérébelleux, renflé, forme un soulèvement dorsal très marqué de l’axe neural sans déborder néanmoins sur les régions avoisinantes (pl. I, A). En effet, vers l’avant, il s’adosse au mésencéphale sans recouvrir les lobes optiques. En arrière, il est prolongé par une lame horizontale épaisse et impaire ; la plaque cérébelleuse postérieure (pl. I, A), pars ?nedialis auriculi (Sélaciens, Buhckhardt, 1897 ; Voorhoeve, 1917). Il semble bien que cette dernière structure reliant les deux feuillets auriculaires supérieurs soit homologue à la « lèvre inférieure » (« lower lip », Kappers and al., 1936) des Chondrichthyens. Le corps cérébelleux paraît toutefois moins étendu sagittalement que celui des Sélaciens : le corpus proprement dit ne dépasse pas, vers barrière, le niveau de pénétration du nerf latéral anté¬ rieur. Sa surface est lisse, aucun sillon n’est visible et sa masse interne reste indivise (situa¬ tion des Sélaciens primitifs). De part et d’autre du corps cérébelleux s’étendent deux bourrelets latératix, ou auri¬ cules, très développés et largement décollés [sulcus para-auricularis très prononcé). Ils accompagnetit le corps cérébelleux sur toute son étendue. Chaque auricule est séparée en deux feuillets (pl. I, B), dorsal et ventral, par un profond sillon longitudinal analogue au sulcus inter-auricularis^ des Sélaciens (Voorhoeve, 1917). A leur extrémité rostrale, les deux feuillets, fusionnés, se détachent totalement du corps cérébelleux. Puis, au fur et à mesure qu’on les considère vers barrière, ils s’élargissent et s’individualisent l’un de l’autre. Ils se rattachent au corps cérébelleux sur toute la moitié postérieure de eelui-ci (pl. I, B). Peu après cette fusion, les deux feuillets se séparent : le feuillet dorsal reste soli- 1. Il conviendrait mieux d’ailleurs de dénommer ce sillon sulcus interloharis puisqu’il sépare les deux lobes auriculaires ipsi-latéraux. 46 MICHEL LEMIRE daire du corps et accentue l’évasement latéral de la plaque cérébelleuse postérieure (« lèvre inférieure »), le feuillet ventral se réduit plus rapidement et se prolonge eaudalement par le lobe latéral et la crête cérébelleuse qui coiffent, successiv'ement, l’extrémité de l’aile rhombencéplialique (pl. I, C). Ainsi, les Cœlacanthidés se séparent nettement, par la présence d’un corps cérébelleux largement développé, des Dipneustes dipneumones chez lesquels cette formation est réduite à une étroite bandelette surplombant le C[uatrième ventricule (Protopterus). Par son éva¬ gination dorsale très marquée, le corpus de Latimeria s’éloigne aussi de celui des Bracbio- ptérygiens [Polypterus) ou des Chondrostéens (Amia, Lepisosteus) qui est « invaginé ». En effet, chez ces derniers, le corps cérébelleux proprement dit ne représente que la plaque transversale postérieure, seule région visible superficiellement, alors que sa portion ros- trale, homologue à la valvule des Téléostéens (van der Horst, 1919, 1925, chez Polyp¬ terus ; Hocke Hoogenboom, 1929, chez Polyodon), plonge sous le tectum opticum. Par la possession concomittante d’un corps cérébelleux et d’auricides importantes, c’est des Ganoïdes que Latimeria se rapprocherait le plus, mais l’absence de valvule cérébelleuse l’en sépare nettement. Cette dernière situation, alliée à la présence des auriciiles, rappelle¬ rait donc plutôt celle des Sélaciens, quoique les lobes auriculaires soient encore plus déve¬ loppés chez Latimeria. Cette disposition particulière du cervelet des Cœlacarithidés permet à Millot et Anthony (1956ft) de qualifier le Cœlacanthe de Poisson « composite ». Pour notre part, nous verrons que l’étude des connexions fihrillaires permet de relever, chez Latimeria, une architecture nerveuse comparable à celle des autres Poissons et de rappro¬ cher sensiblement les Crossoptérygiens des Chondrichthyens et, dans une plus faible mesure, des Téléostéens. b) Morphologie interne Le cervelet surmonte l’espace losangique réservé au quatrième ventricule par écarte¬ ment des plaques alaires. La cavité bulbaire se prolonge à l’intérieur du corps cérébelleux par une fente sagittale, étroite mais profonde (pl. I, B), laquelle émet, au niveau du ratta¬ chement des auricules, deux diverticules latéraux, fentes transversales marquées. Ces dernières s’élargissent nettement au fur et à mesure de leur progression vers le toit céré¬ belleux (pl. II, B). A leur extrémité libre, elles se recourbent oralement d’une part et cau- Plan'che I. — Rhombencéphale de Latimeria chalumnae A, coupe sagittale du métencéphale (niveau S 32), X 6 (C 3) ; B, eoupe transversale à travers le corps céré- lielleux et les auricules (niveau T 192), X 6,2 (C 10) ; C, coupe transversale à travers la plaque céré¬ belleuse postérieure (niveau T 145), X 6,2 (C 10) ; D, structure histologique du cervelet, X 40 (C 10) ; E, aspect du « noyau » latéral cérébelleux indifférencié de Latimeria sur coupe sagittale, X 44 (C 3) ; F, autre aspect du « noyau » latéral cérébelleux indifférencié sur coupe transversale, X 50 (C 10). A.d., feuillet auriculaire dorsal ; A.v., feuillet auriculaire ventral ; C., corps cérébelleux ; c.m., couche moléculaire ; c.g., couche granulaire ; c.P., couche des cellules de Purkinje ; n.l.c., « noyau » latéral cérébelleux ; pl.c., plaque cérébelleuse postérieure ; V.m., diverticule ventriculaire médian ; V.l.a., diverticule ventriculaire latéral antérieur ; V.l.p., diverticule ventriculaire latéral postérieur ; V.t., diverticule ventriculaire transversal. VI, noyau du nerf VI ; A II, noyau moteur du nerf VII ; IX, noyau moteur du nerf IX ; rét., noyau réti¬ culaire ; n. Vil, nerf facial ; n. VIII, nerf vestibulaire ; n.l.p., nerf latéral postérieur ; n. IX, nerf glosso- pharyngien : n. X, nerf vague. RHOMBENCEPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 48 MICHEL LEMIRE dalement d’autre part et émettent ainsi, à leur tour, deux évaginations étroites, latérales et orientées presque sagittalement, l’évagination antérieure étant la plus marquée (pl. II, C). Ce système ventriculaire en forme de H (sur coupes horizontales) enserre ainsi deux masses paires de substance granulaire, antérieure et postérieure, délimitant ce que l’on peut nom¬ mer des « proéminences cérébelleuses » Le quatrième ventricule émet deux récessus latéraux très marqués qui séparent cau- dalement les deux feuillets aurieulaires (pl. I, C). Il communique rostralement non seule¬ ment avee la cavité mésencéphalique, mais aussi avec la fossa rhombomesencephalica. 2° Configuration du bulbe rachidien Le bulbe rachidien de Latimeria ne semble pas devoir révéler de particularités morpho¬ logiques marquantes. Il est repoussé assez loin en avant (Millot et Anthony, 1965 : 13) et se prolonge sous le cervelet, presque jusqu’au niveau le plus rostral de celui-ci. A cet endroit, le bulbe montre un net évasement qui souligne l’espace losangique du quatrième ventricule. Un second élargissement du tube neural, plus discret, affectant la forme d’une boutonnière, s’observe au niveau d’entrée des nerfs vague et latéral postérieur. Des ren¬ flements du tegmentum marquent l’arrivée des nerfs profond, trijumeau et facial avec lequel se confond l’ophtalmique superficiel. La section du bulbe va en s’élargissant au fur et à mesure de sa progression caudale ; sa forme tend alors à devenir cylindrique. 11 se prolonge postérieurement par la moelle crânienne repoussée, elle aussi, à l’intérieur du crâne et conduisant au foramen magnum. Notre étude architectonique du rhombencéphale de Latimeria sera divisée en deux parties : une observation cytoarchitectonique (répartition de la substance granulaire) et un examen myéloarchitectonique (relevé des trajectoires fibrillaires). IL — ÉTUDE CYTOARCHITECTONIQUE Dans cette étude descriptive, nous nous attacherons essentiellement à décrire l’exten¬ sion des masses nucléaires cérébelleuses et des différents noyaux sous-cérébelleux ou bul¬ baires d’une part et leurs rapports topographiques d’autre part. Ultérieurement, celle-ci pourrait être utilement complétée par l’adjonction de techniques cytoarchitectoniques (gallocyanine, violet crésyl ou bleu de toluidine par exemple) ou d’imprégnations argentiques permettant de fournir une analyse plus détaillée des types cellulaires. Nous verrons successivement les masses cellulaires du cervelet, puis le ganglion isth¬ mique (qui apparaît rattaché au cervelet) et enfin les noyaux du bulbe rachidien. 1. Ces « proéminences granulaires » ne sont pas du tout équivalentes des « proeminentiae granulares » rencontrées, par exemple, chez les Sélaciens, ces dernières s’étendant alors selon une bandelette longitudi¬ nale et n’ayant pas du tout la même valeur fonctionnelle. RHOMBENCEPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 49 Planche IL — Rhombencéphale de Latimeria chalumnae A, coupe horizontale ec le cervelet Holmgren et VAN DER HoRST (1925) notent, chez Neoceratodus, deux tractus isthmo- cérébelleux : le tractus isthmo-lateralis cruciatus et rectus reliant la ganglion de l’isthme au noyau latéral cérébelleux, et le tractus isthmo-cerehellaris cruciatus et rectus se rendant au corps cérébelleux. a) Tractus istlimo-céréhelleux (= tractus isthmo-cerebellaris rectus, Holmgren et van DER Horst (1925) De la terminaison caudo-dorsale de l’aire isthmique naît un faisceau assez dense de fibres. Celles-ci s’élèvent directement dans le corps cérébelleux, à la limite des couches granulaire et moléculaire (fig. 4). Elles formetit ainsi un tractus isthmo-cérébelleux direct se ramifiant autour des cellules de Purkinje. Ce dernier remonte assez haut à l’intérieur du corpus et se confond insensiblement avec le tractus mésencéphalo-cérébelleux, plus étalé qui lui fait suite postérieurement. Ce tractus isthmo-cérébelleux peut donc être considéré comme une dérivation particulière du tractus tegmento-céréhelleux. Ainsi, chez Latimeria, le ganglion isthmique s’interpose sur des parcours doublant certaines voies encéphaliques majeures. En effet, par l’intermédiaire des faisceaux tecto- isthmique, puis isthmo-cérébelleux, se constitue une seconde voie cérébelleuse afférente, d’origine mésencéphalique, relayant au niveau de l’isthme. b) Tractus isthmo-latéral (= tractus isthmo-lateralis, Holmgren et van der Horst, 1925) L’identification de ce faisceau est nettement plus problématique chez le Cœlacanthe. Quelques fibres paraissent s’échapper de l’extrémité supérieure du ganglion isthmique, peu avant sa fusion avec la pars granularis cérébelleuse, et traverser la ligne médiane pour aller au « noyau latéral cérébelleux » opposé. Mais ces fibres, très ténues et peu nombreuses, constituent plutôt un lacis se fondant dans le vélum medullare anterior. En aucun cas, nous ne pouvons parler de tractus isthmo-lateralis tel qu’lloLMGREN et VAN DER Horst l’observent chez Neoceratodus. Ce fait est à rapprocher encore une fois de la non-différenciation du « noyau sous-cérébelleux ». 3° La décussation propre Ija décussation isthmique contribue, pour une large part, chez Latimeria, à l’extension de la commissura ansulata. Au niveau de la terminaison caudale du tectum opticum, de RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 73 nombreuses fibres s’échappent de l’extrémité ventrale du ganglion isthmique pour longer la surface externe du tegmentum bulbaire, croiser la ligne médiane et rejoindre le ganglion symétrique (fig. 3). Ces fibres constituent une commissure inter-isthmique [cornmissura ganglii isthmi) puissante liant les deux ganglions. Les fibres les plus postérieures de cette commissure longent celles du tractus tecto-hidharis cruciatus. j_tr. céréb. mot. ant. Fig. 16. — Coupe sagittale, encore plus médiale, du rhombcncophale de Latimeria chalumnae montrant le tractus cérébello-moteur (niveau S 83), X 3/10. 4° Les afférences et efférences bulbo-spinales a) Tractus isthmo-bulbaire Il se peut que les fibres de la commissure isthmique correspondent à la portion la plus rostrale du faisceau isthmo-bulbaire croisé. En effet, de nombreuses fibres, transversales, s’échappent de l’extrémité postéro-ventrale du ganglion isthmique, immédiatement en arrière de celles de la commissure inter-isthmique (fig. 3). Ces fibres courent latéralement dans le tegmentum rhombencéphalique, très près de la surface externe, et se croisent sur la ligne médiane. Elles se regroupent ensuite en un faisceau longitudinal [tractus isthmo- bulbaris cruciatus) qui s’incorpore au tractus tecto-bulbaris cruciatus pour atteindre les étages caudaux de la moelle (fig. 4). 2 , 3 74 MICHEL LEMIRE Une partie de ces fibres reste incroisée et constitue un tractus isthmo-hulharis reclus qui court longitudinalement dans la moelle allongée, très près de la surface. Celui-ci s’incline pour côtoyer le tractus tecto-bulbaris reclus avec lequel il fusionne. b) Tractus gustatif ascendant Chez les Téléostéens possédant un système viscéro-sensible développé du nerf VII (Siluridés et Cyprinidés en particulier), un tractus gustatif secondaire a pu être suivi jus¬ qu’au noyau du même nom situé en arrière du ganglion isthmique et sur le bord ventro- externe du noyau latéral cérébelleux (Johnston, Hocke IIoogendoom). De même, chez Neoceratodus, Holmgren et van der Horst relèvent la présence d’un tractus gustatif antérieur qui se rend au noyau gustatif secondaire et dont une partie croise le plan sagittal médian, interconnectant ces deux noyaux. Chez Latimeria, le système gustatif ne semble pas montrer un tel développement (absence de noyau gustatif secondaire). Dès l’entrée du nerf VII dans le tegmentum bul¬ baire, s’individualise un faisceau ascendant longitudinal de fibres gustatives secondaires (fig. 9). Celui-ci se tient très près de la surface ventriculaire, longeant le bord médial du tractus vestibulaire ascendant. Son épaisseur diminue sur les coupes plus rostrales. Il peut être suivi jusqu’au niveau du rattachement des lobes auriculaires sur le corps cérébelleux, légèrement en retrait des fibres vestibulaires (fig. 7). Il ne semble donc pas que le tractus gustatif ascendant puisse atteindre la région du ganglion isthmique (situation décrite par Burr, 1928, chez Orthagoriscus mola). Chez le Cœlacanthe, les fibres gustatives antérieures se perdraient alors dans le tegmentum bulbaire. De même il paraît peu probable qu’elles puissent se distribuer au feuillet auriculaire ventral. Le système gustatif révèle ainsi un net affaiblissement chez Latimeria, affaiblissement plus marqué encore que celui du système vestibidaire. C. Les faisceaux de la moelle allongée Pour l’examen des nombreux faisceaux empruntant la moelle allongée nous envisa¬ gerons successivement : — les tractus ascendants ou descendants des nerfs crâniens ; ceux-ci ont déjà été envisagés, en partie, lors de l’étude des connexions cérébelleuses ; — les faisceaux traversant le tegmentum rhombencéphalique et ayant une origine ou une destination di- ou mésencéphalique ; — enfin les trajectoires transversales : fibres arquées internes ou décussations intervenant à l’intérieur du tegmentum bulbaire. 1° Les tractus ascendants ou descendants des nerfs crâniens a) Nerf trijumeau Le nerf V naît du tegmentum mésencéphalique par trois faisceaux nettement séparés à leur sortie du névraxe : le nerf profond, s’échappant du bulbe dès la naissance de la plaque cérébelleuse postérieure, puis le tronc sensitivo-moteur du trijumeau (fig. 8) et enfin le nerf ophtalmique superficiel avec ses nombreuses racines auxquelles se mêlent des fibres RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 75 issues du nerf latéral antérieur et les fibres viscéro-sensibles les plus antérieures du nerf facial (fig. 9). La racine mésencéphalique du nerf V naît d’une file médiane de volumineuses cellules situées au-dessus du toit du troisième ventricule, dans les deux tiers postérieurs du mésen- ccphale. Les fibres qui s’en échappent se dirigent caudalement et courent longitudinale¬ ment, à la limite interne de la substance blanche mésencéphalique. Au niveau de la decus- satio veli, elles se coudent à angle droit vers l’extérieur et prennent alors une direction trans¬ versale. Puis, elles se recourbent à nouveau pour contourner l’angle ventriculaire et péné¬ trer dans le tegmentum bulbaire (fig. 4). Elles cheminent alors longitudinalement jusqu’au Fig. 17. — Coupe horizontale du rhombencéphale de Latimeria chalumnae (Cœlacanthe 12) intéressant la commissure de la plaque cérébelleuse postérieure (niveau H 306), x 3/10. niveau de l’émergence du tronc du trijumeau. Le faisceau aplati ainsi formé occupe tou¬ jours une position très superficielle, près de la paroi ventriculaire, sur le côté interne du sillon de His (fig. 5, 6). Au niveau de la sortie du tronc du V, il se recourbe ventralement pour participer à l’émission de fibres. Le nerf profond pénètre séparément dans le tegmentum et un peu plus latéralement que le tronc du trijumeau. Les deux racines, motrice et sensitive, du trijumeau sont distinctes dans l’épaisseur du rhombencéphale mais s’intriquent lors de leur sortie. Les cellules d’origine du nerf V moteur sont de grands neurones s’étendant très près de la paroi 76 MICHEL LEMIRE ventriculaire. Elles forment un ruban allongé dans lequel aucune subdivision ne semble visible, à l’encontre des Téléostéens (fig. 16). Le nerf ophtalmique superficiel pénètre dans le rhombencéphale par de nombreuses racines, côtoyées, du côté dorsal, par le nerf latéral antérieur et, du côté ventral, par le nerf VII (fig. 9). Des racines ophtalmiques se détache un volumineux faisceau longitudinal descendant (tractus descendant du nerf V ophtalmique) qui court dans le tegmentum bulbaire paral¬ lèlement au tractus latéral postérieur ascendant et sur le bord médial de celui-ci (fig. 10). Plus loin, il en est séparé par la racine du nerf latéral postérieur. Ce faisceau s’amincit vers l’arrière et perd son individualité peu après l’arrivée des nombreuses racines du nerf X. Les fibres ascendantes de l’ophtalmique superficiel se mêlent au tractus latéral ascendant (fig. 9, 10). b) Nerf moteur oculaire externe Le nerf VI quitte le rhombencéphale par de nombreuses racines assez fines tirant ori¬ gine d’un long noyau cellulaire diffus, discontinu, regroupant de grands neurones épars et s’étirant longitudinalement au fond du sillon limitant les colonnes viscéro- et somato- motrices, le plus souvent assez près de la surface ventriculaire. c) Nerf facial La racine sensible du facial pénètre dans le tegmentum au-dessous du nerf latéral antérieur pars çentralis et des racines de l’ophtalmique superficiel et immédiatement en avant de l’émergence du nerf VIII. Ses fibres, nettement plus fines, se distinguent aisément des autres racines (fig. 9). Dès leur entrée, les filets radiculaires du facial traversent toute la moelle allongée pour se jeter dans la colonne viscéro-sensible. Près de la paroi ventricu¬ laire, une partie des fibres se recourbent à angle droit pour se diriger longitudinalement vers les régions caudales du bulbe. Elles forment ainsi un faisceau solitaire prévagal nette¬ ment protubérant dans le ventricule (fig. 10). Ce faisceau s’étire postérieurement sur une courte distance jusqu’à son noyau situé peu avant celui du nerf IX. Ce noyau regroupe quelques cellules ganglionnaires situées au fond du sillon ventriculaire limitant les colonnes viscéro- et somato-sensibles. 11 borde la face ventrale du noyau vestibulaire, dans la moitié postérieure de celui-ci. Les fibres du nerf facial (ou une partie de celles-ci) ne semblent pas devoir se constituer en un faisceau préfacial solitaire tel que Derrick (1925) l’a décrit chez Amblystoma. Une partie des fibres radiculaires du nerf Vil semble se dichotomiser dans le tegmen¬ tum avant d’atteindre la surface ventriculaire. Ainsi, s’échappe, vers l’arrière, une racine descendante du facial (tractus gustatif descendant), reconnaissable à ses fibres plus fines et courant longitudinalement dans la moelle allongée (fig. 10-12). Elle est située au fond du sillon séparant les colonnes viscéro- et somato-sensibles et côtoie le bord ventral du tractus descendant du nerf VIII ainsi que le bord dorso-médial de la racine descendante (ophtalmique) du nerf V. Ce tractus descendant du nerf VII se termine au niveau des pre¬ mières racines du nerf X dans un modeste noyau granulaire ovoïde décrit précédemment comme un centre primaire du goût (fig. 13). Vers l’avant est émis un tractus gustatif ascendant qui court longitudinalement sur le bord médial du tractus ascendant du nerf VIII (fig. 8). Il semble se distribuer au tegmentum bulbaire, sans noyau précis de terminaison (voir relations du ganglion isthmique). RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 77 d) Nerf vestibulaire Le nerf VIII pénètre dans le tegmentum bulbaire au niveau de la volumineuse saillie déterminée par l’aire latéro-vestibnlaire. L’origine apparente du nerf se place immédiate¬ ment après celle du facial, en arrière et au-dessus des fil)res VII les plus postérieures. Les fdires du nerf vestiljulaire, très nombreuses, se distinguent difficilement des racines les plus caudales du nerf latéral antérieur pars ventralis. Elles se rendent directement au noyau vestibulaire situé près de la paroi ventriculaire, sur le bord latéro-externe du sillon limitant . proem.granul. ant. pproém.granul. post. _tr. mes. ceréb. I I 1 Lcr cérèb. I LI. I. lat. ant. I_ c. mol. I I I I . com. vest. lat. I ' I Ltr cereb. mot. I Ltr. !al. asc. Fig. 18. — Coupe horizontale du rhombencéphale de Latimeria chalumnae (Cœlacanthe 12), plus dorsale que la précédente, montrant la commissure vestibulo-latérale (niveau H 344), X 3/10. les colonnes somato- et viscéro-sensibles (fig. 10, 11). Une partie des fibres vestibulaires se ramifie à l’intérieur du noyau, constituant ainsi deux racines longitudinales qui courent parallèlement au tractus latéral (ascendant ou descendant) et dorso-médialement à ce dernier. Le tractus ascendant du nerf VIII peut être suivi, assez près de la surface ventri¬ culaire (fig. 7), jusqu’au niveau de la terminaison caudale du feuillet auriculaire ventral dans lequel la majorité des fibres se perd (tractus vestibulo-cérébelleux). Le tractus descendant du nerf VIII s’étire longitudinalement, sur le bord externe du sillon somato-viscéro-sensible et dorsalement au faisceau descendant du nerf VII (fig. 11 78 MICHEL LEMIRE - 13). Plus en arrière, il se place immédiatement sous la crête cérébelleuse, prenant un aspect plus net et recevant quelques fibres latérales postérieures. De nombreuses fibres secondaires s’échappent transversalement, comme fibres arquées externes ou internes, du tegmentum bulbaire, au niveau ou peu après l’entrée des racines du nerf X. e) Nerfs latéraux Le nerf latéral antérieur présente, comme il est habituel, deux branches : le nerf latéral antérieur pars dorsalis qui est annexé à l’ophtalmique superficiel, et le nerf latéral antérieur pars çentralis qui se rend au facial. Les deux racines pénètrent le tegmentum rhombencé- phalique au même niveau que le nerf VIL La branche dorsale entre dans la moelle immé¬ diatement sous la crista cerebeüaris, longe le bord médial de celle-ci pour se jeter dans la terminaison caudale du hbus linea lateralis anterior (fig. 9). La racine ventrale est séparée de la pars dorsalis par les fibres de l’ophtalmique superficiel ; elle pénètre, par conséquent, à nn niveau plus ventral de la moelle allongée. Le nerf latéral postérieur ne présente pas de racines séparées et pénètre dans le tegmen¬ tum bulbaire au-dessus et immédiatement en arrière du nerf IX sensoriel (fig. 12). Il pos¬ sède une structure simple : ses racines se dichotomisent en deux branches, frontale et cau¬ dale, qui courent longitudinalement dans la moelle allongée, sur le bord ventro-médial de la crista cerebeüaris. Le tractus latéral postérieur ascendant remonte assez loin rostralement sous la crête cérébelleuse (fig. 12). Il reçoit, au niveau de l’entrée du nerf latéral antérieur, de nombreuses fibres constituant le faisceau ascendant du nerf latéral antérieur pars çentralis (fig. 9). Puis, les deux faisceaux indivis montent longitudinalement vers les auricules cérébelleuses. Le tractus latéral ascendant émet des prolongements vers le lohus linea lateralis anterior, surtout dans la partie rostrale de celui-ci, puis vers le feuillet auriculaire ventral. Lors dn rattachement des deux lobes auriculaires, le faiseeau se recourbe en une bande longitudinale à la base du feuillet auriculaire dorsal (fig. 14). Le tractus latéral auriculaire supérieur se dirige caudalement le long du bourrelet avant de disparaître (voir tractus latéral ascendant cérébelleux). De même, les nerfs latéraux émettent un tractus descendant qui court dans la moelle allongée, mais sur un trajet généralement plus réduit. Au niveau de l’entrée du nerf X, le faisceau latéral descendant perd son individualité après un parcours longitudinal sous le bord ventro-médial de la crista cerebeüaris (fig. 13). Il forme alors un faisceau commun avec les fibres du nerf VIII. f) Nerf glossopharyngien Le nerf IX pénètre dans le rhombencéphale immédiatement en arrière du nerf latéral postérieur. Les fibres motrices s’échappent de la terminaison antérieure d’un long amas cellulaire situé dans la colonne viscéro-motrice et donnant surtout naissance au nerf X moteur. Au même niveau, les racines sensibles traversent obliquement le tegmentum pour se rendre au petit noyau sensible du IX, sis à la terminaison caudale du fasciculus solitarius. La plupart de celles-ci côtoient le bord dorsal du tractus descendant du nerf V, mais quelques- unes le contournent par sa face ventrale. RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 79 g) Nerf vague Les noyaux, moteur et sensible, du nerf X font suite, sans interruption, aux noyaux similaires du nerf IX et émettent de nombreuses racines (16-24). 2“ Les faisceaux empruntant le tegmentum bulbaire à destination ou d’origine mésencéphalique ou diencéphalique Nous distinguerons essentiellement : le tractus spino-mésencéphalique d’ÉniNGER, doublé peut-être d’un tractus spino-thalamique, le tractus tecto-bulbaire ou tecto-spinal, doublé d’un tractus isthmo-bulbaire ou isthmo-spinal, le lemniscus acoustico-latéral et, enfin, le faisceau longitudinal médial. a) Tractus spino-mésencéphalique Le tractus spino-mesencephalicus s’élève à travers tout le tegmentum rhombencépha- llque jusqu’au tectum opticurn dans lequel ses fibres s’épanouissent. Faisceau puissant, il occupe une position assez ventrale et para-médiane sur les coupes les plus postérieures du bulbe et surmonte le tractus tecto-spinal (fig. 11). Il tend à devenir plus latéral à l’aplomb du corps cérébelleux pour monter franchement latéralement à la terminaison rostrale de ce dernier (fig. 4). Finalement, les fibres spino-mésencéphaliques s’étalent en éventail sur les marges du toit optique. b) Tractus spino-thalamique Il existe vraisemblablement, chez Latimeria, une voie spino-thalamique directe (Mil- lot et Anthony, 1955 : 16). Millot et Anthony ont pu observer l’épanouissement de ce faisceau dans la région diencéphalique. En effet, sur des coupes transversales antérieures au cervelet, quelques fibres spino-thalamiques semblent se regrouper immédiatement au-des¬ sous du faisceau longitudinal médial. A des niveaux plus postérieurs, ce tractus spino-tha¬ lamique s’incorpore totalement au tractus spino-mésencéphalique. c) Tractus tecto-bulbaire et tecto-spinal De la région caudo-latérale des lobes optiques, naissent des fibres essentiellement trans¬ versales qui s’échappent latéralement du tectum pour se grouper en un faisceau important, lequel descend à travers tout le tegmentum bulbaire. La plupart des fibres sont croisées, la décussation intervenant en même temps que celle de la commissure inter-isthmique, légèrement en arrière de celle-ci (fig. 4). Après croisement, les fibres se regroupent en un faisceau qui tourne longitudinalement pour courir dans la moelle allongée en position ventro- médiale [tractus tecto-bulbaris ou tecto-spinalis cruciatus). Une plus faible proportion de fibres tournent longitudinalement avant le croisement constituant ainsi un tractus tecto- bulbaris ou tecto-spinalis reclus s’inscrivant très près de la surface externe tegmentale, accolé ventralement au tractus tecto-bulbaire croisé et situé toujours plus latéralement que ce dernier (fig. 4). Les motoneurones du nerf VI et leurs terminaisons axonales tendent plus ou moins à séparer les fibres tecto-bulbaires (ou spinales) croisées des fibres directes. Il apparaît malaisé d’isoler un tractus tecto-spinal d’un tractus tecto-bulbaire, aucune séparation ne paraissant intervenir distinctement. 80 MICHEL LEMIRE d) Tractus isthmo-bulbaire et isthmo-spinal Le faisceau isthmo-bulbaire et isthmo-spiiial naît de l’extrémité postérieure de l’aire isthmique (fig. 3) pour s’allonger veiitralement près du tractus tecto-bulbaire avec lequel il ne tarde pas à se confondre (voir relations du ganglion isthmique). e) Faisceau longitudinal latéral (ou tractus octavo-lateralis ou encore lemniscus acoustico- lateralis) Du bord interne du lobe antérieur de l’aire latérale [lobus linea lateralis anterior) s’échappent de nombreuses fibres transversales qui s’étendent immédiatement sous le plan¬ cher ventriculaire et se rendent au faisceau longitudinal médial (tractus octavo-moteur). Vers la terminaison rostrale du lobe latéral antérieur, celles-ci n’atteignent pas le faisceau longitudinal médial, mais se regroupent en un tractus longitudinal latéral qui se dirige vers les étages antérieurs (fig. 7). Dès la constitution de ce faisceau, de nombreuses fibres croisent le plan sagittal en contournant ventralement le faisceau longitudinal médial (fig. 7). Le faisceau longitudinal latéral se dirige jusqu’au tegmentum mésencéphalique, bordé ventralement par le tractus spino-mésencéphalique. Vers sa terminaison rostrale, il monte dorso-latéralement dans l’aile tegmentale (fig. 4) pour se distribuer finalement à la région sous-tectale. f) Faisceau longitudinal médial En dehors des faisceaux tecto-spinaux, la plupart des fibres motrices descendantes empruntent le faisceau longitudinal médial. Celui-ci constitue l’une des voies majeures du tegmentum bulbaire. Il semble provenir, en partie, de grands motoneurones situés dans la partie antérieure du tegmentum mésencéphalique. Les fibres longitudinales se regroupent sous le plancher ventriculaire, à proximité immédiate du plan sagittal médian. Le fais¬ ceau s’accroît au cours de son trajet d’un certain nombre de contributions, notamment d’un apport cérébello-nioteur au niveau de la terminaison caudale du corps cérébelleux (fig. 6, 7), puis d’un apport octavo-moteur à l’aplomb de la plaque cérébelleuse (fig. 8), et enfin de divers apports réticulaires provenant des cellules disséminées tout au long du teg¬ mentum bulbaire. Sur les coupes transversales les plus postérieures, le faisceau longitudinal médial, très puissant, occasionne une volumineuse saillie au plancher du quatrième ventri¬ cule (fig. 12). 3° Les trajectoires transversales Nous distinguerons successivement : les fibres arquées, puis les décussations à travers le plan sagittal. a) Fibres arquées internes ou externes De l’angle inféro-interne du lobe antérieur de faire latérale s’échappent de nombreuses fibres transversales qui descendent, immédiatement sous le plancher ventriculaire, en direc¬ tion du faisceau longitudinal médial qu’elles pénètrent (fig. 7, 8). Ces fibres forment un tractus octavo-motorius réparti sur une assez grande longueur encéphalique. Elles se distri- RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 81 buent aux régions postérieures de la moelle allongée par l’intermédiaire du faisceau longi¬ tudinal médial. Une seconde trajectoire transversale importante apparaît liée à ce même lobe anté¬ rieur de l’aire latérale. Elle consiste en fibres arquées internes, nombreuses, qui s’échappent de l’extrémité caudale du lobus linea lateralis anterior ainsi que du lobus linea lateralis posterior. Ces fibres traversent le tractus vestibulaire ascendant puis s’épanouissent au sein du tegmentum bulbaire, plus profondément que le tractus octavo-moteur (fig. 8). Elles forment un tractus octavo-spinalis, analogue à celui rencontré chez les Sélaciens (Kappeks, Huber et Crosby, 1936). Certaines fibres franchissent ventralement le plan sagittal médian [tractus octa^’o-spinalis cruciatus). Au niveau d’entrée du nerf X se remarquent quelques fibres arquées internes (fig. 12, 13). Celles-ci pourraient correspondre à des fibres gustatives secondaires (Burr, 1928 : Orthagoriscus mola) : elles prennent origine dans le noyau ovoïde marquant la terminai¬ son du tractus gustatif descendant et courent au sein du tegmentum dans lequel elles se perdent. Elles sont accompagnées, ou prolongées, plus près du plan médian, par les fibres spino-cérébelleuses et olivo-cérébelleuses croisées (celles-ci occupant une position plus ventrale). Nous n’avons pu mettre en évidence, chez le Cœlacanthe, un tractus réticulo-spinal tel que l’observe Burr (1928) chez le Poisson-Lune. Ce fait semble lié à la discrétion des formations réticulaires infiltrant le tegmentum rhombencéphalique de Latimeria. En plus de ces quelques trajectoires transversales, il faut noter un certain nombre de décussations, limitées à la proximité immédiate du plan sagittal médian et entrevues déjà, pour la plupart, lors de la description des faisceaux précédents. b) Décussations Marquant la limite rostrale du métencéphale, l’ascension du nerf trochléaire intervient immédiatement sous la decussatio çeli. Les fibres du nerf IV sortent de la région mésencé- phalique la plus postérieure puis montent obliquement dans le tegmentum pour contourner l’angle ventriculaire latéral. Là, elles se recourbent transversalement en direction du plan sagittal médian pour parvenir sous la decussatio veli, sans se croiser. Le croisement de la majeure partie des fibres intervient au fond de la fissure rhombencéphalique, donc à la sortie delà decussatio çeli (fig. 3). Immédiatement en arrière, le passage transversal du nerf IV est suivi par celui de la racine mésencéphalique du nerf V, celle-ci empruntant sensiblement la même voie. La commissure inter-isthmique, puissante, déjà décrite (voir relations du ganglion isthmique) longe la paroi ventrale du tegmentum (fig. 3). Au niveau du rattachement des auricules sur le névraxe se remarquent, immédiate¬ ment sous le faisceau longitudinal médial, les fibres croisées du brachium conjonctiçum anterior (fig. 4). Elles forment un V ouvert dont les deux branches pénètrent les faisceaux longitudinaux médiaux. La décussation du tractus cérébello-moteur prolonge, sans interruption, celle du brachium conjonctioum (fig. 5-8) et occupe la même position (sous le faisceau longitudinal médial). Elle surmonte le croisement, nettement plus ventral (fig. 6), des fibres spino-céré¬ belleuses (voir tractus cérébello-moteur postérieur et spino-cérébelleux). La décussation précédente est relayée par celle des fibres octavo-motrices dont cer- 82 MICHEL LEMIRE taines franchissent le plan sagittal médian pour se jeter dans le faisceau longitudinal médial opposé. La portion la plus postérieure de cette décussation surmonte le croisement, plus ventral (fig. 8), des fibres octavo-spinales (voir tractus octavo-moteur et octavo-spinal). Enfin, au niveau du nerf X, nettement séparé de la longue succession de décussations précédentes plaquées contre le faisceau longitudinal médial s’observe le croisement, nette¬ ment plus ventral, des fibres olivo-cérébelleuses, croisement circonscrivant l’olive bul¬ baire (fig. 13). IV. -- DISCUSSION En guise d’interprétation de cette étude, nous tenterons d’apprécier le degré de dévelop¬ pement des diverses voies de conduction des informations sensorielles et d’évaluer l’impor¬ tance fonctionnelle relative de tel ou tel sens chez le Cœlacanthe. Il faut remarquer que nous dépassons alors les bases essentiellement anatomiques pour envisager un schéma d’ordre biologique, nécessairement plus hypothétique. Tout d’abord, nous essaierons de regrouper les diverses observations anatomo-histo¬ logiques en les classant suivant certains caractères ou variations qui paraissent propres au Cœlacanthe. Ensuite, nous verrons quels rapprochements peuvent être effectués entre ces caractéristiques anatomiques et les données écologiques en notre possession. A. Caractères architectoniques propres au Coelacanthe Un examen morphologique externe, même rapide, permet aisément de cerner la carac¬ téristique structurale marquante des Cœlacanthidés que l’on peut résumer, avec Millot et Anthony (1965), en ces quelques termes : « ... une harmonieuse construction ». En effet, Lalimeria se singularise par la possession, simultanée, de deux bourrelets auriculaires nette¬ ment accusés et d’un corps cérébelleux lui-même bien développé. Ce caractère, tout en s’inscri¬ vant dans une construction d’ensemble tout à fait classique, introduit la notion de « ten¬ dances composites » dont nous avons déjà fait état. Mais, pour notre part, nous nous inté¬ resserons plus particulièrement aux dispositifs en relation avec l’accroissement des auri- cules latérales d’une part et avec le développement du corps cérébelleux d’autre part. Dispositifs liés au développement des auricules cérébelleuses Le développement des auricules cérébelleuses du Cœlacanthe rappelle, nous l’avons vu, les Sélaciens et, comme chez ces derniers, semble lié essentiellement à la prépondérance du système latéral. En effet, si l’examen des noyaux des nerfs crâniens du Cœlacanthe révèle un schéma tout à fait classique, il laisse entrevoir cependant un développement important des lobes granulaires de l’aire latérale, du lobe antérieur notamment. La disposition observée chez hatimeria se rapproche sensiblement de celle de Neoceratodus, telle que la décrivent Holm- GREN et VAN DER HoRST (1925). De même, le développement du système latéral chez les RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 83 Sélaciens est révélé par l’hypertrophie de la zone dorsale de la moelle allongée en un lobus linea lateralis dont le noyau dorsal se prolonge jusqu’au métencéphale par l’intermédiaire de l’auricule inférieure tout comme chez Latimeria. Chez les Cœlacanthidés, le système latéral semble montrer, en outre, une nette extension par rapport aux autres systèmes sensoriels. L’étude myéloarchitectonique confirme cette prédominance des influx latéraux. En effet, les tractus vestibulaire ascendant et gustatif antérieur apparaissent beaucoup plus discrets, non seulement par la finesse de leurs fibres, mais surtout par le moindre déve¬ loppement des faisceaux. Ce fait semble révéler une certaine faiblesse des projections acoustiques et gustatives vis-à-vis des informations statiques latérales. D’autre part, elle permet de référer le développement des lobes auriculaires à la collecte de ces influx sensibles majeurs pour l’encéphale postérieur (le tractus latéral ascendant se distribuant aux auricules cérébelleuses, supérieures notamment). 2° Dispositifs liés au développement du corps cérébelleux Le développement des lobes auriculaires est indépendant de la taille de l’individu (il est uniquement fonction de la prédominance des informations vestibulo-latérales) ; la taille du corpus croît au contraire avec la taille corporelle tel que l’ont révélé les varia¬ tions remarquables du corps cérébelleux chez les Sélaciens (Voorhoeve, 1917) ; ce fait semble lié à la réception des influx somato-sensibles généraux, véhiculés par les tractus spino-cérébelleux et olivo-cérébelleux (Voorhoeve, 1917 ; Kappers, 1921). Chez Latimeria, si les auricules apparaissent dominées par les afférences statiques des nerfs latéraux, le corpus reçoit pour sa part deux types d’informations : l’un d’origine antérieure, l’autre d’origine postérieure. Ces influx sont transmis d’une part par le tractus mésencéphalo-cérébelleux et d’autre part par le tractus spino-cérébelleux, ces deux tractus représentant, chez le Cœlacanthe, des faisceaux cérébelleux majeurs au même titre que ceux du système latéral. Le développement du système spino-cérébelleux dorsal rapproche les Cœlacanthidés des Chondrichthyens mais la puissance du tractus tegmento-cérébelleux les place, au contraire, près des Téléostéens et Holostéens, en dépit de l’absence de valvule cérébelleuse et des noyaux qui s’y rattachent. Nous l’avons déjà remarqué, des études menées chez les Mormyridés essentiellement ont montré qu’il existait une corrélation positive entre la taille du tractus mésencéphalo-cérébelleux postérieur (= tractus tegmento- cérébelleux) et le degré de développement ou de différenciation du système latéral. Le cervelet du Cœlacanthe apparaît donc dominé, tant dans le corpus que dans les lobes auri¬ culaires, par des systèmes de connexions latérales, primaires ou secondaires, et de corréla¬ tion statique. Il faut ajouter, en outre, aux influx de provenance antérieure directe, des impulsions véhiculées par l’intermédiaire du ganglion isthmique (tractus tecto- et tegmento- isthmique et tractus isthmo-cérébelleux). En effet, sa situation privilégiée fait du ganglion de l’isthme un centre relais sur la voie cérébelleuse afférente mésencéphalique. Mais, quoique l’extension topographique de ce ganglion paraisse grande chez Latimeria, ses connexions ne sont que des dérivations secondaires. Pour sa part, le développement du système spino- cérébelleux semble répondre à un accroissement des influx somato-sensibles généraux, accroissement qui va de pair avec celui de la taille corporelle. Chez Latimeria, Poisson de grande taille, il n’est donc pas étonnant d’observer un tractus spino-cérébelleux puissant. 84 MICHEL LEMIRE RHOMBENCEPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 85 86 MICHEL LEMIRE Fig. 20. —■ Architectonique comparée du métencéphale de différents Poissons (connexions efférentes). A : Chondrichthyens (d’après Wallenberg, 1907 ; Kappers, 1926,1936) ; B : Crossoptérygiens [Latimeria] ; RHOMBENCEPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 87 , Lnoy. III noy. ret. mes. C : Téléostéens et Holostéens. (D’après Franz, 1911 ; Tuge, 1935 ; Kappers, 1936 ; Pearson, 1936) D : Dipneustes (Neoceratodus^ d’après Holmgren et van der Horst, 1925). 88 MICHEL LEMIRE 3° Caractères liés au tegmentum rhornbencéphalique De même qu’à l’étage cérébelleux, se remarque le net développement des tractus et noyaux liés à la prédominance du système de la ligne latérale alors que les faisceaux d’origine vestibulaire et gustative restent beaucoup plus discrets. En outre, il faut noter que les tractus ascendant et descendant du nerf V semblent essentiellement dus à la pré¬ sence de l’ophtalmique superficiel, lequel renferme un apport latéral important (Millot et Anthony, 1965 : 84). La prédominance des informations latérales s’appliqtie ainsi à un domaine sensoriel encore élargi, puisque, chez Latimeria, le nerf trijumeau présente cette disposition archaïque qu’est l’innervation sensible d’une partie des canaux latéraux céphaliques. Par contre, l’absence d’un tractus trigémino-cérébelleux individualisé laisse supposer un certain affaiblissement des projections somato-sensibles générales du triju¬ meau. 4° Caractères liés aux « noyaux » de la région isthmique et sous-cérébelleuse Un fait remarquable réside dans le moindre dévelo])pement, chez Latimeria, des noyaux sous-cérébelleux (noyau latéral cérébelleux véritable et noyau gustatif secondaire anté¬ rieur). L’affaiblissement très net des structures nucléaires gustatives concourt à la réduc¬ tion du tractus ascendant du nerf VIL Chez les Cœlacanthidés, nous sommes donc loin de l’extension des informations gustatives, propre aux Cyprinidés par exemple. Nous ver¬ rons que ce fait concorde bien avec les observations faites dans le domaine périphérique. Pour sa part, l’absence de noyau latéral cérébelleux véritablement différencié chez Latimeria est à rapprocher d’une faiblesse sensible des inqmlsions cérébello-motrices à destination mésencéphalique. Il est remarquable de constater que les afférences tegmen- tales sont, au contraire, particulièrement développées chez le Cœlacanthe, rappelant nette¬ ment la disposition des Téléostéens. Ce fait dénote, chez Latimeria, une intervention corré- latrice importante du mésencéphale dans la fonction statique alors que l’action en retour du cervelet sur les centres mésencéphaliques paraît, à l’encontre, plutôt restreinte. Ce caractère correspond-il à une disposition archaïque dans laquelle le cervelet serait la « plaque tournante » des influx sensoriels, à l’exception des influx olfactifs et visuels alloués aux étages encéphaliques plus antérieurs, ou bien, au contraire, est-il la marque d’une spécialisation poussée (annexion des diverses informations sensorielles au profit des influx latéraux dominants) conditionnée elle-même par l’habitat ? B. Relations anatomo-biologiques Nous voyons que les données anatomo-histologiques s’accordent bien entre elles et définissent une certaine « tendance physiologique » des Cœlacanthidés. Ces faits apparaissent particulièrement instructifs si l’on compare les observations effectuées au niveau encépha¬ lique et celles faites dans le domaine périphérique, notamment dans la répartition des fibres nerveuses périphériques et dans l’étude anatomique des divers centres récepteurs. RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 89 Nous nous intéresserons plus particulièrement aux informations sensorielles ayant trait à l’étage encéphalique postérieur, c’est-à-dire essentiellement à la gustation, l’audition et l’équilibration. 1° Informations latérales L’étude architectonique du rhombencéphale fait apparaître le Cœlacanthe comme un Poisson à système latéral prédominant. Ce renforcement des voies de conduction des infor¬ mations latérales et des structures cytologiques annexées [lohus linea lateralis) corres¬ pond fort bien aux observations anatomiques du domaine périphérique : il s’harmonise, en particulier, avec la relative abondance des corpuscules sensoriels chez Latimeria. Cette abondance numérique (66 neuromastes) place ce Poisson entre les Sélaciens et les Téléos- téens (Millot et Anthony, 1965 : 115), la structure du neuromaste restant, quant à elle, tout à fait classique, en dépit de son volume inhabituel. Or, de nombreuses expérimenta¬ tions physiologiques portant sur le fonctionnement des organes acoustico-latéraux (Hofer, 1908 ; Dijkgraaf, 1934) et notamment les études de comportement ont montré que le sys¬ tème latéral avait pour fonction principale le « tact à distance ». Par son intermédiaire, le Poisson peut enregistrer les variations de courant dans l’eau et reconnaître ainsi un objet plus ou moins éloigné. Ainsi le système de la ligne latérale intervient à la fois dans la locomotion du Poisson et dans la reconnaissance et la capture des proies. Le dispositif des connexions statiques joue donc un rôle essentiel dans l’activité des Poissons et son fort développement chez les Cœlacanthidés incite à faire de ces derniers des Poissons plus actifs que les premières observations écologiques ne le laissaient supposer. En outre, il faut adjoindre aux dispositifs sensoriels latéraux cet appareil hypothé¬ tique que représente l’organe rostral. Comme l’ont remarqué Millot et Anthony (1965 : 114-115), son innervation par l’ophtalmique superficiel (à composants latéraux) peut inciter à le considérer comme « un lieu de rassemblement de formations latérales », soit une véritable « tète chercheuse » Ce fait renforce donc encore l’importance, quasi exclusive, des impul¬ sions sensibles nées du système de la ligne latérale. 2° Informations çestibulaires L’interprétation de l’appareil vestibulaire est plus malaisée. Les fonctions d’audi¬ tion et d’équilibration semblent réduites chez le Cœlacanthe si l’on considère leurs voies de conduction. Elles ne marquent pas, en tout cas, un accroissement particulier. Or, comme l’ont montré Millot et Anthony (1965 : 113-114), le Cœlacanthe apparaît comme étant un Poisson non-Ostrariophyse, la pièce occipito-rachidienne ne pouvant être interprétée comme voie de transmission des vibrations (tel que le ferait l’appareil de Weber des Ostra- riophyses). De plus, cette pièce osseuse n’est pas connectée avec une quelconque vessie gazeuse. En outre, ces auteurs mentionnent deux faits paléontologiques qui plaideraient, de surcroît, en faveur d’une régression de l’appareil acoustique chez Latimeria. Or, la discri- 1. Le rôle thermo-récepteur de l’organe rostral paraît être à écarter à cause de l’épaisse gelée qui emplit les canaux (Millot et Anthony : 114), De plus, d’après certaines données écologiques, le Coelacanthe ne semble pas sensible aux variations thermiques (Millot, 1954). 2, 4 90 MICHEL LEMIRE inination acoustique semble meilleure, surtout pour les sons de fréquence élevée et de faible intensité, chez les Ostrariophyses que chez les noii-Ostrariophyses, ce qu’ont vérifié diverses expériences physiologiques. Un moindre perfectionnement de l’audition au niveau péri¬ phérique paraît donc aller de pair avec le moindre développement des aires acoustico- statiques rhomhencéphaliques. Un fait, chez le Cœlacanthe, les impulsions vestihulaires, quoique véhiculées par des tractus distincts, semblent annexées par le domaine latéral et deviennent tributaires, en quelque sorte, du système de connexions statiques. Quant à l’équilibration, elle est très difficile à juger sur de seuls critères anatomiques. 3° Informations guslatioes D’une manière plus nette encore, les voies encéphaliques de gustation apparaissent moins complexes et beaucoup plus discrètes chez les Cœlacanthidés que chez de nombreux autres Poissons. Ce fait coïncide bien, encore une fois, avec les observations faites par Millot et Antuo.xy (1965). Les sondages histologiques, efîeetués par ces deux auteurs, sur la surface de la tête, les muqueuses buccale et pharyngienne se sont révélés négatifs dans ce domaine ; ce qui laisse ainsi supposer une faiblesse sensible des fonctions gustatives chez Latimeria (par défaut de récepteurs spécialisés). Par contre, ces impulsions sensorielles peuvent échoir, en compensation, au système de la ligne latérale, lequel présente, d’après diverses expérimentations, un rôle gustatif secondaire. 4° Informations ne concernant pas directement le rhornbencéphale Cette revue des fonctions sensorielles du Cœlacanthe ne serait pas complète si on ne lui ajoutait quelques mots sur la vision et l’olfaction, quoique ces sens n’intéressent pas directement notre domaine. Nous ne répéterons donc ici que certains faits établis par Millot et Anthony (1965). Les particularités du globe oculaire de Latimeria répondent aux conditions de vie en profondeur. L’œil du Cœlacanthe révèle une acuité très faible, une vision des couleurs quasiment nulle mais une sensibilité lumineuse développée au maximum (photophobie, Millot, 1965). Tous ces faits s’accordent avec l’habitat en eaux profondes du Cœlacanthe et font de lui un Poisson « peu visuel » Comme l’ont montré Millot et Anthony (1965 : 113), l’organisation générale de l’appareil olfactif est très semblable à celle de nombreux autres Poissons. En outre, sa connexion avec les centres supérieurs par l’intermédiaire du « nerf olfactif » apparaît banale. L’olfaction ne semlile donc pas devoir revêtir de caractéristiques marquantes chez le Cœla¬ canthe. 5° Synthèse Il apparaît difficile de rattacher les divers aspects morphologiques ou architecto¬ niques du métencéphale à des caractéristiques soit systématiques, soit biologiques. En effet, la configuration anatomique du cervelet des Poissons subit des influences multiples, étroitement imbriquées : d’une part, l’empreinte d’une phylogénie encore en grande partie RHOMBENCEPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 91 iticertaine (dans le cas des divers groupes de 'réléostéeus par exemple) et, d’autre part, la marque ])hysiologique issue du développement particulier de tels ou tels organes des sens ou bien du degré d’ « activité », en général, de l’individu. Celte dernière catégorie de caractères est en rapport plus ou moins étroit avec le mode de vie et de nutrition du Pois¬ son. Des études concrètes, basées par exemple sur la détermination du poids du cerveau (Geiger, 1956) ou de certaines structures encéphaliques plus restreintes (Neghasov, Hai- Movici et Cristescu, 1956) et du poids du corps, ont montré qu’il était vain de se servir d’un critère de cet ordre pour établir une répartition des Poissons osseux dans la ])hylo- génèse. De fait, le cervelet des Cœlacantliidés apparaît très ])roche, par sa morpbologie générale [corpus et auricules doubles très développés) et par ses projections fdirillaires acous- tico-latérales, de celui des Chondrichthyens. D’autre part, les Cudacanthidés se rapprochent, par d’autres catégories de relations fibrillaires (faisceaux mésencéphalo-cérébelleux), des dispositifs relevés chez divers Actinoptérygiens, 'Péléostéens et Ilolostéens en particulier, en dépit de l’absence de valvule cérébelleuse, caractère qui pourtant les sépare nettement. Par contre, une autre caractéristique cytologique marquante, semble-t-il, individualise les Cœlacantliidés parmi l’ensemble des Ostéicbthyens : c’est l’absence de noyau latéral cérébelleux dilférencié. Or, ce groupement cellulaire constitué de neurones dilîus, parti¬ culiers apparaît généralement répandu et, sous-cérébelleux chez les Anamnioles, il montre un développement progressif suivant l’échelle évolutive des Vertébrés, déieloppement qui aboutit à la formation d’un complexe nucléaire (différenciation en plusieurs noyaux) intra-cérébelleux chez les Vertébrés supérieurs. Cette conception reflétant une migration ^ des noyaux précités repose essentiellement sur les hypothèses de ^ .an Hoevell (1916) et Kappers (1921). Si cette absence de noyau sous-cérébelleux véritable apparaît fondée chez le Cœla¬ canthe elle ferait ressortir un caractère essentiellement primitif, archaïque du cervelet dans la lignée crossoptérygienue. Ce fait placerait les Cœlacantliidés à la naissance de l’arbre phylétique en dépit de l’important développement des structures cérébelleuses. Un second « critère d’évolution » peut être fourni par l’aspect des ramifications den¬ dritiques des cellules de Purkinje. En effet, la complexité de l’arbre dendritique va crois¬ sant avec l’échelle évolutive, à l’exception toutefois des Téléostéens qui présentent une arborisation touffue. En l’absence d’imprégnations argentiques de type golgien, nous ne pouvons décrire la morphologie dendritique de ces cellules, mais il serait intéressant d’élu¬ cider ce problème. Après ces quelques données d’ordre phylogénétique, abordons maintenant l’aspect bio-écologique du problème. Divers aspects qualitatifs ou quantitatifs du cerveau des Poissons semblent révéler certains rapports avec les conditions écologiques et le degré d’activité des espèces. Mais ici nous nous heurtons à des diüicnltés dans raj)préciation de l’activité de tel ou tel sens chez un individu donné et de son rôle au niveau encéphalique. Les expérimentations physiologiques portant sur ce domaine, quoique très poussées et de 1. Rudeberg (1961), se basant sur des observations ontogénétiques, n’a pu constater une telle migra¬ tion cellulaire et regarde, de ce fait, les noyaux sous-cérébelleux comme une plus grande extension des masses cellulaires cérébelleuses propreriient dites. 2. Par la méthode de Bodian, au protargol, on n’enregistre pas plus de succès. 92 MICHEL LEMIRE plus en plus précises actuellement, ne permettent pas une représentation fonctionnelle exacte aux niveaux encéphaliques. Sur ce point, seuls des enregistrements neuro-physio¬ logiques permettraient véritahlement d’élucider ce problème, mais ceux-ci ne sont pas possibles à l’heure actuelle sur le Cœlacanthe. L’appréciation du degré d’activité d’un Poisson n’apparaît pas très nettement non plus. D’une part, des études anatomiques pré¬ cises, concrètes ( Byczkowska-Smyk, 1957-1961) envisagent comme structure de référence la surface branchiale relative (rapportée au volume corporel). D’autre part, des examens physiologiques (Buddenbrock, 1939) fournissent, par le dosage de la consommation d’oxy¬ gène, une mesure directe de l’activité. En l’absence d’études similaires chez les Cœlacanthidés, l’observation des structures architectoniques peut donner, dans certaines limites, un « aperçu » des projections sensorielles relatives au mode de vie de ces Poissons. Cette étude nous permet de qualifier le Cœlacanthe, d’une manière un peu caricaturale, de : Poisson « peu visuel, peu gustatif, peu auditif, moyennement (ou normalement) olfactif et enfin essentiellement tactile à distance », d’où la vocation capitale du système latéral Ces faits correspondent fort bien avec ce que l’on peut savoir, ou supposer, de la bio- écologie des Cœlacanthidés (Millot, 1954). Ce Poisson paraît fréquenter normalement les fonds rocheux compris entre 300 et 500 mètres. Le système latéral constitue, de ce fait, un appareil sensoriel essentiel pour le repérage des proies ou obstacles au détriment des appareils auditif et visuel surtout. Bon nombre d’observations anatomiques ou architectoniques telles : le développe¬ ment du corps cérébelleux, l’importance des auriciiles, l’apport considérable dû aux fibres du système latéral, l’extension des faisceaux d’inlerrelation entre les étages cérébelleux d’une part (commissures inter-auriculaires et intra-auriculaires, tractus cérébello-octavo- latéral) et les étages encéphaliques d’autre part (tractus mésencéphalo-cérébelleux), inci¬ tent à penser, par ailleurs, que les Cœlacanthidés actuels peuvent mener une vie beaucoup plus active que ne le laissent su])poser leurs conditions de capture. Ces faits s’accordent bien, semble-t-il, avec l’extension apparente de la surface branchiale de Lalimeria. En effet, les arcs et lamelles branchiaux paraissent, de prime abord, remarquablement développés, même si cette surface est rapportée à la taille corporelle. Cette disposition fait penser à des Poissons bons nageurs ou tout au moins à des nageurs actifs ^ ; mais il resterait, en particulier, à élucider l’architecture microscopique de ces aires d’échange vasculaire et à définir les conditions dans lesquelles cet échange intervient. Des recherches selon cette optique seraient certainement instructives et permettraient de donner un bon aperçu de l’activité du Cœlacanthe. V. — CONCLUSION Chez les Vertébrés, les formations auriculaires apparaissent essentiellement liées au développement du système latéral et régressent en même temps que celui-ci. Chez les Cœla- 1. Ce rôle essentiel de « toucher à distance », accordé généralement au système latéral, est dû surtout à l’acceptation des travaux de Dijkgraaf (1939-1940). 2. Sa morphologie externe fait du Cœlacanthe un nageur plutôt lourd, mais ceci n’exclut pas une acti¬ vité importante (pour la capture des proies par exemple). RHOMBENCÉPHALE DE LATIMERIA CHALUMNAE 93 canthidés, la présence d’auricules et leur prédominance traduisent bien l’importance acquise par les projections sensorielles d’origine latérale. Si cette prédominance ne fait pas de doute, le problème se pose de savoir si elle est l’aboutissement d’une spécialisation écologique poussée ou bien l’expression d’une position systématique particulière. Il serait nécessaire de rassembler de nombreuses autres données pour discuter vérita¬ blement sur ce dernier point. Nous ne sommes pas à même de le faire ici mais l’étude pré¬ cédente du rhombencéphale laisse cependant entrevoir quelques faits marquants tels que la présence d’une ébauche de noyau latéral cérébelleux (pas de noyau sous-cérébelleux véritablement dilîérencié) qui constitue un caractère plutôt archaïque. Ainsi, dans ce cas précis, nous avons affaire à une disposition fondamentale ; ce qui renforcerait , de ce fait, l’apparence « composite » de l’ensemble des caractéristiques encéphaliques. Mais cette archaïcité de certaines régions n’exclut pas une profonde spécialisation de vastes aires rhombencéphaliques (développement des formations latérales par exemple). Par ailleurs, cette importance du corps cérébelleux montre la place de choix (primitive ou acquise ?) de l’intervention métencéphalique dans l’intégration des influx somato- sensibles généraux et latéraux distribués à la portion postérieure de l’axe encéphalique. Dans un second ordre d’idées, il s’est avéré possilde d’établir un parallélisme sensible entre les caractéristiques du système nerveux central d’une part et celles du système sen¬ soriel périphérique d’autre part. D’une manière plus lointaine, et nécessairement plus imprécise, ce rapprochement a même pu être étendu à certaines données écologiques. 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Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner uti titre ; les tableaux coitipliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Baucuot, M.-L., J. Daget, J.-C. Huiîeau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionornie. Bull. Mus. Ilist. nat., Paris, 2® sér., 42 (2) : 301-304. Tinbehgen, N., 1952. — The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées y)ar an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. Ils pourront obtenir à leur frais des fascicules supplémentaires en s’adressant à la Bibliothèque cen¬ trale du Muséum : 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75-Paris, 5®.