BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE N° 63 PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie JUILLET-AOUT 1972 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75005 Paris Directeur : P r M. Vachon. Comité directeur : P rs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : Dr. M.-L. Bauchot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Conseiller pour l’illustration : Dr. N. Halle. Le Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Ecologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His¬ toire naturelle, 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 9062-62) ; —- pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Abonnements : Abonnement Général : France, 260 F ; Étranger, 286 F. Zoologie : France, 200 F ; Étranger, 220 F. Sciences de la Terre : France, 50 F ; Étranger, 55 F. Sciences de l’Homme : France, 45 F ; Étranger, 50 F. Botanique : France, 40 F ; Étranger, 44 F. Sciences Physico-Chimique : France, 15 F ; Étranger, 16 F. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 3 e série, n° 63, juillet-août 1972, Zoologie 49 SOMMAIRE Michel Ledoyer. — Etude comparative de Monoculodes edwardsi Holmes, 1905, et de Monoculodes crassirostris Hansen, 1887 (Crustacea, Amphipoda). 767 — Présence de Perioculodes aequimanus (Kossmann) dans les eaux méditerranéennes (région de Marseille) et comparaison avec P. longimanus (Bâte et Westwood) (Crustacea, Amphipoda). 775 — Mancocuma altéra Zimmer, Cumacé peu connu du golfe de Saint-Laurent (Crus¬ tacea) . 783 63, 1 Étude comparative de Monoculodes edwardsi Holmes, 1905, et de Monoculodes crassirostris Hansen, 1887 (Crustacea, Amphipoda) par Michel Ledoyeh * Abstract. —- According to J. L. Barnard’s Monoculodes key (1962), M. edwardsi briefly described by Holmes (1905) is close at hand of M. crassirostris Hansen (1887). Also, we give dra- wings of these two species. M. crassirostris of Gurjanova seems not to be the same species that Hansen’s M. crassirostris. It is very near M. spinipes Mills (1962). Le genre Monoculodes, comme le signale J. L. Barnard (1962), reste délicat dans son identification au niveau spécifique. Lors de l’étude entreprise sur les peuplements benthiques de la baie des Chaleurs (golfe du Saint-Laurent), l'une des espèces de ces eaux ( Monoculodes edwardsi) s’est révélée, d’après la clé donnée par J. L. Barnard (1962), difficile à distinguer de M. crassirostris Hansen, 1887, signalée du Groenland par ce dernier auteur. Aussi, ai-je repris l’étude de ces deux espèces, afin de voir quels étaient les critères permettant leur différenciation et d’indiquer les erreurs qui se sont introduites dans la clé sur les Monoculodes en ce qui concerne ces deux animaux. Nous référant à la clé des Monoculodes donnée par J. L. Barnard, nous trouvons pour ces deux espèces, les caractères suivants (nous indiquerons par le signe 0 les caractères qui sont erronés dans cette clé). 1. Caractères communs aux deux espèces — Le carpe du gnathopode 1 est lobé, mais ne présente pas une forme en « fleur de lys ». (° Erreur pour M. crassirostris.) — Le lobe du carpe du gnathopode 2 atteint la moitié, ou plus, de la longueur du propode. — Le lobe du carpe du gnathopode 2 est aussi long que le bord postérieur du propode (bord palmaire exclu). —- Le telson est tronqué ou convexe. Station marine d’Endoume, rue de la Batterie-des-Lions, 13007 Marseille. 63 , 2 768 MICHEL LEDOYER 2. Caractères propres à Monoculodes crassirostris — Les pattes 3 et 4 ont un dactyle qui n’atteint pas le tiers du propode. — Le gnathopode 2 est robuste. (° Voir Hansen, Gurjanova et figure 2.) — La coxale 2 porte de grandes épines. De plus, la clé de J. L. Barnard offre, pour cette espèce, une alternative ; en effet, on aboutit aussi à M. crassirostris si : — le telson est émarginé ; — le rostre est court et courbe ; — l’article 2 de l’antennule n’est pas tuberculé apicalement et le rostre, qui n’est pas fortement recourbé, n’excède pas l’extrémité du premier article de l’antennule ; — le dactyle des pattes 3 et 4 atteint le tiers du propode. 3. Caractères propres à Monoculodes edwardsi — Le dactyle des pattes 3 et 4 dépasse la moitié du propode. (° Il y a erreur sur ce point.) — Le rostre est incurvé, mais pas à angle droit ; les yeux ne sont pas situés dans la région apicale du rostre. —• La tête n’est pas carénée et le rostre n’atteint pas les deux tiers de la longueur du reste de la tête. (° Chez nos spécimens — baie des Chaleurs ou York River — il est aussi long que le reste de la tête.) — La moitié, ou moins, des yeux est située au niveau du rostre qui est fin et aigu ; le telson est convexe. — Le processus du carpe du gnathopode 2 est plus long que le dactyle. Il est évident que la clé donnée par J. L. Barnard ne peut permettre une détermi¬ nation de ces deux espèces. Monoculodes crassirostris présente un gnathopode 1 dont le carpe est, sans conteste, en « fleur de lys » au sens de J. L. Barnard (1962, fig. 3, 4 A). Quant à la forme du pro¬ pode du gnathopode 2, il y a un net désaccord entre la description originale de Hansen et celle de Gurjanova (1951). Monoculodes edwardsi possède un dactyle court au niveau des pattes 3 et 4, et le rostre est aussi long que le reste de la tête. Ainsi, en se basant sur la clé des Monoculodes, on aboutit pour cette dernière espèce à M. crassirostris. C’est précisément cette impasse qui m’a conduit à faire l’étude de ces deux espèces dont les spécimens m’ont été aimablement fournis par le Dr. T. E. Bowman de la Smithsonian Institution que je remercie ici. MONOCULODES EDWARDSI ET M. CRASSIROSTRIS 769 Monoculodes crassirostris Hansen, 1887 (Fig. 1, 2 et 3 J, K) Hansen, H. J., 1887 : 108, pl. 4, fig. 5. Gurjanova, E., 1951 : 568, fig. 375. Matériel étudié : 1 femelle ovigère de 15 mm. Mer du Japon, près de l’île Petrov, 5 à 10 mètres, septembre 1939. Détermination E. Gurjanova. USNM Acc. 137739. Le spécimen est parfaitement identique à celui figuré (mâle) par Gurjanova. Toute¬ fois, la coxale 3 est beaucoup plus armée de grosses soies rigides sur son bord postérieur. Le gnathopode 2 a un propode plus dilaté que chez le spécimen de Hansen qui, à ce point de vue, est proche de M. zernovi Gurjanova, 1936 (in Gurjanova, 1951, fig. 374 A et B). La coxale 1 présente un élargissement antérodistal différent de celui figuré par Han¬ sen ; enfin, le telson apparaît tronqué et non émarginé comme chez le spécimen de Hansen. Par contre, la forme du rostre, son extension par rapport au premier article du pédoncule de l’antennule et la position des yeux sont similaires chez les spécimens de Gurjanova et de Hansen. On peut se demander, cependant, s’il n’y a pas confusion entre M. crassirostris décrit par Hansen et M. crassirostris identifié par Gurjanova lorsque l’on considère la structure du gnathopode 2. Chez celui de Hansen, le propode est quatre fois plus long que large ; chez celui de Gurjanova, il est deux fois et demi plus long que large ; chez le spécimen que je figure, il est près de trois fois plus long que large. M. crassirostris de Gurjanova semble très proche de M. spinipes Mills (Mills, 1962 et J. L. Barnard, 1962) et une comparaison serait souhaitable. Monoculodes edwardsi Holmes, 1905 (Fig. 3 A à I et 4) Holmes, S. J., 1905 : 487 avec fig. Matériel étudié : 15 spécimens. Sarah’s creek, York River, Virginie. Fonds sableux, récolte M. Wass, février, mars 1960 ; détermination T. E. Bowman. USNM 107800. Collec¬ tion de l’auteur, nombreux échantillons desquels a été extrait le spécimen figuré : femelle de 7 mm de la radiale 16 De 7 (Ledoyer, 1971) ; fonds sableux, la Malbaie (baie des Chaleurs), le 19 juin 1969. L’espèce se différencie parfaitement de M. crassirostris, essentiellement, par l’extré¬ mité des pattes 3 et 4 dont le dactyle est court (un tiers de la longueur du propode environ), par le propode ovalaire qui est plus court que le carpe, alors qu’il est rectangulaire et sub¬ égal au carpe chez M. crassirostris. La coxale 1 ne présente pas un élargissement antéro¬ distal aussi marqué que chez M. crassirostris. Le palpe mandibulaire a un deuxième article armé de fortes soies, mais ne présente pas d’épines intercalaires comme chez M. crassi¬ rostris. Enfin, le gnathopode 1 a un article méral dépourvu d’un fort éperon antéro-inférieur, comme c’est le cas chez M. crassirostris. 63 , 3 3. — A à I : Monoculodes edwardsi Holmes. Femelle de 7 mm. Baie des Chaleurs. A, tête ; B, C, antennule et antenne ; D, palpe mandibulaire ; E, maxillipède 3 ; F, G, H, épimères 1 à 3 ; I, telson. B, C, F, G, H : même échelle que pour les figures 1 et 2. D, E, I : échelle 0,5 mm. J, K : Monoculodes crassirostris Hansen. Femelle ovigère de 15 mm. Patte 6 et article basal de la patte 7. Même échelle que pour les figures 1 et 2. Fig. 4. — A à L : Monoculodes edwardsi Holmes. Femelle de 7 mm. Baie des Chaleurs. A, B, C, épinières 1 à 3 ; D, E, coxale 1 et 2 ; F, G, FI, gnathopode 1, 2 et patte 3 ; I, coxale 4 ; J, K, L, pattes 6, article basal des pattes 5 et 7. M : Monoculodes edwardsi Holmes. Femelle de 7 mm. York Hiver. Propode et dactyle de la patte 3. F, G, H, I, J, K, L, M : même échelle que pour les figures 1, 2 et 3. A, B, C, D et F. : échelle 0,5 mm. 774 MICHEL LEDOYER RÉFÉRENCES RIBLIOGRAPHIQUES Barnard, J. L., 1962. — Benthic marine Amphipoda of Southern California : Family Oedicero- tidae. Pacific Naturalist, 3 : 349-371, 10 fig. Gurjanova, E., 1951. — Bokoplavy Morej SSSR i Sopredel’ nykh (Amphipoda Gammaridea). Opredeliteli po Faune SSSR Akad. Nauk SSSR, 41 : 1-1029, 705 fig. Hansen, H. J., 1887. — Oversigt over det vestlige Gronlands fauna af malakostrake Havkrebsdyr. Vidensk. Meddr. dansk. Naturh. Foren., Kjobenhavn, 41 : 9. Holmes, S. J., 1905. ■— The Amphipoda of Southern New England. Bull. Bur. Fish., Wash., 24, 1904 (1905) : 457-529, pl. I-XIII, 67 fig. Ledoyer, M., 1971. — Le peuplement des sables fins terrigènes dans la baie des Chaleurs (golfe du Saint-Laurent) comparé à celui de la Méditerranée, occidentale. Naturaliste can., 98 : 851-886. Mills, E. L., 1962. — Amphipod crustaceans of the Pacific coast of Canada. II. Family Oedice- rotidae. Can. nat. Mus., nat. Hist. Pap., 15 : 1-21, 6 fig. Manuscrit déposé le 17 août 1971. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 3 e sér., n° 63, juillet-août 1972, Zoologie 49 : 767-774. Achevé d’imprimer le 30 décembre 1972. Présence de Perioculodes aequimanus (Kossmann) dans les eaux méditerranéennes (région de Marseille) et comparaison avec P. longimanus (Bâte et Westwood) (Crustacea, Amphipoda) par Michel Ledoyer * Abstract. — Perioculodes aequimanus (Kossmann) is recorded from the Marseille région; it is compared with the related species, P. longimanus (Bâte and Westwood) ; the distinctive cha- racters are tabulated and figured. En 1968, j’avais signalé Perioculodes longimanus et noté que dans les biotopes meubles circalittoraux, les spécimens de P. longimanus étaient plus petits que ceux vivant dans les biotopes meubles infralittoraux. Ces derniers étaient les seuls récoltés par J. Picard (1965) qui, de ce fait même, avait considéré l’espèce comme caractéristique exclusive des Sables Fins Bien Calibrés. Les études que je poursuis sur la faune des Gammariens de Madagascar m’ont conduit, récemment, à revoir ce matériel afin de comparer les espèces malgaches à celles de Médi¬ terranée. Après dissection totale de divers spécimens des sables infralittoraux et des substrats meubles circalittoraux, je suis arrivé à la conclusion que, dans les eaux du golfe de Marseille, l’on rencontrait P. longimanus et P. aequimanus, chacune de ces espèces étant d’une façon générale inféodée à une biocœnose différente. Le caractère morphologique qui m’a réelle¬ ment mis sur la voie réside dans la structure du palpe mandibulaire des femelles. Matériel étudié Spécimens de Perioculodes longimanus (19 individus) (récoltes Ledoyer) : Pèche à la lumière G 5 : 2 mâles ; station 169 : 1 mâle, 2 femelles dont une ovigère (1 mâle, 2 mâles juvéniles, 2 femelles) ; station 153 : 1 femelle immature (3 femelles), 1 mâle juvénile ; plage du Prado, n° non relevé : 1 femelle ovigère, 2 femelles, 1 mâle juvénile. Spécimens de Perioculodes aequimanus (10 individus) (récoltes Ledoyer) : Station 289 : 2 femelles (3 femelles) ; station 261 : 1 femelle (1 femelle) ; station 169 : 1 mâle juvénile ; Détritique Côtier, n° non relevé : 2 femelles. Station marine d’Endoume , rue de la Batterie-des-Lions, 13007 Marseille. PERIOCULODES AEQUIMANUS DANS LES EAUX MÉDITERRANÉENNES 777 Les spécimens cités entre parenthèses n’ont pas été disséqués contrairement aux autres. Cependant, ils ont été examinés très attentivement en ce qui concerne les appendices sui¬ vants : antennules (lorsque celles-ci étaient présentes), coxales 1 et 4, gnathopodes 1 et 2, basipodite des pattes 3 et phanérotaxie des pattes 3 et 4. Points de comparaison entre les deux espèces Comme, parmi le matériel utilisé, je n’ai trouvé qu’un seul mâle de P. aequirnanus et comme les pattes 6 et 7 étaient le plus souvent brisées à leur extrémité distale, j’ai établi les points de comparaison entre P. aequirnanus et P. longimanus d’après : 1) la structure de l’antennule des femelles ; 2) la structure de la coxale 1 (mâles et femelles) ; 3) la phanérotaxie des pattes 3 et 4, et plus précisément au niveau du propode et du carpe (mâles et femelles) ; 4) la structure de la coxale 4. Je signale, dès à présent, qu’il y a un développement de cette pièce beaucoup plus important chez les femelles que chez les mâles (voir figures). Critères permettant la distinction entre les deux espèces Je ne tiens pas compte de la différence de taille qui reste fonction de la maturité des individus. J’indique, cependant, que P. longimanus mesure en moyenne 3,5 mm, alors que P. aequirnanus atteint au maximum, semble-t-il, 2,5 mm. Perioculodes longimanus Perioculodes aequirnanus A 1 (femelles) : Présentes chez 5 femelles. Le pédon¬ cule a un 3 e article plus long que le second, lui-même plus long que le pre¬ mier (femelles immatures ou ovigères). Coxales 1 : Arrondies chez mâles et femelles. Coxales 4 : Forte soie à l’angle inféro-postérieur (mâles et femelles). Pattes 3 et 4 : Dactyle égal à 1/3 ou à 1/4 du pro¬ pode. Propode portant 3 à 5 épines sur son bord inférieur ainsi qu’une rangée de grosses soies (4 ou 5). Carpe très abondamment cilié sur son bord inférieur (grosses soies). Bord antéro-inférieur du basipodite de P. 3 peu dilaté comparativement à sa longueur (1/3). Présentes chez toutes les femelles. 2 e et 3 e articles du pédoncule subégaux. Le premier article est plus long que le second. Prolongées inféro-postérieurement chez mâle et femelles. Ne présentent pas de fortes soies à l’angle inféro-postérieur (mâle et fe¬ melles). Dactyle atteignant au moins la moitié du propode. Propode ne présentant pas d’épine mais 4 ou 5 grosses soies sur son bord inférieur. Carpe comparativement moins cilié que chez P. longimanus sur son bord inférieur. Bord antéro-inférieur du basipodite de P. 3 très dilaté comparativement à sa longueur (1/2 ou plus). Fig. 2. — Perioculodes longi, Ledoyer), 3 mm. Même ig. 3. — Perioculodes longimanus (Bâte et Westwood). Mâle de la pêche à la lumière G 5 (récoltes Ledoyer) et mâle immature de la station 153. Même échelle que pour la figure 1. 780 MICHEL LEDOYER Si la phanérotaxie des pattes 3 et 4 de la même espèce est similaire, je dois cependant signaler, en ce qui concerne P. aequimanus, que l’article méral, comparativement au carpe, est beaucoup plus dilaté au niveau de la patte 3 que de la patte 4. Autres caractères de différenciation des espèces J’ai exclu du tableau comparatif certains caractères morphologiques qui, s’ils se révèlent bien différents, lorsque l’on a les deux espèces à sa disposition, deviennent beaucoup plus délicats à interpréter face à une seule de ces deux espèces. Chez les spécimens dont les pièces buccales ont été disséquées (4 femelles de P. aequi¬ manus, 3 femelles de P. longimanus), j’ai observé une différence de structure du palpe mandibulaire : —- chez les femelles de P. aequimanus, l’article terminal du palpe mandibulaire est court et pourvu de 2 à 3 soies distales (fig. 1) ; — chez les femelles de P. longimanus, l’article terminal du palpe mandibulaire est plus allongé (fig. 2) et garni de 3 soies distales et de 3 soies latérales courtes. J’indique ce caractère, bien qu’il soit difficilement utilisable pour les raisons que je viens d’invoquer ci-dessus ; de plus, comme le signalent Ciievreux et Fage (1925), le palpe mandibulaire des femelles, moins développé que celui des mâles, est, de ce fait, pratiquement inaccessible sans dissection préalable. Pour ce qui est du processus inciseur, du processus molaire et de la rangée de grosses épines mandibulaires (4), ils sont similaires chez ces deux espèces. Enfin, le dernier critère de différenciation de ces amphipodes réside dans la dissymétrie des gnathopodes 1 et 2 de P. aequimanus comparés à ceux de P. longimanus. Je réfère les deux espèces méditerranéennes de Perioculodes à P. longimanus (Bâte et Westwood) et à P. aequimanus (Kossmann). En ce qui concerne Perioculodes longimanus, il faut signaler que, chez la femelle, le 3 e article du pédoncule des antennules est beaucoup plus long que le second. Ce caractère a été parfaitement figuré par Sars (1895, fig. 110, 2 et 2 C). Chevreux et Fage (1925, fig. 163), par contre, indiquent que ce 3 e article est plus court que le second. Cette erreur provient peut-être du fait que ce 3 e article présente un léger étranglement, dans sa région médiane, dû à une zone d’insertion de soies. Cependant, à ce niveau il n’y a aucune trace de suture. En ce qui concerne P. aequimanus, je réfère l’espèce de Méditerranée à celle de Suez, d’après la description de Scheilenberg (1928) portant sur la femelle. Je n’ai pas vu la description de Kossmann (1880). Les spécimens observés ont les antennules (premier article du pédoncule de l’antennule environ aussi long que le second plus le troisième, ce dernier est le plus court, chacun de ces trois articles une fois et demie plus long que large), la coxale 1, le gnathopode 1, la coxale 4 et le dactyle des pattes 3 et 4 conformes à la description de Schellenberg. Par contre, je n’ai pas observé de dactyle en forme de griffe au niveau des pattes 5 et 6, lorsque ces dernières étaient présentes. 781 PERIOCULODES AEQUIMANUS DANS LES EAUX MEDITERRANEENNES Conclusions La structure de l’antennule des femelles, la structure de la coxale 1 et la longueur du dactyle des pattes 3 par rapport au propode sont, en ce qui concerne la distinction de ces deux espèces, les caractères les plus accessibles et aussi les moins sujets à des erreurs d’inter¬ prétation. La distinction entre ces deux espèces doit se faire par l’observation d’au moins deux caractères chez le mâle, les femelles pouvant se différencier par l’observation de l’antennule. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Chevreux, E., et L. F âge, 1925. — Faune de France. 9. Amphipodes. Lechevallier éd., Paris, 488 p., 438 fig. Ledoyer, M., 1968. — Écologie de la faune vagile des biotopes méditerranéens accessibles en sca¬ phandre autonome. (IV). Synthèse de l’étude écologique. Rec. Trav. Sta. mar. Endoume, 60 (44) : 125-295. Picard, J., 1965. -—- Recherches qualitatives sur les biocœnoses marines des substrats meubles dragables de la région marseillaise. Thèse Fac. Sci., Marseille, 160 p. Sars, G. O., 1895. — An account of the Crustacea of Norway with short descriptions and figures of ail the species. Amphipoda. 1. Alb. Cammermeyers, Christiania and Copenhagen, 711 p., 240 pl., 8 suppl. pl. Schellenberg, A., 1928. — Report on the Amphipoda. Zoological Research Cambridge Expédi¬ tion Suez Canal, 1924. Trans. zool. Soc. Lond., 22 (5) : 633-692, fig. 198-209. Manuscrit déposé le 12 janvier 1972. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 3 e sér., n° 63, juillet-août 1972, Zoologie 49 : 775-781. Achevé d'imprimer le 30 décembre 1972. Mancocuma altéra Zimmer, Cumacé peu connu du golfe du Saint-Laurent (Crustacea) par Michel Ledoyer * Abstract. — Redescription of Mancocuma altéra, a Cumacea succinctly described by Zimmer (1943). This species, little known, is very abundant in the shallow waters of the Chaleur Bay (Gulf of Saint-Lawrence). En 1943, Zimmer décrit le genre nouveau Mancocuma (Crustacea, Cumacea) et signale deux espèces : M. stellifera et M. altéra qui se différencient essentiellement par la patte 2 et l’uropode. Chez M. stellifera, le carpe de la patte 2 est plus long que le propode plus le dactyle ; chez la seconde espèce, le dactyle est plus long que le propode qui est lui-même plus long que le carpe. M. stellifera a un uropode dont le pédoncule est équivalent à la rame interne ; cette dernière est plus développée que la rame externe et possède un article distal qui est environ deux fois plus court que l’article proximal. Chez M. altéra, le pédoncule de l’uro¬ pode est plus long que la rame interne dont l’article distal représente le tiers de l’article proximal ; la branche interne est aussi longue que la rame externe (chez le mâle) ou un peu plus développée que la rame externe (chez la femelle). Sur la base de ces critères, l’espèce vivant dans la baie des Chaleurs (golfe du Saint- Laurent) doit être rapportée à Mancocuma altéra que j’ai signalée (1970, 1971) sous le nom de Mancocuma stellifera. Quoiqu’il en soit, le genre et l’espèce M. altéra n’ayant plus été signalés depuis Zimmer (1943) et la description originale n’étant que peu illustrée, nous redécrivons ici cet animal et donnons des figures des divers appendices. Caractères génériques Le céphalothorax est inerme, la mandibule possède une base effilée, le processus molaire est développé. Le flagelle accessoire de l’antennule est réduit à un article. La patte 2 a cinq articles ; il faut admettre, par comparaison aux pattes 1, 3, 4 et 5, qu’il y a fusion des articles méral et ischial : nous avons observé la patte 2 de divers spécimens et, en aucun cas, nous n’avons pu distinguer de façon certaine l’existence d’un très petit article ischial dont parle * Station marine d’Endoume, rue de la Batterie-des-Lions, 13007 Marseille. Fig. 1. — Mancocuma altéra Zimmer. Mâle de 3,5 mm. Grande-Rivière (plage de Tower rock), 3 m, le 20 mars 1970. Province de Québec. A et B (échelle 1 mm), animal et vue dorsale du céphalothorax ; C à M (échelle 0,5 mm) : C, mandi¬ bule ; D et E, maxillipèdes 1 et 2 ; F, G, H, I, J, pattes 1 à 5 ; K, uropode ; L et M, pléopodes 1 et 2. MANCOCUMA ALTERA ZIMMER 785 Zimmer. La patte 1 a un carpe dilaté et l’uropode présente une rame interne Inarticulée. Les 5 derniers segments thoraciques sont libres ; Chez le mâle, l’antenne atteint la longueur du céphalothorax. Il y a deux pléopodes vestigiaux sous les pléonites 1 et 2 ; les rames de ces pléopodes sont réduites à un unique article. Des exopodites bien développés sont présents sur le maxillipède 3 et les pattes 1 à 4 ; la patte 5 est dépourvue d’exopodite. Chez la femelle, des exopodites bien développés sont présents sur le maxillipède 3 et sur les pattes 1 à 3 ; la patte 4 porte un exopodite réduit à deux articles, le terminal étant très réduit ; la patte 5 est dépourvue d’exopodite. Ce genre que Zimmer range dans la famille des Bodotriidae est difficile à classer : il est proche des Leuconidae (exopodites et pléopodes du mâle), mais s’en différencie par sa mandibule à hase effilée et par l’absence d’un pseudorostre proéminent. De même que le genre Leptocuma, comme le signale Calman (1912), montre des caractères qui rap¬ prochent la famille des Bodotriidae de celle des Leuconidae, de même le genre Mancocuma accroît les convergences entre ces deux familles. Description de l’espèce Avec les caractères du genre. Le mâle a une taille de 3,5 mm environ, la femelle mesure de 4 à 4,5 mm. Le céphalothorax est inerme et globuleux, sans pseudorostre, et la tache oculaire est diffuse. La coloration est variable : le corps est blanchâtre, le céphalothorax est soit uniformément d’une couleur marron rougeâtre, soit blanchâtre et ponctué de taches noirâtres plus ou moins nombreuses (voir figure 2). Les téguments, à un fort grossissement, apparaissent squamuleux. L’encoche antennaire est peu marquée. Le céphalothorax est légèrement plus court que la partie thoracique libre. Les antennules sont pourvues d’un flagelle accessoire uniarticulé ; le flagelle principal est constitué de 3 articles chez le mâle et porte 2 (?) aesthethacs ; chez la femelle il n’y a que 2 articles. L’antenne est très réduite chez la femelle : l’avant-dernier article porte une grosse soie plumeuse et l’article précédent en montre 2. Chez le mâle, le pédoncule do l’antenne est robuste, le flagelle développé est constitué, dans sa région proximale, par des articles armés de 2 forts crochets striés ; dans la région distale, ces crochets se redressent, deviennent droits et plus fins et n’apparaissent plus par paires. Le basipodite du maxillipède 3 et des pattes 1 à 3 est aussi long ou plus long que la partie restante de ces appendices, et il est orné de soies plumeuses (plus nom¬ breuses chez la femelle). La patte 1 a un carpe dilaté sur son bord interne. La patte 2 pré¬ sente une fusion de l’article ischial et de l’article méral : les 4 articles distaux sont subégaux et sont épineux. Les exopodites du maxillipède 3 et des pattes 1 à 3 (chez le mâle comme chez la femelle) ont une base remarquablement élargie. La patte 4 du mâle porte un exopo¬ dite développé, mais dont la partie basale est beaucoup plus étroite ; chez la femelle l’exo- podite de la patte 4 est rudimentaire et réduit à 2 articles, le distal étant très court. L’abdomen est aussi long que la région thoracique plus le céphalothorax ; le premier et le sixième segment sont courts et subégaux, le cinquième est deux fois plus long que le sixième ; les 3 segments restants sont identiques et ont une taille intermédiaire. Chez le mâle, il y a deux paires de pléopodes rudimentaires : les rames sont uniarticulées et portent 2 grosses soies plumeuses. 786 MICHEL LEDOYER Les uropodes du mâle et de la femelle sont identiques ; toutefois, chez cette dernière, l’uropode est légèrement moins épineux au niveau du pédoncule. Le pédoncule est aussi long que les rames et porte sur son bord interne de fines épines (7 à 8 chez les femelles, une dizaine chez le mâle). La rame interne, biarticulée, a un article distal trois fois plus court que l’article proximal. Fig. 2. — Mancocuma altéra Zimmer. Même mâle que figure 1 : A et B, antenne et antennule ; E, maxil- lipède 3. Echelle 0,5 mm. Femelle de la même station : C et D, antennule et antenne ; F, patte 4 ; G, uropode. Echelle 0,5 mm. H et I, vue latérale et dorsale du céphalothorax de deux femelles ne présentant pas la même colora¬ tion. Échelle 1 mm. MANCOCUMA ALTERA ZIMMER 787 Répartition de l’espèce Cette espèce est très fréquente et très abondante dans les hauts niveaux des plages de sables fins (Ledoyer, 1971) de la baie des Chaleurs, golfe du Saint-Laurent. Malgré les variations thermiques que l’on rencontre à ces niveaux dans ces régions (— 2° C à 15° C), l’espèce se maintient de façon constante et j’ai toujours noté la présence de femelles ovigères qui constituent la majorité de la population. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Caïman, W. T., 1912. — The crustacea of the order Cumacea in the collection of the United States National Muséum. Proc. U. S. Nat. Mus., 41 (1876) : 603-676. Ledoyer, M., 1970. — Additions à la liste des invertébrés benthiques recueillis dans le golfe du Saint-Laurent (baie des Chaleurs). Rapp. ann. 1969, Service de Biologie, Québec : 37-43. — 1971. — Le peuplement des sables fins terrigènes dans la baie des Chaleurs (golfe du Saint- Laurent) comparé à celui de Méditerranée occidentale. Naturaliste can., 98 : 851-886. Zimmer, C., 1943. — Uber neue und weniger bekannte Cumaceen. Zool. Anz., 141 : 148-167. Manuscrit déposé le 17 août 1971. Bull. Mus. Hist. ncit., Paris, 3 e sér., n° 63, juillet-août 1972, Zoologie 49 : 783-787. Achevé d’imprimer le 30 décembre 1972. IMPRIMERIE NATIONALE 2 564 002 5 Recommandations aux auteurs Les articles à publier doivent être adressés directement au Secrétariat du Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Ils seront accompa¬ gnés d’un résumé en une ou plusieurs langues. L’adresse du Laboratoire dans lequel le travail a été effectué figurera sur la première page, en note infrapaginale. Le texte doit être dactylographié à double interligne, avec une marge suffisante, recto seulement. Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner un titre ; les tableaux compliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Bauchot, M.-L., J. Daget, J.-C. Hureau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionomie. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 2 e sér., 42 (2) : 301-304. Tinbergen, N., 1952. -— The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées par an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. Ils pourront obtenir à leur frais des fascicules supplémentaires en s’adressant à la Bibliothèque cen¬ trale du Muséum : 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris.