BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie 53 N» 67 JUILLET-AOUT 1972 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75005 Paris Directeur : M. Vachon. Comité directeur : P'"® Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général ; Dr. M.-L. Bauchot. Secrétaire de rédaction ; P. Dupérier. Conseiller pour l’illustration : Dr. N. Halle. Le Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l’’® série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2® série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3® série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de THomme — Sciences physico-chimiques — Écologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. 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BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE 3® série, n® 67, juillet-août 1972, Zoologie 53 Développement de l’estomac chez les larves de Crangon septemspinosa Say (Crustacea, Decapoda, Crangonidae) ; son influence sur le mode de nutrition par Michèle Régnault * Résumé. — Nous avons étudié la structure de l’estomac de C. septemspinosa chez l’adulte et chez les larves, de l’éclosion à la métamorphose. Progressivement, au cours du développement larvaire, des formations chitineuses sont apparues, constituant une armature gastrique qui présen¬ tait sa différenciation maximale juste avant la métamorphose et qui régressait presque complè¬ tement à l’issue de celle-ci. Le développement de l’armature gastrique est très lent et ne devient sensible qu’à partir du 5® stade larvaire alors qu’un changement de régime alimentaire apparaît nécessaire dès le stade III. Une corrélation fonctionnelle est apparue entre la mandibule et l’armature gastrique. L’in¬ fluence de l’association pièces buccales-estomac sur le mode de nutrition de l’espèce a été envisagée, particulièrement pendant sa phase larvaire. Abstract. — The structure of adult foregut of C. septemspinosa and its larval morphology from hatching to metamorphosis are described. Chitineous formations progressively appear at the cardio-pyloric opening during larval development. This gastric armature gets its highest degree of specialization right before metamorphosis then disappears almost entirely. The gastric armature is very slowly elaborated and will be efficient from the fifth larval stage when a change of the feeding rate seemed to be necessary from the third one. A corrélation between mandibular and gastric fonction is noticed. Influence of the mouth- parts and stomach structure concerning the feeding of this species, particularly during its larval period, is considered. Introduction En étudiant la nutrition de certaines Caridea au cours de leur développement larvaire, nous avions remarqué que les caractères morphologiques des pièces buccales ne suffisaient pas, à eux seuls, à expliquer le type de régime alimentaire des larves à tel ou tel stade de leur développement. Nous avions suggéré, dans une étude antérieure sur Hippolyte inermis (Régnault, 1968), une action conjuguée des pièces buccales et de l’armature gastrique, mais n’avions suivi l’évolution de l’estomac que chez les trois premiers stades larvaires de cette espèce. Une étude histologique, portant sur chaque stade du développement, était nécessaire pour résoudre le problème posé. Tout récemment. Le Roux (1971) a décrit la * Laboratoire de Zoologie (Arthropodes) du Muséum national d'Histoire naturelle, 61, rue de Buffon, Paris 75005, et Laboratoire de Carcinologie et d’Océanographie biologique (ÉPHÉ). 67, 1 842 MICHÈLE REGNAULT structure et la fonction de l’estomac de Palaemonetes varians à différents stades larvaires, en insistant sur les remaniements sensibles que fait apparaître la métamorphose, passage de la forme larvaire à la forme adulte. La simplification du moulin gastrique chez les Natantia adultes, spécialement ehez les Caridea, a été étudiée principalement par Patward’han (1935). D’autres auteurs ont complété ce vaste travail par des descriptions de formes adultes ; citons Pillai (1960), Kubo (1949), Young (1959) et Dall (1967) ; mais aucun d’eux n’a envisagé la structure de l’estomac et du moulin gastrique — ou des formations qui en tiennent lieu — chez les formes larvaires. Nous nous sommes proposée d’étudier la morphologie de l’estomac larvaire chez plusieurs familles de Caridea, comparant des espèces à développement long (7 à 8 stades) à des espèces à développement court (3 à 4 stades), et de suivre, dans chaque cas, son évolution, de l’éclosion à l’acquisition de la forme adulte. Nous avons étudié parallèle¬ ment la structure et la fonction de la mandibule. Nous présentons ici les observations faites sur Crangon septemspinosa Say. Techniques L’espèce étudiée est l’homologue américaine de notre crevette grise commune, Crangon vulgaris. Elle a été récoltée par dragage le long de la côte est des USA, à Beaufort, N.C. Les adultes ont été disséqués, et l’estomac observé in toto après immersion pendant 24 heures dans l’acide lactique coloré à la fuchsine acide ou dans le polyvinyl lactophénol coloré au rose de lignine. Les larves élevées au laboratoire (Régnault et Costlow, 1970), et des adultes in toto ont été fixés au Bouin aqueux, inclus dans le paraplast et coupés à 7 [x, puis colorés par le trichrome de Mallory. 1. STRUCTURE DU STOMODEUM DE C. SEPTEMSPINOSA ADULTE La partie antérieure du tube digestif ou stomodeum comprend l’œsophage et l’estomac qui lui-même est divisé en deux chambres, l’antérieure ou cardiaque, et la postérieure ou pylorique (fig. 1). Plusieurs tentatives ont été faites pour remplacer les termes estomac, portion cardiaque et pylorique par des termes mieux appropriés. Dall (1967) puis Le Roux (1971) parlent de proventricule (divisé en chambres antérieure et postérieure) ; ceci peut entraîner une certaine confusion, le proventricule des insectes ne présentant jamais la complexité de l’estomac des Crustacés. Nous nous en sommes tenue, ainsi que la majorité des auteurs jusqu’à nos jours, à la nomenclature de Mocquard (1883). Comme l’a fait justement remarquer Yonge (1924 ; 349) : « these tenus hâve heen so extensively employed that it has heen considered best to retain them ». Le passage de la chambre cardiaque à la chambre pylorique est large ; il correspond à une flexion du plancher stomacal suivant un angle de 30° environ. La chambre pylorique DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CP.ANGON SEPTEMSPINOSA SAY 843 débouche dans l’intestin moyen (ou mesodeum) par un système de valvules terminales ; c’est à ce niveau que se déversent ventralement les canaux hépato-pancréatiques et que cesse le revêtement chitineux qui doublait toute la paroi interne du stomodeum. d at, atrium ; cb, cavité buccale ; cdp, compartiment dorsal pylorique ; ch.c, chambre cardiaque ; cx.h, canaux hépato-pancréatiques ; dpc, diverticule postérieur cardiaque ; F, fdtre ; Hp, plaque de Hastate ; int, intestin ; ces, œsophage ; pcd, plaque cardiaque dorsale ; pcv, plaque cardiaque ventrale. L’œsophage C’est un large tube vertical qui relie la cavité buccale, ventrale, à la chambre cardiaque, dorsale. Pourvu d’une musculature intrinsèque et extrinsèque importante, il est très dila¬ table ; même au repos, il constitue plus du tiers de la masse totale du tube digestif anté¬ rieur. Quatre sillons longitudinaux répartissent les muscles de ses parois en quatre bandes qui s’épaississent dans leur extrémité postérieure. Son épithélium est revêtu uniformément de chitine et de longues soies orientées vers l’avant. La chambre cardiaque Perpendiculaire à l’oesophage et apparemment de même taille que celui-ci, elle est susceptible, en se dilatant, de doubler de volume. Sa paroi, mince, présente de nombreux plis longitudinaux et se trouve fortement déprimée lorsque l’estomac est vide (fig. 1). Elle se prolonge en outre par une expansion postérieure (dpc), vaste poche plate, terminée en pointe et qui recouvre dorsalement et latéralement toute la partie terminale de l’esto¬ mac et la partie antérieure de l’intestin moyen. La capacité de cette poche varie avec les individus et peut atteindre jusqu’à une fois et demie celle de la chambre cardiaque pro- 67 , 2 844 MICHELE REGNAULT prement dite. Le revêtement de chitine de cette chambre est uniforme et analogue à celui de l’œsophage. La paroi cardiaque ventrale ou plancher, présente à sa jonction avec l’œsophage une mince plaque musculaire grossièrement circulaire (pcv) ; celle-ci est suivie immédiatement par la plaque de Hastate (Lloyd, 1910 — Hp), qui est triangulaire à pointe dirigée vers Fig. 2. —- Coupes transversales schématiques de l’estomac adulte de C. septemspinosa. A, chambre cardiaque ; B, passage cardio-pylorique ; C, chambre pylorique antérieure ; D, chambre pylorique postérieure. blc, bourrelets latéraux cardiaques ; cia, crête interampullaire ; gv, gouttières ventrales ; If, loge du filtre ; pp, pièce pennée. (Pour les autres abréviations, se reporter à la figure 1.) l’œsophage et dont la base se renfle suivant son axe médian pour former la pièce triangu¬ laire médiane (ptm de Patward’han, 1935) ou VI. Deux gouttières profondes, en V (gv), encadrent latéralement la plaque de Hastate. Chacune des gouttières est coiffée de la pièce pennée (pp), rangée de soies longues et serrées portée par une crête extérieure et parallèle à chaque gouttière (fig. 2, A). Ces crêtes longitudinales situées à la réunion des parois laté- DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 845 raies et du plancher de la chambre cardiaque correspondent à la plaque cardiaque latérale de Mocquard. Le plafond cardiaque ne présente aucune structure particulière, à l’exception, dans sa par¬ tie antérieure, d’un épaississement musculaire circulaire (pcd) analogue à la plaque cardiaque ventrale (pcv) et lui faisant vis-à-vis. Ces deux plaques cardiaques, dorsale et ventrale, ne sont pas mentionnées par Mocquard chez les « Crangoniens » ; mais la plaque dorsale est indiquée chez Palaemon à la fois par Mocquard et Patward’han (1937). Les parois latérales de la chambre cardiaque sont renflées, de l’œsophage jusqu’à l’ouverture cardio-pylorique, en deux bourrelets longitudinaux (hic), légèrement obliques. Ceux-ci présentent un revêtement de soie plus dense sur leur extrémité distale et épousent étroitement les bords de la pièce médiane triangulaire ventrale ; ils constituent ainsi ce que Patward’iian appelle les valves latérales, V2. La chambre pylorique Infléchie par rapport à l’axe général de l’estomac, elle comprend un compartiment dorsal (cdp) situé dans le prolongement de la chambre cardiaque et un filtre ventral (flg. 1 et 2). A la limite du compartiment supérieur et du filtre, sur les parois latérales de la chambre pylorique et postérieurement à l’ouverture cardio-pylorique, on observe une paire de bour¬ relets longitudinaux (bip). Ceux-ci tendent, en se rapprochant, à isoler presque complète¬ ment du filtre le compartiment dorsal ; ces bourrelets se terminent postérieurement par deux languettes pourvues de longues soies qui battent dans la lumière de l’ampoule termi¬ nale du stomodeum. Le filtre a été parfaitement décrit et figuré par Patward’han (1937), Pillai (1960) et Dall (1967). Au sortir de la chambre pylorique se trouve l’ampoule terminale où se déversent ven- tralement les canaux hépato-pancréatiques et d’où part l’intestin moyen. Cette ampoule est encore doublée intérieurement de chitine. Lieu de confluent des deux compartiments pyloriques, dorsal et ventral, et des canaux hépato-pancréatiques, elle est partiellement cloisonnée par les quatre languettes de la valvule pylorique. Les trois languettes supérieures, en s’accolant, constituent une sorte de cloison mobile qui fait apparaître deux voies de passage presque indépendantes et superposées. La partie supérieure de l’ampoule permet le passage direct de la chambre cardiaque à l’intestin par le compartiment dorsal pylorique. Dans la partie inférieure de l’ampoule, le transport des enzymes digestives et du chyme peut s’effectuer sans être gêné par la fraction alimentaire non assimilée. On peut résumer le trajet du bol alimentaire ainsi : à l’issue de la digestion mécanique, la fraction grossière non assimilable sera directement rejetée vers l’intestin ; la fraction fine sera soumise, dans le filtre, à la digestion enzymatique, l’absorption finale et la mise en réserve se faisant au niveau des cellules hépato-pancréatiques (the H-Cells, Stanier et al., 1968). Nous ferons remarquer que C. septemspinosa adulte ne présente au passage cardio- pylorique que trois valves : une ventrale et deux latérales ; ce schéma avait été indiqué chez Crangon vulgaris par Mocquard et Patward’han et répond au schéma simplifié 846 MICHÈLE REGNAULT de certains genres, le maximum de différenciation chez les Caridea se limitant à quatre valves, la dernière étant en position dorsale. II. STRUCTURE DU STOMODEUM LARVAIRE DE C. SEPTEMSPINOSA A l’éclosion, la jeune larve (stade I) possède un estomac construit sommairement sur le même plan que celui de l’adulte : une chambre cardiaque, perpendiculaire à l’œso¬ phage vertical, suivie d’une chambre pylorique qui mène à une ampoule conique, ou atrium, où débouchent les canaux hépato-pancréatiques (fig. 3). Mais il diffère de la forme adulte par de nombreux détails de structure. Les muscles de la paroi œsophagienne sont répartis en quatre bandes longitudinales plates, à l’exception des muscles de la paroi antérieure frontale qui, deux fois plus épais, font saillie dans la lumière du tube sur toute sa longueur ; ces derniers se prolongent dans leur partie distale pour constituer la plaque circulaire antérieure du plafond cardiaque (pcd) qui est ainsi relativement plus épaisse que chez l’adulte. La chambre cardiaque est réduite ; son plancher est occupé entièrement par une seule plaque musculaire épaisse ; la plaque de Hastate larvaire, (Upl) (hg. 3, A) ; ses parois latérales présentent chacune deux bourrelets longitudinaux parallèles ; les bourrelets infé¬ rieurs (bli) encadrent la plaque ventrale et portent quelques soies ; ils préfigurent les crêtes longitudinales qui porteront les pièces pennées, celles-ci encore inexistantes ; les bourrelets supérieurs (bis) se renflent légèrement au passage cardio-pylorique et se prolongent dans la chambre pylorique où ils délimitent un compartiment dorsal et un compartiment ventral. Le plafond cardiaque est membraneux, à l’exception de sa partie antérieure (pcd) et il se renfle juste à l’ouverture cardio-pylorique, formant une crête ou barre transversale (btd) (fig. 3, R). ^ . Ventralement, à l’aplomb de cette barre qui occupe toute la largeur de l’estomac, s’élève une rangée de fortes soies raides (bv), semblables à des baguettes, dessinant grossière¬ ment un V dont l’ouverture est dirigée vers la chambre cardiaque. Le V occupe toute la largeur de l’ouverture cardio-pylorique mais les soies (8 à 10) sont espacées et ne s’élèvent qu’à mi-hauteur de cette ouverture. Elles sont de même diamètre sur toute leur longueur, et lisses. La chambre pylorique est composée sommairement d’un compartiment dorsal aplati, à lumière réduite, qui communique largement avec un compartiment ventral volumineux. Ce compartiment ventral est une poche à paroi musculaire épaisse dont le plancher, soulevé suivant son axe longitudinal médian, présente une côte saillante (dm) qui le partage en deux loges étroites. Celles-ci confluent dans leur tiers supérieur (fig. 3, C). Le revêtement chitineux de la chambre pylorique présente, sur les parois de la crête médiane, de très fines côtes verticales et parallèles entre elles. On passe de la chambre pylorique à l’intestin moyen par l’ampoule terminale où débouchent les canaux hépato-pancréatiques et où battent deux languettes soyeuses ; ce DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 847 sont les extrémités libres des bourrelets latéraux pyloriques et elles sont analogues aux valvules terminales de l’adulte. Fig. 3. — Estomac larvaire de C. septemspinosa au stade I. 1. Schéma d’ensemble ; 2. Coupes transversales : A, chambre cardiaque ; B, ouverture cardio- pylorique ; C, chambre pylorique. btd, barre transversale dorsale ; bv, baguettes ventrales ; bli, bourrelets latéraux inférieurs ; bis, bour¬ relets latéraux supérieurs ; dm, crête longitudinale médiane ; ovp, compartiment ventral pylorique ; Hpl, plaque de Hastate larvaire. (Pour les autres abréviations se reporter à la figure 1.) Aux stades suivants (stades II, III, IV), la structure de l’estomac reste identique à celle du premier stade larvaire. L’armature gastrique au niveau de l’ouverture cardio- pylorique n’est composée que de la haie de soies ventrales et de la barre transversale dor- 848 MICHELE REGNAULT sale. Cette dernière a un profil légèrement plus accentué au stade IV et elle porte alors quelques soies dirigées vers l’arrière. Au stade V, caractérisé dans sa morphologie externe par des pléopodes bilobés et bien développés mais non segmentés, plusieurs changements sont survenus dans l’estomac. La chitine qui recouvrait la plaque médiane cardiaque (Hpl), mince et lisse aux stades précédents, s’est épaissie, sa surface s’est ridée et elle est à présent garnie de soies fines et courtes. Dans la région postérieure de la chambre cardiaque, de chaque côté de l’ouver¬ ture cardio-pylorique, sur les parois latérales et un peu en dessous des bourrelets supérieurs (bis), on distingue deux coussinets ovales couverts de soies. Ces formations nouvelles occupent la position des valves latérales V2 de l’adulte. Le compartiment ventral de la chambre pylorique a commencé à se différencier. Son revêtement de chitine s’est plissé, les plis étant parallèles à son axe longitudinal. Fig. 4. — Représentation schématique de l’estomac de C. septemspinosa au dernier stade larvaire. bip, bourrelets longitudinaux pyloriques ; cr.a, crête antérieure ; vd, valve dorsale ; vl, valve latérale. (Pour les autres abréviations se reporter à la figure 1.) Au dernier stade larvaire (stade VII le plus souvent), le plafond cardiaque est épaissi et on trouve, juste au-dessus de la plaque ventrale (Hp), une plaque musculaire dorsale dont les bords antérieur et postérieur, plus saillants, constituent deux rides transversales (fig. 4) : la ride antérieure est peu développée ; la ride postérieure, signalée dès le stade I (btd), est proéminente et forme dans sa partie médiane une sorte de dent conique inclinée obliquement vers l’arrière ; cette protubérance médiane porte deux à trois fortes soies et la chitine qui la recouvre est aussi épaisse qu’au niveau du processus molaire de la mandi¬ bule. Ainsi développée, elle représente une véritable valve dorsale. Les valves latérales sont situées légèrement en retrait de celle-ci ; les baguettes ventrales sont toujours disposées sur un seul rang en V, mais sont plus nombreuses et plus serrées. Avec cette valve dorsale, les valves latérales apparues au stade V et la herse de soies ventrales présente dès le stade I, l’armature gastrique a atteint son maximum de complexité. La chambre pylorique a presque atteint sa structure définitive : le compartiment ventral présente la structure classique du filtre (crêtes parallèles et rangées de soies) et s’est infléchi ventralement de 30“ environ ; il est séparé du compartiment dorsal par un DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 849 repli dû au rapprochement des bourrelets latéraux pyloriques ; ces bourrelets ne fusionnant pas, le cloisonnement est incomplet mais leur surface est abondamment garnie de soies courtes et raides et ceci tend à réduire les communications entre les deux parties de la chambre pylorique. La mue suivante correspond à la métamorphose. Alors que dans la morphologie externe, cette mue n’apporte que des changements peu marqués, au niveau de l’estomac elle entraîne des modifications importantes. Certaines structures ont disparu plus ou moins complète¬ ment, d’autres ont atteint leur différenciation maximale. Ainsi, l’épaississement muscu¬ laire et les deux rides transversales du plafond cardiaque ont disparu ; le compartiment dorsal de la chambre pylorique s’est aplati et le repli qui l’isolait du filtre ventral est plus étroit et plus mince. La régression la plus frappante est certainement celle de l’armature gastrique ou des formations qui en tenaient lieu ; chez la post-larve il n’y a plus de valve dorsale ni de baguettes chitineuses issues du plancher ; les valves latérales larvaires V2 ont disparu sans être remplacées par les formations adultes équivalentes ; le passage cardio- pylorique est large et totalement libre. La chambre cardiaque s’est étendue postérieurement, formant un petit diverticule dorsal, ébauche du diverticule de l’adulte. Les bourrelets cardiaques inférieurs portent les pièces pennées ; le plancher cardiaque ne présente aucun changement. De longues soies dirigées vers l’arrière sont apparues sur toute la surface interne de l’œsophage et de la chambre cardiaque. Enfin le filtre de la post-larve est identique à celui de l’adulte. ★ ♦ * En résumé, nous retiendrons de la structure de l’estomac larvaire de C. septemspinosa et de son évolution au cours du développement les faits suivants ; 1) à l’éclosion, les deux chambres, cardiaque et pylorique, sont individualisées, bien que le passage de l’une à l’autre soit peu marqué ; elles présentent une structure rudimen¬ taire : absence des pièces pennées dans la chambre cardiaque et d’un fdtre fonctionnel dans la chambre pylorique ; 2) par contre, on observe des formations exclusivement larvaires : les baguettes chiti¬ neuses ventrales, présentes à tous les stades larvaires, les épaississements du plafond car¬ diaque et la valve cardio-pylorique dorsale, apparus en cours de développement ; 3) l’édification de l’armature gastrique se fait progressivement et celle-ci présente, à la fin de la vie larvaire, un degré de différenciation nettement supérieur à celui de l’adulte : d’une manière générale, la complexité de l’armature atteinte ici avant la métamorphose dépasse souvent celle présentée par les Caridea adultes. 850 MICHELE REGNAULT III. COMPARAISON AVEC LES DONNÉES ANTÉRIEURES A l’exception de celles de Le Roux (1971), les descriptions de la structure larvaire de l’estomac des Décapodes sont rares et très sommaires. Nous rappellerons cependant les travaux de Thompson (1903) sur les larves de Pagures, de Williams (1907) sur les trois premiers stades larvaires du Homard, et de Schlegel (1911) sur la première zoé de Maia squinado. Si l’on examine les données de ces trois auteurs, l’organisation générale de l’estomac larvaire apparaît voisine dans les trois groupes des Anomoures, des Macroures Reptantia et des Brachyoures. Les différences que nous avons relevées portent sur les formations bordant l’ouverture cardio-pylorique. La structure la plus simple semble être celle de Maia ou seul un soulèvement ventral, recouvert sur sa face antérieure de chitine épaisse, mais nue, figure la valve cardio-pylorique ventrale. Chez le Pagure (Pagurus longicarpus et Pagurus annulipes) on trouve, d’après Thomp¬ son, chez la première zoé, en plus de cette valve cardio-pylorique ventrale recouverte de chitine épaisse et lisse, deux dents latérales simples dirigées vers le haut ; au stade II, il y a individualisation, à partir de la valve cardio-pylorique ventrale, d’une valve cardio- pylorique proprement dite et d’une valve pylorique médiane ; enfin au stade glaucothoé, une dent dorsale et deux petites valves dorso-latérales viennent compléter l’armature gastrique larvaire. Chez le Homard, au deuxième stade larvaire, on note la présence de deux valves cardio- pyloriques semblables, l’une ventrale, l’autre dorsale ; ces deux valves portent nne rangée de lourdes et longues épines denticulées dirigées vers l’avant. Au stade suivant il y a ébauche d’un moulin gastrique avec une dent médiane, deux bourrelets dorsaux, antérieur et posté¬ rieur, et des dents, latérales et inféro-latérales. Dans ces trois exemples, les formations spécialisées apparues pendant la phase larvaire ne faisaient que préfigurer une structure adulte plus complexe ; alors que chez les Crangon ces formations disparaissent à la métamorphose et ne sont pas remplacées. Un détail également nous a frappée : d’après ces auteurs, seules les larves de Homard présentent, et dès les premiers stades larvaires, la rangée de lourdes soies denticulées, équi¬ valent de la herse de baguettes chitineuses que nous avons remarquée chez Crangon. Or, nous avons observé nous-mêmes des coupes de Pagurus prideauxi, P. cuanensis et Anapa- gurus ainsi que de Hhithropanopeus Chez toutes ces espèces (Anomoures et Brachyoures), et à tous les stades de leur développement, glaucothoé et mégalope comprises, nous avons noté la présence de ces baguettes chitineuses caractéristiques ; très uniformément, elles sont disposées en demi-cercle ou en buisson sur la valve cardio-pylorique ventrale et sur une portion plus ou moins grande de l’arête et de la crête interampullaire de la chambre pylorique. Il semble donc que ces baguettes chitineuses, de diamètre constant et parfois 1. Nous remercions à ce sujet M™® .\I. de Saint Laurent et le Dr J. D. Costlow pour avoir mis aima¬ blement à notre disposition les coupes histologiques étudiées ici. DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 851 ornées de minuscules spinules [Rhithropanopeus et Pagurus prideauxi), soient une formation constante chez les formes larvaires de Décapodes ; elles n’existent pas, en effet, chez les formes adultes correspondantes. Quant à l’appareil filtreur, il est toujours très rudimen¬ taire aux premiers stades larvaires et il n’acquiert sa structure fonctionnelle que progressi¬ vement. L’étude récente et détaillée de Le Roux (1971) sur les larves de Palaemonetes varians nous donne des points de comparaison plus précis avec Crangon. Les deux espèces présentent la même structure pour le plancher et les parois latérales cardiaques et elles ont toutes deux les baguettes caractéristiques de la valve cardio- pylorique ventrale. Une légère différence a été notée au sujet de ces baguettes : lisses chez C. septemspinosa, elles sont terminées par un bouquet de petites pointes chez P. varians. Nous avons observé la même ornementation chez les larves de Palaemonetes pugio ; ce caractère pourrait donc être propre au genre. Par contre, certaines formations décrites chez P. varians n’ont pas d’équivalent chez Crangon : ainsi, la valve cardio-pylorique dorsale, pourvue d’épines barbelées, que Le Roux et Mocquard ont décrite pour Palaemonetes ; de même, les gouttières latérales supérieures de la chambre pylorique qui sont observées chez Palaemonetes, au stade IV ; enfin la présence, à partir de ce même stade, sur l’arête de la crête interampullaire, de baguettes épineuses analogues à celles de la valve cardio-pylorique. L’estomac des larves de Palaemonetes apparaît ainsi légèrement plus complexe que celui des larves de Crangon et, par la présence de la valve cardio-pylorique dorsale, plus proche de celui des larves de Homard décrites par Williams que de celui de Crangon. IV. MORPHOLOGIE ET FONCTION DE LA MANDIRULE RELATION ENTRE CET APPENDICE ET L’ESTOMAC Avant de poursuivre cette discussion, nous envisagerons la morphologie de la mandi¬ bule chez C. septemspinosa et essaierons de comprendre les rapports existant entre sa struc¬ ture et celle de l’estomac. A l’état larvaire la mandibule se présente comme une pièce chitineuse large et mince, à bord interne denticulé (fig. 5, A). Les deux processus, incisif et molaire, situés dans le même plan, sont nettement distincts. Le premier est étroit, terminé par trois à quatre dents ; le second, très légèrement en retrait dorsalement, est plus large et couvert d’une plaque ovale de chitine épaisse et lisse. Des denticules complémentaires et des soies barbelées comblent l’espace libre entre les deux processus, créant une continuité sur toute la hauteur du bord interne de chaque mandihule. Cette structure est celle du premier stade larvaire et elle est conservée jusqu’à la métamorphose (fig. 5, R). On note seulement au cours du développement le renforcement progressif des soies barbelées, l’apparition de fines dents de scie sur le bord supérieur du processus molaire et d’une dent puissante sur sa face externe. Une telle mandibule peut remplir plusieurs fonctions : déchiqueter, broyer et filtrer ; elle semble adaptée à un régime omnivore, restreint cependant, par l’apparente fragilité de l’appendice, à des proies facilement triturables. 852 MICHELE REGNAULT B C Fig. 5. —• Mandibule de C. septemspinosa. A, premier stade larvaire ; B, dernier stade larvaire (face dorsale) ; C, adulte (face ventrale). Chez l’adulte, la forme de cet appendice est très différente (fig. 5, C) : c’est un bras cylindrique, étroit mais robuste, terminé par une lame à bord tranchant fortement chiti- nisée masquant deux dents à allure de canine, situées sur sa face ventrale. Un seul processus, le processus molaire (Mocquard, 1883), est présent. Les deux mandibules, symétriques, semblent avoir un rôle essentiellement coupeur-broyeur ; elles ont évidemment perdu la capacité de filtration qui les caractérisait pendant la phase larvaire. DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 853 Une certaine relation peut être suggérée entre la fonction des mandibules et la struc¬ ture de l’estomac. Pendant la phase larvaire, les mandibules peuvent retenir par filtration des particules de petite taille et découper, ou même triturer longuement, des particules plus grosses. Arrivées dans l’estomac, ces particules alimentaires seront de nouveau triturées par le système de valves cardio-pyloriques. Ce dispositif doit être d’autant plus efficace que le filtre est peu élaboré et non fonctionnel, du moins chez les premiers stades. En fin de vie larvaire, nous avons vu que les mandibules comme l’armature gastrique avaient atteint leur maximum de complexité ; leur action conjuguée se traduira alors par un décou¬ page et un broyage intenses des aliments avant leur arrivée dans le filtre. Chez l’adulte, l’armature gastrique est pratiquement inexistante et la mandibule est réduite à un rôle coupeur-broyeur, d’où une certaine sélection des aliments ingérés. L’ani¬ mal a, en outre, grâce au diverticule postérieur cardiaque, la possibilité de mettre en réserve une quantité importante de nourriture. La voracité des animaux adultes gardés quelques jours à jeun et la rapidité avec laquelle ils ingèrent les morceaux entiers de poisson qu’on leur présente nous ont conduite à l’hypothèse suivante : dans un premier temps, la nourriture serait grossièrement déchiquetée par les mandibules et ingérée, puis stockée dans le diver¬ ticule cardiaque. Ultérieurement, le contenu de ce diverticule serait repris par les contrac¬ tions des muscles de l’œsophage et des parois cardiaques, trituré à nouveau par le jeu des bourrelets et des soies de cette chambre et sans doute aussi par les mandibules qui pénètrent profondément dans la cavité buccale. Dans ce cas, le diverticule postérieur à paroi mince et élastique remplirait, chez C. septemspinosa, le rôle d’un jabot, alors que chez P. varians cette poche est le centre d’un brassage puissant et d’une activité enzymatique prolongée (Le Roux, 19716). Une relation du même ordre, entre estomac et mandibule, nous est apparue chez Palae- monetes pugio. La mandihule larvaire est plus robuste que celle de Crangon ; son processus molaire ne présente pas de sole masticatrice broyeuse mais son bord interne, tranchant et garni d’une rangée de denticules acérés, a l’aspect d’une scie ; l’espace entre les deux processus incisif et molaire est large et, aux derniers stades larvaires, partiellement comblé par de fortes soles. Au niveau cardio-pylorique, les baguettes chitineuses sont plus nombreuses, plus épaisses que chez C. septemspinosa et barbelées à leur extrémité. Ainsi, les aliments qui pénètrent dans la chambre cardiaque des larves de P. pugio ont été soumis à une action mécanique moindre, puisque déchiquetés mais non broyés par les mandibules. Un disposi¬ tif cardio-pylorique robuste et plus perfectionné complétera donc l’action de ces der¬ nières. Chez fadidte, le processus molaire présente sur ses deux faces une succession d’écailles chitineuses à arêtes tranchantes, disposées comme les tuiles d’un toit et formant une râpe efficace. Le processus incisif est présent ; la mandibule offre ainsi une large surface coupeuse et déchiqueteuse. 11 est évident que la nourriture qui arrive dans l’estomac de P. pugio adulte est beaucoup plus finement triturée que dans celui de C. septemspinosa ; or, chez P. pugio, la chambre cardiaque ne présente pas de diverticule postérieur dorsal. Renfro et Peakcy (1966) ont montré qu’il existait un certain rapport entre l’anatomie et la fonction des pièces huccales et celles de l’estomac chez deux crevettes pélagiques ; Sergestes similis et Pasiphaea pacifica. Ces auteurs démontrent, en outre, que le régime 854 MICHÈLE REGNAULT alimentaire de ces deux crevettes est déterminé en partie par cette association pièces buccales-estomac. De ces différents exemples il ressort qu’un lien certain existe entre la structure et la fonction de la mandibule — plus généralement des pièces buccales — et celles de l’estomac, tant chez les formes larvaires que chez les formes adultes. La morphologie de ce complexe pièces buccales-estomac influence ainsi, et pourrait déterminer, le mode de nutrition, donc le régime des individus. DISCUSSION La morphologie des pièces buccales et de l’estomac de Crangon septemspinosa évolue très progressivement au cours du développement larvaire. A l’exception de la métamor¬ phose, auenne mue ne provoque de changements suffisants pour modifier de façon impé¬ rative le mode de nutrition de la jeune larve. En particulier, l’évolution stomodéale est très faible pendant les quatre premiers stades larvaires et ce n’est qu’au stade V qu’apparaît un appareil masticateur filtreur plus complexe, autorisant une nourriture plus variée. Or, nous avons observé qu’en élevage les périodes critiques se situent de la 2® à la 3® mue larvaire, aussi bien chez C. septemspinosa (Régnault et Costlow, 1970) que chez Hippolyte inermis (Régnault, 1969a et h). 11 est vraisemblable qu’à ce stade particulier du développement, la larve doit faire face à une dépense énergétique accrue, soit pour assurer son équilibre osmotique, soit pour sa croissanee et la formation d’appendices nou¬ veaux (pléopodes) ; mais elle ne peut cbanger son mode d’alimentation par suite de la conformation de ses pièces buccales et de son estomac demeurés pratiquement identiques depuis l’éclosion. Il y aurait ainsi un certain décalage entre le moment où se fait sentir le besoin de changer de régime et celui où ce changement est rendu possible. Ce retard dans l’évolution du tube digestif antérieur peut être invoqué pour expliquer, partiellement sans doute mais de façon non négligeable, la période critique observée en élevage au cours du développement larvaire. L’étape la plus marquante dans l’évolution de la mandibule et de l’estomac a lieu à la métamorphose. Nous ne reviendrons pas sur la disparition de formations stomacales purement larvaires et la simplification brutale de l’armature cardio-pylorique. Nous rappel¬ lerons simplement qu’à l’issue de cette mue, l’écologie de l’animal est très différente : de pélagique il est devenu semi-bentbique ; son mode de locomotion a changé et il passe la plupart du temps à la surface du sédiment. Il est évident que son mode de nutrition est lui aussi, différent. Cependant, le passage de la forme larvaire à la forme adulte nous a intéressée plus sur un plan phylétique qu’écologique. Nous avons déjà indiqué que l’absence de moulin gastrique bien différencié était un caractère commun aux Caridea adultes. Patwahd’han (1935) considère ce fait comme résultant d’une évolution régressive. Reddy (1935) a pré¬ senté un schéma évolutif des Décapodes basé sur la structure des pièces chitineuses de l’estomac dans lequel il fait dériver les trois groupes de Natantia d’un type commun, Cera- taspis monstruosus ; celui-ci a été identifié depuis comme la larve d’un Pénéide (IIeegaard, DÉVELOPPEMENT DE l’eSTOMAC DE CRANGON SEPTEMSPINOSA SAY 855 1966). Selon ce schéma, on passe soit normalement des pièces denticulées de Cerataspis aux ossicules différenciés des Peneidea, soit après réduction de ces pièces aux valves des Caridea. Aucune forme de transition, toutefois, ne permet de suivre le passage Cerataspis- Caridea et d’affirmer que ces dernières proviennent d’une organisation primitivement plus complexe. La morphologie de l’estomac larvaire, telle qu’elle nous est apparue chez C. septemspinosa, constitue un élément favorable à l’hypothèse de Reddy. En effet, elle représente une forme, sinon une étape, intermédiaire dans le schéma de Reddy. Par exemple, le plafond cardiaque au niveau de l’ouverture cardio-pylorique présente une dent médiane distincte chez Cera¬ taspis, une simple barre transversale chez les larves de Crangon, mais se trouve dépourvue de toute formation particulière chez les adultes ; de même, les parois latérales de la chambre cardiaque portent des rangées longitudinales de denticules chez Cerataspis, celles-ci ne figu¬ rant plus chez les larves de Crangon que sous forme de bourrelets musculaires à chitine lisse avant de disparaître chez l’adulte. L’estomac des formes larvaires représente donc par certains côtés une forme de transition. Il faut cependant mentionner qn’on y observe des caractères propres qui n’ont d’équivalent ni chez Cerataspis ni chez l’adulte. On peut le considérer néanmoins comme un des maillons d’une évolution encore mal définie et jugée régressive essentiellement par hypothèse. Cette étude certes est insuffisante pour nous éclairer sur la phylogénie des Caridea mais elle présente l’intérêt d’attirer l’attention sur un problème important que l’observa¬ tion des larves de plusieurs familles de Caridea, à développement plus ou moins condensé, pourrait résoudre de façon satisfaisante. Notre but était davantage de mettre en lumière l’importance de l’association mandibule-estomac et sa relation étroite avec le mode de nutrition et l’écologie des larves et des adultes. Nous n’avons certes pas l’intention d’expliquer le régime alimentaire d’une crevette par les dispositions morphologiques de son appareil digestif. Toutefois, il nous a semblé que la connaissance de ces structures pouvait, dans les élevages, contribuer à la recherche d’une forme adéquate de représentation de la ration alimentaire calculée selon les besoins métaboliques de l’animal. 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IMPRIMERIE NATIONALE 2 5G4 002 5 Recommandations aux auteurs Les articles à publier doivent être adressés directement au Secrétariat du Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Ils seront accompa¬ gnés d’un résumé en une ou plusieurs langues. L’adresse du Laboratoire dans lequel le travail a été effectué figurera sur la première page, en note infrapaginale. Le texte doit être dactylographié à double interligne, avec une marge suffisante, recto seulement. Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner un titre ; les tableaux compliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Bauchot, M.-L., J. Daget, J.-C. Hureau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionomie. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 2® sér., 42 (2) : 301-304. Tinbergen, N., 1952. — The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées par an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. 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