BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE 1111 ! 11111111111 ! 111111111111111111 PUBLICATION BIMESTRIELLE I N° 105 JANVIER-FEVRIER 1973 zoologie 79 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75005 Paris Directeur : P r M. Vachon. Comité directeur : P rs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : Dr. M.-L. Bauchot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Conseiller pour l’illustration : Dr. N. Halle. Le Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bidletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences do la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Ecologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His- toire naturelle, 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P.. Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Abonnements pour l’année 1973 Abonnement général : France, 360 F ; Étranger, 396 F. Zoologie : France, 250 F ; Étranger, 275 F. Sciences de la Terre : France, 60 F ; Etranger, 66 F. Ecologie générale : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Botanique : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Sciences physico-chimiques : France, 15 F ; Étranger, 16 F. International Standard Serial Number (ISSN) : 0027-4070. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE 3 e série, n° 105, janvier-février 1973, Zoologie 79 Ponte d’un python réticulé (Python reticulatus ) élevé en terrarium, et incubation des œufs par Raoul de La Panouse et Claude Pellier * Résumé. — Un Python réticulé (Python reticulatus), d’origine thaïlandaise, a pondu en jan¬ vier 1971 une trentaine d’œufs dans le vivarium du Château de Thoiry-en-Yvelines. Le détail de la ponte, de l’incubation et le développement de ces œufs purent être suivis, l’éclosion fut obtenue et la croissance d’un jeune, à partir de sa naissance, fut suivie jusqu’à l’âge d’un an. La durée d’incubation de cette espèce, à une température de 30°C à 32°C, est de 94 jours. Les principales caractéristiques du développement embryonnaire sont décrites. Les phases de l’éclosion, qui a duré 48 heures, ont été observées ; à la naissance, le jeune Python mesurait 74 cm et pesait 166 g. La croissance du jeune Python réticulé est rapide : il double sa taille en un an et dans la même période son poids est passé de 166 à 716 g. L’état de développement, déjà avancé, de l’embryon âgé de 7 jours, suggère que le Python réticulé présente un certain degré d’ovoviviparité. Abstract. — A reticulated Python (Python reticulatus ) of thai origin laid some thirty eggs in january 1971 in the vivarium of Château de Thoiry-en-Yvelines. The detail of the laying, incubation and development of these eggs had been followed ; the éclosion was obtained and the growth of a young was followed from birth till the âge of one year. The incubation period of this species, at température of 30 to 32°C, is 94 days. The principal characteristics of embryonic development are described. The phases of the éclosion, which lasted 48 hours, were observed ; at birth, the young Python measured 74 cm and weighed 166 g. The growth of the young reticulated Python is rapid : it doubles its size in one year and in the same period its weight changed from 166 to 716 g. The State of development, already advanced, of the embryo aged 7 days, suggests that the reticulated Python présents a certain degree of ovoviviparity. Lorsqu’on parcourt la littérature ayant trait aux pontes de Boidae, on s’aperçoit vite que l’on possède très peu de documents sur la ponte et l’éclosion du Python réticulé. La ponte des Pythons africains ou asiatiques a fait l’objet de maints comptes rendus ; des données sur la température et la durée de l’incubation ont été publiées par différents auteurs, mais nous n’avons trouvé qu’une seule mention relative au Python réticulé. Pour cette raison, nous apportons ici nos propres observations sur la ponte du Python réticulé (.Python reticulatus ), la durée de l’incubation, les principaux stades du développement embryonnaire et l’éclosion. Le 23 octobre 1969, le vivarium du Parc zoologique et de loisirs de Thoiry-en-Yve¬ lines recevait un Python réticulé femelle venant de Thaïlande. Après sa mise en quarantaine, le * Département scientifique du Parc zoologique de Thoiry-en-Yvelines. 105, 1 38 RAOUL DE LA PANOUSE ET CLAUDE PELLIER Python fut placé seul dans un terrarium do 2,50 X 2,20 m et 1,80 m de hauteur. La tem¬ pérature et l’hygrométrie moyenne étaient respectivement de 27° C et 65 %. Il est inté¬ ressant de noter que, bien que cette femelle fût isolée, éloignée de tout mâle pendant une durée minimale de 445 jours avant la ponte, tous les œufs pondus étaient fécondés, ce qui donne un coefficient de fertilité de 100 %. En se fondant sur les observations faites chez d’autres Reptiles (voir les variations du coefficient de fertilité indiquées par J. Guibé, 1970), on peut en inférer que, très probablement, la fécondation avait eu lieu un an et demi à deux ans auparavant. Notre vivarium est installé dans les caves du Château de Thoiry et nous essayons de compenser l’absence de lumière naturelle par un ensemble de tubes Grolux et actiniques. Jusqu’au 16 septembre 1970, la femelle s’alimenta régulièrement et mua trois fois, les 8 janvier, 22 mars et 25 juin 1970 ; elle mesurait 4,36 m et pesait plus de 20 kg. C’est le 8 janvier 1971 que nous eûmes la surprise de découvrir la femelle pondant son premier œuf. I. Description de la ponte Le premier œuf fut déposé le 8 janvier 1971 à 10 h. La femelle, lovée en 3 spires, la tête à l’extérieur, entassait ses œufs dans un cratère de 30 cm de diamètre (fig. 1). Les pre- Fig. 1. — Python réticulé femelle de Thoiry, lové autour de ses 25 œufs (photographie prise le 9 janvier 1971). (Gr. : 0,23.) PONTE D’UN PYTHON RÉTICULÉ 39 miers œufs furent pondus au rythme d’une unité par 15 mn et les derniers en plus de 30 mn. Nous en comptâmes 25 qui reposaient sur une couche de sable. La température ambiante était alors de 28°C et l’hygrométrie de 65 %. Les œufs, adhérents entre eux, présentaient une coquille de teinte blanchâtre, de consistance parchemineuse et lisse au toucher. IL Incubation La ponte terminée, le Python ramena la tête et une partie de spire au centre, obstruant complètement le sommet de la pyramide d’œufs. Bien que la température ambiante eût oscillé entre 26,5°Cet 30°C pendant toute la jour¬ née de l’incubation, les relevés de température demeurèrent dans les limites suivantes : — au centre des œufs . 29°C-30°C — entre deux spires. 29°C — entre la peau et le sable. 28,5°C-29°C Nous avons remarqué également que, lorsque la température ambiante dépassait 29°C, la femelle « aérait » le cône d’œufs en replaçant sa tête à l’extérieur. Pendant l’incubation, elle refusa toute nourriture, et nous n’avons pu vérifier si elle buvait. Elle n’a quitté qu’une seule fois ses œufs, le 22 mars, au cours d’une mue, sans doute pour se débarrasser de ses lambeaux de peau. Agressive dans les premiers jours après la ponte, elle nous laissa étudier les œufs, ensuite, avec indifférence. Un certain nombre d’œufs furent prélevés à différentes époques de l’incubation et placés en incubateur artificiel, au Laboratoire de l’Institut Pasteur de Sannois ; les autres furent laissés à la mère. Ces œufs furent sacrifiés ensuite à des délais variables ; on trouvera dans le tableau 1 et le paragraphe III les renseignements concernant les œufs et le dévelop¬ pement des embryons. Ce fut sur les embryons issus de ces œufs que put être étudié, pour la première fois, le développement embryonnaire des membres postérieurs et de la cein¬ ture pelvienne (A. Raynaud, 1971, 1972). Au cours de. l’incubation, les œufs de la couche supérieure de la ponte présentaient des dépressions de la coquille et, malgré l’augmentation en degré hygrométrique (minima 70 % et maxima 90 %), nous n’avons pu remédier à cette anomalie. Il est possible que certains œufs aient contenu un foyer infectieux contracté pendant leur passage dans les oviductes de la mère. En effet, la femelle mourut le 24 mars 1971 et à l’autopsie nous avons constaté : — une rétention de 5 œufs momifiés qui n’avaient pu être expulsés ; — un pyomètre dans la partie de l’oviducte dans laquelle séjournaient ces œufs. A l’ouverture de certains des œufs déprimés, nous avons trouvé des embryons morts ou de taille inférieure à la normale. Les plus âgés mesuraient 40, 54, 65, 66 et 68 cm. On nota, à différents stades de l’incubation, l’état des œufs et ce qui restait de vitel- lus. Celui-ci avait une consistance crémeuse et une couleur blanchâtre ; au stade de 53 jours d’incubation, il restait encore 173 g de vitellus. Le liquide albumineux qui s’écoulait hors de l’œuf à son ouverture, avait un pH voisin de 8 et donnait une réaction verte, nette, caractéristique des protéines, à F « albustix ». Au stade de 71 jours, la quantité 105, 2 40 RAOUL DE LA PANOUSE ET CLAUDE PELLIER de vitellus restant dans l’œuf était de 92 g (l’œuf posant seulement 182 g et l’embryon 63,86 g). Notons qu’à l’éclosion, c’est-à-dire au 94 e jour de l’incubation, le vitellus était épuisé. Après la mort de la mère, les œufs restants furent ajoutés à ceux qui se développaient en incubation artificielle. Les œufs reposaient sur une couche épaisse de coton hydrophile, humidifiée par de l’eau distillée (degré hygrométrique voisin de 90 %) dans des cristalli- soirs de verre, incomplètement fermés par des couvercles de verre. Ils étaient nettoyés régulièrement au moyen de coton imbibé d’eau distillée. La température de l’étuve à incu¬ bation resta comprise entre 30°C et 32° C. Tableau I. — Etat de quelques œufs et des embryons correspondants du Python réticulé. Date d’ouver¬ ture de l’œuf Stade de bation (en Dimensions de l’œuf l’incu- Poids de l’œuf (en cm) jours) (en g) ^ : grand axe 1 et T : petits axes Poids de l’em¬ bryon (en g) Longueur de l’embryon (en cm) 16-1-71 8 215 L = 9,3 1 et 1' = 7,5 X 5,2 — — 17-1-71 9 L = 9 1,797 11,1 23-1-71 15 235 L = 10,5; 1 = 6,2 2,452 15,2 30-1-71 22 222 L = 9; 1 = 7 4,3 17,1 17-11-71 40 179 non mesuré (œuf très déprimé) 7,46 24,7 1-III-71 51 183 L = 11 ; 1 = 6,5 (œuf très déprimé) 16,36 33,4 3-n r-7i 53 289 L = 10 ; 1 = 7 (œuf bien ellipsoïdal) 42,04 46,6 20-111-71 71 187 L = 9,5 1 = 8,5 ; T = 4,5 63,86 61,5 12-IV-71 94 215 nouveau-né nouveau-né (éclosion) (10 avril 1971) 166 74 Dans ces conditions, les œufs se développèrent d’une manière satisfaisante. Un œuf fut conservé pour observer l’éclosion et la naissance du Python réticulé, qui eurent lieu selon les modalités suivantes. III. Éclosion L’œuf choisi incubait au Laboratoire de l’Institut Pasteur à Sannois depuis le 16 février ; il pesait alors 215 g. Le 10 avril 1971, on constate (observations effectuées en collaboration avec A. Raynaud) que le jeune a fendu la coquille suivant une ligne légè¬ rement sinueuse de 4 cm de longueur, placée parallèlement au grand axe de l’œuf ; par cet orifice on aperçoit le jeune Python qui s’agite dans l’œuf ; à 24 h 10, pas d’éclosion ; le 11 avril, l’orifice dans la coquille est élargi ; jusqu’à 15 h l’œuf fut examiné toutes les PONTE D’UN PYTHON RÉTICULÉ 41 deux heures environ, mais l’éclosion ne se produisit pas. Cependant on remarquait que la tête du jeune Python s’approchait souvent de la fente, puis se rétractait vivement à l’inté¬ rieur. L’œuf qui présentait une dépression en surface pendant l’incubation, avait repris une forme ellipsoïdale régulière. À 20 h 10 on constate que la tète et la partie antérieure du corps (sur une longueur de 20 cm) étaient sorties hors de l’œuf et exploraient l’espace environnant ; mais, surprise à 20 h 23 : le jeune était à nouveau rétracté dans l’œuf ; pas de changement jusqu’à 6 h 30 du matin, du 12 avril 1971, heure à laquelle le Python sortit entièrement de l’œuf et se pelotonna dans le fond de l’étuve à incubation. Il fut immédia¬ tement pesé et mesuré : — poids du nouveau-né : 166 g ; — longueur totale : 74 cm. La durée totale de l’incubation fut donc de 94 jours et la durée de l’éclosion depuis la fente de la coquille, de 36 heures. Immédiatement après l’éclosion, l’œuf pesait 45,5 g, il ne contenait plus de vitellus, mais seulement un peu de liquide sanguinolent. Le Python nouveau-né se montrait très agressif et se précipitait, bouche ouverte, sur la main qui voulait le saisir. On apercevait la « dent d’éclosion » qui faisait saillie en avant, dans un plan sagittal, dans le repli formé par la lèvre supérieure. Au niveau de l’ombilic, il ne subsistait qu’une sorte de cicatrice circulaire. IV. Quelques stades de la vie postnatale Au cours de la première journée de vie postnatale, le nouveau-né s’expose au soleil pendant environ une heure, puis se baigne (eau distillée tiédie) de 16 h 45 à 20 h 20 ; il consacre aussi beaucoup de temps à la promenade. Le deuxième jour, il prend un nouveau bain de 12 h 30 à 14 h 30. Il semble moins agressif que le premier jour, mais demeure méfiant et se place en position d’attaque quand on l’approche. Le jeune Python fut rapporté à Thoiry le 15 avril 1971 et fut installé dans un petit terrarium du vivarium. Il prit son premier repas le 3 juin 1971 et, depuis lors, il mange régulièrement. Il fit sa première mue le 21 avril 1971, et jusqu’au 12 avril 1972, soit en un an, il fit 10 mues. Le tableau II résume sa croissance et montre qu’il doubla de taille en une année et qu'à la fin de cette première année son poids avait atteint 716 g, alors qu’il ne pesait que 166 g à l’éclosion. V. État des embryons à divers stades de leur développement Au stade de 7 jours d’incubation, l’embryon n’est pas pigmenté et ne présente encore aucune ébauche d’écailles, la partie postérieure du corps s’enroule en 4 spires (fig. 2) ; l’œil est pigmenté et la partie visible du cristallin a une forme d’écusson ; aucune papille sclérale n’est apparente ; on distingue nettement les narines externes. Les arcs branchiaux ne sont plus visibles. Sur les bords de la région cloacale fait saillie, de chaque côté, une petite pro¬ tubérance conique de 0,5 à 0,6 mm de hauteur, représentant l’ébauche du membre 42 RAOUL DE LA PANOUSE ET CLAUDE PELLIER Fig. 2. — Photographie d’un embryon de Python réticulé au stade de 7 jours d’incubation ; noter l’enroulement de la partie postérieure du corps. (Gr. : 3,2.) Fig. 3. — Premières pigmentations sur la tête et les côtés du cou d’un embryon de Python réticulé de 53 jours. (Noter la présence de fossettes labiales.) (Gr. : 2,3.) PONTE D’UN PYTHON RÉTICULÉ 43 Tableau IL — Croissance du Python réticulé au cours de l’année qui a suivi l’éclosion. ., Longueur Poids Date 8 en cm en g 12-1V-71 74 166 (éclosion) 21-IV-71 24-V-71 90 140 4-VI-71 — — 27-VI-71 90 150 5-X-71 95 180 14-XII-71 103 400 1-1-72 107 490 12-IV-72 146 716 27-111-73 225 2800 Observations Première mue Première prise de nourriture : 4 oisillons A partir du 4-VI-71, le jeune Python s’alimenta régulière¬ ment chaque semaine (Souriceaux et Souris) ; il fit 10 mues en un an. postérieur ; les organes copulateurs se devinent à peine. Sur l’œuf, l’aire vasculaire atteint déjà 7 cm de diamètre environ. Après 15 jours d’incubation, l’embryon mesure 152 mm de longueur totale, son cœur bat au rythme d’une pulsation chaque 1,3 seconde. Comme au stade précédent, nous n’apercevons aucune trace de pigmentation ni d’ébauches d’écailles, l’œil pigmenté reste dépourvu de papilles sclérales. Les ébauches phalliques se développent rapidement depuis le stade précédent et forment deux bourgeons cylindriques de 1,2 mm de longueur. Les ébauches des membres postérieurs sont visibles, sous forme de deux surélé¬ vations de 0,5 mm de longueur, situées chacune de part et d’autre de la région cloa- cale. Une membrane ferme la cavité ventrale du corps, sur la moitié antérieure. Au stade de 22 jours d’incubation, dans les parties antérieures du tronc (tête exceptée) on note l’apparition de petits soulèvements disposés en damiers, représentant les premières ébauches d’écailles. Une fine pellicule recouvre l’œil, la cavité ventrale est complètement fermée. Le corps de l’embryon ne s’enroule maintenant que sur 3 spires. Au stade de 40 jours d’incubation (embryon de 7,85 g) le corps n’est toujours pas pigmenté, mais les ébauches d’écailles sont présentes maintenant sur tout le corps et la mâchoire inférieure ; les deux hémipénis sont bien développés et montrent une extré¬ mité bifide, en pince d’écrevisse. Sur les côtés latéraux du cloaque, contigus au bord de la lèvre crâniale, font saillie les membres postérieurs comprenant une base surmontée d’une partie pointue à l’extrémité dirigée médianement. Après 53 jours d’incubation, on note des mouvements spontanés de l’embryon. Il mesure 466 mm de longueur totale. Le corps de teinte générale rosée est complè¬ tement recouvert d’écailles, et la partie ventrale de plaques transversales bien dessinées. La pigmentation apparaît dans la moitié antérieure du corps : elle forme une ligne médio- dorsale et, sur chaque côté, deux lignes sinueuses (formées chacune de 2 rangées d’écailles) viennent au contact l’une de l’autre par leurs sinuosités et construisent des losanges peu apparents (fig. 3). Dans la région cloacale, à côté des deux hémipénis (fig. 4), on aperçoit PONTE D’UN PYTHON RÉTICULÉ 45 les saillies de la glande anale et de part et d’autre de celle-ci les proéminences des membres postérieurs. Au stade de 71 jours d’incubation, l’embryon mesure 615 mm de longueur totale. Complètement pigmenté, il présente maintenant les dessins caractéristiques de l’adulte (fig. 5 et 6 à comparer aux fig. 7 et 8 se rapportant à l’adulte). Sous l’extrémité Fig. 7 et 8. — Vue de la pigmentation cutanée dans la région antérieure du tronc (figure 7) et postérieure du tronc (figure 8) de la femelle de Python réticulé, adulte. Photographies prises le 24 mars 1971, à Thoiry. Comparer avec les figures 5 et 6 montrant la pigmentation chez un embryon de 71 jours. (Gr. : 0,28.) Noter également sur la figure 8, la dilatation de la région précloacale (flèche) du Python adulte, par suite de la rétention des œufs. de la mâchoire supérieure on aperçoit une petite papille qui fait saillie : c’est l’ébauche de la dent d’éclosion ; les écailles qui bordent la lèvre supérieure présentent des dépressions, Fig. 4. — Région cloacale d’un embryon de Python réticulé au stade de 53 jours d’incubation ; on aper¬ çoit les deux hémipénis (é. ph.) dirigés caudalement et de part et d’autre de l’ouverture cloacale, la saillie de la glande anale et le rudiment de membre postérieur (é.m.p.). (Gr. : 5.) Fig. 5 et 6. — Vues générales de l’embryon de Python réticulé, au stade de 71 jours d’incubation (à 30-32°C) ; noter la pigmentation qui se rapproche tout à fait de celle de l’adulte. (Gr. : 1.) 46 RAOUL DE LA PANOUSE ET CLAUDE PELLIER trois très marquées et deux autres moins profondes ; on note également la présence de deux enfoncements sur la plaque rostrale, ces dépressions s’étant amorcées chez l’embryon âgé de 40 jours ; elles représentent les ébauches des « fossettes labiales ». Dans la région cloacale, les hémipénis et les saillies de la glande anale se sont rétractés à l’intérieur. VI. Discussion Les observations effectuées sur cette ponte du Python réticulé, sur le développement des œufs en incubation naturelle et artificielle, et sur l’éclosion ont permis : a ) d’obtenir des données sur la durée de l’incubation chez cette espèce, à une température de 28 à 32°C : depuis la ponte des œufs, il a fallu 94 jours pour atteindre le stade de l’éclosion ; b) de connaître les principaux stades du développement embryonnaire (caractéristiques morphologiques, poids, longueur des embryons) et celui de la naissance ; c) d’assister à l’éclosion du Python réticulé, éclosion qui a duré 48 heures, et de suivre le comportement du jeune Python au cours des premiers jours de la vie postnatale et son développement ultérieur pendant une période d’un peu plus d’un an. Il n’existe dans la littérature que très peu d’observations se rapportant à la ponte, au développement des œufs et à l’éclosion de l’œuf du Python réticulé. Dans l’ouvrage de K. P. Schmidt et R. F. Inger (1960) quelques renseignements sont donnés sur les jeunes de cette espèce : à l’éclosion, ils mesureraient de 60 à 75 cm et pèseraient de 110 à 130 g; ces poids sont nettement inférieurs à celui du nouveau-né éclos à Sannois (166 g). Dans le chapitre « Reproduction » (in P. P. Grasse, Traité de Zoologie), J. Guibé rapporte un certain nombre d’observations ayant trait à l’incubation et à l’éclosion de divers serpents et, en particulier, de quelques espèces de Python. Chez Python curtus, la durée de l’incubation est de 80 à 90 jours. La température du corps, au cours de l’incuba¬ tion a été mesurée chez différentes espèces : Python molurus, Python sebae, Python curtus. D’une manière générale, les observations concordent pour indiquer qu’au cours de l'incu¬ bation, les contractions musculaires du corps de la femelle déterminent, autour des œufs, une élévation de température de quelques degrés par rapport à la température ambiante (voir également Forbes, 1881 ; Angel, 1950). Nos propres observations ne montrent pas d’élévation importante de la température au milieu de la ponte puisque pour une tem¬ pérature ambiante oscillant entre 26,5°C et 30°C, la température prise au centre des œufs resta comprise entre 29°C et 30°C. En ce qui concerne la ponte des Pythons en captivité et l’éclosion des œufs, plusieurs observations ont été faites chez des espèces différentes. Valenciennes (1841) décrit la ponte d’un Python bivittatus de 3 m de longueur : 15 œufs furent pondus, et, après 56 jours d’incubation à une température variant entre 23°C et 41,5°C, il obtint l’éclosion de 8 œufs et des nouveau-nés mesurant 50 cm de longueur. F. Doflein (1932) observa la ponte d’un Python molurus (100 œufs ; durée d’incubation de 11 semaines) ; l’auteur constata que les jeunes nouvellement éclos retournent la nuit dans les coquilles vides, constituant pour eux un abri, et la mère s’enroule à nouveau autour de ces œufs réoccupés, protégeant ainsi sa progéniture. FitzSimons (1930) étudia la ponte de différentes espèces PONTE D’UN PYTHON RÉTICULÉ 47 de Python et nota que la température du corps des mères était voisine de 32°C. Benedict observa, en 1931, la ponte d’une trentaine d’œufs par un Python de Seba au « National Zoological Park » de Washington et il donne des photographies montrant la masse des œufs au centre des spires de la mère, au moment de la ponte et un mois après : les œufs sont altérés à ce stade, et ceci rappelle ce que nous avons observé chez un certain nombre d’œufs du Python réticulé. Dans son ouvrage consacré aux Ophidiens, J. Stidworthy (1969) signale que la femelle de Python molurus fait un nid peu profond et y pond une cen¬ taine d’œufs (le maximum étant de 107) ; elle s’enroule ensuite autour du nid et incube les œufs jusqu’à l’éclosion qui demande deux mois et plus, sans prendre de nourriture. Les nouveau-nés mesurent environ 75 cm de longueur et ils grandissent rapidement : ils peuvent atteindre 2 m au bout d’une année et 3 m à l’âge de 3 ans. En ce qui concerne Python reticulatus, nous n’avons trouvé dans la littérature qu’une autre observation, celle publiée dans l’ouvrage de F. G. Benedict (1932) : deux photogra¬ phies montrent une masse considérable d’œufs, devant avoisiner la centaine, pondus par un Python réticulé de 8 m de longueur, sur la rivière Ogan, à Sumatra (observation faite au cours de l’expédition du Field Muséum of Natural History). Remerciements Nous voudrions exprimer ici toute notre gratitude au Professeur A. Raynaud de l’Institut Pasteur à Sannois, qui nous a apporté son aide pour obtenir l’incubation arti¬ ficielle et l’éclosion des œufs du Python réticulé au laboratoire ; rappelons que c’est ce matériel qui a permis, pour la première fois, de suivre le développement embryonnaire du Python réticulé et d’étudier la formation des appendices pelviens chez les embryons de cette espèce. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Angel, F., 1950. — Vie et mœurs des Serpents. Payot, Paris, 319 p. Benedict, F. G., 1932. — The physiology of large reptiles with spécial reference to the heat repro¬ duction of Snakes, Tortoises, Lizards and Alligators. Carnegie Institution of Washington (425), î-x, 539 p. Forbes, W. A., 1881. — Observations on the incubation of the indian python ( Python molurus ) with spécial regard to the alleged increase of température during that process. Proc, z ool. Soc. Lond. : 960-967. Guibé, J., 1970. — La reproduction des Reptiles. In : P. P. Grasse, « Traité de Zoologie », Masson, Paris, XIV (3) : 859-892. Raynaud, A., 1971. — Le développement embryonnaire des membres postérieurs et de la cein¬ ture pelvienne du Python réticulé ( Python reticulatus). C. r. Acad. Sci., Paris, 273 : 380- 383. — 1972. — Étude embryologique de la formation des appendices postérieurs et de la cein¬ ture pelvienne chez le Python réticulé ( Python reticulatus ). Mém. Mus. natn. Hist. nat., Paris, sér. A, Zoologie, 76, 31 p. 48 RAOUL DE LA PANOUSE ET CLAUDE PELLIER Schmidt, K., et R. Inger, 1960. — Les Reptiles vivants du Monde. Hachette, Paris, 286 p. Stidworthy, J., 1971. — Les Serpents. Larousse, Paris, 160 p. Valenciennes, A., 1841. — Observations faites pendant l’incubation d’une femelle de Python à deux raies ( Python bivittatus). C. r. Acad. Sri., Paris, 13 : 126-133. Manuscrit déposé le 26 juin 1972. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 3 e sér., n° 105, janv.-févr. 1973, Zoologie 79 : 37-48. Achevé d’imprimer le 31 octobre 1973. IMPRIMERIE NATIONALE 3 564 001 5 Recommandations aux auteurs Les articles à publier doivent être adressés directement au Secrétariat du Bulletin du Muséum national d’IIistoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Ils seront accompa¬ gnés d’un résumé en une ou plusieurs langues. L’adresse du Laboratoire dans lequel le travail a été effectué figurera sur la première page, en note infrapaginale. Le texte doit être dactylographié à double interligne, avec une marge suffisante, recto seulement. Pas de mots en majuscules, pas de soulignages (à l’exception des noms de genres et d’espèces soulignés d’un trait). Il convient de numéroter les tableaux et de leur donner un titre ; les tableaux compliqués devront être préparés de façon à pouvoir être clichés comme une figure. Les références bibliographiques apparaîtront selon les modèles suivants : Bauciiot, M.-L., J. Daget, J.-C. Hureau et Th. Monod, 1970. — Le problème des « auteurs secondaires » en taxionomie. Bull. Mus. Hist. nat., Paris, 2 e sér., 42 (2) : 301-304. Tindehgen, N., 1952. — The study of instinct. Oxford, Clarendon Press, 228 p. Les dessins et cartes doivent être faits sur bristol blanc ou calque, à l’encre de chine. Envoyer les originaux. Les photographies seront le plus nettes possible, sur papier brillant, et normalement contrastées. L’emplacement des figures sera indiqué dans la marge et les légendes seront regroupées à la fin du texte, sur un feuillet séparé. Un auteur ne pourra publier plus de 100 pages imprimées par an dans le Bulletin, en une ou plusieurs fois. Une seule épreuve sera envoyée à l’auteur qui devra la retourner dans les quatre jours au Secrétariat, avec son manuscrit. Les « corrections d’auteurs » (modifications ou addi¬ tions de texte) trop nombreuses, et non justifiées par une information de dernière heure, pourront être facturées aux auteurs. Ceux-ci recevront gratuitement 50 exemplaires imprimés de leur travail. Ils pourront obtenir à leur frais des fascicules supplémentaires en s’adressant à la Bibliothèque cen¬ trale du Muséum : 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris.