BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL d’HISTOIRE NATURELLE PUBLICATION BIMESTRIELLE zoologie 85 N° 111 JANVIER-FÉVRIER 1973 BULLETIN du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE 57, rue Cuvier, 75005 Paris Directeur : P r M. Vachon. Comité directeur : P rs Y. Le Grand, C. Lévi, J. Dorst. Rédacteur général : Dr. M.-L. Bauchot. Secrétaire de rédaction : M me P. Dupérier. Conseiller pour l’illustration : Dr. N. Halle. Le Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle, revue bimestrielle, paraît depuis 1895 et publie des travaux originaux relatifs aux diverses branches de la Science. Les tomes 1 à 34 (1895-1928), constituant la l re série, et les tomes 35 à 42 (1929-1970), constituant la 2 e série, étaient formés de fascicules regroupant des articles divers. A partir de 1971, le Bulletin 3 e série est divisé en six sections (Zoologie — Botanique — Sciences de la Terre — Sciences de l’Homme — Sciences physico-chimiques — Écologie générale) et les articles paraissent, en principe, par fascicules séparés. S’adresser : — pour les échanges, à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’His¬ toire naturelle, 38, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 9062-62) ; — pour les abonnements et les achats au numéro, à la Librairie du Muséum 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris (C.C.P., Paris 17591-12 — Crédit Lyonnais, agence Y-425) ; — pour tout ce qui concerne la rédaction, au Secrétariat du Bulletin, 57, rue Cuvier, 75005 Paris. Abonnements pour l'année 1973 Abonnement général : France, 360 F ; Étranger, 396 F. Zoologie : France, 250 F ; Étranger, 275 F. Sciences de la Terre : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Écologie générale : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Botanique : France, 60 F ; Étranger, 66 F. Sciences physico-chimiques : France, 15 F ; Étranger, 16 F. International Standard Serial Number (ISSN) : 0027-4070. BULLETIN DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE 3 e série, il 0 111, janvier-février 1973, Zoologie 85 Diptères Mycetopliilidae de Fernando-Poo par Loïc Matile * Résumé. — L’auteur étudie une petite collection rapportée de Fernando-Poo, qui fournit les premières données sur les Mycetophilidae de cette île du golfe de Guinée. Les forêts de haute altitude n’ont pu être prospectées ; le présent matériel renferme cependant 20 espèces, dont 19 sont nouvelles. Trois genres nouveaux sont établis : Tolletia (espèce type : Platyroptilon vrydaghi Tollet), Mycomyiella (espèce type : M. camerounensis n. sp., décrit du Cameroun dans le présent travail) et Boletiniella (espèce type : B. nigrifemur n. sp.). La comparaison entre le matériel nou¬ veau étudié ici et celui en provenance du continent africain montre des affinités indiscutables entre les Mycetophilidae de Fernando-Poo et la faune des hautes forêts de la « ligne du Came¬ roun ». Abstract. — The author studies a small collection from Fernando-Poo, which gives the fîrst data on the Mycetophilidae from this island of the Gulf of Guinea. The high altitude forests could not be prospected ; nevertheless, the présent material contains 20 species, 19 of which are new. Three new généra are established : Tolletia (type species : Platyroptilon vrydaghi Tollet), Mycomyiella (type species : M. camerounensis n. sp., here described from Cameroons) and Bole¬ tiniella (type species : B. nigrifemur n. sp.). À comparison between the new material studied in this paper and material from the African mainland shows undeniable alfinities between the Mycetophilidae from Fernando-Pôo and the fauna of the high forests of the “ ligne du Came¬ roun ”. Introduction Les Mycetophilidae des îles du golfe de Guinée ne sont encore connus que par les résul¬ tats d’une seule expédition, celle des Percy Sladen & Godman Trusts (1932-1933), dont les Diptères Nématocères ont été étudiés par Edwards en 1934. Celui-ci a fait connaître 5 espèces de Mycetophilidae, toutes de Sâo Thomé : Macrocera puncticosta n. sp., Mycomyia sp., Leia thomensis n. sp., Exechia silhouettensis Enderlein var. ? et Mycetophila lineola Meigen var. ? Macrocera puncticosta a été reconnu par la suite comme largement réparti en Afrique continentale (Freeman, 1970 ; Matile, 1973a) ; j’ai montré (Matile, 1970/)) que F « Exechia silhouettensis var. » d' Ldwards était en réalité un Pseudexechia distinct de l’espèce d’ENDERLEiN (des Seychelles), Pseudexechia edwardsiana n. sp. Le sta¬ tut de Mycetophila lineola var. ? sera à revoir en fonction du travail, actuellement en préparation, de P. Lastovka, sur les Mycetophila du groupe ruficollis Meigen (= lineola auct., Edwards, non Meigen). Les Mycetophilidae étudiés dans la présente note sont les premiers connus de Fernando-Pôo. On sait que cette île, qui culmine à 2 850 m (pic Santa Isabel), constitue le premier * Laboratoire d'Entomologie générale et appliquée, Muséum national d’Histoire naturelle, 45, rue de Buffon, F-75005 Paris. 111, 1 190 LOÏC MATILE élément d’une chaîne continuée par Principe (821 ni), Sâo Thomé (2 135 m) et Annobon (990 m), qui prolonge au sud-ouest la « ligne du Cameroun ». Le premier élément de celle-ci, le mont Cameroun (4 070 m), n’est séparé de Fernando-Pôo que par un bras de mer dont la profondeur maximum n’excède pas 88 m (cf. Gèze, 1943). Peu de choses semblent connues sur la biogéographie de Fernando Pôo. Sur le plan botanique, on trouvera quelques données générales dans la mise au point de Boughey (1956). Celui-ci distingue trois éléments dans la flore insulaire : 1) les introductions dues à l’homme ; 2) les espèces endémiques ; 3) les espèces continentales établies sans intervention humaine. En ce qui concerne Fernando-Pôo, Boughey souligne une anomalie du pour¬ centage d’espèces continentales qui, dans la zone de basse altitude (au-dessous de 2 500 pieds), est de moitié plus faible que dans les régions plus élevées. Boughey envisage plu¬ sieurs explications de ce fait, dont celle d’une connexion terrestre avec le continent à une époque où les températures moyennes étaient beaucoup plus basses que maintenant. Une autre explication est que ces plantes de basse altitude auraient été largement éliminées par l’extension des cultures. Les deux hypothèses ne s’excluent pas mutuellement et il paraît certain, vu le degré de plantation qu’a atteint l’île, et ceci depuis fort longtemps, que bien des espèces ont dû ou disparaître, ou se confiner aux régions plus hautes, non cultivées. Les trois éléments cités par Boughey' semblent également valables sur le plan zoolo¬ gique. En ce qui concerne plus spécialement les Mycetophilidae, la petite collection étudiée ici ne peut guère fournir de données précises étant donné l’impossibilité de\ r ant laquelle nous nous sommes trouvés de prospecter la zone forestière proprement dite. Faute des autorisations nécessaires, que nous n’avons pu obtenir pendant notre bref séjour, nous avons dû limiter nos recherches à la zone côtière, principalement plantée de cacaoyers. Les Mycetophilidae s’y sont révélés très rares, et nous n’avons pu récolter que quelques Keroplatinae, un couple de Viridivora et un Leia, dans la végétation d’ombrage. Fort heureusement, un lambeau de forêt primaire situé hors des zones interdites, vers 400 m d’altitude, nous a fourni un matériel plus varié qui nous donne au moins une indication sur la faune du niveau forestier supérieur. Les insectes trouvés peuvent se diviser ainsi : 1. des éléments comme Tolletia vrydaghi (Tollet), Parempheria n. sp. et Macrocera puncticosta Edwards (probablement présent dans l’île bien que non récolté) sont plus ou moins largement répartis dans les forêts du continent ; 2. d’autres ( Boletiniella nigrifemur n. sp., Epicypta costalis n. sp. et E. scutellata n. sp.) existent également dans les régions de haute ou de basse altitude du Cameroun ; 3. tous les autres, considérés jusqu’à plus ample informé comme endémiques, possèdent de proches parents sur le continent, et en particulier sur les hautes terres qui constituent la « ligne du Cameroun ». Ceci est particulièrement visible chez les Epicypta et Mycomiella et, à un moindre degré, les Viridivora et les Neoempheria. En tout état de cause, l’endémisme ainsi constaté se situe au niveau spécifique. Sous réserve d’une prospection des forêts d’altitude, que nous n’avons pu qu’effleurer, et surtout d’une meilleure connaissance de la faune d’Afrique occidentale, on peut dire que si la spé¬ ciation a pu ici se donner libre cours à partir de souches d’origine continentale, les Myce- DIPTÈRES MYCETOPHILIDAE DE FERNANDO-PÔO 191 tophilidae de Fernando-Pôo montrent encore des affinités indiscutables avec ceux du mont Cameroun et des premiers contreforts des monts Bambutos (seules localités que j’ai pu prospecter dans la « ligne du Cameroun »). Ces données confirment celles obtenues à partir d’autres groupes animaux et végétaux, qui conduisent Monod (1957) à envisager « la création d’une unité montagnarde (Domaine ou Secteur) comprenant à la fois les divers massifs du Cameroun et les îles du golfe de Guinée, chaque territoire constituant une unité subordonnée ». Remarques. — Les Mycetophilidae décrits dans le présent travail proviennent presque tous du lambeau de forêt primaire mentionné plus haut. Ce biotope est situé au col de Moka, qui sépare les deux massifs de l’île, vers 400 m d’altitude. Au nord de la route, dont il est séparé par une large tourbière (fig. 31), il se place environ à 4 km du carrefour de Moka, dans la direction de Concepciôn ; cette localité sera nommée « forêt de Moka » dans le texte. Trois des quatre Iveroplatinae décrits ici, ainsi que les V iridivora, ont été capturés dans des toiles d’Araignées grégaires de la famille des Pholcidae L Ces toiles constituent en effet un microbiotope fort intéressant ; tissées dans l’angle formé par les contreforts des grands arbres, elles abritent toujours une quantité de Diptères Cecidômyiidae, souvent des Limoniidae, parfois des Mycetophilidae ; suspendus aux fils par les pattes antérieures, ils s’envolent, lorsqu’ils sont dérangés, vers l’intérieur des toiles qui leur servent de pro¬ tection. Les Mycetophilidae des genres Euceroplatus , Tolletia et Rhymoleia les fréquentent régulièrement, et en particulier tous les Tolletia que j’ai récoltés (Cameroun, République Centrafricaine et Fernando-Pôo) en proviennent. La manière dont ces Diptères se réfugient dans le réseau des Pholcidae rend leur capture particulièrement difficile. La seule méthode elficace consiste à emporter, d’un seul coup de filet donné de bas en haut, le long du tronc, toute la colonie avec ses commensaux. Le tri s’effectue ensuite dans la poche du filet. Les types des espèces nouvelles sont conservés dans les collections du Muséum natio¬ nal d’Histoire naturelle de Paris. KEROPLATINAE Genre EUCEROPLATUS Edwards Ceroplatus, subg. Euceroplatus Edwards, 1929, Proc. Linn. Soc. A.5.IA., 54 (3) : 174. Euceroplatus, Matile, 1970a : 779. Euceroplatus plokiophilus n. sp. (J holotype. — Tête : Occiput jaune à soies noires, calus ocellaire noir. Antennes brun- noir, sauf les deux derniers articles qui sont jaunes. Face et palpes jaunes. 1. Je remercie vivement M. M. Hubert (Laboratoire de Zoologie, Arthropodes) d’avoir bien voulu déterminer ces Araignées. 111 , 2 192 LOÏC MATILE Thorax : Mésonotum jaune à soies noires, une trace d’une étroite ligne centrale brune, visible seulement en avant. Scutellum jaune bruni, mésophragme jaune. Pleures jaunes ; anépisternite brun, cilié en haut, sternopleure d’un jaune assombri dans la moitié inférieure. Hanches jaunes, II largement brunie à la face antérieure, III tachée de brun sur la moitié inférieure de la face externe. Pattes jaunes, éperons noirs, tarses assombris. Balanciers à pédicelle jaune et capitule brun-noir. Ailes jaune-brun, fortement enfumées dans toute la moitié antérieure. Sc 2 absente, C dépassant largement l’embouchure de R 5, R 4 oblique, son extrémité proche de celle de R 1. M 2 et M 3 interrompues avant la marge de l’aile. Abdomen unicolore, jaune, les derniers segments et l’hypopyge (fig. 1) assombris. — Longueur : 5,7 mm. Quatre paratypes <$ semblables à l’holotype. Holotype et paratypes : route de San Carlos, km 36, cacaoyère au bord du Rio Pae, il-XI-1970 ; tous capturés dans des toiles de Pholcidae au pied d’un arbre. 1 2 Fig. 1-2. — 1 : Euceroplatus plokiophilus n. sp., hypopyg e cf, vue latérale (x 77,5) ; 2 : E. brevistylus n. sp., hypopyge cf, vue latérale (x 77,5). Cette espèce, ainsi que la suivante, est proche d’ E. alberti (Tollet), dont l’hypopyge est voisin. E. plokiophilus ressemble surtout à E. alberti forme flavithorax Matile, dont il se distinguera aisément, outre par la forme de l’hypopyge, par les fémurs entièrement jaunes. E. alberti est actuellement connu du Zaïre (ex Congo belge) (Tollet, 1955), du Cameroun et de la République Centrafricaine (Matile, 1970a). DIPTÈRES MYCETOPHILIDAE DE FERNANDO-POO 193 Euceroplatus brevistylus n. sp. (J holotype. —■ Semblable à E. plokiophilus, en diffère par le mésonotum d’un jaune plus sombre, portant des traces de quatre lignes longitudinales minces, jaunes, les fémurs postérieurs largement brunis sur la moitié basale, le brun s’étendant, sur le bord ventral du fémur, jusqu’aux deux tiers de la longueur. Ailes moins fortement enfumées à la marge antérieure. Hypopyge avec les styles dorsaux très courts (fig. 2). — Longueur : 4,8 mm. Holotype <$ : forêt de Moka, 13-XI-1970, dans une toile de Pholcidae. L'espèce sera difficile à distinguer d’E. alberti versicolor. L’hypopyge, et particulière¬ ment la forme et l’écartement des styles dorsaux, permettra la distinction. D’autre part, sur l’exemplaire d’JL alberti versicolor que je possède (République Centrafricaine), les pattes sont beaucoup plus sombres, et en particulier les tibias III sont bruns, sauf à l’apex, alors que chez E. brevistylus, ils sont entièrement jaune sombre. Genre TOLLETIA n. gen. Platyroptilon Tollet, 1955 : 11, non Westwood, 1849. Je propose ce genre pour Platyroptilon vrydaghi Tollet, décrit du Zaïre. L’examen de l’espèce type du genre Platyroptilon, P. tniersi Westwood, et sa comparaison avec P. vrydaghi, permettent en effet de s’assurer que les deux espèces ne sont pas congénériques. Platyroptilon et Tolletia se distingueront de la façon suivante : Platyroptilon. — Antennes de 2 -f- 10 articles, les articles 3 à 11 avec expansions ven¬ trales portant une longue soie apicale. Yeux très faiblement émarginés. Anépisternites nus. Nervure M 3 complète. Cellule basale de l’aile grande. Tibia III avec deux éperons subégaux. Tolletia. — Antennes de 2 —14 articles, les articles 3 à 8 avec expansion ventrale inerme à l’apex. Yeux nettement émarginés au-dessus de l’insertion des antennes. Anépisternites ciliés en haut. Nervure M 3 interrompue à la base. Cellule basale très petite. Eperon externe du tibia III très court. Diagnose du genre. — Tête : Trois ocelles ; antennes de 2 -f- 14 articles, les articles 3 à 8 fortement pectinés, l’expansion ventrale dépourvue de macrochète ; articles 9 à 13 for¬ tement élargis et comprimés ( cf . Tollet, 1955, lig. 6). Palpes uniarticulés, pièces buccales réduites. Thorax : Mésonotum uniformément sétuleux, mésophragme nu. Pleures nus, sauf l’anépisternite cilié dans la partie supérieure. Pas de soies poststigmatiques. Pattes : micro- chètes tibiaux disposés en rangées régulières. Tibia I avec 1 éperon, II et III avec 2 éperons, l’externe très petit (Tollet indique un seul éperon au tibia II de T. vrydaghi, il s’agit d’une erreur d’observation). 194 LOÏC M ATI LE Aile : Cellule basale très petite (fig. 5), sc 2 absente, R 4 oblique, se terminant sur la costale dès le premier quart de l’intervalle R 1-R 5 ; costale dépassant fortement R 5, prolongée jusqu’à l’apex de l’aile. Nervures basses dépourvues de macrochètes, sauf sur la moitié basale de Cu 1 ; pétiole de la fourche médiane long, M 3 interrompue à la base ; anale longue, mais n’atteignant pas la marge. Espèce type : Platyroptilon vrydaghi Tollet, 1955. Tolletia vrydaghi (Tollet) n. comb. Platyroptilon vrydaghi Tollet, 1955 : 11. Route de San Carlos, km 36, au bord du Rio Pae, ll-XI-1970, 2 <$ ; forêt de Moka, 13-XI-1970, 2