w AcA of^H Eikaru of th ffluscwm OF COMPAHATIVE ZOULOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. JFounîiEtJ bv prîbate subscrîptfon, îii 1861. DR. L. DE KONINCK'S LIBRARY. No. /<^A BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, ETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. BULLETINS DE L ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES;, DES LETTRES ET DES BEAIX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XX. - I" PARTIE. - 18o5 BRUXELLES, M, HAYEZ, IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 18S3. BULLETIN DE L'AC4DÉ>nE nOYALE DES SCIEfVCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 1855. — NM. CLASSE DES SCIEi\CES. Séance du S janvier 18o3. M. Stas , directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents: MM. Sauveur, TimiDcrmans, De Hemp- tinne , Crahay, Wesmael , Martens, Dumont, Morren, Stas, De Roniuck, Van Beneden, De Vaux, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus , Glugc, Schaar, Melsens, membres; Sommé, associé; Liagre, correspon- dant. M. Ed. Fétis , membre de la classe des heauoo-arts, assiste à la séance. Tome xx. — P' part. 1 CORUESPONDAiNCE. Il est donné conimnnicalion de lettres de rAcadéniie impériale de médecine de Paris , de la Société de physique de Francibrl, de la Société liunéenne de Normandie, de la Société royale des sciences d'Upsal , de l'Observatoire de Wasiiiugton et de l'Ecole polytechnique de France, au sujet de la réception des mémoires de la Compagnie. — L'Institut des provinces de France fait connaître que le Congrès des Sociétés savantes des départements ouvrira sa session de 1855, le 20 janvier prochain, h 2 heures, dans les salons du Palais Royal à Paris. — La classe est informée qu'il vient de se former à Cherbourg une Société nouvelle pour les sciences natu- relles. M. Liais, secrétaire de cette société, annonce le prochain envoi des premières livraisons des mémoires. — M. le secrétaire perpétuel dépose différents docu- ments manuscrits qu'il a reçus , savoir : 1° Observations des phénomènes périodiques des plantes faites, en 1852, à Dijon, par M. Moreau. 2" Des observations semblables faites h Vnght, près de Bois-îe-Duc, par r»]. Martini Van Gelien. 5" Observations des phénomènes p/ériodi<|ues dc^ ani- maux et des plantes laites en 1852, à Namur, par M. Bel- lynck (1). (1) M. liellynck fait reman|uer qu'il s'est glissé une oriciii' de dUc dans l'impression des observations du 51 mars I«51 , dans les .îlcfiioircs de t'y/ca- déme: c'est celle date qu'il laul lire el non le :21 mais Itlii-'. (5) •i" Les indicalioiis «les piaules qui fieuiissaieiit , k (iaïul, au mois de novembre dernier, par M. le professeur Scheid- weiier. 5° Notes pour servir à l'histoire des sciences en Belgi- que pendant leXVlîî' siècle , [)ar j.l. deChênedolié. (Com- missaire : M. Quelelct.) 6« Une notice géologique de M. Hébert de Paris. (Com- missaires : MM. d'Omalius d'ilalloy et Dumont.) 7° Une notice intitulée : Praeludia florae columbianae , ou matériaux pour servir à la partie botanique du voyage de J. Linden, par J.-E. Planclion el J. Linden. (Commis- saire, M. Kickx.) — M. Yan Beneden fait hommage de la première partie d'un [va'aé iVAnatomie comparée [Encyclopédie populaire). — Remercîmenls. RAPPORTS. Obsermtions sur les formallons tertiaires des environs d' Anvers ; i^diY M. Norbert Dewael. giappot^t fie NS, Xysi. d Le travail que M. Norbert Dewael vient de présenter à l'Académie porte pour titre : Observations sur les forma- tions tertiaires des environs d'Anvers. Chargé d'examiner ce mémoire simultanément avec notre honorable confrère M. d'Omalius, nous ferons d'a- bord remarquer que l'auleur a été conduit à ces observa- (4) lions sur l'âge relatif des couches qui composent le sol de la province d'Anvers, par des nombreuses recherches pa- léontologiqnes, et que c'est également à Taide de la paléon- tologie qu'il est parvenu à reconnaître Tidenlité des diverses assises qu'il a élé à même d'étudier. M. Dewael divise son travail en plusieurs parties; voici les couches qu'il a observées et décrites : r Les terrains modernes, auxquels il rapporte les terres connues dans le pays sous le nom de Polders, ou autre- ment dit, terrains d'alluvion, et dans lesquels l'on trouve des débris organiques marins, fluviatiles et terrestres, en- tièrement semblables aux espèces actuelles. '2° Les dépôts marins, qui comprennent les sables de Campine, lesquels doivent probablement être rapportés au système campinien de notre savant confrère M. Dumont, et qui ont été distingués, par l'auteur, des sables du système boldérien des bruyères de l'est de la province; ils parais- sent ne contenir aucun fossile et reposer immédiatement sur le crag, d'après ce que nous avons pu voir aux envrions d'Anvers, au Stuyvenberg et à Berchem. 5" Le crag d'Anvers, ou crarj supérieur. L'auteur y con- state dans la couche n° 5 (d'après les tableaux ï et II), tant àCalloo qu'au Stuyvenberg, la présence de 79 espèces de mollusques et de 5 cirripèdes (Balanes), dont 14 y sont excessivement abondantes, ainsi que celle de 20 autres espèces moins abondantes, que l'on peut considérer comme étant caractéristiques. Le Mylilus antiquorum et la Lingula Mortierii sont les 2 seules espèces qui n'aient élé recueillies qu'au Stuyvenberg. Sous cette couche n" 5, l'auleur signale la présence d'une A-'' couche, dans laquelle il a recueilli Oi osj)èces de mollusques et 1 cirripède (Balane). 19 d'entre elles n'ont 5) pas été recueillies dans la couche supérieure et c'est aussi la partie inférieure de ccue assise qui renferme ces nom- breuses et belles vertèbres lombaires de Cétacés, qui ap- partiennent, d'après M. Owen , au genre Balœnoplcra. En récapitulant les espèces recueillies dans le crag supé- rieur, l'auteur n'ayant pas tenu compte exact des espèces fossiles identiques avec celles qui habitent encore nos mers, ne cite que 20 p. ^/o d'analogie avec ces dernières, tandis que M. Lyell, géologue anglais très-distingué, vient (1) de porter ce nombre, d'après les listes qui lui ont été com- muniquées par iM. Dewael , listes qui ont été soumises éga- lement à l'examen des MM. Wood et Morris, à 55 p. ^/o. Presque toutes ces espèces ont leurs analogues vivants dans les mers du Nord. Il est d'ailleurs à remarquer que toutes ces espèces ont été recueillies dans le crai^ de l'Angleterre. La Tellina soli- dula, citée avec doute dans les listes de M. Devrael, est la seule espèce qui n'y ait pas été trouvée, et il devient dès lors probable qu'elle devra être aussi exclue de la liste de nos espèces fossiles. 4^ Le crag moyen, ou assise intermédiaire entre le crag supérieur et les sables glauconifères, a fourni à l'auteur, d'après ses tableaux IV et V, ii4 espèces, savoir : 109 mollusques, 2 cirripèdes (Balanes) et 5 bryozoaires encore indéterminés. En comparant ces listes avec les précédentes, l'auteur ne retrouve plus (lue 48 espèces identiques, dont les plus répandues dans les étages supérieurs y deviennent rares ou peu nombreuses. En comparant, d'autre part, ces (1) Dans son travail intitulé : On the strata of Belgium and Franck Flanders , in-S", ô planciies et 1 cai-te, 1852; extrait du 8'= volume du Quarterly Journal ofthe Geolo'jkal Sockty of London ; 1852. (6) espèces avec celles de l'étage inférieur, qu'il désigne sous le nom de crag noir, ou sable glauconifère, M. Dewael n'en retrouve plus que 25, dont probablement le nombre de- viendra plus restreint encore. En effet, dans les diverses recherches que nous avons été à même de faire cette année, en suivant, autant qu'il nous a été possible, les travaux qui s'exécutent aux forts actuellement en construction , nous avons pu nous assurer que les espèces propres à cette couche sont à peu près, si elles ne le sont toutes, des espèces distinctes. 5° Crag noir, ou sable glaiicomfére. L'auteur mentionne dans cet étage, d'après les listes VI et YII, 128 espèces, dont un certain nombre n'ont encore pu être déterminées. Cet étage est non-seulement caractérisé par des Mollusques gastéropodes el lamellibranches , mais aussi par la présence de Mollusques brachiopodes : la Terebraiula grandis et la Lingula Moriieri y sont très- abondantes , ainsi que les Bryozoaires , dont nous venons de faire la découverte, quelques Écltinodermes , plusieurs Zoophyles, et principa- lement une grande quantité de Foraminifércs. Le mélange de ces diverses classes d'animaux ne semble pas avoir été signalé dans les étages supérieurs à celui-ci. D'après la liste des fossiles n° Y , qui en a été donnée par M. Lyell, dans son ouvrage précité, le nom.bre des ana- logues vivants n'est plus que de 50 p. ^/o, et si nous en séparons les espèces qui sont caractéristiques, ce nombre se réduit à 22 p. %. L'existence de quelques espèces ap- partenant aux assises des argiles rupeliennes a fait pré- sumer avec raison, pensons-nous, que cette formation est inférieure aux précédentes. G" Les argiles inférieures au crag, ou Rupeliennes de M. Dûment, sont très-bien éludié'os par l'auteur, (jui en (") fait piiisieurs bonnes descriiïtions, sans cependant donner la série complète des Ibssiles qu'il a été à même de re- cncilîir. M. Lyell , nons ayant demandé, Tannée dernière, de lui communiqîîer la liste des espèces de ce terrain, on pourra la consulter dans sou travail, tableau VÎI, p. 500, mentionné plus haut. Cette liste renferme i'énumération critique de 45 espèces de mollusques et de 12 espèces de poissons; nous y avons aussi recueilli depuis une pointe d'écbinoderme. Enfin, les déductions que tire l'auteur des nombreuses recherches et observations auxquelles il s'est livré, et de la comparaison des listes de fossiles qu'il a dressées et com- parées entre elles, semblent confirmer ce que nous con- naissons au sujet de la superposition de nos couches ter- tiaires, si bien étudiées, sous le rapport géologique, par notre savant confrère M. Dumont. Nous pensons donc que M. Dewael , en décrivant les diverses couches qu'il a pu observer et en indiquant avec soin les fossiles qu'elles ren- ferment, a rendu à la science un éminent service, et nous concluons à l'impression de son travail. Ajoutons, en outre, que l'ouvrage de M. Dewael satis- fait au vœu exprimé, dès 1856, par feu notre savant col- lègue M. Fohmann (1) , à propos d'un os fossile découvert dans ces mêmes localités. Pour que la paléontologie de la Belgique, disait à cette occasion M. Fohmann, retire tout le fruit possible des fouilles faites dans son sein, il faut des personnes capables de les diriger et d'analyser toutes les circonstances qui accompagnent le gisement des dépouilles fossiles qu'on y rencontre. (1) BuUeUm de VJcadémie, vol. III, p. 41. (8) Rappelons-nous que, faute d'avoir pris à cet effet des mesures convenables, lorsque l'on construisit le chemin de fer de Malines à Anvers, le Gouvernement a laissé enfouir un grand nombre de vertèbres provenant des alluvions de la Nèthe, vertèbres dont 2 ou 5 seulement furent recueil- lies par une personne étrangère à la science et déposées au Musée de Bruxelles, où elles sont restées indéterminées. En ce moment même un grand nombre de vertèbres sont enterrées, au détriment de la science, dans les travaux que l'on exécute pour la construction des nouveaux forts près d'Anvers. Pour empêcher la perte de ces précieux maté- riaux et en former des collections qui enrichiraient nos musées, il suffirait que le Gouvernement chargeât une personne compétente de suivre ces travaux et de recueillir les objets mis à découvert avec les indications qui les con- cernent. » Conformément à la demande des commissaires, MM. Nyst et D'Omalius, la classe décide que le travail de M. Dewael sera imprimé dans le Bulletin de la séance. — MM. Stas et De Hemptinne font également leur rap- port sur deux notices de M.Biot, concernant les falsifica- tions des farines céréales. Conformément aux conclusions des commissaires, des remercîments seront adressés à l'au- teur pour ses communications, qui seront déposées, ainsi que les rapports, dans les archives de l'Académie. (9) COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Quetelet, en faisant hommage de l'Annuaire de l'Ob- servaloire pour 1855, appelle l'altenlion de la classe sur la température anomale qu'on observe depuis le cotnmen- cenient de cet hiver. Il n'a point encore gelé jusqu'à cette époque; et, dans le jardin de l'Observatoire, plusieurs ar- bustes sont déjà couverts de feuilles, tels que les Loni- cera pallida, Lonicera tatarka, Spirea sorbifolia, plusieurs rosiers, etc. Les pâquerettes, la pervenche, [ePyrusja- ponica sont en fleur; le Corylus avellana se couvre de chatons. MM. Morren et de Selys-Longchamps ont fait, à Liège, des remarques anaiogues. « Un des elîets singuliers de la température de cet hiver, écrivait ce dernier savant à M. Quetelet dès le commencement de ce mois, vient de se faire remarquer tristement dans mon petit jardin de ville. Les pucerons lanigères (cochenille des pommiers) sont en pleine activité sur les branches et sur les troncs de nos pommiers par plaques , imitant une moisissure blanche comme au printemps. y> Sur la proposition de M. Quetelet, la classe décide qu'il sera fait un appel à tous les naturalistes et physiciens, avec invitation de communiquer à l'Académie les résul- tats de leurs observations sur les anomalies qu'ils auront été dans le cas de remarquer par suite de la température élevée de cet hiver. M. Morren exprime le désir que cet appel soil fait de ( iO) nianiùro à u'éveillei' aucune apin'éhension dans l'esprit du public, toujours prêt à s'alarmer aux annonces de tout ce qui semble s'écarter un peu du cours ordinaire des choses. La génération altcrnanle et la diyenèse ; par P.-J. Van Beneden , menibre de l'Académie. Mon mémoire sur les vers ceslo'ides, faisant partie du grand travail que j'ai entrepris, depuis plusieurs années, sur la faune du littoral de Belgique, a mérité de fixer l'at- tention du jury, nommé pour le concours du prix uuin- quennaL A la dernière séance de la classe, M. Lacordaire adonné lecture du rapport de la commission. Une grande partie de ce rapport a été consacrée à la question de la génération alternante; et comme je me trouve on désaccord avec l'auteur sur plusieurs points im- portants, j'attache trop de [irixà la solution de ce dilTicile problème, pour ne pas communiquer immédiatement à la classe le résultat de quelques recherches. Cette question est, à mon avis, loin d'être bien posée. La génération alternante est un phénomène qu'il faut cher- cher à l'aire rentrer dans la loi commune de la reproduc- tion et non pas laisser comme une exception dans la science. C'est la pensée qui me préoccupait, quand j'ai écrit mon mémoire, mais il paraît que je n'ai pas été bien compris. Avant d'entrer en matière, je demande d'abord de re- produii'e en note la date des diviM-ses publicalions sur les ( il ) vers cesloïdos; ces dates ne sont pas sans avoir une cer- taine signilication (1). L'auteur du rapport, en parlant de la génération alter- nante, se demande : « Qu'y a-t-il au fond de ce phénomène et que signiOe-t-il? » « Son point de dépari est évidem- uîent, répond-il, l'état où se trouvent, quant aux organes génitaux, les embryons à leur origine. » Ainsi le fond du phénomène se trouve dans les organes génitaux des emhryuns à leur origine! Je ne puis , il faut bien l'avouer, partager celte opinion. l,^e fond du phéno- mène de la génération alternante est ailleurs pCur moi ; (i) En IS-ÎO paraît le mémoire d'Esebricht sur le bolr\ océphalo : Jnat. physwJ. Untcrsuchnngea, uber die Bothryoceyhcilen. En 1852 a paru le remarquable travail de M. Stcenstrup, en danois et en allemand : Ueher den Generationsîvechseî. En 1848, y. Siebold publie son Anat. comp. ; les cestoïdes sont encore des vers simples, les Tcîrar.. Gymnorhynq., Rhynchohot.^ JnthocephaUs, Dibothryor. . etc., forment autant de genres; le genre anthocéphale seul est dans Tordre des c^stiques, qui est encore conservé ; les autres genres sont dans les cesîoïdey, et 31. Y. Siebold reproduit l'opinion qu'il a exprimée déjà dans la Physiolorjie de Burdach , que les cestoïdes paraissent avoir un appareil sexuel analogue à celui des trématodes. Le lô janvier 1 8il), je publie une première notice comprenant le résumé de mes recherches sur les cestoïdes, le o février 1849, une seconde, le 6 octobre de la même année une troisième, et le 9 février 1850, je communique le mémoire sur les vers cestoïdes. Vers le milieu de 1850 (juillet) paraît un mémoire de V. Siebold, Uohor den Generationswechseî der Cestnden nebst einer Bei-ision der Gallung TetrarhynchuSj dans le journal Zeitschr. fiir loisssnschaft. Zoologie^ que y. Siebold publie avec KoUikcr. Les divers genres de Rhynchob., Anth., Tetrarh., Gymnorh., Dibothryorh.^ Tetrarhynq. , sont reconnus ici pour des âges différents du même ver; les vers cestoïdes no sont plus raonozoïques , comme il l'avait dit en 1848, mais polyzoïques, comme je venais de le dé- montrer; et \. Siebold annonce, coaime l'indique son titre, que les vers restoïdes préseutcnl le phénomène de la génération al(f rnante. ( 12) il se trouve dans le double mode de reproduclion par sexes et par agamie, ainsi que nous le verrons plus loin avec les preuves à Tappui. En parlant de cette base, l'auteur ajoute : « Sous le rap- port des organes génitaux, le règne animal se divise en deux catégories; dans l'une, les embryons possèdent en germe des organes génitaux qui entreront en activité plus tôt ou plus tard; dans l'autre, comprenant les ces- toïdes, les méduses, certains polypes, etc., les embryons naissent agames , mais ils possèdent la faculté de produire des gemmes. » Ce principe est-il conforme à ce que l'observation nous apprend sur le développement? N'est-ce pas un reste de cette ancienne théorie qui a régné longtemps dans la science, et d'après laquelle les animaux existent en minia- ture dans l'intérieur de l'œuf? L'on sait trop bien aujour- d'hui que tout embryon se forme aux dépens du vitellus ou de sa mère; tous les organes se dévelo[)pent successive- ment sous les yeux de l'observateur, et dans le premier âgé de la vie embryonnaire, il n'existe chez aucun ani- mal des traces d'organes sexuels. L'un animal reste plus longtemps dans l'œuf que l'autre; il y devient un peu plus ou un peu moins complet; c'est ainsi qu'en naissant, l'organisation est tantôt plus tantôt moins achevée. C'est aussi une erreur de croire à l'existence d'animaux sans métamorphoses, puisque tous doivent en subir, les uns avant les autres après l'éclosion. L'auteur du rapport part de l'idée que les cestoïdes et les méduses naissent tous agames , et que tous possèdent la faculté de produire des genirnos. il existe déjà plusieurs faits dans la science qui prouvent le contraire : à côté des cestoïdes et des méduses, les plus diversiliés dans le (13) cours de leur développement, il s'en trouve qui ont une évolution directe, sans génération agame , comme les animaux des classes supérieures. Voici, du reste, un fait frappant et décisif qui démontre ,clairemenl que cette division de l'auteur a pour base une fausse appréciation des premiers phénomènes de la formation embryonnaire; il aura échappé à l'auteur du rapport : les ascidies présentent, dans le jeune âge, une forme de têtard ou de cercaire , fait curieux , que M. Milne Edwards avait déjà constaté avec son ami Audouin , en 1828. Le têtard des ascidies simples se métamorphose en animal complet, tandis que le têtard des ascidies compo- sées produit des bourgeons dans son ventre, et disparaît après cette opération. Le têtard des ascidies composées a déposé, dans un lieu propice, la colonie, qu'il portait dans ses flancs; son rôle finit quand celui de sa progéniture commence; le têtard est agame; il meurt avant l'époque où ses organes génitaux apparaissent; la progéniture du têtard, née par gemmes, devient seule adulte, et cette seconde génération est seule sexuée. Les ascidies simples se trouveraient donc dans une ca- tégorie, et les ascidies composées, nées cependant sous la même forme avec les mêmes organes, au même degré de développement, seraient placées dans l'autre catégorie. L'auteur du rapport dit : « On a embrouillé cette ques- tion, fort simple en elle-même (de la génération alternante), en la mêlant avec une autre qui en est distincte, avec la question métaphysique de l'individualité des êtres orga- nisés, et M. Yan Beneden semble avoir été jusqu'à un certain point sous l'influence de cette confusion d'idées. » Ici encore, je ne suis pas de son avis. Je laisserai parler J. Millier à ma place. Tout le monde connaît les remar- quables travaux de ce savant sur le développement des { li ) écliinoderoîcs. On avait dit que ces animaux sont à (jéné- ration alternante. Dans son dernier mémoire, publié en 1852, J. Millier avoue qu'il ignore ce que devient la larve de la Bipinnaria asterigera, après sa séparation de l'astérie, mais si elle possède le pouvoir de reproduire l'estomac et l'intestin, dit l'illustre savant, elle devient une indivi- dualité (selbslàndiges Wesen), et elle possédera aussi, sans doute, la {"acuité de reproduire une nouvelle astérie. Dans cette éventualité, ajouîe-t-ii, c'est-à-dire si cette indivi- dualité est prouvée, au lieu d'une métamorphose, ce sera une génération alternante. Ainsi aux yeux de J. Midler, que tout le monde recon- naît comme un des plus grands naturalistes de l'époque, et qui traite ici un de ses sujets favoris, c'est de l'indivi- dualité de la Bipinnaria que dépend la question de savoir s'il y a génération alternante ou non. L'auteur du rapport a bien voulu citer un passage de mon mémoire; mais je regrette qu'il n'ait pas jugé bon d'a- jouter encore les lignes suivantes, qui complètent ma pen- sée. « Les phases que parcourent ces embryons ovigènes ou pliytogènes, ne sont pas toujours les mêmes, disais-je, et, lorsque ces individus présentent des différences, il y a, pour M. Steenstrup, une génération alternante. » C'est tout ce que je puis en dire encore aujourd'hui, après tous les intéressants travaux qui ont paru depuis. J'étais persuadé déjà, en écrivant ces lignes, que le fond de la question n'é- tait pas là où M. Steenstrup le plaçait. En effet, la génération alternante consiste, d'iiprès M. Steenstrup, en ce qu'un animal, au lieu de donner naissance à un animal semblable à lui, en produit un qui ne lui ressemble pas, mais qui produira une proj?;é- niture semblable au premier parent. Ainsi (jue nous allons le voir, la forme est un point ( 15) liès-secondaire dans celle question , et toulc ia ihéoiie s'écroule du moment qu'on en fait abslraction. M. Stcen- slrup n a vu qu'une face d'un plicnomène, et à celte lace il a donné un nom; ce nom je l'acceple pour le cas spécial , mais je n'en veux pas pour le j)lîénomènc dans son en- semble el que je vais avoir l'honneur d'expocer. Mais, afin de rendre cette question, d'un si haut intérêt, intelligible à tous ceux qui s intéressent aux phénomènes de la nature, l'Académie me permettra de représenler ce phé- nomène dans le cours d'un développement fictif. La com- paraison me servira, du reste, à rendre plus intelligibles toutes les modifications de cet intéressant phénomène. Une grenouille pond des ceufs; ces o^'uPs éclosent, et le jeune animal qui en provient ressemble à un poisson : c'est le têtard. Je suppose que le têtard montre, dans une partie de son corps, des bourgeons et que ces bourgeons deviennent des grenouilles. Le têtard, épuisé par la for- mation des bourgeons, périt avant de prendre la forme d'une grenouille, tandis que les bourgeons deviennent grenouilles sans prendre la forme de têtard. Le têtard meurt ainsi agame ou sans sexe avant l'époque de la formation des organes génitaux; la grenouille, au contraire, devient adulte et complète avec tous les attri- buts du sexe auquel elle appartient. Le têtard provient d'un œuf; il est ovigène et nait comme les animaux supérieurs; la grenouille sort d'un bourgeon, elle est phytogène; seule elle ressemble, par la présence des organes sexuels, aux animaux supérieurs. La grenouille est donc une mère qui donne naissance k une fdle, le têtard; cette fille, encore irès-jeune, donne naissance à des bourgeons qui sont deslinésà devenir des grenouilles, et cette iiile meurt avant l'époque où les orga- nes génitaux apparaissent. Ces grenouilles pondent de nou- (16) veau (les œufs, et les mêmes phénomènes se reproduisent. La fille ou le têtard fictif, ne ressemble donc pas à sa mère à aucune époque de sa vie, comme la grenouille ne ressemble pas à la sienne ; la ressemblance a donc lieu entre la mère et sa petite-fille, qu'elle provienne d'œufs ou de bourgeons, et il y a alternance dans la forme du corps comme dans le mode de reproduction. Voilà le phénomène de la génération alternante dans toute sa simplicité , tel qu il est entendu par M. Steenstrup. Les faits se passent-ils généralement ainsi? Évidem- ment non, la génération alternante est presque l'exception. Le têtard lui-même continue souvent son évolution et, comme nous le verrons plus loin , au lieu de périr, il de- vient adulte et en tout semblable à celui auquel il donne naissance par bourgeon. Dans ce dernier cas, les mêmes phénomènes se produisent, comme dans le premier exem- ple; mais le têtard continue son évolution , et il ne peut y avoir génération alternante au point de vue de M. Steen- strup (1). En écrivant mon mémoire sur les vers cestoïdes, j'ai donné le nom de scolex à la larve qui provient de l'œuf; il correspond au mot nourrice de M. Steenstrup; mais ce savant n'a pas propose un mot correspondant au mot strobila eiproglottis (2). La théorie de M. Steenstrup ne comprend donc pas l'en- (1) M. Sleenstriip a appelé noumces (^/mmcn) le têtard provenant (riin œuf et pioduisant des bour^jeons. (2) .Vinvite rautcur du ra])por(. à lire M. Steenstrup; il verra que mon opinion dlIFère du tout au tout de celle de ce savant, et que M. Steenstrup n'a pu songer à donner un nom à ce que j'ai appelé slrobila et proglottis. La série d'articles ou de segments d'un Ténia n'est qu'un seul individu pour M. Steenstrup, et pour moi, il y a autant d'individus qu'il y a d'articles dans le corps. L'opinion d'Eschricht est également différente de la mienne. (17) semble des pliciiomènes que nous oUre ia reproduction des animaux inférieurs, et je vais avoir l'honneur de donner quelque développement à l'opinion que j'ai émise à ce sujet. Les élres organisés se reproduisent de deux manières, par sexes ou par division : les uns sont sexuels et produi- sent des œufs et une liqueur fécondante, les autres sont neutres ou agames, c'est-à-dire sans sexes. Les animaux supérieurs veillent tous plus ou moins à la conservation de leur progéniture, et portent des organes génitaux pour la conservation de l'espèce; les animaux des rangs inférieurs, dont l'existence est en général si fra- gile et dont la conservation n'est assurée qu'au prix d'une prodigieuse fécondité, réunissent souvent à la reproduc- tion sexuelle ordinaire une reproduction agame; les mil- liers d'œufs qu'ils pondent ne suffisent pas, pour éviter les nombreux dangers qu'ils courent constamment depuis le moment de leur éclosion. Les {)remiers, ceux qui ne se reproduisent que par œufs, nous les désignons sous le nom de monogenèses; les autres, qui se reproduisent par œufs et par gemmes, nous les nom- mons cUgenèses{[).l\ ne peut être question ici que des der- niers. Tous les phénomènes de la reproduction signalés dans ces dernières années, et dont quelques-uns ont été géné- ralisés sous une dénomination particulière, résultent de (1) J'aurais préféré conserver les mois monogones el hétérogoncs , qui sont déjà introduits dans la science; mais si tous les monogoucs sont monoj^je- nèses, tous les digenèses ne sont pas hétérogones. Le phénomène j)rincipal ou la cause du phénomène ne dépend pas de la forme de l'animal, puisque la forme varie avec les conditions de la vie , mais elle dépend du double mode de reproduction. C'est dans la digenèse que réside la cause du phénomène, et non pas G. Litlorina suboperla, Sow. Rare. 57. Scalaria Bare. 58. — Rare. 59. Tiirritella Iriplicata , Broc. Rare. GO. Melania tercbellata. Risso. Rare. Gl. Tornaîella Noae. Sow. Rare. 62. Natica crassa , Nyst. AboJidante. 63. — Sowerbyi, Nyst. Ahondanle. 64. Bulla convoluta, Broc. Abondante. 65. Fusus eonlrarius , Lin. Jbondayite. GG. — corneus, Lin. Abondante. G7. PIeuroloniaturricula,Broc. Abond. 68. — mitrula, Sow. Abond. 60. Ceritliium cuniciilatum? Sow. Rarç. 70. Murex alvcolatus, Sow. Très-rare. 7i. — incrassaliis, Nyst. /l'are. 7â. Rosteîlaria pes-pelicani , Lin. Rare. 73. Ducoinum olongalum , rugosum , Sow. Abondante. 7i. — reticosuni, Sow. i4 tond. 75. — labiosum, Sow. Rare. 76. — propinquiim, Leat. Rare. 77. — tenerum , Sow- Rare. 78. Terebra inversa, Nyst. Rare. 79. Volula Lamberli , Sow. PMre. 80. Cypraea coccinelloïdes, Sow. iîare. Parmi ces espèces, quelques-unes, apparlenaiU généra- lemeiil à l'élage suivanl, élaienl fort usées , telles que les Astarte corbuloïdes , Basterotii, TurritcUa Iriplicata et 3IU' rex alveolatus; je pense que ces coquilles, provenant effec- tivement de l'âge antérieur, n'auront été enfouies qu'après avoir longtemps roulé sur la plage. Les espèces dominantes dans ce dépôt par leur quantité sont les suivantes : i. Corbula plunulofa. t?. Maclra inaequiîaie^ra. 3. Tellina Benedenii. 4. — ovata. 5. Astarte plana. G. Artemis exoleta. 7. Cardium eduUnum. S. Nucula Inevigata. y. Pecten comjjlanatus. !0, — opercularis, il. Oslrea edulis ? 12. Natica crassa. 15. Buccmum elongatutnrwjoxtim. Quoique rares ou peu abondantes, l'on peut considérer comme caractéristiques les 1. Solecurtus. 2. Glycimeris. 3. Mija. 4. Corbulomrja cowpUmala. 5. Maclra arcuata. G. Lùjula alba. 7. Pelricola. 8. Psammabia. '.). Tdlina Benedenii. 10. -,- ovata. ii. Tellina obliquala. 12. — vhlnsa. 13. Cyprina tumida, var. c. 14. Vernis striatella. 15. Cardium Parkinsoni. 16. Melania terebellata. 17. Tornatella Noae. 18. Pleurotoma mitrula. 19. Murex tncrassalus. 20. Terehrn inversa. (59) Les couches fossilifères (rEeciicrcn el de Mcrxcm , à 2 et 5 lieues de Calioo, offrciU à peu près les mêmes fossiles; mais la nature du terrain y présente quelques variations par des nuances de sables gris et brun-rougeàtre; il en résulte, pour les coquilles que l'on trouve dans les couches non ferrugineuses, un degré de conservation meilleur et une ténacité plus grande. L'on y trouve les Tellina ovata et tenuilamellosa parfaitement conservées, ainsi que les Luccines les plus fragiles. Les genres Pectcn et Telline s'y trouvent surtout dans le crag jaune, ainsi que le Car- diumcdulinum. y^l remarqué, en outre, qu'une partie de ce terrain, d'une nature argileuse f/eem^, contenait une grande quantité de Fusus corneus, àWstarte plana avec des Tellina Benedenii et des Auricida pyramidalis , espèce rare dans tous les autres dépôts. C'est sous la commune d'Eeckeren que Ton commence à trouver de grosses ver- tèbres , mais elles y sont très-rares. Le village et plusieurs campagnes se trouvent sur une faible élévation du sol , for- mant, dans les terres d'alluvions iïuviatiles, une ligne avancée sablonneuse qui se relie aux anciennes bruyères et que les inondations de l'Escaut ne peuvent submerger. Cette ligne continue, sur toute son étendue en demi-cercle, autour du polder, à montrer les traces des mêmes espèces fossiles, et le fond du ruisseau se trouve souvent chargé de leurs fragments. Ces dépôts se relient, près de la ville, à Dambrugge, aux assises du Stuivenberg, lesquelles se reproduisent, en par- tie, deux lieues plus loin , au champ de Ranst. Les terrains fossilifères qui séparent ces deux massifs sont d'un âge différent; car au côté du premier, à Borgerhout, commence déjà la couche plus compacte à Cyprines avec Pectcn stria' tus, Astarte planaia, Omalii et Basterotii, et cette infinité (40) de vertèbres et dents de squales propres à ce terrain, qui se signalent toujours sous les champs de Deurne, Wom- melghem et Borgerhout; mais, par analogie de la lisière de Merxem, je crois bien qu'il en existe une semblable incon- nue jusqu'à Bast et dont j'ai suivi les traces jusque entre Deurne et Wyneghem, où se retrouvent toujours aussi les espèces d'Eeckeren et de Galloo, mais plus restreintes. L'on nomme Stuivenbcrg une localité à l'est de la ville joignant le hameau de Dambrngge et de Borgerhout, où se trouvait autrefois une proéminence de terrain formée de sables et de conglomérats coquilliers fort remarquables, que Ton a exploitée pour diverses constructions; il n'en existe plus que des lambeaux, qui peuvent encore donner une idée de l'ancien état des lieux. Voici le résumé des coupes prises de 1839 à 1851. 1. Terre végétale 1 à 2 pieds. 2. Gros sable à grains ferrugino-quarzeux , de couleur brune à consistance variable, sans fossile et remplissant les longues fissures de la couche inférieure, 2 à 5 pieds. 5. Conglomérat de coquilles brisées, de moules de co- quilles et de quelques espèces entières, liées par un ciment calcaire blanchâtre; les vides et alvéoles sont souvent ta- pissés d'incrustations et de cristaux irréguliers. Ce dépôt, formé sans doute par un pouvoir de transport assez grand , puisqu'on y trouve aussi de nombreux cailloux et osse- ments divers, est d'une puissance variant d'un à 8 pieds. Exploité pour le terrassement du chemin de fer, il n'en reste que des parties moins adhérentes, variant de 2 à 5 pieds. Il contenait des vertèbres et fragments de grosses côtes, et, selon les descriptions exagérées des ouvriers, probablement des ossements de grands mammifères vivant dans le voisinage des mers à cette époque. Absent ou trop jeune à l'époque de la grande exploitation de cette (41 ) couche, je n'ai recueilli, plus lard, qu'un rameau d'un jL'uno cerf, un l'raginent d'une grosse côte (l pied de long, V2 de large), quelques vertèbres et des coquilles des espèces suivantes : Tableau II. 1. Balanus tintiunabulum , Lam. Fort 8. Cardium edulinum, Sow. P. abond. développé. 9- Mytilus antiquorum, Sow. Rare, 2. CoiLuIomya complanata, Nyst. Ab, etitière. 3. CorbuIaplanulata,Nyst.^6o?uian«e. 10. Pecten opercularis, Lin. iîare, enf. 4. TellinaBenedeniijNyst. .4ion£/a«artenu aux espèces et variétés qui ont été particulièrement enfouies vivantes dans d'autres dépôts. Je crois devoir encore faire observer ici, comme je l'ai déjà fait plus haut, que ces coquilles au- ront roulé longtemps sur la plage, ainsi que cela s'observe (42) encore de nos jours sur la plage d'Oslende, où la Veneri- cardia planicostata , fossile des terrains tertiaires, y est mêlée aux espèces actuellement vivantes. Plus lard, l'on ne pourra cependant prétendre avec raison que cette espèce vivait dans nos mers avec celles qu'elle nourrit aujourd'iuii. 4. Couche épaisse de 5 à 10 pieds d'un terrain sableux, jaunâtre, nuancé fort irrégulièrement de parues foncées de nature plus consistante, le tout se laissant facilement entamer par le couteau ou la bêche , de manière à se ré- duire en sables, dont les plus fins sont exploités pour la préparation du mortier de construction. C'est dans cette partie du dépôt que II. Yan ilaesen- donck, pharmacien à Oostmalle, et moi avons recueilli le plus grand nombre d'espèces, toutes fort fragiles, diffé- rentes de celles de Calioo, et dont voici la nomenclature : Tableau III. 1. Balanus Valves détachées. 22. 2. Solen ensis, var. a , Lin. Bare, ont. 25 7,. — — — 6, Lk. Rare, ent. 24 4. — teuuls , Pliii. Peu commune. 25. 3. Solecurlus candidus, Ren. Fiare. 2G. G. Glycinieris angusla, Nyst. et Wost. 27. liarc. 28 7. Panopaea intermedia? J. C. Sow. 29. Rare. 30. 8. Corbula planulata , Nyst. Abond. 51. 9. Mactra arcuata, Sow. R.are. 32. 10. — slriata , Nyst. Commune. 55. H. — petite , indéterminée. Comm. 54. 12. Erycina ambigua, Nyst. Commune. 55 13. — faba , Nyst. Commune. 50. 14. Peiricola laminosa, Sow. Rare. 57. 15. Psammobia Duniontii, Nyst. Rare. IG. Teliina Benedenii,Ny.st. Commune. 58. 17. — ovata , var? Sow. Rare. 59. 18. — solidula? Rare. 40. 19. Donax siriatella , Nyst. Moins rare. 41 •20. Lucina astartea, Nyst. Pass. comm. 42 ■21. — antiquata? var. Sow. Rare. 45 Diplodonta dilatata , Phil. Rare. Astarte plana , Sow. Commune. — Basterolii. L'see, rare. Venus striatella , Nyst. Rare. Artemis exolela , Lin. Rare. Cardium edulinum,So\v. Commune. Cardita scalaris, Sov.'. Commune. Nucula depressa , Nysl. Peu abond. — laevigata, Sov/. Pen abond. — subtransversa ? Nyst. Corn. Pectunculus variabilis, Sow. Rare. Mytilus antiquorum , Sow. frag. Pinna raargaritacca ?? Lk. Cov.im. Pecten opercularis, Lin. Peu comm. — Sowerbyi, Nyst. Pas. foJHHi. Anomia ephippiura ? Desh. Passab. comm. Lingula Dumorlieri , Nyst. Abond. Oslrea edulis? Lin. Rare. Emarginula crassa , Nyst. Rare. Calyptraca recta , Sow. Rare. — sinensis, Lin. iîare. Trochus solarium , Nyst. Rare. ( ''^5 ) '»i, Troclius tiigonostonuis , Nyst. Ca- «5. Cancellaria variosa , Broc. Rare. ract. 5G. Ccrilhium fiiniculalum? Sow./ÎHrc. 4o. — similis, Sow. /îare. n7. — 40. Scalaria frondosa , Sow. iîare. 58. Rostellaria pcs-pelicani, Lin. Rore. il. — siibulata? Sow. /îore. îiO. Buccinum e'.ongaluni, Sow. M. rare. 48. TunilellatripHcata, Broc. Trèj-rar. GO. ~ — var., Sow. 49. Eulima siibulala , Risso. Rare. Hloins Rare. UO. Turnatella conoïdea , Broc. Abond. 61. Buccinuin lahiosum, Sow. M. iîare. 51. _ gracilis? Nyst ?7iare. G2. — proplnquum, Sow.3/. rar. 52. BuUa convolula , Broc. Abondante. G5. Terebra inversa , Nyst. Rare. 53. — ulricula, Broc. /16o)!rfan sur celui du crag supérieur, celui-ci n'en comptant en moyenne qu'environ 15 p. % en (1) Probablement une espèce distincte. ( 53) espèces caraclérisliqiies (1); les analogiies aux espèces vi- vantes se rapportent aux espèces des mers du Midi. La proportion des espèces qui se trouvent également dans le crag d'Angleterre n'est plus que de 45 p. %, tandis que celle des fossiles qui se retrouvent dans le clay de Londres (Bar- ton et Hordwcll) est ici de 5 p. %; enfin ,12 p. % sont encore particulières jusqu'à présent au crag d'Anvers, et quelques-unes sont restées indéterminées. Crag noir. — Étage inférieur. Sables glauconifères. — Les couches les plus anciennes de la formation du crag d'Anvers sont, des sables noirs ou verdâtres de phosphate de fer, mélangés de grains jaunâtres souvent foncés, de quarz ou de calcaire. Ils son t disjjosés par bandes ou par zones, qui commencent généralement, de 8 à 12 pieds de profondeur, sous les assises supérieures, et semblent se trouver répandus surtout sous la ville d'Anvers et ne sont guère connus que dans sa banlieue. C'est surtout au glacis du fort lierenlhals qu'une couche à fleur de terre a depuis longtemps attiré l'attention des paléontologistes, à cause de la prodigieuse quantité de pétoncles et autres coquilles que le travail des taupes remue en cet endroit avec le sable; l'on y trouve des foraminifères et autres coquilles microscopiques re- marquables que l'on n'a pas encore déterminés jusqu'à présent et qui caractérisent cette couche qui ne semble pas avoir été observée en Angleterre. La superposition de cette même couche sur une bande jaune de crag ferrugino-argileux, avec Cyprina tumida, Pec- (1) Suivant la communication déjà mentionnée de M. Leyll, nous devons ajouter que cette proportion s'élève encore à plus du double, et que celle des espèces qui se trouvent aussi dans les assises du crag anglais, serait de 80 à 90 p. »,,. (54) tenstriatus, complanatus, Gerardi, etc., s'offrait aussi à l'attention du paléontologiste, et quoiqu'il semblât dûment constaté, par l'étude comparative des fossiles de ces dé- pôts, que l'âge relatif des sables gîauconifères noirs était plus ancien, ce renversement d'étages nous a longtemps fait douter; mais comme ces mêmes sables se représentent de nouveau sous la couche de pecten et cyprines et forme le fond du fossé des remparts creusés en cet endroit, il est probable que c'est à l'époque du creusement de ce fossé qu'une couche de crag noir aura été déposée par chariage dans une dépression de terrain , d'autant plus que ce n'est guère que sur une étendue de quelques minutes et avec une puissance variable , que ce fait particulier se pré- sente. L'épaisseur ou la puissance commune de ce terrain est peu connue jusqu'à présent, parce qu'il se trouve générale- ment, soit en des lieux où l'on ne peut ni creuser ni fouil- ler, soit fort avant sous le sol et les assises supérieures. Selon les renseignements que nous avons pu recueillir, il a, en quelques endroits, une puissance de 10 à 20 pieds de profondeur. Près du village de Berchem , on retrouve ce terrain à G pieds sous la surface du sol; ainsi l'on remarque 2 V^ pieds de terre végétale, puis 2 à 5 pieds d'une couche coquillière consistante, et enfin le crag noir avec fossiles qyant plus de 10 pieds d'épaisseur. Une demi-lieue plus loin, j'ai constaté la superposition suivante au sud de la même commune et d'Anvers : 1. Terre végétale 1 ^/a à 2 pieds. 2. — sableuse jaunâtre et bigarrée , avec de rares concrétions calcaires moulées dans des coquilles, queiqueiois des vertèbres et des dents de squales (des genres cyprines et astarte) 5 à 6 » 3. Sablo grisâtre contenant à pou prè<; les mêmes i^fenres, moules cl débris, passant au noir '/a pied. 4. Sables glauconifères d'un noir verdâtrc de puissance indéfinie, sans coquilles, mais contenant des frag- ments de côtes et de vertèbres de poissons, dont une, que j'ai reçue, a 7 pouces en largeur diamé- trale. Ou a creusé 0 pieds dans ce terrain. A l'est de la ville, au village de Deurne, dislanl d'une lieue, le creusemenl d'un puits a produit : 1. Terre végétale 2 ^/j pieds. 2, — sableuse jaune, très-fine, avec débiis de peclcn, d'astartes et dents de squales 20 » 5. Terrain noir, dur et compacte, formé de sables glau- conifères coagulés avec Ligula donaciformis, quel- ques Pectunculus variabilis et empreintes de Pec- ten Lamalii et des débris divers; il contenait aussi des fragments vertébraux. Pas traversé. Enfin, vers le côté sud-est, entre les villages de Deurne, Bergbem et Borgerhout, l'on a trouvé le crag noir, à 26 pieds de profondeur, après avoir traversé deux autres cou- ches coquillières de formation plus récente, et l'on a pu constater qu'il pouvait y atteindre environ 45 pieds de puissance. Les espèces caractéristiques qu'il m'a été possible de recueillir dans cette formation sont les suivantes : 1. Corbula glbba , Oliv., Assez comm. ^O- Astarte radiala, Nysl et West. Abon- 2. — \Vaelii,Nyst. Très-rare. '^««'e- r.. Mactra striala, Nyst. Pas rare, H- Aslarte radiata,var. crassicosta. R. 4. - (petite, indéterniinén\ Corn. ^2. — minuta, Nys!. /lf»o«(/an<.'. 5. Ligula donaciformis, Nyst. Corn. «3. Venus multilamcllosa, Sow. Pas r. G. Saxicava arclica, Lin. CowmwHe. !*■ — incrassata, Sow. iîare. 7. Donax fragllis, Nyst. Rare. iH- Cardium turgidum , Brunn. Rare. 8. Lucina anliquata? Sow., var. Pus r. id- — "t Rare. 9. Diplodonla dilatata? var. Phib Pus 17. Isocardia lunulata, Nyst. Rare. rare. 18- — crassa, Nyst. Rare. 27. 28. 29. 50. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51. 52. 53. 54. 55. Cardita squamulosa , Rare. — corbis , Phil. Rare. Nucula depressa, Nyst. Tîore. — Philippiana, Nyst. Abond. — Westendorpii,Nyst. Assez r. — Margaritacea? Desh. Abo7i, — Haesendonckii , Nyst. As. r. Trigonocaelia sublaevigata , Nyst. Assez rare. Trigonocaelia decussata , Nyst. As- sez rare. Peclunculus variabilis (1), Sow Très-abondant. Arca diluvii, Lain. Rare. — pusilla , Nyst. Rare. Mylilus sericeus,Bronn. Très-rare, Pecten Lamalii, Nyst. Rare. — — var., Nyst. Rare. — jacobcus? Lam. Rare. — ? Bore. Ostrea cochlear Poli (2). Rare. — ? Rare. Dentalium costatum, Sow. M. rare — enlalis , Lin . Moins rare. Calyptraea recla ? Sow. Rare. Salarium lurbinoïdes , Nyst. Rare Trochus similis, var., Sow. Rare. — Rare. Scalaria lamellosa, Broc. Fragm. — reliculata? Sow. Fragm. Turritella triplicata , Broc, var Petite. Euliraa subulata? Broc, var. Petite Tornalella elongata, Sow. Rare. — striata , So\r. Rare. — Rare. Pyramidella terebellata, Lam. Bar Niso terebellatus , Lam. Rare. Natica Sowerbyi, Nyst. Abondante — crassa , Nyst. Rare. Bulla convoluta , Broc. Pas rare. 56) m. Bulla constricta, Sow. Pas rare. 57. _ utricul a, Broc. Très-rare. 58. — acuminata , Brug. Très rare. 59. Ancylus compressus, Nyst. Tr.-rare. . GO. Cancellariavaricosa, Broc./lss.rar. . 61. — minuta , Nyst. Bare. . 62. - Michelinii? Phil. T.-rar. . 63. Fusus (Pyrula) ? Rare, 64. Pleurotoma turricula? Broc. , var. Pas rare. 65. Pleurotoma dubia, Crist. et Jan. R. 66. — cheilotoma? Bast. iîare. 67. — crenulata , Bast. iîore. 68. — intorta, Broc. i?ore. G9. — (indéterminée). ■ 70. Cerithium (indéterminée). Rare. 71. — (indéterminée). Rare. 72. Murex cuniculosus, Duch. Rare. 73. Rostellaria ? jRare. 74. Cassidaria bicalenata, Sow. Rare, 75 — ? Rare. 76. Buccinum prismaticum,Broc. T.-r. . 11. — ? Rare. • 78. Ancillaria ? Fragm. 79. Ringicula buccinea, Broc. Cmnm. • 80. Cypraca coccinella, Lk. Rare. 81. Nodosaria Abondant. 82. Denlalina? Rare. 83. Turbinolia Rare. 84. — Rare. •85. — ? Rare. 86. Flabellum exlensura , Mich. Rare. - 87. Stephanopliyllia imperialis, Mich. Rare. 88. Semina Rare. 89. Cydarites . . . Rare. Supplément. 90. Corbula 91. Cancellaria evulsa , Brand. (1) Nous pensons que cette espèce est distincte du P. variabilis. (2) C'est une espèce distincte, désignée sous le nom d'Ostrea Waelii, Nyst. (57) 92. Fusus regularis? Sow. 'J7. Serpula 03. Plouroloma 98. Lunulites rhomboïdalis. Goldf. 94. - 99. — 93. — 100 — 96. Vermetus Il y a, comme on le voit, sur ce nombre une partie d'espèces encore indéterminées, à laquelle il viendra s'en joindre encore beaucoup de nouvelles peut-être; l'on at- tend avec impatience la détermination des i'oraminifères, ainsi que de plusieurs petites coquilles. Sur celte quantité, l'on ne retrouve guère que 25 espèces des formations anté- rieures du crag, encore y a-t-il parmi celles-ci quelques variétés que l'on ne peut rapporter qu'avec doute aux espèces avec lesquelles on les confond. Environ 18 se rencontrent aussi dans le crag d'Angle- terre, 5 dans le london-clay et 4 dans l'argile de Ruppel- monde. On retrouve, enfin, une vingtaine des mêmes espè- ces dans les terrains tertiaires moyens de France, d'Italie, de Sicile et d'Allemagne, et quatre dans d'autres dépôts analogues de Belgique, à Kleyn-Spauwen, Vliermael et Lethen (1). Le ra|)port d'analogie avec les espèces vivantes n'est plus que de 10 à 41 p. % (2) , et la moitié de cette somme n'habite que les mers du midi de l'Europe; l'autre moitié se trouve dans ces mêmes eaux, mais aussi dans l'Océan. Il me semble résulter assez clairement de tout ceci que l'âge relatif de cette formation la sépare d'une manière bien distincte des deux autres formations du crag d'Anvers, qui, quoique successives, montrent cependant un plus grand rapport entre elles. (1) Tout ceci, sauf observations ultérieures. (2) Ce qui s'élève encore à plus du double , d'après les géologues anglais déjà cités, qui se sont livrés à des recherches spéciales à ce sujet. (58) Il reste d'intéressantes recherclies h faire au sujet de la superposition de ce terrain, sous lequel il paraîtrait natu- rel de rencontrer l'argile ou la marne argileuse, qui semble former la base d'une grande partie des terrains du bassin d'Anvers. Plusieurs creusements auxquels j'ai assisté et des informations prises en mainte occasion m'ont fourni des résultats différents. Argile inférieure au crag. — Une longue bande ou zone de marnes argileuses s'étend le long des rives de l'Escaut, d'une part, depuis Baescî jusqu'au delà de Ruppelmonde, et d'autre part, depuis Boom au Ruppel jusqu'à Schelle et Hemixem, par la commune de Niel. Mais celle bande ne s'étend ainsi que sur sa largeur, et son élendue de l'est à l'ouest est bien plus grande, car elle se dirige sous les communes d'Aertzelaer et Conlich, à o lieues de Paippel- monde, se perdant à certaines limites pour se retrouver, près d'Anvers à Deurne, à 98 pieds de profondeur, sous plusieurs coucbes de crag. Plus loin encore et même dans la Campine, il semble que ces marnes se répandent à de grandes distances et à des profondeurs difTérenlcs. Ces dépôts oiïrent un fail qui nous semble remarquable; c'est de se trouver recouverts, sur une longue étendue, par des couches de terres sableuses ou argilo-ferrugineuses, qui nous paraissent toujours appartenir au crag intermédiaire ou supérieur (comme nous avons pu le constater à Piuppel- monde), et de ne pas présenter de vestiges de crag noir ou inférieur à sa surface. Il semble donc qu'il a dû se faire ici un état de repos pendant que les couches de crag noir infé- rieur se formaient ailleurs, et que les dernières périodes marines ont recouvert indifféremment les diverses forma- tions antérieures du bassin qu'elles pouvaient atteindre, comblant aussi des creux et des dépressions de terrain. ( -^^9 ) [.a puissance du dépôt de marnes argileuses varie con- sidérablement, ainsi que l'épaisseur des autres formations qui le recouvrent, comme il résulte de plusieurs coupes et creusements que nous avons pu observer de distance en dislance. D'abord à Ruppelmonde, on observe ce qui suit : 1. Teri-e végétale 2 pieds 5. — arjjile sableuse jaunâtre {leem) 4 » ,■5, — sableuse jaunâtre, bonne pour faire le mortier à construction, avec vestiges de fossiles du crag . G « A. Couche sablo-argileuse de couleur brun-grisâtre, séparée des suivantes par une ligne ferrugineuse souvent dure. 5 » 5. Marne argileuse, maigre, sans fossiles ou fort peu, la- quelle repose sur une base plus compacte indiquée par une assise de pierres blanchâtres { concrétions argilo- calcaires), nommées (seep-steenen). — Ceci forme le ô'-' étage lo » G. Marne argileuse avec teintes variées et parties plus ou moins sableuses qui contiennent de petites coquilles fos- siles encore inconnues; d'autres espèces connues se trouvent dans la masse du dépôt. Ceci forme le 2*^ étage. aO » 7. Ligne de pierre calcaire ou concrétions connues sous la dénomination de Septaria , marquant la limite de l'é- tage inférieur, puis continuation d'argile pendant. . 20 >^ Alors partie sableuse qui donne de Peau, et continua- tion d'argile inconnue. 100 pieds. Cetle partie, qui forme l'étage le plus inférieur connu jusqu'ici, renferme les coquilles fossiles qui ont été suc- cessivement tlécrites par MM. Nyst(l) et Delvoninck(2). ïl (1) Recherches sur les coquilles de la province d'Anvers j in-S", 5 pl.j 1835. (2) Description des coquilles fossiles de l'argile de Baesel, Boom et Schelle , in-4", 4 pi.; 18ô7. (60) est probable, d'après ce qui existe en Angleterre et d'a- près l'avis de i\l. Lyell, que de nouvelles et minutieuses recherches y amèneront la découverte de coquilles qui n'y ont pas encore été recueillies. On y trouve aussi des con- crétions ferrugineuses dites pyrites de fer, et les cavités que l'on remarque dans les rognons calcaires sont tapis- sées d'incrustations avec cristallisations ferrugino-sulfu- reuses. Le crag qui recouvre l'argile sur la rive droite de l'Es- caut, sous les communes de Schelle et Hemixem, n'a guère qu'une dizaine de pieds de puissance; il est, vers sa base, de nature plus ferrugineuse, et contient beaucoup de petits cailloux quarzeux roulés. On y trouve aussi des ossements fossiles et des nodules d'hydrate de fer. Le dépôt d'argile marneuse, qui s'y présenteainsi qu'à Boom, moins puissant qu'à Ruppelmonde, puisqu'il n'a que 40 à 50 pieds en exploitation, nous paraît n'y constituer que le 2^ étage en partie et moitié du 5% car indépendamment de l'absence de certaines espèces abondantes ou caractéristiques à Rup- pelmonde, telles que les Astarte, Cardita et Dentalium Kickxii, Fusus erralicus et Fiisus Koninckii , etc. On se trouve, à quelques pieds de profondeur, sur la ligne des Septaria, qui sépare, à Ruppelmonde, les 2^ et 3" étages. Il est à remarquer cependant que certaines espèces sont particulières au dépôt de Schelle, et n'ont pas encore été trouvées à Ruppelmonde, par exemple les Voluta semi-pli- cata, Nantilus zig-zag Stackezii, Nyst et Fusus. On trouve indistinctement, dans l'argile des deux rives, des vertèbres et des dents de squales; mais celles-ci, comme les coquilles, sont généralement de plus grande dimension à Ruppelmonde. Suivant à présent la marne argileuse dans l'intérieur (61 ) de la province, je la trouve à 100 pieds d'épaisseur au châ- teau de Claydael , où le forage d'un puits artésien a con- staté ce fait et donné de l'eau à cette profondeur avec abondance. Une lieue plus loin , dans la direction de sud-ouest au nord-est, au château de Contich, un forage semblable a donné le résultat suivant : i. Terre végétale 2 '/a pieds. 2. Terre argileuse jaunâtre {leem), avec nodules ferrugi- neux , sans débris organiques 3 « 5. Argile jaune-grisâtre, plus foncée vers le bas ... 12 » 4. Argile noirâtre compacte sur laquelle reposent des con- crétions dites Septaria. Cette argile , comme celle de Ruppelmonde , se concasse à l'air par le dessèche- ment , et contient des pyrites de fer 00 » 5. Argile pareille, encore plus noire et de nature schis- teuse, feuilletée, avec pyrites de fer 150 « G. Couche dure et compacte argilo-pjriteuse et luisante sur laquelle se brisaient les instruments .... 20 » Par suite de quoi. Ton a staté à, . . . 227 '/a pieds. Il n'a pas été recueilli de coquilles ni autres débris orga- niques fossiles de ces forages, et, par conséquent, l'on n'a pu constater si le terrain en contenait dans ces loca- lités. Un troisième forage, à dix minutes de distance, vers le midi, sur la largeur du dépôt, a produit à peu près les mêmes résultats; mais au delà d'une portée de flèche, dans la même direction , l'on ne rencontre plus d'argile en creu- sant, et l'on trouve à sa place une couche ferrugineuse à quelques pieds de profondeur, des sables jaunes à petits cail- loux roulés et des sables grisâtres nommés dri[t, et beau- coup d'eau. Le tout sans coquilles ou autres fossiles orga- (62) niques, hormis du bois; mais comme celte couche argi- leuse n'est exploitée, pour la fabrication des briques, à Conlich, qu'à 15 pieds de profondeur, il est permis de supposer que l'on pourrait en trouver plus bas, si l'on creusait ainsi sur une certaine étendue. Les morceaux de bois que l'on remarque ici , se trouvent aussi dans les marnes de Schelle et dans les sables argileux supérieurs à l'argile de Deurne. i Pour terminer la série de ces observations, nous allons } ajouter le narré d'un état de forage fait, en 1854, sous la i commune de Deurne, près d'Anvers , à la fabrique le Phé- I nix, de M. Wood (au nord-nord-est de Contich, lieu des ' autres forages cités; communiqué par Ch. Cogels) : j Pieds et pouces * anglais. \ Avril 15. Terre végétale. o » '; » 17. Argile jaunâtre [leem)y mêlée de sable. Trouvée à 6 j 9 pieds d'ossements fossiles de poissons ....«» | I) 21. Sable et morceaux de pierres (silex) 11 » | » 23. Sable mouvant (c?n/f) , mêlé de coquilles . ... 4 » ■ « 26. Couche coquillière très-dure, mélangée de sable. . 3 » | » ». Sables et coquillages 2 8 I w », Sable gris « 4 » 28. Descendu le 2^ tuyau en tôle de 8 ^/j pouces de dia- mètre. Obligé de le découper pour le retirer, des- cendu un 2'-' tuyau de 8 ^4 pouces, de diamètre en remplacement » >^ | Mai 5. Sable vert, dont les derniers 20 pieds très-mouvants | et mêlés de petits cailloux blancs 41 » | « 8. Même composition , un morceau de bois carré et i une pièce d'os sans forme U » Descendu le 3"^ tuyau de 7 ^/, pouces de diamètre . » >■, | » 14. Sable vert mouvant, mêlé de beaucoup de coquilles, i mais peu d'entières 8 s { » 15. Sable mêlé d'argile, coquilles plus entières. ... 10 v l A reporter, , . . 98 >< ' (65) Report. ... 08 - liai 10. Argile *5 " 17. Une pierre, doscen.lu le 4* Uiyau de 6 '/a pouces. . 1 » Juin 9. Couche argileuse très-dure et de couleur bronzée, mêlée de pierres lourdes ayant l'apparence de cui- vre el beaucoup de parties luisantes au .soleil . . 1)0 « «. Une pierre très-dure de toute la surface du trou. . « 4 Descendu un o-^^ tuyau de 5 \'j pouces de diamètre . " v, .. 15. Argile ^2 8 « .1. Pieri-e de toute la surface du trou » 2 )) 20. Toute argile, exactement la même 11 10 « 26. Toute argile plus blanche 6 » Juillet. 1. — 17 r, _ _ _ 24 « ■0 V. Pierre très-dure 1 » 12. Descendu le G* tuyau en tôle de 4 pouces de diamèt. > » » 16. Leem vert foncé l'J » » 17. — plus clair, couleur de plomb 10 » » «, — sablonneux rougeâtre 6 » « 28. Sable mêlé d'un peu d'argile et au fond beaucoup de coquilles très-consommées 39 n yJoût 8. Descendu un 7" tuyau de 3 7« pouces de diamètre. >> » Seplem. 9. Sable très-dur 33 » Descendu le 8^ tuyau de 2 ^'j pouces de diamètre . » •> « 24. Sable assez vif. 24 « Descendre un tuyau en fer-blanc pour allonger , mais ne pouvant réussir, on a été obligé de staler. Forage total en pieds anglais. . . . 406 > Résumant le forage à travers l'argile jusqu'au lecm vert, on voit que sa puissance atteint 175 pieds en cette localité, et que la présence de coquilles fossiles n'a pas élé constatée dans cette formation. Les espèces fossiles recueillies dans les couches supé- rieures n'ont été ni conservées ni déterminées, ni les au- tres débris des sables inférieurs non plus. (64) — La classe a procédé ensuite à la nomination de son directeur pour 1854, et M. le baron deSelys-Longchamps, ayant été désigné par la majorité des suffrages, est venu prendre place au bureau. M. Stas, directeur pour l'année 1853, a proposé de voter des remerciments à M. Kickx, directeur sortant, qui, pour cause de santé, n'avait pu se rendre à la séance du jour. La classe a accueilli cette pro- position par des applaudissements, et elle a chargé M. le secrétaire perpétuel d'exprimer à M. Kickx les sentiments de la Compagnie ( G5 CLASSE DES LETTRES. Séance du 10 janvier 1855. M. le baron De Gerlaciie, président. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents: MM. le chevalier Marchai, Sieur, le baron de Slassart , De Smet, de Ram, Roulez, Lesbroussart , Gachard , David, Van Meenen, Paul Devaux, Schayes, Snellaert, Carton, Ilaus, Bormans, Baguet , membres; Nolet de BrauwereVan Steeland, associe; Arendt, Chalon, correspondants. M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur demande à la classe qu'elle veuille bien s'occuper de former la liste des candidats pour le jury auquel est attribué le jugement du concours pour le prix quinquennal de littérature française. — MM. le baron de Stassart, Carton , Roulez, Bormans, Chalon , membres de l'Académie, font hommage de diiïé- rents ouvrages de leur composition. — Remercîmcnts. — M. le secrétaire annonce qu'il a reçu un mémoire manuscrit en réponse à la question de concours : Quel est Tome xx. — P° part. 5 (66) le système d'organisation qui peut le mieux assurer le succès de renseignement littéraire et scienlifique dans les établisse- ments d'instruction moyenne? Ce mémoire porte répij^ra- phe : Sit quodvix simplex duntaxat et unum. RAPPORTS. Notice sur la confrérie de Saint-Ivon , à Gand ; par M. Gaillard. Kapport (le M» de Mfechet*. « La notice que M. Victor Gaillard , avocat à Gand , chargé du classement des archives si importantes et si longtemps négligées du Conseil de Flandre, a envoyée à l'Académie, est destinée à nous faire connaître l'organi- sation d'une institution charitable , fondée à Gand , comme elle l'était, sous le même titre ou sous telle autre dénomi- nation, dans toutes nos provinces, pour la défense gra- tuite des droits des indigents. ïl est à regretter, peut-être, que l'auteur n'ait pas jugé à propos de compléter son travail, en examinant rapide- ment quels furent, dans les temps antérieurs à la fonda- tion de ces sortes de confréries, les moyens généralement adoptés pour la défense des pauvres contre les abus , si fréquents au moyen âge, de la force ou m.ême de l'autorié. Il aurait fallu esquisser, à cette occasion, il est vrai, le tableau des bienfaits innombrables recueillis, par les fai- bles et les malheureux, de la tutelle de cette Église catho- lique si admirable dans son vaste et inébranlable système de charité. Je conçois donc qu'il eût été difiicile de se (67 ) livrer à ce travail à propos d'une notice qui, sous la forme d'une monographie fort intéressante, restera d'ailleurs comme un des éléments de l'histoire de nos institutions sociales. J'ai, en conséquence, l'honneur d'en proposer l'impression dans les Bulletins de l'Académie. ?> Mlappot'l de M. Paul Detaux. Hapiwt*t de M. DttcpeUauûc, « La notice de M. Gaillard est intéressante au point de vue historique. Elle rappelle les services rendus k ( 68) Gand par la confrérie de S^-Ivon, dont le but était de dé- fendre les causes des indigents. Des institutions semblables existaient dans la plupart des autres provinces, et on les retrouve aussi dans plusieurs autres pays, en France, en Allemagne, en Italie, etc. Je n'ignorais pas ces faits, lorsque j'ai soumis à l'Aca- démie ma noie Sur le bureau de l'avocat des pauvres en Sardaigne. Mais je n'avais nulle intention d'entrer dans des développements historiques qui m'eussent entraîné trop loin. Mon seul but était d'appeler l'attention sur une organisation qui a incessamment grandi, qui s'est perfec- tionnée avec le temps, et qui, s'étayant sur une longue expérience, peut aujourd'hui être proposée comme modèle à tous les pays. Les bureaux de consultations gratuites, l'institution du pro Deo, la défense d'office des accusés , sont des jalons épars qui indiquent jusqu'à un certain point la voie à suivre, mais qui sont loin de constituer un système complet, comparable à celui qui fonctionne en Piémont avec un plein succès. C'est là la différence que j'ai voulu préciser. Au surplus, les renseiguements communiqués par M. Gaillard ont un but d'utilité actuelle : l'exemple des ancêtres a son autorité, et le rappel des services rendus par l'ancienne confrérie de S^-Ivon est un argument de plus en faveur de la réforme que j'appelle de tous mes vœux. J'appuie donc la proposition de mes deux honorables collègues de publier la notice de M. Gaillard dans les Bul- letins de r Académie, » Conformément aux conclusions des commissaires, la notice de M. Gaillard sera imprimée dans les Bulletins et des remercîments seront adressés à l'auteur. (69) — M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la com- mission administrative de l'Académie s'est réunie dans la matinée pour régler les comptes de 1852, et ce qui con- cerne l'impression de VAûnuaire de la même année. On avait demandé aux membres l'indication de leurs principaux ouvrages et quelques renseignements biogra- phiques très-succincts, pour les insérer dans V Annuaire de l'Académie, Ces renseignements ont été remis en grande partie; cependant, pour ne pas arrêter la publication de V Annuaire de 1855, qui doit paraître sous peu, il a été convenu que la bibliographie académique formera un petit volume séparé et de môme format. COMMUNICATIONS ET LECTURES. HISTOIKE DES TROUBLES DES PAYS-BAS. Sur les négociations secrètes qui furent tentées avec le prince d'Orange, au congrès de Cologne, en 1579 (1). — Notice de M. i}achard , membre de l'Académie. Aucun historien n'a parlé des négociations qui furent entamées secrètement avec Guillaume le Taciturne, au congrès de Cologne, en 1579, dans le but d'amener un accommodement entre lui et Philippe II : M. Groen Van Prinsterer lui-môme, qui a publié les Archives de la maison de Nassau, et qui les a enrichies de tant de sa- (l) Ce fragment fera partie de la préface du 4"^ volume de la Correspon- f^lfinccde Guillaume le Taciturne, qui doit paraître prncliainement. (70) vantes remarques, de tant d'éclaircissements curieux, paraît n'avoir pas connu cet épisode de la vie du prince d'Orange. Je dois à mes recherches dans les archives d'Espagne, de pouvoir combler une lacune des annales de notre grande révolution , qui n'est pas sans quelque im- portance. Le congrès de Cologne, on le sait, eut pour objet la pacification des Pays-Bas, et se tint, sous la médiation de l'empereur Rodolphe 11, qui y députa les électeurs de Trêves et de Cologne, l'évoque de Wurtzbourg, le duc de Clèves et le comte de Schwartzenberg , grand maréchal de sa cour. Le duc de Terranova y fut le plénipotentiaire du roi d'Espagne. Les états des Pays-Bas y envoyèrent une nombreuse ambassade, à la tête de laquelle était le duc d'Arschot. Le pape Grégoire 111 s'y lit représenter par l'archevêque de Rossano (Jean-Baptiste Castagna), qui depuis ceignit la tiare, sous le nom d'Urbain VIL De même que le grand commandeur de Castille, en 1574 (1), et don Juan d'Autriche, en 1577 (2), le duc de Terranova se convainquit tout d'abord que le Roi ne parviendrait point à faire rentrer sous son sceptre les provinces soulevées des Pays-Bas , sans avoir donné satis- faction au prince d'Orange. Ses instructions secrètes l'au- torisaient à offrir au prince, s'il voulait quitter le pays, la mise en liberté de son fils, le comte de Buren, à qui seraient conférées toutes ses charges, et restitués tous ses biens; il pouvait même lui promettre jusqu'à cent mille (1) Correspondance de Guillaume le Taciturne, publiée pour la pre- mière fois f etc., t. III , p. XXXVI et sniv. (3) Ihid.y p. I. v\ sniv. (71 ) ducats, pour le payement de ses dettes (1). Mais ces condi- tions seraient-elles acceptées? Comment d'ailleurs s'assu- rer des intentions de celui qu'elles concernaient? L'envoyé du Roi ne pouvait se mettre directement en rapport avec le prince rebelle. Il y avait là, on le voit , pour le plénipo- tentiaire de Philippe II , matière à plus d'une diiUculté. Parmi les commissaires impériaux à Cologne, il en était un dont les relations intimes avec le prince d'O- range n'étaient ignorées de personne : c'était le comte de Schwartzenberg. Ce seigneur avait été envoyé aux Pays-Bas par l'Empereur, dès le principe de la rupture des états avec le Roi; il avait en quelque sorte épousé leur cause; aux conférences tenues à Louvain, du vivant de don Juan d'Autriche, comme depuis au camp du prince de Parme, il avait avec chaleur plaidé leurs intérêts et soutenu leurs prétentions. Les liens d'amitié qui l'unissaient d'ancienne date au prince d'Orange s'étaient fortifiés dans ces cir- constances, au point qu'il le traitait de père, et que le prince l'appelait son fils (2). Terranôva s'appliqua à le gagner, et les premières ou- vertures qu'il lui lit ne le trouvèrent pas indifférent. Schwartzenberg se montra prêt à s'employer , de tout son pouvoir, à un accommodement avec le prince, accommo- dement dont , à ses yeux, comme à ceux de l'ambassadeur (1) Archives de Simancas, Papeles de Estado , liasse 2844. — Strada a ou coiînaissance de ces instructions, dont le duc de Terranôva avait envoyé copie à Alexandre Farnèse. (2).... Lo que yo he podido entender es que el condc de Sxuarzemhurg es tan amigo del de Oranges , que Je (rata de hijOy y él al de Oranges de padrc... (Lettre du duc de Terranôva au roi, du 16 avril 1579, aux archives rait obtenir par la paix générale (7). » (1) Jean Foncq, prévôt et archidiacre de Notre-Dame à TJtreclit , était conseiller aux conseils d'État et pri\é; Maxiniilien de Longueval, S"" de Vaulx, était conseiller d'Élat et l'un des chefs des finances; Scharenberger était secrétaire d'État pour la correspondance d'Allemagne. (2) Lettres du duc de Terranova au Roi, des 13 et 15 mai 1579, dans les archives de Simancas , Papeîes de Estado , liasse 2844. (o) Lettre du duc de Terranova au Roi, du 23 mai 1579. (Ibid.) (4) Cette lettre, datée de Middelbourg, le 2 juin, et écrite en italien, est aux archives de Simancas, Papeles de Estado y liasse 2844. (5) Cosi lasso di maravigliarmi che non gli basta Vanimo d'in- trare in nîteriore communicatione circa quel negotio. (G) Cette lettre, en italien comme la précédente, est dans la même liasse des archives de Simancas. (7) Que si contentera con quella portione che Dio li concédera per la pace générale. (74) Cependant Schwarlzenberg , que les promesses du duc de ïerranova avaient séduit , s'était mis en rapport avec le prince, et, de ce côté, les apparences étaient plus favo- rables. Invité par le ministre de l'Empereur à lui envoyer une personne qui possédât toute sa confiance et à laquelle il eût entièrement ouvert son cœur, Guillaume le Taci- turne avait accueilli avec empressement cette ouverture ; il avait fait savoir à Schwartzenberg qu'il y donnerait suite le plus tôt et le plus secrètement qu'il le pourrait : il était persuadé, lui disait-il, qu'une négociation dont il s'entremettait ne pouvait que lui être avantageuse (1). Il lui avait confirmé ces dispositions — chose remarquable — dans le temps qu'il tenait à Van Dorp le langage que j'ai rappelé; même il s'était exprimé alors d'une manière plus catégorique, puisqu'il avait assuré Schwarlzenberg qu'il serait heureux de traiter de son affaire particulière, et qu'il lui enverrait pour cela un de ses conseillers les plus intimes (2). (1) .... Ha venido (Schwarlzenberg) à decirme que, hàbiendo escripto al de Oranges embiase aqui una persona confident îsima suya, y que su- piesse todo su corazon , para que pudiese communicarle aJgunas eosas que le ocurrian en heneficto suyo , diz que le ha respondido con mucho aqradescimiento que lo haria, y emhiaria la persona que él pedia , espe- rando que de sti mano no podia dejar de venirle todo bien.... (Lettre du duc de Terranova à Philippe II, du 2o mai lo79, aux archives de Simancas, Papeles de Estado, liasse 2844.) Une traduction espagnole de la lettre du prince au comte de Schwarlzen- berg, écrite d'Anvers le 29 avril, est dans la même liasse. (2) .... Habra siete û ocho dias que (Schwarlzenberg) tuho una carta de su mano (du prince d'Orange), enfrancés , la cual me mostro à mi origi- nalmente , en que, muy à la clara y sin mascara, le dice que holgarâ de tratar de su jyartkular, y para ello embiarâ un consejero suyo muy confiado.... (Lettre du duc de Terranova au Roi, du 27 juin 1579, aux ar- chives et dans la liasse ci-rlessus citées.) (75) Son secrétaire Brunynck (1) arriva en effet à Cologne, sur la lin du mois de juin. Il était porteur de deux lettres (le main propre du prince, adressées à Schwartzeuberg : Tune et l'autre étaient conçues dans le môme sens; le prince y disait au grand maréchal de la cour de Rodolphe H qu'il pouvait s'expliquer avec son secrétaire comme avec lui-même (i2). Schwartzeuberg déclara à Brunynck qu'il fallait que le prince sortît des Pays-Bas, et remît au Roi les provinceset les places qu'il occupait : il s'efforça de le persuader que les conditions qui, en échange, seraient accordées au prince, seraient tout à son avantage. Brunynck lui répondit que, puisque l'arrangement proposé lui paraissait conforme à l'intérêt du prince, sans doute il avait des raisons de croire que celui-ci l'accepterait; qu'il semblait toutefois nécessaire, pour la sûreté autant que pour la réputation (lu prince, que la négociation eût lieu sous les auspices (les commissaires impériaux à Cologne, et qn'à cet effet, ils lui écrivissent, l'engageant à se faire représenter au congrès par quelqu'un qui fût muni de ses pouvoirs (5). (1) VojeZjSur ce personnage, les ^/c/a'yes ou Correspondance inédite delà maison d' Orange-Nassau, publiées par M. Groen Vax Prinsterer, passim. (2) .... Este (Brunynck) vino , habrâ très àcnatro dias , con iina carta de creencia para cl conde, asimismo de su mono del de Oranges , dicién- dole que no solo entenderia de su consejero abiertamente su intencion , pero aunque le satisfaria à todo lo que le propusiese , como homhre qtœ sabia su corazon.... (Lettre du duc de Terranova, du 27 juin, ci-dessus citée.) Les deux lettres du prince à Schwartzeuberg étaient datées du 10 et du 11 juin. Des traductions espagnoles en existent aux archives de Simancas,dans la liasse 2844. (ô) .... El conde le dijo lo que se prétende, es à saher que sahja de los Estados y y entregne à V. M. las tierras y fnerzas qw tiene ocupadas, ( 76 ) Schwartzenberg goûta fort cette idée; il n'eut pas de peine à la faire accueillir des électeurs de Trêves et de Co- logne et de l'évéque de Wurtzbourg, et la lettre pour le prince fut aussitôt expédiée (1). Schwartzenberg se flat- tait qu'en définitive, ce serait lui qui déciderait de tout, le prince ne se fiant qu'à lui seul (2). Le duc de Terranova, à qui il rendit compte de ce dont il était convenu avec Bru- nynck, applaudit, à son tour, au parti qui avait été adopté; il trouva même que la dignité du Roi gagnerait à ce que l'arrangement projeté fût conclu par les commissaires de l'Empereur. Pour stimuler encore plus le zêie de Schwart- zenberg, il lui annonça formellement que si, par son moyen , le prince d'Orange sortait des Pays-Bas, et l'œuvre de la pacification générale était accomplie, il lui donnerait 20,000 écus comptant, outre une commanderie de 4,000 ducats qu'il lui ferait obtenir en Espagne (5). con muchas razones para persuadirle â ello, y mostrar cuanto le im- portaha, y que lo trataba por su propio beneficio. A todo lo cual diz que le respondiô que y pues â él le parescia que aquello combenia al principe, sin duda sabia que él holgaria de venir à la plàtica, con que sobre todo se mirase por su seguridad, y que para esto y cumplîr con su reputacion , entendia que era muy àpropôsito que el negocio se tratase por mano de los comisarioSj y que escribiesen al principe para que embiase aqui personas con poder suyo , para concertarlo.... (Lettre du 27 juin , ci-dessus citée.) (1) Le 24 juin. (2) .... Dixome que, si bien esto pasaria por mano de los dichos co- misarios , â la fin él séria el que secretamente , y debajo de aquella co- lor, lo haria todo, por ser, como es él, tan su amigo que no se fiaba de nadie sino dél. (Lettre du duc de Terranova, du 27 juin lo79, ci-dessus citée.) (3) .... Y asiaprobélo que el conde habia concertado con el consejero , dicîéndole j junto con esto, cuan bien me parescia que guiavael negocio , y hinchéndole los orejas de cumpUmientos , demâs de ofre^ccrle abierta- ( 77) Brunynck, avant de retourner à Anvers, vit aussi l'ar- clievèque de Cologne. Il lui confirma que le prince serait content de s'arranger avec le Roi, et, sur sa demande, il lui dit à quelles conditions : c'était que son lils fût mis en liberté, qu'on lui rendît ses gouvernements et Étals , ([u'on payât ce qu'il devait en Allemagne aux gens de guerre, qu'on réparât les dommages qti'il avait soufferts dans ses biens et revenus, que l'exercice de la religion réformée fût autorisé dans tous les lieux où elle s'était introduite. L'archevêque se montra grandement surpris de pareilles prétentions; il lit observer à Brunynck que le prince ne pourrait demander plus, s'il avait le Roi en son pouvoir; que cela était indécent et intolérable. Brunynck lui répli- qua qu'il savait de son maître que, d'une autre manière, il ne traiterait pas (1). Remarquons, en passant, que les dettes du prince en Allemagne n'étaient pas peu de chose; on les évaluait à deux millions de florins, au moins. Le duc de Terranova était d'avis que, pour leur extinction, le Roi fit un sacrifice de 3 à 400,000 écus, mais il trouvait que c'était déjà beaucoup. On croyait, du reste, que, en cas d'arrangement, les états des Pays-Bas seraient disposés à payer une partie des sommes dues par le prince (2). mente que , si él hacia que el principe de Oranges se contentase de salir de los Estados, y que se concluycse la pacificacion gênerai, yo le daria 20,000 escudos, de mi mano â la suya, y dcmâs lambic n se le gratificaria con una encomienda de cuatro milducadvs. (Ibid.) (1) Lettre du duc de Terranova au Roi, du 21 août 1579, aux archives de Simancas, liasse ci-dessus citée. (2) Bel abad de Santa Gertrude lie entendido que el principe debe dos millones de florines à la gente deguerra Los disputados catôlicos Iratando conmigo me han dicho que los estados holgarian de darlc algo por su parte , de manera que yo espero que podria acomodarse con que (78) La réponse de Guillaume le Taciturne aux commissaires impériaux fut loin d'être conforme à leur attente. Tout en les remerciant des dispositions bienveillantes qu'ils lui témoignaient, il s'excusa de déférer à l'invitation qu'il avait reçue d'eux : « Je ne me suis point mêlé des affaires » des Pays-Bas, leur écrivit-il, de mon autorité privée; » mais j'ai été appelé à le faire par la généralité : en cela, » je n'ai jamais ambitionné autre chose, sinon que ce pauvre » pays fût délivré de la tyrannie étrangère. Ce que je puis » prétendre et ce que prétendent les états-généraux est » tout un : ainsi il ne serait pas convenable à moi de me » séparer de ceux envers qui je suis lié par serment. J'ai » toujours pensé, du reste, que les arrangements qui as- » sureraient la paix et le repos du pays me procureraient » aussi les avantages que je puis espérer. Par ce motif, il » m'a paru que, si j'avais voulu dans le principe traiter 2) de mon affaire particulière, j'aurais plus retardé qu'a- y> vancé la négociation principale. J'espère donc que Vos 3) Seigneuries ne prendront pas en mauvaise part que je » n'aye jusqu'à présent envoyé aucun plénipotentiaire à » Cologne , et que je n'en envoie encore aucun , mais que » je m'en remette, au contraire, à ce qui se conclura avec » la généralité (1). » A Schwartzenberg Guillaume n'écrivit que pour le ren- voyer à cette réponse (2). de parte de V. M. se le diesen très cientos 6 cuatro cientos mil esmidos, que de aqul no me paresce que se debe pasar. (Lettre du duc de Terra- nova, du 27 juin, ci-dessus citée.) (1) Cette réponse, datée du 13 juillet, est insérée dans le tome IV de la Correspondance de Guillaume le Taciturne. (2) Une traduction espagnole de sa lettre à Schwartzenberg, en date du Il juillet, est aux archives de Simancas, liasse ci-dessus citée. ( TU) Ce dernier fut vivement blessé; il se plaignit, en termes amers, au comte de Scliwartzbourg, beau-frère de Guil- laume le Taciturne : « Le temps fera voir — ainsi s'expri- » mait-il dans une lettre qu'il lui adressa — comment se I) prendra et s'interprétera l'excuse du prince. Quant ii » moi , je souhaiterais qu'il m'en eût coûté un membre , » plutôt que de m'ètre laissé entraîner par bonté à cette 9 négociation. Brunynck, malgré ses subtilités, ne m'aurait )) pas fait danser à sa mode, s'il n'eût été porteur des lettres » qu'il me présenta (l). » De chaud partisan qu'il avait été jusqu'alors des états et de la révolution, le ministre de Rodolphe II devint, à partir de ce moment, leur adver- saire ; il offrit à Alexandre Farnèse et au duc deTerranova d'envoyer son fils à la cour d'Espagne. Strada, qui n'a pas eu connaissance des choses dont je viens de faire le récit, s'émerveille surtout de cette conversion politique du comte de Schwarlzenberg (2). En résultat, Guillaume le Taciturne eut-il réellement , k celte époque, la pensée de faire un accommodement par- ticulier avec Philippe II? Si l'on considère les lettres qu'il écrivit à Schwartzen- berg, la mission qu'il donna à Brunynck, les discours que ce confident intime de ses desseins tint à Cologne, il semble qu'on ne puisse le mettre en doute. (1) Lettre du duc de Terranova au Roi, du 28 juillet 1579, et traduction y jointe de la lettre du comte de Schwarlzenberg au comte de Schwartz- bourg, en date du 21 juillet. (Archives de Simancas, liasse ci-dessus citée.) (2) Immo, quodmirum magis^ Otto ipse cornes Schuuartzcmhergensis , longe ah illo ordinum propuynatore mutatus, Regisc Catholico addixit, filiumque suum, ut in Hispanicam aulam admitteretur, obtulit Jlexan- (80) D'autre part, il convient de ne pas perdre de' vue les déclarations laites par Guillaume, en 1574, au pension- naire Bonté et au docteur Leoninus , envoyés du grand commandeur de Gastille; en 1577, au même Leoninus et au duc d'Arschot, qui étaient venus le trouver de la part de don Juan d'Autriche. Que dit-il à ces divers envoyés? « Qu'il estoit serviteur et esleu deffendeur des estatz, sans » l'advis et consentement desquelz il ne povoit riens » faire (1) ; qu'il laissoit toutes choses adviser et résouldre » par les estatz premièrement, et qu'il ne traictoit riens » sans leur volunté et délibération précédente (2); » qu'il ne voulait pas, en négociant à leur insu , se rendre suspect de trahison et d'intelligences secrètes (5); qu'en agissant différemment, il s'exposait à se perdre d'un côté, et à en- courir, de l'autre, l'indignation de ceux qui le soupçonne- raient de les avoir trahis (4); enfin, que jamais il ne se lierait au Roi (5). En rapprochant, en combinant toutes ces circonstances, il est permis de supposer que le prince d'Orange n'était pas éloigné de traiter, à Cologne, pour son compte parti- culier, moyennant la garantie de l'Empereur et de l'Em- pire, et à la condition que les états obtinssent eux-mêmes les points principaux de leurs prétentions, notamment la liberté de conscience, de laquelle, déjà en 1575 , il faisait dépendre tout accommodement ((3). (1) Voy. la Correspondance de Guillaume le Tacilarne, 1. 111, p. xxxviii, 379, 580. (2) Ihid., p. xxxviii et 427. (3) Ihid., p. Lv. (4) Ihid., p. MX. (5) Ihid., p. Lxiii. (6) Ihid., p. XXXIX. (81 ) On s'expliquerait ainsi sa conduite envers le comte de Schwartzenberg et les princes électeurs députés à Cologne : en effet, il se serait excusé de se faire représenter auprès d'eux, du jour où il aurait acquis la certitude que , sur le maintien exclusif de la religion catholique, le Roi demeu- rait inébranlable, et que les états ne devaient attendre, à cet égard, aucun appui de l'Empereur, ni de ses com- missaires (1). Quoi qu'il en soit, Guillaume le Taciturne, qui aurait pu avoir à justifier quelques-unes de ses démarches dans l'occasion que je viens de rappeler, en tira au contraire avantage, lorsqu'il fit paraître sa célèbre Apologie. L'édit de proscription publié sous le nom du Roi lui reprochait de n'avoir pas voulu entendre aux réquisitions et offres qui lui avaient été faites, même par les commissaires im- périaux, afin qu'il se retirât au lieu de sa naissance : « Si » doncq, répondit-il, ils m'ont faict des promesses, si ils » m'ont présenté, comme ils disent, très-grands avan- y> tages, et néantmoins je les ai refusés, que peuvent-ils D condamner, sinon ma constance et fidélité envers Dieu i) et envers le pays , que j'ai préférez à tous les biens du i) monde? » Et plus loin : « Mais tant s'en fault que j) telles conditions m'aient esté présentées, qu'au con- » traire, jamais, ni par lettres de l'ambassadeur de l'Em- » pereur, ni par ses menées envers aulcuns de mes ser- » viteurs et d'aulcuns de mes proches parents, ni par les )> lettres des commissaires, on n'a seulement sceu gaigner » sur moi ce point, à sçavoir que j'envoiasse articles par- (1) Voy. \e Recueil de la négociation de la paix traictée à Coulogne, etc. Anvers, Plantin, 1580, in-18. Tome xx. — - 1" part. 6 (82) » liculiers et en mon nom , ains j'ai tousjoiirs respondii )> qu'accordant la paix au pais, comme vous, messieurs, )> la demandiez, j'estois satisfaict, ne voulant avoir autre » condition , bonne ou mauvaise, que la vostre, et que je » n'entendois, ni directement, ni indirectement, me sé- » parer de la cause commune, de laquelle je jugeois dé- i> pendre mon mal ou ma félicité (1) » Le prince d'Orange triomphait ainsi d'une négociation dont ses ennemis auraient pu profiter, pour répandre des nuages sur sa fidélité à la cause de la révolution. Pour- tant j'imagine qu'il eût été quelque peu embarrassé, si le Roi eût rendu publiques ses lettres au comte de Schwart- zenberg, dont des copies existaient dans les archives de Madrid. Mais Philippe II n'aimait pas la publicité, alors même qu'elle pouvait servir ses intérêts; j'ai cité ailleurs un fait qui en fournit la preuve (2). Quelques remarques sur la prospérité et la décadence du commerce de Bruges; par M. J.-J. De Smet, membre de l'Académie. Magni stat nominis umhra. Si l'on en croit M. César Cantu, dont V Histoire n'est pas aussi universelle que son titre l'annonce, le commerce de Bruges, au moyen âge, n'était pas bien important : « Les (1) Apologie, p. 117 et 119 de l'édition originale in-4", sortie des presses de Sylvius , à Leyde. (2) Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, etc., t. II, p. LXXV. (83) )» nations étrangères n'y avaient chacune qu un comptoir, D dit-il (1); le morcellement du pays était, à l'intérieur, )) un obstacle au commerce réciproque. » II veut bien con- venir, il est vrai , que Bruges était la principale factorerie des villes hanséatiques dans les Pays-Bas; mais, à son avis, la cité flamande ne faisait pas même partie de la hanse (2). Ces assertions fussent-elles exactes, comment peut-on s'expliquer qu'un écrivain à qui Gènes, Florence et Venise ont ouvert leurs archives, ait pu s'en contenter? Comment reconnaître à d'aussi faibles traits ce commerce florissant qui plaça Bruges, aux XlIPetXIV siècles, au premier rang parmi les villes opulentes de l'Europe (5)? D'autres étran- gers, et en particulier les auteurs allemands et anglais (4), lui ont rendu plus de justice : leurs savants écrits nous dispensent de prouver, contre l'historien italien, qu'elle était l'entrepôt des marchandises de l'Espagne et du Por- tugal, comme de l'Italie et de l'Allemagne, et que les négo- ciants de la Flandre trafiquaient à leur tour, non-seule- ment dans ces pays, mais même aux échelles du Levant et jusqu'en Egypte, comme cela a été heureusement démontré par notre honorable confrère, M. le chevalier Marchai (5). Les nations étrangères devaient avoir de puissants mo- tifs pour établir le centre de leurs relations commerciales dans la ville de Bruges , quand celle d'Anvers leur présen- (î) Hîst. univ.f liv. XIII, chap. XXII. (2) Ibid.^ chap. XXIII. (ô) « En ceste ville de Bruges, dit G. Chaslellain, là où toutes nacions du monde sont. » {Chron., part. III, c. CLXII.) (4) « Bruges, « dit Robertson, c. était le magasin ou le grand marché de TEurope ; là se tenait une correspondance régulière , autrefois inconnue entre tous les États du continent. - (o) BuUctim de l'Académie , t. XI , 1'^ paît., p. 132. ( 84 ) tait un port voisin plus commode et plus sûr de beau- coup que celui de Damme. Pour les républiques italiennes, la préférence s'expliquerait aisément par la similitude de leurs mœurs et de leurs institutions politiques avec celles des villes flamandes, similitude singulière, sur laquelle feu notre spirituel confrère, M. Cornelissen , a, le premier, ap- pelé notre attention (i). Mais cette raison n'en était pas une pour les peuples du Nord, et surtout pour ceux de la péninsule ibérique, qui vivaient sous des lois fort diffé- rentes. Il faut d'abord tenir compte assurément de l'industrie flamande, plus avancée que celle des provinces voisines, et spécialement la fabrique et la teinture des draps , dont le Danemark, et surtout l'Angleterre, fournissaient la ma- tière première. En parlant des villes d'Ypres et de Lille, au XllP siècle, Guillaume le Breton décrit naïvement les profits que rapportait cette industtie : Vpra colorandis gens prudentissima Unis;... Régna coloratis illuminât extera pannis , Unde beportantdr solidi. Quas Anglia., vel quas Dacîa contulerai illiCy mittantur ut inde In varias mundi partes ^ dominisque reportant LUCRA SUIS (2). Plus loin, il cite encore Bruges, qui fournit des heuses de prix aux puissants du monde : Brugia, quae caligis ohnuhat crura potentum, et toutefois, il ne fait qu'effleurer la matière. Nos villes, (1) De V origine et des Chambres de Rhétorique y notes G et suiv. (2) Philippid,, liv. II , V. 92 et seq. (85) si peuplées alors d'ouvriers instruits autant que laborieux , rendaient l'Europe tributaire de l'industrie flamande. Assez d'auteurs ont fait connaître, avant nous, les produits di- vers de ces manufactures, pour qu'on nous dispense d'en- trer dans de plus longs développements. Mais la cause principale de la prédilection des nations commerçantes pour la place de Bruges doit , à coup sûr, se trouver dans la protection constante que les comtes de Flandre avaient accordée aux négociants d'autres pays, et dans l'hospitalité généreuse qu'ils exerçaient envers ceux que des bouleversements politiques avaient exilés de leur patrie : témoin, entre beaucoup d'autres, celte famille des Guallerotli, bannis de Florence et noblement accueillis à Bruges, où leur maison fut longtemps florissante. Déjà Bau- douin le Jeune et ses premiers successeurs avaient donné plusieurs franchises aux marchands étrangers; Louis de Crécy augmenta leurs privilèges, et « depuis, dit d'Oude- )) glierst (1), d'autres princes, ses successeurs, ont, en » divers temps , privilégié diverses nations , si comme les 2) Oosterlins, Hispaignols, Ytaliens, Portugalois et aul- » très. » D'une autre part, les marchands des Flandres avaient obtenu, à diff'érentes époques , des faveurs particu- lières des rois d'Angleterre , de l'archevêque de Cologne et de l'Empereur. Ajoutez à ces éléments de prospérité commerciale une autre cause, qui nous paraît plus puissante encore : la loyauté connue des commerçants flamande. Quand il arri- vait qu'une nation étrangère pensait avoir à se plaindre de quelque atteinte portée à ses immunités, elle n'avait pas (1) Annales de Flandre y chap. CXLIX. (86) besoin de réclamer elle-même, les magistrats du comté pre- naient spontanément ce soin. Ainsi quand Jean sans Peur, qui cependant attachait beaucoup de prix à l'affection de ses sujets flamands, paraît négliger de faire rendre justice de quelques vexations souffertes par le commerce anglais , les notables du pays, réunis à Ypres, s'en plaignent hau- tement; et le prince s'empresse d'accorder que des infor- mations seront faites « tant des biens appartenents ans » Englés arrestés à Lescluse, comme des prinses et at- D lemplais fais sur les Englés en venant contre les seurtés )> et provisions dessusdites, d II veut et consent , ajoute- t-il, que si les choses sont prouvées, on poursuive rigou- reusement la restitution demandée (1). Le vaste port de Damme , creusé par les soins de Phi- lippe d'Alsace, facilitait aux navires de commerce l'accès à Bruges et faisait, pour cette ville, un juste litre d'or- gueil (2). Plus de mille vaisseaux pouvaient s'y abriter. Si l'on excepte ce dernier avantage, que possédait mieux encore Anvers, et la loyauté, apanage commun des Belges, les autres principautés qui partageaient le pays n'offraient pas aux négociants étrangers, du moins au même degré, de si grandes faveurs. On s'explique ainsi que, malgré les commotions fré- quentes du pays, les négociants étrangers étaient inté- ressés à y conserver leurs maisons. Cependant lors de la guerre de Philippe le Bon contre les Brugeois et la fer- meture du Zwyn qui en fut la conséquence, le commerce (1 ) Ordonnance du 9 août 1423. (2) Brugia Friigibus elpmfh dirix , poktlque phopinquo. Phil. II , V. (87) maritime étant nul , leur constance aussi commença à s'af- faiblir. On les voit coup sur coup envoyer des députés à Philippe pour obtenir la paix (1) ; et, n'ignorant pas com- bien il attachait de prix à la prospérité du commerce , ils vont jusqu'à le menacer de quitter ses États (2), s'il ne rétablit pas la paix en présentant aux bourgeois insurgés des conditions acceptables. C'était là cependant un symptôme de malheur pour le commerce flamand, et dès lors, en effet, il commença à lan- guir. L'insurrection du comté contre l'archiduc Maximilien et rem])risonnement de ce prince à Bruges acheva sa ruine. Anvers, réuni désormais aux domaines de la maison de Bourgogne, avait obtenu à son tour, du bon duc et de l'em- pereur Sigismond, de nombreux privilèges pour sa ma- rine marchande; l'ancien droit d'étape pour le poisson, le sel et les avoines lui avait été rendu, et ses armateurs, notamment le célèbre Pierre Pot, déployaient une activité étonnante. La Flandre, au contraire, souffrait extrêmement de la piraterie des Hollandais et des Zélandais en guerre avec les Ooslerlins; déjà, en 1451, on s'en plaignait amè- rement dans une réunion des doyens et des notables de Gand : « Les corsaires empêchent les négociants de venir » en Flandre, y disait-on , comme il appert de l'arrivée à 2) Anvers de ces mêmes marchandises qu'on avait l'habi- » tude d'importer à l'Écluse, à Nieuport ou en d'autres y> places de Flandre; changement qui doit causer l'entière » ruine du commerce et de l'industrie (3). j> Cette assemblée ne sut point remédier au mal, car Maxi- (1) Corpus chron. Flandriae, t. III. (2) Le Brabani et le marquisat d'Anvers n'obéissaient pas encore au bon duo. {•>) Dagboeh dar gensche coUatie, bladz. 172. (88) milien lui-même se plaint, dans une charte, citée par M. De Reiffenberg (1), que le nombre des pirates qui infestent les côtes du comté va sans cesse croissant, « au détriment, » dit-il, et dommage irréparable de la marchandise, la- » quelle est le principal fondement et entretènement de » la chose publique de nos pays de Flandre, de Hollande, D de Zélande et de Frise, auxquels ne peult advenir bien, D proufît, ni utilité aulcune, sinon par le faict et moyen y> de la mer. » Parmi ces écumeurs de mer se trouvaient, dit M. Kervyn de Lettenhove , des Dunkerquois et des Nor- mands, mais ceux de l'Écluse faisaient plus de mal en- core. Cette ville était devenue, en 1489, un vrai nid de pirates. Telle était même leur audace qu'on n'osait plus expédier des vaisseaux pour Berg-op-Zoom, sans leur don- ner une escorte imposante, et qu'au mois d'octobre 1492, ils armèrent en course une escadrille de sept bâtiments, pour faire le blocus de l'Escaut. Les Anversois leur oppo- sèrent une flottille de cinq vaisseaux, et l'on en vint aux mains près d'Arnemuide; quelques navires portugais firent changer en défaite la victoire imminente des pirates (2), mais ils ne mirent pas un terme à leurs entreprises. C'était là un moyen d'accélérer la ruine de l'Écluse et de Bruges. Cette dernière ville avait paru un instant sur le point de ressaisir le sceptre du commerce : elle avait vu, en 1486, entrer dans un seul jour cent cinquante voiles de commerce dans son port. Mais c'était là le dernier éclat d'un flambeau qui s'éteignait. Sa bourgeoisie avait vive- ment désiré de faire la paix avec Maximilien pour renouer (1) Mémoire sur le commerce des Pays-Bas, p. 234. (2) h.eygersbevghe f Chronyke van Zeelandfhl.^lS. (89) ses relations commerciales, comme le remarque un poète contemporain : In primis vulgi sua damna queruntur Quodjam non vendant merces, quod littora naves Non subeant solitae (1 ). Mais pendant ces troubles, presque incessants, on avait négligé l'entretien nécessaire du Zwyn , du port de Damme et des canaux qui conduisaient les bâtiments de ce port au bassin de Bruges; la mer se retirait tous les jours davan- tage du havre de l'Écluse. L'ensablement du Zwyn fit en peu de temps assez de progrès pour faire prévoir aux prud'hommes que ce port fameux serait changé un jour en champs et en prairies : Et seges uhi mare ftiit. Anvers profita des malheurs de sa rivale : le XV® siècle n'était pas expiré, et déjà les Portugais et les Espagnols, les Florentins, les Génois, les Vénitiens et les Milanais, comme les Oosterlins, y avaient transféré leurs comp- toirs ; et ces anciennes familles , dont la Flandre semblait être devenue une seconde patrie : les Buonvisi, les Spinola, les Affaitadi émigrèrent à la ville de l'Escaut. Les décou- vertes de Vasco de Gama et de Colomb, et le déplacement du commerce si imporiantdes épiceries, lui rendirent, et bien au delà, tout ce que Bruges avait perdu en puissance commerciale. La ville flamande n'avait point perdu cependant tout espoir de rétablir sa fortune. On essaya d'abord d'intro- (1) Q. iîlmiliani Encom.j IV, 25 , cité par M. Kervyn. (90) fluire la mer par le polder du Zwartegal, et, la tentative n'ayant pas réussi, on lit, par le polder de S"-Catherine, un second essai qui demeura de même sans résultat. II fallut donc songer à rouvrir l'ancienne route de Damme et du Zwyn. I.a lettre suivante (1), que je crois inédite et que le magistrat de Bruges adressa, le 25 janvier 1547, au chapitre de S^-Donat, renferme à ce sujet des détails inté- ressants. On me permettra , je pense, d'en donner ici une traduction : Rev. Messieurs, doyen et membres du chapitre de l'église collégiale de S'-Donat , à Bruges. « Les membres actuels de la régence de cette ville de Bruges, » et leurs prédécesseurs dans les mêmes fonctions, se sont émus j) par une plainte commune qu'on entend lous les jours dans la )) bouche des citoyens les mieux intentionnés, qui se lamentent » et s'écrient avec une bien vive compassion : 0 Bruges! » Bruges! qu'étes-vous devenue? comme s'ils voulaient dire : 1) 0 ! Bruges î Bruges! vous avez été connue dans le monde entier » comme une des villes les plus célèbres, pleine de puissance, n d'honneur et de richesses, peuplée, habitée et fréquentée par » toutes les nations; mais cette fleur a disparu presque entière- » ment; vous en êtes venue à la décadence, vous êtes tombée » même en désolation , votre population est partie , votre com- » merce s'est transporté ailleurs, beaucoup de maisons sont » inhabitées et désertes, une quantité innombrable de personnes » sont entièrement ruinées; en comparaison des temps passés, )) vous êtes comme si vous n'étiez pas! (1) Le style flamand fait peu d'honneur au {^oiU et à rinstruclion du îecrélaire de la réfîcnce. (91 ) » A la vue do ces maux, la régence a fait les derniers efforts » pour en découvrir et en approfondir la cause principale, et, » après l'avoir trouvée, de relever et de guérir la ville de sa ma- » ladie et décadence, pour autant qu'il sera en son pouvoir, et )) de la rétablir dans son ancienne vigueur et prospérité. )) L'enquête a démontré que les eaux sont la source et la cause » principale du mal. En effet, quand le Zwyn avait, à l'Écluse, » une profondeur et une largeur convenables, il mettait com- )) modément à l'abri tous les vaisseaux qui arrivaient par mer, » n'importe de quelles provinces ou pays : ils venaient à l'Écluse )) et là se faisait avec facilité le transbordement des marchan- » dises en des bâtiments plus légers , qui les transportaient à » Bruges, sans être arrêtés par des eaux dormantes. Notre ville )) alors était en prospérité. » Quant au Zwyn , Dieu en soit loué et remercié, son état est » notablement amélioré et s'améliorera sans doute encore beau- » coup par la grande masse d'eau de mer qui s'y jette au midi )) par le nouveau canal, du quartier d'Ysendyke et d'autres » cantons, comme par les travaux qui s'y continuent. On peut )) à coup sûr espérer que le Zwyn, à l'Écluse, deviendra le meil- w leur port de tous les pays de par-deçà. » Il ne reste donc qu'à remédier aux eaux dormantes entre » l'Écluse et Damme et à rendre la navigation facile d'une ville » à l'autre, ce qui peut se faire sans qu'on ait à attendre jusqu'à » ce que le vent ou la marée soit favorable. On y parviendra en » creusant un canal nouveau , semblable à celui de Bruges à )) Damme, deDamme à l'Écluse avec la meilleure direction possible. » Le nouveau canal demeurera séparé au nord du canal salé, » et toutefois ce dernier continuera d'exister; on rectifiera sa i) direction et on établira de nouvelles têtes de pont, de sorte j) qu'en tout temps on pourra se servir pour la navigation de )j l'un et de l'autre canal. )) Et au bout du nouveau serait construit un grand sas ou M refuge, avec une forte estacade contre la mer, près de l'Écluse, (92) » afin qu'à la haute marée on puisse recevoir les \aisseaux dans » ce sas ou refuge, et les conduire ainsi sans obstacle par le nou- » veau canal à Damme et de là jusqu'à cette ville de Bruges. » Si ces travaux sont achevés , on ne saurait douter que les » négociants qui nous ont quittés et qui se sont éloignés de » cette ville ne reviennent à leur ancienne résidence. Bruges » sera de nouveau fréquenté , le commerce et les métiers y re- » naîtront, les vieilles maisons seront réparées et celles qui » sont ruinées reconstruites. La ville sera restaurée dans sa » puissance et opulence anciennes ; le service de Dieu sera » augmenté et les fabriques d'église en honneur : on fera tous » les jours des fondations nouvelles. » Mais pour effectuer ce changement, il faut faire tant et de » si grandes dépenses, qu'il est impossible à ces Messieurs de » la loi de les trouver dans les revenus de la ville; il leur faut » donc implorer aide et secours de leurs bons amis et des per- » sonnes de bonne volonté. » Cependant, faisant au delà de ses moyens, cette ville a » bien voulu se charger à cette fin de deux cents livres de gros » par an en rentes héréditaires, mais rachetables au denier 16, » en rentes viagères sur une tête au denier 8 et sur deux au » denier d 0. » Les Acta capitularia de S*-Donat ne font aucune men- tion de la réponse qu'on a pu faire à cette missive. Les revenus de la collégiale avaient nécessairement diminué de beaucoup par la décadence du commerce, et elle avait dû contribuer pour une somme assez forte aux dépenses que nécessitait l'entretien des théologiens belges au concile de Trente. De nouvelles guerres, et surtout les troubles qui occupè- rent tout le règne de Philippe, mirent le sceau à la ruine de Bruges. ( 95 La confrérie de S^-Ivon et le bureau de consultation gratuHr à Gand. Notice par M. Gaillard , avocat à Gand. Dans la séance du 8 novembre de la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique, M. Ducpetiaux a donné lecture d'une note, pleine de détails curieux, sur le bu- reau des pauvres en Sardaigne , en ajoutant qu'il n'existait , en Belgique, aucune institution du môme genre. Quelques membres, après avoir écoulé avec tout l'intérêt qu'elle comporte la lecture de cette notice, ont cru devoir obser- ver que des dispositions tout à fait analogues assurent en Belgique l'exercice gratuit de la justice dans l'intérêt des indigents. Ils ne sont toutefois entrés dans aucun détail à cet égard. Il nous a, dès lors, paru utile de faire connaître quelles sont sur ce sujet les dispositions légales en Belgi- que, et de prouver, en même temps, que les bureaux de consultation gratuite ne sont pas nés d'hier sur notre sol ; que, de même que la plupart de nos institutions charita- bles, aujourd'hui réglées par des lois et autrefois dirigées par les particuliers , elles remontent déjà à une assez haute antiquité, et, qu'en Flandre, notamment à Gand, le bureau des pauvres fonctionne, pour ainsi dire, sans modifications depuis près de deux siècles. Afin de donner à cette preuve un plus grand degré d'authenticité, nous avons préféré rapporter en entier les divers documents sur lesquels elle s'appuie, plutôt que de n'en présenter qu'une simple ana- lyse. Saint ïves ou Ivon, patron des juges et des avocats, naquit dans le village de S*-Martin , non loin de Tréguier, Treco- ( o-i ) rium, ancienne ville de la Bretagne (Côtes-du-Nord) . Après avoir terminé ses premières études, il se rendit à Paris, à l'âge de quatorze ans, et s'y appliqua à la logique , aux dé- crétales et à la théologie. Il demeura à Paris environ dix ans, au bout desquels il alla s'établir à Orléans, pour y suivre les leçons de Pierre de Capella sur les Inslitutes, et de Guillaume de Blavia sur le droit canon. Devenu avocat à la cour de l'évéque deTréguier, il soigna gratuitement, et avec le plus grand zèle, les causes des veuves, des orphe- lins, des pauvres et des autres personnes malheureuses. Ayant ainsi, pendant quelques années, exercé noblement les fonctions d'avocat, il fut nommé oflicial de l'archidia- coné de Rennes, et ensuite promu par l'évéque de Tréguier à la dignité d'official général ; il se fit remarquer non moins par son intégrité que par les efforts qu'il faisait continuellement pour concilier les parties. Sa vie était, du reste, celle d'un saint : vêtu d'habits grossiers sous les- quels il portait un cilice, il ne se nourrissait que des mets les plus simples. Ses jeûnes étaient dignes de ceux des anachorètes de la Tliébaïde, et, plus d'une fois, il resta une semaine entière en prière sans prendre la moindre nourriture. Nous ne nous arrêterons pas à ses nom- breux miracles ; nous dirons seulement qu'il mourut le 19 mai 1505 , et qu'il fut canonisé par le pape Clément VI le 19 mai 1547. Les reliques de saint Ivon se trouvaient, au commence- ment du XVI« siècle, à Lisbonne. Le roi Antoine I en fit don , le 5 avril 1564 , à don Emmanuel , prince de Portu- gal, qui, a son tour, les donna au monastère de S'-Sau- veur, à Anvers. Dès l'époque de sa canonisation , saint Ivon fut considéré comme le patron des juges et praticiens ; en Flandre, sur- (1)5) tout, 011 avait pour lui beaucoup de dévotion , et dès les premières années du XVIi° siècle, le conseil de Flandre lit célébrer tous les ans , à la fête de S^-Ivon , une messe so- lennelle dans l'église de S*'-Pharaïlde , située en face du local de ses séances. Tous les praticiens, avocats, pro- cureurs et leurs suppôts étaient tenus d'assister à cette messe; l'ordonnance rendue par le conseil, en date du D juin 1610, et dans laquelle sont consignés les devoirs des praticiens , leur rappelle expressément cette obli- gation. Alsoo t' voorn. collegie by gheraeene resolutie van de voors. practesienen ende supposten, gheleden eenighe jaeren , geresol- veert heeft , eene solemnele ghesongen misse te doene celebrereii in S*^-Pharahilde kercke deser stede, soo sy alreede diversclie jaeren gedaen hebben , up den feestach van S*-Ivo , patroon van aile practisienen , ende dat een yegelyck van de practisienen hem aldaer vinden souden, daer nochthans, soo men verstaet, som- mige van de voorn. practisienen ende supposten in gehreecke blyfven van den voor. dienst te komen hooren, niet jegen- staende sy dus behoorlyck geinsinueert zyn geweest : zoo eys't dat 't hof , omme daerinne ooek te remedieren , ende approbe- rende ende conformerende de voors. resolutie ende ordon- nantie, heeft verclaerst ende gheordonneert, verclaerst ende ordonneert by desen, dat aile de voors. practisienen ende sup- posten ghehouden zullen zyn van nu voorts in de voors. messe hemlieden te vinden, en die gheheel te hoorene, dies 't haerlieder persoonc ofte domicilie vermaent ende gheinsinueert zynde, enz. (1). Le pape Innocent XI , par une bulle en date du 8 jau- (1) Aich. du cons. de Flandre, re^j. colé 0. u" 2 . fol. 206. (96) vier 1677, établit à l'église de S*-Michel, à Gand, une confrérie placée sous l'invocation de saint Ivon, et accorda de nombreuses indulgences à ceux qui en feraient partie. Ils pouvaient d'abord obtenir une indulgence plénière le jour de leur inscription et à l'article de la mort. Une pa- reille indulgence était accordée aux confrères qui visi- taient la chapelle de SMvon à des jours déterminés, ety priaient selon les intentions de l'Église. Enfin, les confrères pouvaient mériter une indulgence de soixante jours cha- que fois qu'ils assistaient à la messe ou aux offices divins dans cette chapelle, qu'ils accompagnaient au cimetière le corps d'un confrère défunt, ou le saint viatique porté à un malade; qu'ils assistaient les pauvres ou parvenaient à opérer une réconciliation entre ennemis , et dans une foule d'autres cas encore. Ces mêmes indulgences étaient appli- cables à l'âme des confrères défunts, chaque fois qu'une messe était dite à leur intention à l'autel de S^-Ivon (i). Le règlement de la confrérie de S^-Fvon fut arrêté par les vicaires généraux de l'évêché de Gand , sede vacante, le 4 mai 1677. En voici la teneur : Vicarii générales sedis episcopalis Gandavensis vacantis, om- nibus et singulis praesentes litteras inspecluris, salutem in Do- mino. Plis Christi fidelium nobis subditorum votis (praesertim ciim ea ex zelo devoiionis prodire cernimus) liibenter annuimus, nec non illa potissinmm, per quae omnipotenlis Dei gloria , sancto- rum cultus et charilatis officia capiunt incrementum , promo- vemus et favoribus prosequimur opportunis. Cum ilaqiie plures curiae Flandriae jurisperiti, aliique tara diclae curiae qiiam alio- (1) Ue Roose, Imago veri advocati} pp. 161 à 163. (97) rum tribunalium iu hac civitate, Flandriae metropoli, nobis exponi fecerint, quod ardenter optarent confraternitaleni son coetuni aliquem instituere et célébrai e, siib invocationeS. Ivonis exponentium patroni, ac in euin lineni altare spéciale in ecclesia parochiali S. Michaelis hujus civitatis, de consensu quorum interest, ex nunc fuissent adepli , ad ibidem divina aliaque reli- gionis ac devolionis erga eundcm sanclum ofiicia celebrari cu- randum , cerlasque consliluliones et régulas ad Dei cultum et pauperuni, miseiabiliumque personarumsolatiuni piomovendum conceperint nobisque exhibuerint, supplicanles bumiliter ut pia eorura desideria, proximisque impendenda cbaritatis officia ac praemissa omnia laudare et approbare, praelactamque con- fraternitatem canonice erigere vellemus et dignaremur, bine est quod nos , habito prius rev. ad. FJomini Judoci Crook , catbe- dralis ecclesiae canonici graduati, confralris nostri, vices ai- cbipiesbiteri Gandavensis (arcbipresbiteratu vacante) gerentis, judicio, nec non viduarum, pupillorum, aliarumque miserabi- lium personarum, quantum cum Domino possumus, pro officii nostri exigenlia, solatio sludentes et consulere cupientes, ut ipsis pro sui juris tuitione sincerius palrocinium consiliaque puriora non desint, si litigandum, vel, si dissedia litesque amica- bili potius compositione optent terminari , illis praesto sint viri cordati et intelligentes, qui, gratis et nullo nisi cbaritatis im- pensae stipendio, illos vel illas ad concordiae viam adducere studeant , praetactam confraternitatem duximus erigendam , prout barum tenore erigimus, sub regulis et cum indulgentiis per bina brevia apostolica desuper expedila, infra inserendis. Ad major em Dei Deiparaeque Virginis ac S. Ivonis gloriam. REGULAE CONFRATERNITATIS S. IVONIS. Cum in amplissima hac urbe Gandavensi, Flandriae metropoli, sit ingens judicum, jurisperitorum, aliorumque praclicorum ÏOME XX. I" PART. 7 (98) iiumerus, tam ralione praeclarae, totius provinciae, curiae, in ea residentis, quam diiorum insignium magistratuum, qui prae inimensa urbis niagnitudine si^illatini justiciam incolis admi- nistrant, ultra plurium aliorum judicuni subsellia, eapropter praevio decreto S™' Domini nostri Innocentii XI pontificis opt. niaximi, omnino congruum ac poene necessarium visurn est, pro inajori juslitiae zelo ac splendore, ut confraternitas sancto IVONl (comrauni omnium juris prolitentium patrono) sacra ac dedicata erigatur, cujus objectum non tanîum erit ut assiduo tanîi pa- troni cultu , ejus apud Deum omnipotentem intercessione omnes justitiae ministri majori in dieszelo accendantur, verum etiam ut confratres pro tenipore existentes, singulari assunipti muneris cura, viduarum, pupillorum, pauperum, captivorum, aliaruni- que miserabiîium personarum causis patrocinio suo invigilent. Et quemadmodum in hune finem parochialis ecclesia Sancti Michaelis archangeli, in meditullio urbis inter maximum prac- ticorum numerum sita, prae caeteris magis commoda visa est, in qua duabus bullis ponlificiis Romaeconcessis 8 januarii 1677, altare privilegiatum sancto IVOINI dedicabitur, ita non nihil expedit, divina hujus confraternitatis officia ac alia pauperum obsequia discrela et in perpétue duratura methodo praescribere ac regulare : Quoad corporis constitutionem. I. In primis itaque eligentur ex confratribus duo praepositi (quorum aller ecclesiasticus, alter saecularis e D. consiliariis semper requiretur) qui dignitate, prudentia, et consilio utili- tati confraternitatis et pauperum bono prospicient. II. Deinde assumentur decanus et novem alii jurisperiti , nec non oclo procuratores, quorum quatuor erunt postulantes in curia, (99) et totidem qui corani utriiisque coUegii hujus iirbis scablnis causas pan peru m promoverepoterunt, et ex his omnibus unus ad officium scribae pro occurentiumresolutionumin scriptis redac- lione, aller ad receptionem oblationuni quae fient per Christi fidèles ad persolvendas inexcusabiles causarum expensas, consti- tuentur. IIÏ. Quoties vcro per obitum alicujus confratris aut voluntaria depositione, pro libitu facienda, locus vacare contigerit, electio per omnes de eorpore, cum adjunctione doniinorum pastoruni, secreto scrutinio de pluribus praesentandis erit facienda, ut cui pluralitas Yotorum contigerit, in locum vacantem succédât. IV. Omnes pracdicti confratres semel in mense convenient , do- minica prima, nec non in festo Sancti Ivonis, ac solemni saciio et oratione latina (1), in praedicto festo facienda intererunt, insuper privato colloquio miserabilium personarum causas (quas justas esse reperient) promovebunt, sub poena mulctae unius so- lidi, pro singula absentia, ad opus confraternitatis. Quoad causarum receptionem. V. Sicuti haec institutio non minus pia quam loti reipublicae utilis futura merito speratur, si longaeva ac perennis esse con- tigerit, ila ab omni indiscreto zelo abstinere, praesertim circa causarum receptionem , confratres monentur, cum nullum vio- lentum soleat esse perpetuum. (I) Quelques-uns de ces discours semblent avoir été inipiimés; il ne nous a toutefois pas été possible d'en retrouver. ( 1.00 ) VI. Ac proinde, antequam confraternitas causam amplectalur, haec indispensabiliter concurrere necesseerit : primo, quod iiii- serabilis sit persona vel talis quae patrocinium titulo eleinosy- nae rogare velit; secundo, quod causa ad minus per duos aut très confraternitatis advocatos justa fuerit reperta; tertio, quod probatio requisita tieri poterit, nec adeo difficilis aut sumptuosa sit ut ad summam principalem fere pertingat, vel hanc absor- beat, quippe tali casu periculum litis suscipere non expedit, eliam pro iis qui solvendo siint, multo minus pro pauperibus. Et his concurrentibus, semper bujus civitatis incolae ante alios fo- reuses \enient praeferendi. VII. Hinc perspicuum est colligere, hanc confraternitatem non posse amplecti causas hospitalium, mensarum pauperum, \el aliarum fundationum quae ad sui conservationem censibus ac reditibus gaudent, ne causarum multitudo confraternitatem obruat etdestruat; salvo nibilominus quod unusquisque confra- trum in particulari quoad similes causas facere poterit, quod ipsi secundum exigentiam justum et aequum visum fuerit. VIII. Insuper, postquam confraternitas patrocinium alicujus susce- perit, advocatus et procurator ad bujus causae instructionem commissi, ante litis institutionem partem adversam ad amica- bilem concordiam invitabunt, offerendo sese in mediatores, si in bac civitate commorentur; seu minus literis hoc indicabunt : christiana etenim charitas absque necessitate tara leviter litigare non sinit. IX. Et. si in progressu litis nova et impraevisa diffîcultas se affe- rat, quae causam pauperis minus probabilem reddat vel maie ( 101 ) fnndatani, advocatus instriiclor riirsus super haec consulit cum priori vel priorihus advocatis, nisi légitime fiierint impedilî, qiio casu alios e confratribiis accedet, iit simul resolvant an cedere vel contendere velint : nam in quacumque parte lilis ad- vocatus clienlis sui causam noverit esse injustam, hanc in con- scienlia deserere tenelur. X. Quamvis igitur mens et intentio sit ut confratres gratis et sine honorario patrocinium pauperibus praestent, cenluplum a Deo exspectantes, nihilominus, cum pars adversa in expensas litis per sentenliam fuerit condamnata, tam advocatus quam procurator, causae instructores, jura sua récipient; cum aequitati résistât ut temere litigantes qui solvendo sunt, confratrum la- bores retineant, et in posterum tanto liberius pauperes litibus frivolis vexent. XI. Quapropterpersonaehujusconfraternitatisauxilium imploran- tes ab initio monendi erunt , ne pendente lite concordiam ineant sine advocati et procuraloris deputatorum consensu, et secundum exigentiam causae, hoc in registre resolulionum promitlent et subscriptione firmabunl (I); et poterunt, secus facientes, cogi ad refusionem sumptuum ab ipsa confraternitate erogatorum, ipsa tamen transaclione absque piaedictorum deputatorum consensu inita subsistente. XII. Altento praeterea quod vera inter confratres pax et unio sit basisomnis communitatis, si quidem concordia res parvae cres- cunt, sic in omni resolulione, tamquoad causarum receptionem (1) L'article XI se terminait primitivement ici : les mots suivants ont été ajoutés par le décret royal du 24 mars 1684, de l'avis du conseil de Flandre. ( 402 ) quam aliorum qaorumcumque negotiorum pro lempore occu- rentium, juxta pluralitatem votorum concludetur, saho quod, si de quaestlone juris agatiir, solorum advocatorum siiifragia numerabuntur. XïlI. Quemadmodum opus est siinimopere meritoriiini partes , ad rationabilem perducere concordiam et, dicto deereto pontificio, hoc facientes indulgentia donantur, ila conlVatres semper cordi habebunt sese in niedialores exhibera, quotiescumque fuerint requisiti. Quoad pecuniarum receptionem et solutionem. XIV. Si poslhac contigerit (ut sperare fas est) quod Christi fidèles, qui huie confraternitati sese inscribi curarunt, vel pluribus liti- bus involuti, peculiari saneli ivonis cultu, feliccm caiisarum suarum exitum commendare velint, vel alia miscratione com- moti, pias donationes et legata huic confraternitati largiri di- gnentur, pro sustinendisinexcusabilibus litiuni pauperum expen- sis, haec confraternitatis receptor fideliter libro suo inscribere, et de ordinatione confraternitatis tantiim et non aliter erogare poterit ad solvendam probam, ac alios inevitabiles sumptus qui a confratribus non dépendent. XV. Praedictus receptor pariter recipiet et annotabit oblationes quae a Christi fidelibus in gazophilacio capellae sancti Ivonis fac- tae erunt, nec non quae singulis congregationibus offerentur, ut hae primo in capellae et altaris ornaraenlis, ac aliis necassariis expensis inipendanlur. io; XVÎ. Deniqiie praefalus receplor singulls annis fiJelem computum redJere tenebitur, die ad hoc a confratribus designando. In quorum omnium fidem ac robur praesentes litteras per secretarium nostrum expedire et sigillo vicariatus muniri fe- cimus. Actum invicai'iatu, die 4 mail 1677. Et erat signatum: A. Van Wercoter. Et impressum sigillum vicariatus in cera rubra (i). Le jour où l'on célébra l'installation de la confrérie de S'-Ivon, les reliques de ce saint lurent données à la con- frérie par l'abbé deS^-Sauveur à Anvers (2). Dès lors les praticiens voulurent assister annuellement à la messe solennelle, célébrée à S^-Michel le jour de S'-Ivon; mais le conseil de Flandre tenait à ce que son ordonnance de 1610 fût observée, et la rappela aux pra- ticiens par un appoinlement en date du 15 mai 1682. Op de andwoorde van procureur generael van Vlaenderen , 'Thof, al ghesien, in sonderlinghe d andwoorde in dese gheac- cuseert, ordeneert deken ende eedt van de practesynen op den dach van S'Ivo,van desen en volgende jaeren, te commenhooren de solemnele misse, ende onder selveelck op syn ordre te offere te gaen, in de kercke van 8'*= Pharahildis, inghevolghe d'ordon- nantie van den ix juny 1610, by de voors. andworde onder n°xiij gheexhibeert , ten welcken eynde sy allehunne supposteh (1) De Roose, Imago advocati, p. 171 à 180, Ce règlement fut imprimé en placard à Gand , chez les héritiers de Jean Vanden Kerkliove, iu-4", pp. S. Nous n'en connaissons qu'un seul exemplaire que M. Goetghebuer de Gand a eu l'obligeance de mettre à notre disposition. Il paraît qu'il a également été traduit en flamand et imprimé dans cette langue. (2) De Roose, p. 164. ( 104) suUen doen dachvaerden als naer ghewoonte, en sal van dese de publicatie ter rolle gheschieden. Actum den xiij meye Î682. Onderteekent J. de Vryese (1). Douze ans plus tard, le doyen des praticiens ayant de nouveau convoqué ceux-ci à la messe célébrée à S'-Michel, le conseil de Flandre prit, sur la requête du chapitre de S^'-Pharaïlde , la résolution suivante : Actum den xvij meye 1694. Ten voorn. daghe, by den raedt en procureur generael van Vlaenderen, in voile vergaederinge van den hove, vertoont synde dat deken ende eedt van de practisynen , in misachtinge van de ordonnantie van selven hove op 's vertoonders, onder correctie, geappointeert den xiij meye 1682, hun ten lesten dinghdaeeh vervoordert hadden ter rolle te doen publiceeren dat de practi- synen hun op den aenstaende feestdach van S' Ivo souden pre- senteren ter soiemnele misse in de kercke van S' Michiels : Is geresolveert , de req**^ daerover ghepresenteert by proost , de- ken ende capittel van S^'' Pharaïldis, te laten toonen aen deken ende eedt voornoemt, ende dezelve metteen t'ordonneren inghe- volgede voorsch. appointementen van xiij meye 1682, ende de voorgaende daerby gheaccuseert de soiemnele misse op den aen- staende feestdach van den voorsch. heylighen dit ende volgende jaeren naer ghewoonte te commen hooren, ende daeronder t' of- feren in de capelle van S'^ Pharahilde, midtgaders aile hunne supposten daertoe promptelyck te doen dachvaerden , ende in toecommenden den lesten dinghdach voor den ghemelden feest- dach de practisynen daertoe ter rolle te begroeten, ende ten huyse te laten vermaenen, sonder meer eenighe contrarie publi- (1) ^rch. du conseil de Flandre, reg. coté 0, n" 92. (105) eatie te doen, op peyne van by elck van die voorsch. eedt de con- trarie doende te verbeuren eene boete van honderd guldens len prortyte van S. Ma^ ailes tôt naeider ordonnanlie van den hove, wanof de publicalic hedent ooek in het consistorie sal worden ghedaen , op dat danof niemant ignorantie en prelexere. Gbepubliceert in consistorie, présent comrnissaris ende an- dere bystaenders, desen xvij meye 1694. Geteekent Michiel (1). La bulle du 8 janvier 1077 et le règlement des vicaires généraux, en date du 4 mai 1677, donnaient bien à la con- frérie de S^-Ivon une institution ecclésiastique , mais il lui fallait encore une institution civile. Tel fut le but de l'édit du 25 mars 1684, rendu sur l'avis suivant du conseil de Flandre. Au Conseil Privé. Très-honorés, etc. Messieurs, ceux de la confrérie deS'-Ivon, à Gand, ont repré- senté à S. M. que ladite confrérie auroit esté érigée le 19 may 4677, en vertu d'une bulle papale, avec approbation des vicaires généraux de févescbé de ladicte ville de Gand, sede vacante, et comme, ensuite du règlement contenu au livret joint à leur re- quête, ils auroient pour objet principal le culte de leurdit pa- tron, et pour secondaire le service des pauvres, des vefves, orphelins et d'autres personnes misérables, dont les causes se- ront instruites et poursuivies par dix avocats et huit procureurs , gratis, et qu'à cet effet, lesdits avocats et procureurs se devront souvent assembler, pour en ce regard ne mesfaire contre l'au- thorité royalle, les remontrants ont très-humblement supplié à S. M., attendu le grand secours que les pauvres en recevront, (1) Jrch. du cons. de Flandre, reç. coté G, n" 5, p. 59 v". ( 106 ) estre servie d'aggréer lad. confrérie de S^ Ivon et le règlement sur ce conceii et, en outre, permettre qu'aux lettres et actes qu'ils dresseront, ils apposent l'effigie de leurdit patron par forme de sceau; laquelle requeste il a plu à S. M. de nous remettre, atln de la veoir et visiter, et sur ce que s'y requiert la réservir , ou bien Vos Seigneuries, de notre avis, pour y satisfaire, dirons, Messieurs, qu'ayant examiné le project dudict règlement, nous jugeons que l'observation d'icelluy apportera grand soulagement aux pauvres et autres personnes misérables, dont souvent le bon droit demeure impoursuyvi pour n'avoir de quoy fournir aux fraiz nécessaires, que de suite Sa Ma^^ pourroit estre servie d'a- gréer led. règlement en tous ses points, sauf que nous serrons d'avis qu'à la fin de l'art, xj^, à sçavoir : Quapropter personae hvjiis confralernUatis auxilium implorantes ab initio monendi erunt, nependcnte lite concordiam Ineant sine advocali et procura- torts deputatoritm consensu, et secundmn exigentiam causae, hoc in registro resolutionum promittent et siibscriptione firmahwd , Sa Ma'' fasse ajouter la clause suyvante : Et poterunt secus fa- cientes cogi ad refusionem sumptimm ab ipsa confraternitate ero- gatorum, ipsa tamen transactione absque praedictorum deputalo- îmmconsensu initasiibsistente. Et ce, d'autant que nous ne croyons pas qu'il soit équitable qu'un pauvre soit toujours obligé de suyvre aveuglément le sentiment de ceux commis par lad. confrérie à la direction et instruction de sa cause , veu que souvent les pro- cès se décident contre l'opinion des avocats les plus babiles, et comme, d'autre costé, il pourroit arriver qu'après que la con- frérie auroit supporté des grands fraiz en la production des té- moins et autrement, les parties s'accomodantsans l'intervention et contre lesentiment de ceux de ladite confrérie, ils lafrusteroient de l'espoir de pouvoir recouvrer lesdits fraiz, il est juste qu'en ce cas ladite confrérie demeure en son entier, sinon de demander payement des vacations, du moinsde se faire restituer les deniers qu'elle auroit esté obligée de débourser, El, pour ce qui concerne l'eiTîgie de SMvon, leur patron , qu'ils demandent par forme > supposer une autre cause, c'est conjecturer bénévolement, c'est, en outre, accuser César d'une bien grande négligence, car la conséquence que nous déduisons ne pouvait lui échapper. » Des Roches, dont M. Roulez invoque également le témoignage en faveur de son système, lui est moins favorable encore que M. Grandgagnage. Voir VJïist. ancienne des Pays-Bas autrich., t. I, p. 271 et suiv. de l'édition in-8'^, et p. 198 et suiv. de l'édition in-4". ( 121 ) « Malheureusement pour M. Scliayes, le passage qu'il a transcrit est d'un pseudo-Mannert; le vrai Mannert de qui je rapporte en note les paroles n'a pas écrit un mot des rétlexions qui lui sont attribuées. » Pour toute ré- pouse, je prierai mon honorable confrère de consulter l'édition de 1792 de la Germania de Mannert, où il trou- vera, à la page 57, le passage en question, tel que je l'ai traduit littéralement et te! que je le reproduis textuelle- ment dans la note ci-dessous (i). Sur la question de la numismatique germano-belge, mon savant confrère se borne à dire qu'il en laisse la dis- cussion et la décision aux numismates, derrière l'autorité desquels il se retranche (2). Il se contente donc d'invoquer le témoignage de M. Duchalais, qui attribue la monnaie avec la légende Indutillil aux Tréviriens , et celui de MM. de la Saussaye et de Longpérier, qui regardent la monnaie à (1) Ueber die Jnkunft der Jmhronen ist schon lange zwîschen Deut- schen, Franzosen und ffelvetiern gestritten worden; iede dieser Nationen sucht sic zu den ihrigen zu zdhien. Wenn der Deutsche sie bey dem Namen des (lusses Ammer zu erkennen glauht, wissen die ilhrigen beyden Nationen andere dhnliche Namen aufzufinden^ die ihre Anmassungen rechtfertigen. Beweise hlos auf Aehnlichheit des Namens gestUzt, sind ciiissert selten voti einigcm Wehrt; wie viel IForte giebt es wohl, von denen sich nicht wieder ein dhnliches in ieder Sprache finden liesse? L'erreur, je n'ai pas besoin de dire tout involontaire, de mon honorable confrère provient uniquement de ce qu'il n'a consulté, comme il l'a reconnu, que rédition de Mannert de 1820, où ce passage ne se trouve plus, et il est très-rationnel, en effet, que lorsqu'un auteur a publié une nouvelle édition d'un livre, on ne lise plus l'édition antérieure. Moi, à mon tour, je n'ai vu que la première édition de la Germania que je possède; je n'ai pu me procurer encore la seconde, qui ne se trouve pas à la Bibliothèque royale, non plus que la première. (2) « Ils apprécieront également, ajoute M. Roulez, la compétence de ( 122 ) la légende Durnacos comme ayant été frappée à Tournai. M. (le la Saiissaye n'ayant pas examiné à fond la question de la prétendue numismatique trévirienne(anté-romaine), n'a fait que suivre l'opinion reçue, et l'on a pu se con- vaincre, parce que j'en ai dit précédemment, combien est hypothétique l'existence de cet atelier monétaire d'un peuple à demi sauvage. Et quant aux opinions des deux autres célèbres numismates , comme elles ne se basent sur aucun fait tant soit peu positif, j'ai le droit de les considérer comme purement conjecturales jusqu'à preuve du contraire (i). J'ajouterai encore , à l'appui de la mienne, que, suivant un archéologue distingué, M. E. Joly, de Renaix, aucune des monnaies gauloises portant l"a légende Durnacos n'a été découverte jusqu'ici en Belgique (2). En citant le passage des Commentaires où César dit que les druides n'écrivaient qu'en caractères grecs, j'ai attribué, selon M. Roulez, à tous les Gaulois un usage mon savant confrère en cette matière. « Il ne s'agit pas ici de savoir si j'ai obtenu un diplôme de numismate, mais de prouver que j'ai eu tort dans mes assertions sur la numismatique germano-belge. Cette preuve on ne l'a pas donnée encore, et on ne la donnera peut-t'tre jamais, puisque tout ce qui regarde l'existence des ateliers monétaires chez les Germano-Belges ne repose que sur des conjectures. (1) Le petit vase en terre sigillée du musée d'antiquités du Louvre, avec l'inscription ^pn?o turnacesni , tracée à la pointe, ne saurait servir de preuve ni dans cette question de numismatique, ni en faveur de la haute antiquité de la ville de Tournai, puisqu'on admettant l'authenticité de l'in- scription, ce vase, de l'aveu de M. Roulez, pourrait bien ne pas être anté- rieur au second siècle de l'ère chrétienne, tandis que les prétendues mon- naies tournaisiennes ne sauraient être postérieures aux premières années de cette ère. (Voir le Bulletin de l'académie, t. XIX, 2"^ part., p. 397.) (2) « La non-existence dans nos localités de médailles celtiques à la légende Durnacos esl^ ce nous semble, un argument contre l'attribution que l'on fait de ces monnaies à la ville de Tournai {Dnornicli).S>\ ces pièces élaient (125) que lo conquérant n'aurait reconnu qu'à la caste sacerdo- tale. Mon honorable confrère aurait raison si ce passage était le seul qui constatât l'emploi de ces caractères dans la Celtique; mais n'est-il pas aisé de voir que je ne l'ai reproduit ici que comme corollaire de celui qui concerne le tableau statistique trouvé dans le camp des Helvétiens, et qui atteste que les caractères grecs n'étaient pas seule- ment connus des druides, mais encore des autres Gaulois? Je me crois donc fondé à tirer de ce fait une conséquence très-prépondérante contre la celtisation des Germano- Belges. La supposition de M. Roulez , que César aurait pu avoir écrit sa lettre à Q. Cicéron en langue grecque, n'a aucun fondement. César avance simplement que sa lettre était écrite en lettres grecques, graecis conscriptam litteris, expression absolument semblable à celle dont il se sert en parlant du dénombrement des Helvétiens, où, de l'aveu même de mon honorable confrère, il ne peut être question réellement de Tournai, on devrait les rencontrer ici, dans une contrée si voi- sine de cette ville. Mais on n'en connaît pas un seul spécimen délivré dans nos localités, ni même à Tournai 5 et cela ne doit guère étonner, si Ton remar- que que le style de ces Durnacos est tout à fait étranger à nos types. D'ail- leurs, il est en quelque sorte reconnu aujourd'hui que ces médailles appar- tiennent au midi de la France, où on les déterre assez souvent. (Voir ^ On sait, soit dit en passant, qu'il existe des Durnacos avec la légende L'avori, Eburo , Boduoc, Bnorho, etc., au revers; ces médailles sont apo- cryphes, et nous pourrions, au besoin, désigner l'incorrigible mystificateur qui a fabriqué, entre autres, celle qui porte l'épigraphe Bamri.r^ (E. Joly Collections scientif. d'objets d'art, etc., de la ville de Renaix, n" 8, p. lo.) Je crois connaître aussi le mjslificaleur dont il est ici question et qui a induit en erreur plus d'un sa\ant numismate. Un de nos honorables confrères , M. Chalon, possède à ce sujet dos documents uniques et des pièces de convic- tion irrécusables. ( 124 ) de langue grecque. Quant à la conjecture qu'il ne se serait pas trouvé de druides parmi les Nerviens assiégeant le camp de Cicéron, et que, par conséquent, César pouvait écrire en toute sûreté la lettre en caraclères grecs , je me crois dispensé d'y avoir égard. Les explications dans lesquelles je suis entré pour mo- tiver mon opinion que la civilisation des Ubiens, compa- rativement plus avancée que celle du reste des Germains, doit être attribuée à une autre cause qu'à celle que lui as- signe César, n'ont point obtenu l'approbation de mon honorable confrère ; mais la seule objection qu'il y fait cette fois, c'est que, sur ce point, il aime mieux en croire César que moi , jugeant de mon cabinet à deux mille ans de dislance. J'en demande pardon à mon honorable con- frère, mais lui-même ne me semble pas avoir toujours eu dans cette polémique une confiance sans bornes dans l'au- torité de César, ni prétendu interdire à un critique mo- derne le droit de reprendre un historien ancien, même témoin oculaire des événements qu'il décrit, lorsqu'il le trouve en erreur ou en contradiction avec lui-même, comme c'était ici le cas. Au motif que, d'après Dion Cassius, j'ai assigné à la dénomination de deux Germanies donnée par Auguste à deux circonscriptions qu'il avait détachées de la Belgique dans un but purement militaire, mon honorable confrère oppose deux raisons, par lesquelles il prétend me mettre de nouveau en contradiction avec mes propres paroles, mais qui prouvent uniquement que M. Roulez ne m'a pas compris ou n'a pas voulu me comprendre. S'il est cepen- dant un point de notre controverse sur lequel je crois avoir été clair et précis, c'est bien celui-là. Aussi pour toute réponse à sa première objection , me bornerai-je à ( 125 ) prier le lecteur impartial de vouloir bien relire le passai^e (le ma dernière réplique, qui se trouve aux pages 450 et 451 du tome XIX des Bulletins (1). Quanta la seconde rai- sou , M. Roulez semble avoir pris au sérieux ce qui , de ma part, n'était qu'une simple plaisanterie; en effet, pouvais- je répondre autrement à un sophisme que je considérais moi-même comme un pur badinage. Parlant ensuite sé- rieusement, j'avais dit que la première et la seconde Ger- manie ne devaient être considérées dans le principe que comme des subdivisions militaires de la province belgi- que. En m'exprimant ainsi, je ne pensais pas avancer un fait nouveau, a J'avais cru jusqu'à ce jour, dit M. Roulez, avec tous ceux qui ont écrit sur cette matière, historiens, philologues, jurisconsultes, que l'organisation des deux Germanies n'avait différé aucunement de celle des autres provinces impériales, et que, pendant les deux premiers siècles de notre ère, les légats-propréteurs y avaient réuni, (1) En lisant ce passage, on s'apercevra aisément que la première objec- tion de M. Roulez, celle qu'il appelle sa première raison, porte entièrement à faux ; en effet, pour qu'il en fût autrement, j'aurais dû dire que les Ro- mains avaient distrait de la Belgique les deux Germanies, uniquement parce qu'elles étaient peuplées d'habitants de race germanique, tandis que j'ai avancé que ces subdivisions avaient été établies dans un simple but stratégi- que, et que les Romains leur donnèrent le nom de Germanies, parce qu'elles étaient peuplées exclusivement de Germains, sans renfermer néanmoins toutes les populations germaniques d'en deçà du Rhinj car, dans ce cas, elles au- raient dû aussi comprendre les Tongrois, les Nerviens et les Tréviriens, aux- quels, certes, M. Roulez ne déniera pas la qualité de Germains. A i)ropos de Tréviriens, je n'ai pas prétendu, comme l'avance M. Roulez, que le territoire de ce peuple était compris, tout entier, dans la Germanie su- périeure, mais seulement la partie de ce territoire qui touchait au Rhin, puis- que la Germanie supérieure s'étendait tout le long et en amont de ce fleuve, depuis TAhr jusque près de Bâle. ( 126 ) comme dans ces dernières , l'administration civile, le pou- voir judiciaire et le commandement des troupes. » Sur cette question cependant, je n'ai fait que suivre l'opinion de l'illustre Mannert , sans contredit un des géographes modernes les plus savants et les plus sagaces (4). Une inscription rapportée par Gruter ne fait qu'une seule province de la Belgique et des deux Germanies (2), et ni Strabon, ni Pline, ni Ptolémée ne comptent ces der» nières parmi les provinces des Gaules; ce qui tend à prouver qu'ils ne les considéraient que comme de simples subdivisions de la Belgique. Du reste, la question de l'organisation et de l'administration romaine des deux Germanies est totalement étrangère à l'objet de notre dis- cussion. Je passe sur l'objection que fait mon savant confrère â mon observation que, jusqu'ici, on n'avait trouvé des autels gallo-romains que sur le territoire des anciens Tréviriens; car, il n'oppose à des faits positifs qu'une conjecture qu'au- cune découverte n'a encore confirmée. Malgré tout le zèle et l'habileté que M. Roulez a déployés dans la défense de la pythonisse de Tongres, je ne puis me résoudre à lui donner gain de cause. Toutes les subtilités grammaticales possibles ne me persuaderont pas que l'ex- pression : « Comme Dioclétien logeait dans un cabaret de Tongres, en Gaule, lorsqu'il servait encore dans les rangs (1) Mannert, Géographie der Griechen undR'ômer, 2'^ Th., 1'' Heft. s. 35 et 207. — Voir aussi Walckcnaer, Géographie une. des Gaules, l. II, p. olô el 319. (2) Proc{uv3UMJ a raiionibus provinciae belgicac etduarum Gcrmania- rum. Celle inscriplion se Irouvç aussi dans le savant mémoiie de M. Roulez, Sur les magistrats romains de la /Belgique , [>. 40. ( 127 ) subalternes de l'armée, et qu'il faisait avec une druidesse(l) le compte de sa dépense journalière (2) , » désigne cette femme comme l'hôtelière même du cabaret; et à défaut de cette preuve, le passage entier de Vopiscus devient sans nulle [)orlée pour la thèse de mon honorable confrère; car la bohémienne, eût-elle ses lettres patentes de drui- desse dûment en règle, je ne me croirais pas encore obligé de lui accorder la naturalisation belge et le droit de cité dans la ville de Tongres (5). (1) Quoi qu'en dise M. Roulez, le terme druide quadam muliere ôle toute idée que cette femme était riiôtelière elle-même; cette expression va{;ue dé- signe bien plutôt quelque aventurière venue, en vraie bohémienne, dan:» un bouge pour y chercher fortune parmi les soldats romains. « Admettons, dit M. Grandgagnage, la vérité de cette historiette, suppo- sons qu'il n'y ait pas erreur de lieu, et surtout que druidesse ne soit pas, comme ii est probable, un terme impropre *, que conclure de la présence crime druidesse dans une auberge et en compagnie d'un soldat? TS'était-cc pas évidemment une coureuse exerçant à la suite des armées le métier de bo- hémienne. » {De l'origine des TFallons , p. 34.) (2) M. Roulez traduit rationem convictus facere svi quotidiani, par « régler le prix de sa dépense journalière; « je l'interprète, moi, par « faire la fl supputation de sa dépense journalière. » (3) M. Roulez conclut de ce que, dans le passage de Suétone que j'ai rap- porté comme parfaitement analogue, la tireuse d'horoscope, qui était une femme catte, ne reçoit i)as le titre de druidesse dans la capitale même, qu'un écrivain romain n'eût pas désigné comme telle la devineresse de Tongres, si elle avait été véritablement germaine. A cette objection, je répondrai que les écrivains romains, sachant fort bien qu'il n'y avait pas de druidesses dans la Germanie , n'auraient pu donner ce titre à une devineresse catte sans être accusés d'avoir commis un grave anachronisme, tandis que le fait raj)p()r(é * « Des histoires semblables, par cxeinplo, celle (pie rapporte Lanipridc , dans la Vie d'Alexandre. Scière , §o9, ont pu donner lieu àTeniploi de co niol ; de iiiênie la circonstance ([ue Vopiscus vient de designer la Gaule cojnnie élanl le pays ou s'est passé le fait. » ( 128 ) Les nouvelles remarques de M. Roulez sur le système leugaire et sur le passage de saint Jérôme , relatif aux Ca- lâtes, n'étant guère que la reproduction de celles qu'il a faites précédemment à ce sujet, je dois, crainte de retom- ber moi-même dans les redites, m'en référer pour toute réponse à mes observations antérieures (1). Mon savant confrère entame ensuite une longue dis- cussion grammaticale sur l'acception des termes origo Ger- manica, ortos esse a Germanis, discussion, suivant moi, assez inutile ici , où il ne s'agit pas de savoir ce que ces termes signifient pris isolément, ou dans quel sens les a employés tel ou tel auteur, noais uniquement de connaître la signification qu'ils ont chez César et Tacite. Or, je pré- tends que dans le célèbre passage de ce dernier: Treviri et New a circa affectationem germanicae originis ultro am- bitiosi sunt, tamquam, etc., que j'ai transcrit en entier dans ma réponse , pa<^e 427 , ils ne sauraient être distraits du reste de la phrase , sans perdre la valeur que je crois leur avoir attribuée à juste titre. Il est vrai que M. Roulez n'ad- met pas la prétention qu'avaient, suivant Tacite, les Ner- viens et les Tréviriens de différer des Caulois et par les mœurs et par le courage (a similitudine et inertia (2). par Vopiscus s'étanl passé dans les Gaules où îoutes les druidesses passaient pour se livrer à la deviualion, il n'y a rien d'étonnant, comme je Tai déjà dit, que ce dernier auteur ait donné ce titre à la devineresse de Tongres, ville dos Gaules, bien qu'elle ne fût pas réellement une druidesse : c'est encore tou- jours ici, je le répète encore, le Gallus inter Gallos. D'ailleurs, rien ne con- state que celte femme, que Ton veuille en faire une véritable druidesse ou une simple aventurière, fût originaire de Tongres. (1) Voir aussi la dissertation de M. Grandgagnage, Sur Vorigine des Wallons, p. 21 et 23. (2) M. Roulez change a similitudine et inertia en a similitudine iner- ( 129 ) « En effet, dit- il, lorsqu'un peuple, pour repousser le reproche de ressembler à d'autres peuples par ses mœurs et par sa mollesse, n'a pas de meilleure raison à alléguer que de rappeler son origine, c'est qu'il mérite en grande partie le reproche qu'on lui adresse. » Mais ce qui prouve bien que les prétentions de ces peuples ne s'étayaient pas sur un simple arbre généalogique, c'est que César qualilie les Nerviens de peuple le moins civilisé parmi tous les Belges [qui maxime feri inter ipsos (Belgas) habeantur) , qu'ailleurs, comme je l'ai déjà fait observer, il trace de leurs mœurs un tableau qui rappelle en tous points les traits sous lesquels il dépeint les Suèves , les plus sau- vages des Germains, et que, plus loin , Hirtius assimile les Tréviriens aux habitants de la Germanie. Ces témoi- gnages si clairs ne donnent-ils pas un démenti formel à l'assertion de mon honorable confrère, à son interpréta- tion des paroles de Tacite, qui, je le répète, n'aurait pas manqué, en juge sévère, méticuleux même, de rejeter nettement les prétentions des Nerviens et des Tréviriens, s'il les avait crues aussi mal fondées que l'étaient, suivant lui, celles de plusieurs peuples de la Germanie? Pour ce motif , je persiste à n'attacher aucune signification parti- culière au haud duhie relatif aux Vangions, aux Tribocs et aux Némètes, à n'y voir qu'un simple mode de liaison et non une antithèse; sans prétendre toutefois engager sur la traduction littérale de ce terme une polémique gram- maticale avec un philologue dont je me plais à reconnaître toute la science et la supériorité. tiac. Je conserve cl traduis le texte de Tacite, tel qu'il se trouve dans toutes les éditions. Pour changer le texte d'un auteur, il faut, me semble-t-il, des motifs plus sérieux que ceux que donne mou savant contradicteur. Tome xx. — V part. 9 ( 150 ) M. Roulez n'accorde pas plus d'importance à l'expres- sion d'orlos esse a Germanis, dont se sert César en parlant de la plupart des Belges, qu'à celle qu'il attribue au ger- manicae originis de Tacite : « César, dit-il , n'a eu en vue que la descendance, sans aucun égard à l'état présent des peuples dont il parle. » Deux passages des Commentaires que je lui ai opposés pour prouver qu'à l'époque de la con- quête romaine, les Belges ne passaient pas seulement pour être originaires de la Germanie, mais qu'ils continuaient encore à être considérés comme de vrais Germains, lui ont néanmoins paru dignes de quelque attention; mais il cher- che à les réfuter par un non-lieu dont nous allons voir la valeur : « L'auteur des Commentaires, dit-il , après avoir avancé, au liv. II, que, suivant le dire des Rémois, la plu- I)art des Belges sont d'origine germanique, ajoute quelques lignes plus loin, toujours d'après la même source, en faisant rénumération de ces peuples, que quatre, ou plutôt cinq d'entre eux, sont appelés du nom commun de Germains. Ainsi, d'après ce chapitre des Commentaires, il y avait deux catégories de peuples belges originaires de la Germanie : l'une, constituant une petite minorité, portait toujours le nom de Germains, l'autre, c'est-à-dire la majorité, avait cessé d'avoir ce nom. La raison de cette différence doit être que ces derniers avaient dégénéré et se rapprochaient déjà beaucoup plus des Celtes. » Il ne me faudra pas de bien grands efforts pour démontrer combien est vaine et illusoire cette interprétation forcée du texte de César, et que la conséquence qu'en tire mon savant confrère est loin ft d'entamer singulièrement mon système » ainsi qu'il s'exprime. De ce que , dans le passage où , d'après les ren- seignements obtenus des Rémois, César, en énumérant les forces militaires de tous les peuples de la confédération { 131 ) belge, ne donne la qualiiicalion de Germains quaux Con- d ruses, aux Éburons, aux Gérèseset aux Pémanes, il Tau- drait conclure, d'après mon savant adversaire, que ces peu- plades de second ordre étaient encore seules dignes de ce nom , et que les autres peuples belges d'origine germanique avaient dégénéré et se rapprochaient déjà plus des Celtes que des Germains. Mais c'est précisément dans ce passage que Gésar, toujours d'après le rapport des Rémois, appelle les Nerviens les plus barbares des Belges, qui maxime feri inter ipsos (Belgas) habeaniur: voilà sans doute une singulière preuve de la dégénération de ce peuple ger- manique! Ge fait seul, indépendamment des passages sur les mœurs des Nerviens et des Tréviriens que j'ai rappelés plus haut, peut servir de réponse à l'assertion de mon honorable confrère. Puis, ce qui atteste encore qu'en ne donnant, dans la nomenclature des peuples de la Belgique, le titre de Germains qu'aux quatre tribus en question , Gésar n'a pas entendu restreindre à elles seules cette déno- mination, c'est qu'au liv. VI, c. 32, il l'applique également aux Ségniens; s'il ne l'a pas donnée positivement aux Ner- viens et aux Tréviriens, bien qu'il les dépeigne comme des Germains de pure souche, c'est que probablement il n'avait pas sur leur origine des données aussi précises que Tacite ( 1 ) . M. Roulez s'est mépris sur le but que j'ai eu en repro- duisant une partie du discours que Divitiac adressa à Gésar lorsqu'il vint implorer son secours contre Arioviste. A l'entendre, j'aurais voulu affirmer par là que si les Romains n'intervenaient pas, « il arriverait, au bout de quelques années, que tous les peuples des Gaules seraient chassés de (1) Strabon donne aussi la qualifiçalion de Germains aux ]Nci\iens. ( 152 ) leurs pays et que tons les Germains passeraient le Rhin , j> tandis que j'ai seulement fait cette citation comme preuve que, lorsqu'une horde de Germains envahissait une con- trée des Gaules, elle expulsait les anciens habitants de toute la partie de leur territoire où elle venait se fixer elle-même, et ne s'alliait pas à eux; par conséquent, qu'il continuait à subsister entre les peuplades de ces deux races, habitant le même sol, une séparation tranchée, une antipathie profonde qui s'opposait à toute com- munauté d'idées et de mœurs. Ainsi, de même que les Nerviens, les Tréviriens, les Éburons et autres peuples germains avaient chassé (eœpulsissé) de toute la Belgique actuelle, et refoulé dans le midi de leur territoire les Celto- Belges, de même Arioviste expulsa les indigènes des deux tiers de la Séquanoise, pour s'y établir avec les Germains sous ses ordres et avec les Harudes ses alliés. Enfin, pour ce qui concerne la disparition ou l'absorption des Ménapiens, des Toxandres, etc., sous la domination franque, je continue à m'en rapporter aux documents au- thentiques du moyen âge, qui y sont formellement opposés. M. Snellaert dépose le manuscrit de la notice de Jean- Louis Kesteloot , qu'il s'était chargé de rédiger pour V An- nuaire de l'Académie. L'auteur s'entendra avec M. le secré- taire perpétuel pour l'impression de cette pièce. M. le baron de Slassart saisit cette occasion pour olîrir un exemplaire particulier de sa notice sur Corneille-Fran- çois de Nélis, laquelle fera partie du même annuaire de 1853. ( 155 FXECTIONS. La classe procède à la nomination de son directeur pour 1854. M. de Ram ayant réuni la majorité des suffrages, est proclamé directeur. MM. Leclercq , Yan Meenen , Gachard , de Decker et le chevalier Marchai sont réélus membres de la commission spéciale des finances pour 1855. La classe procède ensuite k la formation d'une liste de quatorze candidats pour le jury auquel sera attribué le j'Ugement du concours pour le prix quinquennal de litté- rature française; celte liste sera communiquée à M. le Ministre de l'intérieur. M. le baron de Stassart, directeur pour 1855 , prend place au fauteuil, et remercie, au nom de la classe, M. le baron de Gerlache, directeur sortant. ( 154 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du io janvier 1855. M. F. Fétis, directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Soiît présents: MM. Al vin, Braemt, G. Geefs, Leys, Madou, Navez, Roelandt, Eug. Simonis, Van lïasselt, J. Geefs, Érin Corr, Sneî, Fraikin, Partoes, Éd. Fétis, Van Eycken, membres; Geerls et Bosselet, correspondants. CORRESPONDANCE. M. Geelhand fait connaître que la Société royale d'An- vers pour l'encouragement des beaux-arts a prélevé, sur la vente des tableaux , lors de la dernière exposition , une somme de 1,068 francs, qu'elle versera dans la caisse cen- trale des artistes belges. — Remercîmenls. — M. le comte d'Héricourt informe l'Académie que le Congrès scientifique de France se réunira à Arras, le 25 août prochain , et il invite les membres de la Compa- gnie à y assister. Le Congrès se divise en six sections spé- ciales : r sciences naturelles; 2° agriculture; 3" sciences ( 155 ) médicales; 4" histoire et archéologie; 5'' littérature et heaux-arls; 0° sciences physiques et mathématiques. — M.leharonCh. Estorff,deGôttingue, fait hommage de son ouvrage archéologique Jleidnische Jlterhilmer des gcfjend von Uelzen; et il exprime le désir d'être associé aux travaux de la Compagnie. M. le secrétaire perpétuel donne lecture d'une lettre de M. Bal, lauréat du grand concours de gravure, laquelle a été renvoyée à l'avis de l'Académie par M. le Ministre do l'intérieur. M. Bal se horne à faire connaître que la plan- che qu'il a commencée est couverte, et qu'il va s'occuper d'y mettre du ton , afin d'arriver à l'effet de son dessin. RAPPORTS. II est donné un aperçu des principaux ohjets dont le comité de la Caisse centrale des artistes a eu à s'occuper dans la réunion qr.i a précédé la séance. Lors du règle- ment des comptes , au commencement de l'année précé- dente, l'avoir delà Caisse centrale s'élevait à la somme de fr. 19,648 44 c'. Pendant le cours de cette année, une somme de 7,244 francs y a été ajoutée, en sorte que l'avoir actuel monte à fr. 26,89!2 44 c% sansy comprendre la somme (le 1,0G8 francs promise par la Société royale d'Anvers pour l'encouragement des beaux-arts. M. Fétis, qui a bien voulu se charger d'organiser un concert en faveur de la Caisse centrale, proj)Ose d'en lixer l'époque pendant le carême. Cette proposition est adoptée. ( 156 ) — M. Van Hasselt rend compte des motifs qui l'ont empêché jusqu'à présent de présenter un rapport sur une notice de M. Petit de Rosen, concernant une plaque d'ivoire sculptée , du trésor de Notre-Dame de Tongres , re- présentant le mystère de la rédemption; il croit indispen- sable que les commissaires puissent examiner par eux- mêmes l'objet en question , afin d'en vérifier l'authenticité. La demande en sera faite au Gouvernement. — L'ordre du jour appelait la lecture des rapports sur la partition de l'opéra Le comte d'Egmont et sur une messe de M. Gevaert. L'absence de M. Hanssens, entre les mains de qui se trouvent ces deux pièces et qui n'a point assisté aux dernières séances, a dû faire ajourner le jugement. ÉLECTIONS. La classe avait à nommer son directeur pour 4834; M. Navez a réuni la majorité des suffrages et est venu prendre place au bureau. M. Roelandt, directeur pour 1855, a remercié, au nom de la classe, M. Fétis, direc- teur sortant. Les membres de la commission spéciale des finances, chargés de représenter les intérêts de la classe, ont été réélus. Il a été procédé ensuite à la nomination d'un corres- pondant dans la section d'architecture, en remplacement de M. Renard, récemment élu membre. M. Balat, ayant ( iôl ) réuni la majorité des suffrages, a été proclamé correspon- dant de l'Académie. M. Finelli, statuaire à Rome, a été nommé, à Tunani- niité, associé de l'Académie, classe des beaux-arts, section de sculpture. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Analectcs pour servir à Chistoîre de r Université de Louvain, publiés par P.-F.-X. de Ram, n° d6. Louvain, 1853; 1 vol. in-12. Analomie comparée, par P.-J. Van Beneden. Bruxelles, 1852; 1 vol. in-8^ J.-H. Bormans, Prodromus animadversionitm ad Sex. Aurelii Propertii elegiarum libres /F, et novae simul editionis spécimen. Louvain, 1836; 1 brocli. in-8". Artémis élaphébole. Lutte d'une centauresse et d'un faune sur un vase du musée de Leyde, par J. Roulez. Paris, 1852; 1 broch. in-8''. Une monnaie inédite de Nicolas du Châtelet, seigneur souverain de Vauvillars; par Renier Chalon. Bruxelles, 1862; 1 broch. in-8°. Bruxelles et Mons, par Ad. Mathieu. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Lettre à M. le rédacteur en chef de l'Indépendance Belge sur le chevalier Bayart. — Lettre adressée à M. de Chênedollé, direc- teur du Bulletin du bibliophile belge, par M. le baron de Slassart. Bruxelles, 1852; 2 pages in-8^. Annuaire de l'Université catholique de Louvain. M" année. Louvain, 1855; 1 vol. in-12. (158) Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VI, N« i^2. Décembre i 852. Bruxelles, 1 brocli. in-8«. Bidletins des séances des conseils ■provinciaux des neuf pro- vinces (session de 185i); 9 vol. in-8°. Les Parasites, comédie en un acte et en vers, par Jules Guil- liaume. Bruxelles, ]85i ; 1 brocli. in-S''. Messager des sciences historiques, des arts et de lu bibliogra- phie de Belgique. Année 18o2, 4^ livraison. Gand, 1 brocb. in-8^ Un épisode de la guerre de la succession inconnu aux histo- riens belges et français, ou cause secrète de la perte de la bataille de Ramillies (25 mai 1706); par Ch. de Chênedollé. Gand, 1852 ; -1 brocb. in-8°. Annales de la société archéologique de Namur. Tome. IL ¥ liv. Namur, 1852; 1 vol. in-8«. Les vieux châteaux. — Ruines de Beaurai?ig, par Adolphe Siret. Namur, 1852; 1 broch. in-8°. Journal d! agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. Décembre 1852 et janvier 1855. Liège; 2 broch. in-8^ Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur : M. Galeotti. N° 10. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-J2. Journal belge de l'architecture et de la science des constructions , publié sous la direction de MM. C.-D. Versluys et Ch. Vanderau- wera. 5Miv. Bruxelles, 1855; I broch. in-4°. Moniteur de Renseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome HI, n'' 1 , 2 et 5. Tournay, 1855; 5 broch. in -8°. Le Moniteur des intérêts matériels. N°^ 2 à 5. Bruxelles, 1855; 4 feuilles in-plano. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. TnmeXIL N"^s2 et 5. Bruxelles, 1852 et 1855; 2 broch. in-8^ ( 159 ) Archives belges de médecine militaire. Tome X. D('îceml»ro 'I8o2. Bruxelles; i hrocli. in-S'\ Journal de médecine , de chirurgie et de pharmacologie , \m\)\w par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. iO^ année. Novembre et décembre. 1 1'^ année. Janvier. Bruxelles, 1852etl855;3broch. in-8°. La finesse médicale; rédacteur : M. J. Hannon. 5*^ année. N°^ 5 à 6. Bruxelles , i 8o3 ; in-4°. La Santé, journal d hygiène publique et privée; rédacteurs : MM. A. Leclercq et N. Theis. 4"^^ année. N°^ 15 et 14. Bruxelles, 1853; 2broch. in-4^ Annales d ocxdistique , publiées par le docteur Florent Cunier. 1 5' année. Tome XXVIIl. (5*^ série, tome IV^) 2^^ semestre '18o2. l'^'" fascicule. Bruxelles, 1852; I vol. in-8°. Annales de médecine vétérinaire ^ publiées à Bruxelles; par MM. Dehvart, Thiernesse, Demarbaix et Ilusson. 2^ année. 1" ca- hier. Janvier 1855; 1 broch. in-S". Annales et Bulletin de la Société de médecine de Garni i 8"'^ année. 11^ livraison. Gand, 1852; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Plaindre occidentale; publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. 2*= année, i'"*^ livraison. 1852-1855. Roulers; 1 broch. in-8°. Le sccdpel, rédacteur : M. A. Festraerts. 5^ année. N^^ 15, 1G et 17. Liège, 1852 et 1853; in-4°. Annalcsdc la Société médico-chirurgicale de i?ruf/^s.TomeXïiI. Année 1852. Feuilles 22 à 50. Bruges; in-8*^. Notice sur Gabriel d'Ayala, docteur en médecine, médecin pensionnaire de la ville de Bruxelles, par C. Broecks. Anvers, 1855; 1 broch. in-8". Deux observations d'empoisonnement , l'une par le sulfate de zinc, faulre par les semences de colchique, recueillies par C. Broeckx. Anvers, 1855; 1 broch. in-8°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen, door Jan Kops. 171° aflevering. 1 broch. in-4". ( 140 ) Comptes rendus hebdomadaires des séances de r Académie des sciences , par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXV, n°^ 25, et 26. Tome XXXVI. N°^ 1 et ± Paris, 1853; 4 broch. in-4°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1852. N° 12. Paris; 1 broch. in-8«. L'Investigateur, journal de l'institut historique. 1 d^ année. Tome II, 3°^^ série, 216*^-217^ livraisons. Novembre et décembre 1852. Paris; 1 broch. in-8°. L'Athenaeum français, journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. '^^^ année. N°^ 1 à 5. Paris, 1853; 5 doubles feuilles in-4°. Mémoire sur le genre Ictides. 1825, in-8°. — Nouvelles recher- ches sur l'organe électrique du malaptèrure électrique. 1839, iR-4-". — Nouvelles observations sur l'organe électrique du silure élec- trique. 1840, in-4". — Rapport sur les espèces de poissons de la Prusse qui pourraient être importées et acclimalées dans les eaux douces de la France, adressé à M. le Ministre de l'agriculture et du commerce, par M. A. Valenciennes. 1852; in-8^ Paris, 4 broch. Société des antiquaires de la Morinie. Rulletin historique. A"" livraison. Octobre, novembre et décembre 1852. Saint-Omer; 1 broch. in-8°. Société de la morale chrétienne. Livraison n^ 5. Paris, 1852; 1 broch. in-8". Des abnormités congéniales des yeux et de leurs annexes. Lau- sanne, 1848; 1 vol. in-8°. — Enumération des lichens jurassi- ques et plus spécialement de ceux du canton de Neuchûtel; par Edouard Cornaz. Neuchâtel, 1852; 1 broch. in-8°. Agriculture. — Commerce. — ■ Statistique du commerce des blés et farines en France, en Angleterre et en Relgique; par L. Desgraz. Paris, 1852; 1 feuille in-plano. Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande. Tome XII. Cartulaires de la chartreuse d'Oujon et de l'abbaye de Haulcrèt, avec avant-propos, tables et réper- toires, par J.-J. Hisely. Lausanne, 1852; 1 vol. in-8°. ( 141 ) Atli dei Georgofdi di Firmze délia Associazionc agraria délia provincia di Grosscio e buUetUno agrario. N^* 100 à 105. Flo- rence, 1851 et 185*2; 4 broch. in-8". Statuta civitatis Pisarum a saeculo XII ad XIV iiunc prùman collecta, édita et commentariis subjectis iilustrala cura studioque Francisci Bonainii. Florence, 1852; 1 brocli. in-4'\ Notizie sulla storia délie scienze fîsiche in Toscana, cavate du un manoscritto inedito di Giovanni Targioni. Florence, 1852; 1 vol. in-4^ Giornale fisico-chimico italiano del prof. Francesco Zante- deschi. Liv. 1 à 5. Venise, 1851; 5 broch. in-8°. Annali di fisicadel prof. Francesco Zantcdesclii. 1840-1850. Padoue; 5 broch. in-8". Ricerche fisico-matematiche sulla deviazione del pendolo dalla sua trajettoria. — Metnoria del prof. Francesco Zantedeschi. Padoue, 1852; 1 broch. in-8^ Monumenti antichi inediti posseduti da Raffaelc Barone con brevi dilucidazianide Giulio Miner vini. Feuille 16 et planche 25 du premier volume. Naples, 1851. Nuove osservazioni iîHorno la voce Decatrenses, da Giulio 7l/men;mt. Naples, 1852; 1 broch. in-4^ Bullettino archeologico Napolitano. Nuova série, n°* 1 à 6. Naples, 1852; 6 feuilles in-4". Atti dell Accademia Pontificia de' Nuovi Lincei, compilati dal segretario. Anno V. Sessione \\ del 28 décembre 1851. Rome, 1852; 1 vol. in-8^ Corrispondenza scientifîca in Roma. — Bulkllino universale. Anno secondo, n" 41. Rome, 1852; 1 double feuille in-4*'. Memorias de la real Academia de ciencias de Madrid. Tomo I. Tercera série. — Ciencias naturales. Tomo 1°, parte 2*". Madrid, 1851;! vol. in-4°. Memoria sobre las causas meleorolôgico-fisicas que produccn las constantes sequias de Murcia y Almeria, scnalundo los medios de atenuar sus e/fectos : su autor don Manuel Rico y Sinobas. Madrid, 1851; 1 vol. in-8^ ( m ) Rcsumen de las aclas de la Academia real de ciencias de Ma- drid, en el ano academico de 1850 a 1851, leidopor el secretario perpetuo doctor don Mariano Lorente. Madrid, 1 851 ; 1 br. in-8°. Heidelberger Jahrhikher der Literatur , tinter MUwirkimg dcr vier Facultdten. Fùnfundvierzigsler Jahrgang. Seclistes Doppel- heft. Novemberund December. Heidelberg, 1852; 1 broch, in-8^'. Ueber das electrolytische Gesetz; von H. Buff. Berlin, 1852; 1 brocb. in-S". Koniglichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin. Abhand- lungen. iS^i. —MonastbericJd. Juli-Oclober 1852. Berlin, 1852; 1 vol. in-4° et 2 broch. in-8^ Sur les antiquités de Kertch. — Sur les antiquités du Bosphore Cimmérien, par Antoine Achik. Odessa, 1848, 1849 et 1851 ; 5 vol. in-4° et 1 vol. in-8*^. The annals and Magazine of natural history, including zoo- logy , botany, and geology. Second séries, vol. IX, n°^ 55-60. Jiily-December 1852. Londres; 0 broch. in-8°. Annals ofthe Lyceum of natural history of Neic-York. Vol. 11, m et IV. New-York, 1828 à 1848; 5 vol. in-8«. Procedings ofthe Boston Society of natural history. Vol. I, Il et III. 1841-1851. Boston, 1844 et 1848; et Cambridge, 1851 ; 5 vol. in-8°. Boston journal of natural history, containing papers and coni- niunications read to tlie Boston Society of natural history. Vol. I à V, et vol. VI, n"» 1 et 2. Boston, 1854 à 1850; 5 vol. et 2 broch. in-8^ Transactions of the agricultural socicties in the state of Mas- sachusettsjor 1850 and 1851. Boston, 1851 et 1852; 2 vol.in-8^ Report on the geology of South Carolina; hy M. Tuoraey. Co- lumbia, 1848; 1 vol. in-4°. Final report on the geology and mineralogy of the state of New-Hampshire ; ivith conlribaiions toioards the improvement of agriculture and mctaUurgy. Concord, 1844; 1 vol. in-8^ BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIEÎVCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1853. — N^ 2. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 février 1855. M. Stas, directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, De Hemp- tinne, Wesmael, Marlens, Canlraine, Kickx, Morren, De Koninck, Van Beneden , le vicomte B. Du Bus, Neren- burger, Gluge , Schaar, Melsens, membres; Sommé, associé; Liagre, correspondant. M. Éd. Yéûs, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. Tome xx. — P" part. iO 144 CORRESPONDANCE. La Société royale d'Edimbourg, l'Académie royale des sciences de Madrid, le Musée impérial et royal de Flo- rence, l'Académie royale de Munich, le Musée de Kertch en Russie, la Société linnéenne de Normandie, etc., écri- vent au sujet de l'échange des publications. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 1° Corrélation des hauteurs du baromètre et de la pres- sion du vent, mémoire par M. Montigny, professeur de physique à l'Athénée de Namur. (Commissaires : MM. Cra- hay, Quetelet et Duprez.) 2** Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, par M. Jules d'Udekem, docteur en sciences naturelles. (Com- missaires : MM. Van Beneden , Schwann et Cantraine.) 5" Théorie géométrique du parallélogramme de Walt, par M. Ignace Carbonnelle. (Commissaires : MM. ïimmer- mans, Lamarle et Schaar.) 4° Note sur l'embryon des graminées, par M. V.-P.-G. Demoor. (Commissaires : MxM. Spriug et Martens.) 5° Notes sur ditférents instruments de précision, par M. A. J. Gérard. (Commissaires : MM. Crahay et Ad. De Vaux.) — M. le secrétaire perpétuel dépose les observations suivantes qui, pendant l'année 1852, ont été faites sur les ( 14o ) phénomènes périodiciues , conformémonL au programme de l'Académie : r Observations sur la météorologie et sur la floraison des plantes, faites à Bruxelles et présentées par M. Ad. Quelelet. 2° Observations sur la météorologie et sur la iloraison des plantes, faites à Stavelot , par M. G. Dewalque. ô"" Observations météorologiques, faites à Liège, par iVI. D. Leclercq. 4° Observations des phénomènes périodiques, faites à Oslende, par M. Mac Leod. 3° Observations sur la floraison des plantes, faites à Anvers , par M. le docteur Sommé. G" Observations sur la floraison des plantes, faites à Venise, par M. Zantedeschi. — M. Morren fait hommage de deux opuscules de sa composition , dont l'un traite de la fécondation des cé- réales. RAPPORTS. Sur la théorie des 7'ésidus quadratiques, par M. Angelo Genocchi. MSnpporI tic m. Schaat: a Le mémoire que M. Angelo Genocchi a adressé à l'A- cadémie, en date du 5 novembre dernier, a pour objet l'application de l'analyse transcendante à la théorie des nombres. ( 146 ) L'auteur commence par déduire d'une formule que Poisson a donnée dans son Mémoire sur le calcul numéri- que des intégrales dé jinies {iom. Vï des J/m. de Unst.), la valeur de l'expression ^=w £1-1/— 1 '2^1/=^, 1 e" ^ e" ^ , x=zi d'où il déduit ensuite par des transformations algébriques une formule qui, quoiqu'en apparence plus générale que la formule (5) de mon mémoire du 5 avril 1850, s'en déduit immédiatement en y changeant q en 2g. M. Genocclii fait voir ensuite qu'on peut arriver très-simplement aux mêmes résultats en partant des célèbres intégrales aux sommes alternées de M. Gauss. Mais je dois faire remarquer que les transformations de l'auteur supposent connu le signe du radical qui entre dans ces intégrales; or, on sait que la détermination de ce signe offre de grandes difficultés et que M. Gauss n'y est parvenu qu'à la suite de recherches très-profondes. En partant d'une formule que j'ai donnée dans le t. XXIIÏ des Mémoires des savants étrangers, l'auteur en déduit d'a- bord une formule que M. Eisenslein avait déjà rapportée dans le t. XXVII du Journal de M. Crelle , et qui permet d'exprimer, par une suite trigonométrique finie, la partie entière d'un nombre quelconque, et par conséquent aussi le résidu de la division d'un nombre par un autre. Il ar- rive ainsi à la détermination de plusieurs intégrales déjà connues , et fait voir que l'intégrale 2^r;V;, qui avait résisté aux efforts de plusieurs géomètres, dépend de la différence du nombre de résidus pairs et de celui des résidus impairs du nombre n, différence dont, à la vérité, (147) on n'a pas une expression algébrique en fonction de n. Les mémos formules le conduisent à la démonstration de plusieurs relations en ire le nombre et la somme des résidus ou non-résidus quadratiques pairs ou impairs d'un nombre de plusieurs lemmes, et dont M. Gauss a fait usage dans ses démonstrations de la loi de réciprocité. L'auieur démontre ensuite plusieurs théorèmes relatifs aux solutions en fonctions Irigonomélriques des équations indéterminées x^ — n\p-=^ db 1 , iix^ — qi/^=4', solutions qui avaient été données sans démonstration par Jacobi, dans les Comptes rendus de l'Académie de Berlin, et il ter- mine son travail par une démonstration nouvelle et fort simple de la loi de réciprocité de Legendre. Tel est, en résumé, le résultat des recherches auxquelles l'auteur s'est livré. Son mémoire offre de nombreux exem- ples du parti que l'on peut tirer des fonctions circulaires dans l'arithmétique transcendante. C'est surtout dans cette partie de la science qu'il est utile de présenter les mêmes vérités sous des points de vue différents, et d'assigner une commune origine aux diverses propositions d'une même théorie. Je suis d'avis que le mémoire de M. Genocchi est digne, sous tous les rapports, de l'approbation de l'Académie, et j'ai, en conséquence, l'iionneur de proposer à la classe de lui voter des remercîmcnts et d'ordonner l'impression de son travail dans le recueil des Mémoires des savants étrangers. » Ces conclusions, auxquelles ont adhéré MM. Timmer- mans et f.amarle, sont adoptées par la classe. ( <^*8 ) Matériaux pour servir à la partie botanique du Voyage de J. Linden; par MM. J.-E. Planchon et J. Linden. « La notice présentée par MM. Planchon et Linden, sous le titre de Praeludia florae colomhianae , est consacrée à des détails de botanique descriptive dont je crois pouvoir me dispenser de donner l'analyse. Ce travail niérile, d'ail- leurs, d'être favorablement accueilli par la classe et j'ai l'honneur d'en proposer l'insertion dans nos Bulletins. » Ces conclusions sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les temps des révolutions des satellites de Jupiter et de Saturne, Note de M. A. Quetelet, membre de l'Académie. En comparant entre eux les temps des révolutions et les distances des satellites de Jupiter et de Saturne, on a trouvé quelques rapports très-simples, qui ont été con- signés dans les différents traités d'astronomie. Il en est deux que je crois nouveaux et dont je dois la connaissance à M. le baron iiehr, ministre plénipotentiaire du Gouver- nement belge. Le premier se rapporte aux huit satellites de Saturne, ( 140 ) qu'on peut supposer partagés eu deux groupes, composés l'un des quatre satellites intérieurs, l'autre des quatre satellites extérieurs. Or, voici ce qu'on lit au sujet du pre- mier groupe dans le tome IIÏ du Cosmos de M. Ilumholdt, pag. 561 de la traduction française. « Il existe un singulier rapport entre les révolutions » des quatre premiers satellites les plus proches de Sa- » lurne. La durée de la révolution du troisième satellite » [Téthijs) est double de celle du premier {Mimas); et la )» durée de la révolution du quatrième [Diane) est double » de celle du second (Encelade). Je dois la communica- » tion de ce rapprochement curieux à une lettre que m'a )> écrite sir John Herschel, au mois de novembre 1845. y> Ajoutons maintenant, pour le deuxième groupe : La durée de la révolution du septième satellite (Ilypé- rion) est quintuple de celle du cinquième [Rhéa); et la durée de la révolution du huitième (Japhet) est quintuple aussi de celle du sixième (Titan). Ces résultats se verront mieux par le tableau ci-joint, qui renferme les éléments de comparaison : SATELLlTiiS. DURÉE HIOMBRtS BÉOUITS. — des nivolutions. — 1. Mimas 0^945 M = 0^945 2. Encelade .... 1.570 £ = 1.370 5. Téthys 1.888 îT= 0.944 4. DioDé 2.739 'D= 1.370 5. Rhéa 4.517 R = 4.517 6. Titan 15.945 T = 15.945 7. II} périon .... 22.500 ? | H = 4.500 8. Japhel 79.330 | J = 15.866 Quant aux satellites de Jupiter, on sait que la durée delà révolution du V satellite est environ la moitié de celle du 2% qui n'est elle-même que la moitié à peu près du temps ( iSO ) (le la révolution du 3^ satellite. M. le baron Behr fait re- marquer que la durée delà révolution du 4^ satellite vaut deux fois le temps de la révolution du 5% plus ^/s de la différence des durées des révolutions du 2^ et du 1^'. SATELLITES. DURÉE NOMBRES RÉDUITS - de la révolution. - l.r a = 1^769 2a = 3%38 2- 6 = 3.551 b = 3.551 3« c = 7.155 i c = 3.577 4' d = 16.688 2c + |(6~'a) = 16.680 Sur des cercles lunaires. Note communiquée par M. A. Quetelet. Dans la soirée du 19 janvier 1855, vers 8 h. Va du soir, la lune étant à près de 60° au-dessus de l'horizon, M. Bouvy, aide à l'Observatoire, aperçut au nord de la lune deux arcs de cercles blancs, l'un au delà, l'autre en deçà du zénith. Le premier, concentrique à la lune et de 22° en- viron de rayon , était coloré en rouge à l'intérieur; le se- cond, parallèle à l'horizon, d'un blanc argenté très-vif et non irisé, serait passé par la lune s'il avait été complet. Bien que ce phénomène rentre dans l'espèce ordinaire des halos, et que ces cercles soient décrits dans les traités spéciaux, le premier sous le nom de cercle concentrique et le second sous celui de cerclé parasélénique, ils présentaient cependant une apparence assez étrange pour être remar- quée. La lune étant très-élevée en ce moment au-dessus de l'horizon, le demi-cercle parasélénique n'avait pas un dia- mètre beaucoup plus grand que celui qui entourait la lune, et ces deux arcs de cercles, en se rejoignant presque (151 ) par leurs exlrémilés , formaient, vers le z.énilh, un immense croissant dont l'efî'et était rendu plus remarquable encore en ce moment par l'aspect fortuit des nuages : dans l'es- pace compris entre les deux demi-cercles, le ciel ne pré- sentait que de légères vapeurs striées, tandis qu'à l'exté- rieur, il était couvert, en grande partie, de petits nuages moutonnés. Le professeur Kaimtz , dans son Traiié de Météorologie, dit que, « comme les halos se montrent le plus souvent quand le baromètre baisse, la pluie ne tarde pas à venir. » En eflét , le matin, 20 janvier, le baromètre était descendu de plus de 6 millimètres, et il tombait r.ne forte pluie qui continua pendant la journée. Notice sur l'hiver de 1852 à 1855, par M. A. Quetelet. J'ai déjà eu l'occasion, dans la séance précédente, d'ap- peler l'attention de la classe sur la température, remar- quablement élevée, qui a signalé le coiiimencemenl de cet hiver. J'ai indiqué, en même temps, quelques plantes ((ui avaient commencé à fleurir dès les premiers jours de janvier. Cet état de choses s'est prolongé jusqu'au mois de février; et, par suite, on a continué à remarquer de nombreuses anomalies dans la végétation : ainsi , dès le 18 janvier, un i^rand poirier se trouvait en fleurs, à Bruxelles, dans le jardin de rObservaîoire; quelques pê- chers fleurissaient à Liège; l\. De Mot, bourgmestre à Hornu, près de Mous, transmettait des épis d'avoine re- cueillis en plein air; M. Willems, jardinier au château de Kerloo , près d'Iîerenthals, observait des faits semblables : partout on remarquait les mêmes signes d'une végétation ( 152 ) précoce. Ajoutons toutefois que ces faits isolés étaient plu- tôt des anomalies, très-peu en rapport avec l'état de la végétation générale. La lettre suivante, d'un simple jardinier, Antoine Wil- lems, dont je dois la communication à M. le baron Van Reynegom, donnera une idée assez juste de la végétation aux environs d'Herenlhals, et montrera en même temps les renseignements précieux que Ton pourrait recueillir dans une classe modeste de nos cultivateurs, si l'on prenait la peine de recourir à leur expérience: « il m'est impossible de passer sous silence un mois aussi extraordinaire que celui de janvier 1855. C'est pour- quoi je prends la respectueuse liberté de vous donner quelques détails sur la hàtiveté et le retour de la végéta- lion; car, à voir la vigueur, la croissance et la lloraison des espèces délicates, dont le terme de vie était iixé à no- vembre, on se croirait au déclin de la bonne saison. D'un autre côté, les espèces prinlanières agissent comme si la bonne saison était prochaine. » En se promenant dans les jardins et à voir fleurir les roses du Bengale, de la Chine et de l'île Bourbon, si justement appelés reines des fleurs; à respirer leur douce odeur, à leur voir pousser des feuilles et des boutons, espoir de la floraison à venir, on se dirait dans la belle saison. Les bordures des modestes violettes bleues et blanches doubles donnent des milliers de fleurs odorantes; le réséda d'Égyple n'a pas encore cessé de prolonger ses épis florifères et de répandre une douce odeur; les Pjjrus japonica sont en pleine floraison depuis les premiers jours de janvier, et jonchent la terre de leurs pétales rouges et roses; le Mahonia aquifolia fleurit; la plante à brodequins du docteur Farthergels f'Ca/ceo/anVï Farthergelli), plante qui a été oubliée lors de la rentrée en serre, se porte mieux ( i55 ) que celles de l'inlérieur. Il en est de même de quelques autres, telles que le genre Pétunia, qui ne s'est pas dé- couragé, et qui, pour nous le {irouver, lève encore vers le soleil de rares fleurs en eutonnoirde couleurs variées; les Salvia végètent et le Grohanis fleurit encore; les Verbena sont encore en pleine floraison, et le délicat héliotrope du Pérou ne demande qu'un temps un peu plus chaud pour recouvrer toute sa vigueur. » Il y a de même un Cineraria maritima en pleine flo- raison. Plusieurs espèces el variétés de chrysanthèmes sont encore couvertes de fleurs. Je ne puis m'empécher d'ad- mirer et de conserver un souvenir pour cette belle pensée (Viola altaica grandifloraj , ce beau présent des Alpes, à moustaches noires, qui a l'air de narguer notre hiver peu rigoureux. Les œillets et autres espèces de caryophyllées olTrent de nombreuses fleurs et embaument l'air de leur odeur giroflée. » Le Nemophilla insifjnis , charmante petite miniature à fleurs bleu céleste, veut aussi émail 1er le manteau d'hiver de la déesse Flore. Les immortelles ofî'rent de nombreux boutons, qui s'épanouiraient, si le soleil avait assez de force pour faire éclore leurs rudes pétales; les Cheiranthus Cheiri aux rameaux d'or, le Fenestralis annuus, ou quaran- taine, fleurissent sans relâche; la Malva miniata, plante de serre restée en pleine terre, donne des fleurs comme en plein été; la cinéraire à grandes feuilles s'apprête à fleurir en plein jardin, et y est presque aussi avancée que les cinéraires en serre froide; les Primula veris, Vinca minor , Geum coccinea , Corchorus japonica fleurissent comme en avril. Dans la partie boisée de l'entrée princi- pale du château, se trouve un gamo-cerasus qui a plu- sieurs fleurs et pas une feuille. » Les aunes et les noisetiers balancent leurs chatons ( 1S4 ) au gré des vents et envoient an loin leur poussière fécon- dante; le cornouiller dore ses branches de capitules de couleur jaune. » Je n'en finirais pas, Monsieur le baron, si je devais vous nommer toutes les herbes et plantes sauvages qui fleurissent en ce moment. Je ne puis m'empécher de vous signaler la Spirea reine des prés , qui embellit encore les bords de vos élangs par ses gros bouquets de fleurs blan- ches; la petite marguerite (Bellis perennis), qui borde les chemins et émaille les prés de ses petites et nombreuses fleurs blanches a cœur jaune; la silène à fleurs blanches et à grains croquants, qui croît dans les haies, et le Lamium album, qui longe les bâtiments, sont couverts de nom- breuses fleurs; lAchillea mille foitum élève ses hampes flo- rifères retardataires, surmontées de grandes ombelles de fleurs blanches. N'oublions pas h Moutardile , qui croît dans les navets et y fleurit au milieu de janvier; la grande chrysanthème des prés ou pain-de-coucou, plusieurs espè- ces de gortères fleurissent au bord du chemin de la ferme, où je vais pren^ire mes modestes repas. » Vous savez. Monsieur le baron , comme j'aime à flâner, quand le temps me le permet, dans les bois, le long des haies et taillis, dans le seul but d'étudier et d'épier la vé- gétation. J'ai rencontré, sur le bord de votre grand lac, des genêts en lîeur, et j'en ai trouvé également dans les bois à plusieurs reprises, ainsi que les chatons de quel- ques espèces dt; saules; et plus fort que tout cela, il y a hiiit jours, François Van de Bran, votre garde de chasse, m'a apporté un épi de seigle en fleur, qu'il avait trouvé dans les trèfles de Mylemans, à Herenthals. Il y a égale- ment des fleurs de navets et de colza.... » L'hiver de 1852 à 18.53 peut être considéré sous deux ( iS5) rappoils principaux : je me bornerai à mentionner ici ce qui concerne les phénomènes physiques; M. Morren a bien voulu |)rendre le soin d eludier ce qui apparlieiit à la vé- gétation. Sous le rapport de la température, l'hiver de 185ii à 18o5, du moins jusqu'au mois de février, est incontes- tablement le plus doux que l'on ait observé pendant ces vingt dernières années : la température moyenne des mois de novembre, décembre et janvier a été de 8, ! degrés cen- tigrades, tandis que la moyenne normale n'est que i°,2. Les hivers qui lui ressemblent le plus jusqu'à présent, sont ceux de 1853 à 1834 et de 1843 à 1840; ils ont donné respectivement 6%9 et 6%0. L'hiver le plus froid, au contraire (novembre, décembre et janvier), c'est celui de 1840 à 1847, dont la température moyenne a été 1*',1. Au reste, le commencement de l'hiver de 1852 à 1833 continue à occuper le premier rang, sous les divers ra[)- porls qui suivent : T la plus haute moyenne de toutes les températures maxima de chaque jour, 10°, 1 ; 2" la plus hante moyenne de tontes les températures minima de chaque jour, 0°,1; 3Me maximum âhsohi le plus élevé, 19°,2; 4" \e minimwn absolu qui est descendu le moins bas, — 0^9; 5"^ le moins de jours de gelée (trois seulement). Il arrive au second rang pour le peu de jours de neige (deux); et, au troisième rang pour le grand nombre de jours de pluie (soixante et un) ; il se trouve dépassé, sous ce dernier rapport, par les commencements des deux hi- vers de 1833 à 1834 et de 1845 à 1840, cités également pour la douceur de la température. Il est à remarquer que les hivers les plus chauds ont généralement le plus de jours de pluie et donnent le plus d'eau. La réciproque est égale- ment vraie : l'hiver le plus froid , celui de 1840 à 1847 a ( 156 ) donné un minimum pour les jours de pluie (vingt-sept) et une très-faible quantité d'eau. Le tableau suivant rend ces faits plus sensibles : chaque colonne verticale classe les hivers des vingt dernières an- nées sous un rapport spécial. Les éléments de ce classement ont été puisés dans les tableaux numériques qui suivent : IIIVliRS composés CLASSEavîi«T d'après 1) j " '1rs la plus la plus la plus 1 le le le le le le moi. .le novembre , Jccembie et janvier. liaute lempéra- ture moyen- ne. grande moyen- ne des ,na- tima. grande moyen- ne des mi- nima. maxim. absolu tempéra- ture. »ii«t»!. moins absolu de jours de de tempéra-' turc. gelée. moins de jours de neige. pins de jours de pluie. plus d'eau re- cueillie. 1803-54 2 2 2 15. 1 3 j 2 4 1 1 1834 55 G 5 6. 1 2 5 6 1 13 19 1855-56 13 12. 14 j 14 12 15 9 12. 18 183G 37 8 8 8 3 10 8 15. 4 6 1837-58 19 18 19 15. 20 13. 15 7. 8 1838-39 12 10. 11. 5 8 12 18 16. 15 1859-40 4 5 5 M 14 0. 3 12. 6 1840-41 15 15 16. 6 15. 16. 10 10 15 1841-4-2 14 14 13 7. 13 13. 15. H 10 1842-45 10. 9 il. 12 ^ 10. 13 6 9 1843-44 9 10. 9 4 9 10. 7. 9 12 1844-45 17 19 15 18 17 16. 13 18 16 1845-46 3 4 3 10 2 3 7. 2 2 1846-47 20 20 20 17 15. 20 18 20 17 1847-48 16 16 16. 9 19 18 18 19 20 1848-49 7 7 6. 20 11 6 5 14 H 1849-50 18 17 18 7. 18 19 20 16. 4 1850-51 ,. ^ 6 4 13 4 4 6 5 14 1851-52 10. 12. 10 19 7 9 11 7. 5 1852-53 1 1 1 1 1 2 5 7 (artas;r. (157 ) ( 1S8) MAXIMA MINIMA NOMBRE n ABSOLUS ABSOLUS DE JOURS DE GELÉE 1 l'hiver en en en de i 1 1 j "> s ►4 .2 I 9 H 5 1 S •i 2 a % S 1 î a i a î 1833-34 1309 1308 1306 13«9 — 3«1 ] 003 104 —301 4 0 0 4 1834—35 18.8 12.0 12.8 18.8 -5.9|-2.7 -4.9 -4.9 7 3 10 20 1835-36 137 14.0 12.9 14.0 -4.4'-10.4 -11.3 -11.3 11 16 14 41 1836—37 17.4 12.4 12.0 17.4 0.o'-9.8 1 -6.1 —9.8 0 8 15 23 1837—38 13.8 13.;» 9.2 13.9 —0.5'— 2.9 1 -18.8 -18.8 3 11 26 40 1838—39 17.1 14.1 10.5 17.1 —6.1 -4.9 -4.3 -6.1 5 18 12 35 1839-40 14.1 15.0 13.2 lo.O —0.3 —2.8 -12.7 -12.7 2 7 11 20 1840-41 10.2 7.7 11.8 16.2 -3.4 -12.9 -10.0 -12.9 4 25 13 42 1841—42 10. 1 13.1 4.8 16.1 —1.9 —4.4 -12.6 -12.6 5 8 27 40 1842—43 14.5 12.0 11.2 .., -5.1 —2.5 -.., —5.1 12 7 13 32 1843-44 17.5 11.3 10.2 17.3 -2.0 —2.4 —9.4 —9.4 7 6 19 32 1844-45 130 7.9 8.0 136 -0.3 -13.0 —2.4 -13.0 1 24 17 42 1845-46 15.5 H 0 13.2 15.5 —1.6 -2.o|— 2.6 —2.6 4 3 8 15 1846-47 13.7 G.9 9.0 15.7 —2.7 -12.9—9.6 -12.9 10 27 20 57 1847—48 15.8 11.1 5.9 158 —0.7 -6.4 -14.4 -14.4 4 15 28 45 1848—49 12.0 13.4 10.6 13.4 -1.9 —7.5 -10.1 -10.1 4 6 10 20 1849-50 Ki.l 13.0 8.3 16.1 —6.4 —6.0 -14.1 -14.1 8 15 28 51 1850-51 li.2 0.4 11.4 14.2 —3.4 -3.3 — 1.7 -3.4 2 11 (> 19 1851-52 9.5 12.1 13.5 13.5 —3.5 -0.3 —3.6 -5.3 10 10 7 27 18;;2-53 19.2 12 5 10.6 192 3.1 —0.7 -0.9 —0.9 0 1 2 - Les 20 années. . 15.1 11.8 10.7 15.4 —2.4 —5.6 —7.5 —9.2 5.1 10.9 14.5 30.4 ( 159 NOMBRE NOMBRE 1 HAUTEUR ^ DB lOunS DE RKIGB | DE JOURS DE PLUIE | DE l'bIlU RECIEILUK EN MILLIMETRES. j| l'hiver en en en ___ ,\e r 5 T. 1 S 9 1 •i 1 _s i 1 9 - i ' 1 i i .2 9 ? mm. mm. mm. mm. 1853-34 1 2 1 4 ï± 26 29 67 85.41 165.87 114.67 363.95 1834—35 0 0 1 1 10 17 15 42 25.77 27.48 34.62 87.87 1835-56 2 4 3 9 13 14 18 45 55.05 26.02 09.86 128.93 1836—37 0 8 7 15 19 20 16 55 85.85 75.11 52.06 213.00 1837—38 2 2 10 14 25 15 10 50 128.21 55.20 4.63 188.04 1838-39 1 3 12 16 16 12 15 41 01.10 18.21 86.23 165.54 1859-40 0 1 2 3 15 14 10 45 46.54 74.97 83.44 204.75 1840-41 0 2 8 10 21 8 18 47 79.15 4.97 77.94 102.06 1841-42 1 4 10 15 17 23 6 46 70.50 87.10 16.31 17971 1842-43 4 0 10 14 19 10 10 51 66.91 20.34 99.31 186.56 1843—44 2 0 5 7 18 15 15 48 80.92 18.83 67.12 172.87 1844—45 4 5 5 14 19 6 15 58 70.95 19.88 42.91 153.74 1845—46 1 4 2 7 17 26 20 C5 02.12 132.27 87.70 282.09 1846—47 0 12 4 16 11 7 9 27 40.00 56.26 34.03 131.49 1847—48 1 4 11 16 15 10 5 30 54.11 45.00 6.94 86.11 1848—49 1 1 2 4 18 11 15 44 70.21 55.52 52.08 177.61 1849—50 1 10 H 22 15 16 10 41 47.87 87.57 71.90 207.54 1850—51 0 2 5 5 22 17 14 55 58.52 70.14 54.38 162.84 1851—52 0 2 2 15 10 17 17 50 108.49 21.34 75.42 205.25 1852—53 Les 20 années. . 0 0 2 2 21 18 22 01 57.10 52.92 79.90 189.92 1,5 3,5 5,5 10,5 17 15 15 47 06.24 55.64 59.00 181.48 Tome xx. — I" part. 11 ( 160 ) Souvenirs phénologiques de l'hiver 1852-1853; par M. Ch. Morren , membre de l'Académie. Les phénomènes de la végétation qui se sont présentés dans la première moitié de l'hiver de 1852 à 1855 ont paru à beaucoup de personnes assez extraordinaires pour être enregistrés dans les annales de la météorologie, ou mieux de la phénologie, qui est la véritable science de ces sortes de choses. Gabriel Peignot a recherché naguère les dates d'hivers célèbres par leur douceur, et, à côté de ces dates, il a lait connaître quelques détails que nous croyons utile de mettre en rapport avec des faits semblables ou analogues observés cette année. En 1172, l'hiver fut si doux que les arbres se couvri- rent de verdure, et tout fut en pleine végétation. Vers la fin de janvier, les oiseaux nichèrent et eurent des petits en février. — En 1853, le 3 janvier, M. Lecoq , professeur de sciences naturelles à Clermont-Ferrand, en Auvergne, nous écrivait : a Nous sommes ici dans un printemps per- pétuel commue dans l'île de Calypso; les merles nichent, les arbres fleurissent, le soleil brille toute la journée; il y a des blés en épi et des lilas en fleurs. Jamais nous n'avons eu une température aussi douce et un beau temps si durable: il ne pleut pas plus qu'en Egypte, et cela depuis deux mois entiers. » A Liège , les merles nichaient aussi à la même époque; à Pietrebais (Brabant), le 14 janvier, on en trouvait un nid avec quatre œufs près d'éclore, et le 20 janvier, M. Crooy, à Liège, avait de jeunes pigeons. ( 1«1 ) En 1289, on ne s'aperçut pas de l'hiver; on eût dit que la nature avait dédaigné de prendre son repos ordinaire, et avait passé subitement de l'automne au printemps. La température fut si douce, ajoute Peignot, que les jeunes filles de Cologne portèrent à Noël et le jour des Bois des couronnes de violettes, de bleuets et de primevères. — Le bleuet, cité en 1289, était encore en lïeurs à Lanaeken , près de Maestricht , le 1" janvier 4855, où il a été observé par M. Riedi, propriétaire en ce village. Le 22 janvier, on nous lit voir des fleurs récoltées à Quinkempois, près de Liège. Le bleuet, Centaurea cyanus , L., est une plante re- gardée comme monanthésique, c'est-à-dire comme ne por- tant tleur qu'en une seule période tombant, d'après l'an- ihochronologie de Rreuser, aux mois de juin et juillet, pour l'Europe centrale , et ne se prolongeant pas même en août. Il est d'observation que ce bleuet a une floraison conco- mitante de celle du pavot coquelicot. Or, celle-ci tombe, en Belgique, année moyenne, au l"juin, d'après la table des phénomènes périodiques de M. Quelelet (année 4847, Annuaire de l'Observatoire, p. 517) , et d'après la nouvelle table du même auteur (1855, Annuaire de l'Observ., p. 510), au 8 juin. Sa floraison la plus hâtive arriverait au 5 mai et la plus tardive au 22 juin. Or, le 45 janvier, on obser- vait dans les champs, autour de Louvain , en pleine flo- raison , des bleuets et des pavots coquelicots. Les couleurs des uns et des autres étaient aussi brillantes qu'en été. A Quinkempois, nous cueillîmes des bleuets en fleur en octo- bre, et ces plantes n'ont pas discontinué de fleurir jusqu'à la date où nous écrivons ces lignes (27 janvier 4855). Nous concluons de ces faits que le bleuet n'est pas une plante monanthésique, comme on l'a cru, mais qu'à partir du ( 162 ) 5 mai , dans notre pays , sa floraison peut devenir conti- nue, et cette année si le bleuet a fleuri en hiver, ce n'est pas au même titre que les violettes et \es primevères et d'au- tres plantes, c'est par une simple végétation prolongée. Ce fait est intéressant pour l'horticulture, puisque cette centaurée, cultivée en pot, continuerait évidemment de fleurir dans les serres, ou bien, cultivée en pleine terre, se couvrirait de fleurs pendant tout l'hiver dans un con- servatoire ou jardin d'hiver. A côté du bleuet, nous signalerons encore comme flo- raison continue le souci. En citant les années à hiver doux, Peignot ne semble pas avoir rencontré le nom de cette plante, connue et cultivée cependant au moyen âge; car nous en trouvons la figure dans les miniatures des manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne, annexée au- jourd'hui à la Bibliothèque royale de Belgique. Les auteurs généraux, comme Loudon {Hortus britannicus) en font remonter l'introduction à Î575. Mais dans la première édition deDodoëns, de 1554, nous la trouvons mentionnée comme faisant partie de nos jardins. De l'Escluse, en 1557 (p. 120, Histoire des plantes), l'appelle la Soucie et non le Souci. «Ces fleurs, dit-il , se ferment quand le soleil se cou- che et s'ouvrent du matin quand il se lève. » Aujourd'hui , M. le professeur Balfour, dans son singulier traité de Théo- pkytographie , fait éveiller le Souci, à Edimbourg, avec les dames de grande maison , c'est-à-dire entre dix et onze heures du matin. Elles fleurissent, dit De l'Escluse , au seizième siècle, « depuis le may tout Tœsté iuesques en hyver. » Notre botaniste d'Arras avait donc bien remarqué cette lleuraison continue et même hivernale. Le 7, le 12, le 24 janvier 1855, nous observions près la station du chemin de fer, à Liège, un magnifique parterre de soucis ( 165 ) parfaitement en fleur, les fleurs rutilantes, ouvertes et larges comme au milieu de l'été. L'hiver de l!280 permit aux jeunes filles de Cologne de porter , à Noël et au jour des Rois , des couronnes de vio- lettes et de primevères. Au siècle où nous sommes, on ne se coiffe plus de couronnes , mais on porte encore , et Dieu en soit loué! des bouquets. Les violettes et les primevères n'ont pas fait défaut en janvier 1855, pas plus que les pervenches, les hépatiques, les ellébores, ]es éranthis , \e^ hélianlhèmes , les iberis , les arabis , les poiriers du Japon, \es€pines-vinetles,\es chimonanthes, les rosages de Dahurie, y héliotrope, et chose plus remarquable encore, les Gen- tianes. En effet, le li janvier fleurissait, chez M. Heli^ers, notaire à Maestricht, dans son jardin, le Gentiana pneumonanthe. Kreutzer place cette plante parmi celles à quatre mois con- tinus de floraison , à partir de juillet pour finir en octobre. Juillet est trop loin de mai pour pouvoir regarder ce Gen- tiana pneumonanthe comme soumis à une floraison anti- cipée par l'hiver de 1852- 1855, de sorte que nous pensons pouvoir ramener encore aux floraisons prolongées, celle de celte plante remarquable. Encore une fois, cet indice ne doit pas se perdre pour l'horticulture, puisque ce vé- gétal, continuant à vivre sous nos abris, ne manquerait pas de nous donner ses admirables fleurs d'azur en plein hiver. En 1421 , dit Peignot, les arbres fleurissaient au mois de mars et les vignes au mois d'avril. On eut dans le même mois des cerises mûres, ( t des raisins parurent dans le mois de mai. ïl est fâcheux qu'on n'ait pas indiqué la nature des arbres, car il est remarquable de voir qu'en 1855, une si grande diflérence entre la végétation des plantes superficielles prin!anières et celle des arbustes et ( \U ) arbres à racines plus profondes. En général, plus la ra- (lication se fait loin de la surface, plus la végétation est normale , c'est-à-dire en repos; plus elle se fait près de la surface du sol, plus la végétation est ancipitée, active, c'est-à-dire anormale pour la saison , et pendant que ces faits sautent aux yeux dans nos jardins, nous voyons, dans les champs, les céréales présenter leur aspect hivernal, et s'il y a dans quelques localités un épi qui se montre , c'est l'exception et non la règle du champ. Les journaux n'ont cessé de retentir des phénomènes de végétation observés dans les jardins et dans les campagnes. Sauf le colza et des épis très-rares, et dans la situation oii leurs pointes seules commençaient à se montrer, les journaux n'ont rien cité qui fût digne de remarque , et l'agriculture ne s'est nulle- ment émue des nouvelles relatives à cet hiver exceptionnel. Si , en 1421 on eut des cerises mures au mois d'avril, ce fait suppose une floraison au mois de février au moins, car, dans nos printemps habituels, il faut deux mois entre la floraison et la fructification achevée pour faire mûrir ces fruits. Cet espace de temps, de février à avril, nécessite même que la progression de la chaleur ait été correspon- dante à celle que nous avons ordinairement de fin avril à fin juin. Le raisin cité par Peignot comme ayant mûri en mai suppose une floraison en janvier pour le moins, car la vigne exige cinq à six mois pour sa maturation. La vigne fleurirait en Belgique, pour la date la plus précoce lelGjuin , pour la date la plus tardive le6 juillet, moyenne le 26 juin d'après les tables quélelétiennes, ce qui donne- rait le 25 novembre pour la maturation moyenne d'après les renseignements de la physiologie, laquelle indique de cinq à six mois entre la floraison et la fructification pour les fruits de cet arbuste. Par l'observation , la date la plus ( 165 ) précoce serait le V^ novrmbre, la date la plus reculée le 15 (lu même mois, la date moyenne le 7 novembre; dilïe- rence avec la théorie : 10 jours. L'hiver de 1852-1835, sous le rapport de la vigne et d'autres arbres, présente des faits dignes d'être enregistrés. Le 15 janvier, nous observions un cep de vigne dans notre jardin, au milieu de quinze qui y sont plantés, poussant des feuilles, et épanouissant des bourgeons. De fleurs pas d'apparence. Un horticulteur français dont nous regrettons de ne pas savoir le nom, publia des faits sem- blables observés en France au mois de décembre, mais il expliqua fort bien quels genres de bourgeons se dévelop- pèrent ainsi. Ce sont ceux qui terminaient les rameaux ayant porté fruit et qu'on avait négligé de pincer ou de couper, ou qu'on avait coupés ou pinces trop lard. Dans ces bourgeons, la végétation s'entretient jusqu'aux pre- mières gelées, et la vigne rentre alors dans la catégorie des plantes où le principe de la végétation continue. Ce n'est plus la manifestation d'un mouvement printanier succé- dant au sommeil hivernal , base de tout le système d'ob- servations de M. Quetelet, c'est, au contraire, la manifes- tation d'un mouvement automnal, et il serait plus exact de dire, et même il est seulement exact de dire que la viçjne a subi l'influence d'un automiie continué et se prolongeant jusque dans l'hiver astronomique, au lieu de prétendre qu'il y a dans ce phénomène l'action d'un printemps anti- cipé! Il serait impossible d'obtenir des fleurs avec cette végétation continuée, car la nouvelle floraison doit suivre et non précéder le sommeil ou je repos hivernai. Le 5 janvier 1855, on constata à Bourg, dans le lîugey, dans le département de l'Ain, des néfliers en feuilles, des pommiers et des amandiers en fleur. ( m ) Le 4 janvier, à Waremme, dans un jardin abrité contre le vent, un prunier était en fïeiir. Le 7 janvier, dans les Vosges, on constata la floraison des pruniers et des pommiers. Le 11 janvier, nous avons eu au Jardin Botanique de Liège, en floraison générale, le Ribes malvaceum, qui fleu- rit d'ordinaire en mars et en avril avec le palmatum , dont M. Quetelet donne les floraisons moyenne, hâtive et tar- dive au 5 avril , au 11 mars et au 29 avril. Dans le même parterre, ni le Ribes sanguineum, ni le grossularia, ni le rubrum n'étaient en fleur, et on sait que le sanguineum et le rubrum sont un peu plus précoces que le malvaceum. Cette diflérence ne pourra s'expliquer que par un phéno- mène dont nous parlerons ci-après. Du 7 au 27 janvier, nous avons vu fleurir le Spartium scopariuni, mais cet arbrisseau est évidemment du genre de ceux qui off'rent une floraison automnale continuée. Par contre, le Corchorus Japoniciis fleurissant au plus tôt, les années moyennes, le G mars, au plus tard le 3 mai, et en moyenne, le 12 avril, était en boutons bien formés le 8 janvier. Le 11 janvier, on citait, dans beaucoup d'endroits de la Belgique, des pruniers, des poiriers, des pêchers en fleur. A la même date, à Florenne, dans le château du lieu , les pêchers fleurissaient. Le même jour, le marronnier du 20 mars, dans le Jardin du Luxembourg , montrait ses bour- geons épanouis; au Jardin des Plantes, le Robinier faux acacia poussait ses feuilles. Le coignassier du Japon [Pyrus Japonica, Chaenomeles Japonica, Lindl.), était en fleur partout. Nous l'avions en fleur à Liège dès le 1" janvier. Le 12 janvier, nous observions, dans une splendide vé- gétation , le Chimonanthus fragrans, l'ancien Calycanthus (167 ) praecox de Linné, dont les fleurs répandaient le doux et pénétrant parfum de lilas et de muguet qui les caracté- rise. Des centaines de tieurs étaient épanouies et embau- maient l'air. A la même date fleurissait dans les haies le Cornus mascula, dont la floraison initiale tombe au 3i janvier, la tardive au 2 avril , la moyenne au 4 mars. Des personnes Tont vu en fleur dès le 1'' janvier. M. Henrard, horticulteur à S'^-Walburge, près de Liège, remarqua, le 12 janvier, la floraison du Bkododendron dauricum. Pendant toute celte partie du mois et dès le 14 décembre, le Daphne mezereum ouvre ses fleurs très- odorantes comme au printemps naturel. La date moyenne de sa floraison tombe, en moyenne, au lo mars, deux mois plus tard , le 5 mars et le 2 avril étant ses dates de floraison précoce et tardive. Le IC janvier, mon flls , Edouard Morren, observa la fleuraison de YHelianthemum ledifolium et du Berberis vul- (jaris ou l'épine-vinette : ce dernier arbuste porta des fleurs très-bien faites, très-ouvertes et présentant leur phéno- mène ordinaire de mouvement et leur odeur. Sa floraison naturelle et moyenne a lieu, d'après les tables quételé- tiennes, le 4 mai, sa floraison la plus hâtive le 18 avril, et la plus tardive le 20 mai. C'est une des plus grandes avances printanières que nous ayons pu constater, puis- quelle ne comprend ni plus ni moins aiées a nom- excellent ami et confrère M. C. INaudin, connu dans la science botanique surtout par ses intéressantes publications sur la famille des Mélastomées, ot dans le monde horticole par les spirituelle^ chroniques de V//ncicn jardinitr de Limorn. ) soletè o-lobum. Carpella 5, una saephis iantum fertili, cotumelU hasi pyramidatim dilatalae persistenti ungalo interno tantum adnata, demuin plus minus solula, loteralibus coinpressis anlicé cimeata, dorso carinato deniiim ab apice dthkcentia , ecornuta, niesocaipio sablignoso intns crasse reticulalo-nervoso , endocar- pio elaUice soliito, cartilayineo, bivalvis. Semen aborlu unicwn umbilico lalo fenestrae membranaceae endocarpii perilrope af- /îxum , reniforme hemilropo-campylolropum , chalazâ hilo latiore et ei subjectû, integuniento duplici, exlerno crasse membranaceo , castaneo, liicido, intus stralo tenui cellulari (tegumime s. ovuli membrunâ interna) pallide viridi, adhaerente vestilum, inlernâ (albiiminis lamina) tenui, pellucidu , inter embryonis ritgas plus minus intromisso. Embryonis ex albuminosi colyledones co7i- tortuplicatae, exteriore iiiteriorem mugis corrugatam involvente, radiculâ cylindraceâ hilo proximà, intrà massam cotyledonaretn latente. Frulex {v. arbor?) novo-granatensis, sylvarum regionis caîi- dae incola, ramis terelibiis, foliis alternis, unifoliolatis, foliolis cum apice petioli 2-Ô pollicaris arlienlatis s?/6sessilibiis obloiigis (3-7 poli, longis), basi acntiusculis, apice obtusiusculo saepius abrupte et brcviter aciiminatis , margine intcgro obsolète répan- dis, membranaceis, erebrè pellucidè pnnctatis, suprâ (nervis exceplis) glabrescentibus, siibtùs, sicnt ramiilis, petiolis, rachi- bus, pedicellis calycibusqne puberulis; .^tipulis o; cymis extra axillaribus {pedunculo comniuni propter folium superiore et laleraîi) petiolo paulo Jongioribus, pauci divisis, subraceniifor- mibus, 5-6 floris, pedunculo basi instar petioli, dilatatâ intus- que concavâ cum ramo arliculato; bracteolis parvis, caducis, pedicellis circiter pollicaribus, basi arliculatis, strictis; corollis coccineis, sub lente pilosulis. Species unica : Naudinia amabilis Planch. et Lind. Hab. Nou- velle-Grenade, province d'Ocaiïa. forets de la région chaude : Schlim, n°536, mai 1831. ( i95) DIOSMEAE § ZANTHOXYLEA (1). Z.vNTHOXYLON ( Fngava § Ochrochytum) c.vmpiioratum Nob. ' — Glaberrimum, ramis aculcatis (aculels raris hrevibm crassis curvuUs sicitt epidermide rainoriun, nigrescentibus) ramulis iner- mibus, foliis nnifoUolatis cum petiolo '/?- J poHicorl articulalis oblongo-ellipticis (I ^'i-ôpolL longls) basi acutis apice acu- minatis (acumine obtusiuscido saepius retiiso) nwrgine leviter repando siibcrenatis rigide me tnbranaceis reliciUato-venosis , pa- niculis thyrsoideis ad ramulorum apices sessilibiis facie inflo- resceniiafi Vitis viniferae referintibns, floribus (in specim. nostro abortu masculis et poUjgainis] in paniculae ramis extremis siib- mnbellato-congestis pai^vis pediccllatis; petalis 5 ovato-oblongis cuiyce minuta mullô longioribus demiun patentireflexis ; stami- nibus o erectis petala superanlibus , ovariis abortivis 5 gyno- phoro glandiUoao crasso imposilis. (I) J'extrais ici de mes notes qu-lques observations de svnonymie rela- tives à des genres et espèces apparti'nant à ce fjroupe ou qu'on y comprend sans raison : 1° Le Grindelia trinervis Hook d Arnolt n'est autre que le Falenzupïia trinervis, Bertero, de la famille df> Sapindacées: 2° VHeterndadus caracasanus, Turcz., est, d'après la description, une espèce de Coriaria ; 3" Le £oscia, Thunb. {Jsaphe. I). C. Duncania, Reichb.), si mal décrit par son auteur, qui, probablement, aura mêlé dans un même prétendu caractère générique les fleurs et fruits de plantes différentes, doit (être rayé des catalogues; le Boscia undidata de la collection d'Ecklon et Zeyher (qui s'accorde très-bien quant aux caractères végétatifs avec la plante de Thunberg, est une espèce de Fepris [Fepris undidata , Plancli. MSS.), dont je donnerai plus laid une description détaillée; 4- Le Zanthoxylon undulatum JVnll (originaire de l'Ile ile France et cultivé dans le Jardin botanique de Calcutta) est également un Fepris, peut-être identique avec \e Fepris lanceolata {Toddalia lanceolata, Lamk.), dont il ne diffère que par ses foliole^ plus longuement atténuées à la base; 5" Le Zanthoxylon Sumac, Mac-Fagden , FI. of Jamaicn . est une espèce de Brunellin (Brun. Svmcr , Planch. in herb. Ilook.) t ( 196 ) i FÎAB. Venezuela, prov. de Carabobo, à San Esteban; | Ftinck et Schlîm , n^ 584. — Fleurs blanches, développées | en mai. Observ. I. — Espèce évidemment alliée au Zanthoxylon j ochroxxjhm. D. C. , dont les feuilles sont décrites comme ovales, au lieu qu'elles sont oblongues- elliptiques dans notre plante. i Observ. II. — Peut-être serait-il convenable, comme penche à le croire M. Adr. de Jussieu {Monographie des \ Rutacées), de réduire le genre Zantlioxy Ion aux espèces à î fleurs, apétales et à feuilles cadu(jues, en rangeant toutes \ les autres sous ïe genre Fagara. Dans ce cas, aux Zan- \ thoxylon fraxineum , Wild., type primitif du genre, il faudrait joindre les Zanthoxylon Bungei, Planch., MS. I {Z. nilidum, Bunge, non D. C), alatum, Roxb. et hastile, \ Wall. La première espèce étant des États-Unis, la seconde de Chine et les deux autres de l'Himalaya, l'on voit que l'analogie de distribution géographique corroborerait celle : de leurs caractères. ; J'extrais également des notes prises lors de mon séjour chez sir W. Hooker, la diaffnose d'un Zanthoxi/lon {Fagara^ Pohîana)^ recueilli par Vogel à Sierra-Leone , et qui se trouve omis dans le Niger Flora de MM. Hooker et Bentham. Z. melanocantha, Planch., MMS. — Ramis inflorescentiisque jmhes- cpntibus, spinfs stipularibus rectis palentibus nigris , foins alternis glaberrùms inormibus petiolo tereti supra sulcata foliolis cum imperi bi-trigngis oppositis subsessilibus latè elUptkis ( 1 ^i^-opoU. longis) eus- pidatis crenulatïs basi subaequalibus rigide membranaceis nitidis , j)^~ ' nicula terminali foliis brev/iore, florihus {in specim. foemineis) ^-petalis, avaria unico , stigmate minuta suhsessili subapicali , baccâ immaturâ j subglobosa ovoïdea. impresso-punctatd. Hab. Sierra Leone (Afric. occid, Irop.) Fogel'\n iierb. Hook. ] J.-E. P. \ 197 ) Hecherches sur les coideiirs des végétaux; par M. Martens, membre do TAcadémie. On sîiit que le règne véi;étal ne nous otl're que trois cou- leurs simples, le bleu , le jaune et le rouge, et qu'avec ces trois couleurs la nature et l'art produisent toutes les autres, qui ne sont ainsi que des couleurs mixtes ou composées, formées par l'association des couleurs simples susdites, réunies généralement deux à deux. La matière colorante verte, si répandue dans le règne végétal, et propre à toutes les parties herbacées, n'est pas une couleur simple, puis- que le prisme la décompose en bleu et en jaune. On est, d'après cela, tenté de se demander si la chlorophylle verte, au lieu de former une matière colorante primitive ou défi- nie, ne constituerait pas plutôt une matière complexe, et ne serait pas formée de deux principes colorants distincts, l'un bleu, l'autre jaune, qui, par leur mélange, constitue- raient le vert. Celte idée est d'autant moins irrationnelle, que le bleu et le jaune sont les couleurs fondamentales des Heurs, et que c'est de ces principes colorants que dérivent toutes les autres couleurs des parties pétaloides. Ainsi le bleu passe au rouge par l'action des acides, et du mélange de ce bleu avec le rouge, en proportion variable, résulte toute une série de nuances ou de couleurs, que les bota- nistes ont désignée, avec De Gandolle, sous le nom de série cijanique. Nous pouvons reproduire cette série arti- ficiellement, en ajoutant à la matière colorante bletie or- dinaire des Heurs un acide faible en quantité d'abord mi- nime, puis en augmentant progressivement la proportion «le l'acide jusqu'à ce que toute la matière bleue soit passée au rouge. Nous pouvons de même imiter la série xanlMque^ ( 198) en ajoutant progressivement au jaune une matière colo- rante rouge. Il est plus que probable que ia nature opère de la même manière dans la production de cette multiplicité de cou- leurs qui parent les fleurs vivantes (1). Rien n'est plus commun, au reste, que de trouver, dans les plantes, une matière colorante rouge, provenant du bleu par l'action des acides. Telle est, entre autres, la couleur rouge qui teint l'épiderme de la face postérieure des feuilles des Bégonia discolor et sanguinea. Cet épiderme, et surtout le suc du parenchyme immédiatement conligu, ont une réac- tion acide très-prononcée, et si on vient à saturer cet acide par un alcali, la couleur rouge passe au bleu, pour rede- venir rouge par l'action d'un acide. Mais toutes les matières colorantes rouges, dans les plantes, ne proviennent pas des substances bleues, rou- gies par un acide. Il y en a qui procèdent du jaune par l'oxygénation ; c'es' le rouge de la série xanihique. Ce rouge, que les acides avivent ou rendent ordinairement un peu plus intense, peut exister ou se former sans leur intervention; il ne passe jamais au bleu par les alcalis, mais bien au jaune; et si, sur la couleur ainsi jaunie par l'alcali, on verse un acide, le rouge se rétablit, à moins que l'alcali n'ait été assez fort et son contact assez long- temps prolongé, pour détruire la matière colorante. C'est à cette deuxième espèce de rouge qu'il faut rattacher le rouge des fleurs de carthame, celui du bois de santal, celui des feuilles du Dracaena ferrea y^v. picta et de plu- sieurs amarantacées, celui de la tige aplatie et foliacée de VEpiphyllum iruncalum et des fleurs de celte plante. (I) Notons cependant que les couleurs mixtes résultent aussi parfois d'une superposition de cellules diversenjenl colorées. ( 199 ) Une solulion de potasse fait passer ce rouge au jaune, et non an bleu, comme dans le Bégonia discolor: mais dans liin et l'autre cas, la couleur rouge se nHablit par l'aclion d'un acide. On voit par là que la matière colorante rouge, dans les leuilles, est loin d'être constamment la mémo, et qu'on a eu tort de la désigner toujours par le même nom, celui d'érytrophylle, qui semble indiquer une identité de nature. La couleur rouge, qui se développe, à l'automne, dans les feuilles de plusieurs plantes, appartient communément à la série cyaniqiie; telle est celle qui se manifeste sur les feuilles de quehjues fraisiers, du liibes sanguineum, eic. La couleur rouge, que prennent, au contraire, certaines feuilles en hiver, à la suite du développement de la xan- thop/iylle ou de la coloration jaune, appartient à la série xanthique. Si la matière colorante rouge varie en nature dans les feuilles, elle varie également dans les lîeurs, comme on peut s'en assurer à l'aide des alcalis. Jamais le rouge de la série cyanique ne peut passer au jaune, pas plus que c«'lui de la série xanthique ne saurait passer au bleu; ce qui explique pourquoi telle lïeur rouge bleuit facilement par les alcalis, comme celle de certains Ec/imm, tandis que telle autre ne bleuit jamais, comme colle des Gesneria, celle du cartbame des teinturiers, etc. C'est à tort que la généralité des botanistes ont con- fondu les deux espèces de rouge qui existent dans les fleurs et en ont fait une seule matière colorante, appartenant, comme ils disent, aux deux séries de couleurs. C'est cette confusion qui a donné lieu à certaines méprises au sujet des changements de couleur dans les llenrs. Ces change- ments ne s'expliquant pas toujours en admettant que la couleur rouge peut retourner indistinctement au bleu et { 200 ) au jaune , ou a été porté à nier la corrélation des couleurs des fleurs d'après les séries cyanique et xanthique. Il faut noter encore que les deux colorations rouges, savoir le rouge cyanique et le rouge xanthique, peuvent parfois être mêlées, aussi bien que le bleu et le jaune dont elles dérivent, et qui, par leur réunion, produisent le vert. Or, dans ce cas, il y aura de grandes anomalies dans les mu- tations de couleur que pourra éprouver ce rouge mixte. Ce sont ces anomalies qui ont fait repousser, par quel- ques botanistes, les séries cyanique et xanthique, comme n'ayant, suivant eux, aucune existence réelle dans les plantes. I.e célèbre Berzelius a parfaitement signalé la nécessité, au point de vue chimique, d'admettre deux espèces de matière colorante rouge dans les fleurs: car il avait reconnu que quelques fleurs présentent une matière colorante rouge plus ou moins résineuse, très-soluble dans l'alcool et peu soluble dans l'eau, tandis que d'autres fleurs donnent une matière rouge très-soluble dans l'eau et peu soluble dans l'alcool anhydre. Quoiqu'il soit jusqu'ici presque impossible d'obtenir les matières colorantes des fleurs à l'état de pureté, et que les substances étrangères qui leur sont associées doivent influer beaucou[) sur leur solubilité, on peut admettre cependant que le rouge de la série cyanique est généralement plus soluble dans l'eau que celui de la série xanthique, parce que le principe colorant bleu, dont il dérive par l'action des acides, est très-soluble dans l'eau, tandis que la ma- tière colorante jaune des fleurs ne nous off're ordinaire- ment qu'une solubilité très-faible. Si la couleur rouge, dans les plantes, peut constituer quelquefois une couleur complexe, ou dériver en partie du bleu et en partie du jaune, la couleiir verte, dans les ( 201 ) plantes, ne constitue jamais, d'après nous, une couleur simple, mais toujours une couleur complexe, formée du bleu et du jaune. C'est à tort que la plupart des botanistes ont envisagé le vert, et entre autres celui de la cbloro- phylle, comme une couleur simple ou une matière colo- rante définie, sui generis. Clamor Marquart avait supposé que c'était d'elle que dérivaient toutes les autres couleurs des plantes, savoir le bien par désbydralation de la chloro- phylle et le jaune par hydratation. Mais celte hypothèse, nullement conforme aux réactions chimiques que présente la chlorophylle, a été depuis longtemps abandonnée. Une hypothèse inlinimenl plus rationnelle, c'est celle qui admet dans la chlorophylle l'existence de deux matières colorantes distinctes, l'une bleue, l'autre jaune, (|ui, par leur réunion, doivent constituer la couleur verte. Ce qui vient à l'appui de cette manière de voir, c'est que parmi les produits de la décomposition de la chlorophylle, on voit souvent appa- raître, d'après Mulder et Schleiden , des matières colorantes bleues et jaunes, et même noirâtres, celles-ci n'étant, à la vérité, que des substances d'un bleu très-foncé. Si la chlorophylle verte renferme à la fois les deux prin- cipes colorants bleu et jaune des fleurs, il tant admettre que les cellules qui la produisent sont susceptibles de don- ner naissance à ces deux principes colorants, et dès lors il doit pouvoir se faire que ces deux couleurs se rencon- trent quelquefois isolément dans les cellules du tissu her- bacé, soit que la matière verte se soit décomposée, soit que les circonstances n'aient pas été favorables à sa pro- duction. Nous avons un exemple très-remarquable de cette séparation des matières colorantes bleu et jaune, propres à produire le vert, dans les feuilles des têtes de choux rouges. On sait que ces feuilles ne renferment point de ( 202 ) granules verts; mais, k leur place, on trouve, immédia- tement au-dessous de l'épiderme, une couche celluleuse très-mince, cliar^ée d'une matière colorante bleue, qui est faiblement rougie par un acide (i), et qui bleuit intensive- ment par l'action des alcalis. Immédiatement au-dessous de cette couche, qui semble, en quelque sorte, se confon- dre avec l'épideime, il existe une couche de cellules un peu plus épaisse, d'un blanc jaunâtre pâle, qui jaunit vivement par l'action des alcalis, surtout lorsque ceux- ci sont employés en solution forte. Celte couleur jaune passe au rouge érarlale le plus vif par l'action des acides , tandis que la couleur pourpre de la couche celluleuse superficielle des feuilles ne passe, par les acides, qu'au rouge vineux. Comme les cellules qui jaunissent par les alcalis sont conliguës à celles qui bleuissent, on conçoit que la réunion de ces deux couleurs doit donner nais- sance au vert; et, en effet, quand on verse une solution de potasse à la surface d'une feuille de chou rouge, dont l'épiderme a été préalablement entamé par la pointe d'un canif, pour faciliter la pénétration du liquide alcalin dans les cellules sous-épidermiques, on voit se former des ta- ches vertes; mais ces taches sont manifestement bleuâtres dans leur partie ia plus externe ou la plus superOcielle, et jaunâtres là où elles se terminent dans le parenchyme de la feuille; de sorte que le vert est ici évidemment le résul- tat de deux mat ères colorantes distinctes. Ces matières étant toutes deux solubles dans l'eau et dans l'alcool , on conçoit qu'une infusion, soit aqueuse, soit alcoolique, des (1) Cet acide est «le l'acide carbonique; car un courant de vapeur d'eau que j'ai fait passer à travers les feuilles rouf^jes découpées, mises dans un appareil distillatoire, a entraîné beaucoup d'acide carbonique, el en même temps la couleur des feuilles a passé au bleu. ( «^5 ) feuilles de choux routes doit verdir par les alcalis et rou- l^ir par les acides, comme l'expérience l'a constaté. Mais si on ratisse les reuilles avec beaucoup de précaution, de ma- nière à n'enlever (|ue la pellicule superlicielle rougeâtre, on peut, avec cette pellicule, obtenir une infusion qui ne fasse que bleuir par les alcalis. D'autre part, en employant les feuilles ainsi ratissées, elles ne font que jaunir par les alcalis, de même que l'infusion que l'on prépare avec elles. On peut d'ailleurs, en laissant macérer les feuilles rouges intactes, pendant trois à cinq minutes seulemenl, dans de l'alcool, obtenir une infusion d'un bleu pourpre irès-pàle, dont la couleur deviendra d'un beau bleu assez intense, si on n'y verse qu'une goutte d'une faible solution de potasse; car il faut peu d'alcali pour faire passer au bleu franc la couleur pourpre de la surface des feuilles de chou rouge; et, comme la matière colorante jaune exige, pour son développement, une solution alcaline plus forte, que, d'autre part, elle n'aura pas eu le temps de se dissoudre abondamment dans l'alcool pendant le peu de temps qu'aura duré la macération, on conçoit que l'infusion alcoolique, ainsi préparée et peu colorée, ne fera d'abord que bleuir par l'addition de très-peu de potasse, et que sa couleur ne passera au vert que lorsque la solution de potasse aura été ajoutée eu quantité plus considérable. Quand on voit les feuilles de chou rouge, à défaut de chlorophylle verte, renfermer ainsi, dans les cellules voi- sines du derme , des principes colorants qui , dans les mêmes circonstances, ou sous l'influence des alcalis, peu- vent se transformer en matières colorantes bleue et jaune , et former par leur réunion du vert, on est hien tenté d'ad- mettre que la couleur verte de la chlorophylle est due à deux principes colorants analogues. Il ne résulte évidemment pas de là que l'infusion alcoo- ( 204 ) Jique verle de la chlorophylle doive se comporter en tout comme celle des choux rouges verdie par un alcali; car les matières colorantes, dans la chlorophylle globulaire, comme aussi dans les feuilles de chou, sont toujours associées à d'autres principes organiques qui augmentent ou diminuent leur altérabilité, et qui peuvent modifier leurs caractères chimiques. Ainsi, la matière colorante jaune de la chlorophylle, qui ne paraît être autre que la xanthophylle colorant en jaune les feuilles automnales, est toujours associée à un principe gras ou résineux, qui la rend beaucoup moiiis soluble dans l'eau et beaucoup moins altérable que la matière jaunâtre des feuilles du chou rouge. C'est parce que les matières colorantes bleues, dans les plantes, sont généralement plus altérables que les matières jaunes, qu'on peut s'expliquer pourquoi la chlorophylle, lorsqu'elle commence à s'altérer ou à se décomposer sous rinlluence de la lumière, contracte d'abord une couleur jaune; c'est ce qui arrive même avec les solutions alcooli- ques vertes obtenues par macération des parties herbacées des plantes. On explique de même la coloration jaune que contractent les feuilles de nos arbres, lorsque la vie y languit en automne ou est près de s'éteindre. La partie bleue de la chlorophylle se décomposant alors la première, le jaune doit devenir prédominant, et on voit manifeste- ment au microscope que, dans les feuilles automnales jaunies, les granules verts de chlorophylle sont devenus jaunes. Rien n'empêche donc que nous considérions la xanthopîiylle comme une substance analogue au principe colorant jaune de la chlorophylle, et sa nature grasse, constatée par Berzelius, peut provenir de son association avec le principe gras que Ton rencontre toujours dans la chlorophylle. ( ^205 ) Quant à la coloralion rouge que contractent certaines l'euilles à Tautomne, elle paraît encore trouver sou point de départ dans la chlorophylle; car ces feuilles rouges ollrenl souvent une réaction acide. Or, il est possible (|ue cet acide se soit développé avant la destruction de la ma- tière colorante bleue de la chlorophylle, ou pendant (juc les cellules chlorophyllifères peuvent encore produire de la matière bleue; dans ce cas, celle-ci rougira par sa conj- binaison avec l'acide el elle deviendra en même lemps plus slable : car il est facile de constater que la matière bleue des Heurs, qui a été rougie par un acide, est beaucoup moins altérable que lorsqu'elle n'est pas combinée à cet acide. On peut donc considérer la couleur rouge des feuilles automnales comme constituant le plus souvent du rouge cyanique; aussi le rouge de la plupart de ces feuilles passe au bleu par les alcalis, et quelquefois aussi au vert; ce (jui a lieu quand la feuille contient en même temps encore de la xanthophylle ou de la matière jaune, qui, avec le bleu susdit, donnera le vert. Il ne faut pas conclure de ce qui précède que le rouge , dans les feuilles automnales, soit constamment du rouge cyanique; car ces feuilles, et surtout les feuilles hivernales, peuvent évidemment aussi renfermer du rouge xanthique provenant du jaune de la chlorophylle ou de la feuille, sans aucune intervention de substances acides. H n'est pas rare de trouver en hiver, sur certaines plantes, des feuilles jaunes qui renferment, à côté de la xanthophylle, un peu de suc rouge nullement acide. C'est ce que j'ai remarqué, entre aulres, dans les feuilles jaunes qui tombent en hiver des orangers. Lorsqu'après avoir découpé ces feuilles, on les laisse macérer dans l'élher, elles cèdent à ce dernier leur matière jaune ou la xanthophylle, et au-dessous de l'éther fortement colore en jaune, on trouve une petite ( 206 ) couche d'un liquide aqueux, d'un rouge fauve, jaunissant fortement par les alcalis et rougissant faiblement par les acides. IJérylropfujlle, ou le principe colorant ronge des feuilles, n'est donc pas toujours de même nature, comme on a eu tort de l'avancer; mais il existe généralement dans les feuilles à l'état soluble ou de suc aqueux. Celui qui s'y développe postérieurement à la xanthophylle, comme dans plusieurs feuilles hivernales de plantes de pleine terre, qui, quoique jaunes, restent souvent encore longtemps attachées aux tiges lorsque l'hiver est doux, semble provenir d'une alté- ration de la xanthophylle, probablement de son oxygéna- tion, et appartient toujours alors à la série xanlhique. C'est ce que j'ai reconnu en laissant macérer ces feuilles hivernales dans l'éther, qui, tout en dissolvant la xantho- phylle, exprime des feuilles un peu de suc d'un rouge fauve qui s'amasse au fond de ce liquide, n'offre aucune réaction acide, jaunit par les alcalis, et rougit de nouveau plus ou moins par les acides. Ce rouge xanthique m'a paru aussi être tant soit peu soluble dans l'éther; car l'évaporation de la teinture éthérée obtenue avec des feuilles jaunes qui, par un long séjour à l'air, ont un peu rougi, laisse toujours un résidu d'un jaune plus ou moins rougeàtre. Toutes les fois que les feuilles prennent une couleur dif- férente du vert, la chlorophylle verte y diminue notable- ment, sans devenir absolument nulle, ainsi que cela a lieu dans les choux rouges. J'ai laissé macérer dans l'éther des feuilles d'une variété de chou crépu à couleur rose pâle, et j'ai obtenu au bout de vingt-quatre heures une teinture éthérée d'un jaune verdàtre , surnageant un suc de couleur rosée, neutre aux papiers réactifs, jaunissant vivement par les alcalis et redevenant rouge par les acides. Ici la matière colorante bleue qu'on trouve dans les choux rouges man- ( 207 ) que complètement; on n'y trouve que le principe colorant jaune, offrant absolument les mêmes réactions que dans le chou rouge. Quant à la teinture élhérée, sa couleur annonçait que les feuilles employées n'étaient pas entière- ment dépourvues de chlorophylle; aussi son évaporation a laissé un léger résidu de chlorophylle mêlée avec de la matière jaune. Une infusion aqueuse des feuilles de ce chou rose m'a donné un liquide incolore, jaunissant par les alcalis, au lieu de verdir comme l'infusion du chou rouge ordinaire. La présence du principe colorant jaune sans le principe colorant bleu, dans les feuilles susdites, m'avait fait espérer que d'autres feuilles pourraient présenter le principe bleu sans le jaune. Dans ce but, j'ai fait macérer dans l'éther les pédoncules et les bractées d'un beau bleu de ciel de certains Eryngium , et entre autres de VEryngium Leavemvorthii ; mais au bout de vingt-quatre heures, je n'ai obtenu qu'une teinture éthérée d'un jaune verdâtre, dont l'évaporation ne m'a fourni d'autre résidu qu'un peu de chlorophylle mêlée au principe colorant jaunâtre propre aux feuilles de chou rouge, principe qui brunit par l'acide sulfiirique concen- tré, jaunit par les alcalis et se dissout facilement dans l'eau. Aucune trace de la matière colorante bleue ne s'est manifestée , sans doute parce que cette matière, lorsqu'elle n'est pas unie à un acide, se détruit de suite dans l'éther, comme on peut s'en assurer avec toutes les fleurs bleues. D'ailleurs, le bleu, dans les bractées des Enjngium, est accompagné d'une telle quantité de la matière organique susceptible de jaunir fortement par les alcalis, qu'une in- fusion aqueuse de ces bractées jaunit par la potasse au lieu de verdir. Tous les phénomènes de coloration des feuilles s'expli- TOME XX. — I" PART. 14 ( 208 ) quent parfailemeiil en admettant que la chlorophylle ren- ferme deux matières colorantes différentes, Tune bleue, l'autre jaune, et que ces matières colorantes peuvent par- fois se former séparément dans des cellules distinctes. Dans ce système, les variations de teinte que la partie verte offre dans diverses plantes et à diverses époques de la vie de celles-ci, variations que Schleiden a attribuées au mélange de la chlorophylle avec les matières bleue et jaune, qui peuvent provenir, dit-il, de sa décomposition, pourront être attribuées plutôt aux changements dans la proportion suivant laquelle le bleu et le jaune sont associés dans la chlorophylle. Les panachures jaunes de certaines feuilles, comme dans VIlex aquifolium foliis variegcUis , dans VAucuba japo7iica, proviennent de ce que certaines cellules ne renferment que la matière jaune de la chloro- phylle. J'ai fait macérer dans de l'éther les parties jaunes des feuilles d'un Rhamnus alaternus, foliis luleo-variegatis , et au bout de 48 heures, j'ai obtenu une teinture éthérée jaune, qui, par l'évaporation, a donné un résidu de matière jaunâtre , offrant toutes les réactions de la xanthophylle; elle prenait une couleur jaune plus foncée par une solu- tion de potasse , et devenait brune par le contact de l'acide sulfurique concentré. Les variations de teinte dans la chlorophylle doivent être d'autant plus marquées que celte substance semble même se décomposer pendant la vie de la plante, c La chloro- » phylle, dit Berzelius(l), se détruit continuellement; mais » les plantes conservent leur couleur verte, parce qu'elle (1) Rapport annuel sur les progrès de la chimie y éàxûon française, 6*= année, p. 244. ( 209 ) » se réforme incessammenl. C'est pour celle raison (pie » les plantes perdent leur couleur verte dans les rayons ï> qui ne peuvent pas engendrer la chlorophylle, et elles » se décolorent d'autant plus vite que les rayons qui leur » arrivent possèdent celle propriété à un moindre degré. » Par conséquent, une plante verte se décolore quand on » l'expose pendant longtemps à la lumière bleue pure, ï) bien que celle-ci ne soit pas tout à fait dépourvue de la » faculté de produire de la chlorophylle. Elles se décolo- » rent encore plus vile dans la lumière rouge et dans la » lumière violette. » Le principe colorant bleu semble prédominer souvent sur le principe jaune dans la chlorophylle récemment for- mée, et cela d'autant plus que sa couleur est généralement beaucoup plus foncée que celle du principe jaune. De là la teinte bleuâtre de beaucoup de feuilles jeunes, qui, en vieillissant, verdissent davantage, et finissent enfin par devenir jaunâtres, lorsque la matière colorante jaune est devenue prédominante sur la matière bleue. Celle-ci se décompose toujours la première sous l'influence de la lu- mière; aussi dans les plantes qui croissent à l'abri de la lumière, les feuilles tombent, d'après iMeyen, avec leur couleur verte. Il résulte de ce que nous venons de dire que la ma- tière colorante jaune des feuilles automnales , qu'on a dipi^e\ée xanthophylle , existerait toute formée dans la chlo- rophylle; c'est en effet ce que l'expérience tend à prouver. La xanlhophylle oifre tous les caractères de solubilité de la chlorophylle; elle est, comme elle, soluble dans l'al- cool, dans l'élher, et insoluble dans l'eau; elle est aussi associée à un principe gras comme l'a reconnu Berzelius. On peut l'extraire des feuilles avec la même facilité et à l'aide des mêmes dissolvants que la matière colorante verle; ( 2i0 ) et une solution alcoolique ou éthérée de cette dernière , qui a jauni par une exposition sutïisamment prolongée à la lumière, se comporte, avec les divers réactifs, de la même manière qu'une solution alcoolique ou éthérée jaune, ob- ; tenue en laissant macérer, pendant un ou deux jours dans l'alcool ou dans l'éther, des feuilles jaunes automnales, recueillies peu de temps avant ou après leur chute des i arbres. L'une et l'autre de ces solutions évaporées laissent | un résidu jaunâtre analogue, que l'acide sulfurique con- centré brunit fortement. En contact avec les alcalis, ce même résidu gagne une couleur jaune plus foncée. En tout cas , la réaction est la même, soit qu'on opère sur la xanthophylle extraite des feuilles jaunes automnales , soit qu'on opère sur le résidu d une solution alcoolique verte \ de chlorophylle, qu'on a laissée jaunir à la lumière avant de l'évaporer. Il est donc permis de croire que le jaune des \ feuilles automnales n'est que de la chlorophylle altérée ; sous l'influence de la lumière et de l'air; cette opinion a déjà été mise en avant dans le Dictionnaire de chimie de | MM. IJebig et Poggendortf , parce qu'on avait reconnu que lorsqu'une solution verte de chlorophylle dans l'éther est devenue jaune au bout de quelque temps, et qu'on l'éva- poré dans cet état, elle ne donne pour résidu que de la xanthophylle, sans aucun mélange de chlorophylle (1). Tous ces phénomènes se conçoivent aisément en ad- mettant que la chlorophylle ne dilfère de la xanthophylle que parce qu'indépendamment de cette dernière , elle ren- ferme en môme temps un principe colorant bleu , analogue à celui qui teint les fleurs en bleu et qu'on rencontre | aussi dans les choux rouges. Or, ou sait que cette matière ] (1) Liebig, ffandworterbuch der Chimie, t. I , p. 803. (2H ) bleue , lorsqu'elle est en dissolution dans l'eau , se décolore très- vile sous l'influence de la lumière el de l'air, comme aussi en présence de l'hydrogène naissant. Par la même raison , la chlorophylle, lorsqu'elle est à l'clal de dissolu- tion , jaunit vile à la lumière. Elle jaunit surtout très-vite sous rinfluence de l'hydrogène naissant. Que l'on prenne une solution verte de chlorophylle dans de l'acide chlorhy- drogène légèrement dilué, que l'on y plonge des lames de zinc et qu'on abrite le liquide autant que possible de Faccès de l'oxygène en ne le faisant communiquer avec l'air que par un orihce étroit , donnant passage à l'hydro- gène qui sedégage, enverra le liquide jaunir promptement. L'association, dans la chlorophylle, d'un principe co- lorant bleu à une matière colorante jaune, dans la pro- portion nécessaire pour former du vert, ne doit aucunement nous surprendre; car celte réunion des deux couleurs existe jusqu'à un certain point dans beaucoup de tleurs bleues, où, à côté de la matière bleue, se trouve, comme dans les feuilles du chou rouge, tant soit peu d'un suc jaunâtre-pâle, jaunissant fortement par les alcalis, qui verdissent pour cette raison les fleurs en question. On peut facilement constater l'exactitude de ce que je viens de dire en laissant macérer dans l'éther les belles fleurs bleues de VEranthemun sirictum. Ces fleurs perdent leur couleur bleue dans l'élher en moins de deux heures et prennent une couleur d'un jaune-pâle sale; elles commu- niquent aussi à l'éther une teinte jaunâtre, surtout après vingt-quatre heures de macération, et lorsqu'on vient en- suite à évaporer ce liquide, on obtient un résidu jaunâtre extractiforme , qui jaunit fortement par les alcalis et est soluble dans l'alcool et dans l'eau. S'il y a beaucoup de ra{;ports entre le principe colorant bleu des fleurs et celui qui se trouve dans les feuilles du ( 212 ) chou rouge on clans la chlorophylle verte, il y a également une grande analogie entre la xanthophylle et la matière jaune de la plupart des fleurs, telle que celle des narcisses, celle des sépales des Streîitzia, etc. Toutes ces matières colorantes jaunes sont presque insolubles dans l'eau, mais solubles dans l'alcool et dans l'éther, qu'elles teignent en jaune. Toutes peuvent passer au rouge ou donner nais- sance à une matière colorante rouge, sous l'influence de l'oxygène ou des agents atmosphériques : ainsi on ren- contre plus d'une fois des feuilles jaunes automnales qui , à mesure que l'hiver avance, finissent par contracter une teinte rougeâtre, surtout si les gelées précoces ne vien- nent pas les détruire de bonne heure. Or, dans ce cas, ces feuilles , qui , recueillies en automne et macérées dans l'é- ther, n'auraient donné qu'une solution éthérée jaune de xanthophylle sans aucune substance rouge; recueillies, au contraire, à la fin de décembre et mises en macération dans l'éther, elles laissent échapper un peu de suc rouge qui se dépose au fond de l'éther, pendant que celui-ci dis- sout la xanthophylle. Ce suc rouge n'est pas acide comme celui des feuilles qui renferment du rouge d'origine cya- nique, et les alcalis, au lieu de le bleuir, le jaunissent fortement; tandis que les acides le font retourner au rouge, mais sans le rougir très-vivement. J'ai constaté surtout ces phénomènes avec des feuilles jaunes d'oran- gers recueillies à la fin de décembre, comme aussi avec des feuilles jaunes de plusieurs plantes herbacées com- munes, croissant en pleine terre, et recueillies au com- mencement de janvier 1853. Le peu de suc rouge que l'éther expulse de ces feuilles m'a offert exactement les mêmes réactions que le suc rouge plus abondant, exprimé par ce liquide des feuilles rougeâlres du Dracaena ferrea. Il résulte de là que l'érytrophylle qui se développe tar- ( 215 ) divemeiU dans beaucoup de feuilles jaunes, après que loule la chlorophylle s'y est déjà transformée en xantliopliylle, provient de celle-ci, sans doute par quelque altération chimique, tandis que Térytrophylle, qui se développe de bonne heure en automne en même temps que la xantho- j)hylle, parait provenir de Vanthocyane ou du bleu de la chlorophylle, rougi par un acide; elle est donc d'origine cyanique , tandis que l'autre appartient à la série xanthique. Le rouge de la plupart des fleurs procède du jaune ou appartient à la série xanthique; il diffère de Vanthoxan- tine par sa solubilité dans l'eau et son peu de solubilité dans l'éther. Aussi se sépare-t-il facilement de la matière jaune au moyen de l'élher dans lequel on laisse macérer les fleurs rouges. Si on tient, par exemple, des fleurs rouges de Gesneria immergées dans l'éther, celui-ci dissout un peu de matière colorante jaune pendant qu'il déplace des fleurs plus ou moins de suc aqueux rouge, devenant d'un jaune brun par les alcalis et retournant au rouge par les acides. Le liquide éthéré évaporé laisse une matière jaune, deve- nant brune par l'acide sulfurique concentré, à l'instar de la xanthophylle. En opérant de la même manière avec des fleurs rouge foncé du Camellia japonica, j'ai obtenu, au bout de deux heures de macération dans l'éther, un liquide éthéré jau- nâtre, au fond duquel se trouvait un suc aqueux rouge, qui verdissait par les alcalis et retournait au rouge vif par les acides. Ce suc renfermait donc, outre le rouge xan- thique, jaunissant par les alcalis, un peu de rouge cya- nique, que les alcalis bleuissent; d'où la coloration verte. Mais telle est l'altérabilité de ce rouge cyanique en pré- sence de l'éther, qu'au bout de vingt-quatre heures de séjour du suc rouge sous l'éther, sa couleur a pris une teinte fauve, et alors les alcalis ne font plus que le jaunir ( 214 ) et les acides ne le rougissent plus aussi vivement. C'est que rien n'est aussi altérable dans l'éther que le bleu des tleurs, ou Yanthocyane; aussi les fleurs bleues se décolorent dans l'éther au bout de deux à quatre heures, avec destruc- tion complète de leur matière colorante bleue. Comme le jaune passe facilement au rouge par l'oxygé- nation, on conçoit qu'il y aura peu de fleurs jaunes, de celles au moins dont la durée n'est pas éphémère, où le jaune ne soit plus ou moins mêlé de rouge, vu surtout que, dans la corolle, il se fait un travail continuel d'oxygéna- tion. L'expérience confirme cette déduction de la théorie. Ayant laissé macérer dans l'éther des fleurs ligulées inten- sivement jaunes du Chrysanlhemum coronarium, j'ai ob- tenu, au bout de vingt-quatre heures, une solution d'un jaune intense; mais, à ma grande surprise, je vis au fond de l'éthsr un peu de suc oléagineux d'un rouge fauve, quoi- que les fleurs n'ouvrissent pas la moindre teinte rougeâtre. Ce suc était neutre, prenait une couleur jaune franc par les alcalis et ne retournait que faiblement au rouge par les acides. C'était évidemment du rouge xanthique. Quant au liquide éthéré, il laissait, après évaporation, un résidu jaune, semblable à la xanthophylle extraite par l'éther des feuillesjaunes automnales et offrant absolument les mêmes réactions que cette dernière, tant avec l'acide sulfurique concentré, qu'avec les solutions alcalines et les acides dilués. En laissant macérer dans l'éther des fleurs ligulées fraî- ches du Chrysanthemum indicum à couleur d'un jaune fauve tirant sur le rouge, j'ai obtenu, au fond de l'éther, beaucoup de suc aqueux d'un rouge fauve, neutre aux papiers réactifs, prenant une couleur jaune intense par les alcalis et retournant au rouge par les acides. Ici la matière colorante jaune de la fleur était passée, pour la majeure ( 215 ) partie, au rouge; aussi Télher n'était que faiblement coloré en jaune et n'a donné, par l'évaporalion , que très-peu de résidu jaune, du reste identique avec celui obtenu du Cfirijsanthemum coronarium. J'ai aussi laissé macérer dans l'éther les sépales jaune orangé des lleurs du Slrelitzia. On obtient encore ici une teinture éthérée jaune, qui, évaporée, laisse un résidu jaune un peu rougeâtre, neutre aux papiers réactifs et ne changeant pas notablement de couleur, ni par les alcalis, ni par les acides faibles; mais par l'addition d'un peu d'acide sulfurique concentré, il a pris une belle couleur bleue, qui passait de nouveau au jaune, soit par les al- calis, soit par l'addition d'un peu d'éthcr. Celle coloration bleue difiérencie la matière jaune de la (leur de Strelilzia de celle des lleurs de Chrijsanthemum, comme aussi de la xanthophylle. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire qu'elle constitue une matière colorante entièrement distincte de celle-ci; car on sait que la chlo- rophylle, par la xanthophylle qu'elle renferme, donne, en se dissolvant dans Tacide sulfurique monohydraté, une liqueur d'un vert bleuâtre intense. La xanthophylle semble donc aussi avoir la propriété de bleuir dans cer- taines circonstances par l'acide sulfurique concentré, et c'est de celle propriété que Clamor Marquart avait déduit la conséquence que le bleu des fleurs ou Xanlhocxjane ré- sultait de la déshydratation de la matière jaune ou anlho- xantine , et, par conséquent, aussi de celle de la chloro- phylle dans laquelle on peut supposer que l'anlhoxantine existe toute formée. Mais cette opinion , qui tendrait à faire dériver du jaune toutes les couleurs des fleurs, a été abandonnée avec rai- son, parce que Marquart n'a pas prouvé que l'acide sul- furique concentré agit sur l'anthoxantine par déshydrata- ( 216 ) tion. A cette raison, par laquelle Schleiden combat la théo- rie de Marquart, on peut en ajouter d'autres, bien plus concluantes. S'il était vrai que le principe colorant bleu des fleurs n'était que de l'anthoxantine déshydratée, il ne contiendrait jamais de l'azote dans sa composition, puis- que cet élément n'a été rencontré jusqu'ici ni dans la ma- tière jaune des fleurs, ni dans celle des feuilles automnales ou xanlhophylle. Au contraire, la matière bleue des Heurs est toujours azotée. C'est ce qui a été constaté surtout par M. Morot (1) sur les fleurs de bluets, dont l'éther, tout en dissolvant une matière jaune qui est de nature grasse ou cireuse, déplace une liqueur d'un bleu superbe, se ras- semblant au fond de l'éther et qui est azotée. J'ai aussi rencontré de l'azote dans la matière bleue que l'éther dé- place des feuilles de chou rouge sous la forme d'un suc pourpre ou bleu rougeâtre. Ce suc, dans lequel j'avais con- staté préalablement l'absence de l'albumine, concentré au bain-raarie et additionné ensuite de chaux vive, laisse dé- gager un peu d'ammoniaque. Ce qui montre d'ailleurs, d'une manière péremptoire, que la substance bleue, que l'on obtient par l'action de l'acide sulfurique concentré sur la matière jaune extraite par l'éther des sépales de Strelitzia, n'est pas de VanthO' cyane, ou le bleu ordinaire des fleurs, c'est qu'elle ne rougit pas par les acides et qu'elle passe au jaune par les alcalis les plus faibles. L'addition seule de l'eau suffit, au reste, pour la décolorer en peu de temps. Ce n'est donc qu'un produit de décomposition de la matière colorante jaune, qui lui-même est très-altérable. Quoi qu'il en soit, la matière colorante jaune n'ofl're pas (1 ) annales des sciences naturelles , année 1849, p. 22? ( 217 ) dans toutes les fleurs absolument les mêraes caractères. Celle (les fleurs de carthame est bien plus soluble dans l'eau que celle de la plupart des autres fleurs jaunes et aussi que la xanlliophylle. Mais ceci provient probable- ment de ce qu'elle n'est pas associée toujours au principe gras que l'on a rencontré dans la xanlhophylle et dans le jaune des fleurs de narcisses. Il ne serait pas surprenant, du reste, que lors(}ue la matière jaune de la chlorophylle est exposée dans la corolle à Faction comburante de l'oxy- gène continuellement absorbé par cet organe, elle ne perdît souvent le principe gras auquel elle est associée, parce que c'est sur ce principe que l'oxygène portera principale- ment son action. Comme le bleu et le jaune constituent les couleurs fondamentales des fleurs, que celles-ci ne se forment gé- néralement qu'après les feuilles, c'est-à-dire après la chlo- rophylle, qu'elles commencent même par être vertes dans le bouton, il ne serait pas impossible que leur coloration eût son point de départ dans la chlorophylle, ou qu'elle provînt de sa décomposition (1); ce qui expliquerait pour- quoi, en étiolant par l'absence de lumière les feuilles qui sont dans le voisinage d'un boulon à fleur, on nuit à l'éclat et à la vivacité de la couleur de celle-ci. Il est possible , au reste, que les couleurs si vives que les corolles nous oflrent résultent de l'oxygénalion qu'y subissent des principes organiques, peu ou point colorés au moment de leur formation , et qui proviennent des mêmes cellules que celles qui sont capables de [)roduire (1) Nous savons, depuis les travaux de Mulder sur la chlorophylle, que retle substance, dissoute dans l'acide chiorhydrique, se laisse décomposer en une matin e jaune qui se précipite et en une substance bleue qui reste dis- soute. (Morot, Annales des sciences naturelles, 1849, p. 164.) ( 218 ) de la chlorophylle dans des circonstances déterminées. La chimie nous a démontré, en effet, qu'une foule de matières colorantes ne se forment que par l'action de l'oxygène sur certains principes organiques, souvent incolores par eux- mêmes; et comme dans les corolles il y a une absorption continuelle d'oxygène, il est probable que ce gaz concourt à produire leur coloration. Nous connaissons la belle ex- périence de M. Preisser, qui a plongé dans de l'eau bleuie par l'acide sulfo-indigotique (sulfate d'indigo) une balsa- mine avec ses racines , et a reconnu que la plante, tout en absorbant le liquide, ne devenait pas bleue, mais que les fleurs devenaient bleues : de sorte qu'il fallait admettre que l'indigo avait été décoloré dans les organes de nutri- tion de la plante par désoxygénation, et que, sous l'in- fluence oxydante de la corolle , il avait repris sa couleur bleue. Il se pourrait donc que les fleurs reçussent des parties herbacées des substances qui , quoique peu ou point colo- rées dans le lieu de leur origine , se transforment en ma- tières colorantes très-vives lors de leur oxygénation dans la corolle. Ainsi le chou rouge, dont les fleurs sont jaunes, pourrait bien puiser la couleur de ces dernières dans le suc jaunâtre à peine coloré qui se trouve dans la couche cellulaire immédiatement sous-jacente à la mince couche sous-épidermique gorgée d'un suc pourpre ou rouge, don- nant sa couleur aux feuilles de la plante. Comme les couleurs fondamentales, bleue et jaune, existent réunies dans la chlorophylle et, par suite, dans les feuilles, on conçoit qu'elles peuvent l'être également dans la corolle : cependant cette coexistence n'a pas souvent lieu , du moins dans la proportion propre à produire le vert. En général, l'une des deux couleurs prédomine, et c'est le plus souvent la couleur jaune, parce qu'elle est ( 219 ) beaucoup moins altérable que la couleur bleue. Aussi celle-ci ne se rencontre guère que dans les piaules qui ai- ment une exposition ombragée, parce que la vive lumière détruit le bleu. Par la même raison, on irouve plus de (leurs appartenant à la série xanthique qu à la série cya- nique, el la couleur rouge des fleurs dérive ordinairement (lu jaune et non du bleu , comme il est facile de s'en as- surer à l'aide des alcalis, qui font passer au bleu le rouge cyanique et plus ou moins au jaune le rouge xanthique. Aussi quand les deux rouges sont mêlés dans une (leur , ce qui ne m'a pas paru fort rare, la corolle verdit plus ou moins sous l'influence des alcalis. Cette réunion des deux espèces de rouge existe à un certain degré dans la fleur des Hortensia, qui, à raison du rouge cyanique, peut passer au bleu dans la culture; mais qui , par les alcalis, ne donne jamais du bleu pur. Elle existe aussi dans quelques variétés du Chrysanthemiun indicum à fleur purpurine ou d'un rouge violacé. Ces fleurs se colorent en bleu verdâlre dans les solutions alcalines. Il n'est pas inutile de faire ob- server ici que celles-ci ne doivent jamais être trop fortes ou concentrées lorsqu'on les emploie pour constater la nature d une couleur rouge des plantes; car une forte so- lution de potasse altère ordinairement le principe colorant bleu en le jaunissant; de sorte qu'une solution concentrée de potasse, au lieu de bleuir le rouge cyanique, peut lui donner une teinte jaunâtre. C'est surtout en opérant sur les fleurs, que cet inconvénient est à craindre. Il est moins marqué quand on opère sur des feuilles, parce que leur épiderme étant plus épais ou moins perméable aux liquides du dehors, ne laisse pénétrer ceux-ci que fort lentement dans le parenchyme sous-jacent où se trouve le principe rouge. Il importe donc, pour ne pas confondre le rouge cya- ( 220 ) nique avec le rouge xanthique, de ne faire agir générale- ment sur le premier que les alcalis à faible dose. Pour s'en convaincre, il suffit d'opérer avec une infusion aqueuse de chou rouge, qui , comme on sait , contient du rouge cya- nique plus ou moins bleuâtre, associé à un principe organique susceptible de se colorer en jaune foncé par les alcalis. Celte infusion devient d'un beau vert quand on n'y verse que peu de potasse, par les raisons déjà exposées plus haut; mais si on y verse une quantité très-forte de potasse, la couieur devient jaunâtre. Le principe bleu est alors entièrement masqué ou jauni par l'excès de potasse; mais en enlevant cet excès par un acide, on peut ramener la couleur au vert (I). Le rouge cyanique se distingue encore du rouge xan- thique, parce que le premier offre une réaction plus ou moins acide, qui manque ordinairement dans le rouge xanthique. Comme les matières bleues végétales sont généralement azotées, ce qui n'est pas le cas pour les matières jaunes, on (1) Il est d'autant plus important de n'employer <|u'une faible solution alcaline pour constater la nature du rouge cyanique , que , si Ton extrait le principe colorant bleu de certaines fleurs, en les faisant macérer pendant quelques jours avec de l'alcool à 50 degrés centésimaux, et qu'on évapore ensuite au bain-marie le liquide alcoolique, on obtient une matière bleue extractiforme qui rougit par les acides et jaunit par les alcalis. Si on emploie ces derniers en quantité assez minime pour ne jaunir qu'une partie de la matière extractive, on obtient alors du vert par le mélange du jaune et du bleu. Ces caractères sont les mêmes que ceux que nous offre la matière colo- rante des feuilles de chou rouge ; nouvelle preuve de l'identité du bleu des fleurs avec celui des parties foliacées. Au reste, si le bleu de la plupart des fleurs, extrait par l'alcool , jaunit fortement par la potasse, cela peut tenir à ce qu'il est généralement accompagné, comme dans les feuilles de chou rouge, d'un principe organique d'un jaune très-pâle, qui se colore en jaune foncé au contact des alcalis. ( 221 ) peul expliquer ainsi la plus grande altérabilité des pre- mières, surtout en présence des alcalis forts, qui tendent à les décomposer avec dégagement d'ammoniaque. D'après cela, la présence d'un acide, tout en les rougissant, doit les rendre plus stables. Aussi le rouge cyanique est une couleur assez fixe, comme on l'observe sur les feuilles du Befjonia sanguinea , sur celles du Lobclia ignea Paxlon. Dans les feuilles rouges automnales, et dans celles presque entièrement rouges du Lobelia ignea, il existe en- core de la xanthophylle ou de la matière jaune. Aussi en plongeant ces feuilles dans une solution de potasse pas trop forte, ou les voit passer en peu de temps au vert. Elles offrent alors la couleur verte ordinaire des feuilles; ce qui vient à l'appui de l'opinion que le vert delà chloro- phylle provient du bleu et du jaune réunis. On voit aussi par cette expérience qu'il est inexact de dire avec quel- ques savants, que la chlorophylle une fois altérée dans sa couleur ne saurait être reproduite; car les feuilles du Lobetia ignea verdies par les alcalis, comme il a été dit ci-dessus, offrent, même au microscope, tous les carac- tères des feuilles vertes ordinaires. Si le rouge des feuilles automnales et le rouge des fruits appartiennent le plus souvent à la série cyanique , il n'en est pas de même du rouge des fleurs; et quoi qu'en ait dit Uerzelius, on trouve peu de fleurs rouges qui bleuissent ou verdissent par les alcalis. Ainsi les fleurs rouges de {'Eupfwrbia Boyeri, des Ixora , des Gesneria , de r.4c/ chou rouge. On obtient ainsi au fond de rélher, qui reste parfaitement incolore, une couche de liquide d'un bleu rougeâtre à réaction un peu acide, verdissant par les alcalis et rougissant vivement par les acides. Mais il ne faut pas que ce liquide reste plus de quarante-huit heures en contact avec lether; sans cela il s'altère, même dans Tobscurité, et prend une couleur d'un jaune fauve; ce qui annonce l'altération ou la décomposition de la matière colorante bleue. Aussi, dans ce cas, le liquide ne verdit plus par les alcalis; mais il peut encore rougir par les acides à raison de l'action de ces derniers sur la matière jaunâtre des feuilles. Toutefois, après quatre ou cinq jours de macération , cette matière colorante est détruite à son tour, et alors le liquide ne rougit plus par les acides. Il semble donc que le principe colorant jaune dans le chou rouge est beaucoup moins stable que le jaune de la plu- part des fleurs ou celui des feuilles automnales; mais ceci dépend sans doute de sa plus grande solubilité dans l'eau et de ce qu'il n'est pas uni à un principe gras qui le rend insoluble dans ce liquide, k l'instar de la xanthophylle. Par la même raison , il est beaucoup plus sensible que celle-ci à l'action des acides et des alcalis, qui modifient sa couleur bien plus profondément. En tout cas, il est tant soit peu soluble dans l'éther, quoique celui-ci ne se co- lore aucunement, même par une macération de deux jours avec des feuilles de chou rouge ; mais si on évapore ensuite cet éther , on a pour résidu une pellicule de matière jau- nâtre , devenant d'un jaune vif par les alcalis et ensuite rouge par les acides. L'acide sulfurique concentré ne la bleuit pas. On n'y trouve, au reste, aucune trace de chlorophylle. On extrait aussi facilement par l'éther la matière rouge Tome xx. — I" part. Vo { 224 ) qui colore les tiges aplaties de l'Epiphyllum iruncalum var. rubrum. Quand on introduit cette tige, découpée en petits fragments, dans un flacon allongé rempli d'élher, on trouve, au bout de 2 à 5 jours, au fond de Télher un suc très-rouge et visqueux, pendant que les fragments se sont décolorés, et l'éther n'a pris qu'une légère teinte jaune ver- dâtre, que les alcalis et les acides ne modifient en aucune manière; mais le suc rouge, qui est entièrement neutre, jaunit par les alcalis et retourne au rouge par les acides, absolument comme la couleur rouge des fleurs de cette plante. C'est donc du rouge xanlhique, qui s'est j)roduit non -seulement dans la fleur, mais aussi dans la partie herbacée du végétal. Ce suc étant de même nature dans toute l'étendue de la plante, semble reconnaître une même origine. L'éther, dans cette expérience, n'ayant pris qu'une faible couleur d'un vert jaunâtre, c'est un indice que la plante ne renferme que peu de chlorophylle mélangée au suc rouge. Car toutes les fois qu'on plonge dans l'éther une partie herbacée verte, l'éther se colore fortement en vert en moins de 24 heures. Ici l'éther n'accusait la pré- sence que d'une minime quantité de chlorophylle , qui était même en voie de décomposition, eu égard à sa couleur jaunâtre. Comme les feuilles de chou rouge découpées en frag- ments et immergées dans l'éther se décolorent entière- ment au bout de 48 heures, sans communiquer à ce liquide la moindre coloration, quoiqu'on les ait tenues dans l'ob- scurité, c'est un indice qu'elles ne renferment pas de chlo- rophylle, dont le microscope, au reste, n'annonce aucu- nement la présence dans ces feuilles. Quelques botanistes ont donc eu tort d'avancer que les feuilles colorées renferment constamment, à côté du suc { 2-25 ) qui les colore, des granules tle chlorophylle verte, dont la couleur est masquée par celle du suc. Ces granules, à la vérité, existent parfois dans les feuilles colorées, surtout dans la couche cellulaire sous-jacente à celle qui contient les liquides colorants. C'est ce qui est très-manifeste dans les feuilles des Bégonia discolor et sanguinea; mais la chlorophylle manque aussi souvent lorsque la feuille en- tière olTre une coloration pétaîoïde bien prononcée et que son mésophylle est très-mince. Ainsi dans les feuilles mem- braneuses et entièrement rouges du Dracaena ferrea, il n'y a qu'un suc rouge sans chlorophylle; car elles se décolo- rent dansl'éther, qui lui-même reste incolore, pendant qu'il se rassemble au fond du llacon un liquide rouge aqueux neutre, jaunissant par les alcalis et rougissant de nouveau par les acides. En tout cas, l'éther peut toujours servir à reconnaître la présence de la chlorophylle verte, et à la séparer même des sucs colorés aqueux qui se déposent généralement au fond de l'éther dans lequel ils sont ordinairement insolubles. C'est ainsi qu'en opérant avec des feuilles plus épaisses et non entièrement pétaloïdes du Dracaena ferrea, on con- state facilement qu'à coté du suc rouge déplacé par l'éther, il se trouve encore plus ou moins de chlorophylle dont la couleur verte se dessine très-nettement sur les feuilles après qu'elles ont perdu clans l'éther leur suc rouge. Tou- tefois cette chlorophylle semble être en voie de décompo- sition dans les feuilles, puisqu'elle ne colore l'éther qu'en jaune verdâtre. Dans les feuilles du Bégonia discolor, on peut facilement, par une dissection un peu soignée, séparer le derme avec le parenchyme rouge contigu, qui se trouve à la face pos- térieure de la feuille, du reste du mésophylle contenant ( 226 ) de la chlorophylle verte. En laissant macérer ces pellicules rouges dans l'éther, celui-ci se colore en rouge sans ex- traire pour cela toute la matière colorante de ces pelli- cules, qui restent encore fortement rouges au bout de 2 jours, quoiqu'elles aient laissé échapper un peu de suc rouge aqueux qui s'est déposé au fond de l'éther. Ce rouge, qui est d'origine cyanique, puisqu'il bleuit par les alcalis et retourne au rouge par les acides, paraît donc être peu soluble dans l'éther, aussi bien que le rouge xanthique. Toutefois, il y est plus soluble que ce dernier; car en lais- sant évaporer la solution éthérée rouge, obtenue comme il a été dit ci-dessus, j'ai eu pour résidu un peu de suc rouge d'une consistance sirupeuse qui offre une réaction acide très-prononcée et bleuit intensivement par les alcalis, en rougissant de nouveau par les acides. L'emploi de l'éther est aussi très-avantageux pour faire reconnaître la nature des matières colorantes des fleurs; car il peut servir à extraire ces matières, soit à l'état de sucs colorés, soit à l'état de dissolution éthérée. Le jaune s'extrait ordinairement dans ce dernier €tat, tandis que les autres matières colorantes, généralement très-peu solubles dans l'éther, se laissent déplacer à l'état de sucs aqueux, qui s'accumulent au fond de l'éther et peuvent facilement en être séparés. Ainsi, en laissant macérer dans l'éther des pé- tales de roses de Bengale, j'ai trouvé, au bout de 24 heures, au fond de l'éther un suc aqueux de couleur rose, qui ver- dissait par les alcalis et rougissait très-vivement par les acides. J'ai dû conclure de là que le rouge des roses était du rouge mixte, c'est-à-dire qu'il contenait à la fois du rouge cyanique et du rouge xanthique. Il doit donc être possible à la culture d'obtenir des roses plus ou moins bleues ou d'un pourpre violacé; et l'on y parviendrait pro- (227 ) hablemenl en leur donnant une exposition ombragée et des engrais riches en azote, qui me paraissent devoir être favo- rables à la production des matières colorantes bleues. Les fleurs d'un rouge foncé de quelques variétés de Camellia Japonica , soumises au même procédé d'analyse, m'ont aussi olfert la présence d'un peu de rouge cyanique, mêlé à une grande quantité de rouge xanthique. Au contraire, dans les fleurs rouges écarlates de divers Gesncria et Ixora, je n'ai trouvé que du rouge xanthique, ofl'rant toujours les mêmes caractères. Ce rouge xanthique est constamment accompagné de plus ou moins de jaune dans les fleurs; ce qui tend à mon- trer que sa formation n'est que consécutive à celle du jaune, et qu'il constitue un dérivé de celle dernière couleur, qui se transforme probablement en rouge par l'oxygénation. Je n'ai pas encore rencontré une seule fleur rouge de la série xanthique, qui ne renfermât en même temps un prin- cipe colorant jaune, analogue à celui des fleurs jaunes ordinaires et se séparant facilement du suc rouge par sa solubilité dans l'éther. Toutes les fleurs rouges que j'ai mises en macération dans l'élber, ont toujours laissé échap- per un suc rouge qui s'amasse au fond de l'éther, pendant que celui-ci se colore en jaune plus ou moins intense, et la teinture éihérée évaporée m'a donné constamment une matière colorante jaune à teinle un peu rougeâlrc, offrant, avec les alcalis et les acides, les mômes réactions que la malière jaune qu'on extrait par l'éther des feuilles jaunes automnales. C'est ce que j'ai observé avec les fleurs rouges des Gesneria, des Camellia, des roses, du carthame, etc. D'un autre côté, toutes les fleurs jaunes non éphémères, que j'ai examinées , contenaient tant soit peu de suc rouge; séparable par l'éther, et ce!a d'autant plus que le jaune ( 228 ) \ de la ileur avait une teinte plus orangée ou plus rougeâtre. On peut conclure de ces faits que le jaune tend toujours i à passer au rouge dans les fleurs. Les fleurs jaunes de- ; vront, d'après cela, contenir d'autant plus de suc rouge , que leur durée aura été plus prolongée. C'est ce qui est ' conforme à l'observation. Les fleurs de Streliizia nous of- | frent d'abord des sépales ou des pétales d'un jaune pur ; j mais bientôt ce jaune passe à l'orangé, ce qui annonce le j mélange du rouge au jaune, et lorsque la fleur est près de se faner, elle ofî're une couleur rougeâtre bien sensible. | Nous avons vu de même (p. 20G), dans les feuilles jaunes ; automnales, se développer au bout de quelque temps un peu de rouge xanthique.il existe donc les plus grands rap- i ports entre la coloration des fleurs et des feuilles. Ces rap- | ports se montrent encore dans les fleurs dont la couleur j est exceptionnellement verte. J'ai vu fleurir, dans les serres du Jardin botanique de Louvain , un Epîdendrum Parkin- j sonianum dont les pétales et les sépales étaient d'un vert ! pâle, à l'exception du labelliim qui était blanc. Lorsque la fleur commençait à se faner, les pétales et les sépales pas- sèrent au jaune, comme une feuille qui se fane, et des ' parties jaunes de la fleur entièrement fanée, j'ai extrait, au moyen de l'éther, un principe colorant jaune, pareil à celui que donnent les feuilles jaunes automnales. Ce principe jaune, qui est si répandu dans les fleurs, > n'ofl're généralement qu'une faible solubilité dans l'éther, i puisqu'il faut ordinairement plusieurs macérations succes- sives dans ce liquide pour l'enlever complètement aux fleurs d'une teinte jaune foncé (1). , (1) Ceci se remarque surtout quand on fait macérer dans l'éther les sépales d'un jaune orangé appartenant aux Strditzia. Une première macération de ( 2-29 ) A côlé de celle matière jaune, insoluble dans l'eau, se trouve quelquefois un peu de matière jaune soluble, qui })rovienl probablement de quelque modification ou alté- ration de la précédente. Cavenlou a reconnu la présence de ces deux matières jaunes dans les fleurs du Narcissus pseudo-narcissus. Elles semblent encore exister réunies dans les Heurs de Carthame; car, indépendamment de la matière jaune , que les lavages à l'eau peuvent enlever aux fleurs du Cartliamus tinctorius , celles-ci, quelque bien lavées qu'elles soient, conservent encore, à côlé de la matière rouge vive, une matière jaune soluble dans l'élher qui , extraite de ce fluide par évaporation, manifeste tous les caractères propres h la matière jaune ordinaire des fleurs. Elle ofl're toutefois une teinte un peu rougeâtre; mais ce caractère est commun à la matière jaune que l'étber extrait de toutes les fleurs rouges , ou même des fleurs jaune orangé; et ce fait montre encore la grande aflinilé du jaune et du rouge xanthique, en constatant que la matière jaune peut prendre un commencement de colo- ration rouge sans perdre tous ses caractères propres et sa solubilité dans l'éther. On pourrait, au reste, expliquer également ce phénomène en admettant que la matière rouge xanthique, quoique beaucoup plus soluble dans leau que dans l'éther, n'est cependant pas complètement inso- luble dans ce dernier liquide. Quoi qu'il en soit, la matière colorante jaune se présente dans les plantes sous deux états, tantôt sous celui d'une substance extractiforme, Irès-solubledans l'eau, d'un jaune 24 heures suffit pour déplacer tout le suc rouge de la fleurj mais il faut en- suite 8 à 10 macérations successives pour enlever à la fleur toute la matière colorante jaune. ( 230 ) I pâle, prenant une couleur jaune intense par les alcalis et rougissant par les acides; tantôt sous la forme d'une ma- ! tière grasse ou résineuse, insoluble dans l'eau, ayant une couleur jaune intense, que les alcalis et les acides dilués j ne modifient pas notablement. Cette dernière variété de | matière jaune , à laquelle se rattache la xanthophylle , ne | me paraît différer de la première que par la présence d'un principe gras, qui lui est intimement associé. C'est cette variété qui colore généralement les fleurs jaunes et qui j constitue une couleur fort solide , tandis que le principe colorant jaunâtre, qui se rencontre isolément dans les feuilles de certains choux crépus à couleur rose, appar- j tient à la première variété et est beaucoup plus altérable, \ sans doute à raison de sa solubilité dans l'eau. J'ai fait avec M. l'abbé Coemans quelques observations i microscopiques sur la disposition des matières colorantes dans les plantes. Nous avons reconnu que la matière co- lorante pourpre des choux rouges se présente sous forme (le globules ou plutôt de vésicules sphériques , que Ion peut faire éclater sous le microscope de manière à ce que le suc coloré s'en échappe. Ordinairement on ne voit qu'une seule ! vésicule pourpre dans chaque cellule du tissu sous-épider- i mique, d'autres fois il y en a 5 ou 4 plus petites. Le suc i de la cellule qui contient ces vésicules est lui-même légè- i rement coloré en pourpre violacé, sans doute par trans- sudation du liquide contenu dans les vésicules, dont la coloration est infiniment plus foncée que celle du suc envi- ronnant. Au-dessous de la couche de tissu rouge, qui se compose de 2 ou 5 rangs de cellules, se trouvent des cel- lules incolores ou d'une faible couleur jaunâtre, contenant des grains de fécule, sans mélange de chlorophylle verte. Les sépales jaunes du Slrelitzia reginae ne nous ont of- ( 231 ) fer l qu'un suc jaune, homogène, remplissant complète- ment les cellules sous-épi(Jermiques, sans aucun mélange de vésicules. Mais les pétales bleus de la même (leur nous ont présenté une masse de granulations bleues, solides et très-petites, remplissant presque entièrement les cellules sous-épidermi(]ues. Chaque cellule renferme, au moins, une cinquantaine de ces granules bleus, qui ne sont ac- compagnés d'aucun suc coloré. Les feuilles rouges du Dracaena ferrea var. picfa , pré- sentent, dans les couches cellulaires superficielles, un liquide rouge sans interposition de vésicules ou de gra- nules. Mais dans des couches cellulaires plus profondes, nous avons vu encore , au moins sur des feuilles tant soit peu épaisses, des granules de chlorophylle, à la vérité, d'un vert-jaunâtre et moins abondants que ceux qu'on trouve dans les feuilles vertes ordinaires. Nous avons observé la même disposition dans la tige aplatie de YEpiphylkim truncalum var. violaceum; c'est- à-dire que, dans les cellules superficielles ou sous-épi- dermiques, il y avait un suc rouge, et, dans les cellules plus profondes, des granules de chlorophylle d'un vert jau- nâtre. Il n'est donc pas surprenant que cette plante, macérée dans l'éiher, donne, comme nous l'avons dit plus haut (p. !224), un suc rouge, indépendamment d'une solution éthérée jaunâtre de chlorophylle en voie d'altération ou dont le principe jaune prédomine sur le principe colorant bleu. En tout cas, la chlorophylle m'a toujours paru diminuée beaucoup en quantité dans les feuilles à coloration péta- loïde, et elle offre ordinairemeni, dans ces circonstances, une couleur d'un vert pâle ou jaunâtre; ce qui me porte à ( 252 ) penser que les fonctions respiratoires de ces feuilles ne sauraient s'exercer awssi bien que celles des feuilles vertes ordinaires. La xantliophylle des feuilles jaunes automnales est tou- jours disposée en granules dans les mêmes cellules qui contiennent ordinairement la chlorophylle, et elle n'est évidemment qu'un résultat de l'altération de cette der- nière. L'éther n'exprime ou ne déplace jamais de ces feuilles un suc coloré jaune; il ne fait que dissoudre la xanihophylle, comme il dissoudrait la chlorophylle verte, dont elle est provenue. Les faits exposés dans le courant de ce mémoire me permettent, je pense, d'établir les conclusions suivantes : r Les deux seules couleurs fondamentales ou primi- tives, dans les plantes, sont le bleu et le jaune, ou, en d'autres termes, Yanthocyaneei Y anthoxantine ; 2° Ces matières colorantes primitives sont formées sous l'influence de la vie, non-seulement par les parties péta- loïdes, mais aussi par les parties herbacées, et, dans celles-ci, elles sont le plus souvent associées entre elles et avec d'autres matières organiques, formant ainsi la chlorophylle verte insoluble. 3" La chlorophylle tend toujours à jaunir dans les plantes par suite de la grande altérabilité du principe colorant bleu, à moins que celui-ci n'ait été rendu plus stable par son union avec un acide qui le rougit. Dans ce cas, la feuille, au lieu de prendre une couleur jaune par l'altération de la chlorophylle, prend une coloration ronge. 4° La couleur rouge dans les feuilles n'est pas toujours le résultat de la présence d'un acide, soit que ce dernier ait agi sur le bleu , soit qu'il ait rougi le principe colorant jaune pâle des feuilles, f.a matière rouge des feuilles, ou ( 255 ) Verytrophylle , peut aussi dépendre de l'oxygénation du principe jaune ou de la xanlhophylle. 5" Les matières colorantes bleue et jaune, et surtout la première, se trouvant souvent, lorsqu'elles sont isolées, à l'élat liquide ou de dissolution, doivent se porter, dans ce cas, vers la surface de la plante par la transpiration aqueuse, et par cela même elles doivent se foncer en cou- leur ou se concentrer dans les cellules immédiatement sous-jacentes à l'épiderme, où on les rencontre habituel- lement et où elles peuvent encore subir l'inlluence de l'oxygène. 6° Quoique les sucs colorés existent généralement dans les couches cellulaires les plus superficielles où la chloro- phylle est rare, ils peuvent cependant provenir de cellules plus profondes et avoir être amenés par l'endosmose vers la périphérie du végétal. 7° A mesure que les sues colorés bleu, jaune ou rouge apparaissent dans les cellules des parties herbacées, la chlorophylle diminue, et elle peut disparaître entièrement lorsque la coloration pétaloïde devient très-intense, comme dans les choux rouges. 8° La chlorophylle, pouvant donner naissance, par sa décomposition, à des matières bleues et jaunes, peut con- courir indirectement à la formation des couleurs des tïeurs, comme à celles des feuilles colorées. 9° Les couleurs des fleurs ne peuvent changer que d'après les variations dont le bleu et le jaune sont susceptibles. Or, le bleu pouvant passer au rouge par les acides, les fleurs bleues pourront rougir, et, en outre, présenter toutes les couleurs qui résultent du mélange du bleu et du rouge; d'où une série de nuances ou de couleurs, appelée série cyanique. (254 ) iO° La matière colorante jaune pouvant rougir par oxy- génation, et même aussi par les acides (témoin le suc jau- nâtre de quelques cellules des feuilles du chou rouge), les fleurs jaunes pourront passer au rouge, et de plus revêtir toutes les couleurs résultant du mélange du jaune et du rouge, couleurs qui constituent la série xanthique. 11" La couleur rouge des deux séries est loin d'être la même, non-seulement quant à son origine, mais aussi quant aux variations de teinte qu'elle peut subir. Celle de la série xanthique est plus rare dans les feuilles que dans les fleurs. C'est le contraire pour le rouge de la série cya- nique. ii2° Les deux espèces de rouge , comme les deux cou- leurs fondamentales, sont parfois réunies dans une môme fleur, qui peut alois offrir toutes les variations de couleur imaginables. Avant de terminer cette notice, je crois devoir faire remarquer que le bleu ordinaire des plantes , qu'avec la plupart de bolanisles nous avons désigné sous le nom d'an- thocyane, ne saurait être confondu avec le bleu de l'indigo ni avec celui du tournesol. Ces dernières matières bleues n'existent pas tout formées dans les végétaux. Elles pro- viennent de substances organiques incolores, qui se colo- rent en bleu, en dehors de toute influence vitale, par de pures réactions ciiimiques qui en changent la composi- tion; ce sont, en quelque sorte, des produits chimiques ou artificiels. Aussi tout ce que nous avons dit plus haut des couleurs des plantes ne s'applique qu'aux couleurs naturelles à la plupart des végétaux vivants et non pas à toutes les matières colorantes organiques employées dans l'art du teinturier. Celles-ci sont généralement des vsub- stances organiques spéciales, produites par un petit nom- ( -255 ) bre de végélaux, et qui , quoique dérivant peut-être, dans cerl;iins cas, des matières colorantes ordinaires, en difl'è- rent néanmoins par leurs propriétés el par une composi- tion chimique mieux définie. Note sur un nouveau genre de crmlacé parasite, Eudactylina; par P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie. J'ai l'honneur de communiquer à l'Académie la descrip- tion d'un nouveau genre de cruslacé parasite, trouvé sur les branchies de deux poissons de nos côtes : le Squatine ange et le Spinax acanthias. Ce genre diffère tellement de tous- ceux qui sont connus, que nous éprouvons quelque hésitation en lui assignant la tribu à laquelle nous croyons devoir le rapporter. A cause de la conformation exceptionnelle de ses doigts, nous l'avons nommé : EUDACTYLINA ACUTA. Van Ben. Caractères. — Corps divisé en segments distincts, régu- lièrement conformés, un peu plus larges seulement au milieu. Tête distincte, en forme de bouclier, arrondie en arrière el montrant, en avant, une énorme paire d'an- tennes couvertes de crochets; trois paires de pattes-mâ- choires, dont la dernière est terminée en une forte pince. Quatre paires de pattes thoraciques biramées et portant des soies courtes; trois anneaux thoraciques distincts, un an- neau abdominal avec une paire d'appendices uniarticulée, ( 256 ) et trois anneaux caudaux, de forme carrée, dont le der- nier porte des appendices semblables aux abdominaux. Toute la carapace présente une certaine dureté, et prend une couleur jaune citrin après la dessiccation. Nous ne trouvons aucun parasite qui ait avec celui-ci quelque alllnité générique. Il a la longueur de G"'"', tête et tubes ovifères y compris. Nous en avons trouvé un grand nombre sur le Squatina angélus et le Spinax acanthias; il habite entre les lames branchiales. Description. — La forme du corps est beaucoup plus régulière qu'elle ne l'est généralement chez les parasites; a part les tubes ovifères, on pourrait prendre, en effet, ces crustacés pour des isopodes microscopiques. Tout le corps est divisé régulièrement en segments, et tous, y compris même le segment de la tête, se ressem- blent. Tous ces segments sont nettement séparés les uns des autres. Si on n'avait pas des femelles avec des tubes ovifères, on croirait que c'est une forme qui n'a pas encore parcouru toute son évolution. Vus du côté du dos, tous ces segments sont régulière- ment arrondis, et laissent en avant une échancrure assez forte qui permet de distinguer les appendices qu'ils por- tent. L'animal, couché sur les flancs, montre un dos très- inégal ; chaque segment s'élève au-dessus de celui qui le suit, à peu près comme si les segments étaient imbriqués. La tête a la forme d'un bouclier; elle est nettement séparée du thorax; un peu plus large en arrière qu'en avant, le milieu se termine en un tubercule. Les appen- dices de la tête sont trop grands pour ne pas se montrer dans toutes les positions où elle peut se trouver. Il n'y a pas d'yeux. (237 ) Derrière la tête, il y a quatre segments thoraciques, dont le (lualrième est le plus développé; le premier segment du thorax est caché en grande partie sous le bouclier cépha- lique. Chacun de ces anneaux porte une paire de pattes biramées; il y en a ainsi quatre paires. La région abdominale est formée par un segment sem- blable, à celui des anneaux thoraciques. (>e segment est un peu plus allongé, et porte en arrière, à droite et à gauche, un appendice sélifère simple et à un seul article. La région caudale est formée de trois segments de forme carrée, qui diminuent de volume d'avant en arrière. Le dernier segment porte une paire d'appendices semblables, en petit, à ceux de l'abdomen. Les tubes ovifères sont proportionnellement courts, mais gros, et ne contiennent qu'un petit nombre d'œufs; nous en avons compté treize. Ces tubes ont atteint leur développement d'après l'étal des embryons. Ils sont insérés sur le dernier anneau qui précède la queue. Appendices. — Il y a en tout dix paires d'aj)pendices : quatre qui appartiennent à la tête, quatre au thorax, une à l'abdomen et une à la queue. Ceux de la tête sont très-forts, robustes et hérissés d'épines. Les antennes sont extraordinairement robustes; elles se composent de deux à trois articles, dont celui de la base est très-volumineux; leur insertion a lieu en dessous du bou- clier céphalique. Elles ont à peu près la largeur de la tête, et ne peuvent guère se caciier en dessous de cette partie du corps. L'article basilaire porte en avant une forte épine recourbée, placée au milieu de deux autres qui soîit droites. L'article terminal porte au bout des crochets au lieu de soies. La première f)aire de paltes-màchoires a aussi une forme ( 238 ) singulière : le second article porte une forte épine sur le trajet et de petites épines au bout. La deuxième paire est la plus délicate; elle est terminée par un onglet qui montre des soies à sa base. La troisième patte-mâchoire est la plus remarquable; elle est très-forte, terminée en pince , avec la pointe irilide et logée dans une excavation formée dans la pièce opposée. Les quatre paires d'appendices du thorax sont sembla- bles et d'un égal développement; ils sont doubles et armés de soies proportionnellement courtes. L'une des pièces est terminée en pointe et l'autre a divers onglets au bout. Les appendices abdominaux sont uniques et formés d'un seul article sétifère. Les appendices de la queue, au nombre de deux, termi- nent le dernier anneau caudal. Ils sont également à un seul article. Les embryons sont de forme ovale et munis de trois paires d'appendices, comme la plupart des parasites de cette classe. Affinités, — Est-ce dans la tribu des Dichélestions que ce genre doit être placé? Cela nous paraît probable, car c'est encore avec les parasites de cette division que les Eudactijlina présentent le plus d'analogie. EXPLICATION DE LA PLANCHE. « Genre Eudactylima. Fig. 1 . Le parasite de grandeur naturelle. 2. Une femelle avec ses tubes ovifères, vue du côté du dos : a. Tête. b. Région tlioracique. c. — abdominale. "n %\\ ^-- w\oV fi i-V ««-.K ( 239) d. Région caudale. e. Antennes. f. Première paire de pattes-mâchoires. g. Deuxième — — h. Troisième — — iiii. Les quatre appendices thoraciques. A:. Les appendices abdominaux. l. — caudaux. 3. Le même vu de côté pour montrer la disposition des segments du dos, et les diverses sortes d'appendices indiqués déjà sur la figure précédente. 4. Les appendices antérieurs isolés et vus au grossissement de 300 fois. a. Les antennes. h, c, d. Les trois paires de pieds-mâchoires. e. Une paire d'appendices thoraciques. 5. 6. Deux embryons à la sortie de l'œuf. M. Van Beneden communique ensuite le résultat de quel- ques expériences faites sur la transformation des cxisli- cerques pijsiformes du péritoine des lapins et des lièvres, en Ténia serrata, dans le canal digestif du chien. M. Van Beneden met sous les yeux de la classe une série de vers recueillis dans la cavité digeslive du chien; la durée du séjour de ces cysticerques dans ces organes varie depuis deux heures jusqu'à dix-huit jours; au bout de dix-huit jours, le Ténia a trois pouces de longueur. Tome xx. — I" part. 16 ( 240 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 février 1853. M. le baron de Stassart, président. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchai , le baron de Ger- Iache,deRam, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet, le baron J. de S^-Genois, Van Meenen, Schayes, Snel- laert , Carton , Bormans , membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Arendt, Kervyn de Letlenhove, Chalon , correspondants. MM. Sauveur, membre de la classe des sciences, Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. M. le président annonce que M. le comte de Montaleni- bert, membre de l'Institut de France, assiste également à la séance. CORRESPONDANCE. M. Giuseppe Massari fait hommage d'une notice biogra- phique sur Vincent Gioberti, associé de l'Académie, et du discours prononcé à Turin, le 15 décembre dernier, aux funérailles de ce savant. ( 241 ) — M. le secrétaire perpétuel annonce que, conformé- ment au désir exprimé par M. le Ministre de l'intérieur, il a fait parvenir aux bénédictins de l'abbaye de Solesmes les volumes encore disponibles des Mémoires de l'Académie. — M. le baron de Slassart fait, au nom de M . de Caumon t, associé de l'Académie, bommage de différents ouvrages qui seront mentionnés dans le Bulletin bibliographique. — M. Namur, secrétaire de la Société archéologique du grand-duché de Luxembourg , adresse à la classe un mé- moire manuscrit : Sur un véritable lacrymatoire découvert en 1852 dans le Luxembourg. Commissaires : MM. Roulez et Schayes. M. Stas, membre de la classe des sciences, sera invité à se joindre à la commission pour l'examen d'une question d'analyse chimique qui se rattache au travail de M. Namur. CONCOURS DE 1855. La classe avait mis au concours de cette année six ques- tions sur différents sujets ; elle a reçu des réponses à quatre de ces questions, savoir : TROISIÈME QUESTION. Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans leurs rapports avec la Belgique. Un seul mémoire portant la devise : Non amo veritatem seditiosam. (Commissaires : MM. le chanoine de Ram , Baguet et le baron J. de S'-Genois.) ( 242) QUATRIÈME QUESTION. Quelle influence la Belgique a-t-elle exercée sur les Pro- vinces-Unies sous le rapport politique, commercial, indus- triel, artistique et littéraire, depuis l'abdication de Charles- Quint jusqu'à la fin du X Ville siècle? Un mémoire avec Tinscription: Eripui graecas mecum^ tibi^ Flandriae, musas subduxi Grudiis et tihi^ Leida, dedi. (Commissaires : MM. le baron J. deS^-Genois, le cha- noine de Smet et Borgnet.) CINQUIÈME QUESTION. Quel est le système d'organisation qui peut le mieux as- surer le succès de l'enseignement littéraire et scientifique dans les établissements d'instruction motjenne ? La classe n'a reçu qu'un mémoire qui lui est parvenu après le terme de rigueur; il porte pour épigraphe : Sit quodvis simplex duntaxat et unum. Le retard ne pouvant être préjudiciable à personne, il a été décidé que le mé- moire serait admis à concourir ; les commissaires sont MM. Paul Devaux, Baguet et Quetelet. SIXIÈME QUESTION. L'éloge de Gode froid de Bouillon. Deux prix étaient proposés, l'un pour la littérature française, l'autre pour la littérature Hamande. Littérature française : deux mémoires portant les in- scriptions : N" 1. « La seule simplicité d'un récit fidèle pourrait soutenir la gloire du prince de Condé : toute autre louange languit auprès des grands noms. « [Bossuet.) ( 243 ) N» 2. « Un grand homme, parmi les talents qu'il déve- loppe, est toujours dominé par une faculté particu- lière que l'on peut appeler l'instinct de son génie. ^ ( Villemain. ) (Commissaires : iMM. Moke, le baron de Gerlache et Grandgagnage. ) Littérature flamande : trois mémoires portant les in- scriptions : N" 1 . Signor, grand cose in picciol tempo hai faite Che lunga età porre m obblio non puote, Etc. {Gerusal. i.ib., canîo II.' N" 2. Godfrieds nacm zal eeuwig klenhen. N° 3. Zyn gansch leven is eene onafgebrokene lofrede. (Commissaires: MM. Bormans, David et Snellaert.) RAPPORTS. Sur une notice de M. de ChénedoUé, concernant C histoire des sciences en Belgique, pendant le XV IIP siècle. Rapport de M. A. Queteict. « M. de ChênedoUé est un bibliophile de mérite; on lui doit plusieurs découvertes intéressantes pour l'hisioire des sciences et des lettres en Belgique. Dans la notice qu'il présente aujourd'hui à la classe des lettres, il vient lui faire part d'une trouvaille nouvelle, d'une brochure que nul ne connaissait, dont nul ne soupçonnait même l'exis- ( 244 ) lence, bien qu'elle ait été imprimée à Liège, en 1760, chez J.-F. Bassompierre. « M. de Villenfagne lui-même, » dit M. de Chênedollé, le savant académicien , qui a rendu » tant de services à l'histoire littéraire du pays de Liège, » ignorait l'existence de cette pièce! » L'œuvre dont il est question, est un opuscule de 14 pa- ges in-12, ayant pour titre : Mémoires touchant la méthode de trouver la longitude , proposée aux puissances, auxquelles elle peut être utile , dès l'an 1 758 , par le sieur Neuray, bour- geois de la noble cité de Liège , et dont il est encore prêt à faire la démonstration en 1760. Après quelques notions, très-élémentaires sur les longitudes, Neuray raconte com- ment il a été conduit à s'occuper de leur détermination, séduit par la promesse d'une récompense pécuniaire con- sidérable faite par le roi de France, outre 100,000 livres sterling promis par l'Angleterre , en faveur de celui qui résoudrait le problème. Son opuscule a pour objet d'an- noncer ses droits aux prix proposés. L'auteur se garde bien de dire son secret; il demande aux puissances qu'elles lui envoient des députés à Liège pour prendre connaissance de sa méthode. « Pour qu'on ne lui impute pas d'avoir i) négligé de procurer au genre humain un bien inesti- » niable et qui ne serait pas assez payé par des millions » de livres sterling, il avertit qu'il est sur le déclin de son » âge, ayant passé les cinquante années, dont il en a bien )> employé une quarantaine à travailler et à étudier en » quantité de matières, dont il commence à se ressentir; » ayant même, pour prendre quelque repos, abandonné » la cure de Stembert depuis plus de quatre ans : ce qui » soit dit pour qu'on ne néglige pas cette affaire jusqu'à » ce qu'il n'en soit plus temps. Mais comme il se trouva » incommodé, l'an 1758, en Hollande, il croit plus con- ( 245 ) » venable que sa démonslralion se fasse à Liège, devant » ceux que les puissances députeront pour l'examiner. » On le voit, c'est le style habituel des inventeurs : on croirait la pièce écrite d'hier, si, grâce aux perfectionue- ments du siècle, les choses n'étaient présentées de nos jours avec plus de pompe et d'élégance. Je ne voudrais point troubler le plaisir qu'éprouve M. de Chênedollé par sa nouvelle conquête, mais je crains bien que le mémoire de M. Neuray ne doive être assimilé aux programmes que lancent nos inventeurs habituels, toujours prodigues de paroles et ne spécifiant absolument rien. Certaine- ment, on lira avec plus de fruit la notice de M. de Chê- nedollé que le document qui en fait l'objet; les personnes qui ne font pas de l'astronomie leur étude spéciale, y trou- veront des indications intéressantes; j'ai donc l'honneur d'en proposer l'impression et de remercier l'auteur. » Ces conclusions sont adoptées par la classe. COMMISSION POUR LA CARTE ARCHÉOLOGIQUE DE LA BELGIQUE. Note déposée par M. A. Quetelet, secrétaire perpétue!. Depuis sa fondation , en 1772, l'Académie s'est constam- ment occupée de l'étude des antiquités de la Belgique; elle a parfaitement compris que l'historien surtout peut y pui- ser les documents les plus utiles, les plus instructifs, et que ce sont même à peu près les seules archives qu'il soit permis de consulter pour les temps les plus reculés. Ces considérations ont fait naître, il y a plus de dix ans, ( 246 ) une proposition que je demande à pouvoir replacer sous vos yeux; voici ce que contient, à ce sujet, le Bulletin de la séance du 8 octobre 1842 : « Le secrétaire appelle Tat- tention de TAcadémie sur l'utilité qu'il y aurait de former une commission spéciale pour les antiquités du royaume. Cette commission aurait particulièrement à s'occuper de l'examen des matériaux déjà recueillis, d'apprécier la va- leur des ouvrages qui en ont traité, de donner des indica- tions sur les fouilles et les explorations à faire ultérieure- ment, de veiller à la conservation des objets historiques et d'aviser avant tout aux moyens de dresser une carie exacte de la Belgique ancienne; l'on y indiquerait soigneu- sement les localités dans lesquelles on a constaté l'exis- tence de monnaies , d'armes , de tumuli , de constructions ou d'autres objets quelconques que l'on peut considérer comme monuments historiques. Une pareille carte forme- rait un document statistique d'une haute importance pour notre histoire nationale; en ce qui concerne les Romains en particulier, on pourrait, parles vestiges qu'ils ont lais- sés à la surface de notre sol, suivre d'une manière plus sûre les voies qu'ils fréquentaient, et déterminer les campe- ments et les séjours qu'ils s'étaient choisis. » D'une autre part, les découvertes partielles que l'on fait chaque jour ne demeureront pas stériles; on pourra les rapporter à un centre commun, et former dans l'État un dépôt d'antiquités nationales qui ne sera pas la moins intéressante de nos collections. » {Bulletins, tome IX, p. 552.) Ces propositions furent admises, et, en conséquence, dans la séance du 5 novembre suivant, l'Académie créa une commission des antiquités, qu'elle sépara en deux sec- tions, l'une pour les antiquités proprement dites, l'autre ( 247 ) pour les inscriptions, les manuscrits et les autres monu- ments littéraires. La composition était comme suit : l""' section, MM. de Gerlache, de Ram, Roulez, Corne- lissen, Grandgagnage, Dumortier, Willemset le secrétaire perpétuel; 2°'" section, MM. de Slassart, de Reiffenberg, De Smet, Lesbroussart , Moke, Marchai et Gachard. MM. Falck et Van de Weyer, présents à la séance, avaient bien voulu promettre leur concours. La commission commença immédiatement ses travaux, sans se dissimuler les difficultés qu'elle aurait à vaincre. « Ce travail est immense, est-il dit dans le rapport annuel présenté à la fin de 1842 ; mais, pour l'accomplir, le Gou- vernement doit nous continuer son appui, et nous lui donnerons en retour un musée vraiment national. » L'annonce seule qu'une commission spéciale pour les antiquités venait d'être formée, a exercé la plus salutaire influence, et nous a prouvé que nous pourrons compter sur la coopération éclairée, non-seulement des savants nationaux, mais encore des savants étrangers, et spécia- lement de ceux qui habitent dans le voisinage de nos fron- tières. » J'ajouterai à ces remarques que c'est à dater de cette époque que se sont formées en général les différentes sociétés archéologiques du royaume. J'ai raison de croire que l'appel de l'Académie n'a pas été étranger à cet heu- reux résultat. Pour faciliter leurs travaux, les membres de la commis- sion se chargèrent, chacun en particulier, d'explorer l'une ou l'autre province; en même temps, une circulaire fut adressée, par tout le royaume, aux personnes les plus à même, par leurs éludes ou par leur position, d'aider l'Aca- ( 248 ) demie dans ses recherches archéologiques. Le Gouverne- ment voulut bien, de son côté, inviter les autorités civiles et les membres du clergé à prêter leur concours. 11 fallut un temps assez long pour recueillir et pour exa- miner les nombreux documents qui furent envoyés des diflérentes parties du royaume; l'on reconnut malheureu- sement ensuite que la plupart de ces renseignements n'avaient point de valeur archéologique, et qu'ils pou- vaient tout au plus donner d'utiles indications. La réorga- nisation de l'Académie vint apporter de nouveaux retards au travail projeté. En cet état de choses , je proposai à la classe des let- tres, le 6 avril 1846, de charger l'un de ses membres de lui présenter un projet pour régulariser et activer les travaux de la carte archéologique. M. Roulez fut désigné, et ce savant fit connaître, dans la séance du 8 juin, qu'il consentait à se chargei' de la partie de l'entreprise qui concerne la période romaine. MM. Schayes et Bock furent invités en même temps à s'occuper de la partie du travail qui se rapporte aux époques postérieures. {Bulletins, t. Xllï, i^'' partie, pp. 588 et 758.) Je suis persuadé que nos honorables confrères n'ont pas perdu de vue la pénible tâche qu'ils ont bien voulu s'im- poser; à plusieurs reprises, M. Roulez a eu l'obligeance de nous entretenir du degré d'avancement de son travail , dont la publication semble, en effet, devoir précéder celle des travaux relatifs à des époques plus récentes. Mon but, en rappelant ce qui a été fait dans le sein de l'Académie, en faveur de l'archéologie, est surtout de faire connaître au public que la classe n'a point renoncé à ses projets , que les travaux qui lui ont été adressés ne resteront pas impro- ductifs, et enfin d'obtenir de notre honorable confrère. ( 249 ) M. Roulez, qu'il veuille bien nous préciser, s'il est possible, une époque à laquelle il pourra nous donner son travail. M. Roulez, consulté par la classe, fait connaître qu'il lui suffirait de quelques semaines d'un travail suivi, pour achever la carte archéologique qu'il a promise à l'Académie, mais que d'autres occupations l'absorbent pour le moment; il espère cependant pouvoir terminer prochainement. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Trois fables; par M. le baron de Stassart, membre de l'Académie. fjB Bibott coupable ef pttni. Heureux et féto} é par un bibliophile Qui le considérait comme un voisin utile Poui* réprimer l'audace des souris, Certain hibou, que j'ai connu jadis, Vivait dans l'abondance et gras comme un chanoine. Ainsi pouvaient s'écouler tous ses jours j Mais non... il fit marcher les choses au rebours. La souris lui sembla trop chétif patrimoine. Il aperçoit, sur le donjon, S'étalant avec grâce un superbe pigeon. Et l'oiseau de Pallas, oubliant la sagesse. Le convoite de l'œil, puis, par un tour d'adresse. Fait si bien qu'il l'a dans son bec. ( 250 ) « Cette chair est, dit-il, d'une délicatesse H A charmer restomac. J'y reviendrai sans cesse. Le maître l'entendit et le tint en échec j Victime de sa gourmandise , Le coupable subit la mort. Je le dis sans détour (excusez ma franchise) : Qui ressemble au hibou mérite un pareil sort. Un beau matin des chasseurs diligents, Sans respect pour le droit des gens , Prirent un écureuil, malgré sa résistance. Plus fin, plus rusé qu'on ne pense. Cet écureuil, plein déraison. Parut se plaire en sa prison : Il agitait sa queue avec grâce, élégance; Joyeux, il tournoyait sous les yeux du patron , Et, prenant un air fanfaron. Regardait les badauds admis en sa présence. Chacun de s'écrier: « Quelle heureuse existence! Le prisonnier pourtant regrette ses forêts. Sa liberté, sa chère indépendance... Pour les reconquérir, il conçoit maints projets , Et, grâce à sa rare prudence. De la part des geôliers aucune défiance ! Un soir, qu'ils étaient endormis, 11 se glisse à travers la grille Et gagne au grand trot son logis... Le vrai bonheur l'attend au sein de sa famille. Qu'en pense-t-on? L'écureuil eut-il tort?... La mauvaise humeur, les injures. ( 251 ) Les doléances, les murmures Ne peuvent rien contre le sort. Quel que soit le désir d'être toujours sincère , En pareil cas la ruse est nécessaire. JLe« ijoups et tes Henard; La faction des loups et celle des renards , i Gouvernaient tour à tour certaine république. i Chacun des deux partis comptait force bavards. (i| Eh! qui donc ne bavarde en fait de politique? j Les injures et les brocards . Tenaient lieu de raisons. Sur tous les étendards Brillaient en lettres d'or: Félicité publique ! Adoptés par la rhétorique , Ces mots, si séduisants toujours, \ De tous les orateurs terminaient les discours. Nul ne les mettait en pratique. , De dominer pourtant Ton se montrait jaloux , • Mais les loups, au pouvoir, mordaient leurs adversaires. : Ceux-ci les traitaient de corsaires. ^ « A bas, s'écriaient-ils, ces brigands et ces fous! \ Le peuple qui partage un si juste courroux, I Prétend voir les renards diriger les affaires, \ Et les renards alors font tomber sous leurs coups, i A force ouverte, non, mais par d'adroits manèges, | En les attirant dans des pièges , j Les chiens même pour peu qu'ils ressemblent aux loups. De tels faits l'histoire fourmille : ! Ce qui paraît un crime à n'en pas être absous, - i Quand il s'agit de soi n'est qu'une peccadille. J Ami lecteur, qu'en pensez- vous? j Ceci pourrait bien être un tableau de famille. j ( 252 ) Siger de Gulleghem, docteur en théologie de l'Université de Paris au XlIT siècle; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l'Académie. Lorsque Dante, parvenu, dans son épopée , aux plus hautes régions du séjour céleste, se voit le centre dune couronne de lumières vives et éclatantes, saint Thomas d'Aquin, le premier de la glorieuse sphère, lui nomme tour à tour toutes les fleurs dont est tressée cette guirlande, et quand il arrive à la douzième lumière placée tout à côté de lui à sa gauche de même qu'à sa droite il a Albert le Grand, il ajoute: « Celle-ci est la lumière d'un esprit à qui, dans ses » graves pensées, la mort paraissait trop lente; c'est l'éter- » nelle lumière de Siger qui, en professant dans la rue du » Fouarre, mêla à son argumentation des vérités qui exci- » tèrent la haine (1). » M. Le Clerc a démontré , dans un savant article du XXP volume deVHistoire littéraire de la France, que ce passage de la Divina Commedia se rapporte à un professeur de l'Université de Paris, qui ayant été doyen du chapitre de Notre-Dame de Courtray , était connu de ses contempo- (1) Questi onde a me ritorna il tuo riguardo, E il lume (Tuno spirto che 'n pensieri Gravi a morire U parve esser tardo. Essa è la luce eterna di Sigieri Che leggendo nel vico degli strami Sillogizzd invidiosi vert. (DIVI^A COMMEDIA, Furadiso , canto X. ( 2o5 ) rains sous le nom de Siger de Courlray. J'ajouterai que son véritable nom, oublié depuis six siècles, était Siger de Gulleghem, et c'est sans doute, dans le village de Gulle- ghem, à une lieue de Courtray qu'il faut chercher la patrie de ce célèbre docteur du XIIP siècle qui, lors même que la science l'oublierait dans ses annales, est appelé à par- tager l'immortalité des vers du poêle tlorenlin. Siger de Gulleghem fut le neuvième doyen du chapitre de Notre-Dame de Courtray, fondé, en 1 199, par Baudouin de Constantinople et Marie de Champagne : on ignore en quelle année il obtint cette dignité, mais il est certain qu'en 1258, il avait pour successeur Gilles de Gand. Si, d'autre part. Ton remarque qu'il fut l'un des coopérateurs de Robert deSorbon dans l'œuvre à laquelle celui-ci devait laisser son nom, il ne paraît pas douteux qu'il ne faille placer dans les premières années de la seconde moitié du XIIP siècle son arrivée à Paris. Peut-être même est-il permis de supposer que Louis IX, qui visita la Flandre en 1255, remarqua la science de Siger et le ramena avec lui pour l'attacher à la maison deSorbonne, qui s'élevait sous la protection de la piété et de la puissance du saint roi. Jamais la Flandre ne fut représentée avec autant d'éclat dans les écoles de Paris que dans cette dernière période du XIIP siècle. Après avoir cité Henri de Gand, le docteur solennel , Jean de Wardo ou de Weerden , le premier moine de Cîteaux qui eût obtenu le titre de docteur en théolo- gie (1), François César ou de Keysere, moine des Dunes comme Jean de Weerden et, comme lui, docteur en théo- (1) Za Chronique des Dunes dit de lui : Sonora praedicalio peccan- tium auribus quasi tuba coeleslis terribiliter insonuit : ejus verba tan- quam stimuli peccota populi pungere noverant, non palpare. { 254 ) logie(i), Jean Utentune, plus connu sous le nom de Jean d'Ardenbourg (2), Odon de Douay (5), Jean deS*-Amand (4), Jean Lammens, de Gand (5), Gilbert (6) et Guillaume (7) de Tournay, il faut s'arrêter et répéter avec Dante : lo non posso ritrar di tutti appieno ; Perocchè si mi caccia 'lungo tema Che tnolte voUe al fatto il dir vien mono. La rue du Fouarre {vico degli Strami) , où Siger de Gul- leghem professa pendant environ quarante années, tou- chait à la place Maubert, toute pleine encore des souvenirs d'Albert le Grand. Siger eut aussi son nombreux et bruyant auditoire d'étudiants de toutes nations, toujours prêts à le soutenir et à le défendre : Pars Sigeri, dit le cardinal Simon de Brie, depuis pape sous le nom de Martin lY. Quelles furent toutefois ces vérités exprimées en ar- guments philosophiques, qui excitèrent la haine? Cette allusion mystérieuse de Dante rappelle-t-elle seulement la (1) François de Kevsere était né à Dixmude. II commenta, dans la faculté de théologie de Paris, les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard. (2) Jean Utentune, auteur de plusieurs traités théologiques, donnait des cours publics à Paris, au couvent de Saint-Jacques. Vers 1285, Jacques Uten- tune était bourgmestre d'Ardenbourg. (o) Odon de Douay fut l'un des fondateurs de la Sorbonne. (4) Jean de Saint-Amand enseignait la médecine à Paris. II fut surnommé doctor suavîssimus. (5) Jean Lammens (Joanues Agnelli) fut admis au nombre dos prédicateurs de la faculté de théologie de Paris. Ses sermons étaient fort admirés. (6) Gilbert de Tournay prit, à Paris, le grade de docteur en théologie. On lui attiibue de nombreux ouvrages. (7) Guillaume de Tournay fut docteur en théologie à Paris. On a conservé de lui un traité De modo docendi pueros. ( 255 ) vivacité des contestations qui éclatèrent relativement au rectoral de l'université entre Albéric de Reims et Siger de Gulleghem? Faut-il l'expliquer par des propositions té- méraires de Siger, qui donnèrent lieu à une enquête de Simon du Val, inquisiteur de la foi? Je ne le crois point. Les luttes du rectorat sont antérieures à 1275 : l'enquête est de 1277. Dante, âgé de douze ans à celle époque, ne connaissait encore que Florence qui depuis dédaigna son génie, parvi Florentia mater amoris. Dante était né en 12G5. C'est entre 1285 et 4289 qu'eut lieu, selon l'opinion la plus vraisemblable, le voyage à Paris, où il prit le grade de bachelier en théologie. Or, comme M. Le Clerc l'a fort bien fait observer, ce fut pré- cisément le cours de Siger de Gulleghem, consacré à l'inter- prétation des traités d'Aristote, que Dante dut suivre pour devenir bachelier, et sans doute la reconnaissance de l'étu- diant, jeune et obscur, eut quelque part au magnifique hommage que le grand poète rendit plus tard au professeur dont il avait écouté les leçons. Parmi les étudiants venus d'Aquitaine à l'Université de Paris, il en est un qui, en mentionnant les commentaires de Siger sur Aristote, a soin de remarquer que cet illustre docteur (doctor praecellentissimus) disait que, les hommes étant agités de passions diverses, il importait au bonheur des États d'être régis par de bonnes lois (1). Sans aller (1) Je ne sais s'il m'a été donné de retrouver, dans un traité anonyme inséré dans un manuscrit de l'abbayc des Dunes, l'ouvrage de Siger de Gul- leghem, auquel fait allusion l'auteur du livre De Recuperatione terme sanc- tae : Super politica Aristotelis determinavit praecellentissimus doctor philosophiae , magister Siger us , quod longe melius est cinitatem régi legi- bus redis quant probis viris, quoniam non essepossunt quin possibile sit Tome xx. — i" part. 17 ( 256 ) jusqu*à rechercher à combien de discussions et de consi- dérations de ce genre pouvait donner matière la Politique d^Aristote, nous reconnaîtrons ici les invidiosi veri, si nous nous souvenons que le prince qui régnait alors était Philippe le Bel, qui le premier employa dans les actes la formule : par la plénitude de notre puissance royale, for- mule que ses légistes développèrent aussi bien contre Boni- face VIII que contre les chevaliers du Temple. Un document inédit donne à celte hypothèse une grande vraisemblance. Il complétera à la fois la biographie de Siger de Gulleghem et celle de Jean de Weerden , et l'his- toire politique de ce temps devra peut-être une nouvelle page à l'examen d'une question d'histoire littéraire. En 1274, le pape Grégoire X exhorta, au concile géné- ral de Lyon, le roi Philippe le Hardi à prendre la croix, et il lui permit, dans ce but, de lever sur les biens ecclésiasti- ques une dîme qui ne devait frapper ni les hôpitaux, ni les hospices, ni les monastères les plus pauvres. On sait que d'autres préoccupations détournèrent Philippe le Hardi de son projet d'aller combattre les infidèles en Orient. Cepen- eos corrumpi passionibus. {Ap. Bongars, II, p. 358.) Voici quelques lignes du manuscrit des Dunes qui semblent répondre assez exactement à cette in- dication : Homo habet passiones sibi conjunctas. Passiones autem dis- trahunt voluntaiem etfaciunt deviare a recto fine et pervertunt judicium rationis. Lex nullas habet passiones et nonpoiest deviare a recto fine, etc. Ce traité et un autre qui y est joint sont intitulés : Expositioncs supra libres politicorum et rethoricorum Jristuielis. Ils sont de la fin du XIII* siècle, et j'y trouve cités Albert le Grand et Thomas d'Aquiu {Jlbertus, Thomas). Si le verbe syllogizare appartient, comme le dit M. Le Clerc, à Siger de Gulleghem, ce manuscrit peut lui être attribué, puisque j'y lis cette phrase : Silogizantem aut instantiam ferentem, et immédiatement après on explique ce que veut dire : syllogizare. (Juiulilien traduisait ^oyi(^>stv par ratiocinari. Syllogizare a un sens non moins étendu. Un ])eu plus loin , le (257 ) dant Philippe le Bel agilé, selon l'expression du moine d'Egmond, de la fièvre de l'avarice et de la cupidité (1), crut trouver un prétexte favorable pour toucher aux ri- chesses de l'ordre de Cîleaux, et bien que dix-sept ans se fussent écoulés depuis le concile de Lyon , il lit sommer, en termes altiers et menaçants, les abbés de Cîteaux et de Clairvaux de remettre sans aucun délai tout ce qu'avait produit la dîme accordée à son père, entre les mains des marchands ou usuriers florentins de la société de Lambert de Frescobaldi (de societate Lambertini de Frescobaldis) (2). Le 9 avril 1292 (3), les abbés de Citeaux et de Clair- vaux se rendirent à Paris au collège de Saint-Bernard, fondé, en 1246, par Etienne, abbé de Clairvaux, et y délé- guèrent leurs pleins pouvoirs à deux religieux nommés Guillaume d'Auxerre et Nicolas de Rosières, et l'un d'eux, Nicolas de Rosières, lut aussitôt une déclaration par la- quelle les abbés de Cîteaux et de Clairvaux, après avoir protesté de leur bonne foi et de leur intention de se con- former à tout ce qu'avait prescrit Grégoire X, tant au nom des monastères de France qu'au nom des abbayes cister- même volume donne un Excerptum de Summa magistri jEgidii (Gilles de Lessines?) super libellum de hona fortuna, et Tun des derniers feuillets offre ces mots d"une main un peu plus récente, écrits probablement en 1297 ; Anglia, Flandria fient Francia nescia fraudis. Obtinet haec terra prae- liay praedia^ praemia laudis. (1) Cupiditalis et avaritiae febribus maculatus. Chr. WiM. mon. Egm. (2) Les Frescobaldi étaient aussi les usuriers du roi d'Angleterre. Une charte insérée dans le recueil de Rymer (I, IV, p. 73) mentionne : Emericunx de Friscobald et socios suos mercatores de societate Friscobaldorum de Florentia. (3) Anno Domini MÇC nonagesimo secundo j mensis aprilis die noua videUcet die Mercurii post festum resurrectionis Domini , circa horam vesperarum. ( 258 ) ciennes de Hongrie, de Frise, de Danemark, de Suède, d'Allemagne, d'Angleterre, de Flandre et d'Espagne, in- terjetaient appel par-devant le saint-siége et se plaçaient, eux et leurs biens, sous la protection des apôtres Pierre et Paul et de la sainte Église romaine. Les dernières lignes de la procuration donnée aux deux moines de Clairvaux sont ainsi conçues : Actum Parisius apud Sanclum Ber- nardum in capella fiospicii seu domus in qua morabatur magisler Johannes de Dunis, magister in theologia, ordi- nis Ci ster demis , regens in eodem loco in theologia , prae- sentibus venerabili et religioso viro domino abbate Sancti Germani de Pratis Parisius, domino magislro Johanne de Dunis, domino Sugero (i) olim decano Corlraci, magislro Petro de Ponteciso , régente Parisius in medicina, et Ge- rardo de Carvino dericis , et pluribus aliis testibus vocatis ad hoc etrogatis (2). Tel fut le premier acte de cette grande lutte de l'ordre de Cîteaux, champion du pouvoir religieux, contre l'ambi- tion envahissante de Philippe le Bel, lutte trop peu connue qui mérite des recherches spéciales. L'abbé de Saint-Ger- main des Prés, qui figure comme témoin dans cette pro- testation, fut appelé, quelques années après, par Boni- face VHT à l'évêché du Puy , et fut l'un des prélats qui se rendirent à Rome aux fêtes de la Toussaint 1502, malgré la défense de Philippe le Bel. Les noms de tous les autres (1) Le copiste a mal transcrit le prénom. La première lettre ressemble à wn tf et le signe abrévialif a été omis à la dernière syllabe : go. Mais les mots qui suivent : oUm decano Cortraci, suffisent pour rendre tout doute impos- sible. (2) Liber continens varias litteras , etc. MS. des Dunes. Ce document y porte le n" 559. ( 259 ) témoins , à l'exception d'un seul , appartiennent à la Flan- dre, et ceci est d'autant plus remarquable qu'en ce moment même Gui de Dampierre se séparait du roi de France pour traiter avec le roi d'Angleterre (i). L'abbé de Citeaux comprenait lui-même si bien toute l'importance de cette protestation, que le même jour, y avril i:292, il voulut reconnaître la part qu'y avait prise Jean de Weerden, en lui accordant le privilège de siéger dans l'ordre de Cîteaux immédiatement après les abbés; c'est ainsi, écrivait-il dans une lettre qui nous a été con- servée, qu'il honorait le trésor de la sagesse supérieur à tous les royaumes et à tous les rois : salularis sapientiae margaritam cunciis regnis et regibus praeferendam (2). Siger de Gulleghem, associé à la protestation de 1292, s'était déjà sans doute illustré par une résistance aussi éloquente que courageuse dans ces cours de la rue du Fouarre, où plus d'un bourgeois de la Cité put se mêler à la foule des étudiants pour l'entendre. Tout explique les impressions que reçut l'imagination ardente et forte du poète, et l'on comprend aisément que Dante ait entouré de quelques rayons d'une lumière immortelle, luce eterna, les graves pensées, pensieri gravi, et les vérités hardies, invidiosi veri, de ce vieillard qui, en présence de Philippe le Bel, des Plassian et des Nogaret, s'attristait de survivre au siècle de saint Louis et de saint Thomas d'Aquin, a morire H parve esser tarda. (1) Le sauf-conduit donné par Edouard V' à Gui de Dampierre, qui se rend en Angleterre, est du 6 avril 1 -292. Un traité fut signé le 6 mai. (Rymer, I, III, pp. 90 et 91.) (2) Ch. de Visch, Biblioth. cisterc. p. 176; Mém. de VJcadémie, XXV, lYoticèsur un MS. des Dunes, p. 40. ( 260 ) Notes pour servir à l'hisloire des sciences en Belgique pen- dant le XVIir siècle, par M. de Chênedollé, directeur du Bulletin du bibliophile belge. M. le chevalier Marchai a présenté à la classe des lettres, dans sa séance du 8 novembre 1852, une intéressante notice sur Michel Florent Van Langren, cosmographe et mathématicien des archiducs Albert et Isabelle , et ensuite de Philippe IV, roi d'Espagne (I). Le savant conservateur de la Bibliothèque de Bourgo- gne signale, pp. 415-414, les travaux du mathématicien officiel relatifs au problème difficile de la détermination des longitudes en mer, et il entre à ce sujet dans des détails curieux. La classe des sciences veut-elle bien me permettre de lui communiquer une pièce inconnue, qui prouve que Van Langren n'est pas le seul Belge qui se soit occupé de cette importante question? Un Liégeois, sur lequel je n'ai pu recueillir que des renseignements très-incomplets, a aussi consacré une partie de sa vie à la solution de ce problème : c'est Nicolas Joseph Neuray, bourgeois de la noble cité de Liège, comme il s'intitule, et ancien curé de Stembert, près de Verviers. Son Mémoire, formant 14 pages in-12, imprimé à Liège chez J.-F. Bassompierre en 17G0, nous paraît mériter l'honneur d'être reproduit dans le Bulletin de l'Académie. C'est un document qui n'est pas sans quelque intérêt pour l'histoire des sciences en Belgique au siècle dernier, époque (1) Voy. Bulletins de VJcad., t. XIX, 11^ partie, pp. 408-420. ( 261 ) qui, quoiqu'elle soit plus rapprochée de nous, est en géné- ral beaucoup moins riche en sources littéraires que les trois siècles antérieurs. L'exemplaire que je me lais un devoir de mettre sous les yeux de l'Académie, est peut- être le seul qui existe encore aujourd'hui. Je n'en ai jamais rencontré un autre, et M. de Villenfagne lui-même, ce savant académicien (1), qui a rendu tant de services à l'histoire du pays de Liège, ignorait l'existence de cette pièce volante. Tout ce qu'il a pu découvrir sur Neuray se réduit au passage suivant, inséré dans ses seconds Mélanges, Liège, 1810 , pp. 554-5o(). Je crois devoir le transcrire textuelle- ment, parce qu'il donne l'indication d'un autre travail scientifique de notre compatriote. « Je ne connais, dit-il , aucune circonstance de la vie de N. Neuray, si ce n'est qu'il obtint au concours, vers 1750, la cure de Stembert, village situé non loin de Spa, et qu'il termina sa carrière vers 1776; il s'adonna, dès sa plus tendre jeunesse, avec passion à la géométrie, et s'ap- pliqua de même avec beaucoup d'ardeur à l'astronomie. On assure qu'il avait fait dans ces deux sciences des décou- vertes intéressantes; mais Neuray, aussi simple que mo- deste, ne voulut jamais communiquer au public le fruit de ses études, et sans un événement auquel il paraît que l'Europe prit part, il ne nous resterait absolument rien de notre savant et laborieux concitoyen (2). (1) Foy. ma notice, à laquelle l'Académie a accordé les honneurs de Pio- sertion dans son Annuaire de 1857, pp. 94-103. (2) Il résulte clairement de ces lignes que M. de Viilenfagne n'avait jamais entendu parler du mémoire de Neuray, ni de ses prétentions persévérantes aux différents prix considérables, proposés, en France et en .4ngleterre, pour la solution du problème des longitudes. ( 262 ) » En 1745, on eut quelques doutes pour savoir quel jour on devait fixer les Pâques en 1744. L'Empereur in- vita tous les princes de Tempire germanique à envoyer à la diète leurs avis sur cet objet important. Son but était d'obvier aux inconvénients que peut produire la célébra- tion des Pâques en différents temps. Georges-Louis de Bergue , prince de Liège, chargea le curé de Stembert de répondre aux intentions de Sa Majesté Impériale. C'est ce qu'il fit dans un imprimé, in-folio, de 8 pages (1), qu'il dédia à Messieurs les chanoines de la cathédrale de Liège , auxquels lexercice de la souveraineté, comme s'exprime Neuray, appartenait alors, parce que Georges-Louis ve- nait de mourir. Il commence par hne quelques réflexions sur le calcul astronomique et sur les cycles; le calcul astronomique, dit-il, ou les cycles doivent nous servir de règle dans la question qu'il s'agit d'éclaircir. Il fait voir ensuite qu'en suivant le calcul astronomique, il n'est pas possible de se conformer au décret qui ordonne de célébrer les Pâques par tout l'univers le même jour. Il examine après si l'usage des cycles n'offre point une mé- thode infaillible d'accorder tout le monde. Sur ce prin- cipe, l'auteur dresse donc une nouvelle table, au moyen de laquelle le jour de la célébration des Pâques peut être exactement désigné pendant des milliers d'années, en rec- tifiant seulement de temps en temps, comme Neuray le propose dans cette table, le cycle des épactes. Il fixe, selon (1) Voici le titre exact de celte pièce : Réponse de Liège à la lettre circu- laire de S. M. I. aux princes et Etats de VEmpire, et notamment à S. A. l'évéque et prince de Liège , touchant les Pâques de Van 1744. (Catalogue de J.-L. Massau, Bruxelles, février 1848. N° 142G. Cet exem- plaire, avec notes bibliographiques de M. Massau, a été vendu 2 fr.) { 265 ) répacte, le jour des Pâques de l'an 1744 au 5 avril : on aurait pu, selon le calcul astronomique, le placer le 29 mars (1). » Les autres biographes liégeois se sont bornés à copier l'article de M. de Villenfagne en l'abrégeant, et ils n'ont ajouté aucune particularité à celles qu'il nous fournit sur le mathématicien liégeois (2). La question de la fixation de la fête de Pâques, traitée par Neuray, a souvent occupé les savants. Nous ne croyons pas inutile d'indiquer ici en passant quelques opuscules sur ce sujet, qui intéresse à la fois à un haut point les mathématiciens et les ecclésiastiques: 1° Lettre de P. Petit (l'ami de Pascal , de Descaries, de Fermât, du P. Mersenne), touchant le jour auquel on doit célébrer la fête de Pâques, avec une dissertation latine de Fr. Lèvera, romain, sur le même sujet. Paris, 1666, iii-4^ (Voy. sur la polémique que souleva cette lettre, les Mémoires du P. Niceron, t. XLII, pp. 191-192.) 2" Question de chronologie ecclésiastique : Si la fête de Pâques est toujours le dimanche après la pleine lune de mars. Douai, 1756, in-4°. 5" Dans la Clef du cabinet, imprimée à Luxembourg, on trouve un article sur le comput pascal, octobre 1763, pp. 256-260. 4° Les différentes pièces indiquées dans rexcellenle (1) M. de Villenfagne aurait pu ajouter qu'en 1744, les protestants célébrè- rent cette fête le 29 mars, et les catholiques le o avril. Foy. l'Art de vérifier les dates, édition in-S'*, t. I, p. 84. Sur cette longue controverse entre les deux communions, voy. PfefTel, Nouvel abrégé chronologique de V histoire d'Jllemagne, édit. in-8", 1777, t. II, pp. 548-551. (2) Foy. Becdelièvre, Biographie liégeoise, t. II, p. 448; H. del Vaux, Dictionnaire biographique de la province de Liège, p. 92. ( 264 ) table du Journal de Verdun, par Dreux du Radier, t. VU, pp. 103-104. 5° Dans le même recueil, postérieurement à la table, qui s'arrête à la fin de 1756, on trouve : Lettre pour prouver que Pâques n'arrive jamais dans la lune de mars. Juillet i771, p. 25. 6° Lettre sur la fêle de Pâques et sur la lune de mars, par La Lande. Journal de Paris, 1785, n° 65, p. 265; et réponse d'un anonyme, n° 70, p. 292 (reproduites dans l'Esprit des journaux , mai, même année, pp. 252-259). 7" Preuve de la juste et légale célébration de la fête de Pâques, le 5 avril 1825, par l'abbé Halma. (Dans la 5** par- tie du Commentaire de Théon, in-4% et tirage à jiart, 16 pp. in-4''.) Dix-sept ans après la publication de son travail sur la fête de Pâques, en 1760, Neuray, qui devait être déjà alors avancé en âge, revint sur la question des longitudes, à la- quelle il avait travaillé sans relâche dès l'année 1758 {grande mortalis aevi spatium , comme dit Tacite). C'est le sujet du mémoire que j*ai annoncé en commençant, et dont je verrais avec plaisir que la classe votât la réim- pression dans le Bulletin (1). C'est, en eflet, le moyen de sauver de l'oubli et de la destruction une pièce ignorée, honorable pour l'auteur, qui pourra ainsi, à la faveur de (1) L'opuscule dont l'Académie, d'après ses usages, n'a pu autoriser la reproduction, est intitulé : Mémoires tom-hant In méthode de trouver la longitude, proposée aux puissances , auxquelles elle peut être utile, dès 1738, par le sieur ÎSeuray , bourgeois de la noble cité de Liège y et dont il est encore prêt à faire la démonstration en 1760. On y voit que, déjà en 1758, jXeuray avait adressé à diverses puissances un mémoire sur sa décou- verte. Le célèbre Bruzen de la Martinière, géographe du roi d'Espagne, s'était chargé de le leur faire parvenir. Neuray transcrit deux lettres de la ( 265 ) ses deux titres scientifiques, obtenir une mention dans l'ouvrage dont M. le secrétaire perpétuel s'occupe depuis longtemps, snr l'histoire des sciences mathématiques en Belgique, et qui sera certainement pour notre pays ce qu'a été pour l'Italie le beau livre de M. Libri sur la même matière. Je crois que le travail de Neuray, dont on ne peut juger la valeur scientifique d'après son petit mémoire, rédigé à dessein d'une manière mystérieuse et, pour ainsi dire, énigmatique, est à jamais perdu, et qu'il serait impossi- ble d'en retrouver la trace. îl aura, sans doute, été égaré ou détruit après la mort de l'auteur. Notre compatriote, pour obtenir les riches récompenses offertes par de généreux particuliers et par des gouver- nements éclairés, avait à lutter contre un grand nombre de concurrents. Montucla, dans son Histoire des mathéma- tiques, continuée par La Lande, cite, t. lY, pp. 585 et sui- vantes, une quantité de livres composés sur celte question. La Lande.en indique aussi quelques-uns dans sa Bibliogra- phie astronomique y p. 946. Enfin, on peut aussi consulter la table du Journal des savants, par l'abbé de Claustre, t. VI, p. 433 , et celle du Journal de Verdun, t. Y, p. 419. Elles contiennent une énu- mération assez étendue de mémoires omis par Montucla Martinière, dans lesquelles il fait l'éloge de la science et des talents du curé liégeois. Il avait eu des relations personnelles avec lui à la Haye, où Neuiay avait fait aussi la connaissance du marquis de Fénelon, ambassadeur de France , et d'autres personnes. Il notis apprend, en 1 700, qu'il avait résigné la cure de Stembert depuis plus de quatre ans, qu'il s'était fixé à Liège, et qu'il habitait le quartier d'Oulre-Meuse. Voilà les seules données biographiques que nous avons trouvées dans le mémoire de Neuray. ( 266 ) et La Lande. Mais aucune de ces sources ne fait mention de l'opuscule, dont je m'estime heureux de pouvoir révéler l'existence à l'Académie, grâce à l'occasion naturelle que m'offrait la notice de M. Marchai sur Van Langren, le devancier flamand du Liégeois Neuray. Notice sur les causes du siège de Metz, par Charles-Quint , en 1552, avec un appendice concernant le mariage pro- jeté entre la fille aînée de cet Empereur et le second fils du roi François T; par M. le chevalier Marchai, membre de l'Académie. Après une longue suite d'années de prospérité, le siège de Metz, pendant les trois derniers mois de 1552, fut le plus malheureux événement du règne de l'empereur Charles- Quint. Ce n'est {)as à lui qu'il faut attribuer ce grand dé- sastre, mais aux conseils du duc d'Albe, qui en comman- dait en chef les opérations et qui comptait pour rien la santé et la vie des hommes. C'est ce même duc d'Albe qui depuis lit tant de mal aux habitants des Pays-Bas. L'armée de Cliarles-Quint n'a pas été vaincue, mais elle n'a pu supporter la rigueur d'un hiver insalubre et variable. Une épidémie, résultant du coucher des soldats sur la terre humide, dans des tentes, en fit périr une partie considé- rable. La levée du siège et la retraite ne furent pas une déroule. Charles- Quint en sauva, par une marche régulière, les restes maladifs, toute son artillerie et ses munitions. Le siège de Meiz a élé décrit avec la plus complète exactitude, au tome cinquième de V Histoire de Lorraine de ( 267 ) dom Calniet, et récemment, en 1847-48, dans un mémoire imprimé (le l'Académie des lettres, sciences, arts et agri- culture (le Metz, par M. Worms, membre de cette Société savante en correspondance avec notre Académie. i\l. Worms y dit que, le 10 janvier 1541 (style moderne), l'empereur Charles-Quint lit sa première entrée à Metz, alors ville libre et impériale, gouvernée par des magistrats municipaux. L'Empereur y demeura pendant trois jours, ce qui est conforme aux éphémérides des 57 années de voyages de ce prince, écrites par Yandenesse, qui le suivit jusqu'au mois de mai 1551, en sa qualité de surintendant de la maison impériale. (Voir les manuscrits 14611 , etc., de la Bibliothèque royale.) Selon cet itinéraire, l'Empereur venait de parcourir, au mois de décembre 1540, le Tournaisis, le Hainaut, Na- mur, les Ardennes. Il arriva, le l'"^ janvier 1541, à Arlon, le 2, à Luxembourg. ïl eut dans cette dernière ville [voir Pontus Heuterus), une conférence avec le duc de Lorraine, Antoine le Bon , qui ne sortait de ses États, disent les his- toriens, que pour vouloir mettre d'accord Charles-Quint et François P% et qui projetait le mariage de François, son fils et son héritier , avec la duchesse douairière de Milan, Christine, présente à cette conférence, nièce de Charles-Quint. Elle était iille de la reine Isabelle, sœur défunte de cet empereur et de Christiern, roi de Danemark; elle fut duchesse de Lorraine, en 1544; c'est elle que, quinze ans plus tard , le roi Philippe II voulait nommer gouvernante des Pays-Bas. Il préféra Marguerite de Parme. Le 15 janvier 1541, l'Empereur partit de Metz pour l'Al- lemagne. L'année suivante (1542), la guerre recommença contre François I". En 1544, TEmpereur vint une seconde fois à Metz, selon le mémoire de M. Worms, ce qui est ( 268 ) conforme à l'itinéraire de Vandenesse; mais Roberlson ne fait mention ni de ce second voyage, ni du premier. Voici ce que dit M. Worms : a Dans ce second voyage, l'Empereur eut une velléité de soumettre entièrement Melz. Il en garda les clefs; i! fut sur le point d'y établir un gouverneur, mais il en fut détourné par les conseils du cardinal de Gran- velle. » Je ferai observer que ce ministre n'avait alors que le litre d'évêque d'Arras, ayant été élu en 1538. Quelques développements au récit de M. Worms sont nécessaires, parce qu'ils concernent l'histoire de Belgique dont nous nous occupons principalement dans cette Académie. Dès le commencement de la guerre, en 1542, l'Empereur avait fait construire entre Sambre et Meuse, la forteresse de Marien- bourg. En i5i5, au mois d'octobre, une armée française, après avoir traversé la ville de Cambrai , alors impériale, et s'être emparée de la ville de Landrecies, était commandée par le roi François P', en personne. Charles-Quint était accouru pour reprendre cette ville, mais il ne put y réussir. Les deux souverains manœuvrèrent par des marches et des contre-marches tout autour de Cateau-Cambresis. Tout à coup, le samedi 10 novembre, selon Vandenesse, l'Em- pereur entre avec son armée dans Cambrai. Le 15, il y fait venir en son hôtel l'évéque Robert de Croy, qui lui était dévoilé entièrement, les chanoines et les magistrats. Il leur déclare (voir Carpenlier, Hist. de Cambrai, II , 157) qu'il avait résolu de faire construire immédiatement une cita- delle, annexée à la ville, pour empêcher à l'avenir toute entreprise de la part des Français. « Ce à quoi, dit Vande- nesse, ils ne surent que répondre. » il lit commencer les travaux; il partit le 15 du même mois pour Valenciennes. De tous ces événements, le siège de Landrecies est le seul qui soit raconté par Robertson ; mais Sepulveda, biographe ( 269 ) espagnol et contemporain de Charies-Quint, qu'il alla vi- siter au monastère de S^-Jusle, en donne quelques détails. Il n'y a donc rien d'étonnant que si l'Empereur, pour défendre l'entrée de ses provinces des Pays-Bas entre la Meuse et l'Artois, a fait fortifier Cambrai sur l'Escaut, en amont de Yalencicnnes, en 1543, et si, en l'année lo4:2, il avait fait construire Mari en bourg, qu'il ait eu l'intention, en 1544, d'établir un gouverneur à Metz, une des clefs de l'Empire, pour être aussi aux avant-postes de ses villes fortes d'outre-Meuse, dans le duché de Luxem- bourg, en amont de Thionvillesur la Moselle; car par une continuation de ce même système d'une ligne non inter- rompue de forteresses, il lit construire, en 1545 : 1° Phi- lippeville, pour réparer la perle toule récente de Marien- bourg; 2° Charlemont, au-dessus de Givet sur la Meuse, en amont de Bouvigne, de Dinant et de Namur. Le prince d'Orange eut la direction des travaux de ces deux forte- resses, qu'il faisait bâtir à la barbe des Français, comme il l'écrivait à sa femme {voir sa correspondance publiée par M. Groen van Prinsterer, I, i4), et qui en quitta les travaux, le 15 octobre, étant appelé à Bruxelles pour l'ab- dication de Charles-Quint. Revenons à la campagne de 1544; le succès en fut si complet que la nomination d'un gouverneur en la ville de Metz devint inutile; on va voir cependant que si elle s'était effectuée, Henri II, roi de France, en 1552, ne s'en serait pas emparé par surprise. La campagne de Charles-Quint en 1544, contre Fran- çois l'% est l'apogée de la gloire et de la puissance de cet Empereur. Au commencement de l'année, il était en Alle- magne; au printemps, il vint à Spire, prétextant l'occa- sion d'y célébrer le mariage du comte Lamoral d'Egmond ( 270 ) avec Sabine (le Bavière, fille de Télecleur palatin. A ce mariage , dont les fêtes sont décrites à la date du mois de mai par Vandenesse, le roi des Romains, frère de l'Empereur , les archiducs et beaucoup de princes souve- rains de l'Empire furent invités. Charles-Quint y faisait, au milieu des plaisirs, les préparatifs d'une expédition au cœur de la France, et il y attendait que Henri VIIÏ, roi d'Angleterre , redevenu son allié , en 1545 , depuis la mort de Catherine d'Aragon , sa tante , eût opéré un débarque- ment de troupes anglaises à Calais, commencé le siège de Boulogne et menacé d'envahir la Picardie. Cette alliance était la contre-partie de celle que François V venait de faire avec Soliman ÎI, empereur ottoman, qui devait atta- quer la Hongrie. J'y reviendrai ultérieurement. L'armée de Charles-Quint, composée d'Allemands et de Flamands, parmi lesquels le comte d'Ëgmond avait un commandement, se mit en marche : Charles-Quint fit sa deuxième entrée à Metz, le 1 G juin 4544. H y attendit d'au- tres troupes qui arrivaient d'Italie. Antérieurement , une armée française commandée par le duc d'Orléans, second fils du roi François ¥% avait conquis le Luxembourg mé- ridional , qui est au nord de Metz : mais il se retire pré- cipitamment à l'approche de l'armée impériale, passe la Meuse dans les Ardennes et abandonne 40 pièces de grosse artillerie et d'autres canons. Le 10 juillet, l'armée impériale, réunie à Metz, se dirige surPont-à-Mousson; elle passe ensuite la Meuse. Le 24, elle s'empare de Vitry; le 8 août, après un siège mémorable où se distingua le comte d'Ëgmond , elle entre dans S^-Dizier. Les armées du roi François V se retirent, étant dans l'im- possibilité de résister aux troupes impériales. Le roi était alorsmaladeauxenvironsde Paris. Brantôme nous apprend ( 27i ) (voy. Histoire de François ï^, par Gaillard, t. I, p. 585) que ce prince dit à la reine Marguerite de Navarre, sa sœur qui avait épousé le roi Henri d'Albret: a Allez-vous- eu à l'église, faites à Dieu la prière que, puisque son vou- loir est tel d'aimer et de favoriser l'Empereur plus que moi, il fasse au moins que je ne le voie pas campé devant la principale ville de mon royaume. » Elfectivement, selon le manuscrit 14045, l'armée de Charles-Quint , après s'être emparée de Château-ïliierry , d'un côté, de Soissons d'un autre côté, étant à Compiègne le 2 septembre, n'était éloignée de Paris que d'une journée et demie de la marche d'un cheval. La peur faisait partir de Paris l'élite de la population : Complures ex opulentissimis ipsa Luteiia, ab qua itinere equestri vix sesqui cliei aberamus relicta, in Aquitaniam usque, trans Ligerim fugerant. C'est par un itinéraire à peu près semblable, que les coalisés, en 1792, pénétrèrent jusqu'à Valmy, et qu'en 1814, les alliés manœuvrèrent jusqu'à Paris. Tout l'itiné- raire de Charles-Quint est tracé par Vandenesse avec beau- coup plus d'exactitude que par les autres historiens. Le roi François I", dans cette extrémité, eut une entre- vue avec Charles-Quint. Un traité de paix fut signé à Crépy en rile-de-France (v. MS. contemporain 7581 ) et non en Laonnais, le 18 septembre : c'est en partie l'œuvre de Gran- velle, qui négocia le traité au nom de l'Empereur et qui, d'ailleurs, nous en informe au tome III de ses Mémoires. J'en ferai connaître, à l'appendice de cette notice, les arti- cles qui concernent spécialement nos provinces belges. Quatre jours plus tard, le 22 septembre (v. MS. 14455 des Olim du parlement de Paris), François F"" fit publier le traité de paix dans la capitale de la France. Le roi, est-il dit dans la publication, pour rassurer les habitants, avait vu , Tome xx. — P^ part. 18 ( 272 ) par le voyage qu'il venait de faire par-devers l'Empereur, que si jamais il y a paix perpétuelle , celle-ci le serait, et que ledit Empereur avait bien bonne volonté de la garder et entretenir, et que tous deux ils avaient grande afléction d'extirper les hérésies de leurs États respectifs. En 1547, le roi François I" mourut. Henri II, qui lui succéda, détestait Charles-Quint. Les lettres de S^-Morisse (v. i\îS. 1G078), ambassadeur de cet Empereur à la cour de France, le disent formellement. La reine Éléonore, sœur de Charles-Quint et veuve de François P"", se retira sans douaire et vint auprès de son frère à Bruxelles. Le roi Henri II, voulant attaquer plus directement Charles-Quint que par l'alliance avec la Porte Ottomane, comme l'avait fait son père, traita, le 5 octobre 1551, avec les princes protestants de l'Empire; il ratifia ce traité à Chambord , le 5 janvier 1552. Dans le préambule (v. Di- plomatique de Dumont), les affaires de religion sont lais- sées en dehors du traité; mais les princes protestants, y est-il stipulé, veulent empêcher leur chère patrie, la Germanie, de tomber dans une bestiale servitude, comnie l'Espagne. Ils marcheront contre l'Empereur avec l'alliance du roi de France. « Nous avons trouvé bon, y disent-ils, que ce roi s'impatronise des villes de l'Empire qui ne sont point de la langue germanique , à savoir : Cambrai , Toul , Metz, Verdun et autres, et qu'il les gardera comme vicaire du S'-Empire, non-seulement comme ami, mais aussi comme protecteur charitable. » En celte qualité, au commencement de l'année pascale 1552, le roi, à la tête d'une armée dans laquelle il y avait l'élite de ses gentilshommes, passe la Meuse à Commercy , occupe militairement la ville impériale de Toul et le duché de Lorraine : il vient établir son camp devant Metz , ayant (273 ) 16 pièces de canon et double canon , 0 grandes et longues couleuvrines, G moyennes, 12 bâtardes et 2 paires d'orgues, pièces d'artillerie alors nouvellement inventées. (Voir les Commentaires du sieur de Rabutin, p. 29, éd. de 1555.) Dans une revue, le 18 avril 1552, il dit à ses gentils- hommes : d Je ne doute plus, à ce que je vois, qu'il ne tiendra qu'à moi, au lieu d'être le protecteur de l'Empire, que je ne me fasse Empereur. » Le roi, selon les Mémoires du maréchal de Vieilleville, qui était présent, avait l'inten- tion de conquérir tout le territoire de l'ancien royaume d'Austrasie. Un autre ouvrage historique sur la conquête de la pro- vince des Trois-Évêchés a été publié, en 1842, en Alle- magne, dans le recueil intitulé : Ilistorisches Taschenbuch, dont M. Frédéric Raumer est l'éditeur. Cet important mé- moire a pour titre : Der Rauh der drei Bisthûmer Metz, Tuil und Verdun im Jahre 1552, etc.; Fauteur est M. Scherer. On y trouve les explications les plus détaillées sur cette usurpation des Trois-Évêchés, jusqu'à leur cession déli- nitive à la France, en 1648, par le traité de Westphalie. En effet, le roi Henri II , usant de subterfuge pour oc- cuper militairement la ville libre et impériale de Metz, demande aux magistrats de pouvoir la traverser person- nellement avec les officiers de sa maison. Mais, le 21 avril 1552, au lieu de sa seule maison, il y fait entrer son armée. Le maître, les échevins et les treize jurés de la ville (voir Dumont) sont admis à lui prêter serment, afin qu'il veuille la prendre en sa bonne protection , sans pré- judice toutefois, y est-il stipulé en termes formels, aux droits du Saint-Empire. Malgré ce droit, cette ville devint française dès ce moment. Le roi en nomma gouverneur son lieutenant général, le maréchal de la Vieilleville; mais ( 274 ) celui-ci , comme il le dit lui-même dans ses Mémoires , n'ac€epta point cet emploi. Il représenta au roi qu'au lieu d'un gouverneur dans une ville où il commençait la guerre pour l'indépendance de l'Empire, il fallait laisser l'autorité au maître et aux échevins, et leur adjoindre huit capitaines de vieilles ban- des, pour le passage des troupes et le service des vivres. « Car si les États de l'Empire (telles sont les expressions du maréchal de Vieilleville) , voient que vous mettez ainsi des lieutenants par les villes où vous passerez, vous per- drez, par ce moyen, Strasbourg, Spire, Worms et d'au- tres, qui sont sur le Rhin. » C'est ce qui arriva; Strasbourg ne voulut point ouvrir ses portes au roi lorsqu'il se présenta devant cette place. Bien plus encore, les trois Électeurs ecclésiastiques du Rhin , lui adressèrent des plaintes sur les dévastations que son armée faisait sur leurs territoires respectifs. Il faut dire cependant que le roi avait donné les ordres les plus sévères pour les empêcher. On lit dans un écrit contem- porain, publié en Allemagne (voir Mémoires de Vieille- ville) : Hostis pro hospite , sub spe et pde protecHonis , Germaniam invcmt , et proditorie cum omni perfidia , Me- lim , Tullum, Verdunum olim Sancii Imperii amplissimas et immunes civiiates, sibi ascissere ausu.'i est. Pendant celte invasion pour reconquérir l'ancienne Aus- Irasie, Marie, reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, ravageait la Picardie avec une armée , ce qui força le roi Henri H de revenir à Paris, après avoir installé, à Metz, un autre gouverneur que le maréchal de Vieilleville. H nomma ensuite, au commencement du mois d'août, le cé- lèbre François de Lorraine, duc de Guise, commandant en chef de toutes les places qu'il avait conquises en Lor- (270) raine. La garnison de Metz se composait de 8,500 soldats de troupes d'élite, tant en infanterie qu'en cavalerie : elle était commandée par les plus habiles olïiciers de France. Je dois citer entre autres Bertrand de Salignac, un des ascendants collatéraux de l'immortel Fénelon. ïl a écrit une relation de ce siège, qui fut imprimée. Le roi envoya aussi à Metz le savant chirurgien Ambroise Paré. Ces préparatifs du roi de France étaient motivés sur ce que l'Empereur, qui était en Allemagne, venait de faire la paix avec les princes protestants, ce qui mécontenta le roi, dont ceux-ci abandonnaient l'alliance, dit le prési- dent de Thou , liv. X , Historia sui temporis. En elïét, le 2 août 1552, Ferdinand , roi des Romains, frère de l'Em- pereur, avait signé avec eux le traité de Passau , que l'Em- pereur ratifia le 15 du même hiois. Par ce traité, la liberté de conscience leur était définitivement laissée, et chacun des deux partis conservait les avaniages qu'il avait acquis. Par la paix de Passau, l'Allemagne fut tranquille jusqu'à l'époque de la guerre de trente ans, en 1008. L'Empereur étant à Augsbourg, le V septembre 1552, écrivait à son frère : « J'ai ratifié ce traité seulement pour votre respect , ce je n'en avais que faire. Je l'ai fait pour le respect des princes de l'Empire. » {Voir sa correspondance publiée par M. Lantz, en 1816, t. IV, 485.) Un témoignage de sa bonne foi se trouve au texte de Pontus Heuterus : Templa aliquot protestantibus , aliquot catholicis restiluit. Telle fut sa conduite à Augsbourg. Le 15 septembre, il entre dans Strasbourg; il vint de là à Haguenau et ensuite à Landau , pour se préparer à la grande opération du siège de Metz. Il ne peut aller plus loin que Thionville, y étant retenu par la goutte et ne pou- vant pas même faire usage de sa main droite pour écrire, ( 276 ) comme il en fit informer la reine de Hongrie, sa sœur. Il donne le commandement en chef de son armée au duc d'Albe, avec le litre dégénérai du camp impérial (San- doval, II, 556). Le duc d'Albe avait été, en 1545, capi- taine général de Espana, mayordomo mayor y del consejo de Estado. Le comte d'Egmond fut placé k la tête d'un corps de troupes. On dit vulgairement que l'armée impériale était de 100,000 hommes; l'Jrt de vérifier les dates la réduit à 90,000 hommes; notre honorable collègue, feu M. Dewez, à 00,000 hommes. {Voir son texte de V Histoire Belgique, et plusieurs autres historiens.) Léti, biographe de Charles-Quint, assure, d'après les rapports les plus désintéressés, dit-il, qu'il y avait 44,000 hommes d'infanterie, 10,000 de cavalerie, et que ce fut seulement, après le commencement du siège , que le mar- quis de Brandebourg arriva avec 20,000 hommes d'infan- terie et 5,000 hommes de cavalerie, ce qui faisait un effectif de 77,000 hommes. Sandoval (p. 556) fait monter l'armée en infanterie, à 6,000 Espagnols, 4,000 Italiens, 49,000 Allemands et Flamands; en cavalerie, à 10,000 chevaux; ce qui fait 59,000 hommes d'infanterie , plus 10,000 de cavalerie. Il y ajoute 5,000 chevaux du train. Il dit aussi qu'il y avait 4,000 quintaux de poudre. Selon Sepulveda, il y avait 46,000 hommes d'infanterie, Allemands et Flamands , 4,000 Italiens, 6,000 Espagnols , 10,000 hommes de cavalerie allemande; il ajoute que le marquis de Brandebourg amena 12,000 hommes d'infan- terie et 1,500 de cavalerie. M. Worms (voy. p. 507 de son Mémoire) indique 42,000 Allemands, 8,000 Espagnols, 4,800 Italiens, 12,000 hommes des troupes de l'Empereur, total (î6,800 hommes, plus 7,000 pionniers et les che- (277) vaux du train. Selon dom Calmel, p. 700, il y avait 14 ré- giments, 165 enseignes de lansquenets, 27 enseignes es- pagnols, 4,G00 Italiens, environ 12,000 chevaux et 7,000 pionniers. Il y avait aussi 114 pièces de canon. Toute cette multitude était nécessaire, non-seulement pour couvrir le siège, mais pour garder la circonvallalion de Tallaque sur une ligne de plus d'une lieue, interrompue par deux rivières, la Moselle et la Seille. Je demande la permis- sion de rappeler qu'à cette époque, on ne connaissait que l'usage de la tranchée de première circonvallalion, in- ventée par Jules- César, au siège d'Alise, et renouvelée pendant les guerres contre les Anglais, au temps de Char- les Vil; elle ne fut perfectionnée qu'en 1558, au siège de Thion ville. Ce n'est qu'en 1075 que Yauban inventa les parallèles pour approcher de la brèche. Les Commentaires du sieur de Rabutin, publiés en 1555, attestent que plusieurs officiers généraux de l'Em- pereur avaient donné le conseil , lorsque larmée s'appro- chait de Metz, au mois d'octobre, de reprendre d'abord, à cause de la saison qui était très-avancée, toutes les pe- tites places que l'armée française occupait, et d'attendre le printemps pour commencer le siège de Metz. Le duc d'Albe (voy. Sepulveda, II, p. 450) fut presque le seul d'avis de commencer immédiatement le siège : ObsidencU autem consilio dux ipse Albanus pœne solus auctor fuit , idcjue Carohis per Utteras et nuncios probavil. C'est donc au duc d'Albe, comme je l'ai dit en commençant celte notice, qu'il faut attribuer la catastrophe de ce siège, en- trepris intempestivement. Le 19 octobre, Charles-Quint ne pouvait partir de Thion- ville à cause de sa maladie, mais le duc d'Albe lit investir la place; le duc de Guise fit sortir un corps d'arquebu- (278 ) siers. Il y eut un premier engagement par un temps plu- vieux. L'investissement fut presque complet, ce qui me paraît signifier que la circonvallation fut à peu près ache- vée par les 7,000 pionniers, vers le milieu du mois de novembre. Je ne décrirai pas les opérations de l'attaque et de la défense, qui furent d'une valeur égale de part et d'autre. Je me réfère aux écrits de Salignac, de dom Calmet et de M. Worms, qui avaient une connaissance pratique des localités: je ne dois d'ailleurs rendre compte que des causes et des résultats de ce siège. L'empereur Charles-Quint se fit transporter en litière, le 20 novembre , au camp devant Metz : trois batteries tirèrent, pendant ce mois et tout le mois de décembre, 13,300 à 14,000 coups de canon. Le bruit de l'artillerie fut entendu jusqu'à Strasbourg. Avant le siège, le duc de Guise avait fait sortir de la place toutes les bouches inutiles. Il avait fait apporter dans la place tous les vivres qu'il avait fait recueillir jusqu'à trois lieues de distance. Il avait fait démolir, au dehors, cinq abbayes, d'autres édifices et même les plus simples habitations. L'historien Ullon, officier de Charles-Quint, nous apprend (édition de 1575) que dès le commencement du siège, l'armée impériale souffrait de la famine, à cause de la difficulté d'y apporter des vivres et du mauvais état des chemins. En effet, il y avait une transition continue de la pluie à la neige, de la gelée au dégel. L'armée assié- geante, comme je l'ai dit, devait camper sur une terre humide dans des tentes et des pavillons, pendant les plus courts jours de l'année. Selon le témoignage de l'historien Ponlus Heuterus, qui avait, dit-il lui-même, deux de ses neveux à ce siège, une maladie épidémique faisait les plus grands ravages : Milites alvi solutione ac torminum dolori- ( 279 ) bus correpti, dissenteriam graeci vocant, magno numéro inleribanl. On fait élever vulgairement à 40,000 le nombre des soldats qui moururent de cette épidémie. Sans doute, il y a exagération. Dom Calmet le réduit à 20,000; mais il faut ajouter à cette catastrophe une autre cause de di- minution de l'eUéctif des troupes, la désertion. Quelques historiens disent, qu'entre autres, les Italiens s'en allaient dans leur pays par bandes de dix à douze hommes. Le 20 décembre, Guillaume de Nassau, prince d'Orange, écrivait de Thionville à sa femme : de sa splendeur et de sa décadence? » ( 285 ) Le prix se composerait donc de 1,200 francs, ajoutés à la médaille académique (600 fr.). — M. le Ministre de l'intérieur communique deux let- tres de MM. Bal et Carlier, lauréats des grands concours de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers. M. J. Bal témoigne le désir de pouvoir prolonger de trois mois son séjour à Rome, pour l'achèvement de sa gravure d'après le tableau de M. Gallait : la Tentation de saint Antoine. M. Carlier, lauréat du concours de peinture, rend compte de ses impressions à Rome, et promet, pour cette année, un tableau dont il n'indique pas le sujet. — M. Petit de Rosen exprime le désir de voir prendre un dessin exact du médaillon sculpté en ivoire qu'il a dé- crit dans une notice communiquée précédemment à l'Aca- démie. RAPPORTS. Sur une messe de morts composée par M. Gevaert, Kappot*! tfe J9S. Féti». c L'ouvrage soumis à l'examen de la classe ))nr M. le Ministre de l'intérieur, et qui porte le titre de Missa pro defunctis, auctore F.-A. Gevaert, m'a paru digne d'atten- tion , en ce qu'il rompt avec les habitudes du style drama- tique qui se sont introduites dans la musique d'église { 286 ) depuis plus d'un demi-siècle, et qui sont arrivées jusqu'à l'abus dans ces derniers temps. L'auteur s'est proposé de donner à sa composition le caractère à la fois austère et triste réclamé par le sujet : son intention , à cet égard, est très-digne d'éloges; mais la voie dans laquelle il s'est en- gagé était-elle la meilleure pour atteindre son but? C'est ce que je vais examiner. Jusqu'à la fin du XVP siècle , la musique religieuse a été ce qu'elle doit être, c'est-à-dire l'expression simple, dévote et dépouillée de passion des sentiments qui nous portent à prier. Son principe tonal, plus encore que ses formes accidentelles, lui donnait ce caractère; car la tonalité de toute musique était alors celle dans laquelle se formulè- rent les chants des premiers chrétiens, celle qu'on entend encoie dans le chant ecclésiastique. Plus tard, lorsqu'un accord nouveau introduit dans l'harmonie eut créé pour l'art une tonalité nouvelle, des attractions de sons aupa- ravant inconnues, et des accents propres à exprimer les passions, la musique d'église subit à son tour l'invasion de ces nouveautés, et son ancienne austérité disparut. Pales- trina avait été le plus grand des compositeurs de musique d'église : il fut le dernier; car la transformation de l'har- monie et de la tonalité se fit immédiatement après lui. Insensiblement les messes, les motets, les psaumes même se rapprochèrent des formes de l'art nouveau ; cependant ce ne fut que vers le milieu du XVIIP siècle qu'une sorte de tendresse mystique, s'emparant des artistes, leur fit donner à l'expression de l'amour divin de l'analogie avec celle (le l'amour terrestre. Les litanies de Durante, le Stabal Mater de Pergolèse et le Miserere de Jomelli mar- quèrent le point de départ dans cette direction de la musique religieuse. Je ne parle pas de la dégradation où ( 287 ) tomba ensuite cette musique, par la condescendance qui porta les compositeurs à écrire, pour des chanteurs ha- biles, des solos surchargés de fredons et de roulades où les textes sacrés et la musique étaient en opposition mani- feste. Les plus grands maîtres ne résistèrent point à cet entraînement : leur faiblesse fut la cause de la ruine totale du style religieux. Mozart, qui , lui-même, n'était pas à l'abri de tout re- proche à ce sujet, ayant subi dans sa jeunesse la fâcheuse influence du mauvais exemple; iMozart, dis-je, obéissant à ce sentiment exquis du beau , qui lui fît enfanter tant de chefs-d'œuvre dans les treize dernières années de sa vie, donna tout à coup le modèle de la musique d'église la plus suave, la plus pure, la plus parfaite qui pût exister dans la tonalité moderne : ce modèle précieux est VAve verum à quatre voix avec un simple quatuor d'accompagnement. Dans sa célèbre messe de requiem, que la mort ne lui donna pas le temps d'achever, il eut encore de ces inspi- rations, bien qu'il y ait cédé davantage au penchant dra- matique. Après lui, ce penchant s'est développé de plus en plus. A la multiplicité des harmonies attractives et des accents passionnés sont venus s'ajouter tout le luxe de l'instrumentation moderne, tout le fracas de notre bruyante époque. Le drame et ses écarts ont été transportés dans le sanctuaire, et la prière n'a plus été qu'un prétexte pour la libre allure d'une musique sans but. C'est en opposition à cet égarement que M. Gevaert paraît avoir conçu sa messe de morts. Son chœur n'est composé que de ténors et de basses; le violoncelle et la contre-basse forment toute l'instrumentation de V Introït, du Kyrie, de V Offertoire, et du Pie Jesii; deux trompettes et trois trombones s'y réunissent dans la Prose, dans le Tome xx. — P^ part. 19 ( 288 ) Sanctus et dans ÏAgnus Deù II y a peu de ressources dans de semblables combinaisons; car le compositeur y est privé des heureuses oppositions des voix blanches d'en- fants de chœur ou de femmes aux voix d'hommes, et l'orgue, qu'on peut appeler le véritable orchestre de la musique d'église, ne s'y fait pas entendre. Le compositeur s'est donc créé lui-même l'obstacle presque invincible de la monotonie. L'objet important que M. Gevaert parait s'être proposé, c'est de transporter les formes de la musique du XYP siècle dans la tonalité moderne, et c'est, en même temps, de mettre çà et là en opposition ces deux tonalités. Je crois qu'en cela il s'est trompé; car la mélodie, qui est le carac- tère distinctif et la conséquence de notre tonalité, ne peut trouver de place dans ces formes ni dans cette opposition. De là l'absence absolue du charme mélodique dans toute l'œuvre de M. Gevaert; absence sur laquelle le composi- teur n'a pu se faire illusion , et qui paraît même être entrée dans son plan. M. Gevaert fait un usage très-fréquent de ces passages d'un ton à un autre sans analogie par des accords parfaits plaqués, au moyen desquels plusieurs maîtres du XVP siècle essayaient de suppléer à la modula- tion que ne pouvait leur donner l'ancienne tonalité. Ce moyen est sans objet dans notre musique. Quelques com- positeurs modernes, Lesueur entre autres, en ont pour- tant usé dans leur musique d'église, afin d'en tirer un efl'et original; mais ils n'ont abouti qu'à l'élrangeté. Ce n'est pas que, dans un cas exceptionnel, on ne puisse, comme moyen de variété, ou pour une expression par- ticulière, user de ce moyen de transition; mais on en doit être avare comme de tout ce qui manque de charme. L'incertitude du ton était la conséquence naturelle de la ( 289 ) tonalité du plain-diant appliquée à la musique; mais habi- tués que nous sommes à notre tonalité déterminée , cette incertitude nous est antipathique. Or, je la trouve partout dans la messe de M. Gevaert. Cet inconvénient, l'absence de mélodie, la monotonie qui résulte inévitablement de l'emploi constant des mêmes espèces de voix, sans oppositions, le retour fréquent des mêmes effets avec une instrumentation trop bornée, voilà ce qui m'a frappé dans l'examen de la messe de M. Ge- vaert. Et pourtant cet ouvrage est celui d'un artiste déjà très-habile dans l'art d'écrire; on y remarque une grande intelligence de distribution, une adresse singulière dans l'agencement des voix , un certain caractère de grandeur et de gravité, réunion de qualités qui prouvent que l'auteur ne s'est trompé que dans le choix du système de son ouvrage. Avant de terminer, je crois devoir prévenir des objec- tions qui pourraient m'étre faites concernant l'opinion que je viens d'émettre. On pourra me dire : vous regrettez la musique d'église de Palestrina, et vous considérez la gra- vité de son caractère et de ses formes comme le plus convenable pour ce genre de musique : pourquoi ne voulez- vous donc pas qu'on s'en rapproche autant qu'il est possi- ble, et qu'on fasse alliance des propriétés de cette ancienne musique et de celles de la musique moderne? Je réponds qu'on peut aimer le passé, l'admirer et jouir avec délices de ce qu'il a produit, mais qu'on ne le refait pas. Quant à l'alliance des propriétés de l'ancienne musique et de celles de la musique moderne, je dis qu'on ne peut pas plus faire la synthèse de choses qui s'excluent par leur propre nature qu'on ne peut faire celle du jour et de la nuit. La tonalité moderne créée par l'harmonie, dans les dernières ( 290 ) années du XVP siècle et au commencement du XVIl^ , est antipathique à l'ancienne : elle a donné naissance à un art nouveau : c'est dans les conditions de cet art qu'il faut chercher une musique religieuse nouvelle. Que si l'on met en doute la possibilité de son existence dans les attrac- tions harmoniques et avec le caractère mélodique de cet art nouveau, je répondrai que le problème a été résolu par Mozart dans son Ave verum, et que ce grand homme a montré la route qu'il faut suivre pour arriver à la perfec- tion , autant qu'il est donné à l'humanité de l'atteindre. Je conclus à ce qu'il soit donné des éloges à M. Gevaert pour l'habileté dont il a fait preuve en écrivant sa messe dans des conditions désavantageuses, et à ce que la classe prie M. le Ministre de l'intérieur de lui communiquer ce rapport, afin de flxer son attention sur les points princi- paux de la critique. » Ces conclusions, auxquelles se sont ralliés les deux au- tres commissaires, seront transmises à M. le Ministre de l'intérieur avec le rapport de M. Fétis. Sur la partition manuscrite d'un opéra en 5 actes intitulé LE COMTE d'Egmont. Happovt de JRf. Fétis. « Si l'on en juge par l'aspect général de la partition, l'opéra soumis à l'examen des commissaires désignés par la classe des beaux-arts est l'ouvrage d'une personne qui a l'habitude d'écrire pour la musique militaire, et qui con- (291 ) naît les combinaisons (rinstrumenls à vent, mais qui a fait peu d'études d'iiarmonio, car cette composition ne se distingue ni par la pureté du style, ni même par le sen- timent d'une bonne basse harmonique. La partition du Comte d'Egmont n'est pas dépourvue de mélodie; mallieureusenienl cette mélodie est souvent vulgaire; elle est d'ailleurs presque partout étrangère à l'expression dramatique, et remplie de répétitions fasti- dieuses. Le récitatif, qui, souvent se prolonge sur l'intonation d'une seule note, est la partie la plus défectueuse de l'ou- vrage, parce que, d'une pan, il est entaché de monotonie; que, de l'autre, les intona lions y sont souvent opposées au sentiment d'une bonne déclamation , et parce qu'enfin , ses accompagnements manquent d'effet et de variété. Au résumé, la partition du Comte d'Egmont ne peut être considérée que comme l'œuvre d'une personne dont les études musicales ont besoin d'être rectifiées, et dont l'inex- périence de l'effet scénique est absolue. 11 m'est donc im- possible de lui donner mon approbation. -» Les conclusions de ce rapport, auxquelles ont souscrit les deux autres commissaires, seront communiquées à M. le Ministre de l'intérieur. { 292 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Le livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantois. (1358 à 1539 — 1574 à 1712). Notice de M. Edm, De Bnsscher, correspondant de l'Académie. Les plus vieux documents relatifs aux corporations, gildes ou confréries de peintres et sculpteurs des diverses villes de la Belgique ne nous renseignent guère plus loin que le XY^ siècle. La gilde de S*-Luc d'Anvers, la plus ancienne peut-être du pays, ne sort, pour nous, de l'obscu- rité qui l'environnait, qu'en 1434, grâce aux investiga- tions historiques du baron Van Ertborn (1). La confrérie de Bruges ne nous apparaît également que vers le milieu du XV^ siècle, et, de la corporation de Gand, nous ne connaissions, pour ainsi dire, que l'existence; nous avions perdu de vue le peu de renseignements artistiques men- tionnés par les auteurs qui ont écrit sur la riche et glo- rieuse cité flamande. Et cependant , depuis plusieurs années se conservait au dépôt des archives communales de Gand un document plein d'intérêt pour l'histoire de l'art plastique dans les Flandres. C'est le livre original ou registre de la corpora- tion gantoise des peintres et sculpteurs, qui nous donne, (1) Geschiedkiindige aenteekeningen aengaende de S'-Lucas gilde en de Rederyk kamers van den Olyftak, de Yiolieren en de Goudbloem te Jntwerpen y door J.-C-E. b.iion Van Ertborn. — AnUverpen, 1822. ( 29-. ) de 1358 à 1559, ces t-ît -dire jusqu'à la suppression des privilèges des corps de métiers de Gand, après Tinsurrec- lion de 1558-1559, et ensuite depuis la réorganisation de la corporation en 1574 jusqu'à 1715, à quelques lacunes près , la liste des doyens, jurés et francs-maîtres du métier, ainsi que les statuts organiques, les ordonnances régle- mentaires et des annotations concernant certaines contra- ventions ou dérogations aux privilèges et franchises de la corporation. Ce MS., de formai petit in-folio, provient de la biblio- thèque Delbecq, et porte sur la teuille de garde l'inscrip- tion suivante : « Monsieur Jacques Clemens, chanoine de l'église de » S^-Bavon , était de son temps le protecteur prononcé des » artistes peintres et sculpteurs à Gand. Il conservait dans » sa belle et riche collection de tableaux, de sculptures et » de manuscrits, le livre qui autrefois appartenait à la » corporation des peintres de la ville de Gand. Monsieur » Dominique-Bernard Clemens, son frère, aussi posses- 2> seur d'une grande et belle collection de tableaux, reçut D ledit livre des mains de son frère, en 1777. Ce manu- j» scrit intéressant n'a point figuré dans la vente des » tableaux et des livres de feu M. Dominique -Bernard » Clemens, tenue le 2 juin 1788. » Cette déclaration a été donnée par Dominique Mee- » resone, ayant été au service de feu M. le chanoine Clé- y> mens. i) Signé: J.-B. Delbecq. » Nul autre (ivre de la corporation gantoise des peintres et sculpteurs ne nous étant connu, il résulte de la déclara- tion et des détails recueillis par M. Delbecq, que l'authen- ticité et l'origine du document qui va nous occuper ne ( 294 ) laissent aucun doute. Nous pouvons accepter comme véri- diques les renseignements qu'il nous transmet. La corporation des peintres et sculpteurs gantois, comme la plupart des gildes et confréries artistiques, s'était mise sous le patronage de saint Luc. Une miniature sur par- chemin, qui semble peinte vers la fin du XVP siècle, est placée en tête du volume, et représente le saint évange- liste. Au bas de la miniature se voit le blason de la cor- poration gantoise: d'azur aux trois écus d'argent 2 et 1 (1). Les auteurs qui ont écrit sur l'histoire de la peinture et de la sculpture en Belgique, ou qui ont publié des diction- naires des peintres et sculpteurs, ne remontent que jusqu'au commencement du XV^ siècle, et encore, leurs données sur ces premiers temps ne sont souvent que des hypothèses ou des inductions. Le livre de la corporation gantoise des peintres et sculpteurs recule cette limite de plus d'un demi-siècle pour la capitale de l'ancienne Flandre. Nous y trouvons la série complète des doyens et des jurés du métier, les noms de tous les maîtres-peintres et sculpteurs à qui fut accordée la franchise de profession dès 1558. Malheureusement, depuis cette époque jusque vers la fin du règne de la dynastie de Bourgogne, en Flandre, la majeure partie des artistes enregistrés nous sont aussi inconnus que leurs oeuvres. Il y a impossibilité de distin- guer les peintres de tableaux des peintres décorateurs; les miniaturistes des enlumineurs, les simples sculpteurs des statuaires ou tailleurs (Tymaiges, ainsi qu'on les nommait alors. Sans doute, il dut y avoir parmi eux bien des artistes de mérite, bien des noms que l'on pourrait mettre au bas (1) Les armoiries de lagilde des peintres d'Anrers élaienl, selon le baron Van Erlborn , de gueules aux trois écus d'argent. ( 295 ) de ces vieilles loiles, de ces antiques panneaux où se ré- vèle déjà la lueur qui précéda l'aurore de l'école flamande. Mais nous devons renoncer, pour le moment, à les tirer (le leur obscurité; le livre de la corporation gantoise ne nous présente ni directement, ni indirectement les indices qu'il nous faudrait pour nous guider dans ce chaos. Néan- moins, comme il est bon d'y appeler la lumière, la nomen- clature des peintres et sculpteurs de 1538 à 1559 sera publiée dans les Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, avec des notes explicatives de M. Félix de Vigne. Ces notes ne se rapporteront qu'aux XV^ et XVP siècles; toute la seconde moitié du XI V^ siècle restera dans l'ombre. A défaut d'éclaircissements sur la vie et les productions des artistes peintres et sculpteurs qui au XIV^ siècle ap- partenaient, en qualité de francs-maîtres, à la corporation gantoise, le manuscrit nous initie aux us et coutumes du mé- tier. Il nous donne les statuts organiques d'avant et d'après la concession Caroline. Le premier règlement (Oerden ofte schicMnghen in den ambochte van de scilders ende beelt- snijders binnen GhendtJ , règlement octroyé par le collège échevinal, est daté de 1558, sous la magistrature de Jean Speliaerts, premier échevin du banc de la keure, le mer- credi avant la Toussaint. Ce document n'a aucune analogie avec les statuts des autres corps de métiers, lesquels, non- seulement à Gand, mais dans toutes les villes flamandes, semblent, dans leurs stipulations, procéder du même type. Il est très-court et tout à fait inhérent à la double profes- sion plastique (1). En voici les dispositions essentielles : (1) Une ordonnance relative au choix du doyen, des jurés, et aux épreuves de maîtrise, a dû précéder ou accompagner ce Règlement de novembre 1358. ( 296 ) l** Nul n'avait droit à la profession dans le métier des peintres et sculpteurs gantois, nid'yêtre reçu franc-maître, s'il n était domicilié dans la ville de Gand; 2" Le franc-maître payait à la corporation , lors de sa réception , six livres de gros; aux doyen et jurés, lors du banquet annuel, huit escalins de gros. En outre, il faisait don au métier d'une coupe d'argent , du poids d'une once de ïroyes , à bords dorés et le fonds orné des armoiries du métier ; 5° Tout franc-maître affilié à la corporation devait sup- porter sa quote-part des frais et charges du métier, sous peine, en cas de refus, d'une amende de trois livres parisis ; 4° Tout peintre ayant droit de profession était tenu d'employer tant sur pierre , que sur toile et sur panneaux, avec ou sans volets , de la couleur de chair (incarnadine) , de bonne qualité (goede lijfvericej; en cas de contraven- tion, il était passible d'une amende de dix livres parisis; 5*" Quiconque avait fait usage, sur pierre, toile ou pan- neaux, d'or et d'argent faux, voyait son œuvre confisquée et payait une amende de dix livres parisis; 6° Toute œuvre où devaient être employés de l'azur et du sinople (bleu et vert) tins, et que les experts décla- raient de médiocre qualité, attirait sur l'artiste une amende de dix livres parisis; 7° Nul sculpteur ne pouvait travailler, ni laisser tra- vailler du bois à aubier ou à nœuds pourris (vorle weeren)^ sous peine d'une amende de trois livres et onze escalins parisis. II recevait de plus, pour ce fait, une réprimande en chambre des échevins de la keure. En verlu d'une disposition ultérieure, mentionnée au livre de la corporation à l'année 1559, les maîtres étran- ( 297 ) gers demeurant à Gand, mais n'y ayant point franchise de profession , payaient an métier, pour l'acquérir , dix marcs d'argent, poids de ïroyes. En 1465, il fut décidé, par le haut bailli el le collège échevinal , que les enlumineurs (verlichters met de penne) ne payeraient , pour la franchise de profession, que le quart de la rétribution exigée des peintres (scilders met den pencheele). — fl leur était expressément défendu d'exécuter des miniatures destinées aux missels ou autres livres, cette spécialité artistique appartenant aux peintres. Ces diverses dispositions réglementaires , eu égard sur- tout à leurs dates certaines et authentiques, répandent déjà quelque clarté sur les travaux et la valeur des artistes qui composèrent à cette époque reculée la corporation gantoise. Ainsi, la cotisation d'admission des maîtres : six livres de gros à la corporation , huit escalins de gros pour le ban- quet d'élection des doyen et jurés; puis le don d'une riche coupe d'argent, l'obligation de coopération dans les frais et charges civiques du métier, et le taux réellement élevé des amendes, indiquent assez, nous semble-t-il , que ces maîtres occupaient une certaine position parmi la bour- geoisie. Les stipulations concernant les couleurs à employer sur la pierre , sur la toile ou sur panneaux, avec ou sans volets, sous peine de dix livres parisis d'amende, prouvent évi- demment qu'il s'agit ici de peintres de tableaux et non de peintres décorateurs. Cette assertion est corroborée par la disposition suivante, qui prescrit la confiscation de l'œuvre où il avait été fait usage d'or ou d'argent de bas aloi. La même observation s'aj)plique aux sculpteurs : pour eux , il y a non-seulement l'amende , mais encore la ré- ( 298 ) primande en chambre échevinale (1). Et d'ailleurs, la dési- gnation de beellsnijdere ne peut s'entendre que de sculp- teurs-statuaires. Dans ce temps-là, beaucoup de travaux de sculpture en bois proprement dite s'exécutaient par d'habiles menuisiers (schrijnwerkere). Plus d'un de ces beaux meubles que nous admirons, de ces meubles dé- corés de guirlandes de feuillages, de fleurs et de fruits, ou ornés d'animaux fantastiques et de gracieuses figurines, sont non l'œuvre d'un artiste, mais l'ouvrage d'un artisan. C'est qu'alors , l'on n'était admis à la maîtrise qu'après avoir prouvé son habileté par une pièce de réception : « een meesterstuc, » une œuvre de maître. C'est qu'alors le ma- gistrat veillait aussi aux progrès des arts et de l'industrie communale et à la réputation des métiers : leur renom faisait la richesse commerciale de la cité. Que le métier des peintres gantois n'ait point formé école, c'est ce que nous ne pouvons méconnaître, puisque nous n'en trouvons nulle trace; mais que ce fut simple- ment un métier j dans le sens attaché aujourd'hui à celte désignation, nous croyons être en droit de ne pas l'ad- mettre. De 1538 à 1410, époque assignée à l'invention de la peinture à l'huile, et où l'on place d'ordinaire Hubert et Jean van Eyck à la tête de YÉcole flamande, le livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantois nous trans- met les noms de 231 peintres et 29 sculpteurs-statuaires qui obtinrent à Gand la franche maîtrise. Dans cette pre- mière partie de la liste générale, comprenant une période (1) Le texte des statuts organiques de 1358 dit : y De hoete ende cor- rectie, « sans plus. Un règlement subséquent (1547) est plus explicite : « De hoete ende correctie van scepene. « ( 299 ) non interrompue de soixante et douze ans, il n'y a que bien peu de noms qui ne nous soient pas inconnus. Et encore, ceux que nous pourrions citer ne devraient l'être en quel- que sorte qu'à cause de leur homonymie ou de leur parenté présumée avec des artistes mentionnés plus tard , et non par suite de la connaissance que nous avons de leurs pro- ductions. Tels sont, par exemple, Hugues van Goes, reçu franc- maître peintre en 1595, et Liévin Goes ou van Goes, maître peintre en 1401 , juré en 1412, doyen en 1419, qu'on peut présumer être, l'un, l'aïeul, et l'autre, le père de Hugues vander Goes , élève de Jean van Eyck vers le mi- lieu du W" siècle, et qui dirigea à Gand, en 14G7, les so- lennités de la Joyeuse-Entrée de Charles le Téméraire; Jean de Mabuse, admis franc-maitre peintre à Gand en 1401, que l'on peut croire l'aïeul de ce Jean de Mabuse , nommé aussi Jean Gossaert, dit de Mabuse ou Maubeuse, qui donna au sculpteur gantois Jean de Heere les dessins du mau- solée à élever dans l'oratoire de l'abbaye de S^-Pierre à Isabelle d'Autriche, l'infortunée reine de Danemark, morte en exil en 1526, au château abbatial de Zwynaerde lez- Gand. Dans cette liste nous trouvons plusieurs quasi-homo- nymes des célèbres inventeurs de la peinture à l'huile, Rase van Eecke , franc-maître peintre en 1544 , juré en 4349, doyen en 1551; Jacques van Eecke, son lils, maître peintre en 1570, juré en 1575; Jean vanden Eecke, maître-peintre en 1558 , juré en 156G. Certes , nous ne les mentionnons pas dans l'intention d'établir ici quelque de- gré de parenté entre ces Van Eecke, ou ces Vanden Eecke et les illustres frères Van Eyck , nous augmenterions très- probablement le nombre des méprises et des erreurs que ( 500 ) de senil)lables homonymies, rencontrées dans les vieux do- cumenls, et trop avidement recueillies, ont occasionnées. Du reste, la liste des artistes peintres et sculpteurs delà seconde partie de la série générale, celle qui commence à 1410, nous offre, à l'égard d'Hubert et de Jean van Eyck , dans une note expresse, un renseignement aussi curieux que précis. Ces deux grands peintres, qui habitèrent à différentes reprises la ville de Gand, ne sont point cités parmi les Iran cs-maî très atliliés à la corporation gantoise, et partant ne figurent sur la liste ni comme jurés, ni comme doyens. Mais en 14:21, à l'époque, sans doute, où ils travaillaient déjà pour Josse Veydt au magnifique tableau de Y Agneau pascal, ce chef-d'œuvre renommé que l'on voit encore dans toute sa beauté, et presque dans sa fraîcheur pre- mière, à l'église de S'-Bavon, le métier leur conféra spon- tanément la franchise de profession dans la métropole des Flandres. C'était à la mort de Michelle de France, première femme de Philippe le Bon, et pour honorer en même temps la mémoire de la jeune princesse , si vivement regrettée, et le talent des deux illustres maîtres qu'elle chérissait (1). Touchant et pieux hommage envers la souveraine, ma- nifestation éclatante, témoignage d'estime inusité envers les chefs-peintres de l'époque. Aucun artiste étranger ne pouvait, sans contrevenir (1) Et quelle noble simplicité clans la noie consignée au livre du métier: « Int zelue jaer starf vrouw Michiele^gheseUenede van hertoghe Phi- lips; omnic hare doodt was binnen Ghent grooten ^rouwc. Hitbrecftt en Jan, die sij zeer lief hadde^ schonk den amhochte vrijdomme in schil- deren. « ( 301 ) aux privilèges octroyés à la corporation par les comtes de Flandre, exercer à Gand sa profession avant d'y avoir ac- quis la (rancliise. Il était également défendu aux mar- chands étrangers d'y exposer ou vendre des tableaux et objets d'art, sans autorisation du métier, sauf durant la foire libre de la mi-carême. Cette autorisation s'accordait quelquefois , sous condition de payer une somme plus ou moins forte, pour l'entretien de la chapelle de la corpo- ration. Lorsqu'un maître étranger ou un artiste de la ville même y exerçait son état de peintre ou de sculpteur sans avoir obtenu la franchise de profession , les doyen et jurés de la corporation portaient plainte devant les échevins. Ils re- quéraient, en vertu de leurs privilèges ad hoc, la fermeture des ateliers ou des magasins, et la cessation immédiate de la profession du contrevenant, sous peine d'exécution forcée, de confiscation, de condamnation aux frais de la poursuite et au payement de dommages-intérêts. La corpo- ration , soigneuse des intérêts communs, jalouse de la ré- putation du métier, de ses droits et franchises, ne tolérait aucune contravention. Nous pourrions rappeler plusieurs sentences échevinales rendues sur de pareilles plaintes. Kn 1452, Philippe le Bon augmenta encore les préro- gatives du métier. Par un de ses octrois, il décida que tout membre qui n'exerçait point ou ne faisait point exercer sa profession, ne pouvait être revêtu d'un oilice dans la corpo- ration (1). Le duc n'aimait pas les sinécures. La série de I4I0 à lo39 comprend 362 peintres et 47 (1) Il résulte donc de ces renseignements que le système , tongrien s'étendrait, vers le nord, jusqu'à Cassel, où il n'a- \ vait pas encore été indiqué, et que le système rupelien, qui j lui est superposé, s'avancerait jusque dans le Hanovre. » . M. De Koninck dit que le fiait signalé par M. Nyst lui i avait déjà été communiqué par M. Lyell. i 1 (317) RAPPORTS. Sur un mémoire de M. Montigny intitulé : Corrélation des HAUTEURS DU BAROMÈTRE ET DE LA PRESSION DU VENT. Rftppofg de !98, €''i-sthay. « Dans un mémoire présenté à l'Académie, au mois d'août 1851, M. Montigny a cherché à établir, en s'appuyant sur des principes d'hydrodynamique, une relation mathé- matique entre la vitesse du vent et la hauteur du baromètre. Les formules auxquelles il a été conduit furent appliquées par lui à la discussion des observations de baromètre et d'intensité du vent faites à l'Observatoire royal de Bruxelles, pendant les six années 1842 à 18i7. Les résultats de cette comparaison furent d'accord , en général , avec la relation supposée. Le travail actuel de l'auteur a pour objet l'application des mêmes formules aux observations faites, pendant une période de dix années comprises entre 1842 et 18ol , au même établissement. Dans le rapport sur le premier mémoire, on a fait re- marquer que la coïncidence du vent avec les fortes baisses du baromètre est un phénomène connu depuis longtemps, si bien que, sur les baromètres destinés aux gens du monde, on ne manque pas d'inscrire le mot tempête vis-à-vis la limite inférieure du mouvement de la colonne. Dove as- sure que de toutes les indications du temps que l'on a l'ha- bitude de marquer sur les baromètres, celle de tempête à ( 318 ) Tendroit d'une baisse extraordinaire est la plus exacte. Néanmoins, il arrive parfois que ce pronostic ne se vérifie point, ou du moins que le vent ne se fait sentir avec force qu'à des distances assez grandes de la localité où une dépression notable du baromètre a été observée. D'où il semble résulter que l'éiendue sur laquelle la dépression se fait sentir dépasse souvent, et peut-être toujours, celle sur laquelle règne l'ouragan. Récemment encore l'exemple s'en est produit d'une manière frappante : Depuis le 4 février jusqu'au 12, le baromètre a été très-bas; le 8, il était à 737"™ et le 9, à 8 heures du matin, il descendit à 753""'', 07; ce- pendant, durant tout ce temps, lèvent a été très-faible, ou, comme on dit vulgairement, il n'y a pas eu de vent (du moins à Louvain). Je n'ai pas encore appris s'il a régné avec quelque intensité dans des localités éloignées. D'un autre côté, le calme de vent pendant les grandes hausses du baromètre n'a pas, à beaucoup près, le même degré de probabilité que le vent fort pendant les baisses; il arrive assez souvent que le vent souffle avec plus ou moins de force quand le baromètre est haut. Cette circon- stance, joinle aux exceptions pendant les baisses, doit être un obstacle à ra{)plication exacte d'une formule quel- conque qui tendrait à exprimer une relation entre la vitesse ou l'intensité du vent et l'état du baromètre. D'ail- leurs, tout semble annoncer que les variations de pres- sion atmosphérique sont produites par l'action de plu- sieurs causes, et qu'à leur tour, ces variations donnent lieu à des phénomènes complexes. Aussi le rapporteur du premier mémoire a-t-il dit avec raison que, a quand plu- 1) sieurs genres de phénomènes se reproduisent ordinaire- y> ment en même temps, il devient assez difllcile de recon- 2) naître leurs dépendances mutuelles, i> (319) D'après cela , et en supposant même que l'on accorde comme légitime l'emploi , dans le cas présent , des prin- cipes d'hydrodynamique d'où l'auteur a déduit les formu- les, il n'est pas étonnant que les résultats obtenus par lui dans la discussion des observations des dix années, présentent des discordances non moindres que celles qui se sont montrées dans le calcul de la période de six années. Ainsi, sur les dix années de moyennes annuelles, deux font exception à la règle supposée; et dans la distribution des moyennes par mois , il y a désaccord 4 fois sur 12. En groupant les observations simultanées de baromètre et d'intensité du vent de diverses manières, l'auteur n'arrive nulle part à des séries exemptes d'exceptions. L'anomalie la plus frappante se trouve dans le tableau où les minima barométriques et les intensités correspondantes du vent, observées pendant les 10 années, sont groupées par 4 sai- sons; là encore la règle est en défaut pour \q printemps. Enfin, là où les chiffres ne sont pas en contradiction avec le principe invoqué, leurs valeurs ne présentent pas de suite régulière. Les causes alléguées par l'auteur pour rendre raison des écarts ne semblent pas convaincantes, du moins elles sont insuffisantes. En résumé, le mémoire de M. Montigny n'ajoute rien, dans mon opinion, aux notions que l'on avait sur la rela- tion entre l'intensité du vent et la hauteur du baromètre. Toutefois, j'ai l'honneur de proposer à la Compagnie de voter des remercîments à l'auteur pour sa communication, à raison des connaissances dont il fait de nouveau preuve dans ce travail, et de l'exactitude consciencieuse qu'il a mise dans son exécution. » ( 520 Itapport do Ifïï. Sfttpfez. a D'après l'aiiteur du mémoire soumis à mon examen, il existe entre la pression atmosphérique et l'intensité du vent une corrélation telle, que les moyennes et les valeurs absolues du premier de ces éléments sont généralement d'autant moins élevées que les valeurs correspondantes de l'intensité du vent sont plus fortes, et que, réciproque- ment, la pression atmosphérique augmente quand l'inten- sité du vent diminue. Il cherche à établir cette corrélation par la comparaison entre les observations du baromètre et celles qui sont relatives aux intensités du vent, recueil- lies à l'Observatoire royal pendant la période décennale 1842-1851. La discussion à laquelle se livre l'auteur ne me paraît point établir, d'une manière bien concluante, la relation dont il s'agit : les nombres des divers tableaux que son travail renferme présentent, à chaque pas, des discor- dances qui sont quelquefois si marquantes, que lui-même est obligé de recourir à des considérations particulières pour les expliquer. C'est ainsi , entre autres , que la plus forte pression moyenne annuelle du vent observée pendant les dix années, au lieu de correspondre à la plus petite des hauteurs moyennes annuelles du baromètre, répond, au contraire, à celle de ces hauteurs qui est presque la plus grande. Pareillement, la plus forte pression men- suelle du vent est loin de correspondre à la plus petite hauteur barométrique mensuelle. 11 est vrai que, dans le premier cas, la plus petite pression moyenne se présente ( 321 ) pour la plus grande hauteur moyenne ; mais il n'en est déjà plus de même dans le second. Les nombres des ta- bleaux relatifs à la pression du vent aux instanis des maxima et des minima annuels et mensuels du baromètre montrent des discordances analogues : si, en général, la pression du vent est plus forte aux instants des minima qu'à ceux des maxima, cependant, ici encore, ce n'est point à la plus petite des hauteurs minima du baromètre que l'on voit correspondre la plus forte pression. On sait depuis longtemps qu'un abaissement considé- rable du baromètre au-dessous de la hauteur moyenne est souvent accompagné de vent d'une grande intensité, sur- tout lorsque cet abaissement est rapide : il n'est donc pas étonnant que la corrélation dont M. Montigny s'occupe dans son mémoire apparaisse d'une manière plus satisfai- sante dans les valeurs absolues des observations relatives aux tempêtes; mais il était peut-être intéressant d'exami- ner l'influence que ce fait bien connu pouvait, conjointe- ment avec d'autres causes, exercer sur les moyennes des observations, et c'est ce que l'auteur a essayé de faire avec un discernement et une sagacité qui , dans mon opinion , méritent les remerciments de l'Académie. » M. Quetelet, troisième commissaire, souscrit aux con- clusions des rapports de MM. Crahay et Duprez, et demande en même temps l'impression du travail de M. Montigny. » L'impression est ordonnée et des remerciments seront adressés à l'auteur. ( 322 ) Note sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. DeMoor. SSappoi't de M. Spi'iag. « En rendant compte, dans la séance du 5 avril der- nier (i), d'un premier travail, adressé à l'Académie, par M. De Moor, sur l'embryon des graminées, j'avais engagé ce botaniste à entreprendre une série d'observations sur la germination de cet embryon. M. De Moor s'est mis à l'œuvre avec un zèle louable et avec un succès qui mérite tous iios encouragements. Dans son nouveau travail, l'auteur expose d'abord ses observations, faites sur un assez grand nombre d'espèces, et relatives au mode de développement des diverses parties de Fembryon ; il rend compte, ensuite, de ses expériences de germination ; et, à la lin, il entre en discussion sur les principales objections qu'on pourrait faire à sa doctrine. Par tous ces moyens , il me semble bien établi que le bouclier est à considérer comme le véritable cotylédon des graminées, et que la vaginule représente la portion vagi- nale d'une feuille primordiale. Pour faciliter l'intelligence du texte, il eût été désirable que l'auteur eût joint quelques dessins de ses analyses; mais telle qu'elle est, sa note sera suftisamment comprise par tous ceux qui se sont occupés spécialement de l'em- brvon des Graminées. (1) Bulletin f t. XIX, 1'^ paili*', p. 50" ( 325 ) C'est avec un véritable plaisir que je propose d'accorder au travail de M. De Moor les honneurs de l'insertion dans les Bulletins de l'Académie. » RappOÈ*i de M. IfSat*l*'»is, « .Te me rallie bien volontiers aux conclusions du rap- port de mon savant collègue, M. Spring; toutefois, je crois devoir faire mes réserves au sujet de la signification mor- phologique que l'auteur du mémoire attribue au bouclier de l'embryon des graminées. Il a vu que ce bouclier élait déjà apparent peu de jours après la fécondation et qu'il précédait la formation de la gemmule. S'il en est ainsi, le bouclier pourra difficilement appartenir au système ap- pendicuîaire de l'embryon, vu que ce système, auquel se rattache le corps cotylédonaire, ne se développe que posté- rieurement au système axile. D'après cela il me semble que c'est à ce dernier système qu'il convient de rapporter le bouclier, eu égard au déve- loppement primordial que lui assigne M. De Moor. Ne pourrait-on pas le considérer comme un renflement fécu- lacé, plus ou moins analogue au renflement que présente l'embryon macropode des plantes de la famille des Naïades ou Naïadacées? Quoi qu'il en soit, je suis parfaitement d'accord avec M. De Moor sur l'impossibilité de raliacher la vaginule de l'embryon germé à la ligule des graminées. Je serais plu- tôt tenté d'y voir un corps cotylédonaire. » Les conclusions du rapport de M. Spring, auxquelles adhère M. Marions, sont adoptées par la classe. ( 324 ) — MM. Dumont et d'Omalius d'Halloy, nommés com- missaires pour l'examen d'une note de M. Hébert, sur le Synchronisme du calcaire pisolitique des environs de Paris ^ demandent l'impression de ce travail. c< Cette note, ajoute M. Dumont, présente la confirma- tion paléontologique d'un fait que j'ai, depuis longtemps, établi d'après des considérations géométriques et minéra- logiques, et dont j'ai fait mention à diverses reprises, entre autres dans mon rapport sur les travaux de la carte géologique de la Belgique, en 1849 (t. XVI, n** H, des Bulletins). » La noie de M. Hébert sera imprimée dans le Bulletin de la séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la mesure des distances au moyen de la stadia; par M. ie capitaine Liagre, correspondant de l'Académie. L Deux officiers d'état-major français, le capitaine de Lostende et le chef d'escadron Maissiat, ont imaginé, le premier sous le nom de stadia, le second sous celui de chorismomètre , deux instruments propres à faire apprécier la distance à laquelle est placée une mire d'une longueur déterminée. Dans la stadia, la mire est divisée en parties égales, et l'on conclut son éloignement du nombre variable de ses divisions qui est intercepté entre les deux fils fixes du réticule d'une lunette. Dans le chorismomètre, au con- ( 525 ) irairc, l'intervalle entre les deux fils parallèles du réticule est variable et peut être apprécié au moyen d'un système micrométrique; la mire est d'une longueur constante, et c'est le nombre de divisions micrométri({ues employé pour que la mire entière soit embrassée entre les deux fils, qui permet de calculer la distance de celle-ci. Quoique ces deux instruments soient, en quelque sorte, inverses l'un de l'autre, leur théorie est identique. Nous ne nous occuperons donc, dans ce qui va suivre, que de la stadia proprement dite : toutes les remarques que nous avons à faire s'appliqueraient mot pour mot au chorismo- mètre; elles s'appliqueraient également à la stadia de troi- sième espèce, qui est une combinaison des deux premières, et dans laquelle l'intervalle entre les fils est variable, et la mire graduée. Dans tous les traités de topographie (1), on expose la théorie de la stadia, en faisant abstraction des lentilles de la lunette. Fig. 1. M A n — --- 'A L'on suppose un simple tube, AB (fig. 1), muni à l'in- térieur de deux iils horizontaux r, e, et percé à la paroi (1) Voy. Salneuve, Cours de topog. et de géod., ^^ édition, p. 114j et Duhoussel, Jpplic.de la géom. à la topog., p. 79. — Ce dernier auteur, en particulier, expose la théorie de la stadia d'une manière très-détaillée. ( 526 ) postérieure d'un trou oculaire, 0. Soit^ la distance de cet oculaire au plan du réticule; k l'intervalle entre les deux fils; L la distance horizontale, OP, entre l'oculaire et la mire verticale; H la portion Mï de cette mire qui paraît interceptée entre les deux lils : on aura, dans ies triangles semblables Ore, OiMI, la proportion h :E = l : h; d'où L= y- H (i) h La quantité H se lit directement sur la mire graduée; / et h sont des constantes que l'on peut mesurer : l'équa- tion précédente suffit donc, théoriquement pariant, pour calculer la valeur de L. — Dans la pratique, la moindre erreur commise sur la mesure directe des petites quantités /et h aurait une inlluence très-grande sur la détermina- tion de L : aussi renonce-t-on à celte mesure directe; on préfère calculer la grandeur du rapport l : h, au moyen d'une expérience que j'appellerai régulatrice, ou d'étalon- nage, et qui consiste à mesurer très-exactement sur le terrain une distance horizoniale V. Soit IF la hauteur de mire qui, à cette distance, est interceptée entre les deux fils : on aura L' :E' ===l: h. Substituant dans l'équation (1), on obtient en définitive L = ^. H (2) ïï. Telle est la théorie ordinaire de la stadia , et telle est la formule par laquelle on calcule la distance de la mire. Faisons immédiatement deux remarques: ( 527 ) 1° Cette théorie suppose constante la base, l, du petit triangle formé dans le tube; ou, en d'antres termes, elle admet l'angle 0 comme invariable, quelle que soit la dis- tance à laquelle on vise; 2" La formule qui s'en déduit donne la distance de V oculaire à la mire. Mais on est conduit à modifier ces résultats, lorsque l'on analyse avec un peu d'attention ce qui passe en réalité dans la lunette de l'instrument. Fig. % Les rayons lumineux qui, émanant des différents points de la mire, Mi {fig. 2), se croisent au centre optique de l'ob- jectif, vont, en continuant leur route, former à leur foyer conjugue une image r e de la mire. Le réticule est alors amené sur celte image, à l'aide d'un tirage convenable. Les deux triangles semblables MCI, r C e, dont nous avons dé- duit tout à l'heure la formule fondamentale de la stadia, ont donc maintenant leur sommet commun au centre de Yobjectif; et c'est cette dernière lentille, et non pas Yocu- laire, qu'il faut placer sur la verticale du point de station. En second lieu, la distance focale conjuguée C p = / varie avec l'éloignement de la mire. On sait, en effet, que cette distance focale augmente lorsque la mire se rap- proche, diminue lorsqu'elle s'éloigne, et qu'il existe entre la dislance L d'un point à l'objectif, et la distance focale ( 528 ) conjuguée, l, une relation exprimée par la formule 1 ^ _ 1 f l L 9 étant la distance focale principale, distance minimum qui correspond à L = oo . Le coefficient ^ (ou la cotangente de l'angle au sommet du petit triangle régulateur) est donc essentiellement variable ; la valeur qui en a été fournie par l'expérience d'étalonnage ne convient, à la rigueur, qu'à une seule distance; et si l'on veut employer ce coefficient pour cal- culer une autre distance , il y a lieu d'appliquer au résul- tat ainsi obtenu une correction provenant de la variation de la distance focale. Pour trouver la formule qui exprime cette correction , supposons que l'expérience régulatrice ait donné L : lÀ =: l : h. L'observation faite pour une autre distance quelconque donnera L' : H' = /' : h, V étant plus grand ou plus petit que /, suivant que L est plus grand ou plus petit que L'. Éliminant h entre ces deux équations, on obtient : '^ = ïï « • r- au lieu de L que l'on aurait obtenu si la distance focale n'avait pas ( 529 ) varié d'une observation à l'autre. La ditïérence entre ces deux résultats, ou ■—Mi-)- est donc la correction à faire subir à la distance, calculée d'après la méthode ordinaire, pour tenir compte de la variation de la distance focale. On peut la mettre sous la forme L'-L" = .=L"(^7i);. ... (3) relation qui montre que « la correction est égale à la dis- 2> tance brute, calculée à l'aide du simple coefîicient régu- » lateur, multipliée par le rapport de la variation de dis- » tance focale à la distance focale régulatrice. » — Le signe de cette correction dépend de celui de la variation de distance focale : il est positif pour les observations faites à une distance plus faible que la distance régulatrice; négatif ô^iïis le cas contraire. La signification géométrique de la formule (5) est bien facile à saisir : l'intervalle entre les deux fils du réticule restant le même, augmentons en idée la distance focale de manière à ce qu elle devienne C p' == T {fig, 2). U faudra, pour intercepter la même portion de la mire, éloigner celle-ci de MI en MT ; et la correction positive que devra subir la distance C P = L", calculée dans l'hypothèse d'une distance focale Cp=/, sera représentée par la quan- tité MM'. Or, les triangles semblables M'MG, e'e C don- nent M'M : ee' = MC : « C = CP : C p; d'où MM'=. = L"(^). Tome xx. — I" part. 25 ( 530 ) Celle formule s'obtiendrait, du reste, très-simplement, à Taide du calcul différentiel, en cherchant la variation de L, qui correspond à une variation de l. En effet, l'é- quation fondamentale L = y. H, h différentiée par rapport à L et /, donne H dl c/L = ~ ai = L. -7 ; h l formule dans laquelle dl est positif ou négatif, suivant que la distance focale variée est supérieure ou inférieure à la dislance focale régulatrice. Nous aurions pu, à la rigueur, nous contenter de cette dernière démonstration : si nous l'avons fait précéder de quelques considérations géomé- triques, c'est parce que celles-ci nous paraissent éclairer et satisfaire l'esprit beaucoup mieux que des déductions pu- rement analytiques. III. D'après ce qui vient d'être dit, il suffirait, pour calculer les corrections à faire aux observations, de construire une fois pour toutes une table présentant les variations que subit la longueur focale de la lunette, suivant la distance à laquelle on vise. Celte table se calculerait au moyen de la formule déjà rappelée 4 1 _ 4 ^ "~ y ^ L* Mais au point de vue de l'application, on peut encore sim- (531 ) plifier la solution du problème, de manière à éviter le cal- cul de la table dont nous venons de parler. En eilet, pour une distance L de la mire et une distance / de son image focale, on a : i ^ — * 7 "^ L ~ 7' et pour deux autres distances conjuguées L" el /',... . 4 ^ _ 1 T '^ Ï7 "^ 7' Combinant ces deux relations, on en déduit celle-ci : l' — l __ L — L" / ~ LL" * qui, substituée dans l'équation (5), donne L — L" Mais bien que la théorie qui nous a menés à cette cor- rection soit entièrement basée sur la varialion de la dis- tance focale de la lunette, nous pouvons, sans erreur sen- sible, supposer celle-ci constante dans la formule qui exprime la correction. En elî'et, entre les limites ordinaires de l'observation , et pour une lunette qui ne dépasse pas les dimensions habituelles des instruments topographiques, la variation de distance focale ne s'élève jamais au delà d'un centimètre : en la négligeant, l'erreur à laquelle on s'expose n'est donc qu'une faible fraction de la correction, c'est-à-dire une quantité tout à fait inappréciable dans la pratique. Il résulte de là qu'il est permis de remplacer, dans Té- ( 352 ) quation (4), ia grandeur variable /' par la constante >., en désignant par celle-ci la longueur focale moyenne de la lunette. L'expression définitive de la correction est donc L — L" ^ - A (5) N'oublions pas que, dans celte formule, L est la distance régulatrice mesurée sur le terrain , et L" la distance cher- chée, obtenue à l'aide d'un premier calcul dans lequel on ne tient pas compte de la variation de la longueur focale. Comme exemple numérique, supposons que la lunette ait 0"',55 de foyer; qu'on ait réglé l'instrumenta 300"', et qu'on veuille trouver la correction à appliquer lorsque la mire est à la distance de '20''\ on aura, en appliquant la formule rigoureuse (4) c == D'esses X w;r: = 0:"552. ôOO La correction est donc égale à environ un soixantième de la distance cherchée. Si rinstrument a été réglé à 20™, et qu'on observe à la distance de 500"\ la même formule donnera 280 ~ c =^ 0'"5504 X 20 d'où valeur qui représente encore le soixantième environ de la distance cherchée. En se contentant de la formule approximative (3), et en ( 555 ) adoptant pour A la valeur moyenne O'^jS.'jo, on aurait ob- tenu résultats presque identiques avec les précédents. On voit donc que la variation de !a distance focale, dont l'eÛet est très-sensible sur les longueurs observées, cesse d'avoir une influence appréciable sur les corrections qu'on leur applique; et que l'on peut assimiler la distance cherchée à une variable; sa correction à la difiër«ntielle première de celte variable, et l'erreur de cette correction à une diffé- rentielle du second ordre, négligeable devant celle du premier. IV. On aura sans doute remarqué que, dans la théorie que nous venons d'exposer, nous n'avons pas parlé du rôle que remplit Voculaire de la lunette, ni du tirage plus ou moins grand qu'il exige de la part des différentes vues. Et en eifet, bien que l'amplification de l'image dépende à la fois de la distance focale de l'objectif et de celle de l'oculaire, le jeu de cette dernière lentille est inutile à considérer dans la question qui nous occupe. On s'en assurera sans peine en observant que l'oculaire agit simultanément , et de la même manière sur l'image de la mire et sur l'intervalle des fils; les variations de grossissement que l'on obtient en le tirant plus ou moins ne produisent donc aucun efTet relatif. Il y a plus, on pourrait, une fois l'instrument réglé, substituer un oculaire à un autre, sans qu'il y eût lieu pour cela de modifier le coefficient régulateur. Si la même indifférence n'existe pas à l'égard de la lentille objective, c'est qu'elle (534) opère uniquement sur la grandeur de l'image focale, et nullement sur celle de l'espacement des fils. Nous croyons devoir insister d'autant plus sur cette der- nière considération, que c'est au jeu de l'oculaire que Sal- neuve attribue en grande partie la discordance que les ob- servateurs trouvent en général dans les résultats de leurs mesures opérées à la stadia. Voici ce qu'il dit à ce sujet (p. 115 de son ouvrage déjà cité) : « La stadia que nous » allons décrire ne justifie pas tout ce que la théorie pour- » rait en faire espérer. Nous dirons bientôt en quoi con- » siste son imperfection. » A la page 119, cette imperfec- tion se trouve expliquée de la manière suivante : « On a pu » remarquer qu'il est de la plus grande importance que » Vangle visuel soit bien constant : or cette condition est » assez mal remplie dans la sladia... car le tirage variable » de V oculaire, en raison de la vue de V observateur dé- » place le sommet de l'angle visuel. » Dans un autre en- droit (p. 519), cet auteur revient sur la même idée, et une des causes d'inexactitude de la stadia, c'est, dit-il, que « l'angle sous lequel l'œil voit l'image réelle peut cban- » ger, du moins d'un observateur à un autre, en raison » de la différence des vues. » — Or, nous le répétons, les résultats (burnis par la stadia ne peuvent aucunement être influencés par les variations que le tirage de l'ocu- laire fait subir à Vangle visuel, c'est-à-dire à l'angle sou- lendu par l'image focale, et ayant pour sommet le centre optique de Toculaire. Nous ne quitterons pas ce sujet sans rappeler que Porro a proposé une nouvelle lunette, qu'il nomme anallat tique , dans laquelle les effets de la variation de la distance focale sont corrigés par l'addition d'une lentille intérieure. Nous ignorons quels sont les résultats que produit dans la pra- ( 555 ) tique l'emploi de ce nouvel instrument. Tout ce que nous pouvons en dire, c'est que Salneuve, après avoir exposé en détail (pp. 518 et suiv.) la construction de la lunette anal- laltiquc, qu'il regarde comme un perfectionnement, con- clut de la manière suivante : « Le degré d'exactitude avec » lequel elle permet d'évaluer les distances est considéra- » blement augmenté, mais il n'est pas proportionnel à la » puissance des lunettes. En effet, à égalité de diamètre du » verre, plus le grossissement est considérable, plus le » champ doit être circonscrit, et plus rapprochés doivent » elre les iils du micromètre. La portion de la mire, com- D prise entre les rayons visuels extrêmes qui s'appuient » sur les fils du réticule, est d'autant plus restreinte. Pour » évaluer les mêmes distances, les divisions doivent être » plus serrées, et l'on perd de ce côté ce que l'on gagne » par le fait du plus grand grossissement. » V. Nous ne doutons pas qu'un observateur soigneux, dis- posant d'une lunette douée de netteté et de force , et ap- pliquant à ses résultats les corrections que nous avons indiquées, ne puisse tirer un excellent parti de la stadia pour mesurer rapidement des distances assez considéra- bles. Cependant quelques topographes nous paraissent avoir exagéré la précision dont ce procédé est susceptible, induits en erreur sans doute par les résultats heureux et fortuits qu'ils ont obtenus dans quelques cas particuliers. Nous citerons comme exemple de cette concordance pu- rement accidentelle quelques expériences rapportées dans le tome IV du Mémorial du dépôt de la guerre français. A ( 336 ) la page 77 de ce volume, on trouve la comjDaraison de six distances mesurées sur un terrain uni , d'abord à la stadia, puis à la chaîne. Voici les nombres qui ont été obtenus : A la stadia J/i^jC; 44"',85 95'",0j 169'",0 5 221'»,5j 291'",0 A la chaîne. . . . lA^'/j] 44'»,7; 94"',95 169'",0; 221™,!; 291'",2 Différences. . . . -0,10} —0,10 5 — 0,ÎOj 0,00; -0,40; -h 0,20 Discutons ces résultats. — Un premier fait nous frappe lorsque nous les examinons : c'est que l'accord entre les deux procédés est presque aussi parfait j)our les grandes distances que pour les petites. Or, en admettant que l'er- reur angulaire d'un pointé reste la même à toutes les dis- tances, le désaccord devrait croître comme la distance mesurée, et le mode d'observation qui a donné à iA^,5 une erreur deO^'jlO, aurait dû donner, aux cinq autres distances , les erreurs respectives 0:^51; 0^65; J:"i6; 1™52; 2;"01. Et l'hypothèse que nous venons de faire est la plus favo- rable possible, car l'expérience , d'accord avec le raisonne- ment , indique [voy. plus loin, VI) , que l'erreur angulaire d'un pointé augmente dans la même proportion que le point de visée s'éloigne : dans ce cas , le désaccord aurait dû croître comme les carrés des distances. Continuons notre discussion. La commission chargée de faire les expériences comparatives que nous venons de rapporter n'a donné que irès-pcu de détails sur la manière dont elles ont été efléctuées. Ainsi elle ne dit pas si l'on a placé au-dessus du point de départ l'objectif, l'oculaire, ou le centre de la lunette; elle n'indique pas non plus la ( 357 ) longueur focale de celle-ci : cependant, pour prétendre à la précision du décimètre à la distance de 500"", la lunette devait avoir un assez grand pouvoir optique; nous la sup- poserons de 35 centimètres de foyer. II n'est pas dit non plus à quelle distance la stadia a été étalonnée : nous som- mes donc encore forcés de nous contenter ici d'une hypo- thèse, et nous admettons que l'instrument ait été réglé à 100'". D'après cela, et en accordant que l'objectif ait été placé, comme il devait l'être, au-dessus de l'extrémité du point de départ, les longueurs obtenues à l'aide de la stadia auraient dû (si les observations avaient été parfaitement faites) différer de celles qu'a fournies la chaîne, puisque les observateurs n'ont pas eu égard à la variation de dis- tance focale de la lunette. Calculant ces différences à l'aide de notre formule (5), on les trouvera respectivement de -4-0.'"50; -f-0.'"19; -f-0:"02; — 0™24; — 0,"'43; —0-67; au lieu des valeurs — 0,40; —0,10; —0,10; 0,00; —0,40; -+-0,20, que l'on a réellement obtenues. Les erreurs véritables des observations sont donc — 0."^40; —0:^29; — Ol'^â; -j- 0:"24; -i- 0;"03; -f- 0™87. On voit que la précision réelle des résultats fournis par la stadia n'est pas aussi grande qu'on aurait pu le croire d'après la concordance qui règne entre les deux espèces de résultats obtenus parla commission; et que cet accord apparent ne peut être attribué qu'à une heureuse compen- sation d'erreurs. (558 ) VI. Reprenons maintenant notre équation (5) € = A. : , et examinons les conséquences que l'on peut déduire de sa discussion. L'erreur que l'on commet en calculant une distance d'après la théorie ordinaire est directement proportion- nelle à la longueur focale, >., de la lunette : elle est donc d'autant plus grande et plus importante à considérer, que l'instrument est, par sa nature, susceptible de donner une plus grande précision. Lorsque L > L", c'est-à-dire lorsque l'observation ré- gulatrice a été laite en mesurant sur le terrain une distance plus grande que celle à laquelle on observe, la correction est toujours addilive, et moindre que la longueur focale de la lunette. C'est ce que montre suffisamment la for- mule (5), mise sous la forme ='('-ï) dans laquelle le binôme entre parenthèses est moindre que l'unité. Au coniraire, lorsque L < L", la corrertion est sous- Iractive, et croît indéliniment avec la longueur que l'on veut calculer. — Telle est probablement la véritable rai- son pour laquelle les praticiens recommandent de régler la stadia en mesurant sur le terrain une hsise aussi longue ( 559 ) que possible : il ont remarqué sans doute que l'instrument ainsi réglé donne des résultats beaucoup moins discor- dants. Mais, abstraction faile des erreurs provenant d'une théorie défectueuse, erreurs que nous savons maintenant corriger, est-il préférable de faire l'observation régulatrice à longue ou à courte distance? Pour nous renseigner sur ce sujet, remonlons à l'équa- tion fondamentale -F "• dans laquelle les lettres accentuées se rapportent à l'expé- rience d'étalonnage, L' représentant la longueur horizon- tale mesurée directement sur le terrain, et IV la hauteur de mire interceptée à cette dislance entre les deux llîs du réticule. Diflérentions cette équation par rapport à L, L' et H' : nous en déduirons l'influence d'une erreur des élé- ments régulateurs sur la précision d'une distance observée. Il vient WdW—VdW clL == . H ; ou bien comme H'^- H L ÏF ~~ Ï7' dL dV dW T ~ v — w (0) Considérons d'abord le premier terme du second mem- bre. On sait que l'erreur moyenne, dL\ d'une longueur [/ mesurée à la règle ou à la chaîne, est proportionnelle a la ( 340 ) racine carrée de cette longueur. On aura donc dV_ _ kVv _ K K représentant l'erreur moyenne de l'unité de longueur. Donc, sous ce premier rapport, l'erreur moyenne des ob- servations faites à la stadia, sera réciproque à la racine carrée de la longueur mesurée comme base d'étalonnage. Par suite, si deux bases sont entre elles dans le rapport de L' à nL\ les erreurs relatives des longueurs qu'elles ser- vent à calculer seront entre elles comme \/n: i. Mais, à moins d'avoir devant soi un long espace de ter- rain bien plan et bien horizontal, il est plus facile et plus court de mesurer n fois la base L' que une fois la base nV; prenons la moyenne entre ces n mesures, et l'erreur correspondante sera réduite dans le rapport de i : y/n. Donc, pour ce qui concerne la longueur de la base d'éta- lonnage, la base U mesurée n fois est au moins aussi avantageuse que la base nV mesurée une seule fois. Passons à la considération du terme •^. Au point de vue purement géométrique, ce terme est constant pour toutes les distances: en effet, dW est l'erreur linéaire in- terceptée sur la mire H' par suite d'une erreur angulaire dans le pointé. Admettons, pour le moment, que cette erreur angulaire soit indépendante de l'éloignement du point de visée, et représentons-la par a. Fiy.ô. A A ( 541 ) Si plusieurs mires Mï, MT... {liy. 5) sont placées aux dislances L, L'..., on aura : d'où ou en (in tang. o: = Mi CM = dH L' lang. a = MT CM' = dW V dW = L V = H ÏT dH H = dW = etc On ne gagne donc rien , sous ce second rapport , à régler la sladia à une longue distance, même en supposant que la précision du pointé soit constante pour les visées loin- taines et pour les visées rapprochées. Or, l'expérience nous empêche de faire cette concession, et l'on sent, en effet, que la perte de clarté due à l'interposition de l'atmosphère doit suflire à elle seule pour rendre les premières visées bien plus incertaines que les dernières. De la discussion précédente, il ressort avec évidence, croyons-nous, que, pour régler la stadia, il ne faut pas mesurer sur le terrain une base très-étendue; et qu'une base simple, mesurée deux fois, est préférable à une base double mesurée une fois. 11 ne s'ensuit pas, cependant, qu'il faille exagérer la petitesse de la base, et cela pour deux raisons : 1" Les erreurs absolues de mesurage et de stationne- ment, que l'on commet si facilement aux extrémités d'une base, auraient une trop grande inlluence relative sur la mesure d'une très-petite longueur. (542) 2" Lorsque l'on vise sur une mire fort voisine, il devient nécessaire de subdiviser à vue, et par estime , les divisions qui y sont tracées; en outre, il est Irès-difîicile alors d'évi- ter la parallaxe des fils du réticule. L'erreur probable d'un pointé, effectué à diverses dis- lances sur la mire d'une stadia, suit une marche très- remarquable : son minimum arrive lorsque la mire est placée à une distance moyenne, ni trop faible ni trop forte, distance qui dépend du pouvoir optique de la lunette. En discutant une série d'observations rapportées par Hagen (Grundzilge der wahrscheinlichkeits- Rechnung , pp. 192 et suiv.), j'ai trouvé que ce minimum était placé à la distance d'environ ÎOO'" pour une bonne lunette de 50 centimètres de foyer et de 18 millimètres d'ouverture, grossissant cinq fois. J'ai réuni dans le tableau suivant les résultats des observations de Hagen : A IS^^JS de distance, Terr. prob. angulaire d'un pointé est de 8"09 ô7j50 « I. 4j04 2,G5 112,50 151,60 » » 2,25 150,00 t» * 2,50 187,00 « o 3,31 225,00 « > 4,96 11 semblerait, d'après ces nombres, que la base la plus convenable pour régler la stadia fût celle dont la longueur vaut 550 fois environ la longueur focale de la lunette. Chaque observateur, du reste, fera bien de chercher lui- même l'erreur probable d'un pointé de sa lunette aux différentes distances; et il devra adopter, pour régler son instrument, la base qui se rapporte à l'erreur minimum. ( 545 ) VIL Lorsque l'on veut mesurer au moyen de la stadia la dis- tance qui sépare deux points très-éloignés, on peut opérer comme pour un nivellement composé, c est-à-dire viser d'arrière et d'avant, de manière à réduire de moitié le nombre des stations. Ici se présente une question intéres- sante : Vaut-il mieux fractionner la longueur totale en un grand nombre de longueurs partielles, pour ne pas viser à de longues distances, ou faire des visées lointaines pour diminuer le nombre des longueurs partielles à ajouter l'une à l'autre? La théorie des erreurs va nous aider à répondre à cette question. soit D la distance totale à mesurer; L la longueur d'une visée; « l'erreur moyenne angulaire d'un pointé, et par conséquent; La=dil l'erreur linéaire correspondante sur la mire. La longueur D se composant de la somme des longueurs L, que nous supposons toutes égales entre elles, l'erreur moyenne de D sera égale à l'erreur moyenne de L, multi- pliée par la racine carrée du nombre de fois que L est com- pris dansD. Donc, = ^L\/ L mais, d'après la formule fondamentale de la stadia, on a l h ( 344 ) substituant, il vient db = «ï/l X y V^D. . . . (7) Regardons d'abord a. comme constant , quelle que soit la distance à laquelle on vise: l'erreur commise sur la dis- tance totale sera uniquement dépendante de la longueur des visées partielles, et elle croîtra proportionnellement à la racine carrée de cette longueur. Il semble donc, au premier aspect, qu'il y ait avantage, dans ce cas, à faire les visées les plus courtes possible. Mais c'est un tort que de comparer, comme on le fait ordinairement, les procé- dés d'observation sous le simple point de vue de leur préci- sion absolue : le véritable élément de comparaison, c'est le rapport de cette précision au temps employé à obtenir le résultat. S'il n'en était pas ainsi, il serait presque impos- sible d'affirmer jamais qu'une méthode d'observation soit plus exacte qu'une autre, la réitération des observations pouvant, d'après la théorie, augmenter indélîniment la précision d'un résultat quelconque. Or, si l'on vise à une distance 2L, mais que l'on fasse deux visées et deux lec- tures au lieu d'une seule, l'erreur de la moyenne entre les deux pointés sera réduite à p::ret l'on aura y/^ h h résultat identique avec celui qu'on a obtenu précédem- ment. Il est donc indifférent, sous le rapport de l'exacti- tude, de pointer une fois à la distance L ou deux fois à la distance 2L; et , en général , la mesure définitive a la même précision lorsque chaque visée est d'une longueur L, et ( 545 ) n'est faite qu'une fois, ou lorsqu'elle est de la longueur TiL et qu'on la répète a fois. Si l'on compare maintenant entre elles les deux méthodes , dont la précision est la même, on verra qu'elles exigent un même nombre de lec- tures; mais, qu'en visant à de longues distances, on épargne des mises en station. Ce dernier procédé serait donc préférable, et il faudrait viser aussi loin que le per- met la force de la lunette, en répétant l'observation un nombre de fois suffisant à chaque station. Mais la conclusion à laquelle nous venons d'arriver n'est légitime que dans l'hypothèse où l'erreur angulaire est con- stante, à quelque distance que Ton vise. Or, il n'en est pas ainsi dans la pratique de la stadia, et les observalions de Hagen , que nous avons rapportées plus haut, indiquent que les erreurs angulaires décroissent d'abord quand la distance augmente; puis, qu'à partir d'un certain point minimum, elles croissent à i)eu près comme les distances. Dans ce nouveau cas , pour deux visées faites aux distances L et nL , on aura les deux équations h h h Or, pour ramener rfD' à la valeur de dD, il faudrait que a dans la seconde équation devînt ^^, ce qui exige que Ton fasse à chaque station un nombre d'observations exprimé par n^, et qu'on prenne la moyenne des résultats. Les longues visées feraient donc perdre ici un temps con- sidérable, si l'on voulait en obtenir la même précision que des visées à courte distance. Il faudra, par conséquent Tome xx. — P* part. 24 ( 546 ) (comme pour l'opéra lion de l'étalonnage), prendre pour L la plus petite longueur possible, c'est-à-dire celle qui correspond à l'erreur angulaire minimum pour l'instru- ment dont on dispose. Si Ton est obligé, par quelque cir- constance locale, de viser à une fois et demie la distance L, on fera l'observation trois fois au lieu d'une; pour la dislance 2L, on devrait répéter huit fois l'observation , etc. Cette règle doit être suivie scrupuleusement pour donner la même précision à toutes les mesures partielles : la théorie apprend, en effet, que l'introduction d'une seule distance, moins exacte que les autres, influe très-défavorablement sur la précision du résultat final (*). Les prescriptions que nous venons d'établir, relative- ment à la mesure de la dislance qui sépare deux points très-éloignés, s'appliquent mol pour mot au nivellement composé que l'on voudrait conduire entre ces deux points. La seule remarque que nous croyions utile de faire, c'est que, dans cette seconde opération, la répétition des visées contribue plus efficacement encore à diminuer l'erreur (*) Comme application numérique , supposons qu'il faille mesurer une dis- tance de 5000™, avec une stadia dans laquelle le rapport j^ = 100 : les visées sont faites à l'aide de la lunette dont il a été question (5 VI), et à la distance moyenne de 100""; mais comme les circonstances locales forceront parfois l'observateur à modifier cette distance, nous augmenterons l'erreur probable d'un pointé, donnée au tableau du § précité, et nous la porterons à 5". Cela posé, l'appréciation d'un intervalle sur la mire devant être assimilée à la différence entre deux pointés, son erreur probable sera 5" |/5, et la formule (7) deviendra dD = ÔJ/Î sin. \". yxQQ X 100 i/gÔÔÔ = '^00 000 sin. 1", ou enfin du = l"',4o. ( 547 ) moyenne. En effet, si l'on a soin de retourner la lunette du niveau après chaque visée, la répétition n'atténue pas seulement l'effet des erreurs accidentelles, elle élimine en- core les erreurs constantes provenant de la manière plus ou moins imparfaite dont l'instrument a été rectifié Q. Observations sur l'état de la végétation à Waremme , pen- dant le mois de janvier 1855 (1); par MM. de Selys-Long- champs et Michel Ghaye. Avant de hasarder quelques remarques sur l'influence de l'hiver si doux que nous avons éprouvé jusqu'au 22 jan- vier, nous croyons devoir commencer par présenter, dans l'ordre où nous les avons recueillies, nos diverses obser- vations. Il est bon de faire connaître que nous ne nous sommes pas trouvés sur les lieux jour par jour, mais une ou deux fois seulement par semaine; les dates ne repré- sentent donc pas des points de repère absolus, d'autant (*) Si, dans un nivellement composé conduit entre deux points distants de D =5000'", l'erreur probable angulaire, a, d'une visée faite à la distance moyenne L= 100™ est de 3", l'erreur linéaire correspondante sera L(X, et l'er- reur probable du résultat définitif sera évidemment donnée par la formule : dN = Lûc \/y = a KdX == 3 sin \" I^SOÔÔÔO, d'où enfin dN = 0-,OiO. L'erreur probable de la différence de niveau entre les deux points extrêmes ne s'élève donc qu'à un centimètre. (1) Vojez sur le même sujet les observations présentées par MM. Quetelet et Morren, dans la séance précédente {Bullet., t. XX, 1'^'' pail., pp. loi et ICO). ( 348 ) plus que telle plante que nous avons vue la première fois tel jour, pouvait bien être déjà en fleurs ou en feuilles quelques jours auparavant, toute la localité n'ayant pas élé explorée en détail à chacune de nos promenades. Nous commencerons par rappeler les observations faites le 14 décembre 1852, une quinzaine après la seule et uni- que petite gelée à — 1° qui avait eu lieu le 1" décembre , et qui n'avait pas eu d'influence sensible sur les plantes. 1° JFettillaiso»*. 14 décembre 1852. — Nous n'avons pas fait d'observations; ce qui ne veut pas dire que les plantes mentionnées le 12 janvier ne montraient pas déjà des signes de végétation. 12 janvier 1853 : Spiraea sorbifolia. Sambucus nigra. Lonicera periclimenum. Arum maculatum. Rites uva crispa. La feuillaison était d'un quart, ou d'une moitié, selon l'expo- sition. t° Floraison. 14 décembre 1852 : La floraison était générale, ou à peu près, chez les : Helleborus niger. Rosa indica. Daphne laureola. Cheiranthus Cheiri (cultivé). Pyrusjaponica. Vinca major. Elle était partielle, mais assez fréquente, chez : Viola tricolor. Atiemone hepalica rosea (pas caerulea). Primula officinalis (cultivé). Lamium purpureum. Ulex europaeus. Vinca minor. Spartium scoparium. Seneciovulgaris. El partielle et assez rare chez : Viola odorata. Rhododendron dahuricum. Primula auricula, Ranunculus acris. Bellis perennis. ( 349 12 janvier 1853 : Lamiiim album. Erodium praecox. Cornus mascula. anémone hepatica caerulea. Corylus avellana (fleur mâle). Sonchus oleraceus. 16 janvier : Gnaphalium margaritaceum. Cheiranihus annuus. Reseda odorata. Chrtjsanthemum leucanthetnum. Malva sylvestris. Chrtjsanthemum coronarium. Tropaeolum majus. Silène nutans. ^ercurialis annua. Carduus crispus. Anthémis arvensis. Solanum nigrum. Faba vulgaris, 20 janvier : Ribes nigrum. Chîmonanthus fragrans. Glecoma hederacea. Corylus avellana (fleur femelle) . Buxus sempervirens. Fragaria vesca. Spiraea ulmaria. Malva rotundifolia. Galnnthus nivalis. Daphne mezereon. Erica herbacea. Prunus domestica (fruits roses) . Campanula spéculum. Magnolia yulan (boutons. Raphanus raphanistrum. Achillea millefolium. Trifolium pratense. Erysimum vulgare. Aiithriscus sylvestris. Burrago officinalis. Statice armeria. Pnn annua. Scahiosa arvensis. — atropurpurea. Verbena chamaedrifolia. Dianihus barbaius. Tussilago petasites. Leontodon taraxacum. Thlaspi bursa pastoris. Lapsana communis. Corchorus japomctis . Prunus laurocerasus colchichus. Spiraea prunifolia plena. llmus campestris (en fleurs à Liège). Remarques. Du 22 au 24 janvier, le ihermomèlre est descendu à zéro, et a empêché une évolution plus grande de la végé- tation. Nous avons rappelé plus haut qu'il n'avait pas gelé auparavant, excepté le 1" décembre. (Je ne parle pas de la première petite gelée blanche du 9 octobre qui flétrit les feuilles de VOxalis Deppei et de la Pawlonia.) (350 ) Le froid s*esl ainsi prononcé imnaédialement après l'é- poque du jour normalement le plus froid de l'année (21 jan- vier) précisément au moment du réveil des plantes (25 au 27 janvier) dans les années ordinaires. Les plantes ont été, semble-t-il, bien plus impression- nées, en ce qui concerne leur floraison, qu'en ce qui re- garde la feuillaison; car, pour celte dernière, nous n'avons eu à noter que cinq espèces, qui offrent assez fréquemment un développement semblable à pareille époque, pour peu que l'hiver ait eu des intervalles doux. Certaines plantes, de même famille , sont bien plus sensibles à l'influence de la température les unes que les autres. Ainsi, par exemple, c'est à peine si le Crocus jaune donnait, le 20 janvier, quelques indices de boutons de fleurs, alors que la florai- son du Galanthus nivalis était générale et avait commencé dès le 8 janvier. VJnémone hépatique rose était déjà en fleurs le 14 décembre, tandis que la variété bleue n'a fleuri qu'un mois après. Parmi les plantes mentionnées, celle qui a manifesté la première les atteintes du froid, en se flétrissant vers le 24 janvier, est la capucine qui avait continué jusque-là à croître et à fleurir en espalier. Les autres plantes ne se sont pas flétries en janvier, quoique la gelée, commencée le 24, se soit successivement un peu plus prononcée. Leur développement a seulement été interrompu. Les anciennes feuilles du Quercus cerri étaient restées vertes, et n'ont commencé à jaunir que vers le 26 janvier. Nos pêchers et nos abricotiers montraient des boutons, mais n'ont pas fleuri, comme cela est arrivé dans d'autres localités. Les animaux ne nous ont pas présenté de phénomènes remarquables à notei-, excepté le développement de la mal- (551 ) heureuse cochenille du pommier (puceron lanigère) qui, au commencement de janvier s'étalait déjà en plaques si- mulant de la moisissure blanche, sur les branches des pommiers à Liège. C'est ici le lieu de rectifier un fait qui a été avancé dans le bulletin horticole du journal Vlndé- pendance Belge , peu de jours après la communication que j'ai eu l'honneur défaire à l'Académie. Le spirituel auteur de cet article a avancé que, dans les plaines de la Hesbaye, on distinguait dans les vergers, même du chemin de fer, la moisissure blanche de cet ignoble insecte. Il esta croire que l'auteur a pris pour le puceron les toiles blanches ten- dues sur les arbres fruitiers par les familles de chenilles soit des Bombyx neustria et auriflua^ soit de rYponomeuta padella. Car, il serait impossible de distinguer à quelques pas les taches de la cochenille, qui heureusement, d'ail- leurs, n'a pas encore envahi les vergers de la Hesbaye. Je ne l'y ai vue qu'une fois, et isolément, il y a trois ou quatre ans. J'ai lieu d'espérer que si elle y existe encore, elle y est du moins fort rare. En terminant ces remarques, je crois à propos de rap- peler que, pendant l'hiver de 1851 à 18o2, qui a été fort doux, sans l'avoir été autant que celui-ci, la première petite gelée a eu lieu vers le 10 février. (Il y en avait eu d'autres au commencement de l'hiver, en novembre, je pense.) Les fleurs que j'ai remarquées à cette époque (le 10 février) , et qui étaient pour la plupart ouvertes depuis longtemps, étaient les suivantes : Helleborus niger. Galanthus nivalis. Corylus avellana. Eranthishyemalis. Anémone hepatica. Crocus vernus. Daphiielaureola. Rhododendron dahuricum. — mezereon. Pijrusjaponica. Utmus eampeslris. Viola tricolor. ( 352 ) Primula offlcinalis. Bellis perennis. Senecio vulgaris. Viola odorata. et sans doule un certain nombre des autres mentionnées en 1853. Les plantes en feuilles étaient les mômes que celles que j'ai signalées celte année (1855) le 12 janvier (1). Observations sur la notice de M, le professeur Van Beneden, intitulée : La génération alternante et la digenêse; par M. Th. Lacordaire , membre associé de l'Académie. Mon rapport sur le concours quinquennal des sciences naturelles ayant donné lieu à la publication de cette no- tice, je me vois dans la nécessité d'y répondre par quel- ques explications. Elles seront courtes, mais suffiront, je Tespère, pour mettre fin à un dissentiment qui n'a rien de sérieux au fond et qui ne repose que sur un malentendu. Le temps d'ailleurs me manque pour leur donner plus de développement. Le travail de notre honorable collègue se compose de deux parties distinctes : la première contenant quelques critiques à mon adresse; la seconde dans laquelle il expose ses vues sur la question qui nous divise en apparence. Occupons-nous d'abord de celle-ci. Je commence par déclarer que j'admets sans hésiter et sans restriction aucune tous les faits qu'elle contient. J'a- jouterai même que, dans l'état actuel de la science, il (1) Waremme, chef-lieu de l'arrondissement de ce nom, est situé sur la petite rivière le Geer, au milieu d'un plateau découvert. Le sol, très-fertile, appartient au limon de la îh sbayc. L'altitude au dessus du niveau de la mer est de 122 mètres. ( 353 ) serait difîîcille de donner de ces faits un exposé plus ingé- nieux, plus concis et plus exact. Si, dans son mémoire sur les vers cestoïdes, M. Van Beneden s'était exprimé avec celle clarté et cette précision , il n'y eût eu dans mon rapport aucun des passages qui, à mon grand regret et contre mon intention, ont pu lui paraître hostiles. Nous sommes parfaitement d'accord sur le point de dé- part, c'est-à-dire qu'au point de vue de la reproduction , le règne animal se divise en deux catégories : les animaux qui ne possèdent que la génération par des œufs, et ceux chez qui il y a coexistence de cette génération avec celle par bourgeonnement ou gemmipare, en d'autres termes, les animaux monogénèses et les animaux digéiièses, pour employer les expressions de M. Yan Beneden , qui me pa- raissent très-convenables et que j'adapte bien volontiers. Ici commence le malentendu. M. Van Beneden semble croire que, dans cette seconde catégorie, je ne fais aucune distinction, et que, dans mon opinion, partout où il y a di- génèse, il y a en même temps génération alternante. Or, je n'ai rien dit de pareil, que je sache. Je reconnais cependant que la distinction qu'il y a lieu de faire n'est pas établie dans mon travail, et qu'à ce point de vue, il présente une lacune : mais celte lacune est volontaire. Croyant à tort ou à raison que M. Van Beneden rejetait la théorie de la géné- ration alternante admise par tout le monde, mon but était simplement de démontrer qu'il admettait la chose moins son nom. Je n'avais pas besoin pour cela de parler des ani- maux digénèses où cette génération n'existe pas; il suffisait de ceux où elle existe. En un mot, je n'ai envisagé qu'une des faces de la question; si j'eusse traité la question tout entière, je me fusse sans aucun doute exprimé en moins bons termes que notre savant collègue; mais mes conclu- ( 554 ) sions eussent été absolument identiques avec les siennes. Non, la digénèse n'implique pas nécessairement la gé- nération alternante. Parmi les animaux chez qui la pre- mière existe, il y en a dont tous les individus possèdent tôt ou tard des organes génitaux, et qui dès lors ressemblent à leurs parents. On pourrait appeler ceci la digénèse simple. Mais il y en a aussi, et ce sont les plus nombreux, chez lesquels certains individus ne sont jamais sexués, mais seulement gemmipares, et qui se trouvent placés entre des générations sexuées. C'est ce que j'appelle génération aUernante avec tout le monde, et, s'il fallait en donner ici une définition, celle-ci serait très-courte et consisterait en ce peu de mots : elle existe partout où, entre deux généra- tions sexuées, s'intercalent une ou plusieurs générations agames; ni plus ni moins. Il y a là, par conséquent, deux choses distinctes : la digénèse et l'alternance des généra- tions. On pourrait appeler le tout, pour plus de brièveté, digénèse aUernante. La forme des individus ne joue ici qu'un rôle très-secon- daire, et c'est à tort que M. Van Beneden semble me prêter l'opinion inverse. C'est même pour éviter toute équivoque, à cet égard, que je me suis servi exclusivement des mots générations dissemblables, qui ont un sens aussi général que possible, et qui embrassent toutes les différences qui peu- vent exister entre deux ou plusieurs êtres, mais pas plus celles qui tiennent à la forme que les autres. De ces diffé- rences, il n'y en a ici qu'une seule d'essentielle, l'absence permanente ou la présence de la faculté de produire des œufs. Les cinq catégories que M. Van Beneden établit parmi les animaux digénèses sont parfaitement exactes. Mais il suHit d'y jeter les yeux pour voir que les deux premières ( 555 ) (Nais, Syllis , Clavellina, etc.) appartiennent à ladigénèse simple, et les trois autres à la digénèse alternante. M. Van Beneden le reconnaît lui-même pour la troisième et la quatrième. Quant à la cinquième, qui comprend les Puce- rons, j'ai donné, dans mon rapport, la formule qui leur est applicable, et il me paraît inutile de la reproduire ici. Ces cinq catégories se réduisent donc en réalité à deux, chacune susceptible de sous-divisions : deux pour la pre- mière, trois pour la seconde, sans parler de celles qu'on découvrira par la suite; car ici, comme partout, la nature a , sans aucun doute, réalisé toutes les combinaisons com- patibles avec le plan primitif, en procédant par nuances insensibles et ne reculant que devant la contradiction dans les termes. Maintenant, que notre savant confrère me permette de lui adresser une question dont je le fais juge lui-même et qui doit mettre fin à notre débat : ne lui paraît-il pas con- venable, ne fût-ce que pour la commodité du langage, de donner un nom particulier à ces deux catégories dont il vient d'être question en dernier lieu? S'il répond par l'affir- mative et s'il adopte le nom de (jénération ou digénèse alter- nante pour la seconde, tout dissentiment cesse à l'instant entre nous. Si ces expressions ne lui conviennent pas, il y a encore un moyen très-simple de nous entendre : qu'il en propose d'autres : j'y souscris à l'avance, bien certain qu'il n'en créera que de très-convenables. Enfin, s'il ré- pond par la négative, je n'ai plus qu'à me taire; les choses n'en subsisteront pas moins, qu'elles portent ou ne per- lent pas un nom. Je n'ai pas autre chose à dire sur le fond même de la question. Un mot maintenant sur la première partie de h notice. ( 356 ) a La génération alternante, dit M. Van Beneden, est un phénomène qu'il faut chercher à faire rentrer dans la loi commune de la reproduction et non pas laisser comme une exception dans la science. » Cette remarque est très- juste; je demande seulement si, après tout, la digénèse, dont la génération alternante fait partie, n'est pas elle- même une exception , car enfin les espèces chez qui elle existe, ne forment, jusqu'ici du moins , qu'une très-faible minorité dans le règne animal. Notre honorable confrère désapprouve ensuite fortement cette phrase de mon rapport : « le point de départ de la génération alternante est l'état ou se trouvent, quant aux organes génitaux, les embryons à leur origine. » Je con- viens qu'ainsi isolée de ce qui la précède et la suit, elle prête à la critique; mais que prouve une phrase détachée de l'ensemble dont elle fait partie? Bien plus; M. Van Beneden trouve des restes de la vieille théorie de l'emboîtement des germes dans un pas- sage où j'ai dit que le règne animal se divise en deux caté- gories, selon que les embryons possèdent en germes des organes génitaux ou qu'ils naissent agames. Lorsque je lus mon rapport devant le jury, j'avais pour auditeurs des hommes très-compétents dans ces sortes de matières; ils comprirent ce passage comme il doit l'être, et il ne vint à la pensée d'aucun d'entre eux d'y voir ce que mon savant contradicteur y a découvert. Je le prie de croire que je suis tout autant que lui partisan de la doctrine de l'épigénèse, et qu'ici non plus il n'y a pas de dissentiment entre nous. Tout ce que dit M. Van Beneden de mes prétendues opinions sur les Cestoïdes et les Méduses qui, selon moi, naîtraient tous agames et tous avec la faculté de produire des gemmes, tombe de soi-même devant ce que j'ai dit plus ( 557 ) haut des lacunes volontaires que présente mon travail. Je ne suis pas entièrement d'avis que M. Steenstrup ait si mal cJélini la génération alternante, en disant qu'elle consiste « en ce qu'un animal, au lieu de donner nais- sance à un animal semblable à lui, en produit un qui ne lui ressemble pas, mais qui produira une génération sem- blable au premier parent. » Sans aucun doute, si , par ces mois ; ne lui ressemble pas, on entend simplement une différence dans la forme, la question est mal posée; mais, si on leur donne le même sens qu'à ces expressions générations dissemblables , dont je me suis servi et qui sont au fond identiques avec celle em- ployées par Mo Steenstrup, je ne vois pas bien en quoi pèche sa délinilion. Elle me paraît seulement moins com- plète que celle de M. Van Beneden qui va mieux au fond des choses et qui est certainement préférable. Enfin, quand j'ai dit qu'on avait embrouillé la question de la génération alternante en la mêlant avec celle de l'in- dividualité des êtres organisés, je connaissais très-bien ce qu'avait publié à celte époque M. J. Millier sur les échi- nodermes, et ce n'est pas du tout aux travaux de l'illustre professeur de Berlin que je faisais allusion. M. Van Bene- den n'ignore pas les discussions auxquelles a donné lieu , notamment en Angleterre, cette question de l'individualité des êtres, et les conclusions qu'on en a tirées relativement à la génération alternante. Il est certain que les deux ques- tions sont intimement liées l'une à l'antre; mais la preuve qu'elles sont distinctes, c'est qu'on s'est demandé, bien longtemps avant qu'il fût question de génération alter- nante et de digénèse, si un arbre ou un Ténia constituait une seule individualité ou plusieurs. C'est la digénèse qui fait en partie qu'il existe des êtres ( 558 ) qui donnent lieu à cette question de l'individualité; il y a ici, comme partout, une cause et un effet. Or, où est, dans le cas actuel , l'obstacle qui s'oppose à ce qu'on puisse examiner séparément l'effet et la cause? Qu'importe, après cela, que, dans certains cas spéciaux, comme celui de la Bipinnaria asterigera, l'une des deux questions puisse servir à éclaircir l'autre? Je ne regretterai pas cette petite discussion , si notre honorable confrère tient l'engagement qu'il a pris dans son travail, de publier bientôt la suite de ses vues sur cette intéressante question de la digénèse et de la génération alternante; personne ne les attend avec plus d'impatience que moi. Noie sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. Demoor. La note sur l'embryon des graminées que nous avons eu l'honneur de présenter à l'Académie des sciences de Belgique, a été l'objet de deux rapports par MM. Spring et Marlens, rapports qui ont été lus dans la séance du 5 avril 1852. L'un des honorables rapporteurs, M. Spring, nous ayant engagé indirectement à reprendre les observations qui avaient été faites sur l'embryon des graminées, nous avons cru ne pouvoir laisser échapper celte occasion pour communiquer à l'Académie les résultats des recherches microscopiques auxquelles nous nous sommes livré, et qui fourniront probablement une solution définitive à l'important problème de l'organisation de cet embryon. ( 359 ) A cet effet, nous avons entrepris deux séries d'observa- tioHS : les unes se rapportent à la formation et au déve- loppement de l'embryon; les autres se rattachent aux phénomènes que nous a offerts la germination. Pour suivre le développement de l'embryon , nous avons choisi le Trilicum polonicum, le Triticum durum, ÏHordeum hexastichum, YHordeum vulgare, var. coeleste, VÀvena mida, var. major, le Melica uniflora, le Glyccria spectabilis, le Megastachya rigida, le Selaria germanica , l'Oplismenus crusgalli et le Panicum miliaceum. A pari la forme variable des ovaires avant et après la fécondation, les phénomènes de la formation de l'em- bryon se sont montrés chez presque toutes les espèces avec les mêmes caractères : mais nous aurons soin de si- gnaler les particularités remarquables qui se sont mani- festées chez quelques-unes d'entre elles. Quelque temps après la fécondation, nous avons vu apparaître, vers la base et à la face externe du périspermc, excavée vers le spile , une petite masse un peu allongée dont l'aspect et la densité tranchaient avec l'aspect et la densité du corps matriculaire du périsperme : cette petite masse, qui deviendra le bouclier, s'accroît assez promple- ment et prend un aspect jaune verdâtre : quelques jours plus lard, nous vîmes se former un mamelon un peu élargi à la base du bouclier. Chez quelques graines, nous avons trouvé celte petite masse complètement indépen- dante de cet organe; chez d'autres (Glyccria spectabilis, Megastachya rigidajy elle était presque imperceptible au plus fort grossissement, de manière qu'il nous fut im- possible de saisir ses connexions. Vers la même époque, nous distinguâmes pour la pre- mière fois une autre petite masse un peu allongée (gem- ( 560 ) mule), placée vers le tiers inférieur du jeune bouclier: cette petite masse s'allonge sans s'élargir sensiblement dans les premiers temps; tandis que le bouclier s'allonge et s'élargit considérablement. La masse que nous vîmes en second lieu est le faux bouclier de quelques auteurs. Cet organe s'est comporté différemment dans les divers genres : chez quelques-uns, il a acquis des dimensions assez fortes (Triticum), chez d'autres son développement est resté quasi siationnaire, et chez d'autres enfin, il a diminué de volume au point de s'effacer presque entièrement. Pendant que le bouclier se développe avec une rapidité surprenante, la gemmule s'accroît lentement, en s'élar- gissant et s'aplatissant un peu vers le haut et s'arrondis- sant et s'eflilant vers le bas, pour constituer les deux systèmes, l'ascendant et le descendant : C'est alors que nous vîmes se produire un corps mem- braneux qui s'élevait très-près du point qui lie la gem- mule au bouclier : ce repli était surtout bien marqué aux faces latérales de la gemmule. L'accroissement et le développement de ce corps mem- braneux ont varié dans le Melica et les autres espèces. Chez le Melica et le Glyceria spectabilis, cette membrane simulait une espèce de collier au-dessus du point de réunion de la gemmule avec le bouclier; bientôt elle for- mait une gaîne, dont tous les points du bord supérieur, qui paraissait libre, atteignirent en même temps le même niveau : lorsque le moment de la maturité fut venu, elle formait une poche sans aucune ouverture, sans aucune trace de soudure ni de séparation. Chez les autres espèces (Triticum durum, poloni- cum, etc.), le développement de la gaîne s'est fait diffé- remment: àson début, elle formait, comme chez le Me/ica, ( 561 ) unees[)èce de collier, mais, plus lard, son pourtour était obli([ue de bas en haut et d'arrière en avant, en suppo- sant que l'embryon soit placé sur i'écusson , la radicule tournée vers l'observateur : la va!?inule ayant atteint le sommet de la gemmule, où elle semble s'inlléchir et qu'elle enveloppe étroitement, présentait une petite fente qui était souvent plus ou moins oblique; les lignes de cel- lules qu'on distingue aux lèvres de cette fente affectent des directions opposées : celles du côté droit se dirigent de gauche à droite, de bas en haut et de dedans en dehors : tandis que celles du côté gauche se dirigent de droite à gauche, de bas en haut et de dedans en dehors. A la maturité du fruit, l'ayant fait macérer, nous dé- couvrîmes à la face externe de l'embryon, entre la vaginule et l'axe du sujet, un petit bourgeon revêtant, à peu de chose près, les mêmes caractères que la gemmule. Telles sont les données que nous avons pu recueillir sur la formation et le développement des parties impor- tantes dont se compose l'embryon des graminées jusqu'à la maturité du grain. Ayant suivi révolution de cet embryon, ayant assisté, pour ainsi dire, à la synthèse du jeune être, il restait en- core une autre série d'observations à entreprendre pour nous éclairer sur la question qui nous occupe : à cet effet, nous l'avons soumis à la dissection, à l'analyse aux di- verses époques de son développement ultérieur, c'est-à- dire depuis une simple macération jusqu'à l'évolution complète des divers organes qui le composent. Macéré pendant onze à douze heures , un faible grossis- sement a suffi pour nous faire distinguer le bouclier, la gemmule et sa gaîne , le sous-bouclier , et une dissection minutieuse nous fit voir le bourgeon en miniature dont il Tome xx. — I" part. 25 ( 562 ) a été parlé plus haut. Chez d'autres graines, la germina- tion allait s'effectuer : alors on distinguait, sans le secours d'aucun grossissement, le bourgeon rudimentaire de la vaginule : des tranches longitudinales et obliques dans lesquelles on avait compris une portion du bouclier, lit constater, à un fort grossissement, des trachées et des cel- lules de diverses formes. Une tranche verticale laite sur un jeune sujet, dont la vaginule était béante par la présence du cône intérieur qui allait se faire jour, nous fit constater que la consistance n'en était pas uniforme et homogène : nous vîmes deux lignes, souvent interrompues vers le milieu, marquées par un tissu moins régulier, et dont les éléments semblaient croiser dans leur plus grand diamètre, à angle presque droit, les éléments ambiants; une plaque souvent subqua- drilatère, ayant un des angles obtus tournés vers le haut, les séparait entre elles : la supérieure, laissant un petit in- tervalle irrégulier entre elle et l'inférieure, correspondait à l'insertion de la vaginule, et l'inférieure, plus nettement marquée , à l'insertion du bouclier. Chez d'autres espèces, et notamment chez le Triticum durum, dont la première vraie feuille était déjà sortie de la vaginule, il nous semblait exister un autre point vague- ment marqué par un tissu plus condensé sur le niveau du sous-bouclier; ces démonstrations sont surtout patentes chez les individus dont on a retranché une portion de la vaginule lorsqu'elle a acquis le tiers de son développement. Ces lignes de tissus et cette plaque subquadrilatère ne seraient-elles pas les premiers vestiges du mérithalle et des nœuds primordiaux? Pour contrôler ces observations, nous fîmes immédia- tement un semis d'une cinquantaine de grains à'Animo- ( 365 ) phyla arenarla et de MoHnia caerulea. Les graines de celle dernière germèrent au bout de seize jours; trente-deux jours après la germination, quelques sujets présentaient déjà trois feuilles, dont la plus intérieure allait terminer son évolution. Ayant pris une tranche longitudinale vers le milieu du diamètre de la base d'un jeune sujet, nous distinguâmes vaguement au microscope deux lignes irrégulièrement horizontales un peu plus compactes que le reste du tissu, lignes qui correspondaient à l'insertion des deux l'euilles inférieures; le point répondant à la feuille supérieure n'é- tait guère apparent : les points correspondant au bouclier et à la vaginule étaient presque aussi clairement dessinés. LAmmoplnjla arenaria nous a fourni les mêmes carac- tères, mais encore à un plus faible degré. En examinant sans prévention ces observations, qu'il n'est guère diiïicilede répéter, peut-il encore planer quel- que doute sur la dénomination qu'il convient d'imposer au bouclier, organe primordial de l'embryon des graminées? Tous ceux qui voudront se donner la peine de répéter les recherches qui précèdent, seront convaincus, comme nous, de l'exactitude des faits signalés et amenés naturelle- ment aux mêmes conséquences; mais avant qu'elles soient entreprises, elles ne sauraient échapper à quelques objec- tions, très-sérieuses en apparence , que nous allons passer en revue. D'abord, l'alternance ou la disticité des organes appen- diculaires leur sera opposée. Pourquoi, si l'écusson est le vrai cotylédon, ne se Irouve-t- il pas en allernance avec la première feuille ou le capuchon? tels sont les termes dans lesquels on formule la première objection. ( 364 ) L'écusson est un cotylédon , d'après les recherches des plus savants morphologistes, Mirbel , Spach , Auguste de S'-Hilaire et Schleiden , et aucune de ces sommités scien- tifiques n'a signalé le défaut de disticité ou d'alternance des organes appendiculaires, quoique Mirbel, Spach et Auguste de S'-Hilaire s'accordent à considérer la vaginule comme une feuille primordiale. Et comment se fait-il que la loi de l'alternance qui règne dans les graminées, n'a pas depuis longtemps démontré l'absence d'un organe et indiqué la place qu'il aurait dû occuper sur l'axe du jeune sujet? Les botanistes qui n'ont pas fait une étude spéciale de l'embryon des graminées invoqueront ce défaut d'alter- nance comme une preuve suffisante contre la dénomina- tion à donner au bouclier; mais pour peu qu'on se soit occupé d'embryologie agrostologique, l'on saura que ce défaut d'alternance ne s'y remarque qu'à cause de l'avorle- ment d'un organe, qui serait l'analogue de la vaginule et qui se trouverait supérieurement et à proximité du faux cotylédon, car la germination de plus de cent espèces de graminées, tant indigènes qu'exotiques, appartenant à qua- rante-trois genres, nous a donné la conviction qu'il existe chez toutes, à une certaine époque, un faux cotylédon plus ou moins apparent. Si on admet cet avortement, dont la physiologie nous rend compte, l'alternance est définitivement établie. Et y a-t-il de bonnes raisons qui s'opposent à admettre cet avortement? « 11 nous semble que tout parle en faveur de notre thèse : » En effet, ne voit-on pas tous les jours de semblables avortements dus à une répartition inégale des matières nutritives? Or, le développement du bouclier, sa position, ses rapports et sa communication avec le péri- ( 565 ) sperme, qui ont été rappelés, ne semblent-ils pas nous en dévoiler le secret? La seconde objection est tirée de Veœistence de la fente gemmulaire, qui a été démontrée cbez quelques monocoty- lédones et étendue plus tard, par analogie, à toutes les unilobées. Et chose singulière, Schleiden, quoiqu'un des promoteuis de cette opinion, n'en a pas moins continué à envisager le bouclier comme le cotylédon des graminées. L'extension donnée à cette particularité, sans examen préalable, doit faire élever des doutes sur l'existence de cette fente chez toutes les monocotylédones : et déjà nous avons eu soin d'enregistrer des faits, observés avec soin, qui sont de nature à diminuer l'importance qu'on y attache: ainsi le Melica imiflora présente une vaginule sans trace d'ouverture, tandisque, dans le Triticum polonicum, elle est très-apparente à une forte loupe : on dirait même qu'à la commissure inférieure, le bord droit recouvre un peu le bord opposé : ce qui tend à faire admettre cette disposition, c'est la direction des vaisseaux et des lignes de cellules muriformes. Ces tissus élémentaires, à partir d'un peu au- dessous de la commissure inférieure, vont en divergeant; ceux de droite se dirigent obliquement de gauche à droite, de bas en haut et de dedans en dehors, et ceux de gauche dans un sens inverse. Or, nous savons que, chez les grami- nées, les cellules muriformes, etc., suivent la direction parallèle des vaisseaux : qu'on trace donc sur un carré de papier des lignes parallèles représentant les vaisseaux et les cellules muriformes, qu'on en fasse une espèce de cor- net simulant l'enroulement de la gaîne, et l'inspection des bords de ce cornet fournira une idée assez exacte de la divergence apparente des tissus élémentaires autour de la fente gemmulaire; mais hâtons-nous d'ajouter que nous ( 566 ) ne sommes jamais parvenu à constater directement le croi- sement ou l'enroulement des bords ; car la soudure ou l'union nous a paru toujours parfaite. Puisqu'on s'accorde sur l'organe qui doit être appelé cotylédon chez VArwn maculatum, quoiqu'il ne présente plus une simple fente, mais un écartement très-apparent et assez large de ses bords, et qui pourrait être représenté par les trois quarts d'un cylindre, et sur le cotylédon du bananier, qui forme à peu près la moitié d'un cylindre, un cotylédon presque plan ne pourrait-il pas être le partage des graminées? Quoi qu'il en soit, nous croyons que l'exis- tence de la fente gemmulaire ne mérite pas la haute im- portance qu'on lui accorde assez généralement; et nul doute qu'au point de vue des classifications, la fente (1) gemmulaire ne soit un jour, qui n'est peut-être plus éloi- gné, à l'égard des monocotylédones, ce que fut naguère la gaine fendue envers la famille des graminées. Les auteurs qui envisagent le capuchon ou la vaginule comme l'analogue de la ligule qui existe le plus souvent chez les graminées, ont perdu de vue sa structure, son insertion et la présence d'un bourgeon à son aisselle. Et d'abord, la vaginule existe chez toutes les graminées; elle est membraneuse ou subherbacée et très-développée (2), même chez les espèces qui présentent à peine des traces de ligule; puis la ligule de presque toutes les graminées ne (1) La fente geniinulaiie ne présente rien qui puisse nous intéresser, se retrouvant même dans la feuille extérieure des bourgeons de presque toutes les graminées. Chez la plupart de nos céréales cultivées, seigle, froment, etc., celte feuille revêt ultérieurement tous les caractères du capuchon. .(2) LY'tude de la flore agrostoiogique nous fait voir que la ligule des feuilles inférieures est toujours moins développée que celles des feuilles supé- rieures. (567) présente dans sa composition aucune espèce de vaisseaux , tandis que la vaginule en offre de divers ordres; on ne saurait citer un plus bel exemple que celui du Triticum (hirum, dont la vaginule est quelquefois entièrement con- forme à la gaîne de la feuille suivante; ensuite, la ligule est une dépendance de la feuille, tandis que la vaginule, contrairement à Topinion de Schleiden , est indépendante du bouclier, ainsi que les recherches de Mirbel et les nôtres nous l'ont prouvé (Loliiim, Panicum, Digitaria, etc.); son mode de végétation n'est pas moins différent chez l'une et chez l'autre. La ligule qui est coupée en partie reste dans cet état, tandis que la vaginule encore close et même plus tard, dont on retranche une partie, devient le siège d'un développement remarquable : un mouvement de turges- cence s'en empare, et elle ne tarde pas à devenir succu- lente-charnue ; enfin , Texistence d'un bourgeon à son ais- selle ne permet aucune comparaison entre la ligule et la vaginule. Tout, au contraire, tend à démontrer que le capu- chon n'est pas le représentant de la ligule, mais qu'il revêt tous les caractères de la portion vaginale d'une feuille; c'est ce dont ou pourra s'assurer par la germination de VOnjza sativa, de VAsprella oryzoïdes, de VHierocIdoë borealis, du Melicamontana, etc. y qui, outre la vaginule, présentent une seconde feuille en tout analogue au capuchon. La troisième objection invoque Vanalogie et assimile le bouclier à la production latércde que présente la tigelle des naïades. Pour appuyer solidement cette analogie , il nous fau- drait connaître l'embryogénie des naïades, et c'est ce que l'on ignore complètement; de telle manière que la discus- sion est placée sur un terrain inconnu et inexploré : car ce qu'on sait h cet égard est vague et incertain. Mais on a acquis des notions positives sur la constitution de l'em- ( 368 ) bryon des naïades, des Potamées et des zosteracées; leur embryon, dépourvu de périsperme , se compose d'une masse charnue latérale de configuration insolite qui forme sa presque totalité. L'organe que Richard a nommé cotylédon, situé un peu plus haut, est un appendice quasi scarieux. Il nous est donc impossible de rien conclure par Tin- spection de cet embryon; si pourtant il nous était permis de procéder du connu à l'inconnu et par induction, nous serions porté à considérer cette production latérale comme le vrai cotylédon, et le colylédon de Richard comme une feuille primordiale; mais à l'embryogénie seule est réservée le soin, la tâche de nous éclairer sur cette question enve- loppée d'obscurité. Enfin, si on envisage le bouclier comme une production latérale de la tigelle, qui n'est pas encore à l'état de germe lorsque le bouclier est déjà nettement dessiné, l'on sape par sa base la théorie sur la formation des bourgeons et des embryons, qui a aujourd'hui cours dans la science et sur laquelle tous les bons esprits s'accordent; théorie dont Schleiden a fait ressortir la justesse et les conséquences dans ses rapprochements entre le bourgeon fixe et le bour- geon séminal ou embryon. Des recherches qui précèdent nous nous croyons auto- risé à déduire : 1" Que l'embryon des graminées se compose du bou- clier, du sous-bouclier et de la gemmule; 2° Que la formation du bouclier précède celle de la gemmule; o° Que la vaginule naît indépendamment et au-dessus du bouclier et se comporte différemment dans la famille des graminées, attendu que tantôt elle présente une fente très- apparente et que, d'autres fois, elle n'en offre aucune trace; ( 569 ) 4° Que l'axe du jeune être porte à diverses hauteurs la vaginule, le bouclier et le sous-bouclier; que les points correspondant à l'insertion des deux premiers organes sont marqués par des lignes de tissus condensés séparées entre elles par une plaque quelquefois subquadrilatère autrement constituée, premiers vestiges du mérithalle et des nœuds primordiaux; 5° Que la vaginulc présente à son aisselle le germe d'un bourgeon, comme toutes les feuilles des graminées; Et 0° que la vaginuîe, par l'ensemble de ses caractères, est en tout analogue à la première vraie feuille de cer- taines espèces. De là nous concluons : .1. Que le bouclier constitue le vrai cotylédon des gra- minées; Et B. Que la vaginuîe n'est pas le représentant de la ligule, mais la portion vaginale d'une feuille primordiale à laquelle nous l'assimilons. Note sur le synchronisme du calcaire pisolilique des envi- rons de Paris et de la craie supérieure de Maestricht; par M. Ed. Hébert. Il n'est pas hors de propos de revenir aujourd'hui sur cette question; plusieurs géologues distingués viennent, en effet, d'émettre, dans de récentes publications, des opi- nions différentes, il est vrai, mais toutes de nature à ob- scurcir le débat. M. D'Archiac, dans son Histoire du pro- (370) grès de la géologie (1), repousse le synchronisme et croit que l'ensemble des espèces qu'on rencontre dans le calcaire pisolilique présente un faciès beaucoup plus tertiaire que crétacé. Quelques mois plus lard (2), M. Roulin déclare quil continue à regarder le calcaire pisolitique , qu'il réunit aux sables de Bracheux , comme la première formation ma- rine du terrain tertiaire parisien. Enfin, cette année même, M. Lyell, dans son mémoire sur le terrain tertiaire de la Belgique (5) , groupe ensemble le calcaire pisolitique et le landénien inférieur de M. Dumont, que nous regardons comme l'exact équivalent de nos sables de Bracheux, dont il renferme les principaux fossiles, pour en faire un nou- veau système qu'il propose de placer entre la période cré- tacée et la période éocène. Le faciès du calcaire pisolilique est-il donc plus tertiaire que crétacé? Je pouvais répondre à celle question que j'avais trouvé, ■et à plusieurs reprises, dans le calcaire pisolitique de Mon- tereau le Pecten quadricostatus , qui caractérise la craie supérieure de Maestricht et du Gotentin. Tous les paléon- tologistes eussent jugé cette réponse sutlisanle; mais j'es- pérais trouver d'autres rapprochements. Dans quelques collections, j'avais vu des échantillons de roches de Maes- tricht dont la structure était singulièrement semblable à celle de notre calcaire pisolitique. Je résolus d'aller à Maestricht en étudier le gisement. Sur le lïanc de la montagne S*-Pierre qui regarde la (1) T. lY, p. 244. (5) Bull, de la Soc. géol. de France, 2' série, t. VIII, p. 400. (5) Quart, journ. géoL Soc, vol. VIIT, p. 307 (mai 1 852^ (571 ) Meuse, je ne vis d*abord rien qui se rapportât à l'objet de mes recherches, mais à l'extrémité de la colline la plus éloignée de la ville, un chemin creux me montra un grand nombre de blocs d'un calcaire gris , beaucoup plus dur que la craie sableuse exploitée. Ce calcaire était rempli de moules de lucines, bucardes, tellines, etc., et sans l'a- bondance du Dentalimn Mosae, dont la roche était pour ainsi dire pétrie, la faune eût été essentiellement diffé- rente de celle de la craie jaune sableuse. M. Thierens, collecteur zélé et fort habile de Maeslricht , qui avait bien voulu m'accompagner, me dit que ce calcaire formait en général le ciel des carrières, et que ces blocs venaient pro- bablement de quelque éboulement. Sur ce renseignement, j'examinai de plus près les couches supérieures; mais du côté de la vallée de la Meuse, il me fut impossible de les atteindre. Je recourus alors à l'autre versant, qui regarde le vallon du Gecr, et là, au-dessus de l'entrée d'une car- rière, je pus parcourir et étudier à l'aise la série supé- rieure. Je trouvai d'abord le banc de calcaire gris, à Den- talium Mosae, etc., avec moules de bivalves; puis venaient quelques pieds de craie jaune sableuse ordinaire, puis un banc qui fixa de suite mon attention. C'était un calcaire légèrement jaunâtre, compacte, concrélionné, rempli de polypiers et d'une foule de bivalves et de gastéropodes. Parmi les bivalves, je trouvais le Corbis suhlamellosa , d'Orb. , si abondant dans tous les gisements du calcaire pisolitique. Les gastéropodes étaient des troques, des tur- bos, etc. ; c'est aussi de cette couche que vient le Naulilu^ simplex, Rœmer (iV. De Koiji, Morlon), que j'ai retrouvé dans le calcaire pisolitique de Moniainville (Seine-et-Oise). Il n'y avait pas le moindre doute, c'était là le gisement des échantillons que j'avais vus à Paris, et de plus, j'y voyais (572) des fossiles dont Tidentilé avec les nôtres n*était pas con- testable. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que la faune de ce banc compacte peu épais disparaît avec lui, et, bien qu'il soit recouvert par plus de 10 mètres de craie jaune sableuse, je n'ai point vu dans les assises supérieures les fossiles si nombreux, si spéciaux, du banc compacte (1); mais le temps dont je pouvais disposer était tellement res- treint que cette première recherche doit être nécessaire- ment fort incomplète, et que je ne veux en tirer d'autres conclusions que celle-ci : Qu'il existe à Maestricht, inter- calés dans la craie jaune sableuse, un ou plusieurs bancs d'un calcaire dur et compacte, ayant les mêmes caractères minéralogiques que notre calcaire pisolitique dont il con- tient des fossiles, et que celte observation, jointe à la découverte que j'ai faite du Pecten quadricostatiis dans le calcaire pisolitique, doit, conformément à l'opinion de M. Élie de Beaumont, faire regarder ce dernier dépôt comme synchronique de la craie supérieure de Maestricht. Celle-ci doit, d'ailleurs, selon toute probabilité, contenir, dans ses assises inférieures, un certain nombre de couches qui manquent dans le calcaire pisolitique; mais, pour se rendre un compte exact de cette corrélation, il faudrait d'abord connaître la répartition par couches des fossiles de la craie supérieure de Maestricht et du calcaire piso- litique. Ce travail serait facile à Maestricht où MM. Bos- quet et Thierens en ont tous les éléments; ce serait un véritable service rendu h la science. (1) J'ai vu, chez M. Bosquet, une série de fossiles tout à fait analogues à ceux (le ces couches de calcaire dur de la Montagne-S'-Pierrej ces fossiles paraissent provenir d'une autre localité, le fort Guillaume. (373) Ce n'est pas seulement à Maeslricht que j'ai pu recueillir des preuves du synchronisme des deux dépôts. On sait que le calcaire pisolitique du Mont-Aimé, près Châlons-sur- Marne, est célèbre par la quantité de débris de crocodile qu'il renferme. Ce genre, que l'on regardait comme spé- cial aux terrains tertiaires, se reconnaît facilement à ses vertèbres concavo-con vexes, tandis que les autres sauriens des terrains crétacés ont les vertèbres bi-concaves (1) ; or , dans ma dernière excursion en Belgique, j'ai précisément trouvé à FolX'les-Caves , dans une carrière où la craie su- périeure est exploitée à ciel ouvert, une vertèbre du croco- dile du Mont-Aimé, au milieu d'un nombre prodigieux de fossiles de la craie de Maestricht. Il y a donc une connexion intime entre la craie supé- rieure et le calcaire pisolitique, sous le rapport paléontolo- gique, tandis qu'il n'y en a aucune entre le calcaire pisoli- tique et le terrain tertiaire, puisque, entre ces deux derniers terrains, il n'y a pas une seule espèce commune, au moins jusqu'à présent. Je vais actuellement examiner la question au point de vue slraligraphique. M. D'Archiac, en comparant le cal- caire pisolitique à la craie supérieure de Maestricht, cite, parmi les motifs qui l'engagent à l'en séparer, la discor- dance (2) qui existe entre le calcaire pisolitique et la craie blanche , tandis qnentre celle-ci et la craie de Maeslricht , il y a continuité parfaite (5). M. D'Archiac a cependant constaté lui-même (4) que des phénomènes, identiques à (1) Pictet, Éléments de Paléontologie , t. II, pp. 56 et 40. (2) Hist. du prog. de la géol, t. IV, p. 242. (3) Id., id., p. 244. (4) Id., id., p. 176. ( 574 ) ceux que j'avais signalés (1) entre la craie blanche et le calcaire pisolitique, avaient eu lieu entre la craie blanche et la craie supérieure. Il cite, à Ciply, une très-inléres- sanle coupe, que j'ai récemment visitée et où Ton voit la surface de la craie blanche durcie {nous ajouterons ravinée et offrant les mêmes tubulures quà Meudon) recouverte par des cailloux roulés empâtés dans la craie supérieure dont les assises recouvrent cette couche. C'est là une preuve évidente de dénudation; cette dénudalion a eu lieu aux dépens de la craie blanche, puisqu'au milieu des cailloux roulés se rencontre, roulé aussi, le Belemnites mucronatus , auquel j'ajouterai VAnanchytes ovata, la Terebralula cornea et des blocs de craie blanche. M. D'Archiac déduit de ces observations une conclusion parfaitement juste et que nous adoptons pleinement, à savoir, que les dépôts de craie supérieure de Ciply, de Maestricht, de Folx-lez-Caves ont été formés dans des dépressions de la craie. C'est exacte- ment ce que j'ai dit pour le calcaire pisolitique, et nulle part, dans le bassin de Paris, la discordance n'est aussi tranchée qu'à Ciply. Comme ce point me parait avoir quelque importance, je demande la permission de m'y arrêter un instant et d'ajouler quelques renseignements à ceux déjà fournis par MM. Léveilié et D'Archiac. La coupe de Ch. Léveilié (;2) , reproduite par M. D'Ar- chiac, s'applique au chemin creux qui se trouve à l'entrée de Ciply, en venant de Mons. Là, en effet , au-dessus de la craie blanche caractérisée par ses lits de silex et ses fos- (1) Bull de la Soc. géoL de France, 2' série, t. V, p. 406 (1848). (2) Jlém. de la Soc. géoï. de France, \^' série, t. II, p. 32. ( ^'^ ) siles ordinaires {Ananchyles ovata, Belemniles mucrona- tus, Rhynchonella subplicata, Inoceramus Cùvieri, Ostrea vesicularis , Pecten quinquecoslalus , etc.), on voit : r Au contact immédiat de la craie blanche, une assise de craie de couleur gris jaunâtre , analogue à celle de Maes- tricht, et qui forme le toit de l'entrée d'une exploitation. 2° Craie grise tufacée, remplie de fossiles et notamment des suivants: Belemniles mucronatxts . Theciden papillata. Terebraliila cornea. Apiocn'n ites elliplicus ■ Rhynchonella subplicata. DetUalium Mosae, etc., etc. Fissuriroslra pectiniformis. Cette assise est épaisse de 8 mètres environ; on n'y trouve ni Hemipneustes, ni Baculites; évidemment elle correspond à la base des carrières de Maestricht. o"" Au-dessus de cette coupe, les champs contiennent en abondance des débris de calcaires durs, jaunâtres, ayant la même texture que le calcaire à polypiers de la Monla- gne-S'-Pierre. Il ne reste, d'ailleurs, aucun doute que la vériiable craie jaune, telle qu'on l'exploite à Maestricht, et que l'on voit tout autour de Ciply, où elle est exploitée également, ne soit supérieure à la craie grise dont il vient d'être question , comme l'indique la coupe de Ch. Léveillé. Il est à remarquer qu'en ce point, au contact de la craie supérieure et de la craie blanche, la première repose im- médiatement sur la craie blanche, tendre, à lits de silex noirs, sans cailloux roulés, sans craie dure. Si l'on tra- verse le village en se dirigeant au sud, on monte un che- min qui passe devant une ferme isolée à 100 ou 200 mètres du ruisseau; le premier chemin à droite, après avoir passé la ferme, coupe la craie blanche à un niveau certainement (576) supérieur au point où l'on a vu la craie grise à thécidées et à fissuriroslres. De ce point, en regardant au sud, on aperçoit devant soi un escarpement (n° 1) qui présente le contact de la craie supérieure et de la craie blanche. Ce point, analogue à celui que cite M. D'Archiac, ne paraît pas être le même. Je reproduis ici grossièrement ce que j'y ai vu. Fig. 1. — Escarpement n" 1. A est la craie blanche ordinaire à Belemnites mucronatus; B est la craie dure, ravinée, percée de tubulures, comme à Meudon, mais aussi compacte et aussi dure qu'à Souppes près Châleau-Landon. C est la craie jaune sableuse semblable à celle qu'on exploite à Maestricht. Le contact entre la craie blanche et la craie supérieure se fait suivant une surface extrêmement ondulée. Tantôt, comme en d, d, d, un petit lit très-mince de craie ferrugi- neuse et sableuse recouvre la craie dure en pénétrant dans les tubulures. Tantôt, comme en D, D, D, la craie supé- rieure empâte à sa base une quantité quelquefois prodi- gieuse de petits cailloux plus ou moins roulés, au milieu desquels se voient des blocs de craie blanche, dont quel- ques-uns ont un pied de diamètre, des Ananchytes ovata, des Belemnites mucronatus, etc. , etc. L'épaisseur très-va- riable de cette accumulation de débris atteint près de deux mètres. On remarque sur quelques-uns de ces cailloux des trous de coquilles perforantes. (577) Au-dessus vient en assises régulières la craie jaune de iMaestricht avec des caractères pétrographiques complète- ment identiques à ceux des assises supérieures sableuses de la Monlagne-S'-Pierre, et très-différents de ceux des assises grises du chemin creux de Ciply, situées à un niveau plus bas. Si de cet escarpement dont je viens de donner la coupe, on se tourne vers le nord, on aperçoit à 100 ou 200 pas devant soi, sur le flanc opposé du petit vallon, un affleu- rement de la craie (n" 2, fig- 2); l'examen de ce point montre qu'il appartient encore au contact de la craie blan- che que l'on voit immédiatement au-dessous de la craie supérieure; mais, ici , celle couche de contact est presque exclusivement formée de cailloux, de blocs et de fossiles roulés. Ces derniers, extrêmement nombreux, appartien- nent, les uns, à la craie blanche (Crania parisiensis, Rhynchonella octoplicata, etc.), les autres, en plus grand nombre, à la craie supérieure; on y trouve même en abon- dance des espèces que l'on ne trouve que dans des assises plus élevées que celles du chemin creux de Ciply, savoir: des moules de Roslellaires, Turbos, Natices, etc., et qui proviennent de calcaires compactes intercalés, comme nous l'avons vu dans les assises supérieures. C'est un gisement extrêmement riche, car, au milieu des fossiles roulés, on en trouve un grand nombre dont la conservation est parfaite, et en très-peu de temps, on peut faire en ce point une provision considérable de fossiles. Il faut aussi remarquer que, dans ce point, il n'y a pas apparence de craie dure lubuleuse. Le chemin creux dont nous avons rappelé la coupe se trouve sensiblement au nord des deux affleurements pré- cédents. Si on continue à marcher au nord , ce qui est la Tome xx. — T* part. 26 ( 578) direction de Mous, on arrive, à un kilomètre environ de Ciply, à degrandes carrières ouvertes dans la craie jaune, exactement semblable à celle de lescarpement (fig. 4), et selon toutes les apparences, le niveau de celle craie jaune est supérieur à celui de la craie grise du chemin creux , et doit être sensiblement le même que celui de l'escarpement. La présence du banc pétri de Dentalium Mosae , qui forme le ciel des carrières de Maestricht, classe ces couches, dont l'épaisseur est de 7 à 8 mètres, dans la partie supérieure de la craie jaune. Des blocs épars au fond de la carrière et contenant des cailloux roulés attestent que le contact a lieu en ce point comme dans la coupe que j'ai figurée. Si l'on cherche à représenter ces faits par une figure commune, on est obligé d'adopter la disposition suivante : 1. Craie jaune supérieure. 2. Craie grise à fissuiirostra pectiniformin 3. Craie dure à tubulures. 4. Craie blanche avec lits de silex. A, B, C, D, E, F représentant grossièrement la configu- ration actuelle du sol des environs de Ciply dans la direc- tion que nous avons considérée. a, b, c, d, e, f, g représentant le petit bassin de craie blanche, formé par dénudation, dans lequel les assises in- férieures de la craie de Maestricht se sont déposées. Quelle que soit d'ailleurs la valeur de cette représenta- tion graphique, il n'en ressort pas moins de ce que je viens de dire les conséquences suivantes : ( 579 ) r La craie grise à Fissurirostra pecliniformis , d'Orb., partie inférieure de la craie supérieure de Maestrichl, re- couvre, à Ciply, la craie blanche à lits de silex noirs au point le plus bas où la craie supérieure puisse être ob- servée, et alors la craie dure à tubulures, qui constitue, en Belgique , comme dans le bassin parisien , la partie supé- rieure de la craie blanche, manque. 2° Lorsque cette craie dure existe, la craie jaune qui la recouvre appartient aux assises supérieures de la craie de Maestricht. 5° La craie blanche a donc été ravinée avant le dépôt de la craie supérieure. Les dépressions qui ont été le pro- duit de ce ravinement ont été comblées par la craie supé- rieure. On voit que j'arrive à la conclusion de M. D'Archiac, à laquelle je n'ai fait qu'apporter de nouveaux arguments, et que certainement son auteur avait perdue de vue, lorsque, quelques pages plus loin , il dit que, dans le bassin de l'Es- caut, il y a une continuité parfaite entre la craie blanche et la craie supérieure. D'un autre côté, cette conclusion est exactement celle que j'ai été conduit à formuler pour le calcaire pisolitique (1). Le calcaire pisolitique et la craie de Maestricht sont donc exactement dans les mêmes conditions stratigraphi- ques par rapport à la craie blanche; j'ai montré que, sous le rapport paléontologique, ces deux dépôts n'offrent pas une moindre analogie, et que cette analogie s'étend jus- qu'aux caractères pétrographiques; je crois donc qu'il serait avantageux de supprimer ces dénominations de cal- (1) Bull de la Soc.géol. de France, t. V, p. 406, et t. VI, p. 723. ( 580 ) caire pisolitique , de terrain danien, de calcaire à baculites du Cotentin, qui ne représentent que des lambeaux isolés d'un même dépôt, la craie supérieure, et de même que l'on dit : craie supérieure de Maeslricht, on pourrait dire à l'avenir craie supérieure de Suède, du Cotentin, craie supérieure du bassin de Paris (1). (1) Depuis la rédaction de cette note, je me suis aperçu que M. Van Hees (Bulletin de la Soc. géol. de France, t. III, p. 160) avait parfaitement reconnu l'existence des couches de calcaire dur que je signale, et que M. Michelin avait fait remarquer l'analogie de ce calcaire avec celui de Laversine. ( 581 CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 mars i8o3. M. le chanoine de Ram, directeur. M. QuETELET, secrétaire perpéluel. Sont présents : MM. le chevalier Marchai, le baron de Gerlache, Roulez, Lesbroussart, S. Van deWeyer, Gachard, le baron J. de S'-Genois, David, Van Meenen, P. Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Rormans, Raguet, membres ; Nolet de Rrauwere Van Steeland , associé ; Arendt, Chalon, Ducpetiaux, Mathieu, correspondants. MM. Sauveur et P]d. Félis assistent à la séance. CORRESPONDANCE. Il est donné lecture de l'arrêté royal qui nomme M. le baron de Stassart à la présidence de l'Académie pour l'année 1853. M. le baron de Stassart écrit qu'il se trouve retenu chez lui par une indisposition; M. le chanoine de Ram, vice- directeur de la classe, le remplace au fauteuil. — M. le Minisire de l'intérieur adresse une expédition ( 382 ) d'un arrêté royal, qui nomme membres du jury chargé de décerner le prix quinquennal de littérature française, MM. De Decker, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, P. Devaux, Grandgagnage, Lesbroussart et Hallard. — M. Stallaert demande à pouvoir publier une édition in-8° du Mémoire Sur Vimtruction publique au moyen âge, par M. Vanderhaeghen et par lui, auquel l'Académie a décerné une médaille d'or. — Accordé. — M. Van Sypesteyn, officier du génie au service de S. M. le roi des Pays-Bas, transmet une histoire de la vie du général comte Jean Baptiste Dumonceau, ancien ma- réchal de la Hollande, né à Bruxelles, en 1700. Il pense que ce travail sera accueilli avec faveur dans un pays qui a déjà produit sur ce même officier distingué un éloge de M. le baron de Stassart et un ouvrage de M. de Bavay. — Remercîments. — Un anonyme demande si le mémoire portant la devise : Sit quodvis simplex duntaxat et unum, et répon- dant à la question sur l'enseignement moyen, a été admis au concours; il sera répondu affirmativement. — MM. De Decker et Chalon déposent des ouvrages de leur composition. — Remercîments avec mention au Bul- letin, — La classe reçoit aussi les deux ouvrages manuscrits suivants : r Les Monuments de la diplomatie vénitienne, considé- rés sous le point de vue de l'histoire moderne en général et de l'histoire de la Belgique en particulier, par M. Gachard, membre de l'Académie. (Commissaires: MM. Borgnet, de Ram et le baron de Gerlache.) ( 585 ) 2° La Ville de Gand, considérée comme place de guerre, par M. P.-C. Van Der Meersch , conservateur des archives de l'Étal et de la Flandre orientale. ( Commissaires : MiM. Steur, De Smetet le baron de S'-Genois.) RAPPORTS. Sur l'Epître latine de M. le professeur Fuss, intitulée : DaNTIS DIVINAE COMOEDIAE POETICA VIRTUS. itapport de Jtf. Bofmans. c( Le pocme lalin que M. le professeur Fuss a présenté à l'Académie, et sur lequel j'ai été chargé, conjointement avec mes honorables conlVères, M. Lesbroussart et M. de Ram , de vous faire un rapport, comprend 515 vers, ayant pour objet l'appréciation du mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, et pour but de prouver que celte célè- bre trilogie, malgré l'importance immense du sujet et un certain nombre de passages comparables ou supérieurs à tout ce que la poésie a jamais produit de plus beau, et à ce double titre digne d'une éternelle admiration , ne répond pas cependant, dans son ensemble, à l'idée qu'on doit se former d'un chef-d'œuvre véritable et d'un parfait modèle de composition poétique. Admirateur du Dante autant qu'on peut l'être, quand on ne veut pas rabaisser la poésie elle-même, M. Fuss res- pecte la couronne qui orne le front du plus grand des chantres du moyen âge; il s'incline devant son génie, qui , ( 584 ) ] comme celui d'Homère, embrassa tout un monde; mais il ne partage pas renlliousiasme exagéré de certains critiques ■ qui transforment cette couronne en un météore éclatant ; qui domine tout le ciel de la poésie , ou qui prennent l'idée qu'ils se sont faite de la puissance du génie du poëte pour ■ la mesure de l'œuvre qu'il a produite. En comparant le ] poëme du Dante avec les deux grandes épopées d'Homère, i il veut qu'on tienne compte des différences qui existent, | au point de vue de l'art , entre le monde ancien et celui ; du moyen âge, et qu'on n'examine pas seulement quelles \ sont l'étendue et les proportions du tableau que le Dante , déroule devant nous, ni s'il est plus ou moins ressemblant, et fidèle, mais encore et surtout jusqu'à quel point l'exé- \ culion en est parfaite. | Le développement de ces idées, après tout ce qu'on a déjà écrit sur le Dante, eût exigé des volumes. M. Fuss, qui n'écrit qu'une épître, et une épîlre en vers, a usé du \ droit accordé à tout poëte, si l'on n'aime mieux lui en faire un devoir, de ne prendre dans son sujet que les parties les ; plus saillantes, pour les dessiner d'une manière large et rapide. Il ne touche à la matière qui fait le fond de la Divine Comédie, et dont il reconnaît toute la grandeur, ■ que pour autant qu'il s'agit de déterminer en même temps I quel parti le poëte a su en tirer. C'est beaucoup d'avoir ; rencontré un beau sujet; mais c'est le mérite de l'exécution qui fonde la gloire du poëte. Il n'y a pas qu'un premier ! choix, celui de la matière, à faire; quelque riche qu'elle ! puisse être, tout n'y sera pas poésie, ni propre à la poésie; ! il y a à prendre et à rcvjeter : Hoc amet, hoc spcrnat pronu'ssi carminls auctor. ( 585 ) Le Dante a-t-il connu cet art de choisir, avait-il ce sen- timent des convenances poétiques qui excite tant notre admiration dans Homère? Dans celui-ci, les moindres cho- ses nous intéressent; quelque part qu'il nous conduise, nous le suivons toujours avec plaisir : peut- on dire la même chose du Dante? M. Fuss ne s'arrête pas davantage à discuter l'ordon- nance et le plan de la Divine Comédie, ni à rediercher le but que le poète s'est proposé dans cette vaste entreprise. Si , par la (orme , la Divine Comédie n'est pas plus une épo- pée quelle n'est un drame ou un poème lyrique, elle s'écarte cependant moins du premier genre, en ce qu'elle a une étendue proportionnée à l'importance du sujet, qui comprend toute une grande époque de l'humanité. On ne peut nier que le poème du Dante n'ait ce point de commun avec les épopées d'Homère. Mais quelle différence, encore une fois, dans la manière dont chacun d'eux sait employer les richesses dont il dispose! Le monde d'Homère se laisse embrasser d'un seul regard, moins parce qu'il est plus borné (car il est en même temps plus plein), que parce que tout s'y trouve à sa place et concourt à l'unité. M. Fuss ne dit pas précisément que celui du Dante est un chaos; mais, après avoir signalé la singularité des moyens dont se sert le poète pour établir un peu d'ordre dans le mé- lange bizarre des choses qu'il y introduit, Virgile, Stace, Béatrix, qui lui servent successivement de guides; le chris- tianisme et le paganisme, le sacré et le profane, les évé- nements de l'histoire et les discussions de la théologie scolaslique, qui s'y succèdent ou s'y croisent, sans plus de lien qu'il n'en existe entre les personnages et les choses mêmes; tant d'inventions non-seulement contraires à l'art, mais encore à la raison et à la nature, il ne peut s'empê- ( 586 ) cher de demander si une pareille composition ne sera pas toujours plus merveilleuse que belle, et si, de nos jours, quelqu'un oserait aspirer au glorieux titre de poëte natio- nal en offrant à son pays une production semblable. Un point que, dans cette comparaison, il était essentiel de considérer, c'était l'allégorie, dont le Dante a si large- ment usé dans la Divine Comédie, ainsi que dans ses autres poésies, se conformant en cela à l'esprit de son siècle. On sait que l'allégorie a paru à certains commentateurs d'Ho- mère le seul moyen d'expliquer le caractère et la conduite de ses dieux, comme s'il était moins absurde de mettre ces extravagances sur le compte du poëte, que d'en cher- cher l'origine dans les croyances populaires du temps où il écrivait. Que deviendrait d'ailleurs la noble simplicité de sa poésie, si, pour lui trouver un sens, on avait besoin de remplacer ses images par les abstractions d'une théolo- gie postérieure? M. Fuss n'admet pas que l'allégorie soit une condition essentielle dans un long poëme, et il com- prend encore moins qu'on puisse faire un mérite au Dante de n'être intelligible qu'au moyen des idées alambiquées que ses panégyristes lui prêtent, et sur lesquelles ils ne sont pas même d'accord entre eux. L'obscurité, de quelque cause qu'elle provienne, sera toujours un défaut et non une vertu. Ainsi que je l'ai déjà dit, l'auteur de l'Épître indique plutôt ces questions qu'il ne les développe. En examinant le tableau, il fait ce qu'il voudrait que le Dante lui-même eût fait en le traçant, il choisit. Il ne pouvait entrepren- dre de faire une critique complète de l'ensemble sans se livrer à des considérations longues et subtiles, que les bornes qu'il s'était prescrites, et plus encore la nature de sa composition, lui faisaient un devoir d'exclure. Il n'en était pas de même de cette partie de la composition qui ( 387 ) est l'exécution proprement dite, et qui comprend en pre- mier lieu le style. Ici le poète, je dis l'auteur de l'Épître, se trouvait plus à son aise, et son propre style s'en res- sent : sa marche, un peu heurtée parfois dans la partie qui précède, devient plus dégagée; sa diction, toujours également serrée et nerveuse, acquiert plus de souplesse et môme de la chaleur; elle est surtout plus claire; car si nous nous trouvons toujours en présence des difficultés qui résultent d'un langage bref et concis, et d'une grande hardiesse dans les tours et les inversions (qualités qui for- ment le caractère dominant du style de iM. Fuss), elle em- prunte, en cet endroit, je ne sais quelle lumière de la nature même des idées qu'il avait à exprimer et avec les- quelles la poésie latine est beaucoup plus familiarisée. Or, ces idées, ou plutôt ces questions, les voici en peu de mots : le Dante, obligé de lutter contre la barbarie de son siècle, a-t-il trouvé dans son génie des ressources suf- fisantes pour donner à son sujet toute la perfection poéti- que dont il était susceptible? A-t-il toujours observé dans ses récits et dans ses descriptions certaines convenances qu'un poète ne doit jamais oublier? Possède-t-il partout, à côté de l'élévation des pensées et du sublime des senti- ments, celte pureté de goût, cette clarté d'expression, cette netteté et celte élégance de langage, le nombre, l'har- monie, en un mot, tout ce charme dans la composition et cette magie de style sans lesquels, avec le sujet le plus intéressant et l'ordonnance la plus parfaite, on ne sera jamais que la moitié d'un grand poète? Il est évident que celui qui a posé ces questions n'a pu y répondre lui-même que négativement. J'ajouterai qu'il aurait pu aller beaucoup plus loin, et qu'au lieu de deman- der si le Dante a toujours ces qualités, il pouvait affirmer. ( 588 ) sans lui faire injure, que plus souvent il ne les a pas, et qu il est môme quelques-uns des défauts contraires dont il se défait rarement. Mais M. Fuss ne s'est pas proposé de rabaisser le chan- tre de la Divine Comédie, ni de lui faire son procès dans les formes; sans les exagérations de certains critiques mo- dernes, qui lui ont voué une admiration outrée jusqu'à l'absurde, M. Fuss n'aurait soulevé aucune de ces ques- tions, et s'il eût parlé du Dante, ce n'eût été que pour louer les qualités éminentes par lesquelles il se distingue en tant d'autres endroits et qui compensent bien des défauts. Dans l'analyse que je viens de faire de ce que j'appelle- rai la première partie du travail de M. Fuss, où il ne fait en quelque sorte qu'établir ses principes, j'ai cru pouvoir déjà anticiper un peu sur la discussion qu'il engage ensuite avec ces mêmes critiques, et qui comprend toute la seconde moitié de sonÉpître. Pour ne pas m'exposer à tomber dans des répétitions au moins inutiles, je tâcherai, en vous en rendant compte, de laisser de côté tout ce qui se rattache aux questions précédemment indiquées, et sur lesquelles il sutïit de connaître l'opinion de M. Fuss pour qu'il n'y ait pas de doute relativement aux prétentions de ses adversaires. Témoin de l'engouement qui s'est déclaré depuis quel- ques années pour tout ce qui appartient au moyen âge, témoin des efforts que l'on fait pour le remettre en hon- neur ou, comme M. Fuss interprète ce mouvement, pour y ramener notre civilisation moderne; frappé surtout, il faut le croire, de l'extravagante croisade entreprise de nos jours môme contre les grands écrivains de l'antiquité, M. Fuss n'a vu dans le zèle qui a porlé les de l'Écluse, les Osanam, les Drouilhet de Sigalas et quehiues critiques visionnaires de l'Allemagne à vouloir diviniser le Dante, ( 589 ) en le plaçant au-dessus d'Homère même, qu'une consé- quence d'un même système, ou du moins d'une même ten- dance; et l'on comprend dès lors que c'est dans la com- paraison d'Homère avec le Dante qu'il a dû chercher ses principaux arguments pour les combattre. Parmi les critiques qui se sont occupés du Dante, ïira- boschi est le seul qui soit nommé dans l'Épître, précisé- ment parce que c'est le seul dont l'auteur ait cru devoir opposer le jugement aux éloges généralement outrés et parfois ridicules des panégyristes modernes de ce poêle. Les noms de quelques-uns d'entre eux, que je viens de citer, se trouvent dans une note que M. Fuss a jointe à son Épître, et dans laquelle il signale les endroits de ces écrivains qu'il a plus particulièrement eu en vue dans sa critique. Cette note, également écrite en latin, est une espèce d'analyse raisonnée de toute la pièce, et ne sera pas inutile pour en faciliter Tintelligence. Un ou deux points y ont même reçu des développements que je regretterais de voir disparaître, quoique l'auteur semble lui-même, dans une annotation marginale, en proposer la suppression. Je n'y voudrais changer qu'une couple de mots, qu'un lecteur peu attentif pourrait interpréter dans un sens que l'auteur n'a certainement pas eu l'intention de leur donner. Il s'agit de la langue dans laquelle le Dante a écrit sa Divine Comé- die. On sait qu'il avait d'abord entrej)ris de l'écrire en latin, et que nous avons encore le début de ce premier essai, dont Boccace cite les trois premiers vers. 11 était naturel que ses admirateurs le félicitassent d'avoir renoncé à ce projet et préféré la langue de son pays et de son temjjs; mais on ne peut que s'étonner du langage presque mysti- que, comme l'appelle M. Fuss, de Drouilhet à cette occa- sion , lorsqu'il s'écrie : Il (le Dante) sent qu'il a fait fausse ( 390 ) route, et que, par ce chemin, il descend dans la mort, au lieu de monter dans la vie. M. Fuss est parfaitement d'accord avec ceux qui pensent que, si le Dante avait écrit en latin, sa gloire eût été moins grande et son nom moins popu- laire; et à toutes les raisons sur lesquelles ils fondent leur opinion, il en ajoute une autre qu'il trouve dans les vers latins mêmes du Dante, et que, à mon avis aussi , ils ont eu tort d'oublier, c'est que ces vers ne sont pas bons, et que, si les vers italiens du Dante, comme tout le monde en convient, indépendamment des changements que la langue a subis, sont loin d'avoir cette clarté, cette pureté, cette douceur et cette élégance qu'on est en droit d'exiger dans toute poésie, ni le Dante, ni peut-être aucun de ses contem- porains n'était en état de mieux atteindre à ces qualités ou de mieux remplir ces conditions en se servant de la langue latine. L'observation me paraît aussi juste que pi- quante, et je ferai remarquer, pour ma part, que le désa- vantage aurait été d'autant plus grand, que la langue latine possédait ses chefs-d'œuvre, dont la comparaison, toujours redoutable, ne pouvait que l'écraser; tandis que la langue et la poésie italiennes ne venaient que de naître et n'avaient rien à lui opposer. Le Dante fut un grand poète et un poëte populaire dès qu'il parut, parce qu'il était le pre- mier de sa nation qui eût produit quelque chose de grand. La postérité a consacré sa gloire, parce qu'à travers ses défauts, qu'elle a mis sur le compte de son époque, son génie continue de briller d'un éclat qu'on ne peut mécon- naître. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce qu'En nius a été pour les Romains du siècle d'Auguste : ingenio maximus, arte rudis. A toute poésie nationale il faut un père, de qui datent ses ( 591 ) titres à la considéraliou, et ceux qui s'appellent ses descen- dants ou ses héritiers sont naturellement intéressés à sa renommée. L'éclat de celle-ci, loin d'oiTus{|uer la leur, vient s'y confondre et la grandit. Entre eux et lui aucune rivalité, aucune comparaison n'est possible; à lui le génie avec ses élans sublimes, ses caprices, ses témérités et ses chutes; à eux, s'ils sont poêles, un génie moins élevé peut- être, mais soutenu par l'art et puisant à volonté, dans une langue déjà plus parfaite, cette richesse d'expressions et de formes, et ces trésors d'harmonie, sans lesquels il n'y a point de véritable poésie. Homère seul fait peut-être excep- tion à cet égard, en ce qu'il réunit toutes les perfections. Une réflexion de M. Fuss , concernant le titre de poète populaire accordé au Dante, me paraît pareillement fort juste. Quand on cherche à s'expliquer l'affectation avec laquelle certains critiques, pour faire valoir ce titre, louent le poète d'avoir préféré la langue italienne à la langue latine, il semblerait que celte popularité lui ait été ou lui soit acquise par cela seul qu'il n'a pas écrit en latin. C'est apparemment, dit M. Fuss, parce que cela lui a valu un plus grand nombre de lecteurs. Mais Drouilhel lui- même cite Allieri, qui déclarait, au commencement de ce siècle, qu'il n'y avait pas peut-être, dans toute l'Italie, trente personnes qui eussent vraiment lu la Divine Comé- die. Tiraboschi aussi dit qu'elle renferme certains chants dont on peut à peine soutenir la lecture; et, en général , on n'en connaît que la partie plastique , comme quelques- uns l'appellent, c'est-à-dire l'Enfer, Vu les difficultés que présente sa langue, qu'il dut créer, et encore si informe, la dureté souvent insupportable de ses vers, ses rimes for- cés et étranges, on peut douler qu'à aucune époque on ait lu le Dante autrement que par curiosité, en exceptant ( 592 ) loulefois les érudits de profession. « Les Italiens l'appel- » lent divin , dit Voltaire, mais c'est une divinité cachée; » peu de gens entendent ses oracles; il a des commenta- » teurs, c'est peut-être encore une raison pour n'être pas » compris. Sa réputation s'affermira toujours, parce qu'on » ne le lit guère. Il y a de lui une vingtaine de traits » qu'on sait par cœur; cela suffît pour s'épargner la peine » d'examiner le reste. » On peut ne pas prendre ce jugement à la lettre, mais on conviendra, sans doute, que les qualités d'un poëte popu- laire ou national, comme on voudra l'appeler, devraient être de nature à pouvoir se faire sinon apprécier, du moins apercevoir ou sentir par le commun des lecteurs. Or, ce qui attache le plus un lecteur ordinaire, la clarté du récit, la netteté du langage, l'élégance des formes, l'harmonie du vers, sont précisément les qualités que le Dante possède le moins. Celles qui le distinguent sont plutôt abstraites que sensibles: l'immensité du sujet, le sublime de la con- ception, la grandeur du plan, sans parler des beautés mys- tiques ou métaphysiques que ses admirateurs lui prêtent. Tout cela est peut-être moins appréciable pour ceux qui ne savent que l'italien, que ce ne le serait pour ceux qui se- raient en état de lire une composition latine. Qu'on ajoute à cela tout le bagage scolastique que le Dante, non moins profond théologien que subtil philosophe, a entassé dans sa Comédie, et l'on ne sera pas étonné que M. Fuss cherche encore sur quoi se fonde son litre de poëte populaire. Il ne doute pas, au reste, que la sagacité des zélateurs de son culte n'en ait découvert de belles et bonnes raisons qui doivent se trouver exposés quelque part; mais jusqu'ici il n'a pas été assez heureux pour les rencontrer. Je viens de vous faire connaître le fond et, jusqu'à cer- ( 395 ) lain point aussi, la marche de TÉpître de M. Fuss, ainsi que l'objet de la note qu'il y a jointe. Peut-être désirez- vous maintenant que je vous entretienne encore un instant du mérite de la forme et, en particulier, du style de cette composition. Je vous ai déjà dit que M. Fuss possède l'art de choisir; mais on ne saurait guère juger une épître, sur- tout une épitre en vers latins, sans la comparer avec ce que nous avons de plus parfait en ce genre, celles d'Ho- race, qui offrent une si grande variété de modèles, depuis le simple billet jusqu'à la discussion philosophique ou lit- téraire. Je n'oserais dire que la conduite ou le ton de la pièce de M. Fuss rappellent complètement aucun de ces modèles. Dans les deux plus longues des Épitres d'Horace, celle à Auguste et celle aux Pisons, l'une et l'autre moins longues pourtant que celle de M. Fuss, mais qui ont, du reste, avec elle le plus de conformité, il est impossible de prévoir dès le commencement l'espace que le poète doit parcourir ou les questions qu'il se propose de traiter. On n'en connaît bien le but et l'ensemble que lorsqu'on est arrivé à la lin. H est vrai qu'on y est conduit irrésistible- ment; mais ce n'est point par la curiosité qu'inspire une matière annoncée d'avance : c'est par l'intérêt des détails et le charme d'une causerie facile et variée autant qu'in- structive, qui s'emparent de vous tout d'abord et ne vous lâchent plus. Le plan d'Horace semble donc être de n'en point avoir, si l'on n'aime mieux dire qu'il met un soin extrême à le cacher. M. Fuss procède d'une manière tout opposée : dès le titre , nous savons qu'il va nous parler du mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, et qu'il ne s'agira que de cela. Un seul vers résume tout le sujet. l\ est suivi d'une exposition dans les formes, qui fait voir jusqu'à la divi- TOME XX. — I"* PART. 27 ( 594 ) sion de la matière, telle que je vous l'ai fait connaître. Le cadre est tracé; il n'y a plus qu'à le remplir, et chacun des détails a en quelque sorte sa place assignée d'avance. Cette régularité, propre en général aux épîlres critiques en prose, convient-elle également à une épître en vers, ou, si ce genre admet toutes les formes, faudra-t-il la re- garder comme un mérite de plus? C'est une question que je ne déciderai point; mais, dût-on considérer la pièce de M. Fuss plutôt comme une dissertation en vers que comme une épître, il est certain que la nature d'un sujet si vaste, sérieux et essentiellement un, ne lui permettait pas de le traiter avec cet abandon et cette liberté d'allure qui donne, d'un autre côté, tant de charme aux compositions d'Horace. On comprend que la mémediflërence doit se faire remar- quer dans le ton. Celui de 1^1. Fuss est plus constamment grave. Si parfois il vous arrache un sourire, c'est plutôt par ce qu'il y a d'inattendu ou de piquant dans une obser- vation, par je ne sais quelle verve caustique, que parce que vous retrouvez chez lui le spirituel hadinage ou la fine rail- lerie du poète romain. Sous ce rapport encore, il y a entre la manière de l'un et de l'autre une différence notable. Il n'en est pas de même des autres caractères du style. Les vers de M. Fuss vous révèlent à l'instant même, je ne dirai pas un imitateur, car il y a imitation et imitation , et la meilleure est celle qui ne se fait pas sentir, mais un dis- ciple, un poète de l'école d'Horace. La propriété dans les mots, la justesse dans l'expression , une phrase courte et précise, n'admettant rien qu'il soit possible de retrancher sans nuire à la netteté ou à la force de la pensée, des tours vifs et souvent hardis, un vers toujours plein, sont les qua- lités dominantes de l'un comme de l'autre. Je n'examine- rai pas si tous les deux les possèdent au même degré , ni si le disciple y a toujours gardé celte sage mesure qui fait ( 395 ) la perfection du maître. Ce serait demander si M. Fuss a fait une œuvre parfaite. Vous n'admettez pas que des chefs- d'œuvre absolus, Messieurs, et, sans aspirer à un si glo- rieux titre, la pièce dont j'ai eu à vous rendre compte se recommande par d'assez belles qualités, tant du côté du fond que du côté de la forme , pour que je n'hésite pas à vous en proposer l'insertion, soit dans vos Mémoires, soit dans votre Bulletin. M. Fuss est connu depuis longtemps comme le premier latiniste de notre paye, et je crois qu'il en est aujourd'hui le dernier poète, je dis le seul qui sache encore se servir de la langue de Virgile et d'Horace, comme d'autres se ser- vent de leur langue maternelle (1). Les Muses latines s'en vont de la patrie des Hoschius et des Wallius; le dédain d'une génération qui ne les connaît pas les chasse, et, avec elles, les lettres latines elles-mêmes s'en vont, et tout ce que l'on fait ou prétend faire pour retenir les unes sans rappeler les autres, risque bien de n'être que des efforts inutiles et trompeurs. Puissent ce malheur et cette honte, dont nous avons tous le pressentiment, s'accomplir le plus tard possible! Mais les Muses latines fussent-elles dès au- jourd'hui proscrites partout ailleurs, l'Académie doit rester pour elles un asile toujours ouvert. Ici du moins , si je puis emprunter l'image dont le plus grand des poètes qu'elles ont inspirées se sert à l'égard d'une autre fille du Ciel, également bannie de la terre, ici, dans cette enceinte, la postérité doit retrouver la dernière empreinte de leurs pas : Extrema per illos . . . excedens terris vestigia fecit. (1) La dernière édition des poésies latines de M. Fuss, auxquelles on a réuni qpielques pièces grecques et allemandes, a été faite à Liège, en 1845, deux volumes in-S", formant ensemble près de 800 pages. ( 596 ) Rappoft de St. Eiesbrottêsat^i. Les lecteurs, probablement peu nombreux, qui, à notre époque, sont encore susceptibles de s'étonner, éprouveront sans doute quelque surprise au seul aspect du titre de ce manuscrit et de la langue dont l'auteur a fait choix. « Quoi, diront-ils, appeler au tribunal de la » critique, en plein XIX' siècle, un.poëte trépassé depuis j> plus de cinq cents ans, et rédiger en vers latins ce nou- » veau mandat de comparution! A quel propos exhumer » ce vieux rêveur florentin , et pourquoi surtout avoir » employé une langue morte à l'évocation de ce mort? » Nous allons essayer de répondre à la première de ces questions. L'auteur de l'Épître dont il s'agit s'est chargé lui-même de satisfaire pleinement à la seconde. Les derniers vers de cette œuvre remarquable semblent indiquer assez clairement l'idée, ou, pour mieux dire, le sentiment qui l'a inspirée. Depuis un certain temps, plu- sieurs écrivains, en divers pays, paraissent s'être ligués, non-seulement pour réhabiliter le moyen âge, tro.p long- temps méconnu et dédaigné, mais encore pour lui immo- ler en sacrifice expiatoire et les gloires consacrées depuis la renaissance et même ces antiques renommées qui, tou- jours grandissant, ont traversé les siècles pour arriver jusqu'à nous. Religieux admirateur de l'antiquité, à l'élude de laquelle il a voué son existence, M. Fuss s'est indigné de cette réaction systématique et violente. ïl s'est armé pour son culte en péril, et Dante ayant été, plus que d'autres, exalté par la coalition désignée ci-dessus, c'est à lui que le vengeur des Muses grecques et latines a de- (597) mandé ses litres pour les soumettre à la plus rigoureuse vérification. Voilà, selon nous, l'origine de la pièce offerte à l'appréciation de l'Académie. Vu les temps et la circon- stance, on ne peut guère la chercher ailleurs. Quant à l'idiome choisi par le savant professeur pour l'expression de sa pensée, nous ne pouvons mieux en justi- fier l'emploi qu'en transcrivant ces vers, pleins d'une spi- rituelle et maligne bonhomie : Nec tant euro, meo muUum an moveare Hbello , Quam, versus valeas ut tôt perferre latinos. Sed linguam Lalii, scribens quoque, scis ut amârinif Ingenio stultè discors, quo vivimus , aevi. Morhus cuique suus; meus hic. Meliora secutus, Litlus arare senem paliare; usumque ligalo Sermone excuset Flaccus ; mage mente modisque Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse Implevit partes ; romanum teutonus in queis Rite, vide, pravène sequar. Sed Flaccus, et illis Eximius , nomen negat hinc se velle poetae , Nec, mihi ne poscam , metuas ; versus, licet omnes, Quifaciunt , semper sic eodem nomine dicam , Quo Gain dominas dicunt quascunque marilas. Ce passage, d'une grâce et d'une facilité charmantes, suffira pour donner une idée du travail de M. Fuss, sous le rapport de la forme. A l'égard du fond, il est des réserves que nous ne pouvons nous dispenser de faire. Ce n'est pas que nous ne soyons d'accord avec lui dans la plupart des jugements qu'il a énoncés. Sans doute l'étrangeté même du sujet, l'irrégularité (toutefois plus apparente que réelle) de la disposition, le mélange choquant et presque mons- trueux du sacré et du profane, l'abus excessif de l'allégorie, surtout dans le Purgalolre, l'excessive bizarrerie de cer- taines imaginations, le tissu inégal elles transitions heur- ( 398 ) tées d'un style qui, tantôt s'élève jusqu'au lyrisme le plus splendide, tantôt descend jusqu'à la plus basse trivia- lité; d'autres vices encore, qu'il serait facile, mais trop long de signaler, légitiment amplement de nos jours les sévérités de la critique; et, vu la mission spéciale que M. Fuss s'était attribuée, nous sommes loin de croire qu'il ait exagéré le blâme et fait preuve de partialité envers les objets de ses affections littéraires, en opposant à des dif- formités trop visibles ces œuvres antiques, si grandes et si simples dans leur conception, si régulières dans la dispo- sition et la proportion de leurs parties, si naturelles et si sages dans les hardiesses mêmes de l'invention , et où la diction, dans l'intinie variété qu'impose la différence des sujets, reste si soigneusement épurée. Mais ce n'est point dans ce sens absolu qu'il convient de juger le poète toscan. Pour être équitable envers lui, on doit détourner son re- gard de ces magniiiques produits des civilisations avancées et des perfectionnements de l'art, atteints par une longue suite de tentatives : il faut se placer, avec cet abrupt et puissant génie, au milieu des temps et des lieux où il vi- vait. Envisagé à ce point de vue, qui seul est juste, Dante et son poème constituent un merveilleux phénomène, dont la grandeur et l'éclat justifient l'admiration qu'il a inspirée et inspire encore à tant d'hommes supérieurs, sans auto- riser cependant la prééminence que des sectaires mala- droits ou intéresses prétendent leur attribuer sur tons les chefs-d'œuvre de l'esprit humain et les souveraines puis- sances de la poésie. Il n'entre pas dans notre sujet, et les limites de ce tra- vail y mettraient d'ailleurs obstacle, de refaire, après tant d'autres, la biographie de Dante et l'analyse de son œuvre principale. A notre point de vue, il ne peut et ne doit être ( 399 ) apprécié que relativement à son époque d'abord, et secon- dairement, aux circonstances particulières de sa vie. Cet homme extraordinaire ap|)artient à la classe peu nom- breuse de ces écrivains dont chacun fut et le produit natu- rel et le représentant le plus complet d'une grande période historique. Il résume en lui le XIP et le XllP siècle, si agités, si audacieux, si féconds dans la confusion même de leurs actes et de leurs idées, si avides de toute science, et n'arrivant, dans cette poursuite, à aucun résultat complet; enfin, et c'est là surtout le trait caractéristique de leur physionomie, à la fois novateurs et routiniers dans tout ce qui relève de l'imagination (1). Tels sont les faits généraux (1) Nous avions, à une époque déjà ancienne, el en vue d'un autie travail, réuni de nombreux documents sur le caractère historique, scientifique et littéraire de celte période si remarquable du moyen âge ; et nous aurions vivement désiré en tirer parti pour la conjoncture présente. Ayant reconnu rirapossibililé de placer ici des développements qui déj)asseraient de bien loin les limites matérielles où nous devons nous renfermer, nous nous borne- rons à indiquer les sources principales où nous aurions aisément puisé les faits justificatifs d'une argumentation dont nous sommes réduit à donner la synthèse. C'est surtout dans Muratori, Crescimbeni, Salfi, l'abbé Andrès, les nombreux biographes de Dante et même deux historiens politiques d'une époque reculée (les frères Villani), que se trouvent les preuves dont la com- binaison et le contrôle eussent servi de base à des assertions qui, dénuées de cet appui, ne sembleront pas toujours incontestables. Nous avons cru devoir imiter en cela le sage exemple donné par un des commentateurs modernes du poète italien, M. Zani di Ferranti, artiste émi- nent en plus d'un genre, qui, dans la préface de ses Illustrations de la Divine Comédie (Paris, Londres et Bruxelles, gr. in-S", 1846), explique ainsi le système qu'il a jugé convenable d'adopter, en présence des opinions diverses de ses nombreux devanciers : ffo dovuto attenermi a un ragionato eclettismo, scegliendo anzi che accumulando , e valendomi di tutti; ma non già {secondo il solito) a guisa del ladro , clie cela accuratamente il nome deiderubati, bensi came il povero onestOj che nomina i suoi bene- fattori. Non moins fidèle que l'ingénieux écrivain à ce précepte de probité ( 400 ) dont il a subi el manifesté Tintluence; le reste appartient à sa personnalité, c'est-à-dire aux événements d'une vie accidentée, orageuse, tissue d'amour, de gloire et d'infor- tune. Il est donc impossible de le comparer aux autres écrivains puissants, plus rapprochés que lui de la perfec- tion absolue, mais qui ne se trouvaient point placés dans les mêmes conditions. Cette vérité ne pouvait échapper à l'esprit judicieux du savant critique : il a distingué le poète du poème, et en censurant les défauts inévitables du se- cond, il a rendu un sincère hommage au génie vaste et créateur du premier (1). Ceci une fois établi, notre tâche de rapporteur paraît fort simplifiée, puisque nous som- mes d'accord avec M. Fuss dans les motifs sur lesquels il fonde la prééminence des classiques, rabaissés, soit par d'enthousiastes préventions, soit par les vues détournées de l'esprit de parti, bien au-dessous du chantre florentin. Mais , indépendamment de la différence d'appréciation qui nous sépare de M. Fuss, quant au point de départ, il se rencontre dans son beau travail quelques opinions, quel- ques assertions même, que nous sommes obligé de réfuter ou du moins de combattre, parce qu'elles diminuent la gloire de Dante , non-seulement là où il est mis en parallèle avec les maîtres de Tart, mais sur son terrain propre et rela- tivement aux circonstances essentielles de sa vie littéraire. Ici la sphère de notre travail tend à s'agrandir considé- littéraire, nous avons scrupuleusement indiqué les noms des différents criti- ques qu'il nous a fallu citer, tantôt pour nous fortifier de leurs jugements j tantôt pour les combattre. (I) Voici comment s'exprime à ce sujet le critique, vers 429 et suivants : - . . Criticos qu6 justius ores , Ingenium valis maie ne cum carminé , quale Nunc est, confundant, etc. ( 401 ) rableraent : Nous nous efforcerons néanmoins de la res- treindre, en disant avec le guide même du révélateur toscan : ... Summa sequar fastigia rerum, [JEtiiiD. lib. I.) Ce sera moins sur le terrain des jugements {et nous y voyons un grand avantage) que sur celui des faits qu'il nous arrivera d'être en désaccord avec M. Fuss, quant aux points que nous venons d'indiquer d'une manière générale. A cet égard , nous nous appuierons d'autorités plus impo- santes que la nôtre et dont la valeur paraît irrécusable, en prévenant ceux qui veulent bien nous écouter, que notre seul embarras a été de choisir parmi une foule de témoi- gnages, et que nous avons jugé nécessaire de les peser plus que de les accumuler. Encore nous a-t-il paru convenable de rejeter ces citations dans des notes, par déférence pour les lecteurs pressés, qui pourront se dispenser d'y recourir, plus par une certaine paresse d'esprit, commune de nos jours où l'on écrit tant, que par confiance dans nos lu- mières : condescendance qu'au surplus nous sommes loin de leur demander. Un des points les plus importants parmi les critiques et les controverses dont l'œuvre d'Alighieri a été l'objet , est la singularité du litre Camédie{[) : car l'épithète di- vine, suivant un ancien commentateur , n'y fut jointe que (1) Dans une lettre adressée à son protecteur, Can ou Cane Grande Délia Scala , Dante semble expliquer lui-même la raison de ce choix , en établissant trois genres de style, et ajoutant que, d'après la nature de son œuvre, il a dû préférer le mode intermédiaire, Stiîe di mezzo. Quoique Tauthenticité de cette pièce n'ait pas, que nous sachions, été révoquée en doute, le motif allégué par le poète ne nous paraît pas bien concluant , et des considérations d'un ordre plus élevé doivent avoir déterminé son choix. Philelphe, l'un de ( 402 ) par l'admiration des contemporains du poëte. On a fait, en ce qui touche cette queslion, une énorme dépense d'ar- guments et surtout de conjeclures. Sans les passer ici en revue, j'émetl rai une hypothèse que je livre aux habiles, non comme bonne, mais comme mienne, et qui me semble d'ailleurs n'être pas dénuée de vraisemblance : C'est que Dante a envisagé l'existence présente et même future du genre humain comme un drame immense, dont l'autre vie offre le dénouement. Cette interprétation est assez ac- ceptable, d'après les idées philosophiques de son temps, et doit plaire, particulièrement dans le nôtre, aux inven- teurs et aux praticiens de la poésie humanitaire. Si l'on ob- jecte que la narration occupe une très-grande place dans cette œuvre, je crois pouvoir répondre que cette contra- diction , née de la négligence ou du dédain des règles qui constituent la distinction des genres, s'explique naturelle- ment par l'état intellectuel d'un siècle qui touchait à tout, mais où rien n'était bien défini , comme par la nature d'un ses plus anciens biographes, et presque son contemporain, fournit à ce sujet une interprétation que nous citerons en partie, non assurément comme suf- fisante, mais comme un curieux témoignage de la confusion d'idées qui exis- tait alors en matière de poétique, et conséquemment comme justification de Terreur de Dante lui-même . . Jn eo codice c\d titulus datur Comoedia, ego veriûs tragicomoedia titulum dari censeam; nam ut Comoedia de omnibus hominum fortunis est composita, deque re ficta, quae tamen fieri potuit, acde tenuissimis et rébus etpersonis loquitur, Tragoedia vero histuricam saepenumero secuta veritatem, tumescit ^ ita utrnmque hoc opus admiscet , ut et multa figura poetica palUata sint, multa, ut suiit, apertè dicantur, etc. Dans la seconde partie de la vie de Dante, intitulée : le Dante exilé, le comte César Balbo, après avoir, dans l'analyse rapide du poëme, fait res- sortir l'universalité des matières qu'il renferme, s'exprime en ces termes, que nous empruntons à l'élégante traduction de M""' la comtesse de Lalaing : ( 405 ) génie bizarre, aventureux et plein de spontanéité. C'est ainsi que ce titre fut évidemment interprété par les con- temporains du poète, même en dehors de l'Italie; et un fait curieux, rapporté par l'un des biographes modernes de Dante, en fournit la preuve irrécusable (1). Après tout, peut-on s'étonner à juste titre de ce mélange des genres, des formes et des couleurs au XIIP siècle, lorsque, après tant de modèles et de poétiques, on Ta vu se reproduire de nos jours, et qu'un esprit singulier, mais distingué par l'élévation et le savoir, a systématiquement adopté cette immense combinaison, avec toutes ses conséquences, et fait entrer dans un seul cadre (moins étendu , parce qu'il est purement humain), les faits, les idées, les passions, les notions acquises ou incomplètes, en un mot toutes les choses des siècles écoulés, en y répandant par niasses l'allusion, l'allégorie, la métaphysique, et tout ce qjii fait dépendre la compréhension d'une œuvre littéraire d'une espèce de science divinatoire (2). Les grands moralistes. « Quiconque voudra pénétrer dans les détails, comprendra par lui-même » pourquoi l'auteur, désireux d'employer toutes les figures et tous les styles , » a donné à son ouvrage le nom de Comédie. » Nous ne multiplierons pas ces extraits, crainte d'encourir l'application du jugement porté par le commentateur moderne de Phiielphe, CD. Moreni, dans une de ses savantes notes : Per quai ragione volesse Dante cosi ap- •pellure un' opéra, a cui sembrava , che iutt' allro titolo le si conrenisse , se è lunijamente , infruîtuosamente , e noiosamente disputato da molli sin dal secolo XPL (1) Suivant un auteur français, cité, mais non pas nommé par M. Baibo, la Divine Comédie fut jolke, du moins partiellement, au XIY'' siècle, dans quelques villes méridionales de la France. Un des acteurs récitait la partie narrative; les passages consacrés à l'action et au dialogue étaient reproduits par d'autres personnages. (2) Voir le poëme intitulé : la Panhypocrisiade , par Népomucène Le- ( 404 ) d'ailleurs, ne se sont-ils pas fréquemment, sous une forme à la vérité plus spéciale, permis cette diffusion, que des censeurs, trop rigoureux peut-être, appellent con/'wsîon; et Dante ne s'est-il pas cru le droit, à une époque d'invention bien plus que de critique, de dire avec le satirique romain : Quidquid agunt hommes , votum , timor , ira , voluptas , Gaudia, discursus, nostri est farrago libelli. (Juv., Sat., I.) Qu'on ne s'y trompe point : nous ne voulons ici ni dis- simuler, ni même atténuer les erreurs litléraires d'un grand homme, moins encore les transformer en beautés : nous cherchons seulement à les expliquer. Au surplus, est-il vrai que la Divine Comédie soit entièrement dépourvue de plan , d'ordre et d'harmonie , comme n'ont pas craint de le déclarer, surtout en deçà des monls, certains Arislar- ques un peu trop légers et parfois trop pressés de rendre leurs arrêts pour sembler bien compétents en de si gra- ves matières? Dans noire humble opinion, l'ordonnance de ce poëme paraîtrait plutôt mériter le reproche d'être trop matériellement déterminée; et les neuf cercles con- centriques (1), les deux enfers superposés, les crimes et mercier, memltre de l'Institut, auteur de la belle tragédie (TJgamemnon et de plusieurs autres ouvrages dramatiques ou lyriques. Dans l'œuvre singu- lière mentionnée ci-dessus, on rencontre à chaque pas la narration mêlée au dialogue : les vertus, les vices, les affections de Pâme, les divisions du temps, les grands effets de la nature y sont personnifiés; on y remarque entre autres un entretien de la Méditerranée et de la Métempsychose. Du reste, les sciences y coulent à plein bord, surtout la métaphysique. (1) On a aussi recherché l'origine de cette division, qui nous paraît assez clairement indiquée par les vers suivants : Fata oùstant, lrisli(/ue palus inamabilis undâ Alligat , et novies Styx interfusa coercet. (Virg.,/JJSnejd., lib. VI.) ( 405 ) les peines distribués par compartiments (i) révèlent assez chez le poète l'intention de guider sûrement ses lecteurs à travers ce labyrinthe infini. Une pareille marche n'est certes pas celle des écrivains dont l'admiration légitime et presque unanime du monde civilisé a consacré la gloire : elle appartient évidemment à l'enfance, ou, si l'on veut même, à l'absence de l'art, et voilà pourquoi il ne faut pas chercher à classer cette œuvre multiple dans une ca- tégorie dûment étiquetée. C'est à la fois ou successive- ment, — nous disons ceci , non comme éloge, mais comme fait, — un récit, un hymne, une élégie, une satire; le chantre s'y élève aux plus sublimes hauteurs de la tragédie, pour redescendre ensuite jusques à la bouffonnerie des tré- teaux ; puis il enseigne la théologie (2) , la philosophie, l'astronomie et le reste : ce qui devrait peu étonner de la part d'un esprit aussi vaste, aussi érudit, appartenant au pays et à la période où un autre génie, également com- préhensif, mais bien moins créateur, entrait dans Tarènc littéraire comme un paladin dans la lice chevaleresque, portant sur son écu cette fière devise : De omni re scibili (3). Mais Dante est, avant tout, didactique et descriptif: (1) Dans l'édition Jldine de la Divine Comédie , Tinegia, MDXV, se trouve le plan figuratif de V Enfer {col sito et forma delV Inferno). (2) Tous les commentateurs de Dante, surtout les plus anciens , ont signalé rétendue de sa science théologique. Parmi les modernes, Salvini, dans des vers adressés à Redi, l'élégant auteur de Bacco in Toscana, s'exprime en ces termes : Ed ho iniparato piit teologia Jn questi giorni, clie hu rileito Dante , Che nelle sciiole fallo io non avria. (3) Pic de la Mirandole, qu'un savant désignait ainsi : Monstrum tradi' tionis sine vitio. ( 406 ) peindre et instruire ^ ce fut là l'idée fondamentale et géné- ratrice de sa singulière composition. « Alors, dira-t-on {jeut-être, où est l'unité, cette loi es- 3> sentielle et vitale de toute œuvre bien conçue et bien i> accomplie? » — Dans le sujet même qu'il a traité. Rien ne peut exister en dehors de la sphère indéfmie que le poète s'est attribuée : il est un parce qu'il est tout, comme la Création (1). On a demandé aussi pourquoi Dante, ayant écrit en latin quelques-uns de ses ouvrages, n'avait pas employé la même langue dans la composition du plus important de tous. Les causes qui lui firent préférer l'idiome vul- gaire étaient puissantes et nombreuses : nous n'en indi- querons ici qu'une seule, renvoyant renonciation des autres aux notes qui accompagnent ce travail. Malgré l'u- (i) « Conception profonde! entreprise sublime ! » Où , du monde idéal sondant le double abîme, » Le Dante parcourut sa double immensité , » Et sut peindre à la fois le bonheur, les supplices , » Les vertus et les vices , » L'Homme, TArchange, Dieu , le Temps , rÉtemité. » (De ChênedoUé, Études poétiques, lirre II.) Voilà comment parie un poëte; écoutons maintenant un docteur : Sed hoc certe admirahilius j quod uno codice , nec admodùm prolixo , sit omnia diligent issimè Dantes complexus, quae ad bene heatèque vivendum a philosophia dicta sunt et ad aeternitatem gloriae consequendam sunt a theoloyis explicata. Nullum est officii genus , vel puUicum , vel domesti- cum, vel forense , vel urbanum, vel militare de quo non abundè praeci- piatur apud Dantem, etc. ( Philelphus , in Vita Dantis. ) C'est peut-être ici l'occasion de remarquer que Philelphe était loin de considérer la Divine Comédie comme une épopée. La dénomination qu'il applique généralement à celte trilogie est celle de Cantiques, également employée par d'autres, et notamment par l'illustre auteur du Primato. ( 407 ) sage de ses contemporains, ou peut-être niéme à raison de cet usage abusif (1), il ne se croyait pas assez maître de la langue de Virgile pour s'en servir dans une œuvre à laquelle il attacliait sa renommée, et qui, sous cette forme antique, familière uniquement au petit nombre, n'eût ja- mais obtenu cette popularité non-seulement nationale, (1) Philolphe, déjà cité, explique ce choix par une raison aussi simple que concluante : Cur hoc opus tant célèbre y tant illustre, non ediderit ro- mana lingua, si quis instet . . . quod, oh romanae Unguae atquc elo- quentiae desertionem . non esset ea vidicendi qua cuptret . . . M. Ralbo confirme ainsi ce jugement : « Dante dut être découragé, em- rt barrasse par une erreur qu'il avait commise, par la mauvaise route qu'il » avait choisie, par un instrument peu convenable à son génie libre et élevé, »^ je veux dire par la langue latine, langue morte et qu'il ne maniait pas n assez bien. Nous donnerons pour preuve évidente de cette assertion et de n la faiblesse de ses essais, les trois premiers vers qui nous en restent, » (Nous supprimons cette citation, qui a été faite par M. Fuss. ) Carlo Denina, dans son Tableau des révolutions de la littérature an- cienne et moderne , explique autrement ce fait, en l'attribuant au besoin d'une popularité qui ne pouvait tire obtenue par l'emploi d'une langue an- cienne et, de plus, fort dégénérée de son temps. Le savant historien entre, à ce sujet, dans des détails pleins d'intérêt, et qui contiennent une dé- monstration frappante , mais que leur étendue ne nous permet pas de repro- duire. Il dit ailleurs, d'accord en ce point avec un autre critique plus ancien, pour donner ime idée de la latinité de ce temps, qu'il s'y trouve beaucoup de mots non admis dans le grand Vocabulaire de Ducange. Philelphe, de son côté, parle de l'état d'abandon où était tombée de son temps la pratique de cette langue. Un autre fait à l'appui de cette explica- tion, c'est que Brunetto Latini, le savant instituteur de Dante, ne crut pas devoir employer le latin à la composition de son Tesoro^ que probablement il n'osa pas non plus écrire en langue vulgaire; il fit usage du roman-pro- vençal, considéré alors, dans le midi de l'Europe chrétienne, comme l'idiome le plus parfait et le plus épuré. Cette circonstance relève encore l'heureuse et féconde audace du poëte florentin. Après ces autorités respectables, s'il nous est permis de hasarder notre hypothèse personnelle, nous ferons observer que la langue de Virgile, dont ( 408 ) mais européenne, dont l'écho, quoique affaibli, se fait en- core entendre de nos jours (1). Une autre accusation plus grave, dirigée contre l'illustre Toscan, est celle qui a pour objet la pureté du style. D'a- bord nous ne pouvons admettre , en thèse générale, que les étrangers soient appelés à juger de ce genre de mérite, surtout à l'égard d'un écrivain du XIIP siècle; et, malgré quelques études spéciales , nous refusons de nous ranger parmi les rares exceptions que peut offrir cette loi com- mune. C'est dans les plus éclairés, les plus célèbres de ses compatriotes, surtout contemporains de son œuvre, que nous avons particulièrement cherché et trouvé la réfuta- tion surabondante et victorieuse de ce reproche (2). Résumons-nous. On a pu voir, par ce qui précède, que, dans l'ingénieux et savant travail de notre ancien col- la grandeur et la dignité eussent parfaitement convenu à l'expression de ce qu'on pourrait appeler la partie divine du poème, fût nécessairement de- venue peu maniable et même rebelle dans les endroits si nombreux qui font allusion aux faits historiques de Tltalie contemporaine. Nous ajoute- rons qu'il se fût même présenté, à cet égard, des difficultés matériellement insurmontables, nées de la structure d'une foule de noms propres qui ne pouvaient être ni latinisés d'une manière intelligible, ni, sous leur forme native, entrer dans l'hexamètre latin sans bouleverser toutes les lois de la prosodie. (1) Nous réservons, pour un travail ultérieur, ce qui touche aux vicissi- tudes de la gloire de Dante. (2) Il y aurait ici trop à citer : choisissons et abrégeons. Parmi les con- temporains du poète et ceux qui suivirent de près, Boccace, Léonard d'Arezzo, Benvenuto d'Imola et plusieurs autres, ont parlé avec admiration du style de la Divine Comédie. Pétrarque, cru généralement peu favorable à son auteur, et soupçonné même de jalousie par quelques écrivains, mani- feste le regret que « la pureté des mœurs d'Alighieri n'ait pas égalé celle de » son style. • Philelphe s'énonce ainsi , sans doute avec un peu d'exagération : . . . neque { 409 ) lègue à riiniversité de Liège, il csl plusieurs points impor- tants sur lesquels nous n'avons émis aucune opinion et que nous n'avons pas même mentionnés. Le motif de cette omission volontaire et préméditée, c'est qu'en ces endroits nous avons la satisfaction de nous trouver entièrement d'accord avec lui, comme avec un petit nombre d'autres critiques vraiment érudits et judicieux. Pour économiser le temps et les mots sur un sujet traité tant de fois, mais qui paraît inépuisable, nous avons cru devoir nous borner à rencontrer certaines objections et à éclaircir certains laits, au moyen de recherches qui, pour nous-même, n'ont d'autre valeur que la patience opiniâtre d'un compilateur, et dont le résultat est consigné dans les notes jointes à ce texte. Ceux qui pourraient se résoudre à prendre connais- sance de Yensembîe y trouveront, nous l'espérons du moins, minus apus suos elimatom esse duco hune codicem quant apud Romanos fuerit Maro. Parmi les modernes, qui , presque tous , en traitant de la diction de Dante , prodiguent les termes de bellezza et de soaviia, nous retrouvons Denina, généralement très-peu hyperbolique et qui , au milieu de critiques sévères à Tendroit de la Divine Comédie, n'hésite pas à dire que « le style de ce poëte, » qui est un peu vieux pour le goût de notre siècle, était en ce temps-là, « au témoignage des deux Villani et de Boccace, le plus agréable et le plus » poli qu'on eût vu jusqu'alors en aucun écrit fait en langue vulgaire. « A ces témoignages, qu'il nous serait facile de multiplier, nous joindrons une simple observation. Un des principaux éléments de la pureté du style est sans doute la propriété des termes. Or, comment un philologue, un gram- mairien tel que Dante aurait-il pu méconnaître la valeur et la véritable si- gnification des mots dans une langue que lui-même avait faite, ou du moins fixée? Une autre qualité, non moins essentielle, consiste dans l'application du langage aux convenances du sujet , à la nature du fait ou de l'idée : et chez Dante, quand cette nature est grave, élevée, sublime, l'expression, presque jamais , ne fait défaut et ne devient disparate. Comme le dit avec raison M. Brait de la Mathe, dans l'excellent discours dont il a fait précéder Tome xx. — I" part. 28 ( 410 ) l'entière révélation de l'objet que nous nous sommes pro- posé, savoir la fixation du véritable point de vue sous le- quel Dante doit être envisagé de nos jours. OEuvre de foi , de science, d'amour et de ressentiment , la Divine Comédie est une composition sui generis, qui ne peut ni ne doit être jugée par comparaison avec les épopées anciennes ou modernes, et , par conséquent , suivant les lois établies d'a- près les unes et appliquées dans les autres. Ne cherchons point les savantes proportions, rornemenlation élégante et choisie, l'harmonie complète et le fini de l'art grec aux temps dePériclès, dans les monuments gigantesques, étran- ges, mais si imposants dans leur effet général, que nous a laissés la statuaire de l'Assyrie, de la primitive Egypte ou de la grotte d'Éléphanta. C'est ainsi seulement que nous pourrons rester justes envers le moyen âge, sans mé- sa traduction en vers de la première partie du poëmc , on paraît avoir con- fondu la pureté du style avec celle de certaines pensées qui déparent le po.ënxe. Ce sont toutefois deux choses très-distinctes, dont Tune tient à la forme, en quelque sorte matérielle, l'autre à la délicatesse de la pensée ou du sentiment. La Fontaine dans ses contes, Voltaire dans un poëme trop fa- meux, n'ont pas respecté cette convenance morale de Tordre le plus élevé : qui cependant oserait accuser leur style de manquer de pureté ? Le docte et judicieux censeur liégeois oppose à Dante, sous ce rapport, les compositions châtiées, d'abord de Pétrarque, ensuite du Tasse et de TArioste. Pour ces deux derniers au moins, le temps écoulé, le travail con- tinu qu'exerce sur lui-même un idiome naissant, expliqueraient assez cette prééminence que nous ne contesterons pas. Mais, qu'il nous soit permis de le rappeler, on a vu en France plus d'un écrivain moderne, même en pré- sence de la correction, de l'élégance et du fini des grands maîtres du XVII^ et du XVIII'' siècle , regretter le langage vert , naïf et nerveux de Montaigne et d'Amyot. Une langue perd souvent en force et en originalité ce qu'elle gagne en perfectionnement. Il est superflu d'ajouter que Bossuet, Pascal, Labruyère, et souvent Corneille, sont d'immortelles exceptions à cette loi de la nature. ( 411 ) connaître la gloire de Tantiquilé savante , sans nier le pro- grès moderne et sans compronneltre le sucoès de l'avenir. Quant au critique dont rÉj)ître ou la dissertation a fourni le sujet de ce travail, nous dirons qu'il a au moins prouvé jusques à l'évidence un fait important : c'est que la poésie latine n'est pas morte dans la patrie d'Hoschius et de Torrentius. Il possède la langue d'Horace comme une chose qui lui est propre et familière : c'est pour lui, en quelque sorte, un élément vital, et lorsqu'il compose en latin, on reconnaît qu'il parle sa pensée. Un petit nombre de vers qui n'offrent pas toute la lucidité désirable, quelques constructions un peu laborieuses, ne sauraient infirmer en rien notre opinion à cet égard. Après tout ce que nous avons dit, il paraît superflu de réclamer, en terminant, Tinsertion de cette pièce remar- quable dans les actes de l'Académie. » Mtapport de 9t. te chaHoinc de JtotM. « L'épître en vers latins de M. le professeur Fuss, sur le mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, pré- sentée à la séance du mois de décembre, m'a été envoyée, avec les rapports de MM. Lesbroussart et Bormans, le l^"" mars. Le peu de temps qui me sépare de la séance du 7 mars, dans laquelle les rapports doivent être soumis à l'Académie, m'impose l'obligation d'être court. D'ailleurs les deux juges les plus compétents dans cette sorte de ques- tions littéraires sont entrés dans des développements qui ( 4i2 ) facilitent le rôle d'un troisième commissaire et qui, peut- être , rendraient même superflue toute observation de sa part, s'il avait été convaincu que la question traitée par M. Fuss repose sur une base entièrement solide. En présence des rapports de MM. Lesbroussart et Bor- mans, j'éprouve un véritable sentiment d'hésitation pour oser communiquer, à mon tour, des observations que peut- être leurs suffrages, dont je suis jaloux, ne confirmeront point. Quoi qu'il en soit d'une divergence d'opinions, j'ai hâte de dire que je suis d'accord avec mes honorables et savants confrères sur le mérite général du travail de M. Fuss et que, comme eux, j'en propose volontiers l'impression, soit dans les Mémoires, soit dans les Bulletins de l' Académie. C'est un hommage et unejustice à rendre à celui qui, parmi nous, a cultivé avec un remarquable succès la langue et la poésie latines. Les vers consacrés par M. Fuss à l'examen du mérite poétique de la Divine Comédie ont incontestablement droit à une large part d'éloges ; mais à côté de l'éloge la cri- tique même la plus bienveillante n'a-t-elle aucun reproche à faire? L'un de mes savants confrères trouve dans les vers de M. Fuss quelques constructions un peu laborieuses ; l'au- tre, en faisant ressortir les qualités dominantes de ces vers et en reconnaissant dans M. Fuss un disciple de l'école d'Horace, paraît douter si le disciple a toujours gardé la sage mesure qui fait la perfection du maître. Leur opinion m'engage à consigner ici une impression que la lecture des vers a fait naître en moi : la correc- tion du style y déguise mal, ce me semble, une forme quelque peu rude et froide et ne se colorant presque jamais ( 415 ) par les étincelles poétiques qui élèvent et vivilient le sermo pedesiris d'Horace. La pièce, dans son ensemble, est une protestation con- tre les admirateurs outrés du Dante. S'il y a exagération de la part des uns, il y en a bien aussi un peu du cùté de M. Fuss. On peut admirer le Dante et l'admirer beaucoup sans blesser le respect dû aux grands modèles des littératures grecque et latine. Je me félicite d'avoir pour eux la plus respectueuse vénération; mais j'aime aussi à entendre le concert d'éloges et d'applaudissements que l'Italie, dans ses élans de reconnaissance, adresse au génie qui a créé sa langue et qui a fondé sa littérature. Dans le jugement rendu contre le Dante, M. Fuss me semble avoir le tort de se placer trop au point de vue clas- sique grec et latin. 11 y a longtemps que Ginguené a dit qu'il ne faut point juger la Divine Comédie d'après les données communes : « aucun poëme ancien n'en fut le modèle ; aucune poé- tique ne lui convient; la conception en est unique et ne peut plus s'adapter à rien, mais l'exécution est presque par- tout admirable. » Ce poème, comme le remarque si bien M. Lesbroussart, « est une composition suigeneris, qui ne peut ni ne doit être jugée par comparaison avec les épo- pées anciennes ou modernes, ni, par conséquent, suivant les lois établies d'après les unes et appliquées dans les autres. y> La cause première ou unique de l'admiration pour le Dante, M. Fuss ne craint pas de l'attribuer à l'engouement qui s'est déclaré de nos jours pour tout ce qui appartient au moyen âge et au désir d'y ramener la civilisation mo- derne : una aut prima causa est aevum médium reducendi ( 444 ) desiderium, dit-il dans les noies analytiques de l'Épître. Yoici comment il développe celle pensée : Nam laudibus inter Qui Dantis nimii nunc sunt, plerique poesis Multis negJectae saeclis , ac pêne sepultae, Miro , ne dicam, caeco, ducuntur amore^ In nova jurantes musae praecepta: sed illi Nunc in nonnuUis par se conjungit amori, Aevi quae medii gliscit damnosa cupido. Haec adeo multis est unica, primave causa ^ Dis cur Dantem aequent , id agentes scilicet , illvâ , Ouantus sitvates, tantum videatur ut aevum. Cujus quae hona sunt ita sanis demus amare. Ut paveant mala ; christicola ne rursus in orhe Tetra superstitio regnet ; quam reddere velle Aevo cum medio , redeat quo îaetior aegro Sors mundo, quidni stultumque et turpe vocetur ? Jrtihus at pulchris, sigothica tempîa tacemus, Aevum quid médium referet? ut caetera mittam, Grandihus eloquii quid magnum foetibus addet? Quam sortem faciet monacho sub Apolline musis ? Cette appréciation si inexacte du moyen âge devait avoir comme conséquence une conclusion bien plus inexacte encore : celle d'attribuer l'admiration pour le Dante h l'engouement actuel pour les œuvres et les idées d'une époque déjà si éloignée de nous. Certes, le soupçon d'avoir été dominé par une influence de ce genre ne saurait atteindre un célèbre écrivain pro- testant du dernier siècle. Le directeur de la classe des lettres de l'Académie de Berlin, .Jean-Bernard Mérian , aimait et admirait le Dante; sachant à fond l'italien et l'anglais, il associa toujours, dans ses éludes comme dans ses délassements, le Dante el Milton à Homère et à Virgile. ( 415 ) « Si on me demandait, dit-il (1), à quel genre la Divine Comédie appartient, je serais fort embarrassé de le dire> elle n'est d'aucun genre et elle est de tous les genres. Tan- tôt le Dante prend la marche de l'épopée, tantôt le vol de l'ode. Dans le Purgatoire, il fait retentir les sons aiï'ec- tueux et touchants de la plaintive élégie. Une grande par- tie en est didactique, et ce n'est pas la meilleure; il tombe souvent dans le comique et même dans le burlesque; enfin il y a peu de chants de ce poëme où l'on n'entende claquer le fouet de la satire.... Malgré des intervalles de langueur , malgré ce mélange de genre et de style, malgré le goût défectueux et les autres vices qu'on peut reprocher au poëme, d'où vient sa haute célébrité? A ceci, il n'y a qu'une réponse: du génie transcendant de Dante, du su- blime, de la force , de la nouveauté de ses idées. On a fort bien comparé sa poésie à ces temples gothiques qui, non- obstant les défauts de leur architecture, imposent par la hardiesse de leur construction et par la grandeur de l'en- semble. Le génie couvre une multitude de péchés, et rien ne couvre le défaut de génie. Avec du goût seul, on n'est f|ue médiocre, quelquefois même insipide et ennuyeux, pour ne pas dire que le plus souvent ce mot a un sens vague et précaire, au lieu que le génie se définit lui- même; on ne méconnaîtra jamais les monuments où luit sa flamme sacrée; les vicissitudes de la mode n'y ont point de prise : il triomphe du temps et des âges. C'est lui qui assure à Dante une des premières places parmi les grands poêles, et surtout parmi les poètes originaux. > « Ce dernier caractère de la poésie, continue Mérian, (1) Nouveaux xMémoires de rAcadémie de Berlin, 1784, p. 453, cit. par Artaiid dans Y Histoire de la vie et des œuvres de Dante , p. 578. ( 416 ) y est marqué en traits si forts qu'il est impossible de n'en être pas frappé; il a sa manière propre de voir et de saisir les objets; son expression s'élance du fond de sa pensée; ses figures, ses images ont leur coloris particulier; celles même qu'il emprunte, il sait les résoudre; son style, son rhythme, et peut-être jusqu'à ses rimes tierces qui font un effet si agréable, tout est à lui; on voit la langue italienne se former, se féconder, naître, pour ainsi dire, sous ses crayons; enfin, ses idées même les plus bizarres, ses écarts les plus fantasques décèlent encore un écrivain qui marche loin de routes battues et qui n'a que lui-même pour guide. » C'est ainsi qu'en 1784, un philosophe et littérateur étran- ger s'associait à l'admiration de l'Italie pour le Dante, et qu'il justifiait d'avance les hommages qui lui sont rendus aujourd'hui dans l'Europe entière. Un de mes honorables confrères a cité, à l'appui d'une opinion qui me paraît trop sévère , la boutade d'un autre philosophe-littérateur. Voltaire a fait le procès du Dante, en disant : « Les Italiens l'appellent divin , mais c'est une x> divinité cachée; peu de gens entendent ses oracles; il a » des commentateurs, c'est peut-être encore une raison » pour n'être pas compris. Sa réputation s'affermira tou- » jours , parce qu'on ne le lit guère. Il y a de lui une ving- j> taine de traits qu'on sait par cœur; cela suffit pour j) s'épargner la peine d'examiner le reste. )> Je suis per- suadé que mon savant confrère est d'avis que cette plai- santerie est loin d'être irréprochable, et qu'il me permettra d'y appliquer un mot du comte de Maistre : le rire qu'elle excite n'est pas légitime; c'est une grimace (1). (1) Soirées de Saint Pélarshoury ; 1. 1, p. 248, étiit. de Ljon, 1831. (4i7) Malgré Voltaire et son école, la gloire de la divinité cachée n'a fait que grandir. Le comte Balbo a décrit les vicissitudes de cette gloire de 1321 à d858. x\ii commen- cement du XIX' siècle, Alfieri , qui professait pour le chantre de la Divine Comédie l'admiration la plus vive, et qui restaura ce qu'on appelait le culte du Dante, disait, dans un accès de regret, qu'il n'y avait de son temps peut- être pas trente personnes en Italie qui eussent véritable- ment lu le poëme. « Et maintenant, ajoute le comte Balbo, quoiqu'un peu plus du tiers de ce siècle soit à peine écoulé, nous comptons déjà plus d'éditions, plus de commentaires, plus de travaux que n'en eut aucun des siècles précédents; il y a déjà plus de 70 éditions (1). » Le même écrivain énu- mère ensuite les traductions et les travaux publiés hors de l'Italie; « tout cela montre, dit-il (!2), que le culte de Dante est plus que jamais répandu au delà des monts et au delà des mers; et il devait en être ainsi chez toutes ces nations qui ne craignent pas de retremper leur littérature aux sources mêmes de la civilisation moderne, le christia- nisme et l'Italie, d L'étude et le culte du Dante se sont donc réveillés et propagés par les efforts et par la protection d'AlOeri. Vai- nement on invoquerait ses paroles, citées plus haut , pour en déduire, comme fait M. Fuss, que le Dante n'est pas véritablement un poète populaire ou national. N'est- il même pas plus et peut-être mieux que cela? (1) Fie du Dante , par M. le comte César Balbo, traduite de l'italien f par M'"^ la comtesse de Lalaing , née comtesse de Maldeghem, t. II, p. 425-454. Bruxelles, 1846. — C'est aussi à cette noble dame que nous devons la traduction de la Vie du Tasse par Jean-Baptiste Manso: Bruxelles, 1842. (2) Ouvr. cit., p. AA{i. ( 418 ) S'il y a des critiques qui portent leur admiration jusqu'à prétendre que cette popularité a été acquise au Dante par cela seul qu'il n'a pas écrit en latin, c'est évidemment une erreur. M. Fuss la condamne avec raison, en reconnais- sant cependant que l'usage de la langue vulgaire a valu à la Divine Comédie un plus grand nombre de lecteurs. Boccace, dans la vie du Dante et dans le commentaire sur la Divine Comédie, raconte comment une ébauche la- tine du poëme, ou plus précisément celle des sept premiers chants de l'Enfer, fut trouvée à Florence , et comment on l'envoya au marquis Moroello, qui engagea le Dante à con- tinuer le poème. Marcbetti , Troya et d'autres traitent cette narration de fable; Balbo admet le récit de Boccace; Artaud s'abstient de prononcer sur le fait. Les trois premiers vers qui en restent, sont ainsi rap- portés par Boccace : Ultima régna cannm fliiirlo contermina miindo , Spiritihus qiiae lata patent , quae praemia solvunt Pro meritis cuique suis data lege Tonantis. De ces seules trois lignes M. Fuss tire la conclusion suivante: In versibm Dantis, Divinam Comediam nondum lingua vulgari^ quam latina, componere malentis, causant caeteris addendam video, cur maximus ille poeta sapienter fecerit latinae linguae renuntians ; qua scilicet satis recte, ne dicam eleganter maviterque , nec Dante , nec quisquam illi lempore aequalis scriptor , quodsciam, usus est. Balbo remarque que, dans un manuscrit du Dante de la bibliothèque Bartolini, on trouve, en outre, des fragments nombreux du poëme latin , mais que ce n'est qu'une tra- duction tout à fait littérale de l'italien qu'on ne peut en aucune manière attribuer au Dante. « Jamais, dit-il , je ne ( 419 ) pourrais me persuader que le Dante se soit ainsi traduit lui-même en refaisant en italien les premiers chants déjà écrits en latin. En 1304, le Dante composa, dans un latin plus pur que celui de ses contemporains, son ouvrage de Vulgari eloquio sive idiomate (l); ouvrage d'un proscrit forcé de parcourir les divers États de l'Italie et étudiant leur langage; livre d'un homme de goût qui a déjà dit qu'il faut fonder la langue italienne (2). Comme il a déjà été remarqué, le Dante avait commencé également en latin une ébauche impar- faite de quelques chants de l'Enfer; mais ses premières pro- ductions poétiques en langue vulgaire lui avaient fait con- naître qu'il avait plus de puissance dans cet idiome : le génie de la poésie, trop resserré dans la langue latine dont l'illustre exilé ne possédait pas bien les expressions éner- giques, l'avertit qu'il devait confier ses chants et le soin de sa gloire à un idiome nouveau (5). La postérité ne peut-elle pas se féliciter de cequ'il ait suivi si noblement sa vocation? (1) Baibo prouve que cet ouvrage a été écrit en lo04, et non pas peu de temps avant la mort de Tauteur, comme Boccace le prétend, ^'oyez ouvr. cit. t. II, p. 109. (5) Artaud , ouvr. cit. , p. 1 8 1 . (-5) Artaud, ouvr. cit., p. 144. — Nous aimons à citer encore ici une ob- servation de M. Albert de Broglie. « Si, dit-il dans un travail sur le moyen âge et V Eglise catholique , la Divine Comédie était écrite, comme on dit que le Dante en eut un instant l'intention, dans la latinité du moyen âge, elle nous paraîtrait aujourd'hui, comme quelques-uns des damnés dont elle décrit le supplice, chargée d'un manleau de glace. Grâce à la liberté d'une langue populaire et cependant déjà élevée par Tétude à un rare degré de noblesse et de clarté , tout vit, tout se meut dans l'Alighieri, avec une fran- chise inconnue à la littérature du moyen âge. Pour la première fois l'Europe moderne revoit les traits de la vraie beauté littéraire. « Bévue des Deux- -Vondes, IS.'îS, t. TV, p. 106. ( m ) Je n'ai pu lire sans éprouver une vive satisfaction, sui- vie d'une impression plus ou moins pénible, un remar- quable passage du rapport de mon savant confrère M. Bor- mans : « Le Dante, dit-il, fut un grand poète et un poète » populaire dès qu'il parut , parce qu'il était le premier de y> sa nation qui eût produit quelque chose de grand. La » postérité a consacré sa gloire , parce qu'à travers ses 2> défauts qu elle a mis sur le compte de son époque , son » génie continue à briller d'un éclat qu'on ne peut rnécon- » naître. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce » qu'Ennius fut pour les Romains du siècle d'Auguste : Eniiius ingenio maximus , arte rudis. Mon savant confrère me permettra de lui déclarer que je ne puis, sous aucun rapport, admettre la justesse de cette comparaison. C'est perdre son temps, dit Balbo, de comparer les esprits relativement médiocres avec les esprits véritable- ment grands; il est plus court, plus à propos de comparer surlc-champ ceux-ci entre eux. Ayant à parler de l'auteur de la Divine Comédie, Balbo pense qu'on ne trouvera peut- être [)as plus de deux poètes, Homère et Shakespeare, qui soient comparables au Dante. « Ils ont de commun, dit-il (1), ce mélange de quelques défauts et de beaucoup de qualités. Tous trois enfants de siècles sortant à peine de la barbarie, ils en empruntèrent leurs vertus de jeu- nesse, la spontanéité, la liberté de génie, un style à eux, l'amour, la force et la simplicité. Ils en reçoivent en même temps leurs défauts de jeunesse; ils manquent de ce goût, (1) Onvr. cil , toni. II, pp. 174 et suiv., et Artaud, oiiv. cit., p. 210. ( 421 ) de ce poli, de cette proportion qui, dans les littératures et les hommes, sont les Fruits des seconds âges, comme dans tonte œuvre ils sont les fruits des seconds travaux. Ces défauts nous heurtent moins dans Homère, soit à cause de cette grande vénération qui s'est accumulée à travers les siècles , soit à cause du respect qui lui est acquis dans le cours de nos études; mais ils blessèrent Horace, l'homme le plus éminent par son goût dans l'âge le plus civilisé des anciens. Homère est le plus grand poète de l'origine des lettres; le Dante et Shakespeare sont les plus grands du temps de la renaissance : Homère le plus profond dans la civilisation antique; le Dante et Shakes- peare grands ensemble dans la civilisation chrétienne. De la différence des âges proviennent les différences de leurs défauts et de leurs qualités. » Au sujet de certains défauts de la couronne poétique du Dante, M. Fuss a soulevé plus d'une question, plus d'une observation critique. Sont-elles toutes bien fondées? L'exa- gération d'une vive admiration a peut-être provoqué chez lui certaine exagération dans un sens contraire. C'est une excuse qu'on peut faire valoir en faveur de M. Fuss. On reproche au Dante d'avoir usé trop largement de l'allégorie; mais, après tout, c'est le défaut ou la qualité de son époque. Le moyen âge avait un goût dominant pour l'allégorie. La Divine Comédie est remplie d'allégories, presque toutes belles, quelques-unes médiocres, et bien peu obscures ou mauvaises (1). (1) Artaud, ouvr. cit., p. 213. — Balbo consacre en grande partie le chap. 7 du tom. II à la question des allégories du Dante; il pense qu'il faut d'abord chercher le sens littéral, sans méconnaître cependant ({ue, dans ce sens, il peut en exister un qui soit allégorique. ( 422 ) Au reproche fondé sur la nature allégorique vient en- core se joindre celui de l'obscurité. D'après Auguste Schlegel (1), l'obscurité du Dante pro- vient de son extrême laconisme, d'un langage suranné et varié par des licences très-fortes, de mille allusions à des détails historiques et biographiques, aujourd'hui peu con- nus ou entièrement oblitérés, d'une sphère scientifique différente de la nôtre; quelquefois aussi de la bizarrerie de cet esprit solitaire qui, en tout, dans les expressions, les métaphores et les comparaisons, évitait les sentiers battus; mais il n'y a jamais cette obscurité qui naît de la confu- sion des idées et du style. Quand on a pénétré le sens, on tient quelque chose de substantiel ; d'ailleurs les passages restés ou devenus obscurs sont peu nombreux. M. Lesbroussart nous a informé que, pour fixer le véri- table point de vue sous lequel le Dante doit être envisagé de nos jours, il a consigné le résultat de ses recherches dans les notes jointes au texte de son rapport. Si ce tra- vail, qui doit porter le cachet de la finesse de son goût et de la profondeur de son érudition , comme tout ce qui sort de sa plume, m'eût été communiqué avec le rapport même, j'aurais pu me dispenser de faire le mien; je me serais peut-être borné à une simple réclamation en faveur de ceux qui sont traduits au tribunal de la critique et prévenus, par un réquisitoire eu vers latins, d'avoir porté trop loin leur admiration pour le chantre de la Diviiie Comédie. (I) Revue des Deux-Mondes j 1836, tom. VII, p. 401 , 4'" série. ( 425 COMMUNICATIONS ET LECTURES. Danlis Divmae Comoediaepoeticavirtus. Poëme par M. Fuss, | professeur à Tuniversité de Liège. DiL'S IVUM QUID HABET, QUOD FAS SIT CARPERE, VATES? j En versum, tibi, summa velit quid carminis hujus, ] Qui satis ostcndat, doctrinae, suavis amice, Jaiii variae multis clarescens foetibusj isque In criticis, le jure lui dicamus ut omnes | Dignuni , niox criticuni queni regeni fama salutet. ; Et pulchris studiis sic nobiliumque virorum . Reddls amore mihi regem, fera munera Martis Inter, Aasonis tenuem dixisse bcatam 10 Qui patriam fcrtur, geniuin Sulmonis adorans. Et gravis et critica est, quam cernis, quacstio, quamque A nie tractari vis duduui, et, saepe rogalo \ Nuuc instans, dimna, rogas, comocdia Dantis ] Quanti sit facienda; poetica, si quis, et una, ) Quae laus ipsarum sit rerum, spcctet; utroque | Carminis ut longi virtus examine constet. j Materies, fateor, pulcherrima : quaestio quam sit Ardua, tune satis reputaveris, ipse videbis. iS'am, si nil ultra quaeras, quam, num mihi tantus, 20 Priscos ({uantus apud criticos, nostrosve, poeta ; Et brevis et simplex sit perfacilisquc profecto Respondere laborj grave scd tu quaeris, amici Otia quod superet longe viresque seniles. Ne tamen hic prorsus nii impctrasse queraris, ïllius exiguum visum est mihi sumere partis, Optima qua sine res frustra et pulcherrima ; magnus j ( 424 ) Si va tes vis audirc, omnc legique per aevum. Ipsarum vcro rerum virtutc Icncrc Cui satis est; voccra propriam niimcrosque poclac 30 Qui parvi facit; is placeat sibi jure liccbit; Vatem cur dicas, nil est, nisi sernio ligatus. Ast ego, quae Danlis sit, quaero, poctica virlus; Hic critico criticum, quo sucvi, more modoque Acturus; nil iiisolitum qui spiret, et intcr Nubîla suspensus nolit fluitarc, sed astra Stans firmo spcctarc solo; quid Gœthe, recordans, Quid Flaccas doccat, rud viiscuit utile diikî Lectorem ddectando parilerque monendo. Ncmpe, ut sit magna dignum mihi laudc poema, 40 Quid poscam potius, quara, res, ubi nil vetat, ipsa Ne valde placeat, felix accédât ut una Tractandi ratio, purae quot suntque loquelae Etiuimeri vénères? De quo, scis, credo, magistri Quantum praecipiunt; nec me tentavit in istis Quaerendi famam, nec tentatura cupido. Quam vero pulclirum, seu longum seu brève, carmen , Antc alios aequus censor mihi judicet omnes, Inprimis sana qui pollens mente profundo Cum pulchri sensu. Res autem si intueare, 50 Quid gravius dicas, prius optandumve poetae, Quae faveat, quam scire, suae, quae discrepet arti; Quam vitet, satis aut sit tangere? Saepe quod ipsos, Queis felix nec deest linguae, nec copia rerum, Nil curare vides ; quorum per rara volumcn Siqua tamen muita dignissima laudc nitescant, Pravorum moles, ne vivant, obruet; elsi Olim fit, crilici dum gaudent prava tueri, Ut longum minima se vendat parte poema. Singula, sed ditfert, pulchraene quis insérât, annc 60 Talem matcriem tractet, pacne omnis ut extra Laus quaercnda, bonus qua sit magnusve poeta; Exemplum cujus rarum dat musa Maronis. ( 4^5 ) Sed ncc, si nulliim diicanl aliuiuk' docorcm , Vcrsihnsexcludaiu, quue talia cuiiqiKj, scvenis ; Claris adscribat dum ne se vatibus auctor. Sic operani, sine, ametquc suam, mcritaque fiuatur Laudc, lyrae scu forte modis, quani voce solula , Insignis lyricus patrios gcrnianus ut inter, Diccrc quis nialit, spondei, quacve choraei 70 Sit vis in numerisj lymphalis sive medendi Hexamctris clcgisve artem, legisve Quirituni Exponat tabulas j funclis, seu, corpora quaenani Suprema rcditura die; nune qualia rari Sunt sane metricis ausi committere formis. In pulchro, dixi, quae sit mihi carminé felix Matcriac ralio; qua sis perfectus ab omni Parte licet, sumnios lamen inter jure poetas Non numerandus eris, nisi, virtus altéra, rébus Eximiis ars traclandi, sermoque beatus, 80 Miraque vis numeri eonspirct; nulla voluptas Qua major magnis fuit aut dulcedo poetis. Hactenus attigimus, quorum pars carmen ad omne, Pars ad longa trahcnda magis, quae nobilis inter Aetcrni Divina manet Comoedia Dantis. Tu, mea de tando quae sit sententia vate, Quacris; cujus opus vcluti genus omne, poesis Quotquot doctores unquam statuere, refugit; Nemo queat lyricum quod sanus dicere, nemo Dramaticum; nec, epos, vero, cur dicere malis, 90 Causain repcreris; nisi, quod narrantis, ideniquc Sit longum, ex epicis ut sunt celcbcrrima; dii Qualia Maconidae bina est mirata vctustas. His licet adjicias non vanum; scilicet, ulli Magna quod ex epica vcniet vix fania poesi, Cui satis exiguo rem pulcbram includere gyro ; Ingenii, unde patet, quanti sit condere vatis Maeonii dignuni musac certare. Quid auteni , Si Lamartini spatiis libi finxeris orbeni Tome xx. — V part. 29 ( 426 ) Imnicnsis cplcum? cujiis miniinniii dcdit ipsc 100 Parliciilani, versus dccics prope mille quaterqiie Diini canit , aequa suae componcns carmina vcnac. Grande autem Dantis, caiisam modo vidinms, unde Multum cpicis sic distet opus, propius tamcii liis ut, Quam reliquo dicani gcneri : que rcctius idem iVos puto facturos, si , quam mirabilc carmcn , Quamquc sit cxcclsum Dantis Comocdia dii , Quaerentes, magnum, primum videamus, an illud, Quamquc habcat plcnc, critici quod carmin is onnies Nunc cpici summum faciunt, quodque ipsc poesis 110 Suprcmum, solis cpicis propriumquc poctis Dicerc non vercar. Jam , si, suprema, rcquiris, Illa milii quacnam sit virtus, aspicc, dicam, Maeonidenj qui praccipuae, pcr utrumquc poema, Personac mire varias rcs factaque nectit, Ut coelum et tcrram rcferat manesque deosque, Naturamquc hominis moresque et fata , gcnusquc Heroum, famamque; ut mundum denique, qualis ITumanis illo quantusque patcbat in acvo, Exlîibcat. Laus est magnas hacc scilicct intcr 120 Maxima Maconidac; quique hanc acquaverit omncm , Ncc grajuii) , Latii vatem ncc noviiuus ullum ; Alti quin ctiam hoc frustra tentasse Maronis Ingenium videas. Mcdii, scd, quisvc reccutis Hic cpicos intcr conferri dignior aevi , Quacrere non lubct. At, qui dissimilis sit Homcro, Ht nemo magis, hac, (juam dixi , laude, poctam Aetatis nostrae nullum Mcssiadis ante Auctorem rcfcram. Mcdii, sci^, qualc sit, aevi Quod sub principiis natum faciunt, NiheJinujnm ioO Carmen, cpos priscae Gcrmanis nobile linguac; Saecla per oblituni penitus, clari quod ovantes In coelum critici, supra vcl mocnia nuindi Extollant; magnus tamen illi Grimmins ipsc Virtutis, paucis modo quam laudavimus, umbram ( 427 ) Vix, credo, tribuissc ausit. Miindum, sed llomcrus. Mente suum qui complcxiis, mirabilis idem, Quae possint, videt, utqiic velint tractata placere; Ipsa, cavcns, obsit ne copia; neve poctae Nil numéros habeat praeter, narransve, doccnsve. liO En geminas, cpicus quibus est insignis Flomcrus, Virtutes : quarum praestarc nec ipse priorem, Quod supra dixi, potuisset carminé parvo; Et nuilto minus angustum nunc cogat in orbem, Excellât studiis licet ingenîoquc pocta. Ut puro nebulae pendentes lumine solis; Arbore caeruleis pallcns ut imago sub undis ; Sic illis distat virtus, quam serior aetas Maeonidae tribuit. IVam, nulla ut vatis abesset In mundo faciès vitae; vulgata deorum 150 Non parvam merito, partem hic quam tangimus unani, Religio tenuit; qua grajae turpia gentcs Plurima miscuerant, onmis gentilis ut orbis. Christicolas nec vero inter non nmlta pudenda Per médium viguere aevum , nostrove supersunt ; Quae tamen hic illis nolim componerej quamvis Ad rem , quam tracto , non uno nomine vere Pcrtineant. Hac Maeonidcn ut labe sophistae Purgarent, allegorico coepcre profanum Vertere vcrborum sensu ; placuissc quod illis 160 Ne mirere nimis, sententia, sunt, ubi sana Nulla est, ni propriam mutes; quaecunque poetae Mens fuerit. Longe scd differt, hoc fatearis, Anne allcgoricas rcs pcrsonasquc labores Fingere, per longum referas quo singula carmen. En duplex opus, en fungentes munere voces Ambiguo; velut, cxemplum sumatur ut unum : Si verbis stamus, claudam credcmus Olympo A Jove dejectam sobolem; si, pâtre deorum Quod mage sit dignum, volumus dixissc poetam; 170 Quid proprius sensus possit simulare, vidcndum. ( 428 ) Non parviis labor hic, nunieii si faclaqiic diviim Intra constiterit : quid, si per caetera seiisuiii Sic geminum fîngat? Sexcenta volumina , nempe Materies, qua condat, crit. Distractus at ipse Aiictor quid fiet? Siiavis quid fict Homeri Aurea siniplicitas, critici sub acumine doeti In sophiam conversa gravcm? Ne singula longus Persequar; iiumensa est genus ipsum quaestio; vix ut Hac gra\ ius quid([uam tractet doctrina poesis ; 180 Quo minus intactum linquam, dum quaero, poetae Qualis sit prisci virtus. Scd, quid genus ipsum Carminis ad longi laudeni, me judice, possit Addere, si qnaeras; aversis hune ego dicam Grande opus aggressum musis , allegoriarum Quem sine dcliciis nulli sit volvere gralum. Aevi inter medii vatum fastidia partes Sed genus hoc largas, nosti, plerumque reposcit; Quo magis in causis numeres, oblivio longa Quare condiderit celcbrata poemata multa : 190 Quae tamen in lucem nostrae, nova cuncta volentis, Aetatis revocat gcnius 5 rursusquc virorum Doctorum labor esse probat sua fata libellis. Ad Dantem redco, qualisque poetica vatis, Quantaque vis , parteni selectam quam mihi dixi , Hinc ostensurus, praemissis, censor honeste Queis, norma ut, nitar. Verumque modumque colenti Sic veniam det fama viri, quam crescere in horas Nonne vides, claris ceu conspirantibus omnes Per gentes criticis ; germani tempore nostro 200 Supremae quales sophiae finxcre magistri? Quanti sit, qui quaerit, opus; rem sive vel artem, Vim sive ingenii rarani, seu spectat utrumque; Pluribus aut uni saltem, génère in pare noto, Conferet; hoc ipsum scd si Divina negarit, Mirum non fucrit, Comoedia; quippe remota Cunctis , ut dixi , doctrina poetica quotquot ( 429 ) Dislînxit species. Sic vix invencris ullum, Qucm, parvum magnumvc, vclis coinponcre Danti; Quo mage difïicilis labor hic; sat rcddere ni sil, 210 Notis quac criticis nuiic stct scntciilia. Vcnim, Qui nulli, scenae ceu gloria prijna Brilannae, Se similcm voluit, non jani fecissc minoris Hinc ausis; quanquam mcrito suspectas habetur, Qualis sit, donec perspexeris , ire récusât Qui tritam doctisque viam clarisquc poelis; Quippc, novum nil practcr amans, monstrosa, videres Saepe ut parturiat, stolido placitura po})ello. Et, si quis dignus, jactct qui lalia, censor. Nempe hic indignor, docti quandoque vel ipsi 220 Hoc agitant critici, nimis aut obscura, remota Aut pulchri procul a sensu, nullique ferenda, Turpia qui nolit, quamvis distincta decoris, Lt quocunque modo laudenlj ceu, carduus in quo Horreret, campum quis haberi vellet amoenum; Rara quod in foedo niteat rosa. Quid, quod iideni, Credcre si nolis, mirum non esse, rcponcnt, Putida si cui sint, quae non intelligat? Haec frons Dura sibi sapiat. Quum plura placent, ego paucis Ignoscam maculis; in magnis sed mage laedunt, 230 Quum mala multa, viris; in queis sua mansit, et alto AEternum sacrata manebit gloria vati. Dantis at hinc dotes cxpcndens, quid prius illa Tangam, virtutes cpici quam carminis inter Jam raihi praecipuam dixi, longeque vidcri? Namquc, novus ceu Maeonides, sua saecula Dantes, Gentemque et mundum, complexusj scilicet haec est De multis cclsae laus maxima mentis, et, in qua, Caetera discordes, seu non, vidcas tamen omnes Consentire fere crilicos ; hoc quos habet acvo 2-40 Multos ille quidem; nusquam sed, nec, pulo, plures, Nec célèbres mage germanis ; quorum , patrios si Binos excipias, unum gontisque britannae, ( 450 ) Nullius in laudeni vatis par cxtitit ardor. Ultcrius, ncc jam» quo progrcdiantur, liabebunt, Immeiisuni, deus ut, qiiibus est Comoedia, nulli, Mundus ut, humanae non impcnetrabile menti; Quippe canens, terrestre deus quodeunque creavit, Aeternum ut, culpis Ghristi sub lege piatis. Ad fontem redeat felix. Ilis addere possum 2S0 Haud minus arcanum ; nam plastica prima vocata est Pars operis; mire ccu picturata secunda, Tertia suave modis aninium, ceu musica, mergens. En criticum tibi, qui, coelo cognatus et ipse, Mysticus expendat, terrae solatia, vates; Quemquc putes, Dantis qualis sit quantaque virtus, Historico claro digne monstrassc Leoni; Talia ni vano potius praeconia capti, Quam recto, credas. Equidem, impcnetrabile quin sit, Non dubito, deus ut mundus; sed, quomodo, pulcbre 260 Quod componit homo, par ut nil fingere detur, Humanae sit opus tamen impenetrabile menti, Me latuit, fateor. Laudem quam Dantis et ipse Praecipuam feci, non pugno, maxima ne sit; Mox dicturus, co quid nomine distet Ilomero. Caetera si quaeris : per terna volumina fusa, Membra tôt ad corpus bene quam digesserit unum ; Temporis ingenio coalescat ut omne poema ; CurMaro dux, cur Papinius, cur lecta Beatrix; Ut deceat Christi gentilis religioni 270 Passim mixta, profana sacris; et piurima quae sunt; Mirus, ubi, mage sit, quacras, pulcherne poeta; Ipsae, seu, quae res, et quanta licentia quidquid Fingendi, spectes; seu, singula quomodo dicat; Quis sermo, numerive, et quanta licentia fandi : Haec equidem, utdecuit, perpendi, rite poetam, Nec non censores veteresve novosve revolvens; In queis quae rectc, quae non, mihi visa notari, Hic longum; et criticis, pridcm scis tutc, magistris. (451 ) Et nuUis nlmium sucvi tril)uisse sophislis. 280 Uniiiii sed tamcn est, qiiod tiir non practcreamus, Causa subcst gravior. Nani r('])iis pluiiuia Danlis Per.sonis([UC insuul, alia dofcndcrc nulla Quac ratione qucas, quin tanto indigna pnlc.ndir Ingcnio; crilicos, nisi, qiiod fccisse videnius, Tu paritcr facias; cura hic quels maxinia longe Res allegoricas exponcre; mcnsque, docere, Quani sublimis in his, qnainquc liac (luoque parte verenda. Quae iJivina canit sancli Comoedia valis. Quein, sane vereor, niiuiuin hoc ne noniine tollantj i290 Nec, cur hic ingens laus sit, (juod saepe poelis Grande vel in nu:gnis vitium, justas mihi quisquam Explicuit causas. Gcnus id, sed, quale sit ipsum, Quantunique ad pulchrum valeat conferre pocnia , Maeonidae supra virtutes tanginius intcr. lUius at Danti sunimam quod defero laudenij Cantor uterque suum quoniani complectilur aevunij Non nietuo, ne nie minus expendisse rearis, Illorum qucis dissimiies, discrimina, mundi. Xec vcro magis est, cur causas cnumerando ÔOO Te morer; ut mihimet sim scilicet autor ineplus. Mille modis nostro médium, quis nescitï ulri(|ue Longius at diffcrt acvuni, quod pandit Ilomerus. Nec modo, si totum geminis in vatibus orbcm, Sed paritcr distant longe, si singula confers, Quas tractant, rerum; ([ueis hic, queis partil)us ille Sit multus, rarusve, intactas quasve relinquat. Cernere quo facile est, angustus mundus Honieri Plenior unde tamen, quam, Dantis grande poema Quem canit j immcnsi prudcns dum plurima mittit; 310 iS'empe sui quae propositi non esse videret. Materiae sed me faciat ne copia longum, Ingentem binis includam versibus, addens : Illi sors hominis stat finis, rcgnaque Christij Hic fida gentile refert sub imagine saeclum. ( 452 En tibi, s , cano pridem, qiiid judice fidis, Dantis nuiic criticos maie quae meminisse pulemusj Ultra, quod satis, hune duni laudant, dumque minores Hinc alios ducunt; de multis fecit ut ille, Altior immensum est cui Danles, visa renarrans 320 Somnia, quam Ditis Maro scdcm, umbrasque nocentes, Elysiisque canens felices vallibus; illi Hic licet iuferni dux missus coelitus. At nos Pergimus etrusco chium contendere vatcm. Quorum si in rcbus tractandis respicis artem , Maeonidcn cernes, quae factis cunque rcmiscet Praecipuis, vel quae personis, omnia suetum Sic tractare, volcns, quo ducat, ut usque sequaris; Quantumvis minimis, tamcn ut teneare; nec usquam Ambiguae frustra tortus stomachere loquelae. 530 At contra Dantes inspcrgere plurima gestit, Possintne, aut quonam pacto conjuncta, placore, Securus ; veluti contcnlus nectere quali Cunque modo partes, operis dislingucre rite Quas ordo ratioque jubent. Persaepc recepit Quin etiam, plane quibus est aliéna voluptas, Omnis quam propriam sibi poscit jure pocsis. Parte operis prima sed culpa est rarior ista ; Nempe, quod in reliquo doctrina scholastica gignit Tacdia, multorum, numeris quae libéra malles, 340 Interpres; moesti at contra poenisque tremendi Cantibus inferni régnât, quae plastica dicta A criticis, virtus in magnis prima poetis. Quippe mage hacc nostrae cum laetis tristia gaudet, Quam non visa canens coelestis praemia gentis : Par quibus esse nihil, quidquid conceperit unquam, Mortalem deus ipse monet. Sed fingere, veri Quels conferre nihil possis, utcunquo, relictis Terris, angelicam te vates dncet in aulam, Nec tanti ingcnii est, quanti pierumque putabunt, 350 Croduia quels aut acgra vagis mens pascilur umbris ; ( 435 ) Nec facile, in nostro sensuque animo((ue rcmotis, Quid rectum sit, discernas j res denique inanes Niillac non parient faslidia. Forsan et ipse Hic causani videas, clari Messiada vatis Quisque l'ère cur mirari, quam evolverc, malit. Sic doctis, nemini, criticis placuisse; nec ulla Causa mihi major, cur, quanta poetica Dan lis Sit vis, inferno pateat; quamvis minor hac in Parte locus sophiae; longum qua saepe laborat , 360 l't dixi , Carmen; doctrinae plastica virtus Nempe ubi deest. Sapiens diversas censor in omni lias dotes norit discernere rite poeta; Nam magnis sane sapere est et scire necesse; Ad pulchrum carmen neutrum sed sulïicit ulli. Praecipuc nobis hic quae rnemoranda, qnis autem Nesciat, ipsius Dantis nisi nominis idem Famaeque ignarus, totum quae sparsa per orbem? Inferni inscriptis'portae quid celsius? aut quo Tantum contremuit mortalis fulmine linguae? 570 Francisca, cui non doluit, narrante, poeta Queis cadit exanimis, tenerae miseratus amores? Christicolae nempe in chartis nil pulchrius exiat ; >'ec gentilis erat quidquam par fingere musae. Quis non horrescit mirans infanda querentem, Se natosque ut dira famé vindicta necaril? Quid nostri praeferre velis, mundive prioris? Quid h ra , quid tuba majus habet , grandisvc cothurnus? His addi longo quae sint in carminé digna, Ad finem milto properans inquirere; multa 380 Nec, puto, repererit censor non vanus, at idem Plurima, quae, nulla quamvis insignia dote, Quo capiatur, habent. His insunt illius aevi Historiae mullac, multae, quibus ipse poeta Miscelur; sunt ingeniose, sunt et acute Dicta; nec insolito gaudentis plurima desunt, Soluni quae Dantcm dcccant; unde haec magii illi ( 454 ) Mirantur critici, priniis in dotibus ojus Qui poiiunt, tantum quod opus cum tcmporc vatis, Indûle, pci'sona, pciiitus concrcscat, ut omni 390 Quae concors numéro naturae vivit imago 5 Organicuru proprie quod vulgo diciumsj at nune Et tropicus criticis est verbi plurimus usus. Caetera tractatis benc rébus, plcna voluptas Quo sit, sermonis, jam vidimus antc requiri, Ut par sit virtus; quam culta in ditcijue lingua Qui nequeat praestare, hune dimidio velut arlis Mancum jure voces; at pauper et horrida cujus Contigit ingénie, pulchre ceu nescia fari; Sivc rudcm felix formet, seu ditet egenam, 400 Ingentcs mereat laudes. Eadeni tamen bic est Cunctis conditio, studio plus arteve nemo Ut possit, scriptor quam possit maxiinus unus; Gloria ncc minor est, post illum magna laboris Si superet moles; sermo dum talis, ut omîii Ingcnio pariter respondeat. Adjice, nullum Quod recte dices opus excellentius omni, In quo, qualemcunque ob causam, lingua sit impar, Egrcgias res, seu tractandi respicis ûrtem. Ad Dantis (juae si referas sublime poema, 410 Non dubitem, nimios quosdam quin hic quoque in illo Vel claros in ter criticos fatcare fuisse. Scilicet, in patriam quamvis insigne loquelam Sit vatis meritum; justuin verumque volentes. Mirer, ni mihi dent, tantum praestare Petrarchae, Ac mage Torquati linguam diique Ariosti, His Dantem binis saeclis aequare priorcm Doctus uti nequeat judex, et, qualis utrinque Sit sermo, reputans. En, cur, hic caetera mittens. In quels lingua nihil vctuit, ne saepe poeta -420 Non pnulo nobis Dantes pcrfcctior esset, Hoc saltem leneam : quale est comoediay si quis Nunc cdat carmen, vel linguam propter, in illis ( 455 ) ^icmo ncgct similc hac nil esse actatc fercndum, Dantcs queis jure est rnagnus ceisusque pocta. Qiiod imilti, nempe hic pcjori dcbuit aevo, Cunctis ut sero vcnicutibus anteferatur; Utque satis, quam sit magims, dignoscero docti Vix ipsi valcant. Criticos quo justius ores, Ingcnium valis maie ne cum carminé, quale 450 Nunc est, confundantj tantum neve hoc sibi fingant, Quantum ne faceret, Danti multacque gravesque Obstal)ant causae; merito ne multa reprendi Posse negentj in queis ununi licet hic grave ponas, Saepe adco quod rcs, aut verba rccondita, nemo Ut non desperet; vatem ne deniquc fingant Non modo mente, suo qua major temporc, mundiim Christicolam quaecunque agitabant, pectorc condit, Quavis eximium sunmii sed dote poetacj Par operi cujus nil nec sperare futurae AiO Sit fas aetati, nec viderit ante vetustas. Qui critices, sophiae fania qui crescis alumnus, Janine vides, quo me ducat comoedia Dantis? Primo quem versu, talem quia sentio, dium Ipse voco; mihi me post ne pugnare rearis; Neve viro quidquam indignum dixisse verendo. Sed, laus ne iaedat, num quid prius esse putarcs, Laudandi quam nosse modum? Laudare maligne Ne qua parte tamen vidcar; defcnderc quo me. Die, mage teste velis, quam, qui popularis, et idem. 4^50 Quantum sanumque et justum, doctumque decebat, Mirator vatis? Plures Tiraboschius inter Hic mihi sit. Tanti quid laudet, quidve reprendat, Ingenii criticus; nostro queis maximus auctor Judicio distet, queis congruat, ipse tucre. Illum, etsi brevis hic, momenta nec omnia pendit, Qua 'stio queis constat; cunctis longe tamen unum Praetulerim , vanae nostro Dantes quibus aevo Materies famae; quo tollant altius illum. ( 456 ) Tanto, (lum sperant, mage nos miremur ut ipsos; 460 Vatis qui mystae nobis arcana recludant. Paucis sed geims hoc jam rite iiotavimus anle. Conimodus hic locus est addenti, quod nec inaiie, Crede mihi, levé nec niniis est. Nani laudibus inter Qui Dantis nimii nunc sunt, plerique poesis Multis neglectae saeclis, ac paene scpultae, Miro, ne dicam caeco, ducuntur amore, In nova jurantes musae praeceptaj sed iili Nunc in nonnullis par se conjungit amori, A(?vi quae niedii gliscit damnosa cupido. 470 Hiec adco niullis est unica, primave causa, Dis cur Dantein aequent, id agentes scilicet, illud, Quantus sit vates, tantum videatur ut aevum. Cujus quae bona sunt, ita sanis demus amare, ri paveant niala; christicola ne rursus in orbe Tetra superstitio regnet; quani reddcre velle Acvo cuni medio, redeat quo laetior aegro Sors mundo , quidni stultunique et turpe vocetur ? Artibus at pulchris, si gothica tenipla tacemus, Aevum quid médium referet? Ne caetera quaeram , 480 Grandibus cloquii quid magnum foetibus addet ? Qiuun sortem faciet monacho sub Apolline Musis? Nonne vides, olim mundo quos ipse fuluro Exemplar pulehrae voluit deus esse loquelae, Ut pietas insulsa gcmat peç saecla magistros, Grande ncfas! fandi noslrae mansisse juventae? Quid lîet , medii mens haec ubi viccrit aevi ? Nempe fere palmam mediocria, turpia nempe Saepe ferent; aima tenebrae quum lucc repulsae, Qualem barbariem quondam fugere potentes 490 Ingenio studiisque viri, grajos latiosque Dum miro vates una amplectuntur amore. Additus his rectc an vulgari carminé Dantes, Quaestio non simplexj plus jamque ego candidus, allae Miranduni mentis laudans carpensvc poema , ( 437 ) Quarn volui, dixi. Carcat ([uac fine, palore Matoricm ccrnis; miniinam satis esse piitavi Tndo mihi partem; parvi duxisse, roganti Si gratum facerem, ne possini jure videri. Née tani euro, mco multuin an moveare libello, 500 Quaiii , versus valeas ut tôt perfcrre latinos. Sed liiiguain Latii scribens quoque, scis, ut aiuariin, Ingénie stulte diseors, quo vivimus, aevi. Morbus cuique suus; meus hic. Melîora sccutus, Littus ararc scncm patiarc ; usumquc ligato Scrnioiic cxcuset Flaccus ; mage mente niodisque Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse Implevit partes; Romanum Teuton us in queis Rite, vide, pravane sequar. Sed Flaccus, et illis Eximius , nomen negat hinc se vclle poetae ; SIO Nec, mihi ne poscam, metuas; versus, licet omnes, Qui faciunt, seniper sic codeni nomine dicam. Ut Galli dominas dicunt quascunque maritas. Hic finis fandi mihi sit; tu vive valeque. NOTES. — Epistolam suvm, de Dantis Divina Comoedia discep- TATIONEM, LECTURO J.-D. FUSS. In hac epistola, quam, ut Horatii ad Pisones, poeticani, utpote poetica, eaque versibus tractanteni, adpellare potes, minime id agebatur, ut Divinae Comoediue qualis quantaque sit mate- ries, ncc magis, ut très poenjatis parles, eariimque ad uniini opus conjunctio, nec denique, ut mens auctoris, summaque, lanto in carminé, propositi illustrarentur : qualis disputatio neque angustis epistolae meae finibus includi potuisset, nec vero necessaria mihi erat, ad bominem doctnm, eundemqne dantianae poesis bene gnarum, hoc solo proposilo scribenti, ul meam de poetica Divinae Comoediae virtute sententiam quam brevissime, sed satis taraen et explicarem , et probabilem quoque ( 458 ) reddereni. Hoc igitur praestare conatus, ex immensa longissimi poematis materia, cnjus et magnitudinem et religiosam sancti- tatem agnoscebam , paucissima tantiim sive memoravi modo, sive aliqnatenus illiistravi; quaescillcet a poetica pulchritudinis ratione, qiiain niihi partem tractandam selegeram, prorsus sepa- rari non possent. Caeteriim, critico munere ita fiinctus sum, ut alioiMini me auctoritas, quo minus meam senlentiam profer- rem, non facile inipediret; quod ut facerem, vel sola servanda disputationis meae brevitas suadere debuit. Quod autem de criticis nullum praelerTiraboschium(Yersu45i) nominavi,idemque reli- ques non singulos, et plerumque, qiiid in illis milii displiceret, indicandi causa memoravi; mirum non foret, si cni nullum, aut paucissimos certe, nec quenquam ex illis legisse viderer, qui cele- brioribus Divinae Coïiioediae crhich nuper, viri profecto et doc- tissimi et éloquentes, accesserunt. Sed bac me suspicione facile liberabunt tria, quae hic indico, opéra, locique epistolae meae ad illorum unum pluresve locos referendi. En operum litulos : Dante AUgJiieri on la poésie amoureuse, par E.-J. Delé- cluze. Dante et la philosophie catholique au Xlir siècle; par M-Â.-F. Osanam; nouvelle édition, suivie de recherches nou- velles sur les sources poétiques de la Divine Comédie. Louvain , 1847. De l'art en Italie, Dante Alighieri et la Divine Comédie; par le baron Paul Drouilbet de Sigalas. Paris, 1852. Restant loci his cum operibus , ut modo dixi , conjungendi; quo simul, ipsa a me lecta esse, manifestum erit. Versus a m ad 1:20, conjuncli versibus a 295 ad 513 Dantem Homcro, in sunima ulriusque virtute, comparatum exhibent; quo trahere potes Osanami, pag. 558 et sqq. Versus a 145 ad 195 et a 280 ad 294, sentenliam meam de allegoria, gravissima illa Dantianae poesis parte, explicant; quam fuse tractatam babes in tribus, ad quae bas notas refero, operibus; unde hic indico Osanami pag. 55, 157, 264, Dele- cluzii 132,140,263,453, 615. Versus a 247 ad 262 Divinae Comoediae ab auctoris mente. ( 459 ) uni proposilo immensam materieiii coniponenlis, sublimitatem explicanl; in qiia adiimbranda Germanicos qnosdam scriptores c'iarissimos, Dantem supra, quod finûji aiit pnlchrum aut divl- mun possit, extollenles, respicio. Caeterimi, ciim liis, in cadeni adniiralionc, adeo fere congruunt recentissinii , quorum très nominavi, auclores, ul niihi quidem et hic multum a Gcrmanis traxisse videantur. Versus 268 poetae duces, in iisque Beatricem nominat; de qua copiose Drouilhet, in operis ejus parte inscrii)ta Paradisiis. Cf. eundem pag. 458, et Delecluze, pag. 129. Versus 528 et 455 miram in Divina Comoedia, nec minus fretjuentem sivelinguae sive rerum obscuritatem notant; de quo Danlianae poesis si non vitio, macula utique non levi, cf. Dele- cluze, pag. 128 et 616. Versus a 530 ad 564 fere ad poeticam modo Dantis ingenii virtutem, non ad singulos locos, referre \olui. In bac aulem dis- ceptalionis meae parte inprimis a recentissimorum criticorum judicio, mullisque nominibus dissenlio; quo magis par erat, in iis, unde sententiam meam tuerer, pauca inveniri; quo trabenda operis Osan. pag. 7 et 48, Delecluze 105 et 124. Versus a 565 ad 576 insignes vulgoque ceicbralos Divinae Co- moerfme locos désignant; de quibus Drouiliiet, pag. 546, 550, 564. Ad portam inferni pertinent, quae Osanam pag. 81. Versus 585 ad singularem Dantis, sive in loquendo, sive in lingendo, quin etiam sentiendo, insolentiae amorem refertur; quo non maie traxeris, quae notât Delecluze pag. 120, 121, 140. Cf. et Drouilbel, pag. 511. Versus a 595 ad 420 Dantem in Divina Comoedia lingua vul- gari usum, eoque cum de gentis suae litteris egregie meritum, tum gloriae suae aeternitali consulentem referunt. De bac lande, ut niaxinia, sic minime dubia, eademque cum lingnae latinae ad scribendum usu conjuncta, operae prelium est cognoscere, quousque, doctae sapientiae absurda delirisque propiora mis- cenles, progressi sint nostrac actalis crilici; sive illi Dantem ( 440 ) praedicent, sivc l'etrarcae persiiasioncm , de Africa sua aut solam aut praecipuam clari poetae famam sperantis , satis niirari nequeant; in quo inclytos fratres, Fred. et Aug. Guil. Schlegel, duces utique non spernendos, multi secuti. Religiosae quidem virorum disertissimorum pietati quid, in quaestione, quam hic tango, placuerit, placeatqne, ut perspiciamus, quid prius lega- mus Drouilheti pag. 535 et sqq.? Ubi equidem in versibus (I) Dantis, Dlvinarn Comoedlam nondum lingua vulgari , quam latina, componere malentis, causam caeteris addendam video, cur inaximus ille poeta sapienter fecerit, latinae linguae renun- tians; qua scilicet satis recte, ne dicam eleganter suaviteique, nec Dantes, nec quisquam illi tempore aequalis scriptor, quod sciam, usus est. Drouilheti vero hic prope mystica verba habes: Une révélation soudaine l'éclairé; il sent qu'il a fait fausse route, et que, par ce chemin (latine scilicet scribens), il descend dans la mort au lieu de monter dans la vie : quae, videant alii, quo- modo crilicum deceant,qui, sicut alii plerique, et recte, multus est in Homeri cum Dantis poetica excellentia conferenda. Equi- dem, si e Drouilheti verbis res dirimenda, cur Homerus multis ante nostrum saeculis poetice mortuus non sit, fateor me non intelligere; nec vero magis inlelligo, cur Dantes Divinae Comoe- diae principium longe aliud latina, quam lingua vulgari, facere coaclus fuerit. Sed eniin materiem me ingressum sentio, de qua praestet hic nihil amplius, quam non satis, dicere; idque eo magis, quoniam eandem in scriptis meis et saepius attigi, et in nno copiosius sum persecutus. Vulgarem autem linguam praeferens Dantes, eo citius meri- toque popularis naùoni suae, sive mavis generi huniano, poetae laudem nactus est. Qua in re duo mihi inprimis conside- randa videntur: alterum, quod illa laus in summis poetae nu- (1) Ullima régna canam, fluido conteimina mundo Spii'itibus quae lata paient, quae proemia solvunl Pro meritis cuique suis data lege Tonantis. ( 441 ) ineratur, quem non semel vulgo neglecluni esse constat; ciijus- que Divinam Comoediam qui vere legerint, fortasse in Italia non triginta homines esse, AHieri, hiijus sacculi initio, dixit (vide Drouilhet. pag. 608) : alteriim, quod ejusdeni poematis longe maximam virtutem in rerum, et artis, qua ad totum compo- nuntur, majore, quam humana, sublimitate crilici velut uno ore pleriqueposuerunt; qua virtute niliii a vulgi sensu et intelligen- tia remolius cogitari posse, quidni existimes? Haec igitur duo intuenti, nonne statim patebit, ut poelae popularis laus Danti vere honesteque tribuatur, plurima in re tam vaga expendi et discerni oportere : quae criticorum nonnullorura sagacitas quin luculenter exposuerit, non dubito quidem; sed, quid de ea re egregie animadversum legerim, reputanti in praesenlia nihil suc- currit. Versus a 421 ad 440 eos, qui modum nescire in Dante admi- rando mihi visi sunt, ne nimium laudando ejus gîoriae delrahere raagis, quam adjicere pergant, precantur. De qua re vide inpri- mis Drouilh. pag. 482 et sqq. Versus a 462 ad 492 eos attingunt, quibus, cur Dantem supra, quidquid vatum aut fuit, aut est, extoUant, una, aut prima causa est aevum médium reducendi desideriura ; quales an hodie vigens religiosa pietas protulerit, in diesque proferre pergat, me tum aliae res multae, tum vero opéra, ad quae notas hasce re- tuli , non sinunt dubitare. Tome xx. — I" parTc 30 44-2 Variétés historiques (1); par M. Gachard , membre de l'Académie. VIÏ. Sur l'abolition du conseil des troubles ^ institué par le duc d'Albe, Lorsque je présenlai à TAcadémie ma notice sur le Conseil des troubles (2), je n'avais, malgré toutes mes re- cherches, pu découvrir la date précise de l'abolition de ce tribunal extraordinaire, ni l'acte par lequel il fut aboli : aussi je supposai qu'il avait été supprimé de fait, à la suite du mouvement populaire dirigé contre les membres du conseil d'État s,ns[)ecls d'espagnolisme, le 4 septembre 1576. Aujourd'hui je suis en état de combler cette lacune, et c'est un des registres des archives communales de Bruges qui m'en a fourni le moyen. Le Witten-Boeck A contient des lettres patentes (5), données à Bruxelles, sous le nom de Philippe II, le 2 mai 1576, qui portent cassation du conseil des troubles, et ordonnent en conséquence le renvoi au conseil de Flandre de toutes actions et causes, civiles et criminelles, concernant cette province, dont le conseil des troubles devait connaître. D'autres lettres (1) Voy. les Bulletins, t. XIX, ô-^ partie, p. 168-179. (2) Voy. les Bulletins, t. XVI , ii' partie, p. 50-78. (o) Elles sont au fol. 138 v". ( 445 ) patentes de la même date (1) abolissent le 10' et le 20* denier. Les états de Flandre avaient subordonné à l'expédition de ces deux actes l'accord qu'ils venaient de faire d'une somme de 2,000,000 livres, pour tenir lieu de leur quote- part dans la subvention demandée en remplacement du 10' et du 20' denier, et d'une autre somme de 1,200,000 livres, à titre de rachat du second centième denier con- senti à la demande du duc d'Albe. VIIL Médaille instituée pour récompenser les services rendus a la patrie, lors de l'insurrection contre Philippe IL Voici un fait que je ne crois pas connu : c'est l'institu- tion, à l'époque où les Pays-Bas se soulevèrent contre Philippe II, d'une médaille destinée à récompenser les actions d'éclat et les services rendus à la patrie. Un journal manuscrit des résolutions des états généraux, que je possède, contient, à la date du 26 septembre 1578, ce qui suit : « Ad visé de faire graver la forme d'une médaille, pour y> de celle que l'on forgera faire présent à ceulx qui le raé- D riteront par leurs services laitz pour la patrie et eslatz. » Et, pour adviser sur la tigure, sont députez les pen- y> sionnaires Imans, Provin , Vander Warcke et le maistre » des comptes Vande Bie. » (1) Elles sont aussi dans le JVitten-Boeck y fol. 154 v°. ( 444 ) Je dois dire qu'il n'est plus question de cette médaille dans les résolutions subséquentes : ce qui laisse des doutes sur le point de savoir si elle fut réellement exécutée. Les savants numismates que l'Académie compte dans son sein, sauront bien, au besoin, faire cesser toute incertitude à cet égard. IX. Contestation diplomatique entre la Belgique et la Hollande , ai* XVIP siècle, sur l'emploi des mots sieurs ou sei- gneurs. La diplomatie est chatouilleuse sur les points d'étiquette. L'histoire est pleine de contestations entre les puissances de l'Europe, pour des questions de préséances, de titres, de formules. Au concile de Trente, les légats du pape eurent autant de peine à régler le rang entre les ambas- sadeurs de France et d'Espagne, entre ceux du roi des Romains et du roi de Portugal, du duc de Florence et des cantons suisses, de la république de Venise et du duc de Bavière , qu'ils en eurent à obtenir des décisions sur les matières les plus épineuses de la discipline ecclésiastique. Au congrès de Westphalie, des difficultés analogues arrê- tèrent pendant quelque temps l'ouverture des négocia- lions, et la France et la Suède, quoiqu'elles fussent eu parfaite harmonie de vues politiques, cessèrent un mo- ment de s'entendre, lorsqu'il fut question de rédiger le traité qu'elles signeraient avec l'Empereur et l'Empire, chacune d'elles voulant y être nommée la première. Wic- quefort nous fait connaître la négociation qu'il entama ( 445 ) lui-même à Paris, en 1647 , afin que Louis XIV donnât à l'électeur de Brandebourg le tilre de frère; il rapporte aussi les ditlicultés qu'il y eut, à Munster, entre les cours de France et d'Autriche , sur ce que l'Empereur refusait de répondre aux lettres où le roi très-chrétien, au lieu de le qualifier de majesté, le traitait de sérénité seulement (1). Le congrès de Vienne a fort sagement réglé tous ces points, sources si fréquentes de disputes non moins vives par la forme, qu'elles étaient futiles au fond. Mais cela n'empêche pas que de temps à autre des discussions ne s'élèvent encore en matière d'étiquette diplomatique. N'a- vons-nous pas vu naguère l'Europe entière en émoi, et agitée même de la crainte d'une conflagration universelle, parce que, dans une correspondance entre deux puissants monarques, l'un d'eux s'était servi d'une formule qui avait blessé les susceptibilités de l'autre? L'anecdote que je vais raconter peut être ajoutée à l'his- toire des contestations diplomatiques. Après la paix de Munster entre l'Espagne et les Pro- vinces-Unies des Pays-Bas, et en exécution d'un des articles du traité, une chambre mi-partie, composée de commis- saires du roi Philippe IV et des états-généraux, fut établie à Maliues. C'était au mois de décembre 1652. Dès les premières séances que tinrent les commissaires, une grande discussion s'éleva entre eux. Dans le pouvoir donné aux députés belges, il était dit, en parlant des états généraux : Les S'' états généraux des Pays-Bas, le mot sieurs est abrégé. Les députés hollandais (1) L'ambassadeur et ses fonctions. Cologne, 1715, 10-4», partie I, 410 el 4.m ( 446 ) prétendirent que l'acte fut changé, et que le mot sieura abrévié fût renriplacé par seigneur.^ ad longum. Ils alléguè- rent que, dans le traité de Munster, dans un autre conclu peu de temps après, et dans l'instruction même de la chambre mi-partie, leurs commettants avaient été quali- fiés de seigneurs. Les députés belges répondirent que, dans les deux traités invoqués, c'étaient les ambassadeurs qui avaient parlé, non le roi ni l'archiduc Léopold (1); qu'on ne devait pas tirer argument des exemplaires imprimés de ces traités, où des erreurs pouvaient avoir été commises; que, dans une procuration donnée, en 1651, pour la conférence tenue en Flandre sur les limites, l'archiduc ne les avait traités que de S'' par abréviation. Les députés hollandais insistèrent, disant qu'ils étaient traités de seigneurs par les autres princes. A quoi les dé- putés belges répartirent qu'ils avaient vu des actes signés de la main du roi très-chrétien , où les états généraux n'é- taient qualifiés que de sieurs, il n'y avait pas moyen de contester le fait; mais les députés des Provinces-Unies soutinrent que, depuis dix ans et plus, la cour de France donnait à leurs commettants le titre de seigneurs. L'affaire fut soumise aux délibérations du conseil d'État, à Bruxelles. On recourut aux archives; on écrivit à l'am- bassadeur du roi, à La Haye. Cet ambassadeur était le conseiller Antoine Brun , bour- guignon, qui avait pris une grande part aux négociations de la paix, et qui, selon Wicquefort, « estoit un adroit et i) un fort sage ministre (2). » (1) Gouverneur général des Pays-Bas espagnols. (2) L' ambassadeur et ses fonctions, partie II, p. 51. ( 447 ) Brun fut d'avis « qu'on ne fit aucune difficulté de quali- » fier las estalz généraulx de seigneura tout au long, sans » abréviature, car le roy le faisoil ainsi en tons les actes de » ralilicalion venus d'Espagne (1). » Le conseil d'Élat exprima la même opinion (12). L'archiduc Léopold donna des instructions, dans ce sens, aux députés belges à Malines, et par là l'ut terminée une discussion qui avait menacé, un moment, de faire couler des flots d'encre. X. Sur les conférences pour le rétablissement des manufactures, en 1G99. En iC99, l'électeur de Bavière, sur des représentations que les états de Flandre et le magistrat de Bruxelles lui avaient adressées concernant le tarif des douanes, résolut de réunir des députés des magistrats des principales villes du pays, assistés des fabricants et des négociants les plus instruits de leurs localités, pour délibérer sur les mesures propres à rétablir les manufactures et le commerce (5). Ce congrès industriel se tint à fhôtel de ville de Bruxelles. Anvers, Gand, Bruges, Namur, Malines, Mons, Courtrai, Bruxelles, Audenarde, Louvain, Limbourg, y furent repré- sentés. Les résultats des discussions qui y eurent lieu sont (1) Lettre du 12 décembre 1652. (2) Consulte du 1 6 décembre. (ô) Il adressa aux villes, sous la date du 15 janvier 1699, unç circulaire que j'ai vue dans les archives de Louvain. ( 448 ) consignés dans des procès-verbaux (1) qu'on jugera, sans doute, convenable de publier un jour, car ils répandraient des lumières sur l'état de décadence auquel était arrivée l'industrie belge à la fin du XVIP siècle. En attendant, voici comment cette tentative de relever les fabriques nationales était appréciée par le comte de Wynants, membre du con- seil suprême de Flandre, à Vienne, — et dont les Mémoires, quoique inédits, jouissent d'une grande réputation , — dans une lettre qu'il écrivait à un de ses amis à Bruxelles (2) , le 7 juillet 1751 : « Il y avoit, dans les conférences tenues en 1699, assez de confusion, faute d'une tête d'autorité, qui présidât aux assemblées. Ce nonobstant, les différentes propositions et contestations donnèrent lieu à des idées qui auroient pu être polies et rabotlées dans la suite, pourveu que les cir- constances et la situation des affaires de l'Europe nous eussent favorisés. Notez cette dernière période. » Tout le monde crioit commerce, fabriques, et nous n'étions pas trop en état de les maintenir et soustenir contre nos voisins, qui, eu vue de la vie de Charles II et du défaut d'héritiers, dominoient. » Le ministère du Pays-Bas n'ignoroit pas cette circon- stance. L'électeur de Bavière avoit ses vues, qui ont ensuite éclaté. On pensoit bien que ce n'étoit pas le temps de mettre la main à un ouvrage si important et si contraire aux inté- rêts de nos voisins : cependant, pour contenter et amuser les peuples, on permit et autorisa les assemblées, et même (1) Ils sont conservés dans plusieurs de nos dépôts d'archives, et notam- ment aux archives de l'État, à Mons. (2) L'avocat Creskens. ( 449 ) on lit un édit, avec titre d'édit perpétuel, qui est assez bon (1). » Nos voisins ne s'alarmèrent pas beaucoup de ces dé- marches, prévoyant qu'elles auroient peu d'effet et de suite; l'argent nous manquoit de tout côté; l'Espagne et l'Empereur avoient besoin d'eux. La mort de Charles fut précédée de différents traitez de partage, et suivie de la guerre terminée par les paix d'Utrecht, Rastadt et Baden , et, après tout, du charmant traité de Barrière. 2> Voilà le fruit des conférences de 1699 (2). » XI. Sur les exe'culions en Brabant , avant 4786. Il existait autrefois, en Brabant, un usage particulier à cette province. Lorsque, à la poursuite du procureur gé- néral, ou de ses substituts, le conseil de Brabant rendait une sentence portant condamnation à une peine aûlictive, ces officiers étaient obligés d'accompagner le condamné , à cheval et en robe, depuis le palais de justice jusqu'au lieu de l'exécution. Aucun autre des officiers de justice du pays n'était assu- jetti à cette formalité : ils se bornaient à être présents à l'exécution, sur un balcon , avec les juges. A la vérité, le prévôt de l'hôtel et le drossard de Brabant se rendaient à (1) Voy., dans les Placards de Brabant, t. VI, p. 450, Tédit du 1'^ avril 1699. (2) Lettres autograplies du comte de Wynants aux archives du royaume, collection des cartulaires et manuscrits. ( 450 ) cheval au lien de l'exécution; mais celait moins pour y présider, que pour commander leurs soldats et veiller au bon ordre. Au mois de janvier 1786, le procureur général de Lan- noy représenta au comte de Belgiojoso, en ce temps minis- tre plénipotentiaire pour le gouvernement des Pays-Bas, qu'il lui était impossible de se conformer à cet usage : car il ne savait nullement monter à cheval , et il n'avait pas le loisir de s'exercer dans l'art de l'équitation , tout à fait inutile à la profession d'avocat qu'il avait embrassée. Il demanda que, après être intervenu à la prononciation de la sentence au conseil, il pût se rendre en voiture sur la Grand' Place, avec le conseiller commissaire, le conseiller fiscal et le gredier, et assister avec eux à l'exécution des criminels, du haut du balcon de la maison du Roi dite Broodthuys. Le conseil privé, consulté par le ministre, se montra fa- vorable à l'innovation sollicitée par le procureur général. Il ne voyait aucune utilité dans le maintien de l'usage observé jusqu'alors. Certainement il fallait que le procu- reur général fût présent aux exécutions, avec le commis- saire de la cour et le conseiller fiscal, car il pouvait arriver que, an dernier moment, un condamné eût des choses importantes à déclarer à la justice; mais il n'y avait pas de motifs pour qu'il s'y rendît à cheval, d'autant plus que les condamnés étaient ordinairement escortés par un dé- tachement de la compagnie du prévôt de l'hôtel, ou du drossard de Brabaot, ayant un olïicier en tête. La décision du ministre fut conforme à la demande du procureur général et à l'avis du conseil privé. ( 451 Inscription latine inédite, publiée et expliquée par M. Roulez, membre de l'Académie. Dans les fouilles qu'il fit exécuter à Majeroux, près de Virton, au mois de mai 1845, M. Guiotli, ingénieur en chef des ponts et chaussées, trouva, entre autres objets antiques, une petite plaque en bronze, portant une inscrip- tion votive tracée en lettres ponctuées; nous donnons ici le fac-similé de ce monument : Le premier mot, si l'on s'en tient à la lettre, offre le nom d'une divinité inconnue jusqu'ici; mais nous pensons que LINO a été mis pour BELTNO, et que l'omission de la première syllabe provient de la prononciation vicieuse de ce dernier nom. Belinus (1) ou Belenus était un des (1) Ce nom s'écrit plus souvent Belenus; mais la forme Belinus se ren- contre dans une inscription chez Gruter, p. 56 ; Zel! , Delectus inscr. Rom.j p. 257, et chez Herodien , VIII, 3, p. lo6, 3o, éd. Bekker : BfA;v c?f y.(x.Xouc7t rovTcv ( zov kyriyjipiov 9-«v ) , (jk(io\^ , i9^ année. — M. Louis Hymans écrit qu'il tient à la disposition de la caisse centrale des artistes et des gens de lettres belges , une somme de 100 francs, produit d'une transaction qu'il a acceptée tout récemment, pour dommages-intérêts, dans une question de propriété littéraire. Remercîments. CONCOURS DE 1855. Poèmes envoyés au concours de composition musicale institué par arrêté royal du i6 août 1852. N° 1. Sainte-Cécile; épigraphe : 6ïc «atrac/a.s/ra. N" 2. A la mémoire de la reine Louise-Marie; épigra- phe : Sine macula enini sunt anle tliro)ium Dei. (S^-Jean.) ( 45(5 ) N" 5. Jean de Bourgogne; épigraphe : Numéro Deus impare gaudet. N° 4. Le Lépreux; épigraphe : Fideset amor. N° o. Le passage de la mer Rouge; épigraphe : TerribUis atque laudabilis, faciens mirabilia. (Exode.) N° 6. Le baptême de Clovis; épigraphe : Et de ce jour , la race franque devint le plus ferme soutien de l'Église. N° 7. Le prince Noir à Grécy; sans épigraphe. N° 8. A la mémoire de la reine; épigraphe : Gratus animus benefacti filius. N° 9. Rosemonde Clifforl; épigraphe : Nolumque fu- rens quid femina possit. N° lu. Dieu le veut ou le chant des Croisades; sans épigraphe. N" M. Frédéric de Mérode; épigraphe: Àspice convexe nutantem pondère rnundum. N° 1^. Jean de Brahant ou le jugement de Dieu; épi- graphe: Laisser le crime en paix , c'est s en rendre complice. (Crébillon.) N° 15. Anneessens; sans épigraphe. N° 14. L'Indépendance belge; épigraphe : Indépendance et liberté. N° 15. Liège et Franchimont; épigraphe : Chanter de la patrie et la gloire et l* honneur . Pour chacun de ses fils est un devoir du cœur ; N** 16. La Croisade (1096); épigraphe : Diex el Volt. Les commissaires sont MM. F. Fétis, Baron, Alvin, Van Hasselt, Snel , Daussoigne-Méhul et Ch. Hanssens. 457 RAPPORTS. Sur les communicalions adressées à l'Académie royale d'An- vers, par M. Laureys, lauréat au concours d'architecture de 1849. Rapport de M. Mtoelandt. « Dans le rapport que M. Laureys vient d'adresser à l'Académie d'Anvers, et daté de Venise, 25 juin, il con- tinue à suivre chronologiquement l'histoire de l'architec- ture et des arts qui s'y rapportent intimement, tels que la peinture, la sculpture et la mosaïque. Il décrit, d'après les meilleurs auteurs, la disposition des premiers édifices élevés par le christianisme, et démontre que la nudité des lieux consacrés au culte était primitivement recomman- dée par les pères de l'Église;, ils craignaient que le luxe extérieur et la richesse matérielle ne nuisissent à la pureté du cœur et à l'élévation de l'âme. Cependant on comprit bientôt que l'art, en suivant sa véritable mission, peut avoir une influence favorable sur l'intelligence et la mora- lité religieuse de l'homme. M. Laureys traite ensuite des images et des symboles successivement admis comme signes extérieurs de la religion. Tels sont la croix, l'agneau, la colombe, les quatre emblèmes des Évangélistes : l'aigle, le bœuf, le lion et l'ange; la branche de vigne, l'épi, etc. Au IV^ siècle, lorsque la croix dominait partout, l'Église appela la peinture et la sculpture dans son sein; mais ces deux arts étant tombés dans une décadence extrême , les Tome xx. — V" part. 31 ( 458 ) images de celle époque élaient d'une difformité presque in- croyable. Les premiers apôtres de la foi n'atlachaienl au- cune importance à la beauté du corps, ils recherchaient uniquement celle de l'âme. Leur mission était donc bien différente de celle des artistes de l'antiquité, qui déifièrent la nature en idéalisant les beautés matérielles. Ils devaient, au contraire, chercher à s'élever vers l'esprit, et représenter sous des formes humbles les manifestations divines. Cependant les arts, une fois mis en pratique, atteigni- rent un degré de perfection tel , que l'empereur d'Orient , Léon ïsaure (l'an 727) , craignant un retour à l'antique ido- lâtrie, proposa de les proscrire; ce qui eut lieu dans les églises d'Orient. La mosaïque, qui avait pris une extension considérable, fut employée à la décoration des églises chré- tiennes, tant pour le pavement, que pour le revêtement des murs. On se servit des marbres les plus variés et les plus rares, ainsi que des émaux. Les autels, les bancs de communion, les trônes épiscopaux étaient entièrement revêtus d'émail, de même que les absides, où étaient re- présentés des personnages de la sainte Écriture , se déta- chant sur un fond d'or. Dans la description que M. Lau- reys fait de la ville de Ravenne, il entre dans des détails historiques et artistiques très-curieux. Il explique l'origine des baptistères primitifs , isolés et où le baptême s'admi- nistrait par immersion. Il reproduit le plan de l'église des SS.-Nazare et Celse, comme spécimen de la forme primor- diale des églises souterraines, et communique un croquis des restes du palais de Théodoric et de son mausolée, ainsi que le plan et quelques détails de l'église de S*-Yital , qu'il décrit d'une manière toute particulière. Ce monument est celui qui donne le mieux une idée de l'état des arts au temps de Juslinien. ( 459 ) L'invention des cloches ajouta un troisième membre au groupe qui constitua désormais l'ensemble des édifices consacrés au culte catholique : l'église , le baptistère et le clocher. Les campaniles qui furent élevés sont circulaires , et c'est dans l'exarchat de Ravenne et à l'époque du cou- ronnement de Charlemagne, comme roi des Lombards, qu'on vit naître l'architecture connue sous le nom de lom- barde, et dont on trouve les plus anciens exemples à Pavie, à Vérone, à Milan et dans d'autres villes de la Lombardie. C'est ainsi que les villes longeant les côtes de l'Adriatique, et qui ont longtemps entretenu d'intimes re- lations avec Constantinople, ont imité, comme dans les églises de Padoue et de S'-Marc à Venise, le dôme byzan- tin et d'autres particularités appartenant à ce style d'ar- chitecture. On voit par ce résumé combien le lauréat d'Anvers met d'ordre et de zèle dans ses recherches et dans l'appréciation des différents genres d'architecture qu'offrent les époques et les localités mentionnées dans son exposé. Nous n'avons qu'un vœu à former : c'est que, durant ses voyages à l'é- tranger, M. Laureys puisse compléter ses utiles explora- tions, et les étendre jusqu'à l'appréciation de l'architec- ture des temps modernes. » Une autre lettre de M. Laureys, datée du 20 février 1852, ne contient guère que des renseignements particuliers, peu susceptibles de faire l'objet d'un rapport. 460 ) COMiMUNIGATïONS ET LECTURES. Revenant sur l'annonce faite au commencement de la séance, M. Al vin rappelle à la classe les titres nombreux que M. Ernest Buschmann avait à l'estime de ses confrères et comme homme et comme littérateur; il cite les diffé- rentes branches dans lesquelles il s'est distingué, et donne ensuite lecture d'une pièce de vers, Notre-Dame d'Anvers, extraite du recueil de poésies publié par M. Buschmann, sous le titre : Les Rameaux. Dans le prochain Annuaire de l'Académie, il sera publié sur le défunt une notice nécrologique que M. Van Hasselt a bien voulu se charger de rédiger. — Sur la proposition de M. le secrétaire perpétuel , il est convenu que la commission pour les inscriptions des monuments publics se réunira avant la prochaine séance, et que la commission pour l'histoire de l'art en Belgique continuera à rechercher tous les documents qui peuvent jeter du jour sur la partie importante des lettres confiée à sa sollicitude. 40 1 OUVRAGES PRESEiNTES. Dix-huitième anniversaire de la naissance de S. A. R. Mon- seigneur le Duc de Brabant, prince héréditaire de Belgique, cantate de M. Adolphe Mathieu. Bruxelles, 1855, 1 feuille in- plano. Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Bel- gique, par P. De Decker. Bruxelles, 1844; 1 vol. in-8". De l'influence du clergé en Belgique, par P. De Decker. 2« édi- tion. Bruxelles, 1845; 1 broch. grand in-8^ L'esprit de parti et Cesprit national, par P. De Decker. 4^ édi- tion. Bruxelles, J852; 4 broch. in-8°. Quinze ans (1850-1845) , par P. De Decker. 5^ édit. Bruxelles, 1 845 ; 1 broch. grand in-8'*. Biographie de M. le chanoine Triest, suivie d'une statistique de tous les établissements qu'il a fondés, par P. De Decker. Gand, 1856, 1 broch. in-8°. Monument élevé à la mémoire de M. le chanoine Triest, dans l'église des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles. Gand, 1850; 1 broch. in-8°. Inauguration de Charles VI à Tournay, par R. Chalon. Bruxelles, 1855; 4 pages in-8^ Tableaux chronologiques et synoptiques de l'histoire univer- selle, de 400 à 1789. Nouvelle méthode pour apprendre et ensei- gner l'histoire, par le major de Bormans. Bruxelles, 1855; 1 vol. in-plano. Du système cellulaire dcois ses rapports avec le culte catho- lique, par le baron de Hody. Anvers, 1855; 1 broch. in-8°. Des ossements humains et des ouvrages de main d'homme en- fouis dans les roches et les couches de la terre , pour servir à éclai- ( 462 ) rcr les rapports de V archéologie et de la géologie, par L.-F. Al- fred Maiiry. Paris, 1852; \ vol. in-8°. Des travaux de l'érudition chrétienne sur les monuments de la langue copte; par Félix Nève. Louvain, 1855; 1 broch. in-8°. Des travaux d'exégèse et de philologie de M. J.- Th. Beelen , pro- fesseur à la faculté de théologie de l'Université catholique de Lou- vain, par Félix Nève. Paris, 1852; 1 broch. in-8^. Nécrologe liégeois pour 1852. Liège (janvier 1853); 1 vol. in-12. Notice sur Pierre Van Baveghem, pharmacien, membre du jury médical du département de t Escaut , etc. , par C. Broeckx. Anvers, 1855; 1 broch. in-8". Annales des travaux publics de Belgique. Tome XI , 5^ cahier, Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8". Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et Ch.Piot. 2^ série. Tome II. 4^ livraison. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Histoire des environs de Bruxelles, par Alphonse Wauters. IP^ livraison. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VII. N«« 1 et 2, janvier et février 1855. Bruxelles, 2 broch. in-8«. Annales de fAcadêmie d'archéologie de Belgique. Tomes VIII et IX. Tome X. r^ et 2^ livraisons. Anvers, 1851-55; 2 vol. et 2 broch. in-8°. Rapport sur les échanges que fait l'Académie d'archéologie de Belgique avec les associations savantes , par M. C. Broeckx. An- vers, 1855; 1 broch. in-8°. Nobiliaire de Belgique, par N.-J. Vanderheyden. 15^ à 18* li- vraisons. Anvers, 1852; 4 broch. in -8°. Journal d'agriculture pratique , d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. (Iharles Morren. Mars 1855. Liège; 1 broch. in-8". ( 463 ) Journal d'horticulture pratique de la Belgique, directeur, M. Galeotti. iO« année. N° 42. Bruxelles, i853; i broch. in-8^ Flore générale de la Belgique , contenant la description de toutes les plantes qui croissent dans ce pays, parG. Mathieu. S'^ livraison. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8^ Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des inté- rêts botaniques et horticoles; rédigé par Ch. Lemaire. Vol. III, W liv.; vol. IV, V' liv. Gand, J853; 2 broch. in-8°. Le Moniteur de l'enseignement , publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome III. ]N°' 6 à 8. Tournay , 1853; 3 broch. in-8«. Le Moniteur des intérêts matériels. N°' 10 à 14. Bruxelles, 4853; 5 feuilles in-plano. La Renaissance illustrée. Chronique des arts et de la littéra- ture. 14« année. Feuilles 44 et 45. Bruxelles, 4852; in-4°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tome XII. N« 4. Bruxelles, 4853; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 41^ année. Mars 185.3. Bruxelles; 4 broch. in-8". Archives belges de médecine militaire. Tome XI. Février 4853. Bruxelles ; 4 broch. in-8^ La presse médicale belge; rédacteur : M. J. Hannon. 5^ année. N«M4 à 44. Bruxelles, 4853; in-4°. La Santé , journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs : MM.A.LeclercqetN.Theis. 4«année. IN°^ 46, 47 et 48. Bruxelles, 4 853 ; 3 broch. in-4°. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. Tome XXIX (5« série tome 5«) V' et 2« livraisons. Bruxelles, 4853; 2 broch. in-8^ Annales de la Société de médecine d'Anvers. 14^ année. Livrai- sons de janvier et février 1853. Anvers; 2 broch. in-8°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 9' année. Février et mars 4853. Anvers; 2 broch. in-8°. ( 464 ) Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 18'"*= année. 42*^ livraison. Gand, 4852; 1 broch. in-8^ Annales médicales de la Flandre occidentale; publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. 2'' année. 5*"*^ livraison. 4852-4855. Roulers; 4 broch. in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. 44® an- née. 2« série. Tome P'. 4"^% 2'^ et 5« livraisons. Bruges, 4853; 5 broch. in-8*'. Le Scalpel; rédacteur : M. A. Festraerts. 5^ année. IN°^ 24 à 24. Liège, 4855; in-4». De Vlaemsche beweging, maendschrift. N** 46. Juny 4852. Bruxelles; 4 broch. in-8*'. Het leven en karakter van J.-B. Graaf Du Monceau , oud- maarschalk van Rolland, door J.-W. Van Sypesteyn. Bois-le- Duc, 4852; 4 vol. in-8°. Bembrand. Bedevoering over het leven en de verdiensten van Bembrand Van Bijn, door D'" P. Scheltema. Amsterdam, 4853; 1 vol. in-8°. Kronijk van het historisch Genootschap gevestigd te Utrecht. Achtste jaargang 4852. Tweede série. Utrecht, 4852; 4 vol. in-8^ Codex diplomaticus Neerlandicus. — Verzameling van oorkon- den, betrekkelyk de vaderlandsche geschiedenis. Uitgegeven door het Historische genootschap gevestigd te Utrecht. Tweede série. Eerste deel. 4^^« en 2'^« afdeeling. Utrecht, 4854; 2 vol. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVI. N°' 8 à 42. Paris, 4853; 5 broch. in-4°. Quelques mots sur la théorie de la peinture sur verre, par Ferdinand de Lasteyrie. Paris, 4852; 4 vol. in-42. Bulletin de la Société géologique de France. 2® série. Tome X. Feuilles 4-3. Paris, 4852-53; 4 broch. in-8«. Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances, compte rendu mensuel, rédigé par M. Payen. 2^ série. Tome VIII. N° 3. Paris, 4 853; 4 broch. in-8«. ( 46o ) Revue et magasin de zoologie pure et appliquée, par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1855. N° 2. Paris; 1 brocli. in-S". Essai sur la statistique de la population du département du Pas-de-Calais; par M. Fayet. Arras, 1855; 1 broch. in-8^'. Essai sur la statistique de la population d'un départemeut (Pas-de-Calais); par M. Fayet. Paris, 1852; 4 broch. in-8". L Investigateur , journal de l'Institut historique. Tome III, 5'"^ série, 218^ et 219® livraisons. Paris, 1855; 2 broch. in-8'. Société de la morale chrétienne. Tome III. N°^ 1 et 2. Paris . 1855; 2 broch. in-8°. L'Athenœum français , journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. 2^ année. N"^ lia 15. Paris, 1855: 5 doubles feuilles in-4°. Recueil des actes de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. 14™^ année. 1852, 5^ trimestre. Bordeaux, 1 vol. in-8°. Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire. 25^ année. Angers, 1852; 1 vol. in-8°. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg. 1^^ volume. l'^Mivraison. Cherbourg, 1852; 1 broch. in-S''. Monumenta Zollerana. — Urkundenbuch zur Geschichte des Hanses Hohenzollern. Herausgegeben von Rudolph Freidherrii Von Stillfried und D' Trautgott Moercker. Erster P>and, 1095- 1418. Berlin, 1852, 1 vol. in-4'\ Kaiserlich-koniglichen Beichsanstalt. Abhandlungen in drei Abtheilungen. 1 band. — Jahrbuch, 1852. Ilï Jahrgang. IN'' 5. juli, august, september. Wien , 1852; 1 vol. in-folio et 1 vol. grand in-8". Schhiss der Herausgabe , der Naturwissenschaftlichen Abhand- lungen der k. k. geologischen Reichsantstalt ; von W. Haidinger. Vienne, 1852; 2 feuilles grand in-8^ Abhandlungen der kôniglichen Bôhmischen gesellschaft der Wissensschaften. Fùnfter folge, siebenter Band. Von den jahren 1851-1852. Prague, 1852; 1 vol. in-4^ Tome xx. — 1" part. ^- ( 466 ) Neiin und zwanzigsler Jahres-Bericht der Schlesischcn Gesell- ^chaft fiir vaterlandische Kultur. EnthdU; Arbeiten und Veràn- derungen der Gesellschaft , im Jahre i85î . Breslau , 185:2 ; 1 vol. in-4«. Verhandlumjen desnaturhistoriscJien Vereines der preussischeu Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von prof. 1^ Budge. Neunter Jahrgang. Bogen 19-58. Bonn, 1852; i vol. in-8". Archiv. der Mathematik und Physik. Herausgegeben von J.-A. Grunert. XIX Theil. 5 und i Heft. — XX Theil. I Heft. — Greifswald, 1852; 5 broch. in-8°. Société vaudoise des sciences naturelles. Bulletin n° 25. T. III, Année 1852. Lausanne; 1 broch. in-8". Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchàtel. 1849 à 1852. Tome II. Neuchàtel, 1852; 1 vol. in-8°. Schweizerischen Naturforschenden Gesellschaft in Bern. Mit- Iheikingen. IN"^ 195-257. Berne, 1851 et 1852; 1 vol. et 16 feuil- les in-8°. — Neue Denkschriften. Band XH. Zuricii, 1852; 1 voI.in-4°. — Verhandlungen, 56^*^ Versammlung. Claris, 1851 ; i vol. in-8^ Rendiconti délie adunanze e de lavori délia Reale Accademia délie scienze. Naples. Années 1842 à 1846. N''^ 1 à 30. 1847, n"^' ôî à 59. 1851 , n° 51. 1852, nuova série, n"^ 1 , 5, 4 et 5. Naples; 45 cahiers in-8^ Rendiconti délie adunanze délia R. Academia dei Georgopli. Gennaio, 1853. Florence, 1 broch. in-8°. Bi alcuni nuovi esperimenti del Dott. Allessandro Palagi di Bologna, sulle variazioni elettriche a cui vanno sogyetti i corpi scoslandosi dal suolo o da altri corpi, ovvero accostandosi ad cssi; ricordo del Dott. Carlo Crillenzoni. Florence, 1853; 2 feuilles in-8^ Bulletin de la Société Impériale géographique de Russie , pour i: année 1852. 5^ et 6^ livr. S^-Pétersbourg, 1852; 2 vol. in-8^ Annales scientifiques de l'Université impériale de Casan. An-; née 1850. Casan; 1 vol. in-4° et 3 vol. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1855. — N° 4. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 2 avril 1835. M. Stas , directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermaiîs, De Hemp- tinne, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx , Morren , De Koninck, Yaii Beneden, le baron de Sel ys-Longchamps , Gluge, Schaar, membres; Sommé, associé. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. Tome xx. — V^ part. 53 ( 468 ) CORRESPONDANCE. L'Académie des sciences de rinstitiit de France et l'Aca- démie des sciences de Naples remercient la Compagnie pour l'envoi de ses publications. — M. le secrétaire perpétuel dépose les observations manuscrites suivantes : 4° Observations sur la végétation faites à Munich, en 1852, et communiquées par M. De Martius; 2° Observations ornithologiques faites à Bruxelles , en 1852, par M. Vincent. 5" Observations sur la végétation faites en 1852, à la Trapperie, près d'Arlon, communiquées par M. Raingo. La classe reçoit aussi un mémoire manuscrit , envoyé au concours, sur la question de la préservation des tra- vailleurs dans les mines, avec une épigraphe grecque. — M. Morren fait hommage de deux notices biographi- ques sur MM. Van Hulthem et L.-J.-F. Legrelle d'Hanis. — Remercîments. GÉOLOGIE. — Extrait d'une lettre de M. Hébert , com- muniquée par M. D'Omalius d'Halloy , membre de l'Académie. « Je me suis occupé de la détermination des fossiles que j'avais recueillis à Marlinne, dans le système heersien de M. Dumont. Vous savez que personne, jusqu'ici, n'y avait observé d'autres débris organiques que des empreintes vé- gétales. J'ai été assez heureux pour y découvrir trois mol- { 469 ) lusques; deux d'entre eux , une Panopœa et un Mytilus, paraissent constituer des espèces nouvelles. Cependant il faudrait plus de recherches que je ne puis en faire en ce moment pour m'assurer s'ils ne sont décrits nulle part. La troisième est la Pholadomya cuneata, Sow., qui se trouve abondamment à Saint-Omer, accompagnant la Pholado- mya Koninckii, Nyst, la Cucullœa crassatina, Desh., et d'autres espèces de nos sables de Bracheux, que l'on ren- contre aussi à Angre, à Tournay, à Lincent, à Orp-le- Grand, etc., dans le landénien inférieur de M. Dumont. Ce dernier système correspond ainsi exactement à nos sables de Bracheux. La Pholadomia cuneata se trouve aussi , d'après M. Preswich, à Pegwell bay , dans des assises que ce savant géologue rapporte à la même époque, mais qui me paraissent un peu plus récentes. Dans tous les cas, c'est un fossile éminemment tertiaire, ce qui permet diffi- cilement de ranger, avec M. Dumont, le système heersien dans la série crétacée. » A cette raison, tirée de la paléontologie, j'en ajoute une autre tirée de la stratigraphie : c'est que le système heer- sien repose sur la craie de Maestricht dénudée. En effet , dans la contrée où s'observent les marnes heersiennes, les couches crétacées les plus supérieures sont le tufau jaune à Hemipneustes radiatus , exploité à Maestricht. Or, dans la communication que j'ai eu l'honneur d'adresser à l'Aca- démie royale de Belgique (1), j'ai fait voir que ce tufau est surmonté par des assises calcaires ayant une faune spé- ciale qui correspond à notre calcaire pi solitique du bassin parisien. Dans une communication que j'ai faite depuis à la Société philomatique, j'ai montré que ces assises supé- (1) Bulletins^ tome XX, I" partie, page 3G9. ( 470 ) rieures existent, dans le Cotentin, sur le calcaire à hacu- lites, où elles ont reçu de M. Desnoyers le nom de calcaire tuberculeux. Les faits à l'appui de ces identifications sont si nombreux qu'il ne peut plus y avoir de doutes. » Voilà donc une assise crétacée supérieure qui se trouve à la fois à Maestricht, dans le Cotentin, à Faxoe, dans le bassin de Paris. C'est, comme vous le voyez, de toutes les assises de la craie supérieure, celle dont l'horizon a le plus d'étendue. Je crois même, d'après quelques échantillons que je possède, qu'il s'étend à Halden en Weslphalie. Celte assise manque dans la contrée heersienne ; elle y a été enle- vée avant le dépôt du système heersien. Ce système est donc postérieur au grand phénomène de dénudation que l'on observe partout, jusqu'à présent, entre la craie supérieure et le terrain tertiaire; il doit donc appartenir à ce dernier terrain; il constitue un premier dépôt qui s'est effectué dans les dépressions qui ont été le résultat de la dénuda- tion dont je viens de parler, à une époque où la mer ter- tiaire ne pénétrait pas encore dans le bassin de Paris, vers lequel elle s'avançait lentement dans la direction du sud- ouest. C'est le dépôt ou peut-être l'un des dépôts marins que j'ai annoncé (1) comme contemporain de notre cal- caire lacustre de Rilly. C'est une confirmation nouvelle de ma théorie, que je suis d'ailleurs prêt à abandonner aus- sitôt qu'elle ne conviendra plus aux faits observés; mais jusqu'ici , elle s'y prêle et les explique parfaitement. » 11 résulte de ce qui précède que c'est au nord ou à l'est de la Belgique qu'il faut chercher la liaison, si elle existe, du terrain crétacé et du terrain tertiaire. J'ai cité tout à l'heure la Westphalie; je crois qu'il y aurait là, ou dans les (1) DuU. de fa Soc. géol. de Frrmce, 2'- série, t. VI, p. 279; 1849. ( 471 ) régions voisines, d'intéressantes découvertes à faire dans le sens que je signale. Dans cette direction seulement, on peut espérer, pour le nord de l'Europe, la mise au jour de quelque assise crétacée plus récente que notre calcaire pi- solitique, ou de quelque autre assise tertiaire encore plus ancienne que les marnes heersiennes. » RAPPORTS. Sur un appareil pholo-électrique , inventé et construit par M. J. Jaspar, constructeur d'instruments de précision, à Liège. Rappovt de Mi, Ct'ahay, « Les expériences sur la lumière électrique exigent que les charbons entre lesquels on excite l'étincelle soient maintenus à la distance que le courant peut franchir, dis- tance qui varie avec la force de la pile dont on dispose. Il faut, en outre, lorsque cette lumière est destinée à l'éclai- rage , qu'elle reste exactement au foyer du réflecteur con- cave dont on fait ordinairement usage dans ce cas. Cette immobilité est surtout nécessaire quand l'arc lumineux doit servir de source de lumière dans des appareils d'opti- que. Les moyens pour établir et pour maintenir deux pointes à une distance déterminée sont faciles à imaginer; mais, dans le cas actuel, la solution de laquestion estmoins aisée : d'abord, parce que les pointes s'usent, et s'usent inégalement, soit par la combustion , soit par le transport opéré par le courant; ensuite, parce que la force de la pile non-seulement s'affaiblit à la longue, mais éprouve conti- { 472 ) nuellemeiit de petites variations dans son activité, ce qui fait que la distance à laquelle le courant électrique peut se maintenir est également variable, et exige, par conséquent, un changement correspondant dans l'écarlement des char- bons. Pour remplir cette condition, on a imaginé des ap- pareils dans lesquels cette distance se règle elle-même. Dans ceux qui sont arrivés à ma connaissance, le principe adopté consiste à imprimer aux deux pointes, par l'action du courant circulant dans une spirale, et agissant sur un cylindre de fer qu'il attire après l'avoir rendu magnétique, une tendance à s'écarter l'une de l'autre, mais à laquelle on oppose une force contraire que l'on est le maître de modé- rer de telle manière que la distance des pointes reste dans les limites que le courant peut franchir dans les divers états de sa force. Les appareils construits dans ce but sont compliqués, fragiles et d'un prix élevé. Celui que M. Jaspar a imaginé est notablement simplifié, d'un prix réduit à moitié, d'une manipulation très-facile et d'un service as- suré. L'instrument qu'il a fourni à l'Université catholique a fonctionné pendant deux heures de suite, à l'aide d'un cou- rant fourni par 50 éléments de Bunsen de médiocre gran- deur. L'étincelle s'est maintenue invariablement au foyer du réflecteur et des lentilles ù' un porle-lumière ou appareil photogénique destiné aux expériences d'optique, en l'ab- sence du soleil. Je me plais à assurer que le but est complè- tement atteint par l'instrument de M. Jaspar, instrument qui se distingue, en outre, par sa forme élégante et par l'exé- cution soignée de tous ses détails. Je pense que la publica- tion dans le Bulletiti, du dessin et de la description de cet appareil serait accueillie avec intérêt par les physiciens. » Ces conclusions sont adoptées. 475 COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la température et l'état de la végétation , pendant les mois de février et de mars 1855; par M. Ad. Quetelet, membre de TAcadémie. J'ai eu l'honneur de présenter à la classe, dans sa séance du 5 février dernier, une notice sur la température remar- quablement élevée dont nous venions de jouir pendant les trois mois précédents et sur l'état d'avancement de la vé- gétation qui en était une suite naturelle; il est à remarquer que, le même jour, la température subissait une révolution complète et tombait très-sensiblement au-dessous de la température moyenne des vingt années précédentes. Cet état de choses s est maintenu pendant les mois de février et de mars, à l'exception de la période du 6 au 16 de ce dernier mois, pendant laquelle le thermomètre a dépassé un peu la hauteur normale. La température moyenne de février a été de 0°,70 cen- tigrade, et celle de mars de 2°,07. Une seule fois, pen- dant l'espace de vingt années, de 1855 à 1852, la tempé- rature de ces deux mois s'est abaissée davantage; c'était pendant les mois de février et de mars de l'année 1845, qui, sous ce rapport, méritent une attention spéciale. Hâ- tons-nous de dire que la température, à la fin de mars 1 845, s'est relevée et que le mois d'avril est rentré dans l'ordre ordinaire des choses : la même observation semble devoir s'appliquer à l'année 1855. Quoique les deux derniers mois aient été très-froids, le thermomètre n'est point descendu au-dessous de — 9°,0 dans le cours de février, et de ^ — 6°,7 dans le cours de l ( ^'i-^ ) ] mars : on a vu, pendant les mêmes mois, descendre le mercure à — 16°,1 et — 14%0, en 1845 : ce sont, à la vé- rité, les deux minima absolus les plus prononcés qu'on ait observés pendant les deux dernières périodes décennales. C'est donc plutôt par la continuité que par l'excès des \ froids que février et mars se sont fait remarquer. Voyons maintenant comment la végétation a été influencée par ce i brusque changement de température. ; La plupart des plantes qui annonçaient un printemps | extraordinairement précoce, et dont quelques-unes mon- ^ traient déjà leurs feuilles et leurs fleurs, ont été saisies par les premiers froids; les signes hâtifs de végétation ont été détruits, et tout est rentré dans un état de torpeur. Seu- j lement, vers le 9 et le 10 mars, le Galanthus nivalis, le '\ Crocus vernus, le Cornus muscula, VArabis caucasica, qui n'avaient point fleuri à Bruxelles pendant le mois de jan- i vier, épanouissaient leurs corolles. Le Ribes sorbifolia, le I Bibes grossularia , le Lonicera tatarica et quelques autres arbustes montraient de petites feuilles; et après le 46 mars, ; ces précurseurs du printemps disparaissaient de nouveau. j Vers la fin de mars , la température moyenne du jour se | relève à peine au-dessus de zéro, et pendant qu'il gèle en- core la nuit, de 5 à 4 degrés, la plupart des plantes don- nent de nouveaux signes de végétation; cependant celles qui se sont montrées les plus précoces soutirent visible- ment et se trouvent le plus en retard. Les plantes herba- cées sont les premières à manifester l'influence d'une j température plus douce : le Narcissus pseudonarcissus à fleurs doubles fleurit dès le 28 mars; le 51, s'épanouissent YHyacinthus orientalis , le Muscari botroïdes, en même temps que l'bépathique et le pêcher. Les diflërents ribes et les spirées commencent également à montrer leurs jeunes feuilles; tout semble prouver, enfin , que le sommeil hiver- (475) nal a cessé décidément depuis plusieurs jours et que la vie a commencé à circuler dans tout le règne végétal (1). Dans l'année 1845, dont l'hiver ressemble, sous tant de rapports, à celui qui vient de finir, le réveil des plantes ne se manifesta qu'à la fin de mars. Le tableau suivant offre quelques rapprochements qui pourront intéresser : FLORAISON. HOÏENNE DE 12 ANS. 1 853. 1845. Crfocus vernus 19 février. 9 mars. 29 mars. Galanlus tiivalis 22 » 9 » 25 » Arabis cancasica 2(> » 9 » 29 » Anémone hepalica 20 mars. 28 » :î avril. Amygdalus persica 20 » 28 » 8 » Narcissus pseudonarcissus 22 » 28 » 13 » HyacitUhus orientalis 24 » 31 » 14 » Ainsi, malgré les froids tardifs de 48o3, la floraison ne se trouve guère en retard que d'une semaine, et il a sufli de quelques jours de température normale, dans cette sai-, son , pour faire reprendre à la végétation son cours habi- tuel. En 1845, les plantes avaient été plus vivement (1) Au sujet du réveil des plantes, plusieurs circonstances doivent être prises en considération. J'ai cherché, récemment encore, à les faire appré- cier dans une notice sur la floraison, présentée à l'Académie, dans sa séance du 3 avril 1832. « Il paraît aussi, ajoutais-je, que toutes les plantes n'exigent pas la même somme de chaleur pour sortir de leur sommeil hivernal; ce point de départ reste également à établir. Doit-on ensuite calculer les tempéra- tures efficaces j c'est-à-dire celles qui contribuent efficacement au dévelop- pement de la plante, comme on le fait généralement, ou à partir d'une température i, qui ne formerait pas une constante dans le règne végétal, mais qui serait une quantité variable ? n {Bulletins, tom. XIX, l"^^ partie, pp. 554 et 555). Si je rappelle ces remarques, c'est pour montrera mon savant confrère, M. Morren, que je ne les avais point perdues de vue, comme il semble le croire dans sa notice insérée dans le Bulletin de février dernier (pp. 177 et 179). Je pense, comme lui, que chaque espèce a son réveil propre et que les températures ne doivent pas nécessairement se compter à partir du zéro de réchellc. ( 476 ) attaquées par les froids excessifs; aussi, quoique la tem- pérature eût repris son cours ordinaire dès le 23 mars, le retard a été pour la floraison de près de 20 jours. Indications des températures centigrades à Bruxelles. FÉVRIER 1853. MARS 1853. Dates. Maxima. Mhiima. Moyenne 1833- 18S2. Maxima. Minima. Moyenne. 1853-1852. 1 G.5 3.4 4.95 2.80 2.0 —6.3 -2.13 4.00 2 6.4 2.0 4.20 2.76 2.2 —6.1 —1.93 4.43 3 35 1.5 250 2.95 1.9 —4.4 —1.25 4.84 4 5.2 0.9 2.05 2.77 2.7 —4.0 -0.65 5.13 5 1.5 —1.4 0.05 2.91 3.2 -0.8 1.20 4.47 6 3.1 —0.8 1.15 5.56 5.4 1.8 3.60 4.42 7 3.2 0.1 1.65 559 7.2 3.2 5.20 4.30 8 3.5 -0.1 1.70 4.01 7.5 4.7 6.10 4.42 9 4.2 -0.3 1.95 4.04 90 3.0 6.00 3.99 10 5.2 -07 2.25 5 19 9.8 0.3 5.05 4.26 11 26 -0.3 1.15 3.13 9.2 0.3 4.75 4.51 12 25 -0.8 0.85 567 9.8 0.7 5.25 3.97 13 2.7 -2.1 0.30 3.29 11.5 3.2 7.35 4.88 14 -1.4 —4.8 —5.10 3.67 15.7 7.6 10.65 5.05 13 0.0 -4.1 -2.05 4.40 9.8 3.0 6.40 5.63 16 1.3 —3.2 —0.95 4.27 10.8 1.9 6.35 6.23 17 1.1 —4.2 - 1.53 4.43 3.7 —5.0 -0 65 6.28 18 0.0 — 5.5 -1.75 4.14 —2.4 -6.3 -435 3.77 19 —0.1 —8.8 -4.45 3.77 —1.8 -6.9 -4.35 3.23 20 0.3 —7.0 — 3.53 3.63 0.7 -6.4 —2.85 5.63 21 3.3 -1.9 0.70 4 26 3.3 -1.9 1.70 3.86 22 4.2 — 1.4 1.40 4.12 5.3 —4.3 0.40 6.10 23 2.5 0.2 1 53 4.05 3.8 -3.5 0.15 6.93 24 2.8 —2.0 0.40 4 57 -0.2 -4.2 -2.20 6.08 25 3.2 -0.7 1.25 4.51 0.8 — 4.2 — 1.70 5.64 26 3.8 -2.5 0.65 4.71 2.2 — 3.6 — 0.70 5.85 27 2.0 -0.6 0.70 4.33 3.0 —4.8 - 0.90 6.09 28 2.5 -5.5 — 1.40 4.36 4.2 —3.6 0.30 6.84 29 4.8 -4.1 0.35 6.98 30 7.0 -3.5 1.75 7.29 31 Moyenne. 12.3 5 1 7.70 7 95 2093 —1053 0070 3072 506O —1043 2007 5046 L'en eur du zér 0 du therni omètre est + 0».3 pour les maxin a,-»-0».2 p ourles min ma, et par conséquen t -f o-.as p our les mo yennes diurnes. Les m oyemies pa r mois ont subi ces cor rections, d e même qu( les moyen les de 1853-18S2 (colon les S et 9). 477 ) Étal de la végétation à Waremme, le 20 mars 1853 ; par MM. Edm. de Selys-Longchamps et Michel Ghaye. Pour la première fois, depuis cinq aonées que nous fai- sons cet examen, les choses se présentent sous une forme tellement anormale, que si nous en donnions un tableau comme les précédents, ce tableau ne serait pour ainsi dire que la reproduction de ce que nous avons présenté à l'Aca- démie le 5 mars, et qui signale ce qui s'est passé au mois de janvier de cette année, avec Vaddition que presque toutes ces feuilles ou ces fleurs sont aujourd'hui flétries par la gelée. Il vaut donc mieux renvoyer à ce tableau , car la gelée commencée le 24 janvier (après six semaines d'un temps de printemps) a été accompagnée de beaucoup de neige et a fait rentrer la végétation dans une sorte de torpeur presque complète. Ces deux derniers mois de frimas n'ont été interrompus que par un dégel d'une huitaine de jours à peine, dans la seconde semaine de mars. Les feuilles hâtives sont gelées et flétries chez les : Spiraea sorbifolia, Salix babylonica y Rosagallica, Pyrus japonica , Sambucus nigra , Lonicera periclimenum , etc. Il en est de même des fleurs pour les : Pyrus japonka j Daphne mezereon , Cornus mascula , Magnolia yulans. ( 478 ) Parmi celles qui ont résisté à la gelée, et qui sont en- core ou à peu près en état de floraison générale, je ne vois guère que les : Galanthus nivalis , Erica herhacea, Anémone hepatica, Primula officinalis. Les six à huit jours de dégel, en mars, ont seulement amené un commencement de floraison chez les : Crocus vermis (jaunes), Sallx capreaea (fleurs femelles) , Populus alba. Un seul oiseau d'été est arrivé pendant ce dégel , savoir : la Motacilla alba. Descriplion d'un appareil photo-électrique conservant la lumière au même point, inventé et construit par J. Jas- par , à Liège. Cet appareil est représenté par la figure ci-contre. AA' boites rectangulaires en laiton dans lesquelles sont ajustées les poulies I ï IT et les galets J J J'J'J'. B bobine sur laquelle se trouve enroulé un (il de cuivre isolé, à travers lequel le courant électrique doit passer lorsque les charbons DD' sont assez rapprochés pour que l'étincelle franchisse la distance qui les sépare; l'un des bouts de ce fil correspond avec la pile par la pince P, qui est isolée (en /) du reste de l'appareil par un manchon d'i- voire; l'autre bout est soudé (en a) au corps de l'instru- ment ; et comme cette partie est en métal , ainsi que la 479 boîte A , le courant les traverse, el se transmet au charbon inlërieur D à l'aide du godet à mercure H et du con- ducteur qui plonge dans son inté- rieur; on voit par ce qui précède que le courant est forcé de traverser le fil de la bobine pour arriver en D. La communication du charbon supérieur D' s'établit de la même manière à l'aide de la pince P', qui correspond avec l'autre pôle de la pile; un man- chon d'ivoire L intercepte la commu- nication de la boîte A à la colonne K et aux pièces supérieures de l'instru- ment. C cylindre en fer doux glissant, sui- vant son axe, dans la bobine B, et por- tant le charbon inférieur D, par l'in- termédiaire de la chape de la poulie mobile I", à laquelle est fixée la lige cylindrique G guidée par les galets J J. G' tige cylindrique en cuivre gui- dée, suivant son axe, par les galets à gorge J'J'J' et portant à sa partie in- férieure le charbon D', et à sa partie .^ supérieure un bouton surmonté d'une r^^— -zi==^=^ tige dans laquelle on enfile des ron- delles de cuivre R, pour régler l'ap- pareil, comme nous le verrons tantôt; cette tige est percée latéralement en f d'un petit trou servant à attacher un cordonnet de soie F qui, après avoir passé sur les poulies rillï", vient s'attacher en f à la boîte A. N^il ( 480 ) D'après ce qui précède, on voit que les pièces qui por- tent les cônes de charbon D et D', reliées entre elles par le fil de soie F, sont assujetties à se mouvoir ensemble avec des vitesses différentes, celle de la pièce inférieure étant réduite à moitié par le jeu de la poulie mobile T. Cela étant, si la tige supérieure G' a un poids moitié moindre que le cylindre G, le système restera en équilibre, quelle que soit la position qu'on lui donne; mais si l'on augmente le poids de la tige G', en la chargeant de ron- delles R, cette tige s'abaissera et entraînera avec elle le fd de soie qui , s'enroulant sur les poulies ITI 1 1" , forcera le cylindre G à monter. Les cônes de charbon marcheront donc l'un vers l'autre jusqu'à ce qu'ils soient en contact. Voilà pour la partie mécanique de l'appareil; passons à sa partie physique et posons ce principe connu et ratifié par l'expérience : « Si dans une bobine sur laquelle se trouve enroulé un fil de cuivre isolé, on introduit un cylindre de fer doux de la même longueur que la bobine, de manière à ce que les deux tiers environ entrent dans celle-ci, ce cylindre sera attiré suivant son axe jusqu'à ce que ses bouts soient de niveau avec les bouts de la bobine, du moment qu'un courant voltaïque traversera le fil qui l'entoure. » Jetons maintenant un coup d'œil sur la figure, et nous verrons que si l'on met des rondelles sur la tige supé- rieure, de façon ce que les cônes de charbon D et D' se rap- prochent jusqu'au contact , quand , après les avoir écartés à la main, on les abandonne à eux-mêmes; et si, d'autre part, on attache aux pinces PP' les fils communiquant aux pôles d'une forte pile; le courant passant alors d'un cône de charbon à l'autre et aussi par la bobine B, le cylindre G, attiré dans l'intérieur de celle-ci, forcera les cônes de ( ^«« ) cliarbon D et D' à s'écarter l'un de l'autre, pour être aus- sitôt rapprochés par le poids des rondelles R; puis les charbons seront de nouveau écartés par la force attractive de la bobine, et ainsi de suite; il se produit une lumière très-éclatante chaque fois que les charbons se touchent, laquelle cesse aussitôt qu'ils s'écartent; si maintenant on augmente graduellement le nombre des rondelles R, jus- qu'à ce que cette intermittence cesse et soit remplacée par une lumière continue (ce qui arrive immanquablement aussitôt qu'un certain équilibre existe entre la force attrac- tive de la bobine et le poids qui sollicite les cônes de charbon à se rapprocher assez pour que l'étincelle jaillisse entre eux, effet auquel on arrive facilement après quelques tâtonnements) , on a alors un foyer de lumière éclatante qui , non-seulement persiste autant que le permettent la longueur des charbons et la durée d'action de la pile, mais encore reste exactement au même point, condition très-importante pour les expériences d'optique de quelque durée; arrivons aux avantages que cet appareil présente. Les divers appareils proposés comme régulateurs de la lumière électrique ont, entre autres inconvénients, les suivants : 1° Ils exigent, pour marcher, l'emploi d'une pile ex- trêmement puissante; afin que les intermittences aux- quelles les astreint leur construction soient assez peu ap- parentes pour être négligées; 2° La fragilité et souvent la complication du méca- nisme (mouvement d'horlogerie) qui, une fois dérangé, exige beaucoup de temps et un ouvrier exercé pour être remis en état ; 3** Leur prix élevé et la difficulté de leur emploi. Je crois avoir paré à ces inconvénients. L'appareil décrit ( 482 ) ci-dessus marche bien avec vingt couples petit modèle , exigeant pour être chargé une dépense en acides d'environ trois francs; par sa construction même, on voit qu'il agit sans intermittences et d'une manière continue; le méca- nisme en est d'une extrême simplicité : il se règle avec la plus grande facilité, puisqu'il suffit seulement d'ajouter ou d'enlever les rondelles de cuivre pour arriver à une marche parfaitement régulière. Le prix , moins élevé que celui d'aucun appareil de ce genre, n'est que de 125 francs, et pourra probablement être encore réduit par la suite. Noie sur tin nouveau genre de crustacé parasite (Pagodina) ; par P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie. Nous avons fait connaître successivement plusieurs crustacés parasites ; à ces divers types génériques nou- veaux, nous en ajoutons encore un que nous avons observé sur deux de nos poissons plagiostomes , et que nous dési- gnons sous le nom de : Pagodina robusta. Van Ben. Caractères. — Corps de la femelle , de forme ovale, com- posé d'anneaux nettement séparés les uns des autres , re- couvrant comme une cuirasse toute la partie supérieure; ces anneaux ou segments ont l'aspect de grandes écailles; tête, thorax et abdomen distincts, ainsi que la région cau- dale ; une paire d'antennes sétifères et multi-articulées , insérée en dessous du segment séphalique; trois paires de ( 483 ) palles-niàchoires terminées en crochet, dont la dernière paire est longue et très-forte; la pièce terminale de cette dernière paire s'étend jusqu'au second segment tlioracique; quatre paires d'appendices occupent le thorax; les trois dernières sont entièrement semblables entre elles : ce sont des pattes biramées et sélilères; l'abdomen se termine par une paire d'appendices assez petits; il y a trois segments dans la région caudale; tout le squelette tégumenlaire est de couleur jaunâtre ; il est très-solide , surtout dans la partie supérieure du corps. Le mâle est plus petit que la femelle; le corps est plus allongé et plus étroit, ce qui lui donne une physionom.ie difïérente. Longueur totale de la femelle, o'""\ Ce crustacé habite les branchies du squale milandre (Galeus canù) et du squale bleu (Carcharias gîaucus). Nous n'avons trouvé qu'un seul exemplaire sur une dizaine de milandres; un squale bleu nourrissait cinq individus, trois femelles et deux mâles. Description du mâle, — Le mâle est composé, comme la femelle, de plusieurs segments, qui donnent à cet animal quelque ressemblance avec certains crustacés isopodes. La tête constitue le segment le plus volumineux : elle est de forme ovale et légèrement bombée en dessus. Ce segment de la tête est nettement séparé des anneaux thoraciques. Il n'y a que trois anneaux thoraciques bien distincts, mais on voit que l'antérieur est atrophié et caché en des- sous du segment céphalique; c'est ce que l'on voit aisément d'après l'insertion des quatre paires de pattes. Les segments thoraciques sont plus larges que longs et recouvrent la partie supérieure et latérale du corps. Ces trois segments sont également déveloj)pés. Tome xx. — I" part. 34 ( 484 ) Le segment abdominal est plus long que les segments thoraciques el ressemble, par sa forme, à celui de la tête. Le corps est ensuite terminé par quatre segments assez étroits et qui constituent la région caudale. Tout au bout, on aperçoit deux appendices, séparés complètement l'un de l'autre et qui montrent chacun trois filaments sétifères au bout. Les appendices des mâles sont semblables à ceux des femelles, à l'exception toutefois des antennes, qui sont moins nettement articulées dans les femelles. Les articles du milieu sont à peu près aussi longs que larges; les deux derniers sont un peu plus allongés. Description de la femelle. — Le corps a une forme ovale, très-large vers le milieu, couvert d'un squelette tégumen- taire très-dur, surtout à la partie supérieure. La têle est parfaitement séparée du thorax; elle consiste dans un segment de forme ovale et légèrement bombée en dessus. Celte tête ressemble, par sa forme et son volume relatif, à la tête des Gryllotalpa. Le thorax est formé supérieurement de trois segments; le quatrième ou l'antérieur est caché sous le segment cé- phalique. Ces segments recouvrent la partie supérieure du corps, comme la cuirasse des Tatous. Ces segments sont très-larges. En dessous, le corps est beaucoup plus mou; ce n'est qu'à la base des appendices biramés que ces segments pré- sentent quelque consistance. Ces appendices biramés pro- tègent la face inférieure du corps et semblent servir autant à la protection qu'à la locomotion. Le segment abdominal est unique; il est un peu moins large que les précédents. Quatre segments terminent le corps en arrière et con- stituent la région caudale; les trois derniers sont fort ( 485 ) petits et Ircs-rapprocliés les uns dos autres. Le dernier segment porte deux courts appendices. Les antennes sont très-développées dans ces crustacés ; elles sont formées de plusieurs articles nettement séparés les uns des autres, surtout vers le milieu; les articles de la base sont plus t'orls que les autres; le dernier article est le plus long. Tous ces articles portent des soies courtes semblables à des épines. Il existe trois paires de pattes-mâchoires Irès-distinctes. La première paire est située à côté de la base des anten- nes, un peu au-devant de la bouche. L'article basilaire est le plus fort; celui du milieu est un peu plus long; l'article terminal est légèrement courbé et montre deux dents sur le bord concave. La seconde paire de pattes-mâchoires est très-forte; tous ses articles sont courts et robustes; l'article terminal porte un crochet au bout, à la base duquel on voit un talon tout couvert de dentelures. Ce talon n'est pas sans ressemblance avec une crête de coq. La troisième paire est la principale: les deux pièces terminales sont très-longues, et surtout la dernière, qui forme un énorme crochet. 11 existe quatre paires de pattes: les antérieures sont petites et cachées en grande partie en dessous des grands crochets; elles diffèrent complètement des suivantes; elles se composent d'une pièce principale assez large, à bord externe tranchant et dentelé comme une scie; d'un tuber- cule armé de trois onglets et d'un autre tubercule dirigé du côté de la ligne médiane. Les trois autres paires sont exactement semblables entre elles. On voit d'abord en avant une sorte de lame, qui est suivie d'une grande pièce presque carrée qui porte ( 48(5 ) deux doigts : celui du côlé interne est plus fort que l'autre; ' chaque doigt est formé de deux articles placés bout à bout; le dernier, qui est le plus petit, porte six onglets, tandis que l'autre porte, dans la môme direclion, une ou deux épines. Ces appendices sont faciles à voir en dessous du corps, et se meuvent, comme des nageoires, par un mouvement de va-et-vient. Les appendices abdominaux et ceux de la queue ne sont formés que d'un seul article; les derniers sont un peu plus volumineux que les autres. La bouche est en forme d'entonnoir; on distingue faci- lement une paire de mandibules, dont le bout est terminé comme la pointe d'une pince à disséquer. A côté, on voit encore deux paires de pièces plus petites que les mandibules et qui se terminent par des soies flexi- bles : ce sont les palpes. Ces Pagodina diffèrent complètement, par leur faciès, de tous les autres crustacés parasites ; le corps est toujours régulièrement conformé, et ressemble plus, comme nous l'avons déjà dit, à un crustacé isopode qu'à un siphonos- tome. C'est toutefois des Dickelestions et des ErgasUiens que les Pagodina se rapprochent encore le plus; ils ont trois paires de pattes biramées très-distinctes, une paire de pattes antérieures non disposée pour la nage et différant complètement des autres par la forme; la grande tête, les pieds-mâchoires et les antennes éloignent les Pagodina des genres connus. C'est entre les Ergasiles et les Dichelestions que les Pago- dina doivent prendre rang, tout en s'éloignant des derniers par les quatre paires de pattes et le grand développement de la troisième paire de pattes-mâchoires. n '■".t — ■' ^ 1 !>- ; ":%.... */. 1 ^1<^''' ' k.i.i«X: Y ^ ■^V .y^^^'-'^^^^, y^ %^ ^llTiC ( 487 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Animal, de grandeur naturelle. 2. Le même, vu sur les flancs, légèrement aplati. 3. Le même, couché sur le dos, montrant la bouche et tous ses appen- dices : a. Antennes; h. c. d. Trois paires de pieds-mâchoires; e. Première paire de pattes; f. g. h. Les trois antres paires, qui sont biramées; t. Appendice abdominal; k. — caudal. 4. Antennes isolées, au grossissement de 500 fois : rt. Antennes; b. Première paire de pattes-mâchoires; 5. Seconde paire de pattes-mâchoires, montrant un crochet au bout et un talon épineux. 6. La troisième et principale paire d'adhésion. 7. La première paire de pattes, avec le bord externe en forme de crête. 8. La première paire de pattes biramées d'un côté; toutes les autres sont semblables. 9. Une femelle légèrement grossie , vue du côté du dos. 10. Un mâle, vu du même côté que la femelle et au même grossissement, 11. Les cinq derniers segments du corps du mâle. 12. L'appendice postérieur du corps, avec les filaments sétiformes. 1 -5. L'antenne et la première paire de pieds-mâchoires : a. Antennes ; 6. Première paire de pieds-mâchoires. 14 Bouche montrant les mandibules et les palpes. — M. le D' Gluge fait connaître que M. Poelnian a trouvé de nombreuses filaires dans un grand nombre d'organes et dans le sang d'un dauphin. M. Poelman sera invité à com- muniquer une note sur le sujet qui se rattache à l'histoire du développement des Enlozoaires. ( 488 ) — La classe arrête ensuite les termes de l'inscription qui sera placée sur la médaille décernée à M. Edouard Morren , à l'époque du dernier concours : Qdod COlORATIOîSEil VEGETABILICffl ET I> PRIMIS FLORUM COLORES penitus perspexit uberius exposuit Carolo-Jacobo-Eduardo Morren IN AcAD. Leod. ORD. PhIL. et LiTT. CANDID. ANNo MDCCCLII. 489 CLASSE «ES LETTRES. Séance du 4 avril 1853. M. le baron de Stassart , président. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : iMM. le chevalier Marchai, Sieur, le baron de Gerlache, Grandgagiiage, DeSmet, de Ram, Roulez, Lesbroussarl, Gacliard, Borgnet, le baron de S'-Genois, David, Van Meenen , P. Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, M.-N.-J. Leclercq, Polain, Baguet, membres; Nolet de Brauwere Van Steeland, asso- cié; Areiidt, Chalon, correspondants. MM. Alvin et Éd. Fétis, membres delà classe des beaux- arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE M. \j. Bara fait hommage de plusieurs exemplaires d'un ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Introduction à l'étude de la science de la méthode, et demande que la classe veuille bien faire un rapport sur ce travail. Il sera répondu qu'aux termes du règlement, la classe ne |)eut faire de rap- port sur des ouvrages déjà soumis au jugement du public. ( 490 ) — M. Kervyn de Lettenhove, associé de TAcadémie, dépose le manuscrit d'un mémoire contenant des Études sur le Xlir siècle, (Commissaires : MM. l'abbé Carton, le chanoine De Smet et le baron J. de S'-Genois.) — MM. Chalon et Ad. Mathieu, correspondants de l'A- cadémie, font hommage d'ouvrages de leur composition; et M. Gachard dépose, au nom de la Commission royale d'histoire, les différents ouvrages qui lui sont parvenus. RAPPORTS. Sur les conclusions de ses commissaires, MM. Borgnet, le chanoine de Ram et le baron de Gerlache, la classe or- donne l'impression du mémoire de M. Gachard : Les mo- numents de la diplomatie vénitienne, considérés sous le point de vue de l'histoire moderne en général et de Vhistoire de la Belgique en particulier. L'auteur débute par des considérations sur le rôle im- portant que Venise et sa diplomatie ont joué pendant tout le moyen âge, et même encore pendant les XVP et XVIP siècles. Après avoir fait l'historique du dépôt qui contient les archives de cette république, et la description de leur étal actuel, il s'attache à constater quels ont été autrefois les rapports de Venise avec nos provinces, et il entre dans des détails biographiques sur les ambassadeurs qui ont été chargés de les entretenir. On ne commence à bien suivre la fdiation de ces rapports qu'à dater de la fin du XV* siècle, et il faut même arriver jusqu'au règne de Charles-Quint pour ( 491 ) trouver une suite non interrompue d'envoyés vénitiens. M. Gacliard entre ensuite dans des détails sur la no- mination des envoyés, la durée de leurs fonctions et les devoirs qui leur étaient imposés; puis il donne la liste raisonnée de ceux d'entre eux qui ont été accrédités suc- cessivement auprès de Charles-Quint, de Philippe II et de leurs successeurs. L'auteur termine son travail par des considérations sur l'importance que présenterait pour notre histoire une exploration des archives de l'État vénitien, et surtout des relations de ses ambassadeurs. La ville de Gand considérée comme place de guerre. Mémoire par M. Vander Meersch, conservateur des archives de l'État et de la Flandre orientale. Ruppot*9 tic n. sieur. « Quoique malade au lit depuis plus de 15 jours, j'ai pris lecture du mémoire que M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie m'a fait l'honneur de m'envoyer. Cette matière ne rentre pas dans le cercle de mes études ordinaires. Mais j'ai vu dans le temps, il y a une vingtaine d'années, quelques ouvrages de topographie sur la ville de Gand où la question des fortifications était plus ou moins élucidée par les auteurs, qui prétendaient posséder cette matière à fond. Tout ce qui m'est resté de souvenir de ces anciens écrits, c'est que la passion , à l'exclusion de la science, y dominait d'une manière absolue. Les formes dans les discussions étaient si peu observées, ( 492 ) et l'acrimonie des interpellations était telle, qu'on croyait ces auteurs montés sur des kusiings anglais de la dernière classe, plutôt que renfermés dans le silence de leur cabinet. M. Vander Meersch a eu le bon esprit de déblayer sa route de ces ronces anciennes. ïl a marché droit à son but sans digression, sans s'arrêter à ce fatras d'érudition qui souvent étonne, mais rarement explique des questions contro- versées. Dans l'état où je me trouve, je ne saurais entrer dans de plus longs détails; mes deux honorables collègues, MM. De Smet et de Saint-Génois seront là sur leur terrain. Je ter- mine ces observations en disant qu'il me paraît, à part quel- ques négligences de style, que la manière d'écrire de l'au- teur est la seule que comporte l'histoire: claire, sévère, courte, cherchant toujours le mot propre et ennemie de toute redondance. Il me semble cependant, sauf l'avis de mes collègues, que l'auleur ajouterait un intérêt de plus à sa narration, s'il intercalait dans son mémoire quelques plans de l'état des anciennes fortifications de la ville de Gand , qu'il a si bien décrites aux différentes époques de leur existence. La matièî'e traitée est du nombre de celles qui exigent le secours de la topographie; car c'est le cas ou jamais de dire : « que l'homme a généralement plus de peine à com- » prendre ce qu'on cherche à lui inculquer oralement, )) que ce qu'il voit et observe de ses propres yeux. » Seynhis irritant animum demissa per aures . Quam quae sunt oadis suhjecta fidelibus. ( HoRiT. , De Art. poet. ) Je conclus donc à l'impression de ce mémoire dans le recueil de l'Académie, destiné à recevoir les travaux scien- tifiques des membres étrangers. » 495 Mtftppoi't t!f M* /«* chanoine 0e Stnet. « On croira volontiers, je pense, que je n ai pas plus que mon honorable confrère, iM. Steur, aspiré à posséder les connaissances que demande le génie militaire et qu'ex- cepté le titre, je n'entends rien aux traités de Vauban sur la défense et l'attaque des places fortes. Je ne crois ce- pendant pas devoir me reconnaître incompétent, car je distingue assez aisément un bastion d'une courtine et une demi-lune d'une contrescarpe, et je suis assez tenté de penser que le savant auteur du mémoire soumis à notre examen n'en sait guère davantage. Dans un style simple, précis et en tout point convenable à la gravité de l'histoire, M. Vander Meersch décrit les fortifications qui ont été construites pour la défense de notre ville de Gand, depuis les ouvrages qu'y ont faits, selon toute apparence, les commandants romains jusqu'à la forteresse établie au sommet du mont Blandin , d'après les plans du lieutenant-colonel du génie Guy Van Pittius. Sans s'arrêter aux tristes débats du chanoine De Bast et du conseiller Dierickx, débats, au reste, qui n'avaient pas leur source dans la divergence de leur opinion sur le châ- teau neuf et le château vieux, mais dans leur antagonisme politique lors de la révolution brabançonne, le docte archiviste utilise avec beaucoup de sagacité, à mon avis, leurs nombreuses investigations et les rectifie souvent avec bonheur. Tl en agit de même avec les écrivains qui ont an- ciennement, ou de nos jours, parcouru la même carrière, et n'adopte aucune opinion sans l'avoir examinée conscien- cieusement. Que l'on ajoute à ces mérites l'emploi, tout aussi ( 494 ) judicieux, d'une foule de documents inédits et la plupart extrêmement curieux, et on sera convaincu que le mémoire laisse peu à désirer pour le fond comme pour la forme. Je doute seulement si l'hospicedesorphelins, connu aussi sous le nom de Kulders-huis , occupe tous les bâtiments du manoir de Gérard le Diable. La caserne actuelle de nos sapeurs-pompiers n'en faisait-elle pas partie? Le côté an- cien du Kulders-huys, vu du Reep, ne montre que la vieille église des Hiéronymiles, qui ont longtemps occupé ce local. La réduction de la ville de Gand sous Charles-Quint ne peut s'appeler reddition, parce qu'il n'y eut aucune appa- rence de siège. Ce sont là des vétilles que je transcris seulement pour prouver que j'ai examiné le manuscrit avec quelque soin. J'adopte de grand cœur les conclusions de M. Steur et, comme lui, je pense que quelques plans donneraient un nouveau relief à ce beau travail. 9 Kappot^t ), porte ces mots : Vagabonds running aivay from their masters shall become slaves and may be sold or slept to loork , in cliains andiron on theneck, etc., etc. ce Les vagabonds qui se sont enfuis de leurs maîtres, deviendront esclaves et peuvent être vendus pour deux ans, mis à la chaîne, ayant ( 508 ) un collier (le fer pour travailler. » L'acte ajoute qu'ils seront marqués d'un V, c'est-à-dire Vagabond, sur la poitrnie, et seront uourris au pain et à Teau. En cas de récidive, ils seront marqués d'un S, c'est-à-dire Slave (esclave), sur le front : leur esclavage sera de cinq ans. Les enfants vaga- bonds seront mis en louage ou vendus comme esclaves pen- dant un certain temps. Ce vagabondage était la conséquence des troubles de religion. Cet acte fut rappelé (rappeeled), c'est-à-dire abrogé par les 3^ et 4^ parlements du même roi , en 4549 (voir XVI, 501 de la Collection des records). C'é- tait, par conséquent, la punition temporaire des vagabonds. Il n'y avait donc plus d'esclavage d'une caste d'habitants. J'ignore, ne connaissant pas assez les lois anglaises, à quelle époque avant les chartes de Charles II et de Guil- laume et Marie en Angleterre, sur la liberté publique, l'affranchissement des esclaves fut officiellement décrété. Selon V Encyclopédie de Chambers (Londres, 1743), tout esclave étranger devient libre par le seul fait de son débar- quement dans les îles Britanniques. Il dit qu'il y a d'au- tres règlements pour les nègres des Antilles. o-^ En l'année 1163, selon la chronique du monastère de Vezeiise, imprimée dans la collection de dom Bouquet (XIII, 241), l'abbé soutint un procès pour se maintenir dans la possession d'un esclave qui était cuisinier de l'ab- baye. 11 disait à la partie adverse : Et ait abbas : Andréas de Palude nihii omnino ad te pertinet , meus est a planta pedis usque ad verlicem, sicut servus proprius monasterii. Un peu plus loin, il réplique que ce serviteur ne possède rien, pas même sa personne, nudo corpore. Je transcris ces deux mots du texte latin. Le 3 octobre 1085, Louis XIV fit publier un édit coo- cernanl les esclaves des colonies que les maîtres envoyaient ( 509 ) dans la métropole pour les faire instruire dans la religion ou pour leur faire apprendre un art ou un métier. Le maître, [)Our conserver ses droits sur l'esclave et le rap- peler aux colonies quand il le voulait, devait faire une déclaration au départ du navire qui sortait d'un port de la colonie, et une seconde déclaration à l'arrivage en France. Je reviens à ce qui concerne la Belgique. L'édit de 1515 fut exécutoire en Flandre et en Artois, qui étaient, au XIV^ siècle, des fiefs de France du ressort du parlement de Paris. En Hollande et en Zélande, l'esclavage était tombé en désuétude depuis un temps immémorial, comme le démontre l'ouvrage de Groenenwegen , De legibus abro- gatis. En Brabant, il y a la date certaine de 1506, par conséquent de neuf ans antérieure à l'édit de 1515. En effet, outre les manuscrits du XV^ et du XVF siècle, qui sont à la Bibliothèque royale, je dois citer l'édition de 1580, des coutumes d'Anvers, que Plantin a imprimée. On lit au commencement du texte : Extract uit zekere pri- vilégie bij hertog Jan (den tweeden) van Brabant, gegunt ende verleent den wethouderen der stadt van Antiverpen, ter date 1506 op S'-Nicolaes dach. Il y a ensuite la coiilirma- tion de ces privilèges, en 1578, par Philippe IL On y lit au premier article du titre qui concerne les conditions des personnes (p. 159) : Aile slaven binnen de stadt oft vnjheydt gecommen wesende, syn vry en buiten de macht van ituer- lieden meester oft vrouwe. a Tous les esclaves qui viennent dans la ville d'Anvers ou ses franchises sont libres et hors de la puissance de leur maître ou maîtresse. » Cet article ajoute, pouren assurer l'exécution : Ende soo verre men die Wilde als slaven honden, etc. « Et si l'on voulait les main- tenir pour esclaves et les forcer de servir, ils peuvent pro- clamer la liberté de la patrie {proclamereti aj) libertatem ( 510 ) pâtiuae), el leur maître ou maîtresse sera assigné devant la loi , pour les voir légalement déclarés libres. » Le simple bon sens fera tirer la conséquence que si un esclave arri- vant au port d'Anvers, en I50G, était affranchi par le seul fait de son arrivée, il n'y avait point d'esclaves dans le pays. En voici une application à la Belgique entière par un acte officiel de i531 (vieux style) , qui est par conséquent de 21 ans antérieur à la réponse de M. de Guise, pendant le siège de Metz, à la fin de 1552. L'ambassadeur du roi de Portugal, dans les provinces des Pays-Bas , fit réclamer à l'empereur Charles-Quint , par un facteur, la recherche d'un esclave qui s'était évadé. Voici le texte de la requête que je transcris du manuscrit 16021. « A l'Empereur î » Remontre en toute humilité le facteur de Porlusal , au nom de l'ambassadeur étant présent vers Voire Majesté, comment mondit ambassadeur a dès longtemps achepté un esclave nommé Simon, ayant couleur brune , appelée blanc-more, signé en ses joues, à savoir, d'un côté, J. et de l'autre côté , d'un M. Or est que dez votre dernier parte- ment de ceste votre ville de Bruxelles pour les Allemaignes, ledit esclave s'en est allé avecq mondit S"^ l'ambassadeur jusqu'à Mayence, là où ledit esclave s'est enfui et depuis retourné en vos pays de par deçà. y> Pourquoi vous supplie très-humblement ledit facteur, au nom dndit ambassadeur, (|ue votre très-noble plaisir soii, lui accorder vos lettres-patentes par lesquelles soit ordonne et commandé à vos officiers de vos pays de [)ar deçà, qu'en tel lieu où ledit esclave soit trouvé, ils le pren- nent |)risonnier et le délivrent es mains dudit facteur ou son commis, pour en faire son bon plaisir, et ce en suivant ( 5H ) la coutume d'Espagne, à cause que ledit esclave lui coni- pèle et appartient par achat, comme ses propres biens, et ferez bien. » La reine de Hongrie, alors gouvernante générale, envoya celte requête, par lettre du G mars 1551 (v. st.), à l'avis du grand conseil de Malines, qui répondit le lendemain 7 mars : « Madai.ie, » Par votre ordonnance, nous avons vu et visilé la re- quête du fadeur de Portugal , qu'il a plu à Votre Majesté nous envoyer pour y bailler notre avis,- et ayant sur icelle bien pesé el délibéré, il nous semble que le suppliant n'est fondé en sa requête, el que ce qu'il requiert ne peut lui être accordé, eu égard à la nature el liberté du pays de par deçà, où Ton n'use pas de servile condition, quant à la personne; lequel notre avis avec la susdite requête nous renvoyons, Madame, pour en être fait et ordonné à voire bon plaisir. » C'est dans la même intention qu'en l'année 1540 , Charles-Quint, né et élevé aux Pays-Bas, faisait rédiger, en sa qualité de roi d'Espagne, les instructions qu'il donnait à Yaca del Castro qu'il envoyait au Pérou pour organiser ce nouveau royaiime. Il lui prescrivait d'interdire à tous les caciques de vendre ou d'acheter des esclaves; mais on n'y tint aucun compte de ses ordres; j'invoque le témoignage de Y Histoire de l'Amérique, par Herrera (î, 595), qui le déclare. Voici un autre exemple de la liberté des esclaves dans nos contrées; je l'extrais du MS. 15245. Le 11 mars 1755, la gouvernante générale, Marie- Élisabelh, transmit au conseil privé une réclamation du 25 février précédent, d'un capitaine de navire anglais, qui se plaignait qu'à son arrivée dans le port d'Ostende, un ( 512 ), esclave mexicain, qui lui appartenait, lui ayant tlemantlé la permission de débarquer pour aller entendre la messe dans une église de la ville, s'était réfugié dans un corps de garde. En conséquence, le capitaine anglais, son maître, le réclama au gouverneur, parce que Taulorilé communale avait fait mettre cet esclave en dépôt dans la prison de la ville, en attendant les ordres de l'autorité supérieure. Le conseil privé ayant été consulté, répondit à la gou- vernante générale, en se référant à la coutume d'Anvers que j'ai déjà citée, et à la décision du 6 mars 1551 que j'ai transcrite. Les conclusions du conseil privé étaient en ces termes : Qu'il n'y avait pas lieu à restituer l'esclave qui était atï'ranchi par son arrivée aux Pays-Bas. En consé- quence, la gouvernante générale des Pays-Bas fit écrire ce qui suit au gouverneur d'Oslende : « iMarie-Élisabelh, etc., etc. Très-cher et bien aimé. Rapport nous ayant été fait de votre représentation du 25 février dernier, au sujet d'un certain Antonio Bartho- lomeo de Lion, natif de Mexico, esclave de Juan Blanco, capitaine d'un navire anglais, lequel esclave, arrivé au port d'Oslende, s'est rendu en ladite ville et y aurait réclamé sa liberté. » Nous vous faisons la présente pour vous déclarer, comme nous déclarons par cette, que ledit Antonio Bar- iholomeo de Lion est à réputer comme une personne libre de condition, dès son entrée dans la ville d'Ostende, sui- vant les lois et usage des États de Sa iMajesté dans les pro- vinces des Pays-Bas de son obéissance, pour tant qu'il ne peut ni ne doit être restitué à son maître, mais qu'il doit jouir de la liberté dont jouissent les habitants de ces Pays- Bas, selon que vous aurez à vous régler. A tant, etc., etc. » Fait à Bruxelles, le 15 avril 1755. d ( S13 ) D'après cel exposé, on recoiiiiailra ()ue la lielgiciuc a devancé les autres nations de l'Europe dans l'aboi ilion olïicielle de l'esclavage. Un membre fait remarquer que la Revue archéologique publiée à Paris contient, dans sa livraison du 15 mars 1855, une note portant que Wicadémie royale belge d'his- toire et de philologie a élu parmi ses membres étrangers M. le baron Chaudrac de Crazaimes, et qu'à la table de la même livraison M. le baron Chaudrac est qualilié de mem- bre étranger de Y Académie royale de Belgique. V Académie royale des sciences ^ des lettres et des beaux- arts, établie à Bruxelles sous la protection du Roi, étant la seule à qui ce dernier titre appartienne, il est résolu de relever, dans le Bulletin, l'erreur commise par la Revue archéologique de Paris. 514 CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du -7 avril 1853. M. RoELANDT, direcleiir. x\I. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont préseïits : MM. Aîvin, Braemt, F. Félis, G. Geefs, Van fiasselt, Haassens, Navez, Eiig. Simonis, J. Geefs, E. Corr, Sue! , Fraikiii, Baron, Ed. Félis, membres; Calamalta , associé; Bosselel et Balat , correspondants. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir à l'Académie, pour être déposées, dans son médailler, quarante-huit médailles historiques, avec la {.ronjesse que la Compagnie sera dorénavant comprise parmi les institutions auxquelles le Gouvernement distribue les médailles provenant de commandes ou de souscriptions. — Remercîments. M. Jouvenel , correspondant de l'Académie, fait égale- ment hommage de deux médailles qu'il vient de terminer. — M. le Ministre de l'intérieur transmet une expédi- tion d'un arrêté royal du 7 mars, qui fixe les frais de route ( 515 ) et de séjour, tant de la Commission royale des monuments que des jurys ou commissions temporaires que le Gouver- nement institue dans un but scientifique, littéraire ou artistique. — Par une autre lettre, M. le Ministre de Tintérieur exprime le désir de voir terminer le plus promptement pos- sible le nettoyage de la statue en albâtre, que M. Melsens a bien voulu entreprendre, d'après les procédés chimiques qu'il a indiqués. — M. Petit de Rosen demande que la classe veuille bien lui renvoyer le manuscrit de la notice qu'il lui a commu- niquée dans une de ses précédentes séances. Le renvoi est ordonné. — M. P. Scheltema, d'Amsterdam , l'ait hommage d'une notice sur Rembrandt. — Remercîmenls. RAPPORTS. Sur une symphonie à grand orchestre et une ouverture dite d'André Vésale, composée par M. E. Lassen, lauréat du grand concours en 1851. M. Fétis, président de la section permanente du jury des grands concours de composition , donne lecture du rapport suivant sur l'ouvrage de M. Lassen : « Conformément aux prescriptions du règlement des grands concours de conjposition , M. Lassen , lauréat de Tome xx. — 1" part. 56 ( ^16 ) 1851 , a fait parvenir au Gouverueuieut , à la fin de la première année de ses voyages à l'étranger , une symphonie et une ouverture à grand orchestre. Celle-ci , composée pour le drame joué au théâtre royal de Bruxelles, sous le titre d'André Vésale , n'a pas été exécutée. Renvoyés à la classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique par M. le Ministre de l'intérieur, avec demande d'un rap- port , ces ouvrages ont été soumis à l'examen des membres de la section de musique qui composent le jury permanent des concours. Cet examen a donné lieu aux observations consignées ci-après. Le début de M. Lassen dans la cantate sur le sujet de Balthasar, couronnée en 1851 , a révélé chez ce jeune artiste un heureux instinct de l'expression dramatique, de la nouveauté dans les idées, et de l'habileté dans l'usage des ressources de l'instrumentation. Dans la symphonie qu'il soumet aujourd'hui au jugement du jury, il a dû sa- tisfaire à d'autres conditions; car le sentiment dramatique ne peut entrer que secondairement dans ce genre de composition , à moins que la symphonie n'appartienne au genre spécial qu'on a essayé de mettre en vogue dans ces derniers temps, et dont l'objet est de faire de la musique instrumentale une sorte de drame sur un sujet donné. Telle n'est pas la symphonie de M. Lassen. Ce jeune artiste ne s'est pas proposé d'autre sujet que sa propre pensée; la forme qu'il a adoptée a de l'analogie avec celle des der- nières symphonies de Mendelsohn Bartholdy. La première partie (Allegro con brio) a pour phrase principale une mélodie gracieuse bien ramenée dans le cours du morceau, mais qui ne se distingue point par un caractère marqué d'originalité. En général , cette partie de l'ouvrage est peu riche d'inspiration , et l'an voit que i 517 ) le coirj[)osilcui' s'osl burloul préoccupe dc6 délailb eL des ellels; lendauce qui, inallieureuseinenl, est celle de le- poque actuelle. Une autre remarque criti(jiic peut être laite à M. Lassen sur l'harmonie de ce morceau; harmonie surchargée d'altérations, et souvent tourmenlée jusiju'à l'incorrection. Dans les autres parties de l'ouvrage, elle est beaucoup plus simple et plus naturelle. Le thème de la deuxième partie (andanle) est plein de charme et de naïveté. Distingué par le sentiment mélo- dique et par la pureté de l'harmonie, ce morceau se fait aussi remarquer par des épisodes imprévus, bien que non étrangers au caractère général de l'ouvrage, et par des mo- dulations beureuses. Dans le scherzo , qui forme la troisième partie de la symphonie, M. Lassen n'a rien changé à la forme de Beet- hoven, qui paraît avoir été son modèle; mais le thème est bien choisi et les détails sont traités avec beaucoup d'art. La partie de l'ouvrage où l'auteur mon ire l'originalité la plus évidente est le finale, dont le mouvement est vif, et dont le thème a de la fantaisie. L'idée principale est bien conduite, bien développée, et les détails ont beaucoup de piquant. Dans les elfels d'instrumenlalion, on remarque d'heureuses oppositions; enlin , la péroraison a de la verve et de l'entrain. Au résumé, le jury est d'avis (juaprès avoir fait la part d'imperfections inséparables des premiers ouvrages d'un jeune artiste, dont le talent subit toujours certaines in- fluences d'époques, il y a dans la symphonie de M. Lassen un mérite réel et distingué qui témoigne en faveur de la bonne direction qu'il donne à ses travaux , et qui est d'un favorable augure pour l'avenir. L'ouverture (ï André Vésale n'est pas du nombre de celles (518 ) dans fesquelles uii ou plusieurs thèmes des morceaux d'un opéra sont repris par le compositeur, traités de nou- veau et cousus avec plus ou moins d'habileté : bien que destinée à servir d'introduction au drame dont elle porte le nom , elle appartient au genre imaginé depuis environ vingt-cinq ans, et qu'on désigne sous le nom d'Ouvertures de concert. A vrai dire, c'est une symphonie d'un seul mo'rceau. Le coloris en est sombre et vise à l'effet drama- tique. Après une introduction dans un mouvement lent, vient un allegretto gracieux et naïf dont le thème n'est malheureusement pas développé, et qu'on regrette de ne pas voir reparaître. Le mouvement vif (allegro agitato) est établi sur deux phrases principales, l'une rhythmique, l'autre mélodique, lesquelles dialoguent et se font opposi- tion. M. Lassen a fait preuve d'habileté dans l'enchaî- nement de ces phrases et la diversité des formes sous lesquelles il les représente. Distinguée aussi par l'élé- gance de son harmonie et de son instrumentation, ainsi que par son caractère chaleureux et passionné, l'ouverture d'André Vésale ajoute à la bonne opinion que le jury a de l'avenir du jeune compositeur dont elle est l'ouvrage. ï> Rappovt de iÊf. Snei. « La première partie de la symphonie de Ivl. Lassen ne brille ni par le style ni par l'inspiration, et l'on n'y trouve pas une mélodie caractéristique qui puisse charmer l'orei Ile et toucher le cœur. Le thème n'est pas d'une originalité bien tranchée, mais il est ramené par des combinaisons heu- reuses dans le cours du morceau. Cet allegro, d'une couleur ( 519 ) orchestrale allemande, paraît être écrit avec quehiue peine; il contient des transitions trop brnsqiiement amenées et des passages dont l'harmonie est tourmentée à Texcès. La seconde partie (andante) con lient quelques dessins mélodiques empreints d'une grâce et d'une délicatesse infi- nies; l'harmonie en est distinguée sans trop de recherche, et rinstrumenlalion s'y fait remarquer par des combinai- sons qui doivent frapper l'oreille d'une manière ugréable. Le scherzo, qui forme la troisième partie de la sym- phonie, est écrit dans la mesure à trois temps brefs, comme ceux de Beethoven que M. Lassen paraît avoir |)ris pour modèle. Ce morceau., sans être bien original , est habile- ment développé; il est vif, brillant et plein de verve. Le final , écrit également dans un style vif bien déve- loppé et d'un dessin original, contient de charmants dé- tails sous le rapport de l'harmonie et de la modulation; ce morceau est, à mon avis, ce qu'il y a de plus remar- quable dans la symphonie, et il fait honneur au savoir et au goût de M. Lassen. Quant à l'ouverture d'André Vésale, je partage entière- ment l'opinion énoncée sur cette composition par mon honorable collègue M. Fétis; mais, pour être sincère, j'a- jouterai que des divers morceaux soumis à mon examen, l'ouverture ô' André Vésale m'a paru le moins remarqua- ble. » . ■ M. Hanssens, troisième commissaire, appuie les con- clusions de ses collègues, lesquelles sont adoptées par la classe : il en sera donné communication à M. le Ministre de fintérieur. ( 520 Rapport de M. Navez sur la dernière commumcation faite à l'Académie royale d'Anvers, par M. Carlier, lauréat du grand concours de peinture. « L'auteur de la lettre sur laquelle je suis appelé à vous adresser un rapport, M. Carlier, n'a pu examiner encore, en Italie, que les coloristes, c'est-à-dire les maîtres de la fin du XVP siècle et ceux du siècle suivant. Or, n'ayant rien vu de bien remarquable de cette primitive école de la renaissance, du XIIP, du XIV' et du XV^ siècle, je m'étonne qu'il juge si sévèrement le Giotlo, dont il trouve l'exécution très-ordinaire, ajoutant toutefois que, par exé- cution , il entend le dessin et le modelé, tandis que l'exé- cution embrasse l'ensemble d'un ouvrage dans tous ses rapports avec la conception. Vous le savez, Messieurs, une foule d'artistes ont dessiné et modelé des tètes et des mains, souvent avec plus d'exactitude que Rubens, Titien et d'au- tres chefs d'école, et sont restés cependant dans la médio- crité à défaut de génie et de talent, qui seuls font les grands maîtres. Nous en ap|)ellerons plus tard à M. Carlier lui-même, lorsqu'il aura sévèrement étudié les grands ar- tistes postérieurs au Giotlo et qu'il aura apprécié toute la grandeur que cet artiste célèbre a léguée à ses successeurs; il reconnaîtra alors que l'exécution est toujours relative à l'époque où l'on existe. Notre jeune artiste a jugé trop légèrement cette époque, qu'il re[)résente à tort comme stationnaire. Sans doute, elle n'a pas franchi d'un bond l'espace immense qui la sé- pare du siècle suivant; mais elle a eu des hommes de génie, de jugement solide et d'admirable persévérance, qui ont ( 521 ) fixé le principe du grand , du vrai et du beau. Simon Memmi , Orcagna , Gaddi , etc., etc., que M. Cari ier ap- précie un peu en écolier, sont des maîtres dans la grande école, et j'aime à croire qu'il les reconnaîtra comme tels après avoir vu le cimetière de Pise. Masaccio fut certainement le précurseur de la belle épo- que du XVP siècle, et M. Garlier l'a compris; il est à regretter toutefois que, pour le louer, il l'ait félicité d'a- voir banni le caractère barbare de ses prédécesseurs. Ce qu'il appelle barbarie est une admirable naïveté dont la tradition, bêlas, est perdue! L'auteur du rapport se trompe également en prétendant retrouver dans le Poussin la reproduction des types de Masaccio. A son époque, on recbercbait d'autres carac- tères, et l'on se livrait, par conséquent, à d'autres études; chacun sait que le caractère de l'école florentine s'est arrêté à Michel-Ange, à Raphaël et aux grands maîtres du com- mencement du XYP siècle. M. Carlier juge avec beaucoup d'élévation et de senti- ment les œuvres d'Angelo de Fiesole. Je l'en félicite» parce que c'est un des hommes de celte époque, qui ne se servi- rent de leur art que pour exprimer tout ce (pie leur àme avait d'élevé et de céleste. Son jugement sur les maîtres de la même époque, Benedelio Gozzoli, I.ippi, etc., est assez juste, et la préférence qu'il accorde à ce dernier, l'analyse raisonnée qu'il fait de ses œuvres, sont bien ex- posées. J'aime aussi son appréciation de Chirlandaio, pour qui il professe une grande admiration, admiration bien fondée; on comprend qu'un tel homme pouvait, par son génie, par son talent, par le caractère si vrai de ses per- sonnages, par son grand respect pour la nature, former Michel-Ange. Par contre, il n'est pas aussi heureux dans ( 522 ) le parallèle qu'il établit entre Fra Bartholomeo et André del Sarte. Tous deux portent certainement le caractère de leur époque et de leur école ; mais celui-là a été dominé par la grandeur et l'élévation du style, tandis que celui-ci semble souvent ne pas y penser et n'avoir d'autre but que d'émouvoir par l'expression et le pittoresque de ses drape- ries : Ses ajustements n'ont rien du caractère sévère *et imposant de Fra Bartholomeo. Ces deux hommes n'ont entre eux d'autre rapport que de rappeler une belle époque, mais dont les principes ont été différemment appliqués. Le jugement du jeune artiste sur le Pérugin est trop sé- vère, et nous l'attendons à plus tard, quand il aura vu e'. étudié les œuvres de cet homme à Pérouse. Malgré l'uni- formité de ses compositions et du caractère de ses têtes, il faut reconnaître, dans ses œuvres, un grand sentiment du beau et une admirable simplicité; Raphaël lui-même, ne l'a jamais oublié. L'on trouve le Pérugin dans la Gloire de la Dispute du S'-Sacrement, et j'oserais même avancer, dans ce que Raphaël a produit de plus sublime : le Christ de la Transfiguration. Nos observations ne tendent cependant pas à contester le mérite du rap[)ort de M. Carlier; nous le louons même avec plaisir, tout en en critiquant certaines parties, parce que ce rapport prouve des études sérieuses, études dont nous espérons voir un jour faire une heureuse applica- tion. » Une copie de ce rapport sera transmise à M. le Ministre de l'intérieur. ( 525 ) COMMISSION DES INSCRIPTIONS POUR LES MONUMENTS PUBLICS. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la comnïis- sion s'est réunie avant la séance. M. Alvin a présenté, pour l'église de S'-Aubin, à Namur, le projet suivant d'inscrip- tion, que la commission croit devoir présenter à l'appro- bation de la classe. ÉGLISE DE SAINT-AUBIN (à Namur). Au X* SIÈCLE. — Simple chapelle hors les mers. 1047. Érigée en collégiale, par le comte Albert II. 1559. Érigée en cathédrale. 1750. Démolition de l'ancienne église. 21 JUIN 1750. Pose de la première pierre de l'église actuelle. 1767. Achèvement. 20 septembre 1772. Dédicace. Style moderne. Archit. : Pizzoni. [ Long. 78 met., dont 20 m. ponr le chœur. Dimmsi(yns.\ Larg. 53 met. aux transepts, 55 m. aux nefs, ( 17 met. dans le chœur. M. Schayes a promis de présenter, dans la séance sui- vante, une liste des édifices anciens et modernes qui parais- sent mériter de recevoir des inscriptions. Les membres de la commission pourront alors indiquer plus facilement les monuments dont ils désirent rédiger les inscriptions. ( 524 ) OUVRAGES PRESENTES. A la mémoire de Char les- Joseph- Emmanuel Van HuHhem; par M. Ch. Morren. Liège, 1855; 1 broch. in-8°. Biographie de Louis- Jean-François Legrelle-d' Hanis , d^ An- vers; par M. Ch. Morren. Liège, 1855; i broch. in-8°. Deux monnaies italiennes du Xf^It siècle; un sol de déciane , un daldre de Correggio, par Renier Chalon. Bruxelles, 1855; \ feuille in-8°. Cours élémentaire de culture maraîchère, publié sous le patro- nage de la Société nationale d'horticulture de la Seine, par (Jour- lois Gérard. Édition belge, augmentée d'articles signalés par un ' et de noies sur les climats comparés de Bruxelles et de Paris; par H. Galeotti. Bruxelles, 1855; 1 vol. in-5'2. Carte topographique des environs du camp de Beverloo, en 20 feuilles. Feuilles n*'^ 8, 9, 15, 14 et 19, et tableau d'assem- blage. Bruxelles, 1848-1855; 6 cartes in-plano. Ministère de Vintérieur. Rapports et documents ofliciels rela- tifs à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative, d'après le procédé de M. le docteur Willems. Bruxelles, 1855; 1 vol. in-8°. Notice sur Jean-François ternaire, professeur à l'Université de Liège, par A.-C. De Cuyper. Liège, 1855; 1 broch. in-8«. Introduction à l'étude de la science de la méthode, par Louis Bara. Bruxelles, 1855; 1 vol. in-52. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et Ch. Piot, 2« série. Tome III, 1'^ livraison. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8^ Bulletin administratif du Ministère de ïintérieur. Tome VU, no.", mars 1855. Bruxelles, 1 broch. in-8^ ( 525 ) Bulletin de l'institut archéologique liégeois. Tome I , ^^ livrai- son. Liège, 1855; 1 vol. in-S". . Annales de la Société pour lu conservation des monuments his- toriques et des œuvres d'art, dans la province de Luxembourg, 1849-1850 et 1850-1851. Arlon, 1852; 1 vol. gr. in-8°. Journal d'agriculture pratique , d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. Avril 1855. Liège, 1 broch. in-8". Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur: M. Galeotti, 11" année, n*^ 1. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8°. Flore générale de lu Belgique, contenant la description de toutes les plantes qui croissent dans ce pays; par G. Mathieu 9* livraison. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8°. Le jardin fleuriste , journal général des progrès et des intérêts horticoles et botaniques, rédigé par Ch. Leniaire. Vol. IV, 2^ et 5^ livraisons. Gand , 1855; 1 broch. in-8°. Journal belge de l architecture et de la science des constructions , publié sous la direction de MM. C.-D. Versluys et Ch. Vanderau- wera, 6^ et 7^ livraisons. Bruxelles, 1855; 2 broch. in-4''. Le Moniteur de l'enseignement , publié sous la direction de Fréd. Henneberl. Nouvelle série. Tome III, n'^'9 à M. Tournay, 1855; 2 broch. iu-8^ Le Moniteur des intérêts matériels, N°' 15 et 1G. Bruxelles, 1855; 2 feuilles in-plano. Journal historique et littéraire. Tome XIX, 12'' livr., avril 1855. Liège; 1 broch. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tome XII, n°5. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 11 « année. Avril 1855. Bruxelles, 1 broch. in-8". La presse médicale belge ; rédacteur : M. .1. Hannon. 5" année. N^'« 15 à 17. Bruxelles, 1855; in-4^ ( 526 ) La santé, journal d hygiène publique et privée; rédacteurs: MM. A. Leclercq et N. Theis.*4^ année. N" 19. Bruxelles, 1855; 1 broch. in-8". . Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles, par MM. Deiwart , ïhiernesse, Demarbaix et Husson. 2^ année. Avril 1 855 , 1 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 14^ année. Livrai- son de mars 1855. Anvers; 1 broch. in-8". Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 19» année. V"" et 2'"^ livraisons. Gand, 1855; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale, publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. 2^ année. 6^ livraison, 1852-1853. Roulers; I broch. in-8°. Le scalpel; rédacteur : M. \. Festraerts, 5*" année. N"** 25 et 26. Liège, 1855; in-4". Rapport , fait par la Commission générale pour la reconnais- sance géologique de la Néerlande, sur les recherches exécutées par ordre du, Gouvernement pendant l'année 1852. Harlem, octobre i852; 1 broch. in-4°. Notice carcinologique , par J.-A. Herklots. Leyde, 1855; \ feuille in-4°, avec planche. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVL N''" 15 et 14. Paris, 1855; 2 broch. in-4". Moyens d'améliorer les condiiions physiques et morales des peuples, par Alexandre Fourcault. Paris, 1855; 1 broch. in-8'\ Mémoire sur l'attraction moléculaire , par Th. d'Estocquois. Besançon, 1855; 1 feuille in-8^ VAthcnaeunt français , journal universel de la lillérature, de la science et des beaux-arts. 2»^ année, ÎN^" 14 à 16. Paris, 1855; 5 doubles feuilles in-4". Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. Troisième série. Tome III, 5* livraison. Valenciennes, 4852; 4 broch. in-8°. ( 527 ) Société libre cfémulalion de Rouen. BiUleUn des travaux poi- dant les années 1850-1851 et 1851-185-2. Rouen, 1851 et 185^2; 2 vol. iu-8^ Congrès scientifique de France. XX* session. Ârras, tî3 août 1855. Programme des questions. Arras; 1 brocli. in-i". Verhandlungen des naturhistoî'ischen Vereiues der preussis- chen Rheinlande und Westphalens. Herausefegeben von prof. iFBudge. Erster-acliler Jahrgangen. Bonn, 184i-l851 ; 7 broch. in-8°. Jahresbericht des bolanischen Vereines am Mittel- und Nieder- rheine. Herausgegeben von der Direction des Vereines. Bonn , 1857-1859; 2 voi. in-8^ Heidelberger jahrbiicher der Literatur , unter Milwirkung der vier FacuUaten. 46"^' Jahrgang. 2'^^ Doppelheft : Miirz und April. Heidelberg, 1853; 1 broeb. in-8°. Jahrbiicher des Vereins fiir Natiirknnde im Herzogihuni Nassau. Herausgegeben von D' Fridolin Sandberger. Erstes- Siebentes Heft. Wiesbaden, 1844-1851 ; 7 vol. in-8°. Philosophical transactions of ihe Royal Society of London. For tbe year 1855. Vol. 143. Part. 1. Londres, 1855; 1 vol. in-4^ Proceedings of the Royal Society. Vol. VI. iN'^ 94. page 19. Londres, 1853; 1 page in-8^ — The Royal Society, 30 th. No- vember, 1852. Fellows of the Society. Londres, 1852; 1 broeb. in-4°. Memorie deiï J. R. Istituto Lombardo di scienze lettere ed arti. Volume III. Milan, 1852; 1 vol. in-4«. Giornale delï J. R. Istituto Lombardo di scienze , lettere ed arti. Tomi VI, VII e VIII. Milan , 1846 et 1847; 5 vol. in-8°. Giornale dell' J. R. Istituto Lombardo di scienze, lettere ed arti e biblioteca Italiana. iNuova série. Vol. I, H e 111. Milan, 1847-1852; 3 vol in-4°. Rendiconti délie adunanze délia R. Accademia dei Georgofili. Febbraio e Marzo 1853. Florence, 1853; 1 broch. in-8". ( 528 ) Rcndiconto délia Società Recde Borbonicu. Accadcniia délie scieiize. Nuova série, n'* 6. Novembre el Décembre 1852. Naples, I8o!2; 1 broch. m-^\ Un caso di ermafrodito vivente neiUro-lalerale. Memoria del cav. Pielro Collenza. Naples, janvier 1855; 1 broch. grand in-8" Eine chemische analyse des Wassers aus der Dûna und aus einem der in Riga beflndlichen artesischen Briumen, etc. Voraus- schickuny dner Uebersicht der bisUerigen Wirksamkeit des natur- forschende Verein zu Riga. Riga, 1852; 1 broch. in-4°. TIte American journal of science and arts , conducted by pro- fessors B. Silliman, B. Silliman Junior, and James D. Dana. Se- cond séries. N" -45. January, 1853. New-Hawen; 4 broch. in-8°. Thirty - second congress.- First session. House of représenta- tives.— William T.-G. Morton.-Sulphuric ether. Washington, 1852:1 vol. in-8«. FIN UE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME X\.