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ÉE. — 2e SÉRIE, TOME Y. | 4 | : PE) «ik VAT nu Z BRUXELLES . M. HAYEZ., IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. — 1858. ARE Transfer HN Ed 5, Weather Bureau Y # MAUR | APR 5- 1932 Le ÿ j 4 ‘ BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — N° 6. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 juin 1858. M. D Omauus »'HaLLoy, président de l’Académie. M. An. QueteLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Wesmael, Martens, Can- traine, Stas, De Koninck, Van Beneden, A. De Vaux, Edm. de Selys-Longchamps, Gluge, Melsens, Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres; Schwann, Lacordaire , Lamarle, associés ; Ern. Quetelet, d'Udekem, correspondants. 2"* SÉRIE, TOME V. { (2) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir trois exem- plaires du tome X du Bulletin du conseil supérieur d’agri- culture (année 1856). — L'Association britannique pour l'avancement des sciences fait connaître que sa prochaine réunion aura lieu, à Leeds, le mercredi 22 septembre prochain, sous la pré- sidence de M. Richard Owen. — La Société libre d'émulation pour l’encouragement des lettres, des sciences et des arts de Liége transmet le programme de son concours pour 1859. — M. le capitaine Maury, associé de l’Académie, écrit au sujet de la dernière conférence, tenue à Bruxelles en 1853, pour régler les intérêts scientifiques généraux entre les principaux États maritimes de l'Europe et de l’Amé- rique. Dans la nouvelle lettre qu’il adresse à M. Ad. Quetelet, il fait mention des vastes résultats qui ont été obtenus par cette association, et 1l pense que l'instant est peut-être venu de faire un travail semblable pour la météorologie terrestre; il regretterait seulement de ne pouvoir assister à la réunion dans l'instant actuel. — La Société paléontologique de Belgique, établie à An- vers, remercie l’Académie pour l'envoi de ses publications. — M. Rigouts-Verbert, directeur du Jardin botanique d'Anvers, fait parvenir les résultats de ses observations sur les phénomènes périodiques des plantes, pendant l’année 1857. UN D ALES RÉEL Ë û À Ë k 1 (5) — M. Verhaeghe, docteur en médecine, à Ostende, transmet ses dernières observations botaniques et de l'élec- tricité de l'air recueillies dans cette ville. a — 7 ——_———= RAPPORTS. ——— M. Wesmael, membre de l'Académie, avait présenté, dans la séance précédente, des Recherches critiques sur les Ichneumonides décrits par Gravenhorst; la classe avait nommé pour commissaires, MM. Lacordaire et Edmond de Selys-Longchamps. D'après l'avis favorable des deux commissaires, la classe a ordonné l'impression du mé- moire de M. Wesmael, à qui elle a présenté ses remerci- ments. Sur un appareil à levier substitué au micrométre des instru- ments de précision; par M. A. Boblin. Rapport du capilaine Liagre. « Le principe du levier a déjà été appliqué comme moyen micrométrique dans diverses circonstances, notam- ment dans le comparateur de Lenoir, dans certains appa- reils destinés à mesurer la dilatation des solides, dans les règles géodésiques de Struve, etc. Le coin en cristal, que Bessel à imaginé d'introduire entre deux règles pour ap- précier leur intervalle, peut lui-même être regardé comme dérivant du même principe, le rapport des deux bras de levier étant ici remplacé par le rapport de la base à la hauteur du coin. ar Remarquons toutefois que, partout où le levier a été ainsi appliqué, la petite branche travaillait par contact, c'est-à-dire par une opération qui comporte une exactitude presque mathématique : la grande branche seule manœu- vrait comme index. | M. Boblin, dans l'appareil qu'il décrit, fait jouer le rôle d'index aux deux branches à la fois, ce qui, dans la pra- tique, suffit pour rendre 1llusoires les espérances qu’il fonde sur l'extrême précision dont cet appareil lui semble sus- ceptible. Pourquoi, en effet, le vernier ne peut-il (en adoptant la limite indiquée par l’auteur) pousser la subdivision que jusqu’au 30"° de millimètre? C'est que, passé cette limite, l’observateur ne sait plus assigner nettement quel est le trait du vernier qui coïncide avec un trait du limbe. Or, dans l'appareil de M. Boblin, l’observateur doit amener l'index en coïncidence avec une division du limbe, opéra- uon plus difficile et certainement moins exacte que celle qui consiste à juger simplement du trait pour lequel cette coincidence à lieu. Si le pointage du petit bras de levier n'est exact qu'au 50"° de millimètre, l’amplification pro- duite sur la lecture par le grand bras, ne conduira qu'à une précision apparente : elle aura pour effet (si je puis employer cette comparaison) de donner avec exactitude la seconde décimale d’un nombre, tout en laissant planer de l'incertitude sur la première. L'auteur avertit, il est vrai, que l'emploi d’une loupe facilitera la coincidence : mais on adapte également des loupes aux verniers, et rien n'est changé à la comparaison établie entre les deux appareils. Ajoutons que le levier exige une opération de plus que le vernier, celle du pointage du petit bras, et que, comme appareil, il est infiniment plus (®) embarrassant et plus fragile. Dans les cercles gradués, 11 faudrait quatre leviers pour atténuer les erreurs de gradua- tion du limbe, ou deux au moins pour s'affranchir de l’ex- centricité de l’alidade, et ils se gèneraient mutuellement. Nous ne voudrions pas que l’on pût conclure, de la con- cession que nous avons faite plus haut, que nous admet- tons de millimètre comme limite de la précision dont est susceptible l'emploi du vernier : des épreuves compa- ratives auxquelles nous nous sommes livré plusieurs fois, | nous permettent d'affirmer qu'un vernier finement gradué, et garni d’une loupe grossissant 2 {2 à 5 fois, donne avec certitude le 100"° du millimètre. En résumé, l’idée qui fait le sujet de la note de M. Boblin ne nous paraît pas heureuse, et nous sommes d’avis que —._ la classe ne doit pas lui accorder son approbation. » Conformément à cet avis et au rapport verbal de son _ second commissaire, M. Ernest Quetelet, la classe décide qu'on se bornera à insérer dans le bulletin le rapport qui précède. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Le ÈÈ = %» THÉORIE GÉOMÉTRIQUE DES RAYONS ET CENTRES DE COURBURE. — Application au limaçon de Pascal. — Rectification. — Rayons et centres de courbure. — Développantes et déve- loppées ; par M. Lamarle, associé de l’Académie. Soit c le centre d’un cercle au rayon ca, b un point de la circonférence , am une tangente quelconque à cette (6) ligne, bm une perpendiculaire abaissée du point b sur la tangente am : le lieu des points m est une courbe connue sous le nom de limaçon de Pascal. RECTIFICATION DU LIMACÇON DE PASCAL. Considérons le limaçon de Pascal comme étant décrit d'un mouvement continu par le point m. Il suffit pour cela que la tangente passe de la position am à la position a’, en tournant autour de son point de contact, de manière à s'appliquer successivement sur toutes les parties de l’arc aa’. L À l'origine de Parc nd mm, les droites bm, 7 Lo 1 am tournent simulta- For cer Lune à nément, l'une autour e 10 HN du point b, l’autre au- HS Fat \4' tour du point a, et / | PÊN | pu /\ commeelles sont assu- PARU MAR | jetties à rester perpen- ÿ Xe ] ’ | | ie IN 7 | diculaires entre elles, \ | 7 at, ot Î | il en résulte qu'elles DS _ PINCE | ont toutes deux même [ | No | 4 D 7 vitesse angulaire. Pre- RU, Pr nons cette vitesse an- d nl AU | à ir sulaire égale à l'unité. REA Le point m restant de sur la droite bm, il est visible que sa vitesse totale à pour composantes : 1° une vitesse dirigée suivant ma et représentée en grandeur par mb; 2° une vitesse inconnue dirigée suivant bm, dans le sens mb. D'un autre côté, puisque le point m reste sur la droite dot mi (#5) am, on voit aussi que les deux composantes de sa vitesse totale sont respectivement : 1° une vitesse dirigée sui- vant mb, et représentée en grandeur par am; 2° une vitesse inconnue dirigée suivant ma. Il suit de là que le point m a pour vitesse totale la ré- sultante de deux vitesses, l’une égale à ma et dirigée sui- vant mb, , l’autre égale à mb et dirigée suivant ma. Imagi- nons que ces deux composantes tournent en même temps autour du point "m, de manière à décrire chacune un angle droit, et à venir s'appliquer l’une sur ma, l’autre sur mb. Après celte rotation, la résultante est représentée en gran- deur, ainsi qu'en direction, par la diagonale mn du rec- tangle ambn, et, comme elle a tourné d’un angle droit, il eu résulte que la diagonale mn est, pour le point m de la courbe décrite, la normale à cette courbe. Observons que les diagonales ba, mn sont égales, et que, par conséquent, l’une et l’autre représentent en gran- deur la vitesse du point m. Lorsque le point de contact a s’est transporté en a’, l'extrémité e du diamètre ae est venue en e’, les arcs aa, ee’ étant toujours égaux. Il suit de là que, dans le déplace- ment simultané du point a vers a’ et du point e vers e’, les angles décrits par les cordes ba, be sont précisément moitié de ceux que décrivent en même temps le rayon ca et la tangente am. Il s'ensuit également que, la vitesse angulaire de la tangente étant représentée par 1, celle des droites ba, be est égale à <. Nous venons de voir qu’à l’origine de l'arc mm’, la droite be tourne autour du point b avec la vitesse angu- laire 5. Assujetti à rester sur cette droite, le point e a pour vitesse totale la résultante de deux vitesses , l’une inconnue dirigée suivant eb, l’autre dirigée suivant ef, perpendiculai- (65 rement à be el représentée en grandeur par ef = ep — " Cette même vitesse totale est dirigée suivant la droite Le tangente en e à la circonférence. Si donc, par le point f, on mène une parallèle à be, la portion f{ interceptée entre le point f'et la tangente el représentera en grandeur la vi- tesse du point e suivant eb. Du centre c abaissons une perpendiculaire cp sur la corde be. Cette perpendiculaire tombe en p, au milieu de la corde. L'égalité des angles el, pec et des côtés ef, ep, implique celle des côtés E, pe, dans les triangles rectangles efl, cpe. On voit donc que la vitesse du point e sur eb est représentée en grandeur par pe en même temps et de la même manière que celle du point m sur la courbe qu'il décrit est représentée par la corde ba. Le parallélisme des droites cp, ab, toutes deux perpendiculaires sur be, donne ab = "2;cp. Concluons que la vitesse du point m dans la description du limaçon de Pascal est constamment double de la vitesse correspondante qui anime le point e dans son glissement sur la corde mobile be. De là résulte immédiatement arc mm —= 2 [be — be’ ]. On a donc ainsi la rectification directe d'un arc quel- conque mm. S'agil-1} de l'arc b'm qui part du point m cor- respondant à la tangente am et aboutit à l'extrémité b' du diamètre bb’, il vient arc b'm — be —= Dab'. Ce résultat peut s'énoncer comme il suit : L'arc de limaçon compris entre l'extrémité b' du diametre he pr SR re (9) mené par le point projeté, el un point quelconque m corres- pondant à la tangente menée par le point à, est le double de la corde ab’. RAYONS DE COURBURE DU LIMAÇON ET DE SES DIÉVELOPPÉES SUCCESSIVES. Dans le rectangle ambn, les angles bam , mnb sont con- slamment égaux. L'angle bam est formé par les droites am et ba, toutes deux mobiles et tournant dans le même sens : la première avec la vitesse 1, et de manière à faire croître l'angle bam ; la seconde avec la vitesse À, et de manière à faire décroitre ce même angle. Il suit de là que l'angle bam croit comme si l’un de ses côtés était fixe et que l’autre tournât avec la vitesse <. L’angle mnb est formé par les deux droites bn, mn. La droite bn tourne en restant parallèle à la tangente am, et de manière à faire décroiître l'angle mnb. Or, cet angle reste égal à l'angle bam : 1l croît donc comme si le côté bn était fixe et que le côté nm tournât avec la vitesse 4. La droite bn tournant avec la vitesse 1, la conséquence est que la droite mn tourne dans le même sens avec la vitesse à. Soit p le rayon de courbure cherché pour le point m, & la vitesse angulaire de la normale mn, v la vitesse du point décrivant; on a, en général, et ici, en particulier, d RES ee à, = "in — ba. (10) Il vient donc très-simplement : On voit ainsi que le centre de courbure est en o, aux deux tiers de la diagonale mn. Cherchons maintenant le centre de courbure qui corres- pond au point o pour la développée. Ce centre est quelque part en o,, sur la droite 00, menée par le point o perpen- diculairement à mn. Soit », la vitesse actuelle du point o dans la description de la Sos rie De même que la vitesse du point e, sui- vant cb, est = —, de nine ei réciproquement la vitesse du point a, a ba, est = + Or, mn — ba be ; : = ; ; est donc aussi la vitesse avec laquelle le point n glisse sur la normale mn. D'un autre côté, il vient donc, pour la vitesse du point o, sur cette même normale, Soit p, le rayon de courbure cherché pour le point o de la développée, on a, comme tout à l'heure, (11) et remplaçant & par ©, », par + O1] k9 | & — — be — Pr Tr S'il s'agissait du rayon de courbure qui correspond au point o, de la 2°° développée, on aurait de même et ainsi de suite indéfiniment pour toutes les développées successives, 2 ba FE 48.5 2 be Fr Désignons par p, p’ les rayons de courbure en deux points conjugués qui correspondent aux tangentes menées par les extrémités d’un même diamètre quelconque ae. On a De là résulte, en désignant par r le rayon ca. 4 —) a 4r \°? + p?= 9 (ba” 4- be’) = (5) — Const. ce) 1 4 À 4 } q ai (12) DÉVELOPPANTES ET DÉVELOPPÉES DU LIMAÇON. Nous avons trouvé, d’une part, 9 be ÉLÈEE 9? d'autre part, $ 9 be FR De là résulte, en général, p' Pur = ou , Ce qui revient au même, p' Te 5p,- Ces dernières équations conduisent directement aux in- ductions suivantes : La développée du limaçon est un autre limaçon construit sur une circonférence de cercle trois fois plus petite, el réciproquement, La développante du limaçon est un autre limaçon con- | struit sur une circonférence de cercle trois Jois plus grande. Démontrons directement lune ou l’autre de ces deux propositions, la dernière, par exemple. Sans rien changer à ce qui précède, considérons Île point m» du limaçon construit sur la circonférence abeb' et correspondant à la tangente am. (15) mn est la normale pour le point m. La corde ab’ est la moitié de l'arc compris entre les points m et D’. Prenons, sur le prolongement du diamètre b’b, la dis- tance bc'—=bc— cb'. Par les points c’,b", menonsles droites c'a', b'm' parallèles aux droites ae, bm. Prolongeons la corde b'a jusqu’à sa rencontre en a avec la droite c'a’, et par les points a’, b’ menons les droites a'm', b'n' perpen- _ diculaires aux droites b'm’, c'«. De même que les trois segments b’e, cb, bc’ sont égaux par construction, de même il y a égalité entre les segments que les parallèles successives b'm', ca, bm, c’a’ intercep- (4 tent deux à deux sur les droites n’b’, ma, am’. Il suit de là que, dans le rectangle a’m'b'n', la diagonale m'n’ passe par le point », comme là diagonale ab’ passe par le point a, et que l'on peut écrire immédiatement aa == mm Or, par construction, CCE NO NIC0) et, comme conséquence, aa = 2ab° il vient donc aussi mm —= 2ab'. Cela posé, puisque la corde ab’ est moitié de l'arc com- pris entre les points m et D’, il s'ensuit que la longueur mm est le développement rectiligne de ce même arc. Par construction l'angle baa’ est droit. Par symétrie l'angle nmm’ est évidemment égal à l’angle baa’ : il est donc aussi droit, et puisque la droite mn est la normale en m, il s'ensuit que la tangente en ce point est la droite mm. La droite mm’ {touchant en m le limaçon construit sur la circonférence de cercle abeb', et ayant pour longueur le dé- veloppement de l'arc compris entre ce point et le point b', il en résulte que le point m’ appartient à la développante qui prend son origine au point b'. D'un autre côté, la droite c'a’ est, par construction, triple de ca et perpendiculaire à m'a’. Il suit de là que la droite m'a’ touche en a' la circonférence de cercle ayant son centre en c’ et pour rayon c'a = 53ca. Le point m’ est d’ail- er Be Pod is SE Sn A (15) leurs le pied de la perpendiculaire abaissée du point b' sur la tangente m'a’. Il s'ensuit donc que le point m' appartient au limaçon construit sur la circonférence de cercle b'a’, b' étant le point qu'on projette orthogonalement sur toutes les tangentes. On voit, par ce qui précède, que le point m’ appartient à la fois au second limaçon et à la développante du pre- mier. Concluons que la développante du limaçon de Pascal est un autre limaçon construit sur une circonférence de cercle trois fois plus grande que la première, enveloppant celle-ci et la touchant à l'extrémité du diamètre qui part du point projeté. Concluons, en outre, que cette même extrémité est le point à projeter dans la construction de la développante. Observons, en terminant, qu'il existe une analogie re- marquable entre le limaçon de Pascal et la eycloide. De part et d'autre la rectification s'effectue de la même ma- nière; de part et d'autre les développantes sont de même nature que les développées, semblables ou identiques, et ne différant , d’ailleurs, que par leur position relative. a Note sur un principe remarquable en géométrie ; par M. Er- nest Quetelet, correspondant de l’Académie. {Il y a quelque temps, m'occupant de la détermination des courbes par un certain nombre de leurs points, mon attention fut attirée sur ce fait assez curieux : une courbe de troisième ordre est complétement déterminée, quand on connait neuf de ses points, et cependant deux courbes de troisième ordre se coupent en neuf points. (16) Plus tard, j'ai eu entre les mains un mémoire d'Euler, inséré parmi ceux de Berlin pour l’année 1748. Dans ce mémoire, le savant géomètre traite d’une contradiction apparente dans la doctrine des lignes courbes. Euler fait re- marquer que celte contradiction est, en effet, purement apparente et que c’est une des conséquences géométriques du cas où l’on a à résoudre des équations en nombre égal à celui des inconnues, mais où cependant il y à indéter- minaton, parce qu’une des équations peut être obtenue en combinant convenablement les autres entre elles. Je ne sais pas si, depuis lors, on est revenu sur cette idée, mais elle m'a paru extrêmement propre à démontrer quelques-uns des théorèmes principaux de la géométrie. En ellet, si, pour les courbes du troisième ordre, aux- quelles je limiterai mon raisonnement (bien qu'il soit aussi applicable aux ordres supérieurs), si, pour ces cour- bes, neuf points, dans certains cas, ne suffisent pas à leur détermination, c'est un signe que lun d’eux est une conséquence nécessaire des huit autres, et l’on est dès. lors en droit de poser ce principe : Toutes les courbes de troisième ordre, que l’on peut faire passer par huit points, vont nécessairement se couper en un neuvième point, qui est unique, parfaitement déterminé el qui est une conséquence nécessaire des huit premiers. Ce principe, que l’on pourrait nommer principe des neuf points conjugués, est d’une grande importance dans l'étude des lignes du 3°° ordre. L’hexagramme de Pascal et l’hexa- gone de Poncelet en sont des conséquences directes. Je me permettrai de donner ici une démonstration très- courte de ces deux théorèmes. Dans l’hexagone inscrit à une conique, les trois côtés impairs peuvent être regardés comme une courbe de troi- CF) sième ordre , les trois côtés pairs sont aussi une courbe de troisième ordre. Ces deux courbes se coupent en neuf points conjugués, qui sont les six sommets de l'hexagone et les trois points de concours des côtés opposés. Mais si je joins par une ligne droite deux des points de con- cours, la conique et cette droite composent encore une courbe de troisième ordre complète. Or, celle-ci passe par huit des points conjugués, donc elle doit passer par le neuvième. On trouve ainsi le théorème de Pascal. Quand un hexagone est inscrit à une courbe de troi- sième ordre, de façon que deux des points de concours de ses côlés opposés soient sur la courbe, le troisième point de concours doit être aussi sur la courbe. On voit, en effet, que les six sommets de l’hexagone et les trois points de concours des côtés opposés forment neuf points con- Jugués, comme appartenant à la fois aux côtés d’ordre pair et aux côtés d'ordre impair de l’hexagone. Donc la courbe de troisième ordre, qui est supposée passer par huit d'entre eux, doit nécessairement passer par le neu- vième. On voit avec quelle facilité ce principe des neuf points conjugués, qui est presque intuitif, conduit à deux des plus beaux théorèmes connus sur les coniques et sur les courbes du troisième ordre. On pourrait en déduire d’au- tres conséquences; Je me bornerai ici au théorème suivant que Je crois nouveau. Si l’on prend quatre points sur une courbe de troisième ordre et que par ceux-ci on fasse passer une infinité de sections coniques, chacune d'elles interceptera sur la courbe de troisième ordre une nouvelle corde; le théorème consiste en ce que loutes ces cordes sont concourantes en un méme point de la courbe de troisième ordre. 2 SÉRIE, TOME V. a Fee D Pour le démontrer, il faut joindre les six points de ren- contre de la conique variable avec la courbe de troisième ordre par trois droites, dont deux sont fixes et dont la troisième est la corde variable. Chacune de ces trois droites va couper de nouveau la courbe de troisième ordre en un point, et ces trois points sont conjugués avec les six précédents, comme appartenant tous à trois droites et à la courbe de troisième ordre; mais six d’entre eux sont sur une conique, les trois autres sont donc en ligne droite. Or, deux des points de cette droite sont invariables, la droite elle-même l’est, par conséquent, aussi, et sa rencontre avec la courbe de troisième ordre, qui est également un point invariable, appartient à la corde mobile. Ainsi toutes les cordes doivent passer par ce point de la courbe, ce qui constitue la proposition à démontrer. J’ai dit que le neuvième point est une conséquence né- cessaire des huit premiers. [l faudrait donc chercher un procédé simple pour construire ce neuvième point. Carnot, en étendant le théorème de Ptolémée, y est parvenu dans un cas particulier, quand les neuf points sont distribués sur trois droites. Il resterait à traiter le cas général. Malheureusement, je ne dispose pas en ce moment d'assez de loisir pour me livrer à cette recherche, qui ne parait pas exempte de difficulté. Mais j'ai cru faire chose utile en appelant l'attention sur ce sujet, qui me semble digne d’être étudié avec soin. (49) Note sur la coloration rouge du sang veineux ; par les pro- fesseurs Gluge, membre de l’Académie des sciences, et Thiernesse, membre de l'Académie de médecine. Dans un travail lu à la séance du 25 janvier dernier de l'Académie des sciences de Paris, M. Claude Bernard établit, d'après des expériences dont il donne l'exposé, que le sang veineux des glandes est rouge comme le sang artériel, quand ces organes fonctionnent, et qu'il n’est foncé ou noir que lorsqu'ils ne sécrètent pas. C'est ce que ce savant physiologiste observa, en 1845, sur la veine rénale de chiens chez lesquels il recherchait l'élimination de certaines substances par le rein, et c’est ce qu’il vient d'observer de nouveau dans des expériences qu'il a faites dans ce but sur des chiens et sur des-lapins. Ses observations ont surtout été mullipliées sur les reins et la glande sous-maxillaire. Il a vu que, lorsque l’urine coule goutte à goutte dans l’uretère, le rein et le sang qui en sort sont rutilants, tandis qu'ils sont noirs quand la sécrétion urinaire est suspendue ; puis 1l a constaté que le sang qui sort de la glande sous-maxillaire, de noir qu'il est dans l’état de repos de cet organe, devient également rutilant, lorsqu'on éveille sa sécrétion, soit au moyen d’une instil- lation de vinaigre dans la bouche de l’animal, soit par la galvanisation de la branche du nerf lingual qui se dis- tribue dans la glande. Les peu d'expériences que M. CI. Bernard à faites en- suite sur la parotide et les glandes de la partie abdomi- nale du tube digestif lui ont donné, dit-il, des résultats semblables. (20 ) Telle est l’importante découverte que cet éminent pro- fesseur au Collége de France vient d'annoncer. Aussitôt que nous en avons eu connaissance, nous nous sommes mis en mesure de pouvoir la constater, non que nous dou- tassions de sa réalité, mais à cause du grand intérêt qu’elle présentait pour la physiologie. C'est ce que nous avons fait à l’école de médecine vé- térinaire de l’État, à Cureghem, sur des animaux de dif- férentes espèces qui devaient être sacrifiés pour le cours d'anatomie, dont l’un de nous est chargé à cet établisse- ment. Or, les résultats de nos expériences ne concordent pas entièrement avec ceux qui ont été obtenus par M. Ber- nard. Nous croyons donc devoir les soumettre à l'attention des physiologistes. Voici nos expériences. Nous les avons exécutées en pré- sence de M. Derache, prosecteur de ladite école de méde- cine vélérinaire. Première expérience. — Le 25 février 1858 , sur un chien adulte, bien portant, nous avons mis à nu le rein gauche, ses vaisseaux sanguins et son conduit excréteur, au moyen d’une incision longue de cinq à sept centimètres dans la région du flanc. Nous avons ensuite fait, à peu de distance de la vessie, la section de l’uretère, que nous avons laissé flottant en dehors de la cavité abdominable, afin de voir s’il émettait de l'urine, Au moment de l'opération, il n’en fournissait point, et le rein, ainsi que sa veine, était très- foncé; mais, au bout d’un court instant, l'urine s’écoulait goutte à goutte de ce conduit , le rein et sa veine étaient rouges, moins rouges, cependant, que l'artère dont celle-ci est satellite. En pressant sur le rein et en exerçant de légers tirail- lements sur cet organe, nous pûmes observer, pendant ati. (21) quelque temps et successivement, la coloration foncée et la coloration rouge-pourpre du rein et de la veine rénale, dont l'aspect, dans ce dernier cas, contrastait avec la cou- leur noire de la veine cave postérieure également visible. Lorsque le sang sortant du rein était rouge-pourpre, l’urine suintait dans l’uretère, tandis que ce conduit n’en donnait point, lorsque le rein et sa veine étaient noirs comme la veine cave. Deuxième expérience. — Elle fut faite, le 2 mars 1858, sur un chien vigoureux et robuste. Après avoir constaté sur cet animal, comme dans la première expérience, la coloration rouge-pourpre, puis noire de la veine rénale et du rein, suivant que celui-ci fonctionnait ou que sa fonc- tion était suspendue, nous avons découvert la glande sous- maxillaire, deux veines sortant de cet organe et la branche du nerf lingual qui s’y distribue. Le sang veineux de cette glande était noir. Dans la crainte de trop affaiblir le sujet opéré, nous n'avons pas cherché à introduire un tube dans le canal de Wharton. Nous supposàmes (le sang vei- neux étant noir) qu'il ne recevait pas de salive, et, afin d’exciter la sécrétion de ce liquide, nous fimes instiller de l’eau acidulée dans la bouche de l'animal : le sang, coulant dans les veines de la glande sous-maxillaire, ne changea pas de couleur. On établit alors un courant galvanique sur le nerf de la glande : les veines restèrent noires comme leur confluent. Il en fut de même du sang veineux du testicule, dont on soumit le plexus nerveux à un courant galvanique : il resta noir. Troisième expérience. — Le sujet de cette observation est un vieux cheval non entaché de maladie. Il fut opéré le 9 mars 1858. Cet animal étant couché le côté droit sur (22) une table et convenablement assujetti, nous lui fimes au flanc gauche une ouverture longue de 15 à 20 centimè- tres, qui permit d'écarter la masse intestinale et d’aperce- voir le rein, ainsi que son pédicule vasculaire ; mais il fut impossible d'en observer la coloration, la température étant basse, un brouillard impénétrable de vapeur séreuse du péritoine s'était formé dans la cavité abdominale. Nous nous adressàmes à la glande parotide, dont une partie fut mise à nu, ainsi que plusieurs de ses veines et leur confluent (la jugulaire), à son passage dans un inter- stice de la glande. Les veines parotidiennes et la jugulaire étaient noires. On versa dans la bouche de l'animal un peu d’eau acidulée, et nous nous assuràmes , en faisant une incision au canal de Sténon, que la salive y fluait en grande quantité. Or, il ne se manifesta aucun changement de couleur dans le sang veineux de la glande parotide : ce sang resta noir comme celui de la jugulaire. | Quatrième expérience. — Le 15 mars 1858, nous fimes la même expérience sur un autre cheval également sain. Avant toute opération, nous lui plaçàmes dans la bou- che, maintenue fermée, un bol d’assa fœtida, substance gommo-résineuse qui, comme on sait, étant ainsi admi- nistrée, provoque constamment une forte salivation. C’est, en effet, ce qui eut lieu au bout de quelques minutes : la salive coula en grande quantité de l'ouverture faite au canal de Sténon. On n'observa pas de changement de cou- leur dans les veines parotidiennes mises à nu : elles res- tèrent noires comme la jugulaire dans laquelle elles se déversent. Cinquième expérience. — Un vieux cheval maigre, mais sain, a été le sujet de cette expérience. II a été opéré, le 29 mars 1858, comme le précédent, Or, les veines de la (25 ) glande parotide n’ont pas changé d'aspect : elles sont res- tées noires, quoique, sous l'influence du bol d’assa fétida qu'on avait donné à l'animal, la salive fluût en abondance dans le canal de Sténon, auquel une incision avait été pra- tiquée pour s'en assurer. Sixième expérienee.— Le même jour, nous fimes la même observation sur les veines de la glande sous-maxillaire d’un chien, dans la bouche duquel on avait versé un peu d’eau acidulée. Ces veines ont conservé leur aspect foncé. Septième expérience. — Sur un mouton débile et ané- mique, mais non atteint de maladie organique, nous avons découvert, au moyen d’une incision à la peau, dans les régions qu’elles occupent, la glande parotide et la glande sous-maxillaire, ainsi que des veines de ces organes et une certaine étendue de leurs confluents, après avoir pro- voqué la sécrétion salivaire au moyen d'un peu de sel dé cuisine placé dans la bouche de l'animal. Le canal de Sténon fut ouvert : 1l fournissait beaucoup de salive: Les veines de la glande parotide et de la sous-maxillaire étaient rouge pourpre, el il en était de même de la jugulaire ex- terne, de la veine maxillaire externe et de quelques veines musculaires que nous observames en même temps pen- dant plus de 15 minutes au contact de l'air. L'état anémique de notre mouton rend compte de la coloration moins intense de son sang et, par suite, de la teinte moins foncée des différentes veines que chez un animal dont le chiffre des globules sanguins rouges n’a pas subi de diminution notable. Huitième expérience. — Nous l'avons exécutée, le 10 mai 1858, sur un vieux cheval parfaitement sain , qu'on allait sacrifier pour en avoir le squelette. Cinq veines de la glande parotide , et la partie parotidienne de la jugulaire, furent (24) découvertes : elles étaient également noires. Le canal de Sténon fut ensuite disséqué à son passage sur la scissure du bord postérieur de l'os maxillaire : la salive jaillit de l'ouverture faite à ce conduit. Ce voyant, nous avons jugé inutile d'administrer à l'animal le bol d’assa fœtida, que nous nous étions procuré pour exciter chez lui la sécrétion salivaire, si elle avait été suspendue. Nous avons observé, pendant plus d’un quart d'heure, les veines découvertes : elles n’ont pas présenté de chan- gement sensible dans leur aspect, qui est resté foncé. On piqua alors les veines parotidiennes, la veine jugulaire et l'artère maxillaire externe : le sang jaillit rouge de celle-ci, et s'écoula noir des veines. Neuvième et dixième expériences. — Le 18 mai, sur un lapin, et le 419 mai 1858, sur un chien, nous avons ob- servé de nouveau, et au moyen de la même opération que dans les deux premières expériences, la coloration variable du sang de la veine rénale (rouge-pourpre et rouge foncé ou noir), Suivant que le rein sécrétait ou ne sécrétait pas d'urine. Telles sont les expériences qu’il nous a été possible de faire jusqu’à présent, au sujet de l’importante question de la coloration variable du sang veineux des glandes. Nous nous proposons de les continuer et de les varier. Si nous en obtenons des résultats qui soient de nature à intéresser l’Académie, nous nous empresserons de lui en donner communication. En attendant, nous concluons de celles dont nous ve- nons de faire la relation : 1° Que le sang veineux du rein est rouge-pourpre, — mais Jamais aussi rouge que le sang artériel, — quand cet organe fonctionne, tandis qu'il est aussi foncé que dans la (2 ) veine cave postérieure, lorsque sa sécrétion est suspendue; % Que le sang veineux des glandes parotide et sous- maxillaire reste foncé, même lorsque, sous l'influence d'un excitant spécial, ces glandes sécrètent une grande quantité de salive. Extrait d'une lettre de M. L. Henry, docteur en sciences na- turelles, communiquée par M. L. De Koninck, membre de l’Académie. M. L. Henry, docteur en sciences naturelles, en ce mo- ment à Giessen , où il se livre à des recherches de chimie, dans le laboratoire de l’université de cette ville, m'écrit que, depuis quelque temps, il s'occupe de l'analyse de la berbérine et des composés auxquels cet alcaloïde peut donner lieu. M. Fleitmann avait donné pour formule de la berbérine C2 H' N 0°, tandis que Gerhardt, se fondant sur l'analyse de ce chimiste, avait adopté C# H' N O!° HO pour ce même composé , lequel, suivant M. Fleitmann, renfermait encore deux équivalents d’eau, après avoir été séchée à la température de 120°. « J'ai fait d'abord trois combustions de berbérine très- pure, dit M. Henry, préparée par moi-même. x » Ce qui est très-remarquable, c’est qu'elles m'ont donné des nombres s’accordant très-bien avec ceux de M. Fleitmann et correspondant à de la berbérine mono- hydratée. » J'ai fait ensuite deux autres analyses de la même substance, en achevant la combustion dans un courant ( 26) d'oxygène sec. J'ai obtenu alors de nouveaux nombres s’accordant avec la composition centésimale de la berbé- rine anhydre. Voici les résultats de ces cinq analyses : TROUVÉ. | CALCULÉ D'APRÈS I. Il. II. C# H1° N O0, HO. C — 67,19 67,66 GS A ANNE S7 H —=,,5,18 5,39 DO Ni ETS TROUVÉ. CALCULÉ D'APRÈS RS. “SE CSSS IV. Y. C£ H1° N O0. G — 69,58 CAD TE ele let date ONU H= 05:51 DID NE EME » M. Fleitmann avait déterminé l'équivalent de la ber- bérine par l'analyse seule du chloro-platinate; je l'ai dé- terminé en outre d'après l’analyse du sulfocyanure et du chloraurate, deux composés dont M. Hoffmann s’est avan- (ageusement servi dans des circonstances analogues. » Le chloraurate m'a donné 27,75 p. ‘Jo d'or, alors que le calcul en exige 27,94, ce qui est satisfaisant. » J'ai aussi analysé le tartrate, l’oxalate, le succinate et le picrate de berbérine, et toujours j'ai obtenu de bons résultats. » Je suis maintenant occupé à préparer les produits de substitution. J’ai déjà obtenu léthyl et l'amyl-berbérine, ainsi que la berbérine bromée. J'espère que les trois mois que j'ai encore à passer ici, verront s'étendre les résultats de mes recherches. » TT 19 es | sr Note sur des Champignons trouvés dans la cavité abdominale d'un poisson; par le docteur C. Poelman, membre de l'Académie. Dans les annales de la science, on trouve déjà un cer- tain nombre d'observations de productions végétales trou- vées soit sur le corps des animaux, soit dans l’intérieur des cavités qui communiquent avec l'air extérieur, mais il est plus rare de rencontrer de pareils produits dans des poches complétement fermées. Il y a quelques mois, en ouvrant la cavité abdominale d'un cabillaud (Gadus morrhua), nous avons rencontré, sur une tumeur fibreuse, adhérente à la colonne verté- brale, de petits tubercules formés par l'agrégation d’une quantité considérable de filaments végétaux. Le fait nous paraît assez intéressant pour en faire l'objet d'une communication à l’Académie. Nous croyons utile de dire que le poisson ne présentait aucune trace de décomposition , et que les produits parasi- taires étaient directement implantés sur la tumeur et nul- lement sur un dépôt pseudo-membraneux, comme cela s'observe généralement quand des champignons se déve- loppent sur des tissus animaux. Les petites tumeurs parasitaires ont une forme réguliè- rement arrondie, une couleur blanchâtre, et se laissent facilement écraser par le doigt. Nous ne pouvons donner une meilleure idée de leur consistance qu’en la comparant à celle du mastic des vitriers. Leur volume varie de un à quatre millimètres, et, au premier aspect, elles nous pa- rurent pédiculées. (28 ) Soumises à l'examen microscopique, nous avons trouvé qu’elles sont formées d’un nombre considérable de petits tubes de longueur variable et d'environ 0.004 à 0.006" de diamètre, entremêlés de granulations sphériques. Parmi ces filaments, les uns étaient enchevêtrés , d’autres offraient une disposition rayonnante. Ces filaments tubu- leux sont cylindriques, mous, flexibles, transparents, non cloisonnés, droits ou irrégulièrement flexueux. Un petit nombre sont légèrement polyédriques, et nous avons aussi remarqué que quelques-uns étaient ramifiés. Dans plusieurs tubes, nous avons observé deux lignes parallèles limitant l'épaisseur de la paroi. En faisant agir de la teinture d’iode, il nous est arrivé de trouver une seconde membrane appartenant à une cavité close à parois minces (utricule primordiale) qui se contractait sous l'in- fluence de ce réactif et se détachait de la paroi cellulaire. L'iode la colorait en jaune, l’addition de l'acide sulfurique déterminait la coloration en bleu de la membrane exté- rieure, et l’utricule devenait en même temps d’un brun jaune foncé. Il nous à été impossible de découvrir des organes de fructification, ce qui nous a empêché de procéder à la détermination botanique de l'espèce. Les filaments, nous les considérons comme formant le mycélium et les globules comme des sporules. Au reste, les indications incomplètes que nous a fournies l’examen microscopique de notre champignon, ne sont pas sufi- santes pour lui assigner une place dans les classifications botaniques. Nous le rapportons provisoirement au genre Sporotrichum, en attendant que des observations ulté- rieures permettent de soumettre ces produits à de nou- velles investigations. 9 7e Serre, PAag. 29%. 1! » DFE. L Ze yale. Bull. de l'Aead. Ro 7 CAL. Au € C D ed, 0, QT N nr np ORNE ARRS AE | £ (29) Il est assez probable que, si le séjour dans l'alcool ne nous avait empêché de soumettre notre champignon à des expériences de nature à en déterminer la propagation, nous aurions observé une grande mutabilité de formes, comme il est arrivé à notre savant confrère M. Spring, quand il a exposé le Dactylium oogenum à une température de 52° à 38° C. (1). L'observation actuelle, quoique incomplète, nous parait assez intéressante, parce qu'elle vient à l'appui des expé- riences déjà faites par M. Spring, expériences qui tendent à prouver que les champignons inférieurs peuvent se dé- velopper, dans des espaces clos et dans l'obscurité, aux dépens des substances pathologiques , mais que l'oxygène de l’air est nécessaire au développement des organes de la frucüification. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1. Tumeur fibreuse trouvée dans la cavité abdominale d'un cabillaud. a. a. Petites tumeurs arrondies recouvrant la surface de la tu- meur précédente. Fig. 2. À. Éléments microscopiques (Sporotrichum), filaments du mycé- lium. — Sporules. B. Les mêmes à disposition rayonnante. 24 (1) Bulletins de l Académie, tome XIX, 1° partie, p. 555. CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 juin 1858. M. M.-N.-J. LeccErcO, directeur. M. Ad. Querezer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, J. Grandga- gnage, de Ram, J. Roulez, Gachard, Borgnet, David, Paul Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, Polain, Baguet, Ch. Faider, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ad. Mathieu, Chalon, Thonissen, Th. Juste, correspondants. M. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. | CORRESPONDANCE. M. Charles-François Gabba, de Milan, lauréat du der- nier concours, pour un mémoire en réponse à la question sur la véritable origine du droit. de succession, adresse ses remerciments pour la récompense qui lui a été décernée. L'auteur du second mémoire sur la même question, à (51 ) qui l’Académie a oflert sa médaille d'argent, s’est fait con- naître ; son nom est M. Paul Voituron, avocat à la Cour d'appel de Gand. — Le Ministre des travaux publics fait hommage de deux exemplaires d’un volume contenant la statistique des mines de la Belgique pour les années 1851 à 1855. — La Société impériale géographique de Russie adresse le procès-verbal de son assemblée générale du 16 avril 1858. — La Société libre d’émulation de Liége fait parvenir le programme des sujets proposés pour le concours de1859. — M. M.-J. Schwartz, professeur à l’université de Liége, transmet un manuscrit de sa composition, intitulé: Henri de Gand et ses derniers historiens. (Commissaires : MM. le chanoine de Ram et le baron Jules de Saint-Genois.) CONCOURS DE 1858. M. Roulez, d’après l’invitation de la classe, dépose les deux inscriptions suivantes, destinées à être gravées sur les médailles d’or remportées au dernier concours : CAROLO FRANCISCO GABBAE MEDIOLANENSE JURIS LICENTIATO quon (32) DE HEREDITARII JURIS VERA ORIGINE DOCTE ET SUBTIL!TER DISSERUIT Axxo MDCCCLVIII. a — FERDINANDO LOISE POESEOS APUD TUNGROS PROFESSORI QUI DE VI QUAM IN POESIM MORES LEGESQUE HABUERINT SCRIPSIT OB PRAECLARAS ORATIONIS VIRTUTES axxo MDCCCLVIIT. Des remerciments sont adressés à M. Roulez. RAPPORTS. Cinquième lettre sur l'identité de race des Gaulois et des Germains ; par M. le général Renard. Rapport de M. Roulez. «a La quatrième lettre de M. le général Renard ayait été provoquée par une note de notre savant confrère, M. Schayes, insérée dans les Bulletins de l’Académie; cette cinquième lettre, au contraire, est une réfutation d’un ( 59 ouvrage allemand qui nous est entièrement étranger. Mais M. Schayes l'avait mêlé, jusqu'à un certain point, à la dis- cussion ouverte devant nous, en déclarant qu’il renfer- mait la plupart des arguments que lui-même se proposait de présenter contre l'identité de race des Gaulois et des Germains. Cette considération permet à la classe, me semble-t-il, d'accueillir encore dans ses Bulletins cette lettre et celle qui doit la suivre, sans préjuger de la déci- sion qu'elle croirait devoir prendre, si l'honorable géné- ral, dont elle apprécie, du reste, les savantes et sagaces communications, lui adressait de nouvelles observations critiques sur d’autres ouvrages où son système est com- battu. Les savants qui nient l'identité de race des Germains et des Gaulois font valoir comme un des principaux argu- ments en faveur de leur opinion la grande ressemblance de ces derniers avec les Bretons. Ils trouvent les preuves historiques de cette ressemblance dans des textes de César et de Tacite, les mêmes précisément qu'invoquent les par- tisans de l'opinion contraire. La lettre que j'ai été chargé d'examiner est consacrée à la discussion de ces textes et de quelques autres d'une moindre importance. Si M. le général Renard ne réussit pas à rallier ses adversaires à sa cause, ce qui me paraît assez peu probable, tous du moins, je n'en doute pas, rendront justice à l'habileté et au savoir avec lesquels il l’a défendue. » \ / D'après ce rapport et l'opinion favorable du second commissaire, M. le baron de Gerlache, l’Académie or- donne l'impression de cette cinquième lettre de M. le gé- néral Renard, dans le recueil de ses Bulletins. O1 JC SÉRIE, TOME V. (54) M. le Ministre de l’intérieur avait demandé l'avis de la classe sur la publication d’un dictionnaire français-fla- mand et flamand-français, projetée par M. l'abbé Olinger. Les commissaires désignés étaient MM. Bormans, David et Nolet de Brauwere van Steeland. Les conclusions des rapports ont été favorables au travail de M. Olinger. I sera écrit dans ce sens à M. le Ministre de l’intérieur. nn COMMUNICATIONS ET LECTURES. De l'étude du latin; par M. Baguet , membre de l’Académie. Dans les lectures que j'ai eu l'honneur de faire à la classe, au sujet de l’enseignement, je me suis plus d’une fois occupé des moyens de rendre plus forte et plus sé- rieuse l'étude du latin. C’est, en effet, en ce qui concerne cette étude que la faiblesse des élèves est le plus généra- lement constatée, soit dans les concours des colléges, soit dans les examens publics dont le latin est l’objet. Et cependant, rien n’a été négligé pour faire com- prendre aux jeunes gens quels avantages leur offre la cul- ture des langues anciennes. Tout semble avoir été dit sur ce point. En outre, depuis quelques années surtout, diffé- rentes mesures propres à fortifier l’étude de la langue la- tine ont été proposées par le conseil de perfectionnement et introduites par l’État dans les établissements qu'il dirige. Divers exercices fort utiles, parmi lesquels nous citerons les explications ou lectures cursives et la répéli- tion, dans chaque classe, des textes appris dans les classes 4 ( 50 ) précédentes, ont été particulièrement recommandés (1). D'où vient done que des mesures qui paraissaient devoir être si eflicaces restent infructueuses , où, du moins, n'ont pas produit jusqu'ici, d'une manière assez sensible, l'amé- lioration qu'on s'en promettait ? Cela tient principalement, nous avons hâte de le dire, à une cause qu'à plusieurs reprises nous avons indiquée comme résultant d'une né- cessité de notre époque : c’est que la langue maternelle domine aujourd'hui tout l'enseignement, après avoir con- quis , par la force des choses, la place que le latin y occu- pait autrefois. Nous croyons ne pouvoir mieux faire ici que de rap- peler au souvenir de la classe ce qu'un de nos honorables confrères, M. Devaux, a dit à ce sujet. Après avoir si- gnalé le changement qui s'est opéré depuis vingt à trente ans dans l’enseignement moyen, il s’est demandé com- ment il serait possible de renforcer l'étude du latin. Il wy a, nous a-t-il dit (2), que deux moyens de rendre au latin le temps qu'on lui a enlevé. Le premier, c’est de faire rentrer l’enseignement des autres matières dans son ancienne insignifiance; le second, c’est d'étendre la durée générale des études moyennes. Or, notre honorable confrère n’a pas hésité à recon- naître que les besoins réels de la société ne permettent guère de songer à l'emploi du premier de ces moyens et que l'application du second froisserait des idées trop ré- pandues aujourd’hui sur la durée des études. Ne nous restera-t-il, après cela, qu'a déplorer l’affai- blissement des études latines, sans espoir de les voir se (1) Voir une circulaire ministérielle du 10 juillet 1855. (2) Voir les Bulletins de l’Académie, t. XX, 2%° part., p. 150. (56) relever ? Et nous contenterons-nous de répéter les plaintes de ceux qui regrettent, disent-ils, le temps où les enfants, dès l’âge de dix à onze ans, élaient déjà familiarisés avec l'usage du grec et du latin? Loin de nous un tel découra- gement! Sachons tenir compte des exigences et des besoins de l’époque à laquelle nous appartenons; mais, en même temps, tout en respectant la position que les langues mo- dernes ont prise, redoublons d'efforts, ne négligeons rien pour que les jeunes gens soient en état d'apprécier et de mettre à profit Les trésors que renferment les productions de l’antiquité. Examinons soigneusement si, outre les me- sures adoptées pour forüfier l’étude du latin, il n'existe pas quelque autre moyen dont l'emploi judicieux nous ferait espérer un résultat plus satisfaisant que celui que nous avons obtenu jusqu'ici. Cest celte pensée qui m'engage à parler d’un procédé d'enseignement dont l'expérience m'a démontré l'efficacité et qui consiste à faire prendre de bonne heure aux élèves l'habitude d'étudier le latin dans le latin même, et de se passer, en faisant cette étude, de l'intermédiaire de la langue maternelle. Je m'explique. Avant tout, 1l importe de jeter un coup d'œil sur la ma- nière dont nous apprenons naturellement , dès l'enfance, notre langue maternelle. La parole, dont le son vient frapper nos oreilles, n’a de valeur pour nous et n'offre un sens à notre esprit que quand nous connaissons la chose signifiée par la parole. Cette connaissance une fois acquise, le mot que nous entendons répéter nous rappelle instan- tanément l’objet dont il est destiné à représenter l'idée. De même la vue ou le souvenir de cet objet nous rap- pelle le mot qui sert à le désigner. Il s'établit ainsi, dans notre esprit, une relation tellement intime entre le o1 ) mot et la chose signifiée que l’un s'identitie avec l’autre. Il en est tout autrement, dans la suite, lorsque, possé- dant déjà une connaissance assez étendue de la langue maternelle, nous abordons l'étude du latin. Ce n'est plus d'une manière immédiate, à la vue d'un objet ou d’un fait, que nous apprenons la signification des termes latins, mais c'est à l’aide des termes correspondants que la langue ma- ternelle nous fournit. Rien de plus naturel, cependant, que ce mode de pro- céder ; il s'offre à nous de lui-même. Si, en effet, comme nous l'avons constaté, nous identifions, par la pensée, le mot avec l'idée dont il est le signe, le moyen le plus facile et le plus sûr d'apprendre et de retenir la signification d'un terme latin n'est-il pas de rattacher ce terme au mot de la langue maternelle qui y correspond le plus exacte- ment possible et qui nous est déjà familier? Cette marche si simple et si régulière semble, au premier abord, ne devoir entrainer aucun inconvénient et, certes, nous n’en aurions aucun à signaler, si la langue maternelle, le fran- çais, par exemple, était calqué sur le latin. Or, personne n'ignore combien ces deux langues diffèrent entre elles. Sans entrer ici dans les détails, bornons-nous à dire que tout y est différent sous le rapport de la phraséologie et du style. C'est cette différence essentielle qui fait que très-sou- vent des élèves, ayant déjà, semble-t-il, une certaine con- naissance du latin, montrent de l’hésitation devant la phrase la moins compliquée. La nécessité de prouver qu'ils comprennent, à livre ouvert, un passage qu'ils n'ont ja- mais vu les effraie : c’est pour eux un véritable épouvantail. Cela ne nous étonne point. Aussi longtemps qu’en lisant le latin ils songeront au français, c'est-à-dire qu'ils cher- (38) cheront à retrouver le français dans le latin, ils seront exposés à se voir arrêtés à chaque instant (1). De même, lorsque, dans un concours, on leur demande la composi- tion d’un discours latin , ils sont hors d'état de remplir cette tâche avec succès, s'ils ne trouvent sur-le-champ et directement l'expression latine qui convient à leur pensée. La même observation peut être faite, s’il s'agit d’un thème autre que ce qu’on appelle thème d'imitation. Quant aux versions, nous ferons seulement remarquer, en pas- sant, qu’une traduction littérale , considérée comme exer- cice, est un moyen de pénétrer dans le sens d’un texte latin, tandis qu'une traduction libre, ou, comme on dit, élégante, doit uniquement servir à prouver que nous sa- vons rendre convenablement dans notre langue ce que les Latins ont exprimé dans la leur. Que de fois n’arrive-t-il pas, en effet, pour nous borner ici à une seule particula- rilé, que nous ne pouvons reproduire exactement une pensée sans avoir recours à des idées toutes différentes de celles qui sont employées pour exprimer cette même pen- sée en latin ? D'un autre côté, s’il est vrai de dire que le beau litté- raire résulte principalement de la parfaite harmonie de la (1) Croirait-on que, plus d’une fois, des jeunes gens ont été embarrassés par cette phrase si simple de Cicéron (De Off, liv. II, c. 11) : Themistocles, post victoriam ejus belli, quod cum Persis fuit, dixæil in concione se ha- bere consilium reipublicae salutare, sed id sciri non opus esse. Sans faire attention que la langue latine n’a pas d'article, ces élèves voyaient dans habere consilium l’expression française avoir Le dessein et ne songeaient pas qu'on peut y voir également avoir uw dessein. Ils se trouvaient ainsi dans l'impossibilité d'achever la traduction du passage, le mot salutare devenant pour eux un verbe à l’infinitif, dont ils essayaient en vain de faire le complément de consilium. | Vire (39) pensée et de la forme sous laquelle elle est présentée, on peut aflirmer aussi que l'intelligence complète d'un texte latin ne s'acquiert qu'à la condition de saisir cette har- monie. Mais, pour atteindre à ce résultat, il faut avoir l'esprit libre de toute préoccupation ; il faut savoir le dé- gager de toute idée étrangère au génie de la langue à la- quelle appartient le texte que nous voulons comprendre; il faut enfin, ajouterons-nous, en empruntant le langage de notre ancien et regrettable ami, le professeur Tandel, que, nous dépouillant de nous-mêmes, nous sachions vivre de la vie du peuple dont nous étudions le caractère au moyen de sa langue, voir les choses comme il les voit, sentir l'exis- tence comme il la sent, comprendre ses affections, en un mot, que nous sachions étre lui pour un certain temps (1). Nous aimons d'autant plus à rapporter ces paroles qu’elles nous paraissent propres à expliquer ce qu'Aulu- Gelle (2) fait dire à Ennius, qu’il avait trois âmes, parce qu'il savait parler grec, osque et latin. Nous croyons en avoir dit assez pour conclure qu’on ne saurait trop recommander aux jeunes gens qui com- mencent l'étude du latin à l’aide de la langue maternelle de s'attacher surtout à constater les différences que pré- sentent les deux langues. Ils s’habitueront ainsi de bonne heure à retrouver la suite des pensées sous le désordre apparent que leur offre la phraséologie latine comparée à la phraséologie française, Et quand ils seront parvenus à connaître réellement la signification d’un grand nombre de mots latins, quand ils auront terminé ce qu’on nomme —————— ms —_ > - ———_—— mg (1) Syntaxe de la langue allemande, p. 9. (2) N. A. XVI. 17. Tria corda habere 8ese dicebat, quod loqui graeca et osce et latine sriret, (40 ) l'étude élémentaire, qu’ils se hâtent de rejeter l’intermé- diaire du français, qu'ils concentrent toute leur attention sur la phrase latine, qu’ils s'accoutument à la saisir dans son ensemble et à reconnaître, sans avoir besoin de chan- ser l’ordre des mots, quels rapports lient entre eux les divers éléments de la phrase. Voilà, si nous ne nous trompons, un moyen de suppléer efficacement à l’usage habituel du latin qui nous manque aujourd'hui, mais qui, autrefois, était prescrit aux élèves dès leur premier âge, alors qu’à peine sortis de l’enfance, ils étaient exercés à parler et à écrire en latin, sans recou- rir à l'intermédiaire de leur langue maternelle. Celle-ci, d’ailleurs, comme on sait, était en quelque sorte bannie de l’enseignement et la langue latine servait, à cette époque, d’unique base à l'instruction. Cinquième lettre sur l'identité de race des Gaulois et des Ger- mains, à Messieurs les membres de l’Académie royale de Belgique (classe des lettres); par M. le général Renard. 1. Considérations générales. — ( 2. Textes de César. — K 3. Interprétation de M. Brandes. — ( 4. Réfutation. 1° observation. — \ 5. 2% observation. — Ÿ 6. Textes de Strabon et de Diodore de Sicile. — \ 7. Des mariages bretons et gaulois, d'après Strabon et Diodore. — ( 8. Textes de Tacite. — ( 9. Objections tirées des Triades, — ( 10. Interprétation des textes de Tacite, — À 11. Des druides bretons. Discussion, — \ 12. Conclusion. MESSIEURS, Ainsi que j'ai eu l’honneur de vous l’annoncer dans ma lettre précédente, mon intention est d'analyser et de com- (#) battre devant vous les arguments présentés par M. le doc- teur Brandes, pour établir l'identité des bas Bretons et des Gaulois. J'entrerai de suite en matière. Le professeur de Leipzig divise son argumentation en deux parties. La première, intitulée : Sind die Briten Kelten ? est partagée en quatre chapitres. Elle contient 44 pages, et la discussion des textes que les écrivains anciens nous ont laissés. La seconde partie a pour but de prouver, d'après des témoignages tirés des chroniqueurs, ou bien au moyen de noms de localités et d'analogies de langage, que les bas Bretons sont des Celtes ou plutôt des Kimris, ce qui, pour l’auteur, est synonyme. Elle forme la sixième division de l'ouvrage et elle est intitulée : Die ethnogra- phischen Verhälinisse der Kelten in der Bretagne. Cette partie n’a que deux chapitres, ensemble de 21 pages , mais elle est suivie d'un long appendice de 144 pages, intitulé : Die keltischen Ueberreste in der Franzôsischen Sprache. L'examen de cette deuxième partie et de l’appendice feront l’objet de ma sixième lettre. Aujourd'hui je m'occu- perai seulement de la discussion des preuves que l’anti- quité nous a léguées. $ 1. — Considérations générales. — Les textes cités par M. Brandes sont en petit nombre. Ils sont extraits de César et de Tacite, de Strabon et de Diodore de Sicile. Ce sont exactement ceux-là mêmes que nous invoquons; car ce n'est pas un des incidents les moins curieux de cette con- troverse, que de voir les partis rivaux appeler à l’aide de leurs convictions opposées, les mêmes passages, je dirai les mêmes mots. Parmi toules ces citations, il n’est d’im- portantes que celles empruntées à César et à Tacite. Les autres n'ont qu'un intérêt secondaire, attendu que leurs auteurs, historiens grecs, n'avaient pu voir ce qu'ils écri- (42) vaient. Strabon et Diodore moururent sous Tibère, et ce n'est que sous l’empereur Claude, l’an 43 de notre ère, que la Bretagne fut sérieusement ouverte aux Romains et qu’on put se faire une idée assez nette de ce qui s’y pas- sait. Ils sont propres seulement à nous indiquer l’opinion qu'avait conçue le monde savant de leur époque, au sujet des peuples bretons, à la suite des deux expéditions in- complètes et infructueuses du vainqueur des Gaules. Quoi qu'il en soit, M. Brandes, dans le premier chapitre de sa première partie, rencontre les textes de César; dans le deuxième chapitre, ceux de Strabon et de Diodore, et dans le troisième chapitre, ceux de Tacite. Je suivrai la même marche. $ 2. —- Discussion des passages de César. — Les passages de César relatifs à la Bretagne forment les $$ 12 et 14 du chapitre cinquième de la guerre des Gaules. M. Brandes ne cite în exlenso que le $ 12 dont j'ai donné la tra- duction au commencement de ma première lettre (4). Quant au $ 14, il ne le copie pas en entier. Il se contente de le donner par fragments. A mon sens, c'est un tort qu’il faut réparer, car c’est autour de lui que gravite la controverse. Le voici : Ex his omnibus, longe sunt huma- nissimti, qui Cantium incolunt, quae regio est marilima omnis; neque multum a gallica differunt consuetudine. In- teriores plerique frumenta non serunt, sed lacte et carne vivunt, pellibusque sunt vestiti. Omnes vero se Britanni La (1) Pritanniae pars interior ab is incolitur, quos natos in insula ipsa memoria proditum dicunt. Maritima pars ab is, qui praedae ac bélli inferendi causa, ex Belgis transierant (qui omnes fere iis nominibus civitatum appellantur, quibus orti ex civilatibus eo pervenerunt), et bella illato thi permanserunt atque agros colere coeperunt, (B, G. V.12) Css ÉÈS . L (45) vitro inficiunt………. Uxores habent deni duodenique inter se communes , et maxime fratres cum fratribus , parentesque cum liberis ; sed, si qui sunt ex his nati, eorum habentur liberi , quo primum virgo quaeque deducta est. (B. G., V, 14.) Ces deux paragraphes de César sont le complément l’un de l'autre. Plus je les relis, plus je les trouve clairs, plus je trouve qu'ils ne laissent planer aucun doute sur la ques- tion. Dans le $ 12, César montre la Bretagne habitée par deux populations différentes : ceux de l'intérieur sont au- tochthones, ce sont donc les véritables Britanni; ceux de la partie qu'il nomme maritime (c'est le pays de Kent) (1) viennent de Belgique; ils ont conquis leur territoire à main armée; ce ne sont donc pas les véritables Britanni. Dans le $ 14, l'historien différencie ces populations; il indique leurs dissemblances. A cet effet, le passage est divisé en deux parties. La première est consacrée aux hommes de la conquête, aux étrangers du pays de Kent. Elle ne renferme qu’une phrase, car César se contente de dire qu'ils ressemblent aux Gaulois, dont il décrit ailleurs la physionomie, les mœurs et les usages, de ma- nière à ne pas avoir besoin d'y revenir (neque multum a gallica differunt consuetudine). Mais la seconde partie est tout entière consacrée à la population de l'intérieur (inte- riores), aux vrais Britanni, et ici, l'historien est naturel- lement amené à donner des détails de mœurs propres à faire juger du degré de civilisation de ceux qu'il considère comme les habitants primitifs de l'ile. + — —4 (1) Les conquérants belges habitaient le Cantium. César limite cette con- trée, au nord, par la Tamise. II dit (V. 11) en parlant des pays soumis à Cassivellaunus , chef des Bretons de l’intérieur : Cassivellauno, cujus fines a maritimis civitatibus flumen dividit. ( 44) Ïl m'avait toujours semblé qu'il suffisait de savoir lire pour rester convaincu que César séparait les Bretons des Gaulois, tandis que nos contradicteurs, de leur côté, puisent dans les mêmes passages, la preuve évidente que le général romain a voulu constater l’identité de race des Gaulois et des Bretons. Examinons donc de près leur in- terprétation. $ 5. — Voici l'argumentation de M. Brandes : « César, dit-il, n’a voulu signaler qu’un fait, c’est que les habitants de l’intérieur étaient arrivés en Bretagne dans les temps anté-historiques , tandis que la migration des Belges dans. les contrées maritimes était encore présente au souvenir des hommes. La différence de civilisation indiquée par César n’est donc pas le résultat d’une nationalité diffé- rente, mais elle provient de ce que ces deux rameaux ont été arrachés à la souche mère à des époques diverses. » (B. p. 25.) « A part cette nuance, les deux populations sont identiques. En effet, si César, au commencement du $ 14, distingue les anciens habitants des nouveaux, il s'empresse de les réunir tous dans les dernières phrases, Ainsi, omnes vero se Britanni vitro inficiunt et uxores habent deni duo- denique inter se communes... s'appliquent à tous les ha- bitants de la Bretagne et accusent pour tous des mœurs et des coutumes identiques. Par conséquent (ajoute M. Bran- des), il n'est pas possible de tirer des expressions de César la conséquence qu'il existàt aucune différence de nationalité entre les Belges et les Bretons de l’intérieur. » (P. 22.) $ 4. — Avec cette manière commode d'interpréter les textes, et celte liberté qu'on se donne d'extraire çà et là quelques lambeaux de phrases, pour les prendre dans leur acception absolue, 11 n’y à plus de eritique historique sé- (9) rieuse ; on peul leur faire dire tout ce que lon veut, D'après ce qui précède, on conçoit pourquoi M. Brandes n'a pas cité le $ 14 tout entier, car il n’eût pas été possible d'appliquer les mots omnes Britanni à tous les habitants de la Bretagne, mais seulement à ceux de l’intérieur. Cette phrase est le corollaire de celle qui précède. Le mot omnes élait devenu indispensable par suite de l'emploi du ple- rique. Ce qui le prouve, c'est la conjonction vero qui l’ac- compagne. {nteriores plerique frumenta non serunt : celle expression , en opposition avec le commencement de Ja phrase précédente (Ex his omnibus, longe sunt humanissimi qui Cantium incolunt), prend la signification de : « Quand aux hommes de l'intérieur, la plupart ne sèment point de céréales. » lei il y a restriction pour quelques peuplades; c'est pourquoi l’auteur est obligé d'ajouter, omnes vero se Britanni (mais tous les Bretons se teignent de pastel...) ; car 101 11 n’y a plus de restriction comme pour l’agricul- ture : la coutume est généralisée. Prenons un exemple. Supposons que, dans vingt siècles, une discussion s'élève sur un passage ainsi conçu, el écrit de nos jours par un des lettrés de l'Orient : « L'intérieur de l'Australie est habitée par des peu- plades que la tradition représente comme autochthones. La partie maritime est occupée par des peuplades que l’appât du butin a fait sortir de l’Angleterre. De tous ces hommes les plus civilisés sont ceux qui habitent les par- ties maritimes , et leurs mœurs diffèrent peu de celles des Bretons. La plupart (1) de ceux de l’intérieur ne sèment (1) Les indigènes de l'Australie n'avaient aucune notion d'agriculture lorsque les Européens abordérent sur leurs rivages. Mais depuis l’établisse- ment des Anglais, un commencement de civilisation a pénétré au sein de quel- ( 46 ) point de céréales. Mais tous les Australiens se teignent de couleurs brillantes, introduisent des cylindres de métal dans le cartilage des narines ; quand ils veulent prendre femme , ils commencent par rosser d'importance la jeune fille qu'ils convoitent, puis ils lenlèvent, etc. » Je de- mande si l’on peut craindre un seul instant que l’archéo- logue futur se trompe sur le sens de ce passage, et qu'il confonde dans la même race les Bretons et les Australiens, parce qu'il aura rencontré sur sa route la phrase mais tous les Australiens se teignent de couleurs tranchantes… ? Je dis que ce n’est pas admissible. $ 5. — Une semblable interprétation , déja insoutenable à priori, passerait à l'absurde dans le cas où il existât encore un seul livre parlant des mœurs anglaises au IX"° siècle. Évidemment la phrase mais tous les Australiens ne saurait être appliquée aux hommes venus de l'Angleterre, puis- que ceux-ci ne se barbouillent pas tout le corps de blanc, de rouge et de noir, qu'ils ne se fourrent pas des morceaux d'os dans le nez, et qu'ils ne font pas leurs déclarations d'amour à coups de gourdin. Cette argumentation sans réplique, Holizmann l opposé aux Celtistes, car elle est également applicable aux pas- sages de César. Que dit, en effet, le grand historien des mœurs des Bretons? « Qu'ils se peignent en bleu pour se donner un air terrible, qu'ils ont des épouses communes eee qe orme eme ques tribus : celles de la rivière Cow-Pasture habitent des villages et se livrent à la culture des terres. On peut donc dire, comme je l’ai fait dans mon récit supposé, Za PLUPART de ceux de nie — Les Belges avaient eu la même influence sur les Bretons. C’est ainsi que les Commentaires nous apprennent que déjà les Trinobautes étaient devenus agriculteurs : (V. 20) dé là le plerique de César. (47) entre dix ou douze, et que les enfants sont communs. » Or, il n’y a pas un mot, pas un seul mot dans ces phrases qui ne soit en contradiction manifeste avec les renseigne- ments que les contemporains, et César lui-même, nous ont laissés sur les mœurs gauloises. En effet, presque tous les historiens grecs et romains, et même les poëtes, nous ent transmis la physionomie des Celtes; ils nous disent que souvent , par défi, ils opposaient leur poitrine nue au glaive de leurs ennemis; tous, ils s'accordent pour signa- ler, non pas l'espèce de tatouage breton, mais la beauté, la propreté et la blancheur de la peau des guerriers bar- bares, et pas un seul ne fait soupçonner qu'ils barbouil- lassent leur corps de pastel (1). L’argument tiré des mariages bretons est plus concluant encore. Nos contradicteurs eux-mêmes proclament qu'il n'y eut jamais rien de semblable dans la Gaule (2). Le Gaulois n’avait qu’une femme, et si l’on découvre quelque trace de polygamie, c’est seulement parmi les nobles (3). Du reste, 1l n’y a aucune analogie entre la polygamie et la communauté des femmes. Pour sortir d’embarras, quelques Celtistes, Camden en (1) Voir les citations dans Holtzmann, pp. 56 et 60. (2) Voy. À. Thierry, Æist. des Gaul., IL. p. 64, et Schayes, La Belg. avant et pendant la dom. rom., 1, p. 79. (5) Le passage relatif à l'existence de la polygamie chez les classes éle- vées est assez vague. Il appartient à César : Quum pater familiae, illus- triori loco natus decessit … et de morte si res in suspicionem venil, de uæoribus in servilem modum quaestionem habent, VI, p. 19. Mais on peut rapprocher ce texte du passage positif de Tacite sur le même objet, et l'on verra que, sur ce point encore, il y a identité parfaite entre les Gaulois et les Germains. Nam prope soli barbarorum singulis uxoribus contenti sunt , exceptis admodum paucis , qui non libidine, sed ob nobilitatem, plurimis nupliis ambiuntur (G. 18.) (48) tête, ont tranché carrément la difficulté. César, disent-ils, s'est trompé. Comme plusieurs familles habitaient sous le même toit, 1l a nommé promiscuité ce qui n’était que cohabitation. À cela je réponds que César ne signale pas seul cette institution bretonne; Strabon (IV, 201) con- firme son assertion; Ermold Lenoir (D. B., t. VI, p. 52) et Guillaume de Poitiers (D. B., t. XI, p.88) disent la même chose pour l'antique Bretagne armoricaine : à la vérité, leurs paroles n’ont pas la netteté qui éloigne toute contro- verse. Mais il n’en est pas de même de Dion Cassius : cet auteur est tellement explicite que le doute n'est plus pos- sible. D'abord , en parlant des mœurs des Bretons en gé- néra!, il affirme qu'ils ont des femmes communes et qu'ils nourrissent tout ce qui vient d'elles (utuntur communibus uxoribus, et quisquis eis nascitur alunt, t. LXXVNT, $ 12). Le passage le plus important se rencontre dans le discours qu'il prête à la reine Boadicée, révoltée contre les Ro- mains. Elle commence ainsi la harangue qu'elle adresse à ses soldats. « O Adraste, je Vimplore, et femme J'invoque » une déesse. Je ne commande pas à des portefaix égyp- » tiens, comme Nitocris, ou à des marchands assyriens, » comme Sémiramis, Je marche à la tête des guerriers bre- » tons. Ceux-ci ne s'occupent ni d'agriculture ni d'in- » dustrie; leurs mains n’ont jamais manié que des armes, » et ils considèrent entre eux toutes choses comme com- » munes, même les enfants et les épouses » : (Qui cum celera omnia tum liberos el uxores communes inter se pu- tant, LXIT, $ 6.) Voilà bien, je pense, la coutume énoncée par César, élevée par Dion Cassius à la hauteur d'une institution nationale, M. Brandes, il faut le reconnaître, n’a pas été aussi loin que les disciples de Camden. Il n’a pas cherché à nier ce sil (49 ) qui n'était pas niable. Il glisse rapidement sur la difficulté, sans s'arrêter même à l'expliquer. Il risque un demi-aveu; mais, pour détourner l'attention, il cherche querelle à M. Holtzmann , et il lui reproche d'aller beaucoup trop loin, en affirmant, à son tour, qu'en Gaule tout reposait sur Ja famille dont la pureté, selon lui, était la base de toutes les relations. (Brand., p. 22.) Je ne sais ce que l’exagération de M. Holtzmann, si tant est qu'elle existe, a de commun avec la question qui nous occupe, mais Je constate que, de l'aveu même de M. Brandes, il n'est pas possible d’at- tribuer aux Gaulois les coutumes bretonnes indiquées par César. (So ist war anzunehmen dass eine solche Einrich- tung bei der Galliern sich nicht gefunden haben mag.) Dès lors, on peut lui demander comment il à pu appliquer aux Belges du Cantium l'expression de omnes vero Brilanni de César. Résumant cette discussion, je maintiens qu'on ne trouve pas dans César une seule phrase dont on puisse se servir pour soutenir l'identité de race des Bretons et des Gaulois. $ 6. — Textes de Strabon et de Diodore. — Je n'ai ja- mais attaché une grande importance aux textes de Strabon et de Diodore sur les Bretons; j'en ai dit plus haut la raison , et c'est elle qui m'avait déterminé à ne pas en faire mention dans ma première lettre. Je conçois que M. Brandes n’ait pas cru devoir conserver la même réserve, puisqu'il tenait à n’omettre aucun des textes, utiles ou non, qui se rapportaient à son sujet. Mais ce qu'on aura peine à comprendre, après avoir lu l’argu- mentation du professeur de Leipzig, c'est que ses adhé- rents persistent encore à compter ces géographes grecs parmi les partisans de l’identité de race des Gaulois et des Bretons. Strabon et Diodore proclament le contraire, 2° SÉRIE, TOME V. | 4 ( 20 ) ainsi que M. Holtzmann l’a prouvé avec la dernière évi- dence (pp. 54et 57). Pour ne pas abuser de l’indulgence de l’Académie, en fixant son attention sur des discussions d’où il ne peut rien sortir de positif, je me contenterai de citer les aveux échappés à M. Brandes. Ainsi, en ce qui concerne Dio- dore, 1l dénie, il est vrai, à M. Holtzmann, le droit de reven- diquer l'opinion de cet auteur en faveur de son système ; mails, à son tour, il est forcé de reconnaître qu'il n’est pas possible d’étayer sur elle le système contraire (nur so viel ist zuzugeben, dass man aus den Berichien des Diodoros eben nicht ersehen kann , ob er die Briten für Kelten gehalten habe, p. 26). En ce qui concerne Strabon, M. Brandes ne s'attache plus seulement à faire naître le doute, il est en- trainé à une véritable concession. « On doit convenir, » dit-il, que Strabon ne peut pas être produit comme » preuve du celticisme des Bretons. » (Man muss also zugeben, dass Strabon nicht als Zeuge fur das Keltenthum der Briten aufgestellt werden kann, p. 29.) Je n’ai pas besoin d'aller plus loin. Ces aveux de M. le D' Brandes prouvent que M. Schayes doit encore rayer les noms de Strabon et de Diodore de la liste des auteurs an- ciens qu'il invoque à l'appui de sa théorie. $ 7. — Dans ce chapitre, le professeur de Leipzig re- vient encore sur les mariages bretons, On sent que ce sujet le gêne; et, en effet, c’est une de ces preuves brutales contre lesquelles toutes les finesses de la critique ne sauraient mordre. Il s'efforce donc d’atténuer, au moyen des pas- sages tirés de Strabon et de Diodore, ce que l’argumenta- tion de M. Holizmann renferme de décisif, D'abord, il fait remarquer que M. Holtzmann ne saurait trouver dans Strabon la confirmation de ce que dit César (ô1 ) au sujet des mariages bretons. Je ne suis pas de cet avis (1); mais, cela fût-il, je dirai que M. Holtzmann n’a pas besoin de Strabon , lorsqu'il peut invoquer, en aide à César, les phrases si précises et si positives de Dion Cassius. De Strabon M. Brandes passe à Diodore, et il oppose son contradicteur l'étrange raisonnement que voici : M. Holtzmann met en parallèle la promiscuité signalée par César avec la pureté de la famille gauloise, et 1] déduit de cette opposition de mœurs la différence des races. Mais le professeur d'Heidelberg est mal venu de vanter les vertus gauloises en présence des turpitudes révélées par Diodore au $ 52 de son V”* livre : Quoique les femmes des Gaulois soient belles, dit le géographe grec, ils les négligent et se livrent de préférence a leur passion pour les hommes. Que devient devant cette assertion la sainteté des relations de la famille gauloise ? N’est-on pas autorisé, au contraire, à opposer à ces MŒUTS Ig- nobles la sévérité des mariages germains ? et puisque M. Holtzmann déduit la différence des races de la diffé- rence des mœurs, ne saute-t-1l pas aux yeux qu'il y à plus de distance entre les Gaulois et les Germains, qu'il persiste à confondre, qu'entre les Gaulois et les Bre- tons ? » (B. p. 51.) Ce raisonnement est complétement captieux. La question Ù VO v 9 Ù À Ù à v y Ov % Vv vw y y MA © (1) César, en parlant de la communauté des femmes dans la Bretagne, ajoute que cela avait lieu surtout entre les frères, les pères et les fils (e£ mazime fratres cum fratribus, parentesque cum liberis). Il est donc évident que lorsque Strabon s'exprime de la manière suivante, au sujet de ces mêmes mariages, il ne fait que signaler les conséquences rigoureuses de ces unions communes entre frères, pères et fils : {c palam concumbere non cum aliis modo mulieribus , sed etiam cum matribus et sororibus Ainsi, bien loin d’affaiblir César, Strabon le renforce et le confirme, (52) n’est pas de savoir si les Gaulois sont plus libertins que les Bretons ou les Germains, mais quelle est l'institution du mariage chez ces peuples. Or, il est prouvé que, dans la Gaule comme dans la Germanie, l’homme ne prenait qu'une femme, et que la polygamie ne se rencontrait que par ex- ception et chez les nobles. Sous ce rapport, les mœurs gauloises et germaniques sont identiques, tandis que, chez les Bretons, au moins pour les membres d’une même fa- mille, les femmes et les enfants sont communs. La ques- tion du Libertinage n’a que faire ici. Tous les peuples caré- tiens sont monogames, quoiqu'il se commette tous les jours, chez eux, des attentats contre les mœurs; d’un autre côté, pour être polygames, les musulmans n’en sont pas moins très-moraux, et il pouvait en être de même, à leur point de vue, des Bretons idolâtres. Quant au vice odieux qu'on évoque pour opposer les Gaulois aux Germains , M. Brandes est encore tombé dans une grave erreur, en persistant à tirer des conséquences d'une phrase isolée, sans rechercher si le sens n’en est pas modifié par celles qui précèdent. Ainsi, dans lé pas- sage en discussion, le vice de la pédérastie est aussi bien attribué par Diodore aux Germains qu'aux Gaulois. Pour lui, il n’y a pas de Germains, il n’y a que des Gaulois, habitant les deux rives du Rhin et s'étendant au nord jusqu'aux limites de la Scythie. Par leur mélange avec les Grecs, dit-il, ils ont recu le nom de Gallo-Grecs. C'est même après avoir parlé plus spécialement de ces der- niers qu'il écrit sa phrase : Feminas licet elegantes habeant, minimum tamen ilorum consuetudine afjiciuntur; quin polius nefariis masculorum stupris insaniunt (v. 52) Tout prouve donc que ce passage s'applique aux Galates de l’Asie Mineure; et, dans tous les cas, on peut tout aussi (55) bien l'attribuer aux Germains qu'aux Gaulois. Le pas- sage de César n'est donc pas affaibli, et, en le discutant, M. Brandes en a fait sentir davantage encore la force et la portée. S 8. — Textes de Tacite. — Tacile, par ses relations et l'autorité de ses écrits, est l'historien dont l'opinion a le plus de poids dans la question qui nous occupe. Il n’est donc pas étrange que les deux partis cherchent à le classer parmi les adhérents de leur système : à ce sujet, les efforts ont été grands et soutenus, et J'exposerai 1c1 les raisons qui me portent à le revendiquer, en regard de celles que M. Brandes a développées dans le chap. IT de son livre [*. Deux passages prêtent à la discussion. Le premier est tiré d’Agricola, chap. 11; le second du livre XIV, des An- nales, chap. 50. A cause de leur importance, je suis forcé de les citer en entier, voici le premier : Ceterum Britan- niam qui mortales initio coluerint, indigenae an advecti, ut inter barbaros parum compertum. Habitus corporum varü : atque ex eo argumenta. Nam rutilae Caledoniam habitan- tium comae, magni arlus (rermanicam originem asseverant. Silurum colorati vultus et torti plerumque crines et positu contra Hispaniam , Iberos veteres trajecisse, easque sedes oc- cupasse fidem faciunt. Proximi Gallis et similes sunt; seu durante originis vi, seu procurrentibus in diversa terris, posilio coeli corporibus habitum dedit. In universum tamen aestimanti, Gallos vicinum locum occupasse credibile est : eorum sacradeprehendas, superstitionum persuasione ; sermo haud mullum diversus; in deposcendis periculis eadem au- dacia, et, ubi advenere, in detrectandis eadem formido. Plus tamen ferociae Britanni praeferunt, ut quos nondum longa pax emollierit. Nam Gallos quoque in bellis floruisse accepimus ; mox segnilia cum olio intravit, omissa virtule (54) pariter ac libertate, quod Britannorum olim victis ebenit : ceteri manent quales Gulli fuerunt. Ce passage rapproché de celui de César, que Tacite de- vait avoir sous les yeux en écrivant, constilue à mes yeux la preuve la plus incontestable, la plus décisive de la non- identité des Gaulois et des Bretons. Jamais question his- torique ne m'avait paru résolue plus complétement, plus radicalement. Ainsi, César avait rencontré, dans le midi de l’île de Bretagne, deux populations bien différentes. L'une, habitant le pays de Kent, sortait de la Belgique, et elle avait introduit dans cette partie de l'île l’agriculture et la civilisation de la Gaule; l’autre était représentée comme autochthone et voisine encore de la barbarie ; ces deux populations différaient entre elles par des coutumes et des mœurs qui révélaient des races différentes. Tacite arrive, el il confirme et renforce le système de son illustre pré- décesseur tout en le discutant. Il veut, en ce qui concerne les origines, qu’on S'en rapporte moins à la tradition qu’à la physionomie des diverses parties de la population de la Bretagne. À ce point de vue, il croit pouvoir contredire César en ce qu’il dit des peuplades qui habitent l’intérieur, et auxquelles il donne le nom de Silures, comme plus tard Dion Cassius leur donna celui de Maeates (1). Quant à ceux- là, Tacite nie qu'ils soient autochthones; leur aspect, leur teint coloré et leurs cheveux crépus prouvent qu’ils ont passé la mer et qu'ils viennent de l'Espagne; ce sont des Ibères : Iberos veteres trajecisse, easque sedes occupasse FIDEM FACIUNT. Voilà qui est clair et non sujet à contro- ——— (1) Ceterum Britannorum duae sunt nationes amplissimae, Cale- donii et Maeatae : nam ceterum nomina ad hoc fere referuntur. (LXX VI. 12.) (55 ) verse. Quant aux tribus du pays de Kent, Tacite dit, comme César, qu'ils ressemblent aux Gaulois; mais il n’est pas aussi positif que lui sur leur origine ({); néanmoins, à bien considérer les choses, il croit pouvoir aussi admettre que les Gaulois sont venus occuper ce sol voisin du leur, el qu'ils y ont transplanté leurs coutumes et leurs mœurs : In universum tamen aestimanti, Gallos vicinum solum oc- cupasse credibile est. Voilà donc la question des races résolue aussi aflirmativement qu'il est possible de résoudre une question : les uns sont des Ibères, les autres sont des Gaulois, races différentes d'aspect, de teint, de mœurs et de langage, et qu'aucun auteur ancien n'a jamais confon- dues. Et voilà pourtant ce que nos contradicteurs viennent nier, en invoquant Tacite lui-même? Il est curieux de voir de quelle manière ils manœuvrent pour faire surgir leur système de ces textes irréfutables. $ 9. — M. Brandes s'attache d’abord à prouver que la diversité de races indiquée par César et Tacite, n’existe pas, et à cet effet, aux opinions contemporaines de ces deux grands hommes, il oppose les Triades (Brand., p. 35 et suiv.). Î] fait remarquer que, suivant ce poëme, les trois tribus qui se partagèrent la Bretagne, à savoir : les Cymrys, les Lloegrwys et les Brythons, étaient toutes de la race pri- mitive des Cambriens ét parlaient toutes la même langue; (1) Je ferai remarquer qu'en ceci César est plus croyable que Tacite, et son opinion doit prévaloir. Le général romain pouvait d'autant moins se tromper qu'il sortait de la Belgique lorsqu'il fit sa descente chez les Belges d'Angleterre; que, durant toute son expédition, il fut constamment entouré par des chefs belges avec lesquels ce pays n'avait jamais cessé d’être en rela- tions, et dont ils reconnaïssaient même la suprématie (C IV, 21). Au temps de Tacite, la partie gauloise de l’ile était réduite en province romaine, et avait déjà perdu en grande partie son aspect national. (4gric, 14.) ( 26 ) d’où il conclut que la Bretagne ne renfermait qu'une seule race d'hommes, et que la conséquence que nous avons la prétention de tirer des textes latins est fausse. Ainsi, les élucubrations d'un barde gallois du TX°° siècle, basées sur des traditions nationales mutilées et défigurées par le temps, et qui, à cause de leur forme même, ne devaient être accueillies qu'avec la plus extrême réserve, sont pré- férées à deux témoins illustres et bien informés. Et pour- tant, la citation que M. Brandes fait de ces annales porte encore à faux, et j'y retrouve, au contraire, la confirmation de la théorie que je défends (1), attendu que, sous Île rap- (1) Il suffit d’avoir sous les yeux un extrait des Triades pour juger en quoi pèche le raisonnement de M. Brandes. J’emprunterai la traduction de Probest. Tr. IV. Hu le Puissant fut le premier qui amena la nation dans l'ile de Bretagne; el ils vinrent de la contrée de l’Été, qui est appelée Deffrobani, c’est-à-dire Constantinople; ils vinrent par Tamerhazy dans l’île de Bretagne et dans l’Armorique, où ils se fixèrent. Tr. V. Voici les trois tribus sociables de l’ile de Bretagne. — La première fut la tribu des Cymrys, qui vint dans l'ile avec Hu le Puissant, parce qu'ils ne voulaient pas posséder un pays par combat et conquête, mais par justice et tranquillité. La seconde fut la tribu des Lloegrwys, qui venaient de la Gascogne (Gwasgwyn); ils descendaient de la race primitive des Cymrys. Les troisièmes furent les Brythons, qui étaient descendus de la tribu primitive de Cymrys. Ces tribus étaient appelées les pacifiques tribus, parce qu’elles vinrent d’un accord mutuel, et ces tribus avaient toutes les mêmes mœurs et la même langue. Tr. VI. Les trois tribus réfugiées sont les Calédoniens (Péktes ou Goths), les Irlandaï$ (Scotts), le peuple de Galédin (Pelges (Dis. Celtica, HI, 144); P. Roberts, Skelsch, p. 82; Thierry, Æist. de la C., I, p. 6). ZI fut stipulé qu’ils n'auraient le rang de Cymrys qu’à la neuvième génération. Les Gaulois ou le peuple de Galédin abordèrent, d'abord dans l'ile de Wight, dans des vaisseaux nus. Ils étaient chassés de leur pays, disent les Triades, par les inondations. C’est pourquoi Dieffenbach, Roberts et Thierry croient pouvoir les faire sortir de la Flandre. Cette migration du peuple de Galédin ne peut être confondue avec celle des Jutes et des Saxons, attendu que la Triade XIVe fait mention de celle- (51) port des origines, les Triades semblent copiées sur Tacite. Il suflit de les lire pour ea être convaincu. Les Gaulois ou les Belges de l'Angleterre n'appartiennent à aucune des tribus des Cymrys, des Lloegrwys ou des Brythons; ces derniers peuples formaient la population que César appelait autochthone, que Tacite fait venir de lIbérie et que les Triades tirent du même pays, et primitivementdes contrées de l'Été. Seulement, suivant les Triades, les Gaulois du pays de Kent ne constituent pas une émigration conqué- rante, comme l'avance César, mais un établissement formé avec le consentement et la permission des premiers habi- tants (1), ce qui rentre dans l'opinion de Tacite, lequel considère comme probable la translation de Gaulois sur la rive opposée, mais sans parler ni de guerre, ni de re- foulement de la population. Et, en eflet, il est évident que les Belges n'auraient pu se maintenir en possession de leurs terres, en présence des Bretons, tout aussi braves et beaucoup plus nombreux; mais, comme c’est d'eux que César tirait des renseignements, ils se.seront sans doute vantés d'avoir conquis, par la force des armes, le terrain que leur avaient cédé les habitants primitifs de l'île. Les Triades appellent la population du sud-est de l'Angleterre le peuple de Galédin, et ce peuple n’était pas de la même ci. D'ailleurs, il est une preuve matérielle de la véracité de Tacite et de César, lorsqu'ils avancent que les Gaulois qui peuplèrent ces contrées sortaient de la côte voisine et non pas des contrées du Midi ou de l’Aquitaine, ce sont les noms de tribus et de localités qu’on y retrouve et qui sont les mêmes des deux côtés du détroit. (2) La traduction anglaise des Triades dit, au sujet des trois peuplades ré- fugiées : 3 tribes came , under protection, into F. Pr. (Insel Prydain), and by consent and permission of the cenedll y Cymry (la race des Cymrys), without weapon, without assault. . ( 58 ) race que les trois tribus primitives, car on ne le considéra comme Cymrys qu’à la neuvième génération. Du reste, nous avons une preuve sans réplique de la véracité des assertions de César et de Tacite, lorsqu'ils affirment que les habitants du pays de Kent sortaient du nord de la Gaule, et non pas des contrées de l’Été et de l’Aquitaine, comme les Cymrys, les Lloegrwys et les Bry- thons. César dit que l’on retrouve des deux côtés du détroit les mêmes noms de localités : en effet, on connaît, en Angleterre, dans les temps antiques, des Atrébates, des Bellovaques, des Ambianes, des Parisis, et des noms de localités nombreuses qui n’ont d’analogues que dans nos pays (1). Au lieu de trouver, dans les Triades, la preuve de l'identité de race de tous les habitants de l'Angleterre, nous y trouvons donc la confirmation qu'avant l'invasion de César, il y existait des races diverses : le fond de la po- pulation était composé des trois grandes tribus cymryques venues du Midi; parmi les étrangers on comptait les Calé- doniens au nord, et le peuple de Galédin ou les Gallo- Belges au sud-est : c'est Le système de Tacite. $ 10. — Après avoir exploré les Triades, le professeur de Leipzig se rejette sur l’interprétation du texte lui-même. Comme il l’a fait pour César; il tire des conclusions de quelques phrases isolées, de sorte que son argumentation est lout aussi chancelante, attendu que le sens absolu qu'il leur prête n'est pas en rapport avec la signilication, générale du passage. Voici littéralement le raisonnement de M. Brandes : « Malgré des différences corporelles exté- » rieures, Tacite est entraîné par des raisons plus puis- (1) Pellositum, Camalodunum, Durocornovium, Durolitum, Epocessa, Helenis, Leuca, Manna, Menapia, Moricambe, Nemeton, Tavidum, ete. (99 ) santes à attribuer à tous les Bretons une origine gau- loise. Comme le commencement de la phrase : 1n universum tamen aestimanti forme une antithèse aux mots proæimi Gallis qui les précède , il est évident que ce commencement de phrase s'applique à tous les Bre- tons. Cela devient tout à fait hors de doute, lorsque plus tard l'historien ajoute : plus tamen ferociae Bri- tanni praeferunt, et ceteri (Britanni) manent quales Galli fuerunt. Le sens du passage entier de Tacite est en quelque sorte le suivant : Bien que des signes de dif- férence extérieure militent en faveur de la différence de race des divers rameaux bretons, il est cependant plus vraisemblable que les Gaulois ont occupé la Bretagne, que, par conséquent, les Bretons sont de race gauloise. Tacite déduit cela de la conformité de religion, de la grande analogie de langage, du courage audacieux et non persévérant qui caractérise les deux peuples. » (Brand., p. 40.) Ce raisonnement est d’un bout à l’autre un véritable contre-sens. La phrase in universum tamen aestimanti ne s'applique pas à tous les Bretons en général, mais aux Bretons de la côte dont il est seul question en ce moment. Si cela n’était pas, Tacite commettrait, à quelques lignes de distance, la plus impardonnable des contradictions. En effet, que vient-il de dire des Silures? [1 n'exprime à leur égard n1 doute ni indécision ; ilécrit affirmativement que les caractères de leur physionomie prouvent que les Ibères ont passé la mer pour s'établir sur ces rivages (/fidem faciunt). 11 ne faut pas perdre vue que la question que Tacite cherche à résoudre est celle de savoir si les habitants de l’île sont indigènes ou étrangers (indigenae an advecti?). Quant aux Silures, il ne doute pas qu'ils ne soient sortis du pays des EVE M LE EN ( 60 ) fbères. Mais quand il arrive à la côte sud-est, l'historien doute, parce que sur les deux rives il trouve des hommes qui se ressemblent (proximi Gallis et similes sunt). Il de- mande si ce n’est pas là le type originaire de ces contrées, et si le même climat n’a pas produit la même conforma- tion. Mais, en examinant toutes les données dans leur en- semble (in universum tamen aeslimanti), il est amené à croire que ces habitants du pays de Kent ont aussi passé la mer pour occuper la côte voisine de leur patrie primi- tive. La preuve que toute cette phrase n’a rapport qu'aux proximi Gallis et similes sunt, c’est l'expression de vicinum solum, qu'il serait absurde d'appliquer à la Bretagne en- ère, puisque, dans Ja phrase précédente, l’auteur dit, en parlant du pays de Silures, et positu contra Hispaniam. Le in universum tamen aestimanti est la conséquence du seu répélé qui le précède. : Mais la contradiction prend un caractère contraire au bon sens, si l'on songe que les Romains ont toujours con- sidéré les Ibères et les Gaulois comme appartenant à deux races différentes ; les premiers font partie des hommes bruns dont les rameaux ont peuplé le midi de l'Europe, les autres de la race blonde dont les types se retrouvent dans la Scandinavie, la Germanie et le nord de la Gaule. Supposer done que Tacite, alors qu'il a avancé qu'une partie des habitants de la Bretagne ressemblent aux Ibères, tandis que les autres ressemblent aux Gaulois, viendrait immédiatement après insinuer qu'ils sont de même race, c'est faire injure à l'illustre historien (1). (1) La similitude des Silures et des Ibères affirmée par Tacite est décisive pour la solution de la question. M. Brandes ne pouvait la passer sous silence, et il s'en tire de la maniere la plus commode du monde. « 11 ne faut pas du ( 64 ) Quant à l'expression, ceteri (Britanni) manent quales Galli fuerunt. Je ne sais vraiment si je dois m'y arrêter. Isolée, elle peut produire quelque effet, mais cet effet s’éva- nouit dès qu'on lit la phrase entière. Tacite, comparant les habitants de l'ile de Bretagne aux Gaulois, dit que les premiers sont plus courageux que les derniers, parce qu'ils n'ont pas été amollis par une longue paix. Mais 11 ajoute tout aussitôt que les Gaulois ont aussi Joui d'une grande réputation de valeur avant d’avoir été énervés par le repos et l’esclavage, ce qui est arrivé, du reste, également aux Bretons soumis aux Romains, quod Britannorum olim victis evenit. Quant aux autres Bretons (ceteri), c'est-à-dire aux Bretons non soumis, ils sont restés tels qu'avaient été jadis les Gaulois. Il ne s’agit donc point le moins du monde de ressemblance n1 d'identité de race, mais seulement d’une question de courage (1). » tout tenir compte, dit-il, de cette circonstance, car la coloration de la » face et le crollement des cheveux sont un effet de la civilisation de chaque » peuple, et ne peuvent servir avec certitude pour en déduire une différence » d'origine, » (Br., p. 59.) Il ne s’agit pas seulement de coloration de teint et de cheveux plus ou moins frisés . Tacite ajoute : Zberos veteres trajecisse, easque sedes occupasse fidem faciunt ; il s'agit donc bien d’Ibères, d'hommes qui ont le teint et les cheveux identiques à ceux des Ibères; or, la civilisation est impuissante à faire d’un homme de la race blonde, un homme de la race brune. Je ne m'amuserai pas à combattre une pareiïlle contre-vérité. Sous des climats brülants et au moyen d’une vie plus intense, les cheveux bruniront, le teint se hâlera, mais un Gaulois blond ne deviendra jamais un Ibère à che- veux noirs, pas plus qu'un Hollandais ne deviendra cafre, l'Anglais hindou, le Lapon scandinave, et l’Anglo-Saxon un Gallois ou un Scott, quoique, de- puis des siècles, la plupart de ces hommes vivent de la même vie, et sous le même climat (voir à ce sujet les diverses Votes sur les races humaines, par M. d'Omalius d'Halloy). (1) C’est la même idée de César développée, 2. G., VI, 19. 4c fuit anteu tempus , elc. (62) $ 11. — Mais arrivons à l’argument principal de nos contradicteurs, à leur grand cheval de bataille. Il résulte, disent-ils, des textes des écrivains latins qu'il existait des druides parmi les Bretons, donc il y avait identité de reli- gion entre les Bretons et les Gaulois, donc les Bretons et les Gaulois étaient de la même race. M. Brandes cite trois textes à l’appui de son argumen- tation ; le premier est de César, le second de Pline, et le troisième de Tacite. Le texte de César est très-connu : Disciplina in Britannia reperta atque inde in Galliam translata esse existimatur ; et nunc qui diligentius eam rem cognoscere volunt, plerum- que illo discendi causa proficiscuntur. Il y avait des Gaulois dans les pays de Kent, le druidisme pouvait done régner en ce lieu sans embrasser l’île entière; en conséquence, le texte de César ne prouve en aucune manière que les Bre- tons proprement dits connussent le druidisme et possé- dassent des prêtres nommés druides à la tête de leur culte (4). Le passage de Pline n’a aucun rapport avec le sujet, et M. Brandes ne l’a pas compris (2). Il reste donc le seul (1) La supériorité du druidisme des Gaulois de la Bretagne sur celui de la Gaule, sous le rapport de la discipline et de la pureté du dogme, n’a rien qui doive étonner. IL est avéré que, dans la Gaule, les colonies grecques et phéni- ciennes eurent une grande influence sur la religion primitive des Celtes et en altérèrent le dogme. Les Gaulois de la Bretagne étaient éloignés de ces in- fluences, et ils devaient, par conséquent, conserver, dans leur pureté native, les traditions de leurs pères. Il est bon de ne pas perdre de vue que les Bretons de l'Ouest était dans un état de civilisation relativement très-inférieur aux hommes du pays de Kent. (£x his omnibus, longe sunt humanissimi, qui Cantium incolunt, V. 14.) (2) Cette expression est dure peut-être, mais elle est méritée. Voici le pas- sage de Pline : Cor. Lentulo, P. Licinio Crasso Coss. senatus consultum (65 ) texte de Tacite. Ainsi que M. Holtzmann le fait remarquer, c'est donc sur le mot druidae, trouvé incidemment dans un passage unique des éerivains anciens, que l’on à bâti la théorie du druidisme breton. Voici comment s'exprime Tacite : Stabat pro litore diversa acies densa armis virisque, intercursantibus feminis in modum Furiarum, quae veste ferali, crinibus dejectis, faces praeferebant. Druidaeque cir- factum est, ne homo immolaretur : palamque fuit in tempus illud sacri prodigiosi celebratio. Gallias utique possedit , et quidem ad nostram me- moriam. Namque Tiberii Caesaris principatus sustulit druidas eorum , et hoc genus vatum medicorumque. Sed quid ego haec commemorem in arte Oceanum quoque transgressa et ad naturae inane pervecta? Bri- tannia hodie eam attonite celebrat tantis caeremoniis, ut dedisse Persis videri possit. (XXX, 5.) Voici maintenant comment M. Brandes interprète ce texte si clair, surtout lorsqu'on tient compte du restant du chapitre : « Pline » atteste ici, dit-il, que le druidisme a été perfectionné et pratiqué en Bre- » tagne avec de telles cérémonies qu’on pourrait être enclin à considérer » cette ile comme le berceau de cette superstition. » Or, il n’y a pas un mot de cela dans Pline, il n’est point un instant question du druidisme dans la Bre- tagne. Il est bon d'observer que, dans ce chapitre, Pline traite de la magie: il la signale chez tous les peuples, chez les Perses, chez les Grecs, les Phéni- ciens et, enfin, les Romains. Partout cet art fatal avait introduit les sacrifices humains; ils se firent publiquement à Rome jusqu’à l'an 657 de sa fonda- tion, ce n’est que sous le consulat de Lentulus et de Licinius Crassus qu’un décret du sénat vint enfin les abolir. Pline continue alors : « La Gaule a » possédé aussi la célébration de ces sacrifices, et ils ont duré jusqu’à nos » jours. Car César Tibère chassa leurs druides et cette espèce de devins et de » médecins. Mais pourquoi ferai-je mention de cette mesure alors qu'il s’agit » d’un art qui a passé l'Océan et s’est étendu jusqu'aux extrémités de la » terre. La Bretagne aujourd’hui célèbre cet art avec tant d'appareil qu’elle » semblerait l’avoir donné aux Perses. » Ainsi donc, il n’est pas le moins du monde question du druidisme dans l'ile de Bretagne, il s’agit seulement d'art magique et de sacrifices humains; l'interprétation de M. Brandes est donc erronée de tous points, et il aurait dû, à cet égard, citer la dernière phrase du passage de Pline qui le prouve : {deo ista toto munñdo consuescere, quan- quam discordi et sibi ignoto. (64) cum preces diras sublatis ad coelum manibus fundentes novitate adspeclus perculere milites, ut, quasi haerentibus membris immobile corpus vulneribus praeberent..…. Praesi- dium posthac impositum victis excisique l'uci saevis supersti- tionibus sacri, nam cruore captivo adolere aras et hominum fibris consulere deos fas habebant. (Ann. XIV, c. 30.) On sait qu'il s’agit de la prise de l’île de Mona ou d’Anglesey par les Romains. Le passage constate qu’il y avait des druides dans l’île de Mona et rien de plus. | M. Holtzmann n'accepte pas comme correcte l’interpré- tation du texte précédent. Persuadé que, si le druidisme eût été la religion des Bretons, on en eût trouvé d’autres traces qu'un mot isolé, il considère la citation comme altérée, et il la rétablit de la manière suivante : Stabat pro htore diversa acies, densa armis virisque, intercursantibus feminis, in modum Furiarum veste ferali, crinibus dejectis; facies praeferebant Druidarum, preces diras sublatis..….… (Holtz., p. 74.) Je laisse cette conjecture à l'appréciation des savants. Quant à moi, j’adopterai la version de M. Brandes. Telle qu'elle est, elle me suffit pour démontrer l'inanité des conclusions qu'il en tire. | L’argument fondé sur la présence de druides chez les Bretons ne m'a jamais paru sérieux, et cela pour trois ralSONS que VOICI : 1" raison. — M. Brandes soutient que la présence de druides dans l’île de Mona prouve que les Bretons et les Gaulois avaient le même culte, et que, par conséquent, 1ls étaient de même race. La conséquence est fausse. L'identité de religion est l'indice le plus trompeur que l’on puisse invoquer dans une discussion d'identité de race. Le chris- anisme s’est étendu sur toutes les parties du monde, est-ce que pour cela tous les peuples qui le professent sont ( 65 ) de même race? Le mahométisme règne en Asie, en Europe, en Afrique, est-ce que les Hindous , les Arabes, les Nègres et les hommes de race blanche, qui jurent par le prophète, sont pour cela des races identiques? Dans l’antiquité, le prosélytisme était tout aussi ardent que de nos jours; la plupart des dieux et des demi-dieux étaient des guerriers- prophètes, comme Mahomet; Rome avait fait de son culte un instrument politique. Les colonies phéniciennes et égyptiennes, partout où elles s’établissaient, étendaient tout aussitôt leurs idées religieuses ; changeaient-elles pour cela la nature des con- vertis ? Tacite nous signale le culte d’Isis chez les Suèves ; les Suèves étaient-ils de même race que les Égyptiens? Les rapprochements de culte n’ont donc aucune signi- fication. [ls n’en auraient que si on nous montrait chez les Bretons et chez les Gaulois des mœurs et un caratère de physionomie identiques; car ce serait une présomption de plus ajoutée à d’autres preuves; mais César nous en- seigne que les mœurs ne se ressemblent pas, et que le caractère de physionomie accuse des races diverses. 2€ raison. — On ne devrait pas être étonné de trouver le druidisme chez les Bretons. Dans l'antiquité, presque toujours les peuples plus civilisés ont eu, sous le rapport du prosélytisme, une très-grande influence sur ceux qui . l'étaient moins. Les Gaulois descendus et fixés en Angle- terre étaient relativement très-civilisés, quand on les com- pare aux habitants de l’île, tels que tous les auteurs, César, Tacite aussi bien que Strabon et Dion Cassius nous les dépeignent. Ils avaient apporté avec eux des arts et des mœurs bien supérieurs à ceux des Bretons, encore plongés dans la barbarie. C’est chez les Gaulois que ces derniers allèrent puiser leurs éléments de progrès, ainsi que Tacite 2me SÉRIE, TOME V. D ( 66 ) l’atteste (1); pourquoi dès lors n’en auraient-ils pas reçu également le druidisme? L'existence du druidisme chez les Bretons insulaires n'aurait donc rien d’étrange; mais je n’ai pas besoin de ce moyen dilatoire pour soutenir ma cause. Je soutiens que le druidisme n'existait pas dans l’est de l'Angleterre, ni en Écosse, ni en Irlande. Jamais ces pays n’ont été complétement subjugués par les Romains, ni par les Anglo-Saxons, comme le furent la Gaule druidique et le pays de Kent, dont la nationalité disparut complétement sous des maitres étrangers. Celte race rude et tenace a su conserver à travers les temps son caractère originel, et, à l’époque où le christianisme est venu combattre les superstitions de ses pères, celles-ci n'étaient pas complétement effacées, et les écrivains reli- gieux du moyen âge ont pu nous en transmettre des dé- bris. En les fouillant, Davies nous a montré à l'évidence, dans les traditions religieuses galloises, une théogonie compliquée dont le mysticisme est en opposition complète avec la religion simple et spiritualiste des druides. César (IV, 14), P. Mela (IT, 2), Valère Maxime (IT, 9) nous ont donné la substance du druidisme, dont Ammien Marcellin fait un si grand éloge, en disant qu'il avait été inspiré par Pythagore (ut auctoritas Pythagorae de- crevit, XV, 9). Or, en Irlande, comme dans le pays de Galles et en Écosse, on se trouve en présence de supersti- tions grossières qui rappellent le fétichisme de l'Orient. En Irlande règne le culte des Cabires de la Samothrace (Pictet, du Culle des Cabires), ce que Strabon avait lui- ee (1) /ngenia Britannorum studiis Gallorum anteferre. (Agr. 21.) (67) même indiqué (IV, 157); chez les Cambriens, nous trouvons la fable du Castor noir perçant la digue du lac mystique pour produire le déluge, l'avalement du petit Gwion par la sorcière Koridwen , et le sauvetage miraculeux de Ta- liessin. Ces traditions nous ont conservé les noms des prêtres de ce culte, et ils ne s'appellent point druides ; les chefs sont nommés Coif, et les autres Cowydd (Beda, I, 15; Davies, Myth., 276). Il n'y a qu'une conséquence pos- sible à tirer de ces faits, c'est que la religion des Bretons de l'Ouest n'avait pas la moindre analogie avec le drui- disme : mais les Celtistes en ont jugé autrement; ils ont préféré mélanger les deux cultes, malgré des anomalies choquantes, et ils ont fait de la religion des Gaulois quel- que chose de monstrueux. Est-ce à dire, maintenant, que Tacite s’est trompé, qu'il n'y avait pas de druides dans l’île de Mona? Non certes, et je dis plus; je dis que les Romains devaient les y trouver. Voici pourquoi. 3% raison. — Lorsque Paullinus Suetonius attaqua l'île de Mona, en l’an 61 de notre ère, il y avait dix-huit ans seulement que les Romains avaient mis le pied sur le sol de la Bretagne, pour ne plus le quitter qu'a la chute de l'Empire. Depuis les tentatives avortées de César jus- qu'en l’an 45, et sous le règne de l’empereur Claude, l’île avait conservé sa complète indépendance, la plus en- tière sécurité pour les institutions et le culte qui y étaient établis. Pendant ce temps, au contraire, la Gaule passait sous le joug et sous le niveau romains, et le druidisme, comme l'institution nationale la plus vivace, avait élé per- sécuté. Auguste commença par défendre la pratique de ce culte aux ciloyens romains; de sorte que, de son temps, il se trouva relégué chez les peuplades qui n'avaient pas ( 68 ) le droit de cité (druidarum religionem tantum civibus sub Augusto interdictam. Suéton, CI. 25) ; Tibère avait comblé la mesure, et 1l poursuivit le druidisme dans toute la Gaule. (Gallias..…. Tiberis Caesaris principatus sustulil. Druidas eorum. Pline, XXX. 1.) Le seul refuge qui restàt aux prêtres persécutés était évidemment la Bretagne, où leur religion était florissante et vénérée chez les Gaulois qui l’habitaient. Malheureusement, lorsque les légions de Claude envahirent la Bretagne, elles s’établirent fortement dans la partie sud-est de l’île, celle qui était occupée par les Belges ou Gaulois, et la réduisirent en province ro- maine (redactaque paullatim in formam provinciae proxima pars Britanniae. (Tacite. Agric. 14). Dès lors, la persécu- tion religieuse commença dans le pays de Kent comme elle existait depuis un demi-siècle en deçà du détroit, et avec plus de rigueur encore; car, Claude, renchérissant sur Tibère, s’efforça de détruire ce culte jusqu’à ses fonde- ments. (Druidarum religionem apud Gallos tantum sub Augusto interdictam, penilus abolevit. (Suét. CI. 25.) Huit à dix ans après la transformation du Cantium en province romaine, il n'existait plus de druides dans les pays occupés par des Gaulois, qui tous subissaient le joug de Rome. On ne pouvait évidemment les rencontrer qu'au sein des populations ennemies et tenaces, comme, par exemple, les Silures, où ils excitaient les courages et souf- flaient la haine contre les destructeurs de leur culte. Il était naturel encore qu’ils allassent abriter leurs autels exilés sous les ombrages des forêts les moins accessibles aux Romains. L'île de Mona, par sa situation, était admi- rablement choisie. Du reste, Tacite lui-même a grand soin de confirmer jusqu’à l'évidence les conclusions que je tire des faits de l’histoire; l’île n’est pas représentée par lui ( 69 ) comme un lieu uniquement breton, mais, au contraire, comme un lieu d'asile d'étrangers, comme un réceptacle de transfuges, ainsi qu'il l'appelle (receptaculum perfu- garum, Ann. XIV, 29). Voilà, je crois, la présence des druides dans l’île de Mona complétement justifiée, et il n'est pas besoin, pour légitimer leur existence, de sou- mettre tout le pays au culte du druidisme, ni surtout de se croire obligé d'admettre, comme une conséquence forcée de leur séjour, l'identité de race des Gaulois et des Bretons. M. Brandes a cru trouver une autre preuve de l'existence du druidisme chez les Bretons, en ce que, dans les poé- sies en langue nationale, le poëte se nomme barz. Dans ces poëles modernes, il voit tout aussitôt les bardes an- tiques, et son imagination ne tarde pas à bâtir tout un système sur ce mot défiguré. « Nous pouvons admettre, » dit-il, 4° que l'existence des bardes dans les temps pos- » térieurs peut être considérée comme la continuation » des bardes antiques; 2° que cette existence du bardisme prouve que le druidisme élait une antique institution de » la Bretagne. » Je n'admets pas cette déduction forcée. La langue des vieux Bretons ne nous est parvenue que pro- fondément altérée par des mots latins et germaniques (1), et tout porte à croire que le barz est de ce nombre, attendu que, d’après Tacite, le mot primitif est essentiellement germanique. ({Sunt illis (Germanis) haec quoque carmina, ÿ (1) Il est bon d’entendre parler quelquefois de la langue prétendue cel- tique, par des hommes qui sont nés parmi ceux qui la parlent, au lieu de fixer son opinion sur l’avis de savants qui n’en connaissent que les glos- saires. Voici comment s'exprime l'Écossais Pinkerton : « Loin d’être un » idiome pur, le celtique est le langage le plus mélangé et le plus corrompu » qu'il y ait au monde. » Et ailleurs : « Ce que nous nommons aujourd’hui » celtique est à moitié gothique, ete. » (Histoire des Goths, 110.) ( 2 quorum relatu, quem barditum vocant, accedunt animos. Germ. 5). Si, d'une expression trouvée dans les chroniques du IX"° ou du X”* siècle, on pouvait en déduire les insti- tutions et les mœurs du temps des Romains, où en serait l’histoire? Pour soutenir l’allégation de M. Brandes, il fau- drait d’abord prouver qu’il y avait des bardes chez les Bre- tons primitifs, et alors seulement la filiation serait chose probable. Conclusion. — $ 12. — J'ai accompli ma tâche. J'ai dis- eulé dans cette lettre tous les textes anciens invoqués par nos adversaires pour établir l'identité de race des Bretons et des Gaulois, et Je crois avoir prouvé qu'ils s'élèvent tous, au contraire, contre leur théorie. Je me permettrai de terminer cette lettre déjà trop longue, peut-être, par quel- ques observations. Depuis deux siècles, deux systèmes de critique ont en- rayé le progrès, ont égaré les savants, et ont fait naître d'interminables discussions. Les uns font bon marché de la logique des faits, pour ne s'occuper que de la lettre des textes. Ils ont pris quelques phrases, et ils en ont tiré des conséquences sans trop s'inquiéter si l'interprétation ne blessait pas l'opinion de l’auteur cité : nous venons de voir M. le D' Brandes suivre cette voie. Les autres ont rétréci encore le champ des investigations; ils se sont attachés aux mots; ils ont détourné l’étymologie de sa véritable route, et ils en ont fait, appliquée aux faits de l’histoire, la plus chancelante et parfois la plus risible des sciences. Comme je le disais en commençant ma III”° Lettre, ils en sont venus à placer les analogies linguis- tiques au-dessus des assertions les plus formelles des au- teurs anciens. Nous verrons, dans ma VI” Lettre, le parti que le savant de Leipzig a su tirer de ce genre de preuves. (T1) Ainsi done, nos contradicteurs se mettent fort à l'aise dans leur manière de procéder. Les faits les inquiètent peu, la physionomie, les coutumes les plus contradictoires les touchent médiocrement : l'interprétation du texte, voilà où réside pour eux le critérium de la véritable discussion historique. J'ai été élevé à une tout autre école. J’attache une im- portance médiocre aux textes non confirmés par les faits, parce que je sais combien la plupart d'entre eux ont été altérés et interpolés, et comment de nos jours les phrases les plus claires sont encore sujettes à interprétation. Je n’admets le passage d'un auteur que sous bénéfice d’inven- taire. Quel que soit le sens littéral, je n'hésite jamais à le rejeter dès qu'un ensemble de faits bien coordonnés entre eux s'élève contre mon premier jugement. C'est ainsi que je ne soutiendrai jamais qu’au temps de César l'Escaut se jetait dans la Meuse, parce qu'il a dit : Ad flumen Scaldim, quod influit in Mosam (VIT, 35). De même, si les phrases souvent citées, omnes vero se Britanni, ou bien ceteri ma- nent quales Galli, etc., avaient la signification que leur prêtent nos contradicteurs et que je leur dénie, je rejette- rais également leur interprétation, parce que César et Ta- cite eux-mêmes donnent aux Bretons et aux Gaulois des mœurs et un caractère de physionomie qui ne permettent pas de les confondre dans une seule et même race. Du reste, nous possédons sur les mœurs, les coutumes et le caractère de physionomie des Bretons d’autres ren- seignements que ceux dont il a été question dans cette lettre; pourquoi ne les invoque-t-on pas? C'eût été un moyen de montrer de quel côté penchait la vérité! Je dois dire, cependant, que M. Brandes l'a tenté : 1l cite trois points de ressemblance, dont deux sont empruntés à Pline (7) et l’autre à Pomponius Mela. Toutefois, 1} avoue qu’on ne peut tirer de leur reproduction des conclusions cer- taines (1). Et, en effet, que dit Pline : « Qu'en Bretagne » et en Gaule, on porte l’anneau au doigt du milieu », et encore, « qu’en Bretagne et en Gaule, on a trouvé la mé- » thode d’amender la terre avec de la marne (2). v Mais de quelle partie de la Bretagne Pline veut-il parler ? car si c’est de la partie habitée par les Gaulois, cela ne prouve absolument rien, et il est évident que c’est d’eux seule- ment dont il peut être question. Lorsque César mit le pied en Angleterre, les Bretons primitifs ne cultivaient pas la terre. Quelques peuples seulement avaient appris l’agri- culture des Gaulois, qui les premiers se mirent à cultiver le sol (Interiores plerique frumenta non serunt — ex Belgio qui... agros colere coeperunt.) La citation empruntée à Pom- ponius Mela a plus d'importance, car elle se rapporte bien aux habitants de l’intérieur. Il dit : « Ils combattent armés » à la gauloise, non-seulement à pied et à cheval, mais » encore dans des chars à deux chevaux et dans des cha- » riots (3). » Mais il me semble que, si Mela avait pris les Bretons pour de vrais Gaulois, 1l eût pu se dispenser de dire gallice armati. Du reste, il est tout naturel que les Bretons aient emprunté leurs armes aux Gaulois plus po- licés qu'eux; ils n’avaient fait en cela qu'imiter Rome, qui avait emprunté quelque chose de leur armement et de leur (1) Sind auch die Nachrichten des Pomponius Mela, des ältern Pli- nius u. À. nicht geeignet, sichere Resultate zu begründen. (P. 55). (2) (Annulis) Galliae Britanniaeque in medio dicuntur usae.— Alia est ratio, quam Britannia et Gallia invenere alendi eam (terram) ipsa, quo genus vocant margam. (XXXIII. 6. — XVII. 4.) (3) Dimicant (Britanni) non equitatu modo aut pedite, verum et bigis et curribus, gallice armati. (NT. 6.) (1) équipement à chacun des peuples qu'elle avait combattus ; mais en les adoptant, les Romains s’en étaient servis d’une manière appropriée à leur génie. Il en fut de même des Bretons; s'ils combattaïent avec les armes gauloises, ils ne s'en servaient pas à la manière gauloise, et c’est ce que M. Brandes aurait dù remarquer. César indique l’étonne- ment des légions victorieuses des Gaulois et des Belges à la vue de la tactique des soldats de Cassivellaun. (Perturbatis nostris novitate pugnae…. IV, 54). (Novo genere pugnae per- territis nostris; et plus loin : Toto hoc in genere pugnae, etc. V. K 15 et 16). Je suis donc en droit de tirer du passage de Mela des conséquences favorables à la cause que je dé- fends. | Mais à côté de ces nuances insignifiantes et qu'on peut négliger, il est de grands traits dont il n'est pas possible de ne pas tenir compte. Ainsi, par exemple, jamais les Gaulois ne se sont soumis au gouvernement d’une femme, tandis que, chez les Bretons, les femmes régnaient et con- duisaient les guerriers à la guerre (1). Nous n'avons pas besoin de remonter si haut. La ques- tion peut se résoudre avec les éléments que nous avons sous la main. La race bretonne est une des plus concen- trées et des plus tenaces du globe, et elle a transmis jus- qu’à nous, à travers les temps, le caractère de physionomie de ses ancêtres. Eh bien, je défie de soutenir que les habi- tants du Cornwall, du pays de Galles, de l'Irlande et de la haute Écosse aient jamais appartenu # la race blonde (1) Ceci n’a pas besoin de preuves. Voici, du reste, au sujet des Celtes ou Gaulois , un texte d’Aristote : Viri mulierum imperio subjecti sunt, quemadmodum multae militares et bellicosae nationes praeter Celtas. (D. B. 1, 655). Tous les faits historiques confirment cette assertion. (74) et blanche des Gaulois. Je dis que c’est là une preuve écra- sante, décisive; aussi ne cherche-t-on pas à la réfuter; on y oppose le omnes vero se Britanni, ou telle autre phrase de cette sorte, ou bien encore l’argument de M. Brandes : l'influence de la civilisation. Mais les savants qui se sont occupés d'anthropologie, comme Desmoulins, Bory de Saint-Vincent, Edwards, d'Omalius d'Halloy, assignent à ces prétendus Celtes une origine commune avec les peu- plades à cheveux et à yeux noirs du midi de la France. Maintenant, si l’on veut encore creuser la question, si l’on consulte les traditions et les souvenirs de ces peuples, on ne retrouve rien qui rappelle les souvenirs et les tradi- tions de la Gaule. Au point de vue des origines : les Gaulois revendiquent comme première patrie la rive droite du Rhin (4), tandis que toutes les chroniques des Bretons font sortir leur race des contrées de l'Été ou des côtes de l’Asie et de l'Afrique. Au point de vue de la famille: les lois d'Hoël le Bon sont en complète contradiction avec les coutumes de nos contrées et de la France. Au point de vue de l’orga- nisation politique, en Gaule, les magistrats sont électifs et temporaires; dans la vieille Bretagne, ils sont héréditaires, et l’on n’y connaît que le système des clans. Il n’est pas jusqu'aux monuments de pierres qu’on a si improprement nommés celliques, qui ne trouvent d’analogues en Gaule que là où les Bretons se sont établis ; on les chercherait vainement ailleurs en Europe; il faut aller pour cela dans le nord de l'Afrique, où un savant et illustre voyageur prussien découvrit, il y a quelques années, un amas de pierres en tout semblable à celui de Stonhenge. PS SR RSS SET (1) Voir Lettre Im, À 7, (7) Ainsi, tandis que nos contradicteurs ne possèdent pas de preuves directes à l'appui de l'interprétation qu'ils don- nent aux textes de César et de Tacite, ces preuves abon- dent de notre côté. C’est ce que je continuerai à établir par ma VI®* Lettre. (76) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 juin 1858. M. G. Gers, directeur. M. Ap. QUETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Fr. Fétis, Hanssens, Navez, Roelandt, Eug. Simonis, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Partoes, Éd. Fétis, Edm. De Bus- scher, Portaels, membres. = — CORRESPONDANCE. ES M. Galimard , peintre d'histoire à Paris, fait hommage d'un exemplaire de la reproduction photographiée de son tableau représentant la Séduction de Léda. — Remerci- ments. CONCOURS DE 1858. — La classe a reçu un mémoire en réponse à la première question de son programme de concours : Rechercher l’enchaînement des diverses architectures de (71) tous les äâges, et les rapports qui peuvent exister entre les monuments et les tendances religieuses, politiques et sociales des peuples. Ce mémoire porte pour épigraphe: « Dans tous les âges et dans toutes les conditions de l'humanité, la religion a exercé une souveraine influence sur l'architecture. » (Th. Hope, Histoire de l'architecture, traduite par A. Ba- ron.) Commissaires : MM. Roelandt, Suys et Partoes. RAPPORTS. M. le Ministre de l’intérieur avait transmis une requête de M. Fierlants, qui sollicite l'appui du Gouvernement pour pouvoir reproduire, par la photographie, les chefs- d'œuvre de peinture de l’école flamande gothique; 1] deman- dait en même temps l’avis de la classe des beaux-arts sur le mérite et l’utilité que peut offrir cette entreprise. Les commissaires désignés étaient MM. Navez, De Keyzer, Corr, Alvin et Éd. Fétis. Les avis ont été favorables à la demande de M. Fierlants. « Rien de plus simple, rien de plus juste, dit un des rap- porteurs; l’Académie comme le Gouvernement , comme le pays, doit désirer que la gloire de nos vieux maîtres soit popularisée par tous les moyens possibles. » Il sera répondu dans ce sens à la demande du Gouver- nement. (183 Dans la séance du mois d'avril dernier, M. F. Fétis, vice-directeur de la classe, avait présenté un mémoire sur cette question : Les Grecs et les Romains ont-ils connu l'harmonie simultanée des sons? en ont-ils fait usage dans leur musique? Ce mémoire est accompagné de tableaux et de planches, pour justifier les explications que l’auteur à présentées dans son travail. M. Baron, l’un des commissaires , avait donné lecture, dans la séance précédente, d’un rapport entièrement favo- rable au savant écrit de son collègue : les deux autres commissaires, MM. Snel et Van Hasselt ont présenté, dans la séance actuelle, des rapports non moins élogieux sur cet ouvrage remarquable. La classe à jugé, en consé- quence, que le travail de M. Fétis serait inséré dans le vo- lume des mémoires actuellement sous presse, et elle a voté des remerciments à l’auteur. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES BELGES, M. Édouard Fétis, secrétaire de la Caisse centrale des arlistes belges, présente un aperçu de la situation de la Caisse, dont le capital s'élève actuellement à plus de 55,000 francs. C’est l’année prochaine seulement que commence- ront à valoir les titres que des associés pourraient avoir à l'obtention des pensions. Jusque-là, cependant, la com- mission à donné quelques secours qui lui étaient de- mandés, non par suite des droits acquis, mais comme des subsides exceptionnels accordés en dehors des règlements de la Caisse. (7) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Conjectures sur l'étiologie des tubercules pulmonaires ; par M. Fallot. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Périodicité des grands déluges résultant du mouvement gra- duel de la ligne des apsides de la terre; théorie prouvée par les faits géologiques, par H. Le Hon. Bruxelles, 1858; in-8°. Traité théorique et pratique de la chirurgie de l'œil et de ses dépendances ; par P.-J. Vallez. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-8°. Peintures murales par G. Guffens et J. Swerts : Frise exé- cutée à la chambre de commerce d'Anvers. Huit planches à l'eau-forte gravées par O. Schwerdgeburth et J. Marschall. An- vers, 1857; in-plano oblong. Compte rendu des séances de la commission royale d'histoire. Deuxième série. Tome XI, 1° Bulletin. Bruxelles, 4858 ; 1 broch. in-8°. Journal belge de l'architecture et de la science des construc- tions. VIII" année. 8"° livr. Bruxelles, 14858 ; 1 broch. in-4°. Revue de l'instruction publique en Belgique. VI*® année. Nou- velle série. Tome [*, Avril à juin. Bruges, 1858; 3 broch. in-8°. Revue populaire des sciences ; par M. Husson. 4° année. N°: 4 à 6. Bruxelles, 1858; 5 broch. in-8°, Journal historique et littéraire. Tome XXV, livr. 1 à 3. Liége, 14858 ; 3 broch. in-8°. Annales de l'enseignement public. Tome II, n° 4 à 6. Liége- Verviers, 1858; 3 broch. in-8°. Règlement constitutif de la Société paléontologique de Belgique, établie à Anvers. Anvers, 1858; 1 broch. in-8°. Journal de l'imprimerie et de la librairie en Belgique. V*° année. N° 4 à 6. Bruxelles, 14858; 3 broch. in-8°. Annales des travaux publics de Belgique. Tome XVI, 1* ca- hier. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. ( 80 ) Revue de la numismatique belge. 3" série. Tome II, 2° livr. Bruxelles, 1858; in-8°. È Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- gique. V"® année. N° 1-2-3. Liége, 1858; 1 cahier in-4°. Revue trimestrielle. XVIIL"e volume. Bruxelles, 1858; 1 vol. grand in-16. Rapport annuel de la commission administrative de la caisse de prévoyance élablie à Mons, en faveur des ouvriers mineurs, pour 1857. Mons, 1858; 1 broch. in-4°. Bulletin de la Société liégeoise de littérature wallonne. {"° an- née. Liége, 1858; 1 vol. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie. XVI®° année. 26° vol. 4"° à 6" cahiers. Avril à juin. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances , de l'Académie des sciences ; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XLVL. N° 14 à 26. Paris, 1858; 15 broch. in-8°. Archives du Muséum d'histoire naturelle ; publiées parles pro- fesseurs-administrateurs de cet établissement. Tome X. Liv. { et 2. Paris, 1858; in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série. Tome XV. Feuilles 7-14: Paris 1857-1858; 1 broch. in-8°. Journal. de la Socièté de la morale chrétienne. Tome VII”. N° 5. Paris, 1858; 1 broch. in-8°. L'Investigateur, journal de l'Institut historique. XXIV"® année. 280" et 281 livr, Paris, 1858 ; 2 broch. in-8°. Revue de l'art chrétien. I"° année. N°S 4 à 6. Paris, 1858; 5 broch. in-8. Précis analytique des travaux de l'Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, pendant l'année 1856- 1857. Rouen, 1857; 1 vol. in-8°. Premier rapport sur les mémoires relatifs au canal maritime de Suez ,' présentés à l’Académie des sciences par À. J. de Lesseps ; par le baron Charles Dupin. Paris, 1858 ; { broch. in-4°. (81) La fosse à fumier; par M. Boussingault. Paris, 1838: { broch. in-S$°. Traité de mécanique rationnelle ; par M. Charles de Freyeinet. Paris, 1858; 2 vol. in-8°. Une excursion au sommet du Semmering en 1857; par M. le comte Reinhard. Saint-Germain-en-Laye, 1858; 1 broch. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der Vier -Facultäten. LK® Jahrg. 245-5'S Heftes. Heidelberg, 1858 ; 4 broch. in-8°. ‘erhandlungen des Vereins für Naturkunde zu _Presbourg. Iste, [tr Jahrgang. Presbourg, 1856-1857; in-8°. Verhandlungen der k. Leopold.-Carol. Akademie der Natur- forscher. Vol. XXVI. Pars. I. Breslau-Bonn, 1857; 14 vol in-4°. Atti dell imp. reg. Istituto Veneto di scienze lettere et arti. Serie terza. Tomo II. Dispensa 4*. Venise, 1858; 1 broch. in-8°. Memorias da Academia real das Sciencias de Lisboa. 2 Serie, tomo IL, parte IT, tomo II. — Nova serie. Classe de sciencias mathematicas. Tomo 1; — classe de sciencias moraes. Tomo 1, tomo 11, parte 1. Lisbonne, 1850-1857; 8 vol. in-4°. Annaes das sciencias e lettras : — Sciencias mathematicas. Tomo I. Março-septembro 1857; — Sciencias moraes. Tomo I. Março-julho 1857. Lisbonne; 41 broch. in-&. Portugaliae monumenta historica : — Leges et consuetudines. Vol. f, fasc. 1; — Scriptores. Vol. I, fase. I. Lisbonne, 1856; 2 ca- hiers in-folio. Trabalhos do observatorio meleorologico do infante D. Luiz na escola polytechnica. 5° anno (1856-1857). Lisbonne, 1858; 4 cahier in-plano. The american journal of science and arts, Second series. Vol. XXV, n° 75. New-Haven, 1857; in-8°. | 2° SÉRIE, TOME Y. (4) HAS ETS Tue Axe cite A IN Ro à BULLETIN DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — N° 7. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 juillet 1558. M. » Omazius D'HaLLoy, président. M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, Wesmael , Martens, Cantraine, Kickx, Stas, De Koninck, Van Be- neden, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Gluge, Melsens, Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres ; Lacordaire, Lamarle, associés ; d'Ude- kem, Montigny, correspondants. M. À. Buvignier, membre de la Société géologique de France, assiste à la séance. 27° SÉRIE, TOME V. n (84) CORRESPONDANCE. —— — La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de faire par la mort de M. Robert Brown, l’un de ses asso- clés, décédé à Londres, le 12 juin dernier, à l’âge de 85 ans. — M. le Ministre de l’intérieur fait observer, par une lettre qu'il adresse à l’Académie, que, lors de la création des prix quinquennaux, il s'agissait de régler spéciale- ment les trois points suivants : 1° Conditions auxquelles les prix seraient décernés; 2° Mode à observer pour la composition du jury; 5° Mode à suivre pour le jugement des ouvrages. « Le règlement, qui fait l’objet de l'arrêté royal du 29 novembre 1851, dit M. le Ministre, a prévu ce qui se rapporte aux deux premiers points; mais il se tait com- plétement quant au troisième. « Le Gouvernement veut rester fidèle à la s’est tracée de ne point s'immiscer dans le jugement des prix quinquennaux. Îl importe donc que le règlement soit complété, quant au mode à observer pour le juge- ment. D’après l’article 5 de l'arrêté royal du 6 juillet 1851, deux éventualités sont à prévoir, suivant qu'il y a lieu ou qu'il n’y a pas lieu d’allouer le prix intégral. » Dans le premier cas, comment devra-t-il être procédé . pour la désignation de l'ouvrage auquel le prix est décerné? » S'il ya partage de voix entre plus d'un ouvrage, quel moyen faudra-t-1l employer pour départager les voix ? » Dans le second cas, quelle sera la marche à suivre ( 8 ) pour désigner les ouvrages entre lesquels le montant du prix, resté disponible, pourra être réparti ? » Comment sera-t-il procédé à cette répartition? » La classe a jugé à propos de renvoyer la demande de M. le Ministre à l'examen de l’ancienne commission mixte de l’Académie, composée de MM. d'Omalius d'Halloy, A. De Vaux, Leclereq, Gachard et le Secrétaire perpétuel. — M. le Ministre des affaires étrangères écrit qu'il a eu soin de faire parvenir à la bibliothèque d'Athènes les dernières publications de l’Académie. — MM. les consuls de Russie, de Suède et de Nor- wége font également savoir qu’ils s'empresseront de faire parvenir à destination les ouvrages offerts par l’Acadé- mie aux institutions scientifiques des pays qu'ils repré- sentent. — La Société royale de Londres et l'École polytechnique de France accusent réception des ouvrages récemment publiés par l'Académie. — L'Association britannique pour l'avancement des sciences fait connaître que sa prochaine réunion aura lieu à Leeds, le mercredi 22 septembre prochain. La 34"° réunion des savants allemands se tiendra à Carlsruhe du 16 au 22 septembre. La Société vétéravienne des sciences physiques de la ville de Hanau annonce la célébration de son 50° anni- versaire, le 10 août prochain. La Société des sciences et des arts du Hainaut, de son côté, fait connaître qu’elle célébrera son 25"° anniversaire le premier dimanche du mois d'août, et invite l'Académie ( 86 ) à s'y faire représenter, — M. Cantraine est désigné par la classe. | — M. E. Terssen, capitaine d'artillerie, demande à l’Académie de vouloir bien être dépositaire d’un paquet cacheté qu'il lui adresse et qui contient, dit-il, le prin- cipe d’une invention relative à la balistique. — Le dépôt est accepté, — M. de Selys-Longchamps remet les résultats des ob- servations sur l’état de la végétation faites à Waremme, par M. Michel Ghaye, le 21 avril dernier, époque désignée pour la comparaison de l’état de la végétation en Belgique. M. le Secrétaire perpétuel dépose en même temps les ob- servations botaniques faites à Vienne, én septembre 1857, et recueillies par les soins de M. Fritsch. Il remet aussi la suite des observations météorologiques faites à Ostende et dues au zèle de M. le docteur Verhae- ghe, qui a joint à ce travail des observations électriques, continuées chaque jour pendant le mois de mai. L'Académie reçoit également les observations météoro- logiques faites à Gand, par M. Duprez, et celles faites à l'Observatoire royal de Bruxelles. — Une Note manuscrite , intitulée : Sur quelques inte- grales définies, par M. Ph. Gilbert, est renvoyée à l'examen de MM. Timmermans et Schaar. — M. Buvignier, présent à la séance, fait hommage de différents ouvrages de sa composition. — Remerciments. ( 87) RAPPORTS. —— Sur un mémoire de M. le docteur Chapuis, intitulé : Nou- VELLES RECHERCHES SUR LES FOSSILES SECONDAIRES DU LUXEMBOURG. fapport de M. De KHoninck, « Le mémoire de M. Chapuis qui a été soumis à mon appréciation, a pour but de compléter le travail que ce paléontologiste à fait en commun avec son confrère, M. Dewalque, en 1851, et qui a été couronné par l’Aca- démie. C'est un complément de 70 espèces d'animaux pour la faune fossile de notre pays, mais dont 11 espèces seule- ment sont nouvelles pour la science. 28 espèces de ces fossiles appartiennent aux Mollusques céphalopodes, 54 aux Mollusques pectinibranches et 8 aux Échinodermes. Les descriptions de tous ces animaux sont fort bien faites. La synonymie dont elles sont accompagnées et les nombreuses observations dont la plupart des espèces sont l'objet, démontrent que l’auteur n’a rien négligé pour rendre son travail aussi parfait que possible. Les planches, qui représentent les figures de toutes les espèces décrites, sont exécutées avec un soin tout parti- culier, et l’Académie en à rarement reçu d'aussi bonnes. Je suis d'avis que le travail de M. Chapuis figurera avan- tageusement dans les Mémoires des savants étrangers, et j'ai honneur d'en proposer l'impression. Cependant, avant de le mettre sous presse, il serait à (88) désirer qu'il fût renvoyé à son auteur, afin que celui-ci modifiàt l'arrangement des planches dont les figures sont souvent mal placées et disposées de manière à occuper un espace trop considérable et à augmenter inutilement les frais d'impression. » Rapport de M, Nyst. « Ayant examiné le mémoire de M. Chapuis , que l’Aca- démie a bien voulu soumettre à mon appréciation, j'ai l'honneur de l’informer que ce mémoire renferme des faits très-intéressants, et qui conduisent, en outre, à mieux faire connaître la faune paléontologique de notre pays; je propose en conséquence à l’Académie de remercier l’au- teur pour la communication de son intéressant travail, et j'adopte les conclusions présentées par mon savant con- frère, M. De Koninck. » apport de M, d’'Omalius. « Je partage entièrement les opinions de mes savants confrères, MM. De Koninck et Nyst, sur le mérite du tra- vail de M. Chapuis, et je conclus également à ce que l'Académie le fasse imprimer dans le recueil des mémoires in-quarto, après que l’auteur aura fait, dans la disposition des figures, les modifications indiquées par M. De Ko- ninck, ce qui diminuera la dépense. Je proposerai aussi à la classe de demander à l’auteur de retoucher la liste des espèces de chaque étage, par ordre (89) alphabétique, en y intercalant les noms des espèces dé- crites dans le premier mémoire qu'il à fait en commun avec M. Dewalque. Cette modification, qui aura l'avantage de donner une liste complète des fossiles secondaires du Luxembourg , me paraît d'autant plus nécessaire que, de- puis la rédaction du premier mémoire, M. Dewalque a introduit, dans la classification de ces terrains, quelques améliorations qui sont également adoptées par M. Chapuis, de sorte que l’ancien et le nouveau tableau ne sont plus en harmonie. Je ferai aussi sur le tableau synoptique et stratigraphique des espèces une observation en ce qui concerne les guille- mets, qui sont disposés en lignes obliques. Si, comme je le suppose, cette disposition a eu lieu par inadvertance, il faudra indiquer que l'imprimeur devra les placer verti- calement. Si, au contraire, cette disposition avait un but, il faudrait le faire connaître. » La classe, conformément aux conclusions de ses com- missaires, a ordonné l'impression du travail de M. Chapuis. ————— — COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la constance dans le nombre des mariages et sur la sta- tistique morale en général; par M. Ad. Quetelet, secré- taire perpétuel de l’Académie. On a essayé, à plusieurs reprises, d'introduire les re- cherches statistiques dans le domaine des sciences mo- ( 90 ) rales. Des hommes éclairés, qui s'étaient d’abord montrés opposés à ce genre de recherches, ont fini par céder de- vant la force persuasive des nombres. Un des exemples qui paraissent avoir produit le plus de conviction, réside dans le nombre des mariages contractés aux différentes époques de la vie. On sait que ce nombre varie peu annuel- lement, mais ce qu'on ignore en général, c’est la régu- larité qui s’observe dans les mariages entre conjoints de différents âges : ainsi, sur 50,000 mariages, il s'en con- tracte annuellement en Belgique, entre hommes et femmes de moins de trente ans, à peu près 15,000, tandis qu'on n'en compte guère plus de six, entre hommes de trente ans et femmes de plus de soixante : mais ce nombre, tout faible qu'il est, reste annuellement à peu près le même. Dans un travail précédent (1), j'avais déjà émis mes con- clusions d’après les documents des cinq années de 1841 à 1845; aujourd'hui les données, recueillies pendant les dix dernières années, sont venues confirmer tous mes résul- tats; je n’ai pas le moindre mot à changer dans mes con- elusions. « La statistique morale, disai-je alors, doit se borner à reconnaître les faits qui concernent un grand nombre d'hommes, à rechercher les lois qui dominent ces faits. Elle se distingue par un caractère tout particulier de la statistique proprement dite, dont les investigations portent sur des objets matériels ou sur des qualités phy- siques de l’homme. Les phénomènes qu’elle étudie se com- pliquent, en effet, par l'intervention d’une cause qui (1) Imprimé, en 1847, dans le tome III du Bulletin de la Commission centrale de statistique, sous le titre : De l’influence du libre arbitre de l’homme sur les faits sociaux, et particulièrement sur le nombre des mariages. (91) semble, au premier abord, devoir déjouer tous nos cal- culs. » Le libre arbitre de l'homme, pour qui se contente d'étudier les individus , agit d’une manière si capricieuse, si désordonnée, qu'il doit paraître absurde de supposer de la régularité et des lois dans des séries de faits qui s'ac- complissent sous son influence. Or, tel est cependant l’état des choses, comme nous l’avons déjà dit ailleurs , que plus le nombre des individus que l'on observe est grand, plus les particularités individuelles, soit physiques, soit morales, s'effacent et laissent prédominer la série des faits généraux en vertu desquels la société existe et se conserve (1). » La possibilité d'établir une statistique morale et d'en déduire des conséquences utiles, dépend donc de ce fait fondamental, que le libre arbitre s’efface et demeure sans eflet sensible, quand les observations s'étendent sur un grand nombre d'hommes. Toutes les actions individuelles alors se neutralisent mutuellement, et rentrent dans la classe des effets produits par les causes purement acciden- telles. » Pour simplifier autant que possible les résultats et rendre les comparaisons plus faciles, je place aujourd'hui à côté des nombres recueillis dans mon premier mémoire sur les mariages pendant la période quinquennale de 1841 à 1845, les valeurs données par les deux périodes quin- quennales suivantes, celle de 1846 à 1850, et celle de 1851 à 1855. Une dernière colonne renferme les moyennes des quinze années de 1841 à 1855, en réduisant le tout au chiffre de 40,000. (1) Sur l’homme et le développement de ses facultés, ou Essat de phy- sique sociale, t. 1, p. 12. Paris, chez Bachelier, 183%, (92) Les trois premières colonnes font connaître sommaire: ment combien peu les nombres ont varié en passant d’une période à l’autre; la dernière permet d'établir, d'après le nombre 10,000, combien d'hommes de chaque âge se sont mariés avec des femmes jeunes ou avec des femmes plus âgées. Il est facile de voir que la catégorie la plus nom- breuse est celle des hommes de 50 ans ou au-dessous avec des femmes de même âge; viennent ensuite, pour la gran- déur des nombres, les hommes de 50 à 45 ans avec les femmes ayant moins de 50 ans ou avec celles de 30 à 45 ans. Ces trois catégories composent un nombre de 8,149; ce qui forme plus des #s des mariages qui se contractent dans le royaume. La quatrième colonne, relativement aux nombres, est donnée par les hommes de 50 ans et au- dessous qui se marient avec des femmes de 50 à 45 ans. Ces quatre classes de conjoints entre hommes de 45 ans ou moins et femmes de même âge composent donc, comme on pouvait s’y attendre, la grande majorité des mariages : ils forment à peu près exactement les neuf dixièmes de tous ceux que compte le royaume. Le dixième restant comprend les douze autres classes de mariages entre hommes jeunes se mariant avec femmes de plus de 45 ans; et femmes jeunes ou vieilles se mariant avec hommes de plus de 45 ans. La classe la moins nombreuse se compose des hommes de moins de trente ans qui se marient avec des femmes de soixante et au delà. Leur nombre a été d'environ 6 par année pour le royaume entier, comme nous avons déjà eu occasion de le faire remarquer. On pourra mieux juger, au surplus, de la constance des nombres en jetant les yeux sur le tableau suivant : (95 ) Mariages en ayant égard à l’âge de l’homme et à celui de la femme au moment de leur union. AGE. 1841-45. | 1846-50. | 1851.55, Hommes de 50 ans | =5 à #5 ans. . . | 12,475 | 12,081 | 13,307 et au-dessous, et | | 45. à 60 ans. . . b70 587 | 565 femmes de. 60 ans et au-dessus. 31 29 26 | 50 ans et au-dessous | 29,300 | 28,692 | 31,192 | È ans et au-dessous | 63,759 | 63,342 | 66,458 Lourd ans. « . | 26,213 | 25,092 | 27,121 Hommes de 30 à 45 ans accomplis | et femmés de, . | #5 à 60 ans. : . | 2,576 2,571 2,658 60 ans et au-dessus. 90 99 101 Hommes de 45 à 60 ans accomplis et femmes de. 80 à 45 ans: . . 4,615 5,314 5,721 350 ans et au-dessous 1,798 2,181 2,295 45 à 60 ans. . . | 2,267 2,408 2,749 60 ans et au-dessus. 135 180 195 ‘ 30 ans et au-dessous 201 290 182 Honimes de 60 ans | Se : à5 ans. . . 666 520 597 et au delà et fem- Li de ee 29 D : 5 a AS dis; ve 3 60 ans et au-dessus. 244 152 180 Toraux. . . . . . [145,655 |144,031 |154,356 |10,000 Si l’on examine les âges auxquels les mariages ont lieu, il se présente une loi assez uniforme pour se reproduire annuellement avec tout autant de régularité que la loi des décès, ou celle des tailles, des poids et des autres qualités relatives à l’homme, comme j'ai essayé de le montrer dans mon travail sur la Physique sociale. C'est un exemple de plus qui prouve que les nombres, considérés sur une grande échelle, procèdent avec la même régularité, qu'ils s'appliquent soit au moral, soit au physique de l’homme. (94) Je supposerai 10,000 mariages; l’expérience prouve que, pour la Belgique, les conjoints se partageront dans l’ordre suivant : T'able matrimoniale. are fre nager hat ar . } | HOMMES. FEMMES. Rapport. 1 ans et au-dessous. à 25 ans. j à 30 à 55 ÿ à 40 ! 15 à 50 à 55 35 à 60 à 65 5 à 70 à 15 75 à 80 » Au delà de 80 ans. . Toraux. Ainsi les mariages avant 21 ans sont quatre fois plus nombreux chez les femmes que chez les hommes; jusqu’à 25 ans, la prédominance existe encore en faveur des femmes, mais le nombre devient moindre ensuite et di- minue progressivement jusqu’au dernier terme de la vie, où il est à peu près le neuvième de celui des hommes. Le nombre comparativement le plus petit, pour le mariage des hommes avant l’âge de 25 ans, tient du reste autant au développement plus précoce chez la femme qu'à nos institutions sociales et aux exigences du service militaire. (95) Note sur une nouvelle espèce de Distome, le géant de sa fa- mille, habitant le foie d'une Baleine, nommée Disroma GOLIATH, V. Ben.; par P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie. S'il n'existe pas toujours une égale proportion entre la nature du patron et son parasite, il y a cependant de cer- tains rapports qui ne font jamais défaut. Le plus grand Cestoïide, non le plus long, que nous ayons vu est un Ténia de Rhinocéros, rapporté par Peters de son voyage en Afrique. M. Spencer Cabbold vient de décrire un Fas- ciola gigantea provenant du foie de la Girafe (1),et,ilya quelques années, nous avons trouvé dans la cavité diges- tive du Béroé (Cydippe pileus), sur le corps d'un Scolex de Cestoide indéterminé de 5°" de longueur, des Disto- mes qui mesuraient tout au plus un millimètre. Il s’agit ici d’un Distome d'une Baleine, et on ne sera probablement pas élonné que ce ver soit véritablement le géant de sa famille. Il à la taille et les dimensions d'une sangsue ordinaire, et 1] ne faut ni loupe ni verre pour distinguer nettement le pénis et les orifices extérieurs. Nous devons ce beau parasite à la générosité de notre illustre ami Eschricht. Nous le nommons : DISTOMA GOLIATH. V. B. Voici comment nous résumons ses principaux carac- tères : Le corps est long, déprimé, affectant la forme et l’as- (1) 25 Meeting Brit, Assoc. Report, 1856, p. 108. (26 ) pect d’une Hirudinée ; la ventouse antérieure et terminale est proportionnellement petite; elle est entourée d’un bour- relet; la ventouse abdominale est plus petite encore, et le diamètre de son orifice ne dépasse pas le diamètre du pénis. On dirait l’orifice sexuel femelle. Cette ventouse est située vers le milieu du corps, un peu plus près même de l'extrémité postérieure. Le pénis est assez long, saillant, dans les deux exemplaires que je possède, à surface parfai- tement lisse. L’orifice sexuel femelle est situé à sa base. Les œufs sont d'une forme ovale, à coque très-solide, portant un bourrelet à l’un des pôles et remplissant les oviductes, de manière qu’il peut y en avoir vingt ou vingt- cinq au moins dans une largeur. La couleur du corps est d’un gris noirûtre. Ce ver a jusqu'a 80°" de longueur et 15"" de largeur. Il habite, paraît-il, le foie de la Balenoptera rostrata Fab. Affinité. — Par la situation si reculée du pénis et de la ventouse ventrale, ce Distome s'éloigne de la plupart de ses congénères. EXPLICATION DE LA PLANCHE. DisromaA GOLIATH, 7. Ben. Fig. 1. Ver de grandeur naturelle, vu par sa face inférieure. On voit l’ori- fice buccal en avant, le pénis saillant vers le milieu du corps et l'orifice de la ventouse ventrale un peu en arrière. Vers l’extré- mité postérieure du corps, on distingue une partie de l'appareil urinaire. Sur les flancs, on aperçoit de chaque côté le vitello- gène, qui est d’un noir assez foncé dans les deux individus con- servés dans la liqueur. Fig. 2. La tête avec la ventouse buccale légèrement grossie, Tr 7 Pull. de l'Acad Roy. or. | 2% serte, page 90 Distonia Goliath.V. B. de pterobalena minor. (97) Fig. 3. La ventouse ventrale isolée en rapport avec les anses de l'oviducte. Fig. 4. La partie moyenne du corps montrant le pénis déroulé, l'orifice sexuel femelle à sa base et l'orifice de la ventouse ventrale. Fig. 5. Un œuf isolé, au grossissement de + 300. — M. de Selys-Longchamps fait quelques observations sur la température extraordinaire qui a régnée pendant le mois dernier, et présente ses remarques sur la marche de la végétation, que l’on peut regarder comme une consé- quence de cet état de sécheresse. Plusieurs membres prennent part à cette discussion , et particulièrement M. Buvignier, membre de la Société géologique de France. (98 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 juillet 1858. M. M.-N.-J. LECLERCQ, directeur. M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. MM. le baron de Gerlache, de Ram, le baron J. de Saint- Genois, David, De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Po- lain, Arendt, Ch. Faider, membres; Nolet de Brauwere . Van Steeland, associé; Ducpetiaux, Ad. Mathieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Defacqz, correspondants. M. Alvin, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance, | CORRESPONDANCE. Il est donné connaissance de la mort de M. Panofka , associé de l’Académie, décédé à Berlin, le 20 juin der- nier. — M. le Président du Sénat remercie l’Académie pour l'envoi de ses dernières publications. ( 99 ) La Société royale asiatique de Londres, la Sociète royale des antiquaires de la même ville, la Societé historique d'Utrecht, etc., adressent également leurs remerciments pour l'envoi des dernières publications. — La Société archéologique dé France annonce que sa prochaine réunion aura lieu dans le courant du mois de juillet, à Cambrai, et que des facilités ont été accor- dées par l'administration du chemin de fer du Nord aux savants qui désirent s’y rendre. — La classe des lettres, d'accord avec celle des sciences, renvoie une lettre de M. le Ministre de l’intérieur, con- cernant le règlement des prix quinquennaux, à l’ancienne commission mixte qui a été chargée de cet objet. RAPPORTS. Henri de Gand et ses derniers historiens ; par M. Schwartz, professeur à l’université de Liége. Rapport de M. de Ram. « Forcé, par défaut de temps, de me borner à une lec- ture trop rapide du mémoire de M. le professeur Schwartz, sur Henri de Gand et ses derniers historiens, je crois devoir m’abstenir de présenter une analyse de ce travail. Cette analyse d’ailleurs serait inutile, puisque l’auteur a eu soin de placer un sommaire en tête du mémoire, qui se termine JM SÉRIE, TOME Y. S ( 100 ) par un coup d'œil sur l'influence que la scolastique a exercée sur la civilisation du moyen âge et sur celle des temps modernes, tant sous le rapport intellectuel que sous le rapport moral et mystique. Le travail de M. Schwartz renferme non-seulement une esquisse intéressante du mouvement philosophique au moyen âge, mais 1l a en outre le mérite de faire res- sortir la part qu'y a prise un Belge auquel, depuis quelque temps , on a rendu justice en le plaçant parmi les théolo- giens et les philosophes les plus célèbres du XIIFP® siècle, C'est à ce double titre que j'ai l'honneur de proposer à la classe de faire imprimer le mémoire en question dans les Bulletins ou dans la collection des mémoires in-4°. » Rapport de M. le baron Jules de Saint-Genois. « Les œuvres de Henri de Gand ont été soumises, de- puis quelque temps, avec une prédilection particulière, au scalpel de l’analyse, grâce à certain engouement qui se fait jour, au milieu des utopies philosophiques de notre siècle, pour les auteurs et la scolastique du moyen âge. Nous voyons cependant avec plaisir, par le consciencieux travail de M. Schwartz, que le sujet n'est point épuisé et présente encore des côtés inaperçus ou mal saisis, dignes d'occuper une plume exercée, un esprit rompu aux re- cherches philosophico-religieuses de cette époque. Si le Docteur solennel, comme on l’appelait, n’a pas pré- cisément fondé une école, ainsi que saint Thomas d'Aquin, du moins lui doit-on d'avoir largement contribué, par ses écrits et par son enseignement, à la diffusion des saines ( 401 ) doctrines. Comme Hugues de Saint-Victor et Odon de Tournai, Henri de Gand était belge et réunit tous les titres pour nous intéresser. L’esquisse soumise à notre examen complète, en outre, le mémoire que M. le profes- seur Huet a publié, 1l y a quelques années, sur le même sujet, surtout en ce qui concerne l'exposé du mouvement philosophique du moyen âge auquel tant d'illustres doc- teurs de l'Église prirent une si grande part. . Nous nous rallions donc volontiers aux conclusions de notre savant confrère, M. de Ram, et, comme lui, nous vous demandons d'imprimer ce travail dans vos mémoires in-4°. » Conformément aux conclusions de ses commissaires, la classe ordonne l'impression du travail de M. Schwartz. = ——— PROGRAMME DU CONCOURS DE 1859. PREMIÈRE QUESTION. Quelle a été l'influence littéraire, morale et politique des sociétés et des chambres de rhétorique dans les dix-sept pro- vinces des Pays-Bas et le pays de Liége ? (Outre la médaille académique, le lauréat du concours recevra de la Société royale de Wyngaerd une médaille de vermeil.) DEUXIÈME QUESTION. Faire l'histoire, au choix des concurrents, de l’un de ces ( 102) conseils : le grand conseil de Malines , le conseil de Brabant, le conseil de Flandre. TROISIÈME QUESTION. Faire sommairement l'histoire des doctrines qui ont influe sur l’état social, principalement en Belgique, depuis le com- mencement du XV" siècle jusqu’à nos jours. QUATRIÈME QUESTION. Quels ont élé les rapports entre la littérature thioise {fla- mande) et la littérature française pendant le XIe, le XI1Pre el le XIVre siècle, et quelle est l'influence que l’une a exercée sur le développement de l'autre ? CINQUIÈME QUESTION. Tracer un tableau historique et politique du règne de Jean I, duc de Brabant. L'auteur devra surtout faire connaitre ce règne sous le rapport de la législation, du commerce, des lettres et des arts. SIXIÈME QUESTION. Faire un exposé historique de l’ancienne constitution bra- bançonne, connue sous le nom de JoxEeusEe-EntRÉE. Indiquer ses origines et apprécier les principes qui y ont toujours éte conservés, ainsi que les changements qui y ont élé apportés. (103 ) La elasse inscrit, dès à présent, dans son programme de concours de l’année 1860, les questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Quelles sont les localités des dix-sept provinces des Pays- Bas et du pays de Liége, où l'on a frappé monnaie, depuis l'invasion des Francs jusqu'à l'émancipation des grands feu- dataires ? Décrire ces diverses monnaïes et en discuter l'attribution, au besoin. DEUXIÈME QUESTION. Quelles sont les applications utiles et pratiques du prin- cipe de l'association, pour l'amélioration du sort des classes ouvrière et indigente? TROISIÈME QUESTION, Faire l'histoire de l'ordre des Templiers en Belgique. QUATRIÈME QUESTION. Prix D'ÉLOQUENCE FLAMANDE. — L'éloge de Cats, au point de vue de l'influence exercée par cet écrivain sur la liltéra- ture flamande. Le prix, pour chacune de ces questions, sera une médaille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand, et seront adressés, francs de port, à M. Ad. Quetelet, secré- taire perpétuel. Ils seront envoyés, pour les six premières questions, avant le 1” février 1359, et, pour les quatre dernières, avant le 1° février 4860. ( 104 ) L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci- tations et demande, à cet effet, que lés auteurs indiquent les éditions et les pages des livres qu'ils citeront. On n’ad- mettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise, qu’ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Les ouvrages remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son Jugement, ils sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adressant , à cet effet, au Se- crétaire perpétuel. CONCOURS EXTRAORDINAIRE. La famille carlovingienne est une famille essentielle- ment belge et même liégeoise. Cette origine n’est cepen- dant pas suffisamment constatée : français ou allemands, les historiens qui ont traité cette importante période des annales du moyen âge ont cédé à l'influence du senti- ment national, et vu, dans la glorification de Charlemagne et de ses illustres ancêtres , la glorification de l’un ou de l’autre des deux grands peuples qui nous avoisinent: Dé- Sireuse d'obtenir un livre où les titres de notre pays soient discutés avec impartialité, et dans lequel les faits soient (405 ) envisagés à un point de vue belge, l'Académie propose la question suivante : Exposer l'origine belge des Carlovingiens. Discuter les faits de leur histoire qui se rattachent à la Belgique. Le prix institué pour cette question, par une personne qui désire garder l’anonyme, se compose d’un capital de six mille six cents francs, inscrit au nom de l’Académie, au grand-livre de la dette publique belge à 2 ‘2 p. ‘, et avec la jouissance des intérêts à partir du 1* juillet 1856. Les conditions du concours sont les mêmes que pour le concours ordinaire de l’Académie; les mémoires de- vront également être remis, francs de port, avant le 4%. février 1859. (106) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 1° juillet 1858. M. G. GEers, directeur; M. An. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Hanssens, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Baron, Éd. Fétis, Éd. De Busscher, membres : Rosselet, Balat, Demanet, corres- pondants. CORRESPONDANCE. La classe est informée de la perte qu’elle vient de faire par la mort de M. Ary Scheffer, associé de l’Académie, décédé le 45 juin dernier. M. le Ministre de l’intérieur communique, pour être transmis à la section permanente du jury de composition musicale, une ouverture à grand orchestre que M. De Mol, lauréat du concours de 1855, vient de lui adresser, afin de satisfaire aux obligations imposées par IAE 24 du rè- element des concours. À cette occasion, M. le Ministre soumet à la classe l’ob- ( 107 ) servation suivante : « Aux termes de l’article 24 ci-dessus mentionné, les compositions, que les lauréats sont tenus d'envoyer dans le cours des trois années, sont soumises à l'examen de la section permanente du jury, et deviennent l'objet d'un rapport qui sera publié. » Les termes soulignés sont un peu ambigus, ajoute M. le Ministre; faut-il un rapport à la suite de chaque envoi annuel, ou bien le rapport peut-il être collectif et comprendre les compositions des trois années ? » Cette question est renvoyée à l'examen de la section permanente du jury de composition musicale, formée de MM. Fétis père, Snel et Hanssens. — Par une seconde lettre, M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu’il s’est occupé du projet relatif à la rédac- tion d’une-histoire de l'art en Belgique, projet qui lui a été soumis par la classe; mais 1l témoigne le désir d'obtenir un plan détaillé de l'ouvrage et de son étendue présumée. Cette demande est renvoyée à la commission antérieure- ment nommée et qui se compose de MM. Quetelet, prési- dent; Van Hasselt, secrétaire; Alvin, F. Fétis, Édouard Fétis et Schayes. — Le Gouvernement fait don, pour la Bibliothèque de l'Académie, d’un ouvrage intitulé : Peintures murales, par G. Guffens et J. Swerts, exécutées à la chambre de com- merce d'Anvers. — La Société des sciences, des lettres et des arts du Hainaut adresse une invitation à l’Académie pour les fêtes qui auront lieu à l’occasion du 25"° anniversaire de sa fondation. « Notre société a l'espoir, dit-elle, que .M. le Ministre de l'intérieur honorera cette réunion de sa (108 ) présence, ét elle verrait avec bonheur l’Académie royale, cette haute représentation des arts, des lettres et des sciences en Belgique, lui donner à son tour un témoignage de sympathie, en désignant des délégués pour la repré- sentier à cette solennité. » La classe des beaux-arts désigne pour son délégué et son représentant M. F. Féuis. — M. Demanet dépose une brochure de sa composi- tion, intitulée : Nouvelle machine d'extraction dans les mines. — Remerciments. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Alvin présente quelques observations au sujet de l'arrêté royal publié en 1846, au moment de la réorgani- sation de l’Académie, et qui contient les articles suivants : « Art. 2. La salle des sciences publiques de l’Académie sera ornée des bustes des souverains fondateurs et protec- teurs de cette institution, de ceux des Belges qui se sont illustrés dans la carrière des sciences, des lettres et des arts, ainsi que des académiciens décédés, qui ont doté le pays d'ouvrages importants. » Art. 5. Le Gouvernement fera exécuter, à ses frais, un ou deux bustes par an. » Il fait observer que cet arrêté royal n’a point été suivi régulièrement, et que, jusqu’à présent, il n'existe dans la collection commencée aucun buste des membres décédés dans la classe des beaux-arts. a (109 ) M. le Secrétaire perpétuel fait remarquer que la réofga- nisation de l’Académie a eu lieu, il y a douze ans, et que la collection des bustes, qui devrait être au moins de douze actuellement, n’en compte que six, appartenant tous à la classe des lettres ; ce sont ceux de MM. de Stas- sart, de Reiffenberg, Willems, Raoul, Weustenraad, Les- broussart. Il a présenté quelques observations à cet égard, du temps du ministère précédent, et il lui a été répondu que l’Académie recevrait le buste de M. Dumont, membre de la classe des sciences, classe qui jusqu'alors n’était pas plus représentée que celle des beaux-arts. M. Alvin voudrait que chaque classe fît ses propositions dans une commission mixte des trois classes de l’Acadé- mie, et que ces propositions fussent soumises ensuite au ministère. M. le Directeur propose de former une commission qui sera chargée d'examiner la question, et de nommer M. Alvin pour y représenter la classe des beaux-arts. Cette proposition est admise. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Exposés des situations administratives des neuf provinces du royaume de Belgique. Session de 1858. 9 vol. in-&°. Minéralogie des anciens; par Louis De Launay. Bruxelles, 1803; 2 vol. in-8°. Note sur la coloration rouge du sang veineux; par les profes- seurs Gluge et Thiernesse. Bruxelles, 1858 ; 1 broch. in-8°. ( 110) Vaderlandsch Museum voor nederduitsche letterkunde, oud- heid en geschiedenis; uitgegeven door C.-P. Serrure. IE® deel, 51e en 4% stuk. Gand, 1858 ; 1 vol. in-8°. Nouvelle machine d'extraction pour l'exploitation des mines; par A. Demanet. Bruxelles, 4858 ; 1 broch. in-8°. Notice nécrologique sur D.-J.-B. Mareska. (Extrait du Bulletin de la Société de médecine de Gand.) Gand 1838; 1 broch. in-8. Maximes populaires de l'Inde méridionale; texte traduit et ex- pliqué par Ph. Vander Haeghen. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Dictionnaire des rimes de la langue française ; par A. Pujol. Bruxelles-Paris, 1858; 1 vol. in-8°. Dissertatio inauguralis de vita, gestis et scriptis Asinii Pol- honis; scripsit Octav. d'Hendecourt. Louvain, 1858; 1 broch. in-8°. Revue trimestrielle. XIX"° volume. Bruxelles, 4858; 1 vol. gr. in-16. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége. Tomes XI et XIIL. Liége, 1858 ; in-8°. L’Abeille; revue pédagogique. IV®e année. 4e à Ge livr. Bruxelles, 1858 ; 3 broch. in-8°. | Annales d'oculistique. Tome XXXIX. 3e à Ge livr. bioles 4858 ; 3 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome XXI. 4° à 6° cahiers. Bruxelles, 1858; 3-broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. XIX"® année. Livr. d'avril à juin. Anvers, 1858; 2 broch. in-8°. Journal de pharmacie. XIV"® année. 4° à Ge livr. Anvers, 1858; 3 broch. in-8°. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. XXIV®° année. Juin. Gand, 1858; 1 broch. in-8°. Catalogus van de bibliotheck der stad Amsterdam. IV® ge- deelte. Amsterdam, 4858; 1 cahier in-4°. Florence Nightingale ; door M. A. Bogaers. Rotterdam, 1858 ; in-4°. ( 111) Histoire et mémoires de l'Académie des inscriptions et belles- lettres, depuis son établissement jusqu'en 1717. Paris, 1717- 17925; 4 vol. in-4°. Statistique géologique, minéralogique, minérallurgique et pa- léontologique du département de la Meuse; par M. A. Buvignier, Paris, 1858; 1 vol. in-4° et 1 vol. in-fol. de planches. Observations sur le terrain jurassique de la partie orientale du bassin de Paris ; par le même. Paris, 1858; 1 broch. in-8°. De la résistance de l'air dans le mouvement oscillatoire du pen- dule; par Ch. Girault. Caen, 1858; 4 broch. in-8e. Catalogue chronologique des tremblements de terre ressentis dans les Indes occidentales de 1550 à 1850 ; par Andrès Poey. Versailles, 1858; 4 broch. in-8°. Répartition géographique de l'universalité des météores en zones terrestres, atmosphériques, solaires ou lunaires; par le même. Paris, 14858 ; 1 broch. in-8°. a Considérations philosophiques sur un essai de systématisation subjective des phénomènes météorologiques ; par le même. Paris, 1858; 2 broch. in-8°. Appel aux météorologistes à propos d'une systématisation sub- Jective des phénomènes physico-chimiques du globe; par le même. Paris, 1858; 1 broch. in-8°. Sur le nombre de personnes tuées par la foudre dans le royaume de la Grande-Bretagne, de 1852 à 1856 ; comparé aux décès par fulquration en France ; par le même. Paris, 1858; 1 broch. m-4°. Relacion de los trabajos fisicos y meteorolégicos hechos por don Andres Poey tanto en la Habana como en Europa, destinada para servir de introduccion a las futuras tareas del observatorio meteorologico de aquella ciudad ; redactada por don Ramon de la Sagra, Paris, 1858; 1 broch. in-8°. Note sur les appareils et les principes nouveaux d'hydrau- lique; par M, Anatole de Caligny. Versailles, 1858 ; 4 broch. in-4°, (182) Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1858. N° 2. Amiens, 1 broch. in-8°. Archives de l’agriculture du nord de la France. Tome I. Nes 4 et 2. Lille, 4857; 1 broch. in-8°. Bulletin des travaux de la Société impériale de médecine de Marseille. Année 1858. N° 1. Marseille, 485$, 1 broch. in-8°. Archiv der Mathematik und Physik; herausgegeben von J.-A. Grunert. XXXS® Thiel, 4 Heft. Greifswald, 1858; 4 broch. in-8°. Neues Jahrbuch für pharmacie und verwandie Facher. Band IX, Heft 5 und 4. Spire, 1858; 2 broch. in-8°. Würtiembergische naturwissenschaflliche Jahreshefte. XIV'r Jabrg., 25 und 3'% Heft. Stuttgart , 1858, 1 broch. in-&. Recherches sur le climat de la Russie; par M. Vesselovsky. St-Pétersbourg, 1857; 1 vol. in-4°. (Ouvrage en langue russe.) Bibliografia italiana delle scienze mediche; compilata dal prof. G. Brugnoli et dai D.-A. Corradi et Cesare Taruffi. Serie prima. Vol. 1°. Disp. 1 et 2. Bologne, 1858; broch. in-8°. Rendiconti delle Adunanze delle r. Accademia economico- agraria dei (eorgofili di Firenze. Triennio III, Anno 2. Avril et mail. Florence, 1858; 2 broch. in-8°. Reale Accademia delle scienze di Napoli : — Memorie. Vol. 4° e Il, — Continuazione del rendiconto. Anno V e VI. Naples, 1857; 3 vol. in-8°. Atti dell imp. reg. istituto veneto di scienze, lettere ed arti. Tomo IIP. Serie 2°. Dispens. 4-7. Venise, 1858; 3 broch. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — N° 8. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 7 août 1858. M. D Omauius D Hazcoy, président de l’Académie. M. An. QuEeTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Timmermans, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx, Stas, Van Beneden, de Selys-Long- champs, le vicomte B. Du Bus, Melsens, Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman , membres ; Schwann , Lacor- daire, associés; Donny, Ern. Quetelet, d'Udekem, Mon- ligny, correspondants. M. Ed. Fétis, #1embre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. 2" SÉRIE, TOME V. 9 (414) CORRESPONDANCE. La Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand annonce que, le 19 septembre prochain, elle célébrera le 90° anniversaire de sa fondation, et elle invite chaque classe à y déléguer un de ses membres. M. de Selys-Long- champs est chargé d’y représenter la classe des sciences. M. Van Beneden représentera la classe des sciences au congrès de la propriété littéraire, d’après la demande adressée à l’Académie, par M. Ch. Faider, président de celte réunion. Le congrès se réunira à Bruxelles, le 27 sep- tembre prochain. — L'Académie impériale de médecine de Paris, lAca- démie royale des sciences d'Amsterdam, la Société batave de Rotterdam, l’Académie de Dijon, la Société de biologie de Paris, etc., remercient l’Académie pour l'envoi de ses publications. L'Académie royale des sciences de Naples, la Société royale des sciences de Liége, la Société impériale des sciences de Douai, etc., envoient leurs dernières publica- Lions. La Société hollandaise des sciences de Harlem et la Société dunkerquoise font parvenir le programme de leur prochain concours. — La classe accepte le dépôt d’un billet cacheté, qui lui est adressé par M. Gluge, membre de l'Académie. — M" Cath. Scarpellini transmet à l’Académie les ré- sultats de ses observations ozonométriques, faites à Rome. a —— til) | — a [14 Lu; RAPPORES, M. le Secrétaire perpétuel fait connaitre que la Commis- sion académique, nommée pour examiner les questions relatives au règlement des prix quinquennaux, s’est réunie avant la séance; mais la nature complexe des questions posées par le Gouvernement et l'absence de deux membres de la Commission n’ont point permis de formuler des pro- positions définitives. La Commission espère pouvoir pré- senter son travail dans la prochaine séance. ——_——— . COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la différence des longitudes entre Berlin et Bruxelles, déterminée par la télégraphie électrique (4). (Extrait d'uu article de M. Encke, directeur de l'Observatoire royal de Berlin, associé de l’Académie de Belgique.) M. Encke a lu, dans une des dernières séances de l’Aca- démie royale des sciences de Berlin , une notice sur la dé- termination de longitude exécutée, l’année passée, entre Berlin et Bruxelles, pour faire suite à la détermination des longitudes qui s’opérait à la même époque entre Berlin (1) Publié dans les Aonats-Berichten der koniglichen Akademie der IF'issenschaften zu Berlin. 1858. ( FAO ) et Kœnigsberg. En sorte qu'au moyen d’une opération semblable, qui avait été faite d’abord entre Bruxelles et l'Observatoire royal d'Angleterre, cn aura maintenant la différence des longitudes, par la télégraphie électrique, entre Greenwich et Kæœnigsbers, c'est-à-dire de presque tout le nord de l’Europe. « L'exposition d'une opération semblable entre Berlin et Kœnigsberg, dit M. Encke, qui a été faite dans une séance précédente, rend inutile de revenir sur les détails, Les deux opérations seront décrites avec développement dans nos mémoires. Les circonstances extérieures qui n’ont pas permis d'atteindre la plus grande précision et une coincidence parfaite entre les valeurs isolées, ont été les mêmes que lors de ce premier travail. La nouvelle expérience montre que, peut-être, outre l’équation per- sonnelle. dans la déterminationdu temps, il existe encore une équation personnelle dans l'observation des signaux. » Îci, à Berlin, j'ai toujours observé avec mon aide, M. le docteur Bruhns, et, pendant quelques jours, M. le docteur Fôrster s’est, en outre, joint à nous. » La moyenne de toutes ces observations fut adoptée chaque jour comme résultat, ce qui offrait d'autant plus de garanties, que le docteur Bruhns et moi ne différions en général que dans les centièmes de la seconde, el que le docteur Fôrster observait peut-être 0°,2 plus tôt. » À Bruxelles, observait M. Ernest Quetelet, le fils de notre correspondant, M. Quetelet, directeur de l’Obser- vatoire (1). = = RE — (1) L'état de maladie où se trouvait alors le directeur de l'Observatoire de Bruxelles, ne lui a pas permis de prendre une part directe à cette importante opération. (417 ) » M. le docteur Bruhns et M. Ernest Quetelet ont soigné la détermination du temps, et se sont comparés pour leur équation personnelle à Berlin et à Bruxelles. » Le temps que met le courant à parcourir la double distance entre Bruxelles et Berlin était, avec une très- grande concordance, de 0°,56. Pour obtenir la vraie diffé- rence des longitudes, sans avoir égard à la direction du courant, il fallait donc diminuer de (°,18 la longitude orientale de Berlin par rapport à Bruxelles, déterminée par les moments de Bruxelles, c'est-à-dire quand le cou- rant allait de Bruxelles vers Berlin et, au contraire, aug- menter de 0,18 la longitude obtenue, quand le courant allait de Berlin à Bruxelles. » Il y avait deux relais, à Hanovre et à Cologne, de façon qu'on retrouvait la même circonstance qu'avec Kæ- nigsberg, où le chemin, dans un sens, n’était pas complé- tement égal au chemin dans le sens opposé. » Les observations se faisaient loujours un samedi et le dimanche suivant (1857, avril 25, 26, mai 2, 5, mai 9, 10, et octobre 10, 11). Le 26 avril, une série de coïnci- dences de Berlin vers Bruxelles fut perdue, parce que les coups ne purent pas être entendus; le 10 mai, les deux séries de coincidences de Berlin vers Bruxelles et vice versd, furent perdues également, à cause d’un fort orage sur la frontière de Belgique. Le tableau suivant présente les résultats individuels. | LONGITUDE ORIENTALE DE BERLIN, D _ d’après d'après LES COÏNCIDENCES. LES SIGNAUX. 36mM6$70 366549 | 6,56 6,24 | 6,75 6,74 | » 6,59 6,48 6,37 | 6,44 6,43 6,37 6,25 6,34 6,20 6,42 6,37 6,48 6,59 » 6,20 » 6,18 6,97 6,86 7,05 7,07 6,85 6,15 6,92 6,83 MoyenNNE. . . . 6,64 6,50 | » J’adopte, comme dans l'opération avec Kænigsberg, la longitude déterminée par les coïncidences. On obtient alors l'erreur moyenne d’une observation de coïncidence d'un jour, 0°,2447. On à de plus l’erreur moyenne d’une observation de si- gnaux d'un jour, par rapport à cette longitude, 0,5141 ( 119 ) et l'erreur moyenne du résultat, d'après les coincidences, 0",068. . et, d'après les signaux, 0,078. Ainsi, l'erreur pourra être estimée à un dixième de se- conde. » À cette longitude doit encore s'ajouter, pour l'équation personnelle, dans la détermination du temps — 0,18, et pour la réduction au centre de l'Observatoire de Berlin + 0°,05, de façon que le résultat final est 56"6:,49, Bruxelles ouest de Berlin. » — Je crois intéressant, dit M. Quetelet, de mettre à la suite de cette note extraite de celle qui a été rédigée par M. Encke, une comparaison donnée par le même savant entre les résultats nouvellement obtenus et les anciens. En 1855, par dix voyages, d'aller et retour, avec vingt chronomètres, on trouva : Altona ouest de Berlin 13"48:,78. Par deux opérations chronométriques, on avait d'autre part : Altona est de Greenwich 59°46:,57 (4str. Nachr., 174). _ = 59%46°,15 (Expéd. Chron., 1846). Dans la première valeur manque la détermination de l'équation personnelle de l'observateur d'Helgoland avec les observateurs anglais. On déduit des valeurs précédentes : Greenwich ouest de Berlin 53"35°,55 — — 53"545,95, (120 ) D'une autre part, on a trouvé, en 1855, par signaux galvaniques : Bruxelles est de Greenwich 17"28°,9. Enfin, en 1857, Bruxelles ouest de Berlin 36"6:,49. En combinant ces déterminations, on a donc trois va- leurs de la différence des longitudes entre Berlin et Green- wich : 3"55:35 par la 1°< expédition chronométrique entre Greenwich et Altona. 54,95 par la 2e — — 5 54, 53 35,59 par les signaux galvaniques entre Greenwich, Bruxelles et Berlin. Sur le magnétisme du globe; par M. Hansteen, associé de l’Académie. M. Quetelet donne lecture des extraits suivants d'une lettre qu'il vient de recevoir de M. Hansteen, professeur à l'université de Christiania : « On a jusqu’à présent représenté l'intensité de la résul- tante magnétique de la terre en chaque point de sa sur- face, par une unité arbitraire, savoir par la plus petite in- tensilé magnétique observée, par M. de Humboldt, à la fin du siècle dernier, sous l'équateur magnétique au Pérou (7° de latitude méridionale). Mais, comme cette résultante change aussi bien de grandeur que de direction, cette unité a été variable également. Si, après un demi-siècle, on prend cependant toujours pour intensité totale, à Paris, ( 421 ) la valeur 1,5482, et si, par comparaison avec cette ville, on détermine l'intensité sur d’autres points, on fait natu- rellement une erreur; car l'intensité à Paris, pendant les années consécutives, a eu des valeurs toujours différentes et diminuant progressivement ; ce que l’on obtient ainsi, c'est simplement le rapport de l'intensité pour le point d'ob- servalion à l'intensité à Paris, au temps de l'observation. Quand le rapport entre l'intensité pour Paris et Bruxelles, d’après vos propres observations et celles d’autres savants (MM. Sabine, Langberg, Rudberg, ete.), est constaté dans différentes années, el que vous en déduisez que l'intensité à Bruxelles reste inaltérable, cela signifie simplement que le rapport entre les deux points, pendant ce cours d'années, ne s'est pas changé d'une manière sensible, ce qui pouvait être prévu à cause du peu de distance des deux points d'observation (1). » Pour rechercher les variations d'intensité sur difié- rents points, j'ai cru devoir exprimer l'intensité en unités absolues de Gauss. Comme base pour cette recherche, je me suis servi de mes propres déterminations absolues dans mon voyage à travers les États russes et dans d’autres pays européens, et des observations obtenues par des amis qui faisaient usage de mes appareils. De cette manière, je con- nais l'intensité absolue à Paris, Londres, Christiania, Stockholm, Gôltingue en même temps que sa variation annuelle. Aussitôt qu'un nouveau point est comparé à l’un de ceux-là, je puis réduire l'intensité fondamentale pour l'année d'observation, et déterminer ainsi l'intensité ab- solue de la station nouvelle. Je connais ainsi l'intensité (1) Il est bien évident que notre estimation n'était que relative et ne pou- vait avoir de valeur absolue, (Ad. Q.) (122) absolue pour une série de points entre Dresde, Güttingue el Allona, mais seulement pour une certaine année. » Maintenant je désirerais aussi comprendre Bruæelles dans mes séries d'observations, de même que les points où M. votre fils, Ernest Quetelet, a recueilli ses résultats. Vous avez, vous-même, il y a plusieurs années, dans uu voyage de Bruxelles à Naples, fait des observations com- paralives.……. » Pour Paris, j'ai la composante horizontale à trois époques différentes, 1823,28, 1851,88 (deux observations d'Arago) et 1855,55 (de Lamont); et, d'après cela, J'ai représenté la valeur de la composante horizontale par la formule suivante : H — 1,7711 + 33,950 (t — 1825,0) — 0,24753 (£ — 1893,0)°, où les constantes des deux derniers membres sont des unités de la quatrième décimale; le tout en unités absolues de Gauss. » Si je prends vos observations pour Bruxelles en t = 1850,5; ce qui suppose, à celte époque, pour Paris H— 1,7946; d’après votre estimation, pour l'intensité horizontale à Bruxelles, on a L'—0,9697, quand, à Paris, on fait k — 1,0000; on a ainsi pour. Bruxelles, en unité absolue, H° = 1,7403...…. » En prenant les résultats de votre fils (Bulletins pour l'année 1856, p. 442), le résultat des intensités hori- zontales pour Altona et Gôttingue — 1,000 : 1,035 — 0,96805 : 1,0000. A Gôttingue, M. le professeur Gold- schmidt, d'après onze délerminations absolues prises entre 1854 et 1845, à trouvé, pour composante horizontale: H — 1,7755 + 14,8 (6 — 1954.55) { 495 \ ( 125 ) par conséquent, on à, pour t — 1856,66, la valeur H — 1,8060, el pour Altona, en 1856,56, H = 1,7485. » J'ai trouvé, pour Altona, en moyenne, d'après des observations faites dans les jardins de Schumacher et de Kessels, du 21 juillet 1859 jusqu'au 17 septembre de la mème année : DR #5 0 Joe ls Ern. Quetelet 1856,66. . . . . H — 1,7483 Différence . . 17,05 années 0,0568 ainsi H — 1,7115 +- 91,6 (t — 1859,65) — 1,7122 + 91,6 (4 — 1840,0) A Bruxelles, M. Ernest Quetelet a trouvé, en 1856,67, Bruxelles : Altona = 1,054 : 1,000. A Altona, on avait, d'après les précédents, pour 4—1856,67, la valeur H — 1,7485, donc on avait : D: fi SUR Se Ce AR ED AMD 2 SUN", UE T,7409 Différence en | 26,17 ans, . , 4 +1 0,0675. Ainsi, pour Bruxelles, H = 1,7405 + 25,8 (4 — 1850,5). » Si l'on prend maintenant pour base Altona-Güt- (124) tingue, il suit des observations de M. Ernest Quetelet, qu'on a en unités de Gauss : VILLES. | l | mn a Bruxelles | 1856,67 1,8078 Cologne . 1856,62 1,8181 Bonn, Kreutzberg 1856,62 1,8496 Bonn, Popesdorf. 1856,63 1,8190 Gotha. 1856.64 1,8373 Berlin NS Ro 7 1856,69 1,7991 Altona 1856,70 1,7485 Amsterdam. 1856,75 1,7757 Potterdam . | 1856,75 1,7625 » Je trouve à Gotha, d'après ces observations et les miennes : Pour t — 1859,64 H — 1,8071 1856,64 H — 1,8575 Différence. . . 17,00 0,0502 H — 1,8575 + 17,8 (£ — 1859,64). » Les variations annuelles pour Bruxelles, Altona et Gotha s'accordent ainsi assez bien entre elles. » Pouvez-vous me communiquer les renseignements qui me manquent sur les deux voyages que vous avez faits en 1829 et 1850 , et tous les rapprochements entre Bruxelles, Paris et Londres, ainsi que les observations diverses (Sa- bine, Langberg , Rudberg, etc.) avec les dates des obser- vations? Je pourrai en retirer beaucoup d’aide pour mes propres recherches... » « P. S. La traduction des observations des aurores bo- réales vous parviendra bientôt. » e—— ( 125 ) M. Van Beneden met sous les yeux de la classe des Tu- bulaires d’eau douce vivantes, qui lui ont été envoyées de Schleswig par les soins du docteur Semper. Ce sont des animaux très-voisins, si pas identiques avec les Cordylo- phora lacustris, qui n'ont été observés jusqu’à présent qu'à Dublin, par Allmann. Tous ces animaux sont nés en Bel- gique; au moment de leur arrivée dans le pays, leurs têtes étaient tombées, et il ne restait de vivant que des tiges el des embryons qui ont disparu ensuite. M. Van Beneden se fera un plaisir de communiquer des exemplaires de ces polypes aux naturalistes qui lui expri- meront le désir d'en recevoir. nn MR ( 126 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du ? août 1858. M. LECLERCQ, directeur. M. An. QuETELET , secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Grandga- gnage, de Ram, Gachard, David, Paul Devaux , De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Polain, De Witte, membres; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Ducpetiaux, Ad. Mathieu, Chalon, Th. Juste, correspondants. MM. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE, — M.le Ministre de l’intérieur adresse la copie d’un arrêté royal qui contient les dispositions suivantes : 1° Il est institué un prix triennal pour la composition d'une œuvre dramatique en langue flamande, dont le sujet devra être pris, soit dans l’histoire, soit dans les mœurs nationales ; 2 Le prix qui sera décerné à l’auteur de l'ouvrage cou- ronné consistera en une médaille d'or d'une valeur de (127 ) cent francs el une somme de cinq cents francs au moins et de quinze cents francs au plus, à répartir suivant les mérites de la pièce dramatique et le nombre des actes; 5° Un subside pourra également être accordé pour la mise en scène ; 4 Le jugement se fera par une commission de trois membres au moins, choisis sur une liste double de pré- sentalion, dressée par la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique; ÿ° La première période triennale sera considérée comme close le 4° janvier 1859, de telle sorte que toutes les œuvres qui auront paru depuis le 1* janvier 4856 pour- ront participer au prix; 6° Notre Ministre de l’intérieur prendra toutes les autres dispositions nécessaires pour l'exécution du présent arrêté. M. le Ministre demande un projet de règlement qui puisse assurer de la manière la plus satisfaisante l'exécu- lion d'une mesure destinée à stimuler une branche im- portante de la liltérature nationale. La commission pour la littérature flamande, composée de MM, David, Snellaert, Bormans, De Decker et Carton, est invilée à présenter le projet de règlement demandé par le Gouvernement. } Conformément au désir exprimé par M. Carton, M, de Saint-Genois remplira dans cette circonstance les fonc- lions qui lui étaient dévolues. — MM. Le Clerc et Adrien de Longpérier, membres de l’Institut de France et associés de l'Académie, remercient pour l'envoi des publications les plus récentes de la com- pagoie; ils font en même temps hommage de leurs derniers écrits. ( 128 } L'Académie des sciences et l’Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut impérial de France remercient également la compagnie de l’envoi de ses dernières publi- calions. | — L'Athénée illustre d'Amsterdam fait hommage de la quatrième partie du catalogue de la bibliothèque de la ville el de PAthénée. — La Société des Antiquaires de Picardie annonce que le XV volume (V'"*° de la 2"° série) de ses mémoires vient de paraitre. — La Société impériale géographique de Russie fait parvenir les procès-verbaux de ses dernières séances. — L'Académie reçoit aussi les derniers programmes de l’Académie des sciences de Turin, de la Société des Anti- quaires de la Morinie et de la Société dunkerquoise pour l’encouragement des sciences, des lettres et des arts. —- M. H. Hahn, docteur en philosophie et professeur d'histoire et de géographie au gymnase de Frederichs- Werder, à Berlin, écrit qu'il vient d'apprendre avec gra- titude que son travail, relatif au lieu de naissance de Charlemagne, sera inséré parmi les mémoires de l’Aca- démie. — M. Félix Nève, professeur à l’université de Louvain, adresse un mémoire manuscrit, intitulé : Exposé des guerres de Tamerlan et de Schah-Rokh dans l'Asie occiden- tale, d'aprés la chronique arménienne inédite de Thomas de Medzoph. (Commissaires : MM. De Witte, J, de Saint- Genois et De Decker.) (429 ) RAPPORTS. Commission pour les bustes des académiciens. M. le Secrétaire perpétuel fait connaître qu'il s’est réuni aux délégués de la classe des lettres et des beaux-arts, MM. De Decker et Alvin, pour s'occuper des bustes des académiciens décédés qui n'ont pas encore été exécutés jusqu’à présent et qui sont destinés à orner la salle des séances publiques de l'Académie. Le travail sera présenté aux trois classes réunies dès qu'il sera terminé; la commis- sion croit cependant devoir, dès à présent, exprimer le regret de ne pas trouver dans la collection des bustes ceux de trois hommes chers à l'Académie : M. Falck, qui en a été le réorganisateur comme premier ministre sous le gouvernement hollandais, et qui avait conservé à la com- pagnie le même dévouement pendant sa carrière d’ambas- sadeur; le commandeur de Nieuport, ancien directeur, aussi estimable par son caractère que par ses savants tra- vaux scientifiques qui, dès la fin du siècle dernier, l'avaient rangé parmi les membres de lInsutut de France et lui avaient valu l'amitié de la plupart des savants distingués de cette époque; et M. Dewez, l'historien de la Belgique, et l’un des plus fermes appuis de l’Académie pendant sa carrière de secrétaire perpétuel. 2° SÉRIE, TOME v. 10 COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Ad. Quetelet annonce qu'il s’est acquitté de la mission dont l'avait chargé la classe des lettres, en même temps que ses honorables confrères, MM. Cantraine et Fr. Fétis, nommés par les deux autres classes, pour assister, d’après l'invitation de la Société des sciences, des arts et des let- tres du Hainaut, à l’anniversaire de la vingt-cinquième année de la fondation de cette société savante. Il rend le comple le plus favorable de cette réunion , non-seulement sous le rapport des sentiments de confraternité qui se sont manifestés entre les principaux corps savants, littéraires et artistiques du pays, mais encore pour ce qui concerne les services que chacun de ces corps peut rendre, en sa spécialité, dans les provinces de notre royaume, et sur l'appui qu'en peut recevoir l’Académie royale dans la dif- ficile mission qui lui a été confiée de veiller aux intérêts intellectuels du pays. | Plusieurs autres membres de l’Académie, délégués par d’autres sociétés du royaume, assistaient à la même fête, notamment MM. de Selys-Longchamps, Polain, Baron, Roelandt, Van Duyse. M. Ad. Quetelet dépose ensuite une médaille en argent que M. Hipp. Rousselle, président de la Société de Mons, présente à l’Académie, en commémoration de l’anniver- saire qui vient d’être célébré. Des remerciments seront adressés en témoignage de reconnaissance. — MM. Roelandi et De Busscher, président et secrétaire de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, ( 131 ) font connaitre que cette société va célébrer le cinquantieme anniversaire de sa fondation , le 19 septembre prochain. Elle a, sans contredit, le plus contribué, pendant un demi- siècle d'existence, au développement progressif des arts et des lettres dans les Flandres. « La compagnie, disent-ils, serait heureuse et flattée, si l’Académie de Belgique, la première institution savante du pays, voulait bien l'ho- norer du témoignage de sympathie qu’elle vient de donner à la société de Mons, et déléguer un membre de chacune de ses classes pour la représenter à la fête jubilaire de Gand. » La classe des lettres , répondant, pour sa part, à cette gracieuse invitation , charge M. Ad. Quetelet de la repré- senter. — M. le Secrétaire perpétuel annonce qu'il a reçu éga- lement une lettre d'invitation de M. Charles Faider, mem- bre de la classe et président du congrès de la propriété artistique et littéraire; cet honorable membre prie la com- pagnie de nommer des délégués pour prendre part aux délibérations du congrès, qui se réunira dans le local même de l'Académie, pendant le mois de septembre pro- chain. M. Ducpetiaux est désigné pour représenter la classe des lettres, | Note sur une stipulation du traité de Melun (1226); par M. J.-J, De Smet, membre de l’Académie. Quelle que soit l’opinion qu’on s’est formée sur le ca- ractère de Marguerite de Constantinople, comtesse de ( 132 ) flandre, il faut avouer que cette princesse se montra douée d’un génie mâle et de hautes qualités qui eussent fait honneur à un puissant monarque. Le cours de son règne fut marqué par un grand nombre de changements heureux dans toutes les parties de l’adminmistration , et, cependant, 1l compta peu d'années paisibles : sa prédilec- tion pour les enfants qu’elle avait eus de Guillaume de Bourbon-Dampierre causa, elle seule, une longue guerre, signalée par plus d’un désastre et devenue plus inquié- tante par l’inimitié du comte de Hollande, élu roi des Romains, qui devait naturellement prendre à cœur les intérêts de Jean d’Avesnes, son beau-frère; mais bien d’autres difficultés entravèrent son gouvernement, Tout en ceignant la couronne comtale (1), Marguerite avait trouvé les relations de la Flandre avec la France passablement embarrassées, par suite des conditions dures et onéreuses auxquelles le comte Ferrand, fait prisonnier à la bataille de Bouvines, avait obtenu la liberté. L’humi- Jiant traité de Melun avait été mitigé, il est vrai, par le roi Louis IX, mais uniquement sous le rapport de la quotité de la rançon du comte, et plus tard seulement, ce prince avait été autorisé à rebâtir en pierres les portes des villes démantelées de Flandre, La comtesse Mar- guerile, qui avait dû jurer le malheureux traité, en. 1225 , par ordre de sa sœur Jeanne, et comme son hé- ritière présomptive (2), ne fut admise à prêter hommage au roi qu'après avoir renouvelé (en mars 1245) le ser- + (1) Les Anglais ont heureusement deux mots différents pour exprimer la couronne royale et la couronne de comte ou de duc : la premiére s'appelle Crown ; l'autre Coronet. Celle distinction nous manque. (2) Dans les Miscellanca de Baluze, lib. VIT, pag, 265. (135) ment de maintenir ce qu'on appelait la paix de Melun. Or, parmi les stipulations de ce traité, il s'en trouvait une qui suflit pour prouver combien les Flamands vaincus inspiraient encore de crainte et de défiance à leurs puis- sants voisins. Elle fait défense au comte et à la comtesse de Flandre de bâtir de nouvelles forteresses ou d'augmenter les anciennes, dans le comté et jusqu'au fleuve qui se nomme l'Escaut, sans la permission du roi de France ou de ses successeurs (1). Par cette mesure, les Français, qui gar- daient déjà Lille, Douai et l'Éclusé (2), pouvaient en- voyer une armée au cœur du pays sans rencontrer le moindre obstacle : mais n’était-ce point là user peu géné- reusement du væ viclis ? Il est étonnant d'ailleurs que les conseillers du roi qui, dans la lutte des enfants de Marguerite, favorisait ceux de Dampierre, n'aient pas aperçu qu'en ouvrant le comté aux troupes françaises, on affaiblissait en même temps ses moyens de défense contre les d’Avesnes, qui pouvaient l’attaquer, d'une part avec leurs alliés, les Hollandais, par , les îles de Zélande et, de l'autre, par Lessines, Flobecq ou Vloesberghe, ainsi que par les terres voisines qu’on quali- fiait de Zerres de débat (5), comme ils ne manquèrent pas de faire en effet, l’an 1247, en ravageant la Flandre impériale, en s'emparant de Termonde, qui, faisant partie de la Flandre allodiale, ne pouvait donner lieu à contesta- (1) Comes et comitissa non possunt facere fortericias novas nec ve- teres infortiare in Flandria citra fluvium qui dicilur Escault, nisi per nos vel successores nostros. Ibidem, pag. 260. (2) C'était à cette époque une place forte entre Arras et Bouchain. (5) Parce que le comte de Flandre en contestait la possession à celui de Hainaut. ( 154 ) ion, et en tuant beaucoup de monde, près des digues de l'Escaut, aux Français et aux Flamands réunis. Mais ce qui doit étonner davantage et nous a porté à écrire cette courte note, c’est l'interprétation donnée par le cabinet français à ces mots du traité : citra fluvium qui dicitur Escault. La comtesse Marguerite ayant cru devoir, pour la sûreté de sa terre de Waes, mettre la forteresse de Rupelmonde dans un meilleur état de défense, le roy sainct Louys, de ce grandement indigné, dit d’Oude- gherst (1), manda vers lui ladicte contesse, l'accusant el blämant de ce que, contre la susdicte paix, elle avoit faict réparer ledict chasteau de Rupelmonde, veu mesmes qu'elle ne devoit ignorer qu'il estoit situé déça l'Escault. Margue- rite représenta, et à bon droit sans aucun doute, qu’elle v'avait pas cru enfreindre le traité de Melun en relevant les fortifications de Rupelmonde, puisque cette ville ap- partenait au pays de Waes, qui était terre de ÉRepira el n'avait jamais été sujet à la couronne. Le judicieux commentateur de d'Oudegherst pense (2) que cette justification satisfit les conseillers de Louis IX, et il aurait dû en être ainsi effectivement; mais cet édi- teur, si exact d'ordinaire, s’est trompé celte fois, peut- être faute d’avoir consulté les pièces importantes qu'É- tienne Baluze a extraites de la bibliothèque Colbert et insérées dans le septième volume de ses Miscellanea. D'Oudegherst avait écrit : MNéantmoins le roy ne se voulut contenter, de sorte que la contesse, pour satisfaction d'iceluy roy, fut contraïncte de déclarer et confesser que Rupel- (1) Ænnales de Flandre, tom. IT, pag. 145, éd. Lesbroussart. (2) Zbidem , note. ( 159 monde et le terroir de Waest estoyent du royaume (1). M. Lesbroussart n'admet pas le fait et aflirme au contraire que : Lorsque la comtesse alla trouver saint Louis, ce monarque ne la força pas à reconnoiître que Rupelmonde et le pays de Waes dépendoient de la couronne de France. H est vrai qu'on à quelquefois accusé d'Oudegherst de par- tialité envers les Flamands, mais cette inculpation n'a point de fondement et s'appliquerait avec plus de justice à De Meyere lui-même. M. le D' Warnkœænig assure que ses propres recherches, dans les archives de Flandre, Font convaineu que d'Oudegherst les avait toutes visitées (2). La remarque du savant allemand s'applique d'une ma- nière toute particulière au fait que nous examinons. I} ne viendra sans doute à l'esprit de personne de penser que la comtesse a pu rendre spontanément hommage au roi pour ses terres de l'Empire; eh bien, nous possédons l’aete de cet hommage. Il est donné à Paris et porte la date du samedi après les Cendres, 1254 (v. st.). La com- tesse y reconnait positivement qu'elle tient la terre de Waes, la ville et forteresse de Rupelmonde en fief du roi de France, comme elle possède le comté de Flandre lui- même (5). Cet acte lui fit obtenir la permission de fortitier la citadelle de Rupelmonde; mais, par surcroît de pré- caulions, on lui fit souscrire une nouvelle charte, où elle réitère l’aveu de sa vassalité à la France pour la for- (1) Annales de Flandre, tom. II, pag. 146. (2) Æistoire de la Flandre et de ses institutions , tom. I, pag. 89. (5) Nos Margareta... notum facimus…. quod nos terram Wasiae, villam et custrum nostrum de Rupelmonde, cum comitatu Flandriae, ab excellentissimo domino nostro Ludovico, Dei gratia Franciae rege tllustrissimo , ad nostrum feudum tenemus. (Baluz., Hise., t. VIE, p. 285.) (156) teresse : quod nos tenemus et advocamus de ipso rege (1). La prétention du gouvernement français était insou- tenable et ne reposait sur aucun autre droit que celui du plus fort. La comtesse Jeanne n'avait pu accepter à Melun, sans l'intervention de l'Empereur, une condition qui grevait une terre d'Empire d’un nouveau vasselage. Les feudistes, comme les historiens , ne sont pas d'accord sur la question : si, dans le moyen âge, le comté de Hainaut était tenu en fief relevant d’un suzerain, ou si c'était un alleu affranchi de tout hommage (2); et cependant, quand la comtesse Richilde inféoda son comté à S'-Lambert, c'est-à-dire à l'Église de Liége, l'Empereur Henri IV dut intervenir pour ralifier le traité (3). Comment aurait-on pu se passer de l'autorisation impériale pour un acte de même nature, quand il s'agissait de la terre de Waes, incontestablement sujette à hommage et relevant de l’'Em- pereur ? Nulle part toutefois on ne trouve la moindre trace d'une intervention quelconque d’un prétendant au Se des Césars dans le traité de Melun. Femme supérieure et très-entendue aux affaires, la comtesse Marguerite ne se montrait pas néanmoins scru- puleuse à l'excès dans l’emploi de ses moyens politiques, et ce n'est pas sur son tombeau qu’on eût songé à écrire : Clauditur hac tumba simplexz, sine felle columba. Ainsi, lorsque, en 1257 (v. st.), les électeurs se divisè- (1) Baluz., Mise., t. VII, p. 286. (2) Voir la savante dissertation sur ce sujet de M, Raoux, dans le XIe vol. des Nouv. Mémoires de l’Académie. (3) Chapeaurv., tom. IT, pag. 12. (157) rent sur le choix d’un roi des Romains et choisirent les uns Richard de Cornouailles et les autres le roi de Cas- tille, la comtesse sut éviter le danger de prendre parti pour l’un ou l’autre de ces compétiteurs, en recourant à une ruse diplomatique, et s'assura , par une double négo- ciation, de l'investiture de la Flandre impériale : le roi Alphonse la garantit à Gui de Dampierre, fils de Margue- rite, et le prince anglais l’accorda gracieusement à elle- même (1). N'est-il pas permis, d'après cela, de supposer que Mar- guerile n'opposa pas une bien longue résistance aux pré- tentions de Louis IX, parce qu’elle savait parfaitement que les actes qu'on lui demandait étaient sans aucune valeur et entachés d’une nullité évidente? Aussi ne voit-on pas que les rois de France les aient jamais rappelés dans la suite des temps. . La Tragédie de Maître René de Bruxelles (René de Wal) ; traduite pour la première fois en français, par M. Ad. Mathieu, correspondant de l’Académie. De Reiïffenberg, qui a donné presque en même temps deux éditions assez fautives et littéralement les mêmes de l'œuvre de René, dans le tome XIV des Nouveaux Mémoires de l'Académie et le tome HIT (1842) de l'Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique , pp. 75-84 (2), vous a déjà (1) M. Warnkoenig a reproduit les actes qui ont suivi cette négociation, dans les Pièces justificatives de son 1° vol., n° xx1v, XX et xxvi. (2) M. Aug, Scheler, second bibliothécaire du Roi, en rendant compte ( 158 ) remis en mémoire que le mot de tragédie « ne doit pas être » pris à la lettre, qu'il signifie simplement une aventure » tragique, » ou plutôt une pensée traduite en personnages et en action, et que, « dans la narration de René, cette » aventure est même plaisante. » Un savant allemand, M. L. Tross, à qui nous en devons une troisième édition et une seconde version, singulièrement améliorée (4), cite, à l'appui de la première partie de cette phrase, l'Enlévement de Proserpine par Claudien, poëme que le libraire Re- nouard fait figurer sous ce titre dans son Catalogue de la bibliothèque d'un amateur (Paris, 1819, 4 volumes in-8°), tome 2, p. 501 : Claudiani Siculi de Raptu Proserpinae Tragediae duae. Ultrajeeti (Utrecht), typis Nice. Ketelaer et Ger. de Leempt, circa 1475, in-fol. Si ce n’était sortir de notre sujet, nous ferions remar- quer, en passant, à M. Tross que la critique qu'il dirige contre Renouard n’est nullement fondée : « qua inscrip- tione Ant. Aug. Renouard adeo falli se passus est ut diver- de cette publication dans le 9"° cahier du Serapeum , édité par le docteur Robert Naumann (Leipzig, 1842, in-8°, pp. 129-140), a proposé à de Reif- fenberg diverses modifications au texte, modifications que celui-ei s’est em- pressé d'adopter (Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, 4ve année, 1843, pp. 81-82), mais qui n’ont pas paru toutes également heureuses à M. Tross, qui réédita, six ans plus tard, la Tragédie de René : huc pour hic, vers 119; rogant pour rogatur (qui constitue une faute de quantité), au lieu de rogat, qui se rapporte à plebs, vers 154... etc. M. Tross a rejeté lepus pour lupus, vers 148, Nous eussions préféré la leçon proposée par M. Scheler, mais le vers où ce not figure ne se trouve pas dans le ma- nuscrit n° 15006, et il est visible que l’e de lepus, dans le n° 2719, est une correction faite après coup. (1) Magistri Reneri de Bruxella Tragedia. Ex duplici recensione ad codices Bibliothecae Burgundicae edidit Ludovicus Tross. Hammone (Ham, en Westphalie), typis schulzianis, MPCCCXLVIIEL. v et 1 1 pages in-4°. ( 1439 ) sum a Claudiani libris et plane aliud opus habuerit, a rari- tale Lantum commendabile (page 5). » Renouard n'a pas voulu établir une distinction entre cet ouvrage et celui sur le même sujet qui fait partie des œuvres de Claudien, mais seulement mentionner une édition très-rare alors, introu- vable aujourd'hui, et qu'il eût réimprimée, ajoute-t-1l, si le poëme lui eût paru digne de cet honneur. Des deux manuscrits de l’œuvre de René qui reposent à la Bibliothèque royale, de Reïffenberg (et cela étonne) n'a connu que celui qui figure au catalogue sous le n° 2719, et provient de l'abbaye de Stavelot ; ce qui le prouve , c'est qu'il donne ce manuscrit, évidemment du XV"° siècle, comme étant du XIV", lorsqu'une simple inspection de celui qui porte le n° 15006, et provient du couvent des Chartreux de Louvain, l’eût empêché de verser dans cette erreur : « Zncipit casus quidam insolitus qui accidit anno Domini 1447, descriptus a quodam magistro Regnero, rec- tore scholarum in Bruxella. » Cette rectification importerait peu si le millésime du poëme n'aidait à en faire connaître l’auteur, qui ne peut être, comme l'avait pressenti M. Alp. Wauters ( Bulle- tins de l'Académie de Belgique, tome VIIT, n° 10, 1841, pp. 502- 565; Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgi- que, »° année, 1842, pp. 85-84) , que maître René de Wael, recteur des grandes écoles de léglise de Sainte-Gudule, lequel enseigna les humanités à Bruxelles de 1457 jusqu'à sa mort, qui eut lieu en la même ville le 26 septembre 1469 (1), ainsi que le constate son épitaphe, en distiques latins, qui se trouvait à Sainte- Gudule et qui nous a été (1) Et non 1459, comme on l’a imprimé par erreur. ( 440 ) conservée par F. G.S. Sweertius, dans ses Monumenta se- pulcralia et inscriptiones publicae privataeque. Antverprae, an. 1615, apud Gasparem Belleram; in-12; p. 289: D. D. 5. Iac quoque qui lransis, non sil tibi, quaeso, molestum Sistere paulisper, nec celerare gradum. En lapis iste super quem stans legis hoc epigramma , + Arida consumpli corporis ossa legil Reyxert dicti pe WAEL, quem saepe magistrum Arlibus insignem fama fuisse refert, Nec non cl juvenes annis triginta duobus Ingenuas artes edocuisse virum. Mortuus est an. Do. MCCCCLXIX. XXVI die sept. Quem numerum metro claudere musu negat. UT requies animain foveat tranquilla per aevuin , Leclor amice, Deum, quaeso, rogare velis. Cette épitaphe, comme on le voit, lève tout doute sur la qualification de maître donnée à René, qualification que de Reiffenberg a d’abord semblé vouloir lui contester pour le plaisir de rappeler qu'elle se donnait, au moyen âge, à beaucoup de personnes qui ne portaient pas l’épitoge, c’est-à-dire qui n'étaient ni docteurs en théologie, ni mem- bres ni grelliers en chef de parlements, et que de grandes querelles s'étaient élevées pour savoir s'il fallait dire à un théologien coiffé du bonnet doctoral magister noster ou noster magister. La version du manuserit n° 45006, moins correcte, moins pure peut-être, et beaucoup moins concise que celle du n°2719, offre cependant assez de beautés supplémen- taires de détail pour que M, Tross ait cru devoir la tran- ( 141 ) serire littéralement, en indiquant par des italiques les différences que ce texte présente avec celui auquel il a cru devoir donner la préférence, bien que déjà édité. Malgré les trois éditions que nous venons d'en citer, l'ouvrage de René n’est guère plus connu qu'il ne mérite de l'être : on sait ee qu'était la poésie latine au XV”* siècle (nous ne parlons pas de ce qu’elle est aujourd'hui), et le seul éloge qu'on puisse faire de ce petit poème est de le com- parer, jusqu'à un certain point, comme de Reïffenberg en a eu l'idée, à quelques épisodes du Roman du Renard, cette soi-disant épopée du moyen âge; à la petite pièce publiée par J. Grimm et A. Schmeller sous le titre de Sacerdos et Lupus , rappelant si bien le De lupo de René (Lateinische Gedichte des X und XI Jh.; Gôtuingen, 1858, pages 340- 342), et aux Gesta Brunelli, ou Speculum stultorum, de Ni- gellus, Nigaldus, ou Vigellus de Wireker, Wirreker ou Wiroker, moine anglais de la fin du XII" siècle. Nous avons néanmoins pensé qu'au moment où se refail de toutes pièces notre histoire littéraire, nous ne serions pas mal venu d'essayer, vaille que vaille, une traduction du vieux mailre. . Adeo sanctum est velus omne poema ! (Horace , ep. 2, liv. 2, v. 54.) (142) MAGISTRI REYXNEXRI DE BRUXELLA TRAGOEDIAI. Quac fieri non posse putes, si respicis ad res Aut olim gestas quacve geruntur adhuc, Nonnunquam tamen eveniunt tam rara quod illis À non expertis vix sit habenda fides. Ecce quid acciderit nondum sex mensibus actis. Vera quidem res est, ridiculosa quoque. Est locus, exiguo spatio distans ab Alusto, Ruralis, dictus Wäicoct ab indigenis (1). Hic quoque Bruxella non multum distat ab urbe : Forsan intermedium millia quinque tenent. Ipse locum vidi, nec non mihi vera canenti Firma nec ambigua sit tribuenda fides. Hic in agro foveam fodit plebs rustica vastam, Et viridi texit ecspite cauta fores. Occultae fraudis vestigia nulla patebant, Sed caruit quavis suspicione locus ; Et super foveam caute suspenderat aucam (2), (1) Le manuscrit n° 2719 dit Wicoet et le manuscrit 15096 Ricoet. La premiere partie de ce mot n’est donc pas évidemment #yck, comme le pré- tend de Reilfenberg, et s'il faut lire Wyckhout, c’est à coup sûr par une autre raison, (2) Les deux textes ne concordent pas sur ce point. Celui du n° 2719 porte, Et SUper foveam caute suspenderat aucan, Celui du n° 15006, vers 21 : Et super hanc foveam laqueavit firniter aucam. Nous avons voulu conserver le suspenderat de l’un et le laqueavit de l’autre, sans tenir compte du Que super impendens equilibraret onus qui se trouve dans celui-ci, {rois vers plus hau. (143) LA TRAGÉDIS DE MAITRE MENÉ DE DBHUXELLES. De nos jours, comme aux temps dont survit la mémoire, Que de faits avérés auxquels on ne peut croire Et que nous déclarons impossibles, à moins Que d'en avoir été nous-mêmes les témoins ! Celui-ci, des plus vrais bien qu'assez drolatique , Eut lieu, cinq moins passés, à Wicoet, bourg rustique, Près d’Alost et non loin de Bruxelle.... ( En effet, La route de Bruxelle en quatre heures se fait). L'endroit, j'en puis parler de visu, de manière Qu'il faille à mon récit ajouter foi plénière. Un jour, pour prendre un loup qui, près de là rodant, Aux paisibles troupeaux faisait sentir sa dent, Par les gens du pays une fosse est ouverte Dont la trappe, aussitôt de branches recouverte, Dérobe à tout venant sa trace avec tant d'art Que du piége creusé rien ne parle au regard (4). Cela fait, nos malins au nœud d’une courroie (1) Pour qu'un homme, puis un loup, puis un homme encore, fussent pris successivement au piége, il fallait nécessairement que le trou füt recouvert d’une trappe à bascule, et le n° 2719 ne dit rien de cela. Le n° 15006 est plus explicite : Hic altam latamque specum fraus rustica fodit . Sed tamen introitus desuper artus erat, Obstructus caute trabe fallaci subeunte. Vers 15-17. Nous avons, du reste, un peu mélangé les deux textes, quand l'ouvrage nous a paru y gagner en clarté ou en précision. (144) Forte lupum sperans sic quoque posse capi; Ingens namque lupus, illis in finibus errans, Innocuo fuerat pestis acerba gregi. Hanc procul ut vidit pendentem forte viator, Accedens propius, solvere vincla parat; Sed, cupidus praedae, fraudem non senserat ante Quanm sese lapsum viderat in foveam. Viribus assumptis dum sursum scandere temptat, Vires propositum destituere suum. Non ars ingenio, non ingenium favet arti; Temptatus frustra jam labor omnis erat. Üt vero vidit se non evadere posse Atque ignominiam ludibriumque fore, Multa prius secum volvens : « Proh Juppiter — , inquit — » Sic peream, nec qui me relevarit crit! ; » Ergone sum toties te suppliciter veneratus » Ut ficrem rabidis esca cruenta feris? » O utinam pater ipse doli fraudisque repertor Hic esses! Caderes protinus ante pedes. » Talia nequicquam jactans, et plura volutans Dum stabat, nec spes ulla salutis erat, Ecce lupus, rabidas infectus sanguine fauces, Hac in vicinum dum nemus ire parat, Constitit ut strepitum clangentem senserat aucae, Et mox praevisum currit ad usque locum; Hic quoque pendentem praesumens prendere praedam, Incautus, tectam decidit in foveam. Exanimem fecere virum stupor et pavor ingens; Nullus in exsangui corpore sanguis crat. Flamma videbatur oculis exire lupinis, Quae non parva viro causa timoris crat; Et lupus extimuit strictum cernens pugionem . Quem prae se tenuit territa dextra viri. Dicere vix possis metuine viro lupus an vir (445) Y fixent, ou plutôt y suspendent une oic. Le premier qui survient va pour la détacher... Mais l'imprudent à peine en a pu s'approcher Qu'au fin fond de la fosse il a fait la culbute. De toute sa vigueur c’est vainement qu'il lutte Contre le piége et veut remonter jusqu'aux bords ; L'adresse n’y peut rien et rien tous les efforts. Il sent qu'à cet assaut sa force est épuisée, Qu'il devient un objet de honte, de risée, Et, tout à son malheur, d’un juste effroi transi : « O puissant Jupiter, — dit-il — c’est donc ainsi » Qu'il faut finir ! Et pas une main secourable ! » Vienne une bête fauve, et je n'ai — misérable ! — » Adoré tes autels, ton culte si souvent, » Que pour le beau plaisir d’être mangé vivant ? » Oh ! l’auteur, l'artisan d'une telle malice, » Que je le foulerais aux pieds avec délice ! » Il dit, dans sa pensée en ajoute encor plus, Et cesse, résigné, des efforts superilus.... Quand un loup, loup eruel qui va chercher sa proie Dans la forêt, s'arrête au bruit que fait notre oie, Et, sans précaution, courant vite au fossé, Y tombe. — De stupeur et de crainte glacé, L'homme, en l’apercevant, cst près de rendre l'âme, Car la bête sur lui darde son œil de flamme ; Le loup, de son côté, tremble sous le regard De l’homme, qui d'instinct a tiré son poignard, Et leur peur, à tous deux, est si forte qu’en somme On ne sait qui du loup craint le plus ou de l'homme. — Deux athlètes n’ont pas le cœur moins rassuré Devant le fer que l’un contre l'autre a tiré. 2e SÉRIE, TOME V. 11 ( 146) Ipse lupo plus sit, tantus utrique timor. — Non aliter pugiles terrentur quumve propinqui Alter ab alterius ense perire timent. Dum sic ergo diu pavitant ambo, lupus et vir, Coeperat occiduas tangere Phœbus aquas. Non dapis ullus amor, non almae cura quietis, Membra sed assiduo quassa pavore tremunt. Interea, numerus ne non perfectior esset, Tertius ecce venit, nescius ipse doli. Hic quoque, dum properat vicinam visere villam, Aucam, quam solam vidit, habere cupit, Pinguia nam lautae sperabat fercula coenae, Et jam nexa parat solvere vincla manu; Sed, graviter cacabis humeros oneratus aenis, Expertus fraudem, dum resilire parat, Contrahit ingentem, steterat qua parte, ruinam, Ipse locus nec onus jam tolerare potest. Decidit, atque, cadens, vastum tremefccerat antrum, Quem super horribilem vasa dedere sonum. Exanimes primi, legio quasi daemoniorum Desuper irruerit, perdere quaeque volens. Haud aliter manes trepidant apud infera Dilis Dum scelerum poenas pendere cogit eos. Et modo qui cecidit superis maledicere coepit Qui tantum facinus posse vigere sinunt. Ast dum quadrupedem videt hine, hominem videt illine, Obstupet, et miro membra timore labant. Mutua colloquia post hoc dum quaerit habere, Jam respondere nemo sciebat ei : Primus theutonicus fuit, ast hic gallicus, eheu! Tertius eloquii nescius omnis erat. (147) L'homme et le loup tremblaient encore que dans l'onde Phébus, en se couchant, plongeait sa tête blonde ; Nul ne songe à manger, nul ne songe à dormir, Tout entier à la peur dont il se sent frémir. — Mais des infortunés, au fond de l’antre sombre, Voici qu'un tiers survient pour parfaire le nombre. Il allait visiter une ferme, ignorant Le piége ; il a vu l'oie, elle est seule, ct courant, Affriandé déjà de sa chair molle ct blanche, Juste où le traquenard se cache sous la branche Arrive. Les chaudrons qu'il porte sur le dos S'entre-choquent; leur bruit a frappé les échos. Il veut sauter... leur poids l'en empêche... lembuche S'entrouvre.... et, patatras, l'y voilà qui trébuche, Tandis que ses chaudrons, dans la chute heurtés, Avec un bruit d'enfer roulent à ses cotés. Des premiers occupants la peur serait moins grande Quand d'en haut de démons une effroyable bande S'abattrait à leurs yeux, poussant des cris de mort. Les mânes chez Pluton ne tremblent pas plus fort A l'heure où pour le crime il n’est plus de clémence. Et le dernier tombé dans la fosse commence À geindre, à maugréer, indigné que les dieux Ne l’aient pas averti de ce piége odieux... Quand il voit. — O terreur! surprise à qui tout cède! — Tremblants là comme lui, l'homme et le quadrupède. Pâle, il les interroge et veut savoir comment... Mais, des trois prisonniers, si l’un est allemand, L'autre est francais, et l’autre …. On sait qu'en linguistique ( 148) Hie gemit, hic ululat, hic stringens sacra profanat. Murmur confusum tetra per antra sonat, Et jam nox aderat, densis vestita tenebris, Nox, inquam, miseris causa novella melus. Nullus in hac ullum capiebat nocte soporem, Sed sibi quisque timens pervigil usque mañnct. Nemo potest noctis, sit quantumeumque disertus, Illius horrendos pandere voce metus. Non apud ardentem sontes animas Flegetontem Majores poenas pendere posse putem. Sed, ne plus nimio nocti nunc immorer uni, Tandem nox finem coepit habere suum. Jam rubescebat tenebris aurora fugatis, Lucis phoebeae nuncia vera sacrae. Continuo stratis se rusticus elevat omnis, Et petit assuetos durus arator agros. Et jam Fama loquax, patulas diffusa per aures, In caveam lapsum nunciat esse lupum. Undique visendi studio vicina juventus Insidiis positum venit ad usque spccum ; Venit et opilio, tandem securus ab hoste, Nec desunt comites, sedula turba, canes ; Et celeres, nec jam tardi, venere bubulci; Insuper eunoycus, mango, subulcus, adest. Ut vero videre viros cecidisse luporum Intra decipulam, tum novitate pavent. Ad quos tune Praetor (reliqui cessere loquenti,) (149) L'ignorance des loups est un fait authentique. L'un gémit, l'autre hurle, et l’autre, furibond, S'en prend au ciel des maux que les hommes lui font. Un murmure confus dans la fosse isolée Retentit, et la nuit revient morne ct voilée, La nuit qui, redoublant leur commune terreur, De l'étroite prison augmente encor l'horreur. Aucun d'eux ne dormit de cette nuit. L'aurore Les retrouva debout plus effrayés encore, Et nul langage humain ne dira quels tourments Ils souffrirent tous trois dans ces affreux moments. Non, jamais aux enfers humaines créatures N’endurèrent, je crois, de semblables tortures. Bref, l’aurore déjà, devancçant le soleil, Se lève et chasse l'ombre à l'horizon vermeil. Le laboureur reprend sa tâche accoutumée ; Tout le monde est sur pied. L'agile Renommée Va propageant partout en un instant le bruit Que le loup dans la fosse est chu pendant la nuit. Des bourgs environnants la jeunesse est venue ; Le berger, dont la crainte à bon droit diminue, Arrive avec ses chiens. C’est à qui le premier Se rendra sur les lieux, et tous, jusqu'au fermier, Autocrate absolu de la race bovine, Accourent. Leur figure aisément se devine Quand, au but arrivés, ils regardent... surpris Dans une attrape à loup de voir des hommes pris... Et le Maire (car tous lui cèdent la parole) (150 ) Austero vultu, talia verba facit : « Ach! male consulti, quae vos dementia cepit? » In scrobibus nostris quid petiistis ? ait. » Non licuit nobis volucrem suspendere ramis » Quin vos furtive substraheretis eam! » Tantane abundavit, juvenes, fiducia vobis » Carceris ut nostri frangere elaustra juvet? » Vos majestatem temere laesistis, et, ergo, » Id facinus nisi mors sola piare potest. » Hie ades, o Lictor, atque ambos extrahe fossa » Ut cervix gladio vindice caesa cadat. » Dixerat, ingenti tremuerunt ambo pavore, Instar ct ad silicis derigucre metu. Mollibus hine precibus Praetorem vincere tentant, Flectere sed surdum non potuere virum. Demum pro vita pretium coepere pacisci, Sed pretio vitam non relevare queunt, Nam Practor mareas argenti quemlibet octo Poscit, at hi tantum solvere posse negant. Tandem pro miseris plebs intercessit agrestis, Absolvique viros anxietate petit, Namique voluntatem qui non habucre nocendi Hos nullo jure plectere poena potest. Humanos igitur casus consideret atque Erratis veniam donel, ut ipse rogat, los namque satis muletatos esse, superque, Nocte secus rabidam qui cubuere feram ; Sed, pro jure tamen violati carceris atque Hospitii, sumat quod revocare queat. (151) Avec la gravité que comporte son rôle : « Jeunes gens! quel vertige est le vôtre? et chez nous, » Dans nos plantations, dites, que cherchiez-vous? » N'y pouvons-nous en paix à des rameaux suspendre » Un oiseau, qu'à l'instant on ne vienne le prendre! » Qui vous rend si hardis d’oser de nos prisons, » Malheureux insensés, rompre ainsi les cloisons ? » Vous attaquer aux lois dans votre audace impie!... » Ce n’est que par la mort qu'un tel crime s’expie ; » Et la mort vous attend. Holà, Garde! Tirez » Les coupables du trou qui les tient enterrés, » Et que le fer vengeur fasse tomber leur tête! » Tout leur sang à ces mots dans leurs veines s'arrête Et les laisse plus froids qu'un marbre. Pour leurs jours Aux supplications les pauvrets ont recours ; Mais la prière est vaine et le juge inflexible. Dans ce péril extrême ils tentent l'impossible, Car c’est huit marces d'argent que chacun doit payer. La foule toutefois se laisse apitoyer Sur leur sort, et pour eux à prier s’'évertuc. Qu'on réfléchisse au moins à la peur qu'ils ont euc. Leur but fut-il de nuire? Aucunement. Dès lors De quoi prétendrait-on les punir ? de quels torts? L'homme de sa nature est-il donc impeccable? La sentence après tout n’est pas irrévocable… Mieux'vaut de leur rancon qu'on débatte le prix, A ce piége honteux, hélas! s'être vu pris, Avoir passé la nuit dans cette horrible fosse En compagnie avec une bête féroce, C'est assez, c'en est trop déjà. — (152 ) His dictis animum Praetoris solvere tandem Incipiunt; ad quos talia verba refert : « Si foret haec rigido sub judice cognita causa, 2 » Damnaret capitis protinus ipse viros. » Nunc vestrae valuere preces, quibus annuo tandem ; » Sed, verum ut fatear, vos quoque scire velim, » Ære magis placor quam sanguine. » Dixit et aufert Alterius nummos, alterius cacabos. Exuti vinclis, saliunt per devia rura Ceu lupus ercptus morsibus ipse canis. Sed quia non habuit lupus unde pecunia posset Solvi Praetori, fata parantur ei. Mox adsunt euncti quorum laceraverat agnos; Hos juvat in pavidum figere tela lupum. Sic periit lupus... at omnes non sic periere In quibus est feritas aspera, more lupi. Haec ego Bruxellis cecini sub tegmine fagi (1), Inter dilectas, pastor amicus, oves. (1) De Reiïffenberg ne peut pardonner à René son sub tegmine fagi, réminiscence virgilienne, et veut y voir une contradiction avec le commen- cement du pénultième vers : Æaec ego Bruæellis. La contradiction n'est qu'apparente, et cette critique tombe d'elle-même, quand on veut bien réflé- chir que Bruxelles n’était pas au XV: siècle ce qu'il est devenu depuis 1830, Ge (485) ‘ Les malheureux Offrent, pour en finir, tout ce qu'ils ont sur eux... Et le juge — attendri — fait trêve à la poursuite : « D'un tel erime la mort devrait être la suite » (Et ce serait encore un trop doux châtiment) » Si vous aviez pour juge un Maire moins clément; » Mais moi, je suis humain, très-humain , et préfère Votre or à votre sang... Il fait mieux mon affaire. » CA Il disait, et l'arrêt en ces termes rendu, Tandis que de son trou chacun sort éperdu, L'interprète des lois, magistrat bon apôtre, Prend les écus de l’un, prend les chaudrons de l'autre, Et, libres désormais, nos deux infortunés Gagnent à travers champs des chemins détournés, Comme un loup loin des chiens court chercher un refuge. Le nôtre, moins chanceux, ne pouvant à son juge Rien donner pour sortir de la triste prison, Y reste. La justice en a bientôt raison, Et, des agneaux volés lui soldant le salaire, C’est à qui vous l’assomme avec plus de colère. Ainsi le loup mourut... mais non du même coup Tous ceux en qui se voit la cruauté du loup. Ces vers, c'est à Bruxelle, assis au pied d'un hêtre, Près de vous — chers enfants — que les fit votre maitre. CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 août 1858. M. G. GEErs, directeur. M. Ab. QUETELET, secrétaire perpétuel, Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Navez, Roelandi, Suys, Erin Corr, Snel, Partoes, Baron, Ed. Fétis, De Bus- scher, membres ; Balat, correspondant. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir à la classe une nouvelle ouverture de M. Demol, lauréat du grand con- cours de composition musicale de 4857; elle porte pour titre : Le roi Lear. Cette pièce à été renvoyée à l'examen du jury permanent nommé par l’Académie. — M. le Secrétaire perpétuel remet à M. Braemt, tréso- rier de l'association pour la Caisse centrale des artistes belges, une somme de 4,275 francs, provenant des rete- nues supplémentaires prélevées, au profit de la Caisse cen- ( 159 ) trale, sur le prix des œuvres d'art acquises au salon de . . ’ A+ , l'exposition générale des beaux-arts de 1857. — En l'absence de M. F. Fétis, délégué de la classe des beaux-arts, M. Ad. Quetelet rend compte de la fête brillante qui à été célébré, à Mons, le 1” août dernier, à l’occasion du 25° anniversaire de la fondation de la Société des sciences, des arts et des lettres; et de l'accueil enthousiaste qui à été fait à M. Fétis, par sa ville natale. La Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand , par l'intermédiaire de son président, M. Roelandt, et de son secrétaire, M. Edmond De Busscher, invite l’Aca- démie à déléguer un de ses membres pour assister à la célébration du 50"° anniversaire de sa création. MM. Fétis père et Braemt sont désignés pour représenter la classe. M. Navez est également désigné comme délégué de la classe pour assister au Congrès de la propriété littéraire et artistique de Bruxelles. — L'Académie des beaux-arts de Milan fait parvenir son programme de concours pour 14859, et communique des explications détaillées à cet égard. — M. le Secrétaire perpétuel annonce que la commission pour l'Histoire de l’art en Belgique s'est réunie avant la séance, afin de rédiger les renseignements demandés par M. le Ministre de l’intérieur sur la composition de l’ou- vrage qu'il s'agirait de publier. L'absence de la plupart des membres n’a pas permis d'arriver à une solution définitive, qui sera présentée dans une prochaine séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. — La peinture murale à l'huile de 1448, à Gand. Notice par M. De Busscher, membre de l’Académie. La notice que je lus à la classe des beaux-arts, dans la séance du 7 juin 1855, a signalé aux artistes et aux amis de l’art plastique belge la découverte faite à Gand , au fond de la grande boucherie, à l'endroit où s'élevait jadis l’autel de la chapelle des bouchers, d’une peinture murale à l'huile, datée de 1448. Ce tableau mural, si heureusement retrouvé sous l’épaisse couche de badigeon qui l'avait dé- robé aux regards, est aujourd’hui restauré. C’est à M. Félix Devigne, peintre d'histoire nationale, qu'a été confiée celte lâche. 77 0 Tandis qu'une judicieuse restauration redonnait à l’œuvre son aspect primitif et la valeur artistique que son ancienneté incontestable lui assure, j'ai cherché à dis- siper l'obscurité qui enveloppait l’origine de cet ex-voto d’an des membres de la corporation des bouchers gan- Lois. Je crois y être parvenu. Je suis à même d'éclareir et de fixer Le points essentiels jusqu'ici problématiques, tels que la date attribuée à la peinture par le millésime de son inscription, l'existence du donateur présumé, le nom de l'artiste qui exécuta ce curieux spécimen de peinture murale à l'huile, et l’époque où le tableau disparut sous le badigeon. Les investigations auxquelles je me suis livré dans la = = | 1e ecce enot A MOTE ENTCHA UN BIT er A4 2% À — ue = ect von mu Jampotiti= nu reg Mccee ent xlun ——— PEINTURE MURALE À L'HUILE DE 4448 (ATLA CRANDE BOUCHERIE À GAND.) ( 197 recherche de l'auteur du tableau de 1448, ont pris plus de développement que je ne m'attendais à leur donner. Je voulais me renfermer exclusivement dans la solution des points qui faisaient l'objet de mon travail : je me suis vu entraîné à une digression subsidiaire sur plusieurs artistes flamands inconnus aux biographes, et même sur l'emploi primitif de la peinture à l'huile dans les Flandres. Mais cette digression se lie intimement à mon sujet; les assertions qu’elle contient sont appuyées de données intéressantes et inédites. Prenons d’abord le millésime de la peinture murale de la grande boucherie de Gand; voyons si 4448 est réelle- ment l’année de l'exécution de ce monument précieux de l'école flamande. Dans ma première notice, J'ai constaté les renseigne- ments incomplets que nous possédions sur la bâtisse de Ja grande boucherie de Gand, et, depuis lors, j'at pu combler cette lacune de l'histoire monumentale gantoise. J'en ai consigné les détails techniques et d'intérêt local dans les Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. L'édifice, anciennement en bois, fut abattu en 1407 et rebàti en pierres de 1408 à 1417. Maître Gilles de Suttere, architecte et géomètre de la commune, dressa le plan et le devis des travaux. La reconstruction fut ad- jugée au maître maçon Wautier Martins. En l’année échevinale 1416-1417, le peintre Chrétien vande Wincle, plusieurs fois cité dans les comptes com- munaux de Gand, bien qu'il ne figure point sur la liste des francs maitres de la corporation des peintres et sculpteurs de cette ville, reçut quatre livres six escalins de gros (52 Liv. par.) pour l’enluminure des statues de la sainte Vierge et de saint Jean, qui ornaient la façade de la boucherie h . a À | | l 1! ( 158 ) reconstruite. Le taux de cette rémunération , d’après la valeur de l'argent et le coùt des choses usuelles au com- mencement du XV” siècle, nous prouve que l’arliste avait du talent, et que la statue de la Vierge-Mère était rehaussée d'or et d'argent, enluminée d’azur et d’écarlate. Soumises à l’examen du doyen et des jurés du mélier plastique, comme cela se pratiquait en semblable cas, les statues de Chrétien vande Wincle et de ses apprentis furent jugées dignes d’éloges ; les apprentis obtinrent même une gratifi- cation échevinale. Du statuaire, il n’est pas fait mention. Au moyen âge, ainsi que j'eus l’occasion de l’observer plusieurs fois déjà, le peintre, l’enlumineur des statues et des bas-reliefs se substituait au sculpteur, qu'il effaçait complétement. Peu de sculpteurs furent peintres et enluminèrent leurs œuvres. Dans les documents des époques anciennes, nous voyons les sculpteurs et les architectes de nos plus remarquables monuments gothiques n'être désignés que sous les déno- minatious données aujourd'hui à de simples artisans. « DE WEERCLIEDEN, » les ouvriers, disent les comptes con- temporains, en parlant des habiles {ailleurs de pierres de l’hôtel de ville de Gand! — Et les architectes? Eustache Polleyt, mers, maçon; Jean Stassins, mets, maçon; Domi- nique de Waghemakere et Rombaut Keldermans : MEES- TERS-WEERCLIEDEN , Maîlres-ouvriers. Quels ouvriers! quels maitres-ouvriers! nous écrierons-nous, en contemplant ce monument du plus riche style gothique; en admirant ces gracieuses dentelles de pierre; en détaillant les sculp- tures si diversiliées et si élégantes de toute l'aile construite au XVI siècle. Le nouvel édifice de la grande boucherie de Gand était PES ( 199 ) encore au temps de Sanderus (1627) la plus belle halle de l'Europe. Derrière la boucherie avait été bâtie la chapelle, qui n'existe plus maintenant, et que l’on consacra à saint Hubert et à saint Antoine. Cette chapelle n'était pas à l'usage exclusif des bouchers, les poissonniers y étaient admis : d’ailleurs, plusieurs membres du métier des bou- chers furent en même temps membres du corps des pois- sonniers. A la Saint-Hubert 1448 (5 novembre) se fit la consécra- tion de la chapelle par l’évêque de Tournai, Jchan Che- vrot , et l'abbé de Saint-Pierre, dom Philippe Courault de Polignac ; ce dernier, en vertu du patronat que le monas- tère du Mont-Blaudin exerçait sur la paroisse de Saint- Nicolas, la paroisse de la grande boucherie. Par charte des 10-17 septembre 1448, la corporation des bouchers avait été autorisée à ouvrir sa chapelle, et 1l y fut fondée une chapellenie, dotée de revenus. Le premier bénélfi- cier de la chapellenie, issu d’une famille de bouchers, prit possession de son bénéfice le 7 novembre 1448 ; il fut installé par maître Jean vanden Hove, doyen de la Chré- uenté à Gand. La triple coincidence de Pérection de la chapelle des bouchers, de sa consécration et de la fondation de sa cha- pellenie, avec le millésime du tableau mural, n’établit-elle pas déjà la véracité de ce millésime? Et si à cela se Joint l'existence constatée à Gand, dès le XIV”* siècle, de bou- chers et de poissonniers du nom patronymique de De Ketel- boetere, et, en 14448, du donateur de la peinture murale lui-même, peut-il y avoir encore du doute? Rétablissons l'inscription mutilée : … heeft doen maken Jacop de Ketelbo.…. en schreef MCCCC ende XLVIII en sa teneur primitive : Dit heeft doen maken Jacop de Ketelboc- ( 160 ) Lere int jaer ons Heeren alsmen schreef MCCCC ende XLVILL. Littéralement : Ceci (ce tableau) a fait faire Jacques de Ketelboetere en l'an de Notre-Seigneur, lorsqu'on écrivait 1448. | Ce Jacques DE KETELBOETERE était fils de Jean de Ketel- boetere qui fut en 1407 et 4417 échevin du collége des chefs-tuteurs ou banc des Parchons à Gand, en 1415 et en 1414 juge-arbitre et réconciliateur de la paroisse de Saint-Nicolas. Jean de Ketelboetere était simultanément boucher à la grande boucherie, et poissonnier au marché contigu. Les comptes communaux et les registres des sentences, actes et contrats passés ou déclarés par et devant les échevins de Ia Keure, m’en fournissent des preuves. Comme boucher, Jean de Ketelboetere donne à bail, en 1411, des étaux héréditaires dans la grande boucherie; il y figure à la tête des juges-arbitres. S Comme poissonnier, je le trouve juge-arbitre au marché au poisson en 4409 et en 1415 ; doyen du métier des pois- sonniers en 1418, et de 1448 à 1451 coadjudicataire de la pêche communale dans la section de l’Escaut longeant les remparts de la ville de Gand, depuis la porte des Bas- tions jusqu’à la porte de Saint-Liévin. Dans les registres de l’échevinage gantois se rencontrent plusieurs actes concernant ce Jean de Ketelboetere. Un de ces actes nous apprend qu'il s'était marié en secondes noces avec Marguerite van Ertbuer, fille de Pierre van Ertbuer, boucher à la grande boucherie. Il paraît que de son premier mariage 1l eut au moins deux fils : Jean et Jacques. | Jacques de Ketelboetere fut, ainsi que son père, boucher et poissonnier. Il ne nous manque pas de renseignements LR ( 164 ) sur sa double profession. En 1442 il était juge-arbitre de la paroisse de Saint-Michel, et en 1444 il remplissait les fonctions de réconciliateur dans la grande boucherie. En 1445 le même ofice lui fut confié au marché au poisson. La lignée des De Ketelboetere, qui s’est alliée aux plus nobles maisons de Flandre, fut nombreuse. Elle acquit le droit de bourgeoisie à Gand, à Eecloo, à Termonde, à Alost. A Eecloo, comme à Gand, c'étaient des bouchers dès Le XIV” siècle, et ils avaient des armoiries parlantes : une hache en champ de gueules. Vers la fin du XV" siècle, un Jacques de Ketelboetere était conseiller du comte et receveur général au pays de Flandre. Un maître Jean de Ketelboetere, magister artium, dès 1485 curé de l’église de Saint-Michel à Gand, y devint doyen de la Chrétienté. Les notions héraldiques que nous possédons sur les ar- moiries de la famille De Ketelboetere ne concordent guère. On leur attribue quatre blasons différents. Les membres de la souche gantoise ne furent point étrangers à notre histoire artistique. Plusieurs fois nous les avons rencontrés dans de vieux documents. Jacques de Ketelboetere, le donateur de la peinture murale de 1448, s’affilia, le 28 janvier 1445 (1444 n. st), au métier des peintres et sculpteurs de Gand. Confrère amateur ou hono- raire, il s'acquitta libéralement des obligations de l’admis- sion. La rétribution pécuniaire : six livres de gros, et le don de bien-venue : une coupe en argent du poids d’un marc de Troyes et le fond orné des armoiries de la cor- poralion , furent remis en même temps, tandis que les artistes franes maîtres ne s'en libéraient d'ordinaire que partiellement et à des échéances plus ou moins espacées. Les affiliations honoraires étaient fréquentes aux XIV" et XV” siècles dans les métiers de Gand. Pour la plupart des 2° SÉRIE, TOME V. 42 ( 162 ) corporations industrielles, elles étaient motivées par le désir de se créer une sorte d'influence politique ou urbaine; pour la corporation plastique, le sentiment et la connais- sance des beaux-arts y portaient plas souvent que l’ambi- tion. Sous le rapport politique, d’ailleurs, le métier des peintres n’occupait qu'un rang comparativement inférieur : il ne pouvait rivaliser avec les métiers des bouchers, des poissonniers, des tailleurs, des forgerons, des boulan- gers, etc. La peivture murale de la grande boucherie de Gand a tous les caractères d’un ex-voto jubilaire, destiné à perpé- tuer le souvenir de la longue carrière professionnelle de Jean de Ketelboetere. Naguëre doyen des poissonniers, l’un des anciens et des jJuges-arbitres du métier des hou- chers, il était, en 1448, membre du serment des deux corporations. Évidemment, tous ces rapprochements , toutes ces coïn- cidences ne permettent plus de suspecter d’inexactitude le millésime du tableau. La composition s’est dévoilée et s'explique parfaitement depuis que les travaux de restau- ration ont fait reparaître des détails et des accessoires qu'il avait été impossible de discerner auparavant. La figure extalique qui occupe le milieu du premier plan est Jacques de Ketelboetere, dont le visage, modestement caché au spectateur, laisse l'attention entièrement fixée sur lallé- gorie mystique et sur le jubilaire Jean de Ketelboctere, l’un des personnages saillants. La présence du due et de la duchesse de Bourgogne, du comte de Charolais et de messire Adolphe de Clèves dans cette page historico- religieuse, rentre tout à fait dans les us et coutumes de l’époque et du pays. — Du reste, en pareilles circon- stances, les artistes n'étaient presque jamais libres de se EP, ( 169 ) livrer à leurs inspirations, de traduire leurs pensées, d'exé- cuter leurs combinaisons propres. Peintres et sculpteurs s'assujettissaient et pliaient leur talent aux caprices de l'opulent ordonnateur. [ls suivaient ses intentions, ses idées, ses exigences bonnes ou mauvaises, ses injonc- lions raisonnables ou ridicules. De là, dans certains ta- bleaux anciens, l'existence de ces anachronismes flagrants de temps et de costumes; l'absence d'unité de lieu, de personnages et d'action ; l'emploi d'accessoires disparates ou anti-artistiques; toutes choses que l’on est naturelle- ment porté à attribuer à l’impéritie. Dans plusieurs con- trats passés devant les échevins de Gand, nous voyons les instructions minutieuses , les indications étranges que l’on donnait aux artistes : sujet, figures, costumes, agen- cement se prescrivaient, Simposaient, se condilionnaient, et l’œuvre était le plus souvent appréciée, évaluée, non d'après le mérite probable de la production et le talent de l'aruiste, mais en raison du temps qu’il allait y consacrer, des couleurs qu'il devait y employer. Quelquefois on four- uissait au peintre les ingrédients les plus précieux, tels que l'or battu et en poudre, pour les fonds, les auréoles, les cheveux , les broderies des vêtements et l’ornementa- on décorative; puis l'argent, l’azur, le carmin, etc. Par- lois aussi la toile ou les panneaux des tableaux , et pour les sculpteurs, le bois, la pierre ou le métal des statues et des bas-reliefs. Le génie et l’art étaient asservis, et les grands maîtres eux-mêmes ne purent pas toujours s'affranchir de cette contrainte fatale. Maints accessoires de leurs admirables productions le témoignent visiblement. Jacques de Ketelboctere, en faisant décorer à ses frais le fond de la chapelle des bouchers, associa à sa pieuse géné- ( 164 ) rosité la manifestation d’un sentiment filial d'autant plus louable, que Jean de Ketelboetere ne montra pas toujours pour l'avenir de ses enfants une sollicitude paternelle. Par sentence du 24 juillet 1442, le magistrat échevinal, sur Ja plainte de sa femme et de ses proches, lui défendit d’obérer ou d’aliéner les biens propres à ses enfants et les droits héréditaires qu’ils possédaient dans la grande bou- cherie. Cette sentence frappait de nullité les transactions à ce contraires. L'offre de Jacques de Ketelboetere dut être accueille avec empressement par le serment des bouchers, qui y vit l’occasion de prouver aux princes souverains de la Flandre l'attachement dynastique du métier. En ce temps-là, les corporations de Gand portaient au bon duc Philippe une affection qui devait bientôt recevoir de rudes atteintes, el se changer, pour quelques-uns, en haine et vengeance. On sail que, dans les premières années de son règne, il releva les corporations gantoises. En 1429, flattant leur orgueil national et leur vanité guerrière, il leur octroya lautori- sation de porter sur leurs étendards de combat les armes de Flandre et de Gand : les deux lions rampants lun contre l’autre. Sur leurs bannières ordinaires, blasonnées pour les bouchers de gueules au taureau d'argent, se mit en chef un petit écu aux deux lions, afin qu'elles fussent distinctes de celles des autres villes. En 1452, le comte- duc renouvela la plupart des chartes constitutives des cor- porations et des gildes; il confirma les franchises jadis obtenues par les métiers de Gand. Le livre de la corpora- tion plastique constate qu’en cette année le duc Philippe accorda aux peintres et sculpteurs de beaux priviléges ; entre autres points, il süipula que nul ne serait plus revêtu de fonctions ou d’offices dans le métier, s'il men était ( 163 ) membre effectif, c'est-à-dire france maître exerçant la pro- fession. Les bouchers, qui jouissaient de sa faveur spéciale, ob- tinrent de nouvelles prérogatives. Ce métier était l'un des plus considérables et le moins démocratique des cinquante- deux méliers gantois. Il avait le privilége d'avoir un chas- seur à sa livrée et pouvait chasser au chien courant dans toute l'étendue de la Flandre, à l'exception de la seigneu- rie de Vinderhaute et d'Olsene. Il s’attribuait fièrement la désignation de Prince Kindren, enfants du prince, que le comte de Flandre donna un jour à ses suppôts. Aussi le corps des bouchers se montrait-il reconnaissant de l'octroi de tant de prérogatives et de franchises. Dans les dissen- timents survenus entre la commune gantoise et Philippe le Bon, vers 1450, dissentiments qui durèrent jusqu'en 1455 et amenèrent la meurtrière bataille de Gavre et la défaite des Gantois, les bouchers ne prirent point part avec leur énergie habituelle à l'insurrection de leurs con- citoyens. Pendant cette période triennale, aucun boucher ne se signala parmi les élus populaires, ni dans l’échevi- nage. En regard de Philippe fut placée Isabelle de Portugal, sa troisième femme, qui sut, comme jadis Michelle de France, conquérir l'amour des Flamands. Enfin, pour compléter l'épisode historique, en satisfaisant à la fois aux exigences d'agencement, il fut donné pour vis-à-vis au comte de Charolais , à qui tout présageait alors la plus glo- rieuse carrière, son compagnon d'armes, son ami et son parent Adolphe de Clèves, seigneur de Ravestein. Les Gantois l’aimaient, et maintes fois le magistrat lui offrit, ainsi qu’à son frère Jean de Clèves , des présents de bien- venue. Fils d’'Adolphe IV, comte de la Mark et de Clèves, ( 166 ) qui fut créé duc de Clèves par l’empereur Sigismond , au concile de Constance en 1417, et de Marie de Bourgogne, fille de Jean sans Peur, le seigneur de Ravestein était le frère puiné de Jean EF, duc de Clèves. Cette filiation est exprimée dans le tableau par le lambel posé en chef des armoiries du seigneur de Ravestein. C'est dans le même ordre d'idées et d'intention qu'il faut rechercher les motifs qui ont inspiré l'artiste ou guidé le donateur dans le choix du sujet et l’arrangement de Ja composition religieuse. Les historiens de l’époque, et entre autres Jacques Duclere, nous apprennent quelle constante dévotion professèrent pour la mère du Christ le due et la duchesse de Bourgogne. Ce fut sous le patronage de la sainte Vierge et de saint André que Philippe le Bon plaça son ordre et confrérie de chevalerie de 1430, le célèbre Ordre de la Toison d'or, institué à Bruges, lors de ses noces avec l’infante de Portugal. On u'ignore pas non plus que ce prince était, dans sa Jeunesse, très-passionné pour les plaisirs de la chasse; qu'il portait habituellement sur la poitrine des reliques de saint Hubert, patron des chasseurs. Il est présumable que ce fut de sa munificence que la chapelle des bouchers, _mise sous l'invocation de ce saint, obtint les reliques qui s'y vénéraient. A la fin du XVI siècle, l'on y cautérisait encore, devant l'autel de Saint-Hubert, les blessures faites par la morsure des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints d'hydrophobie. | Dans ma notice de 1855, j'ai déerit le tableau mural de la grande boucherie de Gand, tel qu’il se présentait en son état de délabrement et de destruction partielle: Le nettoiement minutieux exécuté avant la restauration de Ja peinture, et le calque exact qui en a été pris pour le musée ( 167 ) des antiquités historiques de Gand, ont fait retrouver sur le côté et dans le haut des accessoires plus ou moins effacés, détériorés ou affaiblis. Le peintre restaurateur à donc pu saisir l'ensemble de la composition, et la rétablir comme elle était primitivement. La description épisodique de l’Adoration du Christ à sa nalivité n’a pas besoin d'être modifiée, ses principaux élé- ments et l'idéal de convention dont l'artiste n'a pu s'écar- ter, sont seulement complétés par les récentes décou- vertes. Dans l'angle supérieur du cadre ogival, se voit, au som- met d’une montagne et jusqu'à mi-cérps dans la nuée, Dieu le Père, en manteau écarlate et la tiare sur la tête. C’est ainsi que l'Éternel est reproduit assez généralement dans les manuscrits des XIV" et XV"* siècles. Au-dessus plane le Saint-Esprit, et du bec de la céleste colombe par- tent les rayons lumineux qui jettent une éclatante lumière sur la scène mystique dominée par la Vierge-Mère. Un peu plus bas, à gauche, est agenouillé le jubilaire Jean de Ke- telboetere, vêtu de la tunique où robe longue des doyens de métier; il est sans manteau à rebras, mais porte sur l’épaule lesigne hiérarchique du doyenné, la bande de drap, qui descend jusqu'au bas de la tunique. Il a dans la main droite le cierge de l'offrande et de l’autre il s'appuie sur le bâton jubilaire. À la droite de la Vierge est agenouillée la mère défunte du donateur, la première femme de Jean de Ketelboetere, représentée par sa patronne, comme cela se pratiquait souvent. Elle a les cheveux flottants et dorés, attributs de l’éternelle jeunesse , et le nimbe des élus cou- ronne son front. Aux pieds de la sainte Mère est couché l'Eanfant-Dieu, au milieu d’une brillante auréole ; Jésus a la main droite posée sur le cœur et la gauche étendue vers (168) le personnage qui est là agenouillé devant lui, dans une altitude de pieuse invocation. De la ceinture de la madone descend vers le nouveau-né un long ruban qu’elle tient d'une main et dirige de l’autre : c’est le mystérieux symbole par lequel le peintre a voulu exprimer le lien sacré exis- tant entre Marie et Jésus, entre la sainte Vierge et son divin fils. Les anges en adoration des deux côtés du Messie nou- veau-né, du futur rédempteur, sont de gracieuses figures juvéniles. Le personnage extatique, placé au centre, un peu plus bas que les anges adorateurs, et que lon prit d'abord pour un religieux, n'est autre que le fils du jubi- laire; c'est bien Jacques de Ketelboetere, le donateur, et probablement aussi l'ordonnateur de l'œuvre. Son costume parait être celui d'un membre du serment des bouchers, juré ou juge-arbitre : il a un ample manteau en drap blane jaunâtre. La forme de la tunique longue et du manteau, qui composaient l'habillement d'apparat du doyen, des jurés et des juges-arbitres , était la même pour ces divers dignitaires de la corporation; la couleur du drap seule variait, Les jurés et les juges-arbitres ne portaient pas la bande épaulière, marque distinetive propre aux doyens; ils avaient pour insignes de leurs fonctions les emblèmes du mélier brodés sur les coins de leur manteau et enca- drés d’une cordelière. La position du personnage ne permet pas d'apercevoir ces insignes. Pendant le nettoiement du paysage, site agreste et mon- tagneux, d’une perspective défectueuse, comme l'était celle des tableaux flamands à l’époque où fut exécutée notre pein- ture murale, on à vu reparaître, à la droite de la Vierge, la crèche en pierre, l'âne et le bœuf que la Bible place dans l'étable de Bethléem. Vers le haut du tableau, à la ( 169 ) gauche, un berger avec ses brebis; à la droite des tou- relles, mises là peut-être pour représenter dans le lointain celles de Jérusalem, bien que leur construction euro- péenne ne permette guère à l'imagination du spectateur de se figurer les tourelles de la cité sainte. La Vierge-Mère est coiffée d'un chaperon ovale, qui a de l’analogie avec le turban oriental et avec le chaperon à cornette de Flandre. La représentation de l’Adoration de l'enfant Jésus à sa nativité est complète. Le peintre n’a omis aucun des ac- cessoires qui pouvaient caractériser celte phase de l'exis- tence terrestre du Christ. La partie politico-religieuse de la composition laissait peu de chose à découvrir : le premier plan, sauf le centre, qui appartient à l'épisode jubilaire, était le mieux con- servé. À la droite et à la gauche du donateur sont, ainsi qu'il a été dit, Philippe le Bon et la princesse Isabelle. Le duc et la duchesse sont agenouillés devant leur prie-Dieu armorié. Derrière le duc de Bourgogne, on a retrouvé le jeune comte de Charolais, agenouillé comme son père, en tenue semi-guerrière, sous la cotte d'armes blasonnée de Bourgogne et de Flandre. Derrière la duchesse est le seigneur de Ravestein, Adolphe de Clèves, son premier page et plus tard son maistre d'hostel, dignité équiva- lente à celle de maréchal du palais. Ces personnages sont fort bien désignés, et par les cottes d'armes armoriées qui recouvrent leur équipement de guerre, leur riche harnais en acier damasquiné, et par les écus princiers et nobi- haires surmontés de haumes à cimiers fleurdelisés etgarnis d'amples lambrequins, que des anges, à demi-sortant du cadre , tiennent suspendus au-dessus de leur tête. Adolphe de Clèves ne porte point, comme le duc de ( 440 ) Bourgogne et le eomte de Charolais, le collier de la Toison d'or en 1448, il n’était pas encore membre de l'illustre confrérie de Chevalerie. I ne fut élu et admis qu’en 1456, au dix-septième et avant-dernier chapitre de l'Ordre que présida Philippe le Bon. L'absence des insignes de Îa Toison d’or sur la poitrine d'Adolphe de Clèves est ici une nouvelle indication chronologique, un millésime précisé, une preuve péremptoire de la véracité du millésime de lin- scription du tableau mural. Enfin, comme un dernier argument que le peintre nous fournit, par une fidélité chronographique peu ordinaire aux artistes du moyen âge, nous remarquerons le blason d’Adolphe de Clèves. Ce sont les armoiries de sa jeunesse ; en 1456, à son admission dans l'Ordre de la Toison d'or, ces armoiries avaient été modifiées. Dans la pensée qui a réglé les prescriptions imposées à l'artiste, le duc et la duchesse ont été introduits dans la composition eu leur qualité de comte et de comtesse de Flandre, de protecteurs du métier des bouchers de Gand. De tels faits étaient assez fréquents au moyen âge. En 1453 l’on avait rendu un semblable hommage à Philippe le Bon et à Isabelle de Portugal dans la collégiale de Sainte-Pha- railde, l'église ou l’oratoire des comtes de Flandre à Gand. Roger Stoop, maistre ouvrier à voire (peintre verrier), de- mearant en celte ville, exéeuta, pour une des chapelles de la collégiale, trois verrières, représentant l’une le Christ en croix, les deux autres offrant les portraits en pied du duc et de la duchesse, avec leurs écussons armoriés. Comme composition et comme peinture, le tableau mural de la grande boucherie de Gand porte le cachet in- contestable de l’époque primordiale de l'école flamande, de la première moitié du XV siècle. Les peintres et les (171 ) connaisseurs qui l'ont examinée, se sont accordés à le re- connaître. La mise en scène est tonte de convention; il y règne une placidité inhérente à l'idée religieuse, qui y domine. L'expression des physionomies est très-bonne; la Vierge-Mère attache sur son divin fils un regard empreint de respect et de tendresse maternelle. Les anges adorateurs ont de charmantes têtes, pleines de naïve onction. Ce sont presque des miniatures à l'huile, quoiqu'en général l'ancienne peinture murale ait assez de sécheresse et de dureté de couleurs. Le donateur, ce personnage vu de dos, laisse deviner, par son attitude, le sentiment dévotieux et filial qui devrait se refléter sur sa physionomie, si le peintre l’avait placé de face. Philippe le Bon et Isabelle de Portugal sont en méditation : ils semblent évoquer l'ac- tion biblique que l'artiste a traduite et rendue visible pour nous, en sa disposition el avec ses accessoires de com- mande. Les visages de la Vierge et de la duchesse sont des types féminins qui présentent le caractère et le faire si connus de l'école des Van Eyck. Ces jolies têtes et celles des anges adorateurs n’ont eu à subir aucune restaura- tion; elles ont donc conservé le modelé de leur dessin pri- mitif. La carnation s’est ressentie de son long séjour sous le badigeon; elle a jauni et a perdu de sa transparence. On sait qu’au moyen àge on altachait tant d'importance à la carnalion, que les statuts et règlements organiques des corporations plastiques punissaient d'une forte amende l'emploi de couleur de chair de médiocre qualité, Ainsi qu’on le remarque dans beaucoup de tableaux anciens, les figures n'ont pas toutes rigoureusement Îles proportions qu'elles devraient avoir; elles sont ou trop ramassées ou trop longues, selon la difficulté qu'éprouva le peintre à remplir à son gré le champ conventionnel de l’œuvre, La forme des (172) vêtements dénote aussi la période chronologique sus-indi- quée; la tunique de la Vierge-Mère, à plis verticaux et uniformes sur la poitrine, est serrée à la taille par une ceinture, les étoffes sont drapées en zigzags à angles aigus, comme le sont les draperies des costumes que nous mon- trent les miniatures et les gravures du commencement du XV’ siècle. Je citerai entre autres la gravure au millésime de 1418 de la Bibliothèque royale de Belgique. Plusieurs des figures de celte gravure ont une identité de style, de dessin et de costumes très-marquée avec notre peinture murale de 1448. Les tuniques de sainte Dorothée et de sainte Marguerite sont plissées verticalement sur la poi- trine et à la ceinture. Les replis des étoffes sont anguleux, empesés, car cette roideur est le propre des étoffes de forte soie, de brocart, de damas, que l’on fabriquait alors. Sainte Barbe, sainte Marguerite, sainte Catherine et sainte Do- rothée ont la chevelure flottante. Les anges qui apportent aux quatre saintes les couronnes du martyre, présentent également une certaine analogie avec les anges qui, dans le tableau de la grande boucherie de Gand, tiennent les écussons armorliés. L'on se souvient encore de la controverse archéolo- gique qu'excita, à son apparition à Bruxelles, la gravure unique de 1418, détrônant le fameux saint Christophe de 1495 ! À propos de l’objection, toute naturelle, que le millésime de 1418 pouvait être aussi bien linseription chronologique du dessin ou du tableau reproduit, que la date d'exécution de l’estampe de Malines, M: de Reiffen- berg soutint qu'au XV”* siècle les millésimes se mettaient seulement aux portraits, et jamais aux sujets historiques. Cette règle, si arbitrairement présumée, est démentie par notre peinture murale historico-religieuse, par des pro- ( 179 duetions de Jean van Eyck lui-même, de ses élèves et de leurs imitateurs. Après avoir justifié par une concordance normale de faits et d'inductions le millésime de la peinture murale de la chapelle des bouchers de Gand, après avoir retrouvé la trace certaine du donateur de l’ex-voto jubilaire, 11 me restait à découvrir le nom de l'artiste qui l'exécuta. A la première vue, comme à la suite d’un examen attenuf el approfondi, l'école à laquelle se rapporte cette œuvre n'est pas un instant douteuse. L'ordonnance de la composition, son myslicisme, sa perspective naissante, le stvle du des- sin, le jet des draperies, le type des physionomies, tout m'indiquait que le peintre a dù appartenir à l’école fla- mande primordiale, l'école renommée des Van Eyck, ou que du moins il à pu en étudier, en imiter le faire carac- téristique. Me guidant de ce point de départ à travers Îles données artistiques, les rapprochements chronologiques que m'offraient les documents contemporains, J'acquis bientôt la conviction que notre peinture murale ne devait être attribuée, parmi les artistes gantois de cette époque , qu’à Jean Martins ou à Nabur Martins, son fils, tous deux peintres de portraits, de tableaux religieux et de pein- tures murales. Jean Martins fut reçu franc maître dans la corporation plastique gantoise en 1420. I] travailla en 1419-1420, avec son compatriote Guillaume van Axpoele, aux peintures murales du vestibule ou de lavant-salle de la chambre échevinale à Gand, et entre autres aux pourtraitures des comtes de Flandre, de Baudouin Bras de Fer à Jean sans Peur, portraits en pied, auparavant exécutés en détrempe, et qu'ils repeignirent en couleur à l'huile. Ces figures com- lales, en costume souverain ou en harnais de guerre, ( 174 ) étaient placées dans des encadrements ou des niches ar- chitecturales plâtrées et rehaussées de dorures, ou seule- ment figurées en peinture décorative. Plusieurs écrivains ont métamorphosé ces peintures murales en tableaux à Phuile sur panneaux ou sur toile : cette erreur est pro- venue en partie de ce que la convention passée en 1419, entre les peintres et le magistrat, a été publiée avec in- correction dans les Mémoires sur la ville de Gand. Mais le Lexte est très-explicite à cet égard, et une récente décou- verte nous le prouve. « D'abord, dit l’acte conventionnel, le mur sur lequel ils peindront les susdils comtes (de weeghe daer xÿ werken sullen de vernoemde graven) sera couvert d’un enduit de mortier (verplaestert, plâtré) et bien préparé, sans frais pour les peintres, et ils poseront sur les fonds (tvelt, le champ) une couche de blanc de plomb délayé en bonne couleur à l'huile, sans y mêler de substance corrosive. Ensuite ils exécuteront en bonne couleur à l'huile, loyalement et comme il convient que ce soit fait, les por- trails, les encadrements {metselrie, niches architecturales) et tous les accessoires. » Plus loin , il est dit: « Les pein- tres mettront sous chaque comte la date de sa naissance (elcx carnatioen) et combien d'années il gouverna, à l'instar de ce qui se voit à Courtrai (ghelyc dat te Curtrick staet).» [ existait donc à Courtrai, en 1419, ainsi qu'à Gand, une série de portraits en pied des comtes de Flandre. Dans quel ancien monument? Nous l’ignorions. Étaient-ce des peintures murales ? étaient-ce des tableaux sur toile, sur panneau? Même Imcertitude. ! Une intéressante découverte, fortnite comme tant de trouvailles archéologiques, est venue, au moment où je terminais ce travail, éclaircir l'un et l’autre de ces points, en confirmant l'opinion que j'ai toujours émise, Le hasard, ( 175 ) cette providence des archéologues, nous fait retrouver aujourd'hui, à Courtrai, dans l’église de Notre-Dame, en la chapelle de Sainte-Catherine, les vestiges des portraits que mentionne l'acte gantois de 1419. Ce sont des pein- tures murales en détrempe, dans des niches ogivales ornées aux coins supérieurs de figurines sculptées. Ces niches sont en pierre de Tournai, à colonnetles engagées, jadis peinturées et dorées. Autour de la chapelle de Sainte- Catherine, ajoutée à l’église par Louis de Male pour y placer son monument sépulcral, il règne une succession de cin- quante et une niches du même style, construites vers la lin du XIV: siècle. Les seuls portraits de la période anté- rieure à 1419 dont on distingue des vestiges, sont ceux de Thierri d'Alsace, reconnaissable à l'écusson aux pre- mières armoiries du comté de Flandre : armoiries giron- nées de dix pièces or et azur, avec l’écu de gueules en sur- tout; Philippe d'Alsace, au bouclier blasonné des secondes armoiries, conquises en Palestine : le lion de sable sur champ d’or; Baudouin de Hainaut, Baudouin de Constan- tinople, Ferrand de Portugal, Gui de Dampierre et Robert de Béthune. Quelques-unes de leurs inseriptions chrono- graphiques sont encore plus ou moins lisibles, et sont conformes à l'indication de l'acte échevinal de Gand. Jean Martins et Guillaume van Axpoele reçurent pour leurs travaux dé peinture murale, d'abord un prêt de 5 livres de gros, afin de se procurer des couleurs, et puis, en 4420, un payement de 6 livres de gros. Pierre vander Pale, batteur d’or, leur fournit, aux frais de la commune, pour rehausser les costumes, les armes et les blasons, 225 livrets de feuilles d'or, représentant une valeur de 5 livres de gros. En 1451-1452, Jean Martins fut appelé, mais seul cette ( 176 ) fois, pour exécuter d’autres peintures décoratives dans la maison échevinale, et apporter des modifications ou faire des retouches à la pourtraiture de Jean sans Peur. Le por- trait de ce prince guerrier clôturait la série des comtes souverains de Flandre, et peut-être Jean Martins a-t-1l dû v apporter des changements ou y ajouter des accessoires, par suite de l’assassinat du due Jean à Montereau, le 40 sep- tembre 1419. Ces peintures furent assez considérables, puisqu'elles coûtèrent 6 livres de gras à la ville. En 1424-1495, Jean Martins coopéra à l’ornementation du baldaquin de Notre-Dame de Saint-Pierre au Mont- Blandin (lez-Gand). À en juger par le coût : 2 liv. 40 esca- lins de gros, c'étaient des médaillons à sujets religieux qu'il y peignit; de petits tableaux à l'huile comme on en voit sur les étendards de nos églises. La même année, il enlumina la statue de saint Georges à la porte du quartier de S'-Bavon. Eu 1414-1415, Roger de Bruxelles, le père de Roger Vander Weyden, avait travaillé aussi au baldaquin de Notre-Dame de Saint-Pierre. Les peintures étaient moins importantes alors, et en détrempe sans doute, puisqu'il ne reçut pour sa besogne qu'une livre et demie de gros. Dans le compte de 1431-1432 se trouve une troisième annotation relative au dais porté dans la procession an- nuelle au-dessus de l'image, réputée miraculeuse, de la Vierge du Mont-Blandin. Ce baldaquin devenait de plus en plus beau; mais il n’est pas dit qui, de Jean Maruns ou de Guillaume de Rüitsere, les deux peintres employés cette année-là par la commune, fut chargé de l’ornemen- ‘tation arlstique. D’après certains indices, il est présu- mable que ce fut De Ritsere. Pendant huit ans, de 1426 à 1454, Jean Martins tra- (807 } vailla avec Guillaume de Ritsere, le peintre, et Daniel Bulteel, le sculpteur, aux peintures historiées et armoi- ries, aux figurines et ornements en haut-relief du dais ou couvre-chàsse offert, presque chaque année, par la cité gantoise, à Notre-Dame Flamande ou Notre-Dame la Brune, à Tournai. Les trois artistes accompagnèrent aux fêtes religieuses de cette ville la députation de Gand, voiturés, logés et choyés aux frais de la commune. De 1445 à 1447, Jean Martins coopéra de nouveau à l’ornementation de ce dais avec Nicolas vander Meersch, peintre que les comptes mentionnent très-fréquemment , et auquel plusieurs actes des registres échevinaux donnent le titre de doyen du métier des peintres et sculpteurs de Gand. Jean Martins et Guillaume de Ritsere entreprirent, en 1427-1428, de repeindre et de rehausser, au prix de 2 livres de gros, la chapelle des échevins de la Keure. Le 22 août 1450, lors de la joyeuse entrée à Gand d'Isabelle de Portugal, la nouvelle épouse du duc Philippe, Jean Martins et Guillaume de Ritsere furent chargés de peindre les armoiries que l’on suspendit aux portes de la ville et sur tout le parcours du cortége souverain. De Ritsere confectionna quatre cents petits blasons, et Martins neuf grands écussons aux armes de la puissante commune fla- mande. Ces sortes de peintures se faisaient à la colle. En 1450 Jean Martins fut élu juré, et.en 1448 doyen de la corporation plastique de Gand. Il est ainsi annoté dans le livre du métier. Mais, sauf sa coopération à l’or- nementation du dais de Notre-Dame de Tournai, de 1445 à 1447, el aux peintures des entremets et décorations des noces de Charles le Téméraire, en 4468, il disparait dès 1454, on ne sait pour quelle cause, de la scène artis- tique, et y fait place à Nabur Martins, qui marche digne- 1 AM SÉRIE, TOME Y. | 15 ( 118.) ment sur les traces paternelles, Aussi, depuis le moment où nous voyous Jean Martins s’effacer ainsi, c’est à Nabur Martins, à celui de ses trois fils peintres qui s'est acquis le plus de réputation en Flandre, que le collége éche- vinal, les corps de métiers, lés fabriques d’églises s’adres- sent à l’envi; C’est à son talent distingué qu'ils confient la tâche de décorer leurs salles d'assemblée et leurs cha- pelles, de les orner de peintures murales et de tableaux. Né à Gand en 140%, Nabur Martins fut le meilleur élève de son père, qu’il surpassa. Reçu franc maître en 1457, il fut élu doyen de sa corporation en 1450. Il avait épousé, en 1445, demoiselle Élisabeth vander Santen, et mourut dans sa ville natalé en 1482 ; toutefois, on le perd de vue dès 1455. — C’est l’année de la défaite de Gavre, le com- mencement d'une période de sommeil artistique, dans une ville épuisée par une guerre désastreuse, et une époque d’expatriation pour beaucoup d'artistes. Nous avons dans les registres scäbinaux de Gand plu- sieurs contrats passés par-devant les échevins du collége de la Keure, actes d'engagement qui contiennent les pres- criptions et les clauses d'exécution de tableaux entrepris par Nabur Martins. Dans les comptes communaux se ren- contrént en 1440, 1441, 1442, 1445 et 1448 Tes paye- ments qui lui ont été faits pour des peintures décoratives, des peintures murales et même pour un tableau d’autel, qu’il exécuta dans les chapelles échevinales. Ses peintures de décor à la chapelle des Parchons lui furent payées 15 livres 5 escalins 4 deniers de gros; le tableau d'autel, un Christ en croix et les accessoires peints à la chapelle de la Keure, 21 livres de gros. — La chapelle du collégede la Keure, ou du haut banc échevinal, était la plus grande et la plus belle des deux. (179) En 1448, Nabur Martins eut à exécuter des travaux con- sidérables , et, pour faire face à des dépenses plus qu'or- dinaires, il emprunta à Jean de Hase une somme de trois livres de gros. Les échevins lui demandèrent le dessin colorié des ornements en relief, treillis et balustrades du Beffroi , que l’on restaurait. Il dressa même le devis et les conditions de l'entreprise. Henri Dieriex les transcrivit avec luxe, et Liévin Cusen mit à la transeription Îles lettres initiales, les rubriques ornementées et des enca- drements enluminés. Au mois d'avril 1452, lors de lexpédition guerrière des Gantois vers Audenarde, c’est à Nabur Martins que lon confia l'exécution de dix bannières paroissiales, or- nées des efligies des saints patrons des églises de Gand ou de l'emblème de la commune : la pucelle et le lion de Flandre. F peignit aussi un grand nombre de pennons, de fanons de trompettes, d'étendards et d’écus blasonnés aux armes de la cité flamande. Il fut aidé dans cette tâche par Casin van Bassevelde, Josse Carve et Achille vanden Bossche, peintres qu'il s’'adjoignit ou qui furent ses ap- prentis. Leurs noms sont cités à diverses reprises dans les comptes manuscrits des receveurs de Gand. Josse Carve mourut en 4455 ; il intervint en 1444, comme caution, lorsque Jean Seys prit la franche maitrise dans la corpo- ration plastique. Ea l'année 1452 nous trouvons encore d’autres armoi- ries comtales et communales peintes par Nabur Martins ou par ses apprentis; sous Sa direction, pour décorer la porte de Saint- Liévin, dont la galerie crénelée avait été reconstruite. Îl peignit même une girouette pour la porte de l'hôpital de Saint-Bavon, êt on lui paya une somme de deux escalins de gros poar peinturer au vermillon le treillis en fer ouvré de la maison échevinale. ( 189 ) Au moyen âge les peintres étaient à la fois artistes et artisans ; les maitres les plus distingués, tout en produi- sant les œuvres admirables qui sont l’objet de notre culte enthousiaste, ne dédaignaient pas d'exécuter ou de faire exécuter par leurs apprentis la plus humble besogne de leur profession. En 1414 Roger de Bruxelles reçut huit gros pour douze petits écussons armoriés, que les dé- putés envoyés à Paris pour y chercher l'acte du traité de paix de Senlis, emportèrent avec eux. En 1422 et 1425 Jean Martins nettoie et vernit les seize pierriers en fer livrés à la ville de Gand par Colard Guyse, de Maubeuge. En 1458 Baudouin van Wytelvelde, peintre et seulp- teur, enduit d’une couche de vermillon les rouages de fer de la nouvelle horloge du Beffroi ; c’est le même artiste qu'on à vu prendre la maîtrise en 4440, et peindre avec maître Jean de Steener, en 1445, un tableau d’autel à volets pour l’abbaye du Nouveau-Bois à Gand. Îl est une foule d'exemples de ce genre : je citerai encore Hughes vander Goes, qui, à son retour des somptueuses fêtes nuptiales du duc Charles de Bourgogne, en 1468, peignit à Gand, pour la somme de huit escalins de gros, des écussons aux armes papales, destinés à la proclama- tion du pardon accordé par Sa Sainteté à la commune gantoise. Pendant plus de douze années, de 1440 à 1455, Nabur Martins fut en quelque sorte le seul maître peintre qui ait été chargé de l’exécution de travaux d’art de quelque importance à Gand, soit pour compte de la commune, bien qu’il ne fût pas le peintre de la ville en ütre, soit pour des corporations ou des particuliers. Parmi les actes conventionnels de cette époque, il en est plusieurs qui offrent un véritable intérêt artistique, et qui jusufent ce ( 181) que j'ai dit de la réputation que ce peintre s'était acquise. En janvier 1445, Nabur Martins s'engagea, par acte chirographe, à peindre pour l'église de S*-Walburge, à Audenarde, un tableau de maitre-autel qu'il promit de livrer avant la S'-Jean; mais il ne le termina qu'à la fin de juillet, et il lui fut payé 14 livres de gros (168 livres parisis). L'année suivante, un autre tableau de maitre- autel, l’Assomption de la Vierge, pour l'église de Lede, village entre Gand et Alost, occupa ses pinceaux; il en obtint 20 livres de gros (240 livres parisis). Enfin, une toile, représentant le Jugement dernier , lui fut commandée aussi en 4444, par Liévin Sneevoet, au prix de 24 esca- lins de gros (45 livres parisis). Deux peintures murales sont aujourd'hui ses dernières œuvres connues : celle de la grande boucherie de Gand, et celle qu'il exécuta, en 1455, dans la chapelle de Notre- Dame , à l’église de S'-Martin d'Eckerghem, lez-Gand. C'est la peinture de l’église de S'-Martin qui m'a mis sur la trace de l’auteur de la peinture murale de 1448 ; les résultats de mes recherches sont venus appuyer de leurs concordances une fuasi-révélation. M. Théodore Schellynck, à qui fut confié en 1845 le classement des archives de l’église de Saint-Martin, y trouva un vieux rouleau manuscrit, tellement endommagé par l'humidité et la moisissure, que l’on jugea inutile de conserver plus longtemps ses poudreux débris. C'était un état des dépenses de la fabrique durant l'année 1455, écrit sur ce papier fort et raboteux qu'employèrent de temps immémorial les dentellières de Flandre. La pièce était illisible presque en entier; néanmoins, sous une des rubriques de la comptabilité, l'archiviste put déchiffrer quelques annotations de payements effectués. Une entre (182) autres, dont il s'est souvenu à la lecture de ma première nolice sur la peinture murale de 4448, est devenue essen- telle. De mémoire il me l’a formulée ainsi : An den scil- dere meester Nabor Martins voer eenre scilderie dwelcke hi in Onser-Vrouwe cappelle ghemaect heeft, naer den eesch van den wercke, ghelic hi ghemaect hevet inder cappellen van den groeten vleeschuuse Payé au maitre peintre Nabur Martins, pour la peinture qu'il a exécutée en la chapelle de Notre-Dame, dans le genre de la peinture faite par [ui dans la chapelle de la grande boucherie... S: la mémoire de larchiviste n’est point en défaut, soit sur le fait énoncé dans l’annotation du compte des fabri- ciens de‘1455, soit sur l'observation mentionnée au re- gard de la peinture murale de la grande boucherie, la question est résolue. Mais, en l’absence du rouleau de comptabilité des archives de l’église d'Eckerghem , je n'ai pas cru pouvoir m'en rapporter uniquement à cette asser- tion isolée. J'ai recherché si d’autres documents contem- porains inédits, ou dont les données avaient passé ina- perçues, ne me fourniraient pas d'indices plus ou moins significatifs, ne contenaient pas:d’exemples de l'usage de la formule de l’annotation de 1453. Ces indices se rencontrent, en effet, tant dans les ex- traits de la comptabilité communale de Gand, de 4440 à 1455, qui concernent Nabur Martins, que dans les actes inédits du 4 juillet 4444 (tableau de l’église de Lede : l’Assomption de la sainte Vierge) et du 10 août 1444 (ta- bleau de Liévin Sneevoet : le Jugement dernier). Dans la dernière convention se trouve un exemple de la phrase finale de l’annotation de 1453, une stipulation tout à fait analogue, et conçue à peu près dans les mêmes termes. Dans l'acte du 4 juillet 1444 se fit : Kenlic, elc., dat ( 1835 ) Nabur Martins, scildere, …. ghenomen heeft te stofferne….. een tafle dienende ten autaeren {der kerken van Lede) VAN ZULCKEN FAUTSCHOENE ALS DE TAFLE ES STAENDE TE SENTE Pigters IN DE KERKE VOER ONSER- VRAUWEN...... Qu'il soit notoire, etc., que Nabur Martins, peintre, …... a entrepris { pour l’église de Lede) un tableau d'autel pareil au tableau qui est dans l'église de Notre-Dame de Saint-Pierre... Dans l'acte du 10 août 1444 : Kenlic, etc., dat Nabur Martins... belooft heeft te leverne Lievine Sneevoet een tavereel opghe- maect up de divisie van den JUGEMENTE , NoCH s00 GoEp VAN WEERCKE ENDE POURTRAITUREN DAN TAVEREEL ES VAN DEN JUGEMENTE HANGHENDE IN DE BACKERS HUUS IN DE CAMERE, ENDE DIT VULMAECT MET ALSULCKEN WEERCKE ALS- DAER TOE DIENEN SL. Qu'il soit notoire, etc., que Nabur Martins... a promis de livrer à Liévin Sneevoet un tableau représentant le JUGEMENT DERNIER , {out aussi bon d'exécu- tion et de figures que le tableau du JUGEMENT qui est sus- pendu dans la chambre de réunion de la Maison des bou- langers. Il était de commun usage, qu'en stipulant l'exécution d'une œuvre d'art, d’une œuvre de peinture surtout, l’on pril pour prototype une produclion similaire, soit de l'artiste contractant , soit d'un autre artiste. C’est ce qui eut lieu pour la peinture murale de l’église de St-Martin, en 4455, et ce qui se voit dans les actes de 1444. Dans ces deux conventions, Nabur Martins s’engageait à exé- cuter chacun de ces deux tableaux en un temps déterminé. Le JUGEMENT DERNIER devait l'être en trois mois, et il con- sentait à encourir une amende considérable, une amende presque équivalente au prix lotal de sa production, sil dépassait le terme fixé. La coutume communale garan- lissait l'exacte et loyale exécution des contrats; parfois (184) l'amende était remplacée par la détention temporaire au châtelet de l’amman. Que diraient maints artistes mo- dernes, sil leur fallait être exacts sous peine d'amende, sous peine de prison ? Que diraient-ils, S'il leur fallait garantir, comme le portent certains contrats artistiques gantois, pendant trois ans, pendant vingt ans! l’inva- riable solidité de leurs couleurs? Deux fois l’Académie de Belgique à promis sa médaille d'or à celui qui nous apprendrait le secret de la solidité du coloris des anciens tableaux, et aueun mémoire ne nous apporta une solu- tion acceptable. La solidité du coloris flamand ne pro- cède-t-elle pas d’abord de la sévérité des ordonnances conslilutives et réglementaires de nos corporations plas- tiques, de leurs stipalations comminatoires contre l’em- ploi des ingrédients de mauvais aloi? Ke la doit-on pas aussi à la surveillance et à l'inspection des doyens du métier des peintres, à la répression scabinale qui suivait toute plainte fondée? Dans les conventions de 444%, 11 s'agit bien de tableaux (tafle, tavereel); dans le compte de 1455, des fabriciens de Saint-Martin d'Eckerghem, 1l est question de peinture murale (scilderie). À cette époque, l'on employait dans les documents flamands les mots tafel, tafercel, ou tafle, tave- reel, pour désigner une composition peinte sur toile, sur panneau. Scilderie et scilderinghe s'appliquaient, au con- traire, à toute peinture exécutée à place fixe, comme sur les murs, les lambris, les plafonds et les voûtes. I y avait encore une troisième expression technique, usitée dans l'espèce : stofferen et stofferinghe, signifiant étoffer, pein- turer, ornementer, décorer. On disait : een tafereel stof- feren, pour exprimer la peinture des accessoires d'une composition, l’ornementation extérieure d’un tableau à ( 185 ) volets, la retouche où la restauration; cen tafereel van beeltwerck stofferen, pour indiquer l'enluminure des figu- rines et des accessoires de ces bas-reliefs si profondément fouillés dans le bois, taillés dans la pierre : tableaux sculptés, dont il est parvenu jusqu'à nous de curieux, d'admirables spécimens; een beelt stofferen signifiait enlu- miner ou repeindre une statne. Au moyen âge, les statues et les bas-reliefs se doraient, se rehaussaient des plus écla- tantes couleurs : la statuaire, comme la peinture, s’adres- sait à l'intelligence et aux sentiments des masses plutôt par le réalisme que par l'idéal. Les nombreuses chroniques de Flandre, si minutieuses dans leurs détails politiques, négligent entièrement l’his- toire artistique. Nabur Maruns et les artistes ses con- temporains ne nous apparaissent que dans les écrits offi- ciels conservés dans nos archives. Durant les quatorze années écoulées de 4440 à 1454, ces documents ne men- tionnent l'existence et les travaux que de dix ou douze peintres gantois, parmi lesquels maître Nabur Martins est placé sans contredit au premier rang, et il le méritait, pour limportance et le nombre de ses entreprises (tach- wercken) de peinture. Ne travailla-t-il plus depuis 4454, ou avait-il quilié sa cité natale dans le dessein de recueillir ailleurs les fruits de la réputation qu'il s'était acquise ? Nous sommes sans renseignements à cet égard. Je pré- sume qu'à Gand les circonstances politiques furent peu favorables aux travaux plastiques dans les dernières an- nées du règne comtal de Philippe le Bon : l'insurrection des Gantois, la guerre acharnée que leur fit le duc de Bourgogne, les suites de la sanglante bataille de Gavre et de leur soumission forcée, durent exercer une funeste in- fluence sur les arts libéraux, Pendant plusieurs années il ( 186 ) ne s'exéenta dans la ville de Gand, aux frais de la com- mune, aucune œuvre artistique digne de remarque. Les comptes contemporains ne mentionnent guère que les peintures et les sculptures d'ornementation du dais de _ Notre-Dame de Tournai. À tous les rapprochements fournis par les pièces offi- cielles que j'ai citées, je joindrai l'argument à tirer de deux circonstances de la vie privée de Jacques de Keuel- boetere et de Nabur Martins : elles démontrent les rela- lions artistiques et intimes qui existaient entre le donateur et le peintre du tableau vouf de 1448. Le 19 février 1440 (1444, n. st.), Nabur Martins ayant fait l’acquisition d’un ceinturon garni d’ornements en argent, au prix de 56 esc. de gros (22 liv. par.), Jacques de Ketelboetere en cautionna le payement. Et lorsque Jacques de Ketelboetere rechercha, en 1445 (1444, n.st.), Pafliliation au métier plastique de Gand, ce fut Nabur Martins qui le présenta à l'admission, et se déclara garant de l’accomplissement des obligations contractées envers la corporation. Cette réciprocité n'est-elle pas des plus significatives ? Nabur Martins, comme Jean Martins, son père el son maitre, peignit des tableaux à lhuile, des peintures mu- rales en détrempe et à l'huile. Si ces deux peintres, qui furent élus doyens de leur corporation, n’ont pas le renom des maitres plus illustres sortis de l’école flamande pri- mordiale, toujours est-il que ce furent des artistes estimés au temps où ils vivaient. Les travaux que le magistrat leur confia dans les maisons et les chapelles échevinales , en quelque sorte à l'exclusion des autres peintres de Gand, le prouvent assez. Quant à Nabur Martins, sa peinture mu- rale de 1448, la seule production plastique gantoise de celte époque qui nous soit connue avec une suffisante au- (187) thentieité, nous permet de ratilier ce jugement favorable. Dans les Mémoires sur la ville de Gahd; dans les biogra- phies ajoutées à la sixième réimpression de l'ouvrage de Mare van Vaernewyc, Hlistorie van Belgis; dans plusieurs Dictionnaires des peintres, dont les auteurs ont suivi, sans les contrôler, les données du chevalier Dieriex, notre Nabur Martins est signalé comme un peintre distingué et un ha- bile horloger !… Exemple frappant des erreurs dues aux moindres falsi- lications des documents originaux, aux interprétations élastiques et inexactes. D'un trait de plume, Dieriex à gra- ufié le peintre d'un brevet d'horloger. L'artiste est appelé à livrer et à peinturer un cadran pour la tour de Lede, il lui en fait confectionner l'horloge. Pour cela, Dieriex ajoute quelques mots au vieux texte flamand des manuserils sca- binaux, et modifie dans l'acte ce qui pourrait contrarier son asserlion,. Et voilà pourquoi, depuis 4815, Nabur Martins est ré- puté peintre et horloger ! Le livre de la corporation des peintres et sculpteurs de Gand nous donne une nombreuse liste d'artistes de la souche patronymique des Martins. Laurent Martins, franc maitre peintre en 1564, juré en 1569; Laurent Martins, son fils, france maitre en 1580, juré en 1584, doyen en 1586; Gilles Martins, franc maitre en 1596, juré en 1400 et 1405; Gérard Martins, franc maître en 1598; Gheloet Martins, franc maitre en 1408, juré en 1415 ; Jean Martins, france maitre en 1420, juré en 1450, doyen en 1448 ; Bau- douin Martüns, fils aîné de Jean, franc maître en 1454, juré en 1452, doyen en 1475; Nabur Martins, fils puiné de Jean, france maître en 1457, doyen en 1450; Regnier Mar- Lins, fils de Baudouin, franc maître en 4447, juré en 1472, (188 ) Jean Martins eut plusieurs apprentis el forma des élèves. Outre son fils Baudouin, sur lequel nous n’avons aucune mention particulière, et son fils Nabur, qui nous est au- jourd'hui le mieux connu, je citerai Corneille Boone, Josse Vorre et Liévin vanden Bossche, mentionnés dans des actes synallagmatiques contractés en chambre échevinale. Corneille Boene ou Boone, selon quelques biographes, peintre et sculpteur, ne s’est, je crois, adonné qu’à la sculpture. Tous les documents qui le concernent ne me semblent parler que d'œuvres sculptées en bois. Corneille Boone, né à Gand vers 1415, est mort en 4492. Il obtint la maîtrise en 1445, comme sculpteur seulement. Josse Vorre fut un peintre d'histoire religieuse. Il mou- rut à Gand, en 4461. Outre les tableaux qu'il peignit pour des églises de cette ville, il orna la chapelle des francs bateliers d’un tableau remarquable. Ce dernier ren- seignement, probablement vrai, est puisé dans un acte ex- trait, par le chevalier Diericx, des registres échevinaux de Gand. Cet acte porte, dans ses Mémoires, la date du 42 août 1441, et l'indication du folio du livre annal de 1441 à 1442. J'ai vainement cherché la convention de Josse Vorre dans tout le volume qui contient les actes de 1440 à 1445; peul- être se découvrira-t-elle un jour à une autre date, comme cela m'est arrivé pour le contrat du 4 juillet 1444, auquel Dieriex à mis la date du 18 janvier 1448. Josse Vorre semble ne pas avoir eu sa résidence fixe à Gand, on ne le trouve point inserit parmi les artistes peintres de ce nom qui figurent sur le livre de la corporation plastique. Liévin vanden Bossche, né à Gand, en 1427, y est mort en 1481. Il avait reçu les principes élémentaires du dessin dans l’atelier de son père, Simon vanden Bossche, qui fut, prétend-on, élève des Van Eyck, peu avant la mise en pra- ( 189 ) tique de l'invention qui immortalisa le nom des célèbres frères. Des élèves de Nabur Martins l'on ne cite que Philippe Uuterswane, de Gand, qui florissait à Bruxelles vers 1467 dans la peinture historique, et Daniel de Rycke ou de Ryckre, peintre très-distingué de tableaux d’autel et d’allé- gories, fort en vogue alors. Daniel de Rycke, admis franc maître dans le métier de Gand en 1448, fut élu, deux ans après, juré de la corporation, et, en 1464, élevé au doyenné. Il était fils de Servais de Rycke, franc maitre en 1422, eut un frère aîné, Jean de Rycke, franc maitre en 1452, et un fils, Daniel de Rycke, reçu franc maître en 1455. Nous n'avons pas d’autres notions historiques sur eux. [l ne nous est resté, ou du moins il ne nous est connu aucun tableau de Daniel de Rycke le père. Les iconoclastes ont détruit ceux qui existaient à Gand et dans les églises des villes et des villages de Flandre où ils exercèrent, au XVI”° siècle, leurs sacriléges dévastations. Si quelques- uns de ses tableaux leur ont échappé, le temps a parachevé l’œuvre de la réforme, ou bien l'absence de signature à confondu ces productions parmi les ouvrages anonymes que le moyen âge nous a légués. Nous avons néanmoins des indices certains de son talent, dans des actes conven- tionnels, dans des annotations des comptes communaux et dans la comptabilité des receveurs du duc Charles de Bourgogne. Liévin vanden Bossche, qui, au sortir de l’école pater- nelle, avait été le compagnon de Nabur Martins chez Jean Maruns, fréquenta quelque temps aussi l'atelier de Nabur, quand celui-ci eut pris la franche maîtrise. Ce fut donc sous le patronage de ce maître qu'il entra dans la corpo- ration artistique de Gand en 1440. ( 190 ) Liévin vanden Bossche travailla à Bruges, en 1467 (mars-avril 1468, n. st.), avec ses concitoyens Daniel de Rycke, Jean Maruns, Jean van Bassevelde, Philippe vande Wincle, peintres; Jean Clincke, Jean Boone et Pierre Bulteel , sculpteurs, aux pièces décoratives et d'entremets destinées aux somplueux banquets des noces de Charles de Bourgogne et de Marguerite d’York. Les comptes dressés à cette occasion par le receveur du duc, Fastré Hollet, nous ont conservé les noms des maïstres paintres et tailleurs d'ymaiges appelés de diverses villes da comté de Flandre. Le taux de leurs salaires fut fixé par les pein- tres ordinaires du duc, de concert avec le doyen et les jurés du métier plastique de Bruges. St Nabur Martins s'était rendu à Bruges, comme Jéan Martins, son père, comme Daniel de Rycke, son élève, comme Liévin vanden Bossche, Jean van Bassevelde, Philippe vaude Wincle, ses concitoyens, et Hughes vander Goes, qui alors habitait la ville de Gand, nous aurions à son égard, ainsi que nous l'avons pour eux, une espèce d'échelle de proportion, une certaine base et des éléments d'appréciation artistique dans le salaire qui fut alloué à chacun des peintres appelés à coopérer aux magnificences nuptiales qui se préparaient à la cour de Bourgogne. Daniel de Rycke reçut par journée de travail xx sols pour son salaire et n1 sols pout sa dépense de bouche, soit Xxn1 sOLs par jour. [ travailla pendant huit jours, et avait avec lui trois apprentis (ses varlets, dit le compte de Fastré Hollet} : Georges, qui perçut vin sols, Jean van Dist, vi sols, et Haquinet, mir sols. À Hughes vander Goes il fut payé XtuI SOLS par jour de travail, Liévin vanden Bossche, Jean van Bassevelde, Philippe vande Wincle et Jean Martins ne perçurent chacun que x sos pour leur salaire journalier. (191) Les sculpteurs : Jean Clincke, qui fut, en 1454 et 1468, doven de la corporation de Gand; Jean Boone, juré en 1469, et Pierre Bulteel, fils de Daniel Bulteel, furent taxés, le premier à xu et les deux derniers à x1 sols par jour. Jean Clincke avait avec lui un apprenti, Jean van Mechelen, salarié à 1x sols par Jour. J'avoue que je n'ose ni ne veux conclure du taux de ces salaires que notre Daniel de Rycke, l'élève de Nabur Mar- tins, fût supérieur à Hughes vander Goes, de qui la répu- lation est basée sur les œuvres estimées que l’on connait de lui. Et cependant, comment expliquer la disproportion si marquante constatée ici entre leurs salaires respectifs ? Quelque temps après, tous deux furent rappelés à Gand el chargés, par le magistrat, de l'exécution des peintures décoratives, figures allégoriques, bannières et écussons armoriés pour la Joyeuse-Entrée de la nouvelle comtesse de Flandre, Marguerite d'York. Daniel de Rycke et Hughes vander Goes exécutèrent les peintures qui leur furent confiées, avec leurs apprentis, non dénommés dans les comptes. De Rycke peignit les ornements et décors dé deux des portes de la ville, et reçut pour sa part 5 livres de gros. Vander Goes peignit les figures allégoriques et historiques qui se placèrent dans les rues que devait tra- verser le cortége des souverains; ses travaux et ceux faits sous sa direction lui furent vayés 14 livres dé gros. Ici, on Île voit, la proportion est en faveur de Hughes vander Goes, comme la prépondérance lui revient pour l'impor- (tance des peintures. De 1468 à 1474, le collégé éche- vinal de Gand lui commanda d’autres travaux de pein- ture, figures allégoriques, écussons et blasons, tant pour divers jubilés où pardons pontificaux, que pour l'entrée | solennelle de Charles le Téméraire et le service funèbre ( 1929 célébré à la collégiale de Sainte-Pharaïlde, lors du trans- port de la dépouille mortelle du duc Philippe à la Char- treuse de Dijon. — À la même époque, ou à peu près, les deux peintres sont assermentés dans la corporation plastique de Gand, ce que l’on ignorait jusqu'ici à l'égard de Hughes vander Goes. En 1465-1464 Daniel de Rycke y est doyen, et Hughes vander Goes juré en 1468-1469. Nous ne savons pas à quelle date Hughes vander Goes y fut admis franc maitre; mais son admission à Ja fran- chise a dû nécessairement précéder d’un an, au moins, l’année de son sous-doyenné. Pour entrer dans le métier, il devait être poorter, jouir du droit de bourgeoisie à Gand, ce qui implique plus d’une année de séjour en cette ville. [l habita donc Gand sans interruption de 4465 à 1474. Que Daniel de Rycke ait aussi peint des tableaux histo- riques et religieux, c’est ce que l'on ne peut mettre en doute. Deux de ses productions nous sont authentique- ment indiquées dans les registres échevinaux. La première, peinte en 1468, pour Odwin de Ville : een tafle van pour- traituren, un tableau à figures, lui fut payée 5 livres de gros (56 livres par.); la seconde , en 4469 : een autaer- tafle van pourtrailuren, un tableau d’autel à personnages, pour l'oratoire du couvent des Augustins à Gand, était taxée au prix de à livres de gros (60 livres par.), ou plus, si, à la livraison, l’œuvre valait davantage. En 1466, ayant promis d'exécuter certaines peintures dans l'hôtel de l’évêque de Cambrai, à Gand, ei se trouvant en défaut de remplir l'engagement pris par acte chirographe, il fut attrait de ce chef devant le magistrat communal, et con- damné à terminer l'ouvrage entrepris endéans Îles six semaines, sous peine de prison : ofle te treckene in sam- mans chasteledt te Ghend. Em: tb CRT d ( 195) Pour apprécier le talent de Nabur Martins, il faut nous en tenir à sa peinture murale de 1448. Ce spécimen re- marquable, que surpassaient probablement ses produc- tions d'atelier, ses tableaux de chevalet peints sur toile et sur panneau, doit’augmenter le vif regret que nous éprou- vons de ne point posséder de tableaux signés ou suflisam- ment avérés des maîtres gantcis de cette époque, et de la période primitive de l’emploi du nouveau mode ou pro- cédé de peinture à l'huile inventé par Jean van Eyck. Je dis le mode, le procédé de peinture à l'huile inventé par Jean van Eyck (ou si l’on veut par les Van Eyck, pour ne pas trancher la question entre les deux frères, n'ayant pas à moccuper Ici de la controverse qui s'est élevée à ce sujet) parce que, sans remonter aux définitions el aux 1In- structions contenues dans le manuscrit du moine Théo- phile, aux essais infructueux que l’on prétend avoir été faits par des peintres italiens avant les frères Van Evyck, il est évident que la peinture exécutée au moyen de cou- leurs délayées, broyées et travaillées avec de l'huile (de noix, de lin), a été pratiquée en Flandre près de cent ans avant la date assignée communément à la mise en usage de l'invention de Jean van Eyck : 4410. Dans les comptes échevinaux de Gand, registres manuscrits et con- temporains, nous en avons des traces irréfutables. C'est même dans ces vieilles annales gantoises, dans cette mine inépuisable de données historiques, qu'on en découvre les indices authentiques les plus anciens, les plus ex- plicites. M. le comte Léon de Laborde, dans le tome I” des PREUVES de son ouvrage si impatiemment attendu : Les ducs de Bourgogne, études sur les lettres, les arts et l’indus- trie au XV"* siècle, fait remonter à 1341 la premicre no- 27€ SÉRIE, TOME V; 14 ( 194 ) tion certaine de peinture à l'huile en Belgique et en France. C'est pour la ville de Tournai qu'en est revendiqué l’hon- neur; après Tournai, il eite Lalle : 1585, et Paris : 1391. Bruges a non moins de droits à invoquer; cette cité flamande se place immédiatement après Tournai : 1551. Mais aujourd’hui, Gand, la métropole des Flandres, peut proclamer ses Litres incontestables à l’antériorité. La couleur à l'huile s'y employait en enduit ou teinte plate dès 1328, et peut-être bien avant, puis s'y constale en peinture plastique en 1558, 1559, 1544, 1555, et avec plus d'importance en 1414, 1419, 1495. Ce ne sont pas des tableaux peints en couleur à l'huile qu'il m'a été donné de découvrir au. commencement du XIV” siècle : une telle bonne fortune ne pouvait m'être réservée. Ce sont, en premier lieu, de simples accessoires de tentes de guerre, et plus loin des pennons armoriés, : des bannières, des étendards à effigies ou images de saints, peintes en couléur à l'huile, au lieu.de lêtre en couleur 4 l’eau, en couleur à la colle, comme on les peinturait d'or- dinaire. Enfin, et lorsque l’on croyait le secret de linven- tion de 1410 encore celé ou à peine communiqué à quel- ques adeptes , ce sont des peintures murales Ristoriées et des tableaux religieux. Mais, ni à Tournai, ni à Bruges, ni à Lille, ni à Paris, aux millésimes de 1541, 1551, 1585 et 1591, ce n'étaient pasmon plus des œuvres d'art de plus grande importance, La représentation des saints, patrons des paroisses gantoises, dut offrir même plus-de diflicul- tés en 1558 à nos artistes ou artisans peintres, que l'enlu- minure d'une statue en 1541 , et le peinturage des murs d’une chapelle en 1551. * « J'ai extrait, dit M. de Laborde, des registres(comples de la ville de Lille), pour les années 1581, 1585 et 1584 PO ( 195 ) quelques articles qui m'ont fait regretter de ne pouvoir continuer ce travail. On remarquera l'emploi de la pein- ture à l'huile dès le mois d'août 1585 , non pas comme un arcanum, mais comme un procédé usuel et connu de tous. » Comptes de Lille, 1582 à 1585, aoust : A maistre Jehan Manin (ou Mauvin), paintre, pour avoir painturé de cou- leurs a ole ix cappes de plonc servans a le porte Saint-Sau- veur et les pumiaulx et banierettes à ossi servans, payet pour certain marquiet (marché) de ce fait a lui Lin} livres li} S. » Déjà M. Dumortier avait trouvé, dans les archives de Tournai, la commande d'un tombeau faite, en 1541, à Wil- liïume du Gardin, sculpteur, par Jehan IIT, duc de Bra- bant. Dans cet acte et dans les payements il est question de l'enluminure des statues : de pointures de bonnes cou- leurs à ole. | » Le mélange des couleurs avec l'huile est continuel- lement mentionné dans les statuts des tailfeurs d'images, des enlumineurs et des Eh de Paris pour l’année 1591. | La ville de Bruges, ce berceau reconnu de la peinture à l'huile proprement dite, du procédé des frères Van Eyck, _ nous présente, dans les livres manuscrits de la comptabi- lité échevinale, des traces presque aussi anciennes de l'em- ploi antérieur de couleurs mélangées avec de l'huile. Un de ses secrétaires , feu M. Scourion, investigateur des plus laborieux, à extrait des comptes de cette cité, si floris- sante au XIV" siècle, des indications également con- cluantes. En 1551-1552 le peintre Jean vander Leye, qu'aucun dictionnaire des peintres ne mentionne, reçut du magis- trat brugeois 102 livres parisis, pour les peintures décora- ( 196 }) Lives en or, en argent et en toutes sortes de couleurs à l'huile qu'il fit dans Ja chapelle de la maison communale de Bruges, à Damme. 1551-1552 : Jan vander Leye, den scildere, vander capellen te stoffeerne ten Damme inder stedenhuus van Brueghe, van goude, van selver ende van alle manieren van olye vaerwen dier tuebehoorde, ende enen wercman van cxx dach werken up syn selver cost. . . :. . . . . . . cij @ par. Jean vander Leye exécula aussi à la façade de Ja nou- velle halle, à Bruges, les armoiries de Flandre, au lion de sable en champ d’or. 1551-1552 : Item, den selven, van eenen lewe te bestoffeerne van sable ende van goude, die staet ten ghevele vander nieuwer halle . . vi & par. Et dix ans après, une mention analogue des comptes de Bruges semble se rapporter à la même manière de bla- sonner : ce sont deux étendards aux armes comtales de Flandre et aux armoiries urbaines de Bruges, peintes par ce Jean vander Levye. - 1361-1562 : Ghegheven Janne vander Leye den scildere van ij vanen ver- wapent met ons princen wapene ende melter stede wapene, die ghestellet Waren up'de Ghent poorte. 7. 20 7e MOMENT S'agit-il, dans ces deux dernières annotations, de cou- leur à l'huile, comme dans la première, ou seulement de couleur à la colle? Le comptable ne l’a point indiqué, et nous en sommes réduits aux conjectures. Îl est à croire que ces blasons, destinés à rester exposés en plein air aux influences de la température, étaient traités dans le genre de peinture à l'huile que Jean vander Leye pratiquait. Cette supposition n’a rien d’invraisemblable, et le prix de revient me paraîl l’appuyer. À la lecture de quelques mentions indéterminées du LA (197) commencement du XIV” siècle, M. Bossaert, conservateur actuel des archives de Bruges, avait conçu l’idée que dans les registres des comptes communaux se trouvaient des ves- tiges de peinture à l'huile jusque vers la fin du XII” siècle (1290). Mon obligeant confrère m'a communiqué ces an- notations ; elles sont intéressantes, mais aussi peu expli- cites que celles qui se rencontrent dans les comptes de la ville de Gand avant 1528, et après même, simultanément avec les mentions formelles de peinture à l’eau, en dé- trempe et à l'huile. En transerivant, à ma demande, ces curieux extraits de la comptabilité brugeoise, M. Bossaert, en archiviste consciencieux, abandonna son hypothèse. « Mes recherches dans les comptes communaux de Bruges du XIVe siècle, m'éerivit-il, n'ont pas abouui à constater ici l'emploi de la peinture à l'huile (avant 1551). On trouve souvent des payements pour la peinture de pennons, d’écus, d'armoiries et de present cannen (pots à vin), mais nulle part il n’est fait mention de la nature de l'enduit que les peintres employaient. » Ce n’est ni une illusion, ni une présomption patriotique qui m’excile à revendiquer pour la ville de Gand la prio- rité de l'emploi en Belgique de la peinture à l'huile, du procédé ou mode ancien, bien entendu. Je produis et con- state un fait authentique, irréfutable , sans qu'il entre dans ma pensée d'exclure la possibilité de découvrir ailleurs des indices plus reculés. Je verrai sans regret échapper à la cité gantoise cette priorité, si, grâce aux recherches que j'aurai provoquées, un autre investigateur porte de nou- veaux rayons de lumière dans cette phase de nos annales artistiques. Ces réserves posées, passons en revue les litres de la ville de Gand; extrayons de la comptabilité officielle et (198 ) manuserite de ses échevins et receveurs les annotations mémorables qu’elle peut, à bon droit, présenter comme des preuves d'antériorité. 1528-1529. — Parmi les frais de l'expédition militaire des Gantois en Flandre et en Brabant, se rencontre la première mention de l'emploi de la couleur à l'huile en nos contrées. [l n’est parlé ici que du peinturage d'une ving- taine de boules ou pommes de tentes de campement; mais, puisque de pareils objets s’enduisaient de couleur pré- parée à l'huile, dès lors ce procédé ne pouvait être ni d’un usage exclusif, ni inconnu aux artistes peintres con- temporains. Expédition militaire dans la Flandre et le Brabant : Payé parles receveurs à Thomas d'Hont, pour 102aunes de sandal noir (tafïetas), destiné à la confection des ban- nières et pennons …. Îiem, à Jacques Compère, pour la confection de huit bannières, neuf pennons de trom- pettes, quatre-vingt-six pennons de charrois.….. Item, pour peinturer dix-neuf grandes targes.…. [tem, pour pein- turer à l'huile vingt et une pommes de tentes... Vanden herevaert in Vlaenderen ende in Brabant : Item, ghaven dontfanghers Mase den Hont van cij ellen swarts sindaels daer men banieren ende pongioenen af maecte xlv & viij d. p. Item, Ja- coppe Compere, van viij grote banieren te makene, coste ele stic viij grote. Item, van vj pongioenen ten trompeneren bouf, ene elle lance, coste ele stic iij grote. Item, van iij pongioenen, coste elc stic i inghelsche. Item van vi) glavien pongioenen die Clais Bagellard adde, coste ele stie xij miten. Item, van xix grote targen te verwene, coste elc stic x inghelsche ende ij!}, grote ener. ltem, van xxj tente appelen te verwene met olien, coste ele stie xi miten. — Coma. 1. date lee ef AURAI CENTRE Le compte de 1528-1529 est le premier de la série du XIV®* siècle dans lequel se lit l'expression flamande ver- wene (peindre, peinturer) au lieu du mot maken (faire, (199 ) confectionner) employé jusque-là en parlant des ban- nières, elc. Ce n'est que dix ans plus tard que les comptes gantois signalent de nouveau l'application de l'huile à la prépara- tion des couleurs. En 1558-1559, les dépenses de l’expé- dition eflectuée par la bourgeoisie armée et les bonnes gens des métiers de Gand vers Courtrai, dans le Franc-de- Bruges et aux Quatre-Métiers, nous fournissent l'annota- lion qui corrobore l'indice de 1528, en même temps que la découverte archéologique gagne en importance et en authenticité. Il est payé par les receveurs à Thomas d'Hont et à Jean Coutenaye, pour livraison de 140 aunes de sandal noir, 14 aunes de sandal rouge et 124 aunes de franges, dont on confectionna treize bannières aux armes de la ville de Gand, sept grandes bannières paroissiales, peintes en dé- trempe, et neuf bannières de même dimension, PEINTES 4 L'HUILE, dont cinq étaient des bannières paroiïssiales, c’est- à-dire sur chacune desquelles était peinte l’image du saint patron de l'église d'une des paroisses urbaines de Gand : Saint-Jean, Saint-Michel, Saint-Nicolas, Saint-Jacques et Saint-Martin. Herevaert naer Curtericke , int Vrye ende de Vier-Ambachten : Item, ghaven dontfanghers Mase den Hont ende Janne Coutenaye van cxl ellen zwarts sindaels ende xxiii] ellen roets sindaels ende c ende xxiiij ellen fringen daermen afmaecte xiij banieren vander wapine vander stede ende vij groete banieren vanden prochien van temper veruwen ende ix vanden ghelicken banieren van OLIE VERUWEN, daer die vive afwaren vanden pro- étend © vs MIE Toutes ces bannières, et de plus six grands pennons, se confectionnèrent et se peignirent, tant en détrempe qu’en couleur à l'huile, par le susnommé Jacques Compère et ses ( 200 ) apprentis ou ses compagnons, pour la somme de cent six livres de payement (40 payments ponden pour une @ de gros). Item, Jacoppe Compere ende sine ghesellen vanden selven banieren ende sesse groete; pinsoenen te:makene , : 244 }44.1 .: eee Il y avait encore un autre genre de bannières : les ban- nières cousues, auxquelles s'adaptaient des armoiries ou des emblèmes en broderie. 1338-1559. — Hervaert te Brugghe : Van eenre ghenaïder banieren te makene vander prochien van S'-Jans ende der stede wapine. En 1559-1540, parmi les frais journaliers et imprévus de cet exercice échevinal, se lisent derechef des annota- tions relatives à des bannières peintes à l'huile. Payé à Jacques Compère, pour trois bannières aux armes de la ville de Gand, peintes en couleur à l'huile, et pour la confection de six autres grandes bannières et quatre grands pennons, 24 livres pt. Onvorsienen ende daghelicschen costen, etc. : Item, Ja. Compere van iij banieren van der stede wapinen van olie ver- wen ende vj andren banieren ende iiij groete ponioenen te makene xxiüj @. Item, van xliüj taerge, van elken ïiij gr. . . . xxviiij & xiij s. üij d. p. D’après le prix : quatre gros, il est probable que les targes (petits boucliers de fantassins) avaient été peintu- rées en détrempe. Plus loin, dans le même compte, se répète une sem- blable mention de payement. Payé à Jacques Compère pour la confection de six ban- nières et pour trois peintes en couleur à l'huile. Item, Ja. Compere van vj banieren ende van-iij met olie verwen te makene. ( 201 ) (Cette annotation est barrée, sans doute comme faisant double emploi avec la précédente). Dans le relevé des dépenses soldées par la commune pour l'équipement et l'armement des milices gantoises qui, sous le ruwaert Jacques van Artevelde, accompagnèrent le roi d'Angleterre, Édouard HE, au siége de Tournai, vers la fin de l’année 1559 (v. st.), se reproduit l'emploi des cou- leurs préparées à l'huile dans la peinture des armoiries. À Jacques Compère, pour la confection de dix-neuf bannières aux armes de la cité de Gand , et dont plusieurs étaient exécutées en peinture à l'huile; pour huit pennons carrés, une douzaine de pennons triangulaires, armoriés du blason gantois, et douze bannières paroissiales 95 livres 15 sols 4 deniers pt. 1539-1540 : Vanden costen omme de uutsaert onsen lieden voer Doernicke, swoendaghes voer Palme sondach, omme te wederstane tg roete grief ende tgroet onrecht die den coninc van Vranckrycke ende syn ulpers meenen te doene up dlant van Vlaendren : Item, Jacop. Compere van xix banieren te makene vander stede wapine, die someghe gheleit waren van olie veerwen, ende van viij viercantea pon- jognen, ende van eenre dozine drie houcte ponjoenen vander stede wapine, ende van-xij banieren van prochien. . . . . . exyè xijs. ii] d. p. En 4544-1545 vient une autre indication d'armoiries blasonnées en peinture à l'huile, sur toile, par un maître peintre, Liévin de Scrivere, ayant atelier et apprentis, mais dont le nom, aussi bien que celui de Jacques Compére, nous était inconnu. Le livre de la corporation artistique de Gand ne les cite pas, tandis que les registres de comptes les mentionnent tous deux à plusieurs reprises. De 1544 à 1547, Liévin de Scrivere confectionna , seul ou avec ses apprentis, des bannières, des pennons et des pennonceaux de charrois; ce n’est qu’en 1544, cependant, ( 202 ) qu'est précisé le mode d'exécution, le genre de peinture. Payé à Liévin de Scrivere, pour lexécution de dix ban- nières peintes en détrempe, une bannière peinte en couleur à l'huile (sur toile, aux armes de Gand) et onze douzaincs de pennons pour charrois, 55 livres G sols 8 deniers pt. Item, Lievine den Scrivere van x banieren te makene van temper vaerwen ende j van olie vaerwen (up toele ende vander stede wapine) ende xj dosinen waghen pongivenen . 2. . 1, . . 4. . XXXVI] MS ON 1346-1547. Payé à Liévin de Serivere et à ses apprentis, pour la confection de bannières et de pennons, 191 livres 10 sols pt. Item, Lievine den Scrivere ende sine ghesellen van banieren ende pon- gioenen té MAKENE. à 2, 12 0e © © ee ete CU NCACREREEE La somme payée laisse présumer qu’il y avait un assez grand nombre de drapeaux et de guidons, qu'ils étaient pour la plupart décorés du blason de la commune, et peut- être traités en couleur à l'huile. Lorsque les bannières étaient confectionnées d'étoffes aux couleurs de la Flandre et de Gand, cousues el ornées de leurs écussons blasonnés des armes parlantes des gildes et des corps de métiers, il était ordinairement fait men- tion de celte circonstance. 1544-1545. Payé à Gilles de Wapenmakere, pour deux bannières cousues, aux armes de Saint-Georges (croix de Bourgogne ou de Saint-André, de gueules en champ d'ar- gent), à l'usage des arbalétriers gantois, 14 livres 13 sols 4 deniers pt. Item, Gillisse den Wapenmakere, van ij ghenaeyden banieren te makene van syn sellefs stoffe van S' Jooris wapine, ten scutters bouf. xd} & XH] S. iii} d. p: (205 ) Liévin de Scrivere et son fils Jean travaillèrent, en 1546, aux peintures des ornements en relief du dais ou couvre- chàsse de Notre-Dame de Tournai. 1546-1547 : Item, Lievine den Scrivere ende Janne sinen sone, vander selver cappe (Onser Vrauwen van Doornick ten fierter bouf) te makene met EN SU °C CN TE. D’année en année, jusque vers le milieu du XV"* siècle, ces peintures acquirent plus d'importance. Elles furent exécutées de façon à faire honneur à la cité gantoise, et le dais de Notre-Dame rehaussait la magnificence qu'étalait à la procession de Tournai (la procession de la fête de l'Exaltation de la sainte croix) la députation de l’échevi- nage et de la bourgeoisie de Gand. Dans la plupart de nos ézlises, dans nos cérémonies religieuses, qui rivalisent avec les pompes du culte catholique au moyen âge, nous pouvons nous faire une idée de la beauté décorative du baldaquin de la fierte de Notre-Dame flamande. Nous re- trouvons cette richesse d’ornementation dans ces admi- rables étendards, ces splendides gonfanons aux médaillons épisodiques peints, ces bannières ornées d’emblèmes et de symboles mystiques, brodés en or et en argent, sur la soie et sur le velours. La première rubrique spéciale consacrée dans les comptes échevinaux de Gand au dais de Notre-Dame de Tournai, se rencontre dans le registre de 1521-1522. Le couvre- châsse était alors de velours rouge, bordé de franges et doublé de fourrures; en 1322-1325, on le confectionna en drap d'or; en 1550-1551, en velours jaune et noir, les couleurs de la Flandre; en 1556-1557, en velours noir et velours rouge, blasonné des armes de Gand: le lion d'ar- gent en champ de sable. Puis vinrent les médaillons peints, ( 204 ) armoriés d'abord, religieux ensuite; les ornements en relief, les figurines sculptées en bois, enluminées, dorées el placées aux coins ou autour du dais, ainsi que sur les torchères. Les meilleurs artistes peintres et sculpteurs de Gand, ou y résidant momentanément, y furent successi- vément employés par la commune. La liste en est curieuse, et pour la donner, même en résumé, il faut avoir fouillé un siècle et demi de comptes annuels. Jacques Compère est le premier auquel on peut avec certitude attribuer la qualité de peintre; nous le rencontrons dès 1531, mais ce n'est qu'en 1556 et 1557 que ses travaux de peinture sont désignés, comme ils continuent de l'être pour ses succes- seurs. Ce sont : Liévin de Scrivere, 1544 à 1546; Siger vander Woestyne, 1552 à 1568; Pierre vanden Kalchoven, 1569 à 1409; Roger de Bruxelles ou Roger vander Wey- den, 14586 à 14415; Roland de Scoenere, 1416; Chrétien vande Wincle, 4417 ; Jean van Bassevelde, 1418 à 1493; Guillaume de Ritsere, 1419 à 4441; Daniel Bulteel, sculp- Leur, 1425 à 1455; Jean Martins, 1426 à 1455, 1445 à 1447; Jean Bulteel, sculpteur, 1442; Nicolas vander Meersch, 1442 à 1450 , 1452 à 1460, 1465, 1465 à 1468, 4470 ; ‘Tristan vanden Bossche, 1451; Agnès vanden Bossche, 1474, 1482 et 1485; Liévin vanden Bossche, 1475 et 1476, 1479 à 1481, 1485 à 1487. Les interruptions que l’on aperçoit dans la succession des millésimes proviennent de deux causes : des événe- ments politiques et guerriers qui empéchèrent, en certaines années, le voyage de la députation gantoise et la remise de l’offrande à Notre-Dame, ou des lacunes qui existent dans la série des comptes communaux de Gand des XIV?" et XV: siècles. Remarquons aussi que, dans cette nomencla- ture d’un siècle et demi, il n’est cité que deux sculpteurs : ( 205 ) Daniel Bulteel, de 1425 à 1455, et Jean Bulteel en 1442. Ce devaient être des artistes de talent, car chaque année il y avait des ornements de sculpture à exécuter au balda- quin, des statuettes (mannekins) à tailler en bois, et, dans le libellé des comptes, les autres sculpteurs sont tout uni- ment compris sous la désignation collective de N°” (le peintre) et ses compagnons (N° ende sine ghesellen). Sans cesse, et partout, en ces temps reculés, se retrouve celte infériorité relative entre le peintre et le sculpteur; tou- jours le peintre primant le statuaire. Dans les chapitres annuels de la comptabilité échevi- nale, qui nous ont conservé les détails des travaux artis- tiques, l'indication des prix d'achat des étoffes, les frais de la confection et du transport du dais de Gand à Tournai, où l’on séjournait et festinait pendant deux Jours; des dépenses de voyage, de bouche et d’habillements neufs (frocken van Doornick) de la députation gantoise, pas une seule fois il n’est indiqué si les peintures du dais étaient en détrempe ou en couleur à l'huile. Il est probable que ce fut simplement à la colle, comme nos arcs de triomphe modernes, que se peignaient les armoiries ou les mé- daillons de ces baldaquins, présents éphémères, dont il n'existe plus de vestiges, ni à Tournai ni à Gand. — Le total des frais dépassa, en certaines années, la somme de cent cinquante livres de gros, monnaie de Flandre. Les comptes communaux de Gand de 1546 à 1410 con- tiennent des annotations réitérées de bannières peintes, mais sans spécification précise du genre de peinture em- ployé. En 1411 reviennent deux mentions de peinture à l'huile, et il est clair qu'il s’agit encore du mode ancien. Elles se trouvent dans la section distincte réservée à l'enregistrement des dépenses occasionnées par les prépa- ( 206 ) ralits de l'expédition militaire contre le duc d'Orléans (20 août au 7 octobre 1410), expédition dite de Montdi- dier. Les Gantois y participèrent à la réquisition de Jean de Bourgogne. C'est entre de nombreuses et intéressantes mentions de confections d'armes, d'engins de guerre, d'ar- üllerie, d'étendards, de bannières, de pennons, etc., que sont pris les extraits suivants : Payé à Pierre van Berevelt, peintre, d'abord une ban- mère de Flandre peinte à l'huile et dorée (d'or au lion de sable), onze escalins de gros. Item, une bannière communale peinte à l'huile et ar- gentée (de sable au lion d'argent), sept escalins de gros. Costen ghedaen omme de hervaert binnen xlviij daghen dat there van Ghent hute was in Vranckericke, tot Montydiers, met onzen gheduchten heere. Item, jeghen Pietren van Berevelt, eerst ene banniere van Vlaendere van olye verwen ende vergult u à tu di X] S. gr. Item, ene banniere vander stede van olye verwen ende van selvere vil SE. Item, vier water bannieren vander stede, ij water bannieren van sente Jorisse, een water banniere van Vlaenderen, een wimpel ten witten ca- proene, een trompet pingoene, liij tromps pingoenen, iij pipers pincheele , xYj waghen pingoene, iiij pingoene die meere sijn, alle van water ver- Ù 1: SOS SPC À l'expédition inutile de Montdidier, les Gantois accom- pagnérent en troupes considérables leur intrépide comte- duc. Le nombre des enseignes de toute espèce, grandes et petites, confectionnées el peintes à cette occasion, en est la preuve. Outre l'étendard comtal, que portait messire Gossuin van Vaernewye, et la bannière communale con- fiée à messire Jean de Melun, vicomte de Gand, ces beaux drapeaux aux blasons d'or et d'argent, aux brillantes couleurs à l'huile, 1! y avait des bannières fluviales de ( 207 ) Saint-Georges, de Flandre et des chaperons-blancs; des pennons de cavaliers et des fanons d’équipages; des pen- nons de trompes et de trompettes; des flammes et des banderoles de lances. Le caparaçon du destrier de Gossuin van Vaernewyc avait été blasonné par Roger de Bruæelles aux armoiries de Flandre. Les signes de reconnaissance et de ralliement des chefs-gildes, des métiers armés et de leurs bandes auxiliaires, n'étaient qu’en toile et chargés des armoiries parlantes de ces corporations. Les blasons élaient peints en couleurs délayées à l’eau simple, à l'eau de gomme ou à la colle, et, après chaque expédition de quelque durée ou quelque peu aventureuse, les peintures des bannières que l’on rapportait dans la cité devaient être renouvelées. Les milices gantoises, les milices fla- mandes en général , ne consentaient guère à tenir la cam- pagne plus de trois mois. Le système d'approvisionnement : des armées communales, le ravitaillement de ces réunions de forces civiques indépendantes les unes des autres, ap- portaient de grandes difficultés aux opérations d’une guerre lointaine et trop prolongée. M. le comte de Laborde, dans le tome IT des PRreuvEs des Ducs de Bourgogne, donne, à cette même date de 14141, un extrait des comptes de l'hôtel d'Antoine, duc de Bra- bant (N° 1786 de l'Inventaire de la chambre des comptes à Bruxelles). Il y est question aussi de bannières, d’éten- dards et de fanons de trompettes armoriés, peints à l'huile et dorés avec de l'or fin, sur de l'étofle de soie, par Chris- tophe Besan, le peintre du duc. * Item, Christoffle Besaen, mijns voirscreven heeren scilder, omme ij bannij- ren, ij wimple, vj bannijren ende tot mijns heeren trompetten, ghewrocht met finen goude ende met olyen up ziden lakene, voir elc van den ban- nijren x croenen, ende voir elken wimpel x croenen, ende voir elke ban- nijere van trompetten v croenen. ( 208 ) L’annotation de 1411, transcrite des comples commu- . naux de Gand, est la dernière mention de ce genre de pein- ture à l'huile que me fournissent ces curieux documents. Bientôt la connaissance de l'invention de Jean van Eyck, de la peinture à l'huile proprement dite, quoique circon- serite, pendant plusieurs années, dans l'atelier du célèbre inventeur, où elle n’était pratiquée que par ses meilleurs élèves, par les adeptes du maître, finit par n’être plus.un secret absolu pour les artistes flamands. En 1419, nous voyons les échevins gantois stipuler que le renouvellement des pourtrailures des comtes de Flandre, peintes en dé- trempe sur les murs d’une des salles de la maison éche- vinale, serait fait en bonne couleur à l'huile : il est plus que probable que l'invention de Jean de Bruges, que la prati- que ou limitation de son procédé n’y furent pas étrangères. Des écrivains esthétiques prétendent que, jusqu’en 1490, l'inventeur sut garder devers lui l’usage exelusif de son admirable invention : il est permis de ne pas admettre en- tièrement cette asserlion chronologique. Les deux frères, Hubert et Jean, pour cacher aussi longtemps que possible le précieux secret aux artistes contemporains, expatrièrent pendant quelques années leurs tableaux peints à l’huile, et ne les datèrent point. Par suite de cette double précau- tion, de la dernière surtout, l’on ne s'accorde pas sur le début de la mise en pratique de linvention, et nous ne connaissons aucune de leurs œuvres de ces premiers temps, de 1410 à 1420, ou environ. Mais est-ce là une preuve que le procédé resta ignoré des peintres flamands de l’époque, qu'ils furent assez aveugles, assez ignorants pour mécon- naître l’immense progrès que les Van Eyck venaient de réaliser, et ne pas chercher à se l'approprier ? Le secret fut-il si bien gardé par leurs adeptes, que rien n’en put ( 209 ) transpirer, ni guider la curiosité, l'intérêt et le sentiment artistique à l’affüt? N'avons-nous pas, d'ailleurs, un tableau à l'huile d’un des meilleurs élèves des Van Eyck, de Pierre Christophsen, production signée par le peintre et au mil- lésime authentique de 1417? Ce monument plastique, dé- couvert après un oubli de quatre siècles, n'était-il pas, avec d'autres productions de Christophsen et de ses émules, connu à la date qu’il porte? Il est donc permis d@ croire que, à son apparition, le procédé des Van Eyck excita en Flandre l'attention des peintres aussi vivement qu’à l’étran- ger; qu'il y fut accueilli avec le même enthousiasme, el partant, immédiatement adopté. Dans le registre annal des échevins de la Keure, de Gand, au millésime de 1495 , J'ai trouvé un acte conven- tionnel qui emprunte une véritable importance à sa date reculée. C'est l’acte passé entre le peintre Jean de Scoenere et Jean vanden Roden, le 49 avril 1495, pour l'exécution de peintures murales dans la chapeiie de Notre-Dame, en l’église de Saint-Sauveur, lez-Gand. Ce n'étaient pas seule- ment des peintures d’ornementation, mais des peintures historiées, représentant des épisodes de la vie de la sainte Vierge et la Cène, traitées en couleur à l'huile. Suppose- rait-on, comme pour les peintures à l’huile des bannières paroissiales du XEV”* siècle, comme pour celles du com- mencement du XV®° (1411), et même pour le renouvelle- ment des portraits des comtes en 1419, qu'il ne s’agit pas ici du procédé Van Eyck? Cela ne serait nullement admis- sible. Tout concourt à nous démontrer que l'invention de Jean van Evck ne fut pas celée durant dix ans aux peintres flamands, et certes, les artistes gantois ne furent pas les derniers à être initiés au secret de la nouvelle méthode de peinture à l'huile. 2"° SÉRIE, TOME V. 15 ( 210 ) En 1420-1421, vers 1419, et plus tôt peut-être, enfin à l'époque de foeuitine des peintures murales à l'huile de l'hôtel échevinal de Gand, Hubert et Jean van Eyck habi- tèrent cette ville. Hubert van Eyck y commença alors le plus beau des joyaux de leur couronne artistique, l’esti- mable tableau de l’Agneau mystique, le magnifique retable de la chapelle de Josse Vydt, dans l’église de Saint-Jean (cathédrale de Saint-Bavon). C'est dans cette église qu'Hu- bert van Eyck fut inserit, le 1% octobre 1422, au nombre des membres de la confrérie de Notre-Dame. Il mourut en 1426, et dans la crypte reposent ses cendres. En 1421, Hubert et Jean van Eyck furent affiliés spon- tanément à la corporation plastique de Gand, et ce avec dispense des conditions et formalités habituelles de l’ad- mission des francs maîtres. Cette affiliation inusitée, dont le Livre du métier gantois n'offre pas un second exemple, y est citée comme un hommage rendu à Ja mémoire de la comtesse de Flandre, Michelle de France, première femme de Philippe le Bon. La jeune princesse, trop tôt ravie à l'amour des Flamands, affectionnait les illustres peintres; la corporation , en leur octroyant ainsi la franchise du mé- lier, manifestait, en même temps, et l'estime qu'elle pro- fessait pour leur talent, et Le pieux souvenir qu’elle conser- vait pour sa souveraine. Sous la rubrique des dépenses effectuées lorsque le ser- ment de Gand se rendit à Ardembourg, en 1457, pour conclure un accord entre les bonnes gens de Bruges et de l'Écluse, j'ai trouvé une fois encore dans les registres des comptes communaux l'indication de quatre banniéres aux armoiries comtales et urbaines peintes à l'huile par &ruil- laume de Ritsere. 1437-1458 : Daghelicsche ende onversiene costen, — Toen den eedt van ( 214 ) Ghent trac naer Herdenburch omme accoort te makene tusschen de goede lieden van Brugghe ende Sluus. Item, Willem den Ritsere, van iüij banniere te makene van olieverwen, ver- wapent an beede zyden alsoet behoort; de ij yan ons geduchten heeren wa- pene, ende ij vander stede wapene; van bockerane ende fringen, van elken PT I PC PR EL LE De quel genre de peinture à l'huile se servit ici Guil- laume de Ritsere? Est-ce de l’ancien mode que nous présu- mons avoir été employé pour les bannières et étendards jus- qu'en 1411, ou du nouveau procédé inventé par Jean van Eyck? Cette particularité, ou cette solution, si l'on veut, qui aurait beaucoup d'intérêt pour nous, nest point préci- sée; l'annotation elle-même ne revient dans les comptes échevinaux, ce qui est assez remarquable, qu'après un silence, non justifié à cet égard, d'environ vingt-cinq ans. Plus nous étendons nos recherches et nos investigations dans les poudreux dépôts de nos archives, et plus nous acquérons la certitude de la destruction, dans les Flandres d'une immense quantité d'œuvres d'art par les icono- clastes, ces Vandales du XVI"”®° siècle. La majeure partie des tableaux qui échappèrent à leur rage ont été long- temps relégués dans des réduits secrets, dans des chambres inhabitées, dans des greniers; là, privés d'air, exposés sans soins aux effets désastreux des changements de tem- pérature, 1ls se sont détériorés par la moisissure, ou cre- vassés et écaillés sous l’action de la sécheresse. Les pein- tures anciennes qui ont survécu à toutes ces causes de destruction, d’anéantissement, ont été dispersées. La plu- part d'entre elles, sans signatures d’auteurs, sans inscrip- tions distinctives , sans monogrammes déchiffrables, sont restées des lettres closes pour la postérité. De loin en loin, les vieux documents des archives communales et reli- sieuses , les registres de nos gildes, corporations et corps ( 42) de métiers, les parchemins et les traditions de famille ré- vélent l'existence antérieure de quelque morceau d'art, le nom de quelque peintre ignoré de nos écrivains biogra- phes. Ces découvertes nous sont signalées aussitôt comme de précieuses conquêtes pour le domaine archéologique. Si les troubles religieux et politiques de 1566 à 1582 furent funestes aux productions des premiers artistes fla- mands, productions détruites par centaines dans la ville de Gand seule, la révolte des Gantois en 1539 eut un effet non moins désastreux au point de vue de l’histoire artis- tique de la Flandre. L’abolition des corps de méliers et des corporations gantoises; la confiscation et l'envoi à Lille de leurs chartes, priviléges et registres; la vente de leurs biens meubles et immeubles, nous ont privés de sources authentiques du plus grand intérêt historique et iconologique. La plupart des tableaux et des morceaux de sculpture sauvés de l’anéantissement, avaient été exécutés pour des églises, des oratoires, des monastères, des mai- sons ou lieux de réunion des corporations, et, dans l’ab- sence de signatures et de monogrammes, c'est aux archives urbaines, ecclésiastiques et industrielles, aux documents échappés à la confiscation, à la lacération de 1540, que nous demandons les renseignements épars auxquels on attachait si peu d'importance jadis, mais que nous recher- chons avec tant d'ardeur et de persévérance aujourd’hui. Les investigations auxquelles je me suis livré pour dé- couvrir le nom de l'artiste auteur de la peinture murale à l'huile de la grande boucherie de Gand, m’auraient été épargnées, si les bouchers gantois possédaient encore leurs antiques documents. Ce corps de métier, autrefois riche et puissant, n'existe plus guère que de nom. L'esprit des anciennes corporations flamandes n'y exerce plus son (25) empire, les vieilles traditions ont cessé de s'y perpétuer, l'individualisme y a tué le sentiment de la solidarité, qui est l'âme de tout corps constilué, de toute association, tant intellectuelle que professionnelle. Impossible d’ob- tenir de nos bouchers modernes la moindre donnée ré- trospective remontant au delà du XVII"* siècle, ils ne vivent que dans leur sphère d'actualité. Les recherches faites n'ont appris rien de nouveau au sujet de l’enduit à la colle et du premier badigeon mis sur le tableau mural. L'opinion qui l’attribue à la période des troubles religieux du XVI”* siècle me semble toujours être dans le vrai. Peu à peu le souvenir de l’œuvre de Nabur Martins se perdit, et plus tard son état de détério- ration fit naitre l'idée de la cacher entièrement, en pla- çant dans le fond de la ypene un autel à retable élevé. Cette dernière hypothèse n’a rien d'invraisemblable ni de hasardé; chacun sait l’indifférence qu'à certaines époques l’on montra pour les anciennes œuvres d'art. Telles pro- duetions de l’école flamande que l’on couvre d’or aujour- d'hui, étaient délaissées, cédées à vil prix; telles gravures dont les premiers états sont maintenant hors de taux, sachetaient pour une bagatelle; tels ouvrages, tels gros in-folios à planches que l'on s’arrache actuellement, se vendaient à peine au poids du papier. Les peintures et les sculptures se détérioraient sans que l’on prit des précau- tions pour l'empêcher, sans que l’on songet à y remé- dier par une restauration, quelque facile, quelque urgente qu'elle fût. Dans les cabinets, dans les églises, dans les monuments publics, que de tableaux passèrent successive- ment, selon leur degré de conservation, de place en place, jusqu'à l'exposition la moins apparente. Combien de ces productions, héritages de famille, reliques artistiques in- ( 214 ) appréciées, voyagèrent ainsi de chambre en chambre, et furent après deux ou trois générations reléguées avec les objets de rebut. Dans les monastères, dans les salles d’assemblée des corporations régnait la même incurie. Au lieu de restau- rer judicieusement les vieux tableaux abimés, les vieilles sculptures mutilées, on les dédaignait, on les remplaçait par des œuvres modernes qui n'avaient ni le mérite, ni la valeur des anciennes. C'est ce que fit le serment du métier des bouchers gantois : lintérêt historique qui se ratta- chait à la peinture murale de 1448 ne put la protéger. Heureusement, elle ne fut pas détruite; on se contenta d'entailler le mur rebadigeonné, et d'y fixer les fers d’at- tache et les poutrelles de soutien du nouveau retable. L’entaille pratiquée pour l’une de ces poutrelles fit dispa- raître la tête du jubilaire Jean de Ketelboetere. L'exécution de l’autel et du retable fut confiée au sculp- teur-statuaire Jean-Baptiste van Helderbergh , reçu franc maître dans la corporation plastique de Gand en 1685. Par acte passé par-devant les notaires Duchesne et Van Damme, le 23 octobre 1696, et contracté avec messire Louis Du Jardin, seigneur d'Ermelghem, doyen des francs bouchers de la grande boucherie; messire Jacques Philippe de Gruutere, seigneur de Mariakerke, Vaerne- wyc, elc., doyen des francs poissonniers; les sieurs Jac- ques et Nicolas Deynoot, jurés du métier des bouchers, le sculpteur Van Helderbergh s’engagea à construire dans la chapelle l'autel et le retable dont il leur avait soumis le dessin. En voici la description : L’autel était placé entre deux piliers; près du pilier de droite était posée la statue de saint Hubert, patron de la ( 215 ) chapelle de la grande boucherie, et près du pilier de gauche saint Antoine avec l'Agneau. C'est la première fois que nous voyons saint Antoine ainsi accompagné, mais les bons bouchers l'avaient voulu ! Peut-être pour ne pas faire concurrence aux chareutiers? Dans la frise ou dans le tympan au-dessus du tableau d'autel étaient placées les armoiries des doyens Du Jardin et De Gruutere; au pied du tableau, entre deux supports en têtes d'anges, les armes des familles Deynoot et Van Loo. Toute la boiserie de l'autel et du retable devait se travailler en bois de chêne, sans aubier ni nœuds, d'après le modèle adopté, et de manière à ce que l’on ne püt rien y reprendre. Van Helderbergh promettait d'exécuter et de placer lautel et son retable sculpté endéans les trois mois, sous peine de payer, au profit des pauvres, six gros par jour de re- tard , sauf en cas de maladie du maître et de son apprenti. Pour cette production, complète et posée, Van Helder- bergh ne devait recevoir que cinquante livres de gros. La convention eut, des deux parts, son plein et entier effet. L'apposition des blasons mentionnés dans l'acte prouve que l’œuvre de Van Helderbergh était un don des doyens et jurés contractants. Le fait seul de leurs fonctions mo- mentanées ne pouvait leur conférer ce droit, qui, du resté, n'existait pas au même litre pour le doyen des poissonniers. Dans les corporations civiles et les corps de métiers les travaux d'art et d'embellissement de leurs chapelles, de leurs maisons et salles de réunion s’effectuaient le plus souvent , en (out où en partie, aux dépens des doyens, des jurés, des confrères ou suppôts riches. En 1692, la chambre des délibérations du serment de la grande bou- ( 216') cherie fut agrandie et peinturée aux frais du chef-doyen messire Hyacinthe van Pottelsberghe, seigneur d’Herle- ghem, des sous-doyens Jacques et Nicolas Deynoot, les mêmes qui figurent dans l'acte de 1696 (retable de la cha- pelle) et de François Vollaert. Le premier sous -doyen, Jacques Deynoot, était en 1696 depuis vingt-deux ans en fonction. Ces particularités nous ont été conservées par une inscription placée au-dessus de la chambre actuelle du conseil, jadis la sacristie de la chapelle. C'est en fixant contre le mur de la chapelle le retable sculpté par Van flelderbergh que la peinture murale de 1448 fut entamée en plusieurs endroits, cachée qu’elle était par le badigeon sous lequel elle resta ignorée jus- qu’en 4855. Ni le peintre-historien J.-B. Descamps, dans son Voyage pittoresque dans la Flandre et le Brabant, ni le professeur P.-L. Spruyt, dans l'Inventaire officiel qu'il dressa, en 1777, des lableaux et objets d'art des églises, chapelles et couvents de Gand, n’en font mention. — Le tableau d’autel, qui occupait alors le centre du retable, représentait Jésus-Christ mourant sur la croix; il était peint par Pierre Bernard. Vis-à-vis de l'autel se voyait l’Assomption de la Vierge, toile assez remarquable de Robert van Oudenaert, maître peintre entré dans la corporation plastique de Gand en 1725. Cette composition , semi-religieuse, semi-profane, est aussi un curieux exemple des prescriptions vaniteuses et anti-arlistiques auxquelles devaient souscrire les pein- tres qui travaillaient pour les corporations. Le haut du tableau nous offre la sainte Vierge, la mère du Messie, enlevée au ciel par les anges, et le plan inférieur est occupé par les vingt-deux membres de la Confrérie de l’'Assomption de Notre-Dame qui firent don de cette toile (27) à la chapelle de la grande boucherie, Tous ces confrères bouchers, en costume d’apparat du XVII"* siècle, font face au spectateur, et conséquemment tournent le dos à la scène religieuse. Van Oudenaert à élé moins bien in- spiré ou plus défavorablement servi par les prescriptions des donateurs que Nabur Martins. Dans l’Adoration du Christ à sa nalivité, la partie conventionnelle de la com- position est beaucoup mieux rattachée à l'épisode mys- tique que dans l’Assomption de la Vierge. À diverses époques on découvrit, à Gand, d'anciennes peintures murales, exécutées soit en couleur à l’eau (fresque), soit en couleur à la colle (détrempe). Tels sont entre autres le tableau mystique du réfectoire de l’ex- abbaye de la Vierge-Marie, ou de la Biloke, peinture du XIII® siècle; les représentations de gildes et de métiers en tenue guerrière, du XF" ou XIV”: siècle, retrouvées dans la chapelle de Saint-Jean et de Saint-Paul, vulgaire- ment surnommée de Leugemneete, et servant de magasin à un brasseur; les peintures murales du XV" siècle récem- ment découvertes sur les murs du ci-devant oratoire des carmes-chaussés, aujourd'hui un dépôt de denrées colo- niales. Nous avons même de vagues indices de l'existence ancienne de semblables peintures dans les chapelles de l’hospice Saint-Jacques, de l'hôpital de Saint-Jean (Sint- Jan in d'olie), de l'hospice de Saint-Christophe, du cou- vent-hôpital de Saint-Aubert (Poort-Acker, infirmerie des béguines en 1278). Enfin, il parait prouvé que, dans presque toutes les églises de Gand, les murs furent pein- turés de couleur rougeàtre, soit en teinte plate, soit à ara- besques, et que plusieurs furent ornés de sujets religieux en détrempe. Mais la peinture murale à l'huile de 1448 est la plus im- ( 218 ) portante de nos découvertes; est le seul échantillon connu de ce genre de peinture à une époque si reculée et si intéressante de l’art flamand. La connaissance que nous avons acquise maintenant de sa date d'exécution et du nom de son auteur attache à cette œuvre, si heureuse- ment arrachée à la destruction, sa véritable valeur histo- rico-artistique. Par ce tableau mural nous pouvons conjecturer, avec quelque fondement, sinon déterminer, avec exactitude, le mérite des productions des artistes contemporains dont le vague renom n’est parvenu jusqu’à nous que par les ren- seignements échappés à de vieux documents. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique; par Alexandre Henne. Tome 1°". Bruxelles, 1858; 1 vol. in-8°. Électricité ou magnétisme du globe terrestre; par R. Brück. 9me partie, 2° volume. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-82. Des portraits de femme dans la poésie épique de l'Inde; fragments d’études morales sur le Mahabharata; par Félix Nève. Bruxelles, 1858; broch. in-8°. Recueil de mémoires relatifs à la marine marchande; par J.-A. Gras. Anvers, 4858; 1 vol. in-S°. OEuvres posthumes d'Otto Duesberg, publiées par ses amis : Exposé théorique de la religion naturelle; — Le matérialisme contemporain , etc. Liége, 1858; 4 vol. im-8°. Les commencements du monde, genèse selon la science; par M. Paul de Jouvencel. Bruxelles, 1838; 4 vol. in-12. (29) Notice géologique et statistique sur les carrières du Hainaut ; par Albert Toilliez. Mons, 1858; 4 broch. in-8°. Apercu historique sur la typographie bruxelloise et les mala- dies qui atteignent principalement les ouvriers qui s'y livrent; par M. Van Holsbeek. Bruxelles, 4858 ; 1 broch. in-8. Liste chronologique des édits et ordonnances des Pays-Bas au- trichiens de 1751 à 1794. 2" partie. 1781-1794. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-S°. Compte rendu des opérations de la caisse des veuves et orphe- lins des fonctionnaires et employés du ministère de l'intérieur, pendant les années 1844-1854. Bruxelles, 1858 ; in-4°. Messager des sciences historiques, ou archives des arts et de la bibliographie de Belgique. 1858, 2% live. Gand; { broch. in-8. Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- gique. Tome V. 4%: à 7% livre. Liége, 1858 ; 1 cahier in-4*. Annales de la Société archéologique de Namur. Tome V.5"“ livre. Namur, 1858; 1 cahier in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie. X VEw° année. 27% vol. Cahiers de juillet à septembre. Bruxelles, 1858; 9 broch. in-8°. Annales de médecine vétérinaire. VIT"* année. 7%° à 9% cahiers. Juillet à septembre. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. La Presse médicale belge. X"° année. N°S 95 à 35. Bruxelles, 1858; 11 broch. in-8°. Le Sculpel. X"° année. NS 31 à 36. Liége, 1858; 6 feuilles in-4°. Cataloqus van de Bibliotheex der stad Amsterdam. W° gedeelte. Amsterdam, 1857; 1 vol. in-8°. Revue de l'instruction publique en France. XVI: année. N°13 à 24. Paris, 1858; 12 doubles feuilles in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. W"* série. Tome XV. Feuilles 15-25. Paris, 1858 ; 4 broch. in-&. Revue numismatique ; publiée par J. de Witte et Adr. de Long- périer. Nouvelle série, Tome HE. N° 2 et 3. Paris, 1858; in-8°. ( 220 ) L'Investigateur, journal de l'Institut historique. XXIV° année. 989% et 285": livre. Paris, 1858 ; 1 broch. in-8°. Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie. 2"° série. Tome V. Amiens, 1858; 1 vol. in-8°. Nouveau principe sur la distribution des tensions dans les systèmes élastiques ; par M. L.-F. Ménabréa, Paris, 1858; 1 broch. in-8°. Rapport sur un manuscrit musical du XV" siècle; par M. A.-J.-H. Vincent. Paris, 14858 ; 1 broch. in-8°. Notices sur cent deniers de Pépin, de Carloman et de Charle- magne trouvés près d'Imphy en Nivernais; par Adr. de Long- périer. Paris, 1858 ; in-8°. Note sur l'éclairage à l'huile de colza; par M. Delezenne. Lille, 1858; 1 broch. in-8°. Nouvelles observations sur le mélamorphisme normal; — Ob- servalions sur un terrain d'origine météorique ou de transport aérien qui existe au Mexique, et sur le phénomène des trombes de poussière auquel il doit principalement son origine; — Notes sur le reboisemernt des montagnes ; — De la formation des oolithes et des masses nodulaires en général; par M. Virlet d'Aoust. Paris, 1857; 5 broch. in-8°. Histoire du comté de Chiny et des pays haut-wallons ; par M. Jeantin. Tome 1%. Naney, 1858; 1 vol. in-&°. Sur la maladie de la vigne; n° 6; par M. Victor Chatel (de Vire). Angers, 1858; /1 de feuille in-8°. Jahresbericht des physikalischen Vereins zu Frankfurt am Main, für das Rechnungsjahr 1856-1857. Francfort S/M, 1858; 1 broch. in-12. Magnrtische und meteorologische beobachtungen zu Prag. XVII Jahrgang. Prague, 1858; 4 vol. in-4°. Neues Jahrbuch für Pharmacie und verwandte Fücher. Band IX. Heft V u VI. Spire, 1858; 1 broch. in-8°. Jahrbuch der k.-k. geologischen Reichsanstalt. VIT Jahrgang. N° 2 à 4. Vienne, 1857; 3 cahiers in-8°. Rae > (221 ) Mittheilungen der k.-k. gcographischen Gesellschaft. W Jahr- gang. Heft 1. Vienne; 1858; 1 cahier in-8?°, Un individuo disprezzato nel paese della liberta' per eccellenza in odio del suo ingegno fatto curioso ed unico nelle storia antica e moderna. Casale, 1858 ; 1 broch. in-11. Saggio di calcolo originale. Casale, 1858; 1 broch. in-8°. Atti dell’ imp. reg. istitulo veneto di scienze, lettere ed arti. Tomo HL°, serie terza. Dispensa 8", Venise, 1858 ; 1 broch. in-8°. Maniera geometrica e rigorosa di ottener l'area di un trian- golo equilatero equivalente ad un cerchio; opuscolo di Giambatista Malacarne. Vicenze, 1858; 1 broch. in-12. Bulletin de la classe historico-philologique de l'Académie impé- - riale des sciences de Saint- Pétersbourg. Tome XIV. Saint-Péters- bourg, 1857; 1 vol. in-4°. Compte rendu de l'Académie impériale des sciences de Suint- Pétersbourg pour l'année 1856 ; par M. de Middendorf, secrétaire perpétuel. Saint-Pétersbourg; 1857; 1 vol. in-8°. Bulletin de la Société impériale géographique de Russie. Année 1858. N° 4 à À (en langue russe). Saint-Pétersbourg ; 4 broch. in-8°. Compte rendu de la Société impériale géographique de Russre pour l'année 1857; rédigé par M. V. Bésobrasoff, membre effectif et secrétaire intérimaire de la Société (traduit du russe). Saint- Pétersbourg, 1858; 1 vol. in-8°. Procès-verbaux des assemblées générales de La Société impériale géographique de Russie des 10 février, 10 mars et46 avril 1858. In-8°. Archiv für die Naturkunde Liv-, Ehst-und Kurlands. F'° Serie, Eter Band, 5'° Lieferung; 2:* Band, 1°" Lieferung. Dorpat, 1858; 2 vol. in-8°, Philosophical transactions of the royal Society of London. Vol. 147. Part HI. Londres, 1858; in-4°. Proceedings of the royal Society of London. Vol. IX. N° 30 et ol. Londres, 1858 ; in-12. ( 222 ) The quarterly journal of the geological Society. Vol. XI. Part. 2. Vol. XIV. Part. 2 et 3. Londres, 1858 ; in-8°. The annals and magazine of natural history, including z00- logy, botany and geology. UE series. Vol. 1. N°5 { à 6. Londres, 1858; 6 broch. in-8°. The Atlantis : a register of literature and science; couducted by members of the catholie university of Ireland. N° 2. Londres, 1858; 1 vol. in-8°. The natural history review. Vol. V. N° 2. Londres, 1858; in-8°. The american journal of science and arts. 2 series, Vol. XXVI. N° 76. New-Haven, 1858; vol. in-8°. | BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — Nos 9 er 10. CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 26 septembre 1858. M. G. GEErs, directeur. MAD. QUETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Fr. Fétis, Roe- landt, Suys, Van Hasselt, Erin Corr, Snel, Fraikin, Par- toes, Baron, Ed. Fétis, membres; Daussoigne-Méhul, associé. M. Schayes, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. 2" SÉRIE, TOME V. 16 (224 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur adresse différentes lettres concernant la prochaine séance publique de la classe. Parmi ces lettres, il s'en trouve une qui est relative au con- cours biennal de composition musicale, et spécialement à la disposition qui décide que les concurrents auront à écrire une scène dramatique sur un sujet donné. L'arrêté royal, pris à ce sujet, stipule ce qui suit : « 1° Il sera décerné un prix de 300 francs ou une mé- daille d’or de la même valeur, à l’auteur du poëme dont il sera fait choix pour le concours de 1859; » 2 Le poème devra être écrit en français, et 1l ne contiendra pas plus de trois morceaux de musique, de caractère différent, entre-coupés de récitatifs. Le choix du sujet est laissé à l'inspiration de l’auteur, qui pourra, à son gré, écrire un monologue ou introduire différents personnages en scène; » 3° Les littéraleurs belges qui voudront concourir pour l'obtention du prix, adresseront, avant le 45 mars 1859, leur travail au secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique. Le manuscrit ne portera aucune indi- cation qui puisse faire connaître l’auteur : il sera accom- pagné d'un billet cacheté contenant le nom de celui-ci. » l'est interdit, sous peine d’être déchu du prix, de faire usage d'un pseudonyme. » Dans ce cas, le prix serait dévolu au poëme qui sui- vrait immédiatement dans l’ordre de mérite ; » 4° Le jugement du poëme se fera par une commis- th ( 225 ) sion à désigner par la classe des beaux-arts de l'Académie, immédiatement avant l’époque qui sera indiquée par notre Ministre de l'intérieur pour Pouverture du concours de composition musicale. Le poëme couronné sera envoyé au moins six Jours d'avance au Ministre de l'interieur, qui adressera au président du jury du concours les copies né- cessaires aux concurrents. » Le billet cacheté sera ouvert, lorsque les concurrents seront entrés en loge. » Par une autre lettre, M. le Ministre de l’intérieur donne communication du résultat du grand concours d'architec- ture de 1858. IL résulte du procès-verbal du jury chargé de juger ce concours, que le sieur Louis Baeckelmans d'Anvers a obtenu le premier prix, et le sieur Altenrath, le second. — M. Corridi, de Florence, fait hommage du catalogue des objets qui ont été exposés à Paris, en 1854, par le grand-duché de Toscane. — M. Denys présente un dessin photographique du Christ, d’après un crucifix de Jérôme Duquesnoy. — M. Crets, professeur à l’athénée de Hasselt, fait par- venir à l’Académie une pièce de vers intitulée : Chant his- torique belge du 21 juillet 1856. — La Société de littérature et des beaux-arts de Gand fait hommage d'une médaille en argent, gravée par M. Braemt; cette médaille est destinée à perpétuer le souvenir du cinquantième anniversaire de son institution. — Remer- ciments. M. Fr. Fétis, qui avait été chargé de représenter avec ( 226) M. Braemt la classe des beaux-arts à la fête Jubilaire de la Société gantoise (1), fait connaître quelques détails rela- tifs à cette solennité, destinée à rappeler un honorable souvenir; l'assemblée s’est plu à célébrer en même temps le cinquantième anniversaire de l'élection de son prési- dent, M. Roelandt, l’un des plus dignes représentants des beaux-arts en Belgique. RAPPORTS. M. Fr. Fétis rend sommairement compte de deux lettres relatives aux études de MM. Benoît et Demol, lauréats du grand concours de composition musicale. CONCOURS DE 13858. La classe des beaux-arts n’a reçu de réponse qu'à une seule question de son programme de concours, la pre- mière; elle était formulée dans les termes suivants : Rechercher l'enchaînement des diverses architectures de tous les âges, et les rapports qui peuvent exister entre les monuments el les tendances religieuses, poliliques et so- ciales des peuples. (1) La classe des sciences avait désigné M. de Selys-Longchamps, et la classe des lettres, M. Quetclet, secrétaire perpétuel de l'Académie, (227) Les juges du mémoire présenté étaient MM. Roelandt, Suys et Partoes; M. Roelandt, premier commissaire, à donné lecture du rapport suivant : « Un seul mémoire a été adressé à l'Académie en ré- ponse à la question d'architecture inscrite au concours de 1858 par la classe des beaux-arts, et ayant pour but de Rechercher l'enchainement des diverses architectures de tous les âges , et les rapports qui peuvent exister entre les monu- ments et les tendances religieuses, politiques et sociales des peuples. Le travail soumis à notre examen forme une œuvre d’une certaine étendue, laborieusement éludiée sous toutes ses faces et dans toutes les sources que l’auteur a consultées. Sans adopter en entier le système sur lequel est basé ce mémoire, sans partager tous les arguments, toutes les in- ductions que l’auteur tire des faits qu'il cite, et qu’il prend souvent pour point de départ de son argumentation, l’on doit reconnaître cependant que celte dissertation archi- tectonographique se distingue par une connaissance ap- profondie du sujet dont elle traite. L'auteur commence par quelques réflexions philosophi- ques et assigne à l'architecture quatre berceaux différents : la haute Asie, l'Inde, la Chine et l'Égvpte. Il passe en revue les monuments les plus célèbres de l’antiquité, dans ce qu'ils ont de remarquable sous le rapport de la gran- deur, de l'utilité, de l’ornementation et de la richesse, ainsi que des matériaux qui ont donné un caractère par- ticulier à leur construction. Dans la haute Asie et dans l'Inde, les grottes naturelles, successivement excavées, agrandies et embellies, servirent d'abord d'habitations et devinrent ensuite ces immenses ( 228 ) temples souterrains, creusés et superposés dans les flancs des montagnes. Ces rochers taillés et sculptés, produit d’un labeur de plusieurs siècles, ces montagnes découpées à ciel ouvert par lhabileté et la patience des Indous, dé- passent ce que l'imagination peut concevoir de plus gigan- Lesque. À ces constructions adhérentes au sol succèdent les: monuments faits avec des matériaux rapportés, façonnés avec des outils, posés par assises régulières et cimentées ; puis avec des matériaux factices, les briques crues ou cuites, dont fut formée la troisième classe des monuments religieux, tels que les pyramides, les pagodes, les en- ceintes quadrilatères, en terrasses à diflérents étages, servant aux temples des dieux et parfois aussi aux palais des rois. Nulle part l'architecture n’a été asservie avec tant de force et de docilité à l’idée religieuse. Elle a conservé, malgré les Conquérants, la trace de l’immobilité, et tout y indique les rapports qui lient les arts à la doctrine reli- oieuse. Les brahmanes ont toujours prêché le triple pouvoir créateur, conservateur et destructeur de la na- ture. Le livre symbolique de l'architecture, comme la re- ligion indoue, offre ces trois pages : La page créatrice dans ces prodiges de construction; La page conservatrice dans le caractère d'immobilité et de stabilité de ces grandes masses, qui semblent éter- nelles ; La page destructive et effrayante, indiquée par la re- présentation des animaux du désert, aux proportions exa- gérées, plus terribles que la réalité. Lorsque la caste sacerdotale eut établi la doctrine re- ligieuse et les règles sociales, des barrières infranchis- ( 229: ) sables furent posées, le génie humain s'arrêta et l'esprit indou fut frappé de stérilité : on s’en tint aux premières formules et on les répéta sans cesse. La Chine. Le prototype de l'architecture chinoise est la tente. Les pasteurs nomades se contentèrent de fixer leurs tentes sur le sol. Ces demeures improvisées , devenues stables, ont conservé la forme qu'elles avaient aux temps primitifs. Les crochets, les anneaux et les elochettes des troupeaux en sont les ornements. Cette même disposition se ren- contre partout, dans les temples de la divinité comme dans les palais des rois; rien n'y a progressé au point de vue de l'art. La fragilité de ces constructions, faites en bois et en briques, n’a pu résister à l'action du temps. La grande muraille, cette immense et célèbre ceinture qui protége la Chine contre l'invasion, fait exception. Quelle force a donc agi sur les mobiles et légers habitants”? Ce ne peut être que le sentiment impérieux de la conservation. Les ponts, par leurs belles et larges proportions, for- ment, en Chine, une seconde exception. Les Chinois ne saisissent pas ce qui donne de la gran- deur et de l'harmonie à l'architecture; on trouve seule- ment chez eux quelque chose qui égaye, qui sourit et qui plaît. Leurs peintures offrent des détails charmants, des couleurs admirables et des procédés ingénieux ; mais ils ne se sont jamais élevés à la hauteur des grandes concep- tions. L'Égypte. L'Égypte fut l'une des sources fécondes de l’architec- ture; elle s’y développa avec des caractères bien différents (250) de ceux précédemment constatés. Ses monuments les plus remarquables sont les temples, les palais, les canaux, les digues et les constructions funéraires. Tous les temples, quoique de proportions différentes, sont construits sur un plan unique. Ils se composent d’un pylône précédant une cour péristyle, qui forme le pro- naos d'une salle hypostyle. L'une des trois parties du fond donne accès dans le sanctuaire. Le sécos, ou sanctuaire, est petit, obscur et complétement isolé par un couloir qui l’entoure. Derrière est une pièce destinée aux prêtres. Des portes monumentales, des obélisques, des statues colos- sales et de vastes avenues bordées de sphinx s'élèvent devant les principaux temples. Un petit nombre d'éléments composent toute l’architec- ture égyptienne : la forme extérieure en talus, la colonne et la plate-bande. L'aspect général des monuments est lourd, mais harmo- nieux; formés de blocs, de dimensions énormes, taillés avec le plus grand soin , aucun ciment ne les lie : la per- fection de la taille a seule tracé les joints. D'épaisses mu- railles enveloppent les édifices sacrés et en rendent l'accès inabordable aux classes inférieures. À côté des temples élevés se placent les sphéos, ou temples souterrains. Ge sont des grottes naturelles ou creusées dans les montagnes transformées en enceintes sacrées. Les palais sont tracés sur un plan identique des temples. Le peuple, ne péné- trant pas plus dans les palais que dans les temples, n’était frappé que de la masse imposante de ces constructions, dont l’immutabilité agissait fortement sur son imagination et le maintenait dans l’obéissance. Les constructions funéraires de l'Égypte sont de plu- sieurs genres : les hypogées et les nécropoles vienneni en ( 257 ) première ligne, par rang d'ancienneté. Les pyramides et les monuments isolés se présentent ensuite avec un cer- tain mystère. Les demeures consacrées aux morts ont, en Égypte, plus d'importance que dans aucun autre pays. Là, point de ces forêts où l’on brûle les corps dés morts. Un sol ingrat ne permet pas d'y confier les dépouilles humaines; un soleil ardent , et les inondations périodiques du Nil en amène- raient la trop prompte décomposition, dans une contrée déjà prédisposée aux épidémies. L’embaumement, seul moyen de conjurer le mal, fut par conséquent prescrit dès les temps les plus réculés, et la religion le sanctionna, en basant certains dogmes religieux sur l’accomplissement de ces dernières cérémonies. La mort comme la vie n'étant qu'une époque de transition, trop de soins ne pouvaient être apportés à l'embaumement et à la conservation des corps, ainsi qu’à la construction des tombes, qu’on consi- dérait comme des demeures éternelles. Dès leur avénement au trône, les rois s'occupaient de leur sépulture; les grands personnages se faisaient creuser des hypogées dans les montagnes de l'Occident. Les lois avaient prévu l'impuissance de la pauvreté; de vastes puits étaient creusés pour recevoir les corps des pauvres: gros- sièrement embaumés dans du bitume et du natrum. Près des uécropoles, où ’entassèrent générations sur généra- tions, la superstition déposait dans d’autres galeries, soi- gneusement embaumés , les corps des animaux. La pru- dence sacerdotale éloignait ainsi les épidémies, et ce fut peut-être l’une des causes de la déification des animaux en Égypte. Les pyramides complètent la série des constructions funéraires. Quelle admiration n’éprouve-t-on pas à la vue ( 252 ) de ces constructions gigantesques, de tous ces monuments à peine ébréchés par le temps! Leur conservation est due non-seulement à leur construction, mais au climat et à la position géographique de l'Égypte, placée en dehors des grandes invasions des barbares. Ce qui frappe surtout, dit l'auteur, c’est ce cachet d’une civilisation stationnaire, pleine de mystère et d’entraves. Unité grecque. Dans la Grèce, un spectacle nouveau s'offre aux re- gards : plus de ces masses considérables qui étonnent en Asie el en Égypte; plus de temples entourés de hautes murailles qui les rendent inaccessibles; mais de gracieux édifices, enveloppés de colonnes se mariant harmonieu- sement avec les lignes de l'horizon; des formes simples, rehaussées par une élégante ornementation et un ensemble plein d'harmonie. Toutes les parties des édifices forment un tout si complet que l'on n'en pourrait détacher une seule sans rompre le charme de l’ensemble. Le prototype de l'architecture grecque paraît être la cabane ; le temple grec en dérive et la colonne a remplacé le tronc d’arbre. Les autres éléments, tant en pierre qu’en bois, furent créés par la nécessité de la construction : Par- chitrave, la frise, la corniche, le fronton dérivent du toit, dont la forme est toute primitive. L'étude savante des formes les plus suaves se combina avec le ciel si pur de la Grèce : la colonne est prise pour base du système architectural; elle s'offre sous les trois aspects de la force, de la grâce et de la richesse, qui ont cngendré les trois ordres connus sous les dénominations d'ordre dorique, d'ordre ionique et d'ordre corinthien, ( 259 ) Chaque édifice constitue un ensemble parfait : tout y con- court à la splendeur de l'unité. Les Grecs n'avaient pas de règles fixes, tandis que de nos jours on a matérialisé l'art, en voulant le plier à des proportions métriques. Vitruve a dit que l'homme, dans ses proportions, a été pris pour type de l’ordre dorique, que la jeune fille est le gracieux modèle de l’ionique, et que la femme se recon- nait dans l'ordonnance corinthienne. Les pierres des tem- ples grecs ont un sens, un langage; elles enseignent la religion : tout y est symbole. Voyez ce triple temple de l’'Acropole d'Athènes, celui de Minerve Polyade, celui d'Érechthée et celui de Pandrose : c’est l'esprit de lumière et de vie, le blé confié à la terre et la rosée, source de la fertilité. L'on ne peut juger la religion grecque au point de vue chrétien, qui présuppose l’abnégation du corps, le renon- cement des plaisirs des sens, et dont les temples provo- quent au recueillement, à la méditation sur la faiblesse humaine, en présence de la puissance éternelle. Chez les Grecs, au contraire, la divinité, c’est l’homme divinisé, en quelque sorte, par la beauté de ses formes. Mais, dans l'im- puissance de bien représenter la divinité, l’on a eu recours à l'exagéralion, el l'on est arrivé à la disproportuon entre le temple et la grandeur de la statue du dieu. La Grèce à consacré des autels à la beauté humaine, et son architecture révèle les mœurs, les sentiments et la religion de la nation. Les monuments grecs présentaient, dans la çonstruc- tion, une noble simplicité et un effet magique. Là, point de tours de force, point de problèmes à résoudre : les pierres reposaient carrément sur les pierres, et la stabilité était la seule règle invariable de la construction. 254 ) Étrurie. Les édifices étrusques ont une disposition et un carac- tère particuliers, d’où les Romains ont tiré le type fon- damental de leur architecture. L'ordre toscan n’est que l'ordre étrusque modifié par le goût hellénique. Mais l'élé- ment dont les Romains s’emparèrent pour en tirer le plus grand part, c’est la voûte à claveaux. L'architecture étrus- que présente des réminiscences asiatiques, égyptiennes et helléniques : ce fut une des sources où vinrent puiser les Romains. | Rome. L'architecture romaine marque un immense progrès dans la science; elle reflète le caractère de force et de grandeur qui distingua le peuple-roi. Un seul monument suffirait à résumer les progrès ac- complis et le caractère du genre romain; ce monument, unique en son genre, c’est le panthéon d’Agrippa. Une coupole hémisphérique, de quarante-quatre mètres de diamètre, s'élève sur un mur circulaire de sept mètres d'épaisseur. Elle est l’image de la voûte céleste et de l’olympe où trônent les dieux. Nulle part, jusqu'à ce moment, la voûte ne s’est pré- sentée avec des caractères tranchés et comme base du système archilectonique. Mais les Romains surent em- ployer les voûtes en briques dès l’origine de leur établis- sement. La conquête de la Grèce procura aux Romains la con- naissance de magnifiques édifices, et ce fut une des causes de leurs progrès dans les arts. [ls avaient trouvé la voûte en Étrurie, ils prirent les ordres à la Grèce, et de la ( 235 ) combinaison de ces deux éléments ils formèrent la base d'une architecture nouvelle, bien que composée d'éléments anciens. L'arc et la voûte ont opéré dans le système architecto- nique une transformation telle, qu'il est impossible de confondre les monuments du siècle de Périclès avec ceux du temps d’Adrien. Les édifices romains, toujours com- plets dans leurs dispositions intérieures, sont souvent restés inachevés dans leur ornementation, comme le Co- lysée, les arènes de Nimes, la porte Nigra de Trèves. L'arcade resta longtemps confondue dans les ordres grecs, et ce fut l'art byzantin qui protita du développe- ment subit donné à l’are et aux vouütes. Ua nouveau progrès surgit par la nécessité de créer de vastes salles couvertes où le peuple, avide de jouissances, püt entrer tout entier pour se rafraichir le corps énervé. Les thermes présentent dans leur voûte des combinaisons aussi nouvelles qu'audacieuses. Maintenant la voûte cou- vrira tous les espaces et toutes les combinaisons des plans. Elle se découpera en culs-de-four, en calotte, se dres- sera sur des pendentifs triangulaires, s’'appuiera sur des segments sphériques, se brisera en arêtes saillantes ou rentrantes, afin d'enlever au point d'appui sa gênante épaisseur. Elle cherchera, dans les petites voûtes adja- centes, des bras pour se soutenir, et bientôt les Byzantins en feront le type de leur architecture. Décadence romaine. L'auteur nous a montré jusqu'ici l'architecture liée 1n- timement à la destinée des nations. D'abord, comme l'homme, esclave et comprimé par le despotisme, elle ( 256 ) reste slaonnaire; puis grandissant avec l'indépendance grecque, elle découvre ses plus beaux trésors, pour perdre, avec les Romains, de sa grâce et de sa pureté, mais tout en prenant un grand développement. D’importantes con- structions couvrent le monde entier, et la science a rem- placé le génie. Enfin la confusion s’y produit, et la science elle-même disparaît avec l'oubli des règles architecto- niques. Sur les ruines du paganisme s'élève une idée nouvelle. La religion chrétienne devient religion d'État, triomphe et règne. C’est elle qui, pendant des siècles, élèvera les monuments les plus importants pour l’histoire de l’archi- tecture. De Constantin à Justinien, la religion chrétienne adopte deux types différents : 1° la forme basilicale pour l’église ordinaire; 2 la forme circulaire ou polygonale pour le bapustère et les édifices funéraires. Telles sont, entre autres, plusieurs églises de Rome : Saint-Jean de La- tran, au mont Célius; Saint-Laurent et Sainte-Agnès, hors des murs; Sainte-Sophie, à Constantinople, et l’église de la Nativité à Bethléem. Le Saint-Sépulere, bâti par sainte Hélène, est la forme funèbre qui a servi de type aux églises romanes des bords du Rhin; c’est une’ réminiscence des pêlerinages en terre sainte. L'idée de Sainte-Sophie de " Constantinople est puisée dans la disposition des thermes de Dioclétien pouvant contenir une foule nombreuse sous un vaste abri. | | La basilique Justinienne se distingue par la majesté de son vaisseau et par le luxe de sa décoration. Il règne dans les ordres qui la décorent une confusion et un désordre remarquables : des colonnes venues des diverses parties du monde, des arcades tombant sur des chapiteaux, des iné- salités de niveau, forment un ensemble bizarre mêlé de grec, de latin et de barbare, en parfaite harmonie avec la société, les mœurs, les arts et la décadence de l’époque. Lorsque l'amalgame des éléments barbares et civilisés sera accompli, l’on verra surgir une architecture nationale : l’art gothique naîtra des formes byzantines et latines. L'église de Saint-Vital, l'édifice le plus important de l’époque byzantine, a une forme polygonale; son dôme est éclairé par une série de fenêtres qui forment, comme à Sainte-Sophie, une couronne lumineuse. Son plan con- stitue une conception originale, dont l’ornementation est dans le goût asiatique. Le chapiteau corinthien voit tomber ses belles feuilles d’acanthe et ne conserve plus que sa masse cubique. Ce dédain des types antiques a quelque chose de grand et de hardi qui indique l'énergie des arts dans leur nouvelle tendance. À partir de l'époque byzantine, l'architecture se partage en deux grands courants, dont l'un se dirige vers EE et l’autre vers l'Occident. En Orient, l'architecture remplace la croix par le crois- sant; elle se fait musulmane et change son nom de byzan- tine contre celui d’arabe ou de moresque. ! En Occident, au contraire, l'architecture suit les phases de l'architecture chrétienne, en même temps que les phases de la civilisation. Architecture musulmane, A son berceau , ell& n’est autre chose que l'architecture byzantine. L'islamisme constitue un fait unique, complet en lui-même. En Asie, en Égypte, en Europe, partout l’art musulman a des allures franches et hardies qui em- pêchent de le confondre avec celui des mêmes peuples placés sous l'empire de croyances différentes. Successive- ( 238 }) ment, les églises byzantines se transformérent en mos- quées, et plus tard, les architectes et les ouvriers de Justinien partirent de Constantinople pour travailler à la construction des mosquées de Jérusalem et de Damas. Dès lors apparaissent les minarets avec des balcons saillants, d'où l'on appelle les fidèles à la prière. Ces mi- narets sont un des traits caractéristiques de l'architecture orientale. L'influence persane modifia les dômes arrondis de By- zance, et fit adopter la forme ovoidale et bulbeuse des an- tiques stupas de l’Indoustan. | En Asie, l'architecture tend vers le style grec et le style persan, modifié par le goût arabe. En Espagne et en Egypte, elle affecte d’abord une cer- laine sévérité et un caractère mâle qu’on retrouve dans le vieux Caire et dans les mosquées de Cordoue. Mais bientôt elle se modifie par son ornementation capricieuse et fan- taisiste : l’arcade se découpe en plusieurs lobes. Le stuc sculpté remplace les ornements byzantins. Les mosaiques en faience ont pris la place de celles en verre. Les inscrip- tions sont richement ornées de fleurs ou d’entrelacs, et l’on voit apparaître enfin ces sculptures pendantes, véri- tables stalactites. | Le Coran défend toute peinture animée, et les mosquées sont d'autant plus vénérées qu’elles sont plus ornées. Le caractère de l'architecture arabe s'adresse aux sens et non à l’âme. Architecture de l'Occident. L'Occident, dit l’auteur, avait reçu les mœurs, les usages, les monuments de Rome. Reprenant le grand courant architectural vers le XV[I"° siècle, 1l nous montre ( 259 ) les races belliqueuses du Nord se répandant dans les pays de l'Ouest et du Midi : vainqueurs et vaincus se confon- dent et ne cherchent plus qu’à jouir d’une indépendance légitime. Les nationalités se forment sous l'influence chrétienne. Les moines défrichent la terre, fondent des établisse- ments religieux, bâtissent des églises; la royauté assure des domaines à ses partisans, crée les grands fiefs, et bientôt s'élève la double puissance féodale et cléricale. L'architecture devait nécessairement jouer un rôle impor- tant dans cette transformation sociale, De tous côtés s'élèvent des basiliques qui surprennent par leurs vastes dimensions. Les rois lombards avaient fait restaurer les monuments romains et en avaient élevé de nouveaux ; les rois mérovingiens continuèrent leur œuvre: ce fut une époque de transilion d’où devait sortir une nou- velle architecture. Sous Charlemagne, les artistes grecs apportent avec eux les idées byzantines, et l’on assiste à une espèce de renaissance justinienne. L'architecture in- dique l'incertitude d’une civilisation qui ne sait encore de quel côté prendre sa voie. Architecture du moyen âge. La féodalité se constituait d’une part, la puissance reli- gieuse grandissait de l'autre. De cette division des forces de la société sortirent deux classes de constructeurs : les uns, engagés dans les ordres monastiques, travaillaient pour les églises; les autres, ouvriers de toutes nations et débris de compagnies romaines , formaient la franche ma- çonnerie et travaillaient pour les seigneurs féodaux. Jusqu’aux croisades, les sciences et les arts restent dans 2e SÉRIE, TOME V. 17 ( 240 ) les couvents, où ils trouvent aide et protection. Les mo- nastères sont les foyers civilisés d'où partent les idées dirigeantes. Dans les couvents, les réminiscences grec- ques et latines dominent, c'est-à-dire le plein cintre avec la décoration byzantine. Ce style reste romano-byzantin, et l’on voit s'élever les belles cathédrales des bords du Rhin et les lourds châteaux féodaux épars sur le vieux sol des Gaules, Style romano-byzantin. Depuis Constantin les pèlerinages en Palestine se succé- dèrent, et l’on élevait des églises sur les modèles vus en Italie et en Palestine. Bâties sous ces inspirations, elles participèrent de la basilique de Saint-Pierre et du Saint- Sépulcre-et des basiliques aux absides circulaires de Jéru- salem et de Bethléem. Aux bords du Rhin et de la Meuse, on s'inspire du style basilical; dans d’autres localités, on reproduit la croix grecque et les coupoles byzantines. = Indépendance des arts. Dès lors perce en Occident un esprit d'indépendance que toute la sévérité monastique est impuissante à compri- mer. La sculpture fustige les mœurs dans ses conceptions sarcastiques ; les peintres rejettent les costumes byzantins, pour reproduire ceux de leur époque; l'architecture ajoute de nouvelles formes aux anciennes. L'on s'aperçoit com- bien les types romans gênent les artistes, et l’ogive appa- …raît, l'art se sécularise. Enfin, au treizième siècle, un style nouveau répond aux besoins de la religion, naît et reste comme la plus haute et la plus sublime expression du moyen âge. (2M ) Cause et origine de l'art ogival. L'ogive se développe après les croisades., Le pouvoir royal se délivre de la double étreinte du clergé et de la noblesse; il favorise un élément politique qui n’était encore qu'en germe : la puissance des communes. C'est sur les communes que les rois s'appuient contre la féodalité, sauf à opprimer plus tard les communes elles-mêmes. Ces éléments d'indépendance, ces aspirations vers Ja liberté, nous sont venus, dit le mémoire, des croisades. Toute celte noblesse et ce peuple, réunis pour marcher à la conquête du saint sépulcre, ont traversé d’autres con- trées , vu d’autres mœurs, oui d’autres idées , et ont rap- porté de l'Orient une tendance à penser et à voir plus librement. Il s’organisa alors des associations de construc- teurs, composées de méliers, qui forment des corpora- tions populeuses, et l’art de bâtir passe des mains du clergé aux mains d'artistes laïques, d’artistes émancipés et reproduisant pour les seigneurs les types architectu- raux qu'ils avaient observés dans leurs pérégrinations.. Le plein cintre régnait encore, et ce n’était qu’au moyen d’arcades empilées les unes contre les autres qu’on don- nait aux édifices une élévation suffisante. L’ogive, divisant la voûte par segments, en diminua le poids et la poussée, et permit de remplacer l’épaisse colonne romane par de fines et sveltes colonnettes. Les majestueux arceaux s’éten- dirent sur les nefs, sur le chœur et les transepts. Chute du style ogival. CE Après avoir mentionné les changements apportés dans le style ogival, exposé Ja marche parallèle de l’architecto- ( 242 ) nique et de la civilisation, indiqué la chute de l’architec- ture ogivale, qui, en France, en Belgique et en Allemagne, ne dura guère que trois siècles, l’auteur examine quand la pureté de ses formes s’altéra sous une ornementation désordonnée et comment ce style si noble du moyen âge fut livré, dit-il, aux flambovyantes débauches des tailleurs de pierre. Renaissance. L'Italie n'avait accepté qu’à regret le style ogival que des artistes étrangers importèrent chez elle. Les monu- ments antiques étaient là, et les lignes horizontales, les formes de l'architecture classique percèrent toujours sous l'enveloppe gothique. La cathédrale de Milan même ne peut lutter avec les églises de l'Occident. Mais bientôt le sentiment du beau ramena les artistes vers l'étude des modèles antiques; ils s’en inspirèrent dans la construction du campanile de Sainte-Marie des Fleurs à Florence et de Sainte-Marie à Venise. Dans le grand mouvement intellec- tuel de la renaissance, la peinture, la seuipture et larchi- tecture marchèrent d’un pas égal, et bientôt vinrent les grands maîtres Brunelleschi, Alberti, San Gallo, Bra- mante, Raphaël, Peruzzi, Michel-Ange, le plus hardi rénovateur de son temps. De tous côtés surgirent des monuments, chefs-d’œuvre inconnus aux temps anciens. On abandonna les traditions du moven âge, et le mouvement qui avait lieu en Italie se propagea rapidement en Occident. Le style de transition le plus élégant se voit dans l’église de Saint-Eustache, à Paris, dans les châteaux de Chambord, de Chenonceaux, d'Amboise, et dans les tombeaux de Louis XII et de Fran- çois [*, à Saint-Denis. ( 243 ) Vers la fin du XVI" siècle, le style de transition fut abandonné, et l'on se rapprocha de l'antiquité. Vignole et Palladio fixèreut les règles à suivre. Durant le XVII"* et le XVIII” siècle, au milieu des conceptions prosaiques et de mauvais goût, s'élevèrent, sous la direction des Per- rault, des Dewez, des Soufllot et des Mansard , des édifices où la sévérité des détails le disputait à la splendeur de l’en- semble. A la fin du XVI”* siècle, une espèce de décadence, commencée par Borromini, vint s'achever dans le style rocaille. A près la tempête révolutionnaire, lorsque le calme reparut avec l'empire, l'architecture reprit plus de sévé- rilé; mais l’ornementalion manque d'ampleur et le style est plein de roideur. Nous assistons maintenant à une renaissance du style ogival. L'auteur se demande s’il est vrai que la renaissance fut stérile et impuissante ? Nous avons vu, dit-il, que l'ar- chitecture porte toujours avec elle l'indice de la manière de voir et de sentir qui domine dans un siècle ou chez une nation particulière : maintenant une pensée plus grande vient apparaître, c'est que l'architecture suit les mêmes phases que la civilisation ; comme celle-ci, elle subit parfois un travail intérieur et caché, on croit qu'elle dort ou qu’elle recule, lorsqu'elle ne fait que subir la métamorphose intérieure de la chrysalide pour devenir quelque chose de plus beau, de plus diapré, de plus cha- toyant. Ainsi l'architecture romaine succède aux élégantes pro- portions de l'architecture grecque, mais c’est pour intro- duire un élément nouveau : la voûte. Chez les Romains, l’arcade , toujours emprisonnée dans l'ordonnance, devait rester mesquine et ne pouvait s'élever plus haut que l'ordre lui-même; mais, dans le style roman ( 244 ) ou byzantin, elle s'échappe de l'ordonnance et vient do- miner les colonnes. Puis la voûte, de ronde qu’elle était, devient ogivale; sa pesée est moindre, elle fatigue moins les parties sur lesquelles elle s'appuie. Enfin arrive la renaissance, c'est-à-dire le dédain pour les belles formes gothiques, et l’on retourne à l'architecture gréco-romaine. Temps modernes. Quel est de nos jours l’état de l'architecture? Est-elle devenue lettre morte? Est-elle tombée dans l'impuissance? N'est-elle plus à la hauteur du progrès considéré en géné- ral? Telles sont les questions dont l'examen termine ce mémoire. Qui donc, dit, entre autres, l’auteur, peut assurer que dans l’art des constructions, en dehors de la plate-bande et de larc, il n’y ait pas une troisième forme à trouver ? Qui nous dit qu'en dehors de la colonne, qui est l'arbre de la forêt, qu’en dehors du pilier, qui est la pierre tombée de “la montagne, il n’existe pas un autre support, simple dans son essence, original et puissant dans ses effets, et que ce support ne puisse être trouvé ? Qui oserait dire que l'architecture est en décadence, lorsqu'on se trouve en présence des monuments admi- rables, dont les souverains et les peuples ont embelli Les villes modernes ? Le sentiment du beau et de l'harmonieux est de tous les temps et de tous les siècles; il appartient surtout à une époque de science et de progrès. Par ce rapide résumé, par l'analyse aussi succincte que possible que je viens de présenter du mémoire envoyé au concours, J'ai tenu à constater que l’auteur a suivi avec ( 245 ) ordre, avec méthode la marche de l'architecture chez les différents peuples aux différents àges, et la relation qui s'observe entre les monuments et les tendances religieuses, politiques et sociales des nations. Il à expliqué, à son point de vue, les motifs des divers styles, appropriés aux mœurs, à la religion et aux systèmes gouvernementaux. Il a mon- tré les rapports qui existaient entre l’architectonique et les ressources matérielles des contrées où l’on en trouve les types primordiaux. Passant tour à tour en revue l'ar- chitecture de l'Inde, de la Chine, de l'Égypte, de la Perse, de la Grèce et de Rome, il a retracé les transitions qui plus tard donnèrent naissance au style de la décadence, du byzantin, du roman, de l'ogival, à l’architectonique de la renaissance et à l’art moderne. Le sujet était vaste , et il n’est pas étonnant que l’auteur ait négligé d'étudier l'architecture de quelques autres peuples de l'antiquité. Il aurait pu rappeler-l'état de l'art chez les Assyriens, les Hébreux, les Nubiens et les Pélages ou Cyclopéens. Il aurait pu aussi donner quelques notions sur les changements apportés dans l'architecture par l’in- troduction du verre à vitres, qui eut une si grande in- fluence dans la construction des monuments chrétiens du moyen âge. Mais cette lacune est facile à combler. Les renseignements qui l'ont guidé dans son travail sont gé- néralement puisés dans les auteurs qui font autorité dans la science. Après un examen approfondi du mémoire, je conclus à ce que le prix soit décerné à l’auteur de ce travail, et j'en propose l'impression dans les Mémoires de l’Académie. Les deux autres commissaires, MM. Partoes et Suys, appuient ces conclusions, qui sont adoptées par la classe. ( 246 ) Le prix, consistant en une médaille d’or, est, en consé- quence, décerné à l’auteur du mémoire qui, après l'ouver- ture du billet cacheté, est reconnu être M. Edmond Levy, de Rouen. ( 247) Séance publique du 26 septembre 1858. (Temple des Augustins.) M. G. Ggers, directeur de la classe. M. F. Féns, vice-directeur. M. An. Querezer, secrétaire perpétuel de l’Académie. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Navez, Roelandt, Suys, Partoes, Fraikin, Portaels, Érin Corr, Snel, Madou, Joseph Geefs, Van Hasselt, Baron, Éd. Fétis, membres ; Daussoigne-Méhul, associé; Balat, Bosselet, Siret, corres- pondants. Assistaient à la séance : Classe des sciences : MM. Melsens, vice-directeur, Mar- tens, Ad. De Vaux, De Koninck, Schaar, Duprez, Wes- mael, Van Beneden, le vicomte Du Bus, Gluge, membres ; Ernest Quetelet, correspondant. Classe des lettres : MM. Leclercq, directeur, Gachard, Schayes, Bormans, Polain , le baron de Witte, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ducpetiaux, Chalon et Th. Juste, correspondants. A midi précis, l'orchestre du Conservatoire royal de Bruxelles, sous la direction de M. Fr. Fétis, exécute l’ou- verture d’'Euryanthe de Weber. M. G. Geefs, directeur de la classe, donne ensuite lec- ture d’un discours sur le beau dans les arts, et principale- ment en sculpture : (248 ) MESSIEURS, Grétry disait, dans l'Essai sur la musique : « Il serait » injuste de prétendre qu’un artiste eût, dans son style, » la correction et l'élégance qu’on a droit d'exiger d’un » homme de lettres. » Permettez-moi, Messieurs, de m'appliquer la pensée de Grétry, et puisque l'honneur de présider, cette année, la classe des beaux-arts de l’Aca- démie m'impose le devoir de porter la parole dans cette solennité, que mon premier mot soit un appel à votre in- dulgence. Plus habitué à manier le ciseau que la plume, Je vous prierai, en vous entretenant quelques instants de l'art qui à occupé toute ma vie, de vous arrêter plutôt à la pensée qu’à la phrase. La sculpture, Messieurs, fait partie de cette classe de travaux humains qu'on appelle les beaux-arts; parce que, tandis que Îles autres travaux tendent à fixer, dans les choses du monde intellectuel, social et sensible, les no- tions du vrai, du Juste et de lutile, le but de celle-ci est de concevoir et de reproduire le beau. Mais si la grande majorité des hommes finit en général par être d'accord sur toules les questions qui sont du do- maine de la vérité scientifique, de la justice, du bien-être moral et physique, on n’est pas encore parvenu à s’en- tendre sur la nature du beau. Depuis les temps les plus anciens comme de nos jours, toutes les écoles ont agité et retourné le problème dans tous les sens; on en a fait une science, l'esthétique ; mais, si tant d’études ont éclairei bien des parties de la question, elles ne l'ont cependant pas complétement résolue. Je ne m'aviserai pas, assurément, de m’engager avec vous dans ce dédale d'opinions contradictoires, je veux ei (249) seulement vous donner un aperçu de mes observations sur celte matière, en les appliquant surtout à la sculpture. Et d'abord, qu'est-ce que le beau ? Le beau est, selon moi, tout ce qui, dans le monde physique ou moral, plaît à notre âme et la charme; tout ce qui, en satisfaisant un besoin quelconque de notre nature, fait naître notre amour ou notre admiration. Le beau n'existe donc que dans l’homme; ce n’est pas une qualité des choses, c'est un sentiment humain ; c’est l’homme qui pense, qui rêve, el qui ensuite crée le beau. Et si l’on dit abusivement qu'il est dans la nature, c'est parce que ce sentiment est ré- veillé par l'infinie variété des faits et des spectacles qu’elle nous offre. | Tous les hommes apportent en naissant, à des degrés différents, ce que certains critiques modernes ont appelé la faculté esthétique, la faculté ou le sentiment du beau, faculté spéciale, distincte de toutes les autres qui peuvent aider à son développement , mais ne peuvent la remplacer. C'est en ce sens que la philosophie religieuse a eu raison de dire : « La source du beau est en Dieu, puisque Dieu » est la source de toutes nos facultés. » A mesure que nous avançons dans la vie, cette faculté, comme toutes les autres, s’affermit et s’exerce; nous re- cherchons tout ce qui peut satisfaire, en ce-qui la con- cerne, les besoins de notre nature; nous devenons chaque jour plus sensibles aux éléments de beauté que nous pré- sentent le ciel, la terre, les végétaux, les animaux, et l'homme et l'univers entier. S'il est pénible de penser qu'il existe des êtres complé- tement indifférents à tant et de si divers spectacles, des parias intellectuels, chez lesquels ne remue aucune des fibres, pour ainsi dire, du sentiment esthétique; d'autre ( 250 ) part, combien sont précieuses ces natures privilégiées qui s'élèvent, par tous les degrés du beau sensible, jusqu’au beau idéal, à celui que leur art même ne peut plus réa- liser, et qui n’en exisie pas moins dans leur pensée, Pour moi, rien ne m'a mieux fait comprendre ce qu'on doit entendre par le beau idéal qu’une phrase de Raphaël sur sa Galatée, phrase qu'a déjà citée Topffer, un des meilleurs criliques contemporains. « Manquant de bons juges et de belles femmes, dit Ra- » phaël, je me sers d’une certaine idée qui me vient dans » l'esprit; je ne sais si celle-ci a en elle quelque excellence » d'art, mais je sais bien que Je me fatigue beaucoup pour » lavoir. » Certainement l'expression semble un peu vague et c’est cependant par elle que j'ai compris le mieux ce que c'est que le beau idéal. C'est précisément cela : c’est l’idée qui vient dans l’esprit des Raphaël , idée dont ils ignorent eux-mêmes l'excellence, et qu'ils se fatiguent tant à avoir. Une fois le beau conçu par notre faculté esthétique, il naîl dans les âmes les mieux douées un vif désir de le repro- duire pour les autres et souvent même pour leur propre salisfaction ; c'est là l’origine des arts. Pour arriver à l’ac- complissement de ce désir, ils ont recours à un autre 1n- stinct non moins naturel à l'homme, l'instinct d'imitation dans lequel les anciens trouvaient la source primitive de l’art même. Et puisque nous avons pris la sculpture pour exemple, ceux qui sont portés vers cette spécialité des créa- tions artistiques, cherchent d’abord une matière flexible et lui donnent, tant bien que mal, la forme qu'ils veulent reproduire. Je dis ceux qui sont portés vers cette spécialité; car si vous n’éprouvez pas une attraction réelle, une vocation décidée pour les arts, il vaut beaucoup mieux diriger ses ( 21 ) efforts ailleurs. Jci, nul travail, nul essai ne remplace le goût naturel, et l'on reste condamné à une incurable mé- diocrité. Or, il est permis à tous, dans presque toutes les professions, d'être médiocres, excepté à l'artiste. Mais, si vous sentez au cœur ce feu caché qui, souvent, n'attend qu'une étincelle; si, en voyant un tableau de Ra- phaël, vous pouvez dire en conscience comme Corrége : et moi aussi, je suis peintre, en avant alors! Entrez dans la carrière! Le beau que vous avez conçu, cherchez à le mettre en œuvre; pratiquez et étudiez les maitres qui éclai- rent et développent, et suriout imitez la nature. Mais un instant, je parle à peu près comme tout le monde : attachez-vous à la nature, faites poser la nature et copiez la nature. Ceci exige un commentaire; sans doute, imitez la nature, approchez-en le plus près possible, mais n'oubliez pas pourtant que limitation de la nature n'est pas le but de l'art: c'est le procédé pour arriver au but. Le but de l’art est la réalisation aussi complète que possible du sentiment du beau, et celui-là est en vous, et non pas dans la nature. Dites-moiï, ce marbre blane d’une blancheur mate si uniforme, est-ce une femme? Est-ce Vénus? Faites soi- gneusement une statue de cire colorée, et l'illusion sera bien plus complète. Cette toile épaisse comme la feuille et qui représente un paysage, c'est une forêt aux sentiers ac- cidentés, aux lointains profonds; je le veux bien, mais faites-m'en une peinture de diorama, et je me croirai bien mieux au milieu des bois. Oui sans doute, nous le savons, une fois qu’on prononce les mots diorama, statue de cire, trompe-l’œil, photo- graphie , adieu les arts et le beau : 1l n’y a plus d'artistes, il n'y à que des ouvriers. ( 252 } Donc, limitation complète et littérale n’est pas le but de l’art , c'est le procédé par lequel l'artiste réalise son sen- timent esthétique individuel et avec l’aide de divers instru- ments : pinceau, ciseau, archet. Je dis sentiment indivi- duel, car s'il ne s'agissait que de l’imitation rigoureuse de l’objet, le travail serait d'autant plus parfait qu’il s’en rap- procherait davantage, et loutes les copies se ressemble- raient plus ou moins. Eh bien, faites poser le même per- sonnage devant Rubens et Rembrandt, il n’y aura peut-être pas deux points semblables; relief, couleur, lumière, dessin même, seront différents, et tous deux seront également beaux, et tous deux ressembleront également au modèle. Or, nous appuyons sur cette ressemblance, car ne croyez pas que nous fassions fi du modèle. C’est lui qui permet cette merveilleuse alliance entre le sentiment esthétique et la savante imitation de la nature réservée aux œuvres des grands maîtres. Concevoir le beau ne suffit pas à le reproduire. Îl faut encore la pratique habile et ingénieuse, la pratique du procédé, qui est limitation, et celle des instruments nécessaires à ce résultat. Et quelle lutte, quel labeur, quelle infatigable obstina- tion ne faut-il pas au sculpteur, par exemple, pour la par- tie technique de son art? Le dessin d'abord dans toutes ses branchés, la pratique du modelé, le maniement du ciseau, les longues médita- tions pour prévenir la moindre faute, bien plus difficile à réparer sur le marbre que sur la toile, l’étude surtout la- borieuse, incessante du principal objet de son imitation, le type humain , car pour bien saisir l’admirable unité de sa structure, le sculpteur anatomiste et physionomiste à la fois doit avoir appris, au physique comme au moral, tous les rapports des parties avec l’ensemble et des parties entre elles. ( 295 } Cette étude, constamment soutenue et consciencieuse- ment appliquée à chaque œuvre, sans même supposer un sentiment esthétique hors ligne, suffit à faire un grand artiste. J'aurai voulu développer chacun de ces caractères de la supériorité dans les arts, mais le temps me presse et Je ter- mine par traiter rapidement d'une dernière qualité indis- pensable au sculpteur comme à tous les artistes, mais qui ne dépend pas tout à fait de lui : la liberté d'action, la liberté de reproduire ce qu'il veut et comme il le veut, sans qu'aucun pouvoir étranger à l’art puisse entraver sa marche et le faire dévier; la liberté, dans le sens artis- tique, c'est, selon moi, l’histoire de la sculpture. En effet, Messieurs, à des esprits aussi distingués que les vôtres, il suflit de rappeler les différents phases qu’a subies l’art dans le passé. D'abord écrasé sous le despotisme politique et religieux de l'Inde et de l'Égypte, puis se relevant, dans toute sa force et sa splendeur, sous le régime de la liberté à Athènes et à Rome, puis encore étouflé sous l'invasion des bar- bares, et enfin ranimé au souflle de la renaissance et res- plendissant d'un nouvel éclat au milieu des républiques italiennes, jusque dans la cour de ces pontifes romains qui ramenaient les siècles des Périclès et des Mécènes. C’est alors que brillaient Donatello, Sansovino, Michel-Ange el tant d'autres qui préparaient, à deux siècles de distance, les Puget, les Canova et les Thorwaldsen. La Belgique n’est pas restée en arrière dans ce retour vers la sculpture qui se poursuit depuis le XVI" siècle, et bien que nos écoles de peinture aient éclipsé toutes nos autres gloires, nous ne sommes pas assez ingrats pour oublier les noms de Duquesnoy, de Quillyn, de Tassaert, ( 254 ) de Lombard, de De Breuck, de Delvaux, de Godecharles et de Van Geel. Ce n'est pas à moi, messieurs, à parler de l’école con- temporaine, la Belgique tout entière connaît les artistes qui l’honorent, et la postérité, espérons-le, confirmera les jugements contemporains. Assurément , ce n’est pas pour eux que j'ai parlé de celte liberté si nécessaire et si souvent absente dans l’his- toire de la sculpture. L'art jouit largement et franche- ment dans notre pays de toute celle qu'il peut désirer.Sans s'occuper des entraves légères qu'apportent, forcément peut-être, à son développement les intérêts si divers des localités, Pesprit de clocher, la bureaucratie, l'envie, et parfois les préventions des partis, que l’art continue de marcher ardemment vers le beau, sans perdre de vue le bon et le vrai; et il ajoutera un nouvel éclat à l’auréole dont, depuis trente ans surtout, il a couronné la Belgique. — M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie, donne connaissance des résultats du dernier concours de la classe. Une médaille d’or a été décernée à M. Edmond Levy, de Rouen, pour un mémoire en réponse à la question conçue en ces termes : Rechercher l’enchaînement des diverses architectures de tous les äges, et les rapports qui peuvent exister entre les monuments et les tendances religieuses, politiques et sociales des peuples. L'auteur n’assistait point à la séance. Il a ensuite été donné lecture des résultats du grand concours d'architecture. ( 205 } Le premier prix a été remporté par M. Louis Baeckel- mans, d'Anvers, qui est venu recevoir, aux applaudisse- ments de l'assemblée, la récompense qui lui était destinée. Le second prix a été décerné à M. Altenrath, d'Anvers. Une mention honorable avec diplôme a été accordée à M. Charles Demaeght, de Bruxelles. — Il a, de plus, été donné lecture de deux arrêtés royaux, le premier portant promotion au grade d'officier de l’ordre de Léopold , en faveur de M. Roelandt, profes- seur ordinaire à l’université de Gand, membre de la classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique, membre de la Commission royale des monuments depuis son in- stilution, et architecte à Gand; le second arrêté portant nomination de chevaliers de l’ordre de Léopold en faveur de M. Édouard Fétis, conservateur adjoint à la Bibliothè- que royale, et de M. Edmond De Busscher, secrétaire de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, tous deux membres de la classe des beaux-arts de l’Académie. De vifs applaudissements ont accueilli la proclamation de ces diverses récompenses. A la fin de la séance, l'orchestre du Conservatoire royal de musique, sous la direction de M. Fr. Fétis, a exécuté la cantate le Meurtre d’Abel. Les solos, pour ténor et basse, ont été chantés par MM. Tyckaert et Agniez, avec chœur et orchestre. Cette cantate, qui à été vivement applaudie, a été composée par M. Conrardy, élève de M. Daussoigne- Méhul, directeur du Conservatoire royal de musique de Liége ; elle avait obtenu le second prix au grand concours de composition musicale de 1857. MED > 2" SÉRIE, TOME V. 13 (3256) CLASSE DES SCIENCES. a Séance du 9 octobre 1858. M. D'Omauus D'HaLLoy, président de l’Académie. M. Ap. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Wesmael, Martens, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, de Selys-Long- champs, Nyst, Gluge, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres ; Ern. Quetelet, correspondant. rover Ce CORRESPONDANCE. S. À. R. le duc de Brabant remercie l’Académie pour l'envoi de ses publications. — M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'il a commandé à M. Simonis le buste en marbre d'André Du- mont, pour le déposer dans la salle des séances publiques de l’Académie. — La Société royale et la Société géologique de Lon- dres , l'Université de Christiania et l’Académie impériale 291 ) des sciences de Vienne remercient la Compagnie pour l’envoi de ses publications. — M. Siaring, de Harlem, fait hommage de la feuille 14° de sa carte géologique de la Néerlande. — Remer- ciments. — M. Willam Scharswood, de Philadelphie, fait con- naître qu’une expédition scientifique a été organisée dans les États-Unis pour explorer les régions arctiques; il de- mande si la Compagnie aurait à proposer des questions de physique sur l'état du globe : le voyage sera de deux ans et demi. — M. Peters, directeur de l'observatoire d’Altona, an- nonce au sujet du travail récemment fait entre Bruxelles el Berlin, pour la détermination des longitudes, qu'il vient d'opérer un travail semblable entre Altona et Schwerin par les signaux galvaniques. « Les mêmes étoiles, dit-1], sont observées aux deux stations et enregistrées sur un même cylindre. Pour éliminer les erreurs constantes, les observateurs, avec leurs instruments et appareils, ont changé de station; les signaux, en outre, sont alternati- vement donnés en fermant et en ouvrant le courant gal- vanique. » — M. Johnson, directeur de l'observatoire d'Oxford, écrit qu'il vient de donner plus d'extension aux observa- lions météorologiques et de physique du globe. II fait con- naître les améliorations qu'il a introduites à cet égard. — M. Pegado, directeur de l'observatoire météorolo- gique de Lisbonne; transmet les résultats suivants de ses observations météorologiques faites du 25 au 29 mai der- nier, Jours pendant lesquels on a observé « une chaleur ( 258 ) étonnante et une sécheresse de l’air plus étonnante encore; il paraît, dit-il, qu'on n’a pas mémoire, chez nous, d’unesi forte chaleur au mois de mai. » TEMPÉRATURE PSYCHROMÈTRE® centigrade. RS MAI 1858: Maxima Re. 0 > ; VENTS. 3 h. du soir. ES RE Humi- [Tension Ft d : dité de Eaa director, Force. sèche. |humide. À vapeur VPair. | d’eau. Boule Boule Minima. au l’ombre.| soleil. {| Mardi 25, À 2454 | 5055 | 1456 À 2352 | 1656 | 49,1 | 11,12 E NNO. | Fort. Mercredi 26. | 50,0 | 33,4 | 19,0 À 29,4 | 13,7 | 8,6 | 20,00 Ê NNE. | rrais. Lundi 27. | 32,2 | 37,0 | 19,9 | 31,4 | 15,6 | 11,8 | 24,76 | NNE. | Frais. | Vendredi 28. ! 33,1 | 40,1 | 20,9 | 32,1 | 48,0 | 20,4 | 19,121 SO. | rès-faible, | Samedi 29. | 53,5 | 41,8 | 20,3 | 52,1 | 17,0 | 17,8 | 18,801 SO. | moaére. — M. le secrétaire perpétuel présente deux mémoires de M. Angelo Secchi, directeur de l'Observatoire du Collége romain, qui vient de passer par Bruxelles; ils sont relatifs aux taches solaires et à la météorologie télégraphique. — Madame Catherine Scarpellini fait parvenir les nou- velles observations ozonométriques qu’elle a recueillies sur le Capitole, à Rome, ainsi que ses autres observations mé- téorologiques. — M. Gouënel écrit, de Belle-Ile-en-Mer, que son des- sein était de concourir pour le prix de la question de météo- rologie établie au programme de l’Académie, mais que ses occupations l'en ont empêché. Il envoie néanmoins le ré- sumé de ses principales idées. (Commissaires : MM. Ad. Que- telet et Duprez.) trés dd (239 ) CONCOURS DE 1858. L'Académie avait mis au concours cinq questions; elle n’a reçu de réponse qu’à la troisième. Apprécier et définir le fait de la pénétration des particules solides à travers les tissus de l'économie animale, et déter- miner les rapports dans lesquels cet acte se trouve avec celui de l'absorption. Le mémoire porte pour devise les mots : Satis jam pro- batur, nequaquam quaeslionem ab omni parte esse solutam, remanentibus variis dubiis, quae ut solvantur ulteriori in- digent indagatione. (3. Alderts, Mensonides.) (Commis- saires : MM. Spring, Schwann et Gluge.) ——— a ————————— RAPPORTS. MM. Duprez et Ad. Quetelet font verbalement un rap- port sur un mémoire de M. Alexis Perrey, professeur à la faculté des sciences de Dijon, concernant les tremble- ments de terre en 1856, avec des suppléments pour les années antérieures. Ce mémoire, qui tend à compléter les travaux déjà présentés à l’Académie par le même savant et qui résume lout ce qui à été observé d’important pendant ces dernières années, n’est pas susceptible d'analyse. Le travail de M. Perrey sera inséré dans le recueil des Mémoires couronnés, in-8°. ( 260 ) — D'après un autre rapport verbal de M. Duprez, la classe ordonne l'impression, dans le Bulletin, d’une notice de M. Athanase Boblin Sur une expérience d'optique per- mettant d'obtenir d'une seule épreuve photographique la sen- sation d'un corps en relief. ns ae rm Deep) COMMUNICATIONS ET LECTURES. a Sur la cométle de Donati, visible à l’œil nu; par M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie. L’attention a été fort attirée par la comète qui brille le soir, depuis un mois, dans la partie NO. du ciel. On l’a vue graduellement augmenter d'éclat jusqu'à ce jour et développer une queue magnifique qui a dépassé 20° de longueur. On a. paru croire généralement que cette appa- rition était tout à fait imprévue : il n’en est pas ainsi. Cet astre a été vu pour la première fois à Florence par M. Do- nati, le 2 juin , c’est-à-dire il y a déjà plus de quatre mois. Il était alors extrêmement faible et son mouvement était très-lent. Cependant, à la suite du calcul d’une première orbite parabolique, M. Bruhns émit, dès le 18 du même mois, l’espérance qu'on pourrait voir cette comète, à l'œil nu, vers la fin du mois d'août. À mesure que les éléments se sont perfectionnés, cet espoir a pris plus de consis- tance, et, enfin, le 8 septembre, l’astre a été aperçu pour la première fois à l'œil nu, mais faible encore. L'année 1858 est riche en astres nouveaux. Nous ne sommes encore qu'au commencement du mois d'octobre, et déjà on a vu sur l'horizon cinq planètes nouvelles et huit ( 261 ) comètes, dont six nouvelles. Les deux anciennes sont la comète d'Encke et celle de Faye, dont le retour était an- noncé. Les cinq astéroides ont été découverts : Nemausa par M. Laurent, à Nimes; Europa par M. Goldschmidt; Ca- lypso par M. Luther; le quatrième, encore par M. Gold- schmidt, qui a prié M. l'abbé Moigno de lui donner un nom; celui-ci, en l'honneur du célèbre de Humboldt, l'a nommé Alexandra. Enfin M. Searle en a découvert un cinquième à l'observatoire de Dudley (État-Unis). Ces cinq astéroïdes portent à 56 le nombre des planètes comprises entre Mars et Jupiter. Trois des six comètes nouvelles ont été découvertes par M. Tutile, astronome à Cambridge (États-Unis); la deuxième par M. Winnecke, à Bonn; la quatrième par M. Brubns, à Berlin, et la cinquième par M. Donati, à Florence. Quatre de ces comètes paraissent périodiques, ce sont : la première, dont la révolution se fait en 14 ans, avec une distance moyenne au soleil de six fois la distance moyenne de la terre; la deuxième, qui accomplit sa révo- lution en 5 ans et demi, avec une distance moyenne de 5; la quatrième, qui tourne en 590 ans, avec une distance moyenne de 245, et, enfin, la comète de Donati, qui paraît périodique aussi et dont la révolution s’accomplit en plus de deux mille années. Cette dernière comète a été observée, à Bruxelles, par mon fils, M. Ern. Quetelet, toutes les fois que l’état du ciel l’a permis, mais les positions ne sont pas encore calculées, et l’observation se continue chaque soir. L'aspect physique de la comète est remarquable. Le noyau, assez brillant, était d’abord entouré d’une queue lumineuse de forme parabolique vers le sommet et d’un ( 262 ) éclat à peu près uniforme, Plus loin, la queue s’infléchis- sait dans une direction opposée au sens du mouvement de la comète. Le bord de cette queue du côté convexe a tou- jours été plus net que du côté concave, où elle se ter- minait d’une facon tout à fait indéfinie et où même elle semblait rentrer en certaines parties, comme si la matière lumineuse avait fait défaut. Il s’est ensuite formé une sorte d’atmosphère lumineuse du côté du noyau opposé à la queue. Cette atmosphère, dont l'éclat a été en augmentant jusqu'ici, s’étendait à peu près jusqu’à la moitié de l’intervalle qui sépare le noyau du sommet de la queue. Sa forme extérieure est à peu près circulaire, et son développement d'environ 300°. En même temps, la partie centrale de la queue est deve- nue sombre, phénomène qui a été remarqué, à Bruxelles, le 1% octobre. La partie sombre paraissait d’abord presque droite et de peu de largeur, mais ensuite elle s’est élargie et a pris aussi une forme parabolique irrégulière. Vu dans la lunette astronomique, le noyau n'est pas au sommet, mais un peu à gauche. L’atmosphère lumineuse qui en- toure le noyau du côté opposé à la queue, vient se terminer à cette parie sombre, en laissant voir sur celle-ci très- nettement le bord du noyau, tandis que ce bord est beau- coup moins net de l'autre côté. Après le noyau, la partie la plus lumineuse est cette atmosphère opposée à la queue dont nous avons parlé. Elle est extrêmement brillante et se voit bien dans une lunette éclairée, alors qu'on n’aperçoit aucune trace de la queue. Cette atmosphère a augmenté de largeur en diminuant d'éclat dans ces derniers temps, et une seconde atmo- sphère, beaucoup plus lumineuse, mais de peu de largeur, entoure immédiatement le noyau. ( 263 ) Le 5 octobre a eu lieu un phénomène assez curieux : c'est une conjonction de la comète avec Arcturus. Le 20 du mois, la comète passera très-près de Vénus, non-seulement d’une manière apparente, mais même dans l’espace. Cela offrira aux calculateurs d’intéressantes applications du calcul des perturbations. Malheureuse- ment, à cette époque, elle sera déjà très-basse sur notre horizon; et, à la fin de ce mois, le noyau sera sous l’hori- zon de Bruxelles. Sur l'occultation des Pléiades par la lune. Extrait d’une lettre adressée à M. Bache, directeur de la triangula- tion des États-Unis, par Ad. Quetelet, directeur de l'Ob- servatoire royal de Bruxelles. « J'ai l'honneur de vous faire parvenir les observations faites pendant l'occultation des Pléiades par la lune, le 30 août dernier. Je me suis servi avec plaisir de la carte que vous m'avez envoyée : elle exprimait fort bien les principales circonstances du phénomène. Les observations ont été faites par mon fils, ainsi que par M. Hooreman, aide-mécanicien attaché à l'Observatoire. L'état de maladie dont je me remets peu à peu ne m'a pas permis de prendre aux observations toute la part que j'aurais voulu; mais je tenais du moins à donner des preuves de mon amitié pour vous. Le ciel était assez favorable. Cependant nous avions eu de la pluie pendant une grande partie du jour, et rien ne nous faisait espérer une soirée, qui a été assez bonne. Mon fils se trouvait dans l’une des tourelles de l’observa- loire, et moi dans l’autre. Il se servait de la lunette de l’équatorial, de Froughton, qui a environ quatre pouces d'ouverture. Ma lunette était un peu moindre; nous nous sommes servis tous deux de différents grossissements. M. Hooreman, qui était sur la terrasse, avait la lunette la plus grande. Le vent était assez fort et incommode pour les observateurs, surtout pour celui qui était sur la terrasse, bin QI = O0 RCI ET PLÉIADES. CES SRE Et etre; ere, 19 = 19 © » : O1 © L 264) IMMERSION. Temps sidéral. oh 6m 5456 » » 55,9 » » 54,1 » bi 40,7 » 14 2,8 » » 4,5 v » 1,3 » 959 55,1 » » 35,0 » 54 58,4 » 58 47,8 EMERSION Oh 46m 551 » » 6,5 4 11 7,1 » À7 1,2 » 3 49,9 » 1353 56,6 » 41 7,1 » _» 7,8 » » 6,1 » 41 58,8 ») Lo 57,3 » 59 52,0 > » 52,8 DUMAS » PDT S:S » 928 2,4 Observateurs, Ad. Quetelet. Ern. Quetelet. Hooreman. Ern. Quetelet. Ad. Quetelet. Ern. Quetelet. Hooreman. Ern. Quetelet. Hooreman. Hooreman. Ern. Quetelet. Ad. Quetelet. Ern. Quetelet. Ern. Quetelet. Ern. Quetelet. Ern. Quetelet. Ern. Quetelet. Ad. Quetelet. Ern. Quetelet. Hooreman. Ern. Quetelet. Hooreman. Ern. Quetelet,. Hooreman. Ern. Quetelet, Hooreman. Hooreman. ( 265 ) Étoiles filantes de la période du mois d'août 1858, obser- vées par le Directeur et les Aides de l'Observatoire royal de Bruxelles. Les étoiles filantes de la période d'août ont été obser- vées à Bruxelles, comme elles le sont chaque année. Les nuits du 9 et du 10 ont été très-défavorables, mais celle du 414 était belle et le nombre des météores a été assez considérable. On a observé quelques jours d’avance afin d'étudier l’accroissement progressif. Le nombre semblait déjà un peu supérieur à la moyenne ordinaire au commencement du mois. Le clair de lune avait empêché de commencer plus tôt les observations. Le 41 août, le nombre d'étoiles filantes s’est élevé en moyenne à 55 par heure, parmi lesquelles 1l y en avait de fort belles. La lumière de ces étoiles était généralement blanche; quelques-unes, en petit nombre, ont élé notées comme ayant une teinte bleuâtre. La vitesse des étoiles filantes est très-variable; les unes sont si rapides qu'on a difficilement le temps de les fixer, d'autres paraissent se mouvoir lentement, mais celles -ci en général sont faibles et, sauf quelques exceptions, leur trajectoire est courte, comme si la lenteur apparente du mouvement devait être attribué à leur éloignement. Voici d'abord un tableau donnant le nombre d'étoiles filantes observées par heure : NOMBRE | , ÉTOILES HEURES. d'étoiles Gbservateurs. sar heure observées. [ 1 1858, juillet 30. | 41h Om à 41h50m d G | Ern. Quetelet. août 4. | 10 48 10 55 5 | Ern. Quetelet. S1 » «| 11 2 12 2 51 \ Ern. Quetelet et Hooreman. » 5. 9 52 10 52 18 18 Ern. Quetelet et Bouvy. » TAG 42 6 82 32 Ern. Quetelet et Bouvy. » G-AIMOPAT 10 47 20 20 Bouvy et Hooreman. » 111022 127 26 32 Bouvy, Hooreman et Ern. Quetelet. » 7. | 10 21 11 6G 16 21 Ad. Quetelet, Ern, Quetelet et Hooreman. » SUN TS 42 5 16 21 Ern. Quetelet et Hooreman. » 41. 9 50 140 50 52 52 Ad. Quetelet, Ern. Quetelet et Hooreman:. » ts 12005 54 54 Ad. Quetelet, Ern. Quetelet et Hooreman: » 15. | 10 6G 11 6 19 19 Ad. Quetelet, Bouvy et Hooreman. » 114029 11 52 41 22 Ero. Quetelct, Bouvy et Hooreman. e | qe le 2 | 10h99m d'observ. 3503 météores. Le 50 juillet, il y avait un beau clair de lune qui a pu diminuer le nombre de météores observés. Le 45, il y avait quelques vapeurs. | J'ai groupé ensuite les météores d’après leurs grandeurs, estimées de 4 à 5. Parmi ceux désignés comme de pre- mière grandeur, il y en avait de fort brillants qui égalaient au moins l’éelat le plus vif de Jupiter ou de Vénus. Le tableau suivant présente le résultat de cette distri- bution. ( 267 ) GRANDEUR gre | Qme sme Ame me NOMBRE DATES, non grandeur.! grandeur.| grandeur.| grandeur, [grandeur. ; total. | marquée. 1858, juillet 50. l 1 l 3 août 4. G 2 0 36 » D. 10 7 1 50 » 6. 6 1 0 46 » Ta 3 5) 0 o2 Ù Il 15 à) 1 106 » 15 1 2 0 30 Torir, . . 42 21 5 305 Le nombre des météores brillants est relativement plus grand que l’année précédente. La soirée du 11 août à particulièrement été très-riche en belles étoiles filantes. J'ai enfin classé les étoiles filantes observées d’après leur direction : 4 1858, juillet 50. . août ( 268 ) La direction sud-ouest l'emporte toujours de beaucoup. C’est, au contraire, le nord-est qui présente le nombre le plus petit. En résumé, on voit que la périodicité est encore assez caractérisée, surtout si l'on fait attention que la partie du ciel visible au lieu d'observation n’est guère que les 5 de l'hémisphère. D’après cela, on peut estimer le nombre des météores du 11 août de 70 à 80. Observalions des étoiles filantes de la période du mois d'août 1858, faites à Gand, par M. Duprez, membre de l'Académie. Lettre à M. Ad. Quetelet. « Ainsi que nous en étions convenus, je me suis arrangé de manière à observer les étoiles filantes dans les nuits des 9, 10 et 11 août, de 10 ‘2 à 12 ‘b heures, et à annoter les instants de leurs apparitions. La première de ces nuits est restée couverte ; dans la seconde, des nuages ont éga- lement empêché les observations; la soirée de cette der- nière a été même marquée par un fort orage qui dura de 6 à 9 heures : la nuit du 41 fut seule sereine et permit d'observer. » J'ai exploré le ciel du côté de l’est, et je me suis servi d'une montre à secondes, réglée d’après l'horloge du che- min de fer et corrigée des 5 minutes 40 secondes, dont celle-ci retardait sur l'heure donnée à l'observatoire; en sorte que les instants des apparitions des météores sont comptés d’après cette dernière heuré. J'ai cherché à mar- quer, autant que J'ai pu, les constellations où les étoiles ( 269 ) filantes se sont montrées ; toutefois, je dois vous avouer que cet élément laisse à désirer, par suite d'une certaine hésitation provenant du peu d'habitude que j'ai d'observer le ciel sous ce rapport. Enfin, le nombre des météores annotés doit être considéré comme incomplet, attendu qu'étant seul, je perdais un temps assez considérable à prendre mes notes. » Voici les observations relatives aux vingt-huit étoiles que J'ai vues apparaître dans l'intervalle des deux heures. 1° 10 h. 50 m. 50 s. Brillante avec trainée, du SSE. au NNO., dans Cas- siopée. 29 + 32 50 Faible, du NNO. au SSE., dans Andromède. 5 » 58 50 Faible, du NE. au SO., dans Pégase. 5 Faible, du SO. au NE, entre la Polaire et Céphée. Ds 52 5 Faible, de l'E. à l'O. près de la Polaire. L] 6 » 55 Brillante avec forte traînée, du NE. au SO., dans Céphée. fs 55 20 Assez belle, du N. au S., près de Pégase. 8 + 57 » Trés-brillante avec forte traînée, du NE, au SO., entre le Cygne et Pégase. % 11 11 15 Faible, du NE. au SO. près de Pégase. 10 » 15 55 Brillante avec forte trainée, de l'E. à l'O., de Cas- siopée vers Céphée. io 17 20 Brillante avec forte traînée, du NE, au SO., de Cas- siopée vers Pégase. 199 » 18 5 Brillante avec forte trainée, du N. au S., prés des Poissons. 159 » 25 50 Assez belle, du NNO. au SSE., partant de B d’An- dromède. 14 » 55 15 Brillante avec forte trainée, du SE. au NO., dans la Girafe. 15° » 55 45 Très-brillante avec forte trainée, du NNO. au SSE., dans les Poissons. | 160 » 58 5 Assez belle, du SE. au NO. dans la tête de la grande Ourse. 17 » 58 50 Faible, du NO. au SE, dans le Triangle. (270 ) 18° 11 h. 49 m. 55 s. Brillante avec forte trainée, du N. au S., pres du Triangle. 19 » 54 55 Faible, du NO. au SE., dans Persée. 209 » 57 50 Assez belle, du S. au N., dans Andromeéde. Cette étoile filante à passé très-pres des trois principales étoiles d’Androméde, dans une direction à peu près parallèle à la ligne qui joindrait ces dernières. 2e T9 25 Faible, du NO. au SE., dans Persée. 29% 12 1 35 Brillanie avec forte trainée, du N. au S., pres de Cassiopée. 23° » 2 55 Brillante avec forte traînée, du N. au S., dans An- dromèéde. 249 » < 50 Faible, du NNE. au SSO , de Cassiopée vers Pégase. DD TLO 25 Faible, du NO. au SE., dans les Poissons. 55 Assez belle, du NNO. au 3SE., dans les Poissons. DORE MNT » Faible, du SSE. au NNO, dans la Girafe. 289 » 650 20 Assez belle, du NNO. au SSE., dans les Poissons. Histoire naturelle d'un animal nouveau, désigné sous le nom D'HiSTRIOBDELLA; par P.-J., Van Beneden, membre de l'Académie. $ LE. — Introduction historique. À la suite d’une communication faite, il y a quelques mois, à l'Académie des sciences de Paris, sur les métamor- phoses des homards, nous nous étions rendu à Ostende pour nous assurer si, contrairement à des observations que nous avions depuis longtemps en portefeuille, les jeunes homards affectent réellement la forme de zoé, c’est-à-dire, si leur carapace est armée de ces épines mon- strueuses si caractéristiques de certaines larves. Cette petite excursion nous a bientôt appris qu'il n'y (274 ) avait pas d'erreur de notre côté; que jamais les homards n’aflectent la forme qu'on leur a prêtée dans cette commu- nication , et que, s'ils subissent des métamorphoses, ces changements de forme ne consistent pas dans l'échange d'une carapace de zoé contre une carapace de homard, mais surtout dans l'échange de branchies provisoires exté- rieures contre des branchies sous-carapaciques définitives. Nous ne parlons pas des légères différences que subissent les segments abdominaux pendant la mue. Le jeune homard, en sortant de sa coque, nage libre- ment par le secours de branchies provisoires externes et flottantes, qui fonctionnent comme les roues d’un stea- mer, et il a, sous ce rapport, une grande ressemblance avec les Mysis, dont, plus tard, il s'éloigne tant quand il a subi ses premières mues. En rendant compte à la classe du résultat de ces obser- valions, à la séance du 5 juillet, nous avons eu l'honneur de l’entretenir d’un animal nouveau et bien singulier que nous venions de découvrir à l’occasion de ces recherches, et qui vit en abondance au milieu des œufs de homard appendus encore aux segments sous-abdominaux. Cet ani- mal est bien, par son facies comme par son organisation et ses allures, l'être le plus extraordinaire que l’on ait découvert dans ces dernières années. On peut dire sans exagération que c’est un ver bipède ou même quadrupède, quand 1l se déplace sur une plaque de verre, ou tout autre Corps uni. Que l’on se figure un clown de cirque le plus complé- tement disloqué possible, nous allions même dire entière- ment désossé, faisant des tours de force et d'équilibre sur une montagne de boulets monstres qu’il s'évertue à esca- lader, posant un pied (en forme de ventouse) sur un boulet, 2" SÉRIE, TOME V. 49 (272 ) l’autre pied sur un autre boulet, balançant le corps ou le roidissant, se tordant sur lui-même ou se courbant comme une chenille arpenteuse, et on n’aura encore qu’une idée très-imparfaite de toutes les attitudes qu'il prend au bout de quelques secondes. On ne peut guère rendre l'aspect qu’offrent une vingtaine de ces vermisseaux se débattant, dans un verre de montre, au milieu de quelques œufs; mais les naturalistes qui s’in- téressent à ces questions pourront aisément se donner le plaisir de ce curieux spectacle, puisque, grâce aux chemins de fer, les homards aujourd'hui sont expédiés vivants dans toutes les parties de l’Europe, et, grâce aussi à ce moyen de transport, on pourra tout à son aise se livrer à cette pêche maritime, sans quitter le fauteuil de son cabinet d'étude. Cest cet être remarquable sous plus d’un titre qui fait le sujet de la notice que nous avons l'honneur de commu- niquer aujourd’hui à l’Académie, et auquel nous avons donné le nom d’Histriobdella. La partie historique est bien courte; il n’est pas certain que cet animal ait jamais été vu par un naturaliste, quoi- qu'il soit fort commun sur les homards qui vivent sur la côte de France et de Norwége. Slabber est le seul qui fasse mention d’un animal qui a un tant soit peu de ressemblance avec ce ver; il a vu un mollusque singulier et problématique, qu’il a figuré (1) et dont le corps, plus ou moins allongé, est bifurqué en ar- rière. Mais, en lisant attentivement sa description et en la comparant à son dessin, on se convaincra qu’il a eu un autre animal sous les yeux. On ne peut pas admettre, .en (1) Slabber, Natuurkundige Verlustigingen , p. 112, pl. 15, fig. 4 et 5, ( 275 eflet, qu'il ait pu ne pas apercevoir les appendices de la tête, qu'il ait pu représenter la bouche comme terminale, et il ne nous est pas possible non plus de nous expliquer la présence de ce double cordon qu'il figure le long du tube digesuf, et qui semble se terminer, en avant comme en arrière, par un faisceau de soies. Du reste, Slabber ne nous dit pas où il a trouvé ce pré- tendu mollusque qu'il n'a observé qu'une seule fois; et, après l'avoir comparé aux Chenilles, aux Sangsues et aux Mollusques, 11 finit par déclarer qu'on peut le placer où l'on veut. Il y à quelques années, au milieu d'observations qui absorbaient toute notre attention , il nous était tombé sous les yeux quelques-uns de ces vers; nous les avons décrits et figurés; et, par une singularité dont nous pouvons à peine nous rendre compte, nous les avons pris pour des larves (1). Ce qui paraît avoir causé cette erreur, c’est la présence de leurs énormes œufs autour du tube digestif, dont nous aurons pris le vitellus pour le restant d’une masse vitelline absorbée. Au lieu d’une mère, nous pensions avoir sous les yeux une larve en voie de développement. S IL. — Description extérieure. Nous ne connaissons aucun animal dont l'aspect soit aussi bizarre, nous pourrions dire même aussi original que celui que nous décrivons ici. Le corps est long et étroit (1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XX, n° 9. Note sur une larve d’Annélide d’une forme toute particulière, rapportée avec doute au Serpules. ( 274 ) comme un ver; 1} porte une tête dislinete armée de plu- sieurs appendices mous et droits, et il se termine en ar- . rière par deux véritables pattes qui lui servent à la marche. On dirait les deux pattes postérieures d'un crapaud sur lesquelles on aurait greffé le corps d’un ver avec une tête et des éminences qui ne sont ni des tentacules ni des an- tennes. La tête est large de 0"",55; elle est parfaitement dis- uncte du reste du corps : elle est à peu près aussi large que longue, déprimée, et montre, en avant , un premier appendice membraneux, médian, au premier abord assez semblable à une trompe. À l'angle extérieur de chaque côté sont situés deux au- tres appendices formés, comme le précédent, par la peau, et qui sont membraneux comme ce dernier. [ls sont placés au-dessus l’un de l’autre. Ces cinq appendices, qui ornent la tête, sont mous et légèrement élastiques, mais ils ne peuvent ni s'étendre ni s'invaginer. [Il n’y a que les Nerilla, les Syllis et quelques autres Annélides qui portent des appendices au segment céphalique, mais ils n’ont avec ceux-ci aucune ressem- blance. Plus en arrière, sur le côté, se trouve un autre organe membraneux aussi très-mobile, qui s'étale et se retire, s'élargit au bout ou s’amincit, et qui semble pouvoir agir comme une ventouse membraneuse pour fixer l'animal : c'est une patte céphalique semblable, sous le rapport ana- tomique et physiologique, à la patte qui termine de chaque côté le corps en arrière. Le ver peut marcher sur ces quatre appendices comme une chenille. On voit distinetement des fibres musculaires dans l’intérieur de la tête qui viennent s’insérer à la base de ces derniers organes. ( 2175 ) Le corps des Histriobdelles est allongé comme dans tous les vers, et il est très-irrégulièrement annelé. IT se dilate et se rétrécit alternativement, et, à l'exception de la région céphalique, la segmentation ne présente rien de constant. Il n'y a aucune apparence de soies dans aucune région du corps. Vers le tiers postérieur de sa longueur, il se gonfle assez brusquement à l'époque de l'apparition des organes sexuels, et la présence des œufs rend cette région du corps d'un blanc mat. C'est surtout par cette couleur qu'on distingue, au premier coup d'œil, les sexes entre eux. Le corps du ver, au lieu de se terminer en arrière par une ventouse, se Lermine, ainsi que nous venons de le voir, par deux véritables jambes ou pattes qui se plient, s'étendent et fléchissent comme un membre pelvien de grenouille ou de mammifère. Aussi l'animal se sert-il de ses pattes postérieures sur- tout, pour marcher entre les œufs de homard, et cette marche est parfaitement assurée par les ventouses mem- braneuses qui remplacent le pied. Ces ventouses consistent dans une légère modification de la peau, qui devient très-mobile, s'élargit et s'étale sous forme de disque membraneux ou se rétrécit en affectant la forme d'un pied d'éléphant. Au milieu de la région, qu'on peut comparer à une cuisse, on voit de chaque côté, sur le bord postérieur, un mamelon dont nous ne connaissons pas l’usage, et qui, sous le rapport de sa composition anatomique, présente la plus complète analogie avec les cinq appendices qui garnissent la tête. Ce sont les mêmes organes qui se trou- vent aux deux extrémités du corps. ( 276 ) On ne voit dans aucun annélide une disposition sem- blable, et cependant ces vers avec leurs singuliers appen- dices peuvent être ramenés, nous semble-t-il, au type ordinaire des vers hirudinés. En effet, toutes les Hirudinées, à l'exception des Péri- pates , ont une ventouse unique, postérieure; cetle ven- touse, dans l’animal qui nous occupe, est membraneuse et double, au lieu d’être simple et sessile, et chaque moitié est portée sur une tige mobile : voilà la signification des jambes postérieures. Dans certains Trématodes, nous voyons aussi les ventouses uniques des Tristomaires se multiplier, et des pédicules mobiles plus ou moins allongés porter ces ventouses au bout d’un bras mobile, comme, par exemple, dans les Polystomes : c’est la disposition ordinaire des Trématodes polycotylaires reproduite dans les Hirudinées. Il est probable que, par la suite, on en trouvera bien d’autres exemples pour compléter cette série parallélique. Si cette interprétation est la véritable, nous ne trou- vons plus rien d’anomal dans le genre qui nous occupe; mais l'Histriobdelle n’en reste pas moins un être bizarre et une Hirudinée d’une grande simplicité d'organisation. S [IL — Description anatomique. Il est assez remarquable que les divers appareils de l'économie animale, sauf l’appareil de reproduetion, se simplifient à mesure que la vie devient plus dépendante. Nous en trouvons un nouvel exemple dans l'animal qui nous occupe : la vie de relation est presque éteinte; la vie végétative s’accomplit par le seul appareil de digestion; mais l'appareil sexuel se développe et se complique au ( 544) point de dominer tous les autres. C'est la vie de l'espèce qui coûte le plus à assurer, et qui semble le plus menacée chez les parasites. s La peau ne nous présente rien de particulier. Comme on le pense bien, elle est complétement dépourvue de cils vibratiles, sauf à l'entrée de la bouche, et ne présente, comme nous venons de le dire plus haut, aucune appa- rence de soies dans aucune région du corps. Elle a une épaisseur ordinaire; dans toute son étendue elle est assez transparente pour distinguer, à travers son épaisseur, les organes qu’elle protége ; on la sépare aisément en épi- derme et derme, sauf aux extrémités des appendices qui servent de moyens d'attache et où elle devient d’une min- ceur excessive. La peau n'est ni annelée, comme dans les Astacobdelles, ni unie, comme dans les Malacobdelles : elle est très-irré- gulièrement ridée en travers et fort incomplétement seg- mentée. Elle a le même aspect dans la région céphalique et vers le milieu du corps; cependant, dans la région cé- phalique, on ne distingue pas de traces de contractions, tandis que, dans les autres régions, on la voit constam- ment ou se contracter ou s'élargir. Les cinq appendices céphaliques, en forme de fuseaux, sont formés par la peau, et, sans être roides comme des piquants , leur aspect ne change guère; c'est tout au plus si on les voit se rétrécir légèrement ou s'étendre dans l’un ou l’autre sens. Nous serions embarrassé si nous de- vions comparer ces organes à d’autres appendices dans les groupes voisins. Nous ne trouvons ailleurs rien qui leur ressemble, si ce n'est quelques Annélides marins qui ont la région céphalique garnie de diverses sortes d’appen- dices, les uns roides, les autres flexibles et semblables à (278 ) des antennes. Ce ne sont pas des tentacules comme on en trouve dans les Mollusques, ce ne sont pas non plus des antennes, et ils n’ont pas non plus les caractères de cirrhes. Il reste à s'assurer si les quatre épines trouvées sur la tête de l’Hirudo astaci, par Abildgaard, ont quelque analogie avec eux. Sur le bord postérieur des’ jambes qui terminent le corps, on trouve de chaque côté un tubercule qui parait tout à fait semblable, sous le rapport anatomique, aux ap- pendices de la tête. Il est probable aussi qu'ils se ressem- blent sous le rapport physiologique et que ces organes servent à la tactilité. Les deux paires d’appendices, qu’on pourrait bien dési- guer sous le nom de bras et de jambes, à cause de leurs fonctions, présentent une peau beaucoup plus mince et délicate , dont l’épiderme est réduit à une ténuité extrême et dont le chorion jouit d'une mobilité excessive : c’est une membrane mince et délicate qui s'étend dans tous les sens, prend toutes sortes de formes , et se creuse au bout en forme de ventouses pour servir d’organe d'adhésion. Dans plusieurs Trématodes et Cestoïdes (par exemple les calceostoma et les phyllobothrium), on trouve des prolon- gements cutanés semblables. Dans ces mêmes appendices, surtout les postérieurs, la peau est devenue si mince et si délicate que l’on dis- tingue parfaitement les faisceaux de fibres musculaires qui prennent racine au pli de laine, si l’on peut s'exprimer ainsi, passent de la cuisse dans la jambe, et vont se perdre tout autour dans l’épaisseur du chorion qui forme la ven- touse. | Ces vers ne sont pas collés sur leur proie, comme beau- coup d'iirudiniées; ils sont dans un mouvement continuel ( 279 ) autour des œufs, qui, au besoin, les protégent et dont ils cherchent à faire leur pâture. En dedans des appendices mobiles antérieurs et posté- rieurs, on voit des fibres musculaires isolées, qui devien- nent de temps en temps le siége de secousses qu'on peut fort bien comparer à des soubresauts de tendons dans les animaux supérieurs. Pour le voir, il faut tenir long- temps le ver en vue, jusqu’à ce que le corps se comprime lentement par l'effet de l’évaporation de l’eau qui les baigue. On voit quelques fibres musculaires semblables autour des pièces de la bouche. Nous ne disons pas que le système nerveux manque réellement; combien de temps n’a-t-il pas fallu avant de reconnaitre sa présence dans plusieurs groupes d'animaux inférieurs? Nous disons seulement que nous n'avons pas vu detraces de ganglions ou de nerfs, ce que leur petitesse explique peut-être suffisamment. On reconnait toujours plus aisément le système nerveux en étudiant un animal à l’aide de la lumière réfléchie qu’à l’aide de la lumière directe, et la petitesse du ver ne permet que l'emploi du dernier moyen pour cette étude. Nous ne serions cependant pas surpris si le système ner- veux faisait réellement défaut, ou plutôt, si les ganglions étaient tellement éparpillés et si petits que leur présence ne püt être révélée par les moyens ordinaires. Si une grande uniformité se remarque dans les vers supérieurs du groupe vraiment hirudiné, il n’en est plus de même des derniers genres; il y a plus : s’il est vrai que le pé- ripate appartient à ce groupe, et nous n’en doulons pas, les premiers et les derniers genres présenteraient des modifications bien curieuses dans la disposition de leur système nerveux : au lieu d’une chaîne ganglionnaire mé- ( 280 ) diane, il n’y aurait plus que quelques ganglions et nerfs latéraux, et il n’est pas très-facile de mettre ces organes à nu, quand la taille de l’animal ne dépasse plus qu’un ou quelques millimètres. L'appareil le plus complet de la vie végétative et en même temps le plus facilement reconnaissable, est sans contredit l'appareil digestif. On le voit aisément à travers l'épaisseur de la peau et, depuis la bouche jusqu’à l'anus, on le suit facilement de l'œil. Il est divisé en deux parties nettement distinctes, dont la première est logée dans la portion céphalique, l’autre dans le reste du corps. Cette première partie comprend à la fois la cavité de la boucheet l'œsophage, tandis que la seconde correspond à l'estomac et à l'intestin. Ce n’est pas sans raison que les zoologistes attachent une haute importance à l'étude de la conformation de la bouche et des pièces qui servent à la manducation ou à la succion. Souvent ces organes indiquent parfaitement le type de la famille, ou même de la classe à laquelle l'animal appartient. Nous allons voir que c’est encore le Cas ici. La disposition de cette partie du tube digestif est, en effet, extrêmement remarquable. En premier lieu, nous ferons remarquer que le contour de la tête reste le même, quelles que soient les modifica- tions de la bouche, contrairement à ce qui a lieu en gé- néral chez les vers du même groupe : la forme du segment céphalique ne varie guère, parce que la cavité de Ja bouche, en s’évaginant, s’applique elle-même sur la proie. Nous avons déjà signalé une disposition semblable dans la Capitella fimbriata. L'orifice de la bouche est situé à la face inférieure de la L. 4 ( 281 ) région céphalique, à une courte distance du bord libre. Cet orifice est demi-circulaire pendant le repos. Sa pré- sence est d'autant plus facile à découvrir qu'il est le siége d'un mouvement vibratile très-intense. Nous disons que cet orifice buccal est demi-cireulaire pendant le repos, mais la cavité buccale est protractile, comme nous venons de le voir; les parois s'étalent en une trompe sphérique très-régulière, et dans cet état de pro- trusion, la bouche devient complétement circulaire. Cette disposition s’observe fort bien sur quelques individus cou- chés sur le dos et qui n'ont pas perdu de leur vitalité. Au fond de cette courte trompe, largement ouverte comme un entonnoir, on voit l'extrémité libre de trois pièces solides, de couleur brune, très-distinctes par leur couleur foncée à travers les enveloppes qui les entourent. Nous leur donnerons le nom de mâchoires, pour rendre la description plus simple et parce que, d’ailleurs, nous les croyons homologues avec les mâchoires des Hirudinées. Voici leur arrangement : Il y a d’abord deux mâchoires placées symétriquement et qui se correspondent complétement sous tous les rap- ports. Elles ont une couleur bistre, s’allongent en arrière sous forme de lames jusque près de l’extrême limite de la région céphalique, et laissent un certain espace entre elles. On pourrait les comparer à des élvtres très-allongées de Coléoptère légèrément écartées l’une de l’autre, sur- tout vers leur extrémité postérieure. On pourrait les com- parer aussi à deux Coupe-papier, tels qu'on les fait en bois et que l’on placerait à côté l’un de l’autre en les écartant légèrement à l’un des bouts. Ces mâchoires sont également larges sur toute leur longueur ; leur extrémité bre en ar- rière est tronquée obliquement. ( 282 ) En avant, ces organes chitineux se touchent au point de se confondre, en s’unissant à la troisième pièce dont nous allons parler. Ces mâchoires, vers leur extrémité libre antérieure, qui est logée au fond de l’entonnoir, deviennent rugueuses à la surface et se hérissent même de courtes aspérités qui leur donnent une apparence de brosses. Au lieu d’être ter- minées en pointe en avant, comme on le voit communé- ment pour ces pièces de la bouche des parasites, ces or- ganes sont tronqués en travers. À la base de cette portion rugueuse, on aperçoit encore une éminence crochue, dont la pointe est dirigée en de- hors et en arrière et qui semble empêcher le retrait de ce singulier appareil de succion, quand il a perforé les parois des œufs dont 1l suce la masse vitelline. | À ces pièces paires se joint une troisième pièce impaire plus courte et beaucoup plus grêle que les précédentes, de la même couleur et de la même consistance, et qui fait, par son extrémité postérieure, l'effet d’un stylet, dont les autres formeraient la gaine. Cette dernière, en effet, est étroite dans toute sa longueur, et son extrémité posté- rieure est entièrement libre. Ces trois mâchoires jouissent d’une certaine mobilité, surtout l’impaire, que l’on voit s'abaisser et s'élever alter- nalivement. Une gaine membraneuse assez délicate entoure ces sin- gulières mâchoires et s'étend juste jusqu'à la limite de la région céphalique. Comme organes moteurs, nous avons vu très-distincte- ment, de chaque côté de l'extrémité libre des mâchoires paires, un faisceau de fibres, dont la direction d'arrière en avant et de dedans en dehors nous fait soupçonner + ( 285 ) qu'il est de nature musculaire et sert à la protrusion de ces pièces solides. Quant au jeu de cet appareil et son but fonctionnel, si nous avons égard au singulier genre de vie de ces ani- maux au milieu des œufs de homard, et à l'absence com- plète de toute partie solide dans l'intérieur de leur tube digestif, nous ne doutons nullement que ces pièces solides ue servent à percer les enveloppes des œufs , et à procurer par la succion du vitellus, la pâture qui doit entretenir la vie de l’animal. Ainsi voilà un tube digestif droit sans poches stoma- cales, sans circonvolutions, ne présentant d'autre divi- sion qu'une entrée œsophagienne armée de longues pièces chitineuses; et tout ce tube digestif, au lieu d’être em- brassé par le parenchyme du corps, comme il l'est dans les Hirudinées supérieures, est librement suspendu dans la cavité générale. Il se rapproche, sous ce rapport, des Asta- cobdelles aussi bien que des Malacobdelles, avec cette différence que, chez ces derniers, le canal intestinal pré- sente vérilablement des circonvolutions. L'appareil respiratoire manque complétement, ce qui n'étonnera personne, puisque jusqu’à présent, les Bran- chiobdelles des Torpilles sont les seules Hirudinées chez lesquelles on ait reconnu la présence de ces organes. L’Histriobdelle entre donc dans la règle commune en ac- complissant celte importante fonction par la surface cu- tanée ordinaire. L'appareil circulatoire est si peu développé, surtout com- parativement aux Hirudinées supérieures, que plus d’un observateur dira, après avoir étudié quelques-uns de ces vers, que les vaisseaux manquent complétement. C'était aussi notre première opinion. Mais, après avoir étudié ( 284 ) région par région, sur le vivant bien entendu, nous avons trouvé, enfin, un tronc que nous croyons être vasculaire, qui est situé sur la ligne médiane ou au-dessus du tube digestif, derrière les organes sexuels. Ce trone disparaît en avant pour reparaître bientôt de nouveau et se diviser en deux branches, embrassant le tube digestif comme des vaisseaux anastomotiques. Ces vaisseaux ont une légère teinte rougeâtre el ne contiennent aucune apparence de globules. Nous n’en avons, du reste, pas vu davantage dans la lymphe périgastrique. Ces vaisseaux paraissent et disparaissent selon leur état de systole et de diastole, et c’est ce qui nous confirme de plus dans l'opinion que ce sont bien des organes qui ap- partiennent à l'appareil circulatoire. Au-devant des pièces de la bouche, on découvre, surtout sur certains individus, quelque chose d’analogue : on voit des vaisseaux formant un demi-cercle, et dont les parois sont d’une contractilité extraordinaire, charrier des glo- bules irréguliers qui s’entassent ou disparaissent en appa- rence dans le parenchyme du corps. Voici ce que nous avons observé, en outre, chez les Histriobdelles : À peu près dans toute la longueur du corps, on dis- tingue, non sans quelque difficulté et après avoir étudié ces vers dans leur ensemble, des canaux fort grêles con- tenant des fouets vibratiles, qu'on ne peut s'empêcher de comparer à l'appareil sécréteur urinaire des Trématodes et des Cestoides. Nous avons vu ce même mouvement vibratile dans l’intérieur d’une anse située à la base du pénis invaginé, et qui est indépendant du mouvement produit par les filaments spermatiques dans l’intérieur de la vésicule séminale. Henle, du reste, a fort bien reconnu PERS — lé dé > … à mnt ( 285 ) cet appareil dans l'Astacobdelle des écrevisses, si voisin, avons-nous dit déjà, du ver qui nous occupe. Il est à remarquer que les vaisseaux dont on a doté les Malacobdelles n'existent pas réellement, pas plus qu'il n’y a de vaisseaux véritables dans les Trématodes et les Ces- toides; les Histriobdelles, sous le rapport de l'appareil sauguin, eccupent vraiment le milieu entre les Astacob- delles et les Malacobdelles. Nous avons étudié ces deux genres sous ce point de vue, et nous avons pu le faire heureusement sur le vivant. Les Astacobdelles ont cet appareil assez développé et très-facilement reconnaissable, au-dessus et au-dessous du tube digestif. L'appareil sexuel, nous l'avons déjà fait remarquer, semble d'autant plus développé que l’animal mène une vie plus parasite. Dans plusieurs cas, on voit, en vérité, le pa- rasite se réduire à un sac à œufs. Ceci nous explique donc pourquoi nous trouvons les organes des Histriobdelles plus développés qu'on ne les trouve communément dans les vers libres. Mais ce que nous avons plus de peine à nous expliquer, c'est la dioïcité de ces vers. Les Hirudinées en général sont monoiques, comme les Lombriciens , et si nous trouvons dans ces derniers des Capitella monoïques, c’est encore un genre d'Hirudinée de plus également monoïque. Les Malacobdelles et les His- triobdelles, qui semblent devoir compter parmi les plus dépendants des Hirudinées, sont monoïques, tandis que les Astacobdelles , si voisines, sont à sexes réunis. En tout eas, il résulte clairement de ceci, que la réu- nion ou la division des sexes sur un ou deux individus n’a aucune importance zoologique , et que l’on trouve des exemples des deux dispositions dans les groupes inférieurs ( 266 } les plus naturels. On sait, du reste, maintenant que les Vertébrés eux-mêmes ne sont pas tous dioiques, comme on l’a cru pendant si longtemps. Le corps du ver est enflé vers la partie postérieure, et cest dans cette région que logent les ovaires et les œufs. L'ovaire est double et il présente le même développe- ment à droite qu'a gauche. Hors de la saison de la ponte, il doit être difficile à découvrir. Il renferme de six à douze œufs distincts, de diverses grandeurs et qui trahissent sa présence. Les œufs les plus avancés sont ceux qui se trou- vent le plus près de la partie postérieure du ver. En avant, on en voit qui ne sont formés que de leurs vésicules ger- minatives. On trouve communément un ou deux œufs occupant le milieu ou le côté derrière l'ovaire et qui sont très-volumi- neux, relativement au volume du ver adulte. Ces œufs changent aisément de forme sous la pression des parois du corps; on en voit quelquefois qui sont dé- coupés sur le côté, comme le rein ou le poumon des oiseaux qui s'est moulé dans l’espace laissé par les vertè- bres et les côtes. Dans tous ces œufs, même les plus complets, on aper- çoit les vésicules germinatives au milieu de la masse vi- telline. L’orifice de cet appareil est double : les œufs sont éva- cués sur le côté du corps, en avant de la région renflée qui renferme cet appareil. Nous n'avons pas vu les parois de l’oviducte, qui doivent être d’une grande ténuité et très- élastiques. On voit en effet les œufs, malgré leur volume, se déplacer aisément et se rendre tantôt à droite, tantôt à gauche, en avant ou en arrière, selon les contractions du corps de l’animal. CP TT —. — ( 287 ) A l'entrée du vagin, de chaque côté est située une toute petite vésicule plus ou moins opaque ou pleine et qui correspond peut-être à un spermatophore ou vésicule co- pulative. Ce n’est qu'après avoir éludié l'appareil femelle qu'on parvient à découvrir les individus mâles. La taille est la même dans les deux sexes. La même région qui loge les œufs et l'ovaire, loge le testicule et ses produits dans le mâle; mais le corps ne présente jamais une dilatation aussi grande que celle qui est produite par la présence des œufs. L'appareil est symétrique et se répète à droite et à gau- che jusque dans ses moindres détails. Nous n'oserions affirmer qu’il y ait communication entre les appareils de droite et de gauche. Le testicule est composé de larges cœcums dans lesquels se forment les œufs à spermatozoïdes. Ces spermatozoïdes sont peu allongés, assez larges à l’un des pôles surtout, et ne sont pas sans ressemblance au premier abord avec ces rognures de papier qu’on trouve chez les relieurs. Entassés dans le spermiducte, ils rendent cet organe opaque et per- mettent de le suivre aisément jusqu’à son orifice. Derrière le testicule et le spermiducte, on voit de chaque côté une vésicule à parois nettement distinctes, qui contient, dans son intérieur, un certain nombre de cellules à contours tranchés. Quelquefois, nous avons vu une sorte de frémissement dans cet organe, dont nous n'avons pu connaître la signification. Au-devant de cette vésicule, on en aperçoit une autre, qui est opaque et un peu plus petite, pleine et dans laquelle on voit de temps en temps un mouvement de trémous- sement. 2° SÉRIE, TOME V. 20 ( 288 ) \ Entre les deux organes, on voit parfaitement un mou- vement vibratile. Il existe un double pénis, qui s'invagine pendant le repos et ne présente aucune aspérité à la surface. Nous l’avons vu, dans quelques individus, dégainer spontané- ment. $ IV. — Développement. Faire connaître un animal entièrement nouveau pour la science et joindre à la première description l’histoire de son développement complet, c’est une circonstance bien rare dans les annales de la science. Nous avons été assez heureux de trouver, après avoir étudié les caractères extérieurs et les divers appareils, les différents sexes et leurs œufs contenant des embryons à tous les degrés de développement. Depuis l’œuf contenu dans le ventre de sa mère, jusqu'à celui que la mère pond sur les filaments des œufs de homard et qui crève à la moindre pression, en laissant échapper un embryon com- plet, nous avons pu étudier tous les degrés intermédiaires. Quelques jours, nous dirions presque quelques heures, nous ont sulli pour faire toute cette embryogénie. Une fois que les œufs étaient découverts, nous en trouvions de tout âge et autant que nous en désirions. Nous avons vu plus haut comment et où les œufs se forment et que, avant la ponte, on en voit un ou deux d’un très-grand volume vers la partie postérieure du corps. C'est même la présence de ce volumineux œuf qui nous avait induit en erreur, et nous avait fait prendre le vitellus pour une masse vitelline à moitié absorbée par le travail embryogénique. L'œuf est formé d’une masse vitelline incolore qui se ( 289 ) déplace sous l'enveloppe, comme les granulations du corps des grégarines. Avant d’avoir bien connu les œufs, nous avons même eu un Instant la pensée que nous avions des grégarineés sous les yeux; mais ils étaient évidemment logés hors du tube digestif. Nous avons vu des mâles et des femelles ensemble dans un véritable état d'agitation, et comme les œufs, avant la ponte, montrent encore leurs vésicules germinatives, la fécondation ne s'opère peut-être que pendant ou après la ponte. L'enveloppe de l'œuf est d'une ténuité extrême, et l'œuf change de forme sous la moindre pression exercée par la peau. | Ces œufs sont attachés séparément aux faisceaux mem- braneux qui lient les œufs de homard entre eux. Nous en avions vu déjà, et même nous en avions dessiné à côté des œufs de homard avant de connaître leur véritable nature. C'est par un de pôles que l'œuf s'attache. Nous avons trouvé des œufs de homard avec des His- triobdelles, depuis le mois de juin jusqu’au mois d’oc- tobre, et à cette époque on en trouve encore qui sont récemment pondus. Le développement est direct et fort simple. Après le fractionnement du vitellus, la masse se condense, et il se forme un espace entre la coque de l’œuf et son contenu. Bientôt on aperçoit une séparation entre la portion vi- telline, qui occupe le centre, et le blastoderme, qui forme une enveloppe autour d’elle. Le jeune ver a la forme d’un sac, dont les parois sont assez épaisses, et qui est rempli de globules vitellins : c’est un manchon dont la doublure représente la cavité digestive. Ce sac blastodermique s’allonge vers les deux pôles, et, ( 290 ) ne pouvant s’étaler en longueur, il se replie sur lui-même, de manière que le pôle céphalique tend à se rapprocher du pôle caudal. Dès ce moment déjà, la région céphalique est distincte, et l'embryon devient reconnaissable. L’extrémité caudale s’échancre ensuite au milieu, et les deux jambes posté- rieures apparaissent. C’est donc par un procédé tout difié- rent de celui d’après lequel les pattes en général se for- ment, que ces appendices postérieurs surgissent. Puis vers le milieu de la région céphalique apparaît, sur la ligne médiane, une tache qui s'étend assez rapide- ment en largeur, se dessine de plus en plus nettement par sa forme comme par sa situation; il n’y a bientôt plus aucun doute sur sa signification : ce sont les pièces de la bouche ou les mâchoires qui ont surgi. Enfin , avant de naître, la tête est distinctement déve- loppée; les pièces de la bouche sont près d'entrer en fonc- lion ; les. jambes sont complétement formées et peuvent servir à la locomotion, et le canal digestif, facilement reconnaissable aux débris de masse vitelline renfermés encore dans son intérieur, s'étend dans toute la longueur du ver. On voit la bouche et l'anus. Tous les organes extérieurs sont complétement déve- loppés à la sortie de l’œuf et même avant l’éclosion : on peut très-bien s'assurer que c’est la miniature du ver adulte. La jeune Histriobdelle n’a plus qu’à prendre ses organes sexuels pour être animal parfait. Ainsi, après l’éclosion, il n’y a plus même de change- ments de forme ni de modifications dans les organes exté- rieurs. Il n’y a aucune apparence de métamorphose après la naissance. C’est un point fort important dans l'histoire ( 291 ) de cet animal et qui tranche, avec le mode de rentrée du vitellus, la question de l'embranchement auquel il appar- tient. Il s'éloigne par ses caractères embryogéniques de tous les Articulés sans distinction, et surtout des Ler- néens, avec lesquels on pourrait, au premier abord, lui trouver quelques aflinités. Tous les Lernéens ont leurs deux paires d'appendices antérieurs au moment de l’éclo- sion, et leur région caudale, quelle qu’elle soit, se déve- loppe tardivement. La région caudale, au contraire, est entièrement formée dans l'Histriobdelle avant l’éclosion. $ V. — Afjinités. Après avoir passé en revue les caractères extérieurs des Histriobdelles, après avoir étudié la structure anatomique et les principaux phénomènes de leur développement, il nous reste encore à étudier un point important de leur histoire : c’est la place qu'ils doivent occuper dans le ta- bleau méthodique du règne animal. La forme du corps est si singulière, avons-nous dit déjà, ses caractères extérieurs l’éloignent tellement de tout ce que nous connaissons, que nous n'avions pas même cru devoir chercher son rang dans la série des animaux adultes, lorsque nous avons vu ce singulier parasite pour la première fois. On connaissait, du reste, déjà tant de formes bizarres parmi les larves des vers. Avant de rechercher les affinités de ces singuliers ani- maux, voyons si les zoologistes s'accordent sur les grandes divisions du règne animal (1). Linné, le premier qui ait véritablement établi une clas- = — om (1) Voyez Zoologie médic., par MM, Gervais et Van Beneden; Paris, 1858. ( 292 ) sification, n’admettait au fond que trois grandes divisions : les Vertébrés, les Insectes et les Vers. Cuvier ayant étudié avec soin des Mollusques cépha- lopodes, et, frappé de la supériorité de certains appareils de la vie organique, éleva tout le groupe des Mollus- ques au rang d’un embranchement, et laissa les autres vers de Linné ensemble sous le nom de Zoophytes ou Ra- diaires. De Blainville, en tenant compte avant tout de la forme, qui traduit toujours, d’après lui, le fond, divise les ani- maux en Zygomorphes, Actinomorphes et Amorphes. Nous croyons la première division, celle de Linné, la plus simple, la plus vraie, et, en même temps, nous la considérons, quoique Linné n’ait pas pu profiter des tra- vaux embryogéniques, comme la seule qui repose sur les véritables principes méthodiques. | Un des plus grands zoologistes de l’époque à dit avec raison que c’est dans la constitution de l'embryon qu'il faut chercher les caractères essentiels des grandes divisions xoolo- giques, comme c'est dans la constitution de l'animal, par- venu au dernier terme de son développement spécifique, que l’on rencontre les caractères les plus tranchés de l'espèce (1). En partant de ces principes, les divisions généralement admises en zoologie sont évidemment artificielles, et il est plus que temps de mettre à profit les nombreuses décou- vertes faites en embryogénie. Nous n'invoquerons ici qu'un seul fait, mais 1l porte avec lui sa haute signification. M. Lacaze-Duthiers a vu que les Dentales, tout en étant des Mollusques véritables, sont tellement semblables aux (1) M. Milne Edwards, Ænnal. des sc. nat., 5"° série, vol. [®r, p. 69. “ = ( 293 ) vers, à l'âge embryonnaire, que, si le développement éprou- vait un temps d'arrêt, on devrait en faire nécessairement des Annélides (1). En appliquant aux Dentales les principes que nous ve- nons d’énoncer, il est évident que les Mollusques , qui dé- butent comme des Annélides, ne peuvent former une divi- sion de la même valeur que les Vertébrés et les Articulés, et que les vers appartiennent à un autre groupe que celui des Articulés; en d’autres termes, qu'il n'y a pas d’em- branchement des Annelés. Si les vers étaient des dérivés du type articulé, ou si les Articulés étaient des vers supé- rieurs, ce qui est la même chose , ces animaux devraient, à une époque quelconque de leur vie embryonnaire, se ressembler, ce qui n’est réellement pas. L’articulé naît avec les traits propres à son embranche- ment, comme le vertébré, mais il n’a rien de commun avec les vers, peu importe à quel groupe ils appartiennent. Les embryons de Dentales diffèrent autant des embryons des Articulés que de ceux des Vertébrés, et, d’après toutes les données embryogéniques, les Vertébrés terminent par les Amphyoxus et les Articulés par les Lernéens, les Roti- fères et les Myzostomes. Voilà ce qui ressort à la dernière évidence des principes posés plus haut. Linné a donc eu raison d'avoir relégué les Vers avec les Mollusques et les autres animaux inférieurs dans un em- (1) Ayant montré mes dessins à des personnes auxquelles, par des recherches spéciales, le développement des vers est bien connu, il me fut répondu : le Dentale est un ver. Maïs en présentant les figures des pé- riodes plus avancées, le mollusque se faisait reconnaitre, et l'opinion était modifiée, dit M. Lacaze- Duthiers, dans son mémoire Sur le développement des Dentales. (ANNaL. pes sc. NAT., 1857, t. VII, p. 219.) ( 294 } branchement à part, qui se divise en plusieurs sous-em- branchements. Cette troisième division, c'est notre groupe des Allo- colylés, parce que le vitellus ne rentre plus ni par le dos, ni par le ventre, comme il le fait chez les animaux des deux premiers embranchements. M. Agassiz, dans un travail récent, a reproduit notre classification et nous à fait l'honneur de la réfuter, en disant que, dans la troisième de nos divisions, tous ces animaux ne sont pas Allocotylés (1). Nous ne sommes pas surpris de voir les naturalistes conserver encore les quatre embranchements de Cuvier qui servent de base à leurs études, mais nous n’en dirions pas autant, si la nouvelle génération qui s'élève et qui possède le contrôle de l’em- bryogénie, en faisait autant. Nous ne disons pas que tous les animaux que nous réu- nissons sous le nom d’Allocotylés soient semblables sous le rapport de la rentrée du vitellus; mais, certes, tous ne sont ni hypocotylés ni épycotylés, et nous employons un caractère négatif pour Les réunir, à l'exemple des botanistes qui ont leurs végétaux cryptogames ou acotylédonés. Nous ferons même l’aveu que les Allocotylés ne consti- tuent pas plus un groupe naturel que les Acotylédonés dans le règne végétal; que, en importance, les Mollusques, les Vers, les Échinodermes, etc. peuvent être placés sur le même rang que les Veriébrés et les Artuculés, comme les fougères, les mousses, les conferves, etc., occupent le même rang que les Monocotylédones ou les Dicotylédones. Il y a sous tous ces rapports une analogie remarquable (1) Agassiz, Essay on classification. ( 295 ) entre les deux règnes végétal et animal , et si la botanique a recueilli de grands avantages de cette division, la z00- logie doit en recueillir de même. Tàchons maintenant d'établir les aflinités de l'animal qui nous occupe : il est évident que l'embryon n'a rien de commun avec les deux embranchements supérieurs : c’est donc un Allocotylé. Si on ne voit que le dessin de l'animal, même avec la représentation de ses divers appareils, nous comprenons fort bien que la première pensée qui se présente, c’est que c'est un Lernéen. En faisant convaitre l'Histriobdelle à la réunion des naturalistes à Carlsruhe, un de nos illus- tres confrères, notre ami Kôlliker, nous demanda, avec beaucoup de raison, pourquoi nous n’en faisions pas un Lernéen. Notre réponse a été celle-ei : Nous avons pu heu- reusement faire l’'embryogénie de l’'Histriobdelle, et cette étude nous montre clairement qu'il n’a rien de commun avec les Crustacés inférieurs. Tous les Crustacés, même les plus dégradés, comme les Peltogaster (qu’il faudra appeler Sacculina, Thompson ayant depuis longtemps établi ce genre), ont deux paires de pattes plumeuses, ou du moins sétifères, en naissant, et l'abdomen, comme la queue, ne se développent que tardivement. Dans l'Histriobdelle il n’y a rien qui ressemble à ces deux paires de pattes, ni avant ni après l’éelosion, et toute la partie postérieure de l'animal est formée au moment de la naissance. Nous avons ajouté encore quelques remarques sur les différences fondamen- tales des pièces de la bouche, des antennes, ete., et les illustres zoologistes qui étaient présents à la réunion (MM. Rathke, von Siebold, Nordmann, Lereboullet et plu- sieurs autres) nous paraissaient accepter notre conclusion. M. Kôlliker lui-même, croyons-nous, après ces expliea- ( 296 ) tions, était disposé à partager notre manière de voir. Après les caractères fournis par l’embryogénie, si nous consultons l'animal adulte, la symétrie des organes, et sur- tout des organes sexuels, la forme allongée et plus ou moins annelée du corps nous semblent dénoter clairement que nous avons sous les yeux un animal de la division des vers. Mais à quel groupe de vers appartient-11? Les affinités sont si obscures au premier abord que nous sommes obligé de procéder par exclusion. Ce n'est ni un Nématoïde ni un Térétulaire, cela est évident! mais est-ce un Anné- lide ou un Cotylide? Ce n’est pas un Annélide, puis- qu'il n’a pas de soies, pourrait-on dire, mais il y a des Annélides véritables sans soies, donc l’absence de ce caractère n’a guère d'importance. Ce ver a un appa- reil sexuel assez compliqué, aussi bien dans le sexe mâle que dans le sexe femelle, et comme il est parasite à l'instar des Cotylides supérieurs, nous n’hésitons pas à le placer dans ce dernier groupe avec les Cestoïdes, les Trématodes et les Hirudinées. Il n’est évidemment ni cestoïde ni tré- matode ; au milieu d’autres caractères, 1l a le tube digestif complet, il est donc hirudiné, c’est-à-dire du grand sroupe auquel appartiennent les sangsues. Après avoir procédé par exclusion, essayons aussi l’autre méthode, car, si, au premier abord, toute analogie avec les vers actuellement connus nous échappe plus ou moins, nous pouvons cependant signaler quelques genres qui servent de lien ou de transition pour rattacher les Histriobdelles à leur famille véritable. En parcourant les vers hirudinés avec lesquels les Histriobdelles ont le plus d’affinité, nous avons été frappé, en comparant ces vers avec soin, des ressemblances qu'on observe entre eux et les Branchiobdelles (Odier) ou Asta- ( 297 ) cobdelles des écrevisses. Ces ressemblances ne se bornent pas seulement au facies et aux caractères extérieurs, on trouve même plus d'une analogie dans la structure anato- mique et surtout dans le genre de vie. Ayant étudié par nous-même les Astacobdelles, nous avons voulu nous assurer aussi de ce que les auteurs en disent sous le rapport zoologique et physiologique, et ce n’est pas sans un vif étonnement que nous avons vu Si- gnaler, par O.-F. Müller, un ver des plus singuliers dont la description paraît avoir complétement échappé aux naturalistes et qui semble avoir été confondu à tort avec les À. astaci. Ce ver sert vraiment d'introducteur, si je puis m'exprimer ainsi, à notre singulier Histriobdelle. Il est figuré ( pl. 149, p. 44, vol. IV), sous le nom de Iirudo astaci, dans la Zoologie danoise d'O.-F. Müller, el c'est Abildgaard qui l’a trouvé : circa oculos astaci fluvia- tilis Siaellandiae. Il a pour caractères remarquables, caput distinctum, latius, spinis quatuor; macula antica f[erru- ginea, dentibus duobus, qui in vermi emortuo, æsophago protruso, apparent. Il nous paraît évident que la forme distincte de la tête, les quatre épines qui la recouvrent, et même les préten- dues dents qui apparaissent pendant la protrusion, font ressembler notablement cet Astacobdelle à notre nouveau genre. Toutefois, le ver de la Zoologie danoise est tronqué en arrière, comme dans les Hirudinées en général, et le tube digestif paraît présenter des circonvolutions, ce qui n’est pas le cas des Histriobdelles. Ce ver d’Abildgaard a besoin d’être soumis à de nou- velles investigations, mais on peut dire déjà que ce n'est certes pas l’Asfacobdella astaci, comme on l’a cru jusqu’à présent. ( 298 ) Nous avons trouvé ensuite quelques autres indications qui ne sont pas sans intérêt pour la question qui nous occupe. Outre les Astacobdelles qui vivent sur les branchies de l’écrevisse, M. Henle signale sur le même crustacé d’autres vers qui, au lieu de vivre sur les branchies, hantent la face inférieure du corps, particulièrement les espaces mem- braneux intersegmentaires de la région caudale. Leurs œufs sont plus grands et plus foncés, et sont attachés dans les régions du corps habitées par ces vers : c’est le Br. para- sila ; il est plus grand et plus opaque, la tête est très-dis- tincte et plus large que le reste du corps, et le corps est divisé en un plus grand nombre de segments (30 au lieu de 17). M. Henle parle encore des mâchoires qui sont sem- blables, d’une rangée de cils très-espacés sur la lèvre supé- rieure et la lèvre inférieure, et, enfin, d’une rangée d'épines sur le bord de chaque mâchoire (1). Ïl est de la plus haute importance pour le groupe des Hirudinées, que ces vers d’Abildgaard et de Henle soient étudiés comparativement avec l’Astacobdella astaci et le genre Histriobdella que nous faisons connaître ici. Il résul-. tera, pensons-nous, de cette étude, l'établissement d'un groupe à part qui aura au moins les caractères d’une fa- mille particulière, et peut-être l'importance du groupe des Malacobdelles et des Péripates. Tout en étant persuadé de leur affinité avec les Hirudi- nées en général, nous signalerons cependant quelques ea- ractères qui ne semblent pas favorables à ce rapprochement. Ainsi, toutes les Hirudinées véritables sont monoïques et montrent les orifices sexuels simples sur la ligne mé- (1) Muller’s Archiv, 1835, ( 299 ) diane du corps, tandis que les Histriobdelles sont dioiques, et leurs orifices sexuels, dans les màles comme dans les femelles, sont doubles et s'ouvrent sur le côté du corps. Les Péripates que nous plaçons dans le même groupe que les Hirudinées, semblent être les seuls qui aient des orifices sexuels doubles. Les Hirudinées véritables ont toutes, jusqu'aux Astacobdelles, un système circulatoire complet, et c'est à peine si nous en trouvons encore des traces dans les Histriobdelles, qui établissent la transition aux Malacobdelles et les Trématodes. Le prétendu vaisseau dorsal des Malacobdelles est, d’après nos observations, une dépendance de l’appareil sexuel (canal déférent dans les mâles). GENRE HISTRIOBDELLA, Van BEN. Caractères. — Corps arrondi, annelé, alternativement plus large et plus étroit ; tête distincte, portant un appen- dice droit médian et deux appendices paires aux angles antérieurs de la région céphalique; en outre, de chaque côté de cette même région céphalique, un appendice mem- braneux, arrondi, très-mobile, servant de patte et qui peut s’évaser en ventouse. La bouche est protruse, son orifice est cilié, ainsi que le tube digestif, et il se trouve à l'entrée trois mâchoires chitineuses, mobiles, disposées en suçoir. Le corps est terminé en arrière par deux jambes très-mo- biles servant à la locomotion, et qui portent, comme les appendices locomoteurs de la tête, une expansion mem- braneuse pouvant servir de ventouse. Ces vers sont dioïques ; les orifices sexuels sont doubles et situés sur le côté. Les deux sexes ont la même taille. Leur développement est direet. ( 300 ) H1STRIOBDELLA HOMARI, Van Ben. 4 Longueur du corps : 1°" à 4,50; largeur du tronc : 0"%,95 à 50; à la hauteur de l’anneau sexuel : 0"",6:; de la tête : 0,35. Dimension des œufs, le plus grand diamètre :0"",40 (1). Ils vivent en abondance sur les homards aussi bien sur ceux qui viennent de la côte de Norwége que sur ceux qui nous arrivent des côtes de France (Cherbourg). Nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous assurer s'ils sont aussi communs sur les homards de la côte d'Écosse. Il est trés-facile de trouver des Histriobdelles en grande quantité sur les homards qui sont chargés d'œufs. Il suffit d'enlever au hasard quelques œufs à l’aide d’une pince (on sait que ces œufs tiennent ensemble et forment desgrappes), de les placer dans un verre de montre avec un peu d’eau de mer, et on est sûr d’en voir remuer un certain nombre entre les nombreux filaments qui les réunissent. Un seul homard en nourrit ordinairement plusieurs centaines. Depuis le milieu du mois de juin, nous avons trouvé des homards chargés d’œufs contenant des embryons près d'éclore. Nous en avons trouvé encore au mois d'octobre, venant de la côte de France, et dont la ponte était toute récente, les embryons étant tout au début de leur déve- loppement. Ainsi, on pourra avoir, pendant tout l'été, des homards sur lesquels il sera très-aisé de trouver ces parasites. À voir les conditions dans lesquelles habitent les His- (1) Les œufs de homard, au milieu desquels vivent ces vers, mesurent à peu près, dans leur plus grand diamètre, 2, dés ( 501 ) triobdelles, nul doute qu'ils ne vivent aux dépens des œufs ou de très-jeunes embryons, peut-être même des cadavres de jeunes homards. Il y en a toujours un certain nombre qui ne se développent pas ou qui meurent dans le cours de leur évolution, et les Histriobdelles pourraient bien être les vautours de ces régions sous-caudales. Ce qui nous confirme dans cette supposition, c’est que nous n'avons jamais rien trouvé de vivant dans leur tube digestif, et la nourriture même n'a plus l'aspect si caractéristique des globules vitellins. L'on trouve, dans le canal digestif, au milieu de globules éparpillés, des agglomérations sous forme des boudins ou de fuseaux : ce sont les fèces que le ver évacue régulièrement. En résumé : Slabber est le seul qui ait vu un animal ayant quelque ressemblance avec les Histriobdelles. Le ver que nous avons pris pour une larve de serpule, est un ver adulte. L'appareil digestif est complet , celui de la circulation est rudimentaire, tandis que celui de la reproduction do- mine tous les autres. Les œufs sont attachés séparément et ne contiennent qu'un seul embryon. Avant l’éclosion , il a la forme des adultes, et il ne subit pas de métamorphoses après la naissance. Le genre Histriobdelle est une Hirudinée dans laccep- tion la plus large du mot, et s'il se rapproche des Asta- cobdelles, il à plus d’aflinités encore avec un ver parasite qu'Abildgaard a trouvé autour des yeux d’une écrevisse fluviatile. Il a pour caractères principaux : trois màchoires chiti- (302 ) neuses, cinq appendices droits, et une paire d'appendices flexibles et membraneux à la Lête; une paire de pattes non articulées en arrière; 11s sont dioiques; les orifices sexuels sont doubles et s'ouvrent sur le côté dans les deux sexes; le développement est direct. EXPLICATION DES FIGURES. HISTRIOEDELELA AMONAMA. (Les mêmes lettres indiquent les mêmes organes dans les diffcrentes figures.) SQL S € À = =. ES > SE LS PC CES Ÿ. Orifice de bouche. Pièces solides de la bouche, CEsophage. Cavité digestive. Cils vibratiles qui la tapissent. Anus. _Appendice médian unique. — , paire latérale. — _ céphalique à ventouse, comparable à des pattes anté- rieures non articulées. Ovaire. Œuf complet avant la ponte. . Orifice sexuel femelle ou vulve. . Testicule. Canal déférent, Orifice mâle. Spermatozoïdes, ? Vaisseaux. Pattes postérieures non articulées. . Ventouses postérieures. Appendices des pattes. Fig. 1. Un mâle adulte complet, grossi une dizaine de fois, montrant les appendices postérieurs dans la position de la marche. ; Pull.de Lead. Royale. Lom. V 2" serte, page J0S. 2 Csoeres Gi dass ét cg de lAcad. a di Ë Lull.de lead. Roynle. Tom V2 sente, page D03. Par Perctrggt ec 7 : CSreynr CA us ét éme LA 4 Fig. C4 (305 ) . La tête isolée, montrant tous les organes un peu plus grossis, et le commencement de la cavité digestive. . Segment du corps, renfermant les organes sexuels mâles, et mon- trant, d’un côté, les spermatozoïdes qui ont échappé par la pression. . La partie postérieure du corps d’une femelle, montrant l'ovaire, et ) ) des œufs à tous les degrés de développement. On voit aussi en arrière le commencement du pédicule, 5. Les pièces de la bouche isolées et fortement grossies. 6. Un œuf complet , récemment pondu, à surface segmentée, attaché aux filaments des œufs de homard. 7. Un autre après la segmentation du vitellus. 8. Un autre montrant l'embryon en voie de développement. Le blas- toderme qui constitue tout l'embryon, enveloppe la masse vitel- line qui représente la cavité digestive. . Embryon plus avancé, montrant déjà la tête. 10. Un autre plus avancé, vu de face, montrant la bifurcation en arrière pour former les pédicules. . Un autre plus avancé, replié sur lui-même et montrant les premiers rudiments des pièces de la bouche. . Un autre dans une position renversée. . Un embryon presque complet ayant les pieces de la bouche com- plétement formées. . Un jeune qui vient d’éclore. — M. Van Beneden met sous les yeux de la classe des épreuves de photographies qui reproduisent parfaitement des préparations microscopiques. Ces épreuves sont exé- cutées par M. F. Meyer de Francfort-sur-Mein. 22 SÉRIE, TOME Y. 21 ( 304 ) Expérience d'optique permettant d'oblenir d'une SEULE épreuve photographique la sensation d'un corps en relief; par M. Athanase Boblin. On sait que le relief observé à l’aide du stéréoscope, dans les doubles épreuves photographiques, est dû à ce que chacune des deux images représente le même objet vu avec une perspective différente, mais correspondant avec l'axe optique de chaque œil, absolument comme si celui-ei re- gardait l’objet lui-même. Dès lors, il semble paradoxal de chercher à obtenir le relief au moyen d’une seule épreuve photographique. Il n’en est rien cependant, comme le démontre l'expérience suivante, que je me bornerat à ex- poser simplement telle que je l'ai faite moi-même. On prend , à cet effet, une lunette terrestre ordinaire, c’est-à-dire composée d’un oculaire quadruple, dit de Dol- lond, et d’un objectif achromatique dont on a soin préa- lablement de retirer le verre concave (1). On se place avec cette lunette, qui n’est plus achromatique alors, à environ un mètre cinquante centimètres de l’épreuve, qui repré- sente, par exemple, un portrait, et l’on vise ce portrait comme s’il s'agissait d’un objet situé au loin. L'important, c'est que la distance de l'objectif au portrait soit, en vertu de la marche des rayons lumineux dans une lunette ter- restre, plus grande que la distance focale de l'objectif. Je dis environ un mètre cinquante, parce que cela suflit (1) On diminue ainsi la distance focale de l'objectif, ce qui évite le dé- ploiement excessif et impossible de la lunette, que nécessiterait la faible distance de l’objet à laquelle on opère. Jusqu'ici je n’ai pas employé d’objec- tifs achromatiques. ( 350 ) ordinairement, On comprend qu'on doit modifier un peu cette distance, selon qu'on désire apercevoir, par exemple, la figure entière du portrait ou d’autres parties de la per- sonne représentée. Du reste, il y a une certaine distance qu'il est facile d'apprécier, afin d'obtenir la perception la plus vive possible du relief, Maintenant, une remarque essentielle, dans le but de compléter l'illusion produite par cette expérience vraiment curieuse. Comme la lunette dont on se sert, et qu'on pour- rait appeler à juste titre monostéréoscope, n’est plus achro- matique, il est évident que les lignes doivent paraître irisées. Pour obvier à ce grave inconvénient, il est indis- pensable d’expérimenter dans une chambre très-sombre, ou mieux la nuit, en ayant soin, dans tous les cas, d'éclairer convenablement le portrait à l’aide d’une bougie ou d’une lampe : c’est ainsi que j'ai fait l'expérience. Cette condition étant remplie, on y gagne sous tous les rapports : le relief alteint toute sa vivacité, la peau paraît se revêtir de sa carnation naturelle, et il semble qu’on puisse toucher réel- lement la personne en étendant la main. Enfin, l'illusion est si complète que, quelque habitué qu'on soit aux effets surprenants du stéréoscope, il est presque impossible de reconnaître que ce qu’on à devant soi est le résultat de la transformation d'une de ces épreuves petites, plates, rousses, blafardes, en un mot méconnaissables, comme celles que produit assez souvent la photographie. De toutes les différentes épreuves sur lesquelles J'ai ex- périmenté, Je préfère jusqu'ici les épreuves sur verre et sur toile, surtout lorsqu'on observe un espace assez restreint de la photographie, comme la figure, s’il s’agit d’un por- trait. Le genre académique et les épreuves sur plaque viennent ensuite. ( 306 ) Ce procédé, pour obtenir le relief à l’aide d’une épreuve unique et avec un grossissement variable à volonté, peut être de la plus grande utilité aux peintres et aux dessinateurs, lorsqu'il s'agit, par exemple, de faire le portrait d'une personne au moyen d’une seule épreuve photographique. ( 507 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 11 octobre 1858. M. M.-N.-J. LecLERCQ, directeur. M. An. QueteLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. de Ram, Gachard, le baron Jules de Saint-Genois, David, Paul Devaux, De Decker, Schayes, Snellaert , Arendt, Ch. Faider, membres; Nolet de Brau- were van Steeland, associé; Ducpetiaux, Serrure, Ma- thieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Th. Juste, Defacqz, correspondants. MM. Ad. De Vaux, Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des sciences et de la classe des beaux-arts , assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur remercie l’Académie pour l'envoi de ses publications au Conseil de perfectionnement de l’enseignement moyen. — M. Ch. Gabba et M. F, Loise font connaître qu'ils ( 308 ) ont reçu les médailles qui leur ont été décernées lors du dernier concours. — M. H. Hahn, de Berlin, témoigne sa reconnaissance pour la décision qui ordonne l'impression de son mémoire de concours, sur la question relative au lieu de naissance de Charlemagne. — La Société havraise d’études diverses remercie l’Aca- démie pour l'envoi des derniers volumes des Bulletins et de l'Annuaire. — M. Alexandre Vattemare, directeur de l'Agence cen- trale des échanges internationaux à Paris, fait parvenir un grand nombre de publications américaines qui seront an- noncées dans le Bulletin bibliographique. — M. Boucher de Perthes, président de la Société im- périale d’émulation d’Abbeville, fait hommage d’un exem- plaire de la relation de ses voyages en Danemark et à Constantinople, pour compléter la collection de ses ou- vrages que possède l’Académie. — Remerciments. — M. G. H. Crets, professeur à l’athénée de Hasselt, communique trois projets d’inseription pour le tombeau de feu la Reine des Belges. — M. Ducpetiaux, correspondant de l’Académie, dé- pose le manuscrit d’un ouvrage intitulé : Du Patronage des condamnés libérés. (Commissaires : MM. Defacqz et De Decker.) — M. le secrétaire perpétuel présente le 29"° volume des Mémoires couronnés, format in-#°. ( 309 ) RAPPORTS. Exposé des querres de Tamerlan et de Schah-Rokh, etc. ; par M. Félix Nève. Rapport de M. de Wätle. « Le remarquable travail de M. Félix Nève, intitulé Exposé des querres de Tamerlan et de Schah-Rokh, dans l'Asie occidentale, d'après la chronique arménienne inédite de Thomas de Medzoph, offre un intérêt tout particulier. L'auteur est un savant orientaliste versé dans la connais- sance des idiomes de l'Asie, et dont les travaux sont connus et justement appréciés. M. Félix Nève ne s’est pas contenté de donner une traduction exacte et aussi littérale que pos- sible de la chronique arménienne ; il a joint à son travail des notes et des commentaires destinés à jeter du jour sur les faits racontés brièvement par Thomas. Le texte armé- nien a été divisé en chapitres, et chaque chapitre est suivi d'un commentaire qui sert à expliquer des récits curieux et peu connus, au moyen d’autres documents de la litté- rature orientale et de renseignements puisés dans les tra- vaux des érudits modernes. Outre les ouvrages de MM. de Hammer et Brosset , souvent cités par l’auteur, M. Félix Nève a mis à profit les doctes travaux des Mékhitaristes de Saint-Lazare, de Venise, sources peu accessibles, parce que la langue de ces livres, écrits en arménien littéral, n’est presque pas étudiée par les hommes les plus versés dans la connaissance des sources arabes, turques et persanes, (310) Déjà, en 1855, M. Nève avait publié, dans le Journal asiatique, de Paris, une étude sur Thomas de Medzoph et sur son histoire d'Arménie. À la suite d’une biographie de cet écrivain, 1l s'était appliqué à l'examen de son ouvrage d'histoire sous le rapport du contenu, de la composition et de la forme. Le livre de Thomas de Medzoph, intitulé : Histoire abrégée des invasions de l'Orient et du monstre impie et cruel Langthamour et des autres, mérite d’être consulté et étudié sous le triple rapport de l’histoire politique de l’Ar- ménie, de l’histoire religieuse de ce pays et de l’histoire littéraire, qui se concentre dans les monastères où les études sérieuses trouvent asile. M. Félix Nève s’est attaché, dans le travail qu'il soumet à l’Académie, au premier des trois ordres de faits indiqués ci-dessus, se réservant de faire valoir les deux autres dans une version complète de la chronique de Thomas, qu'il espère publier un jour. Dans un avant-propos, M. Nève fait connaître quel était le personnage dont 1l à traduit le texte. Thomas de Med- zoph était un moine; il avait la dignité de vartabied ou docteur, et il eut, dans la suite, la direction du monastère de Medzoph. Jeune encore, à l'époque où Tamerlan enva- hit à plusieurs reprises sa patrie, Thomas médita pendant longtemps le projet d'écrire l’histoire contemporaine de son pays. Vers 1425, époque à laquelle 1l mit son projet à exécution, 1] avait environ 50 ans. Il mourut, à ce qu’on dit, septuagénaire vers 1448. Thomas de Medzoph est un historien du second ordre, un prosateur de la décadence de la littérature arménienne. Malgré ses défauts, malgré la sécheresse et l’aridité de son style, sa chronique est pré- cieuse par des détails, d’ailleurs inconnus, sur les guerres ( 311 ) de Tamerlan et de ses fils. Le travail de Thomas est digne de fixer l'attention et mérite confiance; car l’auteur avait élé témoin des événements qu'il expose et qui se sont accomplis dans l'occident de l'Asie, lors de la troisième invasion des Mongols. Souvent mêlé aux affaires dont il parle, il avait vu de ses yeux plusieurs des horribles mas- sacres dont il est question dans son récit, et quant aux autres faits qui se sont passés dans des provinces plus éloi- gnées, il a pu interroger, à leur sujet, des hommes qui en avaient été les témoins oculaires. Adversaire, par esprit de secte, de l'Église catholique, dans mainte occasion il attaque avec aigreur et animosité le concile de Chalcédoine et l’Église d'Occident. Mais si le récit des événements, brièvement racontés par Thomas, mérite quelque créance, il faut cependant se tenir en garde contre les exagérations familières à tous les écrivains de l'Orient, et particulièrement aux annalistes arméniens. L'œuvre de Thomas, comme le dit M. Nève, est une histoire de l'Arménie, pendant une période de guerres et de calamités incessantes; elle s'étend des débuts de la car- rière militaire de Timour ou Tamerlan, dans la seconde moitié du XIV"*siècle, à la soumission des plus belliqueux des Turcomans par son fils Schah-Rokh, vers le milieu du siècle suivant. Le chroniqueur arménien nous fait con- naitre ce qui s'est passé en Asie où l’on combattait alors pour l'empire du monde, aux portes pour ainsi dire de Constantinople qui, capitale déchue de l'empire byzantin, devait, peu d'années après, passer elle-même sous le joug des musulmans. La traduction de la chronique de Thomas de Medzoph est faite sur le manuscrit conservé à Ja Bibliothèque im- ” ( 312 ) périale de Paris, copié avec le plus grand soin par M. Félix Nève lui-même, et collationné sur une copie faite à Venise pour la même Bibliothèque, d’après quatre autres manu- scrits. | AE Dans des observations préliminaires, l’auteur du mé- moire trace le portrait du fameux conquérant que l’Europe s'est accoutumé à nommer Tamerlan. Il parle aussi des historiens qui ont recueilli les faits mémorables de cette époque, et dont plusieurs n’ont pas encore été traduits. Tamerlan était certainement un homme d’un génie ex- iraordinaire ; on ne peut lui refuser les qualités d'un grand guerrier, d'un habile politique; mais il était cruel, san- guinaire, impitoyable, et on lui reproche avec raison des cruautés odieuses, des massacres sans fin, des trahisons lâches et indignes. Ses perfidies, ses ruses égalaient pour ainsi dire ses instincts féroces et sanguinaires. Après avoir fait connaître l’intérêt qui s'attache à la chronique de Thomas de Medzoph, M. Nève passe en revue les historiens orientaux, et s'arrête avec complaisance sur Cheref-Eddin, dont l’histoire lui a servi à contrôler, à éclaircir et à compléter les récits du moine de Medzoph. Ces préliminaires dénotent de grandes recherches et de laborieuses études, et, en servant d'introduction à la chronique, font connaître le héros mis en scène, son his- torien, et les races d'hommes qui vont se mouvoir dans les récits suivants. Le premier extrait de la chronique de Thomas à pour titre : Origine de Thamour et premières marches et campa- gnes de ce conquérant vers l'occident de l'Asie. Parmi les anecdotes dont le chroniqueur orne parfois sa narration, je remarque une ruse singulière du féroce conquérant. Il était en guerre avec un chef du Khorassan nommé ( 515 ) Schahmasour, qui résistail à ses armes depuis plusieurs années.« Thamour fit la paix avec lui, dit le moine armé- » nien, et se retira par ruse du côté de l'Orient. Schahma- sour envoya vers lui un ambassadeur avec des présents considérables. A l'arrivée de cet envoyé, Thamour feignit d’être malade ; il se fit apporter un agneau qu’on égor- gea, et il en but le sang. Puis il donna l'ordre d'intro- duire l'ambassadeur au milieu de l'assemblée où il se trouvait. Il montra en sa présence le teint de son visage semblable à la couleur d’un cadavre; il se fit apporter un vase d’airain, et vomit le sang de l’agneau devant toute l’assistance. » L’ambassadeur ressentit une grande joie à la vue de ce sang; 1! repartit à la hâte, annonça à son maître et à tout le Farsistan l’heureuse nouvelle de la mort prochaine du tyran, et tous les hommes qui souf- fraient horriblement des maux de la guerre, et qui avaient pris les armes pour la défense de leur pays, se dispersè- rent à droite et à gauche pour regagner leurs demeures. Le perfide Thamour, ajoute Thomas, profita sur-le-champ de l’occasion qui lui livrait le pays, fit une marche forcée avec ses troupes, invesuit la ville de Schiraz, et, malgré la bravoure personnelle de Schahmasour, se rendit maître de la forteresse. Ce premier extrait, comme les autres, est suivi d’un commentaire dans lequel sont consignées des observations historiques et géographiques. Quelques notes fournissent des éclaircissements chronologiques et des remarques phi- lologiques, dans lesquelles se revêle une critique sûre et des connaissances profondes. Le second extrait de la chronique arménienne est inti- tulé : Première expédition de Thamour en Arménie et en Géorgie. Je signale dans ce récit la trahison de Bagrat, roi . ve ee Ve Ve 6 vw (314) de Géorgie. « Bagrat, dit Thomas, offrit beaucoup de » » » » » présents, et fit sa soumission au tyran impie; celui-ci, rempli qu'il était de la malice de Satan, le força d’ab- jurer sa foi et, le prenant avec lui, il se rendit à Ghara-- pagh...., résidence d'hiver de nos anciens monarques. Or, le roi de Géorgie, plein de la sagesse de l'Esprit saint (sic), sut déjouer les desseins de son ennemi. Donne-moi, dit-il, un grand corps de troupes, afin que j'entre en Géorgie, que je m’empare du pays tout entier, et que je le fasse passer à ta religion! » Thomas raconte ensuite que Tamerlan, réjoui par cette offre, combla le roi d'honneurs et lui confia un corps d'armée. Mais Bagrat fit avertir sous main ses fils qui vinrent au-devant de lui. Les troupes de Tamerlan, engagées dans d’étroits défilés furent taillées en pièces et exterminées, et le roi de Géorgie, mis en liberté, retourna dans ses États. Vient ensuite un récit dramatique du siége de la ville de Van et des cruautés exercées par le conquérant lartare. Le troisième extrait a pour titre: Deuxième expédition de Thamour en Arménie. Je passe sous silence plusieurs faits curieux racontés par Thomas, entre autres des détails sur des peuples idolâtres que Tamerlan rencontra dans sa marche à travers l'Asie, et J'arrive au quatrième extrait : Dernière campagne de Thamour dans l'Asie occidentale , en Syrie, dans le Roum, en Géorgie, etc., jusqu’à sa mort. Nous trouvons ici un récit émouvant des massacres ordonnés par Tamerlan lors de la prise de Damas. Le chroniqueur arménien s'exprime ainsi : « Alors se rendirent auprès de © » » Thamour les femmes des principaux habitants de la ville qui étaient docteurs enseignants, cadis, mouftis, moudaris, imans et damischmends. Elles lui tinrent ce langage : Tu es le padischah de toute cette contrée, ( 315 » éltues venu par ordre de Dieu... » Ensuite elles accu- sèrent de toutes sortes de crimes leurs maris, en ajoutant qu’elles sont prêtes à rendre le même témoignage en leur présence. Timour fait de force amener devant lui tous Îles fonctionnaires réputés de mauvaises doctrines et mœurs. « Thamour leur fit cette question : Cette ville... à qui » appartient-elle ? — Ils lui répondirent : Padischah , elle » est au prophète. — Alors il leur demanda : Avez-vous » auprès de vous le livre du Prophète ou ne l’avez-vous » pas? — [ls répondirent : Sa loi règle pour nous la vie et » la mort : mais nous ne la lisons pas ! »…. Après quelques autres questions, Tamerlan déclare que les fonctionnaires se sont condamnés par leur propre témoignage, et appe- lant les femmes qui vinrent répéter ce qu’elles avaient déjà dit contre leurs maris : « Thamour donne cet ordre: Vous êtes sept cent mille hommes sous mon commandement; vous apporterez devant moi, aujourd'hui et demain ma- tin, sept cent mille têtes et vous en construirez sept tours. Quant à celui d’entre vous qui n’apportera pas une tête, sa propre tête tombera; mais qu'on ne touche pas à quiconque dira : Je suis chrétien. » Les soldats se mettent en devoir d'exécuter les ordres barbares de leur chef, et exterminent tous les habitants de la ville. Les hommes ayant tous été tués, les soldats se mettent à couper les têtes des femmes elles-mêmes. Ceux qui ne pouvaient pas couper eux-mêmes de tête en achetaient une à prix d'argent, et bien des soldats, qui n'avaient pu ni tuer ni acheter des têtes, allèrent jusqu’à couper les têtes de leurs compagnons d'armes. Malgré l’exagération évidente qui règne dans ce récit, on ne peut s'empêcher de trouver dans ces massacres et dans ces cruautés des traits déjà connus des mœurs orien- YO VO ww. v° vw v (316) tales. Ainsi, d’autres historiens parlent de tours élevées au moyen de têtes humaines. Le nombre des victimes est sans doute exagéré; l’armée de Tamerlan était bien nom- breuse, mais le nombre de sept cent mille assigné à cette armée et à la population de Damas a quelque chose qui effraye l'imagination et on a de la peine à admettre des massacres aussi épouvantables. Quoi qu’il en soit, ce qui est bizarre et digne de remarque, c’est l’ordre donné par le farouche Mongol d’épargner les chrétiens qui, dans d’au- tres occasions, ne sont pas mieux traités que les musul- mans. Tamerlan persécutait les chrétiens, et Thomas de Medzoph lui prodigue à chaque instant les épithètes de monstre, de tyran, d'impie, de précurseur de l'Anté- christ, etc. M. Félix Nève fait remarquer que l’annaliste arménien a souvent omis dans sa chronique de faire mention d'évé- nements mémorables, quand ces événements avaient eu pour théâtre des pays éloignés de l'Arménie. Pour n’en citer ici qu'un seul exemple, dans le récit de la lutte entre Bajazet et Tamerlan, c'est à peine si Thomas consacre quelques lignes à la fameuse bataille d'Angoura; il ne nomme pas même le lieu de la bataille et il finit en disant : « Il se passa alors tant de choses inouies qu'il est impos- » Sible de les rapporter. » La seconde partie de la chronique arménienne traduite par M. Félix Nève est le récit des campagnes de Schah- Rokh, quatrième fils de Tamerlan, et de Cara-Yousouf, ainsi que de ses fils, chefs des Turcomans. Schab-Rokh était un prince doué d’une haute sagesse. L'idée d’un gou- vernement fondé sur la justice et l’équité était l'objet constant de ses méditations. On n’a publié jusqu'à ce jour qu'une très-faible partie ( 917 ) des ouvrages orientaux qui se rapportent aux événements du règne de Schah-Rokh; mais déjà, d’après la remarque de M. Félix Nève, on peut juger de l'importance de ces documents. Les préliminaires ont pour titre : Le sultan Schah- Rokh et les fils de Timour en lutte avec les Turcomans en Ar- ménie et dans les provinces occidentales de l'empire mongol. M. Nève fait valoir l'importance des documents histori- ques inédits sur Schah-Rokh et le secours qu’on peut tirer de la chronique de Thomas, témoin précieux et, ajoute l’auteur, d'autant plus véridique qu'il n’a écrit son his- toire que d’après ses propres vues, n'étant au service d'au- cun prince; aussi n’a-t-il flatté ni les Timourides, ni les Turcomans , leurs adversaires. Le premier chapitre est intitulé : Exploits et entreprises du Turcoman Cara-Yousouf, sous les successeurs de Ti- mour jusqu'à sa mort. Ce chapitre est suivi d’éclaircissements tirés de lhis- torien persan Abd-Errazzak, écrivain sur lequel feu M. Étienne Quatremère a publié une notice. Chapitre IF. — Première lutte du fils de Cara-Yousouf, Iskander ou Skandar contre le sulthan Schah-Rokh. Je citerai ie un épisode. Schamschadin est le nom d'un émir qui veut résister à Skandar. Au lieu de livrer la forteresse de Klath, il s’avance vers la place et détachant sa ceinture, 1l la serre de nouveau autour de sa taille, puis prenant le voile qui couvrait sa tête, il le jette dans les fossés de la place. I voulait par ces signaux indiquer aux assiégés qu'ils eussent à résister, dans le cas où on lui couperait la tête. Skandar irrité le fit décapiter. Chapitre IT. — Deuxième période de la lutte de Skandar contre le sulthan Schah-Rolkh. (318) Thomas fait 1e1 le récit des cruautés exercées contre les chrétiens par les Turcomans. Sa narration animée et pas- sionnée se transforme : la guerre menace sa vie et celle de ses proches. Dans un passage de sa chronique, 1l fait part au lecteur de son dessein de conserver le souvenir des calamités publiques dont il a été le témoin. « Nous » voulons, dit-1l, donner à ceux qui viendront après nous » quelque connaissance de ces choses, afin que vous pleu- » riez amèrement la ruine de la nation arménienne, puis- » que nous nous sommes trouvé en personne au milieu » des événements. » Plus loin , nous lisons le récit dramatique d'un combat singulier entre Skandar et un guerrier du Khorassan de l’armée de Schah-Rokh. Le chroniqueur revient ensuite sur les maux que souf- frirent les chrétiens, exposés à toutes sortes d'avanies et condamnés à des supplices atroces. Ce sont toujours des plaintes amères, des cris de détresse arrachés aux persé- cutés. Thomas, comme il le dit, se trouvait au milieu de ces populations désolées : les chrétiens à chaque instant étaient obligés de fuir devant des ennemis acharnés; et souvent les chefs qui s’érigeaient en protecteurs étaient plus à craindre que ceux qui avaient voué une haine mor- telle au nom chrétien. Chapitre IV. — Hostilités et aventures de Skandar jus- qu’à sa dernière lutte contre le sulthan Schah-Rokkh. Dans ce chapitre on remarque l’histoire de l'assassinat de Skandar qui périt victime de la trahison d’un de ses fils, en 1457. Chapitre V. — Coup d'œil sur les destinées de la Géorgie et de l'Arménie, apres la mort de Skandar. Dans ce dernier chapitre il n’est plus question du fils de (319 ) Tamerlan, Schah-Rokh. Ce chapitre se termine par de nouvelles lamentations sur l'état déplorable des chrétiens. Je m'arrête ici, omettant à dessein une foule d'épisodes où l'intérêt le dispute à l'originalité. Ce que j'ai dit dans ce Rapport sullit, je pense, pour faire apprécier à l’Aca- démie l'importance du travail de M. Félix Nève. Un mé- moire aussi curieux à Lous égards, qui, outre la traduction de documents inédits, est accompagné de commentaires et de notes instructives où brille l’érudition variée de l’au- teur; un mémoire d’une telle importance, dis-je, mérite d’être favorablement accueilli par la classe des lettres et d'occuper une place dans le Recueil des savants étrangers. J'ose me flatter que l’Académie daignera prendre en consi- dération le vœu de son rapporteur et admettre ses con- clusions. » D'après les conclusions de ce rapport, auxquelles ont adhéré les deux autres rapporteurs, MM. le baron de Saint-Genois et De Decker, le mémoire de M. Félix Nève sera imprimé dans le recueil des Mémoires des savants étrangers. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Gachard donne lecture d’un nouveau fragment de son hvre sur don Carlos et Philippe II. Ce fragment est consa- eré aux communications que Philippe fit à ses royaumes et aux cours étrangères sur l'arrestation de son fils. L’au- teur le termine, ea discutant la question de savoir si le 2°° SÉRIE, TOME V. 22 ( 320 ) procès fut fait à don Carlos, comme le rapporte Cabrera, , ’ PET Û . . , L" et comme l'ont répété la plupart des historiens : il la résout négativement. — M. Kervyn de Letienhove s'excuse de n'avoir pu achever, avant la séance, une note sur quelques questions d'histoire littéraire, note que la classe avait bien voulu in- scrire à son ordre du jour. L'histoire littéraire des provinces belges au moyen âge offre un intérêt qui fixe chaque jour davantage l'attention des plus célèbres érudits de l’Europe, et M. Kervyn de Lettenhove, en revenant sur quelques no- tices qu’il a déjà présentées , espère pouvoir compléter ses premiers aperçus par des textes inédits ou peu connus. np > as — LE rs CLASSE DES BEAUX-ARTS, Séance du 14 octobre 1858. M. G. GEEFS, directeur. M. Ep. Férmis faisant fonctions de secrétaire. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Fr. Fétis, Hanssens, Navez , Roelandt, Suys, Van Hasselt, Snel , Fraikin, De Busscher, membres ; Siret, Balat , correspondants. CORRESPONDANCE. — M. le directeur de la classe donne communication d’une lettre de M. Ad. Quetelet qui annonce ne pouvoir assister à la séance à cause des obsèques de M. Partoes, ministre des travaux publics. M. le directeur invite M. Ed. Fétis à remplir les fonc- lions de secrétaire. | — Par une lettre adressée au secrétaire perpétuel, M. le gouverneur de la province de Brabant a invité l’Académie à assister en corps aux funérailles de M. Partoes, ministre (322) des travaux publics; mais cette leltre n'étant parvenue que le matin même de la cérémonie, les convocations auxquelles elle était destinée à donner lieu, n’ont pu être faites en temps opportun. — M. Edmond Lévy, auteur du mémoire couronné sur la question d'architecture, écrit de Rouen pour remer- cier la classe de l'honneur qu’elle lui à fait en lui accordant la médaille d’or. El exprime en même temps le regret de n'avoir pas pu être informé plutôt de la décision qui lui attribuait cette distinction, de manière a ce qu'il lui fût possible de venir recevoir en personne, à la séance publi- que de la classe, un prix dont il se glorifie. — M. Ed. Féus demande à présenter des observations que lui suggère la lettre dont il vient d’être fait lecture. On a déjà eu, dit-il, l’occasion de remarquer quels in- convénients résultent de lusage où est l’Académie de ne porter ses Jugements sur les pièces du concours que la veille de la séance publique. Les auteurs couronnés n’ont pas le temps d’être informés de la décision prise en leur faveur et ne viennent pas recevoir leur prix. Cependant leur présence ajouterait de l’intérêt à la séance solennelle où les résultats du concours sont proclamés. M. Ed. Fétis pense qu'il faudrait revenir, si le règlement le permet, sur celte fàcheuse tradition, et juger le concours dans une séance moins rapprochée de la séance publique, afin que les résultats pussent être communiqués quelques jours d'avance aux intéressés, quand des prix seraient décernés. M. Van Hasselt fait remarquer que, tandis que l’art, 12 du règlement dit que tous les ans, la veille de la séance publique de chaque classe, on proclame les auteurs des (325 ) mémoires auxquels des prix auront été adjugés, l'article 38, reproduisant une disposition de l’ancien règlement, veut que les rapports sur les mémoires présentés au concours restent exposés, avec ces mémoires mêmes, sur le bureau, à l'examen de tous les membres. Ces deux articles peuvent être combinés et interprétés de manière qu'il soit fait droit à l'observation de M. Éd. Fétis. Différentes dates sont successivement proposées pour la séance préparatoire dans laquelle aurait lieu le jugement du concours. M. Ad. Siret pense que cette question peut être difficile- ment traitée en séance. Il propose d'en confier l'examen au bureau, qui aviserait aux moyens de mettre le règlement en harmonie avec le vœu qui vient d'être exprimé dans l'intérêt des auteurs dont les travaux obtiennent des dis- tinctions, aussi bien que dans celui de la solennité des séances académiques. Ceite proposilion est adoptée. » RAPPORTS. L'ordre du jour appelle la lecture d'un rapport de M. Van Hasselt, secrétaire de la Commission de l’histoire de l’art national. M. Van Hasselt fait connaître que la Commission s’est réunie à l'effet de préparer un projet de réponse à une lettre par laquelle M. le Ministre de l’intérieur demande à l’Académie des explications sur le plan de l’histoire gé- nérale des beaux-arts en Belgique, dont elle a conçu:le projet et confié l'exécution à plusieurs de ses membres. La ( 524 ) Commission à mürement examiné chacun des points sur lesquels portent les observations de M. le Ministre de l’in- térieur, et le rapport de M. Van Hasselt contient, sous la forme d’un procès-verbal détaillé, un exposé complet de ses délibérations. La classe ayant entendu la lecture du rapport de M. Van Hasselt, M. le directeur met aux voix l'approbation de ce document par la classe et son envoi à M. le Ministre de l’intérieur; ces deux mesures sont adoptées à l’unanimité. CONCOURS DE 1859. La rédaction du programme du concours de 1859 est à l'ordre du jour de celte séance; mais aucun des membres présents n’a préparé des questions pour remplacer celles qu'on jugerait à propos de supprimer dans le programme de l’année dernière. La rédaction du programme de 1859 est remise à la prochaine séance. M. Alvin fait observer que cet ajournement n’offre pas d’inconvénient par la raison que la classe a pris pour règle de conduite de proposer presque toutes ses questions deux années d'avance, ce qui laisse aux concurrents tout le temps nécessaire pour terminer leurs lravaux. ( 325 }) OUVRAGES PRÉSENTES. Charles-Quint et Marguerite d'Autriche : Étude sur la mino- vité, l'émancipation et l'avénement de Charles-Quint à l'Empire (1477-1521); par M. Théodore Juste. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-$°. Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique; par Alexandre Henne. Tome I. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-8°. Les phénomènes de la nature, leurs lois et leurs applications aux arts et à l'industrie, d'après le D' W.-J. Zimmermann; par le D' H. Valérius. Bruxelles , 1858; 2 vol. in-8°. Les nouvelles inventions aux expositions universelles ; par M. J.-B.-A.-M. Jobard. {re à 4e livr. Bruxelles, 4858; in-8°. Notice biographique sur A. Donckelaar ; par D. Spae. Gand; 1858; 1 broch. in-8°. Du mouvement intellectuel en Belgique depuis 1830 ; par M. H. Rousselle, Mons, 1858; { broch. in-8°. Causeries de salons ou le savoir-vivre; dédié aux sociétés lié- geoises, par Alb. d'Otreppe de Bouvette. Liége, 1858, 1 vol. in-12. Excursions dans le monde moral ; par le même. Liége, 1858; { vol. in-{2. Programme des cours de l'université de Bruxelles, pendant l'année académique 1858-1859. Bruxelles, 1858; in-plano. Programme des cours de l'université de Louvain, pendant l'année académique 1838-1859. Louvain, 1858 ; in-plano. Revue trimestrielle. XX®° vol. et table des 20 premiers volumes. Bruxelles, 1858; 1 vol. et 1 broch. in-12. Revue de la numismatique belge. 3° série. Tome HE. 3° livr. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Table alphabétique des douze volumes composant les deux pre- ( 326 }) mières séries de la revue numismatique belge; par Alexandre Pin- chart. Bruxelles, 1858 ; 4 vol. in-8°. L'abeille ; revue pédagogique. IV®° année. 7%° à 9° livraison. Bruxelles, 1858; 35 broch. in-&°. Revue populaire des sciences; rédigée par J.-B.-E. Husson. 1° année. n° 7 à 9. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. Revue de l'instruction publique en Belgique. VI”° année. Nou- velle série. Tome 1. Juillet à octobre. Bruges, 1858; 3 broch. in-8°. Procès-verbal de la séance publique de la Société libre d'ému- lation de Liége, tenue le 51 mai 1858. Liége, 1858; 1 broch. in-8°. Journal historique et litiéraire. Tome XXIV. Livr. 9 à 12. Tome XXV. Livr. 4 à 6. Liége, 1858; 7 broch. in-8. Bulletin de la Société scientifique et litiéraire du Limbourg. Tome III. 2% fase. Tongres, 1858 ; 1 broch. in-8°. Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. W°° série. Tome 5. Mons, 1858; 1 vol. in-8°, s Bulletin du conseil supérieur d'agriculture du royaume de Bel- gique; publié par le Ministère de l'intérieur. Tome XI. {°° partie. Bruxelles, 1858 ; in-4°. Annales de pomologie belge et étrangère; publiées par la com- mission royale de pomologie. V** année. N°5 7-12. VIe année. N°5 4-6. Bruxelles, 1857-1858; in-2°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique. H"° année. Juillet à septembre. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. L'illustration horticole; rédigée par Ch. Lemaire et publiée par Amb. Verschaffelt. V"e vol. 6me à 9e live. Gand, 4858; 4 broch. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. ?2"° série. Tome I. N° 9 et 10. Bruxelles, 1858; broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome XXH. 1° à 3° cahiers. Bruxelles, 1858 ; 3 broch. in-8°. ( 324 Annales de la Société de médecine d'Anvers. XIX® année. Livr. de juillet à septembre. Anvers, 1858 ; 3 broch. in-8°. Journal de pharmacie; publié par la Société de pharmacie d'Anvers. XIV®® année, Juillet à septembre. Anvers, 1858 ; 5 br. in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. XIX®° année, jme à 9% liver. Bruges, 1838; 4 broch. in-8e. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. XXIV®® année. Juillet à octobre. Gand, 1858; 2 broch. in-8°. Le Scalpel. X1"° année. N° 1 à 8. Liége, 1858; 8 feuilles in-4°. Annales médicales de la Flandre occidentale. V®® année. 20° à 94e livr, Roulers, 1858; 5 broch. in-8°. Geologische khaart van Nederland; vervaardigd door D°W.-C.-H. Staring , uitgevoerd door het Topographisch Bureau van het departement van oorlog, uitgegeven op last van Zijne Majesteit den Koning. Blad 14. Harlem, 1858 ; in-plano oblong. L'éclairage au gaz à l'eau à Narbonne et l'éclairage au gaz Leprince, examinés et comparés; par le D' B. Verver. Leide, 1858; 4 vol. in-8&°. Chant historique belge du 21 juillet 1856; par M. G.-H. Crets. Maestricht, 1856; 1 broch. in-8°. Historisch Genootschap gevestigd te Utrecht : — Kronijk, 1857. BI. 14-11, 1858. BI. 1-15; — Codex diplomaticus. ®° serie, Vas deel. BI. 1-20; — Berigten. 6% deel. I stuk. Utrecht, 1858; 4 broch. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XLVIT. N°5 1 à 15. (Manque le n° 9.) Tables des tomes XLV et XLVI. Paris, 1858; 15 broch. in-4°. Bulletin de la Société géologique de France. 2% série. Tome XIV®. Feuilles 46-57 ; Table générale. Tome XVe. Feuilles 24 à 31. Paris, 1856 à 1858; in-8°. Revue de l'art chrétien. H®° année. N° 7 à 9. Paris, 1858; 5 broch. in-8°. ( 828 ) Revue el magasin de zoologie pure el appliquée; par M. E. Guérin- Méneville. 2° série. Tome X. N° 4 à 9. Paris, 1858: 6 broch. in-8°. Journal de la Sociélé de la morale chrétienne. Tome VIH", N° 4. Paris, 1858; 1 broch. in-8°. Nouveau système de foyer à combustion sans fumée de M. Du- mery, ingénieur civil : communication faite à l'Académie impé- riale de Metz, dans la séance du 26 mai 1858; par A. Vignotti. Paris, 4858 ; 1 broch. in-4°. Histoire des communes lombardes, depuis leur origine jusqu'à la fin du XIII" siècle; par M. Prosper de Haulleville. Tome Hi. Paris, 1858; 1 vol. in-8°. Etudes sur les Gymnodontes ; par M. H. Hollard. Paris, 1558; 1 broch. in-8°. Voyage à Constantinople; par M. Boucher de Perthes. Paris, 1855; 2 vol. in-12. Petites solutions de grands mots; par le même. Paris, 1848; { vol. in-12. Mémoire sur la progression toujours croissante des abordages en mer pendint et durant la brume, et des moyens de les rendre de plus en plus rares et presque impossibles ; par A. Pécoul. Paris, 1858 ; /2 feuille in-4 lithographiée. Traité de la phthisie pulmonaire et de son traitement; par P. Chartroule. Paris, 1857; 1 vol. in-8°. Note sur les effets du choc de l'eau dans les conduites; — Note sur le percement des Alpes entre Modane et Bardonèche ; — Nou- veau principe sur la distribution des tensions dans les systèmes élastiques ; par M. L.-F. Ménabréa. Paris, 4858; 3 broch. in-4. Observations météorologiques faites à Lille pendant l'année 1836-1857; par Victor Meurein. Lille, 1838; in-8°. Mémoires de l'Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon : — Classe des sciences. Tome VIL — Classe des lettres. Nouvelle série. Tomes V et VE Lyon, 1856-1858; 3 vol. in-S°. n- (529 ) Annales des sciences physiques et naturelles, d'agriculture et d'industrie; publiées par la Société impériale d'agriculture, etc. de Lyon. 2% série. Tome VII. 5° série. Tome 1. Lyon, 1856- 1857; 2 vol. in-8°. Annales de la Société linnéenne de Lyon. Nouvelle série. Tomes II et 1V. Lyon, 1856-1857; 2 vol. in-8°. L'Institut et les académies de provinces; par M. F. Bouillier. Lyon, 1857; 1 broch. in-8. Notice et description du loch-sondeur ; par M. Adolphe Pécoul. Marseille, 1856; 1 broch. in-8°. Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie. Vire année. 26% livr. Saint-Omer, 1858; 1 broch. in-8°. Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. XV“ vol. 3% série. Tome VE. 2 livr. Valenciennes, juin 1858; 1 broch. in-8°. Kôniglichen preussisschen Akademie der Wissenschaften zu Berlin : — Abhandlungen. 1857; — Monatsbericht. Septembre 1857 à juin 1858. Berlin, 1857-1858; 1 vol. in-4° et 9 cahiers in-8°. Novus codex diplomaticus Brandenburgensis ; von D" A.-F. Rie- del. XV Band. Berlin, 4838 ; 1 vol. in-4°. Mittheilungen aus Justus Perthes geographischer Anstalt. 1858. Heft V à VIEIL Gotha; 4 broch. in-#. Elektrische Untersuchungen; von W.-G. Hankel. 3% Abhand- lung. Leipzig, 1858; in-4°. Theorie der Sonnenfinisternisse und verwandten Erscheinun- gen; von P.-A. Hansen. Leipzig, 188; in-4°. Danzigs Handels- und Gewerbsgeschichte unter der herrschaft des deutschen Ordens; von D' Th. Hirsch. Leipzig, 1858; in-4°. Berichte über die Verhandlungen der kôniglich sächsischen Ge- sellschaft der Wissenschaften zu Leipzig. Math.-physisch. Classe. 1857. IH. 1858. LE — Philologisch-histor. Classe. 1856. I-AV. 1857. IH. 1858. L Leipzig, 1857-1858; 6 broch. in-&°. Abhandlungen der historischen Classe der koniglich bayerischen (330 | 4kadermie der Wissenschaften. VII'® Bandes. 2! Abth. Munich, 1857; in-4°. {relehrte Anzeigen; herausgegeben von Mitgliederen der k. bayer. Akademie der Wissenschaften. 345ter, 45ster, 4657 Bandes. Munich, 1832-1838: 3 vol. in-4°. Annalen der kôniglichen Sternwarte bei München. X'* Band. Munich, 1858; 1 vol. in-8°. Melcorologischen Beobachtungen aufgezeichnet an der künigl. Sternwarte bei München in den Jahren 1825-1837. I supple- ment Band. Munich, 1857; 1 vol. in-$°. Ueber künigl. Massnahmen für das Gedeihen der Wissenschaf- ten; von Fr. von Thiersch. Munich, 1858; 1 broch. in-4°. Ueber das Verhäliniss der Akademie sur Schule; par le même. Munich, 4858; 1 broch. in-4°. Ueber neuaufgefundene Dichtungen Francesco Petrarca's; von prof. D' G.-M. Thomas. Munich, 1858; 1 broch. in-4. Ueber die geschichilichen Vorstufen der neueren Rechtsphiloso- phie; von prof. D' C. Prantl. Manich, 1858; 1 broch. in-4°. Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften zu Wien : — Ma- thematisch-naturwissenchaftliche Classe : Denkschriften. XIV'# Band. 1 vol. in-4°. Sitzungsberichte. XXIV'* Band. 5'5 Heft und XXX'® Band. N°15. 20 broch. in-8.— Philosophisch-historische Classe. XXI Band. 5t* Heft und XXVII'® Band. 1' Heft. 9 br. in-8°. — Votizenblait. 1857. N° 1 à 24. 1 vol. in-8. — Fontes rerum austriacaruin. XIVe Band. 2t Abth. X VIT Band. 2 Abth. 2 vol. in-8°. — Monumenta Habsburgica. 1® Abth. : Das Zei- talter Maximilian's Z. 3* Band. À vol. in-8. — Archiv für Kunde ôsterreichischer Geschits-Quellen. X VIH" Band. 2: Halfte und XIX'* Band. 2° Halfte. 5 broch. in-8. — Almanach. 1858. 4 vol. in-12. Festrede bei der Feierlichen Ubernahme des ehemaligen Univer- sitätsgebäudes durch die k. Akad. der Wissens. gehalten am 29 Oc- tober 1857; vom Vice-Präsidenten derselben D' Th. G. von Kara- jan. Vienne; { broch. in-8°, % ( 901 ) Die principien der heutigen Physik; von D' A. ritier von Et- tingshausen. Vienne; { broch. in-8°. Jahrbücher der k. k. Central- Anstalt für meteorologie und Erdmagnetismus ; von K. Kreil. V“* Band. Vienne, 4858; 1 vol. in-4°. Schriflen der universität zu Kiel aus dem Jahre 1857. Band IV. Kiel, 4858; 1 vol. in-4°. Det kongelikà Danske Videnskabernes Selskabs Shrifier. V* Raekke. Historisk og philosopisk Afdeling. 2% Binds. 24t Hetfte, Copenhague, 1857; 1 vol. in-4. Oversigt over det kongelige Danske Videnskabernes Selbskabs. Vorhandelinger og dets Medlemmers Arbeïder i Aret, 1857. Co- penhague, 1858; 1 vol. in-8°. Historiske Studier; af Frederik Schiern. Copenhague, 1856; 2 vol. in-8°. Beskrifning üfver Dalñarlsbergs Jernmalms/ält uti Nora soc- ken och Orebro län ; al A. Erdmann. Stockholm, 1858; in-4°. Bulletin de la Société impériale russe de géographie. Tome XXWHI. N° 5 à 7. Saint-Pétersbourg, 1858; 5 broch. in-8° (en langue russe). Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou. Tome XXX. N° 2, 5 et 4. Tome XXXI. N° !. Moscou; 1837- 1858; 4 vol. in-S°. Ipotesi astronomica basata sulla velocità della luce qual forza motrice del sistema copernicano; per V. Bonatti. Adria, 1858; 1/2 feuille in-4°. Rapporto della pubblica esposizione dei prodotti naturali e industriali della Toscana fatta in Firenze nel 1854. Florence: 4 vol- in-&°. Notice biographique sur Balthasar Romano; par Marianne- Aguglia Desmouceaux. Naples, 1858; 1 broch. in-8°. . Corrispondenza scientifica in Roma. Anno Vi, N°s 19 à 23, Rome, 1858; 5 feuilles in-4°. Report of the lwenty-seventh meeting of british Association for (3392) the advancement of science; held at Dublin in august and sep- tember 1857. Londres, 1858; ! vol. in-8°. | On the quantity of heat developed by water when rapidly agitated ; by George Rennie. Londres, 1858; 1 broch. in-S°. The past, the present, and the future; by H.-C. Carey. Second edition. Londres, 1856; 1 vol. in-S°. The slave trade, domestic and foreign : Why it exists, and how it may be extinguished; by H.-C. Carey. Londres, 1858; 1 vol. in-8°. Documents relative to the colonial history of the State of New- York; by J.-R. Brodhead, esq. Vol. 1, VIL ei VIIL Albany, 1857. 3 vol. in-4°. Census of the State of New-York for 1855. Prepared from the original returns, under the direction of hon. Joel T. Headlev, secretary of State; by Franklin B. Hough, superintendant of the census. Albany, 1857; 1 vol. in-4°. __ Catalogue of the New-York State library. 1855-1856. Albany, 1856; 3 vol. in-8°. Ninth-tenth and seventieth annual report of the regents of the university of the State of New-York. Albany, 1856-1857; 3 vol. in-8°. Annual report of the trustees of the New-York State library, 1857. Albany; 4 broch. in-8°. The history of Wisconsin; by W.-R. Smith. Vol. I et HE Ma- dison , 4854; 2 vol. in-S°. The american journal of science and arts. Second series. Vol. XXVI. N° 77. New-Haven, 1858; 1 vol. in-8°. Annals of the Minescota historical Society, containing mate- rials for the history of Minnesota. Saint-Paul, 1856; 4 vol. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — No 11. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 6 novembre 1858. M. D'Omazius-D'HaLLoy, président de l’Académie. M. Ad. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Wesmael, Martens, Can- traine, Kickx, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, de Selys-Longchamps, Gluge, Nerenburger, Liagre, Duprez, Poelman, Brasseur, membres; Schwann, Spring, Lacordaire, Lamarle, associés; Montigny, correspondant. MM. Gachard, membre de la classe des lettres, et Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. 2me SÉRIE, TOME V. 23 (334) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur fait connaître qu'une mé- daille d’or de la valeur de 500 francs à été accordée à M. Le Hon, en considération de la part effective qu'il a prise à la rédaction du mémoire intitulé : Recherches sur les Crinoïides du terrain carbonifère de la Belgique, qui à obtenu une part du prix quinquennal des sciences natu- relles pour la période de 1852 à 1855. M. le Ministre de l’intérieur envoie aussi à l’Académie les livraisons 59°° à 45°° de l'ouvrage intitulé : Portefeuille de John Cockerill. — M. le colonel Henri Jones fait hommage d'un exem- plaire du rapport sur la triangulation de l'Angleterre, tra- vail fait sous sa direction. — La Société royale des sciences de Copenhague re- mercie l’Académie pour l'envoi de ses dernières publica- tions. — Il est fait dépôt des observations sur l’état de la végétation, le 21 octobre dernier, faites à l’observatoire royal de Bruxelles, par M. Ad. Quetelet; à Melle, près de Gand, par M. le professeur Bernardin; et à Jemeppe, par M. AÏf. Borre. M. de Selys-Longchamps promet d'envoyer sous peu les observations qu'il a recueillies à la même époque à Waremme, près de Liége. — ]l est donné connaissance de la mort de M. J.-H°Van Oyen , professeur à l’université de Louvain, qui, pendant ( 535 ) plusieurs années, a pris part aux observations périodiques de météorologie, recommandées par l’Académie. — M. Eug. Coomans fait parvenir un mémoire Sur quelques cryptogames de la flore belge. ( Commissaires : MM. Kickx et Maertens.) — M. Van Beneden, membre de l’Académie, présente un exemplaire de son mémoire sur les vers intestinaux, qui lui a valu, en 1855, le grand prix de l'Institut de France pour les sciences physiques et mathématiques; de même que deux volumes qu'il vient de publier avec M. Paul Ger- vais, sous le titre de : Zoologie médicale, exposé métho- dique du règne animal, basé sur l'anatomie , l'embryogénie et la paléontologie. La classe reçoit aussi un exemplaire du discours pro- noncé, à la rentrée des cours de l’université de Liége, par M. Lacordaire, recteur de cette université.—Remerciments. RAPPORTS. MM. Duprez et Ad. Quetelet font connaître qu'ils ont examiné la note de M. Gouëzel, renvoyée à leur avis. Cette note a pour objet de répondre en partie à la question sur la météorologie, inscrite dans le programme du dernier concours de l’Académie. On y voit que le temps a manqué à l’auteur ; mais il a voulu prouver sans doute que la question proposée mérite toute l'attention des savants, et que lui- même avait cherché depuis longtemps à substituer aux observateurs des moyens mécaniques, en général plus ré- guliers et tout aussi précis. ( 356 ) Une partie de cette note a déjà été communiquée à l’In- stitut de France; d’ailleurs les procédés nouveaux ne sont pas suflisamment indiqués, et, comme l’insinue l’auteur, il a plutôt entrepris de prouver à l’Académie qu’il a com- pris l'importance de sa question qu'il n’a cherché à Îa résoudre. am COMMUNI£ATIONS ET LECTURES. Sur l'intensité du magnétisme terrestre, et particulièrement à Bruxelles : lettre de M. Hansteen, associé de lAca- démie, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. « Après avoir reçu vos dernières communications, j'ai tâché de déterminer l'intensité magnétique à Bruxelles, en unités absolues de Gauss, par des comparaisons avec Gôttingen et Paris, où l'intensité exprimée dans ces mêmes unités m'est connue : » Si R désigne l'intensité totale, H et V ses compo- santes horizontale et verticale, on a pour Gôttingen : H — 1.772192 + 15.548 (t— 1834) — 0.036299 (6 — 1834)? et pour Paris : H — 17711 + 55.250 (t— 1893) — 0.24753 (t— 1893). Comme le jour d'observation et même le mois de la plu- part des observations m'étaient inconnus, J'ai été forcé de prendre le milieu de l’année, et j'ai alors exprimé mon doute par le signe (?). L’intensité relative rapportée à celle de Paris prise comme unité est aussi exprimée sim- 2 £ Observateurs. t = 2 Sabme . . | .. 1828,5 ? { Ad. Quetelet . . | 1829,5 ? 5 Id. ..|1830,5? 4 | Nicoll., Quetelet. | 1831,5? 5 | Rudberg . . . . | 1852,22 G | Forbes. .... 1832,5 ? 7 | Ad. Quetelet. , | 1833,5° 8 | Forbes. . . .. 1837,5 ? 9e} Bache - .: . . 1838,5 ? 10 | Ad. Quetelet. . | 1539,45 11 | Langberg. . . . | 1841,5? 12 | Mahmoud. . . . | 1854,19 13 | Ern. Quetelet . | 1856,67 ( 337 }) plement par 3 chiffres. Par cette mauvaise habitude, les erreurs d'observation sont encore augmentées d'inexacti- tudes nuisibles dans les réductions. INTENSITÉ HORIZONTALE,. Bruxelles, Paris =1. 0,951 0,958 0,970 0,961 0,97109 0,961 0,969 0,960 0,969 0,96978 0,962 0,95387 0,99935* VALEUR absolue à Paris. 1,7886 1,7917 1,7947 1,7986 1,7995 1,800 1,80355 1,8141 1,8167 1,8195 1,8242 1,8531 1,8055* TR VALEUR absolue à Bruxelles, 1,7009 1,7165 1,7403 1,7284 1,7477 1,7303 1,7474 1,7415 1,7604 1,7463 1,7549 1,7711 1,8037 D'après la A formule. | 1,7525|— 316 1,7340|—177 1,7555|+ 48 1,7371|— 87 1,7385|4- 94 1,7388|— 85 1,7405|+ 69 1,7479|— 64 1,7499|-+103 1,7518|— 53 1,7561|— 412 1,7876|—165 1,7947|-+ 90 " 4856,67 est comparé avec Güttingen, tant sous Le rapport relatif que sous le rapport absolu. H — 1.7517.5 -+ 14.550 (1 — 1828.0) + 0.25842 (t — 1898.0)°. » Les observations n° 1 et 2 ne peuvent être réunies avec les suivantes sans troubler toute l'harmonie; elles ont été, en conséquence, éliminées, lors de la détermination des constantes de la formule. Pour les autres observations, les signes des différences alternent fort bien. La somme des différences positives donne À = + 406, celle des dif- férences négatives = — 468; l'erreur probable d’une ob- (338) servation — + 69,98; l'erreur probable de la dernière constante de la formule — + 0,5199. Les deux dernières constantes sont des unités de la 4% décimale. V Formule NUMÉROS. 1,7009 | 68056/7|4,4178 | 4,4882 1,7165| 53,414,4461 |4,4817 1,7403| 50,2/4,4951 | 4,4752 1,7284| 47,0|4,4522 |4,4689 1,7477| 44,814,4956 |4,4645 1,7503| 45,8/4,4449 |4,4698 1,7475| 40,7|4,4768 | 4,1568 1,7415| 28,6/4,4157|4,4542 1,7604| 25,714,4597 | 4,4289 1839,45|1,7465| 922,8 |4,4061 |4,4240 1841,5 |1,7549| 17,0 |4,4062|4,4051 1854,19 |1,7711 167 43,9/4,5251 | 4,5640 1856,67|1,8037| 38,0 |4,3853 | 4,5569 Observations éliminées. me ] — Htang.i R = H sec. :. R 4,7337 4,1658 4,8204 2,7760 4,8214 4,7698 4,8057 4,7468 4,1880 4,1397 4,7420 4,6757 4,1399 Formule 4,7974 | 4,1946 4,7918 4,7890 4,7869 4,7861 4,7832 4,7714 4,7684 4,7655 4,7592 4,7177 4,7091 — 6901/3596 — 3/3216 (t— 1827) + 0/017071 ({— 1827). — 4,4915,5 — 66,931 (t —1828) + 0,69621 4,1987,3 — 27,651 (t— 1828) — 0,1264 (t — 1828)2. (t — 18282. » Vous voyez, d’après ces nombres, qu'à Bruxelles comme à Paris, à Londres, Gôttingen, Christiania, Stock- holm, etc., l'intensité horizontale augmente, tandis que l'intensité verticale et l'intensité totale diminuent. » On a, d’après ces formules, 18350.5 H — 1.7555 V —= 4.4759 1856.67 H — 1.7947 V — 4.3569 Variations . . . . + 0.0592 — 0.118535 pe) 4.7918 4.7091. 0.0827. ( 359 ) » Je citerai encore les points suivants où M. E. Que- telet a observé : LA Hansteen . . . . 1824.86 Rudberg. . . .. 1832.40 Ern. Quetelet . . 1856.69 Hansteen . . . . 1827.64 Idem. . ..... 1859.63 Ern. Quetelet . . 1856.66 Berlin. Allona. 1.6814 1.7115 1.7485. i V R 68°45/.0 4.4462 4.7714 6801755 44012 47378 67°24 56 43232 4.6825. H— 1.6814 + 235 (t — 1827.64). » J'ajouterai ici la réduction de vos observations avec trois aiguilles horizontales, comparées avec Paris, à cause de leur grande concordance. » La 4° aiguille donnait des nombres trop discordants. VILLES. ÉPOQUES. = LE MOYENNE. Dnelles. .… . . .. 1839, juin 10. . . . |1,7425 |1,7440 |1,7520 |1,7463 10 1. sept. 3.. 2,0109| — |2,0126 |2,0117 1 . à sept. 6... . |2,0706 |2,0674|2,0745 /2,0705 - sept. 19. . . . 12,2810 |2,2706|2,2797 |2,2771 , .. . . oct. 2. 2,2149 |2,2118 | 2,2022 |2,2096 Re . . oct. 14. 2,101912,1024| — 12,1021 DRE: -". oct. 21. ... |2,1250 |2,1104|2,1121 |2,1158 . [REP LAS TIONERSS oct. 31. 2,0661 12,0491| — |2,0576 Ensprack . .:. ..... nov. 4. 1,965311,9537) — |1,9595 ( 340 ) Théorie géométrique des centres et axes instantanés de rola- tion ; par M. Lamarle, associé de l'Académie. 1. L'objet de ce travail est d'exposer, à un point de vue nouveau, la théorie des centres et axes instantanés de ro- tation. C’est aussi de montrer comment cette théorie peut être entièrement dégagée de toute notion transcendante, et servir ainsi à préciser et résoudre certaines questions rela- tives à la courbure des lignes et des surfaces. Le principe fondamental auquel nous ramenons cette théorie est le suivant : Lorsque les vitesses simultanées des différents points d'une droite sont transportées, en un méme point, le lieu de leurs extrémités est une droite normale à la premiere. De là dérive immédiatement la déduction suivante : Lorsque les vitesses simultanées des différenis points d'un solide sont transportées en un méme point, le lieu de leurs extrémités est un plan. Pour déterminer ce plan, il suffit de considérer trois points m, m', m'’, non situés en ligne droite, et de trans- porter en un point quelconque F leurs vitesses simultanées. Soient n,n,n les extrémités de ces vitesses, après leur transport en F. En général, les points n, n’, n”’ sont dis- tincts les uns des autres et non situés en ligne droite. Ils déterminent, en conséquence, le plan dont il s’agit et que nous désignons par P”’. Cela posé : 4° La perpendiculaire Fo', abaissée du point F sur le plan ( SA ) P', est parallèle à l'axe instantané de rotation. Elle repre- sente en sens et grandeur la vitesse de glissement suivant cet axe. 2 La vitesse de rotation autour de l'axe instantané a pour mesure le rapport de la distance nn’ à la projection sur le plan P' de la droite correspondante mm’. 5° L'axe instantané de rotation est situé à l'intersection commune de trois plans menés, l’un par m normalement à o'n, l'autre par m' normalement à o'n’, le 5°“ par m'' nor- malement à o'n”. S'agit-il uniquement d’une droite mobile dans l’espace ? Elle comporte, pour chaque position déterminée , une in- finité d’axes instantanés correspondants. Parmi tous ces axes, il en est un, dit axe principal. En le choisissant de préférence aux autres, on ramène à son expression la plus simple l’état actuel du mouvement de la droite mobile. En général, cet état de mouvement est réductible à une rota- tion simple autour de l’axe principal. Dans le cas particu- lier, où la droite mobile est perpendiculaire aux vitesses de ses différents points, elle coupe l'axe principal et lui est aussi perpendiculaire. Ramené à son expression la plus simple, l’état de mouvement consiste alors en une rotation autour de l’axe principal, soit sans glissement, soit plus géné- ralement avec glissement le long de ce même axe. Les vitesses simultanées des différents points d’une droite étant prises dans leur vraie position, on remar- que qu’elles sont toutes parallèles à un méme plan, et que le lieu de leurs extrémités est une droite oblique sur la pre- mière. Il en résulte que les vitesses simultanées des diffe- rents points d'un plan ont aussi un plan pour lieu de leurs extrémités. | ( 342 ) Étant données, dans un corps qui se meut, les vitesses de trois points non situés en ligne droite, une construc- üon très-simple permet d'obtenir immédiatement la vitesse d'un point quelconque a de ce corps. À cet effet, il suffit de transporter en a les trois vitesses données et de mener pour chacune, par son extrémité, un plan perpendiculaire à la droite qui joint le point a au point donné correspon- dant. On à ainsi trois plans qui se coupent, en général, en un point unique b. La droite ab est la vitesse du point a en direction, sens et grandeur. Lorsqu'on transporte en un même point les vitesses simultanées de trois points non situés en ligne droite, le triangle formé par les extrémités de ces vitesses a ses trois côtés respectivement perpendiculaires à ceux qui leur cor- respondent dans le triangle formé par les trois premiers points. De là résulte un théorème purement géométrique dont voiei l'énoncé : Lorsque deux triangles a b ce, a” b’ c’:() ont leurs côtes homologues respectivement perpendiculaires, si l’on joint les trois sommets a , b, © à un point quelconque m et que, par les sommets homologues a’, b', c’, on méne trois plans res- pectivement normaux, le premier à ma, le second à mb, le troisième à me, ces trois plans se coupent en un point du plan a’ bc’. Ce théorème peut se démontrer à priori, et fournir ainsi le moyen d'établir très-simplement toute la théorie des axes instantanés de rotation. (*) Il est entendu que ces triangles sont, ainsi que le point m, situés, comme on veut, dans l’espace. (345) PRINCIPES FONDAMENTAUX. 2. THÉORÈME 1. — Lorsqu'une droite ayant un point fixe, tourne autour de ce point, dans un seul et méme plan, les vitesses des autres points sont normales à la droite et respectivement proportionnelles aux rayons vecteurs corres- pondants. THÉORÈME II. — Lorsqu'un plan a deux points fixes et qu'il tourne autour de la droite menée par ces points, les vitesses des autres points sont normales au plan et respec- tivement proportionnelles aux perpendiculaires abaissées de ces points sur l'axe de rotation. Les théorèmes (1) et (IT) pouvant s'établir sans la moin- dre difficulté, nous nous bornons à les énoncer. 5. THÉORÈME III. — Lorsqu'une droite ayant un point fixe tourne autour de ce point, les vitesses des autres points sont normales à la droite, parallèles entre elles et respective- ment proportionnelles aux rayons vecteurs correspondants. Soit OL une droite ayant un point 0 Z/ fixe O et tournant autour de ce point. Prenons en dehors de la droite OL un , second point fixe O”. ÿ m Soit P un plan ayant comme points Pl fixes les deux points O, O’ et assujetti à / passer constamment par la droite OL. | / On voit aisément que la rotation de la l droite OL, autour du point O, se compose o en général de deux rotations simultanées, la droite OL tournant dans le plan P, en méme temps que ce plan tourne autour de la droite O0’. Soient m, m' deux points quelconques de la droite OL ( 944 ) et mp, m'p' les perpendiculaires abaissées de ces points sur la droite OO”. Les vitesses communiquées aux points m, m par la ro- tation de la droite OL dans le plan P, sont normales à cette droite, dirigées dans ce plan et respectivement pro- portionnelles aux rayons vecteurs om, om. (Théorème L.) Les vitesses communiquées à ces mêmes points par la rotation du plan P autour de la droite O0” sont normales à ce plan et respectivement proportionnelles, d'une part aux perpendiculaires mp, m' p' (théorème Il), d'autre part et conséquemment, aux rayons vecteurs Om, Om’. Il suit de là que les vitesses totales, imprimées simulta- nément aux points m, m', sont, comme leurs composantes, parallèles entre elles, perpendiculaires à la droite OL et res- pectivement proportionnelles aux rayons vecteurs Om, Om’. COROLLAIRE. — L'état de mouvement qui anime la droite OL à un instant quelconque déterminé, est le méme que si cette droite tournait, autour du point Ô, dans le plan où sont dirigées les vitesses de ses différents points. 4. Théorème IV. — Les vitesses simulianées des diffé- rents points d’une droite étant décomposées suivant la droite el normalement à sa direction, les composantes dirigées sui- vant la droite sont toutes égales et de méme sens. Soit une droite OL libre dans l’espace et s’y déplaçant. Prenons sur cette droite le point quelconque O0 et, par une translation qui rend commune à tous les autres points la vitesse du point O, assujettissons celui-ci à décrire sa propre trajectoire. L'effet de cette translation, si elle sub- sistait seule, serait de maintenir constante, pour chaque position de la droite OL, sa direction première. Il est donc ( 545 ) évident que, pour imprimer à la droite mobile son mou- vement effectif, il suflit d’une rotation qui se compose avec la translation empruntée au point O, et qui s'accom- plisse autour de ce point, comme S'il élait fixe. S'agit-il d’abord de la translation empruntée au point 0? Les vitesses qui en résultent sont partout les mêmes à un même instant quelconque. Elles ont donc en chaque point, mémes composantes, l’une normale à la droite mo- bile, l'autre dirigée suivant cette droite. S'agit-il ensuite de la rotation autour du point O, considéré comme fixe? Les vitesses qu'elle produit sont partout normales à la droite, parallèles entre elles et respectivement proportionnelles aux rayons vecteurs correspondants. (Théorème IIL.) De là résultent le théorème énoncé ci-dessus et les corollaires suivants : COoROLLAIRES. 1. — Les vilesses simultanées des différents points d'une droite sont toutes parallèles à un méme plan. Le lieu de leurs extrémités est une droite oblique sur la première. 2. Lorsque les vitesses simultanées de deux points d'une droite sont dirigées dans un seul et même plan, ce plan contient à la fois la droite et les vitesses simultanées de tous ses points. 5. Étant données les vitesses simultanées de deux points d'une droite, toutes les autres en résultent. Elles sont pa- rallèles à un méme plan et aboutissent à une méme droite, tous deux déterminés, le plan par les directions des vitesses données , la droite par les extrémités de ces mêmes vitesses. 4. Lorsque deux points d'une droite ont en méme temps même vitesse, cette vitesse est commune à tous les autres points. ». Lorsque deux points d'une droite n'ont pas en méme temps méme vitesse , les vitesses différent en chaque point. (346) 6. Si l’on transporte en un méme point quelconque les vilesses simultanées des différents points d’une droite, ces vitesses ont leurs extrémités sur une même droite perpendi- culaire à la première ("). À chaque point de celle-ci corres- pond un point de l'autre et réciproquement. DU MOUVEMENT D'UN PLAN SUR LUI-MÊME ET D'UNE DROITE DANS UN PLAN. 5. THÉORÈME V. — Lorsqu'un plan se déplace sur lui- méme, si les vitesses simultanées de deux points sont déter- minées, celles de tous les autres points le sont en méme temps. Soient m, m' deux points d’un plan qui se déplace sur lui-même. Par hypothèse, on connaît les vitesses actuelles et simultanées des deux points m, m'. Soit m' un troisième point quel- à conque situé dans le plan mobile en ÿ AT z" dehors de la droite mm’ (”). ? \ Transportons en m” la vitesse du / point m et par son extrémité abais- KP sons une perpendiculaire sur la droi- M \,/n" te m'm. En répétant cette opération A pour la vitesse du point m' et la (*) Ces extrémités sont toutes à la fois dans trois plans, dont deux au moins diffèrent. Le premier de ces plans est perpendiculaire à la droite mobile (Théorème IF), les deux autres sont parallèles l’un aux vitesses considérées, l’autre aux deux droites dont il est fait mention dans le corollaire (1). (**) Si le point m” était pris sur la droite mm’, on obtiendrait directement sa vitesse, en opérant comme dans le cas général et en observant que l’extré- mité de cette vitesse aboutit à la droite déterminée par les extrémités des deux autres prises dans leur vraie position. ( Théorème TF, Corollatre 3.) ut. ( 347 ) droite m''m', la perpendiculaire obtenue vient couper la première quelque part en n”. Tirons la droite m'n". | 7 2}, La droite m''n"”, ainsi déterminée, représente en direction, sens et grandeur la vitesse du point m'. On sait, relativement aux vitesses simultanées des points m, m'", qu'après leur transport en m”, elles ont leurs extré- mités situées sur une même droite perpendiculaire à mm”. { Théorème IV, Corollaire 6.) La même condition subsiste, lorsqu'on substitue le point m’ au point m et la droite m'm" à la droite mm”. Cela suflit pour expliquer la con- struction et pour justifier la proposition qui précèdent. CoRoOLLAIRES.— 1. Tout mode de déplacement qui commu- nique à deux points du plan leurs vitesses, communique en méme temps à tous les autres points leurs vitesses respectives. 2. Si deux points d'un plan qui se meut sur lui-méme ont en même temps méme vitesse, celle vilesse est commune à tous les autres points. Les vitesses simultanées des différents points sont donc toutes les mêmes ou toutes différentes. 6. THÉORÈME VI. — Lorsqu'un plan se meut sur lui-même, DT et que tous ses points | n'ont pas en même A |, temps méme vitesse, il # we, J TN est un point du plan \ | . SA | dont la vitesse est nul- | 4] n re . 0 de | le. On désigne ce point ni | sous le nom de centre | instantané de rota- | tion. Les vitesses si- multanées des autres ‘7 points sont les mêmes (348 ) que si le plan tournait autour de ce centre, considéré comme fixe. Soit un plan qui se meut sur lui-même, et dont tous les points n’ont pas même vitesse à l'instant que l’on consi- dère. Soient m, m' deux points de ce plan, mn, m'n' leurs vitesses actuelles et simultanées. Par hypothèse, ces deux vitesses diffèrent en quelque chose. Supposons d’abord que les vitesses mn, m'n' soient pa- rallèles. Il faut alors qu'elles soient toutes deux perpendi- culaires à la droite min’. Autrement, et puisqu'elles diffé- rent, leurs composantes suivant cette droite ne pourraient être égales et de même sens. (Théorème IV.) Tirons la droite nn’ et déterminons le point o, où elle vient occuper la droite mm’. Il est visible qu'une rotation commençant au- tour du point o peut communiquer aux deux points m, m’ leurs vitesses actuelles et simultanées. Concluons que cette même rotation communique, en même temps, à tous les autres points du plan mobile leurs vitesses respectives. (Théorème V, Corollaire 4.) On voit d’ailleurs qu’en dési- gnant par w la vitesse qui correspond au mouvement angu- _Jaire du plan mobile, on a très-simplement Supposons maintenant les vitesses mn, m'n' nou paral- lèles et considérons le point o situé à la rencontre des per- pendiculaires élevées, l’une en m sur mn, l’autre en m’sur m'n’. Si l'on détermine la vitesse du point o en suivant la marche tracée n° 5, on reconnaît immédiatement que cette vitesse est nulle. D'un autre côté, si l'on reporte en m' sur 1." m'n'" la vitesse mn, el qu'on tire la droite nn", on voit que ( 349 ) cette droite doit être perpendiculaire à la droite ma’. (Théorème IV, Corollaire 6.) Les triangles man”, mom sont done semblables, et l'on a LA A «À LA LA 2 1 - # mn mn n'n 2 CCR mo mo mm ou , remplaçant m'n" par la longueur égale mn, mn mn nn’ mo mo mm Il suit de là qu'une rotation commençant autour du point o, avec la vitesse angulaire nn LU TES mn communique aux deux points m, m' leurs vitesses actuelles et simultanées. Concluons que cette même rotation com- munique, en même temps, à tous les points du plan leurs vilesses respectives. 7. Le point o, déterminé, comme on vient de le voir, est désigné sous le nom de centre instantané de rotation. A chaque position du plan mobile répond une position du centre instantané de rotation, et le point du plan qui coïncide avec ce centre a une vitesse nulle. Si le centre instantané de rotation était fixe sur le plan mobile, c’est- à-dire s'il coïncidait toujours avec un seul et même point de ce plan, il serait absolument fixe, puisqu'il resterait en un même point constamment dénué de vitesse. Le mouve- ment du plan se réduirait donc à une rotation simple au- 2° SÉRIE, TOME Y. 24 ( 590 ) tour d’un centre fixe. Mais, par hypothèse, il en est autre- ment. Il faut donc que le centre dont il s’agit change incessamment de position dans le plan mobile. Concluons qu'en général tout déplacement d’un plan sur lui-même ré- sulte du double mouvement d’un point et du plan, le point glissant dans le plan, en même temps que le plan tourne autour de ce point. Soit p un point assujetti à se mouvoir de manière à coin- cider constamment avec le centre instantané de rotation. Ainsi qu'on vient de le voir, le point p glisse dans le plan mobile. Il a done dans ce plan, et pour chaque position du plan, une vitesse actuelle déterminée. La rotation qui s'accomplit autour du point p ne peut altérer en rien cette vitesse : elle est donc aussi la vitesse du point p dans l’es- pace (). 8. Lorsqu'une droite se déplace dans un plan, on peut concevoir qu'elle entraine ce plan avec elle. Tout se passe done comme nous l’avons vu pour le cas général d’un plan qui se meut sur lui-même. À chaque position de la droite mobile répond un centre instantané de rotation, et, pour chaque point, même vitesse que s’il y avait rotation simple autour de ce centre supposé fixe. Considérons la droite dont il s’agit dans une position quelconque déterminée. Soit ab cette position, o la position correspondante du centre instantané de rotation, o’ le pied de la perpendiculaire abaissée du point o sur ab, o”’ un (*) Considérons les traces du point p sur le plan mobile et dans l’espace. Soit s la première et s’ la seconde. Il est visible que la ligne s’est l'enveloppe des positions successives de la ligne s. On voit aussi que le mouvement du plan mobile est le même que si la ligne s roulait sans glisser le long de la ligne s’. ( 591 ) point quelconque de la pes 00’, w la vitesse angulaire actuelle de la droite mobile. Nous savons déjà que les vi- tesses actuelles des différents points de la droite ab sont les mêmes que si cette droite tournait autour du centre 0 avec la vitesse angulaire w. Nous ajoutons qu'on peut con- sidérer ces mêmes vilesses comme résultant d'un glissement et d'une rotation simultanés, la droite ab tournant autour du point 0” avec la vilesse w et glissant, en même temps, sur elle-même avec la vitesse Ù — (00° — 0°”0') w — 00"'w. Pour reconnaître l’exactitude de cette proposition, il suflit d'observer qu'en supposant la perpendiculaire 00’ liée à la droite ab et entrainée par elle, le glissement et la rotation simultanés dont il s’agit communiquent aux deux points 00” leurs vitesses respectives. (Théorème V, Corol- laire 1.) Étant données les vitesses simultanées des différents points de la droite ab, on peut considérer exclusivement leurs composantes normales à cette droite. Ces compo- santes sont désignées sous le nom de vitesses de circulation. En supposant qu’elles subsistent seules , elles déterminent le point o comme centre instantané de rotation. Ainsi déter- miné, le point o' est dit centre instantané de circulation. Il se distingue des autres points de la droite ab en ce qu'il n’a pas de vitesse de circulation, ou, ce qui revient au même, en ce que sa vitesse actuelle est dirigée tout entière suivant cette droite. Les déductions qui précèdent ne s'appliquent pas seu- lement à une droite qui se meut dans un plan supposé fixe; elles s'appliquent également à toute droite située dans ( 352 ) un plan qui se meut sur lui-même. Elles peuvent se résu- mer dans les termes suivants : 4° Lorsqu'une droite se meut dans un plan, son mouve- ment se compose d'un glissement sur elle-même et d'une rotation autour d'un point choisi, comme on veut, sur la perpendiculaire abaissée du centre instantané de rotation. Quel que soit ce point, la vitesse angulaire est la méme. La vitesse de glissement est celle qui résulte pour le point choisi de la rotation autour du centre instantané. Observons que si l’on considère un point assujetti à coincider toujours avec le centre instantané de circula- tion, ce point a pour vitesse, non pas seulement la vitesse de glissement qu'il emprunte à la droite mobile, mais en outre celle qui anime le centre instantané de rotation parallèlement à cette droite (*). (*) Partant de là, il suffit d’une simple construction géométrique pour éta- blir les théorèmes suivants : 1° Lorsqu'un plan se meut sur lui-même les enveloppes des droites situées dans ce plan ont toutes à la fois leurs centres de courbure sur une même circonférence de cercle. Soit a la position du centre instantané de ro- tation, à l'instant que l’on considère, w la vitesse de ce centre, © la vitesse angulaire du plan mobile. Za circonférence dont il s’agit touche en © la direction de la vitesse u, et elle a pour diamètre le rapport “. - Supposons le mouvement du plan mobile déterminé par celui d’un cercle au rayon R situé dans ce plan*et roulant sans glisser sur un cercle fixe au o) RR’ rayon R’. Il vient alors — = —————-, et l’on a cet autre théorème : ü R+R 2 Les enveloppes des droites situées dans le plan mobile ont toutes pour développée une même épicycloide, occupant une même position ou des positions différentes, selon que les droites considérées sont ou non pa- rallèles. Cette épicycloide est engendrée par un cercle mobile ayant pour dia- / mètre ———, et roulant, sans glisser, sur un cercle fixe concentri- R+R' R° ue au cercle R' et ayant pour rayon — : q y P "a RIK (553 ) DU MOUVEMENT DANS L'ESPACE D'UNE DROITE, D'UN PLAN, D'UN SOLIDE. 9. TaéorÈèMe VII. — Lorsqu'un solide se meut, si les vi- tesses de trois points non situés en ligne droite sont déter- minées, celles de tous les autres points le sont en même temps. Soient m,m ,m'" trois points non situés en ligne droite et appartenant à un solide qui se meut. Par hypothèse, on connait les vitesses actuelles et simultanées des trois points m,m, m'. Soit a un point quelconque du solide pris en dehors du plan m,m', m'"”().Transportons en a la vitesse du point m el par son extrémité menons un plan perpendiculaire à la droite am. En répétant cette opération d’abord pour la vitesse du point m' et la droite am’, ensuite pour la vitesse du point met la droite am”, nous avons deux nouveaux plans, respectivement perpendiculaires l’un à la droite am, l’autre à la droite am”. Soit b le point unique (”) commun aux trois plans que nous venons de déterminer. La droite ab représente en di- reclion, sens et grandeur la vitesse du point à. (*) Si le point a était pris dans le plan mm'm", on obtiendrait directement sa vitesse en opérant comme dans le cas général et observant que l'extrémité de cette vitesse aboutit au plan déterminé par les extrémités des trois autres, prises dans leur vraie position. Cela résulte évidemment du co- rollaire 1. (Théorème IF.) (**) Les intersections du premier plan avec chacun des deux autres sont respectivement perpendiculaires, l’une au plan mam', l’autre au plan mam”. Elles ne peuvent être parallèles, puisque, par construction, les deux plans mam, mam' différent. Il s'ensuit qu’étant situées dans un même plan, elles se coupent nécessairement en un point unique. ( 9594 ) Il suffit de se reporter au théorème IV pour voir com- ment s'expliquent et se jusufient la construction et la proposition qui précèdent. CoROLLAIRES. 1. — Tout node de déplacement , qui com- munique à trois points d’un solide, non situés en ligne droite, leurs vitesses actuelles et simultanées, communique en méme temps à tous les autres points leurs vitesses respectives. 2. Si trois points d'un solide ont en méme temps méme vitesse, cette vitesse est commune à tous les autres points. 10. THÉORÈME VITE. — Lorsqu'un solide se meut , et que tous ses points n'ont pas en même temps même vilesse, il est une droite telle que les points du solide situés sur cette droite n'ont aucune vilesse en dehors de sa direction. Cette droite est désignée sous le nom d’axe instantané de rotation. Les vitesses simultanées des différents points du solide sont les mêmes que s'il tournait, en glissant le long de cet axe consi- déré comme fite. Soit un solide qui se meut et dont tous les points n’ont pas même vitesse à l'instant que l’on considère. Soient m,m', m'' trois points de ce solide non situés en ligne droite, v, v,' v’”’ leurs vitesses respectives, actuelles et simultanées. Transportons en m les trois vitesses v, v’, v’”, el suppo- sons qu'elles y soient représentées , la vitesse v par mn, la vitesse v’ par mn’, la vitesse v” par mn”. Sur le plan déterminé par les extrémités x, n’, n”’, projetons orthogo- nalement le triangle mm’ m'', et désignons par p la pro- jection du point m, par p’ celle du point »', par p” celle du point m”. Si nous tirons les droites pn, pn', pr”, 1l est vi- sible que chacune des trois vitesses mn, mn', mn” peut LD 2 1 ( 395 ) être considérée comme ayant pour composante commune la perpendiculaire mp, la seconde composante étant située dans le plan nn'n”,et représentée par pn pour la vitesse v, par pn' pour la vitesse v’, par pa” pour la vitesse v”. On sait, d’ailleurs, que les droites nn', nn", n'n sont respec- tivement perpendiculaires, nn’ à mm, nn" à mm", nn à m'm. (Théorème IV, Corollaire 6.) Cela posé, la droite nn’ est en même temps perpendi- culaire aux droites mp, m'p', mm'; elle est donc perpendi- culaire au plan mpp'm', et par conséquent à la droite pp’. On démontrerait de même que n'n’”’ est perpendiculaire à pp" etn''n à pp. Il suit de là, conformément à la demon- stration faite n° 6, que les perpendiculaires élevées dans le plan ppp”, en p sur pn, en p' sur pn', en p” sur pn'’,se coupent toutes trois en un même point o et salisfont aux conditions suivantes : Considérons la normale élevée en o sur le plan nn'n”, et imaginons que le solide tourne en glissant le long de cette normale. Si la vitesse de rotation est égale au rap- port et celle de glissement à la perpendiculaire mp, il est évident que ce double mouvement, pris à son origine, communique aux trois points m, m', m'', leurs vitesses ac- tuelles et simultanées (). Concluons que ce même double (*) Les points m et p, m'elp', met p”' sont situés deux à deux sur des droites parallèles à la normale. Dans la rotation avec glissement le long de la normale, tous les points situés sur une même parallele à la normale ont évidemment même vitesse. (596 ) mouvement communique en même temps à tous les points du solide leurs vitesses respectives. (Théorème VII, Corol- laire 1.) On donne à la droite déterminée, comme on vient de le voir, par la condition de contenir le point o et d’être normale au plan nn'n”, le nom d’axe instantané de rotation. À chaque position du solide qui se meut correspond une position particulière de l'axe instantané. En général, l’une et l’autre changent incessamment. Dans tous les cas, les vitesses des différents points du solide sont à chaque in- stant les mêmes que s’il tournait en glissant le long de cet axe considéré comme fixe ('). (") De là résultent, conformément aux détails du n° 7, les déductions suivantes : Considérons une droite assujettie à coïncider toujours avec l’axe instan- tané de rotation. Considérons en même temps les traces de cette droite dans le solide en mouvement et dans l’espace. Ces traces sont des surfaces réglées. Soit s la première et s’ la seconde. Il est visible que la surface s’ est l’enve- loppe des positions successives de la surface s. On voit aussi que le mouve- ment du solide est le même que si la surface s roulait sur la surface s’ en glissant le long de l’arête de contact. Lorsque le solide renferme un point fixe, l'axe instantané passant par ce point, les surfaces s, s’ sont des cônes ayant le point fixe pour sommet commun et roulant l’un sur l’autre sans glisser. En général, tout mouvement d’un solide se compose d’une translation empruntée à l’un de ses points et d’une rotation simultanée autour de ce même point. Si la rotation subsistait seule, le mouvement se réduirait au roulement du cône s sur le cône s’. Pour tenir compte de la translation, il suffit de la communiquer à ces deux cônes, sans rien changer, d’ailleurs, à leur mouvement relatif. Tel est, dirons-nous avec M. Poinsot, et en généralisant l'énoncé que nous lui empruntons, tel est le plus haut point de clarté où l’on puisse porter l’idée si obscure et si complexe du mouvement d’un corps dans l’espace. S'il s’agit uniquement de l’état actuel du mouvement de ce corps à un instant quelconque déterminé, il est plus simple de considérer le corps comme une vis tournant dans son écrou. ( 51 ) Pour avoir Ja direction de l'axe instantané, il suflit en général de transporter en un même point quelconque a les vitesses actuelles et simultanées de trois points m, m',m", non situés en ligne droite. Soient n,n', n°" les extrémités respectives des trois vitesses transportées au point a, et P' le plan qu’elles déterminent. La perpendiculaire abaissée du point a sur le plan P' fixe la direction de l'axe instan- tané et représente la vitesse de glissement le long de cet axe. La vitesse de rotation autour de ce même axe a pour mesure le rapport de la droite nn’ à la projection sur le plan P’ de la droite correspondante mm’. 11. La solution précédente est en défaut lorsque deux des trois points n, n', n” se confondent (‘) ou qu'ils tom- bent tous les trois sur une seule et même droite. Observons qu'en ce cas, la droite x n'n'" est nécessai- rement perpendiculaire au plan m m'm". Cela résulte évi- demment du théorème IV, corollaire 6. Voici, d’ailleurs, les conséquences. Prenons un 4% point m°” situé en dehors du plan des trois premiers. Parmi les quatre points m,m',m", m'", il en est trois au moins dont les vitesses transportées en m n'ont pas leurs extrémités situées sur une seule et même droite. Cela suffit pour que la solution précédente devienne applicable. Poursuivons. Puisque l'axe instantané de rotation et le plan mm'm"” sont tous deux perpendiculaires à la droite Fr. nn'n”, il s'ensuit qu'ils sont parallèles entre eux. Considé- (*) I n’y a pas lieu de considérer le cas où les trois points n, n', n°” se con- fondraient , c’est-à-dire où trois points du solide, non situés en ligne droite, auraient même vitesse. On sait qu'en ce cas cette même vitesse est commune à tous les autres points. ( 358 ) rons la projection de l’axe instantané sur le plan mm'm, elle est parallèle à cet axe, et telle, qu’elle a pour chacun de ses points une seule et même vitesse, dirigée tout en- tière dans le plan mm'm”. Il suit de là que, si l'on prend chacune de ces vitesses dans sa vraie position, le lieu de leurs extrémités est une parallèle à l'axe instantané. Or ce lieu est l’intersection du plan mm'm" avec le plan mené par les extrémités des vitesses v, v’, v”’ prises dans leur position véritable. Il suffit donc de construire cette inter- section pour avoir une parallèle à l’axe instantané. Le reste s'achève comme précédemment. 12. TRÉORÈME IX.— Si l'on transporte en un méme point quelconque les vitesses simultanées des différents points d'un solide, les extrémités de ces vitesses aboutissent toutes à un seul et méme plan perpendiculaire à l'axe instantané de rotation. Ce théorème est une conséquence immédiate du théo- rème VIII. On peut, d’ailleurs, l’établir directement et en déduire le théorème VITF, en procédant comme il suit : Prenons un point quelconque F et transportons en ce point les vitesses simultanées des différents points du so- lide. Lorsque ces vitesses sont ainsi transportées, leurs ex- trémités déterminent pour chaque point « du solide un point correspondant #’. Les points &, «’ sont dits points conjuqués. Soit m un point du solide et m’ le point conjugué. En général, toute droite A, passant par le point m, a pour lieu conjugué une droite A’, passant par le point m', et perpen- diculaire à la première. (Théorème IV, Corollaire 6.) La droite À peut être supposée telle que son lieu con- Jugué se réduise au point unique 7n'. En ce cas, tous les ( 559 ) points de la droite A ont même vitesse, Est-il une autre droite, passant par le point m, dont tous les points aient aussi même vitesse? Cette vitesse est celle du point m. Elle est done commune à trois points non situés en ligne droite , et par conséquent à tous les points du solide. De là résulte, comme première déduction, le principe suivant : Lorsque tous les points du solide n'ont pas en méme temps méme vitesse, il n'existe pour le point m qu'une seule droite dont le lieu conjugué puisse se réduire au point unique m'. Laissons cette droite à l’écart et considérons exclusive- ment les autres. Soient À, B, C, trois droites passant par le point m et situées deux à deux dans des plans différents. Ces droites ne peuvent avoir pour lieu conjugué une droite unique À, vu l'impossibilité, pour celle-ci, d’être en même temps per- pendiculaire aux trois autres. I suit de là que, parmi les droites À, B, C, il en est deux au moins ayant pour lieux conjugués des droites distinctes passant par le point m'. Soient A, B ces deux droites et A’, B’ leurs lieux conju- gués respectifs. Prenons sur À un point a et sur A’ le point conjugué a’. Toute droite menée par le point a et s'appuyant sur B, a pour lieu conjugué une droite passant par le point a’ et s'appuyant sur B’. On sait d’ailleurs qu’à tout point de B correspond un point de B’et réciproquement. (Théorème IV, Corollaire 6.) De là résulte la conséquence suivante : Le plan P déterminé par les droites À, B, a pour lieu con- jugué le plan P' déterminé par les droites A’, B'. À tout point du plan P correspond un point du plan Pet réciproquement. Considérons une droite quelconque D, passant par le ( 360 ) point m et située dans le plan P. Par le point m menons un plan P”’ perpendiculaire à la droite D. Cette droite a pour lieu conjugué une droite D’ passant par le point m et située à la fois dans les plans P”, P”. Si le plan P' était, comme le plan P”, perpendiculaire au plan P, la droite D”, située à la fois dans ces deux plans, se confondrait avec la perpendiculaire abaissée du point m sur le plan P. I! s'en- suivrait donc que toutes les droites, menées par le point m dans le plan P, auraient pour lieu conjugué une seule et . même droite. Cette conséquence étant contradictoire avec ce qui précède, nous sommes nécessairement conduit à la déduction suivante : Le plan P déterminé par les droites À, B n'est pas perpen- diculaire au plan P” déterminé par les droites A’, B’. Soit un point quelconque du solide et N la normale au plan P’, passant par le point mu. La normale N coupe quelque part en n le plan P. Soit n’ le point conjugué du point n. Le point n’ est situé dans le plan P”’. Cela posé, de deux choses l’une : le point n’ est le lieu conjugué de la normale N, ou bien cette normale a pour lieu conjugué une droite perpendiculaire à sa direction et passant par le point n'. Dans un cas comme dans l’autre, le lieu con- jugué de la normale N est situé tout entier dans le plan P”. De là et de ce qui précède résultent évidemment les con- clusions suivantes : 4° Tous les points du solide ont leurs points conjugués dans un seul et même plan P’. 2 Tout plan P, perpendiculaire au plan P', a pour lieu conjugué une droite unique située dans le plan P’ et perpen- diculaire au plan P,. CoroLLAIRES. 1. — Toute droite normale au plan P° peut ( 561 ) être considérée comme étant l'intersection de deux plans quelconques P,, P, perpendiculaires au plan P’. I! s'ensuit qu'elle a pour lieu conjugué un seul et méme point du plan P', et, conséquemment , qu'une seule et méme vitesse anime en même lemps tous ses points. 2, Soit o’ le pied de la perpendiculaire abaissée du point F sur le plan P', m un point quelconque du solide, m' le point conjugué du point m. La vitesse v du point m se décompose en deux vitesses simultanées, représentées res- pectivement l'une par la perpendiculaire Fo’, l'autre par le rayon vecteur o'm', situé dans le plan P' et allant du point 0’ au point m’. à 3. Au point o du plan P’ correspond dans le solide une droite [ normale à ce plan, s’y projetant tout entière en un point o, et ayant le point o’ pour lieu conjugué. Les différents points de la droite X ont une seule et méme vitesse, dirigée tout entière suivant cette droite et représentée par la perpendiculaire Fo’. 4. Soit p la distance du point "» à la droite F, et P” le plan mené par ce point et cette droite. La composante o'm’ de la vitesse v est perpendiculaire au plan P”. Supposons que la droite [ glisse et tourne sur elle- même avec le plan P”. Si les vitesses de glissement et de rotation sont respectivement , l’une Fo’, l’autre Es 4 il est visible que ce double mouvement (pris à son origine) communique au point m, ainsi qu'à tous les points de la droite I, leurs vitesses actuelles et simultanées. Concluons qu'il communique en méme temps à tous les points du solide leurs vitesses respectives. | De là résultent les conséquences établies plus haut concernant l'existence, les propriétés et la détermination complète de l'axe instantané de rotation. ( 362 ) 45. Considérons en particulier le mouvement d’une _ droite dans l’espace et repor- _Xÿ" lons-nous aux données du n° CRE din L 10, sans autre changement que A 7 EN À la suppression du point m” ex- \Z___. UN térieur à la droite mm', et dont m m il n’y a plus lieu de s'occuper. Soient m, m les deux points dont on connaît les vitesses v, v ; q le pied de la perpendiculaire abaissée du point m sur la droite nn’ (‘)}. En général, la droite mg est oblique sur la droite mm’ et les trois points m, m’, q déterminent un plan auquel la droite nn’ est perpendiculaire. Soient mp, mp deux perpendiculaires abaissées des points m,m', sur une droite quelconque pqp’ menée par le point q dans le plan mgm’. Nous savons que tout mode de déplacement qui communique aux deux points m, m’ leurs vitesses actuelles, communique, en même temps, à tous les points de la droite mm leurs vitesses respec- tives. Concluons, conformément aux déductions du n° 10, que.les vitesses simultanées des différents points de la droite mm’ sont les mêmes que si cette droite tournait autour d'un certain axe parallèle à mp, avec une vitesse angulaire égale au rapport ©, et qu'en même temps, elle glissàt parallèlement à ce même axe avec une vitesse représentée en sens et grandeur par mp. Il suit de là qu'il existe, en général, pour chaque position de la droite mm’, une infinité d'axes instantanés de rotation, tous perpendi- culaires à la droite nn’, et affectant d’ailleurs, à l’excep- (*) Les points n, n’ sont les extrémités des vitesses v, v’ transportées en m. La droite nn’ qui joint ces extrémités est perpendiculaire à la droite mm’. (Théorème 1F, Corollaire 6.) ( 505 }) tion d’une seule (‘), toutes les directions possibles. Parmi tous ces axes, on doit distinguer celui dont la direction est normale à la droite mg. Pour cet axe, la vitesse de glis- sement s'annule : en le choisissant de préférence aux autres , on réduit, à son expression la plus simple, l’état de mouvement de la droite mobile. Nous désignerons l'axe dont il s’agit sous le nom d'axe principal. 1 est perpendi- culaire aux vitesses v, v', el, par conséquent, aux vitesses simultanées de tous les points de la droite mm’. La solution qui précède doit être modifiée, lorsque Le vitesses v, v’ sont normales à la droite mm, et qu'elles ont d'ailleurs même direction ou des directions différentes. Dans le premier cas, le point g se confond avec le point m, les axes instantanés passent tous par un même point de la droite mm’, et il n'y a glissement pour aucun d'eux. Dans le second cas, les points m et g sont situés sur une même droite perpendiculaire à mm’. Il en résulte que la direction à exclure (”) pour les axes instantanés est précisément la direction unique qui correspond , en général, à la suppres- sion du glissement. Sous ce rapport, ce cas est l’inverse du précédent : 1l y a glissement le long de tous les axes instan- tanés de rotation. Lorsqu'il s’est agi d’abord du cas général où les vitesses v, v’ sont obliques sur la droite mm’, nous avons distingué, parmi les axes instantanés de rotation, (*) Cette direction est celle de la droite mm’. Pour que la solution du n° 10 soit applicable, il faut que les points p, p’ restent distincts, ou, s’ils se con- fondent, que les vitesses v, v’ soient les mêmes. Dans ce dernier cas, les axes instantanés sont, en nombre infini, tous parallèles à la droite mm’. Le con- traste que ce cas présente avec le cas général est assez curieux pour être si- gnalé. ve (**) Pour cette direction, le rapport — — prend la forme — , CE qui cor- respond à une poaibilicé 1K A ( 564 ) celui dont la direction est normale à la droite mg. Dans le cas actuel, où les vitesses v, v’ sont supposées perpendicu- laires à la droite mm’, l’axe à distinguer parmi tous les autres, est l’axe parallèle à la droite mg. Il est caractérisé par la double condition d’être perpendiculaire à la droite mm’ et d'avoir un point commun avec elle. En le choi- sissant de préférence aux autres, on réduit, à son expres- sion la plus simple, l’état de mouvement de la droite mo- bile. Eu égard à cette circonstance, nous lui affecterons, comme au précédent, le nom d’axe principal. En résumé : À toute position d'une droite qui se meut correspond un axe instantané de rotation, dit axe principal. Deux cas sont d'ailleurs possibles, selon qu'en chaque point la vitesse est oblique ou perpendiculaire à la droite mobile. Dans le premier cas, l'axe principal est extérieur à la droite, et, généralement, oblique sur sa direction. Les vitesses simultanées sont les mêmes que si la droite tournait simple- ment autour de l'axe principal. Dans le second cas, l'axe principal coupe la droite mobile et lui est perpendiculaire. Les vitesses simultanées sont les mêmes que si la droite tournait sans glisser, ou, plus géné- ralement, en glissant le long de l'axe principal. COROLLAIRE. — Lorsque les vitesses simultanées des dif- férents points d'une droite sont les mémes, elles sont toutes situées dans un seul et même plan. Cette condition peut en- core étre remplie, lorsque les vitesses différent. En ce cas, àl faut et il suffit que l'une d'elles soit dirigée tout entière sui- vant la droite mobile ou qu’elle se réduise à zéro |). (*) Pour qu'une surface réglée soit développable, il faut qu’à chaque posi- ( 36 ) Ce corollaire se déduit aisément de la considération de l'axe principal. On peut aussi l’établir en se fondant direc- tement sur la décomposition faite au n° 4. 14. Les considérations développées n°9 et 12 ont pour conséquence un théorème purement géométrique dont voici l'énoncé : THÉORÈME X. — Lorsque deux triangles abe, a'b'c' ont leurs côtés homologues (ab, a'b'}, (ac, a'e'’), (be, be”) respec- tion de la génératrice rectiligne corresponde un seul plan tangent. Lorsque la génératrice conserve une direction constante, cette condition est toujours satisfaite. Pour qu’elle le soit, en dehors de ce cas, il faut et il suffit que, dans son mouvement , la génératrice conserve un point dénué de toute vitesse per- pendiculaire à sa direction. Le lieu de ces points constitue une courbe tracée sur la surface et désignée sous le nom d’aréte de rebroussement. Lorsqu'une ligne courbe n’est point plane, elle est dite à double courbure. Toute ligne s à double courbure est l’arête de rebroussement du lieu de ses tangentes. Le plan déterminé pour chaque point par la tangente et la vitesse d’un des points de cette même tangente, prend le nom de plan osculateur. La nor- male à la ligne s, située dans ce plan, est dite normale principale. Lorsque la normale principale se déplace le long de la courbe s, elle a, en chacune de ses positions, un point dont la vitesse est dirigée tout entière dans le plan normal. Ce point est le centre du cercle osculateur correspondant. Soit m un point décrivant la courbe s avec la vitesse v. Soient w et w’ les vitesses angulaires correspondantes de la tangente et du plan — menés par le point m. Le rayon du cercle osculateur est égal au rapport — —. Du mou- vement du plan osculateur naît une sorte de torsion, nommée denième cour- bure. La première courbure étant mesurée par le rapport - —, la deuxième l'est en même temps sé le rapport —. On appelle rayon de deuvièms cour- bure le rapport inverse - —. On voit, par ces détails, comment toutes les définitions rappelées ci-dessus prennent un sens précis, purement géométrique et entièrement dégagé de toute notion transcendante. La conséquence est une simplification extréme dans toutes les applications. 2° SÉRIE, TOME v. 5 ( 366 ) tivement perpendiculaires, si l’on joint les trois sommets a, b, c à un point quelconque m, et que, par les sommets homologues à’, b’, c’, on méne trois plans P,, P., P, respec- tivement normaux, le premier à ma, le second à mb, le troisième à me, ces trois plans se coupent. en un point du plan a'b'c’. Veut-on démontrer ce théorème à priori, on peut dis- tinguer trois cas et procéder de la manière suivante : 1° cas. — Le plan P” du triangle a’b'e’ coïncide avec le plan P du triangle abc et contient le point m. Tout se réduit, en ce cas, à considérer les traces, sur le plan P’ des plans P,, P,, P;. Ces traces sont respective- ment perpendiculaires aux droites correspondantes ma, mb, mc. De part et d'autre, il y a complète similitude, et la démonstration se fait immédiatement. 2" cas.— Le point m est en dehors du plan P’, où sont situés les deux triangles abc, a’b'c’. Projetons le point "m en m” sur le plan P’. Les droites m'a, mb, mc sont les projections respectives des droites ma, mb, mc. Il suit de là que les traces sur le plan P’ des plans P,, P,, P;, sont respectivement perpendiculaires aux droites correspondantes ma, mb, me. Dès lors tout se résout comme dans le 1° cas. 9" cas. — Les plans P, P' sont, ainsi que le point m, situés d’une manière quelconque dans l’espace. Projetons à la fois le triangle abc et le point m sur le plan P’. On voit aisément que la projection du triangle abc est un triangle a”b”c” ayant ses trois côtés respective- ment perpendiculaires aux côtés homologues du triangle a’b'c’. On voit de même que, en substituant aux droitesma, mb, mc les droites homologues ma”, mb”, mc'”’,on ne ( 367 }) change pas leurs projections m'a", m"b", me", m1, par conséquent , les traces sur le plan P’ des plans P,, P,, P:. Tout se ramène donc au 2° cas et, par suite, au 4. 15. Le théorème X peut s'établir, à priori, comme on vient de le voir. Il fournit ainsi un moyen très-simple d'arriver directement aux principales déductions dévelop- pées ci-dessus. Soit un solide qui se meut et dont tous les points n’ont pas même vitesse à l'instant que l’on considère. Soient a, b, c trois points de ce solide non situés en ligne droite; v, v', v” leurs vitesses respectives actuelles et simultanées. Transportons en un point quelconque F les trois vitesses v, v', v” et supposons qu'après ce transport, elles soient représentées respectivement par les droites Fa’, Kb’, Ke’. Les droites (ab, a'b'}, (ae, a'c’), (be, b'e') sont deux à deux perpendieulaires l’une sur l’autre. (Théorème IV, Corol- laire 6.) Il en résulte que les triangles abe, a'b'e’ ont leurs côtés homologues respectivement perpendiculaires, eL, par suite, que le théorème X leur est applicable. Cela posé, soit »m un point quelconque du solide et « la vilesse de ce point. En supposant la vitesse w transportée en F, la droite, qui la représente, part de ce point et aboutit à l'intersec- tion des trois plans P,, P,, P;, menés, le 4° par le point a’ normalement à ma , le 2°, par le point b’ normalement à mb, le 5"°, par le point c', normalement à mc. { Voir Théo- rème VII). Or, en vertu du théorème X, cette intersection est située dans le plan P° du triangle a'd'c’. Il s'ensuit donc que, si l'on transporte en F les vitesses des différents points du solide, ces vitesses ont toutes leurs extrémités situées dans un seul et même plan P’. ( 368 ) Du point F abaissons sur le plan P’ une perpendiculaire Fo’. o’ étant le pied de cette perpendiculaire, tirons les droites o’a’, ob’, o'c’, et par les points a, b, c menons trois plans respectivement normaux, le 1° à o'a’, le 2°° à 0‘, le 5"° à o'c’. En vertu du théorème X, ces trois plans ont un point commun. Concluons d'abord qu'ils ont pour intersection commune une droite ol perpendiculaire au plan P’. Concluons ensuite que tous les points du solide situés sur cette intersection ont une seule et même vitesse, représentée par Fo’ et dirigée tout entière suivant la droite ol (). | Soit mo une perpendiculaire abaissée du point # sur la droite ol. Transportée au point F, la vitesse du point m aboutit quelque part en m’ sur le plan P’. Il s'ensuit qu’elle a pour composantes les deux vitesses représentées respec- tivement, l’une par Fo’, l’autre par om’, la première paral- lèle à l'axe of, la seconde perpendiculaire au plan om (”). Il est visible que, pour communiquer au point # , ainsi qu’à tous les points de la droite of , leurs vitesses actuelles et simultanées, 1] suffit que le solide glisse le long de cette (*) Le point m étant pris sur la droite ol, on peut l’y déplacer, comme on veut, sans que rien change ni dans les projections sur le plan P’ des droites ma, mb, mc, ni dans les traces 0'a/, 0’b', oc’, des plans P,, P., P.. IL en résulte qu'après leur transport en F, les vitesses des différents points de la droite ol viennent toutes aboutir au point unique 0’. Elles sont donc toutes les mêmes. (**) La droite mo’ est évidemment perpendiculaire à la droïte ol, puis- qu'elle est située dans le plan P’. Elle l’est d’ailleurs à la droite mo, puis- qu'après leur transport en F, les vitesses des points m et o ont leurs extré- mités situées respectivement en m et 0’. (Théorème IF, Corollaire 6.) Perpendiculaire à la fois aux deux droites ol et mo, la droite m'o' est per- pendiculaire à leur plan olm. ( 369 ) droite avec la vitesse Fo’ et qu'il tourne en même temps m'o L2 0 autour de la même droite avec la vitesse angulaire — Concluons que ce méme double mouvement, pris à son origine, communique en même temps à tous les points du solide leurs vitesses respectives. De là résultent évidemment toutes les conséquences établies précédemment, en ce qui concerne l'axe instan- tané de rotation. COMPOSITION ET DÉCOMPOSITION DES VITESSES DE ROTATION. 16. Lorsqu'un solide tourne autour d’un axe, on repre- sente sa vitesse de rotation par une portion de l’axe égale en longueur à la grandeur de cette même vitesse. On tient compte du sens en fixant, sur un point quelconque de l'axe, l’origine de la longueur prise pour mesure de la vitesse, et portant cette longueur du côté où la rotation s'effectue de gauche à droite pour un observateur placé le long de l'axe, les pieds à l'origine. Ces conventions admises, il est aisé de voir que deux rotations simultanées, autour de deux axes qui concourent, se composent en une rotation unique, de la même manière que si les portions de droites, qui représentent ces rotations, exprimaient des vitesses linéaires animant en même temps un seul et même point. Il suffit pour cela de considérer, dans le plan des deux axes donnés, trois points non situés en ligne droite, et de constater qu'ils acquièrent même vitesse, soit par l'effet combiné des deux rotations composantes, soit par l'effet simple de la rotation résultante. On peut, d’ailleurs, choisir ces trois points comme on veut, et, parexemple, en prendre un sur chaque axe. ( 370 ) La proposition établie pour deux rotations dont les axes concourent, s'étend d'elle-même à un nombre quel- conque de rotations à axes concourants. Il est clair, d’ail- leurs, que, si plusieurs rotations simultanées se composent en une rotation unique, la réciproque subsiste nécessai- rement, comme Sil RAR d’un point et de la vitesse qui l’anime. 47. Deux rotations égales et de sens contraire, autour de deux axes parallèles, forment ensemble un couple de rotation ('}. L'effet qu’elles produisent est celui d’une simple translation perpendiculaire au plan des deux axes ou du couple. En désignant par « la vitesse angulaire, par p la distance des axes et par v la vitesse de transla- tion résultante, on à VU — p.Q@. On voit aisément que po est la vitesse communiquée aux différents points de chacun des deux axes. Il s'ensuit que cette même vitesse est commune à tous les points du solide. (Théorème VII, Corollaire 2.) L'identité, qui subsiste entre les couples de rotation et les vitesses de translation résultantes, permet de les sub- stituer les uns aux autres, et d'appliquer aux couples ce qu'on a démontré pour les vitesses, ou réciproquement. De là résultent immédiatement les conséquences sui- vantes : 1° Un couple de rotation peut être transporté et tourné comme on veut, soit dans son plan, soit dans un plan paral- (*) Pour plus de détails, on peut, au besoin, consulter le beau travail de M. Poinsot, intitulé Théorte nouvelle de la rotation dés corps. Paris, 1851. (571 ) lèle. On peut aussi changer en même temps la distance des axes et la vitesse angulaire. Si le moment (*) du couple et son sens restent les mêmes, rien ne change dans l'effet pro- duit. 2° Les couples de rotation se composent entre eux comme se composent entre elles les vitesses résullantes, transportées en un seul et même point. 5° Étant donnée une rotation quelconque autour d’un axe À, l'effet produit ne change point , soit qu’elle subsiste seule, soit qu’on la compose avec deux rotations égales et de sens contraire autour d’un axe quelconque A’. Supposons l’axe A’ parallèle à l'axe À, et, de part et d'autre, même vitesse absolue. La rotation autour de l’axe À équivaut à une rota- tion égale et de même sens, s’effectuant autour de l’axe A’ et se composant avec le couple de rotation AA. 4 Réciproquement toute rotation s’effectuant autour d’un axe A’ et se composant avec une translation perpendiculaire à cet axe, se résout en une rotation simple, identique à la première, et S’effectuant autour d’un second axe À parallèle au premier. L’axe À est situé dans le plan mené par l’axe A" normalement à la vitesse de translation. IT est le lieu des points qui, dans la rotation autour de l’axe A”, empruntent à celte rotation une vitesse égale et contraire à celle qui ré- sulte de la translation donnée. 5° Deux rotations quelconques simultanées (”), autour de deux axes parallèles, se composent en une rotation unique (*) On appelle moment d’un couple de rotation le produit de la distance des axes par la vitesse angulaire. Le sens est déterminé par celui de la vi- tesse de translation résultante. (**) Il est entendu que ces deux rotations ne sont point égales et con- traires. ( 572 ) autour d’un axe parallèle aux axes donnés et situé dans leur plan. La vitesse résultante est la somme algébrique des vi- tesses composantes. L’axe résultant est le lieu des points qui empruntent aux deux rotations composantes des vitesses égales et contraires. Pour démontrer cette dernière conséquence, il suffit d'observer que, si l’on transporte autour de l’axe résultant les deux rotations données, les deux couples de rotation, qu'il faut composer avec elles pour ne pas changer l'effet produit, sont égaux et de signe contraire. = 48. La connaissance du mode suivant lequel les vitesses de rotation se composent entre elles et avec les vitesses de translation, conduit très-simplement à la détermina- tion de l'axe instantané de rotation. Soient, en effet, m, mm" trois points d’un solide non silué en ligne droite, et v, v’, v” leurs vitesses respectives, actuelles et simultanées. Concevons une translation rendue commune à ces trois points et s’effectuant avec la vitesse v empruntée au point m. Il est visible que, pour restituer aux deux autres points leur état actuel de mouvement, il faut, en général, com- poser cette translation, d’une part, avec une rotation de la droite mm’ autour du point m; d'autre part, avec une rotation du point m” autour de la droite mm’. La première de ces deux rotations peut être considérée comme s’effec- tuant autour d'un axe perpendiculaire à la droite mm’ (Théorème 111), et passant par le point m. Il en résulte que les deux rotations à considérer ont des axes concourants et se composent en une rotation unique autour d’un axe passant par le point m. Cela posé, si l’on décompose la translation, rendue com- ( 379 ) mune aux trois points m,m', mm", en deux translations simultanées, l'une parallèle à l'axe A” de la rotation résul- tante, l’autre perpendiculaire à ce même axe, on sait que celle-ci peut se composer avec la rotation de manière à ne laisser subsister que cette même rotation autour d'un axe A parallèle au premier. (N° 17, conséquence 4°°.) Il suit de là que tout se réduit à une rotation s’effectuant autour de l’axe A et se composant avec une translation parallèle au même axe. L’axe À , ainsi déterminé, est l'axe instantané de rota- tion. Il est parallèle à la droite mm’, lorsque les vitesses v,v' sont les mêmes. Il se confond avec cette droite, lorsque les vitesses v, v sont égales, de même sens et dirigées sui- vant la droite mm’. Partant de là, on peut, ainsi que nous l'avons fait au- trement, établir sans difficulté toute la théorie développée ci-dessus. (374) CLASSE DES LETTRES. ——————— Séance du 8 novembre 1858. M. M.-N.-J. Leczero, directeur. M. Ad. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, De Smet, de Ram, Roulez, Gachard, Borgnet, le baron Jules de Saint- Genois, David, Paul Devaux, De Decker, Schayes, Snel- laert, Carton, Haus, Bormans, Baguet, Arendt, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ducpetiaux , Serrure, Mathieu, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Tho- nissen, Th. Juste, Defacqz, correspondants. MM. Sauveur, Alvin, Éd. Fétis, L. Jehotte, membres de la classe des sciences et des beaux-arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le secrétaire perpétuel donne communication de dif- férentes lettres qu'il a reçues de M. le Ministre de l'inté- rieur et qui sont relatives aux prix fondés par le baron de Stassart , à l'approbation des comptes de l’Académie pour l’année 1857 et à plusieurs envois de livres. (375) — La classe reçoit les deux ouvrages manuscrits sui- vants : Sur les principes de la statistique, considérés sous le rapport physique, intellectuel et moral de l’homme; par Ad. Quetelet. (Commissaires : MM. Ducpetiaux et De Decker.) Recherches sur lés monnaies des comtes de Namur, mé- moire avec planches, par M. Chalon. (Commissaires : MM. Schayes et Serrure.) M. Bormans fait hommage d’un exemplaire d’un nouvel ouvrage qu'il vient de faire paraître et qui est intitulé : Sinte Servatius legende van Hendryck van Veldeken. — Remerciments. RAPPORTS. M. Alvin fait connaître que la commission nommée par les trois classes de l’Académie, et composée de MM. De Decker, Ad. Quetelet, et de lui-même, a terminé le projet de rapport concernant les bustes des académiciens décédés. Il donne lecture de ce rapport, qui sera communiqué aussi aux deux autres classes, et dont la discussion aura lieu en séance générale, M. Gachard donne également communication du rapport demandé par le Gouvernement aux classes des sciences et des léttres, sur les prix quinquennaux et sur la com- position du règlement additionnel pour ce prix. La com- mission était composée de MM. d'Omalius et Ad. De Vaux, ( 376 ) pour la classe des sciences, Leclereq et Gachard, pour la classe des lettres, et Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie. Du patronage des condamnés libérés, mémoire de M. Duc- petiaux, correspondant de l’Académie. Happort de M. Defacqz. « Encore peu familiarisé avec les usages de l’Académie, je ne sais si je comprends bien la mission du rapporteur : elle doit, me semble-t-il, se borner à présenter le som- maire de l’œuvre, sans porter un jugement sur le système de l’auteur, sans se livrer à la critique des opinions sur lesquelles on ne serait pas d'accord avec lui. Il ne s’agit, en un mot, que de mettre l’Académie en état de juger elle- même. C’est au moins la marche que j'ai suivie. Le mémoire est intitulé : Du patronage des condamnés libérés. 1° Dire ce qu’est le patronage, montrer qu'il constitue une œuvre juste et nécessaire ; % Retracer son introduction en Belgique et l’avorte- ment de l’entreprise, signaler l'urgence de son rétablisse- ment sur des bases nouvelles ; 5° Éclairer et faciliter ce travail par les expériences faites et les résultats obtenus à l'étranger; 4° Prouver qu'une des conditions essentielles du succès est de confier le patronage à la charité privée, tel est l’objet du mémoire, telle est la division de la matière. & I. -— Le premier des quatre chapitres dont se com- pose l’ensemble, traite du but et de l’utilité du patronage, (371) des conditions et des garanties auxquelles il doit être subordonné. Le patronage, dit l’auteur, a pour but de frayer aux libérés la voie qui doit les ramener aux habitudes et aux re- lations de la vie sociale (4). C'est un acte de justice envers les condamnés à des peines temporaires , qui doivent pou- voir, à l’expiration du terme, reprendre place dans la fa- mille et la cité. C’est un acte d'utilité publique, car il tend à prévenir les récidives : on sait combien elles sont fré- quentes; or le plus grand nombre est le résultat de l’isole- ment où l’on abandonne les libérés, du préjugé qui les repousse, de la difficulté qu’ils éprouvent ainsi à se pro- curer un travail qui les fasse subsister honnêtement. Le patronage atténuera ces obstacles, mais son efficacité est subordonnée d’abord à l'établissement préalable d’un bon système pénitentiaire organisé en vue de l'amendement des condamnés ; il faut, en outre, 1° changer le mode de sur- vetllance de la police, qui a l'inconvénient de signaler sou- vent le libéré à l'attention et à l’'animadversion publiques ; 2 introduire dans la législation pénale la faculté de la libération provisoire ou conditionnelle qui, rendant les con- damnés à la société, permet de les réintégrer dans les pri- sons s'ils abusent de la liberté. $ 11. — Dans le deuxième chapitre, le mémoire fait l'historique du patronage en Belgique. Son établissement officiel est l'ouvrage de l'arrêté royal du 4 décembre 1835. Cet arrêté chargea du patronage les colléges administratifs des prisons, des maisons d'arrêt et de justice; mais, à défaut d’auxiliaires pour continuer au (1) Les passages en. italique dans ce rapport reproduisent le texte du mé- moire. (378 ) dehors l’œuvre commencée dans la prison même, l'insti- tution ne produisit aucun fruit. Un arrêté royal du 14 décembre 1848 rapporte le précé- dent et décrète l’établissement, dans chaque canton, d’un comité chargé du patronage extérieur : il fixe les attribu- tions de ces comités qui exerceront, à l’égard des libérés, les soins d’une véritable tutelle (1); il détermine leur mode d'opérer, les conditions d'admission au patronage, les causes qui le font cesser, enfin les ressources pécuniaires qui aident à leur action. Une circulaire ministérielle du 42 septembre 1849, en traçant des règles pour l'exécution de l'arrêté royal, fait ressorlir le caractère du patronage, qui est, avant tout, une œuvre morale, qui ne doit recourir à l'assistance maté- rielle que subsidiairement, sans pouvoir se substituer aux bureaux de bienfaisance ou aux établissements de charité proprement dits : seulement certaines mesures provisoires sont autorisées en faveur des femmes et des jeunes délin- quants à leur sortie de prison. Les ressources mises à la disposition des comités se di- visent en {rois catégories : 1° Les masses de sortie des libérés admis au patro- nage; 2° Les subsides accordés par les provinces, les com- munes et les bureaux de bienfaisance, les souscriplions , les dons volontaires; 3° Les allocations portées au budget de l’État, et ce qui est acquis à l'État dans les masses des condamnés, soit par décès, soit à titre d'amende ou autrement. (1) Véritable tutelle. C’est l'expression de l’art. 14 de l'arrêté : est-elle bien exacte, les condamnés libérés sont-ils vérifablement assimilés aux mineurs? ( 579 ) Le patronage ainsi réorganisé est encore demeuré sté- rile. Sauf de rares exceptions, les comités n'existent que de nom. Les auxiliaires dont ils ont besoin n'ont pas été appelés ou n’ont pas répondu à l'appel; on a né- gligé le concours des femmes au patronage des personnes de leur sexe; l’exiguité des moyens pécuniaires de libre disposition, qui se réduisent en fait à la seule subvention de l'État, a, d’ailleurs, frappé les comités d’impuissance et a éloigné d'eux les libérés qui connaissent l’inanité du patronage; aussi la tutelle des comités s'est-elle bornée te plus souvent à recevoir les masses des libérés et à les leur remettre, Pour prévenir la ruine imminente d'une institution qui devient chaque jour plus nécessaire, le gouvernement de- manda aux gouverneurs des provinces, par une circulaire du 49 janvier 1857, un avis sur un plan de réorganisation du patronage qui reposait essentiellement sur la substitution du principe de la charité libre et volontaire au principe de l'organisation officielle et exclusive. Les réponses qu’il reçut conslalent unanimement l'ineflicacité du patronage dans sa forme actuelle, mais elles varient sur les moyens propres à consolider et à féconder l'institution. Dans quelques provinces, on admet, avec certaines mo- difications, la base proposée par le gouvernement; la dé- putation de Liége, au contraire, repousse absolument, comme dangereuse, la substitution de la charité privée à l’action de l'autorité; le Brabant déclare qu’il n'attend de la réorganisation aucun résultat favorable. Dans cet état des choses, la nécessité de modifier com- plétement ce qui existe est évidente; mais quels principes devront présider à la réforme ? Ce qu'on à fait en d’autres pays fournira peut-être à la Belgique d’utiles indications. ( 580 ) C'est ce que le mémoire examine dans le chapitre suivant. $ II. — Le mémoire passe en revue les institutions re- latives au patronage en France, en Angleterre, dans le grand-duché de Bade, le Wurtemberg, la Suisse, la Tos- cane, la Lombardie , les États-Unis de l'Amérique septen- trionale et les Pays-Bas. Il rend compte des résultats déjà obtenus dans quelques-uns de ces pays, ainsi que des essais et des ellorts que l’on fait dans les autres. Il insiste parti- culièrement et donne des détails assez étendus sur la sor- TUDE DE NazaRETH, fondée près de Montpellier, par l’abbé Coural , pour les femmes et les jeunes filles libérées, et qui a ses analogues dans la MAISON DE REFUGE à Liége et la MAISON DU BON PASTEUR à Namur; sur une société constituée à Paris en 1835, par la charité privée, présidée par M. Be- renger et qui a reçu le privilége de la personnification civile ; sur une association créée à Carlsruhe, qui embrasse tout le grand-duché de Bade et qui a reçu une sorte de sanction officielle du gouvernement. Il voit dans cet ensemble la preuve de l’importance que l’on attache partout au patro- nage et l'indication de la voie à suivre pour doter la Bel- gique de ce hienfait. Cette voie, il la trace dans son dernier chapitre. $ IV. — Si le patronage n’a pas réussi en Belgique, c’est surtout parce qu'on l’a considéré comme une institution publique et officielle, et que le concours des particuliers et des associations charitables lui a, dés lors, fait défaut. Pour en assurer le succès, il faut, en le reconstituant, appeler avant tout le concours de la charité privée. À l'appui de cette théorie, le mémoire invoque, outre l'exemple de tous les pays, 1° un discours du président Be- renger, dans lequel il propose de faire un appel à la société de Saint-Vincent de Paul; 2° une notice communiquée au ( o81 ) congrès international de bienfaisance tenu à Francfort ; 5° le passage d’un ouvrage où M. Guizot définit le caractère de la charité chrétienne, dont la liberté est l'essence ; 4 l'opinion de M. Mittermaier. Le mémoire voudrait que l’organisation nouvelle étendit le patronage au pays entier, comme dans le département de la Seine, comme dans les grands-duchés de Bade et de Toscane. Il pense que le gouvernement déciderait aisément quel- ques personnes influentes à former soit une société géné- rale avec des succursales, soit des associations distinctes et indépendantes les unes des autres, mais qui correspondraient entre elles et se préteraient un mutuel concours. On pourrait même conserver ceux des comités existants qui remplis- sent louablement leur mission. Le patronage des femmes serait confié autant que pos- sible à des personnes de leur sexe; celui des jeunes délin- quants serait distinct de celui des adultes. Examinant ensuite à quelles conditions les libérés ob- tiendraient le patronage, 1l est d'avis qu'il faut accorder aux associations ou aux comités toute liberté d'agir selon les circonstances el les besoins. En s'exprimant ainsi, le mémoire share supposer que les associations seraient subordonnées à une volonté supé- rieure qui réglerait leur action : cependant, il s’est placé et il procède dans l'hypothèse du patronage exercé par la charité privée et libre, dégagée de tout caractère public ou officiel. Cette contradiction n’est sans doute qu'apparente, et il serait facile de la faire disparaitre. Quant au but et au caractère du patronage, aux moyens qu'il doit employer pour accomplir sa mission, aux œuvres accessoires qu'il peut embrasser, le mémoire se réfère aux Me SÉRIE, TOME V. 26 ( 582 ) statuts des associations dont ii a parlé, ainsi qu’à l'arrêté de 1848 et à la circulaire de 1849, en mettant seulement de côté le caractère officiel que ces derniers actes attri- buent aux comités. Il ajoute enfin quelques détails sur l'extension qu’il croit utile de donner au cadre des associations, sur l'utilité d’asiles temporaires à ouvrir aux femmes et aux jeunes délinquants libérés, sur la nécessité de la dispersion ou de l’émigration des autres condamnés, après l'expiration de leur peine, ; Dans ce dernier chapitre, le mémoire ne s'explique pas sur les ressources financières dont le patronage, quel qu'il soit, ne peut se passer. La charité privée suffira-t-elle à tous les besoins, ou l'autorité publique, en renonçant à toute intervention, continuera-t-elle à s'imposer une partie des charges? Il conviendrait de ne pas laisser d'incertitude sur ce point important. Telle est l’analyse du mémoire : elle est un peu sèche peut-être, mais je la crois fidèle; j'ai tàché de n'y rien omettre d’essentiel. J'ajouterai que l'ouvrage est écrit d’un style toujours clair et qui me paraît parfaitement approprié au sujet. La nature de ce sujet, qui appartient éminemment aux matières dévolues à la section des sciences politiques et morales de la classe des lettres (1), les lumières que le mémoire est propre à répandre sur l’une de ces grandes questions de progrès, dont la société moderne est en travail, détermineront, je pense, l’Académie à donner une place dans ses publications au mémoire de M. Ducpetiaux. » (1) Art. 1er, 2e alinéa du réglement général de l’Académie. (385) Rapport de M, De Decker. « Chacun de vous connaît les travaux remarquables dans lesquels notre honoré confrère, M. Ducpetiaux, a traité les principales questions qui se rattachent au pro- blème si diflicile et si compliqué de la bienfaisance. Tous ces éerits respirent le dévouement le plus absolu aux in- térêts des classes souffrantes ; tous révèlent les plus con- sciencieuses études sur les misères , physiques et morales, qui afiligent nos modernes sociétés et sur les moyens de les prévenir ou de les soulager. Plus heureux que la plupart de ceux que leurs convic- lions ou leurs sentiments ont voués au même genre d’études, M. Ducpetiaux a eu le rare privilége de se trouver, par la nature des hautes fonctions dont il est revêtu, en posi- lion de réaliser ses vues utiles et de donner aux théo- ries l'indispensable contrôle de l'expérience. Aussi est-il en droit de revendiquer une part importante dans les succès de notre administration publique de la bienfai- sance, dont l’intelligente direction constitue l’un des titres de gloire de la Belgique contemporaine. M. Ducpetiaux présente aujourd’hui à l’Académie un mémoire Sur le patronage des condamnés libérés. L'honorable commissaire que vous venez d'entendre vous a donné une analyse rapide mais exacte de ce mémoire. M. Ducpetiaux a conservé sa foi dans l'efficacité d'insti- tations ayant pour but louable d'assurer aux condamnés libérés les moyens de rentrer honorablement dans la so- ciété; el il faut s’en féliciter en présence du chiffre effrayant de 57 récidivistes sur 100 libérés qui nous est fourni par la statistique. ( 384 ) Mais si l’idée lui sourit toujours, il est obligé de con- venir que l'application en a été défectueuse. Il signale les obstacles contre lesquels est venu échouer le système des comités cantonaux, inauguré en 1848, pour organiser officiellement le patronage des libérés, obstacles que les avis concordants des autorités consultées avaient, du reste, dénoncés au Gouvernement, avec une unanimité bien faite pour rendre évidente la nécessité d’une réforme prompte et radicale. Quelle sera cette réforme ? M. Ducpetiaux, après avoir jeté un coup d'œil sur les institutions fondées dans la plupart des pays civilisés pour patronner les condamnés libérés, propose de suivre leur exemple, en confiant, chez nous aussi, l’avenir du patro- nage à la charité ingénieuse et féconde des associations libres. Il est difficile de ne pas admettre ces conclusions. La raison nous dit qu’une œuvre si délicate et, avouons-le, si rebutante dans beaucoup de cas, exige la réunion de conditions que n'offriront jamais des institutions ofli- cielles. Quelles que soient, d’ailleurs, l'intelligence et la bonne volonté des fonctionnaires appelés à seconder les vues généreuses du Gouvernement pour le patronage des libérés, il faut, pour atteindre ce but, des aptitudes spéciales, un dévouement de tous les genres et de tous les instants, un esprit d’abnégation et de sacrifice qu'on ne puise pas toujours aux sources officielles, une variété de combinaisons, une persévérance d'efforts qu'on ne trouve que dans cette complète union de pensées et de sentiments sur laquelle reposent, dans les pays protes- tants, comme chez les nations catholiques , les associa- tions de celte nature. 2 ( 385 ) Les réflexions judicieuses et pratiques de M, Ducpetiaux viennent confirmer le langage de la raison. Est-ce à dire que le Gouvernement doive rester désor- mais étranger à l'œuvre du patronage? Nullement. La der- nière partie du mémoire indique les mesures à prendre par lPadministration pour réaliser les bienfaits de son intervention salutaire, dont les conditions seraient ulté- rieurement réglées, en vue d'assurer, de commun accord, le succès du nouveau système de patronage. En résumé, le mémoire de M. Ducpetiaux me paraît digne, à tous égards, des honneurs de l’impression dans le recueil des travaux de l’Académie. » Conformément aux conclusions de ces rapports, la classe ordonne l'impression du mémoire de M. Ducpetiaux. COMMUNICATIONS ET LECTURES, Notes sur quelques points d'histoire littéraire; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l'Académie. Après avoir abordé le récit des révolutions, des guerres et des crises diverses qui forment ce qu'on appelle l'histoire politique des peuples, on éprouve le besoin de les étudier à un autre point de vue. Plus est grand l'intérêt que l’on porte à leurs souvenirs nationaux, plus on s’arrête-volon- tiers à toutes ces questions de littérature, d'art et même de commerce et d'industrie qui nous permettent de juger ( 386 ) avec impartialité les générations éteintes, en nous révélant leurs mœurs, leurs lumières et leur civilisation. Des mains savantes et habiles élèvent chaque jour à l'art, porté si haut par nos pères, un vaste monument dont chaque pierre coûte à l’ouvrier un double travail pour la retirer du sol où elle était enfouie et pour lui rendre sa forme, ses contours et sa-véritable place. Nous voudrions qu’il en fût de même de l’histoire des lettres, qui précède presque toujours celle des arts et qui marche son égale. dans les siècles les plus florissants. Certes , l’histoire de la naissance et du développement des lettres offre sans cesse ce vif intérêt qui s'attache à tous les efforts, à toutes les conquêtes de l’esprit humain ; mais il semble que ces re- cherches méritent encore plus de fixer l'attention si elles éclaircissent, en même temps que les annales de nos pro- grès, le problème toujours si obscur et si controversé de nos origines; on aime à y retrouver la trace des éléments différents qui se sont tantôt combattus, tantôt unis sur notre sol. Ici, c’est l'élément gallo-romain étouffé un in- stant sous la cendre des cités brülées par les Huns et les Vandales, qui se relève avec les basiliques et les monastè- res, asile commun de la science de la Rome antique et de celle de la Rome chrétienne. Là, c’est l'élément barbare qui a aussi sa littérature et sa poésie, puissante, énergique et rude comme le cri de guerre des envahisseurs et des conquérants; d’une part, la langue flamande, mi-scandi- nave, mi-saxonne, qui eut pour première forme ces sagas que l’écume des flots jeta sur nos rivages dès le V”° siècle avec la barque des pirates et des Seakongars, la langue flamande que nous voudrions séparer davantage des idiomes sermaniques pour la rapprocher de la langue anglaise avant Guillaume le Conquérant, témoin le lien étroit qui unis- .(-387 ) . sait les populations des deux rives de la mer au temps d'Héreward, de Torfriede et du camp du Refuge. D'autre part, la langue franke, la langue française, bien plus. forte- ment empreinte à sa source de son origine septentrionale, qui est aussi pour nous une langue nationale, car l’on en découvre les premières traces au nord de la Somme, entre la Lys et l’Escaut. | Ces recherches qui embrassent deux langues, deux ci- vilisations, bornées d’abord aux points principaux de notre ancienne histoire littéraire, semblent se diviser en trois époques ou en trois chapitres. Dans le premier, on verrait Philippe d'Alsace qui orga- nisa là commune et fonda le commerce, apprendre de Philippe d'Harveng et de Thomas Becket que la science ajoute quelque chose à la puissance des princes et à la fortune des peuples. Nous emprunterions la description de sa cour au roman d’Auberi le Bourgoing, et tout à côté de la Chanson d’Antioche, cette épopée des races septen- trionales conduites par la main de Dieu jusque dans la cité de David, nous placerions cette autre épopée obscure, mutilée, presque inintelligible de Graf Rudolf, qui a appris à Arras, avec l’art de combattre, celui de parler aux dames, et qui s’avance avec les nombreux pèlerins de Flandre jus- qu'au pied des tours d'Ascalon. Puis viendrait Gui de Dampierre, qui protégea Maer- lant à Damme, et qui partagea avec le duc de Brabant l'honneur d'encourager plus directement par ses bienfaits Adenez-le-Roy, dont l’heureux génie étendit de plus en plus ce cycle carolingien , désormais aussi populaire dans le Nord que celui des croisades. Enfin, la cour des ducs de Bourgogne, à Bruges ou à Gand, nous offrirait cette pléiade d’historiens et de poëtes (388 ) qui, aussi bien que les Memling et les Van Eyck, lui don- nèrent un éclat, une renommée à laquelle rien ne peut se comparer pendant tout le moyen âge. N'oublions pas que ces recherches, si elles forment une part précieuse de notre patrimoine national, intéressent aussi à la fois la France et l'Allemagne. Tandis que les philologues des bords du Rhin suivent avec une attention marquée les patients travaux qui assurent à M. Willems de si dignes continuateurs, les érudits auxquels est confiée la rédaction de l'Histoire littéraire de la France se prépa- rent, si nos renseignements sont exacts, à aborder, dans le prochain volume de cette célèbre publication, la plupart des questions qui touchent aux progrès et à l'influence de notre ancienne littérature (1). Les travaux les plus impor- tants de la classe fixeront, on ne saurait en douter, leur attention, puisqu'elle s'est portée sur des notices que recommandait à peine l'indication de quelques sources manuserites, Je veux parler de celles qu’à deux reprises jai consacrées à Guibert de Tournay. Le beau livre : De eruditione regum recouvrera dans la lilérature du (1) Le vingt-troisième volume, le dernier qui ait paru, touche déjà à plu- sieurs points fort intéressants pour notre histoire littéraire. En rendant hom- mage à ces vastes et fécondes recherches, je me borne à deux ou trois obser- vations. Agolant, cité p. 270, est bien un ménestrel : il accompagna Gui de Dampierre à Tunis. Le poëme anonyme, mentionné p. 499, appartient non à l’histoire des villes de Flandre, mais à celle de la commune de Namur. La comtesse de Flandre qui figure p. 582, ne peut être que Béatrix de Cour- tray , femme de Guillaume de Dampierre. Quant au châtelain de Beaumés, cité également p. 582, c’est probablement Gilles de Beaumetz qu'on appelle le châtelain, parce qu’il était châtelain de Bapaume. Gilles de Beaumetz avait épousé la fille de Raoul de Coucy. C’est à Guillaume ou Guion Wagon, fils de Robert Wagon, célèbre usurier d'Arras, que Gilles de Beaumetz vend, au mois de mars 1242, quatre cents muids d'avoine de gavène. - (389) XII siècle la place qui lui est due; mais il est une autre question littéraire où la lumière est moins complète, où l'erreur à pu se glisser, etje me sens tenu de reproduire, sans tarder plus longtemps, les objections qui émanent de l’un des doctes successeurs de Dom Rivet. M. Paulin Paris, membre de l’Institut de France, qui est aussi l’un des associés de la classe, se proposait de vous les adres- ser. La classe eut été heureuse de les accueillir, et si elles m'ont été communiquées directement, afin que je les misse moi-même sous vos yeux, cest à la délicatesse, qu'il me soit permis de l'ajouter, à l'amitié de M. Paris, que Je le dois. M. Paulin Paris attribue la relation de la croisade d'É- gypte, dont j'ai entretenu la classe, il y a quelques mois, non point à Guibert de Tournay, mais à Jean Sarrazin, chambellan de saint Louis. Il ne croit pas que Guibert de Tournay ait été chapelain du roi de France, n1 qu'il lait accompagné en Orient. Enfin, d’après notre savant associé, Guibert n'écrivit qu’en latin. Personne, plus que moi, n’apprécie les excellents tra- vaux de M. Paris, sur les manuscrits du moyen âge, et la légitime autorité de son érudition est d'autant plus consi- dérable dans cette question , que nous lui devons le ma- nuscrit de Guibert De modo addiscendi, perdu à l’abbaye des Dunes, mais conservé à Paris. On sait que ce traité fut offert vers 1279, à un fils de Gui de Dampierre, Jean, alors prévôt de Bruges, et M. Paulin Paris y à remarqué un passage fort curieux sur Abaïlard. Je me hâte de reconnaitre deux fautes graves. La rela- tion de la croisade d'Égypte n’est pas entièrement inédite. M. Michaud en a publié une grande partie dans sa collec- tion des Mémoires sur l'histoire de France. En second lieu , ( 390 ) j'ai lu dans le manuscrit de Bruxelles, n° 9045, que la lettre écrite à Damiette était adressée à Jean Sarrazin , et M. Michaud l'avait compris comme moi. Néanmoins, le manuscrit de Bruxelles , 9495, qui est plus correct, et le manuscrit de Paris, fonds Lavallière, 10, dont le ma- nuscrit de Bruxelles, 9045 , n’est qu'une mauvaise copie, portent le nominatif: Jehans Sarrazins. C’est donc Jean Sarrazin, chambellan de saint Louis , qui écrit à Nicolas Herode, ou Arrode, qu'il avait eu pour collègue dans ses fonctions de trésorier. Faut-il en conclure que toute la relation de la septième croisade appartient à Jean Sarrazin ? Nous ne le croyons pas. Il arrive fréquemment qu'un historien insère dans son récit quelque document émané d'un témoin considérable et digne de foi, mais la mention même du nom de l’auteur de la lettre ne doit-elle pas plutôt faire supposer qu’il n’est pas le même que l’auteur du livre ? Il me paraît bien difficile d'admetire que Guibert n’é- crivit pas en français, quand on parcourt ses sermons adressés à des chevaliers, à des marchands, à des bour- geois. Évidemment ces sermons n’eussent pas été compris s'ils n'avaient pas élé prononcés en français , et c’est seule- ment pour les conserver, comme traité théologique et comme œuvre littéraire, qu'ils ont été traduits en latin. Je pourrais en citer plus d’un exemple : c’est ainsi que le célèbre défenseur d’Ingelburge de Danemark, l’évêque Étienne de Tournay, envoie à l’un de ses amis la traduc- Lion latine de ses sermons prononcés en langue vulgaire, crude satis et insipide sicut laicorum capacilas erat (1). Guibert de Tournay ne fut-il pas attaché comme lec- (1) Manuscrit 28 de la bibliothèque de Tournay. ( 391 ) teur, ou comme chapelain au roi de France? Si je me suis trompé, comment faut-il entendre cette phrase du traité De eruditione regum : Supra me sunt, clementissime rex, quae pro functione praelibavi? Et cette autre où il se nomme son pauvre serviteur (1)? Le chapitre du même traité, où il nous raconte les désastres de la retraite de la Massoure, ne rappelle-t-il pas son voyage en Égypte? N'y a-t-il pas aussi une preuve de son séjour en Syrie, dans cette exhor- tation adressée à la jeune Isabelle de France, dont l'image ne vit que dans son souvenir (2), mais qu'il presse toute- fois d'embrasser la vie religieuse, afin que ses regards, se portant vers le ciel, se détachent des épreuves terres- tres (5)? Quand , après lui avoir dit qu'il lui écrit à son insu (4), il ajoute les mots : his partibus, ne faut-il pas almettre qu'ils se rapportent à l'Orient? Les circonstances mêmes où celte exhortation fut rédigée, ne le démontrent- elles point? Filiae suae primogenitae quae postea fuit re- gina Navarrae, cum adhuc esset ipse ultra mare, litleras speciales manu sud scriplas (rex) transmisit, in quibus in- ducebat eam efficaciter et devote ad mundi contemptum et ad religionis amorem et ingressum. Ainsi s'exprime Geoffroi de Beaulieu. Si l’on ajoute que la relation de la croisade d'Égypte renferme sur lheureuse conquête de Damiette, sur l'hé- roïque sérénité de saint Louis, et sur les psylles égyptiens (1) Audiat Vestra serenitas quod in vestrue salutis sollicitudine pau- peris servi vestri affectuosa et utinam fructuosa devotio parturivit. Prolog. prim. epist. (2) F’estram mente praesentiam revolvo. (3) Temporalis adversitas. (4) Pobis ignorantibus , his partibus. ( 392 } trois textes qui rappellent exactement ceux du traité De eruditione regum, notre hypothèse ne devient-elle pas vrai- semblable? Et plutôt que d'attribuer à un chambellan cette narration où certains détails trahissent la main d'un clerc ou d'un religieux, comment ne nous sentirions-nous pas plus disposés à faire honneur de ce travail, si complet et si précieux, au seul auteur que les écrivains du XITF sièele indiquent comme ayant entrepris une semblable tâche ? Henri de Gand dit expressément que Guibert écrivit l’his- toire de la septième croisade. Existe-t-il quelque trace des titres littéraires de Jean Sarrazin ? C'est à M. Paulin Paris que nous soumettons ces obser- vations, et de même que nous saisissons celte occasion pour reconnaitre que le Siger, célébré par Dante, est Siger de Courtray, et non comme nous l’avions dit, Siger de Gulleghem (4), nous n’hésiterons pas, si notre erreur est démontrée, à proclamer les droits du chambellan Jean Sarrazin, qu'en tout cas il ne faut pas confondre avec un Jean Sarrazin, fils d’un infidèle que saint Louis ramena d'Orient pour le faire baptiser. (2) Joinville cite Jean Sar- razin à la fois comme chambellan et comme secrétaire du roi de France, et ce fut à lui que Pierre le Hideux remit, au retour de la croisade de Tunis, le manteau du pieux monarque. | (1) J'avais nommé Siger de Courtray dans mon Aistoire de Flandre; si plus tard j'ai remplacé son nom par celui de Siger de Gulleghem, c’est, d’après les indications inexactes de Sanderus, comme l'a soupçonné M. Rue- lens, dans une fort bonne notice sur Dante. — Pour résoudre la question chronologique, il reste à retrouver une charte où Siger figure comme doyen de Courtray. (2) Je remarque cette erreur dans la table de la vie de saint Louis, par Lenain de Tillemont, publiée par la Société de l’histoire de France, ( 395 ) Nous aurions d'ailleurs, si nous élions convaincu d'avoir attaché trop légèrement un nom d'auteur à un document du règne de saint Louis, à invoquer , comme circonstances atténuantes, nos recherches persévérantes sur cette épo- que, et, parmi leurs résultats les plus récents , il en est un dont M. Paulin Paris ne contestera pas le prix. On a recueilli de saint Louis des instructions adressées à son fils Philippe, et à sa fille, la reine de Navarre, qui ont inspiré à M. de Chateaubriand l’une des plus belles pages de son Ilinéraire de Jérusalem, mais Je ne sais si l’on avait jamais remarqué dans l'inventaire de la Biblio- thèque du Louvre, en 1575, cette mention: « Un très-petit livret intitulé : les Enssegnements Loys, roy de France, à sa fille la duchesse de Bourgogne (1) ». J'ai retrouvé à la Bibliothèque de Bruxelles ces instructions non moins élo- quentes, non moins admirables, non moins saintes, et les dernières lignes nous apprennent qu’elles ont été aussi écrites en Afrique, près du château de Carthage, entre le bruit des flots et les gémissements des pestiférés, sans que rien pût troubler, ni l'âme forte qui revivait dans ses con- seils suprêmes , ni la main mourante qui les traçait. Celluy qui à la congnoissance de son créateur veult pour- fiter, doit premièrement traveillier de tout son corps de con- gnoistre sa vie; car quant plus congnoist l'omme ou la femme la vie de soy-meismes, tant s'approuche-il plus de la congnois- sance de son créateur. Pour ce convient tourner souvent chas- cun à lui, et rappeller son sens et son entendement des choses de dehors , et soy enclorre en son cuer. Le seconde chose est que l'on doit diligemment regarder son cuer.. Et doit après regarder sa vie dehors, sicomme tous ses 0 q m (1) Bibliothèque protypoygraphique de M. Barrois, p. 64. ( 394 ) fais, ses parolles, ses regards, ses alées, toutes ses euvres et tout son temps, et penser les biens que Dieu Jui à fais et fait tous les jours, et regarder comment il l’ayme, comment il le sert, com- ment il garde ses commandemens, et comment il Les a gardés ou temps passé. Fille, quant vous levez au matin, et le horologe Dieu vous esveille, si getez les yeulx de vostre cuer à vostre Dieu qui vous a fait, et lui recommandez vostre besongne... Fille, quant vous estes ou moustier ou hors moustier pour dire vos heures et vos oroisons, ayez vostre cuer à Dieu du tout, et ne vous souviengne de nesune vanité. Fille, se vous estes en compaignie où parler vous conviengne, parlez par raison, et avant que la parolle viengne à la bouche, deux foys devez penser parmy l’abyme de la raison. Fille ,se vous voulez parler à homme, mectez garde que vous ne dictes chose où l’on puisse mal penser; mais dictes parolles qui touchent à bon édiffiement.. Fille, quant au soir vous voulez aler Su ainçois que vous vous couchiez, tenez chappictre de vous-meismes en vostre cuer sans noyse, et appellez toutes vos pensées diligemment, et pen- sez se vous avez mespris le jour, ou en penser, ou en regarder, ou en veoir, ou en oyr ou en mal dire, ou autre mauvaise pa- rolle ou en mauvaises pensées. Fille, parlez en telle manière que vostre parolle soit atrempée de la loy de charité, et que vostre parolle ne griefve à nulluy.. Fille, aymez povres gens, si vous aymera Dieu, et aymez toutes bonnes gens, si aurez part en leurs bontés. Fille, toute familiarité vous desplaie, et spécialment de per- sonne dont confusion vous peut venir; mais ayez Dieu en famil- liarité et les benois angels et les sains de paradis, si feront vostre besongne devant Dieu. Fille, soyez simple et honneste et pou parlans, de bonnes meurs et de bonne conversacion, et pensez tousdis que Dieu vous voyt. | | | | . ( 595 ) lille, aymez saincte Eglise et jeusnez voulentiers, et quant vous y estes, si soyez close dehors et n'y parlez point; mais pensez en vos deffaultes et en vostre Dieu qui est présent, et lui monstrez vostre cuer… Fille, soyez débonnaire et souffrans, et ne retenez nulle yre en vostre cuer, mais pardonnez légièrement.… Fille, soyez humble et peu vous prisez , et vous semble tousdis que vous estes la pire femme de celles en la cui compaignie vous estes. Et soyez lye et joyeuse du bien de vostre proesme, et dou- lante de son dommaige et de son mal, et soyez piteuse aux povres gens : et ainsi aura Dieu pitié de vous. Fille, entendez à ces enseignemens que je vous envoye, et vous ordonnez selon ce qu'ils dient, si mènerez vie de preude femme et dévote personne. Ne les monstrez mie à chaseun, mais seul à seul les lisez, et vous y mirez et informez vostre vie, car cest la voye de venir à Dieu. Et puis devez dire : Ainsi-soit-il, et réclamer monseigneur Jhésucrist (1). | Les dépôts qui renferment de semblables trésors ne sauralent être visités avec trop de soin. Tous les siècles y sont représentés et l’on y trouve confondus la vertu et le vice, la grandeur et la décadence, la gloire et le malheur. Parfois l’on s’attriste des vains efforts que tentent, pour tromper la postérité, l'ambition et l’orgueil, mais rien n'affaiblit la voix de l’éloquence et du génie. [1 faut sans cesse revenir à cette source féconde, et, lors même que les premières investigations sont pénibles, on ne doit Jamais oublier qu'a la persévérance seule sont dus ces hasards heureux qui la soutiennent dans ses labeurs. (1) Le texte complet des enseignements de saint Louis à la duchesse de Bourgogne paraîtra dans le prochain Bulletin de la Commission royale d'histoire. ( 396 ) La classe sait que j'avais soumis à un assez long examen les documents inédits qui se rapportent à la littérature historique du XIV” siècle. A peine avais-je terminé les notes où Je rendais hommage au caractère sincère et loyal de cette littérature et à l’heureuse influence de Jean de Beaumont et de Gui de Châtillon, que trois manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne venaient confirmer (un peu tard , il est vrai) mes appréciations et mon panégyrique. Dans le premier, une miniature représentait Vatriquet de Couvin offrant à la fille de Jean de Beaumont et à l’hé- rilier des comtes de Blois, des vers noblement pensés, élégamment écrits, où je lisais : Je le di pour le fils d’un conte À qui Diex doit bonne aventure. Li vi-ge moult bel deproier Envers son père et supploier Pour Dieu qu'il li monstrast la voie D'onnour, là où li bons s’avoic. Dont li respondi li pères : Biaus fils, se tu d’onneur te pares, Tu seras richement parés; Bien porras en bruit de banières Chevaucher prés, bois et rivières... Honnours ne vient pas pour saigner, Pour estuver, ne pour baignier, Car pour gésir nus en blans lis N’a-on pas d’armes les délis.. Tiex porte les frasiaus dorés, Qui assez poi est honorés Et les boutonciaus esmailliés, Qui petit est d'armes mailliés.…. Car haute honnor pas ne s’adrèce En grant boban, ne en richèce, Ains gist en bras, ains gist ès mains. L e e 0 e e L2 e e e 2 e ( 397 ) Pères, Diex m'en doint le corage, Dist li enfès, car esploitier Voeil tant c'onnour puisse acointier. Dans le second, Jean de Chimay, chanoine de Thuin, raconte aux enfants de Gui de Blois dont il est le précep- teur , les estoires de Jules César en leur disant : Bien est drois que li fait soient en tel manière raconté que tout li haut homme ki terre ont à garder et à gouverner, pour ce qu'il se maintiegnent mieus en gentillece et en toutes bontés, y pregnent example et ensaingnement. “Le troisième, recueil de poésies, qui a peut-être appar- tenu au duc Wenceslas de Brabant, porte écrits de la même main à sa dernière page les noms de ces illustres amis de Froissart : Herford, Holand, Clifford, Stury. Cette main ne serait-elle pas celle de Froissart lui-même ? Je devais retrouver ailleurs le souvenir du plus célèbre historien du XIV®*° siècle, joint à celui du chroniqueur liégeois dont il continua le travail. Un manuscrit de Cam- bray portait autrefois (nous avons pour garant l'autorité du vénérable directeur des archives de Lille, M. Leglay), les noms des deux chroniqueurs qui se l’étaient transmis au XIV”: siècle, car on y lisait : Messire Jean li Biaux, canones de Liége, et plus bas : sire Jehan Froissart né de Valenchiennes. Malheureusement, le relieur a enlevé ce feuillet, mais j'ai aperçu sur celui qui le suivait, les mots : Mons" S. Lamb.…. qui ont sans doute fait partie d’une seconde signature du chanoine de Saint-Lambert (1). Ce (1) Je ne veux pas multiplier les conjectures, mais il me sera au moins permis de rappeler que dans une petite chronique liégeoise, placée à la suite de la chronique de Martinus Polonus (MS. de la Bibliothèque de Bruges), se lisent à propos de la bataille de Crécy, ces lignes écrites avant 1560 : Tunc 29 SÉRIE, TOME V. 27 ( 398 ) manuscrit, qui contient un texte des chroniques de Saint- Denis s’arrêtant à la mort de Philippe le Hardi, offre cer- tains ornements qui permettraient d'en retrouver l’origine, et peut-être arriverait-on à reconnaître que le chanoine de Liége le reçut de Jean de Beaumont. Quoi qu'il en soit, il porte quelques notes marginales. Les premières où tout retrace l'orthographe liégeoise du XIV”* siècle ne peuvent être que de Jean le Bel; les autres sont vraisemblablement de Froissart qui cite dans un de ses chapitres les chroni- ques de Saint-Denis. Outre ces notes marginales, il y a au dernier feuillet quelques vers inachevés et peu lisibles que M. Leglay n’a pas remarqués , et qui, selon moi, s’ils ajou- tent peu de chose au bagage poétique de Froissart, sont fort intéressants pour l’époque la moins connue de sa vie. En mentionnant la tradition qui rapporte que Froissart, avant de se retirer à Chimay, passa quelque temps à l’ab- baye de Cantimpré, j'ai expliqué par ce séjour aux portes de Cambray, certains détails du dernier livre de ses chro- niques qu'il a dus sans doute à l’illustre évêque Pierre d’Ailly. Ils se rapportent aux affaires religieuses, et Frois- sart qui déplorait si vivement le schisme dans son Trésor amoureux composé vers 1596, y louait les nobles efforts de Pierre d’Ailly pour ramener la paix dans l’Église. Il était allé plus loin. Il avait écrit que Pierre d’Aïlly avait remph sa mission, malgré le due de Bourgogne, et que celui-ci se laissait gouverner par sa femme, Marguerite de Male, qui était « une haute et crueuse dame. » N’avait-il pas irrité temports inter regem Franciae et regem Angliae durum bellum fuit quod alibi descripsimus magis particulariter et diffuse, et conflictus énter ipsos commissos tam ên mari quam în terra, prout eos vidimus et scivimus, dis- séruimus seriose. ( 599 ) ainsi une princesse dont l'époux était le dernier protecteur qu'il eùt espéré se rendre favorable en lui adressant ses vers? Philippe le Hardi lui-même, si dévoué aux papes d'Avignon, lui avait-il pardonné les éloges qu'il donnait à Pierre d’Aïlly ? Je ay eu tors. — À qui? — Tu le sauras, Et quoy je feis? — Grevé nature (1). Tu en mourras. — Quant? — Temprement. — C'est chose dure : Las! où yray En pourvéance? Conseil me faut. — Va confesser Car je ne sce meilleur trouver. — $e j'ai péchié? — Tu le diras. — S'on m'a fait mal? — Tu le pardonras. — Je me rens. — Celle sort tenras. — Ce feray-moy Tout de droiture, Et de mes biens? — Tu en feras aux povres... — Quoy? — Leur nourriture. (1) Nature, caractère. Cette signification a passé des écrivains français dans les vers de Shakspeare. On en trouve deux exemples dans le Roë Lear. ( 400 ) — Et que mengeray? — La pasture Tele si que prestre scet sacrer, Car je ne sce meilleur trouver. Ainsi la mort est proche : le temps est venu de confesser ses propres fautes et de pardonner celles des autres. Il ne faut plus rien attendre du monde, et le prêtre, en dis- tribuant ce qu'il possède aux pauvres, se réserve tout ce dont il a besoin dans le pain que sa main consacre, su- prême viatique du vieillard expirant. A peine ajoutera-t-1l à Chimay quelques lignes à son immense recollection his- torique. Î] laissera à Cambray le manuscrit qu’il tenait de Jean le Bel, son maître, et pour confirmer notre hypo- thèse, notre savant ami, M. Leglay, nous apprendra qu’à son départ il le donna à l’archidiacre Raoul le Prestre, cousin de Pierre d’Aïlly (1). Quelques lieues à peine séparent deux villes assises sur le même fleuve, Cambray où Ragnaker périt sous la hache, Tournay où fut royalement enseveli Childéric. Déjà à Cam- bray, dès que l’on quitte Froissart et Pierre d’Ailly, on se rappelle, en saluant les tours de la ville, que les temps de la chevalerie étaient passés, quand Louis XI disait aux (1) La bibliothèque de Cambray est fort riche en manuscrits. Les n°° 496 . et 859 offrent des documents précieux sur le schisme d'Avignon. Le n° 96 est intéressant pour l’histoire du règne de Charles V, et j'ai remarqué à la fin d’un manuscrit des sermons d’Étienne de Reims, archidiacre de Meaux, une collection de proverbes latins traduits en vers français à la fin du XITI®e siècle. Je dois mentionner aussi trois volumes de chansons flamandes avec musique des maitres les plus fameux (Willaert, Josquin, Gheerken, etc.), réunis, en 1542 par Seger van Maele, marchand de Bruges (bocraen ver- cooper wuenende te Brugghe). Seger van Maele oublia, plus tard, ces Joyeuses chansons pour écrire, sous le règne de Philippe II, des Zamenta- tions qui ont été publiées par la société d'Émulation de Bruges. ( 401 ) bourgeois : « Si l'on vous reproche d’avoir enlevé de vos » murs l'aigle impériale, répondez qu’elle s'est envolée » avec les hirondelles pour revenir au printemps. » A Tournay, mêmes souvenirs de la déloyauté de Louis X]; mais c’est parmi les sources inédites qui y sont conservées que nous voulons chercher l'élément d'un nouveau chapi- tre de l’histoire du XV”* siècle. Lorsque le fils de Charles VIT, aussi ingrat que perfide, s'abandonna à ses intrigues et à ses complots, son premier soin fut de consulter un astrologue nommé Jean de Wesel, sur ce que lui présageait la conjonction de Mars et de Sa- turne. Son horoscope est conservé rai que quelques vers : VA: à Tournay; je n’en cite- Prælia magnatum video cum sanguinis undis... Strages nobilium fiet, procerumque ruina. Fraus erit inter eos : confusio magna sequetur, Rex novus et Libani cedros supereminet omnes, Justitiæ cupidus recte, non devius illi : Mutabit faciem regni dum sceptra tenebit (1). Cet horoscope porte la date du 6 avril 1454. Jean de Wesel avait lu, dans le caractère de Louis XI bien mieux que dans les constellations, qu’en détruisant la noblesse avec les dernières traces de la féodalité, 1l placerait la royauté française sur des bases nouvelles. Quel salaire obtint-il pour sa perspicacité ? Je l’ignore; mais il eût mérité d’être traité avec autant de générosité que Jean Colleman, qui enseigna à Louis XI « le grand almanac. » Pour terminer par d’autres vers inédits cette notice où ie n’ai cité que des manuscrits dignes d’être mieux connus, (1) MSS. de Ja Bibliothèque de Tournai, n° 84. La date de ce MSS. est indiquée inexactement dans le catalogue imprimé. (402) j'ajouterai, comme commentaire à la prophétie de Jean de Wesel, cette énergique apostrophe d'Olivier de la Marche: Prince flatteur, menteur en ses parolles, Qui blandit gens et endort de frivolles, Et rien qu’en deuil et fraude n'estudie. Noté d’oubly, reprins d’ingratitude. Prince entachié de couvert feu d’envye Sur aultrui. Prince assorti de perverse meisnie. Prince aimant mieulx argent en grosses sommes: Que le franc cuer et l'amour de ses hommes. Usant de teste et propre opinion. Prince tendant à faulseté couverte Pour prendre aultry et le mener à perte Soubs faulx engin. Prince enemy d’autruy félicité. Prince qui n’a amour envers nulluy. Prince qui croit que grâce universelle Tient le renard en gloire. e L] C2 [2 e [1 e - e e e e e Prince qui fait soy craindre de chascun. Prince qui toute esponse et escrutine Et cœur aplicque à privée rapine. Prince qui hayt d’avoir puissant voisin Et envis voit que parent, ne cousin Règne envers lui en honneur, ne en gloire. \ + + LA + e e e. ( 405) Prince qui porte et soustient les mauvais Contre les bons, l’'onneur de son palais. Prince mordant et aigre en sa parolle. Prince adonné à meschantés soutives, A subtillier soubtivetés chétives. Ses jours seront de petite durée, Son règne obscur, sa mort tost désirée (1). L'astrologue appelait les astres à être les complices de ses adulations : le poëte n’écoutait que la voix de l’indi- guation qui s'élevait autour de lui, mais il s’éloignait bien plus de la vérité que l’astrologue, quand il annonçait que la vie de Louis XI serait courte et que son règne serait obscur (2). (1) MS. 11029 de la Bibliothèque de Bourgogne. (2) Cette notice était imprimée quand on m'a remis une nouvelle édition des mémoires du sire de Joinville, où se trouve reproduite la relation de la croisade d'Égypte. M. Francisque Michel l’a intitulée : Lettre de Jean Sar- rasin à Nicolas Arrode. Ce titre est-il exact ? Je ne le crois point. D'abord la relation de la croisade commence plusieurs pages avant la lettre du cham- bellan de saint Louis. En second lieu, on ne peut admettre que Jean Sarrasin ait voulu instruire Nicolas Arrode des détails du débarquement des croisés devant Damiette au mois de juin 1249, par une lettre qui, dans le texte de M. Francisque Michel, porte, à la dernière ligne, la date de 1261. 11 est d’ail- leurs évident que la lettre de Jean Sarrasin se termine, p. 260, par ces mots : a Faites savoir ces lettres à tous nos amis. Ces lettres furent faites dedens la » cité de Damiette, la vegille de la nativité monseigneur saint Jehan-Baptiste » qui fu ce mois meismes. » ( 404 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS, Séance du 4 novembre 1858. M. G. GEErs, directeur. | M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Fr. Fétis, Madou, Navez, Roelandt, Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Érin Corr, Snel, Fraikin, Partoes, Baron, Éd. Fétis, De Bus- scher, Partoes, membres ; Calamatta, associé: Balat, De- manet et Siret, correspondants. em a CORRESPONDANCE. Conformément aux termes du règlement, la section de peinture et le bureau se sont réunis avant la séance, et ont déposé la liste de présentation pour une place d’associé. CONCOURS DE 1859. — La classe propose pour le concours de 1859, les ques- tions suivantes : ( 405 ) PREMIÈRE QUESTION. Faire l'histoire de l'origine et des progres de la gravure dans les Pays-Bas jusqu'à la fin du XV" siècle. DEUXIÈME QUESTION. Quels sont, en divers pays, les rapports du chant popu- laire avec les origines du chant religieux , depuis l'établisse- ment du christianisme ? Démontrer ces rapports par des monuments dont l'authenticité ne puisse étre contestée. TROISIÈME QUESTION. Faire l'histoire de la gravure des sceaux , des médailles et des monnaies en Belgique jusqu'à la fin du XVIII" siècle. QUATRIÈME QUESTION. Faire l'histoire de la tapisserie de haute lisse dans les Pays-Bas. Le prix, pour chacune de ces questions, sera une mé- daille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin, en francais ou en flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 4% juin 1859, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu’ils citeront. On n’ad- mettra que des planches manuscrites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement une devise qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et leur adresse. Les ouvrages ( 406 ) remis après le terme prescrit, ou ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoires ont été soumis à son jugement , ils sont déposés dans ses archives comme étant devenus sa propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au se- crétaire perpétuel. La classe adopte pour le concours de 1860, les ques- tions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Quelle a été au moyen âge, en Belgique, l'influence des corporations civiles sur l’état de la peinture et sur la direc- tion imprimée aux travaux des artistes. DEUXIÈME QUESTION. Déterminer et analyser, au triple point de vue de la com- position, du dessin et de la couleur, les caracteres con- sécutifs de l'originalité de l'école flamande de peinture, en distinguant ce qui est essentiellement nalional de ce qui est individuel. TROISIÈME QUESTION. Faire l'éloge de Grétry : déterminer ce qui caractérise son talent dans les cinq genres de musique dramatique, à savoir : la comédie sérieuse, la comédie bouffonne, la pastorale , le grand opéra de demi-caractère et la tragédie lyrique. Les conditions sont les mêmes que pour le concours de 1859. ( 407 ) CONCOURS EXTRAORDINAIRE. Prix quinquennal pour la gravure en taille-douce. La classe des beaux-arts ouvre un concours en faveur de la meilleure gravure en taille-douce, exécutée en Belgique pendant l’espace de cinq ans. Cette période prend cours du 1° janvier 1856 au 51 décembre 1860. Pour être admis à concourir, les artistes graveurs de- vront être Belges ou naturalisés. Leur planche devra re- produire l'œuvre d’un peintre ou sculpteur belgé exécutée pendant le XIX°* siècle, et ils seront tenus d'en adresser un exemplaire à l’Académie avant le terme fatal, Cet exem- plaire restera déposé dans les archives de la Compagnie. Une médaille d'or d’une valeur de six cents francs sera décernée à l’auteur de la gravure couronnée. Le jugement du concours sera prononcé par une commission désignée par la classe des beaux-arts et prise dans son sein. Les ouvrages des membres du jury ne peuvent faire l’objet de son examen. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Artistes belges à l'étranger. — ANTOINE-FrRanÇois VAN DER MeuLeEN; par M. Ed. Fétis, membre de l’Académie. Il nous faut encore, au début de cette notice, combattre la prétention qu'ont eue des écrivains français de s’appro- prier la gloire d'un de nos grands artistes, pour la placer de force dans leur panthéon national. Ce n’est pas notre ( 408 ) faute si ce thème se présente souvent sous notre plume; l'obligation d'y revenir sans cesse nous est imposée par l’obstination que mettent certains critiques et certains bio- graphes à dépouiller notre nation au profit de la leur. L'auteur de l'Histoire des peintres de toutes les écoles, M. Charles Blanc, commence en ces termes le long article qu’il consacre à Van der Meulen : « La même raison qui nous à fait placer les deux Ostade dans l’école de Hollande, nous permet de ranger François Van der Meulen dans l'école française. Ce peintre, en effet, appartient à la France par sa vie, par la nature des sujets qui donnèrent une physionomie à son talent; par les figures si éminem- ment françaises qui ont fait sa gloire et le charme de ses tableaux. Enchâssée dans la plus brillante moitié du règne de Louis XIV, l'histoire de Van der Meulen en est insépa- rable, et d'un homme qui fut l’historiographe familier de la cour de Versailles, on ne saurait faire, malgré qu’on en ait, un peintre flamand. » Les raisons qui semblent péremptoires à M. Charles Blanc, pour ranger Van der Meulen parmi les peintres fran- çais, ne sauraient nous convaincre. Il ne nous sera pas difficile de prouver qu'elles manquent absolument de base et qu'elles ne trouveront jamais de crédit qu’auprès des esprits prévenus. L'auteur que nous venons de eiter, pour le combattre, nous permettra d’abord de l’opposer à lui-même et d’em- ployer, pour le réfuter, des arguments tirés de son propre - ouvrage. Si Van der Meulen doit être considéré comme appartenant à l’école française parce qu’il a longtemps véeu et travaillé à Paris, n'est-il pas de toute évidence qu'il faut classer Nicolas Poussin, Gaspard Dughet, Claude Lorrain, Subleyras et Valentin au nombre des peintres italiens? ( 409 ) Cependant M. Charles Blanc ne manque pas de les com- prendre dans la division de l'école française. Il en usera vraisemblablement de même à l'égard de Léopold Robert et de bien d’autres. Nous avouerons ne pas comprendre comment il se fait que les artistes français aient le privi- lége d'échapper à la loi qui s'applique tout naturellement aux peintres flamands, S'il y a des motifs plausibles pour établir cette distinction, il conviendrait de les faire con- naître, et M. Charles Blanc n’a pas songé à prendre ce soin. Peut-être sommes-nous dans l'erreur; mais, selon nous, il serait beaucoup plus juste de rattacher à l’école italienne les maîtres français cités plus haut, qu'il ne l’est de déta- cher Van der Meulen de l’école flamande, Poussin, Claude Lorrain, Subleyras n'ont pas seulement résidé de longues années en Italie, ils ont fait de la peinture italienne. Van der Meulen, au contraire, a eu beau habiter la France et travailler pour Louis XIV, il n'en est pas moins resté un peintre flamand. Tel il était en sortant de l'atelier de Pierre Snayers, lel il est demeuré jusqu’à la fin de sa carrière. A-t-1l emprunté quelque chose à l’école française, s'est-il modifié en quoi que ce soit depuis son arrivée à Paris? Disons que c’est le contraire qui a eu lieu. Non-seulement Van der Meulen n’a subi aucune influence, mais il en a exercé une très-prononcée sur les artistes avec lesquels il s’est trouvé en contact. [l n’a pris le style de personne, et a transmis le sien à de nombreux élèves et imitateurs. On n’admettra pas non plus que Van der Meulen soit incorporé dans les rangs de l’école française, sous le pré- texte qu'il a traité des sujets français. Si M. Charles Blanc adoptait ce principe et voulait s'y conformer exactement, il devrait faire de M. Decamps un peintre oriental. Dieu ( 410 ) sait où conduirait une pareille règle de classification. Issu d’une famille dont plusieurs membres prirent part aux affaires publiques, Antoine-François Van der Méulen naquit à Bruxelles en 1654. Il n'avait pas été destiné d’abord, dit-on, à la carrière des arts, maïs il montra un penchant si vif pour la peinture, que ses parents se déci- dèrent à le placer dans l'atelier de Pierre Snayers, artiste anversois, appelé par l’archidue Albert dans la capitale, pour y remplir les fonctions de peintre de la cour. Van der Meulen s’appliqua à traiter, ainsi que son maître, les batailles et le paysage, et ne tarda point à acquérir, dans ces deux genres, une supériorité qui fit rechercher ses ta- bleaux en Hollande et en France, où ils furent portés par des spéculateurs. Il avait depuis longtemps quitté l'atelier de Snayers, s'était marié et avait pris déjà, comme artiste, une position indépendante, quand il se présenta une cir- constance inattendue qui devait décider desa fortune. Quel- ques-uns de ses tableaux ayant été, ainsi que nous venons de le dire, portés en France, furent mis sous les yeux de Colbert qui, avant de les acheter, voulut avoir l'avis de Le Brun, son conseil, pour tout ce qui tenait aux arts. Le Brun fut frappé du mérite qui brillait dans les ouvrages d’un artiste dont le nom n’était pas encore parvenu jusqu’à lui. Il conseilla au ministre non-seulement de commander des tableaux à Van der Meulen, mais encore de lui faire des offres pour venir se fixer en France et pour entrer au ser- vice du roi. Le conseil donné par Le Brun à Colbert n'était pas tout à fait désintéressé. Le peintre officiel de Louis XIV ne pou- vait pas Suflire aux commandes qu’il recevait de la cour et de la ville. T1 lui fallait des aides pour les exéeuter, et il cherchait à s’entourer d'hommes de talent, surtout de ceux (4M) qu'il supposait ne pas pouvoir porter atteinte à son crédit. La supériorité avec laquelle Van der Meulen traitait les che- vaux fut un des motifs qui lui firent désirer de voir attirer Van der Meulen en France. Il se proposait de recourir à la collaboration du peintre flamand pour l'exécution de ces accessoires importants de ses tableaux de batailles, dont lui-même se irait assez mal. Colbert fit ce que sou- haitait le grand ordonnateur des travaux officiels. I écrivit à Van der Meulen pour l’engager à entrer au service du roi de France, en lui offrant des avantages immédiats consi- dérables, et la perspective d’une position plus brillante encore dans l'avenir. Ces offres furent acceptées : il était impossible qu’elles ne le fussent pas. Elles flattaient lamour-propre de l'artiste et lui promettaient des occa- sions de donner un plus grand essor à son talent. Jus- qu'alors, il n'avait représenté que des combats imagi- natres; Louis XIV devait le mettre à même de peindre des batailles réelles. | En arrivant à Paris, Van der Meulen reçut le brevet d'une pension de 2,000 livres, qui devait lui être payée in- dépendamment du prix de ses travaux, et fut logé aux Gobelins. Il trouva un grand nombre de ses compatriotes employés dans cette célèbre manufacture, fondée originai- rement sans le nom de Fabrique de tapisseries, façon de Flandre, et dont les premiers ouvriers avaient tous été tirés de nos provinces. Le chef de l'atelier principal était un certain Jans venu d’Audenarde, en 1650, avec cinquante tapissiers et teinturiers. Parmi les ouvriers placés sous ses ordres à l’époque où Van der Meulen entra aux Gobelins, se trouvaient les Flamands dont voici les noms: Van der Kerkhove, Mozim, Corneille Devos, de Bruges; Jacques Ostende, Ambroise Van der Busch, Barthélemy Benoit, (412) d'Anvers ; Jacques Benseman , Guillaume Duchesne, Ga- briel Dumontel et ses deux fils, de Bruxelles. D’après les indications données par M. A.-L. Lacordaire, dans sa no- lice sur la manufacture des Gobelins, des descendants de plusieurs de ces familles d'artisans étaient encore em- plovés en 1853 dans ce célèbre établissement. Voici donc Van der Meulen installé à Paris dans le vaste atelier où se confectionnaient , sous la haute surveillance de Le Brun, non-seulement des tapisseries de haute et de basse lisse, mais encore tous les objets produits par l’as- sociation de l’art avec l’industrie, pour former les somp- tueux ameublements des résidences royales. On a vu que les appointements de notre artiste avaient élé fixés à 2,000 livres au moment de son installation. Tel est du moins le chiffre indiqué par des écrivains du temps. Il y a lieu de supposer qu'on ne tarda point à reconnaitre son mérite et les services qu’il pouvait rendre : car la première fois que son nom figure sur les états de la manufacture des Gobelins (en 1665), il y est inscrit pour une somme de 4,000 livres reçue par lui en payement de huit mois de ses appointements, ce qui porterait ceux-ci à six mille livres. Les mêmes comptes font mention, au 45 juillet de l’année 1666, d’une somme de 5,000 livres, remise à Van der Meulen pour les six premiers mois de son traitement. Les premiers travaux de Van der Meulen aux Gobelins furent des peintures, faites concurremment avec Le Brun, pour servir de modèles aux ouvriers chargés de les exé- culer en tapisserie. C'était une suite de vues des châteaux royaux, dont chacune correspondait à l’un des mois de l’année, et se trouvait animée par un épisode caractéris- tique de la vie de la cour, comme chasses, promenades, représentations d’opéras ou de ballets dansés par le roi, etc. ( M3 ) L'abbé de Marolles, dans son étrange description de Paris, en vers, consacre une série de quatrains à célébrer le mérite des artistes et des habiles ouvriers employés aux Gobelins. Plusieurs de nos Flamands y sont nommés, et d'abord Van der Meulen dont l'éloge n’est ni moins long, ni moins pompeux que celui qu'obtient Le Brun. Les deux maitres n'ont rien à s’envier l’un à l’autre. Chacun a deux quatrains pour sa part. Voiei le début de la pièce qui a pour litre : Ceux qui font fleurir les beaux-arts dans l’hostel des manufactures royales aux Gobelins : L'hostel des Gobelins, pour les manufactures, Est conduit par les soins de ce peintre fameux Le Brun, dont tous les traits du pinceau sont heureux Et qui prescrit la lot dans les belles peintures. Pour tous ses grands travaux, le roy l’affectionne; De ce lieu merveilleux il est le conducteur ; Il en est l’économe et le seul directeur Digne d’estre chéri de l’auguste couronne. Ne voit-il pas sous luy la main de Van der Meule, Ce peintre si scavant,, qui fait voler les darts, Serrer les escadrons sous les grands étendarts Et qui presse les bleds par le fer et la meule. 11 dépeint les combats et les prises des villes. Bruxelles l’a fait naistre, admirant ses travaux, Et craint en même temps de luy voir des rivaux : Elle en est étonnée, éntre tous ses asiles. Nous donnons ces vers pour ce qu’ils valent. Si nous les citons, c'est uniquement parce qu'ils sont, d'intention simon de fait, un hommage rendu à la gloire de l’un de nos artistes. C’est également à ce titre que nous transerivons d’autres lignes rimées de l'abbé de Marolles, où 4 est fait 2" SÉRIE, TOME V. 28 (M4) mention de quelques-uns des ouvriers flamands cités dans les comptes de la manufacture des Gobelins dont M. La- cordaire a publié des extraits. Voici pour Jans d’Audenarde : Le Fèvre, tapissier, excelle en haute lice : Jean Jans excelle aussi dans un pareil employ, Suivant les grands dessins qu’on a faits pour le roy, Tout le monde admirant un si grand artifice. Puis ensuite pour La Croix et Mozin , de Bruges : Quant à la basse lice, où la règle est plus seure, Deux artistes flaments, de La Croix et Mozin, Qui seuls pourroient former un royal magazin, N'y mettroient pas un fil sans sa juste mesure. Il était bien, après avoir loué les grands artistes, de rendre justice au mérite modeste de deux laborieux arti- sans. Cette bonne action fera pardonner ses mauvais vers à l’insipide rimeur. On achevait les préparatifs de la campagne de Flandre. La magnifique armée dont Louis XIV devait prendre le commandement en personne était sur le point d’entrer en campagne. En même temps qu’un historiographe, pour recueillir et transmettre à la postérité les hauts faits des troupes françaises, il fallait un peintre pour retracer les principaux épisodes de l'expédition. Colbert en parla à Le Brun qui, ne se souciant pas d’avoir à remplir cette mis- sion, pria le ministre de conseiller un roi d’en charger Van der Meulen. Il se trouvait très-honoré de la faveur qu'on avait eu l'intention de lui faire; mais les travaux impor- tants qu'il avait entrepris par l’ordre du souverain et dont l'exécution réclamait tout son temps, ne lui permettaient ( 415 ) pas, dit-il, de s'éloigner de son atelier. Voici le prétexte auquel Le Brun eut recours pour décliner un honneur dont il sentait d’ailleurs tout le prix, et auquel il lui coûtait de devoir renoncer. Le véritable motif, c’est qu'il ne se recon- naissait pas propre à remplir la tàche qu'il s'était agi de lui confier. Artiste d’un mérite incontestable, bien qu'in- férieur à sa réputation, peintre consciencieux, sachant in- venter de grandes compositions et donner une forme à sa peusée, il manquait complétement de la facilité d'exécution, qui était la qualité la plus indispensable au maitre chargé de suivre les armées, pour saisir au passage les éléments d’une histoire pittoresque de la campagne. Il lui fallait la tranquillité d'esprit, le calme de l'atelier, le temps de songer et de faire. Quoi qu'il en soit, Colbert se rendit aux moufs que fit valoir Le Brun et adopta l’idée qu’il lui suggéra de présen- ter au roi Van der Meulen pour le remplacer. Il n'était pas indifférent à Le Brun qu’on s'adressät à celui-ci ou à un autre. Si l’on avait offert, par exemple, à Joseph Parrocel la mission qu'il avait refusée, il serait revenu, sans doute, sur sa détermination et aurait suivi lui-même l'expédition. Jaloux de son crédit, il avait vu avec chagrin revenir d'Italie, où son talent s'était fortifié par l'étude des grands maitres, Parrocel dont ses ennemis se servaient pour con- tre-balancer son influence, et qui avait déjà réussi à fixer l'attention par des travaux importants. C'était même, a-t- on dit, pour opposer un adversaire redoutable à l'artiste dont la fortune naissante l’importunait, qu'il avait fait venir Van der Meulen en France. A la vérité, le mérite du peintre flamand était bien fait pour lui porter ombrage ; mais il avait confiance dans le caractère de l'homme, et supposait avec raison que Van der Meulen ne le desservi- ( 416 ) rait pas, pour prix du service qu’il lui avait rendu en lui ouvrant une carrière brillante. Colbert mit sous les yeux de Louis XIV des tableaux de batailles choisis parmi les meilleurs qu'avait peints Van der Meulen depuis son arrivée à Paris, et n’eut pas de peine à persuader au roi que leur auteur était l'artiste dont il fallait faire choix pour retracer les glorieux épisodes de la campagne de Flandre. Van der Meulen recut l’ordre de se préparer à accompa- gner le roi et prit ses dispositions en conséquence. El n’au- rait pas été admis, comme Le Brun, à se récuser ; mais il n'avait nulle envie de faire valoir des motifs d'abstention. Jeune, actif, doué d’une facilité de crayon remarquable, certain de surmonter aisément les difficultés devant les- quelles Le Brun avait reculé, il saisissait avec joie l’occa- sion qui Ss’offrait de se distinguer et de gagner les bonnes grâces de Louis XIV. Voilà donc notre artiste cheminant vers les provinces flamandes, en compagnie du plus bril- lant état-major qui fût jamais entré en campagne. Le roi avait donné des ordres pour que le peintre de ses futures victoires füt traité avec une grande considération, pour que toutes ses dépenses fussent prélevées sur la cassette royale, pour qu'il mangeñt à la table de ses officiers et füt logé comme eux. Van der Meulen devait avoir un carrosse à ses ordres et un cheval toujours prêt à le transporter sur les différents points où il aurait quelque site à prendre, quelque mouvement de troupes à observer, quelque escar- mouche à esquisser. Notre artiste n’eut rien à souffrir de ce qu’on appelle les misères de la guerre, car elles n'exis- taient pas pour l’armée commandée par Louis XIV. Tout en rétablissant la discipline depuis longtemps relâchée, le rot avait voulu que l'abondance régnât parmi ses troupes. ( 447 ) Il donnait, quant à lui, comme toujours, l'exemple d'un faste que ses généraux et tous les officiers gentilshommes se faisaient un devoir d'imiter. Ce déploiement de luxe n'obtenait sans doute pas l'approbation des hommes de guerre qui, comme Turenne, avaient pratiqué plus rude- ment le métier des armes; mais 11 était favorable à la pein- ture et Van der Meulen y trouvait l'occasion de déployer d'autres magnificences, celles de son coloris flamand. On sait avec quelle justesse d'observation, quelle exactitude et quel esprit en même temps notre artiste a rendu ce train brillant des armées du grand roi. Certains critiques ont reproché à Van der Meulen de n'avoir pas donné, dans ses tableaux, une représentation des scènes militaires qui réponde à ce que l'imagination conçoit et à ce qüe doit être la réalité. Il à peint, dit-on, des parades, des revues, des manœuvres, mais non pas la guerre. C’est qu'en effet la campagne de Flandre n'avait rien de commun avec la guerre véritable. C'était une pro- menade, un divertissement qui ne différait pas sensible- ment des fêtes de Versailles. La conquête se fit, pour ainsi dire, sans effusion de sang. Rappelons-nous ce que dit Voltaire, et ce qui n’est que l'exacte vérité : « Les fron- tières de la Flandre espagnole étaient presque sans fortifi- cations et sans garnisons. Louis n’eut qu'à se présenter devant elles. Il entra dans Charleroi comme dans Paris; Ath, Tournai furent prises en deux jours; Furnes, Armen- tières, Courtrai ne tinrent pas davantage. Il descendit dans la tranchée devant Douai, qui se rendit le len- demain. Lille, la plus florissante ville de ces pays, la seule bien fortifiée et qui avait une garnison de six mille hommes, capitula après neuf jours de siége. » Les flatteurs de Louis XIV, et certes il n’en manquait pas, célébrèrent (A8) bien haut la gloire de ces faciles victoires. Il n’y avait pourtant pas lieu d'en faire grand bruit. Ce qu’il y eut de plus admirable dans tout cela, ce fut l’activité de Van der Meulen, faisant d'excellentes vues de toutes ces villes qui résistaient à peine le temps de lui laisser terminer ses esquisses, et devant lesquelles 1l représenta les positions des troupes françaises avec une fidélité attestée par tous ceux qui avalent pris part aux prétendus siéges. Quand Louis XIV arrivait devant une place qu'il faisait investir par ses troupes, la première personne qui devait se trouver sur le terrain était Van der Meulen. Il fallait qu'il fût là pour tout voir, pour tout recueillir. Le roi paraissait-1l au milieu de ses troupes, descendait-il dans la tranchée, comme devant Douai et devant Lille, aucun des incidents qui survenaient autour de lui, dans ces cir- constances mémorables, ne pouvait être négligé par le peintre ofliciel de l'expédition. Van der Meulen n’a pas, pour animer ce qu'on veut bien appeler ses batailles, les chocs de cavalerie, les luties des masses d'infanterie pour attaquer et pour défendre des positions, les manœuvres de l'artillerie; pas de moulins incendiés , pas de fermes aux murailles crénelées et devenues des citadelles improvisées, pas de nuages de fumée offrant à l’imagination tout ce qu'elle cache aux yeux, ni morts n1 blessés pour jeter de l'intérêt sur les premiers plans. Toutes ces ressources lui manquent. Îl s'en tirera comme il pourra; mais il n’en faut pas moins qu'il compose des tableaux piquants, ayant, sans cesser d'être vrais, une empreinte de ce cachet de prestigieuse grandeur dont Louis XIV avait la prétention d'être constamment entouré. Il s'en tire à merveille. À dé- faut du mouvement de la bataille, il indique celui des pré- paraufs de l'attaque. ( 419 ) I était diflicile à Van der Meulen d'éviter la monotonie dans des compositions pour lesquelles il ne pouvait mettre en œuvre que des éléments ayant entre eux une grande analogie. Toutes les villes qu'il avait à représenter et qui forment le fond de ses tableaux, se ressemblent : toutes sont dans un pays plat, sans accidents de terrain, Il sur- monta avec une habileté singulière les obstacles que lui opposaient et la nature et les événements. Quand on exa- mine les pages dans lesquelles il a résumé l’histoire de la conquête de la Flandre, bien mieux que ne l'ont fait les écrivains, on est surpris de l'abondance des motifs dont il s’est servi pour varier les fréquentes répétitions d'une même donnée. Voyez-le dans le tableau intitulé : Arrivée du roi devant Douai qu'il fait investir par sa cavalerie. Quelle heu- reuse disposition de groupes et quel mouvement! L'illusion est complète; on croit assister au défilé d’une armée en marche. Voici les troupes qui s’avancent en bon ordre, puis les bagages parmi lesquels règne toujours de la con- fusion, des chariots portant les approvisionnements, des mulets pesamment chargés, dont l’un est tombé et que des soldats s'efforcent de relever; plus loin de longues lignes de cavalerie qui se déploient dans la plaine, puis au fond la ville de Douai en perspective. Van der Meulen a fait voir l’armée en marche dans le tableau précédent; dans une autre composition non moins pittoresque, non moins vraie d'aspect, 1l la montre campée devant Tournai. C’est un autre genre de mouvement : c’est le spectacle animé d'un camp où des troupes victorieuses , à l’abri de toute crainte de surprise, abondamment pour- vues de vivres, ne songent qu'à faire bonne chère et à se divertir, en attendant que la place assiégée se rende après un simulacre de résistance. Voici les tentes que l’on dresse, ( 420 ) les bagages qu’on déballe, les feux qu'on allume pour pré- parer le repas. Les officiers boivent et jouent pour tuer le temps, le seul ennemi qu'ils aient à combattre pour le mo- ment. La vie des camps est mise là en scène de la manière la plus vraie et la plus piquante. Les gravures qui reproduisent les deux compositions que nous venons de citer sont, comme toutes celles dont est formé l’œuvre officiel de notre artiste, revêtues d’in- scriptions qui indiquent que les esquisses originales ont été prises d’après nature : « Dessigné (sic) sur les lieux pour le roi », ou bien : Ad vivum pinæit F. Van der Meulen. En avertir le spectateur était une précaution inutile. Il est impossible de s'y tromper ; ces tableaux n’ont pas été com- posés dans l'atelier ; on ne peut douter qu'ils ne soient le produit de l'observation directe, d’une étude faite ad vivum, comme le disait le peintre. Ne sont-ils pas, en effet, co- lorés d’an vivant reflet de la réalité? | Louis XIV était allé, après la prise de Cambrai, passer quelques jours à Compiègne avant d'entreprendre le siége de Lille. Il en revient avec la reine, pour faire une entrée triomphale à Arras et à Douai. C’est en cette circonstance surtout que Van der Meulen devra déployer toute l'adresse de son crayon, toute la magie de son pinceau. Mieux vau- drait pour Jui manquer un sujet de bataille, où les troupes françaises eussent signalé leur valeur, mais où le roi ne se fût point trouvé en personne , que d’échouer dans le rendu de la cérémonie où le monarque paraît avec la reine au milieu de ses courtisans et dans l'éclat de la majesté sou- veraine. Son étoile ne l’abandonne pas; jamais il n’a mieux réussi. Dans l’Entrée à Douai, la reine, à la portière de son carrosse, reçoit l'hommage des magistrats à genoux devant elle, tandis que Louis XIV, à cheval, entouré de ses ( 421 ) gardes, contemple majestueusement cette humiliation des vaincus. Les assistants n'attendent, sans doute, que la fin de la harangue débitée par un des magistrats, pour faire éclater leur enthousiasme; car, s’il faut en croire un au- teur contemporain : « Leurs Majestés furent reçues de la manière la plus galante et la plus magnifique par les babi- tants de cette ville (Douai), qui voulurent témoigner leur joie d’être devenus sujets d'un si grand prince. » L’Entrée de la reine à Arras a fourni à Van der Meulen le sujet d’une grande et riche composition. La reine Marie-Thérèse s'avance dans un carrosse trainé par six chevaux, autour duquel marchent des courtisans; le roi suit à la tête d’une brillante escorte; des bourgeois de la ville, des paysans accourent pour jouir du spectacle; les uns saluent, d’autres se prosternent. On ne saurait tirer plus habilement partie d’un sujet qui semble repousser le pittoresque, ni corriger avec plus d'adresse le froid d’une cérémonie officielle. La campagne terminée, Van der Meulen revint à Paris, muni d'un grand nombre d’esquisses et de croquis dont il allait se servir pour exéculer les tableaux destinés à trans- mettre à la postérité une image fidèle des épisodes de la conquête. Le roi voulut voir chacune des compositions que l'artiste flamand terminait avec une rapidité merveil- leuse, et l'en fit complimenter. Non-seulement il loua l'exactitude avec laquelle Van der Meulen avait reproduit l’aspeet des lieux et les dispositions stratégiques dont il avait élé témoin, mais il admirait comme s’il s'était souvenu des moindres incidents et les avait ingénieusement intro- duits dans ses tableaux, de manière à leur donner un cachet de vérité plus prononcé. C’est ainsi que, dans la Marche de l'armée sur Courtrai, il avait montré le roi retenant son chapeau pour l'empêcher d’être emporté par le vent. ( 422 ) Louis XIV se rappelait cette circonstance, et remarquait avec quel goût le peintre l'avait retracée. Van der Meulen, il est vrai, avait évilé le côté vulgaire de l'accident, et l'avait ennobli en représentant, non pas l’homme faisant un mouvement gauche pour retenir sa coiffure qui s'envole, mais le héros luttant contre les éléments. Au moment où il dessinait Louis XIV commandant en personne au siége d'Audenarde, un officier était venu prendre les ordres du roi et avait eu beaucoup de peine à maintenir son cheval qui, mauvais courtisan, se cabrait sans façon comme sil n'avait pas été en présence du plus grand prince de la terre. Ce motif lui avait fait un premier plan animé et plut au roi qui en avait gardé le souvenir, ainsi que du coup de vent de la route de Courtrai. Louis XIV se montra satisfait de la manière dont Van der Meulen l'avait mis en scène dans toutes les occasions où il avait paru en personne, soit sur le champ de ba- taille, soit dans les solennités qui avaient été la suite et la consécration de la victoire. Il était charmé de se voir représenté au naturel sur le théâtre même de ses triomphes. Le Brun avait célébré sa grandeur par des allégories ; le publie lettré, auquel le langage poétique de la fiction était familier, voyait dans les victoires d'Alexandre celles de Louis XIV; mais le vulgaire ne saisissait pas de telles sub- tilités, et le roi préféra les peintures de l’artiste flamand, qui plaçaient sous les yeux de tous la réalité de son image, la réalité de sa gloire. Il aurait suffi de l’auguste approba- tion dont ses travaux étaient l’objet, pour mettre Van der Meulen en faveur à la cour; notre artiste se concilia en- core la bienveillance personnelle des officiers et des digni- taires qui avaient accompagné le roi dans la campagne de Flandre, en les reproduisant scrupuleusement dans les posilions qu'ils avaient occupées près du souverain. Non- seulement tous les uniformes sont, dans ses tableaux, d'une exactitude irréprochable, mais la plupart des per- sonnages considérables qui occupent les premiers plans, sont des portraits dans lesquels les originaux se recon- purent eux-mêmes, à leur grande joie. De chacun de ceux dont il flatta ainsi la vanité, sans arrière-pensée, sans autre dessein que d'approcher le plus possible de la vérité, Van der Meulen se fit un protecteur. Son éloge était dans toutes les bouches : il fut le peintre à la mode. Van der Meulen n'eut pas le temps de se reposer. Il tra- vaillait encore aux tableaux de la conquête de la Flandre, quand il reçut l’ordre de se préparer à suivre le roi qui partait pour la Franche-Comté. Il assiste au siége de Dôle qui dure quatre jours et y prend le sujet d'une composition qui diffère d'aspect avec les précédentes. Ce n’est pas encore le moment du siége de la ville, c'est celui de l’arrivée des troupes sous ses murs. On est en plein hiver; les arbres, dépouillés de feuilles, sont courbés par un vent impétueux auquel les cavaliers, qui galopent sur un terrain plus acci- denté que celui de la Flandre, semblent résister avec peine. Louis XIV, à cheval au milieu de ses généraux et parais- sant adresser la parole à un fantassin armé d’une halle- barde, est seul épargné par les éléments. L’ouragan, qui vient de briser un chêne au premier plan, n’agite pas même les boucles de sa chevelure. La prise de Dôle est le seul événement de cette compagne que retraça le pinceau de Van der Meulen. Sans doute le froid l'empécha de prendre, comme il avait l'habitude de le faire, ses croquis d’après nature. Et puis, à peine la rapidité des victoires de l’armée française lui en eüt-elle laissé le temps. En moins de trois semaines, la Franche-Comté fat soumise au pas de course. ( 424) La campagne terminée, Van der Meulen retourna à ses quartiers d'hiver et reprit les travaux de l'atelier. Il ne re- traçait pas seulement les souvenirs de la guerre; dans les moments de loisir que lui laissaient les conquêtes de Louis XIV, il peignait des cérémonies pacifiques, des vues des châteaux royaux, des chasses, des paysages animés par des figures dont l’action est toujours bien exprimée. Il traitait ces différents sujets avec le même esprit, le même sentiment de la nature, la même force d'exécution. Nous citerons quelques-uns des tableaux où son talent s’est ma- nifesté sous des aspects divers, offrant chacun un genre particulier d'intérêt. La Marche du roi accompagné de ses gardes , passant sur le Pont-Neuf et allant au palais, peut être considérée comme un chapitre de l’histoire des usages du temps. L'appareil des cérémonies publiques, les uni- formes d’apparat, les costumes des bourgeois, le petit com- merce des marchands ambulants, le mouvement du fleuve dont on voit les eaux sillonnées de barques et les quais chargés de marchandises, donnent l'idée la plus exacte de la physionomie de Paris au X VIT" siècle. Saint-Simon n'a pas mieux décrit les mœurs de la cour de Louis XIV, que Van der Meulen ne les a mises en action dans les tableaux suivants : « Le roy dans sa callèche (sic) accompagné des dames dans le bois de Vincennes. » — « Le roy à la chasse du cerf avec les dames. » — « La reine allant à Fontaine- bleau, accompagnée de ses gardes. » Que c’est bien la société de l’époque; pas un détail d’étiquette n’est omis; et comme les groupes sont distribués avec intelligence, comme les figures sont ajustées, vivent, se meuvent? Et le paysage, de quelle grande façon il est traité; et les chevaux? Van der Meulen seul les faisait, en France, avec cette perfection, et on ne les a mieux faits nulle part ailleurs en aucun temps. nt > ( 4925 Aussi Le Brun a-t-1l emprunté le secours de son pinceau pour exécuter les magnifiques coursiers qui ne sont pas la moins belle partie de ses compositions héroiïques. Notre artiste avait fait du cheval une étude technique appro- fondie; on peut s’en assurer en examinant les esquisses où il a déposé les témoignages de la science acquise par cette étude, et qui ont été reproduites en partie par la gravure. Le musée du Louvre possède un excellent spécimen de son talent dans ce genre, décrit de la manière suivante dans le nouveau catalogue : « Cinq chevaux sur une même toile, sans fond. A gauche , un cheval blanc et derrière un bai. Au milieu un cheval blanc vu par la croupe et à droite deux chevaux pie. » Bien que dépouillée de tout prestige de mise en scène, c’est-à-dire sans fond de paysage, cette étude n'en est pas moins intéressante et fort estimée des connaisseurs. Van der Meulen traitait aussi d’une manière supérieure la peinture des tableaux d'architecture. On remarque déjà, dans ses souvenirs des campagnes de la Flandre et de la Franche-Comté, avec quel art il a donné le plan exact des villes assiégées, sans que le côté pittoresque des composi- ions s’en ressentit. Il est allé plus loin encore dans les vues des châteaux de Fontainebleau, de Vincennes et de Versailles, où se montrent à la fois et la science en quelque sorte mathématique du dessin architectural, et le goût du peintre. Ces vues sont animées par des chasses ou par des scènes de la vie de cour, qui achèvent de leur ôter la sé- cheresse qu’elles pourraient avoir, sans l’artifice de ces accessoires. La Vue du château de Versailles du côté de l’orangerie est particulièrement remarquable par un groupe de figures en assez grande proportion qui occupe le centre du tableau, au premier plan, et où l’on voit Louis XIV, ( 426 ) d’une parfaite ressemblance, donner des ordres de l'air majestueux qui lui était propre. Plus qu'aucun autre pein- tre, mieux que Le Brun lui-même, qui avait le privilége des reproductions officielles de l'effigie royale, Van der Meulen avait saisi le caractère de la physionomie et de la tournure de Louis XIV. Tel le monarque est dépeint par les écrivains de l’époque, tel le conçoit l'imagination, et tel il apparaît dans les tableaux de batailles, de chasses ou de divertissements royaux que nous a laissés Van der Meuleu. Notre artiste eut l'ambition d'élargir le cadre dans lequel il se renfermait habituellement, et de peindre un portrait de Louis XIV de grandeur presque naturelle. Nous trouvons cette indication dans la description que donne Félibien des tableaux qui ornaient la salle des congréga- tions de la maison professe des jésuites à Paris : « Le roi Louis XIV à cheval, tableau de cing pieds de hauteur, peint par Van der Meulen. Cest 1c1 la plus grande figure que ce peintre ait faite. Le roi est sur un cheval alezan, : beau et animé. Ce tableau fut donné au père de la Chaise par Van der Meulen. » Nous ignorons ce qu’est devenu ce portrait. Serait-ce celui qui se trouve à Saint-Cloud et que la notice descriptive des objets d'art conservés dans ce château, attribue à la collaboration de Van der Meulen et de Le Brun? N’avant pas eu l’occasion de vérifier ce fait, nous ne pouvons opter entre la négative et l’aflirmative. Aussi bon paysagiste que peintre de batailles et de per- spectives architecturales, Van der Meulen avait recueilli dans ses voyages des études de la nature qu'il employa, tantôt comme fonds de ses sujets militaires, tantôt dans la simplicité de leurs éléments rustiques, qu'il complétait seulement par des groupes de figures toujours adaptées au site de façon à ne point paraître y avoir été ajoutées après ( 427 ) coup. Dans ses paysages, comme dans ses autres composi- tions, il témoigne d’une rare intelligence de l'harmonie des lignes et du coloris, et d’une entente parfaite de la lumière. Ses intérieurs de forêts, animés par des chasseurs lancés à la poursuite du cerf, ses campagnes à l'horizon reculé où cheminent des voyageurs , ses vallées accidentées où, sur une roule qui serpente à travers les mouvements hardis du terrain, des convois marchant sous la protection d’une escorte armée, n'ont souvent rien de moins piquant que ses épisodes guerriers. Il a fait choix de trois de ces paysages, gravés, sous sa direction, par des artistes habiles à manier le burin, pour les dédier : le premier au banquier ei célèbre amateur Jabach: Artium omnium Mecenati eximio ; le second à Philippe de Champagne, l'excellent peintre, son compatriote : Nobilissimo viro Philippo de Champaigne pictori regio, Academiae pictorum nec non sculptorum rec- tori; le troisième à Le Brun: Nobilissimo viro Carolo Le Brun, equiti, proto pictori regis christianissimi, regis pic- turis el operibus preposito. Ce dernier tableau a pour sujet : La cour en voyage. En même temps qu'un beau paysage, c'est encore une page curieuse d'histoire anecdotique. Avec l'œuvre de notre artiste, on referait l'étiquette de la cour de France au XVIF”* siècle , si le texte en était perdu. Depuis la première conquête de la Franche-Comté, en 1668, jusqu’à l'expédition contre la Hollande, en 1672, Van der Meulen ne fut pas enlevé aux travaux qu’il pour- suivait avec une surprenante activité dans son atelier des Gobelins. Louis XIV, sur le point d'entrer en campagne, désigna de nouveau le peintre flamand pour l’accompagner, afin de continuer les annales pittoresques de ses exploits. Voilà notre artiste encore une fois à la suite de l’armée, d'une armée forte de cent trente mille combattantsayant ( 428 ) pour chefs Turenne, Condé, Luxembourg et Vauban, sous le commandement suprême de Louis XIV. Ce n’est plus seulement à peindre des simulacres de siéges qw'il allait être employé; il allaït voir la guerre dans ses ma- gnifiques horreurs et pouvoir mettre dans ses composi- tions un mouvement qui leur avait manqué jusqu'alors. Les troupes françaises débutèrent par prendre, sans ren- contrer de sérieuse résistance, les places d'Orsoy, de Rhinberg, de Rees et de Santen. Van der Meulen se con- tente de faire de ces épisodes insignifiants de la campagne des dessins d’après lesquels, à son retour, Martin, son élève, exécuta des tableaux qu’il retoucha. Il se réservait pour le passage du Rhin, dont il prit une esquisse dans le moment même de l’action, et qu'il peignit ensuite tout entier de sa main. Son tableau donne une idée beaucoup plus juste de cet événement, l’un des plus considérables de la stratégie moderne, que les relations si nombreuses et si pompeuses qui en ont été faites par les historiens, aussi bien que par les poëêtes contemporains. Les figures y sont d’une dimension plus grande que celles de ses au- tres compositions. On voit qu'il a voulu se mettre à Ja hauteur du sujet. Le roi est sur la rive du fleuve, dans l'attitude du commandement; il est entouré de ses géné- raux. À peu de distance sont des pièces d'artillerie qui diri- gent leur feu vers le bord opposé. Les troupes viennent de se mettre en mouvement; déjà les eaux du Rhin présen- tent le singulier et nouveau spectacle d’une innombrable cavalerie à la nage; quelques chapeaux flottent à la surface, derniers vestiges des rares victimes de cette entreprise hardie; tout cela avec une grande animation, une grande chaleur d'action, mais sans confusion exagérée. Aucun des ouvrages de Van der Meuleu ne dut causer plus de ( 429 ) salisfaction à Louis XIV ni mériter plus d'éloges à l'artiste. Celui-ci n’a garde de manquer d'inscrire au bas de l’es- tampe qu'il fait faire d’après ce tableau : Dessiné sur les lieux pour le Roi Trés-Chrétien. Ces mots veulent dire : « Et moi aussi j'étais au passage du Rhin. » Après le passage du Rhin, Van der Meulen assiste aux siéges d'Utrecht, de Grave et de Naerden. Il en prend des dessins qu’il confie ensuite à Bonnart et à Martin, ses élèves, pour en exécuter les tableaux. Le voici au siége de Maestricht; il ne remettra pas à d’autres le soin d’en re- tracer l'image pour la postérité. Louis XIV commande les opérations contre cette place considérée comme la clef des Pays-Bas. Jamais le roi n'a payé de sa personne comme il le fait en cette circonstance. Il donne à tous l'exemple de l’activité et de la constance dans l’accom- plissement du devoir militaire. Van der Meulen est obligé de faire de la prise de Maestricht un de ses meilleurs tableaux. Le moment qu'il a choisi pour sa composition est celui où le roi arrive au camp, afin de diriger contre la ville assiégée un mouvement décisif. Louis XEV est reçu par les généraux à l'entrée du camp; les soldats courent aux armes, le canon tonne, et cependant, trait caracté- ristique de l’insouciance française, on voit, à peu de dis- tance, des buveurs attablés sous la feuillée, à la porte d’une cantine. Van der Meulen n'oubliait rien. Notre artiste, après une trêve de peu de durée, part avec l'expédition qui va conquérir la Franche-Comté pour la seconde fois. Il assiste, le pinceau à la main, aux siéges de Besançon, de Gray, de Dôle, de Salins, du fort de Joux, et, des croquis qu'il trace rapidement pendant que les ar- mées du rot, comme les légions de Jules-César, arrivent et triomphent, 1] fait, de retour à Paris, des tableaux où 2" SÉRIE, TOME V. 29 ( 450 ) se signale de plus en plus la force de son exécution. Il est resté dans la monotonie des villes investies; mais les cri- tiques qui ui ont reproché l’uniformité des sujets qu'offre l’ensemble de son œuvre, ont fait preuve d’injustice et d'ir- réflexion. Ce n’est pas l'artiste qu'il faut en accuser, c'est celui dont il avait mission de peindre l’histoire, et qu'il suivait pour ainsi dire pas à pas. La justification de Van der Meulen se trouve dans ces lignes de Voltaire : « Louis XIV aimait la guerre de siéges et l’entendait aussi bien que les Condé et les Turenne; et, tout jaloux qu'il était de sa gloire, il avouait que ces deux grands hommes entendaient mieux que lui la guerre de campagne. D'ailleurs il n’as- siégea jamais une ville, sans être moralement sûr de la prendre. Louvois faisait si bien ses préparatifs, les troupes étaient si bien fournies, Vauban, qui conduisait si bien le siége, était un si grand maître dans l’art de prendre Îles villes, que la gloire du roi était en süreté. » Voilà le motif et l'excuse des fréquentes répétitions de motifs sem- blables dans l’œuvre du maïtre flamand. A tout prendre, il aurait eu mauvaise grâce à se plaindre. S'il suffisait à la gloire de Louis XIV d’assiéger et de prendre des villes, Van der Meulen ne pouvait élever la voix pour déelarer la sienne compromise par l'obligation de rester, comme peintre, dans une sphère restreinte, en s’attachant à repro- duire les profils des villes conquises. Louis XIV semble avoir voulu dédommager ne der Meulen de l'espèce de tutelle où il tenait ses pinceaux, en lui fournissant des occasions de traiter des sujets dans lesquels il pouvait donner un plus libre cours à sa verve pittoresque. C’est ainsi qu'il lui fit prendre, tout en allant d’un siége à l'autre, des vues des sites les plus beureuse- ment accidentés de la Franche-Comté, en y plaçant des ( 451 ) marches de troupes, des transports de munitions ou de bagages de l'armée, des escarmouches ou simplement les rencontres fortuites que lui amenait le hasard. Voici l'in- dication de quelques-uns des tableaux appartenant à cette catégorie : une Vue du château de Sainte-Anne, en Franche- Comté, où l'on voit un voyageur dans une litière portée par des mules, détail caractéristique des usages de l’époque et du pays; une Vue de Saint-Laurent de la Roche, dans la même province, paysage remarquable par les mouvements du terrain où l’artiste a placé, c’est-à-dire laissé tels qu'ils se présentaient pendant qu’il était occupé à le dessiner, des chariots, des groupes de paysans et de femmes de la cam- pagne, allant porter au marché les produits de la ferme; une Vue de la ville et faubourgs de Salins, vaste paysage traversé par une chasse à courre; une Vue du château de Joux et une Vue de la ville de Gray, sites intéressants par eux-mêmes et que viennent encore relever des figures tou- chées de main de maitre. En 1675, Van der Meulen se trouve sur les bords de la Meuse pour peindre l'entrée de Louis XIV à Dinant; il assiste, dans cette même excursion, à la prise de Lim- bourg. L'année suivante, il va prendre, ad naturam, des esquisses des siéges de Condé et de la ville d’Aire. Ce ne sont que des faits secondaires dont 1l charge Martin de donner la représentation sur ses dessins ; mais la prise de Valenciennes ne peut être peinte que par lui-même. [1 a élé, comme toujours, témoin de ce siége où Louis XIV commandait en personne, ayant sous ses ordres son frère et cinq maréchaux de France : d'Humières, Schomberg, la Feuillade, Luxembourg et de Lorges. Il consacre deux toiles à ce fait d'armes, l'un des plus brillants de l’histoire militaire personnelle du roi. Dans l’une , 11 montre les ( 432 ) dispositions des lignes françaises sous les murs de la ville; dans l’autre, 1l prend ie moment où Louis XIV range ses troupes en bataille pour l'attaque du chemin couvert, opération hardie, entreprise par le conseil de Vauban et qui doit décider du sort de Valenciennes. Ce tableau n’a pas la froideur des siéges de la première campagne de Flandre; il est plein de mouvement et offre une juste image de la guerre. La prise de Cambrai fournit également à Van der Meulen deux sujets de tableaux. Voici le premier : le roi, à cheval et de l'air majestueux d’un vainqueur, reçoit la soumission des magistrats de la ville. À un plan plus éloigné, on voit arriver dans son carrosse un prélat qui met la tête à la por- tière et salue humblement, non sans témoigner quelque appréhension de l'accueil qui va lui être fait. C’est là un de ces traits qui n’échappaient point à Van der Meulen, et qui contribuent à donner à ses compositions un cachet de vé- rité. Le second tableau du siége de Cambrai est intitulé par l'artiste, au bas de l’estampe qu'il en a fait faire : Le roi, s'étant rendu maitre de la ville de Cambrai, attaque ensuile et prend la citadelle jusqu'alors imprenable. L se fait un grand mouvement de troupes autour du roi, qui, de là main, désigne, dans le fond, la citadelle vers laquelle vont se diriger ses soldats. Notre artiste dut s’estimer heureux d’avoir à reproduire une véritable bataille, quand il peignit le tableau dont la défaite du prince d'Orange, à Mont-Cassel, était le sujet. C'était le duc d'Orléans qui commandait à cette journée ; il est au premier plan, donnant les ordres dont l'exécu- tion doit, sans doute, hâter la victoire. L'action est vive, chaleureuse. Van der Meulen ne l’a pas traitée ainsi de fantaisie ou sur des indications qui lui auraient été trans- Es PR ( 435 ) mises. Il se trouvait sur le champ de bataille, à portée des événements dont son pinceau devait se faire l'inter- prète : Dessiné sur le naturel, a-t-il mis au bas de l'estampe faite d'après son tableau. Combien citerait-on de peintres de batailles qui aient poussé jusque-là la conscience ? Cet exemple peut servir de pendant à celui qu'offrit Guillaume Van de Velde, en se faisant conduire en mer sur une ga- liote, pour être témoin des batailles navales que l'amiral de Ruyter livrait aux vaisseaux anglais, et pour pouvoir les peindre sans omettre aucun incident. Van der Meulen a encore montré ce qu'il savait mettre de chaleur et de mouvement dans une véritable action militaire, lorsqu'il a peint les deux chocs de cavalerie qu'il à dédiés, l'un à Henri de Bourbon, duc d'Enghien , l’autre au duc Charles- Albert de Chevreuse. Il faut encore citer, dans le même genre, l'attaque d'un pont, le combat à l'entrée d’une forêt et l'engagement au passage d’une rivière, tableaux qui font partie de la collection du Louvre, et dans lesquels notre artiste n’est pas moins habile compositeur que grand coloriste. L'année de la bataille de Mont-Cassel, Van der Meulen se trouva encore à la prise de Saint-Omer et au siége de Fribourg. En 1678, il peignil, toujours d'après nature, la prise d'Ypres et celle de Luxembourg. À dater de cette époque, Louis XIV ne mit plus que de loin en loin à con- tribution le zèle et le talent du peintre de ses conquêtes : en 4694, pour la prise de Mons; en 1692, pour le siége de Namur: en 4695, pour la prise de Charleroi. Nous tou- chons au terme de notre analyse des travaux de Van der Meulen. Cependant nous citerons encore quelques-uns des charmants tableaux qu'il peignait dans ses moments de fantaisie, et comme pour se reposer de la gloire dont il ( 454 ) portait, en qualité d'interprète, une partie du poids. Quand on voudra passer en revue l’œuvre du paysagiste, on pla- cera, à côté de ces belles vues de la Franche-Comté, celles qu'il a prises aux environs de Béthune, d’Ardres et de Luxembourg, et qui ne le cèdent point aux premières sous aucun rapport. Enfin, il faut recommander à ceux qui veulent juger Van der Meulen comme peintre des cérémo- nies de la cour de Louis XIV, la belle composition qui représente l'entrée du roi à Dunkerque, et qui se distingue, par un cachet particulier de coquetterie, de tous les ta- bleaux mentionnés jusqu'ici. Le roi, à cheval, est posé no- blement et gracieusement; tous ses courtisans , qui lui font un magnifique cortége, sont en habits de cour, sans aucun appareil militaire, et d’une rare élégance. Les habitants de la ville, qui sont venus à la rencontre du monarque et le saluent de leurs acclamations, forment des groupes su- périeurement disposés ; les figures les plus éloignées sont touchées avec un esprit qui rappelle le crayon de Callot; rien de plus piquant que les fonds de cette toile précieuse où l’on distingue des vaisseaux sur le chantier, le pont, les édifices de la ville, puis au delà de tout, la mer à perte de vue. Van der Meulen avait couvert de peintures dont les sujets étaient empruntés à l’histoire des conquêtes de Louis XIV, le grand escalier de Versailles, qui fut mal- heureusement démoli sous le règne suivant. Beaucoup de ses tableaux, des plus capitaux, furent placés dans les ré- fectoires des invalides, où 1ls subirent de graves détério- ralions. Un grand nombre de ses plus précieuses esquisses _allèrent orner les châteaux de Marly et de Rambouillet, d’où on les retira, par la suite, pour les placer dans les musées de l'État. Pendant longtemps plusieurs des pages ( 435 ) qu'il avait consacrées à l'illustration du règne de Louis XIV disparurent, et l’on ignora ce qu'elles étaient devenues. Voici comment s'exprime à cet égard Deperthes, l'auteur de l'Histoire de l'art du paysage : « On se demande ce que sont devenus la plupart des trophées érigés par le pinceau de Van der Meulen à la gloire des armées françaises, sur- tout le tableau dans lequel le peintre, rivalisant avec la poésie, avait décrit avec tant de vérité le passage du Rhin. » On retrouva dans les greniers du Louvre et des autres rési- dences royales une série nombreuse des compositions les plus importantes de notre artiste, entre autres le passage du Rhin, quand on s’occupa de réunir les éléments des galeries de Versailles, et l'on peut affirmer que Van der Meulen est de tous les peintres qui ont fourni un contin- gent au musée ouvert à toutes les gloires de la France, celui qui y tient le rang le plus élevé. Dans l'intervalle de ses campagnes, Car on peut appe- ler ainsi ses expéditions pittoresques, Van der Meulen joignait à ses autres occupations, celle de préparer des modèles pour la manufacture des Gobelins. Outre les vues des résidences royales dont nous avons parlé plus baut, il fit plusieurs grandes compositions destinées à être exécu- tées en tapisseries et qui, sous la forme de tentures ma- gnifiques, figurèrent parmi les plus riches ornements que le garde meuble de la couronne fournissait au luxe des cérémonies publiques. On remarquait particulièrement celles qui représentaient Le roi recevant les ambassadeurs des treize cantons suisses et La cérémonie du mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d'Autriche. Les dessins de Van der Meulen ne sont pas moins re- cherchés que ses tableaux par les connaisseurs. Is sont touchés avec l'esprit qui distinguait l'artiste. Le célèbre ( 456 ) ébéniste Boule en avait acheté de la veuve du peintre une nombreuse collection qui périt malheureusement dans son atelier, avec beaucoup d’autres objets précieux. Pour pouvoir accomplir les travaux considérables dont le roi lui confiait l'exécution, Van der Meulen était obligé de se faire aider par quelques-uns des élèves formés à son école. Boudewyns, Martin, Bonnart ébauchaient les ta- bleaux qu'il terminait ensuite. On sait que les plus grands maîtres en ont usé de la sorte. De là vient qu’on a les esquisses d’un certain nombre de ses compositions prin- cipales, placées au musée de Versailles à côté des toiles exécutées dans de grandes proportions. La plupart de ces esquisses allèrent, quand les disciples de Van der Meulen eurent achevé leur tâche, orner le château de Choisy, ainsi qu’on le voit dans un passage des Mémoires de Mademoi- selle : « Il y a, dit cette princesse, en parlant du château de Choisy, un cabinet où toutes les conquêtes du roi sont en petit par Van der Meulen, un des plus habiles peintres de ces manières. » Van der Meulen fut nommé membre de l’Académie de peinture le 45 mai 1675; il devint, en 1681, conseiller de la même institution et reçut, en 1686, le titre de premier des conseillers. Sa première femme étant morte, 1l épousa en secondes noces une nièce de Le Brun, et le roi lui fit l'honneur de nommer, avec Mademoiselle, un de ses enfants qui fut baptisé dans la chapelle des Tuileries. Les bio- graphes assurent que cette nouvelle union ne fut pas heu- reuse, et que les désordres de sa seconde femme furent pour lui une source de vifs chagrins. C’est à cette cause que fut attribuée sa mort arrivée, suivant presque tous les biogra- phes, en 1690; mais plus tard, en réalité, puisqu'on a de lui des tableanx représentant des événements accomplis ( 457 ) en 4695. Quoi qu'il en soit, Van der Meulen fut inhumé à Paris dans l'église de Saint-Hippolyte, sa paroisse. En parlant de notre artiste, dans un précédent travail, nous nous exprimions ainsi : « Van der Meulen se trouva dans une position bizarre quand, Flamand, il fut obligé d'accompagner Louis XIV en Flandre, et de célébrer les victoires remporlées par ce monarque contre sa palrie. Jacques Callot, né à Nancy, et sujet du duc de Lorraine, avait été appelé en France pour dessiner et graver la vue du Siége de la Rochelle, ainsi que celle de l’Attaque de l'ile de Rhé. Après la prise de Naney, sollicité d’éterniser par la gravure le souvenir de cette conquête, il sut résister aux offres séduisantes du roi, en même temps qu'aux menaces des courtisans : Je me couperais plutôt le pouce, s’écria- t-1l, que de faire quelque chose de contraire à l'honneur de mon prince et de mon pays. Une telle réponse eût fait honneur à Van der Meulen. » Cette même réflexion est pré- sentée, dans des termes presque semblables, par l’auteur de l'Histoire des peintres de toutes les écoles qui ajoute: « Van der Meulen, pour son propre honneur, se trouve décidé- ment mieux placé dans l’école française que dans l’école flamande. » En y réfléchissant, nous sommes obligé de revenir sur l'opinion que nous avions exprimée au sujet de la conduite tenue par Van der Meulen, lorsqu'il con- sentit à mettre son pinceau au service de Louis XIV pour retracer les épisodes de la campagne de Flandre. A cette époque, il n’y avait ni Belgique, ni Flandre proprement dite. Van der Meulen n'avait pas de patrie. Le pays où il avait reçu le jour était soumis à la domination étrangère. Du moment où il ne pouvait pas s’appartenir et avoir une existence propre, il importait peu qu'il fût la proie de telle puissance ou de telle autre. Ce n’est pas aux Flamands que ( 458 ) Louis XIV fit la guerre; ce ne sont pas les Flamands qui furent vaincus par ce prince. La conquête de 1667 est une affaire à vider entre l'Espagne et la France. Nous terminons en donnant l'indication des tableaux de Van der Meulen que possèdent les principales galeries de l’Europe, sans en désigner les sujets, parce que la plu- part sont décrits dans le courant de la notice. On trouve de notre artiste : au musée du Louvre, vingt-trois tableaux; daus les galeries de Versailles, une nombreuse série d'œu- vres originales ou de sujets exécutés par ses élèves Bon- nart et Martin; au palais de Saint-Cloud, trois tableaux, deux au musée de Nantes, un dans la galerie de Vienne; quatre au musée de Munich; un au musée de Madrid ; un au musée de Bruxelles. L'œuvre gravé de Van der Meulen se compose de cent cinquante-deux planches, en tête desquelles on place un superbe. portrait du maître, par Van Schuppen, d’après Largilière. Au bas de ce portrait on lit les vers suivants: C’est de Louis le Grand le peintre incomparable Qui de ses plus beaux faits a peint la vérité Et qui sans le secours des couleurs de la fable, Le fait voir ce qu'il est à la postérité. 1 ED Es — OUVRAGES PRÉSENTÉS. Sur les vers intestinaux ; par P.-J. Van Beneden. (Mémoire qui a remporté le grand prix des sciences math. et phys. à l'Institut de France pour 1853.) Paris, 1858; 1 vol. in-4°. Zoologie médicale. Exposé méthodique du règne animal basé ( 439 ) sur l'anatomie, lembryogénie et la paléontologie; par MM. Paul Gervais et P.-J. Van Beneden. Paris, 1859 ; 2 vol, in-8e°. Réouverture solennelle des cours de l'université de Liége, pen- dant l'année académique 1858-1839. Liége, 4858 ; 1 broch. in-8°. Sinte Servatius legende van Heyndryck van Veldeken , naer een handschrift uit het midden der XIV eeuw, voor de eerste mael : uitgegeven door J.-H. Bormans. Maestricht, 1858 ; 1 vol. in-8°. Procès-verbaux des séances des conseils provinciaux des neuf provinces, pendant la session de 1858. 9 vol. in-8°. Des subsistances militaires et étude sur l'alimentation de l'homme et du cheval; par J. Squillier. Anvers, 1858; 1 vol. in-8°. Monographie du genre Aesculus, par le D’ Ch. Koch ; traduit de l'allemand par A. de Borre. Liége, 1858; 1 broch. in-8°. Prologue consacré à la mémoire de Robert Brown (1773-1858); — Dissertation sur les feuilles vertes et colorées; — Promenade botanique dans le palais de l'exposition universelle de 1855; — Notice sur les changements de couleur des feuilles ; — Observa- tions sur un mémoire publié en 1752, par Guyot, et intitulé : Sur les fleurs et sur les causes de la variété de leurs couleurs ; — Compte rendu de la 8° exposition de la Société royale d'horticul- ture de la province de Namur ; — Notice nécrologique sur H.-G. Galeotti; — Notice sur le Seaforthia elegans, R. Br.; — Des- cription d'une nouvelle espèce du genre Oncidium; — Quelques considérations sur les organes des plantes; — Notice sur la vie et les travaux de Jean Kickx, 1775 à 1851; par Édouard Morren. 1856 à 1858; 11 broch. in-8°. Documents pour servir à l'histoire de la bibliographie médicale belge avant le XIX:' siècle (1° supplément) ; par C. Broeckx. An- vers, 1858; 1 broch. in-&°. Études faites à l’accasion de recherches sur les fonctions de Le- gendre et sur les fonctions de Lamé. — 1, Étude sur un mémoire de Jacobi ; par N.-C. Schmit. Liége, 1858; 1 broch. in-8°. Histoire des communes lombardes depuis leur origine jusqu'à la ( 440 ) fin du XII siècle; par M. Prosper de Haulleville. Tome Il. 9e partie. Gand, 1858; 1 vol. in-8°. Cours élémentaire sur la fabrication des bouches à feu en fonte el en bronze et des projectiles, d’après les procédés suivis à la fonderie de Liége; par Coquilhat. II" partie. Liége, 1858; 4 vol. in-8°. Études sur l'état présent de l'art en Belgique et sur son avenir; par Ad. Van Soust. Bruxelles, 1858; 1 vol. in-8°. Histoire de la commune de Boussu, depuis son origine jus- qu'à nos jours; par M. A.-C.-J. Wattier. Boussu, 1858; 1 vol. in-8°. Monographie des Élatérides; par M. E. Candèze. Tome I®. Liége, 1858; 1 vol. in-8°. Considérations sur la fièvre puerpérale. Rapport de la com- mission d'obstétrique, communiqué au cercle médical d’Am- sterdam, par le D' Lehmann; traduit du hollandais, par le D' Dieudonné. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Portefeuille de John Cockerill. 39% à 43% livr. Liége, 1858: in-plano. Messager des sciences historiques. Année 1858. 3%° livr. Gand; # broch. in-8°. Annales de la Société entomologique belge. Tome IT. Bruxelles, 1838; 1 vol. in-8°. La presse médicale belge. X®° année. N° 56 à 52. Bruxelles, 4858; 17 feuilles in-4°. La santé. 2° série, Xe année. N° 1 à 8. Bruxelles, 1858 ; 8 feuilles in-8°. | Handelingen van het provinciael Genootschap van kunsten en wetenschappen in Noord Brabant, over het jaer 1858. Bois-le- bBuc, 1858; 1 broch. in-8°. Bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen : — Verhandelingen. Deel XXVI; — Tijdschrift voor indische taal-, land- en volkenkunde. Deel VI. Nieuwe serie. Deel 3. Batavia, 4854-1857 ; 1 vol. in-4° et 5 hroch. in-8°. ( 441 ) Académie impériale de médecine de France : — Mémoires. Tome XXII; — Bulletin. Tome XXII. Paris, 1857-1858; 1 vol. in-4° et 1 vol. in-8°. Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de bio- logie. Tome 1° de la 2"* série. Paris, 1855; 1 vol. in-8°. L'Investigateur, journal de l'Institut historique. XXIV®° année. 284e à 286% livre. Paris, 1858 ; 2 broch. in-8°. Spécimen des tables calculées, stéréotypées et imprimées au moyen de la machine à calculer suédoise; par MM. G. et Éd. Scheutz. Paris , 1858; 1 vol. in-8°. Notice historique sur l'école de Sorèze ; — Visites à l'école de Sorèze, depuis la direction du R. P. Lacordaire ; — École de Sorèze : exercices de 1852 et 1853; — Une fèle à Sorèze; — Souvenirs historiques de Sorèze ; — Esquisses historiques; — De l'invention des trésors ; par M. A. Thomas-Latour ; — Le parlement , la basoche et le barreau de Toulouse, par le même ; — La méthodologie des sciences morales et politiques ; — Nécro- logie: M. Thomas-Latour; — M. Fabre; — M. Delpech; — Histoire de saint Thomas d'Aquin, par M. l'abbé Bareille ; — Études historiques sur les clercs de la basoche, par M. A. Fabre; — (ralerie biographique des personnages célèbres de Tarn-et- Garonne, par M. Rey; ouvrages de M. Dardé. Carcassonne ; in-8°. Mémoires de la Société dunkerquoise pour l'encouragement des sciences , des lettres et des arts. Année 1857-1858. Dunkerque, 1858; 1 vol. in-8°. Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles. Tome V. N° 42, Lausanne, 1858; 4 broch. in-&. Histoire du comté de Gruyère, précédée d'une introduction ; par J.-J. Hisely. Tome II (Mémoires de la Société d'histoire de la Suisse romande, Tome XI). Lausanne, 1857; 1 vol. in-8°. Zeitschrift für die gesammten Wissenschaften. XI Band, Berlin, 1858; 1 vol. in-8°. Abhandlungen, herausgegeben von der Senckenbergischen na- ( 442 ) turforschenden Gesellschaft. II Bandes. 2! Lieferung. Franc- fort S/M., 1858; 4 vol. in-4°. Heidelberger Jahrbucher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. LI*® Jahrgang. 31*-9tr Heftes. Heidelberg, 1838; 7 broch. in-8°. | Veues Jahrbuch für Pharmacie und verwandie Fächer. Band X. Heft 1-5. Spire, 1858 ; 5 broch. in-8°. Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg: — Bul- letin de la classe physico-mathématique. Tome XVI; — Compte rendu des travaux, pour l'année 1857 ; par M. Vessélovsky. Saint-Pétersbourg, 1858, 1 vol. in-4° et 4 vol. in-8°. Acta Societatis scieniiarum Fennicae. Tome V. Fase. 2 et ta- bles. Helsingfors, 1858; in-4°. Ofversigt af finska Vetenskaps-Societetens Fôrhandlingar. WW. Helsingfors, 1857; 1 vol. in-4°. Notiser un Sällskapets pro fauna et flora Fennica F6rhand- lingar; bihang üll acta Societatis Scientiarum Fennicae. Hi Häftet. Helsingfors, 1857; 1 vol. in-4°. Bidrag till Finlands Naturkännedom, Etnografioch Statistik, utgifna af Finska Vetenskaps-Societeten. F*-I"-JVèe Häftet, Helsingfors , 1857-1858 ; 3 vol. in-8°. Palæontologie Suedrusslands, von D. Alex. von Nordmann. N° 4 et 2, — Taf. I-XI. Helsingfors, 1838 ; 2 cahiers in-4° et { cahier in-plano. Rendiconti dell Adunanze della r. accademia economico-agra- ria dei Georgofili di Firenze. Triennio HE. Anno 2. Juin à sep- tembre. Florence, 1858 ; 3 broch. in-8°. Osservazioni sopra un' aurora boreale apparsa nella notte de’ 22 dicembre 1857 sulla montagna della Bulgaria in Prinoi- pato Citra; per G. Mazzarella. Naples, 1 broch. in-4°. Richerche intorno alla novella teoria del Bernard riguardante lo assorbimento delle sostanze alimentari, lette all Accademia medico-chirurg. di Napoli, nella tornata de’ 25 aprile 4857, dal socio ordinario pro G. Pignatari. Naples, 1 broch. in-4°. (445 ) 4 Rivista meteorologica del 1857; del. prof. Domenico Ragona. Palerme , 1858; 1 broch. in-8°. Sulle vicende meteorologiche di dicembre 1857 e gennaro 1858 in Palermo ; nota del prof. Domenico Ragona. Palerme, 1858; 1}, feuille in-folio. Giornale astronomico e meteorologico del real osservatorio di Palermo ; publicato dal prof. Domenico Ragona. Vol. Il. Palerme, 4857; 1 vol. in-4°. Lezioni memorie ed articoli intorno a varii argomenti di as- tronomia sferica e teorica ; del prof. Domenico Ragona. Vol. I. Fase. 1. Palerme, 1857 ; 1 broch. in-8°. Sulla terza cometa del 1854 ; osservazioni e risulti del prof. Domenico Ragona. Palerme, 1858; 4 broch. in-4°. Su taluni nuovi fenomeni di colorazione soggettiva ; nota del prof. Domenico Ragona. Palerme, 1858; 1 broch. in-4°. Atti dell Accademia pontificia de’ Nuovi Lincei, compilati dal segretario. Anno XI. Sessione 5°-6°. Rome, 1858; 5 broch. in-4°. Atti dell imp. reg. Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti. Tome 3. Serie HI. Disp. 9° e 10°. Venise, 1858; 1 broch.in-8°. Sui sogni e sul sonnambulismo ; — Sulla natura e sul’ officio dello ideale relativamente alle lettere e alle belle arti; — Sulla ragione e sullo intelletto; — Teorica del bello e dell arte; — Della socialità; per D. Bacci, Venise, 1854-1857; 5 broch. in-8°. | Observations météorologiques faites à l'observatoire de l'infant don Luiz, à l'École polytechnique ; par M. Pegado. Mai à sep- tembre 1858. Lisbonne; in-plano. The quarterly journal of the chemical Society. Vol. XI. N° 2. Londres, 1858; 4 broch. in-8&. The natural history review. Vol. V. N° 5. Londres, 1858; 4 broch. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1858. — No 12. re — CLASSE DES SCIENCES. Séance du 4 décembre 1858. M. »'Omazius D'HALLOY, président de l’Académie. M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, Wesmael, Martens, Cantraine, Stas, Van Beneden, Ad. De Vaux, le vicomte B. Du Bus, Nyst, Nerenburger, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres; Lacordaire, La- marle, associés; Dewalque, d'Udekem, Montigny, corres- pondants. M. Gachard, membre de la classe des lettres, et MM. Alvin et Éd. F étis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. 27% SÉRIE, TOME V. oÙ ( 446 ) CORRESPONDANCE. ——— M. le Ministre de l’intérieur renvoie au jugement de l’Académie différentes pièces qui lui sont parvenues, et demande s’il est utile de placer des paratonnerres sur les tours ou sur les édifices publics d’une grande élévation. (Com- missaires : MM. Duprez et Ad. Quetelei.) — M. le prince de Ligne, président du Sénat, remercie l’Académie pour l'envoi du tome XXIX de ses Mémoires couronnés. — M. Joseph Henry, secrétaire de l'institution Smith- sonienne de Washington, fait parvenir les envois des prin- cipales sociétés savantes des Etats-Unis. — La Société vaudoise des sciences naturelles, l’'Acadé- mie de Stanislas de Nancy et la Société linnéenne de Nor- mandie remercient l’Académie pour l’envoi de ses publi- calions. —M. Bache, associé de la classe et directeur des travaux géodésiques des États-Unis, transmet la carte de l’occul- tation des Pléiades, construite pour Bruxelles. Cette occul- tation aura lieu le 44 janvier prochain. Il demande des observations correspondantes à celles qui seront faites en Amérique, comme 1! en a déjà reçu, pour l’occultation du 30 août dernier, de l'Observatoire royal de Bruxelles. 4 4 — M. Zantedeschi, professeur à Padoue, donne un ( 441 ) aperçu de ce que contiennent deux de ses mémoires sur les vibrations des colonnes d'air dans les tuyaux cylin- driques. — M. l'abbé A. Lecomte, docteur en sciences, fait par- venir, du séminaire de Bonne-Espérance, le résultat de ses observations sur le nombre des étoiles filantes pendant la première partie de novembre. Il résulte de ces re- cherches que le nombre des météores, si considérable au- trefois, a diminué depuis quelques années. — M. Joseph Pignatori ; de Naples, fait hommage de plu- sieurs opuscules sur lesquels il appelle l'attention de l’Aca- démie, et particulièrement sur une aurore boréale qui s’est manifestée lors du dernier tremblement de terre en Italie. — ]lest donné communication d'une note de M. Ch. Noël , astronome à Paris, sur la constitution physique du soleil. Cette note sera insérée dans le Bulletin. — M. Émilien de Wael fait parvenir la suite de ses ob- servalions sur la température faites, de juillet à novembre, à Eeckeren, province d'Anvers. — M°° Catherine Scarpellini transmet ses observations météorologiques recueillies, pendant les mois d'octobre èt de novembre, sur le Capitole, à Rome. — M. Melsens dépose un billet cacheté qui sera conservé dans les archives de la compagnie. Le même membre met sous les yeux de ses confrères une collection d'Études d'histoire naturelle faites au micro- scope et photographiées par M. Betsch. — Le secrétaire perpétuel dépose le tome VIT des He- ( 448 ) moires couronnés et autres mémoires publiés par l’Académie royale de Belgique, dans le format 1n-8°. RAPPORTS. Notice sur quelques cryptogames critiques de la flore belge. apport de E1, Kickæ. « La notice que M. Eugène Coemans a présentée à la classe et que nous avons été chargé d'examiner conjointe- ment avec notre honorable collègue, M. Martens, est rela- tive à quelques espèces de cryptogames qui ont été et qui sont encore placées tantôt parmi Les champignons, en pre- nant ce mot dans son acception la plus large, tantôt parmi les lichens. S'occupant depuis plusieurs années, et d’une manière toute spéciale, de cette famille, l’auteur a entrepris la tâche difficile de débrouiller successivement, dans une série de mémoires, les points les plus obscurs de sa science de pré- dilection. | Cette première notice est consacrée aux Hysterium Prostii, Xylographa parallela et Argyrium rufum. Cha- cune de ces plantes à été minutieusement analysée au mi- croscope, avec tous les détails que comportent aujourd'hui les études lichénologiques, qui sont entrées, comme l’on sait, dans une phase toute nouvelle. Les affinités et les dissemblances ont été soigneusement examinées; et les échantillons indigènes ont été comparés attentivement à ( 449 ) ceux que l’auteur a reçus des lichénographes les plus dis- tingués de l'Europe avec lesquels 1l est en relation. Pour rendre un compte complet du travail que nous avons sous les yeux, il faudrait le reproduire presque en entier. Nous nous contenterons donc de résumer en peu de mots les principaux résultats auxquels est arrivé M. Coe- mans, en concluant : que l'Aysterium Prostii Dub. n'est pas une Opégraphe, comme le croit Nylander; que le Xylo- grapha parallela est bien un lichen et non une hypoxylée; enfin, que l’Argyrium rufum, placée par Fries parmi les Discomycètes, doit désormais prendre rang parmi les lichens, tandis que, d'autre part, l’Argyrium nitidum Lib. appartient incontestablement aux Trémellinées. Tous les amis de la botanique doivent vivement désirer que M. Coemans continue ses intéressantes recherches. La Belgique n'avait produit jusqu’à présent aucun lichéno- graphe. Elle pouvait revendiquer avec bonheur les travaux de Sterbeeck sur les hyménomycètes, de Necker sur les mousses, de Dumortier sur les hépatiques; mais les autres familles de plantes cryptogames n'étaient point spéciale- ment représentées dans son histoire littéraire. Les publi- cations successives de M. Coemans combleront cette la- cune, en ce qui concerne les lichens. Notre opinion ne saurait donc être que favorable à l'in- sertion de la notice de M. Eug. Coemans dans nos Bulle- tins, notice qui est digne, sous tous les rapports, de paraître sous les auspices de l’Académie. » — M. Martens, second commissaire, appuie par les mots suivants l'avis de son collègue : « Je me rallie bien volontiers aux conclusions de mon ( 450 ) honorable collègue, M. Kickx; d'autant plus que je sais que M. Eug. Coemans est un observateur consciencieux, très au courant des travaux qui ont été faits depuis quelques années sur les classes inférieures du règne végétal. » En conséquence , la classe a ordonné l'impression dans ses Bulletins de la note qui lui a été soumise. COMMUNICATIONS ET LECTURES, M. Ad. Quetelet, secrétaire, donne lecture d’une notice biographique de sa composition sur Henri-Guillaume Ga- leotti, correspondant de l’Académie. Cette notice sera imprimée dans le prochain Annuaire de la compagnie. Notice sur un annélide céphalobranche sans soïes, désigné sous le nom de COREPiNa; par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. À la dernière séance, nous avons communiqué une notice sur un singulier animal qui vit sur et aux dépens des œufs de homard. Nous avons l'honneur de communi- quer aujourd’hui une nouvelle notice sur un annélide non moins remarquable; il présente moins d’affinités encore ( 451 ) avec les groupes actuellement connus, et vit dans des tubes sur des coquilles ou d’autres corps solides du fond de la mer. Cet animal, entièrement nouveau pour la science, ser- vira sans doute, par la suite, de drapeau autour duquel viendront se grouper d’autres genres. Nous lui avons donné le nom de Crepina, pour rappeler surtout le singulier pa- nache tentaculaire qui couronne l'extrémité céphalique et qui ressemble, tout au premier abord du moins, à la cou- ronne de tentacules des Bryozoaires fluviatiles. Il ne nous à pas été possible de trouver la moindre in- dication d'une forme semblable dans les archives de la science, et c’est bien pour la première fois qu'il est ques- tiou d'un annélide véritable sans soies, et portant une couronne de tentacules en fer à cheval. Cet animal n'appartenant à aucun des groupes naturels de vers connus, nous ne pouvons juger de la structure de ses appareils avant de les avoir étudiés avec soin; de ma- nière que nous ferons précéder, comme nous l'avons fait pour les Histriobdelles, le résultat de nos recherches sur leur anatomie avant de faire connaître leurs caractères zoologiques. | Ce que nous trouvons de plus remarquable, indépen- damment des caractères extérieurs, ce sont les globules de sang , de couleur rouge, qui remplissent non la cavité périgastrique , comme cela s'observe dans les autres Anné- lides, mais l’intérieur des vaisseaux eux-mêmes qui par- courent le corps dans toute sa longueur. Ainsi, les Crepina ont du sang rouge charrié par des vaisseaux , et cette couleur rouge est due à la présence des globules. C’est la première fois, pensons-nous, qu'on signale chez (452) un annélide quelconque une semblable disposition dans l'appareil d'irrigation. Description anatomique. — La peau est proportionnel- lement assez épaisse: on la sépare aisément en derme et en épiderme. Ce dernier montre sa surface complétement hérissée de courts poils roides, tels qu’on en trouve sur les feuilles d'un grand nombre de plantes. Cette peau ne se segmente évidemment pas comme dans les Annélides en général. Quand le ver est étalé et que le corps flotte librement dans l’eau, sa surface est complé- tement lisse et unie; on ne se douterail pas que c’est le corps d'un annélide. Au contraire, sous le microscope, dans un état de contraction, la peau est ridée sur toute son étendue; on peut même dire qu'elle est très-irréguliè- rement annelée, sans attacher un sens particulier à ce mot. Il n’y à aucune région distincte, si ce n’est celle qui est formée par les tentacules; le reste du corps consiste dans un cylindre droit parcouru par un tube digestif. On ne voit aucune apparence de soies dans l'épaisseur de la peau; aussi l'absence de ces organes forme-t-elle l’exception la plus remarquable de ces singuliers vers. Si, dans d’autres annélides, on découvre aisément la circulation périgastrique, il n’en est pas de même ici. Dans le tube digestif, il existe un espace occupé par un liquide; mais ce liquide incolore et sans globule ne montre d'autre mouvement que celui qui est provoqué par les con- tractions partielles de la peau ou du tube digestif. Nous le répétons, il n’y a pas de globules dans la ca- vité périgastrique; mais, contrairement à ce que l’on voit en général, 1l y a des globules rougeûtres et même très- réguliers dans les vaisseaux. dé sms à 4 FRS ( 455 ) Plusieurs naturalistes se sont occupés déjà du sang et du liquide périgastrique des Annélides, et jusqu'ici, on pa- raissait généralement d'accord sur la présence de globules réguliers dans la cavité périgastrique. Contrairement à ce qui s’observe dans les Vertébrés, les globules ne donnent pas la couleur au sang, et ils ne se trouvent que dans le liquide épanché autour du tube digestif, jamais dans les vaisseaux. Il y a donc deux exceptions remarquables que nous si- gnalons et qui font tomber une masse de conjectures que l’on avait faites sur la véritable nature du sang des Anné- lides; on ne peut plus dire que le sang épanché seul con- tient des globules, s'il y en a, et on ne peut plus dire non plus que la couleur rouge est une couleur propre du sang. Il est évident que la respiration s'accomplit principale- ment par les tentacules céphaliques qui couronnent l’en- trée du tube digestif. Ce sont des branchies véritables qui reçoivent dans leur intérieur le saug veineux pour être mis en contact avec l'oxygène. Ces tentacules sont en nombre variable; nous en avons compté quelquefois vingt-quatre, d’autres fois le nombre s'élevait à trente et même quarante : nous croyons que c'est une question d'âge. Ils sont, en eflet, moins nom- breux chez les jeunes ou quand les têtes reparaissent après leur chute. Dans chaque tentacule, on distingue l'épaisseur des parois , et tout l’intérieur est parcouru par un vaisseau très-distinctement contractile. On voit parfaitement bien les globules s’avancer, reculer, ou bien encore s’entasser, selon les contractions des parois. On ne distingue aucune apparence de cils vibratiles à leur surface; ce sont, au contraire, des poils microscopi- (454) ques roides qui s'élèvent de la surface et qui ne présen- tent aucune apparence de mobilité. Ces mêmes organes recouvrent de la même manière toute la surface du corps du ver. | L'appareil tentaculaire ne peut s’invaginer comme dans les Bryozoaires; tout le corps à la fois se retire dans le tube avec la rapidité de l'éclair, aussitôt que l'animal éprouve la moindre inquiétude. Chaque tentacule de la circonférence mesure environ 2 millimètres de longueur; les autres sont un peu plus courts. Ils ont à peu près tous le même diamètre, qui est de 0°®,05. Chaque globule de sang remplit toute la largeur du vaisseau tentaculaire. Le tube digestif est extraordinairement simple : au mi- lieu de la couronne des tentacules disposés en fer à cheval est située la bouche. On n’y distingue aucune partie solide, et la seule particularité qu’elle nous offre, c'est qu’elle peut s’oblitérer par la présence d’une grosse lèvre eiliée qui fait fonction de valvule. Îl y a, sous ce rapport, encore une grande analogie avec les Bryozoaires. Le tube digestif est droit et simple sans aucune appa- rence de compartiments, ni pharyngien, ni œsophagien, ni stomacal : c'est vraiment un tube qui traverse le corps dans toute sa longueur. On le reconnaît aisément à travers les parois, aussi bien par son contour que par sa couleur jaune. Nous n'avons pu découvrir dans son intérieur que des granulations sans aucun caractère particulier. Nous en concluons que la nourriture de ces vers consiste dans tout ce qu'il y à de plus microscopique. Ce qui montre avec quelle prudence il faut procéder ( 455 ) quand il s'agit de généraliser , ce sont les opinions qui ont eu cours successivement dans la science au sujet du sang des vers. Tout le monde sait que les sangsues ordinaires, ainsi que les lombrics terrestres, ont du sang rouge. Cuvier crut devoir désigner les vers qui se rangent autour de ces der- niers sous le nom de vers à sang rouge, groupe dont La- marck a fait ensuite ses Annélides. De Blainville exprime du doute au sujet de la couleur rouge dans un des Annélides les plus gros et les plus com- muns , les Aphrodites; mais Cuvier croit avoir observé le contraire, dit-il, dans l’Aphrodita squamata. Pallas avait cependant déjà fait l'observation que le sang des Aphro- dites est incolore. M. Edwards trouva ensuite du sang d’une couleur verte tirant sur l’olive, dans une sabelle, et cette couleur verte nous l'avons reconnue personnellement sur une espèce de serpule, quoique d'autres espèces du même genre aient le sang rouge. Il paraissait aussi établi que cette couleur n’est jamais due à la présence de globules réguliers, comme dans les Vertébrés, et que le liquide lui-même est rouge ou vert. Nous avons donné dernièrement un exemple de sang rouge dont la couleur provient de la présence de globules et qui devient incolore quand les globules sont enlevés (le genre Capitella); aujourd'hui nous observons un cas semblable dans le nouveau genre Crepina. Enfin, 1l paraissait positivement acquis que le sang qui charrie des globules est du sang périphérique épanché dans la cavité du corps. Nous venons de nouveau de détruire cette règle : le Crepina a non-seulement des globules rouges dans le sang, ( 456 ) mais, comme nous venons de le dire, ce sang à globules est logé dans les vaisseaux ordinaires. Quand le ver est bien épanoui sur place et que l’on a le moyen de braquer une bonne loupe de Brucke sur ses flancs, on voit de temps en temps un filet de couleur rouge paraître et disparaître en se dirigeant vers l'extrémité cé- phalique. Quand le filet a passé, tout le corps devient blane et on ne distingue plus aucune trace de vaisseau. On voit distinctement ce sang se rendre à la base des tentacules, puis pénétrer dans leur intérieur , et, peu de temps après, revenir sur ses pas. [I ya, par moments, des oscillations très-curieuses, mais qui ne se voient bien qu’à l’aide d’un plus fort grossissement. Du côté opposé du corps, on aperçoit ensuite un autre filet présentant le même mouvement que le filet ascen- sionnel, mais en sens inverse et qui paraît sensiblement plus pâle. Dans le premier, le sang s'élève le long du corps jusque dans l’intérieur des tentacules, par une sorte d'irri- gation forcée et par un conduit situé à l’opposite. Ensuite, il retourne au lieu d’où il est venu. Le premier, quoique plus rouge, est veineux, puisqu'il va solliciter l'oxygène pour l’accomplissement du phéno- mène de l’hématose, tandis que l’autre, au retour, tout en paraissant plus pâle, est véritablement artérier. En plaçant le ver, légèrement comprimé, entre, deux lames de verre, on voit, le long du corps de l'animal, un vaisseau proportionnellement fort large, droit pendant l’ex- tension, replié, au contraire, en zigzag pendant la con- traction. Ce vaisseau , parvenu à la couronne de tentacules, se bifurque, et parcourt à droite et à gauche le fer à cheval formé par ces appendices. À la hauteur de chaque tenta- eule, il envoie une branche simple dans chacun d’eux, Re 7 (497 ) s'étendant jusqu'au bout et dont on découvre très-facile- ment les parois dans toute la longueur. Un autre vaisseau, placé du côté opposé du corps, re- çoit tout le sang revenu des tentacules et le conduit vers l'extrémité postérieure du corps. Malgré la ressemblance de cette couronne tentaculée avec les panaches des Bryo- zoaires fluviatiles, la présence d’un vaisseau distinct dans l'intérieur, et d’un vaisseau distinctement contractile, doit suflire pour éloigner l’idée de bryozoaire, quand même on ne connaîtrait pas les autres parties du corps. Indépendamment de ce tronc principal, il ya une branche anastomotique, une sorte de canal artériel, qui part aussi de la base des tentacules, mais qui va s’aboucher directe- ment dans le tronc aflérent. Comme on voit régulièrement le sang se diriger dans un des troncs d’arrière en avant, il est à supposer que les deux troncs afférent et efférent sont anastomosés en arrière. Nous n’avons pu nous en assurer. Dans un individu incom- plétement adulte et isolé, les deux troncs se sont remplis successivement de globules vers l'extrémité caudale; mais, malgré toute notre attention, il nous a été impossible de nous assurer de cette communication. Le sang vient régulièrement par son tronc afférent, pé- pêtre dans les tentacules en passant par les branches laté- rales , revient des tentacules dans les mêmes branches, mais passe de là dans un rameau afférent, pour ainsi dire collatéral : c’est la marche ordinaire. Cependant, au lieu de pénétrer dans ce dernier, le sang peut aussi pénétrer dans une branche afférente supplémentaire qui s’anasto- mose avec le canal afférent. Nous avons longtemps douté de cette dernière commu- nication supplémentaire, et nous avons attendu pour l’ad- ( 458 ) mettre que nous eussions vu les globules du sang pénétrer de l’un tronc dans Pautre et se mêler avec les globules du vaisseau afférent. Nous n'avons pas vu non plus cette branche anastomo- tique recevoir du sang du tronc afférent, mais se remplir exclusivement du sang eflérent. Les vaisseaux sont tous contractiles , aussi bien les gros troncs qui passent de l’un bout du corps à l’autre, que les vaisseaux tentaculaires et circulaires. Il est fort aisé, quand même le tentacule est complétement isolé, de voir le vais- seau passer dans l’intérieur de cet appendice. C’est ee qui explique fort bien le va-et-vient des globules dans linté- rieur de ces organes. Les globules sont des disques à parois fort peu résis- tantes, et qui changent constamment de forme sous l'in- luence de la pression qu'ils subissent. On voit dans chacun d’eux un point opaque, comme nous en avons signalé déjà dans le sang des Capitella; mais la tache est sensiblement plus petite. Ces globules , étant un peu espacés, ont une forme assez régulière, ovale ou cireulaire; mais du moment qu'ils s'en- tassent, ils deviennent méconnaissables : on dirait des glo- bules complétement altérés. On ne pourrait mieux s'en faire une idée qu’en supposant que ce sont des corps sphériques à parois très-minces et fort élastiques, qu'on entasserait dans un étui où nécessairement chacun d'eux se déformerait, selon la pression qu’il subrrait de la part de ces voisins. Ils mesurent 07,01. Voici ce que nous avons pu observer sur le développe- ment de ces vers : Ayant dù m’absenter pendant les grandes chaleurs du ( 459 ) mois de juin , j'ai placé ces vers dans une cave très-fraiche, recevant un peu de jour seulement par un soupirail de porte cochère, et, à mon retour, le 18 juin, je les ai de nouveau examinés. L'eau au fond du vase montrait un dépôt noirâtre, et je craignais avoir perdu mes vers. Ils vivaient encore. Je les trouvai étalés, mais presque tous entièrement épanouis; cependant ils avaient perdu leur couronne tentaculaire. Le ver entier n'est qu'un filament flexible sans aucune appa- rence d'appendice. En le touchant, il est aussi vivace que s’il avait encore sa couronne. Ï} disparait au moindre mou- vement qui l'inquiète. Je parviens à en saisir quelques-uns, et je m'assure que ces couronnes n’ont pas disparu par invagination; qu'elles sont, au contraire, tombées, et sur plusieurs une nouvelle couronne est en voie de développement (1). Dans ces vers sans couronne, la cireulation s'efiectue exactement comme chez ceux qui la possèdent encore. Pendant les vacances, ces vers sont tous morts, malgré les précautions que j'avais prises au moment de mon dé- part. Jusqu'à présent, fin d'octobre, aucun ver n'a encore reparu. Je n'ai pas vu d'organes sexuels et encore moins des œufs; je ne puis donc parler de leur embryogénie; mais, (1} Ce n'est pas un phénomène isolé que celui de la disparition de la cou- ronne tentaculaire. Les tubulaires , et surtout les tubulaires proprement dits, présentent le même phénomène. Quand on en recueille dans la mer, peu importe leur vitalité, on voit les têtes fléchir et puis tomber, malgré les soins les plus soutenus : on croirait ces polypes perdas. C’est une erreur.Que lon place ces tubes sans têtes dans un aquarium, et au bout de quelques jours, elles auront toutes reparu. Il y a seulement cette différence que, si les premières portent une progéniture, les successeurs reparaissent seuls et sans postérité. ( 460 ) comme je viens de le dire, j'ai vu ces vers se mutiler par la mauvaise qualité ou la trop petite quantité d’eau qui les renfermait, et à la suite de ces mutilations, j'ai dû, pour ainsi dire, étudier le développement ou le mode d'apparition des plus importantes parties de l'organisme. Ainsi, quand la couronne tentaculaire est tombée, la peau de tout côté se rapproche, et le ver présente l’extrémité céphalique tronquée semblable, quoiqu’un plus grosse, aux bouts des tentacules. Dans l'intérieur, on distingue deux vaisseaux, l’un afférent veineux, l’autre efférent arté- riel, qui s'anastomosent en avant, en passant de l’un dans l'autre, et qui présentent, en outre, des anastomoses sur le trajet, comme on en voit chez plusieurs autres anné- lides. L'un de ces vaisseaux est pulsatile, l’autre ne l’est pas, le premier correspondrait donc au vaisseau dorsal ou au cœur; mais comme il se rend plus tard aux tentacules pour y faire subir le contact de l'oxygène au sang qu'il renferme, 1l serait donc artère par un côté et veine par l'autre. Îl est, par conséquent, plus convenable de dis- unguer les vaisseaux d’après leur rôle, en afférents, en ellérents et en anastomoliques. Quand le ver est placé de nouveau dans de bonnes con- ditions hygiéniques , il se forme à l’extrémité céphalique une légère dépression, du fond de laquelle s'élève un groupe de tubercules, et chaque tubercule, s’élevant assez rapidement, devient bientôt un tentacule dont l’ensemble prend l'aspect d’une couronne tentaculaire. En même temps que ces tubercules se sont développés, le sang du vaisseau s’est étendu dans chacun d’eux, et l’ap- pareil vasculaire présente le même aspect que les tenta- cules qui le logent. ( 461 ) Cette croissance a lieu avec une certaine rapidité. Pendant que les tentacules sont en voie de développe- ment, un orifice apparaît au milieu d'eux et représente la bouche. Ils sont réellement privés de cet organe aussi long- temps que l'animal ne s’est pas complété. Caractères distinctifs. — Nous allons réunir ici les ca- ractères les plus saillants, surtout ceux qui servent à la distinction du genre et qu'on peut appeler extérieurs. GENRE CREPINA, — CrÉPINE. Van Beneden. Caractères. — Les tentacules forment une couronne en fer à cheval, comme chez les Bryozoaires, mais ils ne sont pas ciliés, et ils logent, dans leur intérieur, un vaisseau distinct à parois contractiles. Les tentacules ont à leur base un vaisseau afférent et un vaisseau efférent qui peuvent, au besoin, communiquer directement par un canal artériel. Le sang contient des globules rougeâtres à paroïs flas- ques et à noyau très-distinct. [l est contenu dans des vais- seaux. Il n'y a aucune apparence de soies dans l'épaisseur ou à la surface de Ja peau, ni de pièces solides à la bouche. I n'y a pas non plus de diaphragmes autour du tube digestif. Les organes sexuels sont séparés ? Le développement est à embryons ciliés? CREPINA GRACILIS. — Crépine gracile. Ce sont des Annélides tubicoles, mais le corps est pro- pulsée si loin hors de la gaîne qu'il semble se mettre en- lièrement à nu. 2° SÉRIE, TOME V. 51 ( 462 ) Le tube est délicat et membraneux. Ces vers vivent réunis en grand nombre sur les coquilles d'huitres ( Ostrea hippopus) avec des sabelles et d’autres genres. | Le ver entier acquiert la longueur de 8 à 10 millimètres sur un millimètre à peu près de diamètre. On ne peut se faire une idée de la rapidité avec laquelle ces vers disparaissent souvent au plus léger mouyement de l’eau. Cette rapidité est telle qu’on à beau regarder des centaines d'individus, avoir la loupe braquée sur eux, et des pinces au-dessus de leurs têtes, toutes prêtes à les saisir, ils disparaissent complétement au moment où l'on croit sûrement les tenir, et il faut recommencer l'opé- ration avec le même soin. Enfin, si on parvient a en saisir un, le corps se brise; on peut porter sur le porte-objet du microscope l'extrémité céphalique et la couronne des tentacules plus où moins contractée ; mais la partie pos- térieure du corps se cache complétement dans la profon- deur du tube. Cette agilité extrême, cette disparition brusque au moindre allouchement ajoutent encore à la ressemblance que ces vers ont avec les mollusques bryozoaires. Affinités naturelles. — C'est un animal qui a des res- semblances avec les Bryozoaires, mais qui ne possède absolument de ces derniers que ses tentacules en fer à cheval. En effet, tous les Bryozoaires ont les tentacules ciliés, ceux-ci ne les ont pas ciliés; les Bryozoaires ont les tentacules creux et sans vaisseaux, ceux-ci ont un vaisseau contractile dans les tentacules, et la cavité, au lieu de communiquer dans la cavité périgastrique, est ici une communication avec un système de vaisseaux clos ( 405 ) et rouges. Il n’y a pas de vaisseaux chez les Bryozoaires. Chez tous les Bryozoaires, la couronne tentaculaire est invaginée pendant la contraction; chez l'animal qui nous occupe, la couronne ne s'invagine pas, mais le corps en- uer se relire dans son fourreau. Le tube digestif est toujours replié dans tous les Bryo- zoaires , tandis qu'ici il est droit , et l'anus est situé à l’ex- trémité du corps opposée à celle qui porte la couronne tentaculaire. Le tube digestif est toujours replié sur lui- même chez les Bryozoaires, et l’anus vient s'ouvrir non loin de la bouche. Ces particularités d'organisation ou de développement suflisent, à elles seules, pour établir que ce n’est pas un bryozoaire. La longueur du corps, la disposition symétrique des or- ganes, la présence de vaisseaux contenant du sang de couleur rouge, et d’autres particularités encore indiquent bien que c'est un ver, et de plus, que c'est un ver voisin des Annélides. On peut même aller plus loin et dire que c’est un annélide céphalobranche. Le mot Annélides, proposé par Lamarck pour désigner le groupe de vers que Cuvier avait réunis sous le nom de vers à sang rouge, correspond à peu près au mot Chétopodes, de Blainville. De Blainville avait fait observer avec raison que tous ces vers sont loin d’avoir le sang rouge, et nous pouvons dire à notre tour au digne rival de Cuvier : Tous vos Chétopodes n’ont pas de soies. De Blainville ne devait pas s'attendre à une exception à cet égard , et si l’excep- tion ne portait pas sur un ver céphalobranche, il est évi- dent qu'on le reléguerait, malgré la couleur rouge de son sang, dans des rangs bien inférieurs à ceux qu’il occupe de droit. ( 464) Le Crepina serait un chétopode sans soies pour de Blain- ville, et ce qui plus est, un chétopode hétéromérien; ce qui le ferait placer à la tête des Annélides, tandis qu'il doit véritablement se trouver à la queue. De Blainville a critiqué avec raison Cuvier d’avoir placé les Annélides, à cause dela couleur de leur sang, au-dessus des articulées; on pourrait aujourd’hui lui adresser la même critique, en disant que ses hétéromériens, au lieu d’être à la tête, sont inférieurs aux autres. (Subhétéromé- riens et homomériens.) Ïl est assez remarquable que le caractère, considéré avec raison comme caractère de première importance, depuis les travaux de Blainville et de Savigny, fasse compléte- ment défaut ici. Tous les Céphalobranches sans distinction portent des soies dans lépaisseur de la peau et des appen- dices sous forme de pieds; ils sont plus ou moins distinc- tement annelés, tandis qu'ici il n’y a aucune trace de ces soies, ni aucune apparence d’anneaux , et si le mot Chéto- podes à pu convenir parfaitement à ces vers jusqu’à pré- sent, il devient aujourd'hui tout à fait impropre, puisqu'il n’y à aucune apparence ni de soies, ni de pieds, ni de segmenls. | Sous ce rapport, ce ver fait une véritable exception (1). Si tant est que l’on conserve les Céphalobranches dans un seul groupe, il est évident que le genre Crepina à lui seule doit former un groupe à part. (1) Le genre Tomoptéris (Briarée), avait été considéré comme privé aussi de soies, mais MM. Leuckart et Pagenstecher, dans une excursion qu'ils viennent de faire à l’île d'Helgoland, se sont assurés qu'elles existent réelle- ment, mais qu’elles sont moins développées que dans les autres annélides. M. Pagenstecher a eu la complaisance de me montrer ses dessins. 97 0004 ju) nf 5 AY PEL EP UNE ( 465 ) En résumé. I. Les tentacules des Crépines forment une couronne en fer à cheval, comme celle des Bryozoaires fluviatiles. Il. La peau est dénuée de pieds et de soies, et le ver n'est pas chétopode, d'après l’étymologie du mot. II. La couleur rouge du saug est due à la présence de globules de cette couleur, et ce sang coule dans des vais- seaux clos qui pénètrent même dans les tentacules. IV. Le genre Crepina s'éloigne notablement de tous les vers connus ; s'il se rapproche des Céphalobranches par ses brauchies, 1l s'en éloigne considérablement par l'absence de soies et de pieds, ainsi que par ses globules de sang que charrient les vaisseaux. V. Sa place est à la queue des Céphalobranches, dans un groupe isolé d'Annélides sans soies. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Gevre CRÉPINE. Fig. 1. L'animal complétement épanoui ou de face, montrant une grande partie du corps hors du tube; on voit les tentacules en fer à che- val, le tube digestif et un des vaisseaux longitudinaux qui s’abou- che dans le cercle sous-tentaculaire. 2. Un autre, vu de profil avec les appendices branchiaux plus ouverts. 3. Une couronne tentaculaire isolée pour montrer le mode de distribu- tion du sang aux tentacules et le rapport des vaisseaux avec le tube digestif. On voit a. un tronc afférent, b. cercle sous-tentaculaire , c. vaisseau lentaculaire, d. canal artériel , e. vaisseau efférent. . Ver qui a perdu sa couronne. . Couronne qui repousse. — plus avancée. . Un des vaisseaux montrant les globules du sang entassés dans l’inté- rieur. SN © ot à 2 Serre tort N° page 405 Acad Roy. DR A "| IEEE: | Eneresrs, Ltd fe Litartz ue ni pe par 7 Ke Ets naitre ml rount EE D 7 ( 466 ) Sur les différences de caractère des radicaux multiples et des composés dualistiques ; par M. Martens, membre de l’Académie. Depuis qu'on a reconnu que beaucoup de composés chi- miques et, entre autres, ceux d’une composition plus on moins compliquée, dérivaient d'un autre composé plus simple par voie de substitution, c'est-à-dire à l’aide du remplacement de l’un ou de l’autre élément, soit par des corps simples, soit par des radicaux multiples, on en est venu à penser que la pluralité des corps composés pour- raient bien avoir une origine analogue et dériver, par sub- slitution, d'un très-petit nombre de combinaisons simples, telles que l’eau et l'ammoniaque. Cette nouvelle manière d'envisager la formation et la constitution des corps composés tend à transformer plus ou moins les doctrines chimiques admises jusqu'ici, celles qui étaient principalement fondées sur les expériences électro-chimiques de Davy, Berzelius, Gay-Lussac, etc. Elle tend surtout à modifier complétement les règles de la notation symbolique applicable aux corps composés. Ceux-ci ont été envisagés Jusqu'ici comme étant généra- lement le produit d’une combinaison directe ou indirecte, due à l’antagonisme électrique de leurs ingrédients, qui, joint à l’attraction moléculaire, dite affinité, tend à réunir les substances à états électriques opposés. Aussi représen- lait-on la constitution des corps composés en groupant leurs ingrédients de manière à ce que l'élément électropo- sitif fût placé à gauche de l'élément électronégatif. Ainsi l’eau, l'acide sulfurique monohydraté, le sulfate potassique ; 4 Ç : - Es, ( 467 ) sont désignés dans ce système par les formules : HO — H0,S05 — KO,S0ï. Ces formules représentent parfaitement la manière dont ces composés se défont lorsqu'ils sont placés entre les pôles d'une pile en activité, ou lorsqu'ils réagissent chimique- meul sur d'autres corps. Mais si l'on venait à admettre avec la uouvelle école que l'acide sulfurique monohydraté et le sulfate potassique dérivent d’une double molécule d'eau par voie de substi- tution , les formules chimiques des trois corps, devant dé- peindre leur analogie de composition et leur dérivation, deviendraient : | 0° jo }or. Or, ces formules sont irrationnelles, en ce sens qu'elles ne servent pas, aussi bien que les formules ordinaires, à représenter les modes de décomposition de ces corps, soit par le courant d'une pile, soit par les réactions chimiques ordinaires. Ainsi, si, dans le sulfate de potasse, il y avait deux équivalents d'oxygène jouant le rôle de l'oxygène dans une double molécule d’eau , et que les deux molécules d'hy- drogène de celle-ci eussent été remplacées, l’une par SO?, l’autre par K , ces deux corps seraient censés jouer le rôle de l'hydrogène dans toutes les décompositions subies par le sulfate; de sorte que, dans l’électrolyse du sel, il devrait se manifester au pôle négatif de l'acide sulfureux et du po- lassium devenant potasse en présence de l’eau de la solu- tion. Mais jamais dans l’électrolyse d’un sulfate métallique dissous, 1l n'apparaît de l'acide sulfureux au pôle négatif, De même, dans la décomposition mutuelle du nitrate ( 468 ) de baryte et du sulfate de potasse par voie humide, les for- mules ordinaires nous montrent l'échange des ingrédients, se faisant conformément aux règles du dualisme électrique, qui, d’après les belles expériences de Davy, existe entre les acides et les bases BuO,NOS + KO,SO5 — KO,NOS + BaO,S05 tandis que la nouvelle notation symbolique 1 AE ep D ne nous donne pas la clef ou la raison de la substitution de Ba à K. Dans l’ancienne notation, nous concevons que les affi- nités des acides -pour les diverses bases se contre-balan- çant en quelque sorte, aillent provoquer leur partage entre les bases présentes dans la solution et réciproquement; tandis que les affinités inconnues et non constatées des métaux pour les acides NO*, S0?, ne nous donnent pas la clef de leur échange mutuel ou du phénomène de la double décomposition. De plus, en adoptant la nouvelle notation symbolique des oxysels, on ne concevrait plus la manière dont se font les précipitations métalliques avec les sels des trois dernières sections ; car pourquoi l’affinité prépondérante du fer pour l'oxygène provoque- rait-elle le déplacement du cuivre du sulfate cuivrique, si le cuivre n'y existait pas à l’état d'oxyde, mais à l’état de métal, associé au groupe atomique (S0? + O0?) ou à S04? Pourquoi, dans ce dernier cas, la pile ne séparerait-elle pas constamment le cuivre à l’état métallique, lors de Pélec- trolysation du sulfate de cuivre, tandis qu’elle n’en sépare ( 469 ) que de l’oxyde, toutes les fois que ce dernier n'est pas mis, au moment de sa séparation, en présence de l'hydrogène naissant qui provient de l'électrolysation simultanée de l’eau de la solution , et qui doit décomposer l’oxyde par une action chimique secondaire à l'électrolysation ou indépen- dante de l’action du courant électrique? Comme ce mode de décomposition des sels par le cou- rant galvanique est la preuve la plus directe que, dans les oxysels métalliques, le métal n'existe qu'à l’état d'oxyde, uni directement à l'acide, qu'il me soit permis de citer ici les expériences fondamentales à l’aide desquelles on établit d'une manière péremptoire qu'un courant galvanique ne sépare le métal d'une solution saline des trois dernières sections que pour autant qu'il décompose en même temps l’eau et que l'hydrogène de celle-e1 puisse réduire l'oxyde métallique, séparé seul du sel par l'électrolysation. Si l’on prend un tube de verre de 4 à 2 décimètres de longueur, courbé en fer à cheval de manière que les deux branches latérales parallèles ne soient distantes que de deux centimètres au plus ; si l’on remplit la courbure in- férieure d'une solution saturée de sulfate ou de nitrate de cuivre et que l’on verse avec précaution dans les deux branches latérales de l'eau à l’aide d'une pipette de ma- nière que les deux colonnes d'eau et la solution cuivreuse restent en couches séparées; si l’on plonge les deux pôles de la pile dans l’eau à la distance d’un centimètre environ de la surface du liquide cuivreux, on verra, si la pile est assez forte, non-seulement se dégager les gaz de l’eau aux électrodes en platine, mais encore se déposer petit à petit, sous forme d’une masse floconneuse noire, de l’oxyde de cuivre du côté du pôle négatif, à la limite de séparation de la couche saline cuivreuse avec la colonne d’eau qui la ( 470 ) surmonte. Pour que le dépôt d'oxyde de euivre résultant de lélectrolysation soit très-appréciable, il faut opérer avee une forte pile de 80 couples au moins; sans quoi le courant se borne à décomposer l’eau et laisse le sel intact. lei l'oxyde du sel, au moment de sa séparation, ne venant pas en contact avec l'hydrogène, qui n'est mis en liberté qu’au pôle négatif de la pile, ne saurait être réduit, comme : cela à lieu lorsque le pôle négatif plonge immédiatement dans la solution cuivreuse (1). C'est, au reste, un fait suffisamment établi que tout couple galvanique, impuissant à décomposer l’eau, ne sau- rait séparer un métal d'un oxysel dissous , quoiqu'il puisse eucore, daus ce cas, séparer la base de l'acide ou même décomposer un iodure ou un chlorure métallique dissous. C'est même la différence que présente, sous ce rapport, le chlorure cuivrique comparativement au sulfate cuivrique, qui sert à prouver que le premier n'existe pas dans la so- lution à l’état de chlorhydrate d'oxyde. On le voit donc, les décompositions électro-chimiques el les précipitations métalliques, obtenues à l’aide des oxysels, deviennent inexplicables dans la nouvelle manière dont quelques chimistes proposent d'envisager la consutu- tion de ces corps, en les assimilant à celle de l'eau ou à des composés du premier ordre. Or, une théorie qui n’est pas l'expression des faits el qui ne sert pas à les expliquer est évidemment inférieure à celle qui réunit les avantages que nous venons d'indiquer. (1) Ge qui prouve encore que la précipitation de cuivre n’est qu’une action chimique secondaire, c'est que du charbon de bois préalablement caleiné qui a servi d'électrode négatif d’un courant passant par de l’eau aciduléeret qui, comme tel à absorbé beaucoup d'hydrogène, précipite le cuivre de ses solu- tions salines, quand on vient à l’y plonger. LT (471) Il faut, par conséquent , conserver l'ancienne notation symbolique des sels et répudier les vues de certains nova- teurs, qui ne reposent que sur de vaines hypothèses et des rapprochements inexacts. Comment concevoir, d’ailleurs, que le sel KO, C10* puisse avoir la constitution moléculaire représentée par la formule K (C{0*), lorsqu'on sait que le gaz acide CIO se décompose au contact de tous les métaux, même avec explosion ? Comment admettre que KO, C?05 puisse s'écrire sous la forme K (C?0*) ou K (C*0?) O?, puisque le composé K C?0?, obtenu par l’action directe du potassium sur l'oxyde de carbone , ne donne jamais naissance par oxvgénation à de l’oxalate de potasse ? Que deviendraient, dans le même système de notation, les formules des bisels ? Écrirait-on pour la formule du bisulfite calcaire Ca S?0?, lorsqu'il est démontré qu'un équivalent d'acide sulfureux est si faiblement uni au sel, qu'il a conservé en quelque sorte tous ses caractères chimiques? Même dans les sul- fates neutres à base faible, tels que ceux d’'alumine, de sesquioxyde de fer, les caractères de l’acide sulfurique ne sout pas entièrement masqués; ce qui ne s'expliquerait pas s'il n'avait conservé son existence individuelle dans ces sels. Toutes ces considérations tendent nécessairement à conserver à la théorie électro-chimique la prépondérance qu’elle avait acquise non-seulement dans l'explication des phénomènes chimiques, mais surtout dans la manière dont on a cru jusqu'ici devoir représenter la composition des corps. Si, dans ces derniers temps, beaucoup d'hommes émi- nents ont attaché moins d'importance à cette théorie et se sont écartés du mode de notation symbolique auquel elle avait donné lieu, c’est qu’ils ont cru qu’elle était en défaut ( 472 ) pour expliquer un grand nombre de faits chimiques dé- couverts depuis quelque temps, et notamment ceux qui se rapporteut aux décompositions par substitution. Mais l’er- reur commise à ce sujet est évidemment le résultat de ce qu’on à méconnu la différence qu'il y a, sous le rapport de la théorie électro-chimique, entre les radicaux mul- tiples et les composés ordinaires. Si ceux-c1 ont pu être considérés comme le résultat de l'union d’un corps électro- positif et d'un corps électronégatif, conservant, dans la combinaison, leurs tendances électriques propres, et se séparant, pour cette raison, sous l'influence des attractions électriques des pôles de la pile, on ne saurait méconnaitre que ces vues ne soient aucunement applicables aux radi- caux multiples qui jouent le rôle de corps simples. Ces radicaux, dont le cyanogène offre l'exemple le plus remarquable , ne sont pas susceptibles d’une décomposition électro-chimique ou d'électrolyse, et, par conséquent, ne peuvent être considérés comme formés de deux corps élec- triquement différents, ou comme offrant entre leurs élé- ments un dualisme électrique qui doit en provoquer la sé- paration entre les pôles de la pile. Que l’on place sur le trajet d’un courant galvanique une solution de cyanure de potassium, quelque forte que soit Ja pile, le cyanure se décomposera constamment à l'instar du chlorure de potassium. Le cyanogène se porte sans al- tération au pôle positif, où il passe en partie, et quelque- fois même en totalité, à l’état d'acide eyanique par une action chimique secondaire, due à l’oxygène ozonisé, pro- venant de lélectrolysation de l’eau. L'ammoniaque, autre radical multiple, se comporte ab- solument de la même manière que le cyanogène. Si l'on électrolyse une solution aqueuse concentrée de ce gaz, il ( 475 ) se dégage au pôle négatif de l'hydrogène en quantité con- sante, provenant de la décomposition de l’eau, et au pôle positif, on voit apparaitre de l'oxygène ozonisé, mêlé d'une quantité variable d'azote, qui ne peut être le résultat de l'électrolysation de NH°, mais de l’action chimique de l'oxy- gène, provenant de l'électrolysation de l’eau, qui , à l’état paissant, doit détruire, par une espèce de combustion lente, plus ou moins d'ammoniaque, et mettre l'azote en liberté. Il y à donc, au point de vue de la doctrine électro-chi- mique, une différence énorme entre un composé ordinaire et un radical multiple qui joue le rôle de corps simple, différence que j'ai déjà signalée dans une publication anté- rieure (1). Tout composé susceptible d’une décomposition électrolytique peut être considéré comme formé suivant les lois ordinaires de l'électro-chimie, qui nous appren- nent qu'un corps électropositif tend toujours à s'unir à un corps électronégatif, et plus la différence des états élec- triques est considérable, plus la combinaison directe est facile à obtenir, comme si l’affinité ou l'attraction molécu- laire était incapable, à elle seule, de produire une combi- naison directe. Il n’y aurait en cela rien de surprenant : car, de même que la cohésion, force analogue à l’affinité, ne parvient à produire l'adhérenceentre deux plaques lisses d'un même métal superposées , que lorsque, par une pres- sion mécanique, on a opéré entre les plaques un rappro- chement plus intime que celui qui résulte de la simple juxtaposition ; de même, il paraît que l’affinité ne peut produire une combinaison entre deux corps de nature dif- férente, que pour autant que les attractions électriques lui (1) Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. XVII, 2° partie, pp. 538 et suiv. ( 474 ) viennent en aide, en établissant entre [cs deux corps un contact des plus immédiats. Eu adoptant cette manière de voir, on se rend parfaite- ment raison de la grande influence des forces électriques dans la formation des corps composés; et comme les ten- dances électriques opposées de deux corps qui se combi- nent directement ne sont pas annihilées par l'acte même de la combinaison, puisque nous voyons ces mêmes ten- dances provoquer la décomposition électrolytique du com- posé, nous comprenons pourquoi l'état électrique d’un composé ordinaire est dépendant de ceux de ses éléments constitutifs , en ce sens que, suivant que l’une ou l’autre tendance électrique de ces derniers prédominera, le com- posé sera lui-même ou électropositif, ou électronégatif (4). Dès lors, on conçoit aussi que des composés du 1” ordre, doués d'états électriques opposés, puissent s'unir entre eux à l'instar des corps simples; ce qui explique la for- mation des composés du 2° et même du 5° ordre, qui n'ont, pour ainsi dire, pas de raison d’être dans la nou- velle manière de se représenter l’origine ou la dérivation des corps composés. Nousconcevons aussi, dans la théorie électro-chimique , que la tendance électrique d’un composé doiveêtre d'autant plus faible qu'il appartient à un ordre de composition plus élevé, et de là le petit nombre de composés du 3° et sur- tout du 4°° ordre. Ceux qui considèrent les sels comme assimilables à des composés du 4* ordre et leur donnent une formule de composition analogue , ne sauraient expliquer pourquoi il (1) Ouvrage cité, p. 596-399. ( 475 ) se dégage beaucoup moins de chaleur dans leur formation que dans celle d’un composé du 1° ordre, où elle s'élève presque toujours jusqu'à l'incandescence, si la combinaison est rapide; car la chaleur qui se développe par une combi- naison chimique, étant en rapport avec la neutralisation des électricités opposées qui l'accompagne, doit nécessai- rement être plus forte dans l'union directe des corps simples que dans celle des corps composés, puisque ces derniers offrent moins de différence entre leurs états élec- triques. C’est même la chaleur incandescente qui se déve- loppe au moment où le gaz acide chlorhydrique réagit sur la baryte anhydre dans un tube de verre chauffé, qui prouve qu'il ne se fait pas d'union directe entre ces deux corps, comme entre la baryte et le gaz acide sulfureux ; mais qu'il s'établit une réaction en vertu de laquelle 1} se produit deux composés du 1° ordre, du chlorure bary- tique et de l'eau. Il serait inutile de pousser plus loin cette discussion, pour montrer tous les avantages de la doctrine électro- chimique et justifier le maintien de la notation symbo- lique qu’elle à consacrée. Mais s'il est vrai que tous les corps susceptibles d’électrolysation peuvent être consi- dérés comme résultant de l’union d'une substance électro- positive et d'une substance électronégative, et qu'elles sont pour cette raison susceptibles de se former facile- ment par voie directe et de se décomposer mutuellement par échange d'éléments, il n’en est pas moins vrai que ces caractères chimiques ne sauraient être l'apanage des radi- caux multiples, indécomposables par la pile. ei l'antago- nisme électrique entre les éléments est devenu inappré- ciable, sans quoi ces éléments se disjoindraient entre les pôles de la pile ; et on doit en conclure, ou que l’état élec- ( 476 ) trique propre aux éléments disparait dans un radical mul- tiple par suite d’une union plus intime que celle qui a lieu dans un composé ordinaire, ou que la qualité électrique de l’un ou de l’autre élément s'est modifiée de manière à devenir analogue à celle de son conjoint; ce qui, au point de vue même de lélectrochimie, n'aurait rien de surpre- nant, puisque nous voyons le même corps affecter souvent des états électriques différents; témoin le soufre, qui est tantôt électropositif, tantôt électronégatif, suivant les com- binaisons dans lesquelles il entre, et qui paraît même con- server cet état électrique quelque temps après sa séparation du composé dont il faisait partie, comme l’ont montré les belles expériences de M. Berthelot. Quoi qu'il en soit, les combinaisons chimiques doivent nécessairement se grouper en deux sections , en combinai- sons ordinaires auxquelles préside le dualisme électrique des ingrédients, et en composés sans dualisme électrique, qui constituent les radicaux multiples. Ceux-ci sont en quelque sorte analogues à des corps simples dont la molé- cule chimique ou l'équivalent est bi- ou pluri-atomique, et de même que cette molécule ne saurait se dédoubler par le Jeu des affinités ou des réactions chimiques, de même un radical multiple ne se défait guère par ces réactions, mais se décompose souvent lorsqu'on l’isole des combinaisons dont il faisait partie. De la même manière une molécule d'hydrogène reste biatomique tant qu’elle est engagée dans une combinaison; mais elle se dédouble au moment où elle est mise en liberté, puisque l'atome d'hydrogène n'est que la moitié de son équivalent; ainsi que cela résulle de la loi de Dulong et Petit sur les chaleurs spécifiques des atomes, et de ce que les gaz simples, ayant, à égalité de volume, la même capacité pour le calorique, doivent aussi, | ( 477 ) à volumes égaux, renfermer le même nombre d’'atomes. Comme la plupart des radicaux multiples connus ren- ferment des corps gazeux dans un grand état de conden- sation, on comprend pourquoi la chaleur, qui tend à ra- mener les gaz dans leur état d'expansion habituelle, peut si facilement décomposer beaucoup de radicaux multiples qui sont très-stables sous d’autres rapports. Cette stabilité est telle que, lorsque ces radicaux vien- nent à perdre l'un ou l'autre élément, par suite d'une réac- tion chimique, cet élément se remplace ordinairement, molécule à molécule, par un autre élément, de manière à ce que le radical ne conserve pas seulement son groupe- ment moléculaire, mais même ses principaux caractères chimiques, du moins ceux qui dépendent de son état élec- trique ; ce qui est une couséquence nécessaire de l’indé- pendance de son état électrique de celui de ses éléments. Ainsi, les acides acétique et chloracétique présentent le même caractère d’acidité, parce que leurs radicaux of- frent le même état électrique, quoique leur composition soit matériellement différente. Les radicaux C# Het C4 Cl, qui dérivent l'an de l’autre par substitution, offrent aussi les mêmes tendances électriques et se combinent de la même manière avec le chlore. De même les radicaux am- moniés NH? (C*H°), NH (C' H°5)°, N (C* EH), qui déri- vent de l’ammoniaque NE par remplacement de 4, 2 ou 5 molécules d'hydrogène par autant de molécules complexes (C* H°), offrent des caractères de basicité tout à fait ana- logues. Cette similitude de propriétés dans les dérivés d’un ra- dical multiple ne saurait exister pour ceux d’un com posé ordinaire, où chaque élément apporte avec lui ei conserve son élat électrique spécial, ct doit modifier ainsi 2" SÉRIE, TOME V. 92 (478) l’état électrique du composé. Lorsque, sous l'influence de la lumière diffuse, le chlore décompose l’eau, en se substi- tuant à l'hydrogène d’après la formule : 2CI + HO — HCI + CIO, le composé ClO, dérivé de l’eau (HO) , a des caractères tout différents, parce que son état électrique est tout autre et dépend complétement de celui de ses éléments; ce qui n’a pas lieu pour les radicaux multiples; témoin, le cyanogène, qui est très-électronégatif, quoique ses éléments consti- Luants n’aient qu'une tendance électronégative très-faible. Ainsi la propriété des radicaux multiples de se laisser décomposer par substitution, sans que leur caractère élec- trique soit profondément modifié, loin d’ébranler la théorie électro-chimique, comme quelques chimistes l’avaient pensé, vient, au contraire, lui apporter une éclatante con- firmation. Cette propriété découle, eneffet, de l'absence du dualisme électrique entre les éléments d’un pareil radical, démontrée par l’impuissance de la pile de les séparer par électrolysation. Cette absence de dualisme électrique explique toutes les différences de propriétés que présentent les radicaux mul- tiples d'avec les composés ordinaires. Ainsi, le sulfure de carbone CS?, composé ordinaire, puisqu'il s’électrolyse par la pile, se décompose mutuellement avec l’eau, par échange d'éléments, tandis que le cyanogène ou l’azoture de carbone ne saurait nous présenter le même phénomène de décomposition, vu que ses éléments n’ont pas les états électriques propres à unir, d’une part, le carbone à l’oxy- gène, et d'autre part, l'azote à l'hydrogène de l'eau. On explique de même pourquoi le soufre, malgré sa double affinité pour le carbone et le chlore, ne décompose —. y ( 479 ) pas le chlorure de carbone C# CI : c'est que ce dernier n’est pas un composé ordinaire; aussi ne se forme-t-1l jamais par voie directe, mais par dérivation d'un autre radical multiple, l'éthylène CH; ce qui lui a fait donner, par Gerhardt, le nom d'éthylène perchloré, dénomination qui devrait lui être appliquée constamment à l'exclusion du nom de chlorure de carbone, qui semble indiquer un com- posé ordinaire, analogue au sulfure de carbone. Par la même raison, le sesquichlorure de carbone doit être ap- pelé, avec Gerhardt, chlorure d'éthylène perchloré. Ce qui montre bien les différences de caractère électri- que, et, par suite, de propriétés chimiques, que présente un corps simple lorsqu'il fait partie soit d’un radical multiple soit d'un composé ordinaire, c’est que, dans l’hydrure de benzoyle, aucun équivalent d'hydrogène faisant partie du radical benzoyle, ne se laisse enlever par le chlore, tandis que celui qui se trouve en dehors du radical, et qui forme avec lui un composé binaire ordinaire, s’enlève facilement par le chlore qui le remplace, et ce dernier, à son tour, s’en- lève par voie de double décomposition, à l’aide de l’eau ou des bromures et sulfures alcalins; tandis que si l'on prend du chlord-benzoldérivant du benzoyle, dans lequel l'oxygène a été remplacé par du chlore, on ne saurait plus en séparer ce dernier élément par double décomposition. L’impossibilité, ou du moins la difficulté de dédoubler un radical muluple par double décomposition, sert souvent à le distinguer des composés ordinaires, et elle découle naturellement de l’absence des caractères électriques pro- pres à ses éléments; car 1l suffit d'admettre que ces carac- tères soient complétement masqués pour comprendre que les éléments du radical , n'étant plussollicités par les forces électriques à entrer dans de nouvelles combinaisons, res- ( 480 ) teront fortement unis par l'attraction moléculaire, et con- serveront même leur mode de groupement, lorsque la mo- lécule d’un élément sera remplacée par celle d’un autre élément; absolument comme un cristal peut conserver sa forme lorsqu'un atome vient à y être remplacé par un atome d’une autre nature, ou même par la molécule complexe d'un radical multiple; témoin l’alun potassé, où le potas- sium peut être remplacé par le radical ammonium NH”, sans que le sel perde sa forme cristalline ni ses caractères principaux. Mais si les décompositions par substitution ne modi- fient pas profondément les caractères des radicaux mul- Uiples, 1l n'en est pas de même pour les composés ordi- naires. Ceux-ci ne donnent généralement pas naissance par substitution à des séries de corps analogues ou simi- Jaires par leurs caractères chimiques. C’est donc une idée peu heureuse de quelques chimistes modernes, d'avoir voulu faire dériver par substitution tous les composés con- nus de 2 ou 5 combinaisons très-simples, comme s'il était plus facile, dans ce système purement hypothétique, de prévoir et d'expliquer les réactions des divers corps. Quel avantage, en ellet, peut-il y avoir à représenter la compo- sition de l'alcool vinique par la formule (e 0° pour la rattacher à celle de l’eau à 02? Ne dirait-on pas, à l'in- spection de ces formules, qu’il doit être facile d'obtenir de l’alcoo! à l’aide de l’eau et du carbure hydrique C* H°? ce qui cependant n’a pas été réalisé jusqu'ici. El n’est pas plus rationnel de représenter l'acide acétique par la formule Gien 0? : car celle-ci nons donne beaucoup moins de lu- mière sur sa Constitution chimique que la formule ordi- naire (C* H50°) O, HO, qui, au moins, nous apprend que cet acide ne renferme qu'un équivalent d'oxygène à l’état ( 481 ) d'eau, et que le reste semble former un composé binaire d'un équivalent d'oxygène et d’un radical multiple C*H50?, Nous croyons donc devoir repousser la nouvelle nota- tion symbolique pour les composés ordinaires, et nous admettons, pour l'explication des phénomènes chimiques en général, la supériorité de la théorie dualistique sur ce qu'on a appelé de nos jours la théorie unilaire. Celle-ci, qui fait abstraction de la doctrine électro-chimique, n'est évidemment applicable qu'aux radicaux multiples, où le dualisme électrique des éléments à disparu, et si la nota- tion symbolique à laquelle elle se rapporte à rendu de grands services à la science, c'est précisément dans l'étude des radicaux multiples et des corps qui en dérivent. C'est en représentant les modes de dérivation en question par les formules symboliques, qu'on à singulièrement perfec- tionné la théorie des radicaux et fait faire un grand pas à la chimie organiqne. Mais s'il est évidemment utile de représenter les dé- rivés des radicaux par des formules qui indiquent leur mode de génération ou de dépendance mutuelle, il doit être non moins utile de représenter par des formules dua- listiques les composés ordinaires , qui se font le plus sou- vent par voie directe ou par double décomposition et, par conséquent, sous l'influence des forces électriques. Ces for- mules, dues à l'illustre Berzelius, ont contribué autant à l'avancement de nos connaissances sur les composés ordi- naires , que les formules nouvelles où unitaires ont servi à perfectionner nos idées sur les réactions des radicaux mul- tiples. Ces deux espèces de formules sont, du reste, loin de s’exclure, et rien n'empêche de les employer simultané- ment, suivant la nature des corps auxquels elles se rap- portent. 11 n'y à même, d'après nous, auenne innovation (A8) radicale à introduire dans l'écriture symbolique de l’école de Berzelius, puisque tous les chimistes s’accorderont aisé- ment à représenter les radicaux multiples et leurs dérivés par des formules qui, non-seulement ne préjugeront rien sur les qualités électriques des éléments de ces corps, mais qui seront propres aussi à montrer, autant que possible, leur mode de génération ou leur constitution moléculaire. Ainsi déjà on est habitué à désigner l’ammoniaque par la formule NH, tandis que si l'hydrogène devait y jouer le rôle de corps électropositif, et l'azote celui de corps électronégatif, il faudrait écrire H5N. De même pour la formule rationnelle du chlorhydrate d’éthylamine, tout le monde s’accordera à écrire (NH CEH5), HC ou [NHS(C4H5)] CL. Aussi la divergence des vues des chimistes se rapporte-t-elle surtout à la notation symbolique qu’il convient d'employer pour les composés ordinaires, et, de ce côté, il n’y a, sui- vant nous, rien à changer à la notation qui a été en usage jusque dans ces derniers temps. Quoique, dans les radicaux multiples, l’état électrique du composé et, par conséquent, ses propriétés fondamentales soient plus ou moins indépendantes de la nature des élé- ments constitutifs, cependant le remplacement partiel de ces derniers par voie de substitution modifie parfois , jus- qu'à un certain point, le caractère chimique du radical. Ainsi, quoique la chloraniline soit basique comme l'ani- line, celle-ci constitue cependant une base plus énergique. De même, la bromalinine est moins basique que l’aniline, la bibromalinine est à peine basique, et la tribromalinine, comme la trichloraniline, ne l'est aucunement. Nous croyons avoir suffisamment éclairei, par ce qui pré- CE ( 483 ) cède, les différences de caractère et de constitution qui sé- parent les radicaux multiples des composés ordinaires. I nous reste, avant de terminer, à dire un mot des combi- naisons copulées et de voir à quel ordre de corps composés on peut les rattacher. Les corps copulés constituent, en quelque sorte , des combinaisons intermédiaires entre les composés ordinaires et les radicaux multiples. Ils diffèrent des derniers en ce qu'ils ne jouent jamais le rôle de corps simples, qu'ils sont moins stables, peuvent se former fré- quemment par voie directe et se rapprochent par leur constitution des composés du 2° ordre et non de ceux du 1® ordre, auxquels seuls on aurait pu assimiler les radi- eaux multiples. Leur qualité électrique et, par suite, leurs principaux caractères sont loin d’être indépendants de l'état électrique et de la nature de leurs ingrédients. Toute substance copulée neutralise même plus ou moins, à l’in- star d’une base, la capacité de saturation d’un acide auquel elle est unie. Gerhardt a fait observer judicieusement que la généralité des acides, copulés à un autre corps, ont perdu, du chef de la copulation, un équivalent de leur capacité de saturation, de manière qu'un acide bibasique, copulé à un corps neutre, est devenu monobasique; un acide bibasique copulé à un acide monobasique ne forme qu'un composé acide bibasique, et un acide monobasique copulé à un corps neutre forme avec lui un composé neutre, tel que le sont les éthers composés, appelés souvent im- proprement éthers-sels. Les corps copulés s’éloignent beaucoup plus des radi- caux multiples que des composés ordinaires du 2°° ordre; mais 1ls diffèrent de ces derniers en ce que leur union est plus intime et que la copule d'un acide ne se laisse pas même déplacer par une base très-puissante, à moins ( 484 ) qu’elle ne puisse entrer dans une nouvelle combinaison ; témoin les éthers composés, dont l'acide ne se sépare de l’éther qui lui est copulé pour se combiner à un alcali, que lorsque l’éther lui-même trouve de l'eau pour sy unir et passer à l’état d'alcool. La saponification des corps gras, qui constituent des acides copulés à de l’acroléine, nous offre un phénomène analogue. De plus, les acides copulés ne se disjoignent pas entre eux en présence des bases, comme les acides doubles, qui sont des composés ordi- naires du 2”° ordre et qui forment avec une base deux genres de sels distincts, tandis que les acides copulés res- lent accouplés en présence des bases et s’y unissent à l’in- star d'un seul acide, ne donnant ainsi qu’une seule espèce de sel. Les corps copulés sont done unis d’une manière bien plus intime que les ingrédients d’un composé du 2”° ordre. Aussi ne réagissent-ils pas si facilement entre eux par double décomposition avec échange d’élément que les composés salins ordinaires. Ils forment donc une caté- gorie de combinaisons tout à fait distinctes, quant à leurs réactions, des combinaisons ordinaires. En résumé, je crois pouvoir établir les propositions suivantes : 1° Les combinaisons des corps par voie directe se font généralement sous l'influence des forces électriques qui les groupent deux à deux et de manière qu’un corps élec- tropositif s'associe à un corps électronégatif, sans que les qualités électriques opposées des deux corps ou leur antagonisme électrique ait disparu par l’acte de la com- binaison. Ces combinaisons forment les composés ordi- naires. ( 485) > Certains corps simples peuvent s'associer quelque- fois par voie indirecte, ou sous l'influence des forces vi- tales, ou lorsqu'ils sont à l'état naissant, d’une manière tellement intime, que leurs qualités électriques et les propriétés chimiques qui en dépendent seront complé- tement masquées ou profondément modifiées, sinon an- nulées, par l'acte de la combinaison. Il en résulte des composés sans dualisme électrique, qui, ne pouvant se dédoubler par électrolysation, se comportent comme des corps simples dans la plupart des réactions chimiques, et ne se décomposent pas mutuellement par échange de leurs éléments (1), comme les composés ordinaires, mélangés à l’état de solution. | 5° Plusieurs composés du 1° ordre peuvent parfois s'unir d'une manière plus intime que lorsqu'ils donnent naissance aux composés ordinaires du 2"° ordre. fl en résulte une classe de combinaisons spéciales dont les in- grédients ne se disjoignent pas si facilement que ceux des composés salins ordinaires, et restent accouplés dans une foule de réactions chimiques, comme s'ils formaient, par leur réunion, un simple composé du 1" ordre: c'est ce qui (1) La modification d’un radical par substitution peut bien se faire quel- quefois à l’aide d’une double décomposition avec un composé ordinaire, mais jamais par échange d'éléments entre deux radicaux multiples, comme dans la décomposition mutuelle de deux composés ordinaires. Ainsi les réac- tions chimiques représentées par les formules 4 NH5-+35(C?H5)I—=5HI + N (C°H5) triméthylamine, (CHHSO?)0,HO+-NO5,HO—2H0-+{[C'#H4(N05)0?]0,H0 ac. nitro-benzoïque, n’impliquent pas une décomposition mutuelle entre deux radicaux mulli- ples, comme celle qui peut avoir lieu entre un chlorure métallique et un sulfure d’un autre métal. ( 486 ) constitue la classe des corps copulés. Ceux-ci sont aux corps composés du 2°° ordre à peu près ce que les radi- caux multiples sont aux composés du 1” ordre, avec cette différence toutefois que leur combinaison est moins stable et qu'ils sont encore sous la dépendance des qualités élec- triques des ingrédients; ce qui fait qu'ils s’obtienvent sou- vent par voie directe, de même que par échange d'élé- ments dans les décompositions mutuelles. 4 La notation symbolique qu'il convient d'employer pour représenter les radicaux multiples doit faire abstrac- tion des qualités électriques des éléments constituants, et indiquer principalement le mode de formation des radi- caux dérivés ou secondaires, en représentant la substitu- tion moléculaire qui a eu lieu dans le radical primitif: c'est la marche qu'ont suivie de nos jours les savanis chi- mistes Gerhardt, Hoffman, Wurtz, etc. Quant à la notation symbolique, applicable aux com- posés ordinaires et même aux corps copulés , elle ne sau- rait faire abstraction des qualités électriques des ingré- dients, puisqu'elles exercent une si grande influence sur la qualité électrique du composé et, par suite, sur ses prin- cipaux caractères chimiques. Elle doit donc rester fidèle aux règles établies par l’école de Berzelius, d'autant plus que, mieux que toute autre, cetle notation peut repré- senter fidèlement les réactions chimiques de ces composés et la manière dont ils se forment, soit par voie directe, soil par voie indirecte. ( 487 ) Notice sur quelques Cryptogames critiques de la flore belge; par Eugène Coemans. La classe des lichens, quoique éminemment naturelle, confirme, aussi bien que les autres classes et familles du règne végétal, le grand axiome linnéen : Natura non facit sallus. Elle se rapproche tantôt des algues, tantôt des cham- pignons, mais ses aflinités les plus nombreuses et les plus réelles sont cependant pour cette dernière classe, surtout pour quelques pyrénomycètes et discomycètes avec lesquels elle paraît parfois vouloir se confondre. Il en résulte que quelques genres et quelques espèces, se trou- vant placés, pour ainsi dire, sur la limite extrême qui sépare les lichens des champignons, et réunissant souvent les caractères de ces deux classes, doivent présenter de grandes difficultés pour leur classification systématique, et laisser au botaniste, même le plus consciencieux, des doutes réels sur la place la plus convenable à leur assi- oner. Plusieurs de ces plantes et surtout entre autres, l’Hy- sterium Prostii Dub., le Xylographa parallela Fr. et l’Agy- rium rufum Fr. ont attiré, en ces derniers temps, l’atten- tion des botanistes, et se sont trouvés revendiqués à la fois par les mycologues et par les lichénographes. Placé à un point de vue théorique, on peut très-bien, je crois, considérer ces plantes comme des points de contact, comme de véritables traits d'union entre deux classes dis- linctes; mais, en pratique, une classification ne pouvant toujours respecter ces transitions, il faut quelquefois se ( 488 ) résoudre à opérer une séparation un peu forcée, et, se fondant sur le nombre et l'importance des caractères diffé- rentiels que présentent ces plantes, les réunir défini- tivement à l’une ou l’autre classe, tout en constatant les autres affinités qu'elles présentent, quoiqu'a un moindre degré. C’est ce que nous allons tâcher de faire pour les cryptogames ci-dessus mentionnés. En décrivant le Xylographa parallela et l'Agyrium ru- fum, nous nous sommes, d’ailleurs, proposé un but plus général, celui de décrire, pour notre flore lichénogra- phique, la petite tribu des Xylographidées Nyl., qui se réduit pour le moment chez nous, à ces deux plantes, et de la faire servir de complément à la description de la tribu des Graphidées , dont elle est le pendant inséparable, et que nous espérons pouvoir publier sous peu. Nous nous occuperons d'abord de l’Hysterium Prostii, en faisant, toutefois, précéder une description anatomique de l'Hysterium pulicare Pers. : premièrement, parce que celte plante nous a servi de type comparatif pour l'étude de l’Hysterium Prostii, ensuite parce que nous croyons pouvoir fournir, à cette occasion, quelques observations utiles ou nouvelles. 1. MYSTEREUM PULICARE Pers. Syn., p. 98; Fries, Sum. vey. Scan., p.568. — HySTEROGRAPHIUM PULICARE Corda, Zcon, Fung., tome V, p. 79 (1). Subicule noïrâtre, mince et peu apparent à l’œil nu, souvent un peu plus abondant autour des périthèces et des spermo- (1) Nous avons préféré conserver l’ancien nom générique d’Æysterium , les caractères différentiels du genre Æysterographium nous paraissant peu importants, ( 489 ) gonies; sans organisation apparente, mais formé de cellules presque rondes, irrégulières et adhérentes entre elles. Ce subi- eule, qui précède probablement la formation des périthèces, dis- paraît presque toujours en tout ou en partie; il est distinet du thalle avorté de certains lichens que l’on trouve souvent autour de l'Aysterium pulicare. Périthèces noirs, mats ou luisants, superficiels, ordinairement gros et irrégulièrement disposés; variant en longueur d’un demi à deux millimètres; elliptiques-allongés, quelquefois presque linéaires, ou, par contre, à peu près arrondis; de consistance cornée et cassante (la substance des lirelles des Opégraphes est toujours plus tendre); finement striés dans le sens de la longueur du périthèce (ce caractère fait fréquemment défaut); s'ouvrant par une fente profonde, étroite, garnie de lèvres plus ou moins gonflées, selon les individus, mais jamais si pronon- cées que dans l'ÆZysterium elongatum. La forme primitive du périthèce est arrondie ou lenticulaire ; il s'allonge ensuite en avançant en âge. A cette première époque, on peut le confondre facilement avec les spermogonies de la plante, et un examen microscopique peut seul dissiper le doute. A une certaine période de la vie de la plante, que je n'ai pas été à même d'observer, les périthèces se vident, et le conceptacle creux persiste seul encore quelque temps. Le contraire a lieu chez les opégraphes, dont l'hyménium se renouvelle pour ainsi dire indéfiniment. Hyménium blanc, jaunissant légèrement par la solution aqueuse d'iode, comme c’est l'ordinaire chez les champignons; entouré d'un conceptacle noir, massif, variant en épaisseur de 0,013-20 mm. à 0,050 mm., quelquefois mince et sub-incolore à la base du périthèce, mais jamais totalement décoloré, comme dans le genre Graphis. l Thèques claviformes, contenant normalement huit spores dis- posées sur deux rangs. Paraphyses grêles, nombreuses, souvent rameuses, recou- ( 490 ) vrant les thèques et entortillées comme la laine d’une toison; naissant non-seulement de la base du périthèce, mais de tout son pourtour, même supérieur, de manière à envelopper souvent les thèques en deux sens opposés. Spores oblongues ou fusiformes-ellipsoïdes, d’un brun pâle un peu olivâtre, triseptées; paraissant tantôt bordées, tantôt non bordées; mesurant 0,018-20-23 mm. de longueur sur 0,006-8-10 mm. d'épaisseur. Au jeune âge, les spores sont incolores et ne présentent pas de cloisons. La cloison médiane apparaît la première, et les deux cloisons latérales ne se montrent que quand la spore a déjà ac- quis un développement assez considérable. On remarque souvent, dans les jeunes spores, des gouttelettes oléagineuses semblables à celles que l’on voit dans les spores de beaucoup de lichens. Spermogonies noires ou un peu brunâtres, arrondies, d'un diamètre d'environ 0,1 mm.; mélées aux périthèces ou groupées un peu à l'écart; percées d’un pore assez large. Une coupe trans- versale montre un conceptacle arrondi, noirâtre, tapissé à l’in- térieur de cellules vertes, desquelles naissent une infinité de stérigmates , longues ordinairement de 0,012-15 mm., simples, grêles et convergeant régulièrement vers une cavité centrale, comme les rayons d'un cercle vers son centre. Spermaties cylindriques, droites, mesurant 0,002-3 mm. de longueur sur une épaisseur d'environ 0,001 mm. Ces spermaties paraissent souvent un peu étranglées au milieu. Variétés. Outre la forme typique, l’Hysterium pulicare se pré- sente encore chez nous sous deux formes moins répandues : la première, l'Hysterium angustatum, Chev., Flor. par., p. 455, et l'Ayst. pulicare v. angustaium, Fries, $. V. S., p. 368, a ses périthèces sveltes, allongés-linéaires , rangés souvent pa- rallèlement aux fibres du bois, et mesurant quelquefois jusqu’à 2 millimètres de longueur ; la seconde, beaucoup moins remar- quable, a ses périthèces petits, arrondis ou lenticulaires. C'est, ( 491 ) je crois, la variété subglobosum, Chev., Flor. par., p. 455, et celle que Fries, S. F.S., p. 368, désigne sous le nom de lenticu- lare. J'ai trouvé la première variété à Héverlé, près de Louvain, sur de vieux châtaigniers, et la seconde à Gentbrugge, près de Gand, sur le tilleul. Habitat. L'Hysterium pulicare est très-commun el vit ordi- nairement sur l'écorce aride du chêne; on le trouve aussi, mais moins fréquemment sur le tilleul, le charme, le châtaignier, l'aubépine, le platane, l'érable, le saule et probablement sur plu- sieurs autres arbres. Remarques. 1° La figure de Corda, tom. V, tab. IX, fol. 61, est peu exacte, en ce qu'elle représente les thèques trop unifor- mément cylindriques, et non rétrécies à la base, les spores dis- tancées on sériées, et d’un facies singulier qu'elles n’ont pas natu- rellement; elle fait l'effet d'une préparation trop comprimée. 2° Nous considérons l'Æysterium Prostii Kx., Rech. sur les Crypt. des Flandres, 3"° cent., p. 21, d'après des échantillons authentiques que nous devons à l'obligeance du savant profes- seur de Gand, comme une forme mignonne, corticole, de l Hys- terium pulicare : les périthèces, les thèques, les paraphyses, les spores, les spermogonies et les spermaties de ces plantes sont par- faitement semblables : l'Hysterium pulicare se montre d'ailleurs souvent grêle et corticole. A une époque où l’on ne connaissait l'Æysterium Prostii que par quelques caractères externes, rien n'était plus facile qu'une pareille erreur. 5° L’AHysterographium acerinum Westendorp, Herb., crypt. belge, fase, XIX, n° 927, est parcillement une simple forme de . l'Aysterium pulicare, riche en spermogonies, telle qu'on la ren- contre souvent sur l'érable et sur le platane (M. Kickx). II. HYSTERIUM PROSTIL Duby, 2. G., p. 719.— HyxsTEROGRAPHIUM Pnosrn Desmaz. Cr. Fr., 2e série, n° 186.— OPecnapua Prosrn Nylander, Prod., p. 154.—HysreRiUM LINEARE ©. coRTICOLUA Fr., L. F”.5., I, p. 568. Subicule généralement peu abondant, souvent occulté par le ( 492 ) Protococcus viridis et par d’autres algues inférieures, ainsi que parles spores germinantes de différentes espèces d’hypoxylées et d’urédinées; pour le reste, semblable à celui de l'Jysterium pulicare. Jamais Je n’y ai rencontré de véritables gonidies. Périthèces noirs, mats ou luisants, naissant entre les fibres ligneuses de l'écorce, ensuite émergés, irrégulièrement disposés; généralement moindres, plus plats et plus déprimés que ceux de l'Aysterium pulicare ; mesurant un quart de millimètre, ou un millimètre au plus; normalement elliptiques-allongés, quelque- fois presque linéaires, ou bien de forme bizarre, imitant toutes les modifications de l'Opegrapha varia, v. signata; simples, ou rarement rameux, sans stries longitudinales et de consistance dure el cassante. Disque couvert au jeune âge par les rebords infléchis du con- ceptacle ; plus tard largement ouvert, surtout vers le milieu. Dans les stations un peu humides, les périthèces sont souvent plus petits et déformés, mais ils n’en sont pas moins fertiles. Hyménium blanchâtre, sale vert au vieil âge, jaunissant sim- plement par la teinture d'iode (1) ; entouré d’un conceptacle noir, continu, assez épais, mesurant en moyenne 0,020-25 mm. d'épaisseur; incontestablement muni d'un épithécium formé de granulations conglutinées et verdâtres. La lame proligère repose sur un tissu celluleux assez considérable, ayant souvent une épaisseur de 0,020 mm., et qui se détache facilement de l'hy- pothécium dans les vieux périthèces. Thèques elaviformes, à parois assez épaisses; mesurant à peu près 0,015 mm. à leur plus grande largeur, comme celle de l'Hysterium pulicare; contenant normalement 8 spores dispo- sées sur deux rangs. Fe i Paraphyses très-rares, presque nulles, grêles, n'ayant pas (1) La teinture d’iode dont je me sers est la même qu'emploie M. Ny- lander; elle se compose de : iode 5 centigrammes, iodure de potassium 15 centigrammes, eau distillée 25 grammes. ( 495 ) 0,002 mm. d'épaisseur; pour le reste, conformes à celles de l'Hysterium pulicare. Spores oblongues ou fusiformes-ellipsoides, à trois cloisons, parfaitement semblables de forme et de couleur à celles del'Hys- terium pulicare, seulement parfois de dimension un peu moin- dre; mesurant 0,015-20 mm. de longueur sur une épaisseur de 0,005-6 mm. Ces spores apparaissent, comme celles de l'Æysterium pulicare, tantôt bordées, tantôt non bordées. Au jeune âge, elles sont pa- reillement incolores et suivent à peu près le même mode de dé- veloppement que celles-ci. Spermogonies mêlées aux périthèces, ou croissant isolément ; apparaissant, sous la loupe, comme de petits points noirs ou bruns, sous le microscope, comme des mamelons d’un brun ver- dûâtre, percés d'un pore assez large, formés extérieurement de cellules arrondies, assez régulières, et tapissés, à l'intérieur, d'une forêt de stérigmates grêles, semblables à celles de l'Hysterium pulicare. | Spermaties linéaires, droites, mesurant 0,003 mm. de lon- gueur, et douées, comme celles de l'Æysterium pulicare, d'un trémoussement brownien très-prononcé. Habitat. L'Hysterium Prostii n’a été trouvé jusqu'ici que sur la face interne des écorces qui se détachent du pommier. Je l'ai trouvé près de Gand, à Destelberghen et dans les nombreux ver- gers que l'on rencontre aux environs de Saint-Trond. Remarques. 1° Les deux caractères qui séparent le mieux l'Hysterium Prostii de quelques formes naines de l'Æysterium pulicare, avec lesquelles on pourrait le confondre, sont, comme caractère externe, son disque élargi et déprimé, et, comme ca- ractère interne, l'absence presque complète de paraphyses. 2 L’Hysterium Prostii se présente assez souvent avec des péri- thèces linéaires immergés, assez semblables à ceux de l'Æysterium lineare; ceci expliquerait peut-être pourquoi M. Fries, S. V.S., p. 368, a réuni les deux plantes, d'autant plus qu'il a eu peut-être 2€ SÉRIE, TOME V. 99 ( 494 ) sous les yeux de jeunes échantillons à spores encore didymes. 3° M. Duby est le premier qui ait fait connaître, dans son Botanicon Gallicum (1829), l'Hysterium Prostii. Après lui, MM. Mougeot, Desmazières et le grand Fries le conservèrent parmi les champignons discomycètes. Ce ne fut qu'en 1855, dans une notice communiquée à l'Académie royale de Stockholm (1), que M. Nylander signala pour la première fois, je crois, l’ana- logie de cette plante avec les opégraphes. En 1857, dans son beau Prodromus Lichenographiae (alliae et Algeriae, et, en 1858, dans son Énumération générale des lichens, il la plaça parmi les opégraphes, en manifestant néanmoins chaque fois quelque incertitude sur sa nature lichénoïde. En 1858, M. Duby, de Genève, dans son Esquisse sur les progrès de la cryptogamie pendant les années 1855-56-57 (2), protesta contre cette manière de voir. Il eut la bonté d'analyser, à notre demande, l'échantillon type de son Hysterium Prostii, et nous répondit qu'il était per- suadé plus que jamais de sa nature fongeuse. Ayant soigneusement étudié cette plante sur des échantillons que nous devons à l’obligeance du savant botaniste de Genève, sur ceux des fascicules de M. Desmazières et sur ceux trouvés en Belgique, j'ai cru devoir me ranger à son avis pour les raisons suivantes : 4° L’Hysterium Prostit vit constamment sur la face interne de l'écorce qui se détache du pommier, habitat obscur qui l’éloigne des lichens et le rapproche des champignons. 2 J'ai trouvé des périthèces de l'Æysierium Prostii vides, dont l’hyménium avait été entièrement expulsé; ce qui est très- commun parmi les Hysterium et genres voisins, et ce que je n'ai jamais observé pour les opégraphes, dont l’hyménium se renou- ee = (1) Om den systematika Skilinaden emellan Svampar och Lafvar-Sekre- teraren medelade foljande of H" D' William Nylander insända uppsats. (2) Archives des sciences et de la bibliothèque universelle de Genève, n° 2, 1858. ( 495 ) velle indéfiniment. Ce caractère peus servir à rapprocher cette plante des Æysterium, mais n'a pas de portée ultérieure, car plusieurs lichens pyrénocarpés vident également leurs péri- thèces au viel âge. 5° L'Hysterium Prostii ne montre pas de traces de thalle ni de véritables gonidies. 4 Son hyménium, traité par l'iode, se conduit comme celui de la généralité des champignons, et ne trahit aucune substance amyloïde. 5° Les spores de l’Æysterium Prostii sont si semblables de forme et de couleur à celles de l'Æysterium pulicare qu'on ne peut les distinguer quand on vient à les mêler, On trouve, en outre, entre ces deux plantes, si l’on en excepte les paraphyses, une identité complète de presque tous les organes. Les arguments qu'on peut faire valoir pour rattacher l'Hyste- rium Prostii aux opégraphes sont les suivants : 1° La ressemblance de ses spores avec celles de l'Opegrapha Monspeliensis Nyl. Cette ressemblance est réelle; mais, à ce caractère près, ces deux plantes sont distancées par tous Îles autres caractères , tant internes qu'externes. 2° Sa similitude de forme avec l'Opegrapha varia var. si- gnata Fr. Cette ressemblance est parfois frappante, mais elle me semble plutôt exceptionnelle que générale; en outre, l'Ope- grapha varia s'éloigne de l'Aysterium Prostii par son thalle, la coloration de son hyménium au moyen de l'iode, la nature de ses paraphyses et la forme de ses spores. 3° Enfin, la présence d'un épithécium que M. Léveillé (1) donne comme un critérium d’une certaine valeur entre les cham- pignons et les lichens; mais, ayant été à même d'observer plus d'une fois le peu de constance de cette règle, nous ne pouvons, nous semble-t-il, en déduire de conclusion décisive. (1) Considérations mycologiques , suivies d'une nouvelle classification des champignons, Paris, 1846, p. 74, ( 496 ) En résumé, il nous semble que le nombre et importance des caractères allégués doivent porter à réunir l'Aysterium Prosti plutôt aux champignons qu'aux lichens. S'il a quelquefois le facies d'un Opegrapha, 11 a aussi souvent le port d'un ÆHy- sterium, et l'absence de thalle, son insensibilité à l'iode, jointes à sa grande parenté avec l’Æysterium pulicare, nous décident à le ranger parmi les Æysterium , tont en disant, néanmoins, que de tous les Hysterium, c'est celui qui se rapproche le plus des Opégraphes. Nous passerons maintenant à l'étude du Xylographa parallela et de l’Agyrium rufum, en traçant en même temps les carac- tères de la tribu des Xylographidées. TRIBU DES XYLOGRAPHIDÉES. La tribu des Xylographidées forme, dans la classification de M. Nylander, la 16° tribu de la famille des lichénacées , et ne compte guère, pour le moment, plus de 6 espèces (1), dont 4 européennes et 2 exotiques. Elle se place naturellement entre les Lécidinées et les Graphidées, mais se rapproche davantage de cette dernière tribu; son genre Xylographa est exactement l’ana- logue du genre Opegrapha, de même que son genre Agyrium rappelle le genre Arthonia. Les xylographidées se rapprochent également beaucoup de cer- tains champignons discomycètes, et la moitié de leurs espèces en ont même été détachées. Cette tribu a d’abord été indiquée par M. Nylander, dans. sa notice précitée, p. 10, puis définitive- ment constituée dans son Essai d’une nouvelle classification des lichens, second mémoire, p. 187, et dans son. Pr'odromus, p. 147. (1) Ces six espèces sont : 1° Zithographa petraea (D. R.), Algérie; 2° Zi- thog. tesserata (D. C.); 5° Xylographa parallela Fr.; 4° Xyl. opegraphella Nyl., Amér. bor.; 5° X'yl. flexella Nyl.; 6° Agyrium rufum Fr. ( 497 ) Au premier abord, on doit sentir quelque répugnance à ad- mettre une tribu formée d'éléments en apparence si hétérogènes; mais quand on étudie simultanément les espèces qui forment aujourd'hui cette tribu, on ne peut se refuser à leur accorder une étroite parenté. Ceci est surtout vrai pour les genres Xylographa et Agyrium ; car je dois avouer que le genre Lithographa ne se rattache que faiblement à ce groupe. Caractères de La tribu. — Nous croyons pouvoir définie ainsi cette petite tribu : lichens inférieurs; thalle peu marqué dans les espèces saxicoles, ou presque réduit à une modification du substratum dans les espèces lignicoles; apothèces lirelliformes, ardelliformes ou presque patelliformes; spores incolores, sim- ples; hyménium se colorant par l'iode. Cette tribu se distingue, d'un côté, des Graphidées par son port fongeux et par ses spores simples, et, de l'autre, des champignons par la présence de véri- tables gonidies, et par la coloration de l'hyménium par la tein- ture diode. Nous ne possédons en Belgique que deux espèces de cette tribu; l'une appartient au genre Xylographa, l'autre au genre Agyrium. l. Genre Xyzogcmarpua Fr. Emend.; Nyl., Class., 21 Mém., p. 187. Caractères génériques. — Lichens lignicoles; thalle, formé de cellulose non organisée, imprégnant les fibres subjacentes du bois et de gonidies vertes; apothèces lirelliformes ou patellifor- mes; thalamium formé de paraphyses distinctes. Le thalle blanc, maculiforme, de toutes (1) les espèces de ce genre, se colore en bleu ou en bleu violacé, quand on Île traite par l'acide sulfurique et par l'iode. Cette réaction est due, je crois, à la cellulose qui se transforme en amidon par l'action de cet (1) Je n'ai cependant pas eu l'occasion d'examiner le Xylographa ope- graphella Nyl., trouvé par M. Tuckerman, dans l’Amérique du Nord. ( 498 ) acide (M. Payen) (1). Plusieurs champignons discomycètes sont entourés d’une macula assez semblable au thalle des espèces de ce genre; mais, chose singulière, l'acide sulfurique et l’iode n’ont sur eux aucune action, tels sont, par exemple, le Xylographu slictica, Fr., Stictis versicolor, Fr., Stictis hemispherica, Fr., Stictis atrata Desmaz. Le subicule (macula) du Schizoxylon saepincola Pers., espèce assez voisine des lichens, se conduit comme le thalle des Xylographa. Je n'ose cependant pas atta- cher une grande importance à ce caractère, pour distinguer le subicule de quelques champignons des thalles analogues de cer- tains lichens. EE, XYLOGRAPHA PARALLEEA. Fr, Nyl, Prod., p. 147. — LIiCuEN PARALLELUS, Ach., Z. S. Prod., p. 25 (1798). — OpPEGRAPHA PARAL- LELA, ACh., Meth., p. 20; Lich. un., p. 255 (1810). — HysTERIUM PARAL- LELUM, Wahl., F1. Lapp., p. 525 (1811-1812). — Hvystenium ABIETINUM, Pers., Syn. Fung., p. 101 (1801), et Obs. myc., p. 31. — XyYLocrAPHA PARALLELA, Fr., Syst. myc., t. II, p. 197; $. 7. S., p. 572. — Sricris pa- RALLELA, Corda, {con. Fung.; 1. Il, p. 59, t. XV, fig. 154, etc. Thalle apparaissant extérieurement sous forme de longues taches blanchâtres, d’une texture un peu soyeuse, due aux fibres du bois qui s'isolent et se détachent. Sous le microscope, on le reconnaît formé de deux éléments : 4° d’une cellulose gélati- neuse, imprégnant le bois jusqu'à une profondeur de 5-6-7 couches de fibres, et leur dounant une blancheur et une trans- parence particulière; et 2 de gonidies vertes, parfaitement for- mées, de grandeur variable, mesurant jusqu'à 0,015 mm., sou- (1) Pelouze et Fremy, Traîté de chimie génér., t. IV, p. 487. Paris, 1855. Depuis la présentation de cette notice, nous avons eu connaissance d’un mé- moire de M. Trécul, lu à l'Académie des sciences de Paris, le 2 novembre 1858, et d’où résulte que l’amidon, l’amyloïde (lichénine) et la cellulose ne seraient que des états différents d’une même substance. La cellulose ne se changerait donc pas, ici, en amidon, mais le thalle de ces espèces serait sim- plement de l’amidon amorphe venant se ranger dans la catégorie des amidons qui nécessitent l'emploi de l’acide sulfurique pour se colorer en bleu. ( 499 ) vent entourées d'une membrane incolore, comme chez plusieurs lichens supérieurs, par exemple, chez les Cladonia, Parmelia , Siphula, Bæomyces. Ces gonidies ne se trouvent pas régulière- ment réparties dans le thalle, mais irrégulièrement agglomérées entre les fibres du bois, et même à leur intérienr. Quelquefois les gonidies de ce Xylographa affectent une forme toute particu- lière : au lieu d'être rondes, elles sont oblongues, on dirait des spermalies, si elles ne contenaient parfois quelques granules vertes. Les dimensions de celles que j'ai observées étaient de 0,007-8 mm. de longueur sur 0,003-4 mm. de largeur. Cette modification rappelle les gonidies hyméniales, également oblon- gues, de quelques Verrucaires. Apothèces livelliformes, nombreuses, immergées, disposées parallèlement aux fibres du bois, qu’elles écartent et soulèvent quelquefois en forme de faux rebord thallodal, parfois cepen- dant presque superficielles; de longueur variable, mesurant 1-2-5-4 mm. sur une largeur moyenne d’un quart de milli- mètre; finement amincies et atténuées aux deux extrémilés, ou bien offrant souvent un gros bout d'un côté et se terminant de l’autre en longue pointe. Disque ouvert, quelquefois étranglé par places, déprimé et noirâtre à l'état sec, convexe et pâlissant quand on l'humecte, quelquefois naturellement décoloré sur une étendue plus ou moins considérable; ses rebords sont minces, un peu infléchis et ne conservent pas de direction parallèle. Hyménium blanc jaunâtre, contenu seulement sur les bords par un conceptacle mince, brunâtre, de consistance molle et céracée, formé de cellules rondes et peu adhérentes; lame pro- ligère reposant sur un tissu cellulaire incolore, épais d'environ 0,050-40 mm.; bleuissant par l'iode, à l'exception des spores et de l'épithécium, et recouverte d'un épithécium formé de spores agglutinées et de granules vertes. Cette fructification ne pré- sente, au jeune âge, aucune modification remarquable. Thèques largement elaviformes, peu amincies à la base, à parois fines, contenant 8 spores disposées sur 2 rangs. ( 500 ) Paraphyses grêles, mesurant environ 0,001 mm. d'épaisseur, simples ou quelquefois bifurquées, beaucoup moins nombreuses que les thèques. Spores ellipsoïdes, finement bordées, incolores, mesurant 0,015-17 mm. de longueur sur 0,005-7 mm. d'épaisseur; conte- nant ordinairement des gouttelettes claires, souvent au nombre de deux, placées à chaque extrémité de la spore. Au jeune âge, les spores sont de dimension moindre, mais n'offrent rien de re- marquable. Spermogonies dispersées entre les apothèces comme de petits: points noirs, ronds ou allongés; à conceptacle brunâtre, d’une texture celluleuse extrêmement fine; tapissées intérieurement de stérigmates simples, mesurant 0,010-15 mm. Ces spermogonies sont entourées de nombreuses gonidies vertes, comme on le voit chez plusieurs lichens. Spermalies courbées en are, , longues, grêles, mesurant 0,017-20 mm. Habitat. Le Xylographa parallela vit sur le bois dénudé des conifères. Notre ami, M. Westendorp, l'a trouvé sur des baraques en sapin, au camp de Beverloo. Remarques. 1° La figure de Corda représente bien le port de la plante ; il me semble seulement que les paraphyses y sont beau- coup trop nombreuses et trop épaisses. 2 Acharius est le premier, Je crois, qui ait En le Xylo- grapha parallela ; 1 l'admit comme opégraphe, dans son Pro- drome à la FI. Lich. de Suède, dans son Methodus Lichenum et dans sa Lichénographie universelle ; mais il le rejeta de son Synopsis (1825), quand Persoon et Wahlenberg en eurent fait un Hysterium. Fries, dans son Systema Mye., t. I, p.197, en fit un genre nouveau : Xylographa, et après lui, les grands myco- logues de l'époque, Corda , Leveillé, ete., le conservèrent parmi les champignons, jusqu’à ce que M. Nylander le transportât dans la classe des lichens, tribu des xylographidées, place qu’il se pro- pose de lui conserver encore dans son Synopsis Lichenum. ( O1 ) Si l'on compare maintenant l'habitat, le facies et même la structure interne de ce Xylographa avec ceux de certains cham- pignons discomycètes, par exemple, des genres Stictis, Cryp- todiseus, on doit être nécessairement porté à le réunir aux champignons ; mais, d'un autre côté, si l'on accorde aux carac- tères tirés de la présence d’un thalle gonidifère et de la colora- tion de l'hyménium par l'iode, l'importance qu'une expérience journalière vient confirmer de plus en plus, et si l’on ajoute à ces deux caractères la grande ressemblance du Xylographa parallela avec certaines opégraphes, par exemple, avec l'Opegrapha atra venant sur le vieux bois de sapin dénudé, on ne pourra plus lui re- fuser le droit de citoyen parmi les lichens, auquel il a des titres moins contestables que beaucoup de pyrénocarpées. 2. Agymium Fr., pr. p., Nyl., Class., 21 Mém,, p. 187. Caractères génériques. Lignicole; thalle, comme dans le genre précédent; mais apothèces ardelliformes, à disque plan ou un peu convexe , sans conceptacle ; thalamium sans paraphyses. C'est le représentant du genre Arthonia des graphidées. EV. AGYRIUN RUFUM Fr., Syst. myc., tom. II, p. 252; Nyl., Prod., p. 148; Fr., S. 7.5., p. 360; Corda, Zcon. Fung., t. Il, p. 56, tab. XV, fig. 198; non Tugercurarra rura Corda, t. 1, p. 4, tab. 1, fig. 65; Greville Crypt. Scot., tab. 232. Thalle d'un beau blanc, formant de grandes taches irrégulières sur le bois de sapin dénudé; constitué, comme dans le Xylogra- pha parallela, 1° de cellulose non organisée et se changeant en amidon par l'acide sulfurique (1), et 2 de gonidies vertes, d’un diamètre assez variable, souvent très-petites; je les ai vues rem- plir un clostre entier et ne mesurer que 0,003-4-5 mm. de diamètre. Ces gonidies sont, en général, beaucoup moins nom- (1) Voir la note page 498. ( 502 ) breuses que dans le Xylogroplia parallela, mais ne manquent, néanmoins, Jamais totalement. Apothèces ardelliformes, ordinairement peu nombreuses et dis- posées sans ordre, d'abord immergées, puis perçant le thalle et devenant superficielles; de forme arrondie ou un peu oblongue, variant en diamètre de 0,4-6 mm., sur une hauteur d'environ 0,45-18 mm.; de couleur roux orange au jeune âge, roux brun à un âge plus avancé, à peu près concolores à l'intérieur, mais blanches au centre; de consistance très-tendre, transparentes, et paraissant, à cause de cela, formées d’une substance céracée. La coupe transversale d’une de ces apothèces rappelle fidèlement la structure générale d’une ardelle d’Arthonia. Iyménium roux rose ou rose jaunâtre, contenu par aucun conceptacle réel (autour des jeunes apothèces, on remarque ce- pendant quelquefois un mince anneau, formé de cellules brunà- tres , vestige d'un conceptacle partiel et fugace), mais reposant sur un bourrelet central d'une texturé particulière, couvert par un épithécium mince et formé de granules agelutinées. M. Ny- landér, en traitant l'hyménium de cette plante par l'iode, a ob- tenu une coloration d’un rouge vineux, précédée quelquelois, dit-il, d’une coloration d’un bleu fugitif, dans 12 à 15 essais, nous avons constamment obtenu une coloration d’un bleu per- sisiant, sans Jamais la voir passer au rouge. Le bourrelet central ou tissu qui porte la lame proligère, est formé de cellules blanches, irrégulières, contenant des granula- tions informes, roussâtres ou un peu verdâtres. Ce tissu n'a pas les proportions énormes que Jui donne la figure de Corda; je Fai va toujours moins étendu que la lame proligère, et mesurant ordinairement 0,025-50 mm. d'épaisseur. La structure de ce tissu semblera peut-être rapprocher cet Agyrium des Tubercularia, mais ce rapprochement est neutralisé par la présence d’un tissu analogue chez plusieurs Arthonia, par exemple, chez les Artho- nic lurida Ach., astroïdea v. Swartziana Nyl, et aspersa Leight. Thèques nombreuses, claviformes, longues de 0,030-55 mm. ( 505 ) sur 0,015-18 mm. de largeur, contenant 8 spores disposées sur deux rangs. Paraphyses nulles, remplacées par quelques granules sem- _blables à celles du tissu sous-hyménial et qui se rencontrent également dans l’épithécium. Spores ellipsoïdes, incolores ou roussâtres au vieil âge, fine- ment bordées (les spores paraissent en général finement ou lar- gement bordées d'après l'épaisseur de leur épispore), mesurant 0,012-17 mm. de longueur sur 0,005-8 mm. d'épaisseur. Malgré de nombreuses recherches, je n'ai pu parvenir à découvrir jus- qu'ici les spermogonies de l'Agyrium rufum. Habitat. L'Agyrium rufum vit, comme le Xylographa pa- rallela, sur le bois dénudé des conifères. M. Mathieu l'indique dans sa Flore générale de Belgique, mais sans citer de localité. Les échantillons qui ont servi à nos recherches et que nous devons à l'obligeante amitié de M. William Nylander, ont été récoltés en France (Mont-Dore). Remarques. 1° La figure de Corda me semble pécher, en ce qu'elle présente les apothèces quelquefois déprimées ou presque péziziformes; en ce qu'elle donne des proportions exagérées au lissu sons-hyménial, et surtout en ce qu'elle représente les thèques comme peu nombreusés et perdues dans une masse cel- luleuse , tandis qu'elles forment une lame continue et tout aussi régulière que dans les espèces du genre Arthonia. Il est regret- table que M. Th. Bail ait reproduit cette figure inexacte de Corda dans son System der Pilze (1). La fig. de Greville, 1. IV, tab. 252, représente fidèlement le port de la plante, mais les figures 3 et 4, d'un coloris exagéré, manquent de tout détail anatomique. 2 Les raisons qui me portent à admettre l'Agyrium rufum parmi les lichens sont : 1° Son thalle gonidifère; (1) Das System der Pilze, Il Abtheilung, bearbeitet von D° Th. Bail; Bonn, 1858, tab. XIX, fig. 2, 5, 5. ( 04 ) 2° La coloration de son hyménium en bleu ou en rouge vi- neux par la teinture d'iode. 3° Sa grande parenté avec les Arthonia , dont il n’est séparé que par la nature de son thalle et par des spores simples. | Je regrette de n'avoir eu à ma disposition aucun Agyrium véritable, par exemple, l’4gyrium caesium Fr., pour pouvoir comparer ses caractères anatomiques et chimiques avec ceux de l'Agyrium rufum, maintenant transféré dans la classe des li- chens. Quant à l’Agyrium nitidum Libert (1), qui m'a été ami- calement communiqué par M. le professeur Kickx, ce n’est pas un Agyrium, mais une véritable Trémellinée, qui doit appartenir au genre Dacrymyces Nees, mais que je n’ai pu rapporter à aucune espèce déerite. C'est ce qui m'engage à en donner ici la descrip- tion, sans en faire, néanmoins, légèrement, dans une famille si difficile, une espèce nouvelle. L’Agyrium nitidum Lib. forme, sur les rameaux morts du Prunus padus et du Rubus fruticosus, de petits coussinets ses- siles, arrondis ou oblongs, mesurant un demi-millimètre et moins; ordinairement groupés; d'un noir particulièrement lui- sant; d'abord cachés sous l’épiderme, qu'ils percent, puis su- perficiels, ils s'étendent, deviennent souvent confluents, et finissent par tomber. Leur surface, primitivement lisse, de- vient plus tard légèrement onduleuse, ou un peu déprimée au centre. Une coupe très-mince, pratiquée perpendiculairement à l'axe du rameau, montre une masse gélatineuse grisâtre sans tex- ture appréciable, supérieurement arrondie et servant de gangue à tous les organes du champignon. De sa surface inférieure in- terne s'élèvent de nombreux bouquets dendritiques de filaments grêles; chaque bouquet est porté sur une tige principale, qui 9 (1) Plantae cryptogamicae Arduennae quas collegit D'« Zibert, fase. IT, n° 255. ( 00 ) se divise, se dichotome en une infinité de rameaux courts Jusque vers la partie supérieure du champignon, sans cependant s'ana- stomoser avec les bouquets voisins, car une légère pression les isole facilement. Tous ces rameaux n'ont pas la même épais- seur : les inférieurs sont souvent d'un gris foncé et mesurent 0,004-5 mm. d'épaisseur; les supérieurs sont incolores et n'ont guère plus de 0,001 mm. d'épaisseur. Ces rameaux portent à leurs extrémités terminales et latérales des corpuscules de na- ture différente : 1° des utricules sphériques, dont le diamètre peut égaler 0,002 mm., semblables aux spermaties que l’on ren- contre généralement chez les trémellinées (1); elles naissent tantôt solitaires, tantôt géminées, sans se détacher jamais, pour autant que je les ai observées, de leurs pédicelles; et 2° des corpuscules linéaires, droits, mesurant 0,002-3 mm. de lon- gueur sur environ 0,001 mm. d'épaisseur; ils naissent solitaires, sisolent facilement de leurs supports et se répandent autour de la préparation. De pareïls corpuseules n'ont pas encore élé observés chez les Trémellinées. A laquelle de ces deux espèces de corpuscules assigner maintenant le rôle de spermatie? Je n’ai rien découvert dans ce Dacrymyces qui pût être rap- porté à un appareil sporophore : les Dacrymyces sont rarement fertiles, ou peut-être l'époque de la récolte, faite en été, comme l'indique l'étiquette de M'e Libert, est-elle la cause de cette sté- rilité. J'ai cependant découvert, autour de vieux individus et sur les cicatrices laissées par des individus tombés, de nombreuses spores réniformes, parfaitement semblables à celles de l'Exidia spiculosa et de lExidia recisa Fr., figurées dans la notice de M. Tulasne. Elles étaient simples (2), incolores, réniformes, rare- (1) Cfr. l'excellente notice de M. Tulasne : Observations sur l’organisa- tion des Trémellinées : ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, 1855, t. XIX, n° 4. (2) M. Bail, Syst. der Pilze, p. 18, donne au genre Dacrymyces des spores pluriloculaires. ( 506 ) ment droites, mesurant 0,011-14 mm. de longueur sur 0,005 mm. d'épaisseur. Ces détails suffisent pour retirer avec certitude du genre Agyrium la plante de M'"° Libert. Nous espérons pouvoir lui donner plus tard une détermination certaine, et découvrir l'in- terprétation des phénomènes anatomiques qu'elle présente, Sur la constitution physique du soleil; par M. Charles Noël, ancien fonctionnaire de l'observatoire impé- rial de Paris. [. La formation d’une tache à la surface du soleil est un phénomène très-curieux dont lobservation, répétée un assez grand nombre de fois, pourrait peut-être donner, sur la constitution physique de cet astre, ou du moins sur la constitution physique de sa photosphère, des notions plus précises que celles que nous possédons. Malheureuse- ment, les taches se forment presque instantanément sans que leur apparition soit soumise à aucune loi évidente ; on ne connaît leur existence qu'après leur formation, et il en résulte que les astronomes n’assistent presque Jja- mais au développement d'une tache pas plus qu'à celui des facules à la surface du soleil. Cependant, le 7 août dernier, J'ai été témoin d’un de ces intéressants phéno- mènes , et ce sont les résultats de cette observation, ainsi que ceux d’un certain nombre d’autres, qui font l’objet de cette note. Jobservais depuis quelque Lemps les taches et les facules du soleil, lorsque je vis, le 7 août 1858, vers 25 h. 55 m., ( 507 ) une partie de sa surface se boursoufler (4). Après avoir changé plusieurs fois de forme eu quelques secondes, celte proéminence se creva eu plusieurs points. La matière de la photosphère se répandit alors autour de ces espèces de cra- tères et, au lieu de former autour d'eux une sorte de chaine de montagnes, elle s'aplanit peu à peu, sans, toutefois, se confondre entièrement avec le restant de la photosphère. La durée entière de ce phénomène fut d'environ une mi- nute. Cette nouvelle tache subissait des changements con- sidérables en des espaces de temps très-courts, en sorte qu'il était tout à fait impossible d'en prendre le croquis. J’observai le soleil au méridien, et ce n’est que 5 minutes après ce passage que je pris le dessin de la nouvelle tache dont les variations devenaient de plus en plus lentes (2). Au moment où je pris le dessin de cette tache (5), elle of- frait les particularités suivantes : tous les cratères , formés presque instantanément, élaient sans péuombre (4); la matière rejetée s'élait aplanie peu à peu, el elle paraissait immobile ; mais 1l est à remarquer que cette matière ne formait pas une couche concentrique avec la photo- sphère : ses bords extérieurs semblaient être, à une cer- taine distance, au-dessus de cette dernière (c'est-à-dire que, vers les bords, la matière rejetée formait une couche (1) Je ne peux mieux comparer ce boursouflement qu’à celui que subit lalun chauffé dans un creuset à une forte température; seulement le bour- souflement de la photosphère était moins considérable que celui qu’éprouve l'alun. (2) Je ne donne ici que le premier dessin de cette tache; je décris les autres en caractérisant les phénomènes généraux. (5) Voir page 517. (4) J'ai observé le même phénomene sur une tache vue quelques instants après sa formation. ( 908 ) assez épaisse), et sa surface paraissait descendre insensi- blement vers les cratères; cette partie rejetée était beau- coup plus brillante que le restant de la surface, et plus elle s'élevait, plus aussi elle avait d'éclat (4). Le lendemain, vers 25 heures, j’observai encore cette tache : elle n’était plus reconnaissable. La matière rejetée s’étendait sur un espace immense, deux énormes cratères s'étaient formés, et tous ceux de la veille, ainsi que les : nouveaux, étaient entourés de pénombre. Un assez grand nombre de discussions ont déjà eu lieu pour la détermination de l'épaisseur de la photosphère, à l’aide des observations des noyaux des taches s’'approchant du bord. M. Laugier disait que la photosphère solaire était excessivement mince par rapport au volume immense de cet astre, et un certain nombre d'observations, faites sur des taches s’approchant du bord, viennent confirmer cette opinion. Entre autres exemples, le centre d’une tache (si je puis m'exprimer ainsi) formée d’un seal cratère, et qui était restée à la surface du soleil pendant Île temps d’une demi-révolution, se trouvait à environ deux minutes d'arc du bord : le noir ou noyau était très-visible. Le lendemain, la tache était, comme on put en juger par sa position de la veille, très-près du bord, et cependant on distinguait encore fort bien une partie du noir (2). Si maintenant on me demande ce que Je pense de la photosphère solaire, Je dirai que je n’ai jamais vu (comme M. Chacornac, par exemple, le dit, dans divers mémoires, avoir observé), des ruisseaux de feu parcourant la surface (1) Ces mêmes phénomenes furent également observés sur d’autres taches. (2) Ce dernier phénomène a été observé par différentes personnes. ( 09 ) du soleil, des nuages de différents éclats parcourant cette même surface avec des rapidités effrayantes, ces nuages, d'obseurs qu'ils étaient un instant auparavant, devenir lu- mineux, éblouissants dans des temps inappréciables, pour redevenir ensuite obscurs. Je dirai que je ne crois pas que la photosphère soit formée de couches nuageuses dont l’in- tensité lumineuse décroit de plus en plus lorsqu'elles se rapprochent de plus en plus du noyau; je dirai que je ne crois pas, puisque j ai vu le contraire, que les taches se dé- veloppent par des éclaircies se formant dans la couche des nuages lumineux, et laissant apercevoir les couches des nuages obseurs; mais je dirai que mes observations m'ont fait croire que la matière dont est composée la photosphère est également lumineuse dans toutes ses parties (la matière re- jetée à la surface du soleil , dont l'éclat surpasse même celui du restant de la photosphère le prouve); que la pénombre d’une tache n’est que le résultat de cette loi physique : l’in- tensité de la lumière varie avec l'inclinaison de la surface qui l'émet ou qui la reçoit. Cela veut dire que les parois de la crevasse, laissant apercevoir le noyau solaire, ne sont pas nettement tranchées, mais que les bords, s’éten- dant plus ou moins loin des anfractuosités de formes diverses, se trouvent sur ces parois, d’où résultent, d’après la loi énoncée ci-dessus, les différences de teinte que l’on observe (1). Je ne réfuterai pas maintenant l’hypothèse de couches nuageuses peu transparentes, mais non lumineuses , des- tinées à atténuer l'intensité de la lumière et de la chaleur (1) J'ai communiqué cette opinion à quelques astronomes et tous, après / avoir examiné des taches à l’aide de l’hélioscope, ont admis mon hypo- these. 2®E SÉRIE, TOME V. 54 ( 510 ) arrivant de la photosphère au noyau, je dirai même qu’elles peuvent exister, mais qu’elles n'influent eu aucune façon sur la pénombre des taches formées par la photosphère, et non par ces nuages dont rien ne nous révèle l'existence. Si l’ou me demande une preuve de ce que j’avance sur la nature des taches du soleil, je répondrai : « faites l’expé- rience suivante que J'ai faite moi-même, et vous jugerez. » Considérez une tache s'avançant vers le bord du soleil : plus cette tache s’approchera du bord, plus vous verrez perpendiculairement une des parois de la crevasse, pen- dant que l’autre s’effacera peu à peu. Eh bien, en admet- tant un moment l'hypothèse des nuages de moins en moins lumineux, que devrions-nous observer sur la paroi que nous voyons peu à peu plus perpendiculairement ? Nous devrions y voir la lumière aller décroissant d’in- tensité, depüis le bord de la photosphère, ou partie su- périeure du soleil, jusqu'au noyau où cette intensité est nulle, puisque le noyau est d’une couleur noire sans éclat. — L'observation condamne cette théorie. — En effet, en examinant chaque jour une tache approchant du bord, nous y voyons se passer les phénomènes suivants : des parties qui nous paraissaient assez obscures, lorsque cette tache se trouvait à une certaine distance du bord, devien- nent en s'en approchant graduellement plus lumineuses; d’autres, qui étaient assez lumineuses, deviennent de plus en plus obscures, et lorsque la tache est seulement à 15 ou 20 secondes du bord, c'est-à-dire lorsqu'on aperçoit encore un peu le noyau, les contours inférieurs visibles de la pénombre se trouvent nettement dessinés sur le noir. J'ai répété plusieurs fois cette expérience, et chaque fois j'ai vu se produire les mêmes phénomènes. Je n'ai pas donné iei comme preuve de mon opinion que ( 11 ) l’on voit souvent près du noyau des points ou des espaces assez lumineux, quelquefois même très-lumineux, pouvant provenir d'espèces de montagnes formées par la matière de la photosphère, parce qu'on pourrait m'objecter l'hypothèse des nuages, en me disant que ce sont, peut-être, des nuages des couches lumineuses supérieures flottant au-dessus de la crevasse ; mais je donnerai comme preuve un fait sem- blable, qui condamne la théorie des nuages : c'est que je n'ai jamais vu au milieu d'un noyau un point lumineux isolé des bords; or, si des nuages lumineux flottaient au- dessus des crevasses, il pourrait bien arriver qu'un de ces nuages cachât une partie du noyau, sans pour cela tenir aux bords intérieurs de la pénombre; or, je n’en ai jamais vu, je n'ai jamais entendu dire qu'on en ait vu ni je n’en ai jamais vu représenter sur les dessins des taches solaires, et cependant si l'hypothèse des nuages est vraie, il n’y à pas de raison pour qu'il ne s'en trouve pas. Après avoir énoncé mes idées sur la constitution des taches du soleil, je vais parler des divers changements que subit une tache avant de s’éteindre. Ces changements, comme on le sait, sont bizarres, arbitraires; cependant, d'après le mode de formation de la tache, 1ls sont soumis à une espèce de loi. En effet, l’on suit une tache depuis son apparition jusqu’à sa disparition, l'on y observera les phénomènes généraux suivants : après que les cratères ont subi les changements, les variations de forme occasionnées par les bouleversements qui ont donné lieu au développement de la tache, ces caractères cessent de s’accroître ; la matière rejetée s'étend peu à peu sur la surface photosphérique, et finit par se confondre avec elle; toutefois, il ne faut pas croire que celte matière rejetée ne se réunit qu'en s'éloi- ( 512 ) gnant des cratères , elle s’aplanit également de leur côté, et c’est en s’aplanissant ainsi que la matière remplit peu à peu les crevasses, et que la tache disparaît après un temps plus ou moins long. Un assez grand nombre d'observations m'ont prouvé ce fait. IT. Si la formation des taches est un phénomène intéressant à observer, celui de la formation des facules ne l’est pas moins. En effet, lorsqu'une tache décroiît, la matière rejetée s'étend, comme je lai déjà dit, sur la surface photosphé- rique; mais cette matière, comme Je le répète, ne forme pas une couche concentrique et excessivement régulière; il arrive donc que les endroits les moins épais sont ceux qui se réunissent le plus promptement à la couche ordi- naire, et que les amas considérables de matière peuvent rester encore longtemps sans se confondre entièrement. Ce sont ces amas, ces proéminences de matière, qui forment les facules pouvant subsister un temps assez long à la sur- face du soleil, après l’extinction de la tache. La matière rejetée d’une tache, que j'ai observée pen- dant le temps d’une demi-révolution du soleil, s'étendait sur un espace immense lorsque cette tache se trouvait vers le milieu de l’astre; mais plus celle-ci s’approchait du bord, plus elle diminuait, plus aussi sa matière rejetée s’aplanissait, et de cet aplanissement résuliait un amas énorme de facules d’un éclat éblouissant, en sorte qu'avant sa disparition dans l’autre hémisphère, la matière rejetée était entièrement devenue facule. Jai observé le même phénomène sur beaucoup d’autres taches, et il est à croire qu'une partie des amas de facules, ( 513 ) qu'on voit apparaître sur un bord du soleil par l'effet de la rotation, ne sont que le résultat de l'extinction des taches dans l’autre hémisphère solaire. Je dis : qu'une partie des amas de facules sont le résultat d'extinction de taches ; car J'ai également observé des amas de facules nés au centre de la surface visible du soleil. D'où provenaient donc ces facules ?.… (Je ne pense pas que ce soient des nuages plus lumineux que la photosphère.) N'en ayant vu de cette sorte que lorsqu'elles étaient for- mées et que, par leur position, elles ne pouvaient être apparues par l'effet de la rotation, je ne puis le dire; seulement, d’après la formation des antres autour des taches et d’après la formation même des taches, Je me permettrai d'avancer une hypothèse sur leur mode de dé- veloppement. Il pourrait arriver que la cause de formation d'une tache ne soit pas assez forte pour déchirer l’enve- loppe photosphérique et pour rejeter la matière autour de la crevasse, Cette force expansive ne ferait que soulever la matière, comme dans le cas de formation, et, ne pouvant la déchirer, la laisserait ainsi soulevée : la matière se ré- pandrait alors insensiblement, comme dans le cas de l’ex- tinction d'une tache, et nécessairement il en résulterait un amas de facules. Pourquoi donc est-ce que, dans ce cas, Je réfute l’hypo- thèse des nuages? Pour plusieurs raisons bien simples. La première est que parfois ces amas de facules naissent au centre de la surface visible du soleil. Or, il est presque im- possible que des nuages, de quelque nature qu'ils soient, viennent en quelques heures, parfois en quelques instants (puisque quelques heures ou quelques instants auparavant, on ne les aperçoit sur aucune partie du disque) de l’autre hémisphère solaire. (d14) Ce serait, peut-être, plusieurs centaines de milliers de lieues parcourues en quelques instants : on n’a jamais parlé de vitesse aussi prodigieuse que pour certains fluides. Une seconde raison, c'est d’abord que lorsque ces facules sont nées, elles semblent, comme les taches, immobiles à la surface du soleil, et, si elles subissent des changements, ce n’est que comme ces dernières, dans leur forme et non dans leur position; c'est ensuite que, lorsque ces facules sont apparues, elles ne sont plus soumises à l’action des vents qui les ont poussées jusqu’au point où elles se trou- vent alors (hypothèse des nuages), qu’elles paraissent tenir à la photosphère, et ne disparaître dans l’autre hémisphère que par l'effet de la rotation. Or, si l’hypothèse des nuages est vraie, il n’y pas de raison évidente pour que ces nuages, une fois arrivés à un certain point de la surface solaire par l’action des vents, ne soient plus soumis à cetie action et semblent tenir à la photosphère; il n’y a pas non plus de raison évidente pour que ces nuages ne soient pas repoussés dans une direction inverse de celle qu'ils parcourent par des vents plus forts que ceux qui les ont mis en mouvement. Je ne donnerai pas ici comme raison le mode d’extinc- tion des facules, car on pourrait m’objecter que c'est parce qu’ils perdent une partie de leur éclat; mais je dirai qu'il est bien étonnant que tous ces nuages, formant les facules, ne soient pas soumis aux mêmes bizarreries que ceux formant les taches (c’est-à-dire qu'ils deviennent obscurs, d'éblouissants qu’ils étaient, et qu’ils redeviennent en- suite éclatants, etc.), en ce qu'ils ne font que s’'aflaiblir de teinte et devenir de la même couleur que le reste de la photosphère. Je donnerai encore comme raison que, lorsque ces nuages ( d15 ) sont devenus de même éclat que la photosphère, on ne les distingue plus planant au-dessus d'elle. Pourquoi done tous les vestiges indiquant le nuage disparaissent-1ls avec l’éclat ?.. Si l’on me répond que c’est parce qu'il a la même teinte que la photosphère qu'on ne le distingue plus, je répliquerai alors : « regardez deux murs de même teinte placés à quelque distance l’un de l’autre (à 50 centimètres, par exemple), de manière à ce qu'ils ne se portent pas d'ombre et que l’un soit plus grand que l'autre; eh bien, je dis que vous les distinguerez parfaitement tous deux et que vous évaluerez même leur écart. » Pourquoi donc le même eflet ne se produit-il pas sur le soleil ?.. Si l’on m'objecte encore que nous les apercevons par l'effet de la perspective des deux yeux, je répondrai que lorsqu'on les regarde à l’aide d’une lunette MONOCULAIRE, on les distingue également (1). II. Après avoir parlé de la formation et de l’extinetion des taches et des facules du soleil, je dirai quelques mots sur la constitution de la photosphère. D'après les modes de (1) Ainsi, de ce qui précède sur les taches et les facules, il résulte que leur développement , leur existence et leur extinction, quoique paraissant au premier abord d’une complication étonnante, se résument en peu de mots: Une force expansive soulève la matière photosphérique, la déchire et rejette sur la surface une partie de la photosphère. Des crevasses se dévelop- pent alors, laissent apercevoir le noyau et forment ainsi des taches. La matière rejetée se répand en même temps, remplit peu à peu les crevasses; la tache disparaît, et il en résulte presque toujours un amas de facules qui s'éteignent après un temps plus ou moins long. Quelquefois la force expansive ne fait que soulever la matière qui se ré- pand peu à peu, et il en résulte infailliblement des facules. (516 ) développement et de disparition des taches et des facules, que doit-on penser de la constitution de la photosphère ?.… Cette matière lumineuse est-elle un gaz? un liquide ?.… Je serai porté à croire que c’est une espèce de liquide émi- nemment visqueux, quoique je ne veuille pas l’affirmer; mais cependant cette matière se répandant peu à peu et remplissant les crevasses…. On se rappelle que Halley avait observé que les bords du soleil étaient beaucoup moins lumineux que les parties du milieu de la surface. L’hélioscope confirme ce fait d’une manière très-évidente. En effet, les bords du disque so- laire, vus à l’aide de cet instrument, paraissent revêlus d’une teinte très-légère de terre de Sienne naturelle, TEINTE TRÈS-LÉGÈRE, qui serait à peine perceptible sur une feuille de papier ordinaire, ou qui ne le serait même pas du tout, mais qui l’est sur le disque solaire dont la blancheur est inimitable. Cette teinte, allant en décroissant depuis Les bords jusqu’au centre, nous prouve d’une manière évidente une diminution d'intensité de lumière du centre aux bords, et la sphéricité solaire d’après le principe physique énoncé plus haut : l'intensité de la lumière varie avec l’inclinaison de la surface qui l'émet ou la reçoit. L'instrument à l’aide duquel j'ai fait ces observations est, comme je l’ai déjà dit, l'hélioscope, inventé par M. Pow. Ce n'est autre chose qu’un télescope newtonien, dans le- quel les miroirs sont en verre poli d'un côté et dépohi de l’autre, et dans lequel aussi la réflexion à l’oculaire n’est pas produite par un miroir placé à 45° sur l’arc optique, mais par deux miroirs formant entre eux, et avec ce même axe, des angles correspondants à ceux de la polarisation, de la lumière et de la chaleur. Tous les astronomes, qui ont eu occasion d'examiner ( DEP.) cel instrument, n'ont pas hésité à dire qu'il était destiné à rendre de grands services à l'astronomie pour l'étude du soleil, et, après avoir observé cet astre à l’aide de l'hélios- cope, ils ont tous reconnu n'avoir pas bien vu le soleil avec les grandes lunettes et les verres colorés. Dessin de la tache du 7 août, d’après les mesures prises à l’hélioscope Pow. {Les carrés représentent 10 secondes d’are, les chiffres indiquent les mi- nutes à partir du centre du soleil, et la flèche montre la direction appa- rente du mouvement diurne.) ( 918 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 6 décembre 1858. M. LECLERC, directeur. M. Ad. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, Grandga- gnage, de Ram, Roulez, Gachard, le baron Jules de Saint- Genois, De Decker, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, Bormans, Polain, Baguet, Arendt, Ch. Faider, membres ; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ducpetiaux , Ser- rure, Kervyn de Lettenhove, Chalon, Th. Juste, Defacqz, correspondants. MM. Sauveur, Alvin et Ed. Féuis, membres des deux autres classes, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir un exemplaire des procès-verbaux des séances des conseils provincraux pour la session de 1858. — La classe reçoit de M. de Ram un exemplaire du dis- (519 ) cours prononcé par lui à l’occasion de la mort de M. Van Oyen; de M. Roulez, un Discours sur les mœurs électo- rales de Rome, et de M. Chalon, une Nouvelle classifica- tion de monnaies de Jeanne, duchesse de Brabant. — Remerciments. — La Société impériale des sciences , d'agriculture et des arts de Lille fait parvenir son programme de concours pour l’année 1859. RAPPORTS. L'examen du rapport sur l’exécution des bustes des académiciens décédés a été renvoyé, d’après la demande des commissaires , à l'examen de l'assemblée générale des trois classes. La commission mixte était composée de : MM. Ad. Que- telet, pour la classe des sciences ; De Decker, pour la classe des lettres, et Alvin, pour la classe des beaux-arts; ce der- nier nfembre avait été chargé de la rédaction du rapport. Les classes des sciences et des lettres avaient été invi- tées, par le Ministre de l’intérieur, à revoir et à compléter le règlement des prix quinquennaux. La classe des lettres a terminé son travail, qui sera communiqué à la classe des sciences avant d’être transmis au Gouvernement. La com- mission était composée des directeurs des deux classes, ( 520 ) MM. d'Omalius et Leclercq, du secrétaire perpétuel de l’Académie , ainsi que de MM. Gachard et de Vaux. La classe avait à s'occuper d’un troisième projet de règlement, ayant pour but de fixer tout ce qui se rattache au prix triennal de composition dramatique en langue fla- mande. Conformément aux usages académiques, le projet de règlement sera imprimé et distribué aux membres de la classe. La commission désignée par l’Académie se com- posait de MM. David, Bormans, Snellaert, De Decker et le baron Jules de Saint-Genois. COMMUNICATIONS ET LECTURES. ee Annuaire de l’Académie pour l'année 1859. M. le baron Jules de Saint-Genois dépose une notice manuscrite de sa composition sur Luc-Joseph Vander Vynckt, membre de l’ancienne Académie de Bruxelles. Cette notice est destinée à paraître dans l’Annuaire de l’Académie qu'on imprime en ce moment. Le secrétaire perpétuel fait connaître en même temps qu'une notice sur Panofka , de Berlin, l’un des associés de la classe, lui parviendra sous peu par les soins de l’auteur, M. le baron de Witte, membre de l’Académie, de même qu'une note nécrologique sur le chevalier Marchal, par M. Alvin. La notice sur M. Van Meenen, par M. Van de ( 921 ) Weyer, membre de la classe et ministre plénipotentiaire du gouvernement belge à Londres, ne paraîtra que dans l'Annuaire prochain. M. le secrétaire perpétuel est invité à recueillir ces dif- férentes notices et à les faire paraître le plus tôt possible. Note sur le congres de la propriélé littéraire et artistique , tenu à Bruxelles, en septembre 1858 ; par M. Ch. Faider, membre de l’Académie. En soumettant à la classe l'analyse des travaux du con- grès de la propriété littéraire et artistique, je n'ai pas l’in- tention d'entrer dans la discussion des principes proclamés par cette assemblée; je me borne à un simple exposé. La classe n'est pas appelée à discuter ces principes; elle a montré, en nommant, comme les deux autres classes de l’Académie, un délégué au congrès, qu’elle porte un lé- gitime intérêt aux grandes questions qui devaient y être débattues; elle a le droit de connaître ce qui s’y est fait. Ayant eu l'honneur, bien précieux pour moi, de pré- sider cette assemblée, je viens vous rendre compte de ses délibérations ; notre honorable collègue, M. Ducpetiaux, que vous aviez délégué, a bien voulu s'en rapporter à moi du soin de vous communiquer ce compte rendu. La première pensée du congrès est due à l'honorable M. Édouard Romberg, directeur des affaires industrielles au Ministère de l’intérieur. Ayant dans ses attributions les affaires de la librairie et l'exécution des conventions litté- raires, employé à diverses reprises dans les négociations ( 522 ) qui ont préparé quelques-unes de ces conventions, imbu des principes qui doivent régir universellement l'exercice de la propriété intellectuelle, cet habile fonctionnaire pou- vait mieux que personne apprécier l’utilité d’une réunion d'hommes d'élite, qui viendraient, dans un congrès, dis- cuter et proclamer ces principes. Je me suis, dès l’origine , associé à sa pensée, et un co- mité d'organisation a été formé et s’est constitué au mois de février 1858 : vous voyez figurer dans ce comité nos ho- norables confrères MM. Baron, Geefs, Fétis, et Portaels , les honorables MM. Vervoort, Vander Belen, Stallaert et Casier ; nous avions donc des jurisconsultes, des adminis- trateurs, des littérateurs, des artistes, un représentant de la langue flamande, tous hommes dévoués à l'œuvre, et qui nous ont prêté une coopération active et éclairée. Dès le 20 mars, nous répandions dans les principaux pays de l'Europe et de l’Amérique notre circulaire, dans laquelle nous donnions le programme du futur congrès, en réclamant de tous les corps savants et des sommités de la littérature et des beaux-arts, des éléments de solution pour les questions que nous avions posées. Nous reçûmes un nombre considérable d'adhésions, des encouragements chaleureux et des félicitations flatteuses : des projets de so- lutions nous furent adressés, soit par des corps savants, soit par des associations libres, soit par des jurisconsultes, des professeurs et des artistes éminents. Grâce à ce libre et affectueux concours, le comité put avec confiance, et dès le 5 août 1858, arrêter, sur la proposition de son secrétaire général, la solution des vingt-quatre questions de prin- cipes qui avaient été formulées dans le programme du mois de mars. C'est le 27 septembre que le congrès fut ouvert par un ( 223 ) discours , dans lequel je m’efforçai de résumer avec sim- plicité l'esprit des solutions du comité d'organisation, et d'indiquer ainsi le but auquel il importait d'arriver pour rendre utiles et fructueuses les délibérations du congrès. J'eus en même temps la satisfaction d'annoncer que le Roi et S. A. R. MF le duc de Brabant avaient daigné ac- corder au congrès leur auguste patronage, et que S. M. accompagnée du Prince Royal assisterait à l'une de nos séances. Plus de trois cents adhérents, et parmi eux des hommes considérables, étaient présents dans la salle des Acadé- mies , plusieurs délégués ofliciels de gouvernements étran- gers, un grand nombre de délégués de corps savants et d'associations libres de divers pays, et parmi eux un dé- légué de l’association des hommes de lettres de New- York, des Belges représentant toutes les spécialités , s'étaient donné rendez-vous à Bruxelles, et ont pris une part active soit aux travaux des sections, soit aux discus- sions de l’assemblée : je dois dire que le nombre des membres présents à toujours été très-considérable , et que les votes ont ainsi acquis une valeur supérieure et incon- testable. Les travaux du congrès ont duré quatre jours. Les membres inscrits, répartis suivant leur libre choix dans cinq sections, chargées chacune d'une catégorie particu- lière de questions à débattre, ont été appelés à une dis- cussion préalable, ayant pour base le projet de solution du comité d'organisation : chaque section à eu son rap- porteur; Je rappelle ici le sujet de chaque rapport et le nom de son rédactenr. La première section , où se traitaient les questions re- latives à la reconnaissance internationale de la propriété (52) des œuvres de littérature et d'art, à eu pour organe M. Romberg, qui connaît à fond les principes généreux et civilisateurs qui inspirent aujourd'hui tous les gouverne- ments et tous les hommes éclairés. La deuxième section, la plus importante par la nature des questions comme par le nombre de ses membres, avait à s'occuper des principes qui doivent régir la propriété des œuvres de littérature et d’art en général; elle a eu pour rapporteur M. Victor Foucher, conseiller à la cour de cas- sation de France, jurisconsulte et orateur habile, qui s’oc- cupe depuis de longues années de ces matières. Son rap- port, très-étendu et très-soigneusement écrit, résume trois séances de discussions animées et approfondies, auxquelles les membres les plus distingués de la section ont pris une part considérable. La délégation du cercle de la librairie de Paris et particulièrement son président, M. Jules Dela- lain, à pris une grande part aux travaux de cette section : MM. Wolowski et Hachette en ont été les président et vice- président. La troisième section, relative à la représentation et à l'exécution des œuvres musicales, avait confié la rédaction de son rapport à M. Amédée Lefebvre, délégué de la so- ciété des auteurs et compositeurs dramatiques de Paris. La quatrième section , qui a discuté les questions con- cernant les arts du dessin, avait nommé rapporteur un Jjurisconsulte distingué , auteur de plusieurs ouvrages spé- ciaux et recherchés, M. Étienne Blane, avocat à la cour impériale de Paris, et délégué de l’association des artistes et de celle des inventeurs. Enfin , la cinquième section , dont le rapport a été ré- digé par M. de Molinari , très-honorablement connu parmi nous, avait à résoudre les questions économiques. ( 225 ) L'ensemble de ces rapports offre un remarquable corps de doctrine et un excellent exposé des motifs des résolu- tions du congrès, et je dois féliciter cette assemblée d’avoir eu de si habiles préparateurs pour les votes qu’elle avait à émettre. Sauf quelques amendements sur des points secondaires, les propositions des sections ont été admises par l’assem- blée. Sauf de rares modifications, les solutions proposées par le comité d'organisation ont reçu la consécration du congrès. Je place sous les veux de la classe le premier volume du Compte rendu des travaux du congrès, que vient de publier son honorable secrétaire général, et qui sera prochaine- ment suivi du second volume : en lisant les rapports et les résolutions, chacun de vous pourra se convaincre de l’im- portance des vœux émis par l'assemblée; chacun de vous pourra apprécier, à son point de vue, le degré d'équité, de sagesse et d'opportunité de chacun de ces vœux. Toutes les résolutions du congrès n'ont pas un égal degré d'importance; il en est quatre qu'il importe de si- gnaler ici, et dont les autres doivent être considérées comme les conséquences et les applications; elles sont, passez-moi l'expression , le véritable lustre du congrès : 1° Le congrès estime que le principe de la reconnais- sance internationale de la propriété des œuvres litté- raires et artistiques, en faveur de leurs auteurs, doit prendre place dans la législation de tous les peuples civi- lisés ; 2 Les auteurs d'œuvres de littérature et d’art doivent jouir, durant leur vie entière, du droit exclusif de publier et de reproduire leurs ouvrages, de les vendre, faire vendre ou distribuer, et d'en céder en tout ou en partie la pro- 2° SÉRIE, TOME V, 39 ( 9526 ) priété ou le droit de reproduction. Le conjoint survivant doit conserver les mêmes droits, également durant toute sa vie, et les héritiers ou ayants cause de l’auteur doivent en jouir pendant cinquante ans, à partir, soit du décès de l’auteur, soit de l'extinction des droits du conjoint; 5° Quant au droit de traduction, l’auteur aura pendant dix ans, à partir de la publication de la traduction, Île droit exclusif de traduire ou de faire traduire son œuvre dans toutes les langues, à la condition d'exercer ce droit avant l'expiration de la troisième année de la publication de l'œuvre originale. Si, à l'expiration de la troisième an- née, l’auteur n’a pas fait usage de ce droit, chacun pourra l'exercer concurremment , excepté dans le pays d'origine. Après l'expiration des dix années, quoique l'auteur ait usé de son droit, chacun pourra traduire l'œuvre origi- nale, excepté dans le pays d’origine; 4° Le congrès demande l'abolition des droits de douane sur les livres et les œuvres d'art, ou du moins la réduction de ces droits au taux le plus modéré, et leur simplifica- tion là où le tarif établit des droits différents par catégorie pour les productions liltéraires des beaux-arts. Vous voyez, Messieurs, que les quatre grands principes du congrès sont : la reconnaissance universelle et de plein droit de la propriété des œuvres de littérature et d'art; une garantie sérieuse et durable des droits d'auteur; uné garantie suffisante et équitable du droit de traduction; la liberté des échanges et de la circulation de pays à pays dés livres et des œuvres d'art. J'ai tout lieu de croiré et d'espérer que ces principes seront favorablement aceuerllis par les gouvernements. Le principe de la reconnaissance universelle des droits d’au- teur, sans condition de réciprocité, avait été généreusc- ( 27 ) ment proclamé en France, par le décret du 28 mars 1852, et les dispositions de ce décret, étendues aux colonies françaises par celui du 9 décembre 1857, ne tarderont pas à former le droit commun de toutes les contrées civi- lisées. Déjà de nombreuses conventions littéraires ont consacré la réciprocité sur des bases à peu près uniformes, et, depuis la fermeture du congrès, le roi de Danemark, exprimant une pensée élevée et posant un acte remar- quable, a rendu, sous la date du 6 novembre 1858, une ordonnance motivée sur l'existence du décret du 28 mars 1852, et portant que les ouvrages publiés en France, sont placés dans ie Danemark , sous la garantie des lois qui pu- mssent la contrefaçon. Cette noble initiative d’un monarque éclairé, qui avait envoyé un délégué officiel au congrès, marque un progrès dans l'application de la réciprocité en matière de droits d'auteurs. La fixation de la durée de ces droits a été faite large- ment au sein du congrès : le comité d'organisation avait proposé le terme de trente ans, à partir du décès de l’au- teur et de sa veuve; le congrès a porté ce terme à ciu- quante ans; il a, en cela, adopté la disposition des lois espagnole et russe qui, de toutes les législations, fixent la durée la plus longue. En votant cette résolution après un débat approfondi, tant en sections qu'en assemblée gé- nérale, le congrès a très-expressément condamné le prin- cipe de la perpétuité du droit d'auteur et de l’assimilation de la propriété littéraire à la propriété foncière et mobi- lière. Avant le congrès, dans les travaux préparatoires qui ont été communiqués au comité d'organisation; pendant la tenue du congrès, dans de remarquables débats qui ont ( 228 ) été conservés; depuis la formation du congrès, dans de nombreux écrits et dans les discussions de corps savants, le principe de la pérennité et celui de la limitation de la propriété littéraire, ont été mis en présence ; les partisans de chacun d'eux ont vivement et savamment argumenté; ils ont répandu de plus en plus la lumière sur la grave question mise en débat, et, partisan du droit tempo- raire, Je dois dire avec conviction et avec satisfaction que le principe contraire à celui que je professe ne me parait pas s'être fortifié dans la lutte. L'influence de la résolution du congrès sur ce point ap- paraîtra prochainement dans notre pays : le Roi a nommé une commission que J'ai l'honneur de présider, et qui est chargée de préparer un avant-projet de loi sur la propriété littéraire; le roi de Sardaigne a formé, sous la présidence de son délégué au congrès, M. le sénateur baron Jacque- mond, une commission dans le même but; le Portugal, qui a élaboré un projet sur la même matière, a attendu les résolutions du congrès pour confier la rédaction définitive de la loi à son délégué officiel , M. da Sylva Ferrao, ancien ministre et membre de la cour suprême; le roi de Dane- mark vient d'entrer dans la voie, et annonce assez son intention de faire profit des travaux du congrès, sous l'inspiration de son délégué officiel, M. Schirn; enfin, dans une réunion récente, et qui a reçu une large publi- cité, M. Foucher, le savant rapporteur. de la deuxième section du congrès, a déclaré que le gouvernement fran- Çais « se préoccupe des résolutions de cette brillante as- » semblée, et veut compléter l’œuvre queS. M. l'Empereur » a si libéralement commencée par son décret du 28 mars » 1852. » Ainsi, Messieurs, dès à présent, plusieurs gouverne- ( 29 ) ments vont refaire ou compléter les lois qui régissent les droits d'auteurs, et cette révision se fera, tout permet de le croire, dans le sens des résolutions du congrès : c'est vous dire que, pas plus dans les lois futures que dans les lois aujourd'hui en vigueur, le principe de la pérennité n'est destiné à triompher.— Je le répète, je ne me crois pas ap- pelé à discuter aujourd'hui ce principe devant vous; je ne suis que narrateur; mais Je ne puis assez engager Ceux d'entre vous qui veulent connaître à fond les arguments des deux opinions, à consulter les ouvrages et les écrits qui ont paru récemment en France, et particulièrement le compte rendu du congrès et le rapport de M. Foucher. Quant au droit de traduction , la résolution du congrès consacre une transaction qui paraît équitable : dans son pays, l'écrivain conserve un droit de traduction égal à son droit d'auteur ; à l'étranger, il doit traduire ou faire tra- duire son ouvrage dans les trois années, à peine de dé- chéance, et s’il à fait traduire dans ce délai, le droit de traduction ne dure que dix années. On a pensé qu’il ne fallait pas priver trop longtemps les pays étrangers de la connaissance d’un ouvrage utile ou remarquable, et qu’une restriction du droit de l’auteur à l’étranger était com- mandée dans l'intérêt du progrès des lettres. Le dernier vœu fondamental du congrès se rapporte à la suppression des droits de douane sur les livres et les œuvres d'art. Tout le monde, sans exception, sans hésita- tion, s’est rallié au sein de l'assemblée à ce vœu spirituel- lement développé et motivé par le rapporteur de la cin- quième section. Nous voyons une première formule de cette liberté réciproque de circulation dans la convention littéraire qui vient d'être conclue entre les Pays-Bas et la Belgique, et qui est aujourd'hui soumise avec de remar- ( 550 }) quables exposés des motifs à la sanction des chambres législatives des deux pays; l'art. 41 de cette convention porte : « Pendant la durée de la présente convention, » l’importation licite en Belgique ou dans les Pays-Bas, » des livres publiés dans l’un ou l’autre des deux pays, » aura réciproquement lieu en franchise de tout droit. » Puisse cette disposition, étendue aux œuvres d'art, faire le tour de l’Europe, et le principe de libre circulation triompher partout comme corollaire de la jouissance uni- versellement reconnue des droits de l’auteur. Vous connaissez maintenant, Messieurs, les résolutions fondamentales du congrès. Leur importance et leur libé- ralité n’échapperont à personne; on peut en apprécier l'équité large et la justesse philosophique. Je suis heureux de montrer quel prix les publicistes, les écrivains, les éditeurs attachent à ces résolutions, et l'immense mouve- ment qui se fait partout autour d'elles. Je suis fier, pour mon pays, de voir que les vœux formulés dans une assem- blée qui a accepté la Belgique comme champ clos de ses nobles et savants débats, vont être accueillis comme des maximes supérieures et comme des principes de lois par les gouvernements les plus éclairés. Le congrès de Bruxel- les aura ainsi contribué à supprimer de plus en plus les derniers vestiges de ce vieux droit d’aubaine, qui affligeait et opprimait l’Europe il y a un petit nombre d'années, et qui, depuis la grande réforme de 1789, disparaît succes- sivement des diverses séries de lois où 1l conservait sa funeste influence, — A l’aubaine s’est substituée la réci- procité; à la réciprocité succédera bientôt l’universalité des droits et des jouissances et l'uniformité des lois et des pratiques. — J’applaudis du cœur et des mains à ce pro- grès qui n’est, en résumé, que la plus large application ( d31 ) de la tolérance, cette fleur de toute philosophie, de toute croyance et de toute politique; cette garantie de tout pro- grès , de toute paix et de toute justice. M. le directeur remercie M. Faider pour sa communica- tion, qui sera insérée dans le Bulletin de la séance, mais en lui rappelant que cette insertion, aux termes du règle- ment, aura lieu sans que l’Académie approuve ou improuve aucune des doctrines qui y sont énoncées. mt rate Q dpes 2 — —- (532) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 2 décembre 1858. M. G. GEers, directeur. M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Fr. Fétis, Navez, Suys, Joseph Geefs, Erin Corr, Snel, Baron, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, membres; Calamatta, associé. CORRESPONDANCE. est donné lecture d’une lettre de M. le marquis de Rodes, questeur du Sénat, qui fait parvenir des cartes permanentes pour la tribune réservée du Sénat, pendant la session législative de 1858 à 1859. — Remerciments. — L'Académie reçoit, pour le prochain concours de musique, les paroles d’une cantate, intitulée : HosanNa 1N EXCELSIS , et portant l’épigraphe : « Il y a dans le ciel et sur la terre plus de choses que votre scolastique ne se l’imagine, » Horatio. — HamLer. MÉDAILLES ACADÉMIQUES. M. le secrétaire perpétuel dépose les Tables générales ( 299 ) et analytiques du recueil des Bulletins de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, pour les années 1852 à 1856, composées par M. Ad. Siret, correspondant de la classe des beaux-arts. Ces tables for- ment un volume in-8°. Il donne en même temps communication de linserip- tion suivante, qui sera gravée sur la médaille offerte à l’au- teur. Elle est de M. Roulez , membre de l’Académie, qui a bien voulu composer également celle de la médaille offerte à M. Edm. Levy, pour son mémoire couronné, sur l’ar- chitecture ancienne. Voici ces inscriptions : ADOLPHO SIRET OB CONFECTOS IN XLIV ACTORUM SUORUM OCTONARIAE FORMAE VOLUMINA INDICES LOCUPLETISSIMOS GRATA ACADEMIA MDCCCLVIII. ————— ——————— EDMUNDO LEVY ROTOMAGENSI QUOD DIVERSAS OMNIBUS TEMPORIBUS AEDIFICIORUM RATIONES QUEMADMODUM INTER SE COHAEREANT ET UT VIDEANTUR AD DIVERSARUM NATIONUM RELIGIONES INSTITUTA MORESQUE ACCOMMODATAE EXPOSUIT. MDCCCLVIIT. ( 534 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Éd. Fétis donne lecture d’une notice dans laguelle il s'est attaché à retracer les principaux faits qui rappellent la carrière honorable de feu M. Mengal , l’un des membres de l'Académie royale de Belgique. Cette notice sera insérée dans l’Annuaire de l’Académie pour 1859. | ( 555 ) CLASSE DES SCIENCES. Séance du 15 decembre 1858. M. D Omazrus D HALLOY, président. M. Ad. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx , Stas, De Koninck, Van Beue- den, Ad. De Vaux, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte 5. Du Bus, Nyst, Gluge, Nerenburger, Melsens , Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres ; Schwann, Spring, Lacordaire, associés. CORRESPONDANCE. S. M. le Roi et son auguste Famille expriment leurs regrets de ne pouvoir assister à la séance publique de la classe des sciences. — L'Académie royale des sciences et des lettres de Mu- nich fait connaître qu’elle célébrera la fête séculaire de l’anniversaire de sa fondation le 28 mars prochain. — La Société impériale des sciences de Lille annonce l’eavoi du dernier volume de ses publications. (536 ) — M. J.-E. Bommer communique les observations sur la feuillaison, la floraison, la fructification et la chute des feuilles, faites par lui au Jardin botanique de Bruxelles, pendant l’année 1858. — MM. les questeurs de la Chambre font parvenir des cartes d'entrée à la tribune réservée de la Chambre des Représentants. — Remerciments. — M. Ad. Quetelet fait hommage d’un opuseule de sa composition, Periodische Erscheinungen der Pflanzen, qui, avec un écrit de M. Hansteen sur le magnétisme, forme la première partie d’une publication périodique de M. le doc- teur Peters, directeur de l'observatoire d’Altona. — M. De Koninck présente également une brochure de conchyliolo- gie, écrite en anglais, qu’il a composée avec M. Éd.Wood, sur le genre Woodocrinus. — Remerciments. — L'Académie reçoit un mémoire manuscrit Sur les po- lyèdres réguliers, par M. Steichen, professeur à l’école mi- litaire de Bruxelles. (Commissaires : MM. Timmermans, Lamarle et Nerenburger.) es SE S RAPPORTS. De l'établissement des paralonnerres sur les tours élevées. Rapport de M. Duprez. « Une discussion s'étant élevée au sujet de l'opportunité d'établir des paratonnerres sur l’église de Notre-Dame, à Bruges, M. le Ministre s’est adressé à la classe des sciences ( 37) pour savoir s'il est utile de placer des paratonnerres sur les tours et les édifices publics d'une grande élévation. La question de l'utilité des paratonnerres est l’une de celles qui sont aujourd'hui complétement résolues, et sur lesquelles la science n'a plus à revenir. L'expérience de plus d'un siècle, les travaux de Reimarus, en Allemagne, ceux de sir Snow Harris, en Angleterre, et les recherches d'Arago, en France, ne laissent plus planer le moindre doute sur celte utilité, et l’on peut s'étonner, avec raison, du peu d'empressement, je dirai même de l'espèce de ré- pugnance qu'on montre encore dans notre pays pour l'éta- blissement du genre d'appareils dont il s'agit, surtout lors- qu'il est question d’édifices qui, soit par leur position, soit par des causes locales, sont le plus exposés aux ravages de la foudre. Tel est le cas de l’église de Notre-Dame à Bruges : il résulte des pièces qui accompagnent la lettre de M. le Ministre, que, dans l'intervalle d'une cinquantaine d'années, la flèche de cette église a été foudroyée à plu- sieurs reprises avec des dégâts plus ou moins considérables, et 1] me paraît que, dans de semblables circonstances, on ne doit point hésiter un instant à recourir aux moyens de mettre cet édifice monumental à l'abri de nouveaux ac- cidents dont les suites pourraient être bien plus désas- treuses. Les annales de la science offrent de nombreux exemples à l'appui de ce qui précède; je me contenterai, en terminant, de rappeler ici celui qui est relatif à la ca- thédrale de Strasbourg, à cause de son analogie avec le cas qui nous occupe. Cette cathédrale était aussi fréquem- ment foudroyée; la foudre la frappait même jusqu’à trois fois dans le même orage, et il est constaté par des do- cuments que, durant les trente années qui précédèrent l'établissement des paratonnerres sur l'édifice, la dépense ( 538 }) moyenne pour réparer les dommages de la foudre était d'un millier de francs par an. Pendant les sept premières années qui suivirent cet établissement, aucun coup n’atlel- gnit ni lédifice ni les paratonnerres, et si plus tard, en 1845, la foudre fit deux fois de suite explosion sur l’un des paratonnerres, elle trouva sa route tracée , et alla se perdre chaque fois, par le conducteur, dans le sol, en laissant le bâtiment tout à fait intact. » M. Ad. Quetelet, second commissaire, adhère entière- ment aux conclusions du rapport précédent, qui sont ad- mises par la classe. Elles seront communiquées à M. le Ministre de l'intérieur. CONCOURS DE 1858. Sur les cinq questions mises au concours pour l’année 1858, la classe n'a reçu qu’une réponse à la troisième question de son programme , ainsi Conçue : Apprécier et définir le fait de la pénétration des particules solides à travers les tissus de l'économie animale, et déter- miner les rapports dans lesquels cet acte se trouve avec celui de l'absorption. Fapyport de M. Spring. « Jusqu'à une époque très-rapprochée de la nôtre, on s'était figuré que l'arbre vasculaire possédait, dans ses par- ties les plus déliées , de nombreux orifices par lesquels des amtières liquides et solides pouvaient entrer et sortir. On ( 239 ) différait d'opinion seulement à l'égard de la position de ces prétendus orifices : s'ils étaient de simplés pertuis percés dans les parois des vaisseaux capillaires, ou s'ils se trouvaient au bout de canaux particuliers, appelés vais- séaux exhalants et inbalants, qui seraient comme des ap- pendices où des prolongements du réseau capillaire. C’est un point d'anatomie que le microscope a permis de résoudre. Quelles que soient les réserves qu'on voudra faire encore en faveur de quelques organes particuliers et de quelques classes de la série animale, il est aujourd’hui certain qu'en général , 1l n’y à pas d'orifices aux points ex- trêmes du système vasculaire, qué notamment 1l n'existe ni vaisseaux exhalants et inhalants dans le sens de Hewson, Haller, Cruikshank et Bichat, ni de simples pertuis ou pores, comme les avaient supposés W. Hunter, Mascagni et Soemmering. Il est certain dès lors aussi que tout ce qui éntre dans les vaisseaux et ce qui en sort doit traverser des membranes sans ouvertures. Les conditions de l'absorption en général, Comme celles de la transsudation, sont déterminées par les lois physiques de l’imbibition et de la diffusion des liquides. Dutrochet à suivi expérimentalement les phénomènes que ces deux lois combinées déterminent dans des circonstances analo- gues à celles où les liquides et les membranes se trouvent dans l’économie vivante, et la doctrine de l’endosmose et de l’exosmose qu'il à fondée est devenue, èn physiologie animale et végétale, la base des théories de l'absorption et de la transsudation nutritive et sécrétoire. Aussi longtemps qu'il était permis de croire à l’exis- ténce d'orificés vasculaires, on ne pouvait s'étonner que parfois des particules solides venues du dehors, où formées dans l'intérieur du corps, pénétrassent dans le système ( 540 ) vasculaire, et que plus souvent encore les globules qui constituent l'élément solide du sang en sortissent pour se répandre aux surfaces et dans les interstices des tissus. La question du concours actuel n’était pas née. Elle se présente seulement depuis une vingtaine d’an- nées, tantôt comme une difficulté à résoudre, tantôt comme une protestation contre la théorie universellement professée. En effet, si le système vasculaire n’a d’orifices nulle part, et si l'échange des matières se fait à travers ses parois d’après les lois de l’imbibition des solides et de la diffusion des liquides, il est évident que jamais un glo- bule de sang n’en peut sortir, et jamais un globule de pus, un œuf d'entozoaire, une molécule pigmentaire, une par- ticule de charbon ou une matière solide et insoluble quel- conque ne peut y pénétrer. Or, le fait semblait exister ; l'observation journalière tendait à le prouver, tandis qu’en pathologie , l’école qui se dit positive et rationnelle résis- tait et se trouvait engagée par suite dans des discussions stériles et interminables à propos de certaines hémorra- gies , de la résorption purulente et du transport des molé- cules pigmentaires. La réaction devait venir, et vint, en effet, du camp phy- siologique même. En 1842, Rodolphe Wagner fit connaître les premières observations méthodiques qui lui semblaient démontrer la pénétration de particules solides à travers des membranes sans orifices. Un an plus tard, Oesterlen, à Tubingue, pu- blia des expériences restées célèbres; elles ont été suivies par d’autres, de plus en plus rigoureuses, tentées par Herbst, Eberhard, Donders et Mensonides, Follin, Bruch, Ch. Robin. Tous ont admis le fait de la pénétration, en différant d'opinion seulement sur son mécanisme et sur ( DH ) les circonstances capables de l'empêcher ou de le favoriser. En 1849, la question fut soumise à une discussion de- vant l’Académie de médecine de Paris. Et cependant le courant général de l'opinion se détournait du fait : on avait l'air de craindre pour les espérances fondées sur la théorie de l'endosmose. Deux des plus grandes autorités de l'époque, l’une en physiologie et l'autre en anatomie pathologique, Claude Bernard en France, et Virchow en Allemagne, ont même positivement fait opposition. La question, du reste, semblait dormir depuis quelques années. C'est dans ces circonstances que l’Académie royale de Belgique à cru devoir y appeler de nouveau l'attention, en formulant la troisième question de son programme de concours pour 1858. Un seul mémoire nous est parvenu ; mais, je suis heu- reux de le déclarer tout de suite, ce mémoire , dans mon opinion, remplit les intentions dans lesquelles la question fut posée. L'auteur a parfaitement compris le sujet; il s’est mis au courant de tout ce qui a été fait avant lui, et ilap- porte comme contingent propre, une série de cinquante expériences qui lui ont permis de mettre hors de doute la possibilité du passage des particules solides à travers les membranes de l’économie vivante, de déterminer les cir- conslances qui favorisent ce passage et de définir le mode d’après lequel il a lieu. Le mémoire porte pour épigraphe le passage suivant, extrait du travail de Mensonides sur le même sujet : Satis jam probalur nequaquam quaestionem ab omni parte esse solutam , remanenñtibus variis dubtiis quæ ut solvantur ulte- riort indigent indagatione. Il est divisé en trois sections. 27€ SÉRIE, TOHE V. 50 ( 942 ) Dans la première, l’auteur expose l'historique de la question; dans la seconde, il établit le fait, et dans la troi- sième 1l en étudie le mécanisme. Enfin, il traite, sous forme d’appendices, de deux points de physiologie patho- logique en rapport avec le sujet. Dans la partie historique, l’auteur fait preuve d’érudi- tion et de jugement. Je ne lui fais pas de reproche d’être remonté jusqu’à Galien et d’avoir parcouru des époques où la question ne pouvait même pas être posée. La doctrine des bouches absorbantes a, en effet, déjà été formulée par le médecin de Pergame, et il pouvait y avoir de l'utilité à faire voir comment cette doctrine s’est modifiéeet comment elle s’est effacée pelit à petit, au fur et à mesure que les con- naissances positives en anatomie prenaient de l'empire. Mais il me semble queles travaux de Dutrochet, de Mai- teucei, Magnus, Poisson, Ampère, Ludwig, Bruecke, etc., sur l’endosmose auraient dû être mentionnés parmi Îles modernes, car ils ont non-seulement renforcé les argu- ments qu'on opposait à l'absorption dessolides, mais donné une forme nouvelle à toute la question. Je crois devoir relever aussi, quoique ce soit un détail, que l’auteur me semble n'avoir pas bien compris la doc- trine de Lacauchie (1845 ei 1855), en la considérant comme une espèce de forme posthume de l'hypothèse des bouches absorbantes. Les ouvertures innombrables que le physiologiste français signale à la surface des villosités in- Lestinales sont tout autre chose que des bouches absor- bantes dans le sens des anciens. L'opinion de Lacauclhie, qui, du reste, n’est pas isolée, se rattache plutôt à celle qui ne voit dans l'absorption chyleuse qu'un fait d’imbibition parenchymateuse réglée par des mouvements alternatifs, absorbant et foulant, des villosités. ( 245 ) En interprétant mieux la doctrine de Lacauchie, l'au- teur aurait évité, sans doute , l'oubli où il a laissé les 1m- portants travaux de E. H. Weber et de Bruch, sur les vil- losités intestinales et sur ce qu’on a appelé les capillaires chyleux. A ces quelques observations près, Je reconnais que l’au- teur à cherché avec persévérance de bien connaître tout ce qui a étéécrit sur la question, et l'Académie lui témoignera son approbation, j'en suis sûr, d'autant plus volontiers qu’il commence à devenir de mode, parmi les Jeunes travail- leurs surtout, de dédaigner les recherches d'érudition qui seules cependant nous font comprendre les origines et les aboutissants de chaque question, et qui, en élargissant l'horizon, nous empêchent d’être éblouis par le prestige des opinions régnantes. Dans la deuxième section, l’auteur rapporte d’abord, d'une manière étendue, les expériences tentées par ses prédécesseurs, notamment par Oesterlen, Herbst et Don- ders. Il relate ensuite les siennes propres. Elles ont été faites sur l'homme et sur des représentants des trois classes supérieures des animaux vertébrés; et avaient pour objet l'absorption ou la pénétration d’une série suffisamment variée de substances solides et insolubles, mais particulièrement du noir animal, comme plus facile à reconnaitre au microscope et à l’aide des procédés mi- erochimiques. Vingt expériences sont relatives à l’absorp- tion de l'intestin , cinq se rapportent à la peau et au tissu conjonctif, deux aux membranes séreuses et trois aux voies respiratoires. | Il résulte de ces expériences que les particules solides peuvent, en effet, pénétrer à travers les membranes, che- miner dans le parenchyme et parvenir jusque dans l’inté- ( 044 ) rieur des vaisseaux lymphatiques et sanguins. Toutefois, cela n’a pas lieu toujours. 11 faut pour cela des conditions que l’auteur se réserve de déterminer plus loin. Il y a, no- tamment, une grande différence sous ce rapport entre l’homme et les vertébrés supérieurs d’une part, et les verté- brés inférieurs de l’autre. Chez les premiers, les particules solides introduites dans le tube digestif passent fréquem- ment et facilement dans le torrent de la circulation, alors que le fait arrive rarement et pour une faible portion seule- ment chez les reptiles. Un coup d'œil jeté sur quelques faits pathologiques, qui semblent également témoigner en faveur de la pénétration, termine cette deuxième section du mémoire. Il y est ques- tion de l'infection ou résorption purulente, du dépôt des éléments du chancre dans les glandes lymphatiques voi- sines de l’exulcération, du transport des pigments d’un or- gane à d'autres, de la mélanose des houilleurs , enfin du passage des entozoaires et des entophytes. La troisième section est consacrée à l'étude du méca- nisme de la pénétration des particules solides à travers les tissus de l’économie. Après avoir parlé de nouveau de l’ancienne doctrine des bouches absorbantes, l’auteur expose avec détails et dis- cute successivement les théories dites de la dilacération, de la porosité dans le sens de Keber et de la pénétration, telle que l’entend Ch. Robin. Il en démontre l'insuffisance, surtout par les difficultés qu’elles soulèvent et qui lui sem- blent insurmontables. Il traite ensuite de l'absorption des corps gras dont on sait qu'ils constituent une autre difficulté, sinon une autre négation de la théorie générale admise en physiologie. Ce pointrentre d’ailleurs pleinement dans lesujet du mémoire, (245) puisqu'il en est qui, à la température des tissus qu'ils tra- versent, sont solides. L'auteur se montre ici de nouveau bien au courant des travaux les plus récents et des procédés d'investigation les plus recommandables. Selon lui, il y a une différence entre le passage des matières grasses et celui des particules so- lides. L'absorption des premières, dit-il, est un acte normal, constant, el ces malières pénètrent dans l’inté- rieur des cellules épithéliales ; la pénétration des secondes est, au contraire, toujours éventuelle, anormale même, et ces particules ne passent pas dans les cellules. Après celte digression utile, l’auteur aborde ce qu'il ap- pelle lui-même le point culminant de la question. Dans une nouvelle série d'expériences, il prend pour point de départ ce qui se passe dans la cavité intestinale, et il interroge ensuite successivement les autres membranes muqueuses, les séreuses et la peau. Le résultat de ses re- cherches se résume dans les propositions suivantes : 1° Pour qu'il y ait pénétration, 1! faut que la muqueuse soit dépouillée de son épithélium, la peau de son épi- derme; 2 Dans ce cas, la surface dermique s’imbibe de liquide, et cette imbibition est beaucoup favorisée par le frottement et la pression qui sont mis en usage exprès, par exemple : dans l'application de certains médicaments, ou qui ré- sultent des contractions des organes voisins. L’endosmose, qui est également citée comme favorisant l’imbibition du ussu dermique, me semble devoir être écartée. En réflé- chissant bien sur la nature de cet acte physique, l'auteur conviendra, je pense, que ses conditions font ici défaut; 5° Le liquide, en imprégnant le tissu, le relàche, - souplit et élargit les interstices qui séparent les fibres; ( 546 ) 4° T1 y entraîne les particules solides ; 5° Cet entraînement est favorisé par la contraction des parois, par les mouvements des organes voisins, par des frictions, etc. ; 6° Une fois introduites, les particules solides peuvent pénétrer de plus en plus profondément, par l’action du li- quide parenchymateux, par la pression des organes voi- sins, etc. L'auteur désigne sa théorie sous le nom de théorie de l'infiltration. Je dois convenir que le mécanisme de la pénétration, tel qu’il est contenu dans ces propositions, découle natu- rellement des expériences et des observations produites dans le mémoire. Je ne sais cependant pas s’il est de na- ture à satisfaire tous les esprits. Quelque chose semble être réservé encore à des recherches ultérieures et à des perfectionnements que les théories éprouvent générale- ment lorsqu'elles ont suivi, pendant quelque temps, les voies qui leur sont ouvertes. Le fait que jamais les particules solides ne pénètrent dans les tissus quand l’épithélium ou l’épiderme n’est pas enlevé préalablement, mérite particulièrement l'attention, en ce qu'il marque bien la différence essentielle qui sépare l'acte de la pénétration des solides d’avec celui de l'absorp- tion des gaz et des liquides. Il explique aussi suffisamment pourquoi le premier de ces actes n'est pas une fonction, mais un accident, pourquoi il n’est toujours qu'éventuel pour ainsi dire, ayant lieu promptement dans certains cas, et ne se montrant dans d’autres pas même après plu- sieurs mois de contact constamment renouvelé entre le tissu et les particules solides. Il explique, enfin, pourquoi cet acte est moins fréquent chez les reptiles où l'épithé- ( 47 ) lium se détache plus difficilement dans lecanal alimentaire. Après avoir cheminé pendant plus ou moins longtemps dans le parenchyme des tissus , les particules solides par- viennent aux radicules des vaisseaux lymphatiques qu'elles traversent, L'auteur démontre cependant que, si c’est là la règle, la reprise par les veines a lieu par exception. Reçues dans les vaisseaux lymphatiques, les particules solides rencontrent un obstacle dans les glandes de ce sys- tème. Elles y sont arrêtées en grande partie et s’y amas- sent souvent en quantités considérables. Celles qui par- viennent plus loin ne sont pas éliminées par les voies de sécrétion; elles sont déposées dans la trame des organes, de préférence dans les poumons ou dans la rate. Il arrive qu'elles y sont de nouveau reprises par les lym- phatiques et transportées ailleurs, et ce transport peut avoir lieu au bout de longues années seulement. Mais, qu’elles se trouvent dans les glandes lymphatiques, dans les pou- mons ou partout ailleurs, elles peuvent y séjourner indé- finiment, dépourvues qu'elles sont de toute action physio- logique ou toxique, à moins d’être modifiées et rendues solubles par les fluides de l'organisme. Il me reste à dire quelques mots des deux appendices du mémoire. Le premier traite de la lésion communément appelée mélanose des houilleurs, on fausse mélanose des poumons, l'anthracose pulmonaire des pathologistes anglais. La plupart des anatomo-pathologistes de France et d'Allemagne se refusent d'en admettre l'existence. [ls sou- tiennent que la matière noire qui remplit te tissu intervé- siculaire et interlobulaire des poumons ne diffère pas de celle qui constitue la mélanose ordinaire, c’est-à-dire qu'elle est produite dans l'intérienr de l'organisme. Telle ( 548 ) est encore l'opinion de Rokitansky, Virchow, Lebert et Nasse. L'auteur du mémoire n’a pas fait de recherches propres sur ce sujet intéressant, mais il allègue des raisons en fa- veur de l’opinion que la matière en question est du charbon minéral venu du dehors et ayant pénétré à travers les vési- cules pulmonaires. Il à tort cependant de confondre la mé- lanose des vieillards avec celle des houilleurs. La question a d’ailleurs été traitée par deux de nos plus habiles confrères. M. Gluge, dans son Atlas d'anatomie pathologique, à positivement admis la mélanose des houil- leurs, et M. Melsens à publié, en 1844, en collaboration avec M. Natalis Guillot, des recherches qui prouvent que la matière noire en question est bien réellement du char- bon à l’état d’excessive division. En présence de ces autorités, j'ose à peine citer mes pro- pres recherches faites sur des poumons de sujets morts à Liége, de l’anémie des houilleurs. Plusieurs fois j'ai pu constater que la matière noire de ces poumons, qui est d'un aspect particulier et bien différent de celui que pré- sente la matière mélanotique ordinaire, est inaltérable par les acides, la potasse caustique et le chlore, et qu’elle est divisible au microscope en fragments qui ne diffèrent en rien des particules de charbon minéral qui constituent la poussière et teignent la boue aux environs des exploita- tions houillères. Je suis convaincu qu'aucun des anato- mistes qui nient l'affection n’a eu l'occasion de l’observer, et que tout le dissentiment repose sur une confusion de l'objet à examiner. Je n’entrerai dans aucun détail relativement au second appendice, qui traite des hémorragies par diapédèse ou transsudation du sang à travers des parois vasculaires re- ( D49 ) lâchées. L'auteur, après avoir signalé les circonstances dans lesquelles ce genre d'hémorragies se produisent, et après avoir rappelé ensuite les explications que la science possède du fait, affirme que les globules du sang traversent réellement les parois vasculaires intactes, et qu'ils les tra- versent par transsudalion comme les particules solides en général. Je crois avoir démontré que l’auteur du mémoire a bien compris la question mise au concours, qu'il y à répondu avec talent et succès, et que, par conséquent, il mérite le prix de l’Académie. Je désire cependant qu'il revoie le ma- nuscrit avant de le livrer à l'impression. Le style, généra- lement bon, me semble avoir été négligé un peu dans la seconde moitié du travail, sans doute parce que le temps pressait. II serait bon aussi de faire disparaître quelques longueurs, des répétitions inutiles et de raccourcir les cita- tions qui, dans un travail scientifique, n’ont pas toujours besoin d'être textuelles ni d'être données tout au long. Enfin, dans la discussion des opinions adverses, on ren- contre avec peine quelques expressions vives qui n’ajou- tent rien à la force des arguments et qu'on voudrait égale- ment voir remplacées par d’autres. Cette révision du mémoire me parait, du reste, être dans les intentions de l’auteur; car il fait remarquer que le temps ne lui à pas permis d'achever quelques figures qu’il aurait désiré y ajouter, relativement à la structure des vil- losités et de l'épithélium, à l’absorption de la graisse, à la présence des particules solides dans les interstices des tissus et à la dilatation des vaisseaux. » ( 550 ) Happort de PI. Schrircanse. « Une indisposition m’a empêché de faire un rapport détaillé sur le travail consciencieux que l’Académie a reçu en réponse à la question du concours de 1858. Je l’ai ce- pendant suffisamment examiné pour m'associer volontiers à la conclusion du premier commissaire, d'accorder le prix à l’auteur. » Bapport de M. Gluge. « L'absorption des molécules solides, c’est-à-dire leur pénétration dans le sang, à fait depuis nombre d'années _le sujet de discussions et de recherches, sans qu’un ré- sullat définitif et accepté par tout le monde ait été obtenu. Malgré les travaux publiés jusqu’à présent sur ce sujet, je n'avais pas encore considéré la doctrine de l’absorp- tion des corps solides suffisamment établie pour la faire entrer dans l’enseignement physiologique. L’excellent tra- vail, dont le premier rapporteur nous a donné une si complète analyse critique, met fin à tous les doutes. L’au- teur démontre, par un grand nombre d'expériences bien faites et consciencieusement analysées, que les molécules solides sont, en effet, absorbées. Le peu de temps pen- dant lequel j'ai eu à ma disposition le mémoire présenté au concours, ne m'a pas permis de répéter en grand nombre les expériences faites par l’auteur. J'en ai cependant pu exécuter quelques-unes. J'ai injecté du noir animal dans l'œsophage des grenouilles, et, après 24 heures, j'ai re- trouvé les molécules du noir animal dans le sang du cœur. ( Do1 ) Cette expérience a réussi deux fois sur quatre. L'auteur du mémoire à indiqué les raisons pour lesquelles l'expérience réussit moins souvent chez les reptiles que chez les mam- mifères. Mais si l'absorption des molécules solides est incontes- table, l'auteur démontre cependant que cette absorption dépend de certaines conditions. Pour que les membranes muqueuses et séreuses et la peau absorbent les molécules solides, il faut que les cellules épithéliales ou épidermiales aient disparu, car les molécules solides ne pénètrent pas dans ces cellules, Et voilà pourquoi probablement des ré- sultats si divergents ont été observés par les différents physiologistes qui se sont occupés de celle question. Sous ce rapport, l'absorption de la graisse, qui, elle aussi, pénètre souvent, sous forme de corpuscules très-ténus, dans les vaisseaux , se distingue de celle des corpuseules solides. La graisse pénètre dans les cellules épithéliales et autres, et à cette occasion, l’auteur me permettra de recüfier une de ses citations. [Il attribue à tort à M. Koelliker la dé- couverte de l’existence de la graisse dans le foie des mam- mifères pendant la lactation, fait que J'ai publié, treize ans avant ce savant, dans la première livraison de mon Atlas d'anatomie pathologique. Quant au mécanisme de la pénétration des corps solides dans la’ circulation, l’auteur me paraît rejeter, avec raison, toutes les théories développées jusqu’à présent, et la sienne me semble répondre le mieux aux faits observés par lui et par ses prédécesseurs. L’absorption des corps solides d’un petit diamètre est donc un fait démontré; mais celte absorption est un acci- dent, une anomalie. Dans l'état normal, les liquides et les gaz seuls pénètrent dans la circulation , et le mot rappelé ( 502 ) dernièrement par M. Mialhe : Corpora non agunt nisi solu- ta, conserve toute sa valeur. Ceux qui s'occupent de l'étude des états morbides comprendront les nombreuses appli- cations pratiques qu'on peut tirer des observations inté- ressantes que renferme ce mémoire, pourvu que cette application se fasse avec prudence ; car on dirait que notre époque, si favorable, d’ailleurs, aux recherches scienti- fiques, participe cependant un peu du mouvement imprimé à toute chose par la vapeur, à cause de la hâte avec les- quelles des lois générales sont formulées pour des phéno- mènes très-complexes, témoin la théorie de la pathologie cellulaire dont la mode commence à régner en Allemagne. L'auteur du mémoire à ajouté à son travail deux appen- dices qui se rattachent au sujet qu'il a traité, l’un sur la présence de molécules noires dans les poumons des ou- vriers houilleurs, et l’autre sur la transsudation des glo- bules sanguins. Sur le premier point, l’auteur, faute pro- blement d'observations propres, suffisantes, me parait s'être trompé, en n’admettant dans les poumons qu'un seul genre de dépôt noir, celui venu du dehors. Il existe réellement, ainsi que M. Spring vient de le confirmer par sa propre expérience, deux mélanoses des poumons, l’une des ouvriers houilleurs, l’autre commune chez les vieillards, et qu'on observe quelquefois dans le jeune âge, résultant de la transformation de la matière co- lorante du sang. Contrairement à l'opinion de l’auteur, on peut rencontrer ce pigment dans des cellules. Qu’à cette occasion, il me soit permis d'émettre le vœu que des re- cherches soient faites dans les hôpitaux de nos bassins houillers pour décider si le sang renferme des molécules de charbon dans la fausse mélanose, comme j'ai démon- tré, il v a longtemps, la présence de corpuseules de ( 209 ) pigment dans le sang des personnes affectées de véritable mélanose. La seconde note, qui termine le mémoire, se rapporte à la transsudation des globules sanguins sans la rupture des vaisseaux. Là encore les raisons qu'allègue l'auteur n'ont pas pu me convaincre. La diapédèse est possible , mais Je ne la crois pas encore prouvée, Ces questions ne devaient pas, du reste, être nécessairement traitées. Quoi qu’il en soit, l’auteur me parait avoir parfaitement résolu la question proposée par l'Académie. D'accord avec les conclusions des rapports de MM. Spring et Schwann, je propose d'accorder le prix à l’auteur, en l'invitant à revoir son travail pour la rédaction de la se- conde partie, et d’y ajouter les planches mentionnées à la fin de son mémoire. » La classe, conformément aux conclusions des trois rap- ports qui précèdent, a décerné la médaille d’or à l’auteur du mémoire présenté au concours, M. le docteur J. Crocq, professeur à l’université de Bruxelles, membre correspon- dant de l’Académie royale de médecine de Belgique. NOMINATIONS. La classe avait à nommer deux correspondants, ainsi que deux associés dans la section des sciences naturelles. La majorité des suffrages s’est portée sur les savants dont les noms suivent : Correspondants. M. le docteur Candèze, de Liége. M. le docteur Chapuis, de Verviers. (554 ) Associés. M. Louis Agassiz, à New-Cambridge, États-Unis. M. Guillaume Haïdinger, à Vienne. La classe, ensuite, a formé, par la voie du scrutin, une liste en double de sept membres pour le jugement du prix quinquennal pour les sciences physiques et mathéma- tiques. Cette liste sera transmise à M. le Ministre de l’in- térieur par le secrétaire perpétuel de l’Académie. a = COMMUNICATIONS ET LECTURES. eee MM. d'Omalius d'Halloy, Quetelet et Van Beneden ont terminé la séance, en donnant lecture des trois pièces des- tinées à la séance publique du lendemain. Cette séance sera terminée par la proclamation des résultats du concours annuel et par les nominations nouvellement faites dans la classe. | ( 00 }) Séance publique du 16 décembre 1858. M. »'Omazius D'HaLLoy, président de l'Académie. M. MELsEns, vice-directeur. M. An. QueTELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Wesmael, Martens, Can- traine, Stas, De Koninck, Van Beneden, Devaux, Edm. de Selys-Longchamps, Nyst, Gluge, Nerenburger, Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, membres ; Schwann , Spring, Lacordaire, associés ; Ernest Quetelet, Ch. Mon- tigny, correspondants. Assistent à la séance : .. Classe des lettres : MM. M.-N.-J. Leclereq, directeur; Gachard, De Decker, Schayes, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associés; Kervyn de Lettenhove, correspon- dant. Classe des beaux-arts : MM. Guillaume Geefs, directeur; Fr. Fétis, vice-directeur ; Alvin, Braemt, Navez, Roelandit, SUYS, Érin Corr, Snel, Partoes, Baron, Édouard Fétis, Edm. De Busscher, membres. La séance est ouverte à 1 heure et demie. M. d'Omalius d'Halloy, directeur de la classe et président de l’Académie, donne lecture du discours suivant : MESSIEURS, La première fois que j'ai été appelé à me conformer à l'usage, d’après lequel les directeurs des classes pronon- cent un discours à l'ouverture des séances publiques, je ( 596 }) vous ai entretenu de l’embarras que j'éprouvais; mais comme ce n’était que depuis peu que la classe des sciences était séparée de celle des lettres, j'ai cru que vous seriez assez Justes pour ne point établir de comparaison entre les paroles d’un naturaliste qui n’a point l'habitude de ce genre de composition, et celles des littérateurs élo- quents qui m'avaient précédé au fauteuil. Aujourd'hui, Je ne puis plus invoquer cette circonstance atténuante, car plusieurs de mes prédécesseurs de la classe des sciences, notamment celui que je remplace immédiatement, ont prouvé que l’on pouvait eaptiver l'auditoire tout en l’en- tretenant de hautes considérations scientifiques. Toutefois, il me reste encore un motif bien valable pour réclamer de nouveau votre indulgence : c’est celui qui a porté mes confrères à m'appeler encore une fois à l’honneur de les présider, c’est-à-dire la circonstance que Je suis devenu le plus ancien des membres de l’Académie. J'ose donc espérer que vous n’exigerez pas de mes vieux ans, ce qui vous à été donné par des hommes dans la force de l’âge. J'ai cru aussi que mon insuffisance serait mieux dissi- mulée, si je vous entretenais d’une de ce$ questions ar- dues sur lesquelles on ne se mettra probablement jamais d'accord. Je vais, en conséquence, dire quelques mots sur la question de savoir si l’espèce est quelque chose d'absolu dans la nature, ou si ce n’est qu'une de ces abstractions imaginées par la science pour parvenir plus facilement à la connaissance des êtres. J'ai déjà eu l’occasion de tou- cher accidentellement cette question, lorsque j'ai traité de la série paléontologique, mais l'importance du sujet me fait espérer que vous excuserez quelques répétitions. On sait que la matière est soumise à l’action de diverses ( 297 ) forces qui modifient ses propriétés. Ces forces, qui sont un des résultats les plus mystérieux de la création, ne nous sont connues que par leurs effets, et nous ne savons pas si elles sont de natures différentes, ou si ce n’est que la ma- nifestation d’une même force sous des formes diverses. Deux de ces forces sont en rapport avec la question qui nous occupe : ce sont celles connues sous les noms d'afji- nité et de vie. La première a pour résultat de donner nais- sance aux êtres nalurels que nous appelons minéraux, la seconde aux êtres naturels que nous appelons végétaux et animaux (1). L’aflinité et la vie n’agissent point arbitrairement sur la matière; leur action est, au contraire, soumise à des règles d’après lesquelles les corps qui en résultent sont doués de propriétés particulières, et se représentent suc- cessivement avec des caractères déterminés, mais qui sont (1) Ce rapprochement de la vie et de l’affinité ne doit point être consi- déré comme ayant une tendance matérialiste; car l’âme, c’est-à-dire le principe immortel que la religion nous fait connaitre comme ayant été donné à l’homme par le Créateur, est tout autre chose que la vie, c’est-à- dire la force qui donne à la matière les propriétés des corps organisés. On ne doit pas non plus repousser le rapprochement de la vie avec les au- tres forces naturelles par la circonstance que la vie agit d’une manière plus restreinte, car toutes ces forces n’agissent pas d’une manière aussi générale les unes que les autres; c’est ainsi, par exemple, que, si la pesanteur agit constamment sur la matière pondérable, cette matière se trouve souvent dans des conditions où l’affinité et l'électricité n’exercent sur elle aucune action appréciable, et si nous voyons la vie s'éteindre au bout d’un temps déterminé chez les êtres qui en sont doués, nous voyons également certains phénomènes de l’ordre inorganique ne se manifester que pendant des in- stants plus ou moins courts. D’un autre côté, nous ne pouvons pas plus con- cevoir le mouvement des astres sans admettre une première impulsion, que nous ne concevons le mouvement vital sans l'intervention d’un être qui en était doué antérieurement. 2° SÉRIE, TOME V. 571 ( 998 ) variables dans certaines limites. I n’y a nul doute que cette fixité et cette variabilité ne soient le résultat des lois qui régissent les effets de laffinité et de la vie; mais, lorsque nous ne connaissons pas la nature intime de ces forces, pouvons-nous nous flatter de pouvoir déterminer le point exact où s'arrête la fixité et où commence la variabilité ? Or, c’est précisément ce que font ceux qui admettent que ce que nous appelons espéce représente une limite que la variabilité ne peut franchir. Examinons donc si l’on est effectivement parvenu à trouver ce point. : Si nous commençons par le règne inorganique, qui, étant celui où les phénomènes sont les moins compliqués, doit être celui où les lois naturelles sont les plus faciles à reconnaître, nous trouvons de grandes divergences sur la définition de l’espèce ; car, sans nous arrêter aux opinions qui étaient en vogue avant que les progrès de la chimie moderne eussent permis de connaître la nature des miné- raux, nous rencontrons trois systèmes principaux en pré- sence : celui qui voit une espèce particulière dans chaque forme qu'affectent les cristaux d’un minéral de même com- position; celui qui ne voit, au contraire, une espèce que dans les minéraux de même composition, et l'opinion in- termédiaire qui voit une espèce dans la réunion d’une même composition et de la cristallisation suivant un même type. Le premier de ces systèmes , qui toutefois n’a presque pas de partisans, a l'inconvénient de multiplier les espèces presque à l'infini, et de laisser en dehors de la méthode la plus grande partie des substances minérales. Le second, qui est préconisé par les chimistes, réunit, au contraire, des substances qui n’ont quelquefois qu'un seul caractère commun , et souvent n’est point susceptible d'application, à ( 229 ) cause de la manière dont les éléments se mêlent et se sub- stituent ; enfin, le troisième, qui est le plus généralement adopté par les minéralogistes, est aussi d’une application très-difficile, ainsi que le prouvent les divergences d'opi- nions qui existent entre les auteurs, divergences qui sont telles, que nous ne voyons pas deux traités de minéralogie où il n'y ait des espèces délimitées de manière différente. Nous pouvons donc dire que, si l'espèce minérale existe dans la nature comme division nettement tranchée, la science n’est pas encore parvenue à connaitre les carac- tères qui servent à la distinguer. Si nous passons maintenant à l'espèce organique, nous verrons que l’on n’a pas même pu, jusqu'à présent, la dé- finir, comme l'espèce minérale, par les caractères que présentent les êtres, mais que l’on a été obligé de recourir à des hypothèses. On ne peut, en effet, disconvenir que quand on dit que l'espèce se compose d'êtres descendants d'ancêtres qui leur ressemblaient, on exprime une hy- pothèse et même une hypothèse que l'on ne peut faire concorder avec les observations paléontologiques, qu’en supposant soit l'existence de plusieurs créations générales successives, supposition peu probable d'après ce que nous connaissons de la nature, soit que l'existence des espèces actuelles, dans les temps anciens, ait pu échapper aux paléontologistes , lorsque ceux-ci ont déjà fait assez d’ob- servations pour déterminer les caractères de plus de vingt mille espèces perdues. Il est à remarquer, d’un autre côté, que, sans remonter à des temps antérieurs à la période géologique actuelle, on ne peut disconvenir qu'il existe deux ordres de phéno- mènes qui dérogent à la définition que je viens d'indiquer. Ces phénomènes sont les croisements et les changements | ( 960 ) qui se produisent chez les êtres vivants lorsqu'ils sont placés dans des conditions différentes de celles où ils avaient l'habitude de se trouver. Je ne répéterai pas ce que J'ai déjà en l’occasion de dire (1) sur les changements que les causes extérieures produisent chez les êtres vivants ; vous savez tous, d'ail- leurs, que les végétaux, transportés d’un climat dans un autre, perdent une partie de leurs caractères, et que les cullivateurs sont parvenus à rendre les animaux domes- tiques plus propres aux usages auxquels on les destine. On répond, à la vérité, que ces changements ne s’opèrent que dans des limites restreintes, qui n’affectent pas l'es- pêce, et qu'ils ne produisent que des variétés. Mais si nous recherchons ce qui distingue l’espèce de la variété perma- nente, nous retrouvons encore le vague, et nous voyons que l’on considère souvent comme simples variélés des êtres qui diffèrent plus entre eux que d’autres que l’on con- sidère comme appartenant à des espèces distinctes. Si nous demandons ensuite la cause de ces anomalies, on répond que les premiers jouissent de la faculté de se reproduire facilement entre eux, tandis que les autres sont privés de celte propriété, ce qui nous reporte au second mode de dérogation, c’est-à-dire aux croisements. On sait que les croisements donnent naissance à des êtres qui diffèrent de leurs parents, puisqu'ils présentent un mélange des caractères du père et de ceux de la mère; mais les partisans de l’invariabilité de l'espèce disent que celle-ci n’est pas atteinte par ce phénomène, attendu qu'il (1) Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1846, t. XI, 1'e partie, p. 584. ( 61 ) n'ya que les hybrides, provenant des variétés d'une même espèce, qui peuvent se reproduire indéfiniment, tandis que ceux provenant d'espèces différentes ne jouissent que d'une fécondité bornée à un pelit nombre de généra- ions. Sans m'arrêter à la circonstance que l’on retombe encore ici dans le vague de la distinction entre la variété et l’espèce, je ferai remarquer qu'il n’y a pas longtemps que l’état des observations permettait de s’exprimer d'une manière beaucoup plus favorable à ce système. En effet, lorsque l’on disait que les hybrides d'espèces différentes étaient stériles, on avait, à la vérité, le tort d'établir une loi générale sur des résultats négatifs; mais on pouvait, au moins, se rendre facilement raison de cette loi, en supposant que ces hybrides avaient des vices de conforma- tion qui interdisaient toute reproduction. Mais actuelle- ment que l’on a vu ces êtres se reproduire pendant trois ou quatre générations , est-1l bien rationnel d'établir sur des conclusions négatives une loi aussi contraire à tout ce que nous connaissons, que celle qui limiterait la repro- duction de certains êtres à un petit nombre de généra- tions ? On doit se tenir d'autant plus en réserve lorsqu'il s’agit de tirer des conclusions générales concernant la reproduc- tion des êtres d'après des considérations négatives, que nous voyons que des soins mieux entendus ou d’heureux hasards donnent quelquefois lieu, dans nos ménageries et dans nos serres, à des reproductions que l’on avait cru jusqu'alors ne pouvoir se faire en captivité ou dans nos climats. Peut-on dire, d'ailleurs, que des expériences , tentées par des savants dans des conditions défavorables, suffisent pour nous faire connaître les dernières limites des phéno- ( 562 ) mènes que peut produire la force vilale, lorsque nous voyons tous les jours que ce je ne sais quoi, que les ou- vriers nomment le tour de main, exerce une si grande influence sur le développement des phénomènes naturels qui donnent naissance à une foule de produits industriels? Je ne répéterai pas non plus ce que j'ai déjà dit ici même (1) sur la reproduction des hybrides et sur la pro- babilité que l'espèce animale que nous avons le plus fré- quemment sous les yeux, provient du croisement d'espèces différentes; mais j'ajouterai que, depuis lors, un savant zoologiste a émis l'opinion que deux autres de nos espèces domestiques actuelles sont également le résultat du eroi- sement de plusieurs espèces (2). J’ajouterai également que, si un savant et éloquent physiologiste disait naguère (3) que la production d’un seul hybride a suffi pour renverser la théorie des germes pré- existants, je crois pouvoir dire, de mon côté, que la re- production d'un seul couple hybride suflil pour prouver que les lois de la nature ne repoussent pas d’une manière (1) Bulletins de l’ Académie, 1850, t. XVII, p. 505. (2) M. Fitzinger a fait connaïtre à l’Académie des sciences de Vienne, au mois d'avril 1858, qu’il résulte de ses recherches que, outre le sanglier Sus scrofa), que l’on est convenu de regarder comme la souche de toutes les races porcines domestiques, quatre autres espèces du même genre et une cinquième d’un genre voisin, ont contribué à produire ces races, savoir : les Sus leucomistax, crislatus, papuensis, sennariensis et le Potamo- chaerus pennicillatus. Il a ensuite communiqué, le 15 juillet suivant, un nouveau travail, où il admet que les 145 races chevalines, présentement connues, ont pour souches cinq espèces originaires, savoir : le cheval sans poil (Equus nudus), le tarpan ou cheval sauvage d'Orient (£. caballus), le cheval agile (£. velox), le cheval pesant (£. robustus), et le koomrah ou cheval nain (£. nanus). (5) Cours de physiologie comparée ; par M, Flourens, Paris, 1856, p. 50, ( 65 ) absolue l'établissement de nouvelles formes spécifiques par la voie des croisements. En eflet, dès qu'un phéno- mène naturel s'est produit une fois, 1l est possible, et dès qu'un phénomène naturel est possible, sa fréquence ou sa rareté ne lieunent qu'à la fréquence ou à la rareté des conditions qui favorisent ou qui empêchent sa pro- duection. Je ferai encore remarquer qu'il y à une autre série de faits qui prouvent la faiblesse de nos moyens pour distin- guer les espèces : ce sont les caractères dont on se sert pour ce qui concerne les êtres dont nous ne pouvons pas expérimenter la reproduction ou vérifier la fihation. En effet, ce n'est pas toujours sur l’importance des caractères que l’on établit la distinction des espèces qui se trouvent dans ces conditions, mais c’est quelquefois sur la circon- stance que ces caractères ne passent pas de l’un à l’autre. C'est ainsi que deux individus qui présentent des carac- tères très-différents, seront classés dans une même espèce, si l’on à observé que les différences qui les distinguent se lient dans d'autres individus par des séries de nuances insensibles, tandis que deux individus qui ne diffèrent que par un caractère beaucoup moins saillant, seront rangés dans deux espèces particulières, si l'on n’a pas observé de passages entre les caractères qui constituent cette diffé- rence. Or, outre qu'il n’est pas convenable d'accorder plus d'importance à de petits qu'à de grands caractères, il est à remarquer que cette marche met dans le cas de refondre une espèce dans une autre, chaque fois que l’on découvre un passage que l’on n’avait pas encore eu l'occasion d’ob- server. | Je n’ai point la prétention de me croire appelé à décider une question aussi difficile que celle de l'espèce ; mais ( 564 ) comme les maîtres de la science ne sont pas d'accord à ce sujet, je crois pouvoir émettre ma manière de voir, et dire que, selon moi, l'espèce n'est pas quelque chose de plus tranché que les autres modifications que la science dis- tingue dans les produits des forces naturelles. Je suis loin de contester que le Créateur ait fait ces forces de manière à conserver, du moins pendant un temps déterminé, l'ordre admirable qui règne dans l'univers; mais, outre que cette conservation n'exclut pas les changements qui peuvent en- trer dans le plan général, 1l est à remarquer que, quand nous voyons des choses tranchées dans la nature, c'est que nous n’apercevons pas les intermédiaires qui les ent entre elles, et que, plus nos observations se multiplient, plus se confirme cette grande loi de continuité qui a été en- trevue depuis longtemps et que Leïbnitz a proclamée d’une manière si formelle (1). Les naturalistes qui admettent la distinction tranchée et l’invariabilité des espèces, trouvent que l'opinion con- traire renverse toutes les données de l’histoire naturelle; mais il n’en est rien, les faits restent les mêmes, et chacun peut continuer à établir ses classifications de la manière qui lui paraît la plus rationnelle ou la plus propre à faci- liter l'étude de la nature. On devra seulement être aussi indulgent pour les divergences dans la délimitation des espèces, que pour celles relatives aux genres, aux familles, aux ordres et aux classes; car il n'y à d'autre différence (1) Il est inutile de faire observer qu'en parlant ici de la continuité, c'est- à-dire des rapports qui existent entre les phénomènes naturels, ainsi qu’entre leurs produits, je n’entends nullement dire que les êtres forment une série unique; on sait maintenant que ces rapports s’établissent d’une manière réticulaire. ( 565 dans ces deux systèmes qu'une hypothèse de moins, hy- pothèse à laquelle on pourrait reprocher de conduire à l'intolérance, s'il était permis d'employer une expression empruntée à une autre série d'idées. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel, donne ensuite lecture de la notice suivante sur les travaux de l'ancienne Académie. MESSIEURS, L'époque de la réorganisation de notre Académie s'éloigne rapidement : depuis 4816, année où le change- ment eut lieu, il ne reste déjà plus, parmi les membres effeetifs, que notre honorable confrère M. d'Omalius, pré- sident actuel de l'assemblée. En ma qualité du plus ancien de ses collègues, je me permettrai de dire quelques mots sur celte période de renaissance. En établissant une société savante, on à principale- ment pour but de mettre en contact des hommes qui s'oc- cupent des mêmes études et qui peuvent s’entr'aider mu- tuellement pour s’éclairer et pour produire de grands travaux. Les Académies appartiennent aux temps mo- dernes; cependant le sièele de Périclès, de même que celui d'Auguste, montrait déjà les résultats auxquels on peut arriver, quand un homme supérieur use de son influence pour réunir et associer utilement les intelligences les plus distinguées. Plus tard, on a dit le siècle de Louis XIV, comme on disait le siècle d’Auguste; mais les entreprises scientifi- ques, celles surtout qui résultent d’une association, n’exis- (566 ) taient pas encore : des hommes d’un talent éminent se trouvaient réunis, échangeaient leurs idées, mais n’avaient point de but commun. C'est sous Louis XV particulière- ment que l’Académie des Sciences de Paris donna ce bel exemple; c’est alors qu'avec une spontanéité admirable, elle voulut s'assurer, par des expériences, si notre globe est allongé ou aplati. Elle se divisa en deux fractions, dont l’une alla résoläment mesurer un arc du méridien au Pérou, tandis que l’autre s'acheminait vers le pôle. L’his- toire n’a point oublié cette glorieuse initiative; elle se rappellera’ surtout avec reconnaissance la chevaleresque énergie de La Condamine, le promoteur le plus actif de ce grand ouvrage qu'il termina d’une manière audacieuse en descendant, avec quelques Indiens, l’un des plus grands fleuves du monde. La Condamine appartenait à la noblesse française; il sut inaugurer, le premier, la transformation sociale qui allait s’opérer; il attacha son nom à l’une des plus grandes opérations scientifiques, comme il l'aurait fait, quelques siècles plus tôt, en l'illustrant par une entre- prise militaire. Plus tard, l'Académie, qui s’occupait à fixer la longueur d'un are du méridien jusqu'en Espagne, donna une autre preuve non moins sympathique de son zèle pour les scren- ces : elle réunit les hommes les plus éclairés des difié- rents pays pour arriver à l'adoption du mètre, qui semble devoir devenir l'unité de mesure de toutes les nations eivi- lisées. Cette adoption ne sera pas seulement un service rendn à la science, mais encore un bien inappréeiable pour le commerce et l’industrie. Ge sont ces travaux d'ensemble qui caractérisent les Académies; c'est cette puissante impulsion qui forme leur essence. Nous ne prélendons certainement pas que tous les ( 567 ) corps savants doivent produire des ouvrages aussi grands que ceux que nous venons de signaler : un petit pays ne saurait réaliser ce qu'exécuterait l'Académie des sciences de Paris ou la Société royale de Londres; mais, dans des limites étroites , il est des œuvres collectives qu'il pourrait entreprendre avec plus de chances de succès. Voyons toutefois si notre Compagnie, au moment de sa renaissance, était animée de cette généreuse ardeur, et si, chez ses membres, le désir de travailler pour l’hon- neur du pays et le bien de la science prédominait sur les sentiments individuels. Nous n'obéirons pas à d’aveugles préventions : nous exposerons simplement les faits. L'Académie, quand elle fut réorganisée, en 1816, se composait de savants et de littérateurs pris dans les diffé- rentes parties du royaume; la moitié des membres étaient hollandais , et une grande partie des membres belges habi- taieut dans les provinces. Cette séparation exerçait l’in- fluence la plus fatale, surtout à une époque où les moyens de transport étaient encore d'une désespérante lenteur. D'une autre part, le secrétaire perpétuel qui aurait pu, par une incessante activité, porter quelque remède à ces obstacles, n'avait, malgré son savoir et sa haute probité, aucune des qualités propres à remédier au mal. Ce mal ne tarda pas à être aperçu; on s’en plaignil, et le secrétaire fut le premier à se démettre de ses fonctions. Il eut pour successeur M. Dewez, l'historien de nos provinces. L’étonnante activité du commandeur de Nieuport, mal- gré l'approche de sa quatre-vingtième année, ses soins incessants comme directeur de l’Académie, en même temps que les talents supérieurs et l’urbanité de M. Falck, alors premier ministre du royaume, rendirent à ce corps l’ardeur qui lui avait manqué à l’origine. [l ne fut pas (568 facile, il est vrai, de remédier entièrement à une organi- sation vicieuse, mais 1l fut possible au moins de pallier le mal et d'essayer, pour les grands travaux académiques, plus peut-être qu'on n’a osé depuis. L'Académie, dès son origine, reconnut ce principe qui me semble devoir être admis partout, qu’elle existe prin- cipalement pour faciliter les travaux d'ensemble devant les- quels échoueraient le savoir et l’activité d’un seul homme. M.d'Omalius entreprit le premier de présenter une carte géologique pour notre pays et pour la France : tous les hommes instruits savent de quel heureux augure fut ce premier essai, et combien 11 était digne de recevoir son complément. Mais un pareil travail exigeait des recherches approfondies, de longues études; aussi l'Académie, avant de commencer cette œuvre considérable, comprit-elle qu'il était nécessaire d'en réunir les prineipaux éléments. Elle appela done lattention sur les diverses provinces du royaume; elle demanda successivement les éléments géologiques de chacune d'elles, et son appel fut compris par les savants les plus en état de laider. Elle reçut tour à tour des travaux sur les provinces de Hainaut, de Namur, de Luxembourg, de Liége et de Brabant, et distribua ses récompenses à leurs auteurs : MM. Drapiez, Cauchy, Steininger, Engelspach-Larivière, Davreux, Du- mont et Galeotti. Elle se crut alors en possession de maté- riaux assez nombreux pour former une carte générale; et elle en chargea MM. Dumont et Galeotti, qu’elle avait cou- ronnés tous deux dans ses concours. M. Galeotti, par son absence prolongée en Amérique, ne put s'acquitter de la part qui lui était réservée dans la description des terrains nouveaux avoisinant fa mer; et M. Dumont fut chargé d'exécuter seul cette grande entreprise. Vous savez, Mes- ( 69 ) sieurs, avec quel généreux dévouement il s'acquitta de sa mission, vous savez qu'il ne vivait que pour la remplir dignement, et qu’à ce désir exclusif 11 sacrifiait tous ses soins, toutes ses connaissances, toutes ses forces. Il a pu le terminer, mais il a terminé en même temps sa labo- rieuse carrière. Il reçut, avant de mourir, une noble ré- compense : son travail fut couronné à l'exposition univer- selle de Paris, et distingué parmi les travaux des hommes les plus honorables connus dans la science. Nous avons essayé de lui prouver aussi que nous étions sensibles à ce triomphe si bien mérité. Cette œuvre importante fit éclore naturellement d’autres ouvrages qui prirent du développement par les soins de notre Académie. Je veux parler de la partie paléontolo- gique, ce complément obligé de la géologie, qui fut par- ticulièrement enrichie par les travaux de MM. Schmerling, De Koninck, Nyst, Chapuis, Dewalque, de Ryckholdt, Bosquet, Le Hon et de tant d'autres savants. Toutes ces recherches ne sont pas, il est vrai, le fruit de la première période de renaissance de notre compa- gnie, mais l'élan était donné, et il se fit sentir d’abord sous la seconde période, à partir de la révolution de 1850 jus- qu'à la réforme de l’Académie en 1845, et depuis cette dernière division en trois classes jusqu’à nos Jours. L'idée première qui présida à la création de ce vaste travail d’ea- semble se développa dès lors dans toute son étendue, et produisit, comme conséquences nécessaires, les princi- paux travaux géologiques qui ont paru depuis. Si je ne parle pas des ouvrages de botanique et de z00- logie qui ont précédé 1850, ce n’est certainement pas que Je méconpaisse leur mérite ; mais ces ouvrages, fruits heu- reux d’études particulières, n'étaient pas recueillis avec ( 570 ) l'esprit de généralité qui nous occupe plus spécialement ici. Chaque naturaliste suivait, avec plus ou moins de talent, ses études préférées, et ne songeait pas encore à un travail d'ensemble, où les autres savants dussent interve- nir. Peut-être conviendrait-il de demander aujourd’hui, pour ces sciences , ce qui à été effectué avec tant de succès pour la géologie. Les sciences politiques qui commençaient à se dévelop- per pendant la première période académique, donnèrent également une marque éclatante de leur existence. Depuis notre séparation de la France, on comprenait l'utilité d’un recensement de population : des lacunes existaient dans les appréciations scientifiques ainsi que dans les relevés administratifs. L'Académie crut devoir présenter ses ob- servalions à cet égard et jugea le sujet assez important pour le soumettre à un concours général. Le prix ne fut point décerné; mais le Gouvernement adopta la mesure si puissamment recommandée, et pour lui donner plus d'étendue et de vigueur, il institua des commissions de statistique dans toutes les provinces. Ces commissions ces- sèérent leurs fonctions par suite de la révolution de 1850, mais elles prirent une forme plus régulière sous le Gouver- nement actuel, par les soins éclairés de M. Liedts, alors ministre de l’intérieur. | Les travaux administratifs de la statistique furent donc détachés , et avec raison, des travaux purement théoriques; mais, pour assurer à la nouvelle commission toute la latitude nécessaire, on |lui donna en même temps une organisation scientifique qui fut suffisamment appréciée par quelques États étrangers pour avoir suggéré l’idée.d’y créer des commissions semblables. | Des raisons aualogues détachèrent des atiributions aca- ( 571 ) démiques la triangulation générale de la Belgique, qui de- vait faire suite au travail que le général Crayenhoff avait exécuté en Hollande. Mais il est à regretter que tous les documents réunis aient été perdus pour la science et pour le pays, quand éclata la révolution de 1850. Espérons cependant qu'un de nos collègues, qui s’est dévoué à ces études, pourra remplir le vide qui existe encore dans la carte géodésique de l'Europe. Je ne parlerai pas des beaux-arts nt des lettres; ils appartiennent aux deux autres classes de l'Académie : je dois me renfermer ici dans nos travaux spéciaux, et l’on pourra voir par ce qui suit que les sciences physiques et mathématiques comprirent leurs devoirs tout aussi bien que les sciences naturelles. Dès le principe, l'Académie réorganisée rendit un véri- table service aux études purement mathématiques. Les merveilleux secours qu'on avait tirés de l'analyse, avaient porté généralement les savants vers celte branche féconde de nos connaissances, mais en altachant peut-être une idée trop inférieure aux ressources de la géométrie, malgré les admirables travaux de Monge et de Carnot. Notre Aca- démie, quoique naissante, chercha à leur offrir uu asile pendant celte défaveur temporaire : l’un de nos mathéma- uciens les plus habiles et les plus ingénieux, M. Dandelin, seconda cet effort. Un journal s'établit et uint lieu, en quelque sorte, de nos bulletins qui n’existaient pas encore et qui bientôt devaient servir de modèle à tous ceux qui ont été créés depuis (1). Entrant dans les mêmes vues, les (1) Les Bulletins de l Académie royale de Bruxelles, qui furent précé- dés par la Correspondance mathématique el physique ; par A.Quetelet, 11 volumes in-4°, 1825 à 1859. ( 072 ) géomètres de France et de l'étranger dirigèrent leurs écrits vers la Belgique qui semblait leur ouvrir une carrière nouvelle. L'Académie couronna un des ouvrages les plus remarquables de cette époque, l’Aperçu historique sur l'ori- gine el le développement des méthodes de géométrie, par M. Chasles, aujourd’hui membre de l’Institut de France. Elle ouvrit également son recueil à M. Poncelet, l’ingé- uieux auteur du Traité des propriétés projectives des figu- res, ainsi qu'à MM. Ampère, Hachette, Olivier, Gergonne. Je ne citerai pas les autres savants français, ni ceux d’An- sleterre, d'Allemagne, d'Italie et des principales régions de l'Europe qui voulurent bien prendre part à cette espèce d'appui accordé aux études purement géométriques. Ce concours des différentes nations prouve au moins que, dès sa réorganisation, l'Académie fut entendue, et qu’elle put compter sur les sympathies de tous les géomètres voisins. Jusqu'en 1815, notre pays avait passé, comme un butin de guerre, aux mains les plus habiles qui exploitaient ses richesses sans trop se préoccuper de son avenir. Les let- tres et les sciences, pendant plus de deux siècles, avaient langui de la manière la plus déplorable. IL fallait tout or- ganiser : le peu qui avait été fait pour la physique, depuis la création de l'ancienne Académie, était dû généralement à des Anglais; mais on avait à peine quelques observations météorologiques, et l’un de nos confrères les plus con- sciencieux demandait encore, en 1824, dans nos mé- moires, si la variation diurne du baromètre s’observait bien réellement chez nous (1). Quant à la physique du globe, il n’en existait pas les (1) Tome Il des Hémoires, p. 254. ( 79 ) moindres rudiments. C'étaient ces lacunes dans les sciences d'observation qu'il fallait combler; l’Académie le sentit parfaitement , et elle sut prendre l'initiative. MM. Falck, de Nieuport et quelques autres savants pensèrent à remplir ce vide. On me proposa de conduire l’entreprise, je le fis : J'avais à négliger en quelque sorte mes propres travaux pour ne m'occuper que des intérêts du pays. Nos premiers soins eurent pour objet l'élaboration d'une météorologie complète; mais il fallait pouvoir compter sur le concours d’autres savants, du moins pour les éléments, qui peuvent s’obtenir des observateurs sans exiger trop de temps ni de peine. Liége, Louvain, Gand, Alost et divers autres points du royaume eurent des savants qui ne tardèrent point à me prêter leurs bons offices (1). Le Gouvernement, pour faci- liter ces travaux, voulut bien donner des instruments comparables, et l'Académie ouvrit ses recueils aux obser- valeurs. En même temps, l'Observatoire royal entreprit de réunir les éléments d’une physique du globe : 1l s’occupa tour à tour des températures de l’intérieur de la terre, du rayon- nement solaire, du magnétisme du globe, de son électri- cité, des hauteurs des marées, des étoiles filantes, etc.; ces objets exigeaient un temps considérable et des rela- tions nombreuses dans le pays et à l'étranger. Nous pour- rious citer les noms les plus illustres, ceux de Humboldt, Gauss, Arago, Herschel, Aïry, Encke, Maury, Hansteen, Kupffer, Sabine, Lamont, etc., si nous avions à prouver (1) Parmi les observateurs, nous nommerons MM. Crahay, Duprez, Maas, Dewalque, Montigny, Leclercq, Van Oyen, Germain, Raingo, Ver- haegen, Dehoon, elc. 2€ SÉRIE, TOME V. 38 ( 974 ) la sympathie et l'appui que ces recherches trouvèrent chez les autres peuples. Les travaux d'ensemble augmentaient encore d'impor- tance par les recherches particulières qu'on nous deman- dait; dans aucun cas, nous n'avons reculé devant les pro- positions réciproques qui nous étaient faites; nos illustres collègues de l'étranger nous accorderont volontiers cette Justice. Ainsi, pendant son séjour au cap de Bonne-Espérance, sir John Herschel avait demandé à la plupart des météo- rologistes de l’Europe de faire des observations aux sol- stices et aux équinoxes; mais les stations étaient trop éloignées : celles de la Belgique, moins disséminées, pré- sentaient plus d'ensemble. Sur l'invitation de lillustre astronome anglais, nous consentimes à renouveler son appel, et 1l fut possible d'établir environ quatre-vingts stations en Europe, dont l’Académie publia les observa- tions. Au bout de quelques années, cependant, il fallut renoncer, faute d'aides calculateurs, à ce labeur pémible, qui fut repris ensuite par M. Lamont, directeur de lObser- yatoire de Munich, mais abandonné pour les mêmes causes. Ces travaux furent en quelque sorte les avant-coureurs des gigantesques entreprises exécutées depuis. En effet, vers la même époque, l'Observatoire répondit à la demande de l’illustre Gauss : il observa d'heure en heure, avec les savants Allemands, les déviations de l'aiguille magnétique pendant une nuit et deux jours de chaque mois. Lorsqu’en 1841, la Société royale de Londres, sur linvitation de M. de Humbolt, fit un nouvel appel aux différents pays pour observer simultanément le magnétisme et les instru- ments météorologiques de deux en deux heures, et sans discontinuer pendant le cours d’une année: je voulus y ( 79 ) répondre encore pour la Belgique, et le Gouvernement m'autorisa à prendre les aides nécessaires. Ce travail pé- nible à duré pendant six années, et nous pouvons aujour- d'hui, de l’assentiment des juges les plus compétents, placer notre pays, pour tous les travaux de la physique du globe faits depuis 1827, parmi les plus avancés dans ce genre d'études (1). Une fois lancé dans cette voie, l’Académie royale voulut pousser l'étude des phénomènes périodiques aussi loin qu'il était possible de la conduire, et embrasser à la fois tous les phénomènes qui dépendent de la succession des Jours et des saisons. En 1858, une proposition fut faite aux nalu- ralistes pour s'occuper de préciser les rapports du temps avec les phénomènes de la botanique et de la zoologie. Uu appel semblable se faisait, vers la même époque, par les soins des savants allemands, MM. Fritsch et Kreil. Cette étude, aujourd'hui, n’est pas seulement familière à notre Académie, elle occupe en grande partie l'attention des savants de tous les pays, mais spécialement des naturalistes allemands (2). C'est ainsi qu'il a été possible de former, pour notre royaume, un traité de météorologie, qui sera suivi bientôt d’une physique du globe en Belgique, traité qui n'existe encore, CrOYOnS-NOUS, pour aucun autre pays. (1) Depuis 1847, des instuments enregistreurs, établis à l'Observatoire, donnent d’une manière continue l’état du baromètre, du thermomètre, de l'hygromètre, des quantités d’eau tombée, de la force et de la direction des vents, etc. (2) Voyez les différents articles à ce sujet que j'ai insérés dans le Bulletin de l’Académie. Voyez aussi l’article étendu que je viens de’ donner dans le nouveau recueil publié par M. Peters, directeur de l'Observatoire d’Altona, Periodische Erscheinungen der Pflanzen ; in-8°; 1858. ( 276 ) Parmi les travaux généraux bien dignes de fixer l’at- tention, l’Académie a vu avec un vif intérêt lesprit d'union qui tend à s'établir entre tous les observateurs, et particulièrement le congrès maritime organisé à Bruxelles en 1856, sous les auspices de M. Maury, directeur de l'Ob- servatoire de Washington : c'était le premier signal donné pour établir une vaste association scientifique entre Îles marines de tous les pays, et on pourrait dire entre les observateurs du monde entier. La Belgique, sous les auspices du Gouvernement, n’a pas concouru avec moins de zèle au grand travail inter- national qui s'est exécuté récemment pour déterminer, par le moyen des courants électriques, la différence de longi- tude entre les points les plus éloignés de l’Europe. Placés sur la ligne qui joint Édimbourg à Kænigsberg, par l’in- termédiaire de Greenwich, Bruxelles et Berlin, nous avons pris une part active aux déterminations des longitudes avec les capitales de l'Angleterre et de la Prusse, et nous pouvons nous féliciter, peut-être, de ce que notre royaume a conservé sa place entre deux des villes les plus éclai- rées du monde. Quelque incomplet que soit notre aperçu, ce qui précède suffira sans doute à prouver que l’Académie des sciences de Belgique, comme corps privilégié de l'État, n’a point fait défaut à sa mission. Dans ces grandes entreprises in- ternationales , elle a nettement compris ses devoirs sans interrompre les travaux particuliers de ses membres, et elle a su les exécuter avec une persévérance et un dévoue- ment qui lui mériteront l'estime des autres peuples. PR, [bd 1 1 st De l'homme et de la perpétuation des espèces dans les rangs inférieurs du règne animal; par P.-J. Van Beneden, membre de l'Académie. Invité à prendre la parole dans cette séance publique, je vais avoir l'honneur de vous parler de l'homme et de quel- ques phénomènes qui ont trait à la multiplication des animaux inférieurs. J'espère que la magaificence du sujet suppléera à ce qui pourrait manquer à la forme du langage. Pétri de boue, mais animé d’un souffle divin , l'homme est sorti des mains du Créateur armé d'intelligence et avide de liberté. Jeté nu sur la terre, 1l n’est ni un ange ni. une bête, comme l’a dit Pascal, mais il tient de l’un et de l’autre. Que de progrès accomplis par l’homme depuis l’époque où il n'avait qu'un caillou usé pour toute arme et pour tout outil une hache de silex, jusqu'au jour où 1l dévore l’es- pace sur son char à vapeur transportant en quelques heures des populations entières d’un pays dans un autre ! Tout faiblement armé qu'il est par la nature, il dompte les animaux les plus féroces ; 1! supprime les secours qu'il a trouvés depuis la haute antiquité dans la bête de somme et de trait; mille outils multiplient le nombre et la puis- sance de ses bras; il donne un corps à la vapeur pour commander en maître absolu, une voix à l'électricité pour jeter sa pensée d'un bout du monde à l’autre; 1l dit à la lumière même : dessinez ! Le Tout-Puissant lui a donné le globe à explorer, et chaque génération ajoute son tribut aux trésors amassés par les générations qui l’ont précédée. ( 9178 ) L'homme met à profit toutes les propriétés que le Créa- teur a déposées dans cette vaste mine, et, à moins de l'avoir épuisée, 1l ne s'arrêtera probablement pas dans ia voie du progrès. | On à comparé avec raison les ingénieux instruments qui mugissent sous l'étreinte de la vapeur, à l'animal qui consomme ses aliments comme la locomotive consomme son combustible; des phénomènes physiques et chimiques, je dirai presque physiologiques, s'accomplissent dans l’un comme dans l’autre, et si l'animal a son estomac, la loco- molive à son tender : ils respirent tous les deux en brülant leur charbon. Mais on n’a pas signalé l’énorme distance qui sépare la machine de Dieu de la machine de l’homme, la chose créée de la chose inventée. Cette comparaison fait notre gran- deur en même temps qu'elle révèle notre faiblesse. Les machines qui sortent de nos ateliers s'usent, et quand elles sont détériorées, 1l faut les remplacer. L'homme est toujours à l’œuvre, et quand les créations de son intel- ligence cessent d'exister , elles ne laissent rien après elles. Ce n’est pas ainsi que procède la nature. Dans chaque machine douée de vie de nombreux ateliers sont installés et fonctionnent sans cesse pour réparer l’asure et les pertes; mais le plus remarquable de ces ateliers est celui qui reproduit la machine elle-même et qui doit prendre plus tard sa place. Le souffle de vie une fois jeté sur la terre par la main prodigue du Créateur ne s'éteint plus : c’est une force im- primée dans le premier couple et dont la puissance se renouvelle sans cesse. La vie ne commence pas à chaque nouvel individu , elle se continue : elle n’a commencé qu'une fois pour chaque espèce, a dit avec raison notre ( 519 ) illustre confrère, M. Flourens, dans son savant cours de physiologie comparée (1). [Il manque donc à la merveille de l’industrie humaine cét atelier régénérateur, où une force mystérieuse éla- bore, avec des instruments invisibles, la première ébauche de ces délicats organismes que la nature jette ensuite dans le monde, admirables de perfection et grands de simplicité. Aussi, tout organisme, peu importe qu'il soit grand , petit, simple ou composé, qu'il appartienne aux pois- sons, aux vers Où aux champignons, il nous répugne de ne l’envisager que comme le produit d'une force aveugle de la nature. Nous l’avouons volontiers : 1l nous coûterail moins de voir dans la Vénus de Milo ou dans les Chevaux de Phydias des cailloux façonnés par le hasard dans quelque eau courante de la Grèce, que de ne considérer la plus simple conferve ou le plus microscopique infusoire, comme une formalion spontanée ou directé. Si la beauté de la forme trahit la perfection de l’art et la pensée de l'artiste, que ne trahit pas l’admirable organisation de l'oiseau qui fend les airs, du papillon qui voltige de fleur en fleur, ou de l’abeille qui construit ses alvéoles d'après toutes les règles d’une profonde géométrie (2). Faire des plantes ou des animalcules de rien, ou les produire par les forcés ordinaires de la matière est, à notre avis, une de ces chimères que les siècles d'ignorance ont caressée avec amour, mais que le flambeau de l’obser- vatiou a reléguées pour toujours parmi les contes absurdes de l’antiquité : Omne vivum ex vivo ! Voilà le mot d'ordre de tous ceux qui observent, qui ont des yeux pour voir, et dont les préjugés, je dis les préjugés, n’obscurcissent pas l'intelligence. ( 280 ) Tout ce qui a vie porte son cachet de supériorité; entre l'invention de l’homme et la création de Dieu, il y a un abime ! Tout ce qui a vie se perpétue; la perpétuation dans le temps, volià le cachet de l'instrument divin. Mais cette perpétualion est-elle la même chez le poisson et chez l'insecte, chez le polype et la plante? Tout œuf pro- duit-il un embryon destiné à parcourir toutes les phases de son évolution, et tous ces embryons subissent-ils les mêmes métamorphoses avant de revêtir la robe spécifique adulte? Les philosophes de la nature croyaient avoir répondu à toutes ces questions, et c’est la gloire de notre illustre con- frère, J. Muller, ce célèbre physiologiste, que les sciences ont eu le malheur de perdre récemment , d’avoir été le premier qui tint tête à la prétentieuse école. Cette stérile philosophie avait tout envahi. On reprochait à Cuvier de né- gliger la philosophie pour lobservation, et, sans J. Muller, toutes ces grandes et belles observations sur le dévelop- pement des organismes inférieurs resteraient peut-être en- core à faire. C’est de ces découvertes que J'ai été invité à vous entretenir. Nous éprouvons tous une secrèle satisfaction à la vue de ces transformations des matières premières qui entrent dans nos fabriques à l’état de chiffons et en sortent sous la forme d’un riche tissu. Nous aimons à suivre pas à pas les divers changements opérés par l’industrie, et à nos pieds, autour de nous, sur nous, dans nous, se trouvent des milliers de ces fabriques sous la forme de graines ou d'œufs, qui sont bien autrement merveilleuses ! On n’en voit pas sortir seulement les plus riches tissus, mais on y voil naître les organes et la vie, et cependant avec quelle ( 581 ) indifférence le monde ne regarde-t-il pas ces miracles de chaque jour ! Quelle magnificence pourtant ! Un peu de matière nutri- tive à côté d'une vésicule limpide et transparente, une force inconnue transmise par la mère et un ébranlement produit par les caresses d’un filament fécondateur, voilà tout ce qu'il faut pour voir surgir un polype, un poisson, un singe... ou un homme. Autant il y a eu de formes créées, autant 1l y a d'espèces qui se perpétuent, l’une par une graine, l’autre par un œuf, et l'œuf comme la graine ont besoin du contact ou de la pénétration de l'élément fécondateur : c’est la règle pour tout ce qui a vie. . Tout embryon, n'ayant été primitivement qu'une vési- cule, avant d'être fœtus ou adulte doit donc subir des changements de forme, tantôt avant l'éclosion , tantôt après, et la naissance est précoce ou tardive selon l'abon- dance des provisions que les œufs recèlent. C’est dans ceux qui naissent tôt et à l'état d’avorton que les méta- morphoses doivent être les plus complètes et les plus variées. Indépendamment de ce mode de perpétuation , l'espèce se multiplie encore, dans les rangs inférieurs, sans con- cours de sexes, par boutures ou par gemmes, et les ani- maux qui y sont sujets, ont été appelés par nous digenéses, par opposition aux monogenèses, qui ne se reproduisent que d’une seule manière, c'est-à-dire par la voie sexuelle. Des générations agames ou sans sexes précèdent sou- vent les générations sexuées, et, par le mot de scolexæ, nous avons désigné ces formes de transition qu’on pourrait presque dire préparatoires. Voyons de près quelques-uns de ces petits organismes. ( D82 ) Si les grands présentent des merveilles, les petits sont bien plus merveilleux encore. On doit s'étonner beaucoup plus de la rapidité du vol de la mouche que de la marche pesante de l'éléphant ou du bœuf, disait, il y a deux siè- cles, l'intelligent observateur Goedaerdt. Qui ne connait ces corpuscules verts, de la grosseur d'une tête d'épingle, surgissant comme un nuage sur les boutons et les feuilles de rose qu’ils crispent et torturent des sommets à la racine. [l y en a de verts sur les rosiers et les pêchers ; de noirs, luisant comme des perles, sur le sureau; de bruns et même de blancs sur d’autres plantes. Pour le monde, c'est de la vermine, et à peine ose-t-on la toucher du bout des doigts. Pour le naturaliste, ce sont des pucerons, ou plutôt de petits mondes de merveilles. Braquons, en effet, une loupe sur ces grains de pous- sière qui marchent : elle nous révélera un charmant in- secte dont la tête porte des yeux globuleux et saillants, diaprée des plus riches couleurs, coiflée de deux petites cornes en avant pour antennes, et portant en arrière deux réservoirs de matière sucrée, qui, élégamment montés sur un pied uni, se remplissent toujours. Des pattes lon: gues et grêles portent ce corps globuleux. On s’est beaucoup occupé de ces petites fabriques de sucre, si bien connues des fourmis et qui ont valu à ces insectes, de la part de Linné, l'épithète de vaches des fourmis. Au milieu des curieux phénomènes que nous présentent ces grains de poussière animée, celui qui nous intéresse le plus ici concerne le secret de leur étonnante fécon- dité. La nature veut des millions de pucerons en quelques heures de temps, pour arrêter l’exubérance de la végétation ou pour servir de pâture à de petits oiseaux, el, conime ( 583 ) | si elle n'avait pas une entière confiance dans le concours des mâles, elle supprime ce sexe pendant plusieurs géné- rations , et les femelles uen sont que plus fécondes! On évalue la production du puceron lanigére,en moyenne, à cent individus par génération, et comme il y a dix géné- rations successives après chaque éclosion, un seul œuf produit, au bout d'une seule saison, plusieurs millions d'individus. Aussi ces insectes n’ont, pour ainsi dire, pas le temps de vivre de leur vie individuelle : à peine sont- ils au monde qu'une nouvelle génération, formée dans leur sein, est déjà prête à les remplacer, et celle-ci, à son tour , en renferme une autre. M. R. Leuckart, connu depuis longtemps de la classe par ses intéressantes com- munications , a observé des pucerons de trois générations emboitées l’une dans l’autre. La mère, au moment de la naissance, montre déjà une fille prête à la suivre, et dans cette fille, on aperçoit la petite-fille en voie de dévelop- pement. Mère, fille et petite-fille viennent au monde presque en même temps. Dans le gyrodactyle élégant, M. von Siebold a vu depuis longtemps un phénomène semblable. Du reste, ceci ne doit pas tant nous étonner. On sait depuis longtemps que les femelles, même des classes supérieures, portent, en général, des œufs dans leur ovaire avant même de venir au monde. On ne pourrait guère trouver des faits plus favorables à la célèbre théorie de l’'emboîtement des germes, d'après laquelle le premier couple renferme, en miniature, toute la filiation qui en descend , si cette curieuse hypothèse de Bonnet n'était condamnée depuis longtemps par l'obser- vation, S1il y a emboîtement d’embryons, 1l n’y a pas moins eu formation directe de germes dans chacun d'eux, ( 284 ) et au fond, que ces œufs naissent un peu-plus tôt ou un peu plus tard, il n’y a rien là qui doive étonner : iln'ya ni siècles ni minutes pour la nature. Dans cette intéressante classe des insectes, la mère meurt, en général , au moment où elle dépose son fruit. Le mariage est pour eux le terme de la vie. Mais leur sol- licitude plus que maternelle, si €’est possible, s'étend au delà de la tombe, et il n’y a pas de soins, d’embarras et de peine pour la mère qui choisit le lieu du berceau de sa progéniture. Nous voyons de ces insectes ailés, les ich- neumons, insectes que notre confrère, M. Wesmael, à décrits avec celte scrupuleuse exactitude qu'il met dans tous ses travaux d'entomologie, nous voyons ces ichneu- mons, disons-nous, choisir une chenille pour victime, la percer de leur tarrière, introduire leur progéniture dans ses flancs, et les jeunes, non contents de recevoir l’hos- pitalité, dévorer lentement leur victime, en la dépeçant lambeau par lambeau. Aussi on comprend l’étonnement des premiers natura- listes qui virent, comme Goedaert, au lieu d’un papillon, un essaim de mouches sortir du corps d’une chenille. C'est dans l’œuf que l'espèce se rélugie pour résister au froid de l'hiver, comme la plante délicate d'un pays chaud est mise en serre; et les pucerons, ainsi que les autres insectes, abandonnent leur loge d'hiver aux premières cha- leurs du printemps, pour attaquer les feuilles naissantes de leur plante favorite. En hiver, nous ne voyons guère d’insectes vivants, et l’hirondelle, comme l'oiseau chanteur de nos buissons, nous quilte en automne pour passer la mauvaise saison sous un ciel moins rigoureux. [ls s'installent dans le voisi- nage de la Méditerranée et vont même jusqu'au Sénégal se ( 285 ) choisir un refuge convenable : à leur retour, ils retrou- vent les insectes qui leur servaient de nourriture avant leur départ. Ceux-ci, sous l'influence de la température du printemps, sortent de leur coque en même temps que les feuilles poussent, et l'harmonie de la nature entonne son hymne. Tout renaît, La vie est partout! On ne doit done plus se demander d'où viennent les myriades de mouches, de papillons et de bestioles de tous genres qui répondent au premier appel des souffles embaumés des mois d'avril et de mai. Ils viennent tous d'œufs que leur mère a soigneusement placés dans un berceau de mousse ou de terre, à l'abri du froid et de la dent de l'ennemi, et dans le voisinage du brin d'herbe ou de la pâte qui doit les nourrir. En hiver, les pucerons se trouvent donc dans les con- ditions ordinaires; il n’en est plus de même dès qu'ils sor- tent de leurs œufs. En effet, la première éclosion a lieu, sans que dans toute la génération. il se trouve un seul mâle. Les pucerons ne sont cependant pas stériles ; tous, au contraire, se multiplient; mais, au lieu de pondre des œufs, ils mettent au monde des petits vivants, qui naissent tous de la même manière, en sortant du ventre de la mère à reculons : ils sont vivipares. Dans cette seconde génération, 1l n’y a pas plus de mâles que dans la première, et la fécondité continue ; une troi- sième génération succède bientôt à la seconde, une qua- trième à la troisième, et ainsi de suite jusqu'à la huitième ou même la dixième génération. Jusqu'ici le sexe mâle n’a pas été indispensable. __ Plusieurs générations se succèdent ainsi, sine concubilu. Mais voici l'automne. Les feuilles tombent : le froid glacé de l'hiver exercera bientôt ses ravages; aussi la nature (586 ) veille. Une dernière génération, une génération automnale apparait; des individus grands et petits la composent; on reconnaît des mâles et des femelles ; des ailes apparaissent souvent avec celte robe nuptiale dont le trémoussement, Joint à la grâce des poses, change complétement la phy- sionomie de l’insecte. Ils ne sont plus, comme leurs aïeux, parqués et condamnés à la vie sédentaire. Volugeant librement, les sexes se recherchent avec une anxiété fiévreuse à cause de la courte durée de la vie; la ponte suit immédiatement le mariage, et cette fois ce sont de beaux œufs fécondés par le mâle, que la mère pont et qu’elle a soin de loger dans un asile parfaitement sûr. Au printemps suivant, les mêmes phénomènes recom- mencent, et voilà le cycle complet de leur évolution an- nuelle. On comprend que l'absence de sexe mâle, augmentant la fécondité au lieu de la restreindre, est un des ces phé- nomènes qui intéressent autant le philosophe que le natu- raliste; aussi ne doit-on pas être surpris si, depuis un siècle el plus, ce petit monde de merveilles a éveillé l'attention des savants. L'intérêt qu’ils inspirent est loin d’avoir perdu de son importance. Leeuwenhoek, qu’on ne peut presque jamais se dis- penser de citer quand il s’agit d’une découverte faite à la loupe ou au microscope, avait déjà observé, au début du siècle dernier, que les pucerons sont vivipares el ne se multiplient pas comme les autres insectes. Le naturaliste philosophe Bonnet et l’entomologiste De Geer reconnurent, quarante ans plus tard, la suecession des générations sans mâles. Bonnet en a vu jusqu'à huit, si je ne me trompe, se succéder régulièrement. Uu autre observateur, Kyber, en a vu depuis peu se per- ( 587 ) péluer, pendant quatre années, sur des plantes élevées en serre chaude, et dont la fécondité, au bout de ce temps, n'était aucunement épuisée. C’est le mystère des mystères de la génération, disions- nous , 1! y a quelques années. Comme on le pense bien, les naturalistes avaient essayé de donner une explication de cette exception ; mais, jusque dans ces derniers temps, ils n'avaient guère réussi à satis- faire ni la philosophie ni la science. On préterdit d’abord que ces pucerons vivipares étaient androgynes, qu'ils réunissaient les deux sexes; mais le scalpel fit bientôt Justice de cette erreur. Plus tard, on admit, avec Trembley, que l'effet d'une fécondation peut se transmettre à travers plusieurs générations, théorie qui a été reproduite dans ces derniers temps comme une théorie nouvelle, mais qui, à mon avis, n’explique rien de plus; enfin, on a dit que c'est un développement spontané, mais il n’y a là rien de plus spontané que dans l'apparition or- dinaire d'un œuf fécondé. Un naturaliste distingué de Copenhague, M. Steen- strup, apercevant quelques affinités entre divers phéno- mènes isolés qui n'avaient pas reçu encore leur explication, et dont Chamisso avait observé le plus remarquable dans les Salpa, s'avisa de les grouper, et s’aperçut d’une alter- nance dans les générations qui se succèdent. Il proposa les mots de génération alternante pour qualifier ce phéno- mène. Quelques générations de pucerons vivipares et sans sexes succèdent à une génération ovipare et sexuée, de manière que ces derniers pucerons sexués ne ressemblent pas à leur mère, mais à leurs aïeux. Parfois on trouve des différences extérieures notables ( 988 ) dans l’une et l’autre génération qui se suivent, et des ani- maux de la même espèce ont souvent été inscrits par les paturalistes dans des familles ou dans des ordres diffé- rents. | Voici, à notre avis, le fond de ce phénomène. Plusieurs animaux se reproduisent comme les plantes par gemmes Ou par bourgeons qui n’ont pas de sexe, et par fleurs ou individus sexués qui produisent des graines ou des œufs. L’hydre, par exemple, pendant tout l’été, pousse des bour- geons, comme nous le verrons tout*à lheure, tandis qu’en automne, elle produit, au contraire, des œufs : c'est le phénomène des pucerons. C'est l'effet d’une double reproduction par gemmes et par œufs, et comme les individus qui produisent ces œufs ou ces gemmes sont tantôt semblables, tantôt dissembla- bles, nous avons proposé, depuis quelques années, de dé- signer ce phénomène sous le nom de digenése. Les générations vivipares de l'été engendrent ainsi des gemmes ou bourgeons dans l'intérieur du corps, comme il se forme des bulbilles à l’aisselle de certaines plantes, et la dernière génération ovipare a seule besoin de fécon- dation : c’est le puceron qui fleurit et donne des œufs. D’après cela, les pucerons sont à-génération alternante ou digenèses : c’est la multiplication végétale introduite dans le règne animal. Mais voici qu’un naturaliste, dont les travaux inspirent la plus grande confiance, vient de publier une nouvelle observation qui tend à faire envisager ce phénomène sous un tout autre point de vue. M. Von fleyden a vu des pucerons de Lachmus quercus engendrer des mâles par viviparisme (par gemmes), et ces mâles, d'après ce qu'il a observé sur d’autres individus ( 89 ) semblables à celui qu'il a vu naître, pourraient féconder leur mère, qui pondrait ensuite des œufs. La même mère engendrerait ainsi, d'abord par voie gemmipare, puis plus tard par voie sexipare. Le bourgeon à feuilles deviendrait lui-même bourgeon à fruit (5). Les pucérons ne sont pas les seuls insectes, du reste, qui se propagent sans concours de màles; on connait même deux différentes reproductions sans fécondation ; celle des pucerons, qui est généralement regardée, ainsi que nous venons de le voir, comme un phénomène de di- genèse, c’est-à-dire de double reproduction par gemmes et par œufs, et celle des abeilles, qui est un phénomène de parthénogenèse, c'est-à-dire de parturition virginale. Dans cette parturition, une femelle véritable, pourvue de tous ses organes au grand complet, pond, sine concubilu, des œufs féconds. Voyons un exemple de ce mode de perpétuation dans les abeilles. Mêlée aux riantes fictions, l'histoire des abeilles est devenue populaire, dit M. de Quatrefages, dans son inté- ressant livre, intitulé Souvenirs d'un naturaliste (4). Ces fringants insectes, chantés par Virgile, qui brillent au soleil et entassent leurs richesses dans des alvéoles de cire, nous montrent, en effet, à côté d'une fécondité ex- ceptionnelle, des phénomènes de l'ordre le plus élevé. Nous ne parlons ici que de leur reproduction. Tout le monde sait que ces hyménoptères, comme les appellent les zoologistes, vivent en nombreuse société, et que chaque ruche possède pour chef une reine, quelques centaines de frelons où faux bourdons, et CEE mil- liers de neutres. 27° SÉRIE, TOME V. 99 ( 590 ) La reine est la seule femelle complète de la commu- nauté; les frelons sont les mâles, et les neutres, qu’on appelle encore ouvrières ou mulets, forment la population ouvrière; ce sont des femelles incomplètes. Les premiers ne s'occupent que de la perpétualion de l’espèce ; aux au- tres incombent tous les travaux ordinaires de la com- munauté. Les soins donnés à la conservation de l’espèce, par les frelons, sont, toutefois, de très-courte durée. Par un beau jour d'été, la reine s'élève très-haut dans les airs, suivie de son brillant cortége, accepte les caresses de celui dont elle a fait choix, et, à son retour dans la ruche , elle porte avec elle le signe indélébile de l’accom- plissement du mystère. Cette seule fugue amoureuse la rend féconde pour deux ans; elle est apte à pondre plusieurs mil- liers d'œufs. Ces faits sont connus de tous les naturalistes. Mais voici Ce qui est moins connu. Qu’une reine soit mutilée dans sa ruche; que, par nais- sance ou par accident, elle se trouve dans l’impossibilité de s'élever dans les airs, pour le rendez-vous dont peut dé- pendre le salut de la ruche, elle ne pond pas moins des œufs, sans qu'il y ait eu aucune entrevueavec un frelon, et, ce qui est surtout digne d'attention, les œufs qu’elle pond, loin d’être stériles, donnent le jour à des mâles, seule- ment à des mâles! La reine n’est pas frappée de stérilité non plus, quand, après avoir reçu le mâle, le fluide fécondant a perdu ses propriétés ou qu'on empêche, par des moyens mécaniques quelconques, les filaments de la liqueur masculine d’ar- river jusqu'aux œufs. Dans ce cas, comme dans le précédent, Lous les œufs ne produisent également que des mâles. ( 91 ) Il en est encore de même pour les œufs pondus par les neutres ou femelles incomplètes, qui ne peuvent matériel- lement pas recevoir l’autre sexe. Depuis longtemps les éle- veurs d'abeilles avaient fait cette observation, et Aristote même savait déjà que les ouvrières, dans l'absence des reines, pondent des œufs. De manière que le concours des deux sexes est exigé pour la production des femelles, tandis que la production des mâles a lieu sans père. La science a-t-elle essayé de donner une explication de celle curieuse exception? Oui, et, qui plus est, la solution ue laisse rien à désirer. Nous ferons remarquer d’abord que les œufs des insectes ne sont pas fécondés pendant leur séjour dans l'ovaire; c'est immédiatement avant la ponte, lors de leur passage devant la vésicule copulative qui distille sur eux les fila- ments reçus du mâle, que s’accomplit l'ablution séminale. Si maintenant l'œuf traverse ce carrefour trop précipi- tamment, el que la soupape ne s'ouvre pas à temps, la reine pondra comme si le charme de l’hyménée n’avait pas passé sur elle. Que ce baptême n'ait pas lieu par une puissance dont l'instinct seul possède le secret, ou qu'une cause mé- canique melte obstacle au jeu régulier de cet appareil, peu importe, l'œuf produit des mâles parce que des spermato- zoïdes n’ont pu atteindre le vitellus de l'œuf. Selon le jeu de la soupape, la reine pondra donc des mâles ou des femelles. Quelque merveilleuse que soit cette fécondité monoïique, ces favoris de la nature, dont les yeux simples et à facettes éclipsent l’éclat des perles, nous présentent des phéno- mènes plus singuliers encore. Voici comment. Une reine est fécondée. On le constate et rien n’est plus ( 992 ) aisé. Elle va pondre, mais les berceaux sont pleins. La place manque pour recevoir la suite de la progéniture. On introduit dans la ruche de nouvelles alvéoles et, d’après leur dimension, la reine déposera des œufs de mâles ou de femelles. Cest le berceau qui déterminera, d’après sa di- mension, la ponte d’une femelle ou d’un frelon. On con- naît donc d'une manière positive dans quelle condition se forment des mâles ou des femelles, et 1l n’est pas impos- sible que la reine, selon les besoins de la communauté, n'engendre instinctivement l’un ou l’autre sexe. Un naturaliste distingué et célèbre par l'exactitude de ses observations, Huber père, savait déjà, il y a plus d’un demi-siècle, qu’il existe des reines qui ne produisent que des mâles, et d’autres qui perdent insensiblement la fa- culté d’engendrer des œufs femelles. Il avait fait aussi la même observation , connue par Aristote, d'ouvrières, dans des ruches sans reines, qui pondent des œufs. En 1845, un éleveur d'abeilles, M. Dzierzon, curé à Carlsmarkt, en Silésie, émit, entre autres propositions, l'hypothèse que les œufs à mâles n’ont pas besoin d'être fécondés ; que les œufs de reines et d’ouvrières seuls ont besoin de cette opération préliminaire. La science montra d’abord un superbe dédain pour une pareille théorie. Des éleveurs d’abeilles, au contraire, trou- vérent, par cette théorie, explication de plusieurs phé- nomènes que la saine physiologie, avant ces découvertes , ne pouvait admettre. Le baron Von Berlepsch, apiculteur instruit, qui pos- sède, à Seebach, un superbe établissement pour l'élève des abeilles, a fait une expérience curieuse, qui mérite d’être mentionnée. D'abord adversaire déclaré de la théorie de Dzierzon , il en devint tout d'un coup, après cette expé- ( 293 ) rience, un chaud défenseur. Il avait vu, dans la physiolo- gie de Joh. Muller, que le froid suspend l’action des sper- matozoides ; 11 voulut donc refroidir autant que possible la liqueur fécondante sans tuer la reine. A cet effet, il plaça trois reines fécondées dans une gla- cière, pendant trente-six heures; deux moururent par le froid ; la troisième heureusement résista, et peu de temps après elle pondit des œafs. Il n’en sortit que des mâles. Ces reines avaient pondu des œufs femelles avant l’ex- périence. Plusieurs autres expériences confirmèrent, du reste, la théorie du curé de Silésie, et, pendant plusieurs années, les éleveurs eurent presque seuls connaissance de ces faits. Ce n’est que depuis très-peu de temps que MM. Leuc- kart, de Giessen , et Von Siebold , de Munich (5), armés du sealpel et aidés du microscope, ont sanctionné cette théorie de l’apiculteur célèbre. Ce n’est donc pas la science qui a éclairé la pratique, c'est au contraire la pratique, c’est-à- dire le sens droit des éleveurs, qui a montré le chemin à la science. Il résulte de tout ceci que les femelles peuvent engen- drer tout en conservant leur virginité; mais la perpétua- tion virginale se borne aux mâles. Le mâle n'a besoin que d'une mère ; une femelle doit avoir au contraire une mère el un père. La faculté d'engendrer des œufs véritables, non stériles, sans le concours du mâle , est désignée sous le nom de par- thénogenèse ; la faculté d’engendrer des mâles constitue le phénomène nommé l'arrénotokie. Des phénomènes analogues à ceux qui se passent chez les abeilles se répètent également dans d'autres sociétés d'hyménoptères, comme les guêpes, les bourdons et les la- ( 994 ) borieuses fourmis. Du reste, Huber fils ,qui a passé une partie de sa vie à l'étude des mœurs de ces insectes, comme son père l'avait fait pour les abeilles, fait remarquer que les petites femelles des bourdons et des guëpes, qui for- ment la population ouvrière de ces colonies , pondent éga- lement des œufs mâles. Il est probable que le phénomène de la parthénogenèse est beaucoup plus commun chez les insectes qu’on ne l'a cru Jusqu'ici. On connaît déjà plusieurs cas de parthénogenèse parmi les papillons, ou plutôt parmi certains lépidoptères; les jeunes ne Sont touteiois pas toujours de sexe mâle comme chez les abeilles ; on connaît des exemples de mâles et de femelles engendrés sans fécondation, et d’autres exemples de femelles seulement (6). On trouve même des exemples de cetle fécondité sans sexes dans les Daphnies, petits crustacés microscopiques d'eau doute, qui ont donné déjà jusqu à six générations sans concours de mâles (7). Dans le règne végétal, on en a signalé également plu- sieurs exemples, et c'était donc une erreur de croire, avec tous les physiologistes, depuis Hippocrate, que le nouvel être est toujours le résultat des actions combinées du mâle et de la femelle. Quittons les pucerons des plantes et la ruche des abeilles, pour jeter un coup d'œil rapide sur le monde aquatique; des phénomènes non moins extraordinaires se passent au fond de cet horizon liquide, et méritent bien aussi quelques instants de contemplation. La plupart de ces êtres singuliers, qu’on appelle au- jourd'hui polypes, et qui figurent encore sous le nom de ( 295 ) z00phytes, ou animaux-plantes, dans un grand nombre d'ouvrages d'histoire naturelle, ont été inscrits comme plantes dans les livres de botanique jusqu'au milieu du XVIII siècle. Il y en a même qui ont figuré dans le règne minéral. On se demandait, au commencement du siècle précé- dent : le corail est-il une plante ou un minéral ? Qui eût pu songer à la nature animale de cette jolie pierre rouge, que l’on taille et sculpte comme objet de parure depuis l'antiquité, et que les Siciliens travaillent avec tant d'art? Cette question était posée pour l’homme du monde, comme pour le naturaliste, jusqu’au commencement du XVIII siècle. Le comte Marsigli, Boulonnais de naissance, après avoir fait le métier de soldat pour combattre les Turcs, ayant appris à connaître les misères de l'esclavage et les enivre- ments du commandement, revint, à un âge assez avancé, à l'étude favorite de sa jeunesse. C'était en 1706. Un jour, il assiste à une pêche de corail. La drague ramène de ma- guifiques branches de corail , arrachées avec force des ro- chers sous-marins. En véritable naturaliste, 1l plonge une des branches dans un bocal rempli d’eau de mer. Quelle n’est pas sa surprise! Après un instant de repos, la branche bouge dans l’eau , le corail s’épanouit en étalant ses tentacules pinnés, comme une belle fleur rayonnée, et Marsigli, comme les pêcheurs qui l'entourent, est dans le ravissement. Un spirituel naturaliste l'a dit : la science ne marche qu’à coups de provisoire. Nous en voyons ici un nouvel exemple. La question était posée entre la nature minérale ou vé- gétale. Marsigli avait eu beau voir le polype se balancer ( 596 ) dans sa loge, s'invaginer ou s'épanouir, il n’avait pas un minéral sous les yeux, et il écrivit à l'Académie des sciences de Paris : Je viens de voir le corail en fleurs. Les natura- listes distingués, qui avaient leur siége à cette illustre as- semblée, firent observer que c'était une découverte à jamais célèbre dans la botanique marine. Quelques années plus tard, Trembley découvre le po- lype d’eau douce dans un fossé aux environs de la Haye. Comme Marsigli, Trembley croit avoir une plante sous les yeux. Il coupe le polype en plusieurs tronçons, et chaque tronçon redevient polype. C’est une plante, se dit-il, qui se reproduit par boutures. Plus tard, il regarde sa plante de plus près; il lui dé- couvre une bouche, avec des bras tout autour qui saisis- sent la proie; il observe même une cavité digestive; et la nature animale n’est plus douteuse. Trembley écrit à Réau- mur : L'histoire du phénix qui renaît de ses cendres, toute fabuleuse qu’elle est, n'offre rien de plus merveilleux que la découverte dont nous allons parler. En effet, c'était merveilleux! Trembley, non-seulement sanctionna pour toujours la découverte de Marsigli, mais il engendrait en voulant détruire, il donnait la vie quand il croyait donner la mort. [1 avait beau couper le polype en tronçons, chaque tronçon redevenait un polype. Cette découverte fit grand bruit dans le monde savant! Aussi le législateur de l’histoire naturelle de l’époque im- posa-t-il le nom générique d'hydre, à ces singuliers êtres, rappelant par là la fameuse hydre de la Fable dont les têtes repoussaient sans cesse. Toutes ces prétendues plantes marines passèrent donc d’un trait de plume d’un règne à l'autre, et comme si un scrupule de conscience obsédait les naturalistes, ils in- cs ( 297 ) ventèrent le nom de zoophytes où animaux-plantes, voulant mitiger à leurs yeux leurs propres hardiesses. C'est dans ces organismes , plantes en apparence et ani- maux au fond, que les évolutions les plus imprévues ont été observées dans ces dernières années. Ce ne sont pas seulement des individus qui se métamorphosent, ce sont des généralions entières qui changent de forme et de genre de vie : les mères diffèrent souvent complétement de leur lille et de leur petite-fille; entre les frères et les sœurs on voit parfois moins de ressemblance qu'entre une perruche et une gazelle. Entrons dans le domaine des faits. On observe souvent en pleine mer, et plus rarement près des côtes, pendant les longs jours d'été surtout, des pha- langes d’ombrelles flottantes, nageant par saccades, trans- parentes c£mme le cristal ou ornées des plus riches cou- leurs, et s’étalant gracieusement non loin de la surface : ce sont les méduses. On en trouve depuis Ja grosseur d’une tête d’épingle et moins encore, jusqu'à la grosseur des plus grands potirons. La formation de ces méduses, où pour mieux dire leurs transformations, sont un des plus curieux phénomènes que la science ait révélés dans ces dernières années. | Une grande et belle espèce apparaît de temps en temps sur nos côtes : la cyanea capillata. Elle a souvent le volume des ballons captifs de la plus grande dimension. Les bords sont élégamment frangés , et un contour on ne peut plus gracieux montre des organes de sens sous forme de gre- lots et de perles, au milieu de guirlandes et d'oriflammes. Vers la fin de l'été, on distingue aisément les sexes; les mâles et les femelles ont en effet leurs caractères propres. Les œufs, mis dans un aquarium assez pelit pour qu’on ( 598 ) puisse le placer sur son bureau, montrent, peu de temps après une ablution séminale, un aspect framboisé, et, de chacun d'eux, sort un tout petit animal cilié, semblable à un infusoire. Ce jeune animalcule nage librement dans le bassin, en faisant vibrer les poils qui le hérissent, et, après avoir mené, pendant quelque temps , une vie libre et indépen- dante, 1l se choisit pour gite un caillou, une coquille ou le fond même du bocal, et se dépouille de sa robe poilue. Il jette par-dessus bord ce bagage devenu inutile, puisqu'il quitte la vie vagabonde, et se condamne pour toujours à la vie sédentaire. Au moment de son entrée dans cette nouvelle phase, il a la forme d'un manchon, se fixe par un de ses pôles à un corps solide, montre bientôt à l’autre pôle une bouche entourée de longs bras très-rétractiles, et, au bout de quel- ques jours, le petit corps infusoriforme a fait place à un polype semblable à l’hydre découverte par Frembley dans l’eau douce. Ce scyphistome, car c’est ainsi que l'avait nommé un savant naturaliste norwégien, M. Sars, qui l’a découvert, saisit sa proie avec ses longs bras, armés de lacets et de spicules meurtriers, et montre bientôt sur les flancs des boutons qui s’allongent comme les stolons des fraisiers, sur lesquels apparaissent de nouveaux scyphistomes. Le stolon s’atrophie ensuite, s’absorbe, et la progéniture est séparée de la mère pour vivre comme elle dans son voi- sinage. Cette mère continue à donner de nouveaux stolons, et tout ce qui l'entoure, coquilles, pierres ou même plantes aquatiques, se couvre de jeunes animaux de la même forme, ( 599 ) Ces scyphistomes se servent de leurs longs bras comme amarreset comme lignes empoisonnées, el tout ce qui passe à leur portée est en danger de mort. On les voit souvent appendus à une pierre jetant leurs longs bras qui plongent à une grande profondeur et agissent comme ces filets qu’on appelle éperviers. Ces petits êtres, dont la vie est fort tenace, malgré la délicatesse des tissus, et qui vivent dans quelques gouttes d’eau pendant des semaines, engendrent ensuite une se- conde forme de bourgeons dans l'intérieur des corps, qui n'a plus aucune analogie avec la première. On voit, en effet, des sillons surgir, se dessiner de mieux en mieux ; le corps prend même quelquelois une forme annelée comme un cestoide, et du milieu du polype s'élève uue pile de rondelles qui se façonnent, se découpent, se séparent de plus en plus les unes des autres, puis se déta- chent et nagent à la fin librement comme des méduses. L'animal, au moment où le corps est en apparence an- nelé, a été nommé Strobile par M. Sars. Pour se figurer comment ces méduses se forment, qu’on se représente, dans l'intérieur de la cavité digestive, un ma- melon du sommet duquel s'élèvent des rondelles comme des bulles de savon formées au bout d’une pipe dans la bouche des enfants, qui se détachent successivement ou plusieurs à la fois, s'élèvent dans l’eau et se dispersent. Le scyphistome vomit, en effet, des méduses. Après avoir engendré des filles qui lui ressemblent , le même scyphistome peut ainsi donner le jour à des petits d'une tout autre forme, qui grandiront extraordinaire- ment et ressembleront à leur aïeule qui a pondu les œufs. Ce sont les faits exposés dans toute leur simplicité. Mais les naturalistes ne sont pas tout à fait d'accord sur leur ( 600 } interprétation. M. Sars a vu, le premier, les scyphistomes ; il a reconnu plus tard, presque en même temps que M. Von Siebold, la filiation de ces polypes. M. Sars est d’avis que le corps du scyphistome se segmente lui-même et que son propre tissu se transforme en progéniture. Ce n’est point notre avis. La mère scyphistome reste entière, continue encore à vivre après cel enfantement, et n’a rien perdu de ses propres organes. La pile de jeunes méduses, qui ren- dent le scyphistome strobile, se développe dans la cavité digestive par voie gemmipare. Nous avons conservé de ces scyphistomes en vie, qui, il ya un an, ont donné des méduses et qui ont encore au- jourd’hui la même forme qu’alors. Le strobile ne se développe pas au moyen d’une trans- formation du scyphistome, puisque celui-ci, après avoir produit des méduses, peut de nouveau produire des poly- pes par stolons, comme il l'avait fait d’abord. Voilà donc des mères, des filles, des petites-filles et des cousines germaines qui présentent entre elles les plus grandes dissemblances, et diffèrent plus les unes des au- tres que le singe ne diffère de la chauve-souris ou d’un mammifère quelconque. Plusieurs formes sont ainsi engen- drées par une seule et même souche, qui ne composent, par conséquent, qu'une seule et même espèce, mais que des naturalistes, avant d’avoir étudié leur filiation, avaient placées dans des genres et même dans des ordres dis- tincts. En résumé, une mère méduse pond des œufs qui sont fecondés par des filaments mâles; de ces œufs sort une armée d’animalcules vagabonds, couverts d’une peau cihée el vibratile, qui folâtrent au fond de la mer et passent leur première Jeunesse comme un infusoire. Ces animal- ( 601 ) cules deviennent ensuite plus posés, changent compléte- ment de manière de vivre, se choisissent un lieu de repos pour ne plus le quitter. Il leur vient alors une bouche, car jusqu'ici ils ne mangeaient que par la peau ; des bras s’élè- vent tout autour d'elle pour saisir la proie; ils vivent, en un mot, comme des polypes. Enfin, il leur pousse à l’ex- térieur des bourgeons qui deviennent semblables à la mère; puis d’autres bourgeons s'élèvent à l'intérieur, qui sortent par la bouche et qui se transforment en grandes et belles méduses, qu’on peut appeler les oiseaux de l'Océan. Une autre sorte de polypes, que les naturalistes appel- lent Campanulaires , à cause des campanules ou clochettes qui terminent les diverses branches, présentent des phé- nomènes analogues. Pendant de longues années, on n’a connu que les premières phases de leur évolution, tandis que des précédentes, c'est-à-dire des méduses, on connais- sait seulement les dernières phases. Les uns étaient appelés polypes (les premières phases), les autres étaient nommés méduses (les dernières phases), tandis qu’au fend, ils con- stituent un seul et même type, auquel nous avons con- servé le premier nom. Ceux qui visitent Ostende savent qu'entre les pierres bleues des jetées, kateyen des Ostendais, il y a, pendant la marée basse, de véritables aquariums naturels dont le fond est peuplé d’arbustes microscopiques semblables à des cè- dres ou des sapins en miniature : ce sont des colonies de polypes. En les plaçant dans un verre ou un tube rempli d’eau de mer, au bout de quelques instants de repos, on assiste à un des plus jolis spectacles qu’il soit donné à l’homme de contempler, et, depuis vingt ans, j'en ai fait jouir bien ( 602 ) des personnnes qui sont venues me visiter dans mon labo- ratoire des dunes d’Ostende. Parmi les plus intéressants de ces polypes sont les cam- panulaires. | À peine sont-ils en repos que les branches s’étalent gracieusement, et qu'au lieu de bourgeons et de feuilles, on aperçoit de petites cellules coniques vitrées, dans les- quelles logent les polypes. De chaque cellule sort bientôt un corps qui, tout en ressemblant le plus souvent à une urne antique, change constamment de forme et étale tout un faisceau de bras capillaires, rugueux, armés de hame- çons et de perfides stylets meurtriers qu'ils lancent sur l'ennemi. Des milliers de polypes composent une seule colonie, et il n'est pas sans Intérêt de faire remarquer que la plus sincère fraternité règne dans cette communauté. Chaque polype, on pourrait dire aussi chaque bouche, se livre au plaisir de la pêche, et comme chaque bouche conduit à un estomac, et que tous les estomacs de la colonie sont en communication, par une intelligente irrigation, tous reçoivent leur part du gâteau ; ils ne connaissent point la misère individuelle : ce n’est que la misère générale qui puisse les atteindre. Vient la saison des amours : de nouveaux individus sur- gissent à l’aisselle des branches, les clochettes qui les logent sont plus spacieuses; elles ne sont pas ouvertes comme les autres, et les polypes qui les occupent n’ont ni bouche n1 tentacules. [ls sont chargés de la reproduction, et la communauté pourvoit à leur entretien. Ces polypes astomes sont médusipares comme les scy- phistomes dont nous avons parlé. Aussi, dans leur inté- rieur , sélève simultanément un chapelet de bourgeons ( 005 ) affectant d'abord la forme d'une étoile de mer, puis d’une méduse grandissant rapidement , présentant déjà des pul- sations dans leur étroite clochette, puis brisant tout d'un coup leur porte pour s'échapper sous la forme de petites méduses qui vont peupler l'Océan. En 1842, on ne connaissait rien de ces transforma- tions, et on supposail que toute la vie des campanulaires se passait dans les clochettes. Nous nous rendimes cette année-là à Ostende , au mois de mars, pour étudier les organismes inférieurs, et nous ne tardàmes pas à découvrir plusieurs espèces de cam- panulaires vivant parfaitement dans des aquariums sé- parés. Un jour, voulant reprendre, pour l'étude, une tige de campanulaire que nous avions déposée la veille, nous trou- vous l'aquarium plein de méduses microscopiques, mon- tant et descendant, se croisant dans tous les sens comme de petites étoiles vivantes et assez semblables à ces graines munies de leurs aigrettes, qu'un souffle aurait, en leur donnant la vie, dispersées au loin dans l'air. On comprendra aisément notre surprise. Tout ce monde de méduses avait surgi pendant la nuit. D'où venaient-elles ? L’aquarium ne contenait autre chose qu'une branche de campalunaire. Reprenant un des rameaux de ce polype pour continuer nos recherches de la veille, croyant abandonner les mé- duses, nous trouvons, au contraire, le mot de l'énigme. Sur le porte-objet du microscope, cette branche montrait des méduses en voie de développement, les unes palpitant encore dans leurs loges étroites, à côté d’autres échappant sous leurs formes de méduses complètes, telles qu’elles se montraient librement dans l’eau. ( 60% ) Ce sont décidément les campanulaires qui ont engendré les méduses. Mais celles-ci sont-elles des larves de campanulaires , comme nous l’avons cru d’abord, ou sont-elles, au con- traire, la forme adulte, le terme sexuel ? I n'y a plus de doute aujourd'hui, et il y a déjà quelques années que nous avons rectifié notre première opinion sur ce sujet : les petites méduses sont le terme sexuel, et les polypes campanulaires représentent la forme agame pré- paraloire. La méduse, c’est la fleur avec ses étamines ou ses pistils, qui mène une vie vagabonde comme ses ancêtres à la sortie de l’œuf. Aussi ce n’est pas sans étonnement que nous voyons des naturalistes haut placés dans la science : qui n’ont pas abandonné encore notre première interpré- tation. 11 y a quelques mois, M. Coste a entretenu de ce sujet l’Académie des sciences de Paris, et voici à quelle occasion. Dans le courant de l'été, quittant Ostende pour assister à une de nos séances, nous avions apporté des campanu- laires vivants, que nous montrâmes à quelques-uns de nos confrères, comme nous lavions fait déjà plusieurs fois auparavant. À notre arrivée, ces campanulaires con- tinuèrent à donner des méduses, comme elles l'avaient fait en chemin de fer. En quittant Bruxelles, nous remîmes quelques branches avec méduses à M. Schramm, pour ses beaux aquarium qu'il soigne avec tant de succès; 1l en expédia une partie à Paris et, peu de jours après, M. Coste fit, à l’Institut, une communication sur des campanulaires el des larves de méduses, dont la reproduction aurait com- mencé dans des aquariums en Belgique. : Nous avons vu avec plaisir l'importance que l'illustre académicien attache à ces polypes et à leur éclosion, et ( 605 ) nous demandons pardon à M. Coste de relever une petite inexactitude. Le phénomène de reproduction a, en effet, commencé en Belgique, mais dans la mer et non dans les aquariums, et ce phénomène de reproduction a continué sur le che- min de fer, à Bruxelles, à Louvain et à Paris, sans inter- ruption. Les méduses engendrées, au lieu d’être des larves, sont , au contraire, des formes adultes et complètes dont nous avons vu les organes sexuels. … L'espèce à laquelle M. Coste rapporte cette campanu- laire ne produit guère de méduses ici : cette forme avorte avant d'atteindre son développement complet. On peut dire, comme nous allons le voir, que le mariage se fait sans le concours des mariés dans la Campanularia dicho- (oma. Dans tout le groupe des polypes, il y a des espèces qui produisent des méduses à côté d'autres espèces qui n'en produisent pas. Dans les campanulaires comme dans les tubulaires, on en trouve de nombreux exemples. On voit même que, dans telle espèce, le développement à lieu aux trois quarts, dans telle autre seulement à la moitié ou au liers, dans d’autres, enfin, il y a arrêt de développement dès le début ; il n’y a qu’un simple sac pour représenter Ja méduse. C’est une fleur sans corolle et dans laquelle cependant la semence n'apparaît pas moins. On a pu dire quelquefois de certains ténors qu'ils ne sont que l’étui de leur larynx : ici, sans figure, certains campanulaires et plusieurs tubulaires ne sont de même que l’étui de leurs œufs ou de leur fluide fécondateur. En effet, quoique la forme ne se parachève pas, les œufs n’ar- rivent pas moins, et il y a perpétuation sexuelle sans 2° SÉRIE, TOME v. 40 ( 606 ) adultes. C'est comme certains lépidoptères dont l’un ou l'autre sexe ne s'élève jamais au delà de l’âge chenille. H en résulte cet étrange phénomène qu’on voit souvent naître les petits avant leur mère; qui se flétrit et meurt sans avoir vécu, et comme celle-ci ne se détache pas de la commur- nauté, on peut dire que sa progémture la précède dans l'existence. | Nous nous servons avec intention du mot générique Campanularia et non Laomedea, parce que ce dernier genre n'a aucune valeur. Nous avons vu des tiges droites et ramifiées devenir rampantes et couchées. | Nous ne quitterons pas les polypes sans vous entretenir encore un instant d'un groupe d'animaux voisins des précédents, mais vivant dans des condilions tout à fait différentes. Nous voulons parler des Acalèphes hydrosta- tiques. On les trouve en pleine mer, sous la forme de vérita- bles guirlandes de fleurs vivantes, Ni sous le rapport des formes, ni sous celui des richesses des couleurs, le règne végétal ne nous offre aucun produit aussi élégant ni aussi gracieux. Ces polypes semblent emprunter leur parure aux rubis ou aux topazes, ou montrent une transparence égale à celle du plus pur cristal. Qu'on se figure, dit M. de Quatrefages, en parlant des stéphanomies, un axe de cristal flexible, long quelquefois de plus d’un mêtre, tout autour duquel sont attachés, par de longs pédoncules également transparents, des cen- taines de petits corps allongés ou aplatis en forme de bouton de fleur; qu'on mêle à cette guirlande des perles d'un rouge vif et une infinité de filaments de diverses ( 607 ) grosseurs ; qu'on donne le mouvement et la vie à toutes ces parties, puis qu'on se rappelle que chacune d'elles est non pas un organe mais un animal distinct, disons-nous, ayant ses fonctions propres, l'un chargé de saisir la nour- rilure, l’autre de la digérer, un troisième d'assurer Ja propagation de l'espèce, un quatrième de respirer, un cinquième peut-être de voir, et l’on n'aura encore qu'une faible idée du merveilleux de cette organisation. M. de Quatrefages a raison ; c’est, en effet, une colonie, el les phalanstériens ne se doutent probablement pas que leur idéal est si complétement réalisé dans la classe des polypes. 11 y a bien des phénomènes analogues chez d'autres polypes, mais dans aucun groupe, la division du. travail n'est aussi distinctement établie. Ainsi, autant il y a de fonctions à accomplir dans Ja communaulé, autant il y a de sortes d'individus. Tous n'ont pas de bouche, mais ceux qui en ont sont naturelle- ment chargés de manger pour deux ou pour quatre, selon les besoins de la colonie; il y en a qui portent des na- geoires ou des rames et que l’on peut regarder comme de bons rameurs, chargés de conduire la galère; d’autres, et ce ne sont pas les moins importants, portent en eux la semence qui doit engendrer de nouveaux polypes et veillent exclusivement à la conservation de l'espèce. Nous ne finirons pas sans dire aussi un mot de ces existences dépendantes dont le sort est attaché à la vie d'un autre animal. Des animaux et des plantes se développent dans tous les milieux. On en trouve à la surface comme dans lin- térieur de la terre, dans l’eau salée comme dans l’eau douce; on en voit qui prennent le corps d’un animal ou ( 608 ) d’une plante pour sol et qui, non contents de vivre en com- mensal , leur empruntent leurs principaux moyens d’exis- tence. Ces derniers sont appelés parasites. On en observe dans toutes les classes du règne animal, depuis le polype jusqu’à l’homme ; chaque espèce nourrit ses parasiles propres. Leur forme est également appropriée au milieu dans lequel ils vivent, et dans leur évolution , comme dans leur structure, ce sont les mêmes lois qui les régissent. Les parasites produisent généralement de nombreux œufs, et, tout en élant guidés par un merveilleux instinct, ce n'est pas sans mille obstacles qu’ils font atteindre à leur progéniture le gîte où celle-ci doit pénétrer pour accom- plir sa destinée. Il y a souvent mille à parier contre un que tel embryon n'arrivera pas à sa destination; mais aussitôt, par une sorte de merveilleux rétablissement d'équilibre, la mère pondra mille œufs pour un seul, dans le but de pourvoir à la conservation de l’espèce. C'est même par millions qu’il faut compter les œufs de quelques-uns de ces vers indépendamment de leur mulu- plication par voie d’agamie. Si, dans les rangs supérieurs, nous ne voyons naître en général qu’un ou deux jeunes à la fois, c'est que ces Jeunes sont entourés, pendant des semaines ou des mois, des soins de la sollicitude maternelle, et la mort du petit est un pur accident. Un ou deux œufs suffisent. Chez les parasites, la nature a dû recourir à des levées extraordi- naires et, pour avoir un individu sous les armes, elle a compris qu'il fallait en mettre des milliers au monde. Conçoit-on que, devant des chiffres aussi éloquents, on ( 609 ) ait jamais pu songer à la génération spontanée des vers intestinaux ou de tout autre animaleule ? Les vers, parasites ou non, produisent, comme tout ce qui a vie, leurs œufs et leurs germes, et, ce que nous avons surtout à admirer, c'est la sagesse avec laquelle les chances de mort sont rigoureusement calculées pour main- tenir cet ensemble harmonieux en parfait équilibre. , Les germes viennent tous du dehors et sont colloqués dans l’un ou l’autre organe, en entrant ou par la peau d’une manière directe, ou par les aliments, ce qui est le cas ordinaire. Ici quelques difficultés surgissent. Comment infester le lion ou le tigre, le loup ou le chat qui ne mangent que de la chair crue? Le passage aura lieu par l'intermédiaire de la proie. La nature saura se servir de cette pâture vivante et, pour employer une expression vulgaire, elle enveloppera la pilule dans une friandise. C'est, en effet, ce qui a lieu. La brebis introduit, avec l'herbe qu’elle broute, l'œuf d'où sortira le cœnure, que le loup ou le chien a semé sur son passage, et l'embryon qui en sort, gagnant le cer- veau de son hôte, dépose à sa surface une armée de vers vésiculaires destinés au loup ou au chien. Le loup ou le chien est le terme de leur voyage, et ceux qui arrivent à ce terme deviennent Tenia ou vers solitaires. Les vers cœnures qui produisent le tournis des moutons, en labourant leur cerveau, doivent pénétrer dans l'intestin : de celui pour lequel la cervelle de mouton est une friandise. Le mouton nourrit, indépendamment des vers qu'il loge pour le compte d’un autre, ses propres vers à lui. Le cænure n'est qu'un pèlerin à qui il accorde l'hospitalité. C’est ainsi que les souris et les rats couvent, ou plutôt ( 610 ) hébergent, l'hôte qui est destiné au chat, comme le lapin et le lièvre logent les cysticerques qui deviendront Tenia dans le chien. Qu'il me soit permis de rappeler qu'en 1848, on ne connaissait rien de ces transmigrations des vers, Au mois de février, pendant que le canon grondait à Paris, je dé- couvris la nature des linguatules, et au mois de novembre suivant, Joh. Müller, venant me prendre à Louvain pour aller à Ostende, me dit, le lendemain de son arrivée, dans mon cabinet de travail : la nature des Tetrarhynques et celle des Linguatules sont pour le moment les deux points scientifiques les plus importants à élucider. Je pus lui ré- pondre pour les linguatules : c'est fait, voici la notice que je viens de publier. Quant au tétrarhynques, je pus lui montrer mes dessins, qui représentaient toute leur évolu- tion, ainsi que leur séjour, d'abord dans les poissons osseux, puis dans les sélaciens. En janvier 1849, j'annonçais à l’Académie que j'étais par- venu à dévoiler complétement l’histoire de ces parasites. Un an et demi après (juillet 1850), M. Von Siebold publia sa notice sur les tétrarhynques, et, par le titre seul de cette notice, on voit que le savant professeur de Munich adopta mes idées, qu’il avait combattues peu de temps au- paravant. C’est après avoir annoncé que tous les vers vésiculaires deviennent vers rubanaires ou Tenias dans un autre animal, que des expériences ont été instituées el ont confirmé pleinement le résultat que j'avais annoncé, Ces parasites, vivant dans des animaux qui sont des- nés à devenir la proie d’un carnassier, ont une première forme vésiculaire, qui changera plus tard en une forme ru- banaire, quand ils seront arrivés au terme de leur voyage. ( 614 ) Sous la forme vésiculaire, ils reçoivent l'hospitalité provi- soire; sous leur forme de ruban, ils ont leur logement définitif. C'est un phénomène de métamorphose, se com- pliquant du phénomène de digenèse et de transmigration. C'est dans la victime définitive, quand le ver a atteint le terme de son voyage, que les œufs se développent pour être semés ensuite sur la route de l’herbivore. Le lapin trouve ces œufs sur l'herbe qu'il broute; un embryon à six erochets en sort et pénètre dans ses tissus ; cet embryon est conformé pour fouir les organes comme la taupe creuse le sol, el pour pénétrer par des galeries qui se forment et se détruisent immédiatement. C'est une aiguille d'acupuncture qui passe. Arrivé au viscère qui doit le nourrir, les crochets, devenus inutiles, tombent, et on voit apparaître une vésicule plus ou moins grande qui engendre quelquefois plusieurs centaines ou milliers d’autres vésicules qui compromettent souvent la vie de leur hôte par leur extrême développement. Cette vésicule ne peut se développer davantage dans le lapin, et meurt avec lui, s'il n'est point dévoré. Au contraire , aussilôt que celte vésieule, qu'on appelle cysticerque, est introduite dans l'estomac du chien , une nouvelle activité se manifeste , le ver s'évagine, passe de l'estomac dans l'intestin, s'attache aux parois à l’aide de ses crochets et de ses ventouses, pousse de nombreux segments, qui sont autant de vers complets et adultes, et l’ensemble présente cette forme rubanaire et segmentée qu’on désigne communément sous le nom de ver solitaire. Ce prétendu ver solitaire est donc une colonie, composée d'une première sorte d'individus, la tête qui s'est déve- loppée dans le lapin, et d’une seconde sorte, les cucumé- rins Ou segments, qui réunissent les deux sexes. (612) Quand j'annonçai pour la première fois ce résultat à Paris, on me répondit : C’est un roman. Tout ce que je pus répliquer fut de dire : Ce n’est pas moi qui l'ai fait; il est l’œuvre du Créateur. Des hommes haut placés dans la science et exerçant une certaine influence prétendirent, il y a quelques années, que des expériences faites sous leur direction avaient donné un résultat contraire à celui que nous avions an- noncé. Mais ce qui réussissait à Louvain devait également réussir à Paris. Nous avons voulu convainere ces savants par une expérience décisive (8). Une autre catégorie plus cosmopolite encore, et non moins inconstante dans ses allures, sont les distomiens. Ils ne respectent aucune classe du règne animal et enva- hissent tous les organes. L'homme lui-même est le point de mire de plusieurs espèces. Voici leur généalogie : Au sortir de l’œuf, le jeune distome est en général cou- vert d’une robe ciliée, et, semblable à un infusoire, il s’'abandonne à toutes les évolutions de la vie libre et va- gabonde, en décrivant mille courbes capricieuses ; la vie est fort courte, même pour un distome; la jeunesse est suivie de bien près de l’âge viril ou décrépit, et, avant de mourir, il faut qu’il choisisse, avec cet instinct merveilleux qui est presque une mission imposée, un gite vivant , dans lequel il introduit un embryon unique, mais qui n’est pas sans postérité, Il avise ordinairement un mollusque, soit une limnée, soit une planorbe, s’installe comme un habitué dans sa coquille, colloque son fruit dans la peau de l’hôte légitime, et atteint ainsi le terme de son existence éphémère. Il a fini sa tâche. ( 613 ) Cet embryon colloqué ne ressemble pas plus à sa mère qu'à sa grand'mère. Ce n’est qu'un sac, sans organe spécial quelquefois, qu'on a appelé longtemps sporocyste, et qui est un véritable sac à embryons. Ici surtout la mère est ré- duite au rôle d'un étui. Une progéniture entière, composée de quelques centaines ou de milliers d'animalcules, issus de cette dernière, envahit les flancs de l'hôte que la mère a choisi pour servir de pâture, et se repait de ses viscères. La mère, en déposant sa descendance, n'ignorait pas que leur conservation ne pouvait avoir lieu qu'aux dépens de sa victime. Souvent cette multiplication ne suffit pas encore : le spo- rocysie unique engendre une ou plusieurs générations de sporocystes semblables, qui tous produisent à leur tour une riche descendance, et une armée entière de cercaires, munis de dards et de piquants, laboure impitoyablement le corps de cet asile vivant et usurpé. Cette dernière génération affecte une tout autre forme que celle des ancêtres; comme l'indique le nom, les cer- caires ont une queue distincte et mobile et ne sont pas sans ressemblance avec des têtards de grenouille. Ces cercaires parviennent tôt ou tard, quand elles sont complètes, à quitter leur hôte, pour reprendre la vie libre et vagabonde de leur grand’mère, qui nageait aussi, si- non à l’aide d’une nageoïre caudale, du moins par des cils vibratiles. Enfin, la cercaire, obéissant à sa mission, trouve une nouvelle victime sur laquelle elle s'embarque; elle con- naît le voyage que commence celui qu'elle choisit pour la voiturer, ou plutôt le port de refuge où la tempête doit la Jeter, et elle ne lui demande que le logement. Elle s’installe dans un cocon comme une chenille qui devient chrysalide, ( 614 ) s'endort dans un état de quiétude parfaite, pendant des jours , des semaines et même des années, pour se réveiller un beau jour, si son hôte est dévoré, dans l'estomac d’un nouvel amphitryon. | La voilà à sa destination. Elle $s’est débarrassée de sa queue ayant de s'enkyster sur son avant-dernier hôte, et une nouvelle vie commence pour elle. La cercaire devient distome. Au milieu d'une abondante nourriture, il prend rapidement de l’embonpoint, les organes sexuels surgis- sent, et des milliers d'œufs apparaissent dans une matrice qui finit souvent par envahir tout le corps. Ainsi, sous deux formes différentes, le distome mène une vie libre et vagabonde, et, sous deux autres formes au moins, il vit d’abord dans un hôte provisoire, qui le loge comme un pèlerin, puis dans un hôte définitif, qui est sa patrie, Combien y en a-t-il, parmi ces embryons ciliés, vez guant sans guide et sans boussole au milieu de leur océan, qui toucheront terre, c’est-à-dire qui trouveront leur île ou le port qui doit recevoir leur progéniture ? Bien peu évidemment, même sans tenir compte des nombreux en- nemis qui vont les harceler sur leur passage : ce sont des navires marchands qu’un bon vent doit pousser à travers une flotte de vaisseaux ennemis. C’est bien heureux sil y en à un qui échappe. Cette première période embryon- paire est la plus dangereuse; mais si un seul individu se sauve et atteint le port, les chances se rétablissent, puis- qu'il dépose toute une progéniture qui n'a plus de danger à courir, Celle progéniture vit au milieu de l'abondance, et comme elle n'a pas de voyage à accomplir, étant eol- loqué pour toujours, elle peut se passer des organes de locomolion de sa mère, et affecter une forme compléte- ment différente. ( 6145 ) En résumé, la puissance de reproduction est propor- tionnelle au danger qui est semé sur la route de la progéni- ture, comme la ténacité de Ja vie est en rapport avec la manière de vivre, Chez les uns, un ou deux œufs suffisent à la perpétuation régulière de l'espèce; chez les autres, àl en faut des milliers, outre les soins particuliers de con- servation que chacun d'eux réclame. Il suflit d'étendre le lapin ou le lièvre pour rompre la moelle épinière; il faut des efforts inouis pour attenter à la vie d’un vrai carnas- sier, comme le chat. Dans certains organismes inférieurs, les parasites, par exemple, les œufs résistent non-seulement à la dessicca- tion la plus complète pendant des mois entiers ou même des années; mais, après avoir servi de préparations ana- tomiques dans l'alcool le plus concentré ou même l'acide chromique, ils reviennent à la vie aussitôt qu'on les replace dans les conditions ordinaires, et les différentes phases de la vie embryonnaire se déroulent dans toute leur am- pleur, comme s'ils n'avaient pas quitté leur séjour naturel. On comprend dès lors la difficulté de bien conduire une expérience qui a pour but d'éliminer tout germe organique. L’air est souvent chargé de formes microsco- piques animales ou végétales dont les œufs et les spores, sinon les organismes entiers, envahissent, comme une poussière fine et impalpable, nos plus délicats instru- ments. Qui ne connaît aujourd'hui ces admirables rotiféres, répandus sur les toits des maisons comme sur le sommet des montagnes, à l'état de poussière pendant la séche- resse , à l'état d'animalcules après chaque pluie? On peut les oublier pendant des années dans quelque coin d’un üiroirsune goutte d'eau les rappelle à la vie, et les fonc- ( 616) tions reprennent leur cours chaque fois qu’un peu d’hu- midité inonde leurs tissus. Des anguillules vivent également dans un grain de blé, se développent, puis se dessèchent pour ressusciter chaque fois qu'un peu d'humidité leur rend leur souplesse. [l'en résulte que certains animaux, n’ayant que dix ou quinze jours de vie, peuvent ne la dépenser qu’au bout de quelques années, et si l’homme pouvait suspendre la vie de la même manière, il pourrait naître dans un siècle, s'endormir pendant une assez longue période d'années, et continuer la vie un ou deux siècles plus tard. Je termine, Messieurs, en vous signalant le vaste champ ouvert aux investigations du zoologiste. Il scrute la vie, c’est-à-dire la structure, le développement, les mœurs et la distribution géographique des animaux; il rend à la vie ces antiques débris des faunes antédiluviennes, qui, comme les palædaphes des terrains carbonifères, les tortues de Melsbrock et les gigantesques Mosasaures de la craie de Maestricht vivaient, dans une mer chauffée par le feu central, à la même place où s'élèvent aujourd’hui Bruxelles, Liége et nos principales villes. C'était sous l'influence d’une chaleur humide que s'épanouissait cette riche végétation qui a formé nos dépôts de houille et ces mille formes de produc- tions marines que les régions intertropicales seules voient encore éclore aujourd’hui. Si la tâche de déchiffrer ces let- tres vivantes, que le Tout-Puissant à semées aux époques géologiques, incombe au zoologiste, et son domaine s'étend jusque-là, on comprend difficilement comment, dans une loi récente, la zoologie a été reléguée pour le médecin comme pour le naturaliste, sur le dernier plan des con- naissances requises. C’est dans les animaux que le médecin ( 617 ) doit étudier la vie animale, et ce n’est pas sans raison que Buffon a dit : Sans les animaux, l'homme serait encore beaucoup plus inintelligible. Les nations se mesurent aujourd'hui à l'échelle de l'in- telligence. Ce sont les sciences et les arts qui font leur gloire. Profitons de la situation. Au lieu d’étouffer l'esprit scientifique dans l’enseignement médical et d’entraiuer la société à dépenser ses forces vives en luttes stériles, les gouvernements constilutionnels devraient, comme plus d'un monarque absolu leur en donne l'exemple, pousser la nation dans la voie féconde et glorieuse des conquêtes scientifiques. NOTES. (1) Flourens , Cours de physiologie comparée. Paris, 1856. (2) La construction des alvéoles d'abeilles a depuis longtemps excité l’ad- miration des géomètres et des naturalistes. En mesurant l’inclinaison des petites facettes qui forment le fond des alvéoles, les naturalistes s’assurèrent, d’après les calculs de Maclaurin, que l'instinct merveilleux des abeilles leur a révélé précisément la solution four- nie par une savante géométrie, comme donnant la plus parfaite économie et de matière et de labeur. Il faut rapporter la gloire de l'œuvre des abeilles à Celui qui a marqué l'empreinte d'une profonde géométrie, aussi bien dans l’humble demeure d’un insecte que dans la courbe lumineuse des astres à travers les cieux. (Pu. Gizsert, la Belgique, septembre 1858.) (5) Si l'observation de M. von Heyden est exacte, et on n'est pas dans l'habitude de révoquer en doute la précision de ses recherches, ce phénomène se complique de nouveau. Peu importe que ce soit le mâle que M. von Hey- den ait vu sur le dos de sa mère ou de ses tantes, le fait n'est pas moins extra- ordinaire. Un individu qui produit un gemme reste généralement agame , et ne produit pas plus tard des œufs (a). D'ailleurs, M. Leuckart, dans un écrit intéressant qu'il vient de publier, (a) Von Heyden, Stettiner entomol. Zeitung, 1857, p. 83. (618) révoque en doute l'exactitude de l'observation de M. von Heyden, et ne voit qu'un phénomène de gemmiparisme dans les générations vivipares (a). (4) A. de Quatrefages, Souvenirs d’un naturaliste. Paris, 1854. (5) Carl. Th. E. von Siebold, W'ahre Parthenogenesis bei Schmetterlin- gen und Bienen. Leipzig, 1856. (6) Depuis longtemps, on a observé des cas isolés de reproduction sans concours de mâles parmi certains lépidopteres. De Geer a conservé, pendant plusieurs années, des Solenobia (Talaeporia) lichenella se reproduisant toujours sans mâles (b). M. Carlier, membre de la Société entomologique de France, a obtenu trois générations du Ziparis dispar sans accouplement, et la dernière , ne don- nant que des mâles, mit fin à l'expérience (c). On a vu des vers à soie, des Euprepia casta et un grand nombre d’autres espèces se reproduire dé la même manière. M. von Siebold est le premier qui ait étudié les psychés, comparativement avec les pucerons, et, comme il les trouvait dans les conditions de sexualité, il n’a pas cru d’abord pouvoir admettre leur fécondité sine concugiru (d). Mais M. Reutti constata, peu de temps après, que la Solenobia lichenella n’engendre que des femelles qui produisent, sans concours de mâles, des : chenilles également femelles, et il répéta la même observation sur le Psyche helix. Ces psychés, que Réaumur comprénäit parmi Les Teignes à fourreau, sont des lépidoptères nocturnes dont les femelles restent chenilles pendant toute la vie et ne connaissent pas les avantages de la vie vagabonde du pa- pillon. Il y a des espèces dont les mâles sont encore inconnus et d’autres dont le mâle ailé féconde la femelle aptère. Nous avons vu les Psyche pulla des deux sexes complétement développés sous le rapport de leur appareil de perpétuation, mais le mâle seul est ailé. La femelle reste à l’état de chenille. C’est en 1852 que M. R. Leuckart a constaté pour la première fois, le scalpel à la main, l’existence de véritables œufs, formés dans des ovaires et donnant le jour à une nouvelle génération sans concours de mâles. C’est le premier exemple de véritable parthénogenese, scientifiquement constaté. C’est sur le Solenobia lichenella que M. R. Leuckart a fait cette observation. (7) Lievin, Veu. Schrift. d. nat. Ges. zu Dantzig, IV Heft. (8) Nous avons pris, à Louvain, deux jeunes chiens : Blac et Fido; le (a) Dr Rud. Leuckart, Zur Kentniss des Generationswechsels und der Partheno- genesis bei den Insekten.— Moleschott, Untersuchungen, IN. Frankfurt a. M., 1858. (b) Abhand. zur Geschichte der Insekten , I 1, p. 279. (c) Lacordaire, Introduction à l'entomologie , p. 385. (d) Zeits. fur w ss. Zoologie, vol. I. 1848. ( 619 ) premier portéra le n° 5; le second le n° 5. Ils avaient cinq semaines les pre- miers jours de décembre. HS étaient de la même jetée. Le 18 décembre, Blac prend trente-sept eÿsticerques provenant de la eavité du péritoine d’un lapin domestique; le 12 mars, on lui en donne quatre autres, le 25 mars encore vingt-cinq, et le 21 avril enfin encore quatre, ce qui fait en tout soixante et dix cysticerques pysiformes. Fide est mort dans le mois de janvier. Le résultat de son autopsie n’a pas d'intérêt iei; nous dirons toutefois que son intestin ne contenait pas de Zenia serrata; n'ayant point avalé de eysticerques. Fido est remplacé immédiatement par le premier jeune chien que nous pouvons nous procurer. Nous l’appellerons Hirza. Il est placé à côté de Blae, ne prend pas de eysticerques et il est nourri comme lui, C'est le n° 4. Le 1‘ mars, nous achetons deux jeunes chiens, frère et sœur, nés le même jour, et nous les laissons auprès de la mère jusqu'au 11 mars. Le mâle s'appelle Caïo ; il est désigné sous le n° 1. La femelle s'appelle Tine et porte le n° 2, » ’ Caïo prend, le 12 mars, ainsi à l’âge de douze jours, quatre cysticerques; le 25 mars, il en prend vingt-cinq, le 21 avril trois; en tout trente-deux cysticerques. Tine n’a pas quitté Caïo, elle n’a pas reçu de cysticerques, mais elle a mangé et bu à la même gamelle que son frère. Le 22 avril, nous partons pour Paris amenant les quatre chiens, et le 24 avril, à 1 heure, dans le laboratoire de M, Valenciennes, en présence de ce professeur, de MM. Edwards, de Quatrefages et Haime, nous déelarons, par éerit ; que les n° 1; Caïo ; et le n° 5, Blac, ont pris seuls des cysticerques, et nous déposons, avant de procéder à l’autopsie , cette déclaration contenant les indications suivantes : le 42marss à . : Ga'onv4 a pris. . . { le 25 mars. . . . 4 25 } cysticerques,. la, 21, au er ce st 3 92 TôrEr: : | Tine n° 9 n’a rien pris. / le 18 octobre . . . 37 le 12 mars. . . le95 mars. + . . Je A ANR 5. 4 Blacno3apris. . . : ( cysticerques. Toraz. . . 70 Mirza n° 4 n’a rien pris. Les quatre chiens sont étranglés par le gardien, et, avant d'en faire l’au- ( 620 ) topsie, nous répétons que les n°‘ 1 et 3 doivent avoir des ténias, le premier, de trois âges différents, le n° 5, de quatre âges différents; que, dans ce dernier (Blac), il doit y avoir des ténias plus âgés que dans Caïo, et en plus grand nombre ; qu’enfin, les n° 2 et 4 n’en auront pas. N Au moment de les ouvrir, M. Valenciennes, avec qui nous avions déjà eu une discussion très-vive, répéta de nouveau : « Mais tous les chiens ont des Tenta serrata; vous ne nous apprendrez donc rien. » Nous avons répondu : pour preuve que tous les chiens n’en ont pas, c'est que les n°° 2 et 4, dont nous allons faire l’autopsie, n’en auront pas. Nous allions même jusqu’à dire qu'ils ne pouvaient pas en avoir; que je répondais positivement du n° 2, mais que je ne pourrais en faire autant du n° 4, qui avait été vagabond avant de venir chez moi. Le n° 2, Tine, avait été porté de la mère directe- ment à notre laboratoire. Le n° 1, Caïo, est ouvert : il porte dix-sept ténias dans l’intestin grêle, répartis distinctement en trois masses, occupant des hauteurs différentes et ndiquant des différences d'âge. Les plus grands n’ont pas encore leurs or- ganes sexuels. Le n°2, Tine, est ouvert ensuite. Nous incisons le duodénum, il n’y a rien; nous ouvrons l'intestin jusqu’au cœcum, sans découvrir un seul Tenia ser- rata. Le n° 5, Blac, qui était mis en expérience depuis le mois de décembre, est ouvert ensuite; son intestin grêle est littéralement obstrué de ténias; plu- sieurs d’entre eux sont très-longs , et les organes sexuels sont complétement développés. On en voit les orifices et on distingue les œufs à l’œil nu. Il y en avait vingt-cinq encore le lendemain, quand ils ont été comptés. On voyait distinctement qu’ils appartenaient au moins à trois générations différentes. Nous avons insisté pour que l’autopsie du n° 4 eût lieu encore pendant cette séance, et, comme dans le n° 2, Mirza ne contenait aucune apparence de ténias. Ces ténias ont été conservés au Muséum, dans la liqueur. Peut-il y avoir encore du doute sur l'origine du Tenia serrata ? Le lundi suivant, M. Milne Edwards a bien voulu se charger de rendre compte de ces expériences à l’Institut. (Comptes rendus, t. XL, p. 997. Journal l’Institut, 1855, p. 149.) M. le secrétaire perpétuel a donné ensuite connaissance des résultats du concours annuel de Ja classe, et le doc- ( 621 ) teur Crocq, auteur du mémoire couronné sur la question de physiologie, à qui a été décernée la médaille d'or, est venu la recevoir au milieu des applaudissements de l’as- semblée. OUVRAGES PRÉSENTÉS. —— Periodische Erscheinungen der Pflanzen ; von A. Quetelet. Altona, 1858; 1 broch. in-8°, On the genus Woodocrinus ; by prof. L. De Koninck and Ed- ward Wood. 1 broch. in-8°. Discours prononcé par P.-F.-X, de Ram, recteur de l'univer- silé catholique de Louvain, après le service funèbre célébré pour le repos de l'âme de M. J.-H. Van Oyen. Louvain, 1858; 1 broch. in-12. Discours prononcé par M. le professeur Van Beneden, doyen de la faculté des sciences de l'université catholique de Louvain, à l'issue du service funèbre célébré pour le repos de l'âme de M. J.-H. Van Oyen. Louvain, 1858 ; 4 broch. in-8. Discours prononcé à l'ouverture solennelle des cours et rapport sur la situation de l'université de Gand pendant l'année acadé- mique 4857-1858; par M. J. Roulez, recteur. Gand, 1858; 1 broch. in-8°. La question de la charité et des associations religieuses en Belgique; par Éd. Ducpetiaux. Bruxelles, 4858; 1 vol. in-8°. Nouvelle classification des monnaies de Jeanne, duchesse de Brabant ; par R. Chalon. Bruxelles, 1858 ; 1 broch. in-8°. Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique ; par Alexandre Henne. Tome III. Bruxelles, 4858 ; 1 vol. in-8°. Compte rendu des travaux du congrès de la propriélé litté- 2" SÉRIE, TOME V. A1 ( 622 |} raire et artistique ; par Édouard Romberg. Tome I". Bruxelles, 1859; 4 vol. in-8°. Les églises de Gand; par Kervyn de Volkaersbeke, Tome H. Gand, 1858 ; 1 vol. in-8°. Recherches sur la vie et les travaux des imprimeurs de Gand (1483-1850); par Ferd. Vander Haegen. l'* partie. XV et XVIe siècles. Gand, 1858 ; 1 vol. in-8°. Essai de monographie des mereaux des corporations de mé- tiers des Pays-Bas; par À. Perreau. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Lettre sur l'homæopaihie; par le Dr. J. Parigot. Bruxelles, 1858; 1 broch. in-8°. Notice sur les collections botaniques de M. le comte de Lim- minghe, à Gentinnes- Brabant. Gand, 1858; 1 broch. in-8°. Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- gique. Tome V. 9e à 192% livr. Liége, 1858; in-42. Revue de la numismatique belge. 5"° série. Tome IL 4% live. Bruxelles, 1858; in-8. L’Abeille; revue pédagogique. IV" année. 9e à 12% live. Bruxelles, 1858; 4 broch. in-8°. Revue populaire des sciences. l° année. N° 10 à 12. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8. Revue de l'instruction publique en Belgique. VI®® année. Octo- bre à décembre. Bruges, 1858; 3 broch. in-8°. Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique. Tome XVre. Arc et 2e live. Anvers, 1858; 2 broch. in-8°. Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limbourg. Tome IIL. 2° fase. Tongres, 1858; 4 broch. in-8°. Journal historique et littéraire. Tome XXV. Livr. 7 à 9. Liége, 1858; 3 broch. in-8°. Annales de l'enseignement public. Tome Il. N° 8 à 12. Liége- Verviers, 1858; 5 broch. in-$°. De Vlaemsche school. IN%° Jahrg. 13° à 24% livr. Anvers, 1858: 12 broch. in-4°. ( 625 ) Journal belge de l'architecture. VII”: année. 9": livr. Bruxelles, 1858 ; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie. XVI° année. Cahiers d'octobre à décembre. Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome XXII. 4° à 6me cahiers. Bruxelles, 4858; 3 broch. in-8°. Annales d'oculistique. Tome XL. 1° à 6° livr. Bruxelles, 1858; 5 broch. in-8°. Tables générales des tomes I à XXX des Annales d'oculistique ; dressées par le Dr. Warlomont. Bruxelles; 1 vol. in-8°. Annules de médecine vétérinaire. VIH"° année. 10° à 49e ça- hiers. Bruxelles, 4858 ; 3 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. XIX"° année. Livr, d'octobre à décembre. Anvers, 4858; 5 broch. in-8°. Journal de pharmacie; publié par la Société de pharmacie d'Anvers. XIVe année. Octobre à décembre. Anvers, 1838 ; 3 broch. in-8°. Annales de la Sociélé médico-chirurgicale de Bruges. XIX”° année. Octobre à décembre. Bruges, 1858; 3 broch. in-8°. Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. XXIV®°< année. Novembre et décembre. Gand, 1858 ; 1 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique. W®° année. Octobre à décembre, Bruxelles, 1858; 3 broch. in-8. L'illustration horticole. V®° vol. 10e à 49% livr. Gand, 4858; 3 broch. in-8°. Tijdschrift voor entomologie ; uitgegeven door de neder- landsche entomologische vereeniging. IS® Deel. 15-65 aff. Ie Deel. 45 en 2% afl. La Haye- Leyde; 1857-1858; 6 broch. in-4°. Handelingen der jaarlijksche algemeene vergadering van de Maaischappij der nederlandsche letterkunde te Leiden, gehou- den den 17° junij 4858. Leiden, 1858: 1 vol. in-8. Comptes rendus hebdomadaires des séances. de l'Académie des (624) sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XLVIE N°s 44 à 26. Paris, 1858; 15 broch. in-4°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F. E. Guérin-Méneville. 2" série. Tome X. N°5 40 à 12. Paris, 1858: 3 broch. in-8°. Revue de l'art chrétien. He année. N°5 410 à 12. Paris, 1858; 3 broch. in-8°. Journal de la Société de la morale chrétienne. Tome VITE. N° 5. Paris, 14858 ; 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1858. N° 5. Amiens: 1 broch. in-8°. Sur des monnaies vespasiennes découvertes à Beauval, com- mune de Crèvecœur (Nord); par Ch. Roth. 1858; 1 broch. in-8°, autographiée. Mémoires de la Société impériale des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille. Année 1857. Lille, 14858 ; 1 vol. in-8°. Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie. VIIMe année. 27e et 28e Jivr. S'-Omer, 1858; 1 broch. in-8°. Zeuschrift für allgemeine Erdkunde. N°® 55 à 63. Janvier à septembre 1858. Berlin ; 9 broch. in-8°. Poseidon Basileus und Athene Sthenias nebsteinem Vorwort zu einem Vasenbild der Kerkopen; von Th. Panofka. Berlin, 1857; 4 broch. in-8°. Geognostische Beschreibung des Unteren Breisgaus von Hoch- burg bis Lahr ; von Dr. Philipp Platz. Carlsruhe, 1858 ; in-4°. Hochschule zu Freiburg im Breisqau: — Ankündigung der Vorlesungen, weiche im Jahre 1858-1859 ; — Programmwodurch zur Feier des Geburtsfestes ; — Inaugural Dissertation über die Accommodation des Fischauges. Freiburg im Breisgau, 1858; 4 broch. in-4°. Archiv der Mathematik und Physik ; herausgegeben von J.-A. Grunert. XXXI Theil. 15e et 4t Heftes. Greifswald, 1858: 4 broch. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der ( 625 ) vier Facultäten. LA Jahrg. 10-12 Heftes. Heidelberg, 1858: 3 broch. in-8°. Naturhistorisch-Medicinischen Vereins zu Heidelberg : — Ver- handlungen. N° V; — Statuten. Heidelberg, 4858; 2 broch. in-8°. Berättelse om framstegen à fysik under àr 1852 ; afgifven till kongl. vetenskaps-Akademien af E. Edlund. Stockholm, 1857; 4 vol. in-8°. Kongliga svenska fregatten Eugenies resa omkring jorden under befàl af C. A. Virgin àren 1851-1855. Mäft 1-5. Stock- holm, 4857; 5 cahiers in-4°. Compendio storico della scuola anatomica di Bologna dal rinascimento delle scienze e delle lettere a tutto il secolo X VIII, con un paragone fra la sua antichità e quella delle scuole di Sa- lerno e di Padova; scritto da Michele Medici. Bologne, 1857; 4 vol. in-4°. Atti dell Accademia pontificia de Nuovi Lincei. Anno XI. Ses- sione 7°, Rome, 1858; in-4°. Proceedings of the royal Society of Edinburgh. Vol. IV. N° 48. Edimbourg, 1858; 1 broch. in-8°. Astronomical and meteorological observations made at the Radcliffe observatory, Oxford, in the year 1856 ; under the su- perintendance of Manuel J. Johnson. Vol. XVII. Oxford, 1858; 4 vol. in-8°. Report of the commissioner of patents for the year 1856. Agriculture. Washington, 1857; 1 vol. in-8°. Meteorology in its connection with agriculture; by prof. J. Henry. Washington, 1858; 1 broch. in-S°. | Catalogue of North american Diptera; by R. Osten Sacken. Washington, 1858; 1 broch. in-&. Catalogue of North american Mammals ; by Spencer F. Baird. Washington, 1857; 1 broch. in-4#°, Smithsonian meteorological and physical tables; by Arnold Guyot. Second edition. Washington, 1858; 1 vol. in-8. ( 020) Fourth meteorological Re by prof. J. Espy. Washington, 1857; 1 vol. in-4. Proceedings of the american Academy of arts and sciences. Vol. IE. P. 249 jusqu à la fin. Vol. IV. P. 4 à 88. Baston, 1858; in-8°. Proceedings of the americun Association for the advancement of science. X- XI meetings. Cambridge, 1857; 2 vol. in-&. The first and second annual reports of the geological survey of Missouri; by G.-C. Swallow. Columbia, 1855 ; 1 vol. in-8. The rocks of Kansas, by G.-C. Swallow and F. Hawn; with descriptions of new permian fossils, by G.-C. Swallow. S'-Louis, 1858; 1 broch. in-8°. Descriptions of new fossils, from the coul measures of Mis- souri and Kansas; by B.-F, Shumard and G.-C. Swallow. S' Louis, 1858; 1 broch. in-&. | Thirty-ninth annual report of the controllers of the public schools of the first school district of Pennsylvania, comprismg the city of Philadelphia, for the year ending december 31, 1857. Philadelphie, 4858; 1 vol. in-8°. Eleventh annual report of the board of agriculture of the state of Ohio. Columbus, 1857; 1 vol. in-8°. Transactions of the Michigan state agricultural Society {or 1856. Vol. VIII. Lansing, 1857; 1 vol. in-8°. Academy of natural sciences of Philadelphia : — Journal. New series. Vol. IL Part 4; — Proceedings. Index of vol. VIE. Vol. IX. Feuilles 8-16. Vol. X. Feuilles 1-9. Philadelphie, 1856- 1838; 1 broch. in-4° et 5 broch. in-8°. Proceedings of the american philosophical Society. Vol. VE. N° 57 et 58. Philadelphie, 1857; 2 broch. in-8°. Physical and celestial mechanics ; ù Benjamin Peirce. Boston, 4855 ; 1 vol. in-4°. Gauss”’s theoria motus ; by Ch. H. Davis. Boston, 1857; 1 vol. in-4°. Contributions to the natural history of the United States of ( 627 ) America; by L. Agassiz. Vol. Let I. Boston, 1857; 2 vol. in-4°. Report of the superintendant of the United States coast survey for 4856. Washington, 1856; 1 vol. in-4°, Tide tables, for the use of navigators, prepared from the coast survey observations; by A.-D, Bache. New-York, 1858; 1 broch. in-8°. « Onthe heights of thetides of the United States, from observa- tions in the coast survey; by A.-D. Bache. New-Haven, 1858; 1 broch. in-8°. Notice of remains of extinct vertebrata, from the valley of the Nisbrard river; by J. Leidy. Philadelphie, 1858; 1 broch. in-8°, Remains of domestic animals discovered among post-pleiocene fossils in South-Carolina; by F.-S. Holmes. Charleston , 1858; 1 broch. in-8°. Register of the thermometer for 36 years, from 1821 to 1856, to which is added the quantity of Rain falling in Boston, for 54 years, from 1825 10 1856 ; by Jonathan P. Hall. Boston, 1858; 4 broch. in-4°. The transactions of the Academy of science of S' Louis. Vol. I. N°2, St Louis, 48È8 ; 1 vol. in-8°. Anules de la universidad de Chile. 1856. Santiago; 1 vol. in-8°. Publications of the historical Society of Pennsylvania : — Con- tributions to american history 1858 ; — History of Braddock's expedition. Philadelphie, 4856-1858 ; 2 vol. in-8°. Reports of explorations and surveys, for a railroad route from the Mississipi river lo the Pacific ocean. Vol. I- VIH. Washington, 1855; 7 vol. in-4°. Letter of lieut. G. K. Warren, top. Eng., to the Hon. George W. Jones, relative to his explorations of Nebraska territory. Washington, 1858; 1 broch. in-8°. FIN DU TOME V DE LA 2 SÉRIE, U Re 1. Non. fer 9 TOR tt JE. okashs AOÛ ù LL ES Janus on NAT 3 ao iobhsitioque 543 oh | RE ROGUE sl ae re RAT AIEATE ty Von gr aol ; 280) to Te "ar AL re Li xd anoiarraado #94 | 2" j " Mer, + US 4 À: ALFA * | ae seit, 2 seu ah nue 1 t \ HE RAA PART rie fs 1 A , nr re ni HUE ALT) soul ira REG sil Jsbalitd bibi, Eu LANTERNE Pen Wrouuaas Hp tps eos à tHUSE raies Ltuu € vor + N" | AREA ut i ie fA à su st el va à AE si fo 3 Ce AAA daotuete art bras Li Y Die x Val de | à 1 Fi sa Prat A f . sp ne | No) A … da: \: TANT ra PE ne | élan de Per à : QU he a re ra | Hd tie here a à w it | BULLETINS DE L ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, TABLES ALPHABÉTIQUES DU TOME CINQUIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE. — a 1858. — TABLE DES AUTEURS. A. Academie royale des beaux-arts de Milan. — Envoi de son programme de concours, 155. Académie royale des sciences de Munich. — Annonce la célébration de la fête séculaire de l'anniversaire de sa fondation, 535. Académie royale des sciences de Turin. — Envoi de son programme de concours, 128. Agassiz. — Élu associé, 554. Altenrath. — Lauréat du grand concours d’architecture, 225, 255. Alvin. — Observations relatives aux bustes des académiciens décédés, 108; délégué de la classe des beaux-arts pour l'examen de ces observations, 108; observations relatives à la rédaction du programme de concours, 324; lecture de son rapport sur les bustes des académiciens décédés, 375; promet une notice biographique sur feu le chevalier Marchal, 520. Association allemande pour l’avancement des sciences. — Annonce de sa XXXIV®e réunion, 85. 630 TABLE DFS AUTEURS. Association britannique pour l'avancement des sciences. — Annonce de sa réunion à Leeds, 2, 85. Athénée d’ Amsterdam. — Hommage d’un ouvrage, 128. B. Bache. — Envoi d’une carte pour l'observation de l’occultation des Piéiades, 446. Baeckelmans.— Lauréat du grand concours d'architecture, 225, 255. Baguet. — De l'étude du latin, 54. Bernardin. — Présentation de phénomènes périodiques, 334. Boblin. — Rapport de M. Liagre sur son appareil à levier substitué au mi- cromètre des instruments de précision, 5; sur une expérience d'optique permettant d'obtenir d’une seule épreuve photographique la sensation du corps en relief, 504; rapport de M. Duprez sur cette note, 260. Bommer. — Présentation de phénomenes périodiques, 536. Bormans. — Commissaire pour un projet de règlement pour un prix triennal de composition dramatique flamande, 127; hommage d’un ouvrage, 375. Boucher de Perthes. — Hommage d'ouvrages, 308. | Brabant (S. 4. R. le Duc de). — Remerciments pour l'envoi des publications académiques, 256. Braemt. — Délégué de l’Académie à la fête semi-séculaire de la Société royale de littérature de Gand, 155 ; recoit, au nom et pour la caisse des artistes, une somme prélevée sur le prix de vente des œuvres d’art de la dernière exposition triennale, 154. Brown (R.). — Annonce de sa mort, 84. Buvignier. — Hommage d'ouvrages, 86. C. Candèze. — Élu correspondant, 555. Cantraine. — Délégué de l’Acadérnie à la célébration du 25° anniversaire de la fondation de la Société des sciences de Mons, 85. Carton. — Commissaire pour un projet de réglement pouf un prix triennal de composition dramatique flamande, 127 ; demande à être remplacé dans ces fonctions, 127. Chalon. — Présentation, d’un mémoire sur les monnaies des comtes de Namur, 575; hommage d’un ouvrage, 519. Chapuis. — Rapports de MM. De Koninck, Nyst et d'Omalius Sur ses nou- velles recherches sur les fossiles secondaires du Luxembourg, 87; élu cor- respondant , 555. TANLE DES AUTEURS. 631 Coemans. — Sur quelques cryptogames critiques de la flore belge, 355; rapport de M. Kickx sur cette notice, 335. Conrardy. — Exécution de sa cantate couronnée, 255. Corridi. — Hommage d'un ouvrage, 225. Crets. — Hommage d'un ouvrage, 225; envoi d'inscriptions, 308. Crocq. — Auteur d'un mémoire couronné, 620. D. David. — Commissaire pour un projet de règlement pour un prix triennal de composition dramatique flamande, 127. De PBorre. — Présentation de phénomènes périodiques , 534. De Busscher. — Invite l'Académie à nommer des délégués à la fête semi- séculaire de la Société royale de littérature de Gand, 150, 155; notice sur la peinture murale à l'huile de 1448, à Gand, 156; nommé chevalier de l'ordre de Léopold , 255. De Decker. — Commissaire pour un projet de règlement pour un prix triennal de composition dramatique flamande, 127 ; délégué de la classe des lettres pour examiner les propositions de M. Alvin, relatives aux bustes des académiciens décédés, 129; commissaire pour un mémoire de M. Ad. Quetelet, 575; commissaire pour un mémoire de M. Ducpetiaux, 308; rapport sur ce mémoire , 583. Defacgz. — Commissaire pour un mémoire de M. Ducpetiaux, 508; rapport sur ce mémoire, 576. De Koninck. — Rapport sur un mémoire de M. Chapuis, 87; hommage d’un ouvrage, 556. De Ligne (M. le prince). — Remerciments, au nom du Sénat, pour l'envoi des publications académiques, 98 , 446. De Longpérier. — Hommage d’ouyrages , 127. De Maeght. — Lauréat du grand concours d’architecture, 255. Demanet. — Hommage d’un ouvrage, 108. De Mol. — Envois de compositions musicales, 106, 154. Denys. — Hommage d’une photographie, 225. D'Omalius d’Halloy. — Commissaire pour la révision du règlement des prix quinquennaux, 85; rapport sur un mémoire de M. Chapuis, 88 ; dis- cours prononcé à la séance publique de la classe des sciences du 16 dé- cembre, 555. | De Ram. — Commissaire pour un mémoire de M. Schwartz sur Henri de Gand, 51; rapport sur ce mémoire, 99 ; hommage d’un ouvrage, 518. De Saint-Genois (le baron). — Commissaire pour un mémoire de M. Schwartz 652 TABLE DES AUTEURS, sur Henri de Gand, 51; rapport sur ce mémoire, 100; commissaire pour un projet de règlement pour un prix triennal de composition dramatique flamande , 127; commissaire pour un mémoire de M. Nève, 128; présen- tation d’une notice biographique sur feu Vander Vynckt, 520. De Selys-Longchamps. — Lecture de son rapport sur un mémoire de M. Wesmael, 3; observations sur la température élevée du mois de juin 1858, 57; délégué de l’Académie à la célébration du 50e anniversaire de la Société royale de littérature de Gand, 114. De Smet. — Notice sur une stipulation du traité de Melun (1226), 151. De Vaux (4d.). — Commissaire pour la révision du règlement des prix quinquennaux, 85. De Wael (Emilien). — Présentation d'observations météorologiques, 447, De Witte (le baron). — Commissaire pour un mémoire de M. Nève, 128; rapport sur ce mémoire, 509; promet une notice biographique sur Pa- nofka, 520. Ducpetiaux. — Délégué de la classe des lettres au congrès de la propriété littéraire, 131; présentation d’un mémoire sur le patronage des condamnés libérés, 508; rapports de MM. Defacqz et De Decker sur ce mémoire, 576, 385; commissaire pour un mémoire de M. Ad. Quetelet, 575. Duprezs. — Présentation de phénomènes périodiques, 86; commissaire pour une note de M. Gouëzel, 258; rapport verbal sur cette note, 555; rapport verbal sur un mémoire de M. Perrey relatif aux tremblements de terre en 1856, 259; rapport verbal sur une note de M. Boblin relative à une expé- rience d'optique, 260; sur les étoiles filantes. du mois d'août 1858 obser- vées à Gand; 268; commissaire pour une demande du Ministre de l’intérieur relative aux paratonnerres, 446; rapport sur cette demande, 556. E. Encke. — Sur la différence des longitudes entre Berlin et Bruxelles, déter- minée par la télégraphie électrique, 115. F. Faider (Ch.). — Invite l’Académie à nommer des délégués au congrès de la propriété littéraire, 151; aperçu des travaux de ce congres, 521. Fétis (Ed.). — Situation de la caisse des artistes belges, 78 ; nommé cheva- lier de l’ordre de Léopold, 255 ; remplit provisoirement les fonctions de secrétaire perpétuel, 521; observations sur l’époque du jugement des concours, 522; notice sur Antoine François Van der Meulen , 407; lecture d’une notice sur feu M. F. Mengal, 554. TABLE DES AUTEURS, 653 Fetis (Fr.). — Lecture des rapports de MM. Snel et Van Hasselt sur son mémoire relatif à la musique des Grecs, 78; commissaire pour une compo - sition musicale de M. De Mol et pour des observations du Ministre de l’in- térieur relativement aux rapports trimestriels des lauréats, 106; délégué de l’Académie à la célébration du 25" anniversaire de la Société des sciences de Mons, 108; délégué de l'Académie à la fête semi-séculaire de la Société royale de littérature de Gand, 155 ; compte rendu de cette fête, 225; lecture d’un rapport sur des lettres de MM. De Mol et Benoit, 226. Fierlants. — Lecture des rapports de MM. Alvin, Corr, De Keyser, Ed. Fétis et Navez sur sa requête relative à la reproduction des chefs-d'œuvre de peinture de l’école flamande par la photographie, 77. Fritsch. — Présentation de phénomenes périodiques, 86. G. Gabba. — Remerciments pour sa médaille d'or, 50; accuse la réception de cette médaille, 507. Gachard. — Commissaire pour la révision du réglement des prix quinquen- naux , 85; lecture d’un fragment de son livre sur don Carlos, 519; lecture de son rapport sur le projet de reglement pour les prix quinquennaux, 575. Galeotti. — Lecture d’une notice nécrologique sur sa vie et ses travaux, par M. Ad. Quetelet, 450. Galimard. — Hommage d'une photographie, 76. Geefs (Guill.). — Discours sur le Beau dans les arts et principalement en sculpture , 247. Ghaye. — Présentation des phénomènes périodiques, 86. Gilbert. — Présentation d’une note sur quelques intégrales définies, 86. Gluge. — Note sur la coloration rouge du sang veineux, 19; dépôt d'un billet cacheté, 114; commissaire pour un mémoire de concours, 259; rap- port sur ce mémoire , 550. Gouëzel. — Note sur la météorologie, 258; rapports verbaux de MM. Du- prez et Ad. Quetelet sur cette note, 5355. Gouverneur du Brabant (M. le). — Invite l'Académie à assister aux funé- railles de M. Partoes, Ministre des travaux publics, 321. H. Hahn (AÆ.). — Auteur d’un mémoire sur le lieu de naissance de Charlema- gne, 128 ; remerciments pour la décision prise à l'égard de son mémoire , 508. 654 TABLE DES AUTEURS. Haïidinger. — Élu associé, 554. Hanssens. — Commissaire pour une composition musicale de M. De Mol et sur des observations du Ministre de l’intérieur relatives aux rapports tri- mestriels des lauréats , 106. Hansteen. — Sur le magnétisme du globe, 120; sur l'intensité du magné- tisme terrestre, et particulièrement à Bruxelles, 336. Henry (Joseph). — Envoi de publications de sociétés américaines, 446. Henry (L.). — Extrait d’une lettre communiquée par M. De Koninck, sur ’analyse de la berbérine, 25. J. Johnson. — Communication relative à la météorologie, 257. Jones (Henri). — Hommage d’un ouvrage, 524, K. Kervyn de Lettenhove. — S'excuse de n’avoir pu achever un travail des- tiné à être lu en séance, 520; notes sur que'ques points d'histoire litté- raire , 985. Kickx. — Commissaire pour une nolice le M. Coemans, 355; rapport sur cette notice , 448. L. Lacordaire. — Lecture de son rapport sur un mémoire de M. Wesmael, 3; hommage d’un ouvrage, 535. Lamarle. — Théorie géométrique des rayons et centres de courbure, 5; théorie géométrique des centres et axes instantanés de rotation, 340; commissaire pour un mémoire de M. Steichen, 536. Le Clerc. — Hommage d'ouvrages, 127. Leclercq. -- Commissaire pour la révision du réglement des prix quinquen- naux, 6. Lecomte. — Présentation d'observations d'étoiles filantes, 447. Le Hon. — Obtention d’une médaille d’or, 554. Lévy. — Auteur d’un mémoire couronné, 246, 254 ; remerciments pour la distinction accordée à son mémoire, 322. Liagre. — Rapport sur une note de M. Boblin , intitulée : Sur un appareil à levier substitué au micromètre des instruments de précision, 5. Loïse, — Accuse la réception de sa médaille d’or, 507. TABLE DES AUTEURS. 655 M. Marchal (le chevalier). — Promesse d'une notice biographique sur sa vie et ses travaux, par M. Alvin, 520, Martens. — Commissaire pour une note de M. Coemans, 555; rapport sur cette note, 449; notice sur les différences de caractère des radicaux multiples et des composés dualistiques, 466. Mathieu. — La tragédie de Maitre René de Bruxelles (René de Wael); tra- duite pour la première fois en français, 137. Maury. — Sur la conférence maritime tenue à Bruxelles en 1855, 2. Melsens. — Dépôt d’un billet cacheté, 447 ; présente une collection d’études d'histoire naturelle faites au microscope, 447. Ministre de l'intérieur. — Envoi d'ouvrages, 2, 107, 354, 574, 518; lettre relative au règlement des prix quinquennaux, 84; envoi d’une œuvre mu- sicale de M. De Mol et observations relatives aux rapports sur les composi- tions des lauréats des grands concours de composition musicale, 106; de- mande un plan détaillé de l’histoire de l’art en Belgique, 107; arrêté royal instituant un prix triennal pour la composition d’une œuvre drama- tique en langue flamande, 126; envoi d’une nouvelle composition de M. De Mol, 154; arrété royal relatif au concours biennal de composition musicale, 224; annonce l’exécution du buste de feu Dumont par M. Simonis, 256; remerciments pour l'envoi des publications académiques au conseil de perfectionnement de l’enseignement moyen, 507; médaille accordée à M. Le Hon, 554; lettres relatives aux prix de Stassart, 574 ; demande rela- tive aux paratonnerres, 446 ; rapport de M. Duprez sur cette demande, 556. Ministre des travaux publics. — Envoi d'ouvrages, 51. N. Navez. — Délégué de l’Académie au congrès de la propriété littéraire, 155. Nerenburger. — Commissaire pour un mémoire de M. Steichen , 556. Nève ( Félix). — Présentation d’un mémoire sur les guerres de Tamerlan, 128 ; rapport de M. le baron de Witte sur ce mémoire, 509. Noël (Ch.).— Note sur la constitution physique du soleil, 447. Nyst. — Rapport sur un mémoire de M. Chapuis, 88. 0. Olinger. — Lecture des rapports de MM. Bormans, David et Nolet de Brau- ‘were sur son prospectus d’un dictionnaire flamaud-français, 54. 636 TABLE DES AUTEURS, P. Pañnofka. — Annonce de sa mort, 96; M. le baron de Witte promet une notice sur sa vie et sur ses travaux , 520. Partoes. — Commissaire pour un mémoire de concours, 76. Pegado. — Observations météorologiques faites à Lisbonne du 25 au 29 mai 1858, 257. Perrey. — Rapports verbaux de MM. Duprez et Ad. Quetelet sur son mé- moire relatif aux tremblements de terre en 1856, 259. Peters. — Annonce une détermination de longitude entre Altona et Schwe- rin, 257. Pignatori. — Hommage d'ouvrages, 447. Poelman.— Note sur des champignons trouvés dans la cavité abdominale d’un poisson, 27. Q. Ouesteurs du Sénat et de la Chambre des Représentants. — Envoi de cartes pour les tribunes réservées, 536. Quetelet (4d.). — Commissaire pour la révision du réglement des prix quin- quennaux, 85; présentation de phénomènes périodiques, 86, 334, 536; sur la constance dans le nombre des mariages et sur la statistique morale en général, 89 ; observations relatives aux bustes des académiciens décé- dés, 108; délégué de la classe des sciences pour examiner les observations de M. Alvin relatives aux bustes des académiciens décédés, 129; compte rendu de la fête académique de la Société des sciences de Mons, 150, 155; délégué de la classe des sciences à la fête semi-séculaire de la Société royale de littérature de Gand, 151; commissaire pour une note de M. Gouëé- zel, 258; rapport verbal sur cette note, 535; rapport verbal sur un mé- moire de M. Perrey relatif aux tremblements de terre en 1856, 259; sur la comète de Donati, visible à l'œil nu, 260; sur l’occulation des Pléiades par la lune, 265; sur les étoiles filantes du mois d’août 1858, observées à Bruxelles, 265; s’excuse de ne pouvoir remplir ses fonctions de secrétaire perpétuel à cause des obsèques du Ministre des travaux publics, 521 ; pré- sentation d'un mémoire sur les principes de la statistique, considérés sous le rapport physique, intellectuel et moral de l’homme, 575; commissaire pour une demande de M. le Ministre de l’intérieur relative aux paratonnerres, 446; lecture d’une notice nécrologique sur H. G. Galeotti, 450; notice sur les travaux de l’ancienne Académie, 565; hommage d’un ouvrage, 556. Quetelet (Ernest). — Note sur un principe remarquable en géométrie, 15. TABLE DES AUTEURS. 697 KR. Renard (le général). — Cinquième lettre relative à l'identité de race des Gaulois et des Germains, 40; rapport de M. Roulez sur cette lettre, 32. Rigouts-F'erbert. — Présentation de phénomènes périodiques, 2. Roelandt. — Commissaire pour un mémoire de concours, 76; rapport sur ce mémoire, 227 ; invite l’Académie à nommer des délégués à la fête semi- séculaire de la Société royale de littérature de Gand, 150, 155; nommé officier de l’ordre de Léopold, 255. d Roi (S. M. le). — Exprime ses regrets de ne pouvoir assister à la séance publique de la classe des sciences, 555. Ruulez. — Inscriptions pour les médailles de MM. Gabba et Loise, 31 ; rap- port sur une cinquième lettre de M. le général Renard relative à l'identité de race des Gaulois et des Germains. 52; hommage d’un ouvrage, 519; inscriptions pour les médailles de MM. Ad, Siret et Edm. Lévy, 555. Rousselle. — Hommage d'une médaille, au nom de la Société des sciences de Mons, 150. S. Scarpellini (M'“).— Présentation de phénomènes périodiques, 114, 258, 447. S$chaar. — Commissaire pour une notice de M. Gilbert, 86. Schaarwood. — Annonce une expédition scientifique pour explorer les régions arcliques , 257. S$chayes. — Commissaire pour un mémoire de M. Chalon, 375. Scheffer (Æry). — Annonce de sa mort, 106. Schwann.— Commissaire pour un mémoire de concours, 259; rapport sur ce mémoire, 550. Schwartz. — Présentation d’un mémoire sur Henri de Gand et ses derniers historiens, 51 ; rapports de MM. de Ram et du baron de S5'-Genois sur ce mémoire, 99, 100. Secchi. — Envoi de deux mémoires, 258. Serrure. — Commissaire pour un mémoire de M. Chalon, 375. Simonis. — Exécute le buste de feu A. Dumont, 256. Siret. — Observations sur l’époque du jugement des concours, 523; présen- tation de sa table générale des Bulletins de l’Académie par le secrétaire perpétuel, 552. Snel. — Commissaire pour une composition musicale de M. De Mol et sur des observations du Ministre de l’intérieur relatives aux rapports sur ces œuvres, 106. 2° SÉRIE, TOME V. 42 638 TABLE DES AUTEURS. Snellaert. — Commissaire pour un projet de règlement pour un prix trien- nal de composition dramatique flamande, 127. Société archéologique de France. — Annonce de sa prochaine réunion, 99. Société d'émulation de Liége. — Envoi de son programme de concours , 2, 51. | Société des antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.— Envoi de son pro- gramme de concours , 128. Société des sciences de Harlem. — Envoi de son programme de concours, 114. Société des sciences de Mons.— Annonce la célébration du 25"° anniversaire de sa fondation, 85, 107; hommage d’une médaille, 150. Société dunkerquoise de Dunkerque. — Envoi de son programme de con- cours, 114, 128. | Société impériale géographique de Russie. — Envoi des procès-verbaux de ses assemblées générales, 51, 128. Société impériale des sciences de Lille. — Envoi de son programme de concours, 519. Société royale de littérature de Gand. — Invite l’Académie à nommer des délégués pour assister à la fête semi-séculaire de sa fondation, 150, 155; hommage d’une médaille, 225. Société vétéravienne de Hanau. — Annonce la célébration du 50% anniver- saire de sa fondation, 85. Spring. — Commissaire pour un mémoire de concours, 259 ; rapport sur ce mémoire , 558. Staring. — Hommage d’un ouvrage, 257. Steichen. — Présentation d’un mémoire sur les polyèdres réguliers, 536. Suys. — Commissaire pour un mémoire de concours , 76. T. Terssen (E.). — Dépôt d’un billet cacheté, 36. Thiernesse. — Note sur la coloration rouge du sang veineux , 19. Timmermans. — Commissaire pour une note de M. Gilbert, 86; commis- saire pour un mémoire de M. Steichen, 556. V. Van Beneden. — Note sur une nouvelle espèce de distome, 95; délégué de l’Académie au congrès de la propriété littéraire, 114; histoire naturelle d’un animal nouveau, désigné sous le nom d’Æistriobdella , 270; hom- mage d'ouvrages, 555 ; notice sur un annélide céphalobranche sans soies, de TABLE DES AUTEURS. 639 désigné sous le nom de Crepina, 450 ; de l'homme et de la perpétuation des espèces dans les rangs inférieurs du règne animal, 577. Vander Fynckt. — Présentation d’une notice biographique sur sa vie et ses travaux, par M. le baron de Saint-Genois, 520. Vande Weyer. — Promesse d'une notice biographique sur feu M. Van Meenen , 520. Van Hasselt. — Observations sur l'époque du jugement des concours, 522 ; lecture du rapport de la commission de l’histoire de l’art sur le plan pro- posé au Ministre pour l'exécution de ce travail , 525. Van Meenen. — Promesse d’une notice biographique sur sa vie et ses tra- vaux, par M. Vande Weyer, 520. Van Oyen. — Annonce de sa mort, 354. Vattemare. — Envoi de publications de sociétés américaines, 308. Verhaeghe. — Présentation de phénomènes périodiques , 3, 86. Voituron. — Auteur d’un mémoire couronné, 50. 7. Wesmael. — Lecture des rapports de MM. Lacordaire et de Selys-Long- champs sur ses recherches critiques sur les Ichneumonides décrits par Gravenhorst, 5. Z. Zantedeschi. — Aperçu de ses mémoires sur l’acoustique, 446. TABLE DES MATIÈRES. A. Anniversaires. — La Société des sciences de Mons annonce le 25e anni- versaire de sa fondation et demande que l’Académie nomme des délégués pour assister à cette fête, 107; la Société royale de littérature de Gand annonce le 50° anniversaire de sa fondation et fait la même demande, 114, 150, 155; M. Ad. Quetelet rend compte de la fête anniversaire de la Société des sciences de Mons , 150, 155; M. F. Fétis rend compte de la fête anniversaire de la Société royale de littérature de Gand, 295. Arrêtés royaux. — Arrêté royal instituant un prix triennal pour la com- position d’une œuvre dramatique en langue flamande, 126; arrêté royal relatif au concours biennal de composition musicale, 224. Astronomie. — Sur la différence des longitudes entre Berlin et Bruxelles, déterminée par la télégraphie électrique, extrait d’un article de M. Encke, communiqué par M. Ad. Quetelet, 115; annonce de la détermination des longitudes entre Altona et Schwérin, par M. Peters, 257; sur la comète de Donati, visible à l’œil nu, par M. Ad. Quetelet, 260 ; sur loccultation des Pléiades par la lune ; extrait d’une lettre adressée à M. Bache, de Was- hington, par le même, 265; M. Bache transmet une carte de l’occultation des Pléiades, construite pour Bruxelles, pour la date du 14 janvier 1859, _ 446; sur la constitution physique du soleil, par M. Ch. Noël, 506. Billets cachetés. — Dépôt par M. E. Terssen, 86; par M. Melsens, 447. B. Biographie. — Antoine-François Vander Meulen, par Ed. Fétis, 407. Botanique. — Notice sur quelques cryptogames critiques de la flore belge, par M. Coemans, 487 ; rapport de MM. Kickx et Martens sur cette no- tice, 448. C. Caisse centrale des artistes belges. — Aperçu de sa situation, par M. Ed. Fétis, secrétaire , 78; M. Braemt, trésorier, reçoit une somme d'argent TABLE DES MATIÈRES. 641 L prélevée sur le prix de vente des œuvres d'art à la dernière exposition triennale, 154. Chimie. — Extrait d'une lettre de M. L. Henry sur l'analyse de la berbérine et des composés auxquels cet alcaloïde peut donner lieu, 25; sur les diffé- rences de caractère des radicaux multiples et des composés dualistiques . par M. Martens, 466. Commission. — Commission pour la révision du règlement des prix quin- quennaux ;, 85, 115, 575, 519; commission permanente du jury de com- position musicale, 107; commission pour l'histoire de Part, 107, 155; commission pour les bustes des académiciens décédés, 109, 129, 375, 519; commission pour la littérature flamande, 127, 520. Concours d'architecture (Grand). — Résultats du concours de 1858 et proclamation des noms des lauréats, 225, 255. Concours de composition musicale (Grand). — Lettre du Ministre de l’intérieur relative aux rapports trimestriels des lauréats, 106; arrêté royal instituant un prix pour le poëme couronné dont il serait fait choix pour le concours de 1859, 224; réception d’un poëme, 532. Concours de la classe des beaux-arts. — Résultats du concours de 1858 et nomination de commissaires, 76; rapport de M. Roelandt sur la ques- tion relative à l'architecture, 227 ; proclamation du nom du lauréat, 246 ; observations de MM. Ed. Fétis, Van Hasselt et Siret, sur l’époque du ju- gement des concours, 522; la rédaction du programme pour 1859 est remise à la prochaine séance, 524; programme de concours pour 1859 et 1860 , et concours extraordinaire pour la gravure en taille-douce, 404. Concours de la classe des lettres. — Programme pour 1859 et 1860, 101; concours extraordinaire sur l’origine de la famille carlovingienne, 104. Concours de la classe des sciences. — Résultats du concours de 1858 et nomination de commissaires, 259; rapports de MM. Spring, Schwann et Gluge sur un mémoire en réponse à la troisième question, 538, 550; proclamation du nom du lauréat , 620. D. Discours. — Sur le beau dans les arts et principalement en sculpture, par M. Gwe Geefs, 247 ; sur l’espèce en zoologie, par M. d’Omalius, 555; sur les travaux de l’ancienne Académie, par M. Ad. Quetelet, 565. Distinctions honorifiques. — M. Roelandt nommé officier et MM. Ed. Fétis et Edm. De Busscher nommés chevaliers de l’ordre de Léopold, 255. Dons. — Ouvrages par le Ministre de Pintérieur, 2, 107, 354, 518; par le Ministre des travaux publics, 31; photographie, par M. Galimard, 76 ; 642 TABLE DES MATIÈRES. ouvrage par M. Demanet, 108; ouvrages par MM. Le Clerc et de Long- périer, 127 ; ouvrage par l’athéné d'Amsterdam , 198 ; ouvrage par M. Cor- ridi, 225; photographie par M. Denys, 225; ouvrage par M. Crets, 225 ; médaille par la Société de littérature de Gand, 295 ; carte géologique par M. Staring, 257; ouvrages par M. Boucher de Perthes, 508 ; ouvrage par M. le colonel H. Jones, 534 ; ouvrages par M. Van Beneden , 555; ouvrage par M. Lacordaire, 555; ouvrage par M. Bormans, 375; ouvrage par M. Pignatori, 447 ; ouvrage par M. de Ram, 518; ouvrage par M. Roulez, 519 ; ouvrage par M. Chalon, 519; cartes pour les tribunes réservées du Sénat et de la Chambre, par MM. les questeurs, 532, 556; ouvrages par M. Quetelet, 556 ; ouvrage par M. De Koninck, 556. E. Élections. — MM. Candèze et Chapuis élus correspondants et MM. Agassiz et Haïdinger élus associés, 553. Épigraphie. — Inscriptions pour les médailles de concours de MM. Gabba et Loise, par M. Roulez, 51; inscriptions pour les médailles de MM. Ad. Siret et Ed. Lévy , par le même, 555. Esthétique. — Discours sur le beau dans les arts et principalement en sculp- ture, par M. G"° Geefs , 247. H. Histoire. — Cinquième lettre sur l'identité de race des Gaulois et des Ger- mains, par M. Renard, 40; rapport de M. Roulez sur ce travail, 52; rap- ports de MM. de Ram et le baron de Saint-Genois, sur un mémoire de M. Schwartz, intitulé : Zenri de Gand et ses derniers historiens, 99, 100 ; note sur une stipulation du traité de Melun (1226), par M. J.-J. De Smet, 151 ; rapport de M. de Witte sur un mémoire de M. Nève, relatif aux guerres de Tamerlan et de Schah-Rokh, etc., 509 ; notes sur quelques points d'histoire littéraire, par M. Kervyn de Lettenhove, 585. Histoire de l’art. — Lettre du Ministre de l’intérieur, relative au plan dé- taillé de cette histoire, 107 ; lecture du rapport de M. Van Hasselt en réponse à la lettre du Ministre , 325; notice sur la peinture murale à l'huile de 1443, à Gand, par M. De Busscher, 156. Histoire scientifique. — Sur les travaux de l’ancienne Académie, par M. Ad. Quetelet, 565. L. Litlérature flamande. — Arrêté royal instituant un prix triennal pour la composition d’une œuvre dramatique en langue flamande, 196. d APTE TABLE DES MATIÈRES. 645 Littérature française. — La tragédie de maître René de Bruxelles (René de Wael), traduite pour la premiere fois en français, par M. Ad. Mathieu, 157. M. Mathématiques pures et appliquées. — Théorie géométrique des rayons et centres de courbure, par M. Lamarle , 5; note sur un principe remarquable en géométrie, par M. Ernest Quetelet, 15; théorie géométrique des cen- tres et axes instantanés de rotation, par M. Lamarle, 340. Mécanique. — Rapport de M. Liagre sur un appareil à levier substitué au micromètre des instruments de précision, par M Boblin, 5. Météorologie et physique du globe. — Sur le magnétisme du globe, par M. Hansteen, 120 ; observations météorologiques faites à Lisbonne du 15 au 29 mai 1858, par M. Pegado, 257; étoiles filantes de la période du mois d’août 1858, observées par le directeur et les aides de l'observatoire royal de Bruxelles, 265; observations des étoiles filantes de la période du mois d'août 1858, faites à Gand, par M. Duprez, 268; sur l'intensité du magnétisme terrestre et particulièrement à Bruxelles; lettre de M. Han- steen à M. Ad. Quetelet, 536 ; rapport de M. Duprez sur l'établissement des paratonnerres sur les tours élevées, 556. Musique. — Envoi de compositions musicales de M. De Mol, 106, 154; exécution de la cantate couronnée de M. Conrardy, 255. N. Nécrologie. — Annonce de la mort de M. R. Brown, 84; annonce de la mort de M. Panofka, 98 ; annonce de la mort de M. Ary Scheffer, 106; annonce de la mort de M. Partoes, ministre des travaux publics, 521; annonce de la mort de M. Van Oyen, 554. 0. Ouvrages présentés. — 79, 109, 218, 525, 438 , 621. FE: Paléontologie. — Ropports de MM. De Koninck, Nyst et d'Omalius sur un mémoire de M. Chapuis, intitulé : Nouvelles recherches sur les fossiles secondaires du Luxembourg , S7. 644 TABLE DES MATIÈRES. Phénomènes périodiques. — Dépôt des observations faites, 2, 86, 114 258, 554, 447, 556. Philologie. — De l'étude du latin, par M. Baguet, 54. Physiologie. — Note sur la coloration rouge du sang veineux, par MM. Gluge et Thiernesse , 19. Physique. — Expérience d’optique permettant d'obtenir d’une seule épreuve photographique la sensation d’un corps en relief, par M. Boblin, 504. Prix quinquennaux — M. le Ministre de l’intérieur demande la révision du règlement, 84; commission nommé pour ce travail, 85; rapport sur ce règlement , 115, 375, 519; médaille d’or accordée à M. Le Hon pour sa collaboration à un ouvrage de M. De Koninck, 554; formation du jury chargé de décerner le prix quinquennal pour les sciences physiques et mathématiques (5° période), 553. 1 S. Sciences morales et politiques. — Sur la constance dans le nombre des mariages et sur la statistique morale en général, par M. Ad. Quetelet, 89; rapports de MM. Defacqz et De Decker sur un mémoire de M. Ducpe- taux, relatif au patronage des condamnés libérés, 576, 583; note sur le congrès de la propriété littéraire et artistique, tenu à Bruxelles, en sep- tembre 1858, par M. Ch. Faider, 521. V. Voyages. — Annonce d’une expédition scientifique pour explorer les régions arctiques , par M. Schaarswood , 257. Z. Zoologie. — Note sur des champignons trouvés dans la cavité abdominale d’un poisson, par M. Poelman, 27; note sur une nouvelle espèce de Dis- tome, le géant de sa famille, habitant le foie d’une baleine, nommée Dis- toma goliath, par M. Van Beneden, 95; histoire naturelle d’un animal nouveau, désigné sous le nom d’Æistriobdella , par le même, 270; notice sur un annélide céphalobranche sans soies, désigné sous le nom de Crepina, par le même, 450; discours de M. d'Omalius sur l'espèce, 555 ; de l’homme et de la perpétuation des espèces dans les rangs infé- rieurs du règne animal, par M. Van Beneden, 577. PT 4 , i 4} 1 d : ST 4% de i À , Go - L | Venir 7 Cr k [n AL vw es Ce: d . tes : L'AHA-S , PE Ar" L MON UN not, ER Le he Me ENT ENT La + L ñ i = LA | r k . v , , a + ' 1 4 [as pe } À L ‘ , { "M i di 1 L f * LA \ L Û ‘ + : : | 2 , . : . * : | \ » . _ . L2 LT ‘ : Ü 29 … » + " + L e ' - à t ’ L la #) pt ‘ , = r En - * s e } we, ? L LI | « L # + : i f d d hi ri i " “ : EL s au #4 AV * (l 3 L t rAY ” A AS 4 Aa dr u [! ! à { \ L- ' ! LU : 10! a + à L' j à fÆ + dé « A à 1 u à L L) e D # rs Fe 4 (NP 4 à \ y A r CON Li * M ! 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