tir 9 XB ftl^é^(, 0 m -m ^ BULLETIN DE LA SOCIETE J)-ACCLI.\IATATION ■*£■ m. PAni5. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, i; U E MIGNON, ■' .' /"^ # BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D' FONDÉE LE iO FÉVRIER I 8o4 2'' SÉRIE — TOME VIII AN^'ÉE 1^71 rAKIS AU SIEGE DE LA SOCIÉTÉ HOTEL LAURAGUAIS, RUE DE MLLE, 19 1871 /m SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. ORGANISATION POUR L ANNÉE 1871. LISTE DES SOCIÉTÉS AFFILIÉES ET AGRÉGÉES / ^ f ET DES COMITES REGIONAUX ET SEIZrÈME LISTE SUPPLÉMEXTAHiE DES MEMBIIES. BUREAU ET CONSEIL D'ADMINISTRATION iMM. DROUYN DE LHUYS, prémlent. Antoine PASSY, ) De QUATREFAGES, ■ vice-présidents. RICHARD (du Gantalj, ) Le comte d'ÉPREMESML, secrétaire général. E. DUPIN , secrétaire pour l'intérieur. Le marquis de SINP^TY, secrétaire pour l'étrancjer. J. L. SOUBEIRAN, secrétaire des séances. Ch. WALLUT, secrétaire du Conseil. Paul BLAGQUE, trésorier. COSSON, archiviste. MM. A.GiLLEide Grand- MM. le baron J. Gloquet. MONT. A. Hennequin. Fréd. Jacquemart. Le Mis (Je Selve. Le baron Larrey. Rltfier. Le baron Séglier. MM.Chatin. Coste. Fréd. Davin. Maur^ Girard. 2N. Ct:: Vice-président honoraire : M. le prince Marc de Beauvau. Secrétaire honoraire du Conseil : M. A. Geoffroy Saint- Hilaire. Membres honoraires du Conseil : MM. De Belleyme et Rufz de La VISON. Secrétaire adjoint des séances : M. A. Gillet DeGrandmont. Secrétaire délégué : M. J. L. Soubeiran. DÉLÉGUÉS DU CONSEIL EN FRANCE. Bordeaux, MM. DurieudeMai- Marseille, MM . Ant. Hesse. SONNEUVE . Napolèon-Vendèe, D. Gourdin. Goulag ne-sur-mer, Alex. Adam. Poitiers, Malapert père. Caen, LePrestre. Saint-Quentin Theillier- Des- Cernay (Haut-Rhin), A. Zurcher. jardins. Clermont-Ferrand, H. Lecoq. Toulon, Turrel. Douai, L. Maurice. Toulouse, JOLY. ^ Havre, H.Delaroche. Wesserling, Gros-Hartmann. Lyon, G. Bouchard. DÉLÉGUÉS DU CONSEIL A L'ÉTRANGER. Batavia, MM.J.C. Ploem Canton, Dabry. ConstanlinopJe, DuFOUR. Lausanne, Londres, Mexico, Milan ^ Xangasaki (Japon), DURY. New-Orléans, Ed. SlLLAN. Chavannes. G*'' J. Taverna. Ghassin. Ch. Brot. Odessa, MM. P^.s(/i (Hongrie), Philadelphie, Québec, B.io-de-Janeiro, Sydney (Auslralie), Turin, Téhéran , Yokohama. P. de Bourakoff." Ladislas deWagner Th. WiLSON. Henry JoLY DE LoT- BINIÈRE. De Capanema. Mac Arthur. GhevaherBARUFFi. Tholozan. Ravel. BUREAUX DES SECTIONS ET DES COîYliyiISSlONS PERMANENTES. 1'^ SECTIO.%. — Maimnif'ircs. N..., président. Leblanc, vice-président. Raveret-Wattel, secrétaire. Fleury-Flobert, vice-secrétaire. «'^SECTIO:!. — Oiseaux (Aviculture). Berrier-Fontaine, président. BOURGUIN, vice-président. Gretté de Palluel, secrétaire. André Franche, vice-secrétaire. s*" SECTIOlf. — Pois.sottH, Ci-us- tacés, Annclidcs, Mollusques (Pisciculture et Hirudiniculture). Antoine Passy, président. G. Millet, vice-président. R. Boulart, secrétaire. Allibert, vice-secrétaire. 4' SECTIO.li. — Insectes (Séricicul- ture et Apiculture). Guérin-Méneville, président. Maurice Girard, vice-président. Aug. Delondre, secrétaire. J. L. Soubeiran, vice-secrétaire. 5^ SECTIOIW. — Végétaux. Le baron Gustave D'AvÈNE,pres/denL Eug. Vavin, vice-président. Le D"^ Edouard Mène, secrétaire. René de Sémallé, vice-secrétaire. COMMISSION PERMANENTE DE L'ALGÉRIE. MM. Richard (du Cantal), président; \e général Daumas , président honoraire; le prince Marc de Beauvau, Bigot, Chatix, Cosson, Dareste, Davin, du Pré de Saint-Maur, Guérin-Méneville, Lâperlier,.!, Michon, C. Millet, et A. Geoffroy Saint-Hilaire, secrétaire. COMMISSION PERMANENTE DES COLONIES. MM. A. Passy, président; Aurry-Lecomte , David, et Rufz de La- vison, secrétaire. COMMISSION PERMANENTE DE L'ÉTRANGER (1). MM. Drouyn de Lhuys, président; de Quatrefages, vice-président ; le baron J. Cloquet, David, Debrauz de Saldapena, Faugère, Hosalès, Pierre de Tghihatchef et Weddell, Commission climatologigue. — MM. Ghatin, président; J. DU Pré de Saint-Maur, marquis de Vjbraye, Weddell, et E. Becquerel, secrétaire. Commission industrielle (pour l'examen des produits désignés comme propres à être introduits dans l'industrie). — MM. le baron Séguier, président; Davin, Fremy, Heuzey-Deneirousse, Frédéric Jacquemart, Le Play, et Natalis Rondot, secrétaire. Commission médicale (pour l'examen des produits désignés comme jouissant de propriétés médicinales). —MM. le baron J. Cloquet, prési- dent; Bouchardat, Ghatin, Augustin Delondre, D^ Gohley, J. Guéri.n, A. Gillet de Grandmont, le baron Larrey, Leblanc, Mialhe, Rufz de Lavison, et j. L. Soubeiran, secrétaire. (1) Les ambassadeurs, ministres, chargés fl'affaires et consuls étrangers, qui résident à Paris et qui sont membres de la Société, font de droit partie de U Commission Je l'Étranger. LISTE UES SOCIÉTÉS AFFILIÉES ET AGRÉliÉES A LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION ET DE SES COMITÉS RÉGIONAUX. (Sociétés affiliées et Comités régionaux français. Le Comité régional de la Société d'acclimatation, à Alger Algérie. La Société centrale d'agriculture, d'horticulture et d'acclimatation de Nice Alpes-Maritimes La Société centrale d'agriculture et d'acclimatation des Basses-Alpes, à Digne Basses-Alpes. Le Comité d'aquiculture pratique de Marseille. . . . Bouch.-du-Rhône. Le Comité régional de la Société d'acclimatation , à Bordeaux Gironde. Le Comité colonial d'acclimatation, à la Guadeloupe. Guadeloupe. Le Comité colonial d'acclimatation de la Guyane fran- çaise ■ Guyane, Le Comité de Direction du .Jardin des plantes et d'acclimatation de la ville de Tours Indre-et-Loire. La Société Tourangelle d'horticulture et d'acclima- tation, à Tours Indre-et-Loire. La Société zoologique d'acclimatation pour la région des Alpes {Société zoologique des Alpes), à Gre- noble Isère. Le Comité colonial d'acclimatation, à la Martinique. Martinique. La Société régionale d'acclimatation pour la zone du nord-est, à Nancy Meurthe. Le Comité colonial d'acclimatation de l'île de la Réu- nion Réunion. La Société d'horticulture et d'acclimatation de Tarn- et-Garonne, à Montauban Taru-et-Garonne. La Société d'horticulture et d'acclimatation du Var. à Toulon Var. Le Comité régional de la Société d'acclimatation, à Poitiers Vienne. .S(JCIi:TtS -VGKEGEli.S. IX $>ociétés affiliées et Couiités réi^ionaux étrangers. La Société d'acclimatalioii et (raûricultiire de Sicile {Société di acclimazione e di agricoltara in Sicilicii, à Païenne Italie. I.a Société d'acclimatation de l'île Maurice Maurice. La Société inipériale d'acclimatation de Moscou. . , . Russie. J-e Comité d'acclimatation des végétaux de Moscou.. Russie. Sociétés ag;rég;ées fraiivaises. La Société d'agriculture de TArdèclie, à Privas Vrdèclie. La Société des sciences, agriculture et arts du Ras- Rhin, à Strasbourg Ras-Rhin. La Société d'agriculture des Rouches-du- Rhône, à Marseille , Rouch.-du-RliônH La Société d'horticulture et d'arboriculture de la Gôte-d'Or, à Dijon Cùle-d'Or. La Société d'agriculture, sciences, arts et belles- lettres de l'Eure, à Évreux Eure. I-e Comice agricole de l'arrondissement d'Alais.. . . Gard. La Société d'horticulture de la Gironde, à Rordeaux. Gironde. Iva Société d'agriculture de la Haute-Garonne, à Tou- ^onse Haute-Garonne, La Soci^é d'agriculture et de statistique de Roanne. Loire. La Société d'horticulture de Nantes Loire-Inférieure. La Société. d'agriculture, industrie, sciencps et arts de la Lozère, à Mende Lozère. La Société d'agriculture de \'erdun Meuse. La Société centrale d'agriculture du déparlement du Pas-de-Calais Pas-de-Calais. La Société d'agriculture de rarrondissementde Saint- 0'n<îr Pas-de-Calais. Iva Société d'agriculture du Puy-de-Dôme, à Chu-- mont-Ferrand Puy-de-Dôme. La Société d'agriculture et d'horticultme de Chalon- sur-Saône Saône-el-Loire. Le Comice agricole et Société libre d'aorirnlhii'o, *^ciences et arls de Provins Scine-ul-M.iriio X SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. La Société fragriciiiture de Seine-et-Marne, à Melun. Seine-et-Manie. r.a Société d'agriculture, sciences et arts, et Comice de l'arrondissement de Meaux Seine-et-Marne. Le Comice agricole de Melun et de Fontainebleau, à ^felun Seine-et-Marne. Le Comice agricole de Toulon Var. La Société d'agriculture et de l'industrie de Ton- nerre Yonne. Sociéiés agrégées étrangères. La Société agronomique du Frioul {Associazione agraria Friulana), à Udine Autriche. La Société d'agriculture du duché de Nassau, à Wiesbaden Nassau. La Société royale zoologique et botanique d'acclima- tation de la Haye Pays-Bas. La Section d'industrie et d'agriculture de l'Institut genevois Suisse. La Société d'utilité publique de Lausanne Suisse. I.a Société des sciences naturelles de Neuchâtel. . . Suisse. SEIZIÈME LIS!!; SUPPLÉMEM AlliE DES ME31BRES DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION -Meiiibros udiiiis du 9 avril 1870 au 31 dcfcuibre 1871. S. M. SOxNDÂCH-PREA-NÔRÔDC).M-pRt:N-CHAN-CRL'\(;-GAMI'Ur,HKA, Pioi dil Cambodge, à Phnom-Penh. MM. Abp.aham-Bey (S. Exe. A. K), à Beicos, près ConstaïUinop'e (Turquie)., Adhémar (le vicomle Philippe d'), Grande-Rue, 25, à Montpellier (Hé- rault). Antonetti, à Paris. Begix (Gh.), chef de hafaiiloii, comuiandaut du V réginieui. de iiiarine, à Saïgon Cochinchine). Beaurei'aire-Rohax (Henri de;, général du corps dus Ingénieurs, à Nie- ■ terohy, rue de la Praia, 39, à Rio de Janeiro (Brésil). Camino (Eduardo A. del), à Cieiifuegos, île de Cuba (Antilles). Carpentier (Adolphe), pharmacien, à Paris. Cassard (Andres), Commission Merchant, n" 58, Broadway, à New-York (États-Unis). Chappedelaixe (le comte de), consul de France, à Han-Kéou (Chine). Clarté (.Joseph), employé aux cristalleries de Baccarat (Meurthe). Dehaymx (Gabriel), administrateur du chemin de fer du Nord, banquier, à Paris. DuioN (0.), propriélaiie, au château de Marlagne, par Naniur (Belgique). Driox-DesliiNsel, propriélaire. h Onnaing, par Valcnciennes (Nord). DucHASTEL (Ch.), percepteur, à Vernantes, par Saumur (Maine-et-Loire). IJUERO (le marquis del), capitaine général, propriétaire, à Madrid (Es- pagne). FoNCECA (J. d'Aquiao); médecin en chef de Fhôpilal de Pernambuco (Brésil;. Gautikr (Hippolyte), vice-consuhrUruguay, à Sahitc-Cathorine (Brésil^. Cexsollen, à Hyères (Var;. Gi NUL ALTfLSTO ET SiLVA (Antonio), agent considaire français de Sanlarcm, député provincial du l'arj,aii Para (iJrésil;. *= Ml SUCIÉTÉ d'ACCLLMATATIO.N. I.AUCHER [le docleui'j, à Paris. Larrea Manuel A.), à Quito (Equateur). Le Faucheur Ta^l)' attaclié à S. M. le Roi de Cambodge, à Plinoin- Penh (Cambodge). LÉMOS (Louis Ferreira de), D. M. P., membre correspondant de l'Aca- demie impériale de médecine de Rio-Janeiro, au Para, Sainte- Marie de Belem (Brésil). Le Vavasseur de Precoukt (Oi tavo). auditeur au Conseil d'État, à Paris. Macéde-Costâ (RJgr don Antonio de), évêque du Para (Brésil). Mangin-Desincourt (Alphonse), ingénieur civil, au Para (Brésil). Marini (Heber), ingénieur civil, à Paris. MusscHEMBROEK (Yan), assistant résidant (souf-prél'et; du district de Bui- tenzorg (Batavia). Ravel, delécjué de la Société d'acclimataiion, à Yokohama (Japon). HiGHiNi (Joseph-Léon), peintre paysagiste, au Para (Brésil). RousSET (Adolphe-Antoine), ù Valréas (Vaucluse). Sauvadon, au Jardin d'acclimatation de Ghézireh, au Cau'e (Egypte). TissiÉ, banquier, Grande-Rue, 20, à Monipelher (Hérault). Zaldivar (Raphaël), président du sénat de San Salvador et ministre plé- nipotentiaire de cette république prés la confédération de l'Alle- magne du Nord. M> BULLETIN MENSUEL DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION FOjSDÉE le 10 FÉVRIER 185/l L TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1) PISCICULTURE DANS L'AMÉRIQUE DU NORD Par M. J. Léon ^lOUBEIRitlV ETATS-UNIS Les Etats-Unis, dont les eaux nourrissent un grand nombre de poissons excellents, ont perdu, depuis plusieurs années déjà, leur ancienne fertilité, par suite de l'établissement de barrages, d'écluses et d'autres obstacles qui ont été construits en vue de faciliter la navigation ou l'industrie. Mais la princi- pale cause de cette dépopulation a été certainement l'emploi exagéré des seines et autres engins disposés pour arrêter les poissons et qui n'ont que trop bien rempli leur objet. C'est surtout dans le Merrimack et le Connecticut, qui, au rapport des historiens, étaient abondamment peuplés, avant 179:2 et 1798, de Saumons, d'Aloses et de quelques autres précieuses espèces anadromes, que cette diminution du poisson a été (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin.. 2^ SÉKIE, T. Vlil. — Janvier et Février 1871. 1 « 2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. observée, et l'on n'en rencontre plus guère que dans les par- ties les plus inférieures (1). Des tentatives intéressantes de propagation des espèces indigènes dans des eaux où elles n'existaient pas encore ont été faites à plusieurs reprises, et nous signalerons ici quelques- unes des plus intéressantes (2). Vers 1790, le docteur Samuel L. Mitchell, médecin renommé de New-York, introduisit le Perça americana dans le Success- Pond, petit cours d'eau de Queen's County, Long-Island; il prit environ trois douzaines de ces poissons dans le Rockan- kama-Pond, petit lac du Sufîolk, distant de Success-Pond d'environ /lO milles, les mit dans une barrique pleine d'eau sur une charrette, et les apporta sans accident. Versées dans (1) Les Saumons, autrefois très-abondants dans les rivières de l'Hudson et du Gonnecticut, y ont aujuurd'liui presque disparu, et ne se rencontrent plus avec quelque fréquence que dans le nord de l'État du Maine. Dans quelques parties de l'Amérique, on fait venir aujourd'hui le Saumon des colonies anglaises et même de San-Francisco. (2) H. Perley, Report on the sea and river fîsheries of New-Brunswick, loithin the gulf of Saint-Lawrence and bay of Chaleur, 1850. — H. Ro- binson Storer, Observations on the fishes of Nova-Scotia and Labrador {Boston Journal of Natural History, 1850). — H. Perley, Report on the fîsheries of the bay ofFundy, 1851. — G. P. Marsh, Report on the artifi- cial Propagation of Fish, 1857. — D. liumphry Storer, On the edible Fishes of Massachusetts {the Technologist, 1863, t. IV, p. 116). — Theod. Lyman and Alf. A. Reed, Report concerning the Obstructions io the passage of Fish in the Gonnecticut and Merrimack rivers [Commonwealth of Massa- chusetts Senate, n° 8, 1866). — Alb. A. Hager et Ch. BarreU, Report of Commissioners relative to the restoration of sea Fish to the Gonnecticut river and its tributaries, 1866. — Th. Lyman and Alf. h. l\eed, Report of Commissioners of fîsheries for the States of Maine, New-Hampshire, Vermont, Massachusetts and Gonnecticut for 1868. — Theod. Gill, Pisci- culture with référence to American ivaters {Report of the Commissioners o/" Agriculture for the year 186Zj, p. 89/i, 1867). — Thaddcus Norris, American Fish-culture, 1868. — Hon. SK^ph. H. Ainsworth, Restoring the streams with Fish {Ontario county Times, 1867). — Fish-culture in America {Harpers new monthly Magazine, 1868, t. XXXVII, p. 721). — Report of the Fish Commissioners of Manchester to the Législature, June 1869. — Third Report of the Commissioner of fîsheries of the State of Maine for 1869 (1870). PISCICULTURE DANS L'amÉRIQUE DU xNORD. 3 le Success-Pond, les Perches s'y sont propagées et v ont beau- coup multiplié: ce fut là sans doute le premier essai de trans- port d une espèce indigène d'une localité dans une autre où elle manquait. Depuis, on a imité cet exemple, et la facilité avec laquelle la Perche américaine se prête à ces entreprises doit la faire choisir partout où des poissons de qualité supé- rieure ne pourraient réussir, mais dans ce cas seulement 11 serait préférable de propager plutôt le Pike Perch (Sthost»- dion americanm) ; mais il ne faut pas oublier que ces deux espèces sont très-voraces (-1). On peut en dire autant du Black-Bass des lacs [Gn/st.s mgricans, Micropterus achigan ?) et du Black-Bass du Sud {Crystes salmoides), qui détruisent toutes les espèces de poissons, à l'exception de la Perche, mais qui sont de beau- coup supérieurs à la Perche, en raison de la qualité très-fine de leur chair. Le Grystes mgricans, originaire des eaux du Nord se plaît dans toute eau claire ayant un fond de vase et de boue et peut prospérermème dans un trou de vingt-cinq à quarante pieds de superficie. Il prend soin de ses œufs et de ses jeunes, dont II éloigne tous les ennemis, et les petits ne s'écartent jamais beaucoup de leur mère. Son incubation artificielle trés- rapide (2) offre peu de difficultés, d'après le docteur Ga'rlick qui conseille de l'introduire dans les eaux où vivent des pois- sons a multiplication trop grande, tels que le Afonostoma oblongum, ou d'autres Cyprino.des, car il est vorace. C'e^tun poisson dont l'aire s'est beaucoup étendue depuis quelques années, et qui se trouve maintenant dans l'Hudson et ses tri- butaires, où il a pénétré par le canal Érié. Vers 1859 le pro fesseur Agnel en a transporté avec succès une certaine quan- tité du lac Orotaga dans le VVood-Lake, où aujourd'hui on en pèche des individus du poids de cinq livres. Plus tard, en 18o0, M. Samuel T. Tisdale, d'East-Wareham, a également (1) Theod. Gill, foc ci< à SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. introduit dans le Flax-Pond et dans d'autres étangs du voisi- nage des Black-Bass du lac Saratoga. Bien que la population, lorsque le secret de cette entreprise eût été dévoilé cinq ans plus tard, alors que le succès était assuré, se soit ruée sur cet étang, par jalousie de voir un aristocrate vouloir arriver par lui-même à fournir au peuple une nourriture abondante et peu chère (i), le Black-Bass n'en a pas complètement dis- paru (2). Dans le Maine, on a tenté en 4869 l'introduction de 15 000 jeunes Black-Bass provenant des incubations de M. Stone, de Gharlestown, qui les avait obtenus de parents, enfermés dans un petit étang pour frayer ; mais cet alevin s'est mal développé par une cause restée inconnue. Plus tard, en septembre et novembre, on a transporté un moins grand nombre de jeunes poissons, âgés d'un an, dans divers étangs (3). Le Black-Bass est un poisson facile à transporter, surtout âgé d'un an, aux mois de septembre à novembre, à la condi- tion d'avoir de l'eau pure de lac, étang ou courant, de ne pas le laisser en repos trop longtemps, et d'agiter continuellement l'eau dans laquelle il se trouve : le mouvement d'une voiture sur une route pavée suffît. On évalue à deux quarts (2 litres) d'eaii la quantité nécessaire pour chaque poisson de six pouces {h). Dès 1864 ou 1865, le Black-Bass a été introduit dans le Rust-Pond par M. Goodwin. Plus tard encore, en 1866, le Cuttyhunk-Glub (Massachusetts) a peuplé avec le Grystes )ii(/ricans un étang de soixante acres de superficie, profond de vingt pieds, et en moins d'une année il s'y trouvait une grande quantité de jeunes poissons longs d'un pouce et demi environ. Tout porte à croire que lorsqu'on aura débarrassé, (i) Th. Mords, loc. cit., p. 209. (2) Massachusetts Fish Commissioner s Report for 1867. (3) Third Report ofthe Commissioner of (isheries ofthe State of Maine for 1869, p. 18, 1870. [li) Ibiilern, p. 19. PISCICULTURE DANS l'AMÉRIOUE DU NORD. 5 au moyen de la se/ne, cet étang des nombreuses Perches qui rinfestent, on aura un résultat très-satisfaisant : car on sait que, dans un petit étang des environs de Newburg, on est parvenu, en treize mois, à obtenir des poissons d'une demi- livre (I). Après plusieurs insuccès, le docteur Fletcher (2) a réussi à introduire cet excellent et prolifique poisson dans les lacs. Le Black-Bass du Sud et de l'Est {Grystes sabnoides) a été apporté de Wheeting-Creek dans le Potomac par M. Stubler, et il s'y est multiplié si bien, qu'il n'est pas rare aujourd'hui d'y prendre des individus pesant de six à huit Hvres, sur une étendue de 180 milles, où ce poisson manquait complètement avant cette introduction (3). Le Rock-Bass {Amblopletes rupestris), caractéristique des grands lacs et de la région du Mississipi,et qui s'est répandu, comme le Grystes nigricans, au moyen de canaux dans l'Hudson et dans d'autres cours d'eau, paraît pouvoir être aussi colonisé 2ivet une grande facilité {h). Le Siriped-Bass [Rocciis {Lahrax) lineatiis] paraît être un poisson de mer qui remonte en eau douce au printemps (5) ; son introduction a été essayée dans quelques points du Connecticut en 1869. Le Muscalonge (Esox nobilior) a été introduit, vers 18/i0, dans un étang situé à 8 milles 0. de Bellows-falls, et, par suite de la rupture d'un talus, ce poisson s'est échappé et a remonté dans le Connecticut, oia il est aujourd'hui plus abondant (6). Nous devons rapprocher de ces colonisations, comme disent les Américains, l'essai fait en 1850 par M. le major S. Dill, de Phillips, qui mit dix à douze Salmo fontinalis dans (1) ïh. ÎNorris, loc. cit., p. 207. (2) Report of the Fish Commissioners to the Législature 1869, p. 9. Man- chester, 1869. (3) Th. Norris, loc. cit., p. 211. iU) Th. Gill, loc. cit. (5) Foresler, Fish and Fishing, p. \S9.— Report of tlip Commissioners of fisheries ofthe State of New-York, 1869, p. 21. (6) Ayres, Iioslo7i Natural History Society, 185/i, t. IV, p. 288. 6 SOCIÉTÉ d'acclimatation. le Sandy-river, où, de mémoire d'homme, on n'avait jamais vu ce poisson : pendant six à sept ans, on n'eut pas de nou- velles des Truites, malgré le grand nombre de pêcheurs qui fréquentent le Sandy-river ; mais, depuis 1857, elles ont ap- paru en si grand nombre, qu'on évalue à deux mille livres la quantité qui en est pêchée chaque année (1). Le Schoodic Salmon (Salmo Gloveri) a été aussi l'objet, en 1868, de quelques essais dans l'Etat du Maine, qui, faits sur une petite échelle, — 7000 poissons environ, — ont donné des résul- tats assez satisfaisants. Ces poissons, distribués sur plusieurs points, se sont très-bien développés, et en neuf mois ont grandi de un pouce à cinq pouces et cinq pouces et demi ; on suppose qu'ils pourront frayer en 1871 et que les raàles au- ront été prêts dés 1870. On a l'intention de se servir des œufs de ces premiers produits pour peupler d'autres eaux et pour former des établissements de fécondation dans une de leurs localités natives. En 1869. l'exoérience a été renouvelée; mais, malgré tous les soins, la saison ayant été défavorable, beaucoup d'œufs ont été trouvés non fécondés. On n'a pas encore fait d'essai dans le Maine sur le Saumon migrateur, Salmo salm\ en raison du prix élevé demandé pour ses œufs : 20 dollars le mille (environ 100 fr.). Il y aurait cependant avantage à opérer sur cette espèce, dont les œufs sont très-abondants, tandis que le Salmo Gloveri n'en a guère que cinq à six cents. Pendant l'automne 1866, les commissaires de l'État du New- Hampshire ont cherché à se procurer des œufs de Saumon des provinces anglaises. Le D' Fletcher a pu se procurer des œufs de Saumon du Miramichi (New-Brunswick), dont 15 à 20 000 ont été déposés en bonnes conditions dans le Pemige- wasset, après avoir été incubés à Goncord et à Rumney. L'expérience fut renouvelée l'année suivante, et une quantité plus considérable d'œufs fut incubée àCharlestown et à Mere- dith; les alevins produits par cette dernière localité ont été mis en liberté dans le Pemigewasset. En 1868, M. Stone, de (1) Th. Norris, /oc. cîY.,p. 186. PISCICULTURE DANS L AMERIQUE DU NORD. 7 Charlestown, s'est procuré encore 50 000 œufs de Saumons du Miramiclii , destinés également à être introduits dans les eaux du New-Hampshire. Toutes ces expériences s'annon- çaient très-bien, et, en vue de continuer les essais qu'avaient inaugurés les commissaires des pêcheries, plusieurs établis- sements de fécondation artificielle et d'incubation ont été formés dans les provinces anglaises (1). On a également tenté dans le New-Hampshire, vers 1866, l'introduction du Saumon dit Land-looked Salmon, prove- nant de Grand-Lake (Maine) et déposé dans le New-Pond- lake, où ce poisson paraît avoir donné de bons résultats. Le Saumon, entièrement disparu du Merrimack depuis nombre d'années, y a été réintroduit depuis quelques années, avec succès (2). Le White Flsh {Coregonus albus), originaire de la chaîne des grands lacs, y compris l'Ontario, s'est introduit naturel- lement dans quelques lacs et courants de l'intérieur de l'État de New-York ; cependant, comme depuis plusieurs années cet excellent poisson tend à diminuer et même à disparaître, on s'est préoccupé de le propager avec d'autant plus de soin, que sa pêche n'est pas moins attrayante pour les pêcheurs que celle du Saumon. Il demande une eau froide, claire, et paraît devoir se convenir dans un certain nombre de lacs impropres à la reproduction de la Truite. Les premiers essais d'intro- duction n'ont pas donné des résultats bien avantageux : car, dans un certain nombre de localités, où il s'est trouvé en con- tact avec le Brochet, si commun dans toutes les eaux améri- caines, le Corégone a été détruit. C'est en 1 868 qu'on a commencé les tentatives; mais c'est surtout on 1869 qu'elles ont été faites sur une large échelle par M. Selh Green, qui a pu distribuer une grande quantité d'œufs à beaucoup de personnes de New- York, et même en envoyer en Angleterre à M. Franck Buck- (1) Report of the Commissioners to the Législature 1869. Manches- ter, 1869. (2) Report of the Commissioners of fisheries of the State of New- York, 1869, p. 13. 8 SOCIÉTÉ d'acclimatation. land. Les œufs du White Fish, assez nombreux, — dix mille environ — et un quart plus petits que ceux de la Truite, sont assez lents à se développer (soixante-cinq jours pour une température de hà degrés Fahrenheit).; la vésicule se résorbe en onze à douze jours, et les jeunes se nourrissent, comme les jeunes Truites, de lait coagulé, de foie ou.de chair pulvé- risée, ou des animalcules qu'ils saisissent sur les plantes aquatiques (Seth Green). Les adultes, qui ont une nourriture animale, et qui, d'après les observations de M. Tisdale, dé- truisent promptement les jeunes Anguilles, sont extrêmement friands de leurs jeunes, circonstance importante à noter pour le résultat des expériences. Ils sont, aussi bien que les alevins, sujets à être attaqués par des insectes et des vers qui se fixent sur leurs ouïes et déterminent rapidement leur mort (Seth Green). Le transport des œufs du fFhite Fish se fait aussi aisément que celui des œufs de Truite; mais on peut aussi introduire directement dans les étangs des poissons, en ayant soin d'opérer sur des jeunes pesant de trois onces et demi à une livre, qui supportent mieux les fatigues du voyage et s'acclimatent plus facilement; plus âgés, ils sont plus déhcats, surtout les femelles, comme l'ont observé M. Woodford et M. le docteur Slack (1). On est dans l'intention de faire de nouvelles expériences sur le Cisco {Coregonus dupeiformis), qui est très-apprécié par les gourmets, et sur VOtsego-Bass {Coregonus Otsego), plus délicat encore, et que leurs habitudes indiquent devoir être introduits avec succès dans les lacs et étangs de l'Etat de New-York (2). La fécondation artificielle a été opérée en Amérique, en (1) Le docteur Slack a remarqué fréquemment que le transport des femelles d'un certain poids, même dans une localité rapprochée, était fâcheux pour ces poissons, chez lesquels il a trouvé des tumeurs multiples des ovaires. {FoNfi^ Beport of the Commission ers of fisheriesof the State of Connecticut, 1870, p. 5. — Report of the Commissioners of Fisheries of the State of New-York, Alhany, 1870, p. 7.) (2) Report of the Commissioners of fisheries of the State of New- York, 1859, p. 16. PISCICULTURE DANS l'AMÉRIQUE DU NORD. 9 I8O/1, parle révérend Bachman, et depuis par MM. Theodatus Garlie et le professeur H. A. Ackley ; mais c'est à l'Honorable Stephens H. Ainsworth, président de la Western New-York friiit-growers Society, de West-Bloomfield (New-York), qu'on doit rapporter l'honneur de l'initiative d'essais de pisciculture pratique. Incité par quelques lignes d'un journal (1859) sur les essais de pisciculture faits en France, et qui lui apprirent seulement que les œufs fécondés artificiellement étaient mis en incubation dans des boîtes, M. Ainsworth pensa qu'il trou- verait dans l'application de la nouvelle méthode le moyen de repeupler les eaux des États-Unis, et, mù par des sentiments d'une généreuse philanthropie, à laquelle aujourd'hui tous les Américains rendent justice, il se dévoua tout entier à cette œuvre d'utilité (1). Manquant de données certaines qui pussent le guider, il dut faire un apprentissage et y consacra trois années avant de triompher des difficultés qui s'oppo- saient à la réalisation de son dessein. N'ayant aucun but de lucre (2) dans ses tentatives de propagation du Brook-Trout (Salmo fontinalis) (3), M. Ainsworth put organiser sur une petite échelle sa ferme aquicole, dont les aménagements sont aujourd'hui pris pour modèle dans presque toute l'Amérique. Il ne disposait d'abord que d'une faible source (un demi- pouce d'eau), mais à laquelle il put heureusement ajouter, en été, une certaine quantité d"eau de dérivation; il fit passer cette eau à travers un lit de gravier, avant de la recevoir dans un étang de quatorze pieds de profondeur, sur une superficie (1) Thaddeus Norris, American Fish-culture. — kmv^ox\\\,Restoring of streams by Fish. (2) Quelques personnes ont reproché à M. Ainsworth d'avoir tardé à divulguer son procédé ; mais cette réserve s'explique facilement par la crainle qu'avait cet {honorable gentleman de nuire à la cause qu'il voulait servir et par son désir d'éviter à d'autres les nombreux mécomptes qu'il avait subis ; aujourd'hui son procédé est propriété publique. (3) Le Brook-Trout, de tontes grandeurs, se vend en quantité considé- rable sur les marchés de Boston, même à l'époque de la fraye : car les pécheurs, à demi-barbares, ne voient que le nombre et ne tiennent aucun compte des dimensions ni de l'état du poisson. 10 SOCIÉTÉ d'acclimatation. de quatorze perches (25 mètres environ), et qui avait été aménagé de façon à éviter la moindre déperdition d'eau. M. Ainsworth pratique l'imprégnation des œufs dans les mois de novembre, décembre et janvier, et les dépose immé- diatement, pour l'incubation, sur des lits de gravier qu'arrose une eau pure et clarifiée par son passage à travers plusieurs flanelles (trois ou quatre). L'incubation dure environ soixante- dix à soixante-dix-huit jours (1) ; puis les alevins sont reçus dans un petit bassin spécial où ils séjournent, sans recevoir de nourriture, quarante à cinquante jours, le temps néces- saire à la résorption de la vésicule ; ils sont placés ensuite dans un petit étang, où ils passent deux ans avant d'être lâchés dans le grand réservoir. La perte éprouvée pendant l'incuba- tion est très-petite et devient presque nulle plus tard; 60 000 œufs ont donné AO 000 alevins qui, à la fin de la pre- mière année, avaient de deux à quatre pouces; aujourd'hui M. Ainsworth possède des Truites pesant de une à trois livres et longues de douze à dix-huit pouces (2). Les expériences de M. Ainsworth lui permettent d'assurer que, dans une bonne eau et avec une nourriture suffisam- ment abondante, les Salmo fontinalis peuvent gagner une livre en quatre ans, et il est convaincu que les éducations de cette espèce permettront de suppléer, sur les marchés, à la (1) il résulte des observations de AI. Ainsworth que les œufs de Salmo fontinalis exigent 165 jours à une température de + 37'' Fahr. (+ 1°),70 jours à celle de + 50<^ Fahr. (-f 10°), et 22 à celle de -j-5/i° Fahr. (-f 12°). (Th. Norris, loc. c?f.,p.6û.) Dans rétablissement du docteur Slack, où les eaux ont une température de +52° Fahr. (+ 11°), Téclosion demande 50 jours. Chez M. Seth Green, pour une température de -j-ZiO^ à -j- U6° Fahr. (_j- 50 à -+- 7°), il faut 60 jours ; et chez le Rév. W. Clyt, par + 32" Fahr. (0°), il faut au moins 100 jours. {Fourth Report of the Commissioners of fisheries of the State of Connecticut, 1870.) (2) Les Brook-Trout sont nourries avec du foie, et c'est un spectacle curieux que de voir tous les poissons se réunir à l'heure du repas et se pré- cipiter hors de Teau pour saisir plus promptement leur nourriture. Elles commencent à être en fraye à l'âge d'un an. PISCICULTURE DANS l'aMÉRIQUE DU NORD. 11 diminution de cet excellent poisson, qui commence à devenir assez rare dans les courants (1). L'exemple donné par M. Stephens H. Ainsworth a été suivi, et plusieurs personnes s'adonnent avec succès à l'édu- cation du Brook-Troiit et du Saumon. C'est ainsi que M. Livingston Slone, de Cliarlestow^n (New-Hampshire), à la requête de M. Tlieod. Lyman, commissaire des pêcheries du Massachusetts, a établi sur les bords du Miramichi (New- Brunswick) un appareil considérable pour commencer l'incu- bation des œufs de Saumons et d'Aloses, qu'il transporte ensuite à Gharlestown, où l'incubation s'achève avant que les alevins soient versés dans le Gonnecticut ('2) . M. Bridgeman, de Bellows-falls, a également réussi des éducations deTruites qui se sont reproduites dans ses eaux, et qui lui fournissent aujourd'hui les œufs nécessaires à la con- tinuation de ses opérations de fécondation artificielle (3). Les membres du Cuttyhunk-Club, dans les îles Elisabeth (Massachusetts) , ont introduit dans un de leurs étangs un cer- tain nombre de Brook-Troiit, qui y ont prospéré et qui pèsent déjà un quart de livre. Ces animaux doivent plus tard être lâchés, pour servir au sport de la pêche à la ligne, dans un étang d'eau fraîche, ayant dix acres de superficie et dix pieds de profondeur. Des essais de même nature ont été faits sur le Lake- Iront, Namcnjacush Salmon (Salmo amelhystiis) (A), sous le patro- nage des commissaires des pêcheries du New-Hampshire, par M. Robinson, de Meredith, qui a opéré sur des poissons (1) Dans l'état actuel, M. Ainsworth fait la pêche dans son réservoir ; mais il a grand soin de remettre immédiatement à Teau toutes les femelles. (2) L'appareil de M. Livingston Slone mesure 100 pieds de long, et peut contenir, sur le gravier, Zi 000 000 d'œufs. Une seule femelle qui pesait trente livres lui a fourni douze livres d'œufs, {Harper's Magazine, loc.cit., p. 737.) (3) Alb. A. Hageret Ch. Barrelt, Report of the fisheries Commissioners nfthe State of Vermont, 1867, p. 20. {U) Le La/ce-Trowi porte, au Canada, le nom de Lwnye, et dans les Étals de l'Est, celui de Togue. 1*2 SOCIETE D ACCLIMATATION. pris dans son voisinage ; mais les résultats ne sont pas encore définitifs. Parmi les plus remarquables opérations de pisciculture américaine, on doit citer celles de M. Seth Green, aux environs de Mumford (New-York), qui, après de nombreux essais, dont les premiers datent de 1S38, a réussi en J86/i l'éduca- tion artificielle des Truites. Cet habile pisciculteur disposait d'une localité parfaitement appropriée, fournie d'eau par des sources abondantes, et favorisée du voisinage du Caledonia- Creek, si renommé parmi les pêcheurs pour la limpidité de ses eaux et l'excellence de ses Truites. Sa ferme aquicole couvre une superficie de trois quarts de mille, et consiste en trois étangs artificiels destinés à recevoir les Truites (1). Uappareil d'incubation, construit sur le modèle de celui de Jacobi, offre 00 frayères à lits de gravier, qu'arrose une eau fraîche, et qui peuvent contenir chacune ZiOOO œufs. Les incubations, qui donnent 95 pour 100 de produit, lui four- nissent une grande quantité d'alevins qu'il nourrit avec des œufs durs, du lait caillé (2), etc., et dont une grande partie sont vendus, dès qu'ils ont un pouce de long, pour servir à l'empoissonnement des étangs (3). Le surplus, après avoir séjourné quelque temps dans les premiers réservoirs, est transporté, au fur et à mesure de sa croissance, dans des étangs plus étendus, en rapport avec les dimensions des pois- sons, de telle sorte que les différents âges sont toujours sépa- (1) Le premier étang a 125 pieds (ll'%5) de long sur 75 (7°^,9) de large ; le second, hO pieds (Zi°-) sur 30 (S""). Ces deux étangs, profonds tous deux de 5 pieds {1°',5), sont aménagés pour contenir 30 000 pois- sons. Un troisième bassin, plus petit, sert d'habitation aux alevins, et peut en recevoir 500 000. Une végétation luxuriante contribue à maintenir ces réservoirs en bon état. (2) Le docteur Slack pense que le lait caillé a l'inconvénient de détermi- ner la dégénérescence du foie des poissons. {Fourth Report of the Commis- sioners of fisheries of the State of Connecticut, 1870.) (8) M. Selh Green expédie chaque année une grande quantité d'œufs fécondés, enveloppés dans de la mousse humide et bien protégés contre la gelée. Il en a vendu, en 18G8, pour 300 livres (7500 francs). PISCICULTURE DANS l'AMÉRIQUE DU NORD. 13 rés (1). Outre la vente d'œufs fécondés, d'alevins et de pois- sons ayant acquis des dimensions marchandes, M. SeLh Green se fait un revenu important par la concession de licences de pêche à la ligne dans ses étangs. 11 est si convaincu de l'utilité de l'éducation artificielle, qu'il affirme qu'il suffit de quelques milliers de francs et de deux années de temps pour qu'on puisse fournir le marché de bons poissons (2j. Il faut aussi citer l'établissement du docteur J. H. Slack, à Troutdale, près de Bloomsbury (New-Jersey), fondé dans le Muskarietkong-Creek; une eau abondante et pure, à une température constante de 50 degrés Fahrenheit (-f 10° c), coule d'une source où vivent en liberté quelques centaines de Truites, se rend sur des appareils à incubation dont le fond est garni de sable et de cailloux, et va se perdre dans trois étangs de dimensions différentes destinés à recevoir séparé- ment les divers âges des poissons. Des barrages de toile mé- taUique, fréquemment nettoyés, empêchent les impuretés de souiller les pièces d'eau, et préviennent le mélange des pois- sons de différentes grandeurs. Le fond argileux des étangs est garni de grosses pierres qui servent à abriter les Truites et leur donnent le moyen de se débarrasser par le frottement des nombreux parasites, qui les incommodent souvent. En mai 1868, l'établissement du docteur Slack renfermait 700 Truites adultes et quelques alevins provenant des éducations de M. Thaddeus Norris (3) . En 1860, M. W. H. Herbert, au nom de \a. Société d'histoire naturelle du New-Jersey, proposa aux Etats de New-York, New-Jersey et Pensylvanie, de repeupler de Saumons l'Hud- son, la Passaie, le Ranton et le Delaware, à la condition que la législature de ces Etats interdirait d'une manière absolue la pêche à toute époque, jusqu'à ce que le succès de l'expé- rience fût assuré, et plus tard la pêche au moment de la fraye, (1) Dans les bassins de IMuinford, les Truites ont du frai dès la seconde année ; elles gagnent deux livres en trois ans. (2) Th. F. Knighl, The River-fiskeries of NoDa-Scotia, iSdl. (3) Thadd. .Norris, loc. cit., p. L>87. — Harper's Magazine, p. 736. lA SOCIÉTÉ d'acclimatation. et qu'elle ferait disparaître sur les cours d'eau tous les obstacles qui s'opposent, soit à la descente, soit à la montée du poisson. La Société ne demandait, pour se charger de cette entreprise, que d'être remboursée de ses frais, évalués par elle à 1000 à 2000 dollars (1). La nature des eaux, indiquées plus haut, permet de supposer qu'elles ont dû autrefois nourrir des Saumons, et donnent les plus grandes espérances de les rendre aussi poissonneuses que celles du Canada et de la Nouvelle-Ecosse, c'est-à-dire plus riches que les rivières à Saumons de l'Irlande et de l'Ecosse (2). En 1867-1868, Livingston Stone, de Gharlestown, avec l'aide des commissaires des pêcheries du Massachusetts, a développé 20 000 œufs de Saumons, qui ont été lâchés dans les rivières en 1869, en bonne apparence de force (3). En 1869, il a pu se procurer 100 000 œufs de Saumons du Miramichi (New-Brunswick), dont ZiOOOO seulement se sont trouvés bien incubés ; par suite d'une grande mortalité pen- dant la résorption, il n'est resté que 15 000 poissons qui ont été mis à l'eau en novembre. D'importantes expériences ont été faites , ces dernières années, sur la propagation des Aloses {Alausa prœstabilis ou sapidissima), par M. Seth Green (â), qui, avec le concours des commissaires des pêcheries, travaille à donner, suivant ses propres paroles, un plat de poisson par jour au peuple, et à qui les résultats déjà obtenus annoncent que le moment est proche où les rivières du New- York, Pensylvanie, New-Jersey, Delaware et Maryland, seront pourvues abondamment de pois- son. Ayant péché à la seine un certain nombre d'Aloses (5), (1) A ces dépenses doivent s'ajouter les indemnités à payer aux pro- priétaires des barrages, pour y établir des passages à poisson. (2) On a fait aussi quelques essais de colonisation du Lake-Trout {Salmo Toma). (3j Report of the fish Commissioners to the Législature, 1869, p. 21. (û) Col. James Worrall, Report of the Commissioners of the fishe- ries of the Susquehanna for the year 1868 (CommonweaUh of Pennsylva- nia, 1869, p. 19).— Thaddeus Norris, American Fish-culture, p. 153. (5; M. Seth Green a observé qu'un ovaire d'Alose, du poids de 13 onces PISCICULTURE DANS l'aMÉRIQUE DU NORD. 15 M. Seth Green chercha à incuber leurs œufs (1), après les avoir fécondés artificiellement, comme pour les Truites, et en plaça phisieurs milUers dans des boîtes qu'il immergea k proximité du rivage; mais, à son grand désappointement^ tout fut perdu par suite de l'abaissement de la température à 12" Fahr. (+ 5° c.) au-dessous de celle de la rivière, qui était de 67% 75 Fahr. (+ 20" c.) (2). Pour obvier à cet incon- vénient et éviter en même temps les attaques des Anguilles et des autres poissons, il plaça au miheu du courant (ayant Une vitesse moyenne de deux milles à l'heure) une boîte fermée par des toiles métalliques, longue de deux pieds sur quinze pouces de largeur et de profondeur, et maintenue flot- tante au moyen de deux planches latérales ; ces boîtes peuvent contenir chacune de 50 000 à 100 000 œufs. Cinquante ou soixante heures après, M. Seth Green avait un grand nombre d'alevins qui grouillaient dans la boîte, comme des insectes dans une mare. Il manquait cependant quelque chose au procédé, car la force du courant accumulait tous les œufs au fond de la boîte, et gênait ainsi leur évolution (3). 11 y eut, (36/i gr.), donne environ 70 000 œufs propres à être fécondés. Ces œufs, plongés dans Teau et imprégnés de laitance, se gonflent rapidement, comme cela a lieu pour les œufs de Corégone, mais l'évolution embryonnaire est beau- coup plus rapide: en effet, après quatre heures d'incubation, un embryon d'A- lose est aussi développé que celui d'un Corégone âgé de trente-trois jours. Les œufs renfermés dans l'ovaire d'une Alose sont de trois dimensions : les uns, ayant de 8 à9 centièmes de pouce (0,002^ à 0,0027; de diamètre, sont transpa- rents et prêts à être pondus ; les autres, ayant de 4 à 5 centièmes de pouce (0,0012 à 0,0015) ou seulement l/200« de pouce (0,0006) dediamètre, sont opaques et paraissent être les œufs destinés à une ponte ultérieure, un an, deux ans plus tard. M. Seth Green, qui a élevé, en 1867, 600 000 Aloses, voulait porter ce nombre à 1 000 000 en 1868. (1) Des œufs pris directement dans la rivière n'ont pas réussi. Est-ce par suite du changement d'eau ou par la différence de pression ? (2) M. Seth Green a constaté que la température de -f- 76° Fahr. ( + 25° centigr.) était la plus favorable à l'incubation. (3) Les boites à incubation sont maintenant disposées de façon que le courant donne seulement un léger mouvement aux œufs. 16 SOCIÉTÉ d'acclimatation. nonobstant, un beau résultat : plus de 90 pour iOO d'alevins, longs d'un huitième de pouce, qui furent lâchés dans la rivière. Les Aloses ne peuvent être gardées confinées, car leur vési- cule, portée sur un court pédicule, se résorbe en deux ou trois jours; mais il faut leur donner la liberté loin du rivage, où les Yandoises (1) et d'autres poissons leur font une chasse des plus vives. Du reste, elles semblent reconnaître le danger, car elles fuient le rivage pour chercher le milieu du courant, qui les entraîne peu à peu vers l'Océan. Aussi M. Seth Green, pensa-t-il, pour assurer leur sauvetage, à donner la liberté à ses alevins la nuit et en pleine eau. Cet habile pisciculteur, qui a souvent pris des Aloses mâles prêtes à frayer et âgées seulement d'un an (les poissons, au corps effilé, ont environ dix pouces de long), n'a jamais rencontré de femelles dans le même état au-dessous de l'âge de deux ans : elles pesaient deux livres; celles de trois ans, deux livres et demie , et celles de quatre ans, six livres (2). Les commissaires des pêcheries américaines ont, avec l'as- sistance de M. Seth Green, transporté dans des vases pleins d'eau des œufs d'Alose, qu'ils ont déposés dans le haut Con- necticut, ayant déjà subi la majeure partie de leur évolution, et espèrent ainsi en repeupler les eaux. Déjà on a pris dans le Connecticut quelques Aloses longues de neuf à dix pouces. M. Seth Green a opéré, pendant l'année 1867, sous les aus- pices des commissaires du Massachusetts, du Connecticut, du Vermont et du New-Hampshire, le rempoissonnement des eaux de ces Etats en Aloses (il est parvenu à opérer l'incuba- tion de masses énormes d'œufs à des prix très-minimes, et le transport peut s'en faire à de grandes distances presque sans frais), et des quantités de ce poisson ont- été versées dans le Merrimack , le lac Vinnipegosis et le Pemigewasset , d'où (1) Une seule Vandoise contenait dans son estomac àO alevins d'Alose. (2) Une vVlose de deux ans donne 50 000 œuis ; à quatre ans, elle en donne 100 000. PISCICULTURE DANS l'AMÉRIQUE DU NORD. 17 la descente a dû se faire en 1867, pour effectuer le retour l'automne suivant (1). Du reste, une expérience faite en 1858 leur permet de compter sur le succès : en effet, à cette époque, le docteur W. G. Daniell (2), se basant sur l'instinct qu'ont les poissons anadromes de remonter leurs rivières natives pour y repro- duire leur espèce, transporta des œufs fécondés d'Alose pris dans la Géorgie, dont les rivières- débouchent dans l'Océan, dans les cours d'eau supérieurs de l'Alabama, qui se déver- sent dans le golfe du Mexique : aujourd'hui les rivières de l'Alabama fournissent une grande quantité d'Aloses. Toutes ces expériences donnent grand espoir de réussir, sans trop de dépenses, à peupler d'Aloses les rivières de New- York et de la Pensylvanie, l'Hudson et ses tributaires, l'Ontario, le Champlain et le Saint-Lawrence ; rien n'est, en effet, plus facile que de déposer des millions d'alevins dans leurs eaux supérieures, en ouvrant des passages aux poissons au milieu des barrages qui leur obstruent la voie, et l'on est assuré de fournir ainsi une immense quantité de matière alimentaire aux riverains (3). En 1867-1868, M. A. G. Hardy a réussi, à North-Andver, à incuber l'Alose, et dès l'année suivante on trouvait beaucoup déjeunes dans le Merrimack (li). En 1869, par suite d'un retard apporté à la promulgation de la décision de la chambre législative de New- York, M. Seth Green a pu seulement, la saison étant trop avancée, obtenir l'incubation de 1 500 000 œufs d'Alose au Heu de 300 000 000, ce qui retardera les bons effets qu'on attendait de ces essais. (Ij Report of the Fish Commissioners to the Législature 1869. Manches- ter, 1869. (2) D"^ W. G. Daniell, On the introduction of the American Shad into the Alahama river {Proceedings ofthe Academy ofnatural History of Phi- ladelphia). (3) l)"" llowell, Shad fisheries of the Delaware {Ainerican Journal of Science, 1867, t. XXXU, p. 13Zi). 'U) Fourth Report of the Commissioners of the State of Connecticuty 1870, p. 21. 2*^ SÉRIE, T. VIII. — Janvier et Février 1871. 2 18 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Mais cependant les commissaires ont été heureux d'avoir pu constater un revirement dans les dispositions des pêcheurs, qui, au Heu de renverser les boîtes à incubation, se sont empressés de prêter leur concours aux pisciculteurs du gou- vernement; et dans le but de favoriser les essais d'incubation artificielle, les commissaires ont proposé de mettre à la dis- position des pêcheurs les appareils nécessaires, et de leur per- mettre la pêche en temps de frai, à la condition qu'ils feraient de l'incubation. Tout individu dont les boîtes ne seraient pas employées perdrait par cela même sa licence (1). Aleioife {Alausa tyrannus). — Au commencement de ce siècle, le général Lincoln a fait connaître l'heureuse introduc- tion, faite depuis une trentaine d'années, dans les eaux d'Hin- gham, de plusieurs Alewifes en état de fraye; la descendance de ces poissons ayant pris le chemin de la mer par des passages pratiqués à cet effet, depuis, cette espèce se trouve dans ces eaux (2). En 1868, de nouveaux essais ont été faits avec succès dans la rivière de Boston, où Ton a déposé Ix 755 000 jeunes Alewifes ; on en a transporté également en 1869 une grande quantité dans des étangs. Smelt (Osmenis viridescens, 0. mordax). — • Les commis- saires des pêcheries américaines ont appelé l'attention sur les avantages de ce petit poisson, si estimé des consommateurs, et qui paraît devoir être colonisé avec facilité par l'introduc- tion de poissons mûrs, si Ton s'en rapporte à quelques essais déjà tentés (3). La nécessité de pourvoir au repeuplement des eaux des Etats-Unis est aujourd'hui universellement reconnue : aussi r les divers Etats ont-ils nommé des commissaires chargés de pourvoir aux meilleurs moyens de remédier à l'état actuel. Ils ont proposé d'établir des passages ou échelles (A), quîper- (1) Fourht Report ofConnecticut, 1870. (2) Theod. Lyman et Cl. A. Reaci, loc. cit.jip. 5. — Bellinap, Historij of New-Hamp&hire, t. III, p. 357. (3) Reports ofthe Neio-England Fish Commhsioners for 1867. {Ix) Le temps n'est pas éloigné où la rivière Oswego, à Fiilton, était assez PISCICULTURE DANS l'AMÉRIQUE DU NORD. 19 mettraient au poisson de gagner les eaux supérieures, et, bien que les passages inclinés sur lesquels l'eau coule leur aient paru plus simples, plus économiques et d'un entretien plus facile, ils n'en ont pas moins proposé l'établissement (ï échelles, où r.eau se brise dans des sortes de cuves, ce qui permet aux poissons moins énergiques que le Saumon de les remonter plus facilement, et qui, d'ailleurs, sont seules applicables aux chutes très-élevées. En outre, les commissaires, se basant sur ce que le Saumon et les autres espèces anadromes ont l'in- stinct de remonter aux lieux qui leur ont servi de berceau, ont proposé de transporter au-dessus des barrages des poissons prêts à frayer, ou d'établir une éclosion artificielle des œufs recueillis avec soin (1). Malgré les difficultés que présente le transport des poissons, dans les conditions physiologiques sus-indiquées, on a placé 5 à (300 Saumons au-dessus de l'é- cluse duSaint-La^vrence, après que le passage à poissons a été terminé en 1867. Des résolutions confirmant ces propositions avaient été prises, dès 186(5, par les États du New-Hampshire, Vermont, Massachusetts et de Connecticut. Des passages à poissons ont été établis dans le Merrimack, et des milliers d'œufs ont été préparés pour mettre dans ses eaux de nombreux alevins, avec l'assistance du docteur Flet* cher, de Concord et de M. J. S. Robinson, de Meredith. La perte n'a été que très-minime, 10 pour 100 environ, et l'on a riche en Saumons pour que, chaque soir, on pût en prendre par centaines, et pour qu'on vendît, à raison d'un shilling pièce, des poissons pesant 12 et 15 livres. Mais, depuis l'établissement d'un barrage pour le cana! Oswego, la remonte a cessé et les .Saumons ont désappris le chemin de celle rivière. C'est par une raison semblable que l'Alose^ auuefois abondante, a complètement disparu de la Susqueliannal). (tlon. Steph. H. Ainsworth.) (1) Les commissaires ont aussi insisté sur la nécessité de protéger le pisci- culteur, ce qui n'est ni dans la loi, ni dans les habitudes, les pêcheurs ayant la conviction que la législation est injuste et qu'il y a plus d'honn» ur à la violer qu'à lui obéir. Il faut, disent-ils, sévir rigoureusement contre le braconnage, car tant qu'il ne sera pas sévèrement réprimé, personne ne voudra tenter de repeupler les étangs : il ne serait certainement pas plus difficile de protéger le poisson que la volaille. 20 SOCIÉTÉ d'acclimatatioin. mis en liberté les poissons, alors seulement qu'ils étaient âgés d'un an (1867-1868) ; ils ont opéré leur descente à la mer, et l'on s'attendait à les voir revenir dans les mêmes eaux en 1869. Dans le but d'assurer le succès de l'opération, M. le docteur Fletcher a été chercber en 1868, dans le New- Brunswick, quelques centaines de milliers d'oeufs, qu'il a mis en incubation dans son appareil. Comme les incubations de M. J. S. Robinson n'ont pas été moins heureuses, tout porte à croire à un succès très-prochain, et l'opinion générale est que, les Saumons reprenant les routes qu'ils avaient désap- prises, la stérilité aura fait place à l'abondance. CANADA. Le Saumon abondait autrefois, ainsi que de nombreuses espèces d'excellents poissons, dans les eaux du Saint-Lav^rence et de ses tributaires, depuis les chutes du Niagara jusqu'au Labrador ; mais dans ces dernières années, en raison des pêches désordonnées et surtout de trop nombreux barrages établis sur son cours, il avait notablement diminué et ne se rencontrait plus guère que dans les eaux du Jacques-Cartier. Mais, comme l'a fait observer le Rév. W. A. Adamson (1), dans un mémoire lu devant Vhistitut canadien de Toronto, le Saumon pourrait facilement encore être un aliment éco- nomique, facilement accessible au plus grand nombre des familles canadiennes, et même devenir un objet de sérieuse exportation pour les États-Unis. Sans dnute, ce poisson a été victime de cette propension qu'a l'homme, surtout sauvage, de détruire tout ce qui vit et contribue à son alimentation ; sans doute, la négligence des constructeurs de moulins à ne pas ménager quelque chute ou couloir par où le poisson pourrait remonter, a été une cause puissante de diminu- tion; mais le mal serait aisément réparable par l'établissement (1) l\év. W.A. hiVAxw^i^w. On the Becreaae^Restoration and Préservation of Salmon in Canada, 18.î6. — Sir J. E. Alexaiider, Salmon pshing in Canada, 1860. — J. Al. Le Moine, les Pêcheries du Canada, 1869. — The Technoloyid, 1860, t. I, p. 85. PISCICULTURE DANS L'AMÉRIQUE DU NORD. 21 de barrages-échelles, comme ceux qui ont donné de si beaux résultats en Norvège et surtout dans le Royaume-Uni. Le con- seil du Rév. Adamson a été entendu, et en 1858 la législature du Canada a promulgué une loi de protection, d'encourage- ment et de régularisation de la pêche, à la suite de laquelle des surintendants des pêches ont pris, dans le haut et bas Canada, des mesures conservatrices. Convaincu que pour rendre aux eaux leur fertilité perdue, il ne suffisait pas d'ouvrir des passages au Saumon et de lui accorder toute protection, M. Richard Nettle, alors inspecteur des pêcheries du Canada Est, résolut d'avoir recours à la fécondation artificielle. Pour cela, dans une maison fraîche, en été, par suite d'une bonne ventilation, et pouvant, en hiver, être maintenue à une température convenable, il organisa un bassin de huit pieds sur douze, dans lequel coule sans inter- ruption l'eau du lac Saint-Charles, distant de dix-huit milles de la ville. Le réservoir se divise en deux compartiments: l'un, plus profond, garni de quelques fragments de rocs et destiné à recevoir plus tard les alevins ; l'autre, subdivisé en trois parties profondes de 1 à 6 pouces, et dans lesquelles doit se faire l'éclosion. Le fond de cet appareil à incubation est garni de sable et de graviers de manière à imiter le lit d'une rivière. En septembre, on pêche, au voisinage de l'établissement, des Saumons mâles et femelles pour se procurer les œufs, qu'on féconde et place dans l'appareil. L'éclosion s'en fait en général en février (elle a demandé en 1859 cent treize jours). Les alevins, conservés quelque temps dans le grand réservoir, où ils prennent peu de développement, sont ensuite lâchés en rivière pour y vivre en liberté. M. S. Vilmot, de Newcastle, ayant obtenu l'autorisation de pêcher en temps prohibé, pour faire des expériences de fécon- dation artificielle, a pu réussir heureusement ses éducations au moyen de poissons pris dans quelques cours d'eau tribu- taires de l'Ontario. Bien que la malveillance ait détruit une partie de ses œufs, et qu'il ait été obligé d'en transporter le reste dans son domicile, il est parvenu à élever 30 000 Sau- moneaux, qui se sont parfaitement développés. 22 SOCIÉTÉ d'acclimatation. D'antre part, un Français, M. de Courtenay, qui avait long- temps dirigé les pêcheries du lac Majeur, a pensé à repeupler des meilleures espèces de poissons, avec l'aide de quelques- uns de ses employés, qu'il fit venir d'Italie, les lacs Magau- tic, Saint-Francis et Luisa, dont il possède la concession, dans l'espoir de trouver dans la fécondation artificielle les moyens de fournir de poisson les marchés des États- Unis. Bien que le produit en Saumon du Saint-Lawrence ait été encore, dans ces dernières années, de près de 200 000 francs, ce résultat n'est rien en comparaison de ce qu'il a été et sur- tout de ce qu'il pourrait être : en effet, l'opinion généralement admise est que ce produit pourrait devenir infini à l'aide de l'éducation artificielle. Aussi la législation canadienne, dans le but de multiplier les éclosions, accorde-t-elle des privilèges aux particuHers qui s'adonnent à la fécondation artificielle, et leur assure-t-elle la plus entière protection dans le cours d'eau où ils opèrent. NOUVELLE' ECOSSE. Dans la Nouvelle-Ecosse, les rivières sont si abondamment fournies de poissons, Saumons (Salmo salar) , Truites (Salmo Gloveri), Éperlans {Osmerus viridescens) , Loups {Labrax Uneatus)^ Aloses {Alausa sapidissima), Gaspereaux (Almisa tyrannus)^ Anguilles {Anguilla vulgarisa etc., que M. Th. F, Knight (1) a pu sans exagération les comparer aux mines de Golconde, en faisant remarquer que l'homme a là à sa disposition une mine inépuisable, à la condition d'observer les lois de la nature. Cependant les obslructions qui ont été ètabUes sur un grand nombre de points, en vue de faci- liter la navigation ou d'assurer l'alimentation des moulins ou usines établis sur le bord des rivières ; la pratique per- nicieuse et généralement répandue de pêcher en temps prohibé ; l'emploi d'engins destructeurs (tels que filets fixes, (1) Thom. F. Kuight, Report on the fisheries of Nova-Scotia, 1867. — The River- fisheries of Nova-SQOtidj 18^7, PISCICULTURE DANS l'aMÉRIQUE DU NORD. 23 à mailles étroites qui interceptent le courant, nasses) (i) ; l'inobservation des lois protectrices de la pêche, etc., ont exercé une influence assez sensible sur la quantité du pro- duit fourni par ces rivières, pour qu'on commence à s'en préoccuper et qu'on demande une protection efficace qui soit capable d'arrêter le dépeuplement progressif des eaux. Les écluses et barrages, construits en grand nombre, et que n'ont pu faire encore disparaître ni les efforts de la Société protectrice de la chasse et de la pêche, ni les dispositions de la législation nouvelle, qui doit assurer un sort plus prospère à la pêche, sont, avec les filets qui barrent le courant et empêchent le poisson de remonter jusqu'aux points où il doit frayer, les causes les plus graves de la diminution du poisson dans la rivière. Aussi a-t-on pensé à étabhr des passages ou des échelles pour le poisson, mais on s'est heurté contre le mauvais vouloir des meuniers et usiniers* qui prétendent que ces appareils les empêche- ront d'avoir en tout temps l'eau nécessaire pour faire tour- ner leurs roues, et qui s'opposent obstinément à toutes les mesures prises en vue d'améliorer le rendement des eaux en poisson. Jusqu'à présent, ces difficultés n'ont pu être sur- montées. Bien qu'en aient prétendu quelques personnes, qui affirment que la propagation artificielle du poisson sera absolument inutile pour le but qu'on se propose, il n'en est pas moins reconnu par les gens sérieux que l'éclosion artificielle doit fournir un appoint valable à la production annuelle du pois- son, puisqu'elle permettra d'éviter, en grande partie, la mor- talité qui sévit sur les œufs et les alevins, surtout à leur pre- mier âge, causes qui sont assez puissantes pour décimer et décimer encore cette intéressante population. Se basant sur (1) Dans un grand nombre de localités, on dispose, sur les points des chutes oij le Saumon peut s'engager, des nasses à Anguilles, dans lesfjuelles les Saumoneaux viennent se prendre en énormes quantités, tellement, que l'on compte par boisseaux les poissons de cette espèce qu'on donne aux porcs. 2 A SOCIÉTÉ d'acclimatation. les enseignements de la France (1) et les succès incontestables obtenus en Angleterre, en Irlande et en Ecosse, M. Knigbt demande l'application à la Nouvelle-Ecosse de la législation promulguée, dans ces dernières années, au Canada, et l'orga- nisation de quelques éducations dans de petits cours d'eau qui sont des propriétés particulières et offrent les conditions les plus favorables au développement d'une si utile industrie. D'autre part, la Société protectrice de la chasse et de la pêche appuie cette proposition, et pense que le temps est proche où la culture du poisson occupera autant de bras et de capitaux que la culture du sol ; car, dit-elle dans une de ses publications, on reconnaîtra bientôt que les eaux sont d'un plus grand rapport que les terres, et on leur accordera une protection égale à celle donnée, sans conteste, aux champs et aux prairies. Dans l'état actuel, la Nouvelle-Ecosse ne pense pas à acqué- rir des espèces étrangères, ce qui n'aurait aucun avantage bien marqué pour ses pêcheries ; mais elle se borne à chercher, par la propagation artificielle, à augmenter le rendement de ses eaux en concentrant ses efforts sur les espèces qui les habitent naturellement, et à prévenir les fluctuations de pro- duit obtenu, si fréquentes jusqu'ici et qui sont dues à diverses causes accidentelles. Par un judicieux emploi de la piscicul- ture, elle peut rendre certaine son immigration annuelle de poissons, l'augmenter même, et revenir à cette époque fortunée où les apprentis stipulaient dans leurs conventions, qu'on ne leur ferait pas manger de Saumon plus de deux fois par semaine. (1) Gerl)e, Pisciculture (M. ïh. F. Knight, The River- ftsheries of Nova- Scotia, p. 72). (CULTURE DES CINCHONA A LA RÉUNION Par n. Ed. iHORlIV (Copie d'une lettre adressée à M. Aiiber à Poinfe-de-Galles.) Je viens aujourd'hui, suivant la promesse que je vous en ai faite à l'époque, vous entretenir des résultats que nous avons obtenus de nos divers semis, et vous dire où nous en sommes de l'acclimatation des diverses variétés de Ci7ichona introduits dans la colonie par mes soins , depuis quatre an3 que je m'en occupe. Malheureusement, à part deux ou trois personnes (1), je suis seul ici à m'adonner avec soin et persévérance à l'introduction de cet arbuste à la Réunion. Vous verrez pourtant, par la note ci-jointe, que,, quoique livré ^ moi-même, j'ai pu néanmoins, en stimulant le zèle des uns et des autres, en les aidant de mes conseils et de mon expérience, due à la connaissance que j'ai acquise de cette culture par l'étude de divers ouvrages et par la pratique, arri- ver à des résultats très-satisfaisants, qui, quoique obtenus sur une petite échelle, permettent de considérer aujourd'hui le problème de l'accHmatation de l'arbre à quinquina comme entièrement résolu dans la colonie. En effet, quand on a trente-neuf pieds, en parfait étal, de deux ans et demi à quatre ans et demi, et qu'on peut en obtenir des boutures, on est, ce me semble, en droit de se considérer comme détenteur d'une pépinière as- surée. J'ai l'intention de créer dans les montagnes, par 1000 à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer, une vaste planta- tion de Quinquinas. J'ai bien trouvé le terrain qui me con- (1) M. le docteur Vinson et les FF. de la Providence se sont principalement occupés de la culture, et moi de la propagation. 26 SOCIÉTÉ d'acclimatation. vient; malheureusement, le changement de gouvernement et la proclamation de la République ont eu pour effet de faire disparaître le conseil général tel qu'il était constitué, et, en attendant qu'une nouvelle loi vienne le réorganiser, il me faut attendre, car il n'y a que lui qui puisse me faire la con- cession du terrain en question. Le gouverneur et les chefs de service, tout en me témoignant les meilleures disposi- tions, ne peuvent qu'appuyer ma demande en la présentant au conseil, et, je suis probablement condamné à attendre encore quatre ou cinq mois avant d'être en mesure de com- mencer. En attendant ce moment, qu'il me tarde de voir arriver, comme vous devez bien le comprendre, je fais faire des semis, des boutures et des marcottes à des altitudes convenables, et c'est à cet effet que je m'adresse à des personnes entendues et soigneuses. De la sorte, quand j'aurai la disposition de la concession que j'ai demandée, je pourrai avoir un assez grand nombre déjeunes plants à cultiver tout de suite. Enfin, en essayant dans diverses localités, nous sommes bien plus sûrs de réussir, et mon but sera atteint plus facile^ ment, car mon ambition se borne bien plutôt à doter mon pays d'adoption de la culture en grand d'un arbuste aussi précieux qu'à en faire une spéculation : c'est pourquoi je m'associe tous ceux qui veulent s'adonner sérieusement à l'acclimatation du Quinquina. C'est dans cette pensée que j'ai envoyé un petit lot de graines au consul général de France à Madagascar. Ce pays est trés-heureusement situé pour cette culture, car vous n'ignorez pas que cette grande île est traversée à peu près du nord au sud, dans toute sa longueur, par une grande chaîne de montagnes d'une hauteur des plus convenables. Comme, d'un autre côté, tout le littoral et les plaines sont affreusement éprouvés par des fièvres paludéennes, si nous réussissons à y acclimater cet arbuste, comme je le crois, nous aurons placé ainsi le remède à côté du mal, pour le plus grand bien de l'humanité. Voilà, monsieur, où j'en suis de mes tentatives d'acclimata- CULTURE DES CINCHONA A LA RÉUNION. 27 tion, et les résultats obtenus avec les dernières graines que vous avez bien voulu m'envoyer. J'espère qu'en adressant copie de ces renseignements à M. Van Gorkom, directeur des cultures de Quinquina à Java, vous lui demanderez un autre envoi de 50 grammes de graines. Je pourrai, en effet, les utiliser beaucoup mieux encore cette année, car, les recevant en avril ou mai (commencement de notre hiver), je les sèmerai en ville, et, quand les jeunes plants seront âgés de quelques mois, je les transplanterai, dans les hauts, dans le terrain dont alors ma concession sera régu- larisée. Pour tenir la Société d'acclimatation de France au courant de mes efforts, je vais lui adresser copie de ces renseigne- ments; c'est pour moi le meilleur moyen de lui témoigner ma gratitude pour la médaille qu'elle m'a accordée en 1867 pour mes essais de culture de Quinquina dans notre colonie. Veuillez agréer, etc. Signé : Ed. Morin. RELEVÉ DES PLANTATIONS DE QUINQUINA A L'ILE DE LA RÉUNION PROVENANT DES GRAINES INTRODUITES PAR M. ED. MORIN. Nombre de pieds. ASalazie, Deux pieds de Cinchona offîcinalis qui à 1200™ d'altilude. ont pu être sauvés de noire premier semis, en mai 1866, tiennent à merveille, et ont atteint 5 mètres de hauteur 2 pieds. * Chose des plus remarquables, et qui nous gemble parfaitement prouver leur bonne acclimatation, c'est que, pour la première fois, ils sont en ce moment complètement couverts de fleurs. Il n'est pas probable que cette année les fleurs soient fécondées, mais ou peut, je crois, espérer que dans un an nous pourrons commencer à récolter A reporter .... 2 pieds. 28 [les à Guillaume, à 1000°^ d'altitude. Au Brûlé, à 1200'" d'altitude. Au jardin de la Société d'acclimata- tion, en ville. A Saint-Leu, à ISOO'" d'altitude. SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. Report 2 pieds. des graines. Ces pieds ont actuellement quatre ans et sept mois. Deux pieds de Cinchona offlcinalis qui ont quatre ans et demi ; ils sont d'une très-belle venue, et atteignent U mètres de hauteur 2 Trente-cinq pieds de Cinchona calisaya qui viennent parfaitement. Ils sont âgés de deux ans et demi, et ont en moyenne 70 centimètres de hauteur 35 Observation. — Quelques boutures ont été faites dernièrement, en en prenant les sujets sur lesGinchonas les plus âgés ; elles viennent à merveille, ce qui prouve que le climat et l'altitude leur conviennent. On va multiplier les boutures cette année, puis- que ce mode de reproduction semble réus- sir à merveille. On doit aussi essayer de faire des marcottes, d'après les instructions publiées par MM. Soubeiran et Delondre. Deux pieds de Cinchona calisaija, ayant près de trois ans et demi et de 2 mètres de hauteur 2 Cent onze pieds de Cinchona calisaya et offlcinalis ayant sept mois ont été distribués à des propriétaires des parties hautes de l'île 111 • Six pieds de Cinchona calisaya ayant deux ans et demi et 2 mètres de hauteur. 6 Quarante-cinq pieds de Cinchona cali- saya ayant sept mois, et atteignant en moyenne 15 centimètres de hauteur Ii5 Observation. — Dans cette localité parti- culièrement, les Quinquinas semblent venir à merveille. Une très- forte sécheresse que nous avons eue l'année dernière n'a pas paru les affecter sensiblement. Après les premiers mois de végétation, ils prennent un essor des plus rapides et ils sont pleins de vigueur. Le soi, l'altitude et le climat A reporter 203 pieds. CULTURE DES CINCHONA A LA RÉUNION. 29 Report 203 pieds. semblent leur convenir parfaitement ; aussi on n'attend que de nouvelles graines pour augmenter considérablement les planta- tions. On va faire des boutures. Au Brûlé, Trente et un pieds de Cinchona calisaya à 800'" d'altitude, ayant sept mois et venant bien. Pourtant il nous semble que l'aliitude n'est pas suf- fisante, et j'ai engagé à les transporter plus haut 31 Une vingtaine de plants de divers âges, chez divers propriétaires (mémoire). Nous n'avons pu les voir et en constater l'état. Total 23Zi pieds. Saint-Denis, le 20 janvier 1871. Ed. MoRiiX. UNE VISITE A LA FERME BARROT A PLANCHAMP, PRÈS PHILIPPEVILLE (Algérie), ^ar M. A. RIVIÈRE, Jardiniéf en chef du jardin du Luxembourg. A quelques kilomètres de Philippeville, en suivant la route qui conduit à Bône, et après avoir passé le pont de la rivière du Safsaf, on voit s'élever a gauche, sur un petit mamelon, les bâtiments blancs et carrés de la ferme de Planchamp, appartenant à M. Ferdinand Barrot. Quittant ici la route impériale, on s'engage dans celle de la ferme, route parfaitement entretenue et, chose assez rare dans les trois provinces de l'Algérie, bordée de jeunes Pla- tanes qui déjà procurent cet ombrage si nécessaire là-bas à l'époque estivale. On arrive droit à la plate-forme où se trou- vent groupés les bâtiments, et c'est de là qu'on peut juger du magnifique ensemble de cette propriété, lorsqu'on embrasse du regard toute cette vaste plaine de plus de 600 hectares d'un terrain de première qualité et dont toutes les parties sont en culture. Gomme horizon, la mer, dont le bleu se confond souvent avec l'azur du ciel; la pointe de Svora, avec ses rochers dénu- dés; une partie de PhiUppeville et ses faubourgs; puis la grande tour de la mosquée, crevassée l'an dernier par la foudre; en arrière, de hautes montagnes couvertes de végéta- tion et des gorges profondes ; à l'est, une vaste découpure ; puis, au fond, des roches blanchâtres : ce sont les carrières de marbre de Filfila. Qu'on se figure l'elYet merveilleux produit dans la plaine, au moment de la moisson, par cette mer de céréales, par ces hauts pâturages à la flore agreste la plus riche et la plus va- riée, que foulent aux pieds les nombreux troupeaux qui la sillonnent en tous sens, et qui parfois vont s'étendre au frais UNE VISITE A LA FERME BARROT. 81 au milieu des grandes Graminées et des Gypéracées ; puis par ce long" canal romain qui servit de conduite aux eaux d'irriga- tion, au temps où l'Algérie était le grenier d'abondance de ce peuple disparu, que ses travaux gigantesques font revivre à nos yeux, et dont plusieurs même sont encore utilisés par notre civilisation moderne. Mais nous sommes au 28 octobre 1869, et tout cela a dis- paru, les récoltes sous la faucille, la végétation spontanée sous les rayons ardents du soleil qui l'a desséchée, et l'œil cherche en vain au loin un reste de verdure. C'est alors qu'ap- paraissent les bienfaits de l'horticulture, et qu'on peut appré- cier les progrès qu'a déjà faits cette grande branche de l'his- toire naturelle. Dans un bas fond, à la place d'un ancien ravin, comme une oasis au milieu d'un désert naturellement aride à cette époque de l'année, un jardin verdoyant, disposé en longues plates-bandes droites, réunit une foule de plantes remarqua- bles autant par leur luxuriant développement que par le nombre d'espèces exotiques qui le composent. Une main ha- bile et des soins intelligents, joints à la merveilleuse fécondité du sol, ont su faire un Eden de ce petit coin, qui n'était, il y à quatre ans, qu'un terrain entièrement inculte. Grâce au tor- rent qui, depuis des années, enfouit dans le lit du ravin des masses de détritus entraînées des parties supérieures des montagnes, la couche de terre végétale est excessivement pro- fonde. C'est un peu, du reste, la nature de la plaine entière, toute formée d'alluvions et dont la couche végétale a des pro- fondeurs de 5 à 6 mètres; aussi, de temps immémorial, les tribus arabes y cultivent-elles le blé, toujours à la même place, sans que le terrain paraisse épuisé par cette production ab- sorbante, et sans qu'il cesse de rendre généreusement, sans engrais, sans fumures, éléments complètement ignorés des indigènes.. Ce ne sera pas sans un certain plaisir que tous ceux qui s'intéressent à la culture trouveront ici quelques renseigne- ments sur ce jardin de création toute récente: ils verront quel parti on peut tirer de certaines contrées de l'Algérie, qui, de 32 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. sols dénudés, peuvent devenir en peu de temps, et presque sans eftorts, de véritables pnradis terrestres. C'est pourquoi nous passerons en revue, le plus sommairement possible, les végétaux intéressants au point de vue de l'ornementation ou de Futilité. Comme végétation arborescente exotique, c'est d'abord le plus grand, le plus majestueux, VEucali/ptus globidus, origi- naire de FAustralie, de 12 à 15 mètres de hauteur. Plusieurs de ces arbres, lors'de leur plantation, en mars 1865, étaient des sujets de 0°\30; en ce moment (octobre 1869), mesurés à 1 mètre du sol, ils ont de 0"^,77 à 0"\82 de circonférence ; deux autres, provenant de semis en planche et laissés par ha- sard, mesurent, à0"%20 du sol, l'un 0^,89, l'autre l'",05 de circonférence, et encore, placés en dehors du jardin, n'ont-ils reçu ni culture ni irrigation. Cet exemple prouve une fois de plus que la culture de Y Eucahjptus en Algérie n'est pas une utopie, tant sous le rapport de l'amélioration du climat et des considérations générales qui s'y rattachent que sous celui du rendement pécuniaire. Par suite de la plus lente croissance des essences employées jusqu'à ce jour, le produit d'un boi- sement devenait autrefois l'héritage des petits-enfants; on voit qu'il pourrait dès lors se renouveler plusieurs fois dans la vie moyenne d'un homme : et ce serait, nous n'en doutons pas, une source de richesses pour celui qui, plein d'initiative, en- treprendrait en grand une teUe opération, car le bois manque en Algérie et devient même de plus en plus rare par suite du déboisement ou des incendies journaliers des forêts. Une autre espèce du même genre attirait nos regards, V Eucalyptus calophylhim, d'un bel ensemble, aux belles feuilles vertes, assez larges et portées par un pétiole jaunâtre. Bien que du même âge que les précédents, il est loin d'at- teindre les mêmes dimensions ; il a tout au plus de 6 à 7 mètres de hauteur et mesure à peine 0"',25 de tour. C'est un arbre d'ornement à feuilles persistantes, qui résiste bien dans les terrains secs; il est très-peu répandu : nous n'en con- naissons guère que deux échantillons en pleine terre. En quittant ces arbres de première grandeur, la chose la UNE VISITE A L\ FERME BARROT. 33 plus remarquable, au point de vue de rornemenlation, et de la croissance, est sans contredit la végétation d'un Cassia fjrandiflora, dont la graine avait éfé envoyée au Jardin comme graine de Cannellier, et semée comme telle en 1866. Cet arbre, — car on peut se servir de cette expression, — mesure l'",50 de tronc jusqu'à ses premières ramifications, avecO^'j/iO de circonférence; il présente une tête sphérique de 6 mètres de diamètre. Si l'on ajoute à cela une feuille très-large, une floraison continuellement abondante, on pourra certainement classer cette espèce, dont il n'existe pas de pareils échantillons dans la culture, parmi les petits arbres à bel effet, devant être employés dans la zone algérienne et sous les climats méditer- ranéens, y compris le midi de la France, dans toutes les régions enfin où la température ne descend que rarement au-dessous de zéro. H Acacialophantha Neumannii se développe également avec une grande vigueur. Semées en avril 1868, ces plantes attei- gnent en ce moment 7 mètres de hauteur sur 0"\30 de cir- conférence. On en fabrique volontiers des perches, des écha- las,etc., en en faisant une culture bisannuelle ou trisannuelle; mais, à cause du peu de dureté de son bois, il ne faut pas con- sidérer cet Acacia comme un arbre sérieux pour le reboise- ment. Par suite de sa germination prompte et facile, il pourra avec avantage être semé le premier dans les terrains nus et déserts, et son abri sera utile à d'aulres plantes plus robustes. Comme arbre d'ornement, il a l'inconvénient d'être trop envahissant, et, de plus, le grand défaut de se couvrir d'in- sectes qui se répandent ensuite sur tous les végétaux du voisi- nage; en outre, une odeur désagréable s'exhale de ses racines. Un Acacm melanoxylon^ provenant d'un semis de 1868, mis en place au printemps de 1869, a donné un développe- ment de plus de h mètres. Le bois, comme son nom l'indique, est de couleur foncée; il est très-dur, à belle écorce veinée, à feuilles entières et luisantes. Sa densité, sa croissance excep- tionnelle, le placent en première ligne parmi les essences à employer pour le reboisement; son effet décoratif dans les jardins n'est pas non plus à dédaigner. 2« SÉRIE, T. VIU. — Janviervrier et Fé 1871. 3 3û SOCIÉTÉ d'acclimatation. Une belle Protéacée, également de la Nouvelle-Hollande, est le Grevillea robusta, ou Arbre-fowjère, nom qu'il doit aux délicates découpures de ses feuilles, lesquelles, au moindre, zéphyr, laissent voir leur dessous argenté, qui lait un singu- lier contraste avec le beau vert de leur face supérieure. Son port pyramidal, est gracieux lorsqu'il est isolé. Un arbre de quatre ans a 6 mètres de haut et 0'",ZiO de circonférence. Nous le conseillons comme essence propre au reboisement. Son bois, moins dur que celui des espèces précédentes, pourrait être avantageusement employé dans la tonnellerie et autres industries semblables; c'est TappUcation qu'il reçoit en Aus- tralie. Conservant jusqu'à l'âge de cinq ou six ans toutes ses ramifications axillaires, le Grevillea robusta est très-orne- mental dans sa jeunesse; par la suite, il devient un grand arbre, résistant dans les terrains secs, et bravant les vents nui- sibles de la mer, quoique préférant l'humidité et la bonne terre. Celui dont nous parlons se trouve donc dans de bonnes conditions. De grandes touffes de Poinciana regia, trés-vigoureuses. de 2 mètres de hauteur, forment çà et là comme des buis- sons ardents, avec leurs longues étamines très-développées et de la couleur la plus vive. La saison des pluies détruit les rameaux de l'année jusque sur une souche ligneuse, qui bientôt, au retour de la belle saison, émet de nouvelles pousses. V Achyranthes Verschaffeltii^ ou Iresine Herbstii, change ici tout à fait d'aspect. Sur sa tige, de 2"", 50 de hauteur, très- feuillue et ramitiée dès la base, il est fort difficile de recon- naître cette plante, qui n'a chez nous qu'une dimension fort restreinte, SO ou ûO centimètres environ; les feuilles ont en outre une coloration beaucoup plus vive que dans nos jar- dins : elles sont presque entièrement rouges. Nous ne savons où s'arrêtera ce prodigieux accroissement, si les rigueurs des mauvais temps n'y mettent un terme. Nous avions bien remar- qué déjà cette même plante, fortement développée et presque considérée comme grimpante, dans une serre de M. Cour- seaux, amateur d'Orchidées à Alger; mais alors ses tiges, UNE VISITE A LA FERME BARROT. 35 légèrement décolorées, flasques, dépourvues de ramifications latérales, et n'ayant de feuilles qu'à leur partie supérieure, nous faisaient présumer que cette excessive élongation n'était que le résultat d'un étiolement du à la chaleur, aux arrose- ments, et particulièrement au manque de lumière ; la plante, avide d'un peu de jour, s'élançait vers les parois vitrées de sa prison. Mais ici le fait est d'autant plus remarquable que cette espèce est en pleine terre, par conséquent entourée partout d'air et de lumière, et soumise aux mêmes soins; il n'existe donc pas de causes d'étiolement, dont la plante, d'ailleurs, ne présente aucun caractère. Deux Cactées surtout attirent l'attention : le Pereskia Bleo, de la Nouvelle-Grenade, dont les tiges sarrnenteuses, de 2'", 50 de longueur, s'enroulent autour des arbres; puis le Pereskia aculeata^ de l'Inde, qui, à l'aide de ses aiguillons, s'accroche dans les branchages environnants. On s'étonne à bon droit de voir ces deux plantes résister avec force au climat si pluvieux et si humide de cette contrée pendant l'hiver ; ajoutons qu'elles sont couvertes de magnifiques fleurs d'une belle couleur rose violacé. Le Cijperus Papyrus (la plante à papier des anciens) forme des touffes de 1^ ,bO à 2 mètres de diamètre, d'une hauteur proportionnée, et se couvrant de graines fertiles qui se répan- dent sur le sol, y germent k leur tour, et forment un tapis de verdure. Le Cijperus alternifcdim foins variegatis^ d'un mètre de hauteur, devient tellement envahissant, qu'il obstrue les allées et qu'on doit plusieurs fois par an en restreindre la végéta- tion. Jl a le désavantage de se dépanacher, du reste comme toutes les plantes à feuillage coloré introduites ici jusqu'à pré- sent, et qui tendent toujours à reprendre la couleur verte uni- forme: les difl'érentes espèces de Croton en sont un exemple bien frappant. Cependant, au milieu de ces toufles dépana- chées, apparaissent de temps à autre quelques tiges qui olïrent le caractère de la panachure primitive; on ne peut donc pas croire que cette disparition soit due à l'efl'et d'une végétation trop vigoureuse, puisque, cultivée en pots ou 36 SOCIÉTÉ d'acclimatation. dans la serre, la plante produit les mêmes résultats sous ce climat. Parmi les Musacées, tout le genre iViisa (Bananier) propre.- ment dit réussit à merveille. Le Musa Ensete y est monstrueux de grosseur ; les Musa discolor, zebrina, speciosa ou rosàcea s'y multiplient avec rapidité. Ce dernier, très-beau avec ses fleurs roses, donne des fruits laissant des graines apparentes. Les deux autres espèces, le Musa sapietitum, Bananier à petits fruits, et le M. paradisiaca, Bananier à gros fruits, commencent à donner des récoltes; les fruits sont assez gros pour faire croire qu'ils résisteront à la mauvaise saison. Cette acclimatation est d'une importance réelle au point de vue de la production et de l'alimentation; elle pourra permettre, dans un temps donné, de fournir aux trois grandes villes de cette province, Gonstantine, Pliilippeville et Bône, ce fruit délicieux dont elles sont privées, et qu'elles tirent actuellement du Hamma, près d'Alger, à des prix élevés, sans compter les ris- ques de mer et les frais excessifs de transport. La bananerie de Plancbamp se compose déjà de deux ou trois cents pieds ; les autres végétaux, qui croissent à Tenvi tout autour, ne tar- deront pas à la protéger des vents contraires ; la trop grande bumidité hivernale sera seule à craindre. Le Slrelitzia aiujusta se comporte là comme les plantes précédentes, le même sol et la même culture lui étant égale- ment favorables. ., Le genre Bambou, on le pense bien, n'est pas le dernier en fait de prodigieux développement. Ainsi le Bambusa distorta atteint 8 mètres de hauteur et mesure 19 à 20 centimètres de circonférence; les B. nigra et mitis tracent à l'infmi. Nous regrettons de n'avoir pu constater là présence du B. arundi- nacea, gros Bambou de l'Inde, comme point de comparaison ; malheureusement cette espèce est très-rare dans les cultures, confondue qu'elle a été jusqu'à ce jour avec le B. distorta, qui a souvent pris sa place, et n'a pu, naturellement, donner les mêmes résultats. Cette erreur très-regreltable fera long- temps croire que cette grosse espèce est l'apanage de terrains exceptionnels, c'est-à-dire de bas-fonds, irrigables ou naturel- UNE VISITE A LA. FERME BARROT. 37 lement humides, tandis qu'au contraire les faits nous le dé- montrent suffisamment, Tirrigation n'est pas d'une stricte nécessité : il existe en eiïet de fort beaux exemplaires venus dans des conditions entièrement exemptes d'humidité, mais cependant aussi, il est^vrai, à l'abri des influences d'une tem- pérature trop basse. Ce jardin possède en outre une foule d'autres végétaux qui, sans être d'un accroissement extraordinaire, n'en sont pas moins intéressants et rares ; plusieurs spécimens du genre Ficus: les F . j)ellucida ^ ruhiginosa, ferruginea^ heleropJiylla, pôpulifolia^ etc., se font a'dmirer par leur belle venue et promettent de devenir des arbres de haute taille et d'aligne- ment. On voit encore une collection de Palmiers commençant à donner des feuilles caractérisées : les Chamœrops e-xcelsa, Livistonia borbonica, Livistonia australis^ Cocos flexuosa. Cocos aiistralis, Oreodoxa régla, Phœnix Leoneyuis, Phœnix pumila, Sabal Adansojii, eic.y etc., sont tous en pleine terre; des Bananiers leur servent d'abri, pendant l'été contre les rayons trop ardents du soleil, pendant l'hiver contre les orages, la grêle et les vents. Les plantes de la Nouvelle-Hollande prospèrent là comme dans leur patrie ; Mclaleuca, Metrosideros, Acacia, etc., fleu- rissent et donnent des graines. Les végétaux sarmenteux, comme les Bougainvillea spec- tabilis et glabra, n'ayant ni murs, ni constructions pour soutenir leurs longues tiges flexibles de 7 à 8 mètres, pro- duils d'une pousse annuelle, appuient sur de grands arbres leurs longs rameaux qui retombent vers le sol, courbés par leur propre poids. Le Blgnonia spociosa, avec ses grandes fleurs bleues, est le plus saillant dans la catégorie des autres plantes grim- pantes. Deux Maranta, zebrlna et dhcolor, ont en ce moment de belles feuilles formant des toulTes assez garnies; ils sont légè- rement ombragés et toujours en pleine terre, sans autres soins que l'irrigation à l'eau courante. L'hiver dernier, un torrent 38 SOCIÉTÉ d'acclimatation. descendu des montagnes environnantes, ayant choisi le jardin comme lit, après avoir entraîné tout ce qui lui résistait, avait, en se retirant, couvert le sol de plusieurs centimètres de limon, de débris et de pierres. On n'avait pu trouver le temps d'enlever, comme d'habitude, les plantes qui ne pouvaient ou qu'on croyait ne pouvoir pas supporter la période hivernale. Au printemps de 1869, les premières feuilles des Maranta, dont les rhizomes tuberculeux avaient séjourné pendant toute la saison froide parmi les éléments humides laissés par le tor- rent, commençaient à sortir de la vase. Évidemment, en raison même de la culture appliquée dans nos serres à ces espèces, les Marantacées étaient les dernières dont on dût tenter l'essai, si le hasard n'était venu produire le fait que nous venons de relater. Il faut bien admettre qu'en matière de culture et d'acclimatation, le hasard est un grand maître, donnant parfois des résultats qui renversent toutes les théories et tous les raisonnements, et des leçons qu'il ne nous reste plus qu'à suivre. Combien de fois n'avons-nous pas vu une plante délicate, presque sans vie, languissant dans un vase, sortie de la serre pendant la belle saison et oubliée par mégarde lors de la ren- trée, briser, par suite de l'accroissement rapide de ses ra- cines, le vase qui la contenait, se ranimer immédiatement et développer bientôt une végétation inattendue ! C'a été le point de départ d'une véritable culture pour bien des végétaux ac- cUmatés, et qui nous servent aujourd'hui de base pour élever à leur tour leurs congénères, en appréciant les analogies de climat, d'altitude, de structure et autres. Non-seulement, après l'inondation torrentielle dont nous parlions tout à l'heure, les Marantacées ont reparu, mais en- core des Aroïdées, entre autres V Amorphophallus Rimeri, dont les tubercules, entraînés à de grandes distances, se sont retrouvés épars dans les haies qui environnent le jardin, où ils ont acquis le même développement. Nous ne doutons pas que cette plante, d'une multiplication si rapide, ne dispute le terrain à XAriim italicum, à moins qu'elle ne perde ses feuilles avant l'apparition de celles de ce dernier. UNE VISITE A LA FERME BARROT. 39 Après rénumération de toutes ces plantes équatoriales ou tropicales, il faut parler de l'Oranger, dont la place est tou- jours marquée dans les jardins situés près des bords méditer- ranéens. Ces arbres méritent une mention particulière pour leur vigueur et leur bonne tenue, et la vie y est trop active pour qu'aucun insecte, Kermès ou Cocciis, vienne tacher leurs feuilles. Plutôt noires que vertes, ces feuilles sont supportées par des jets de l'^jôO à 2 mètres. Nous avons compté des paquets formés de dix ou douze oranges, dont le poids faisait craindre la rupture de la branche qui les portait; des feuilles de Bigaradier, détachées pour notre herbier, et prises sur un sujet de trois ans, mesuraient 25 centimètres de longueur sur 15 de largeur. Notre intention n'étant pas de faire la nomenclature de tous les nombreux végétaux qui sont réunis dans ce jardin, nous avons signalé les plus rares, ou du moins le prodigieux déve- loppement de quelques-uns d'entre eux. Gomme il a été dit plus haut, la fécondité du sol, jointe à des irrigations copieuses que d'habiles aménagements d'eaux permettent de donner à chaque instant, est la cause de résultats si extraordinaires et de telles exubérances de .végétation. On reconnaît aussi l'in- telUgence qui préside aux soins nécessaires donnés à chaque époque voulue : car, il faut bien le dire, dût sa modestie en être alarmée, c'est à M. Benoît, qui exploite la ferme Barrot, qu'est due en partie cette création horticole, non-seulement la plus belle de la province, mais encore, toute récente qu'elle est, une des plus belles et des mieux tenues de l'Algérie. C'est au bon goût, aux connaissances étendues et pratiques de cet amateur passionné, auquel, dans l'intérêt général, nous souhaitons volontiers des émules, qu'il faut attribuer la réus- . site de cette diversité de végétaux qui ont dû demander, dans leur jeunesse, des soins assidus et une surveillance toute pa- ternelle. Cependant cet excès de végétation, réjouissant à voir tout d'abord, est, pour la plupart des plantes des climats chauds, un grand défaut auquel il faut remédier. En Algérie, nous passons brusquement, sans gradations, de l'été à l'hiver; nous AO SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. sautons par-dessus l'automne, de même que, sans printemps, nous sautons de l'hiver à l'été. Ce passage brusque et presque instantané du chaud au froid arrête la marche de la sève dans le végétal; les tissus, trop pleins de sucs aqueux, oifrent faci- lement accès à la pourriture pendant les temps humides, de telle sorte que cette végétation annuelle se trouve détruite ; la plante, languissante, est sujette à périr, jusqu'à ce que la cha- leur vienne reproduire les merveilles de la saison antérieure. Il faudrait donc, vers la fin d'août et dans le courant de sep- tembre, réduire les irrigations et finir par les supprimer ; arrêter ainsi la végétation avant les froids, forcer les tissus à se durcir, à prendre de la consistance, le bois à s'aoùter, et, par ce moyen, préparer la plante à olfrir plus de résistance aux intempéries hivernales. Une chose remarquable, seulement dans cette province de l'Algérie et bien accentuée dans le jardin de Planchamp, c'est la présence, au miUeu de tous ces végétaux très-méridionaux, de quelques arbres fruitiers de nos pays de France et d'Eu- rope. Les Poiriers et les Pommiers y poussent avec vigueur, donnent des tiges de 1"',50 à 2 mètres; se couvrent d'une grande quantité de fruits qui arrivent à maturité et ne sont pas toujours atteints par les vers, comme dans les régions d'Alger et d'Oran, où la trop grande sécheresse est un ob- stacle insurmontable à cette culture, dont les résultats ont été des plus mauvais jusqu'à ce jour. Ces deux espèces fruitières tiennent assez bien leur place en parallèle avec les Orangers si vantés partout, et même, élevées sur de hautes tiges, elles ont, dans la disposition de leurs branches charpentières, une ré- gularité dont tendent toujours à s'éloigner les Orangers ; mais il faut dire que ces derniers cachent cet inconvénient par un feuillage si abondant et si serré, que la charpente intérieure en est invisible. La province de Constantine étant plus froide que les deux autres, la culture de ces arbres réussit mieux dans les jardins, principalement dans ceux qui sont analogues à celui dont nous nous occupons ; là ils n'endurent jamais la sécheresse, condition généralement ditllcile à obtenir, et la température . UNE VISITE A LA FERME BÂRROT. fti s'abaisse assez pour suspendre la végétation, qui, sans inter- ruption ailleurs, y est une cause réelle de souffrance : aussi voit- on ces arbres fruitiers prospérer dans les régions élevées, sur les hauts plateaux où la terre se couvre de neige avec une gelée de quelques degrés. Dans la province d'Alger, à Mé- déyh, ville située dans les montagnes de l'Atlas, à près de 1000 mètres d'altitude, nous en avons remarqué de belles cultures, qui répandent leurs produits sur Blidah, Alger et ses environs. Quoique le Pommier paraisse plus rustique que le Poirier, il réclame cependant, sur le littoral, à peu près les mêmes conditions, ou, à leur défaut, un terrain frais, ombragé, et une culture sous formes basses, comme cordons, buissons, etc. Les Pommiers cultivés par les Arabes ont donné des résultats satisfaisants dans des terrains argilo-calcaires, profonds et froids ; ils se composent de variétés indigènes encore sus- ceptibles d'amélioration, notamment celles qui portent les noms de Ben-Aïcha ^ Egherbi, Meldouah, Sert-el-Adra , Spigehi^ etc. Les arbres à fruits à noyau, comme partout ailleurs sur le littoral et dans les plaines, laissent aussi beaucoup à désirer. Le Cerisier est nul sous le rapport de la fructification. Le Pêcher se développe avec vigueur, et il y en a de très-forts dans les environs de Planchamp; mais les produits, pas tou- jours assurés, sont loin, sans manquer parfois de qualités ni de saveur, de pouvoir être comparés à ceux de nos cultures de la France centrale ; la chair adhère toujours au noyau. Le Prunier réussit assez bien dans les terrains humides et profonds, mais les contrées froides lui conviennent davan- tage. Il existe des plantations séculaires de Heine-Claude dans le Hamma de Conslantine ; les autres Pruniers v réussissent peu, excepté cependant une variété de Laghouat, à fruits allongés, qui donne quelquefois d'assez belles récoltes. L'Abricotier, s'il ne donne pas de très-gros fruits, les pro- duit du moins parfumés et en grande quantité ; nous l'avons du reste remarqué dans cette province, sur les pics qui do- minent Bougie, faisant face à la mer, dans un terrain schis- !i2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. teux et rocailleux, où il n'existait pas trace de terre végétale et où la fraîcheur est chose inconnue. Perché sur les versants, a plusieurs centaines de mètres d'altitude, exposé pendant l'été à une chaleur torride, dont mon fils et moi nous garderons longtemps le souvenir, nous avons constaté, en juillet 1868, que l'Abricotier, le Caroubier (Ceratonia siliqua) et le Micocoulier {Celtisa australis), étaient les seuls arbres qui couvrissent ces parties arides. L'Abricotier est ordinaire- ment isolé, et sa grosseur est telle que nous avions de la peine à embrasser à nous deux la circonférence de l'énorme tronc élevé de certains d'entre eux. Les ramifications de ces arbres sont bien établies. Cette végétation spontanée, ou cette introduction qui date d'époques reculées, fait croire qu'on pourrait obtenir d'autres résultats par le perfectionnement d'espèces indigènes ayant un type particulier, qui pourraient peupler des terrains ana- logues à ceux cités plus haut et malheureusement trop com- muns sur tout le littoral. On commence déjà à rencontrer ces variétés indigènes que nous nous efforçons de propager ; elles sont connues sous les noms de Boussiala, Bourhalhi gros, Bourhalbi petit, Chvoiiachéi, Dmechrii, Mourrha, Touha- tin, etc. Une variété nommée Chachi est très-recherchée par les Arabes et les Israélites: c'est un fruit moyen et de maturité précoce. Le grand défaut de ces espèces à noyau est d'être attaquées par la gomme, qui intercepte les canaux et empêche la circu- lation de la sève; c'est pour cela que la taille, qui pourrait aider au développement de cette maladie, y est prohibée, et que même les premières notions de cet art n'en sont pas appliquées, la taille y ayant été considérée à tort jusqu'à ce jour comme inutile et nuisible, même pour les fruits à pépins. Il est commode à l'ignorance de se retrancher derrière ces arguments, plutôt que d'en étudier avec soin les opérations, les appliquant avec sagesse suivant les climats et la végétation et sans les ériger en principes absolus. Nous ne sortirons pas du jardin sans dire un mot du Framboisier, qui y fructifie comme sur le sol français, et UNE VISITE A LA FERME BÂRROT. /[o qu'on trouve trop rarement en Algérie ; nous l'avons cepen- dant rencontré quelquefois cultivé en compagnie du Groseil- lier, dans le petit Atlas, au-dessus de Blidah, vers la région des Cèdres (Cedrus atlantica) et des Ifs {Taxiis baccata). Comme on le voit, 'l'horticulture, ici, dans notre nouvelle colonie africaine, n'est plus une science de fantaisiste et d'à- mateur ; c'est une œuvre toute nouvelle d'acclimatations et de naturalisations utiles du règne végétal emprunté aux autres mondes. Si nous sommes encore dans l'indécision et le tâton- nement, le jour est proche où nous assignerons au juste à chaque climat et à chaque altitude les essences qui lui con- viennent, et qui feront de ce pays le mélange le plus pitto- resque de toutes les productions du globe. Le jardin^ là-bas, n'a plus, en ce moment, la même signil'i- cation qu'en France, il ne doit pas être pris dans la même ac- ception du mot. Il ne faut pas s'attendre à y trouver réunis le luxe de floraison que nous connaissons et les mille variétés de nos perfectionnements, ni la même symétrie dans la décoration et dans l'agencement ; l'ignorance du mode de développement que pouvaient prendre toutes ces plantes nouvellement im- portées, et parfois complètement inconnues, les unes s'élevant rapidement, les autres devenant buissonnantes, ou grim- pantes, ou rampantes, tout cela a donné aux plantations un aspect tout à fait irrégulier. A l'heure qu'il est, le jardin est plutôt un champ d'essai qui permettra d'éviter les mêmes tâ- tonnements à ceux qui viendront plus tard ; c'est un terrain d'études d'où sortiront, pour se répandre tout autour, les végétaux propres à l'alimentation, à l'industrie, à l'agrément, et qui donneront un caractère tout nouveau au paysage algé- rien, presque dénudé de grands arbres ou*couvert par places de buissons peu intéressants et monotones. C'est ainsi que l'on voit déjà sortir des jardins, pour former des vergers et entrer dans le domaine de la grande culture productive, les Bananiers, les Goyaviers (Psidium piriferum) y les Anones (A??o^^ Cherimolia), les Avocatiers {Persea gratissima) , tous les arbres fruitiers exotiques enfin, puisque les nôtres n'y réussissent qu'imparfaitement ; en ZjZi SOCIÉTÉ d'acclimatation. outre, les arbres de la Nouvelle-Hollande, qui fournissent l'ombrage aux routes et les bois aux déserts ^ puis les espèces du genre Ficus de l'Inde, qui prêtent leur concours avec les Citharcxi/lon^ etc. Une plante appelée à un grand avenir dans l'industrie y prospère à ravir : c'est le China-grass^ ou Ortie de Chine (Urtica tenacissima, nivea, ittilis, etc.), qui a donné, cette année, à la ferme Barrot, quatre coupes pendant la saison. Le jardin de Planchamp, dû à l'initiative privée, mainte- nant que les pépinières du gouvernement sont détruites, est, par la grande quantité de végétaux qui s'y trouvent agglomé- rés, une station de naturalisation d'où l'on peut juger ceux qui se plaisent dans des conditions analogues, et, en outre, un modèle à consulter pour ceux qui débutent, car il faut bien savoir que jusqu'ici, en horticulture, on a rencontré en Algérie beaucoup de difficultés, on a éprouvé bien des déboires que l'expérience des anciens fera éviter aux nou- veaux. Les pépinières du Gouvernement s'étaient livrées tout d'abord à la culture des essences forestières et fruitières de France, conduite d'après les principes enseignés et appliqués dans la métropole ; après un long apprentissage, elles ont fini par succomber, et il n'en resterait pas môme le souvenir, si, à leur place, il n'existait encore comme témoignage de leur présence quelques grands végétaux qui prospèrent admirable- ment, quoique abandonnés ^ c'est ainsi qu'on admire, sur l'emplacement de la pépinière de Philippeville, une magni- fique allée à' Araucaria brasiliana, d'une quinzaine de mètres de hauteur, et couverts chaque année de nombreuses graines. Dans l'ancienne pépinière de Bône, qui sert aujourd'hui de promenade publique aux habitants de la ville, on voit encore un bel Araucaria excelsa, ainsi qu'un magnifique Jubœa spectabilis (Palmier des Andes du Chili) . Mais laissons ces considérations, que nous nous proposons de développer autre part, et comparons la puissante végéta- tion signalée précédemment avec celle non moins digne de remarque qui apparaît spontanément parmi les broussailles UNE VISITE A LA FERME BARUOT. /|5 et les taillis faisant encore partie de ia propriété de Plan- champ. En quittant le jardin et en passant derrière la ferme, on trouve une série de mamelons parallèles qui ne sont que les petits contre-forts des hautes montagnes qui ferment l'horizon au sud. Ces mamelons sont recouverts de broussailles clair- semées uniquement composées de quelques espèces qui se répètent à l'infmi et ne dépassent ordinairement pas une hau- teur de l^jôO à 2 mètres : tels sont les arbrisseaux toujours verts, ou peu s'en faut, portant les noms de Pistacia Lentiscus (Lentisque), Philbjrea latifolia, P. média, Myrtus comniu- nis (Myrte), Bhammis Alaternm (Materne), Querciis cocci- fera, l'Olivier, etc., ainsi qu'un affreux petit buisson décharné et sec, le Genista tricuspidata^ dont les aiguillons se font ter- riblement sentir. Mais la plante qui paraît dominante, et dont on retrouve de nombreuses traces à cette époque de l'année, c'est le Ciste, qui doit couvrir les hauteurs d'une floraison abondante, aux couleurs variées du plus bel effet; il est même possible d'y rencontrer les trois espèces : Cistus monspeliensis y C. salvi- folius et C. heterop/iyllus. Dans les espaces dénudés servant de pacages s'élèvent sou- vent, au-dessus de tous ces végétaux buissonnants, de hauts Lentisques réunis en groupes, dont la forme arrondie et comme taillée à la cisaille se remarque de loin. C'est sous cet ombrage d'un vert sombre, formant un vaste berceau, que les femmes arabes viennent se livrer à leurs dévotions, à l'abri dt3s ardeurs du soleil. On y trouve assez souvent les traces de leur passage par l'abandon qu'elles y font de morceaux de terre cuite et de poteries informes que nous avons supposé devoir servir de lampes. Cet arbre prend alors le nom de marabout ou lieu sacré. La terre estjonchée, dans les larges intervalles laissés libres par ces groupes d'arbrisseaux, d'une quantité de petites Lilia- cées, première végétation sortie comme par enchantement à l'apparition des premières pluies. C'est d'abord le Leucoiuni autumnale, dont la corolle en !i(S SOCIÉTÉ d'acclimatation. miniature, supportée par une lige filiforme, s'incline gra- cieusement vers la terre, blanche en certains endroits comme au matin d'une légère gelée. Puis le Scilia lingidata, dont la hampe très^ramasbée forme une masse de fleurs bleues tirant sur le violet. Les épis roses des Scilia parviftora et S. obtusifoUa dépas- sent un peu plus, en hauteur, les espèces précédentes et sont dignes de remarque. Ces deux dernières méritent véritable- ment d'êlre cultivées; la culture leur fait prendre un plus grand développement, comme nos expériences de cette année nous l'ont démontré, car les hampes ont atteint, dans nos essais, une hauteur de50 centimètres, tandis qu'à l'état spon- tané elles ne parviennent guère qu'à une hauteur variant entre 5 et 11 centimètres ; par la culture encore, on obtient des fleurs plus grandes, un épi plus garni. Ces deux espèces produisent à peu près le même etïet. Faciles à distinguer quand elles sont pourvues de feuilles, elles sont aisément con- fondues entre elles avant l'apparition de celles-ci, si l'on n'aie soin de remarquer qu'à la base des pédicelles qui supportent les fleurs il existe à'AmX^ Scilia parviflora une petite bractée membraneuse, dont le Scilia obtusifoUa est complètement dépourvu. Le Scilia liiKjulata et le Leucoium autumnale ne parais- sent pas s'être encore ressentis des effets de la culture. Dans les endroits où le sol est riche, le Ranunculus huila- tus se développe abondamment en compagnie du Colchicum Bertholoni.m^nmi ensemble leurs grandes nuances de jaune doré et de rose violacé. Les bas- fonds humides sont recouverts d'une petite Caryo- phyllée rose, VArenaria tnaritima. et d'une Graminée très- traçante. On voit, en descendant dans les ravins, et particulièrement dans celui où coule l'Oued-Atta, entièrement à sec pendant l'été et torrentueux pendant l'hiver, les arbrisseaux acquérir une croissance plus forte, en raison de la quantité d'humus entraîné des sommets environnants; les arbres même n'y sont pas rares. UNE VISITE A LA FERME BARROT. AT Le lit du torrent, tortueux et déchiqueté, n'offre qu'un amas de débris d'arbres, de racines, de schistes, de quartz, roulés par la violence des eaux; quelques arbres à demi-déra- cinés pendent au-dessus; d'énormes toutîes de Lauriers-roses (Nerium Oleander) surnagent au milieu comme autant d'iles flottantes dues à renchevêtrement des racines dans lesquelles se sont amassés des débris où poussent d'autres plantes ; ils ne résistent à la rapidité du courant que par ces longues racines atteignant pour la plupart 7 à 8 mètres de longueur sur 12 à 15 centimètres de circonférence, et qui, fortement implantées et cramponnées aux bords du torrent, les retiennent comme des amarres. Plus loin, d'autres sujets, couchés, déracinés, et n'adhérant plus au sol que par un peu de chevelu, n'en ont pas moins donné naissance à une foule de bourgeons verticaux ayant 60 à 80 centimètres de longueur, couverts de feuilles et de fleurs. Un de ces troncs, dont nous avons rapporté une bille comme échantiUon, mesurait 8 mètres dé long sur 36 centi- mètres de circonférence. Les Tamarix, les Ormeaux, les Frênes, les Figuiers, for- mant bordures dans certains endroits, sont enlacés par des Vignes sauvages qui serpentent entre leurs branches jusqu'à 15 mètres de hauteur. Ces Vignes, dont les tiges mesurent en moyenne 26 à Ixh centimètres de tour, laissent retomber de longs sarments chargés de feuilles et quelquefois de fruits. Les racines sont en rapport avec la tige comme dimension ; nous en avons mesuré une qui pendait dans le ravin : elle avait 13 mètres de longueur, et encore l'extrémité en était- elle tronquée. Une autre tige, de 19 centimètres de circonfé- rence, traînait dans les éboulis du torrent et n'avait pas moins de 20 mètres de long; elle s'était enracinée sur les points en contact avec le sol; ses racines abondantes s'enfonçaient à plus de 2 mètres dans le gravier. Quant aux fruits de la Vigne, les grappes en sont petites, ainsi que les grains, autant du moins qu'il est possible de le préjuger, une foule d'oiseaux, princi- palement les merles, n'en attendant pas la maturité complète pour s'en repaître avidement. /|8 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. Nous regrettons d'avoir à offrir cette désillusion à quel- ques-uns de nos collègues ; mais la vérité nous oblige à avouer que les oiseaux, en si grand nombre là-bas, sont un fléau pour les cultures algériennes : par leur fait, la culture maraî- chère, entre autres, y est parfois à peu près impossible, et si, dans les champs de Millet et de Pois particulièrement, plu- sieurs hommes armés de pierres et de frondes n'y tenaient une garnison continuelle, avec la consigne de pousser des cris et de frapper sur du fer, des casseroles ou autres instruments charivariques, jamais récolte ne serait faite. Ce n'est pas sur la terre arabe que les oiseaux qui vivent aux dépens des récoltes trouveront des défenseurs attendris, et, si les indi- gènes arrachent à leur intention des tiges de Bambous, ce n'est certainement pas pour leur en confectionner des nids protec- teurs. • Puisque nous parlons de l'excessive végétation de la Vigne, nous ne saurions omettre de signaler une Vigne arabe située dans le jardin que nous visitions tout à l'heure, et dont le des- sin ci-joint ne donnera encore qu'une bien faible idée, puis- qu'il ne représente que les seules ramifications qui ont au- dessus de 5 centimètres de circonférence. On se figure dès lors quel aspect présente cette souche unique, composée de milliers de rameaux qui s'entrelacent dans tous les sens. Ainsi qu'on le voit, plusieurs branches, ayant été abaissées jusqu'à terre par suite de leur pesanteur, se sont marcottées naturellement et ont ainsi fourni un remarquable supplément de vigueur au pied mère. Les raisins de cette Vigne sont blancs et de bonne qualité, à grains gros et très-allongés; la production est inconstante, elle alterne généralement de deux en deux ans : une des dernières bonnes récoltes a été de AOO kilogrammes, sans compter celle qu'avaient déjà faite pour leur parties Arabes, maraudeurs de nuit, et les merles, maraudeurs de jour. Jamais cette Vigne n'a été taillée ; sa souche a 93 centimètres de circonférence, et la somme des ramifications indiquées ici égale une longueur de/i3/i mètres, à laquelle il faudrait ajouter celle des autres innombrables sarments qui ont moins de 0'",05 de circonférence. C'est, nous UNE VISITE A LA FERME BARROT. A9 2*' SÉRIE, T. Mil. — .liinvier et Février 1871. 50 SOCIÉTÉ d'acclimatation. le croyons, un des plus curieux spécimens de Vignes qui existent, dont il nous est impossible de dire l'âge. Nous n'a- vons pu connaître son nom. Dans les grands arbres grimpent pêle-mêle une foule de lianes, végétaux sarmenteux et volubiles, tels que les Clé- matites, Clematis cirrosa et flammula, et une espèce de Salsepareille, le Smilax aspera var. maiiritanica , avec ses feuilles luisantes, de formes variables et parfois panachées, ses grappes de fleurs dioïques et odorantes, et ses fruits d'un beau rouge. Les Ronces surtout y sont gigantesques et envahissantes ; non-seulement elles étouffent de leurs mille bras les jeunes arbres et les forts buissons, qui périssent sans avoir assez de force pour se débarrasser d'un si terrible adversaire, mais en- core elles attaquent les arbres grands et robustes. Nous avons voulu nous rendre compte du développement extraordinaire d'une plante de cette espèce, Rubus fruticosus, et nous avons choisi un pied qui, après avoir grimpé sur un Ormeau, avait complètement envahi un Figuier mort sous son étreinte. Après nous être ghssés au milieu de ses ramifica- tions épineuses, non sans y avoir laissé un peu de notre peau et de nos vêtements, nous avons démêlé une à une toutes ses branches, ayant préalablement scié avec nos instruments de poche la cime de l'Ormeau sur lequel nous étions montés avec assez de peine, toujours à cause de la forêt d'aiguillons qu'il nous avait fallu traverser. Au bout de quelques heures, nous étions parvenus à débrouiller et à détortiller toutes les ramifications que nous avions étendues à terre et fixées sur le sol au moyen de pierres ; enfin, ayant opéré comme si la plante eût dû être desséchée pour être mise en herbier, nous constations que l'axe avait 7 cent. 1/2 de circonférence à son point de départ. Cet axe, arrêté ou atrophié dans son évolu- tion, avait 12 mètres de longueur. La première ramification prenait naissance à l'^jBô du sol; nous avons compté trente- sept de ces ramifications dans toute l'étendue de la plante. La quatrième avait 10'",95 de développement; la cinquième, 29'%13 ; la neuvième, IS'^jôO ; la treizième, 37"^,10; la qurn- UNE VISITE A Lk FERME BARROT. 51 ziéme, 16'", 72, etc.; les autres présentaient des proportions de longueur à peu près analogues. En somme, l'ensemble de cette plante présentait l'énorme développement de 27/i"',69! La plupart des rameaux ayant donné leur inflorescence ter- minale, cela nous fit supposer que cette ronce avait dû croître au printemps de 1868 et acquérir cette dimension de- puis cette époque jusque dans le courant de 1869, son élon- gation devant être terminée au moment où nous la mesurions (28 octobre 1869). La plus grande végétation arborescente spontanée, parmi toutes celles que nous avons étudiées, est celle du Frêne {Fraxmus excelsior). On en rencontre de temps à autre un qui se signale par sa taille; il en est quatre que l'on peut spécialement citer. Le premier présente S'^jSO de circonférence à un mètre au-dessus du sol ; Le deuxième, 5 mètres ; Le troisième, 5'",80; Le quatrième, 6", 20. Ce dernier mérite une description. Son tronc, court, de 2 mètres d'élévation, est terminé par quatre énormes bran- ches ayant de 1"',90 à 2 mètres de circonférence. Ces bran- ches ont dû subir des mutilations successives de la part des Arabes, qui en utilisaient le bois pour la confection de leurs gourbis, ou comme cbauffage. L'axe principal a été détruit, car il n'en reste trace que par une large plaie béante de 80 centimètres de long sur 50 de large. Cet arbre est telle- ment vigoureux, que la nature a su réparer et reboucher toutes ces plaies, comme l'attestent les gros bourrelets formés tout autour de chacune d'elles. Les parties latérales des bran- ches secondaires sont garnies d'excroissances de végétation, donnant naissance à de puissants bourgeons. Une immense cavité chancreusc de 50 centimètres de diamètre laisse sup- poser Texistence d'une cinquième branche dans des temps antérieurs. Le diamètre de cet arbre, dans son ensemble, est de 20 mètres; son ombrage et la grande quantité de racines qui sillonnent le sol et en absorbent les éléments nutritifs ne 52 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. permettent à aucun végétal d'une certaine importance de croître dans son voisinasse ; aussi ces derniers se tiennent-ils à l'écart. Le léger croquis que nous en avons pris au plus vite, quoi- que rappelant l'ensemble du tronc, n'en donne qu'un faible aperçu. Rien n'est curieux comme ce Frêne, qui laisse pendre aux flancs d'un ravin son vieux tronc couvert de bosses, de mousses, de ramifications et de crevasses fantastiques, où l'imagination retrouve la forme échevelée et légendaire des dessins de Doré. Nous tenons essentiellement à faire connaître ces exemples aux personnes qui croient que l'Algérie a toujours été privée de grands végétaux, et que ceux-ci ne peuvent même pas y prospérer. Cependant ces derniers survivants laissent à penser qu'ils ne sont pas de rares exceptions conservées par les siè- cles, mais qu'autrefois ils ont du être réunis en plus grand nombre, et qu'une cause quelconque est venue les supprimer, comme cela peut arriver également pour ceux qui subsistent encore. On rencontre des plantations de Figuiers arabes {Ficus Carica) dans de petits vallons encaissés dans des monticules et parfaitement abrités par des haies impénétrables de Len- tisques, Filaria, Alalernes, etc. ; ils sont reliés entre eux par ces tiges sarmenteuses dont nous avons parlé plus haut. Les indigènes leur ont choisi dans la clairière des localités plates à bonne exposition ; ils les ont plantés régulièrement à en- viron /i'",oO en tous sens; les troncs ont maintenant de l'",50 à 2 mètres de hauteur et sont surmontés d'innombrables ra- mifications. Chacun de ces troncs, gros comme le corps d'un homme, présente presque invariablement sur son parcours une soudure en spirale, représentant comme deux branches enlacées; cela vient de ce que les Arabes plantent deux Figuiers à la lois, l'un près de l'autre, et qu'ils enroulent ensuite les deux tiges, de manière qu'elles se soutiennent mutuellement, en sorte qu'ils ne forment plus, par la suite, qu'un seul et même sujet par la soudure de leurs tissus. C'est une véritable greffe en approche. La culture en est nulle; .le UNE VISITE A LA FERME BARROT. 53 ^-OA^JOT) . -K 54 SOCIÉTÉ d'agôlimatation. bois mort, qu'on utilise à peine, tombe de lui-même, et le sol est continuellement durci par le passage fréquent des trou- peaux. La plupart de ces Figuiers sont contournés ; ils rampent souvent sur le sol et s'étalent en tous sens avec des contor- sions de brancbes impossibles à suivre, tant elles sont enche- vêtrées. Un d'entre eux avait à sa base 2", 65 de circonférence et des branches secondaires de l'";/i5 à l^'^OO. Un certain tronc, formé de trois soudures, avait S'^jSO de tour. Par hasard, un Figuier nous a offert un tronc unique de l'",80 de hauteur sur l'%5*2 de circonférence, avec une tête assez sphérique. La figue sèche constituant une partie de la nourriture des Arabes, ceux-ci attachent une grande importance à sa matu- rité, et ne négligent rien, au moment de sa formation, pour en assurer la bonne venue, c'est-à-dire qu'ils pratiquent la capri- fication, comme les ItaUens, les Maltais, et en général tous les peuples de l'Orient et du Midi. Cette opération, transmise par l'antiquité, et sur laquelle il est encore impossible d'avoir une idée bi«n fixe, relative- ment à son véritable rôle et à sa valeur, consiste à prendre les capitules ou figues sur les Figuiers sauvages, appelés mâles, à les réunir en chapelets avec une ficelle, une lanière d'Alfa, de Diss, ou une tige de Graminée quelconque, et à suspendre ensuite ces guirlandes aux branches des Figuiers cultivés, ce qui n'empêche pourtant pas de trouver souvent, parmi ces derniers, quelques pieds sauvages. L'an dernier, dans nos figueries, nous avons essayé, par curiosité, ce moyen, qui nous a donné d'excellents résultats : cette année, par comparaison, la caprification ne fut pas employée, et la récolte fut la même ; nous avions en plus le bénéfice de la moitié donnée au caprificateur. On voit que l'expérience doit être continuée plusieurs années pour avoir un résultat défi- nitif, et c'est ce que nous ferons. Les Mahonais et les Maltais de nos environs regardent cette opération comme essentielle ; ils croiraient leur récolte non-seulement com- promise, mais impossible, sans cette pratique, qui tient, UNE VISITE A LA FERME BARROT. 55 comme beaucoup d'autres encore, bien plus de la supersti- tion que du raisonnement. Chacun sait que la figue n'est pas un fruit proprement dit, mais une inflorescence monoïque, un réceptacle renfermant séparés les organes mâles et femelles de la plante. Les or- ganes mâles sont en petite quantité et souvent atrophiés dans nos espèces cultivées, tandis qu'au contraire ils sont très- développés dans l'espèce sauvage ; de plus, ils renferment un grand nombre de petits insectes, appartenant au genre Cynips, qui se dégagent, aux premiers rayons du soleil et pendant toute la matinée, par les ouvertures où passe le Uen qui main- tient ensemble les capitules. Nous avons vérifié ces faits, et, tout en constatant la sortie des insectes, nous n'avons pu re- marquer leur entrée dans la figue cultivée, malgré notre attention la plus soutenue. Cependant le phénomène qui se passe ne peut être attribué qu'à la fécondation artificielle opérée par ces hyménoptères chargés de pollen, ou tout au moins à un appel de sève occasionné par leurs piqûres ou les irritations produites à l'intérieur du fruit par leur présence. On sait également que les Égyptiens opèrent d'une manière peu différente sur leurs Ficus Sycomorus, et que les cultivateurs d'Argenteuil, près de Paris, ont un système analogue à celui des Égyptiens : lorsque la figue a atteint environ tout son volume, ils introduisent une goutte d'huile dans l'œil du fruit, et obtiennent ainsi une maturité plus précoce de huit à quinze jours. L'Arabe a une grande vénération pour ses Figuiers, qui, d'ailleurs, poussent sans soins et se multiphent facilement ; c'est pour lui un objet de première nécessité. Nous en avons vu, dans les temps malheureux qu'ils viennent de passer, refoulés dans l'intérieur des terres, emporter comme seul bagage, dans un peu de toile, quelques petites chevelées du Figuier qui les avait sans doute nourris longtemps, avec l'espoir de les replanter à l'endroit où ils élèveraient leur tente ou leur gourbi. Si, en quittant les figueries, nous continuons de monter, la broussaille serrée et d'une plus grande hauteur commence à 56 SOCIÉTÉ d'acclimatation. obstruer le passage. C'est alors qu'il faut donner tête baissée dans le fourré ; et c'est ainsi que, dans une demi-obscurité, on s'élève, avec bien des difficultés, à plusieurs centaines de mètres, et souvent bien replié sur soi-même. Les Erica arhorea (Bruyère en arbre) dominent avec le Quercus Suber (Chêne-liége). sur toute autre végétation, les premiers notam- ment, hauts de 8 mètres avec 0,50 de circonférence. Par-ci par-là une petite Orchidée au mince épi blanchâtre, sortant à peine des débris et dos herbes, se trahit par son odeur : c'est le Spiranthes (ndiimnalis ; puis d'énormes touffes de Cycla- men africanmn, portant jusqu'à quatre-vingts fleurs, avec de jolies feuilles vertes ou panachées, variables, sur chaque pied, dans leur forme. Dans les ravins creusés par les eaux existent de charmants recoins. Au milieu de notre excursion, nous nous sommes reposés dans une anfractuosité de rochers dominée par des arbres si serrés et si épais, que nous apercevions à peine la lumière du jour, filtrant au travers des éclaircies comme par les soupiraux d'une cave. Des fissures de la pierre VAsple- nhim Adianhim-nigrum laissait sortir son feuillage découpé, le Ceterach officinarum y incrustait sa rosace pleine, et l'^^- pidlum Filix-mas dominait l'ensemble. Au milieu de ces Fou- gères, on aurait pu se croire un moment transporté dans quelque beau petit coin des environs de Paris, si l'on ne se fût trouvé assis sur le moelleux tapis d'une charmante Lyco- podiacée, le Selaginella dentlailata^ couvrant çà et là de larges espaces de roches. En descendant vers Planchamp, nous trouvions en fleur quelques Composées insignifiantes, et surtout des champs d'hiida viscosa et graveoletis ; sur les terres cultivées, le Linariaelatinoïdes étalait ses longues tiges huinifuses. De cette longue course et des observations que nous y avons faites sur la croissance des grands végétaux spontanés ou exotiques, il résulte pour nous l'assurance de la possibilité d'un reboisement sérieux, qui pourrait être commencé dans cette province, où les plantes d'Australie, d'après ce que nous avons constaté jusqu'à ce jour, sont appelées à jouer le plus UNE VISITE A LA FERME BARROT. 57 grand rôle-, aussi est-ce avec le plus grand plaisir que nous avons vu commencer, sur des étendues déjà considérables, les travaux de plantation des Eucalyptus globulus, des Grevillea robusta, de quelques espèces du genre Casuarina, et, dans des endroits humides ou marécageux, àes Schubertia distlcha (Cyprès chauve). La longue route de PhiHppeville à Bône, qui se poursuit pendant des kilomètres au milieu d'une campagne montueuse, sans la moindre trace de végétation, même sous-frutescente, pourrait être facilement bordée à' Eucalyptus et de massifs de cet arbre. Comme exemple, on en remarque un jeune groupe qui prospère au caravansérail après Jemmapes, puis d'autres en s'avançant vers Bône ; à la mine de fer d'Ain-Mokra, il en existe des groupes remarquables, dont les arbres, plantés depuis cinq ans seulement, atteignent les plus belles dimensions ; sur tout le trajet de la ligne ferrée qui dessert la mine, on en rencontre encore de jeunes îlots qui donnent les plus belles espérances. Dans la ville de Bône, le Grevillea robusta est planté dans les cours, en quinconce, et il ne laisse rien à désirer sous le rapport de l'ombrage. Dans l'ancienne-pépinière, ces arbres ont plusieurs mètres d'un tronc bien droit et bien constitué, atteignant déjà des dimensions qui promettent beaucoup pour l'avenir. Il en est de même des Casuarina. Aux environs de Bône, dans les terrains un peu frais et profonds, les Acacia melanoxylon acquièrent un développe- ment considérable ; de même qu'une autre espèce, X Acacia pycnantha, avec lequel ils ont beaucoup de ressemblance, mais qui en diffère par un feuillage plus large et moins serré. Tous deux viennent également bien dans des terrains secs, quoi- qu'ils y soient plus languissants ; par contre, V Acacia lo)iyis- sima^ de croissance très-rapide, languit dans les londs humides et s'élance avec vigueur dans les localités sèches et élevées. Cet Acacia lonyissima , d'un bel effet par ses rameaux pendants et ses feuilles glauques, longues et étroites, jouit de l'avantage de se semer en pleine terre et de s'enlever en petite motte pour être placé à destination, sans souffrir de 58 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. cette transplantation ; les essais que nous en avons faits au Jardin du Hamma sont très-concluants. Pour le forcer à prendre du corps, il faut l'étêter, parce que dans sa jeunesse il a une tendance à être trop flexible ; en le traitant comme arbre de pépinière, c'est-à-dire en le rabattant à quelques centimètres au-dessus du sol, on le force à n'émettre qu'un jet vigoureux, constituant un axe solide, et donnant dès lors une tige droite et d'un bois très-dur. V Araucaria excelsa est très-beau, mais rare ; il fait tou- jours regretter l'absence de pieds mâles qui permettraient sa multiplication rapide. Nous regrettons de n'avoir pu apprécier le Schiibertia disticha (Cyprès cbauvel, des marais de la Louisiane, lequel, sans aucun doute, donnerait de magnifiques résultats sur les bords du lac Fetzara et dans toutes les parties marécageuses. La végétation tropicale, qui semble être dans sa sphère véri- table en certaines parties de la province d'Alger, ne prend qu'une extension lente dans cette partie de la province de Philippeville, où Ton paraît obtenir jusqu'à présent de meil- leurs résultats avec les espèces australiennes, également très- riches, très-variées et»supportant de plus grands abaissements de température. Ainsi, le Dattier lui-même y est malingre et rabougri, le Latania borhonica nain et jaunâtre; le Dracœna Draco ne s'élève pas, et perd annuellement ses feuilles, ne conservant que celles du sommet. Les Bambous des régions torrides de l'Asie n'y végètent qu'à moitié ; le Bambusa arun- dinacea paraît, comme dans nos serres de France, ne donner des jets que tous les deux ou trois ans ; ses tiges, peu volu- mineuses, comme celles de toutes les plantes qui souffrent, sont couvertes de lichens, et, à peine sortis de terre, les bour- geons, n'ayant pas la force de s'allonger, se dessèchent. Un Bambou portant le nom de B. madagascariensis, mais qui n'est autre que le B. distorta, prospère mieux que l'espèce précédente, mais il est loin encore d'atteindre la force de ceux qu'on remarque à Planchamp. Comme caractérisant toujours les régions froides, un /môcp^ spectabilis, des Andes du Chili, y atteint d'assez belles pro- UNE VISITE A LA FERME BÂRROT. 59 portions, bien que son feuillage- n'ait plus cette fraîcheur qu'on aime à admirer dans les collections algériennes, et qu'il rap- pelle plutôt celui des Jubœa du Jardin de Kew. En somme, la ferme Barrot offre trois grands intérêts prin- cipaux: ses travaux de grande culture, qui souvent ont donné l'élan dans la contrée; ses essais d'acclimatation, dont nous nous sommes efforcé de faire ressortir les services, et qui épargneront bien des expériences coûteuses à ceux qui vou- dront cultiver à leur tour ; et enfin l'aspect d'une végétation spontanée due à son admirable situation. C'est chose tout à fait heureuse devoir d'aussi importants domaines entre les mains d'hommes d'initiative et de progrès, aussi satisfaits d'avoir augmenté les richesses d'un pays que leurs propres jouis- sances, et sachant mettre au service de créations utiles les ressources de leur position, de leur fortune et de leur intel- ligence. En term.inant, nous ne saurions oublier nous-même tout le plaisir que nous a procuré cette trop courte visite, non plus que la sympathique hospitalité que nous avons rencontrée dans cette localité de l'Afrique française, dont nous n'avons pu que tracer une faible esquisse. II. EXTRAITS DES PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 13 JANVIER 1871. Présidence de M. Chatin, membre du Conseil. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. — M. Bérenger fait remarquer que la proposition de M. Ra- mel, relative à la radiation des membres allemands, renouvelée dans celte séance, est omise au procès-verbal, et il demande si le Conseil a pris une décision à cet égard. En réponse à la question posée par M. Bérenger, M. Ilenne- quin donne lecture d'une proposition rédigée et signée par les membres du Conseil présents, et ainsi conçue : (( Les membres du Conseil d'administration de la Société » d'acclimatation soussignés invitent M. le Secrétaire k » prendre le plus promptement possible les ordres de M. le » vice-président de Quatrefages pour une réunion extraordi- » nairc du Conseil, dans laquelle la délibération suivante, ï proposée par eux, serait mise en discussion : » Le Con^^eil d'administration de la Société d'acclimatation, )> vu la proposition faite par l'un des membres de la Société » à la séance du 16 décembre, et renouvelée à celle du 30 dé- » cembre, est renvoyée, conformément au règlement, auCon- » seil d'administration de la Société ; s Considérant qu'en présence du bombardement de la ville )) de Paris par les armées allemandes, il n'est pas permis » de laisser figurer plus longtemps, au nombre des protec- )) tours ou membres de la Société, les souverains, princes ou » citoyens des Étals allemands engagés dans la guerre qui se » poursuit; » Arrête : » Les souverains, princes ou citoyens desdits Etats sont » rayés des listes de la Société d'acclimatation. PROCÈS-VEIIBIUX. t)l » Une expédition de la présente décision sera transmise cà » M. le Ministre des affaires étrangères avec prière de la faire » parvenir à W. le comte de Bismark, chancelier fédéral de » l'Allemagne du Nord. » Communication de ladite décision sera donnée aux divers » organes de la presse française et étrangère. » En séance, à Paris, le 13 janvier 1871. » A. Hennequin. a. Chatin. Fréd. Davin. » M. Ramel dit qu'il n'avait pas demandé une mesure aussi radicale, qu'il avait proposé seulement la radiation des sou- verains et princes des États allemands qui portaient ou fai- saient porter les armes contre la France. M. Millet est d'avis que la mesure doit être générale, sauf aux membres exclus à se faire réintégrer par la suite sur les listes de la Société ; dans ce cas, le Conseil apprécierait si ces membres doivent, oui ou non, faire partie à nouveau de notre Société. — M. le Président donne lecture de la lettre suivante de M. Aug. Delondre, qui propose à la Société de s'associer à la protestation de M. Chevreul, directeur du Muséum : Paris, le 43 janvier 4871. » Monsieur le Président, » En présence des dévastations tout à fait inutiles à la prise (du reste, j'en suis bien convaincu, impossible) de Paris par les Prussiens, dévastations exercées contre nos établissements scientifiques et hospitaliers, je propose à la Société de s'asso- cier à la protestation de M. Chevreul, directeur du Muséum, et de transmettre notre protestation à qui de droit, sans pré- judice de ce qui sera décidé ultérieurement, relativement à la radiation des membres de la Société appartenant à la Confédé- ration de l'Allemagne du Nord. » Votre tout dévoué, » Augustin Delondre. » L'assemblée adopte cette proposition. 62 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Sur la demande de M. Millet, il est décidé que la lettre de M. Delondre sera insérée au Bulletin, — M. Tellier dépose sur le bureau deux notes relatives à la conservation des viandes par la dessiccation, et fournit quel- ques nouveaux renseignements à ce sujet; A l'appui de son procédé, il fait passer sous les yeux des membres un morceau de viande enrobé d'une couche de graisse et conservé depuis quinze mois. — M. Bérenger fait remarquer que la Société s'occupant à la fois de botanique et de zoologie, le titre qu'elle porte actuel- lement est incomplet. Dans le principe, la Société avait été créée pour s'occuper exclusivement de l'acclimatation des animaux ; mais, depuis, les végétaux ont pris une large part dans les questions d'acclimalation : elle devrait donc porter, soit en amplifiant, le titre de Société botanique et zoologique d'acclimatation, soit en simplifiant, et cette dernière forme lui paraît préférable, celui de Société d'acclimatation. Sur la proposition de M. Millet, l'assemblée décide, à l'una- nimité, le renvoi au Conseil de l'examen de la proposition de M. Bérenger. — A propos d'un article inséré dans le dernier Biilletbiy M. Ramel fait remarquer que c'est improprement que le nom d'Emeu est donné au Casoar. Ces deux mots désignent des oiseaux complètement différents. Sur la demande de M. le Président, M. Ramel promet une note qui sera insérée au Bulletin. — M. Bérenger demande, lorsque le moment sera favo- rable, qu'on rétablisse dans le Bulleti7i\es comptes rendus du Jardin d'acclimatation, cette espèce. d'état civil étant, pour les acclimatateurs, du plus grand intérêt. Il regrette aussi la sup- pression des articles demandés et offerts. Ce tableau facilitait beaucoup les échanges entre les membres de la Société. Les animaux, les œufs d'oiseaux surtout, offraient plus de garantie pour la reproduction que ceux provenant du Jardin d'accli- matation, qui, du reste, ne pratique pas le système des échanges. Toutes ses tentatives faites avec les produits du Jardin ont échoué, ce qui provient certainement du peu PROCÈS-VERBAUX. 6S d'espace accordé à chacun des animaux et du dérangement continuel qu'ils éprouvent par suite des visites fréquentes du public. M. Chalin appuie la proposition de M. Bérenger, et invite à faire inscrire dès à présent, au Secrétariat, les demandes et les offres, dont les listes seront publiées dans le Bulletiri. Pour lui, il renouvelle ses offres de divers végétaux et d'œuls de poules de Houdan. — M. Millet demande que, dans le Bulletin bibliotjraphlqne des livres offerts à la Société, les titres des ouvrages en langues étrangères soient traduits. — Adopté. SÉANCE DU %1 JANVIER i 871 . Présidence d« M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. de Quatrefages énumére sommairement les raisons qui ont amené le Conseil, après avoir mûrement délibéré, à prendre la décision de rayer les souverains et princes des États allemands qui figurent en tête de nos listes à titre de protecteurs. Quant aux particuliers, le Conseil a cru qu'il était plus digne de les conserver et de ne pas rompre des relations exclusivement scientifiques. M. Hennequin donne lecture à l'assemblée de la rédaction proposée par le Conseil et adoptée par lui, et dont voici la teneur : 1 Le Conseil d'administration de la Société d'acclimatation, ï vu la proposition faite par un des membres de la Société à la » séance du 16 décembre 1870^ renouvelée à celle du 30 dé- » cembre et renvoyée, conformément au règlement, au Con- » seil d'administration de la Société ; » Considérant que la manière dont le bombardement de j Paris a été effectué par les armées allemandes constitue un 64 SOCIÉTÉ d'acclimatation. » acte contraire au droit des gens ainsi qu aux plus simples j notions de l'humanité, et qui ne permet pas de laisser figurer y> plus longtemps au nombre des protecteurs de la Société les )) souverains et princes des États allemands engagés dans la » guerre actuelle ; ;) Arrête : » Les souverains et princes des États allemands engagés D dans la guerre avec la France sont rayés des listes de la » Société d'acclimatation. » Une expédition de la présente décision sera transmise à T> M. le Ministre des affaires étrangères, avec prière de la faire » parvenir à qui de droit, et communication en sera donnée » aux divers organes de la presse française et étrangère. » ^ Signé : De Quatkefages | VicP-présidents. lliCHARD (du Cantal). ) ^ Cil. Wallut, secrétaire. . Chatin. \ Fréd. Davlx. Membres du Conseil G. DE Grandmom. \ A. Hennequiiv. J A la suite de cette lecture, M. Ramel fait observer qu'à l'époque où il a fait sa proposition, le bombardement de Paris n'avait pas encore eu lieu. C'était la façon barbare de faire la guerre qu'il voulait stigmatiser et qui l'avait poussé à de- mander la radiation des souverains allemands. M. Chatin désirerait voir introduites dans la rédaction quel- ques allusions aux faits de cruautés commis par l'armée alle- mande, qu'on a signalés nombre de fois dans les journaux. M. de Quatrefages répond que, pour motiver la grave réso- lution qui lui est soumise, la Société ne doit invoquer que des faits dont chacun de ses membres a pu juger par lui-même. Nous ne connaissons les barbaries reprochées aux Prussiens que par la voie des journaux : l'ennemi pourrait les nier. Jl pourrait aussi rappeler certains excès commis de tout temps par les armées, et qui n'engagent que d'une façon éloignée la responsabilité des chefs. Il en est tout autrement du bombar- dement de Paris. Commencé sans avis préalable, il est con- PROCES-VERBAUX. Go traire à tous les droits des gens. La protestation des puissances neutres l'atteste. Or, il n'a pu avoir lieu que sur l'ordre des chefs suprêmes de l'armée ennemie, et, en particulier, sur l'ordre du roi de Prusse et des princes ses alliés. La respon- sabilité en remonte donc tout entière à eux et à eux seuls. Voilà pourquoi ils doivent aussi être seuls atteints par la radiation. En restant sur ce terrain, où rien ne peut être nié ni sujet à récrimination, la Société ne se montre que juste et sa dignité est sauvegardée. Elle avait reçu avec reconnaissance les té- moignages de bon vouloir et de protection des souverains allemands. En présence de l'acte barbare qu'ils ont commandé ou autorisé, elle renonce à cette protection ; elle y renonce à la veille d'une entrée possible des Prussiens dans Paris. On ne peut la taxer ni de s'exagérer sa propre importance, ni d'avoir cédé à un mouvement de rancune soulevée par nos malheurs, pas plus que de ne pas avoir prévu et accepté d'avance les conséquences que peut avoir pour elle une semblable déci- sion. M. Decroix demande si la rédaction du Conseil sera mise aux voix. M. Hennequin répond que l'assemblée avait décidé le renvoi au Conseil, qui, par ce fait, restait maître absolu de la décision à prendre, mais que cependant le Conseil désire avoir l'adhé- sion de la Société. M. Bérenger, tout en reconnaissant la justesse des termes généraux, desquels il ne faut point s'écarter, désirerait qu'il fut fait allusion, au nom de la science, aux faits signalés par M. Chatin. M. de Quatrefages répond que la part de la science est déjà faite, la Société s'étant associée, le jour même de sa rentrée, à la protestation faite par l'Institut de France. M. le Président met la proposition aux voix, qui est adoptée à l'unanimité. — M. Bérenger présente quelques observations sur la direc- tion à donner aux travaux de la Société. Il fait ressortir qu'il y aurait utilité pratique à concentrer tous nos efforts sur une même chose. La Société a certes beaucoup fait, mais elle ne 2*^ bÉRiE, T. Vin. — Janvier el Fôvricr 1871. 5 66 SOCIÉTÉ d'acclimatation. s'est pas assez appesantie sur certains sujets qu'elle n'a fait qu'effleurer; il désire que quelques modirications soient introduites pour donner aux travaux une direction plus pratique. Il conclut en demandant la nomination d'une commission permanente qui servirait d'intermédiaire entre les membres et les pays étrangers, et qui serait chargée de rechercher les plantes et les animaux susceptibles d'être introduits avec quel- ques chances de succès. Il faut songer à l'avenir et introduire des races qui se re- produisent promptement, comme, par exemple, les Porcs, les Moutons ong-ti. M. Ramel dit qu'il n'a jamais compris autrement le but de notre Société, propagation, perfectionnement des types déjà introduits. 11 croit que la question des Moutons chinois ong-ti n'a pas été assez étudiée et oll're de s'inscrire pour une somme destinée à faire de nouvelles tentatives. M. Decroix ne croit pas que la quantité suffise, il faut aussi que les produits soient de bonne qualité. Il cite les Porcs élevés avec de la viande de Cheval, qui, en peu de temps, at- teignent des proportions remarquables, mais dont la viande, de quaUté médiocre, se conserve mal et est moins nourris- sante que celle des bonnes espèces dont la fibre musculaire croît lentement, mais renferme beaucoup plus de principes nutritifs. M. Richard (du Cantal) fait observer que ce sont les four- rages qui font les animaux, et donnent aux produits qu'on en retire leur bonne quaUté. Il y a grand avantage à nourrir une moins grande quantité d'animaux avec une même quantité de fourrage. Le fourrage donnant les produits, laines, corne, etc., il serait de la plus grande ulilité de s'occuper des types qui profitent le mieux des fourrages. C'est en perfectionnant les produits pour une nourriture bien entendue, qu'on perfec- tionne les types. Une discussion s'engage entre MM. Ramel et Davin sur la qualité des laines françaises et anglaises, discussion de la- quelle il ressort que les laines anglaises ne se feutrent pas, PROCÈS -VERBAUX. 67 qu'elles donnent de bons tissus, mais moins fins que les tissus français. Les laines anglaises sont lines, lisses, tandis que les françaises sont en spirale et se feutrent facilement. M. Bérenger dit que, dans les circonstances actuelles, il lui a semblé qu'il fallait plus que jamais faire de nouvelles tenta- tives et surtout les pousser à fond. Nous avons besoin de faire des multiplications rapides, mais qui donnent néanmoins de bons produits; s'il a cité le Mouton ong-ti, c'est parce que cette espèce est déjà domestiquée et qu'elle serait par ce fait plus facilement acclimatée. M. Davin, à propos des Moutons ong-ti, rappelle qu'une commission avait été nommée pour que cette question fût étudiée avec soin ; mais que les résultats furent absolument négatifs, par l'excellente raison que le troupeau avait été changé lors de l'embarquement. Depuis une Brebis chinoise authentique, appartenant à M. Rouher, avait donné quatre agneaux en une seule portée, puis, quelque temps après, elle ne mit bas que trois petits. Cette espèce perdrait-elle sa fécondité sous notre climat? Chez nous, l'Yak ne conserve pas le duvet soyeux qu'il porte dans son pays d'origine. Revenant à la proposition de M. Bérenger, M. 3Iillet dit que la commission dont ce dernier demande la nomination existe naturellement dans les sections; il insiste pour que les ques- tions, au lieu d'être renvoyées à une commission spéciale, soient soumises aux sections. Il demande l'insertion au Bid- letin des procès-verbaux des sections. M. Chatin demande que les listes d'inscription des sections soient préparées, pour que les membres puissent s'inscrire au plus tôt. Puis les sections, étant composées, seront saisies des questions à l'ordre du jour, et signaleront à leurs confrères de provinces les sujets sur lesquels ils doivent spécialement porter leur attention. xM. de Qufitrefages, répondant à M. Bérenger, dit que la So- ciété ne s'est pas borné à effleurer certains sujets, et que, pour plusieurs, elle a obtenu des résultats remarquables. Dans les discours qu'il a prononcés à nos séances publi- ques, il a repris un certain nombre des questions abordées (>S SOCIÉTÉ d'acclimatation. par la Société. Or, à peu prés pour chacune cFelles, il du compulser plusieurs volumes, dans le but de recueillir l'en- semble des résultats acquis. Gela même prouve que les ques- tions ne sont point lombées dans l'oubli, et que, de temps à autre, elles sont remises au jour pour faire un nouveau pas. Dans cet ordre d'idées les choses vont lentement, progressi- vement. Nous n'avons pas encore obtenu de ces grands résul- tats qui frappent, mais il faut persévérer. Il rappelle les succès obtenus en pisciculture, avec les Colins, etc.; les expériences laites avec le plus grand soin, et pendant plusieurs années, sur les Yaks, les Chèvres d'Angora, etc. Parmi ces expériences, il en est qui durent encore et dont il faut attendre les résullals défmitifs. — M. Chatin offre des noyaux de Pêches de TuUins, des greffes de Pommier cocriau et de Cerise belle des Essarts, et des œufs de Poule de Houdan. M. Bérenger : une Biche de Cerf cochon, des Oies com- munes, variété blanche, et demande des Tortues de Bor- deaux. . M. Chatin rappelle que c'est avec le duvet des Oies blan- ches de Poitiers qu'est fabriquée la fourrure dite duvet de Cygne. SÉANCE DU 10 FÉVRIER 1871. Présidence de M. DE Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté après quelques observations de M. de Quatrefôges. — i\I. le Président fait connaître l'admission d'un nouveau membre : M. Carpentier (Adolphe), pharmacien, à Paris. — M. le secrétaire particulier du Ministre des affaires étrangères accuse réception de la lettre par laquelle le Conseil lui a fait connaître la radiation des souverains allemands des istes de la Société. PROCÈS-VERBAUX. 69 — M. A. Geoffroy Saint-Hilaire s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. — M. Desrues, instituteur àTaris, envoie son adhésion à la protestation de la Société. '- M. Tellier adresse un double d'une note présentée par lui à l'Académie des sciences sur un Nouveau moyen de ventilation naturelle. — Renvoyé à la Commission indus- trielle. — M. le docteur Henri Labarraque demande la parole à l'occasion du procès-verbal, et dit : Messieurs, je n'assistais pas à la dernière séance, et je ne puis assez vous en témoigner mon regret. J'appartiens au corps médical de Paris, qui, vous le savez trop bien, hélas ! par la pubhcation des listes de mortalité, a dû et doit encore suffire aux exigences d'un service extrême- ment actif. C'est là ce qui m'a tenu éloigné de la Société, et ce sera mon excuse, si vous voulez bien l'agréer. Mais, messieurs, dans cette séance, solennelle entre toutes, une mesure, douloureuse et sans précédent, a été prise : je veux parler de l'exclusion d'un certain nombre de personnes placées au plus haut degré de l'échelle sociale, de princes, souverains, auteurs ou comphces du bombardement de Paris. En ma double qualité de membre de la Société d'acclima- tation et de médecin, je dois à ma conscience et à la vérité de déclarer hautement, que je tiens pour une cruauté, abso- lument sans excuse l'extermination préméditée d'une popu- lation inoffensive, composée de vieillards, de femmes et d'en- fants; que le bombardement des asiles hospitaliers, contenant des malades et des blessés abrités sous la sauvegarde de la convention de Genève, est une infamie ; Et que les auteurs de ces infamies, ayant forfait à l'hon- neur, avaient perdu tout droit de siéger parmi nous : c'est ma ferme et intime conviction. En conséquence, messieurs, je réclame ma part de respon- sabilité dans la décision prise par la Société dans sa dernière 70 SOCIÉTÉ d'acclimatation. séance, et je demande qu'il me soit donné acte de ma décla- ration. — M. Leblanc, à l'occasion du procès-verbal, dit : M. De- croix a reconnu que la nourriture par la viande de Cheval rend la chair de Porc mauvaise et malsaine ; c'est du reste le résultat auquel était arrivé à l'abattoir d'AuberviUiers M. Cam- bacérès, qui comptait utiliser pour l'engraissement des Porcs les déchets de cet établissement. Il fut obhgé d'y renoncer et d'ajouter des farineux à leur régime ; car ses animaux furent refusés d'un commun accord par les charcutiers sur le mar- ché où ils furent présentés, bien que des précautions eussent été prises pour leur cacher leur lieu d'élevage. M. Richard (du Cantal) rappelle que Yvart nourrissait à Alfort des Porcs jusqu'à l'âge de cin({ à six mois avec de la viande, et qu'après cette époque, il les soumettait au régime végétal, ce qui faisait reprendre à leur chair toutes ses qua- lités. Du reste, on sait que les Bœufs et Moutons auxquels on donne des tourteaux oléagineux mêlés au fourrage ont la chair moins bonne que ceux qui reçoivent le fourrage seul. M. Leblanc pense qu'il faut, dans l'élevage des Porcs, s'abstenir complètement de l'alimentation par la viande de Cheval. M. Cambacérès y avait renonpé, ayant constaté qu'il obtenait, par la nourriture exclusivement végétale, une éco- nomie de temps et de viande. Quant aux expériences d' Yvart, les élèves de l'école d'Alfort refusèrent absolument de manger les Porcs nourris seulement à la viande; mais bien qu'ils aient accepté ceux nourris d'abord à la viande, puis avec des végé- taux, Yvart reconnut qu'il y avait plus d'avantage à s'en tenir à la nourriture exclusivement végétale. M. Soubeiran fait remarquer, à propos de l'influence de l'alimentation, que les divers peuples qui font entrer le Chien dans leur alimentation ont bien soin de n'employer que des animaux soumis à une diète purement végétale. L'influence de l'alimentation sur la quabté de la chair est reconnue même par les anthropophages, car, d'après le docteur Yinson, les Néo-Calédoniens trouvent la chair ^des Européens déplaisante PROCÈS-VERBAUX. 71 par son goût et son odeur désagréables ; la chair du Calédo- nien du littoral vaut mieux, pourtant elle sent le poisson ; la chair des gens de l'intérieur, qui n'usent que de végétaux, est la plus estimée. M. de Quatrefages rappelle l'expérience d'un de ses amis, qui, ayant nourri des Truites dans un espace très-restreint avec des chrysaUdes de Vers à soie, observa un développe- ment très- rapide de ces animaux, mais leur chair avait pris un goût détestable; ayant remplacé cette alimentation par des déchets de cuisine et de la viande, les poissons conser- vèrent leur embonpoint, mais le mauvais goût de leur chair disparut. C'est, du reste, surtout dans le tissu adipeux que se concentre le mauvais goût. Les Sarcelles perdent leur saveur de poisson, si l'on a eu la précaution de les débarrasser de leur peau et de la couche graisseuse sous-cutanée. M. Soubeiran fait observer que, d'après M. Dugès, c'est une pratique générale, au Mexique, de dépouiller ainsi tous les oiseaux aquatiques, pour les débarrasser de leur saveur désa- gréable. M. Richard (du Cantal) dit qu'en Afrique il nourrissait avec de la viande des Canards qui atteignaient rapidement un volume considérable, mais dont la chair était mauvaise ; il suffisait de soumettre ces oiseaux, pendant quelque temps, à l'alimentation par l'orge, pour leur faire acquérir des qua- lités excellentes. M. G. de Grandmont rappelle la saveur forte que présente le Coq de bruyère, après s'être nourri de bourgeons de sapin. — M. Leblanc dit que, des faits observés pendant le siège de Paris, il résulte que la viande de Cheval a occasionné, chez un assez grand nombre de personnes, du dégoût et des trou- bles de l'intestin qui prouvent qu'elle ne doit pas servir de nourriture habituelle. Il y a, du reste, à faire cette restriction, que la préparation exerce une très-grande influence : la viande rôtie est bonne et n'occasionne i)as les inconvénients qui se présentent quand on fait usage du ragoût. M. G. de Grandmont pense que plusieurs causes ont influé 72 SOCIÉTÉ d'acclimatation. sur les troubles observés. La viande de Cheval n'était con- sommée qu'en très-petite quantité par suite du rationnement. Elle provenait d'animaux tués le matin même, ce qui la ren- dait plus dure, et d'autre part la population n'avait que peu de légumes et peu depain, contrairement aurégime auquel elle est habituée. Il est vrai, dit-il, qu'on a remarqué plus de déran- gements intestinaux, mais d'autre part les affections de l'es- tomac ont été très-rares. M. Mauban a reconnu que le mode de préparation exer- çait une influence marquée sur la qualité de la viande de Cheval. M. Ch. Potron dit que le mélange de légumes dans l'ali- mentation prévient les accidents résultant de l'usage exclusif de la viande de Cheval. Il y aurait aussi à tenir compte de la qualité de l'animal, le Cheval hongre étant meilleur que le Cheval entier. — M. G. de Gran^mont dit que la viande de Chien, dont il a fait usage à plusieurs reprises, fatigue vite et devient répu- gnante au bout de quelque temps. M. de Quatrefages coniirme l'assertion de M. de Grandmont, et rapporte quelques faits à l'appui ; toutefois il pense que Ton ne doit pas exclure cette viande de l'alimentation dans des cas analogues à ceux qui nous ont conduits à en essayer. En somme, elle n'a produit aucun accident. SÉANCE DU 24 FÉVRIER 1871. Présidence de M. F.iciiard (du Canlal), vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. Le Président proclame les noms des membres récem- ment admis : MM. Gautier (Hippolyte), vice-consul de la république de l'Uruguay, à Sainte- Catherine (Brésil). PROCÈS-VERBAUX. 73 Mangtn-Desincourt (Alphonse), ingénieur civil, î\u Para. RiGHiNi (Joseph -Léon), peintre-paysagiste, an Para. — M. Bégin, commandant le 1'' régiment d'infanterie de marine, à Saigon, adresse ses remercîments pour son admis- sion. — M. le baron Alph. de Courcel transmet l'extrait suivant d'une lettre de M. Drouyn de Lhuys, en date du 18 sep- tembre 1870 : (( Je consacre mon temps à réaliser un projet utile pour notre pauvre agriculture. Je travaille à organiser, en Angleterre, un grand mouvement pour venir en aide à nos cultivateurs ruinés, au moyen d'une association de fermiers anglais qui leur fourniraient gratis, graines, semences, etc. La presse s'en occupe, les meetings se forment ; l'affaire mar- chera. )) — M. de Gapanema annonce l'envoi de deux espèces de Palmiers, le Grubapé (Attalea) et Y Imbireoba {Diplosteniiun candescens)^i\u'\\ suppose devoir s'accHmater facilement dans * nos départements méditerranéens. Il se propose de faire par- venir ultérieurement des graines (ÏYpé{Teco7na specîosa) et de Melanoxïjlon grauna, ainsi que des plants de Cephœlis ipeca- cuanha. — Piemercîments. M. le Secrétaire annonce que l'envoi de M. de Gapanema est arrivé avarié à Marseille. — M. Albuquerjue remercie des graines qu'il a reçues, et annonce l'envoi d'une caisse àWrauca^'ia brasiliensis. Malgré tous ses soins, il n'a pu conserver le troupeau de Nandous qu'il avait réuni pour l'offrir à la Société, mais il espère pou- voir faire l'expédition successive de plusieurs individus de cette espèce. M. Albuquerque ajoute que ses plantations à! Euca- lyptus continuent à donner les meilleurs résultats. — M. Vicente de la Roche annonce l'envoi d'une caisse de cocons de Ver à soie {B. Spondiœ) et donne quelques détails sur ses éducations. — M. le Président de la Société d'acclimatation de Qiieens- land exprime le désir d'obtenir, par le bienveillant intermé- 74 SOCIÉTÉ d'acclimatation. diaire de la Société, la communication des documents officiels et scientifiques relatifs au repeuplement des forêts en France et en Algérie. La Société de Queensland, ayant été chargée par le gouvernement colonial de proposer les mesures qui lui pa- raîtraient convenables pour obvier à la destruction inconsi- dérée qui s'est faite des forêts de Queensland, sera heu- reuse d'obtenir, en cette circonstance, l'assistance de notre Société. — M. Camille Fabre, au nom de la Société des agriculteurs de France, fait savoir qu'un comité de cultivateurs et de fermiers s'est constitué en Angleterre, en Belgique et en Hollande pour venir en aide aux cultivateurs français qui ont le plus souffert des suites de la guerre, par l'envoi de graines, de semences et même d'instruments aratoires. Ce comité, auquel s'est joint M. Drouyn de Lhuys, président de la Société d'acclimatation et de la Société des agriculteurs, sollicite des renseignements qui lui permettent d'opérer une équitable répartition des di- vers objets dont il dispose. A cet effet, il serait utile de faire connaître aux intéressés l'existence et le but du comité an- glais. M. Chatin insiste sur l'importance de la communication de M.C. Fabre. Il propose qu'on s'adresse aux comices agmcoles et aux maires pour obtenir un état des pertes subies par l'agri- culture française pendant la durée de la guerre. M. Mauban a écrit, dans cet ordre d'idées, en Seine-et- Marne. M. Bedel croit qu'il serait facile de faire une circulaire qui serait adressée aux agriculteurs. M. de Quatrefages, tout en s'associani aux idées qui vien- nent d'être développées; pense qu'il ne faut pas négliger la voie de la presse, et ne doute pas que les journaux ne soient heureux de publier l'avis qui leur serait adressé. M. Wallut estime que le moyen le plus simple de porter les faits à la connaissance des intéressés est d'envoyer la circu- laire du comité anglais aux directeurs des journaux de Paris et des départements, avec une lettre de recommandation. Il offre de se charger notamment de communiquer avec la PROCÈS-VERBAUX. 75 presse de Seîne-et-Oise. Il ajoute que, selon lui, la Société d'acclimatation doit adresser ses plus vifs remercîments au comité de Londres. L'assemblée tout entière s'associe à cette proposition, et dé- cide qu'elle aura recours aux différents moyens proposés, c'est- à-dire à l'envoi aux journaux, aux comices agricoles et à l'ini- tiative individuelle de chacun de ses membres. M. Gindre demande comment pourra s'opérer le contrôle des renseignements fournis par les agriculteurs. M. Wallut fait remarquer que les termes mêmes de la circulaire répon- dent à la question, et que d'ailleurs il ne s'agit pour la Société que de réunir les documents demandés, le contrôle apparte- nant naturellement au comité de Londres. — M. Richard (du Cantal) demande si la Société possède des renseignements sur le typhus des bêtes à cornes. M. Leblanc, répondant à cette question, dit qu'une com- mission, dont son fils fait partie, a été constituée pour étudier la maladie et chercher le remède, mais cette commission ne se serait pas encore réunie. M. Reynal aurait été envoyé en Normandie avec la même mission. M. Leblanc se souvient d'avoir lu qu'en 1814, 1815 et 1816 le fléau apparut, à la suite des armées alliées, notamment sur la frontière suisse. Il en serait de même cette année. Quant au typhus qui a éclaté sur le httoral de la Normandie, il a dû être introduit de Russie par voie d'Angleterre. M. de Quatrefages ajoute à ces indications que le typhus sévit déjà d'une manière très-violente sur la côte de l'Ouest, et que, près de l'île de Sein, on a dû charger plusieurs bâti- ments hors de service d'animaux morts ou mourants et les couler en pleine mer. Quelques cas très-sérieux se sont éga- lement montrés à Paris. On a abattu immédiatement les ani- maux. Selon M. de Quatrefages, l'infection dans l'Ouest doit être attribuée au contact de nos bestiaux avec ceux qui au- raient été amenés d'Allemagne. En effet, le typhus sévit en Allemagne depuis le mois d'octobre. Le général Chanzy, en se repliant, aurait introduit la maladie dans nos départements occidentaux. 76 SOCIÉTÉ d'acclimatation. M. Leblanc, confirmant les renseignements qui précèdent, croit pouvoir affirmer que le typhus n'a jamais pris naissance en France ; ce seraient donc les troupeaux étrangers qui, mêlés aux nôtres, leur auraient communiqué la terrible ma- ladie. Il pense que des animaux morts ont été seuls noyés près de File de Sein. Le Secrétaire des séances, J. Léon Soubeiran. III. CHRONIQUE. culture du Géranium et des arbres fruitiers à Valence (Espagne ) Par M. Félix Robillârd. La propriété que je possède sur le bord de la mer, à l'extrémité du lieu dit Cabanal, rassemblement de maisons faisant suite au port du Grao de Valence, a été acquise par moi en 1856, de divers propriétaires qui, jus- qu'alors n'en avaient tiré aucun parti. Celte étendue de terrain, comprenant environ UO hectares, était impropre à toute culture, et se composait d'un sable calcaire fin que les vents de l'ouest et de Test transportaient d'un point à l'autre de la plage, dans toutes les directions, et que souvent la mer en- vahissait, lors des ?;randes marées, en y laissant des fiaques d'eau formant de petits étangs qui se séchaient lentement, jusqu'à ce qu'une nouvelle tem- pête de l'est vînt les remplir de nouveau. Une fois cette propriété acquise, la première opération fut pour moi, d'une part, un drainage général, et ensuite l'établissement d'une suite de talus, formant digue, parallèles à la mer, sur lesquels je plantai des haies vives qui sont devenues de véritables abris contre les vents froids de l'est et du nord-est. Après ces deux opérations indispensables, je m'occupai d'aplanir le ter- rain et de le rendre propre à la culture du Géranium que je considérais, par suite d'expériences faites antérieurement à mon acquisition, comme pouvant seule donner une récolte fructueuse sur ce sol ingrat. Le terrain ne contenant en lui-même aucun principe fertilisant, je profitai des canaux d'irrigation qui, après avoir parcouru la plaine de Valence, vont aboutir à la mer pour s"y déverser, et qui traversent ma propriété, pour me procurer la vase chargée d'humus que les eaux entraînent avec elles depuis les montagnes où elles prennent leur origine. A cet effet, j'établis de nom- breux bassins dérivatifs de ces eaux, où le dépôt, en se condensant, laisse en assez grande quantité une vase essentiellement propre à lier le sable du terrain et à lui conférer une fertilité relative. Dans le principe, la culture était limitée au Géranium rosat, afin de pro- duire une essence d'un prix réduit, pouvant remplacer, dans certains cas, l'essence de rose, à des taux avantageux pour le commerce. n va sans dire que, malgré Tamélioration du sol par la vase des bassins dérivatifs dont j'ai parlé plus haut, je n'obtenais des récoltes de Géra- nium qu'au moyen d'engrais énergiques. Ce terrain ne pouvait produire utilement d'autres récoltes que celle du Géranium, ce fut la seule à laquelle e me dédiai pendant cinci ou six ans. Depuis lors, avec quelques terres 78 SOCIETE D ACCLIMATATION. apportées du dehors, avec les résidus de mes distillations et sans autres ressources que celles très-limitées que je possédais, je suis arrivé à créer successivement sur les pariies du terrain les premières cultivées en Géra- nium, un sol suffisamment consistant et fertile pour y récolter des céréales, et qui s'est trouvé surtout particulièrement apte à l'établissement d'une pépi- nière d'arbres à fruits et forestiers. Quant aux procédés de fabrication de l'essence de Géranium, j'ai organisé des appareils distillatoires pour Téiaboration de mes récoltes et arrivera la production de l'essence qui était mon but final. Mais, pour voir accepter ce produit par le commerce et par les grands parfumeurs de l'Europe, il fallait lui faire atteindre une perfection suffisante ; pour cela, j'ai dû recourir à la distillation à la vapeur et établir des appareils donnant un produit parfaite- ment pur et toujours égal. Toutefois, même dans ces conditions, le produit comme quantité de l'essence de Géranium n'a pu être toujours le même; les influences climatériques auxquelles est soumise la plante pendant sa crois- sance, ou même au moment où elle est coupée pour la distillation, amènent des résultats très-variables. Dans de bonnes conditions, 1200 kilogrammes d'herbes doivent donner 1 kilogramme d'essence ; mais quelquefois il en faut 1500 kilogrammes. Un hectare de terre peut produire au maximum de 15 à 16 000 kilogrammes d'herbes, mais souvent moins ; toujours au moyen d'une fumure énergique composée d'engrais très-azotés. J'ai été assez heureux pour voir mes efforts couronnés par le succès ; et mes essences non-seulement ont trouvé un écoulement facile, mais elles m'ont mérité aussi des médailles aux expositions universelles de Londres et de Paris. Gonunc toutes les marchandises naturelles ou fabriquées, l'essence de Géranium est soumise aux fluctuations commerciales. Le kilogramme d'es- sence, que je vendais dans le principe à raison de 600 francs, ne vaut plus en ce moment que 125 francs, prix qui serait insuffisamment rémunérateur, si j'avais dû employer pour celte culture des terrains ayant une valeur vénale plus élevée que ceux auxquels j'ai eu recours. C'est pour cette raison qu'aussitôt que, par des soins constants et des améliorations successives, mes terrains primitivement plantés en Géranium ont eu acquis des propriétés fertilisantes réelles, j'ai dû en rejeter le Géra- nium et chercher à leur donner une application plus productive. Mes connaissances spéciales, comme ancien directeur du Jardin botanique de Valence, et les études de toute ma vie, m'ont naturellement porté vers l'arboriculture et l'horticulture, et c'est ainsi que j'ai été amené à former sur les parties améliorées de ma propriété de vastes pépinières où je cultive tous les arbres fruitiers du nord de l'Europe, ceux du pays même, ceux d'ornement et d'alignement, ainsi que les plants d'arbres forestiers en quan- tité considérable. Si le sol léger de ma propriété est propre à l'élève des jeunes arbres de toute nature, le climat s'y prête admirablement : aussi les semis et les multiplications y donnent-ils des résultats exceptionnels. Ce CHRONIQUE. 79 même climat me permet également de m'adonner à la culture de certaines plantes du sud de l'Europe et exotiques, que je possède déjà en quantité suf- fisante pour satisfaire à toutes les demandes qui pourraient m'ètre adressées. Il en est de même pour tous les produits de mon établissement. \ote sur la Zizanie aquatique 1) Par M. KiJHNE^ de New-York. Le Riz sauvage, ou Zizanie aquatique, ayant dernièrement attiré Talten- tion universelle des sociétés qui s'occupent d'agriculture, j'ai de nouveau fait ramasser une partie de la semence par des Indiens, et je prends la liberté de vous en envoyer, sans frais, une caisse par bateau à vapeur, et par l'entremise de MM. Millier et Hess, au Havre. Comme l'introduction de cette plante en Europe m'est personnelle, vous devez comprendre que je prends un vif intérêt à la voir généralement cultivée, dans l'espoir que les résultats seront des plus satisfaisants. C'était en 1860 et 1861 que je cherchai à attirer l'attention des agricul- teurs allemands sur le Riz sauvage, en publiant deux brochures dans les- quelles je démontrais de quelle utilité serait l'acclimatation et la culture de cette plante en Europe. Il est facile de voir que le Riz sauvage possède toutes les qualités nécessaires pour être planté dans les terrains marécageux qui jusqu'ici n'ont été d'aucune utilité pour l'agriculture; par lui, on est en état d'utiliser ces plaines incultes et stériles, et d'en faire des champs florissants et fertiles. Comme le Riz sauvage contient une quantité considérable d'ami- don, il peut être placé à côté des meilleures céréales ; il fournit une nourri- ture excellente pour l'homme, et peut très-bien être employé à préparer des soupes, des puddings. Il est excellent pour engraisser la volaille, et la plante verte coupée et ensuite séchée, comme on fait pour le foin, devient une très-bonne nourriture pour le bétail. Malgré les difficultés qui se présentaient à mon projet, je réussis, en 1860, 1861 et 1862, à me procurer de la semenc* du Riz sauvage des colonies éloignées des Indiens, et j'en envoyai en Europe. Les expériences qu'on a faites avec la plante n'ont pas toujours été couronnées de succès ; mais, dans ces cas, les rapports qu'on me fit montraient à l'évidence que la semence avait été mise en terre à une époque défavorable, ou bien qu'elle n'avait pas été suffisamment trempée dans l'eau. Il est même arrivé qu'on l'avait semée dans des viviers,, où naturellement les poissons l'ont détruite. (i) Voyez Bulletin de la Soc. à'ac-climal., t. IX, p. 123, 3A4, 438, 517, 1046 ; t. X, p. 38; 2« série, t. I, p. 145, 156. 80 SOCIÉTÉ d'acclimatation. ConccrnauL le traitement de la reinence et l'époque favorable pour la mettre en terre, je ferai remarquer que la semence que je vous envoie a été séchée naturellement par l'air. A son état naturel, la semence se sème d'elle- même en tombant de la tige dans l'eau, de sorte qu'elle ne sèche pas du tout; par conséquent, il est absolument nécessaire que la semence séchée soit trempée dans l'eau avant d'être semée, pour lui donner la force de ger- mer. Il faut qu'elle reste dans l'eau jusqu'à ce que le germe commence à sorlir des graines, ce qui dure douze à quatorze jours, quelquefois plus longtemps. Je vous engagerai surtout à ne jamais semer les graines dans des étangs où il y a des poissons. Le transport des graines des colonies éloignées des Indiens est extrême- ment difficile, et il m'a été impossible de vous les envoyer proprement em- ballées, c'est-à-dire entremêlées de terre humide. Cependant des essais ré- pétés ont prouvé que les graines séchées germent, si on les emballe ainsi. Si, contre mon attente, mon envoi tournait in al, je me ferais un plaisir de vous faire Tannée prochaine une nouvelle expédition. Ne doutant pas de l'intérêt que vous prenez à nos bois de charpente du nord de l'Amérique, je prends la liberté d'attirer voire attention principa- lement sfir deux espèces, savoir, notre Shelbark HicJxory-tree {Corya alla et glabra), et notre Locust-tree {Robinia pseudo- Acacia), l'Acacia de l'Amé- rique. Ces deux arbres surpassent le Chêne, et sont d'une valeur inestimable comme bois de charpente et d'ébénislerie. C'est surtout le bois du Shelbark Hickory-trce, qui est d'une grande valeur; il n'y a pas d'autre bois qui possède une densité et en même temps une ténacité pareilles; tout en étant d'une solidité comme le fer, il est extrêmement flexible. S'il vous est arrivé d'examiner de près les voitures américaines, vous aurez sans doute été frappé de la légèreté des roues qui paraissent si délicates et fragiles, qu'on dirait qu'elli^s vont se rompre au premier pas. Ces roues de voiture sont toutes fabriquées du bois de VHickory-tree. Il est parfaitement incompré- hensible que ce bois si utile n'ait pas encore été introduit en Europe. En outre, le fruit de VHickory-tree est une noix fort savoureuse, qui chez nous est très-recherchée pour la table. De même, le bois du Locust-tree esi dur comme du fer, fort préférable à celui du Chêne, et par conséquent très-recherché chez nous ; à cause de son incorruptibilité, on l'emploie principalement pour la construction navale. — Si vous le désirez, je me ferai un plaisir de vous envoyer de jeunes arbres de ces deux espèces. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1) RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS IMERNATIONALES DE PÈCHE DE BOULOr.-NE-SLll-MEB, AI\CACHO-\ ET DU IJAVUE 18664868) Pat* M. J. Léon f^iOUBEIRAX • La première exposition internationale de pèche a été laite, - en 1861 , par la Hollande, qni convia, à Amsterdam, les peu- ples maritimes de l'Europe à un concours qui devait faire connaître les divers engins mis en usage par l'homme pour se rendre maître des produits des eaux. La France, qui n'avait pris qu'une part assez restreinte à ce premier concours, avait cependant compris l'utilité de ces tournois paciOques, et dés la fin de 18(31 la ville de Boulogne-sur-mer, décidait, sur la proposit'on de notre confrère M. Lonquély, d'appeler les pêcheurs et marins à prendre part à une exposition qui ne peut être mieux placée que dans un port aussi important au point de vue des armements pour la pèche. Diverses circon- stances relardèrent la mise à exécution de ce projet, et lors- qu'enfin, en 1865, toutes les difficultés étaient surmontées, Boulogne apprit que la Norvège avait décidé de profiter de l'érection du nouveau bâtiment du musée de Bergen pour y ouvrir une exposition. Par un sentiment de condescendance qu'on ne saurait trop louer, les organisateurs de l'exposition de Boulogne consentirent à s'effacer et à reculer d'un an l'ac- complissement de leur œuvre, persuadés qu'ils étaient que la simultanéité des deux expositions ne pouvait être que préjudi- ciable aux deux enlrej.rises. C'est ainsi que la Norvège a été la seconde nation qui ait convié les populations à un concours, (Ij La Sociélé ne piviul sous sa responsabilil»* aucune dos opinions étnises par l(js auteurs des ailicies insérés dans son liulietui. 2« SÉlUt, T. vin. — Mais et Avril 1871, G 82 SOCIÉTÉ d'acclimatation. dont nous avons eu l'honneur déjà de rendre compte à la Société (1). La Norvège s'est, du reste, montrée reconnais- sante envers Boulogne, en lui faisant parvenir une collection admirablement choisie des objets les plus intéressants qui avaient figuré à Bergen, et en mettant ainsi nos pêcheurs à même de vérifier par eux-même^ l'excellence de pratiques dont beaucoup leur étaient inconnues. Simultanément avec Boulogne (1866), une exposition inter- nationale avait heu à Arcachon, mais elle présentait plutôt un caractère scientifique, étant surtout ichthyologique. Organisée très-rapidement, cette exposition nous a paru se ressentir de cette rapidité môme. L'année suivante (1867), avait lieu la grande exposition universeUe de Paris, qui avait aussi accordé une certaine place aux industries de la mer et des eaux. En 1868 enfin, le Havre avait, à son tour, une exposition internationale maritime, mais dans laquelle une foule de pro- duits de commerce, importation ou exportation, venaient s'ajouter aux engins et produits spéciaux maritimes. C'est des trois expositions de Boulogne-sur-mer, d' Arcachon et du Havre que nous venons aujourd'hui vous rendre compte; mais, comme nous vous avons déjà fait connaître les exposi- tions de Bergen et de la Haye ('i), nous laisserons décote tout ce qui a rapport aux pêcheries de la Norvège et de la Hollande pour insister plus spécialement sur les faits nouveaux que nous avons observés pendant la durée de nos études dans les expositions françaises (3). (1) J. L. Soubeiran, Rapport sur l'exposition internationale de produits et engins de pêche de Bergen [Bull, de la Soc. d'acclim.j 2^ série, 1866, t. III, p. 189, 262, 313, 381, Z|61, 525). (2) J. L. Soubeiran, Bnpport sur ^exposition des produits de pèche à la Haye, en 1867 {Bull, de la Soc. d'acclim., 2' série, 1869, t. VI, p. hkd, /l97, 551). (3) Un petit nombre do rapports ont été déjà publiés siir ces exposilioiis ; nous citerons ceux deIMM. Ducrestde Villeneuve, Bapport au Ministre de la marine sur V exposition internationale de Boulogne-sur -nier {Rev. marit. et colon. ^ 1867, t. XIX, p, 835) ; — L. C, Exposition internationale dé pêche EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 83 Nous avons pensé devoir insister sur les pêcheries de la Russie, en donnant, avec quelques détails, des renseignements empruntés à un grand ouvrage publié par les ordres du gouver- nement impérial russe, et qui figurait d'ailleurs à l'exposition de Boulogne (1). Cet ouvrage est écrit en russe, et par consé- quent très-difficile à connaître pour la plupart des personnes qu'intéresse le sujet qu'il traite; aussi avons-nous été heureux de pouvoir, grâce à la bienveillance de notre ami et confrère M. Paul de Bourakoff, qui a bien voulu nous en faire une tra- duction abrégée, porter à la connaissance de nos compatriotes ce très-intéressant travail. Qu'il nous soit permis d'exprimer ici à M. de Bourakoff toute notre gratitude pour l'assistance dévouée qu'il a bien voulu nous donner en cette circonstance. L'exposition de Boulogne-sur-mer était installée dans la nouvelle halle au poisson, joli bâtiment élevé sur le quai vers l'extrémité du port, et qui ne pouvait être mieux inauguré qu'en servant à une œuvre éminemment profitable aux progrés de la pèche. Ornée avec un goût parfait sous la direction de notre confrère M. Huret-Lagache, au moyen de filets de pêche disposés en draperies et baldaquins élégants, la halle au poisson avait deux annexes : l'une à l'entrepôt des marchandises, où étaient déposés tous les produits destinés à la consommation, et que leur odeur eût rendus déplaisants dans le bâtiment principal; l'autre, sur la grève, à proximité de l'établissement des bains, Faquarium, monument original sur lequel nous aurons à revenir plus loin. A Arcachon, les produits étaient exposés dans un grand bâtiment de bois construit sur la plage et auquel conduisait un portique d'énormes bouées, qui lui donnaient un cachet et (V aquiculture d\ircachon[R(W.marit. et colon., iS(j7, l. XX, p. 5; ; — E. de tîrouwer, l' Exposition internationale de jxkhe de Boulogne-sur-mer, Paris, 186G; — docleur H. C;izin, Rapport sur les opérations de la W section du jury de l'exposition de pèche de Boulogne, 1866; — Mar. de la Paz GracHs et Gesarca Fernaiulez, Exposiciones internacionales de pesca y acquicultura de Arcachon et de Boulogne-sur-mer, Madrid, 1867. (1) Enquête sur l'état des pcchdries en Russie, publiée par lu ministre des domaines de l'État. 8/1 SOCIÉTÉ d'acclimatation. particulier. Une seule balle renfermait les objets exposés; elle était suivie d'une galerie très-simple, formant aquarium dans le genre de ce que nous avons au jardin du bois de Boulogne, et plus loin derrière se trouvaient un hangar avec des bassins pour recevoir les Mollusques et une citerne pour des expé- riences de scaphandre. Au Havre, l'exposition occupait une série de galeries de bois formant un carré long, au milieu duquel était un jardin, dont le principal ornement était un bel aquarium construit sur le plan de la grotte de Fingal. SAUMON. Le Saumon, qui de tous les poissons de rivière est celui dont l'exploitation donne le plus de profit, peut être considéré comme le type des poissons anadromes : en effet, il va ta la mer après avoir atteint un certain âge, et y acquiert rapide- ment un grand développement, grâce à l'abondante nourri- ture qu'il trouve dans les eaux salées (1) ; il passe ainsi quelque temps dans les eaux marines (2), et, après s'être ainsi réparé lui-même, il remonte en eau douce, aux lieux qui l'ont vu naître, pour y propager son espèce. Ce poisson peut-il vivre sans aller à la mer? Cela est incontestable, car les faits observes en Norvège et en Suède (3) en sont la preuve frappante; et, (1) Quekclt dit que celle iiouriilure consiste principalement en œiils crEcliinides et de Harengs, ainsi qu'il a pu s'en assurer par l'examen des matières contenues dans l'estomac des Saumons pris par lui à la mer. {-:) Le temps du séjour ù la mer est variable, depuis quelques semaines pour certains individus, jusqu'à plus d'une année pour quelques Smolts : un poisson qui pesait deux onces an départ peut {gagner ainsi ciurj, six et huit livres. (3) Le professeur iNilsson observe que le Saumon habile les eaux douces des lacs de Suède, Wenern et Siljan, pendant l'hiver et le printemps, et remonte dans les rivières pour frayer, retournant plus tard dans les lacs pour se refaire, comme le Saumon des auires rivières retourne à la mer. (Ivicliardson, On thc Ichthijolofjte of the Seas of China and Japan, i8Zi6, p. 19o.) — Uenin^^Obser cations i>ur la pèche du Saumon dans Trysildc et Klaraelv {Bull, de la Soc. d'accUni., 2'^ série, 1866, l. III, p. 137).— Voyez EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. S5 d'autre part, on a constaté la même habitude pour le Saumon du lac Ontario (1) et dans le Canada (2). Mais toujours, dans CCS circonstances, le développement du Saumon est moins rapide et la qualité de sa chair est inférieure à celle du poisson cpii a suivi les lois naturelles de son existence. Dans son ardeur à gagner les parties supérieures des cours d'eau, où il trouve les localités favorables pour frayer, le Saumon cherche à surmonter tous les obstacles qu'il rencontre, et réitère ses tentatives, sans se décourager, jusqu'à ce qu'il ait réussi, ou qu'il ait péri en tombant sur les rochers des cascades ou sur les ouvrages d'art qui lui barrent le passage. On a donc cher- ché à faciliter aux poissons leur arrivée aux lieux de reproduc- tion, et l'on a imaginé des dispositions particulières pour leur rendre l'ascension plus facile. On distingue deux sortes de ces appareils : l°les escaliers^ composés d'une série de réservoirs carrés de bois, placés les uns au-dessus des autres, dans les- quels l'eau tombe de chute en chute, et qui permettent aux Saumons , par une série de sauts successifs , d'arriver à franchir, sans trop d'inconvénients, une chute trop roide ou trop rapide ; 2° les échelles, constituées par un plan incliné, coupé de distance en distance par des cloisons transversales, aussi Bulletin, ^^ série, 1865, t. II, p. 125. — A. G. deGrandmont, T^isci- culture du lac Pavin, Education des Saumons {Bull, de la Soc. d'acclim,^ 1863, t. IX, p. 261). — Le même, Éducation du Saumon dans les lacs {ihid., p. 332). (1) D'après Iiichardson, le Salmo namaj/eush, Venu. yi-emonie, à Pépoquc dn frai, dans les aflluents des lacs Ontario, Huron, etc., et ne peut suppor- ter aucune eau saumàtre. Le Salmo fluviatilis, PalL, ne paraît pas non plus remonter de la mer dans les eaux où on le pèche, mais venir de TObi, de l'Irlisch et du Icnisséi dons les aflluents de ces trois fleuves. On peut citer encore les Esturgeons des lacs de l'Amérique du Nord, qui, nu prinlejnps, époque de la fraye, quittent les lacs pour remonter dans les 1 ivières, et qui reviennent plus tard dans ces lacs après avoir déposé leurs (pufs. (A. Duméril, Des poissons voyageurs qui, à V époque de la reproduc- tion, abandonnent la, mer pour remonter les fleuves^ ou quittent les fleuves pour descendre à la mer, 1866, p. 27.) (2) Le Moine, les Pêcheries du Canada, in-12, 186.'>. 86 SOCIETE D ACCLIMATATION, dont les ouverlures sont opposées les unes aux autres, ou contrariées. Imaginées, en 183Zi, par l'Écossais Smith (de Deanston), les échelles à Saumons donnent les meilleurs résultats partout où on les a instituées dans de bonnes conditions. Au Canada, on les a appliquées avec un succès complet sur plusieurs rivières obstruées par des scieries, car le Saumon y a reparu et y est redevenu abondant après l'établissement de ces passages (1). Tout le monde connaît les succès remarquables obtenus en Ecosse et en Irlande, où, grâce à l'établissement d'échelles, certains cours d'eau ont retrouvé leur fertilité première. ■ Les échelles à Saumons étaient représentées aux diverses expositions françaises par les modèles de l'Irlande et de l'Ecosse, sur lesquels nous avons déjà plusieurs fois appelé l'attention de la Société. Nous mentionnerons aussi seule- ment ici pour mémoire les échelles établies en Norvège, qui continuent à rendre d'importants services (2). Nous citerons particulièrement le modèle, présenté par M. Frank Buckland, d'une échelle à Saumons (3) à compartiments successifs avec ouvertures contrariées, qui a été établie à Moulsey, sur la Tamise, par les soins du Thames Conservancy Board. Un très-beau modèle de l'échelle à Saumons établie à Châtellerault, dont une description a déjà été donnée par (1) Goste, Voyage, d'exploration sur le littoral de la France et de r Italie, 1861. — Coiimcs, Rapport sur la pisciculture et la pêche fluviale en Angleterrej en Ecosse et en Irlande, 1863. — Fr. Buckland, Hatching and Sahnon-ladders {Report of the Rritish Assoc. for the Advcmcem. of Science, 1865, p. 90. — Francis Francis, Reports on Sahnon-ladders , London, 1870. (2) Bull, 2<^ série, t. III, p. 32^:1. (3) Auprès de ce modèle se trouvait une collection complète de spécimens de Saumons à tous les âges, depuis l'état (Valevin, muni de sa vésicule om- bilicale, jusqu'à celui de Smolt, c'est-à-dire jusqu'au moment où le Saumon levèt la livrée brillante du second âge et se prépare à quitter les eau\ douces pour descendre à la mer. Quelques-uns de ces animaux provenaient d'œufs ayant passé soixante jours dans la glace, et étaient frères des Sau- nions qui ont été transportés, au moyen de glacières, en Australie, EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE rÉCIIE, 87 M. Millet (1), qui a re^prodmi in exte7iso les notices publiées par les ponts et chaussées, figurait à l'exposition d'Arcachon, et plus tard à celle de Paris, en 1867. Les résultats acquis parais- sent avoir été appréciés assez vaguement par les ingénieurs chargés de suivre jusqu'ici ce service : on a cependant ob- servé une influence favorable, car il est avéré que, sur la Vienne supérieure, les pêcheurs ont constaté, depuis l'éta- blissement de l'échelle de Châtellerault, un accroissement no- table de Saumons ; mais il est regrettable, et cette opinion est partagée par les ingénieurs des ponts et chaussées les plus compétents, que le débouché aval de l'échelle, c'est-à-dire son entrée pour le poisson remontant, soit placé à une quinzaine de mètres en aval de la chute d'eau : car cette disposition fait que le poisson, arrêté par le barrage, se trouve renfermé dans une sorte de cul-de-sac, et ne rencontre pas aussi facilement le pied de l'échelle, qu'il l'eût fait en longeant l'obstacle comme il y est porté par son instinct. On voit encore assez fréquemment des Saumons essayer de sauter directement au- dessus du barrage, qui est de 2°^, 50 plus haut que l'étiage d'aval, mais c'est presque toujours en vain. Bien que l'on ait pu constater que bon nombre de poissons savent en trouver l'entrée, l'échelle de Châtellerault n'est cependant pas dans d'aussi bonnes conditions qu'elle devrait être pour rendre tous les services qu'on en attend. Il existe encore plusieurs autres échelles à poisson en France, sur la Moselle, le Blavet, la Dordogne, etc. L'échelle de Bergerac n'a pas donné encore tous les résultats qu'on en espérait, parce que le pied de l'ouvrage aboutit à un point où l'eau est calme et est d'ailleurs trop rapprochée des gros ouvrages de maçonnerie, ce qui fait que le poisson est effrayé par le bruit des bateaux qui s'en approchent sans cesse. On se propose de déplacer celte échelle et de la transporter vers le milieu de la rivière, sur le glacis du barrage, dans l'angle formé par ses deux branches, en un point où se concentrent (1) M. Millel, les Echelles à Saumons {Production animale et végétale, 1867, p. 137). 88 SOCIÉTÉ d'acclimatation. les eaux les plus vives et les plus profondes. On a décidé éga- lement le déplacement du barrage de Mauzac, qui est silué plus bas sur la Dordogne, ta l'origine du canal de Lalinde. Une échelle à poisson a élc construite en 1865 sur la Diége, affluent du Lot, commune de Sonnac (Aveyron), pour permettre au poisson l'accès des eaux supérieures qui lui était fermé par l'établissement d'un barrage de moulin. Cette écbelle, dont le prix s'est élevé à 300 francs, est à cloisons contrariées et a parfaitement rempli les indications en vue desquelles elle avait été faite (l). Autrefois très-abondant dans certaines de nos rivières de France, le Saumon est devenu beaucoup plus rare et tend môme à disparaître. En 1830, on était fort embarrassé pour habiller la garde nationale de Ghàteaulin. On proposa de faire pécher et d'employer l'argent du produit de la vente des Sau- mons à l'équipement des gardes nationaux : cela fut fait, el, au bout de six semaines, tous les hommes étaient vêtus. — En 1801, on a pris dans la même rivière neuf Saumons (2). Il y a moins d'un siècle, on péchait chaque année, de dé- cembre à mai, quatre à cinq mille Saumons de dix à trente livres au barrage du Pont-du-Ghàteau sur l'Allier, où ils arri- vaient par la Loire. La pêche n'était pas moins fructueuse aux Ponts-de-Cé, à Saumur et cà Tours, de même que dans la Vienne et la plupart des aflluents de la Loire (3). Mais alors les propriétaires seigneuriaux prenaient les mesures les plus propres à assurer la conservation d'une source de revenus importante pour eux. Depuis, et le fait a été observé, en particulier, dans la rivière d'Avranches d'une manière évidente (A), la pêche s'est faite sans souci de l'avenir; on a (1) Vicomte E. de Beaumont, Etudes théoriques et pratiques sur la pis- ciculture, 1868, p. 202. (2) C. de Saint-Prix, Question de pisciculture en Basse-Bretagne, 18G2, p. 10. (3) Le Saumon, qui remontait jusqu'à Pontgibaud au siècle dernier (1787), où il fournissait à une redevance d'au moins 1200 Saumons, n'y apparaît pour ainsi dire plus. (Zj) Milne Edwards, Histoire naturelle du littoral de la France, 1832. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 89 recueilli le poisson, même encore Irès-petit : on a fait usage de filets à mailles de plus en plus étroites, et le résultat a été le dépeuplement des eaux, auquel il est urgent de remédier. Un lait remarquable, et sur lequel on n'a peut-être pas porté une attention suffisante, est celui qui se présente pour les Saumons de la Garonne et de l'Adouv : le poisson ne se ren- contre jamais dans les ailluents de ces deux cours d'eau, pro- venant du plateau des Landes. M. Le Page des Longcliamps, vice-consul de France àSwan- sea, avait présenté à l'exposition de Boulogne un modèle de curricle pour la pêciie du Saumon, employé dans le pays de Galles : ce bateau est manœuvré avec un seul aviron d'une main, tandis que de l'autre le pecbeur maintient le filet, qui est tendu entre deux bateaux. Le Salmo Salar [Semga) remonte la Var/oukba, l'Onega, la Dwina du Nord, le Mezen, la Petchora, mais ne se retrouve plus à partir de la Tchornaija. En Piussie, prés du bourg Souma, sur la côte occidentale du lac Onega, les pêcheurs placent, la nuit, à l'avant de leurs ba- teaux, une pince de fer qui fait saillie et supporte un brasier ardent dont la Tueur attire les Saumons, qui sont alors har- ponnés au moyen d'une fouène à plusieurs dents, lancée avec force par celui des pêcheurs qui est placé à l'avant du bateau. Dans la rivière Ponoï, les Russes font usage de filets ou sacs rectangulaires, avec des sacs de cordage dits poyesde; sur un des cotés du rectangle sont des poids qui entraînent d'abord cette partie du filet vers le fond, tandis que l'autre partie est maintenue plus élevée au-dessus du sol; on traîne le lilet contre le courant, en lui faisant faire bourse, et quand les secousses annoncent la présence du poisson, on relève eu môme temps les deux côtés du filet, qui sont manœuvres chacun au moyen d'un bateau. Dans la Baltique, la mer Blanche et dans les rivières qui y déversent leurs eaux, ainsi que dans les lacs qui communiquent avec ces mers, les Russes emploient fréquemment les /'or^/Zy^/e-s pour prendre le Saumon. Ils interceptent la montée du poisson dans les rivières au moyen de barrages tantôt faits de bois, de lattes rapprochées 1)0 SOCIÉTÉ d'acclimatation. les unes des autres (rivière Kytcha), de branciies de saule (rivières Tsylma, Welikaia-Wiska, un des affluents de la Petchora), ou de filets (Souma)-. De dislance en distance sont des corbeilles ou nasses de bois (Souma), ou de filets (Tsylma, Welikaia-Wiska), dans lesquelles le poisson pénètre facilement, mais d'où il ne peut sortir. Dans les en- virons de la ville d'Onega, on emploie un système de bordigues très-voisin de celui que nous venons de décrire, mais auquel on a ajouté des sacs ou filets à ouverture opposée, de telle sorte que si le poisson elTrayé, avant d'avoir pénétré dans les compartiments de la bordigue, veut rétrograder pour éviter le sac plus large qui est à contre-courant, il entre nécessaire- ment dans celui qui lui fait vis-à-vis. Les bordigues dont on fait usage sur le fleuve Onega, près de Podporojoié, sont très- perfectionnées, et offrent, à l'entrée des corbeilles, un cadre rectangulaire garni d'un filet qui permet d'obstruer complète- ment l'ouverture. Sur les côtes de la mer Blanche, les Russes pèchent, à la mer, le Saumon au moven de filets assujettis avec des cordes à des poteaux enfoncés dans le sol et formant un barrage près du rivage. Quelquefois les filets sont simplement tendus en travers du rivage, sur les lais et relais de la mer; d'autres fois ils olfrent, dans une partie assez voisine de la terre, une poche très-forte et se replient du côté de la mer, de façon à former une sorte d'enceinte où les poissons viennent s'agglomérer; quand un certain nombre de poissons ont ainsi pénétré dans cet espace, on haie, au moyen d'un câble et d'un cabestan, la portion libre du filet vers la terre, et on les enferme ainsi dans une enceinte continue. Dans la Petchora, on prend les Saumons au moyen de filets flottants, placés transversalement dans le courant, et dans les- quels le poisson vient s'emmailler. Au moment où les glaces ont solidifié la surface des rivières, la pêche des Saunions se fait, soit au moyen de lignes, soit au moyen de barrages. Dans le premier cas, une perche est organisée de façon à pouvoir basculer, dès qu'elle est libre, sur une sorte de tré- pied ; elle porte à l'une de ses extrémités une ligne armée d'un EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 01 hameçon, qui plonge dans l'eau et est maintenue dans cette position par un système de morceaux de bois que le poisson dérange par la secousse qu'il donne en happant l'amorce ; comme l'autre extrémité est chargée de pierres qui lui don- nent une pesanteur plus grande, la perche se redresse, et le poisson est ainsi tiré hors de l'eau. Celte disposition permet à un seul homme de surveiller en m.ême temps un grand nombre de lignes. Le système de barrage sous la glace est employé surtout sur le fleuve Amour, où les Manègres, après avoir barré le cours d'eau avec des perches de saule, pratiquent sur quel- ques points de la glace des trous qu'ils recouvrent d'une yourte conique, et par lesquels ils harponnent le A'e/« [Salmo larjocephahis) qui vient y respirer (1). Les Manègres pèchent aussi le Saumon [Salmo ftmnalîlh) au moyen de filets ou de harpons ; mais ce dernier moyen n'est employé que dans les affluents de l'Amour. Dans le pays des Gijiga, les Toungouses et Koriaiks pren- nent les Saumons, qui abondent dans leurs eaux, au moyen de bâtons armés de crochets (D' Bogorodsky). Le Goletz.Roïe (Salmo alpinus L.) est péché par les chas- seurs de Phoques dans les eaux de la mer de Kara et de la Nou- velle-Zemble (Novaïa-Zemlea) jusque vers le 25 août, époque où ils vont chercher plus loin les animaux, qui les attirent spé- cialement dans ces régions désolées. Le Saumon du Danube (Salmo Hucho, L.), le plus grand des Saumons, et qui a été l'objet de tentatives intéressantes de pisciculture, ne se trouve que dans le Danube et dans ses affluents du nord, tandis qu'il manque dans les affluents du sud (de Wagner). Il paraît résulter des essais faits en Styrie par M. le baron de Washington, qu'une des difficultés de la fécon- dation artificielle des œufs de HiicJto lient au court espace de temps nécessaire à ce poisson pour se débarrasser de tous ses œufs, lorsqu'ils sont à maturité (vingt-quatre heures environ). (1) Comle de Subir, /'• Fleuve Amour, 1861, p. 86. ^2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. I/Ombre-rhevalier {Salmo salvelimis, L.) se trouve dans les lacs élevés des Alpes et des Carpalbes, à une altitude de "2.0001 mètres. Ce poisson, dont la chair est fine et savoureuse, a été aussi l'objet de diverses expériences de pisciculture, qui ont donné de bons résultats. TRUITE . he/riiymallus vej:îIiifer,Agi\ss., qui quitte les lacs pour aller frayer dans les ruisseaux, el retourne plus tard dans ces lacs, se trouve surtout dans les eaux vives et rapides de monta- gnes (1) de toute l'Europe. Il est remplacé en Russie par le Kharius {TJnjmalliis gymnoyaster, Val.), abondant dans la partie supérieure du Térek jusqu'à lékatérinodar. Les eaux de la Russie nourrissent aussi le Komiuja {Fario aryentGus,K\\^?>.),(\\n remonte surtout les affluents de la baie d'Onega, et les Salar Ausonii, Val., et 5. ferox, Val... qui ne se rencontrent guère abondamment que dans la Verzoukha. Le Fario lemanus, poisson si justement estimé du lac de Genève, olïreun exemple remarquable d'anadromisme en eau douce. En effet, ce poisson quitte au printemps et au commen- cement de l'été le lac, pour gagner le Rbone et de là TArve el SOS aflluents, et d'autre part les divers autres affluents du lac : à ce moment, il jouit de toutes ses qualités alimenlaires; mais au moment du retour dans le lac, c'est-à-dire vers la fin d'octobre, il est maigre et coriace, et a reçu le nom de Four- reau {1). ÉPEULAN. \'È'Çi(iv\'àn{()smerus Eperlaniis, Cuv.) apparaît vers le prin- temps dans les eaux tributaires du Nord, et remonte en parti- culier dans la Seine, où les qualités exquises de sa chair le font rechercher des pêcheurs. Il séjourne pendant assez long- (1) D'après Hiimpliieys Davy, ce poisson ne peut siipporler le moindre contact avec l'eau même très-légèrement saumàtre. (2) Jurine, Histoire des poissons du Léman {Mêm. de la Soc. de phys. et d'hist. nal. de Genève^ t. Iff, r^ partie, p. 170). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE rÉClIL:. ^^3 temps en eau douce pour que, dans la Basse-Normandie, la vente de ce poisson soit interdite en été, en vue de prolonger le développement de celle espèce (1). L'Éperlan abonde aussi dans les embouchures des rivières de la mer Blanche. On en connaît en Russie deux variétés, une marine, \eIionichka, et une d'eau douce, le Snetok, ou Eperlan lacustre [Salmo Epericmus, Pall.). Le S?ietok (2) est \e plus petit des poissons qui sont péchés par les Russes pour l'usage alimentaire ; il ne dépasse pas deux pouces de longueur. Abon- dant dans les eaux des lacs Bielo-Osero, Olonelz et Novgorod, Peypous, et plus spécialement dans la partie méridionale du lac Pskow, il ne quitte jamais les eaux profondes et recherche particulièrement les fonds sableux. On le pêche au moyen de blets à triple nappe et à mailles très-fines, que l'on introduit sous la glace par des trous faits de distance en distance, et qui interceptent le passage aux poissons. On prend aussi quelquefois le Snetok au moyen de lignes portées sur une sorte de manche de bois très-court, et com- posées d'un fil susceptible de se dérouler et muni à son extré- mité libre d'une pièce de bois, qui est armée de deux hame- çons fixés à une corde. Le Snetok est l'objet d'un commerce important avec Saint-Pétersbourg, Moscou, Varsovie et Kiev; on en exporte, après l'avoir séché au four, *250 000 à 300 000 ponds (plus de 200 000 tonneauN), ayant une valeur de plus de 500 000 roubles. AMMODVTE. Le Lançon [Ammodytes lancea), très-recherche des pécheurs de nos eûtes de Bretagne, pour amorcer le Maquereau, se prend tantôt à la bêche, dans le sable découvert par le reflux, tantôt au filet, à marée presque basse. Cette pêche, qui se ']) A. Diiméiil, Des poissons voyageurs, etc., t86fi, p. 15. — Le mcinc. Montée de l'Eperlan de la mer dans les fleuves {Bull, de la Soc. d'accUm., 2^sé^ie, 1866, t. 111, p. Zi59). (2) Ce poisson qiiiUc le lac au moiiienl de la lepvoduclion, pour aller dans les ruisseaux qui y débo'uclient, cl y rester après avoir déposé sou fiai. (A. Diunciil, lue. cit., p. 27.} 9!i SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. pratique de fin mai à août, a rinconvénient de détruire une certaine quantité de petits poissons, qui se trouvent pris dans le traînage du lilet; aussi est-elle interdite sur toute la côte, excepté à Saint-Malo. Les Russes emploient à l'embouchure de la rivière Voronia (Laponie), pour prendre le Lançon {Pest-chanka), des iilets de î'ô à ZiO brasses (sur 12 à 15 de hauteur), à mailles étroites, et offrant au milieu un sac très-serré, dans lequel le poisson s'accumule. L'engin russe a la plus grande analogie avec celui de nos pécheurs bretons. A l'exposition de Boulogne, nous avons vu une sorte de petit croc de fer employé pour extraire du sable l'Amniodyte, et présenté par un pêcheur de cuUercoals. CORÉGONE. Le Coregonus Lavaretiis, L., que Frédéric le Grand a fait transporter du lac du Bourget dans les lacs de la Poméranie, oi^i il s'est acclimaté, et que, dit-on, Marie Stuart, aurait intro- duit avec succès en Ecosse, est une des espèces de Gorégones qui paraissent devoir donner les meilleurs résultats en pisci- culture, ainsi que l'indique noire confrère M. Millet. Cette espèce, pour réussir, demande à ne pas être mise dans des lacs tourbeux ou marécageux, mais se plaît au contraire sur les fonds sableux. Le Corecjonus Feray^wv. , ne quitte jamais le Léman, contrai- rement à ce qui arrive à plusieurs des autres Salmonoïdes de ce lac ; mais il vit à des profondeurs différentes aux diverses époques de l'année : en hiver, il s'enfonce dans les profondeurs, et alors sa chair est peu estimée ; vers février, il vient frayer sur les bas-fonds, et en été, époque où il est très-délicat, il vient sur les bords du lac. De nombreux essais ont été faits en vue de propager celte excellente espèce, mais son extrêm.e délicatesse a présenté des difficultés assez grandes aux opéra- leurs. M. le vicomte T. H. de Beaumont, -dans ses essais faits au Cluzel (Aveyronjs a recoiinu la nécessité de ne pas conserver EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 95 ses jeunes Feras dans un bassin de maçonnerie, mais, au con- traire, de les placer immédiatement après l'éclosion dans un bassin à bords terreux, avec courant et muni d'une cage de toile métallique, ne laissant l'eau s'écbapper que par un seul côté. Il s'est aussi parfaitement trouvé de l'établissement d'une frayère d'épongé, immergée faiblement dans une eau cou- rante, de telle sorte que l'eau arrive aux œufs par l'effet de la capillarité de l'éponge, sans qu'ils soient eux-mêmes com- plètement immergés. A Mont-de-Marsan, dans les Landes, M. Ritter, ingénieur en chef des mines, a immergé entre deux eaux, et maintenu fixe par trois piquets, une cage de fer et de toile métallique assez serrée pour prévenir la destruction des œufs et alevins par les nombreux ennemis qui les menacent, mais à mailles assez larges pour laisser sortir l'alevin. M. Vincent a fait connaître, dans une lettre adressée à notre savant confrère M. Cosle (1), les remarquables résultats qu'il avait obtenus dans l'éducation des Feras dans le lac des Settons (Nièvre), malgré la guerre active faite à ces poissons par les Brochets. Les Suédois font usage, pour la pêche des Gorégones dans les lacs, de filets de soie d'une grande ténuité, bien que ce- pendant très-forts. Les espèces du genre Coregomis (i), que les Russes dési- gnent sous le nom général de Saumon hlanc, sont l'objet de pèches importantes en Russie, où on les sale, fume et gèle. Le Nelma {Coregonus LeucicJdJiijs, Pall.), qui fraye en au- tomne dans les rivières du Nord, et principalement dans la Dwina du nord et la Petchora, n'entre qu'en hiver dans la partie inférieure du Térek et dans le Koura, qu'il remonte jusqu'à la rivière Alazane, qu'il préfère à cause de son courant rapide et resserré entre des rochers. On le pêche en grandes quantités dans le Volga, au moyen de lignes à bascules sem- blables à celles que nous avons décrites plus haut, et (ju'on (1) Bull de la Soc. d'acdim,, T série, 1868, t. V, p. '637. (2) IbkL, 2' série, 186/1, l. 1, p. 251. 96 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. dispose pendant l'hiver sur la glace. Dans les rivières du Nord, où ces poissons ne sont pas moins abondants que dans le Volga, on les pêclie le plus ordinairement au moyen de fdets, surtout au printemps, en été et en automne. Le RiapoiicJika (Corerjoiius Albiila) se trouve en immense quantité dans le lac Peypous, le troisième en grandeur des lacs de la Russie européenne ; aussi n'est-il pas rare de voir pi eadre en un seul coup 60 à 70 000 petits Corégones. On pratique aussi la pêche des Coregonus conor/ujnchus^Xix]. [Signe, G. oxijrhynchiis, Pall.i, G. microstomiis, Pall.(rFrt- Uk), G. iiasi'tus, Val. [Eschi?-), G. Muksun, Val. {Mitksun)^ G. Syrok, Val. {Syrok), G. Sik, Val. {Sik, Helt), G. Polkur, Val. {Polkiir^ Pydspasi), G. Sardinella, Val. [Seldctkan), C. Tiiyhnn, Pall. {Tugliun) et G. Omul, L-epech. {Omul). Ce der- nier remonte à la fin de l'automne et en bandes nombreuses de l'océan Glacial dans la Lena et hi Pelchora, où les pêcheurs lui font une poursuite active. ESTURGEON. Les Esturgeons, poissons de grandes dimensions, ana- dromes, surtout communs dans les mers Caspienne, Noire et d'Azov (1), sont aujourd'hui devenus beaucoup plus rares que par le passé en France (/4c7};e;^56r5/z/r/o,L.), où l'on en pêche ex- ceptionnellement quelques individus dans la Seine, la Somme, le Hhône, la Gironde et la Loire. Ils reçoivent des Russes le nom général de Poisson ronge, c'est-à-dire excellent. Bien qu'en- core aujourd'hui très abondants en Russie et dans les affiuents de la Caspienne, ils ne le sont plus autant que par le passé, surtout dans la partie supérieure du Volga; et, quoiqu'il ne soit pas possible de donnerlapreuve du fait par des statistiques exactes, il est reconnu que le nombre de ces poissons a diminué depuis l'époque de Pallas. Non-seulement le nombre des fl) Les Eslurgcons, aiUrefois (il y a un siècle encore) Irès-abondanls dans J.i iîaliique, -uni dc\cniis iKs-rarcs dans ceUe mer et dans locéan Allan- tiqiie. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 97 Esturgeons est diminué, mais aussi celui de ceux qui arrivent à un complet développement décroît sensiblement chaque année, tandis que, pour les espèces qui frayent en eau salée, et pour le faux Saumon, dans les rivières où l'on a supprimé les bordigues et réglementé la pêche, l'abondance est restée la même que par le passé. Cela est dû aux bordigues nombreuses qui obstruent le cours des fleuves, à la pèche à outrance faite dans les embouchures, et sans doute aussi à la destruction, in- considérée et sans nul profit pour les pêcheurs, de nombreuses espèces depoissuns peu estimées (1), mais qui servaient à nourrir les espèces les plus précieuses. Cependant la fécondité des Sturioniens est e^vlrème (2), et les conditions exception- nellement favorables des limans ou ilmènes du Volga pour le développement du fretin rendront pour longtemps encore la mer Caspienne très-poissonneuse, à la condition de draguer les embouchures (3) et d'apporter quelques restrictions à la pêche, au moment de l'entrée des poissons en eau douce. Les pêcheurs russes ne sont pas encore d'accord sur le point où s'opère Va fraye du Poisson rouge : les uns, partisans des bordigues, prétendent que ce poisson ne fraye que dans les profondeurs de la mer; car, disent-ils, on n'a jamais pris dans le Volga de fretin de celte espèce. On pêche, d'autre part, dans la mer, à toute époque de l'année, des poissons remplis d'œufs, et les Poissons rouges enfermés dans des viviers où ils peuvent vivre longtemps et même se développer, n'ont jamais donné naissance à du fretin. M. Baer oppose à cette hypothèse le raisonnement suivant : Les eaux du Volga étant toujours trou- bles, il n'est pas possible de voir ce qui se passe au fond du fleuve; d'autre part, les filets dont on fait usage n'ont pas les (i) La clcsiiuclion de ces poissons est telle que les bords des fleuves sont remplis de leurs cadavres, cl que les oiseaux de proie ne peuvent suflire ù les faire disparaître. (2) Un Esturgeon ordinaire renferme G 000 000 d'œufs, et un Bclmiga plusieurs millions. (3) Cela est surloul évident pour le Kouia, dont les deux bras sont barrés par des bordigues, qui ne s'ouvrent que pour laisser le passage à de rares embai calions. 2^ sÉiiiE, T. vni. ~ Mars et Avril 1871. 7 98 SOCIÉTÉ d'acclimatation. mailles assez étroites pour arrêter le fretin ; les viviers ne présentent pas les conditions favorables à la fraye des poissons, et enfin à peine les poissons se sont-ils vidés de leurs œufs, qu'ils en produisent immédiatement de nouveaux, qui mûris- sent lentement. Du reste, le passage du poisson adulte de la mer dans les fleuves prouve que le Poisson rouge, de même que le Saumon, fraye en eau douce, où il recherche les endroits à courantrapide et à lit formé de débris et de graviers. D'ail- leurs M. Danilewsky affirme qu'à plusieurs reprises il a coiv staté la présence des œufs et du fretin dans l'Oural. LeBeloiiga{AcipenserHuso, L.) entre le premier dansleVolga qu'il remonte jusqu'à Ghecksna; le Sevruga{A.stellalus, Pall.) apparaît peu de temps après, mais sans remonter aussi loin ; enfin, vient l'Esturgeon (.4. Guldenstœdti, Brandt). Quant au Sterled{Aclpenser ruthemis, L.), il reste constamment en eau douce. Les jeunes poissons du genre Acipemer passent la pre - mière année de leur éclosion dans l'eau douce, et ne vont à la mer qu'à l'âge adulte et suivent les couches les plus profondes du fleuve, tandis qu'à la montée les poissons se tiennent sur- tout dans les couches supérieures. Le Bélouga est un poisson très-vorace, dans l'estomac duquel on trouve souvent plusieurs poissons à la fois, et quelquefois môme de petits phoques et des oiseaux (1). Le Sevniga (2) ne renferme que très-rarement des poissons dans son estomac. Quant à l'Esturgeon, il ne commence à manger des poissons que quand il est arrivé à son entier dé- veloppement. Presque indifTérents à toute espèce de nourri- ture, au moment de la fraye, les Poissons rouges sont au contraire extrêmement voraces dès qu'ils ont évacué leur laite et leurs œufs. (1) VAcipenserHuso, autrefois très-commun dans le Danube ol laTheis^, y est aujourd'liui moins abondant, et l'on remarque que la taille des individus que l'on prend est de beaucoup inférieure à ce qu'elle «'tait autrefois. (De Wagner.) (2) Le Secnuja bc retrouve dans le Danube, la Theisz et la Drau. (De Wagner.) EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 99 l.'EsUirgeon bàlard est rare dans le Volga, mais abonde dans rOural et la partie méridionale de la mer Caspienne (1). Le Chip {Acipenser Schipa^ Guld.) est abondant dans la mer Noire et la mer d'Azov, dont il remonte les fleuves tributaires ; on le rencontre aussi dans le Danube, où sa chair est assez estimée. Le Sterled se rencontre dans le Volga, le lac Bielo-Ozero et le Seliguir, mais pas dans l'Oural. 11 est acclimaté depuis une trentaine d'années dans la D\Nina, la Soukhonaet la Vaga, où il est entré par le canal nord de Catherine et par la rivière Witchezda, qui établissent la communication avec la Kuma, qui en renferme naturellement. Ce poisson s'est également introduit dans le lac Koubens-Koe, à la suite du naufrage d'un bateau qui en transportait quelques individus vivants à Saint- Pétersbourg (2). Au point de vue de la pêche, on ne peut séparer les quatre premières espèces, c[ui fournissent des produits similaires et presque toujours confondus dans le commerce; leur chair d'ailleurs est presque identique comme goût. Quant au Sler- led, s'il acquiert quelquefois une valeur énorme sur le marché de Saint-Pétersbourg, où on le fait arriver vivant, c'est le poisson qui se vend le meilleur marché sur place, et même on le dédaigne sur les lieux de pêche abondante, comme à Astrakhan. (Danilewsky.) La pêche de ces diverses espèces d'Esturgeons, depuis l'immense Bélouga ]\\%{{i\^\\ petit Sterled, se fait au moyen de palangrcs, de seines, de yaryga, grandes traînes à sac munies de longues ailes et qui sont manœuvrées chacune par un couple de bateaux, mais surtout à la corde. Pour ce dernier (1) CeUe espèce remonte assez liaut dans le Danube, el y est employée à faire, comme en Paissie. une sorte de caviar; mais on fait surtout grand cas de sa chair. (De Wagner.) (2) Le genre Acipenscr compte d'autres représentants parmi les poissons (lui remonlenl les llouves tributaires de la mer Noire : tels sont IM. Gmelini, Fitzgr.,lM. f//a6er, licck., qui se rencontrent assez souvent dans le Danube et la Tlieisz. ^00 SOCIÉTÉ d'acclimatation. système, on emploie une corde d'une cinquantaine de toises de longueur, portant, h la dislance de dix à douze pouces, des liones armées de haims : on tend CiîLte corde, soit à la mer, soit en travers des fleuves, en ayant soin d'ajouter plusieurs lessures, quand cela est nécessaire, et de maintenir les hame- çons à quelque distance du fond de l'eau. Ceux ci ne sont point amorcés et arrêtent le poisson, qui s'accroche aux cro- chets près desquels il passe et qui sonttrès-rapprochés les uns des autres dans ce hut.Ge système ne peut être appliqué qu'à la pêche des poissons sans écailles ou à écailles molles, car les crochets ne feraient que de glisser sur les écailles des Carpes et des Sandres (1) . On fait aussi en hiver la pèche des Sturio- niens au croc (bagor). C'est un grand crochet d'acier, assujetti à un manche de bois blanc, dont on peut augmenter la lon- gueur en y attachant des rallonges bout à bout; un poids de plomb ou de fonte, fixé à la poche inférieure du bcrr/or, permet de le descendre verticalement dans l'eau, malgré la force du courant. C'estsurtoutpendant l'hiver que se pratique la pêche au ôagor, au-dessus des yatoves ou creux, où le poisson s'est réuni, et qui ont été reconnus à l'avance par les gardiens du fleuve P). C'est en retirant de haut en bas le bcK/or que le pêcheur accroche le poisson et le ramène à la surface. Cette pêche est très-recherchée des Cosaques, en ce qu'elle est acces- sible au i^lus pauvre, et surtout parce qu'elle constitue une sorte de loterie où l'on peut, avec quelque chance, gagner plus de cent roubles (Danilewsky) (3). Dans quelques localités, on emploie pendant l'hiver, sur les (V) Les Chinois el los nègres dn Oualo fonl cependanl usage d'an engin presque identique avec la corde des Paisses pour pr^Midre des Carpes et autres poissons écaillcux. (2) Ces hommes, ordinaireniont des vieillards, sont toliemi^nt expéri- mentés, qu'ils peuvent rccon-iaître, d'après les bmdes des poissons, l'espèce à laquelle ils appariicnncnt et même leur sexe, différence très-iniporlante, puisqu'une femelle pleine d'œufs vaut au moins trois fois le prix d'un mâle. (Danilewsky.) (o) DanUewsky, Coup cl œil sur les pêcheries en Russie, 1867, p. 32. — Chr. llansleen, !Souvenirs d'un voydgc en Sibérie, 1857. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 101 affluents de la Caspienne, des lignes qui sont enroulées autour d'un axe, et qui peuvent se dérouler trés-lacilemcnt dès qu'un poisson cherche à fuir après avoir avalé l'amorce et l'hameçon. Quelquefois on enclôt un espace plus ou moins considérahle du fleuve au moyen de claies de hois, pour y enfermer les poissons qui redescendent vers la mer, et que Ton conserve vivants pour les prendre au bayor en hiver, au fur et à mesure des besoins. Les Cosaques de l'Oural, au nombre d'environ SOOOO, pos- sèdent depuis bien longtemps, et cette propriété a été ratifiée par le gouvernement russe, en rémunération de leurs obliga- tions militaires, la partie inférieure du cours du lïeuve sur une longueur d'environ 600 verstes et une partie de la mer adjacente. Cette propriété collective et indivisible est exploitée collectivement d'après des règles presque immuables, qui ont pour résultat la concentration des pêches dans le fleuve pré- férablement à la mer, celles-ci étant beaucoup plus faciles et étant également accessibles au plus pauvre comme au plus riche. La pêche est interdite vis-à-vis des bouches de l'Oural sur un espace de 80 verstes en longueur sur AO de largeur, et n'est permise plus loin qu'au moyen de filels fixes, qui laissent au poisson un passage libre (1). Le nombre des engins que chacun peut employer varie suivant le grade, mais le choix des places est décidé par le sort. On pratique la pêche en hiver préférablement à l'été, par suite de la plus-value du poisson et de sa plus facile conservation durant les froids. Enfin, la pêche se fait collectivement dans des localités et à des termes (1) Les Cosaques sont teliemeiU jaloux de toul ce qui peut avoir quelque in- fluence sur leur pèche, qu'ils outrent même les moyens d'assurer la tranquillité du poisson qui constitue leur lorume : c'est à peine s'ils permettent aux barques de traverser l'Oural; les chevaux cl bestiaux ne doivent pas s'abreuver dans le fleuve ; il ne faut pas tirer de coups de fusil le long de ses boids ; dans tout le parcours de la frontière de ieur territoire jusqu'à la mer 500 verstes) ils n'ont laissé établir qu'un pont et un bac. Les vapeurs et les bateaux de cabotage doivent rester à une certaine distance des embouchures, il n'y a pas encore longtemps qu'il n'était pas permis d'éclairer les chambres dont les fenêtres donnaient sur POural ! (Danil<'\v>ky.) 10*2 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. fixés (l'avance, pour que chacun puisse en profiter égale- ment. Les gardiens des pêches de chaque stanitza ou village sur- veillent la marche du poisson qui remonte dans l'Oural depuis le commencement de l'été, et notent avec soin les yatoves{irous profonds) où le poisson s'entasse pour hiverner dans une sorte d'engourdissement. Ce poisson est péché à deux reprises et de deux façons différentes. Dès le mois d'octobre, dans la partie inférieure de l'Oural, on commence la pêche au village d'Anto- novskaia, d'où l'on descend le courant, pour opérer chaque jour sur une zone déterminée : on emploie alors la ijaryga. A un certain moment, toutes les barques luttent de vitesse pour arriver des premières sur \Qyatove^ et profiter du moment où le poisson, n'étant pas encore effrayé, ne s'est pas dispersé et est d'une capture plus aisée. Une fois un yatove exploité, " après le coup, comme disent les pêcheurs, on retire les filets pour les rejeter seulement à un second coup dans un autre creux, ce qui occasionne une nouvelle lutte de vitesse. Quand le gros des pêcheurs a quitté une localité, il est permis à ceux qui n'ont pas pris part à la pêche principale d'y pêcher à la seine pour recueiUir les Esturgeons échappés à leurs de- vanciers, en même temps qu'une grande quantité d'autres poissons de valeur moindre. (Danilewsky.) Dans la partie supérieure de l'Oural jusqu'à Ouralsk, sur une étendue de ^00 verstes, la pêche ne se lait qu'en hiver, alors que le fleuve est glacé. On ne peut encore pêcher que sur un espace désigné d'avance et sur les yatoves, mais cette pêche se iûl^w-bagor. Chaque jour, au signal donné, tous les pêcheurs se. précipitent sur la glace, se hâtent de percer un trou rond d'environ quatorze pouces de diamètre, et d'y plonger leur croc, qu'ils relèvent et descendent lentement. Le nombre des trous est tel et la multitude des pêcheurs si grande, que la glace, qui a été percée comme un crible, s'affaisse sous le poids et se couvre d'une eau rougie par le sang des poissons. S'il y a plusieurs yatoves, ils sont exploités successivement, mais il est sévèrement défendu de dépasser les limites de l'espace assigné pour la journée. Sur le rivage, la scène n'est EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 103 pas moins animée, car il y a le marché (1) , et de plus on pré- pare surplace le caviar frais ou liquide. (Danilewsky.) Les Orotcliones (Sibérie) émigrent au printemps sur les bords du fleuve Amour pour y pêcher YEstnrgeon {Acipe?îser orientalis) au moyen d\m appareil qu'ils nomment umyka^ et qui se compose d'un câble plongé en travers du fleuve et portant des cordes plus légères munies d'hameçons (2). Cet appareil a la plus grande analogie avec la corde des Russes et le kuen-kéou des Chinois. Ils emploient quelquefois aussi des harpons munis d'une longue corde. Les Manégres prennent VAcipenser orientalis soit au moyen de filets (3), soit au moyen de harpons {hidda). Ordinairement un homme est placé au- dessus de l'eau, au sommet de trois poteaux qui forment un cône saillant de 2 mètres et demi carrés; de ce poste il indique les points où l'eau se trouble, ce qui dénonce la pré- sence du poisson, à un autre pêcheur monté dans un bateau et qui est armé d'un harpon. Cette pêche, qui porte le nom de tygytiak, dure tout le temps de la montée du poisson. Une pêche singulière du fleuve Amour est celle que les Russes nomment tchékoutchénié, et qui se pratique surtout sur les bords de l'Argoune. Dans une anse couverte de glace assez mince pour permettre de distinguer le poisson, qui en hiver remonte vers la surface et s'y tient immobile , on frappe la glace à grands coups de maillet de bois : les pois- sons, disent les Cosaques, sont assourdis et se laissent prendre à la main, dès qu'on a fait un trou dans la glace. Cette pêche passe pour dangereuse, car il arrive souvent que la glace n'est pas assez forle pour supporter le pêcheur. (Comte de Sabir.) (1) Le poisson est ordinairement acheté sur place par des marchands qui le préparent de diverses façons ; mais comme il y a en général un jour de repos après chaque pcclie, le marché se fait suiloutle lendemain. (2) Comte de Sabir, loc. cit. (3) Ces filets leur servent aussi à pêcher le Djeli (Salmo ftuviatilis), le Sundjenna (Salmo Lenoc), le Salkasoun (Cyprimis lacustris), le Pimâa {Cypr. Phoximis), le Suba{Cypr.leptocephalus), \e. Merfjo{Cypr. Carpio), et le Khoutou [Coreyonus Lavaretus). (Comte de Sabir, -/oc. cî7., p. 81 et8G.) lO'i SOCIÉTÉ d'acclimatation. SILURE. Le Silure (Siliinis Glanis) se trouve dans la plus grande partie de l'Europe centrale et orientale, et se pèche souvent dans le Danube, le Maros, la Theisz, où il est désigné sous le nom de We/s. Ce poisson atteint quelquefois le poids de 200 à 300 kilogrammes; sa voracité est extrême, ce qui Fa fait exclure en beaucoup d'endroits des lacs et étangs, où il exerce des ravages considérables sur les autres poissons. C'est un poisson dont la chair, un peu difficile à digérer, n'est que médiocrement estimée, et dont l'introduction, tentée à plu- sieurs reprises, mais sans succès en France, ne paraît pas désirable (1). On le pêche aux hameçons amorcés de Lam- proies ou de Goujons, mais en général les pêcheurs le recher- chent peu, en raison de la qualité inférieure de sa chair. Ce poisson {So}n) est très-commun dans les divers fleuves de la Russie, et en particulier dans le Koura, où il est si abon- dant, que peu de personnes osent s'y baigner (2). On le pêche dans les ilmènes du Volga, surtout au moyen de har- pons à deux dents, dont le fer se détache facilement de la perche qui a servi à le diriger sur le poisson : dès que celu.i- ci est percé par l'instrument, on le haie au moyen d'une corde qui est fixée par un anneau à la douille du harpon, dont les dents oiTrent des échancrures qui le maintiennent fortement engagé dans les chairs. (1) Les essais de MM. Dîetricli, Valeiiciennes et Goste n'ont donné que des résultats négatifs, et ceux de M. Millet, dans les eaux de l'Aisne, n'ont pus été très-satisfdisanls. D'ailleurs la voracité du Silure peut rendre son introduction très-fàclieuse dans les eanx peuplées de bonnes espèces {Bull, de la Soc. d'acclim., ^' série, 1856, t. Il, p. 8). M. Sacc pense également que l'inlroduclion de ce poisson serait détestable sous tous les rapports {ibid, p. 220). (2) La pêcherie de Bojey-Promisel, située sur un des bras du Koura, fournit annuellement 90 000 Silures ; comme elle n'a pas de glacières à proximité, presque tout le poisson qu'on y prend, 300 000 à ZiOO 000 pièces, est préparé en balik. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCIIK. 105 Quelquefois on fait usage de lignes dont les hameçons, munis d'une amorce, sont quelquefois recourbés sur eux- mêmes, de façon à offrir une plus grande résistance, tout en n'offrant pas un volume trop grand pour être facilement avalés par le poisson gloulon. On fait aussi usage sur le Yolga d'un filet, poyesdukJia^ qui consiste en une sorte de sac manœuvré par des barques qui suivent la direction du courant, do façon que le poisson, en remontant, en rencontre l'ouverture béante, et, dès qu'une secousse avertit les pêcheurs do rentrée du Silure, ils relèvent promptement le filet qui fait bourse. Le Silure, dont la chair n'est pas très-eslimée des Paisses, ne se vend jamais salé; une grande partie est séchée pour être vendue au bas peuple. Les pêcheurs de Torgau, sur l'Elbe, avaient exposé à Bou- logne une fine de 36 pieds carrés, un verveux et une longue ligne pour la pêche du Silure. LOTTE. La Lotte [Loia vulgaris, Cuv.) se rencontre en Hongrie dans les cours d'eau profonds, et en particulier dans le Danube, où elle ne devient jamais très-grosse, et ne paraît pas se dévelop- per aussi bien que dans les lacs. Ce poisson a été introduit vers 1770, dans le lac d'Annecy, où il s'est parfaitement mul- tiplié ; il est de tradition à Genève, qu'il a été apporté il y a plusieurs siècles dans le lac Léman, où il pullule aujourd'hui, au détriment d'espèces plus précieuses. C'est aussi à la pré- sence de ce poisson vorace qu'on attribue la disparition plus rapide de quelques-unes des meilleures espèces du lac de Neufchâtel. Aussi sa destruction est-elle autorisée, à l'époque de sa fraye, c'est-à-dire de janvier à mars, au moyen de nasses, dites berfoiix (V. Youga). La Lotte (Na/ime) vit dans le Peypous, mais c'est surtout dans l'est de la Russie qu'elle atl,eint les dimensions les plus considérables. J06 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATÎON. LAMPROIE. La Lamproie {Petromyzon marinus, L.) remonte dans nos rivières, et en particulier dans la Loire, vers la fin de décembre et le commencement de janvier, pour déposer ses œufs en eau douce. Les jeunes Lamproies passent, comme on le sait depuis les observations de M. A. MuUer (1), un certain temps, environ trois ans, à l'état de larves, qui ont reçu le nom à'Ammocetes. Les Lamproies qui ont accompli l'acte de la reproduction redescendent-elles à la mer, ou meurent -elles au milieu des eaux douces? Le fait est encore incertain; tou- jours est-ii qu'elles disparaissent complètement des fleuves et des rivières (2). On pêche la Lamproie au filet et à la foiiène. Les Ammocètes ou Lamproyons, larves du Petromyzon Planeri, sont fréquemment employés comme amorces, et pour se les procurer, les pêcheurs ont recours à divers engins; mais celui qui paraît le plus commode est la nasse faite en douves assez serrées pour que les poissons ne puissent s'échapper au travers, et qui sont placées de distance en distance dans des barrages de fascines ou de branchages. Ce procédé est en par- ticulier employé par les Russes pour recueilHr \diMinoga {Pe- tromyzon fluviatilis, L.), dans l'Onega, d'où une grande quan- tité ôe]\Jmoga est transportée dans l'intérieur de la Russie. ANGUILLE. Les opinions les plus singulières ont été émises sur la re- production des Anguilles, et quelques-unes ont encore cours parmi les pêcheurs. Dans quelques départements, nous avons (1) Ang. Millier, Note sur le développement des Lamproies {Ann. des Se, nat., Zi*^ série, 1856, t. V, p. 375; — VaiiBeneden, Bull, de CAcad. roy. de Belgique, 2^ série, 1857). (2) Aug. Duméril, loc. cit., p. 21, 2^- série, 1857, t. If, p. 55/i). —Les pêcheurs de la Sioule, dans le Bourbonnais, disent qu'après avoir accompli l'acte de la reproduction, la Lamproie devient maigre, insipide, et ne donne qu'une nourriture malsaine, (r.uillemard.] EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PECHE. 107 entendu aOirmer que les Anguilles font leurs petits dans la vase, où les enfants percent le ventre de leur mère pour venir au jour (1) ; tandis que d'autres pêcheurs les considèrent comme les fdles bâtardes des Goujons (2). La vérité est que les Anguilles descendent les fleuves au commencement de l'hiver (3), et se rendent dans les eaux saumâtres pour s'y reproduire : elles ne peuvent, en effet, propager leur espèce en eau douce, et une expérience faite par notre confère M. de Selys-Longchamps, en donne la preuve évidente. Dans un bassin exactement fermé, où il avait mis des Anguilles dix- huit ans auparavant, il trouva tous ses poissons de même taille, environ quatre pieds de long, mais pas une seule jeune Anguille (li). Peu de temps après leur naissance, les jeunes Anguilles abandonnent les eaux saumâtres pour re- gagner les eaux douces, et remontent le courant du fleuve en bandes immenses, que l'on recueille sous le nom de montée, et qui servent au rempoissonnement. Nous n'avons pas besoin de rappeler ici le beau travail de M. Cosle sur l'exploitation de la montée à Comacchio, non plus que la lettre de M. le docteur Pouchet au préfet de la Seine-Infé- rieure sur l'utilité qu'il y aurait à aménager sur les bords de la Seine des établissements analogues à ceux de Comacchio. Un peu plus tard M. Tessier, conducteur des ponts et chaus- sées, dans une lettre adressée don. Journal de Rouen, ^i^vo^^o^^d. le marais Vernier comme très-bien approprié à cette exploi- tation: ce terrain comprend 12 hectares de superficie qui (1) Cette opinion rappelle celle des anciens auteurs sur la parturition des Vipères, avec lesquelles ils croyaient que certaines Anguilles s'accouplaient. (2) Cette opinion a pour origine la présence assez commune de (ilaires dans la cavité abdominale du Goujon. (3) De Selys-Longchamps, Faune belge, p. 225. iJX) AI. Millet ne pense pas que les Anguilles aient, dans les étangs à Carpes, les inconvénients du Brochet; il trouve à l'Anguille l'avantage de vivre dans bon nombre d'eaux et de pouvoir prospérer là où d'autres poissons ne vien- nent point. Le plus grand inconvénient qu'il leur reconnaisse est leur carac- tère nomade. {Bull.., 2" série, 18G'i, t. 1, p. 773.) i08 SOCIÉTÉ d'acclimatation. peuvent être inondés à marée haute et vidés à marée basse (1). D'autre part, depuis 18(33, il a été créé à Gonfreville-l'Or- cher, prés du Havre, une anguillerie comprenant une soixan- taine de bassins ou parcs, dont le plus grand nombre reçoivent les Anguilles, depuis l'Anguiilette de montée jusqu'à l'Anguille de deux à trois ans pêchée en Seine. Si, dans quelques cas, cette introduction d'Anguillettes peut être avantageuse, elle ne doit cependant pas être faite inditïé- remment dans toutes circonstances; en effet, l'Anguille est d'une voracité telle, que son entrée dans des eaux est des plus nuisibles au succès des expériences de repeuplement, et que nous considérons sa présence comme aussi dangereuse que celle du loup dans la bergerie ('2). On rencontre fréquemment les Anguilles dans le Doubs, de mai à août ; par contre, elles disparaissent, pour ainsi dire, de septembre à avril. On les y prend facilement aux lignes amorcées de petits poissons, ou dans les nasses goujonnières, où elles pénètrent à la suite de ces poissons, qu'elles poursui- vent jusque-là. D'après M. le comte de Joutfroy, à la fm d'août el de septembre, elles suivent le cours de l'eau comme pour descendre vers la mer, et se prennent alors dans de grands paniers placés dans les courants des moulins : celte descente a lieu généralement lors de la crue des eaux et se fait par paquets de cinq ou six poissons enroulés comme des serpents. On suppose qu'elles sont ainsi réunies pour l'acte de la copu- lation, et que la faligue qui résulte pour elles de cette opé- ration physiologique est cause qu'elles se laissent aller au courant (3). L'Anguille se trouve partout en Europe, excepté dans les cours d'eau tributaires de la mer Noire et de l'Azov. (1) E. jNoel, Projet d'un établissement 'piscicole au bord de la Seine, pour la culture des Anguilles {la Vie à la campagne, 1865, t. V, p./i/i5.) (2) Voy. Comptes rendus Académie des sciences, 18/|5, t. LXf, p. 62/i. (3) Comte de JouflVoy, Des espèces domesticables et des Anguilles en par- ticulier (iMénioiie présenté à l'exposition d'Aicachon). EXPOSITIONS INTEIINATIONALES DE PÊCHE. 109 L'Anguille, dont l'absence clans le Danube a été signalée par Albert le Grand, n'est pas encore complètement acclimatée en Hongrie et en Autriche; on prétend qu'elle ne peut y vivre dans les fleuves, et on ne la rencontre guère que dans les eaux limoneuses et profondes de quelques lacs et étangs. (De Wagner.) M. le baron de Washington, président de la Société d'aqui- culture de Slyric, et un des plus ardents promoteurs de la pisciculture dans cette partie de l'empire autrichien, a tenté l'introduction de grandes quantités de montées d'Anguilles dans ses étangs, où il n'y avait que des Brochets et des Carpes ; ces poissons s'y sont développés très-rapidement et d'une manière étonnante, en acquérant une saveur délicieuse. Ouelques-unes de ces Anguilles, sans doute des déserteurs des étangs de M. de Washington, ont été trouvées, depuis celte époque, dans la K.einert, petit affluent de la Mahr, où l'on n'en avait jamais vu avant cette époque. Parmi les nombreux engins destinés à la capture des Anguilles, nasst^, filets, foucnes, nous avons remarqué, en particuher, un tamis employé sur l'Adour pour la pêche aux flambeaux; la fouène de M. Petersen, dont les dents acérées sont très-nombreuses et assez rapprochées pour pénétrer nécessairement dans le corps des plus petites Anguilles. Cet instrument offre la plus grande analogie avec une fouène employée par les pécheurs chinois du Yang-tse-kiang. J. J. Thomas, de Cullercoats (Angleterre), avait exposé des pièges de fer galvanisé, ({ui sont très-appréciés des pécheurs qui les emploient: ce sont des sortes de nasses à parois très- serrées et que ne peuvent traverser les poissons. Ces nasses, du reste, comme toutes celles présentées aux diverses expo- sitions, ne nous ont pas paru aussi bien établies que celles des Hollandais, qui sont remarquables par leur qualité et la su- périorité de leur fabrication. Sur les cotes du Danemark, où les Anguilles se trouvent en très-grande quantité, on n'emploie pas le môme engin dans les diverses localités. Dans le Limfjord, on fait usage de seines, dites botniad, dans lesquelles on oblige le poisson à 110 SOCIÉTÉ d'acclimatation. entrer en l'effrayant au moyen de perches dont on bal l'eau et la vase. Dans le Little-Belt, on emploie plutôt les nasses; dans d'autres localités, on donne la préférence au fouènes ou à des crochets, avec lesquels on se rend maître des Anguilles. LOCHE. La Loche franche {Cobitis barhatida, L.), petit poisson à chair estimée, se cultive beaucoup en Bohême dans des étangs artificiels. Il a été introduit en Suède par le roi Frédéric I" (de Wagner). On la nourrit avec du sang caillé. On trouve dans le Peypous la Loche, qui porte les noms ^ Ouley ka et de Vioun. BARBEAU. Le Barbeau {Barbus flnviatilis^ Val.) abonde dans les eaux courantes ou dormantes de l'Europe méridionale et centrale; on le trouve en quantité en Russie, dans les affluents de la mer Noire et de l'Azov, où il acquiert des dimensions assez considérables. Le Barbeau {Miron) se trouve aussi dans le lac Peypous, contrairement à l'opinion de quelques auteurs, qui croient que ce poisson ne se trouve pas dans le nord de la Russie. POISSONS A ECAILLES. Sous ce nom, Tchastikovaya ryba, les Russes désignent toutes les espèces de poissons autres que les Esturgeons, et en particulier ceux que nous nommons Poissons blancs. Dans ce groupe ils placent le Vobla^ le Gardon, la Brème, le Hareng (Alose) du Volga, la Tarane, le Brochet, la Perche, etc. CARPE. La Carpe {Cyprimis Carpio, L.), qui paraît originaire de l'Asie Mineure et de l'Europe méridionale et orientale, a été introduite en Angleterre en 4 51/i par Marchai, et en 1550 en Danemark, par Pierre Osxe; elle est aujourd'hui répandue dans presque toutes les eaux de l'Europe (1). Elle a même (1) La Carpe a élé impoi léc cti Silésie par Caspar de Noàliz, 1635 ; elle n'a pu se propager en Lilhuaiiie, (De Selys-Lougcliaiiip.s) EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 111 été transportée jusqu'à nos antipodes, car on la trouve, d'après ce que rapporte M. G. Krefft, aujourd'hui en abondance dans les lagunes, entre Sydney et Botany-Bay, où elle paraît provenir des distributions qui avaient été faites quelques années auparavant par le gouverneur de la colonie (1). Du reste, la facilité avec laquelle la Carpe s'accommode de viviers naturels ou arlificiels, à la condition qu'ils soient un peu pro- fonds et qu'ils aient un fond herbeux ou vaseux, explique faci- lement sa naturalisation dans un grand nombre de pays. Introduite en Algérie par les soins de notre confrère, M. Cosson, vers 1S5S (2), la Carpe semble avoir réussi à Bres- cla-le-Bas, chez M. Rioncé, et à Oued-Alling (Mitidja), chez M. Schmidt, bien que l'Emyde d'eau douce y détruise une grande quantité de fretin (3). La Carpe est un poisson à multiplication et à accroissement très-rapide ; aussi la met-on dans les étangs, et est-elle dans quelques pays un moyen très -utile pour les cultivateurs d'augmenter les produits de leurs domaines : cette industrie est en particulier très -répandue dans la Bombes, où elle exerce une influence pernicieuse sur l'hygiène de la contrée. Dans les étangs du Doubs, il faut trois ans pour avoir une Carpe d'une livre et quart. La culture se fait de la manière suivante : Pour un hectare on met trente Carpes adultes, dix femelles et vin^t mâles laites; on obtient ainsi vin^t mille feuilles (alevin d'un an) dans un étang qui s'est bien com- porté; la perte d'oeufs, qui est énorme, peut être évaluée à 95 pour 100 : cette feuille est de deux âges, de mai ou d'août, car la Carpe fraye deux fois. On pêche la feuille et on la porte dans un étang moyen, que l'on peuple à raison de trois mille individus par hectare ; elle a alors 3 centimètres de long et vaut J2 francs le mille. En raison de la destruction qui (1) The Auslralcisian, 1 February 1865. (2) E. Gosson, De l acclimatation de la Carpe et de la Tanche dans lc> eaux douces de l Algérie {Bull, de la Soc, d^acclini., 1862, t. IK, p. 15.) (3) D''Boarjot, linll. de la Son. algér. de climatologie , 18G9, t. VI, p. 90. —Voyez aussi i^u//. de la Soc. d'acclim., T- série, ISfi/i, 1. 1, i). oô^ cl li'od» 112 SOCIÉTÉ d'acclimatation. est opérée parles ennemis nombreux, qui font une guerre in- cessante au poisson, on compte sur quinze cents carpeaux (de 2 ans) longs de 11 centimètres et pesant, en moyenne, 100 grammes. Les Carpeaux sont placés dans de grands étangs, à raison de cent à trois cents par hectare, suivant la nourri- ture plus ou moins abondante qui peut s'y trouver, et au bout d'un an on pêche, pour avoir des Carpes dont le poids moyen est de 625 grammes, et vendues, en moyenne, à la bonde, 80 centimes le kilogramme. On met alors en culture pour trois ans les étangs, qui, plus tard, seront remis en eau pour sept à huit ans (1). La Carpe abonde dans le Kouban, le Koura et le Volga, où on la pêche en grande quantité au moyen de filets de diverses sortes, et l'on en exporte de grandes quantités dans les Pro- vinces danubiennes. Elle atteint souvent le poids d'un poud. (Danilewsky.) CAROUGE. Le Carouge ou Carassin {Carassius v2%flr/5,Nilss.), qui se trouve dans toute l'Europe et dans les régions septentrionales, est intéressant par sa croissance très-rapide, sa multiplication considérable, et surtout par les facilités de sa propagation : en ciï'et, toutes les eaux lui sont bonnes. Le Carassin habite ordinairement les eaux des tourbières, les eaux séléniteuses aussi bien que les eaux marneuses et glaiseuses. Cette espèce a l'avantage de ne pas prendre le fjoût de vase^ mais elle n'acquiert jamais une très-grande taille; son transport est des plus aisés, car on peut la faire voyager à sec, et aussitôt remise à l'eau, elle reprend immédiatement ses habitudes (2). Cette espèce, beaucoup plus multipliée en Allemagne qu'en France, (1) Comte de Joiiiïroy, Espèces domesticahles des poissoiis (Mémoire pré- senté à rexposition crAicaclion, 1866). Les étangs à Brochets doivent être alimentés par un cours d'eau, qui y amène le poisson blanc nécessaire à leur )iouvrilurc. Ceux à Truites doivent recevoir des eaux vives peuplées d'écrc- visses, de vairons et d'insectes, qui sont leur proie. On a remarqué quC;, suivant la nourriture, la couleur des Truites est plus ou moins foncée. (2) Delouche, Pisciculture à Saint-Martin d'Ablois ;Marne) (Bull, de la Soc. d'accUm., '2'^ série, 1870, t, VII, p. lZi2 ) EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 113 a été importée de Pologne en Lorraine parle roi Stanislas, et y est aujourd'hui très-commune, surtout dans la Saille, affluent de la Moselle. Ce poisson (Karasse) abonde dans certaines parties de la Piussie et de la Sibérie, dans le Volga, dans les lacs du Nord et dans a Peza. TANCHE. La Tanche [Tinca vulgaris^Ciw.), généralement moins esti- mée que la Carpe, mais qui se contente d'eaux où celles-ci ne se plaisent pas, et qui peut vivre dans la boue des étangs qui se dessèchent, a été introduite d'Europe en Australie dans les environs de Melbourne, il y a une dizaine d'années, et elle paraît avoir surtout prospéré dans les environs de Launceston, oïl elle est aujourd'hui extrêmement abondante (1). La Tanche (Line) se trouve dans le Peypous ; on la rencontre, mais rarement, dans les lacs des environs d'Arkhangel. GARDON. Le Gardon {Leuciscus rutilas), dont la fécondité extrême a nécessité, dans quelques étangs, l'introduction du Brochet, qui devait tempérer une multipUcation trop abondante, et qui sert de curée à presque tous les poissons carnivores, se plaît aussi bien dans les étangs que les rivières ; il n'est guère élevé que comme pâture, en raison de la qualité assez médiocre de sa chair. M. le vicomte de Beaumont a introduit dans le département de l'Aveyron le Gardon, qui n'y existait pas il y a quelques années, et qui s'est reproduit parfaitement chez lui et chez quelques-uns de ses voisins. Le Gardon {Kraz-no-piorza) se trouve dans le lac Peypous et à l'embouchure du Volga. TARANE (2). Le Lemiscus Heckelii, Nordm., abondant dans la mer (1) Melbourne Arfjus, '20 décembre 1860. [1) Sous c aux poulets qu'on veut faire naître; j'en ai vu qui ont sou- » tenu dans l'œuf une chaleur bien considérable, qui ont ré- » sisté à celle de 37° c. à 3S° {liT environ). J'en ai même eu » que celle de A0° (50° c.) , et un peu plus, n'a pas fait périr. » La chaleur excessive, lorsqu'elle ne sera qu'instantanée y> ou d'une durée très-courte, n'agira pas assez longtemps » sur le poulet pour lui ôter la vie; mais ce que je ne dois j) pas laisser ignorer, et ce que m'ont appris des expériences » répétées, c'est que des poulets sont tués par une chaleur 7) trop forte qui a été d'une assez longue durée, pendant que » d'autres qui y ont été également exposés tiennent bon; cette ^) différence dépend de l'état du poulet, de ce qu'il est plus i près ou plus éloigné d'être à terme. L'excès de chaleur est » plus redoutable à ceux qui sont plus près de naître qu'aux » autres. » Pendant vingt jours consécutifs ^ j'ai souvent fait entrer y> de nouveaux œufs dans le four, dont chacun portait la date » de celui où il avait commencé à être couvé. Lorsque le con- » ducteur du four n'était pas assez instruit, ou lorsqu'il n'a- » vait pas été assez attentif, il lui est arrivé de laisser monter » la chaleur jusqu'à 38° ou /iO° (47° ou 50° c.) la veille du jour LES COUVEUSES DUBUS ET DESCHAMPS. 127 )) OÙ les poulets des premiers œufs devaient éclore : les suites )^ de cette aventure n'ont pas toujours été aussi fatales que » j'avais cru qu'elles le seraient. Pendant deux, trois ou quatre » jours, tantôt plus, tantôt moins, aucun poulet n'éclosait. Je » trouvais ceux qui auraient dû naître ces jours -là morts dans )) leurs coquilles ; à ces jours désagréables en succédaient » dont j'avais plus lieu d'être content ; tout se remettait en y> règle: il naissait chaque jour h peu près autant de poulets y qu'il en serait né si la chaleur du four eût été tenue dans » de justes bornes. » M. Dabry, consul de France à Han-keou, a visité, en avril 1865, un four d'éclosion artificielle prés de sa rési- dence. Parmi les températures relevées chaque jour à midi, j'en trouve trois de liT et trois de 35". D'après le docteur Ernest Godard, il n'y a pas de règle bien formelle pour régler la température des fours égyptiens; les couveurs apprécient. Je lis dans le Bidletin de la Société dUicclimatation (dé- cembre 1868, p. 870): « M. Dareste, qui, depuis quinze ans, s'occupe de re- cherches sur Tevolution embryonnaire, a reconnu qu'une température de /i2" à hV donn?^ un développement plus rapide, mais avec diminution du volume des organes. Si la tempéra- ture monte entre Zi5° et /i7% le développement n'est plus pos- sible. On peut beaucoup plus impunément descendre; la tem- pérature de 28" à 30" permet un commencement d'évolution, qui se fait avec une extrême lenteur, mais qui s'arrête après un certain degré de développement acquis. » Venons-en maintenant aux températures que j'ai observées dans les deux tiroirs de la couveuse Deschamps. Chaque tiroir était muni d'un thermomètre ordinaire et d'un thermomètre à maxima. Au renouvellement de l'eau, je notais la tempéra- ture donnée par le thermomètre ordinaire, température qui était le point de départ de la nouvelle chauffe et le point d'arrivée de la précédente; l'autre thermomètre me donnait la température maxima atteinte par l'appareil pendant la chauffe précédente. • 128 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Le 8 août, pendant la journée, les températures ont été : Tiroir supérieur, 31% 37% 31°.— Variation, 6 degrés. Tiroir inférieur, 35% l\0\ 35°.— Variation, 5 degrés. Dans la nuit du 8 au 9 j'ai eu : Tiroir supérieur, 31% 39%5, 33%5.— Variation, 8%5. Tiroir inférieur, 35% 39% 36°.— Variation, li degrés. Dans la journée du i3 : Tiroir supérieur, 36°, !il% 38°. — Variation, 5 degrés. Tiroir inférieur, 38°, /|0°, 38°. — Variation, 3 degrés. Dans la nuit du 13 au 1/i : Tiroir supérieur, 38", l\l% 38°. —Variation, 3 degrés. Tiroir inférieur, 38°, /iO°, 38°. — Variation, 2 degrés. Dans la journée du 19 : Tiroir supérieur, 36°, Zil°, 39°. — Variation, 5 degrés. Tiroir inférieur, 37°, âO°, 39°. — Variation, 3 degrés. Dans la journée du 2 septembre : Tiroir supérieur, 35°, 3b°,5, 36\ — Variation, li%b. Tiroir inférieur, %li° 39°, 35°. — Variation, 5 degrés. La température maxim.a a souvent varié de 2 degrés dans l'intervalle de vingt-quatre heures, et sans que rien dans les circonstances extérieures puisse expliquer cette différence. La température de la pièce où j'opérais a toujours été comprise entre 18 et 20 degrés, et la quantité d'eau remplacée était chaque fois de 8 litres. Du 2li au 28 août, j'ai placé dans le tiroir inférieur cinq thermomètres à mercure, l'un au miheu, les autres contre les parois. Ces thermomètres ont d'abord donné des indications fort divergentes; ils ont pourtant fini par se rapprocher sans jamais s'accorder entièrement , et, chose étonnante, c'est le thermomètre placé près de la paroi, par où l'on pousse le tiroir, qui a presque toujours indiqué la température la plus élevée, quoique j'eusse retiré le coussin qui a pour but de garantir cette paroi du contact de l'air extérieur. Deux thermomètres placés l'un à côté de l'autre, mais l'un le tube en dessous et l'autre dans la situation opposée, ne m'ont pas non plus donné toujours la même température. LES COUVEUSES DUBUS ET DESCIIAMPS. 120 Quoi qu'il en soit, et pour me résumer, la température n'a pas surpassé, dans mes expériences, les /i'2 ou 43 degrés aux- quels M. Dareste n'attribue que le seul inconvénient de causer un amoindrissement dans le volume des organes ; et jamais je ne suis arrivé à ces températures de 1x7 et 50 degrés qui, dans les expériences de Réaumur, tout en diminuant considérable- ment le nombre des éclosions, ne les ont pas complètement fait disparaître. Dans mon essai de la couveuse Dubus, je n'ai tenu aucun compte de l'état hygrométrique de l'air, et j'ai trouvé un œuf bêché, le 26 juillet, à quatre heures du soir, au moment où, sur les observations de M. Geoffroy Saint-lIilairCj je me disposais à introduire de l'humidité dans le tiroir. A la vérité, le poulet, comme je l'ai dit plus haut, n'a pu sortir de la coquille, mais il était arrivé à terme, et, s'il n'a pu vivre, il n'en a pas été de même du second, qui réunissait tous les caractères de santé et de vigueur. Il en résulte que l'entretien d'une humidité constante dans le tiroii^ n'est pas nécessaire; ™ du reste, pour la couveuse Deschamps, j'ai maintenu une humidité constante dans l'appareil, et cependant les résuUals ont encore été moins favorables. 2e SÉRIE, T. VIIL— Mars et Avril 1871. 9 COUP D'ŒIL SUR LE JARDIN BOTANIQUE UE BREST ET SUR LES PFiLNClLWLES CULTURES M.VUAlGliÈUES DU FINISTÈRE Par M. E. YAYI\. La Bretagne est un pays bien curieux, par la muUiplicilé et la diversité d'une végétation particulière ta des localités qui se touchent presque, et qui cependant ont chacune des produits diiïérents. Ainsi, à Quiinper, la température douce qui y règne permet de jouir d'une végétation luxuriante que l'on ne trouve guère que dans nos pays méridionaux. Plou- gastel est renommé par ses magnifiques Fraises qui font, aussitôt que la saison s'adoucit, la richesse de tous ses habi- tants. L'espèce de Fraise qui y est cultivée est la Fraise du Chili {Fragaria chilensis), api^OYlàc à Brest, en 1712, de la Conception, par un officier du génie nommé Frézier. Pont- fAbbé est apprécié par rexlrème bonté de ses Pommes de terre, dont on voudrait voir la culture plus répandue ; mais, ainsi que les Fraises de Plougastel, les Pommes de terre de Pont-1'Abbé pourraient-ehes, dans un autre terrain, et à des expositions différentes, être aussi bonnes et mériter d'être ainsi appréciées? Si, maintenant, remontant vers le nord de ce riche pays, nous allons h. Roscoff, alors notre admiration u a plus de limites : ces plaines si riches, d'une végétation tout exceptionnelle, nous offrent des produits impossibles à obtenir ailleurs. Il faut aller visiter cet endroit privilégié, pour être amené à admirer, sans aucune restriction, des pro- duits si magnifiques et si variés. Lorsque le mois de mars ar- rive, les habitants de Pioscoff, aidés par la situation de leurs champs, leur exposition près de la mer et par la qualité du COLT d'œIL sur le JAIiDlN BOTANIQUE DE BREST. 131 lerrain, voient, sans être obligés à un travail exceptionnel, pousser avec une abondance extraordinaire, les Choux-fleurs, les Artichauts, les Asperges, etc., qu'ils s'empressent de porter aux grandes villes, débouchés si naturels pour l'abondance et la richesse des pays producteurs. Les plus beaux Choux-ileurs coûtent 100 francs le mille. C'est à Roscoff que se trouve ce célèbre Figuier dont les branches couvrent une superficie de hSli mètres ; le tronc mesure 55 centimètres de diamètre : aussi l'heureux propriétaire de cette merveille végétale a-t-il été obligé de la soutenir par des piliers de pierre au nombre de plus de trente. C'est par milliers que l'on compte les figues blanches qu'il y récolte. Les magnifiques. -lr«i^m?7*a qui se trouvent dans la propriété de M. de Kersozon, à Penendreff, m'ont paru tellement beaux par leur dimension et la vigueur de leur végétation, que je compte en faire le sujet d'une note spéciale. Les Araucaria imhricala devraient être plus répandus dans ce pays visité si souvent par des vents bien nuisibles à certains végétaux ; car ils ofirent, par le poids de leurs branches, des brise-vent que l'on pourrait comparer à ceux que nous don- nent si naturellement les montagnes et les rochers. Ce qui a surtout attiré notre curiosité et excité notre extase, ce sont les diversités de végétations , sans être le résultat cependant d'ex- positions bien ditTérentes, des produits que l'on trouve dans le jardin botanique de Brest. Permettez-moi, messieurs, de vous faire assister avec moi à une promenade dans ce jardin, et de nous faire accompagner de son modeste et savant jardinier en chef, M. Blanchard. Le jardin botanique, situé à l'hôpital maritime, est d'un hec- tare environ ; il est divisé en trois parties. La différence du niveau du sol, qui est même assez considérable dans la partie supérieure, a été adroitement dissimulée, et M. Blanchard a su mettre judicieusement à profit ces terrains si divers, quoique renfermés dans un si petit espace. Ce jardin renferme des végé- taux des diverses contrées du globe. Notre célèbre chirurgien, le docteur Kucbard, en est le directeur ; il se trouve parfaite- ment secondé par le jardinier en chef, dont le talent est à la 132 SOCIÉTÉ d'acclimatation. haïUeiirde la'mission qui lui est confiée. Les amateurs qui ont visité ce jardin, ii y a quelques années, sont agréablement surpris des heureux changements qui y ont été apportés, et de la belle végétation de toutes les plantes qui réclament des soins si multiples et si incessants. M. Blanchard travaille de- puis près de cinq ans à classer méthodiquement toutes ces innombrables et intéressantes plantes; il espère prochaine- ment en publier le volumineux catalogue. J'ai voulu, pendant mon séjour à Brest, jeter sur le papier les quelques notes que j'ai prises, afin d'engager ceux qui viendront dans cette ville à aller visiter cette curieuse et intéressante collection; ils en sortiront, je l'espère, aussi ravis que je l'ai été moi-même. J'ai été très-heureux d'avoir fait la connaissance de M, Blan - chard. Dans sa savante conversation, j'ai augmenté non-seu- lement mes connaissances horticoles; mais son aimable carac- tère m'a fait passer des heures bien agréables, sans me faire oublier cependant les malheurs de notre belle et pauvre France. Je dois faire remarquer que l'hiver de cette triste année de 1870 a été, à Brest, d'une rigueur telle qu'il ne peut être com- paré qu'à celui de 1830. Le thermomètre est descendu jus- qu'à — T au jardin botanique, ce qui, dans la campagne, lait à peu près — 9". La serre, qui n'a été entièrement terminée que cette année, est divisée en deux parties égales: l'une renferme les plantes qui n'ont besoin que d'être abritées du froid; l'autre contient les végétaux des tropiques. La longueur totale de cette serre est de /jO mètres sur 9 mètres de profondeur; la hauteur est de 8 mètres sous le vitrage; un vestibule, entièrement pareil aux deux serres, les sépare; il a 3 mètres de large. Il faudrait une plume plus exercée que la mienne pour signaler les plantes rares qu elles renferment. Voici celles qui, par leur force, leur beauté, ont principalement attiré mon attention, ou qui m'ont élé particuhèrement signalées : LeT)racœ7ia umbracalifera est surlout remarquable par sa force et l'ampleur de son riche feuillage; son stipe atteint 6 nivitres de hauteur, 2 mètres sont garnis de feuilles, Ce Dra- COUP D'œIL sur le jardin ROTANIQUE de BREST. J33 çœna n'a jamais tleuri ; est-ce cette circonstance qui est la cause de son extrême beauté ? (1) Un Dracœna fragrans, de 6 mètres de haut, était garni au commencement de février de cinq panicules de fleurs blanches comme la neige, et répandant, après le coucher du soleil, une odeur de vanille la plus suave. Bamimsa arundinacea. Ce Bambou, qui a plus de 7 mètres de haut, a été la cause innocente de la construction de la nou- velle serre; sa végétation a été tellement rapide, (pa'il a dé- foncé le vitrage de l'ancienne serre, et comme il continue à pousser aussi vigoureusement, on se trouve dans la nécessité de rététer. Un Dammara rohusta, de la famille des Conifères, actuelle- ment en caisse, doit être mis ce printemps en pleine terre ; il a déjà plus de 3 mètres. Cet arbuste, encore assez rare, est peut-être le seul exemplaire de cette force qui soit en France. Un Pandanus utilis appelle, par ses belles dimensions, l'attention et l'admiration des visiteurs; ses trois belles et fortes branches sont tellement couvertes d'un luxuriant feuillage, qu'un étai a dû être placé cà l'une d'elles. Ce qu'il y a de curieux dans ce végétal, ce sont ses énormes racines qui partent de sa tige à un mètre du sol, et qui lui servent de soutien. V Araucaria Cooki est une des rares plantes de la serre tempérée, ainsi que le Cedrela australu; V Araucaria Bid- ivilli, le Cycloptera robmta; un magnifique Leucadendron argeineum, ou Arbre d'argent, de 3 mètres de hauteur, très- belle Protéacée du Cap, que l'on voit rarement dans nos serres ; et un Trinax argentea^ Palmier du Mexique. Nous remanpaons encore dans la serre chaude .un Macro- (1) Dans une lettre, dat(^e du 3 mai, M. Blancliard m'écrit que le beau Dracœna umhracuUfera se prépare mallieureuscment à montrer une magni- li'iue panicule de fleurs de Uvnie épis, qui ont maintenant à peu près 0"î,ZiO de long. Il craint qu'après cette floraison, il ne se bifurque et ne lasse plus qu'une planf» rabougrie et très-ordinaire. [Note ajoutée pendant l'im- ressionA 13/i SOCIETE D ACCLIMATATION. zamia spiralis, Gycadée de la Nouvelle-Hollande, au stipe énorme et très-court. Un Foiircroya gigantea (Agave), un TJieophrastaimperialis; un Torenia thorsliana^ petite plante annuelle de la Cochin- chine, charmante miniature aux belles fleurs bleues, ainsi que Y Hibiscus mutabilis. Cette plante, qui a été tant vantée par les voyageurs dans ces derniers temps, était en fleur aux mois de novembre et décembre ; terminée par trois ou quatre feuilles lobées et autant de fleurs roses, grandes comme celles de Y Hibiscus Rosa sinensis, mais sans effet, et ne changeant pas de couleur, ainsi que certaines personnes le prétendent. Cette plante a donné des graines qui sont arrivées à parfaite matu- rité, mais elle ne mérite pas la culture ni l'éloge qu'on en a fait. J'aurais pu facilement citer encore plusieurs végétaux aussi rares que curieux, qui sont dans cette serre. VÉGÉTAUX DE PLEINE TERRE. Gunnera scabra, du Chih. Ln superbe exemplaire, entouré d'eau de tous côtés, a été donné en 1859 par M. Besnou, pharmacien de la marine, actuellement directeur du jardin d'Avranches (Manche). M. Blanchard a fait couper en ma présence un des fruits ou cônes, qui mesurait!'", 90 de circon- férence; il pesait 11 kilogr.; quelques feuilles ont plus de 2 mètres d'étendue. Cette belle plante aquatique, qui a perdu en ce moment ses belles feuilles, n'a nullement souffert des grands froids, quoiqu'elle n'ait pas été garantie. Une remar- que essentielle à faire sur la reproduction de cette plante, c'est que les graines qui tombent naturellement sur le sol sont les sQules qui germent. Aponogeton distachynm, Linn. Cette belle plante aqua- tique avait, en janvier, des fleurs. Il paraît que ce végétal s'est tellement acclimaté dans une rivière des environs de Brest, propriété de M. Camescosse, qu'elle est devenue un inconvénient tel, qu'on est obligé de draguer tous les ans pour faciliter l'écoulement de l'eau. COUP d'œil sur le jardtn f.otaniouf, de rrest. 1B5 LesEucali/pt7fs Globnhis d'Australie, provenant d'un semis de cette année, étaient déjà très-forts, ils avaient plus de 2 mètres; malheureusement ils n'ont pu supporter les rigueurs d'un hiver exceptionnel. Je conseillerais de les planter plus rapprochés et en plus grand nombre, ainsi que l'essai en a été fait par M. Auzende au jardin de la ville de Toulon. Chamœrops major, de 2"', 50, le stipe a l^'jôO; il passe parfaitement l'hiver à Brest sans couverture. Chamœrops humilis, d'Afrique, mis en pleine terre en 1850, a aujourd'hui 1™,10 de haut. Ces Palmiers fleurissent très- bien, mais ne donnent pas de graines ; cela tient, je pense, au climat humide de Brest (1). Des Chamœrops excelsa, de Chine, âgés de quatre ans et mesurant 1'", 50, ont supporté sans aucun abri 7 degrés de froid. Sous le climat de Paris, il faut garantir cette espèce. Camellia japonica. Plusieurs ont été plantés par M. Lau- rent, jardinier-chef en ^810; les troncs de ceux que j'ai mesurés ont, près du sol, 45 à 50 centimètres ; leur behe et luxuriante verdure en février prouve qu'ils ont supporté bravement les frimas de cet hiver. Beaucoup de ces Camel- bas sont de véritables arbres ; quelques-uns ont plus de 10 mètres de tour et 3 mètres de haut ; ils fleurissent tous les ans et donnent des graines parfaitement mûres. Un Yucca gloriosa, apporté de l'Amérique septentrionale en 1823, a été donné au jardin botanique par M. Fiossi, capitaine de vaisseau : le tronc a 98 centimètres ; la hauteur, sans com- prendre les hampes, dépasse 2"',S5 ; il a six belles et fortes branches qui ont en moyenne hQ centimètres chacune. Ce Yucca se trouvait, cet automne, garni de vingt-trois hampes de fleurs ayant à peu près 1 mètre. La photographie ci-jointe, faite il y a quatre ans, vous fera mieux voir la beauté si extra- ordinaire, comme forme et grandeur, de ce Yucca unique, qui a bravé la neige et près de — 7 degrés, sans en avoir nullement soulfert. (1) Les pelils Palmiers (UAfrique ont eu le rœiir golé cel lùver. iletlip de M. Blanchard.) J36 SOCIÉTÉ d'accltmatation. Bamhma strict a ^ de l'Himalaya, obtenu de semis, dépasse déjà un mètre de haut, et a résisté très-bien aux grands froids. Bamhusa r/racilis a, sous ce climat, l'inconvénient de geler, mais repousse facilement du pied et atteint dans Tannée pins de 3 mètres. Bambusa viridi-glmicescens a quelque rapport avec le Bamhusa mitis ; mais les feuilles sont moins larges et moins longues. Cette espèce vient admirablement et atteint h mètres de haut. Bambusa Quilioi, petite espèce qui atteint un mètre. Bamhusa nigra, aurea, violascens. Tous ces Bambous, plantés en pleine terre depuis trois ans, paraissent s'acclima- ter parfaitement à Brest ; ils atteignent 2'", 50 de hauteur ; ils seront surtout utiles pour tenir les terres le long des courants d'eau. Ces plantes traçant énormément, il est fâcheux qne les propriétaires ne s'en occupent pas plus, car non-seulement ce sont de jolies plantes d'ornement , mais elles pour- raient devenir très-utiles pour former des brise-vent et des abris. Erica arborca. Il était déjà question de ces belles Bruyères dans un catalogue publié en 1811, ce qui prouve qu'elles ont plus de soixante ans. La plupart dépassent en hauteur h mètres, leur tronc 55 à 60 centimètres, et leur envergure plus de 2 mètres. Malgré la rigueur de l'hiver, qui les a beau- coup fatiguées, puisque quelques-unes des grosses branches se sont fendues lors du dégel, tous ces Erica sont cependant en fleur au commencement de février. Cela prouve qu'une atmosphère humide leur convient, et que l'on ferait bien de tenter leur culture dans les endroits frais et ombragés des environs de Paris. Erica mnltiflora. Environs de Paris. — cinerea. Environs de Paris. — tctralix. Environs de Paris. — ciliaris. Commun en Bretagne. — mediterranea. Bretagne méridionale. — stricta. Corse. COUP D ŒIL SUR LE JARDIN BOTANIQUE DE BREST. 1 !"7 Erica poli/trichifoîia. Porlugal et France méridionale. — carnea. Europe australe. La plupart de ces charmantes Bruyères donnent non-seule- ment des graines qui lèvent naturellement dans ce pays, si propice aux essais d'acclimatation, mais encore des variétés: ainsi M. Blanchard a ohtenu V Erica tctraUx alba, V Erica cinerea alba, carnea, mdfjaris alba^ et autres variétés inter- médiaires. Aralia trifolia^ quoique en pleine terre, a résisté aux froids, sans abri. Eufjenia apiculata, Nouvelle-Hollande. Fleurs blanches au printemps et à l'automne; est garni de jolis petits fruits noirs. Est resté sans aliri, ainsi que VEugciiia (Jfjni du Chili. Phormiiim tenax^ ou Lin de la Nouvelle-Zélande. Nous avons remarqué, entre autres plantes qui passent i'hivrr dehors, le Phormium tenax, qui forme des touffes magnifiques et fleurit quelquefois. Ce qui a attiré notre attention sur cette j)lante, c'est un pied cultivé dans un bassin, absolument comme on cultiverait un Nénuphar; cette plante n'est cepen- dant pas aquatique. Un des motifs de sa belle prospérité, c'est qu'elle a été cultivée auparavant dans une caisse étroite, jus- qu'à ce que les racines en aient parfaitement tapissé les parois ; ensuite elle a été submergée, et depuis dix ans ce Phornmnn y végète parfaitement. On devrait tenter cet essai dans les eaux vives, et qui ne gèlent pas, des environs de Paris. Au mois de janvier, l'eau du bassin où était ce Lin était gelée à plus de 15 degrés. Aspidistra lurida, (pie l'on cultive en serre chaude au Muséum de Paris, s'accommode parfaitement aussi de la pleine terre sans couverture, et croît même mieux qu'en serre. Le Yucca aloifolia, le Gymnothrix latifolia^ nouvelle Graminée, réussissenl très-bien en pleine terre. Gyneriiim arrjenteum. Cette belle plante s'est entièrement acclimatée sur les talus du chemin ; elle se ressème d'elle- même. Un propriétaire de Morlaix met le feu à ses Gyncriiim à l'automne ; ils se trouvent ainsi préservés des gelées par la cendre qui garantit les racines. Le Convolcidm Cncorum, 138 SOCIÉTÉ d'acclimatation. le C . mauritanien 9, le Veronica salicifolia^ se ressèment aussi d'eux-mêmes dans les rochers. \] Aralia impyrifera gèle sou- vent, mais il repousse du pied ; XAralia Sieboldii ne gèle jamais. Le Muellenheckia nummularia passe aussi très-bien l'hiver. Parmi les Myrtacées, celles qui ont passé l'hiver à Brest sont \^^ Eucalyptus resinifera eivimiîialis, Melaleuca thymi- folia, CalUstewLon speciosum et rigidum, Leptospermum lanigerum, Beckea virgata et Metrosideros mridiflora. Parmi les Légumineuses, il faut remarquer le Medicago ar- horea^ YAnagyris fœtida^ \ePsoraIea glandulosa, VEdwardsia chilensis. etc. Un essai a été fait sur quelques arbres fruitiers des pays méridionaux ; voici à peu près les résultats : UEriobotrya vit très-bien en pleine terre, fleurit bien, mais il ne donne pas de fruits. L'Olivier pousse également bien, mais ne fleurit pas. Le Caroubier gèle ; le Diospyros Kaki du Japon supporte aussi très-bien l'hiver, et n'a pas encore fleuri. L'(3rangeret le Citronnier gèlent à h degrés. VHoveniadulcis pousse très-bien, mais tardivement, de sorte que les pousses ne s'aoûtent pas ; il gèle facilement. Le Pistachier est dans le même cas. Le Jujubier vient assez difficilement, ceci tient à l'humidité du climat ; il fleurit très- bien, mais ne fructifie pas. Le Câprier pousse maigrement; il fleurit cependant. Le Grenadier donne des fleurs, sans fructi- fier non plus; cependant quelques-uns, qui se trouvent dans l'intérieur de la ville, à l'abri, fructifient, mais mûrissent difficilement. Le Figuier blanc pousse très-bien, et les figues arrivent à maturité; le Figuier rouge ne produit pas, parce que les boutons poussent trop tôt et gèlent ; les deuxièmes se nouent, mais elles gèlent avant de mûrir. L'Abricotier, l'Aman- dier, fleurissent trop tôt et ne produisent pas non plus; quant à la Vigne, le raisin vient trop lard en pleine terre : dans les années ordinaires, il ne mûrit pas ; il lui faut la serre. II. EXTRAITS DES PROCES - VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE L\ SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 10 MARS 1871. Présidence de M. de Quatrefages, vice-présidenU M. Wallut, secrétaire du Conseil, donne lecture du procès- verbal de la séance précédente, qui est adopté sans observa- tions. Il procède ensuite au dépouillement de la correspon- dance. — M. Valdemaire, notaire à Cornimont (Vosges), réclame les termes échus de la pension servie par la Société à la veuve Remy. — M.Bertherand, secrétaire général de la Société de clima- tologie d'Algérie, transmet une note sur les résultats obtenus par M. Rivière au jardin d'essai d'Alger. (Voyez au Bulletin.) A l'occasion de la note de M. Rivière, relative aux résul- tats obtenus au jardin d'essai d'Alger, M. Gillet de Grandmonl exprime le désir que des graines de Chanvre géant soient de- mandées. — M. Hesse, délégué de la Société à Marseille, fait savoir que les plantes chargées le 27 août à Rio-Janeiro sur le paquebot le Poitou, sont arrivées à Marseille, en septembre dernier, dans un tel état, qu'il a fallu les jeter à la mer. — M. Brot adresse un fragment du journal de Milan, laPer- severanza, qui contient la reproduction de la déclaration de la Société du 27 janvier dernier. M. Wagner, délégué de la Société à Pesth, annonce que cent vingt journaux de la Hongrie vont reproduire cette même déclaration. A l'occasion de la publication dans les journaux étran- gers de la décision prise par la Société au sujet des princes et souverains allemands, M. Wallut exprime le regret de n'a- voir pas vu son nom figurer parmi ceux des membres du ïhO SOCIÉTÉ d'acclimatation. Conseil qui ont signé celle déclaration, et explique que, re- tenu par un service actif, il n'a pu assister à la séance où la décision a été prise ; mais il a immédiatement écrit au secré- tariat de la Société pour réclamer le rétablissement de son nom. M. Gillet de Grandmont fait une déclaration analogue. L'assemblée donne acte à MM. Wallut et Gillet de Grandmont de leur adhésion à la délibération dont il s'agit. — M. L. Soubeiran, en ce moment à Londres, annonce le prochain retour de M. Drouyn de Lhuys à Paris. — M. Jullien (de Bourges) sollicite l'envoi de plantes et d'œufs de Vers à soie. — Lord Vernon accuse réception de la lettre de remercîments qui lui a été adressée par la Société, et témoigne, en son nom et au nom des membres du comité anglais, de ses vives sympathies pour l'agriculture française. Il ajoute que l'exi- guïté des ressources du comité l'oblige, quant à présent, à borner ses distributions de graines au déparlement de la Somme et à la Beaucc, qui semblent avoir été plus particu- lièrement éprouvés par la guerre. A cette occasion, M. Wallut regrette que, sur la déclaration de M. G. Fabre faite à la séance précédente, il se soit cru au- torisé à adresser aux journaux de Scine-et-Oise et de Seine- et-Marne la circulaire porlanl appel indistinctement à tous les cultivateurs. — M. le Président donne connaissance à l'assemblée de la lettre suivante par laquelle M. Eugène Simon demande que l'exclusion volée précédemment contre les princes et souve- rains allemands soit étendue indistinctement à tous les citoyens appartenant aux États allemands qui ont pris part à la guerre contre la France. c Paris, le 8 mars 1871. » Monsieur le Président, » La Société d'acclimatation a, dans l'une de ses dernières séances, prononcé à l'unanimité l'exclusion de tousUes princes allemands de la protection et du patronage desquels elle s'élail honorée jusque-là. Elle a excepté de cette juste exécu- PROCÈS-VERBAUX. iM lion les sujets allemands, par ce motif, a-t-on dit, que ces individus ne devaient être considérés que comme les instru- ments aveugles et malheureux de leurs princes. Le moment me paraît venu, monsieur le Président, d'en appeler à la Société d'acclimatation elle-même de son trop généreux juge- ment. » La guerre dont nous sommes les victimes n'a pas eu, il importe de ne pas le perdre de vue, une seule période, la pé- riode d'invasion dont je laisserais volontiers rentière et exclu- sive responsabilité à ceux qui l'ont préméditée et conduite. Il y en a eu une première, celle de la préparation, dont il me paraît impossible d'excuser aucun de ceux qui y ont coopéré, c'est-à-dire aucun Allemand. Gomment, par quels moyens, en effet, s'est élaborée cette préparation du côté des Allemands. Pendant vingt ans au moins, accueillis dans nos salons et dans nos familles, reçus dans nos Sociétés savantes, pendant vingt ans traités dans nos comptoirs et dans nos ateliers comme nos compatriotes dont ils partageaient le pain, ils se sont servis contre nous de l'hospitalité que nous leur avions donnée. Et cette hospitalité était si large, que, dans nos chers départe- ments de l'Alsace et de la Lorraine où je suis né, et où la haine qu'ils nous ont toujours inspirée est la plus vivace, ils avaient fini, grâce à une espèce d'assoupissement apparent qu'expli- quent les délétères doctrines de l'internationalisme qu'on en- seignait depuis vingt ans, par y être en nombre vraiment con- sidérable. Eh bien ! pendant ces vingt années de guerre sourde, déloyale et honteuse, rien ne leur a paru sacré, tout leur a servi de prétexte. » On pourrait citer tel savant parmi eux qui, pris d'une animosité jalouse à l'aspect de Paris qu'il contemplait^ en pronostiquait avec rage la ruine prochaine ; tels et tels autres explorantn os musées et nos bibliothé [ues, voire nos maisons, et nijlant avec soin les richesses qu'ils devaient venir y voler. Qui ne sait eniin les agitations et les émeutes soulevées dans nos ateliers et dirigées par les agents de l'xYllemagne, sou- doyées par son argent '/ » Mais ce qu'il y a de pis et ce qui doit cnq)ècher à l'avenir il\2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. loiil homme d'honneur de se commeLlre avec aucun Allemand, c'est qu'ils ne paraissent même pas soupçonner l'infamie de pareilles façons d'agir, et que chez eux l'espionnage est élevé à la hauteur d'une institution. )) En conséquence, je viens, monsieur le Président, vous demander de soumettre à la prochaine réunion de la Société d'acclimatation les considérants et la mesure qui suivent : » La Société, etc. )) Considérant qu'il résulte des faits de la dernière guerre )) que l'espionnage est, chez les Allemands, élevé à la hauteur » d'une institution, dont les agents se recrutent dans toutes les » classes et jusque dans les corps savants de leur société ; )) Considérant que l'on ne peut plus dès lors se croire en » lieu sûr partout où se rencontre un Allemand, et que l'on )) ne saurait, sans se commettre et se compromettre, rester » en relations, de quelque nature qu'elles soient, avec aucun » d'eux ; )) Décide : » Tous les Allemands des Etals ayant porté les armes contre t la France dans la dernière guerre sont rayés des listes des ;) memhres de la Société d'acclimatation. )) Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon )) profond respect. 7) G. Eug. Simon, )) Consul de France, membre honoraire de la Société d'acclimalation, etc. , elc. » M. le Président combal la proposition faite par M. Simon : — Il y a déjà chose jugée, puisque cette proposition n'est autre chose que celle de M. Ramel. Ce dernier, comme M. Simon, avaitparlédu système général d'espionnage si odieu- sement mis en œuvre par l'Allemagne, à l'époque même oi^i rien ne faisait prévoir une guerre possible entre elle et nous. Pourtant la Société a repoussé la proposition de M. Ramel. M. de Quatrefages verrait avec une véritable douleur les haines politiques envahir oftlciellement jusqu'au domaine de la science. Comme individu, chacun est maître de ses senli- menls. lien est autrement des sociétés savantes. Elles auraient PROCÈS-VERBAUX. l/lS le plus grand tort si elles se laissaient entraîner à partager des passions étrangères au but même de leur institution. Notre Société, en particulier, essentiellement internationale par sa nature et par tout son passé, ne doit pas donner un pareil exemple. D'ailleurs, il faut avant tout être juste et ne pas frapper des innocents. Or, nous n'avons aucun renseignement sur la ma- nière dont nos collègues allemands ont jugé la guerre actuelle. M. de Ouatrefages aime à penser qu'il en est qui l'ont déplorée dès le début, comme il l'a fait lui-même, comme l'ont fait presque toutes les personnes avec qui il a abordé ce doulou- reux sujet. A plus forte raison, il se plaît à croire que nos collègues, de n'importe quelle nationalité, ont eu horreur de ce prétendu Code de guerre à la fois si cruel et si lâche, dont les chefs allemands nous ont fait l'application. C'est à ces chefs, mais à eux seuls, que doit remonter la responsabilité des actes si justement flétris par MM. Ramel et Simon. Voilà pourquoi M. de Quatrefages s'est associé de tout cœur à ceux de ses collègues qui ont demandé leur ra- diation; mais voilà aussi pourquoi il combat de tout son pou- voir une proposition qui étendrait cette mesure à tous les membres allemands indistinctement. S'il en est qui se soient faits les instruments de mesures odieuses, surtout si l'on peut prouver ({ue quelqu'un d'entre eux a joué le rôle d'espion, oui, certes, nous devons le rejeter comme indigne, et nos coUègues de tout pays ratifieront à coup sûr ce verdict. Mais, en l'absence de preuves positives, nous devons nous abstenir. En répudiant la protection des princes et des chefs de l'armée allemande, au moment môme où leur armée pouvait à chaque instant entrer dans Paris, la Société d'acchmatation faisait acte d'indépendance et de dignité, peut-être de courage. Au contraire, la radiation de simples particuliers que rien • n'accuse, dont nous ne connaissons pas les sentiments, dont la France a peut-être conservé les plus vraies sympathies, serait nécessairement regardée comme un acte de colère et de ran- cune impuissantes. IZi/i SOCIÉTÉ d'acclimatation. En conséquence, M. de Quatrefages pense que la Société doit s'en tenir à ses précédentes résolutions. M. E. Simon prend la parole pour défendre sa proposition et en demande le renvoi au Conseil. M. Wallut fait observer qu'après la décision prise sur la proposition du Conseil, ce renvoi impliquerait moralement un blâme et un désaveu, tant envers l'assemblée qu'envers le Conseil. Après une discussion à laquelle prennent part MM. l'abbé Delaunay, de Quatrefages, Gillet de Grandniont, Ricbard (du Canlal), Geoffroy Saint-liilairc, Simon, AValhit et M. le baron Larrey, l'assemblée décide tpie la proposition ne sera pas ren- vovée au Conseil. Immédiatement après le vote, M. E. Simon déclare donner sa démission de membre de la Société, ne voulant pas, dit-il, s'exposer à se rencontrer en séance avec un collègue alle- mand. Toutefois, sur les instances de M. le Président et de l'as- semblée, M. E. Simon retire sa démission. — M. Decruix donne des indications sur l'origine, la nature et les dangers du typlms des bêtes à cornes. A la demande de M. le baron Larrey, il promet une note qui résumera sur ce sujet ses observations personnelles et celles des principaux médecins et vétérinaires qui se sont occupés de la question. M. Leblanc regrette de ne pouvoir partager la confiance de M. Decroix dans Tinnocuité de la viande des animaux at- teints par le typbus. Si l'usage momentané et exceptionnel de celte viande n'a pas (3U de résultats immédiats pour la santé, renq)loi permanent et régulier présenterait bientôt, selon lui, les plus graves dangers. Il ajojate que la manipulation seule, comme dans les cas de morve et de charbon, peut, peut-être, pioduire de redoutables accidents. Il convient toutefois que, dans les circonstances actuelles, tous les animaux étant plus ou moins, ta Paris, sous l'inlluence de la maladie régnante, on est bien forcé, sous peine de se condamner à une abstinence piesque absolue, de faire usage de la viande en question, mais en r.e doit le faire qu'avec une prudence extrême. rROCÈS-VERBAL'X. 1A5 M. fie Quatrefages rappelle que pendant le blocus de Stras- bourg en 1815, la population et la garnison de cette ville durent faire usage, pendant un temps fort long, de viande de bœufs parmi lesquels sévissait le typhus, et que la santé pu- blique ne présenta néanmoins aucune altération spéciale. SÉANCE DU 24 MARS 187^. Prcsidencc de M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. — M. le Président fait connaître les noms des membres récemment admis par le Conseil: MM. DiiiON (0.), propriétaire, au château de Marlague, par Namur (Belgique). Drion-Deslinsel, proprétaire, à Onnaing, par Yalen- ciennes (Nord). — M. le Président, à l'occasion du procès-verbal, fait con- naître que, dans une de ses dernières séances, l'Académie de médecine a repoussé h l'unanimité la proposition qui lui avait été faite par un de ses membres, de rayer des listes de ses membres tous les Allemands appartenant aux nations qui ont combattu contre la France, et fait remarquer que cette déci- sion est conforme à celle qu'a prise récemment la Société d'acclimatation. M. de (Juatrefages est heureux d'avoir à con- stater ces preuves du véritable esprit de libéralisme scienli- iique que n'ont pu altérer chez nous, ni les désastres de la guerre, ni les manifestations d'un esprit tout autre qui ont eu lieu en Allemagne. — M. le Secrétaire dépouille la correspondance. Elle se compose : 1" D'une lettre de M. le général Morin, qui communique une note de son lils, M. Ed. Morin, sur la culture des Chi- chona à l'ile de la Réunion. (Voyez au Bulletin^ p. 25.) 2*^ SÉRIE, T. Vlll, — Mars et Avril 1871. 10 l/lG SOCIÉTÉ d'acclimatation. 2° Une lettre de M. Ghagot aîné, qui demande si la Société pourrait procurer à M. Ray les alevins nécessaires pour rem- poissonner ses étangs dévastés pendant l'investissement par l'ennemi, et ajoute : a Puisque M. Ray se souvient de mon prix de 2000 fr. qui, dans le temps, fut décerné à M. Hardy, je rappellerai que ce fut un peu malgré ma volonté. En elïet, alors, je disais : Mon programme n'est qu'en partie résolu, car, de 1854 à 18(52, cette question de l'Autruche a excité les éleveurs, mais, depuis, Téducation en grand n'a jamais été accomplie; cependant M. Héritte, consul au Gap, et d'autres, m'ont affirmé que dans l'intérieur du pays il y a des fermiers qui se font un rapport de 100 livres sterling par Autruche. » Mais quand j'ai fondé ce prix, ce n'était pas comme savant, car je ne suis que fabricant, et je vois chaque jour amener la disparition de la plume par la chasse que les Arabes font à l'Autruche. )) Jeunes comme vieilles Autruches, œufs (par suite, pas de temps pour la reproduction), tout y passe ; c'est donc l'anéan- tissement de cet oiseau. Et pour preuve, aujourd'hui une belle plume blanche de la partie de l'aile coûte 15 fr. pièce ; j Une deuxième qualité, 7 fr. 50 c. ; » Une troisième qualité, 3 fr. 75 c. ; » Une du bout de la queue, 1 fr. 50 c. >^ 250 grammes beau noir, à 500 francs le kilogr., 125 fr.; 300 kilogr. environ qualité ordinaire, 210 francs. Et si l'on compte environ quarante-plumes d'aile par oiseau, cent plumes à la queue, on trouve que chaque oiseau produirait 665 fr., sans compter la chair et la graisse de l'oiseau, qui ont une certaine valeur. D D'après cet exposé, on se demande s'il existe dans le monde un oiseau aussi important, et cependant l'Autruche tend à disparaître du globe. » Ne serait-ce pas le moment de s'occuper de cet élevage en grand, soit en Algérie ou dans d'autres contrées? il y au- rait là, selon moi, une affaire de grande spéculation. )> 3" Un numéro du journal lAmt de. la France, transmis par M. Flury-Flobert, et dans lequel se trouve insérée la noti- PROCES-VERBAUX. U7 iicatioii de la radiation des princes allemands des listes de la vSociélé. — M. L. Sonbeiran dit que, lors de son dernier voyage en Angleterre, il a eu l'occasion de voir M. J. Youl, qui lui a donné quelques nouveaux renseignements sur l'introduction des Saumons en Tasmanie. Il résulte des observations qui ont été faites par plusieurs savants ichthyologistes, et en particulier par M. le docteur Gunther, que le vrai Saumon migrateur {Salmo Salar) n'a pas encore été vu en Tasmanie, mais que les poissons qui avaient été supposés appartenir à cette espèce sont des Truites {Salmo Trutta). Le succès de l'acclimatation n'a donc pas été absolument ce qu'espéraient lesTasmaniens; mais pour n'être pas complet, il n'en est pas moins réel, puis- que aujourd'hui, grâce aux efforts tentés par eux, avec l'aide si efficace de M. J. Youl, la Truite est devenue un des habitants d'un pays où elle n'existait pas d'abord, de même que la Carpe, la Brème et le Gourami, qui prospèrent dans les diverses localités où on les a déposés. M. de Quatrefages fait observer que l'Ombre-chevaher pourrait être, avec avantage, introduit dans quelques-uns des lacs de la Nouvelle-Zélande. M. le docteur G. de Grandmont croit que c'est l'Ombre commun qui serait surtout apte à vivre dans les lacs : l'Ombre- clievalier a surtout donné de très-bons résultats dans les petites éducations. Bl. de Quatrefages pense qu'il est possible d'amener toute espèce de poisson à un certain développement dans des bas- sins d'étendue médiocre, mais qu'il est surtout intéressant de faire les essais de repeuplement en hberté dans les grandes eaux. M. G. de Grandmont émet l'opinion que, dans les circon- stances actuelles, c'est plutôt le repeuplement des eaux que la pisciculture proprement dite, qui doit occuper la Société. L'an dernier, on a parlé (\\\^^XQ>\\%^.[Cyprinm Carcmim) ^ poisson qui se reproduit aisément et dont le transport très- facile permettrait la diffusion sans trop de chances fâcheuses. M. J. L. Soubeiran rappelle (^ue, Fan dernier, M. Delouche, 'J/l8 : SOCIETE D ACCLIMATATION. (de Saint-Martin d'Ablois) avait promis de procurer à la Société une certaine quantité de Carouges, mais les événements par lesquels nous avons passé ne lui ont pas permis de tenir sa promesse. Dès que les correspondances seront ouvertes, il sera écrit à M. Delouche pour lui rappeler sa promesse, et les poissons seront mis à la disposition des membres de la Société. M. Ghatin propose à la Société de recevoir ces poissons dans les pièces d'eau de sa propriété des Essarts, qui pourraient servir en quelque sorte d'entrepôt à la Société. M. G. de Grandmont dit que chaque année il recevait, à l'époque du carême, des Carouges de Saint-Gobain, et que ces poissons ayant une résistance vitale très-grande, il pou • vait les conserver très-longtemps, même dans des vases très- restrcints. La propagation du Caronge pourra donc se faire sans grandes difficultés. — M. Chatin dit que l'hiver dernier ayant été très-rigoureux, un certain nombre de végétaux qu'on pouvait croire accli- matés ont péri : c'est ainsi que les Eucalyptus, qui, depuis une dizaine d'années, étaient cultivés en grand nombre dans le midi de la France, ont gelé dans l'FIérauU et dans le bassin du Rhône; quelques-uns seulement ont résisté dans les envi- rons de Cannes. U Agave amerkana, d'introduction plus ancienne, remon- tant à une quarantaine d'années environ, a également gelé dans une grande partie du Midi. On sait que les Oliviers périssent dans le Midi, quand ils sont soumis à l'intluence d'un froid humide, et que les Aspldistra résistent quelque- fois au froid quand ils ont d'abord subi une certaine dessicca- tion, ce qui les rend moins sensibles à l'abaissement de la température. Dans les forêts, ce sont surtout les bas-fonds qui gèlent, et non les sommets, qui sont plus secs. L'acclimatation vraie existe-t-elle r* 11 ne le croit pas; on ne réussit qu'en créant des races plus rustiques, en modifiant le tempérament des êtres. M. Yavin, qui a fait des études sur le jardin botanique de Brest, y a vu les Agave résister à un froid de — 7° à — 9" PROCÈS-VERBAUX. 'U9 ainsi que le Phormhim tenax, les Marjîiolia et quelques espèces d'Erica. Il y a donc acclimatation de ces plantes. 11 ajoute que son fils avait rapporté de la Guyane, pour la Société, une collection d'Orchidées et d'Amaryllis, qu'il a dû déposer à Toulon et à Brest en attendant le moment propice pour les faire arriver. — (Remercîments.) Il annonce que sa collection de Pommes de terre a été respectée et qu'il pourra mettre à la disposition des membres un certain nombre de tubercules d'une variété très-précoce, plus précoce môme que la Pomme de terre Marjolin, dont il a pu obtenir la propagation. — (Piemercîments.) M. Chatin fait observer que le climat de Brest est essentiel^ lement marin, et par conséquent tempéré; c'est par l'influence du climat marin qu'on peut expliquer la culture à Nantes et à Angers des Magnolia et de V Arbre à thé, qui sont sensibles à l'action du frpid. M. de Quatrefages réclame en faveur de l'acclimatation, que M. Chatin lui paraît un peu trop porté h rayer comme étant impossible, bien que lui-même semble reconnaître qu'il en est autrement, puisqu'il parle de la création des races plus rustiques. Il ne faut pas croire à la possibilité d'une véritable acclimatation sans modification des êtres; ce serait un rêve. Il y a des diiîérences dans les limites qui circonscrivent la possibilité d'acclimatation des êtres, animaux et végétaux. Arguer d'une espèce à l'autre serait une erreur. Il en est de même des races diverses d'une même espèce. Mais ce que certaines espèces, ce que certaines races ne peuvent sup- porter, peut l'être par d'autres. Pendant longtemps on n'a pu obtenir de graines des Aster de Chine, qui fleurissaient trop tard pour pouvoir mûrir leurs graines; mais peu à peu, sous l'influence évidente du milieu, quelques individus fleu- rirent plus tôt, et les graines arrivèrent à maturité. On put dés lors semer des Aster (F Europe. Il s'était donc formé une race qui s'était adaptée aux conditions de notre climat. II y avait bien eu acclimatation dans toute la force du terme. Le règne animal présente un fait absolument semblable. L'Oie d'Egypte, qui pondait originairement en janvier, pond aujour- 150 SOCIÉTÉ d'acclimatation. dliui au printemps; cette espèce s'est donc appropriée à ses nouvelles conditions d'existence. L'acclimatation, dans son sens physiologique, est un fait incontestable. On a pu transporter d'emblée dans l'Amérique du Sud des races domestiques, qui se sont soumises aux conditions nouvelles que leur imposait le pays. Quand ces conditions étaient à peu près celles d'Europe, ces races ont peu changé. Quand la différence des milieux a été trop consi- dérable, il s'est créé des races locales, telles que les Bœufs à peau nue des plaines de Mariquita, les Sangliers à laine des Cordillères, les Moutons à poil de la Madeleine , de la Jamaïque, etc. La réalité de l'acclimatation, c'est-à-dire de Xadaptaùon physiologique, ressort des difficultés mêmes que l'on rencontre parfois à l'obtenir. L'histoire de l'introduction des Oies à Bogota est très-instructive à ce point de vue. M. Boulin nous apprend que dans les premières années les pontes étaient plus rares; il y avait une plus grande proportion d'œufs clairs, et peu de Poulets pouvaient arriver à un certain âge ; vingt ans après, l'accHmatation était presque complète. Garcilaso de la Yega cite des faits analogues pour l'introduction de la Poule à Cuzco. Enfin, l'introduction de notre Dindon en Europe a présenté quelque chose de pareil, et le temps n'est pas éloigné où dans nos Cévennes on réunissait à peine deux ou trois Dindons par couvées. Tous ces faits, ajoute M. de Quatrefages, permettent de reconnaître la réalité de l'acclimatation des espèces, par suite de la formation de races déterminées et qui se sont adaptées physiologiquement à un miUeu nouveau. — M. Yavin, à propos de la communication faite récem- ment à la Société sur la peste bovine, dit qu'il était à Lan- derneau au moment où l'on y a amené des troupeaux malades, et il pense que plusieurs personnes ont pu manger de la chair infectée, sans accidents. M. Huzard dit qu'en 1815 il fut envoyé à Givet en mission, pour observer des troupeaux atteints de la peste bovine. Au moment de son arrivée, quelques bêtes étaient mourantes ; on rROCÈS-VERBAUX. 151. fit tuer les plus malades et abattre ensuite les animaux au fur et à mesure que les symptùmes se manifestaient. Pendant une quinzaine de jours, l'armée ne fut pas nourrie exclusivement avec cette viande, et, pas plus qu'en ISili à Paris, on ne vit aucun accident résulter de cette alimentation. Pendant la pre- mière révolution, M. ïluzard père, ayant reconnu à l'armée de Sambre et-Meuse la présence du charbon dans les trou- peaux, fit ordonner l'abatage et la destruction immédiate de tous les animaux atteints; mais l'abatage ne fut pas fait, et une partie des troupes fut nourrie de cette viande sans aucun accident : on n'observa d'accident que sur les bouchers seuls. M. Huzard termine en citant un fait qui lui est personnel, et dans lequel l'alimentation par la chair d'un animal charbon- neux n'eut aucune suite fâcheuse. SÉANCE DU 21 AVRIL 1871. Présidence de M. de Quâtrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le D'' Vicente de la Roche fait parvenir un numéro du Bulletin officiel de la Colombie, dans lequel il a publié un article sur la sériciculture. — M. J. (jostantini transmet un numéro do la Gazette de Venise, dans lequel est insérée la protestation de la Société contre les agissements des Prussiens. — M. Léo d'Ounous, de Saverdun, fait connaître son adhé- sion à la décision prise par la Société, de rayer de ses listes les souverains allemands, et donne les détails suivants sur ses cultures : « Des sécheresses prolongées et calamiteuses ont amoindri nos récoltes, brûlé nos prairies et nos fourrages, et ont fait mourir ime graufhî quantité d'arbres de toutes les essences fruitières, forestières ou d'ornement. Siu^ *2 à 3000 arbres plantés dans mes domaines, je n'en ai pas réussi plus de 20 pour 400. Des milliers de chenilles ont ravagé nos taillis ^52 SOCIÉTÉ d'acclimatation. et nos vergers. Je constate journellement des pertes bien regrettables : des Epicéa âgés de trois ans, des Melia Azedarach, Tulipiers, Sophora, Ailanius, Frênes, Noyers d'Amérique, etc. J'ai pourtant à vous annoncer la bonne réussite d'une grande partie des graines que vous aviez bien voulu m'adresser. Les Bcmibusa nigra, mitis^ albo et aureo variegata ont bravement résisté à des froids de i'2 à 1/1 degrés au-dessous de zéro. Les Echium candicans ornent mes serres et celles des amis auxquels j'en avais cédé des graines. Le Midi et le Sud-Ouest, hors des atteintes des ravages des bar- bares prussiens, s'efforcent de venir en aide aux cultivateurs de l'Est et de l'Ouest, mais encore et malheureusement les Fèves, Pois, Haricots, Pommes de terre et graines fourragères manquent presque complètement; toutefois nos gares de che- mins de fer pourront vous expédier de très-bonnes farines cri- blées, des Méteils, Seigles et Maïs. Vous me permettrez de vous adresser une notice spéciale sur cet important sujet, déjà traité dans l'Ariége par un de vos derniers lauréats, M. l'in- stituteur Vidal, de Mirepoix, qui s'occupe activement de la multiphcation de graines de céréales et de graines fourr.:.- gères. J'espère être assez heureux pourrons adresser quel- ques épis de 3Iaïs quarantaine de Montagagne (Ariége), de Maïs à Ber de l'Algérie, du Mciis roux à douze rangs, très- fertile., et de l'excellente variété de Maïs blanc, dit Millette, très-fertile, à farine d'une remarquable blancheur, très-pro- ductif et excellent pour fourrages d'été. » — M. Bréon-Guérard, de Montbard, adresse le rapport suivant sur le Pin de Riga : « La Société d'acclimatation m'a confié, il y a quelques années, des graines de Pin de Riga. Ces graines, remises à un jardinier, mon voisin, ont disparu en tota- lité par la visite des moineaux. J'ai éprouvé à la même époque la non -réussite d'une planche de Sapin argenté, et ce m.algré les nombreuses épines dont elle était garnie; les moineaux enlevaient les plants au fur et à mesure de leur apparition. Les graines qui m'ont été remises l'année dernière ont aussi disparu en totahté. Je les avais semées dans une propriété un peu éloignée de la ville, recouvertes de paille et, de plus, gar-- PUOCÈS -VERBAUX. io^ nies de petites branches, de manière à représenter une cage. Si la disparition a eu lieu, cela ne me surprend pas ; ma pro- priété est traversée par un petit ruisseau, les oiseaux y sont nombreux : c'est un concert sans fm. Je me suis procuré 10 kilo- grammes de Pin de Kiga. Ces graines, semées dans un jardin que j'ai établi loin des habitations, avec une vaste fontaine assez profonde, me donnent de bons résultats. Je possède sept planches de Pin de Riga ; pour éviter la trop grande quantité de mauvaises herbes, mes semis sont faits sur du vieux sablon de fonderie. La graine sur place, je recouvre d'un peu de vieux tan, et, avec un petit rouleau de bois, la planche se trouve unie; le tout est recouvert de paille, sauf à augmenter cette paille par les gelées et chaleurs. L'arrosage a Heu suivant les besoins. La graine qui me donne les meilleurs résultats est le Pin noir d'Autriche. Mes semis sont repiqués après deux ans; pendant le môme espace de temps, je me propose d'en acheter et de piquer une seconde fois pour deux ans. Le Jardin d'acclimatation a été bien éprouvé; pour êti'e utile, il serait indispensable qu'il devînt l'intermédiaire pour toutes graines, en consignant d'avance les prix : il aurait un bénéfice certain, et les membres seraient assurés de ne pas être rançonnés pour aucune graine, La Société ayant désigné le Pin de Riga comme devant remplacer le Pin syl- vestre, je me suis renseigné sur place : 5 fr. le kilogramme. Une personne qui a habité la Russie, m'ayant assuré qu'il existait de ces arbres à sa ferme de Ghassagne, prés d'Élais (Côte -d'Or), à 12 kilomètres de Montbard, je me suis empressé de m'y rendre avec mon garde. Il existe efléctivement près de ce hameau deux Pins de Riga, reste d'une plantation exécutée par feu M. Rigoley, ancien maître de forges : ces deux arbres ont été plantés en 1793 ; ils sont droits comme des cierges, pres- que sans branches. Ces branches sont dans la partie supé- rieure. La visite de ces arbres a été pour moi un beau jour. Mon pépiniériste m'a fourni depuis quelques années six plants de Riga, graine semblable à celle de mon voisin. J'engage donc, monsieur, mes confrères à se procurer de celte graine, le Pin de Riga étant un arbre d'avenir. Variété du Pin syl- vestre, il lui est préférable, i» i5/l SOCIÉTÉ D'ACCLTMÂTATrON. — M. Brierre, de Saint-Hilaire de Riez, annonce qu'il continue la propagation des végétaux de la Société d'acclima- tation. — M. Vavin dit, à propos d'une communication récente de M. Chevreul à l'Institut, qu'il a fait, il y a quelcjuas années déjà, des expériences sur la végétation des Jacinthes dans l'eau. Il résulte de ses études que, si l'on prend soin de couper les racines lorsqu'elles se sont déjà un peu allongées, la floraison est plus belle et plus compacte. M. de Quatrefages fait remarquer que le fait observé par M. Chevreul est différent, car il s'agit d'un pied de Jacinthe qui a donné des feuilles et des fleurs la première année, sans production de racines, la seconde année avec production de racines qui sont restées très-petites, tandis que la troisième année ces oignons ont pris le développement ordinaire. — M. Vavin fait la communication suivante : a Vers la fin » du mois de mai de l'année dernière, je recevais directement » d'Amérique quelques tubercules d'une Pomme de terre, » connue sous le nom à'early rose, dont les journaux horti- » coles ont vanté le mérite dès son apparition ; aussi s'est-elle i> vendue des prix exorbitants. Celte Pomme de terre a été >^ obtenue d'un endroit appelé Alaska, possession russe dans » l'Amérique du Nord, et, depuis, elle a été cultivée à Madilla » (Etats-Unis). Le 31 mai 1870, je mis en terre les tubercules » que je possédais, et, vers le 12 août, ils étaient parfaile- » ment mûrs. J'aurais désiré les comparer comme précocité » avec la Marjolin; malheureusement, à cette époque avancée )) de l'année, je n'ai pu m'en procurer. Le principal mérite de » cette Solanée serait de venir un mois avant toutes celles » connues. Cetle année, j'en ai planté, en comparaison avec la î) Marjolin ; je vous tiendrai au courant des résultats que jj j'obtiendrai. Dès à présent je puis vous affirmer que le ren- )) dément est bien supérieur à la Marjolin; ainsi, lors même » que Xearly rose ne serait pas plus hâtive, elle devrait être » encore plus appréciée, puisqu'il poids égal on en obtient de » beaucoup plus belles et en plus grande quantité. Elle res- » semble, comme forme et couleur, à la Hollande longue rROCÈs-vEP.TîArx. 1.55 » jaune ; sa teinte, très-légèrement rosée, la rend plus agréable j> à l'œil. Je désire que le goût soit reconnu de première qua- » lilé, ce que je n'ai pu apprécier, ne Tayant pas dégustée. Je » dépose sur le bureau quelques Pommes de terre earhj rose, ;> afin que nos collègues puissent l'expérimenter de leur côté. » — Remercîments, — M. Yavin dépose sur le bureau quelques notes concer- nant le jardin botanique de Brest (voyez au Bulletin, p. 130), et, à ce propos, il fait passer sous les yeux de l'assemblée un cône iV Araucaria imbricata, récolté à quelques lieues de cette ville. Les arbres qui l'ont produit ont plus de 20 mètres de haut : ils ont été plantés en 1823. M. Yavin se propose de donner une note détaillée sur ces beaux arbres. Une photographie représentant un Yucca prouve, mieux que toutes les explications, la vigueur de cette plante, dont il est question dans le rapport de notre collègue. — M. Yavin ajoute qu'un agriculteur auquel il avait remis de l'Avoine blanche de Russie en a obtenu des résultats excel- lents, et continue son expérience, cette année, sur une éten- due d'un hectare ou deux. 11 résulte aussi de ses essais que le Blé précoce du Japon est une excellente acquisition. Le Secrétaire des séances, J. L. SOUBEIRÂN. III. CHRONIQUE. Le coniiiierce des Oiseaux en Amérique. Le commerce des oiseaux en Amérique paraît être dans une florissante condition. Cn journal de New-York dit que plus de ZiO 000 Canaris sont ap- portés chaque année, et probabiemenl plus de 10 000 sont élevés dans ce pays dans le but de la vente. Le nombre des Bouvreuils, Chardonnerets, Grives, Rougos-gorges et Alouettes importés annuellement s'élève à 500 ou 60 Q pour chaque espèce. 3000 Passereaux de Java sont apportés aux États- Unis par les vaisseaux de ce pays, et autant de Perroquets sont annuelle- ment vendus dans New-York seul. Les Ciriers et autres petites variétés sont rares et arrivent exceptionnellement en plus grande quantité que 100 ou 200 pour chaque espèce par an. Les Perruches et les Psittacus jxisscrijius d'Aus- tralie suivent les Perroquets en importance. Quant aux oiseaux indigènes, on n'a pas de chiffres exacts sur eux. On peut estimer approximativement à 40 000 le nombre des Oiseaux moqueurs pris jeunes au nid et mis en cage. {Society of Aris, 20 janvier 1871.) Culture des Cinehona dans le Kangra (Inde, PunJjab). M. le major Paske, dans une notice publiée dans le Journal of Society of Arts, du 3 février 1871, fait connaître que par Pinitiative du major Nassau Lees, officier distingué de Parmée du Bengale, on a tenté, depuis 1866, une exploitation du Cinehona, limitée par suite des difficultés et des dépenses considérables, dans une localité convenable du Kangra. Les résultats ont été assez satisfaisants pour qu'aujourd'hui quatre établissements fonclionnent dans diverses parties du district. L'écorce recueillie sur les branches de quelques arbres âgés seulement de deux ans à deux ans et demi, a déjà fourni à Panalyse une proportion très-notable d'alcaloïdes, au point qu'on s'inquiète, dès maintenant, des moyens d'organiser les appareils né- cessaires pour faire^ dans les environs mêmes des plantations, l'extraction des alcaloïdes. J. L. S. Culture du Thé dans le Kangra (//?f/e, Pundjab). Depuis 1850, le gouvernement, dit M. le major Paske, a établi sur une large échelle une plantation à lioltiih, dans une localité très-propice, située ù environ 2Zi00 pieds d'altitude. Mis en préparation en 1852, le jardin CHRONIQUE. ^57 crnoltah a coiiimeucc à faire entrevoir la réussite sur une étendue de 400 acres environ, en raison de sa position, de son climat et de Tirrigation qui y est facile; aussi, en 1860, plusieurs particuliers ont-ils, avec l'assistance du gouverneur, entrepris la culture du Thé et dès 18GS on comptait déjà dix- neuf plantations d'une superficie totale de 2700 acres et qui ont donné une quantité suffisante de 250 000 livres de thé. Ce résultat, déjà très -remar- quable, n'est que le début d'une culture qui paraît devoir prendre promple- ment une grande extension. Les thés manufacturés à Kangra trouvent un écoulement assuré sur le marché de Londres, où Ton commence à les appré- cier, de même que les autres thés des Indes, mieux que par le passé : les meil leurcs sortes sont en quelque sorte accaparées par les FAiropéens de l'Indiî, tandis que les sortes inférieures de ihé noir et le thé vert trouvent un écou- lement facile chez les natifs, qui prennent de plus en plus Tiiabitude de celle boisson, il est d'ailleurs :i présumer que dan? un avenir prochain les thés de Kangra pénétreront non-seulement dans TAsie centrale, mais viendront foire concurrence aux ihés chinois jusque sur les m irchés russes. [Journal of the Society of Arts, 3 février 1871.) J. L. S. Culture du Sorgho dans la Xouvelle-rralles du Sud. VImphy, ou Sorgho sucré, réussit surtout dans les localités les plus arides ; il résiste mieux que la Canne à sucre aux froids et aux pluies; il ne demande que cinq mois pour arriver à maturité et peut être cultivé en alter- nance avec la Canne à sucre. Déjà 60 acres ont élé plantées dans diverse i localités, et le rendement présumé est d'une tonne trois quarts à deux to:inci par acre. L'Imphy, quand il n'est pas cultivé comme plante saccharifère, fournit une abondante nourriture pour les bestiaux, avec un rendement de trente à quarante tonnes pnr acre. {Journal of the Society of Arts, 10 février 1871.) <^- L. S. Culture des Orangers dans la Mouvelle-Galles du Sud. Une portion considérable du pays, surtout dans le Cumbcrland, est cou- sacrée à la production des oranges, dont plusieurs n^iiliérs de caisses arri- vent annuellement à Sydney pour être expédiées à Melbourne, enTasmanie, et dans la Nouvelle-Zélande, etc. Partout où les Oian^ers sont bien cultivés, le rendement est considérable ; mais, malheureusement, un certain nombre de planteurs ont épuisé leurs arbres par une production trop hàtivc et con- tinue, sans prendre soin de leur donner de l'engrais. Dans leii plus anciennes 158 SOCIÉTÉ d'acclimatation. cultures, on trouve déjà quelques arbres ayant près de 25 pieds de hauteur, et dont le diamètre (de l'extrémité des branches) est de 33 pieds : les individus, encore rares dans la colonie, peuvent fournir dans Tannée 12 000 oranges, qui, à 60 centimes la douzaine, donnent pour chacun un rapport de 625 fr. Toutes les plantations de la Nouvelle-Galles du Sud sont encore récentes et promettent pour Tavenir des résultats encore plus grands, à la condition toutefois que les cultivateurs prennent soin de leur donner toute l'attention désirable en vue d'éviter les maladies auxquelles les Orangers et Gitfonuiers sont sujets. {Journal of the Socictij ofArts, 10 février 1871.) J. L. S. Élevage des Autruches. Dans un grand nombre de localités du cap de Bonne Espérance, on se livre, depuis plusieurs années, à réducalion des Autruches, eu vue de se procurer leurs plumes, qui ont une grande valeur commerciale. En général, ces oiseaux sont enfermés dans des espaces de 15 à 20 acres, clos de murs de pierres peu élevés, qu'ils ne cherchent jamais à franchir. Dans les envi- rons de Grahamstown, on a cherché à obtenir artificiellement l'incubation des œufs dans une couveuse ; en maintenant, pendant quarante-neuf jours, au moyen d'une lampe dont la dépense ne s'élève qu'à 10 centimes par vingt- quatre heures, les œufs à une température de 100 à 105 degrés Fahr.(-|-35°), on a réussi à faire éclore de jeunes Autruchons. {Land and œater Journal of the Society of Arts, 3 février 1871.) j. jj» i9« Une nouvelle espèce de cuir. Cinquante peaux du serpent Anaconda, d'après un journal de New-York, ont été tannées par les frères Scliayer, de Boston, et utilisées comme cuir de bottes. La phis longue de ces peaux était de ZiO pieds anglais. Les procé- dés employés pour le tannage ont été ceux suivis pour les peaux d'Alligator ; le produit était de la plus line qualité de peau, luisant, bigarré, souple, d'un grain de la plus belle apparence et d'une extrême solidité. (Society of Arts, 3 mars 1 87 J.] Xote sur le Prangos Pabularia, Lindl. Cette Ombelliière, qui exhale une odeur prononcée de férnle, et qui croît dans les localités les plus élevées de l'Inde et du Cachemire, à une altitude de 2000 à 2500 mèticS; a été longtemps considérée comme étant le SU- CHRONIQUE. 150 phium d'Arrien. C'est un végétal dont les diiiiensioiis varient depuis celle d'une feuille d'un pouce de diamètre jusqu'à un amas de lleuis et de feuilles ayant 12 à 18 pieds de circonférence, et qui croît abondamment dans les lieux les plus arides, sans requérir aucun soin de la part de l'homme : comme elle se contenta de toute espèce de terrains, excepté ceux qui sont marécageux, et croît dans les localités très-froides, il y aurait sans doute avantage à l'acclimater en Europe, où elle pourrait, comme dans son pays natal, servir à la nourriture des Glièvres et des Moutons. {Moorcroft's Travels in Cashmere and Bokhara.) J. L. S. Les bois en Russie. Au point où en est la statistique en lUissie, il paraîtrait encore impos- sible de donner en chiffres, soit l'area des forêts, soit la proportion de ces dernières aux terres en culture. Cette proportion paraît troublée : depuis des années, de mauvaises récoltes, des sécheresses, de funestes changements climatériques, l'abaissement visible de la productivité du pays. Le midi de la lUissie de tout temps a été beaucoup moins riche en bois que le nord et le nord-ouest, et c'est à peine si les forêts y balançaient avantageusement retendue des champs et pâturages. A cette époque -là, il y avait dans le pays de Kharkof une abondance de Blé telle, qu'il fallut les premiers chemins de fer pour l'écouler à l'étranger. Mais, ces mêmes chemins de fer destinés à élever le niveau de l'agriculture ont amené un danger infiniment pire que tous les inconvénients qu'ils devaient vaincre : le déboisement des pays parcourus. Sans la moindre pré- voyance, on a fait du combustible de ces forêts si nécessaires pour régulariser la circulation des eaux dans l'économie de la nature. En Russie, le respect des arbres n'est pas encore assez répandu parmi la foule des intéressés. La législation n'a pas encore commencé à protéger les bois au point de vue de leur importance pour la nation ; tout ce qu'elle fait sous le rapport de la sur- veillance des forêts, c'est de punir les vols. La destruction des bois a pour cause une espèce de myopie qui sacrifie tout aux besoins du moment. Par le -temps qui court, les forces naturelles, les capitaux delà Russie sont engloutis'par l'industrie au détriment de l'a- griculture. On construit des fabriques sans nombre. Des vapeurs sont lancés sur tous les cours d'eau, mais ces cours d'eau s'en vont avec les bois dévorés par les usines, les vapeurs, les voies ferrées. Le paysan se demande, en regardant ses champs, pourquoi, ces années dernières, ils ne l'ont pas nourri comme autrefois, pourquoi ce bon soleil a brûlé ses prés, pourquoi enfin il n'y a pour ainsi dire plus de pluie ? Il ne comprend pas d'ailleurs que son seigneur sans pitié abatte presque tous ces arbres, niiiis il l'imite et détruit les bois communaux. 1(50 • SOCIÉTÉ d'acclimatation. Le (léboisemciii est comme une maladie qui s'empare de tous. Les forcis disparaissent, et là où, parmi les paysans, régnait une certaine aisance géné- rale, ii y a peu d'années, la misère se répand de proche en proche. La terre n'est plus suffisamment arrosée, elle n'est pour ainsi dire plus nour- rie; car le fumier, au lieu de lui être consacré, est séché atin de servir de combustible. Le pays est parcouru par les locomotives au sifflement aigu et chargées de bois de ciiauflage, dont elles trouvent des quantités énormes bien rangées autour des stations. La seule ligne de Kharkof à Slaviansk, tout insignifiante qu'elle paraît, consomme annuellement 2ii 000 toises cubes. La compagnie se réserve l'emploi du charbon de terre pour le jour où clic aura tout changé en déserl. Quelle épouvantable perspective ! rs'incombc- rait-il dès lors au gouvernement de sauvegarder les intérêts du pays ? Et il semble qu'un remède s'olîre tout seul. L'introduction obligatoire de la houille dans iïndustrie, dans la navigation à vapeur, les chemins de fer. Il est vrai qu'on a parlé de reboiser les surfaces ravagées, et le gouvernement a tout fait pour encourager l'initiative privée à suivre cette voie du progrès rationnel. i\Iais les forets s'exterminent mille fois plus vite qu'elles ne se créent. 11 faut arrêter le mal à sa source, en coupant court aux dévastations dont se rendent coupables les exploiteurs industriels. Quant aux bois de la couronne, une administration intelligente en aug- mente tous les jours la valeur, et le fait seul que le gouvernement est pro- priétaire d'une forêt est la meilleure garantie de sa conservation. C'est là ce qui a fait proposer la mesure ([ue l'État se ferait, pour cause d'utilité pu- blique, l'unique acquéreur de toutes les grandes forêts, du moins dans la lîussie méridionale. Il paraît cependant que cette mesure rencontre une opposition invincible. En outre, elle ne semble nullement nécessaire. Nous revenons à la question de la houille. Les riches mines de charbon de terre, que recèle le Sud, n'auraient qu'à être attaquées avec méthode pour fournir le meilleur des combusti!)les, à un bon marché incomparable. Admettons, en outre, qu'une loi en rende l'usage forcé, et la question est à pou près décidée. Le gouvernement ferait le reste par la création de voies expéditionnaires reliant entre elles les grandes lignes du réseau russe et destinées à rendre ces richesses minérales accessibles à tout le monde. On parie beaucoup des chemns de fer en Russie.... pour le moment et par la manière dont ils sacri- fient l'avenir du pays, ils ne semblent être qu'un monument colossal de l'état arriéré où se trouve encore l'empire des tsars ! [D'après le russe de M. Iv. Golénichtchef-Koutouzof, extrait des « VicJo' mosti » de Saint-Pétersbourg du 29 mars (10 avril) 1870]. P. V. 1 TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE il 11; SOCIÉTÉ ANGLAISE DE SECOURS AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS NOTE COMMUNIQUÉE Par M, DROUYIV DE LHUTS, Au momenl où la publication, faite dans quelques journaux de Londres de correspondances hostiles au gouvernement actuel de la France, pourrait donner le change sur les véri- tables sentiments inspirés en Angleterre par le spectacle de nos malheurs, il ne sera pas inutile d'opposer ta ces démons- trations de malveillance individuelle les témoignages de réelle sympathie, qui nous sont venus de la grande majorité de la population brilannique. Ces sympathies ne se sont pas seulement traduites sous la forme d'assistance aux malades et aux blessés {National So- ciety for aid to the Sick and Wowided ; Mansion House French Relie f-fimd ; Daily News Fiind), et sous celle d'envois de vivres et de vêtements aux infortunés habitants de Paris, victimes des privations du siège; à ces secours destinés à pourvoir à des besoins immédiats, sont venus s'en ajouter d'autres dictés par une pensée de prévoyance. On a songé à nos campagnes dévastées par le passage des armées et par les réquisitions, qui avaient enlevé aux laboureurs jusqu'à leurs derniers grains, mis en réserve pour la préparation de la récolte prochaine. Sous le nom de souscription pour fournir des graines d'ensemencement aux fermiers-cultivateurs de la France {French Peasant-farmers'seed fnnd), des amis de notre pays avaient déjà réuni, à la fin de janvier dernier, une (1) La Sociclé ne prend sous sa responsabililé aucune des opinions émises par l».s auteurs des arlides insérés dans son Bulletin. T SÉRIE, T. Vm. — Mai et Juin 1871 1 1 162 SOCIÉTÉ d'acclimatation. somme de 2 076 livres sterling, somme qui en mai s'élevait à près de A2 000 livres sterling (1 million 50 000 francs). Avec cet argent, le Comité exécutif a pu se procurer et distri- buer une quantité de semences du premier choix, comprenant 3 695 quarters (11058 hectolitres) de Blé; 3 836 quarters (11 508 hectolitres) d'Orge ; 5 387 quarters (16 161 hecto- litres) d'Avoine ; 250 quarters (750 hectolitres) de Lentilles ; 700 tonnes (711 200 kilogrammes) de Pommes de terre ; 500 bushels (18 170 litres) de Haricots ; 250 bushels (9 085 litres) de graines de Navet ; 8 000 livres (2 986 kilogr.) de graines de Carotte ; 1 000 livres (373 kilogr.) de graines d'Oignon et 500 sacs de la contenance d'un hectolitre et au-dessous, ren- fermant des graines diverses. Le tout a été réparti entre les départements de la Somme, du Pas-de-Calais, de l'Aisne, d'Indre-et-Loire, Sarthe, Loir-et-Cher, Loiret, Eure-et-Loir, Seine-Inférieure, Eure et Calvados, ainsi qu'entre les habi- tants de plus de 170 communes voisines de Paris. Le rapport en date du 23 mai, auquel nous empruntons les chiffres qui précèdent, fait connaître les personnes qui ont apporté leur généreux concours à l'œuvre et qui n'ont néghgé aucun soin pour faire parvenir sûrement ces dons précieux entre les mains des destinataires, aux moindres frais possibles pour les souscripteurs et en évitant toute chance d'erreur ou de double emploi dans le partage. La souscription s'était organisée sous le patronage des plus hautes notabihtés de l'agriculture et du commerce des céréales chez nos voisins d'outre-Manche. Le Comité exécutif avait à sa tête lord Vernon, Président de la Société royale d'agriculture d'Angleterre et comprenait trois membres du Parlement, plusieurs délégués d'un Comité auxiliaire de Mark-Lane • (le grand marché aux blés de Londres) ; des agronomes tels que MM. Caird, Clarke et Corbet, ces deux derniers secrétaires^ l'un delà Chambre centrale d'agriculture du comité de Lincoln et l'autre du club des fermiers de Londres ; M. Odams, arma- teur de Londres ; le colonel Stuart-Wortley, les capitaines Dashwood et Delf et le major-général Sir Vincent Eyre, prin* cipal représentant dans le Nord de la France, de la Société SECOURS AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 163 nationale (anglaise) de secours aux malades et blessés, figu- raient aussi daiis cette liste, dont faisaient partie, comme secrétaires, MM, Brandreth Gibbs, secrétaire du club de Smithfield ; Jenkins, secrétaire de la Société royale d'agri- culture d'Angleterre, et Delano, délégué dans le Royaume-Uni de la Société des agriculteurs de France. Le document que nous analysons ajoute que M* Drouyn de Lhuys, Président de la Société des agriculteurs de Fratice, n'a cessé d'être pour le Comité un guide et un conseiller infatigable. La souscription en faveur des paysans français était un mouvement essentiellement agricole et le Comité s'est efforcé de s'adresser à tous les propriétaires et fermiers. Il a été chaleureusement assisté dans ses démarches par les association agricoles et rurales et plus spécialement par le club des fermiers de Londres, par les chambres d'agriculture, par l'institution de bienfaisance agricole et par les Comités parois- siaux d'assistance pubUque [Boards of guardians). Bien que les populations urbaines n'aient pas été de sa part l'objet d'un appel direct, il a trouvé un écho spontané chez d'innombrables souscripteurs des villes, et le fonds de secours organisé sous la direction du lord maire de Londres [Mansionhouse French Relie f-fund) n'a pas versé moins de 18 000 livres sterling (325 000 francs) dans la somme totale recueiUie. Grâce à la coopération désintéressée du Comité auxiUaire des négociants de Mark-Lane, les semences ont été achetées à des prix excep- tionnellement bas. sans aucun frais de commission, et la qua- lité de ces grains a mérité l'admiration générale partout où ils ont été distribués. M. Odams ne s'est pas borné à abandonner au Comité pen- dant plusieurs semaines ses vastes magasins pour y déposer les blés, mais il a présidé à leur embarquement avec une ha^ bileté et une rapidité bien appréciables dans des circonstances où il importait de ne pas manquer l'époque des semailles du printemps. De leur côté les compagnies de chemins de fer ont secondé de leur mieux les efforts des donateurs. Le Great- Eastern et le Great-fFestern ont transporté et livré gratuite- ment sur place, chez! M. OdamSj les Blés qui empruntaient 164 SOCIÉTÉ d'acclimatation. leurs lignes. Les compagnies de Londres, Chatham et Douvres, du South-Eastern, de Londres et South-Western, de Londres et Brigton, ont également acheminé gratuitement les céréales, qui leur étaient consignées pour la France. Au delà de la Manche, le comité a eu spécialement à se louer des bons procédés de la compagnie du chemin de fer du Nord, qui dès le commencement des opérations n'a rien voulu recevoir pour le transport des semences, tout en leur accordant la préférence sur tous les autres expéditeurs. Les autres compagnies françaises se sont montrées moins géné- reuses, mais elles ont promis de rembourser les trois quarts des sommes payées, et le gouvernement de Versailles s'est charsé de restituer le reste. Les agents de la Société nationale (anglaise) de secours aux malades et aux blessés, auxquels s'était adjointe une foule desimpies particuliers, avaient entreprisla tâche de se rensei- gner sur les besoins des cultivateurs qu'il s'agissait d'assister, au moyen de questionnaires imprimés qu'on répandit large- ment dans les districts ravagés par la guerre. Les réponses suffisantes affluèrent auprès du Comité, qui, ne pouvant espérer de remédier aux maux dans toute leur étendue, s'imposa pour règle de multiplier ses dons jusqu'à la limite où ils devien- draient illusoires, et de les restreindre aux fermiers-paysans ayant des droits légitimes à ce titre et ayant réellement éprouvé des pertes. Il ne devait être alloué de semences qu'aux cultivateurs, faisant valoir un domaine de "20 hectares au plus et la quantité accordée ne pouvait dépasser 8 bushels (3 hectolitres environ) de froment; soit l'i bushels {!x hect. et demi) d'Orge ; soit 16 bushels (6 hect.) d'Avoine, soit des mesures proportionnelles de deux ou plusieurs autres espèces. En général, les répartiteurs se sont tenus en deçà de leurs instructions et ont pu ainsi rendre service à un plus grand nombre de postulants. Les villes choisies comme centre des distributions furent Amiens, Tours, Paris et Rouen. M. Sartoris voulut bien diriger les opérations dans la première de ces localités, qui avait le désavanlai^c d'être située dans une région occupée par les SECOURS AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 165 troupes allemandes, mais grâce à ses démarches, appuyées auprès du général prussien Van Groeben, par sir Vincent Eyre, M. Sartoris obtint que les colis de graines portant l'estampille du Comité seraient respectés. Les autres membres de la Société anglaise de secours aux malades et aux blessés, parmi lesquels le rapport cite particulièrement MM. Vaillant, Selon Synnot, Merridew et Neave, veillaient à ce que les colis ainsi estampillés fussent emmagasinés et transportés gratui- tement, tout en passant avant les autres expéditions , conces- sions sans prix dans un pays placé sous le régime militaire et où les deux armées mettaient en réquisition jusqu'au dernier wagon disponible pour les déplacements de leurs soldats et de leur matériel. Tandis que M. Sartoris, secondé par les colonels Cox et Berrington et par le capitaine V^-edderburn, venait au secours des cultivateurs du nord de la France, le colonel Elphinstone, à Tours, assisté par le capitaine Rennick et d'autres collabo- rateurs bénévoles, s'occupait des distributions à faire dans la région de la Beauce. Le rapport vante surtout le dévouement avec lequel M. Miles Lewis accompagna lui-même jusqu'à Tours et ailleurs les grains débarqués à Honfïeur, n'hésitant pas à se tenir jour oi nuit pendant des semaines entières à l'avant d'un train de marchandises. Les opérations destinées à approvisionner les petits fermiers, si rudement éprouvés pendant le blocus, du rayon de Paris, étaient confiées àun comité spécial ayant pour chef M. Furley, un des agents les plus estimés delà Société anglaise de secours aux malades et aux blessés, auquel s'adjoignirent M. James, en qualité de secrétaire et M. Pitman, plus tard remplacé par M. Mansfield. M. Norcott, délégué du Comité de souscription du lord-maire de Londres, prit aussi une part active à ces opérations. Une masse considérable de froment, d'Orge et d'Avoine avait été envoyée de Boulogne à Paris, où ces grains avaient été emmagasinés dans un dépôt fourni gratuitement par les soins de la Société des agriculteurs de France, et déjà on avait commencé à les distribuer dans les communes situées au sud de la capitale, lorsque l'iiisurrection obligea le Comité 166 SOCIÉTÉ d'acclimatation. parisien à se transporter à Creil et à limiter ses dons aux communes du district nord. C'est alors que l'on songea à établir un quatrième centre à Rouen, qui fonctionna sous l'impulsion du capitaine Delf et de M. Ramsay Rushnan et desservit les départements envahis de la Normandie. Le mode de répartition d'abord adopté après mûre réflexion, à Amiens, parut assez satisfaisant pour être suivi dans les autres régions. Le délégué du Comité exécutif commençait par provoquer la formation de Comités locaux se composant de propriétaires, de membres de la Société des agriculteurs de France et autres notabilités agricoles. Il transmettait ensuite aux maires et autres autorités communales les questionnaires imprimés devant énoncer les besoins des cultivateurs, les noms des postulants, l'étendue des terres exploitées par eux et les quantités de semences de chaque espèce demandée. Les indications signées par le maire, le curé, ou l'instituteur municipal et par le Président du comice agricole ou par un membre de la Société des agriculteurs de France, étaient examinées par le délégué de concert avec le Comité local et après révision au besoin, la quantité allouée à chacun était inscrite sur la pièce par le délégué. Le maire ou son adjoint envoyait alors chercher le grain, qui lui était remis contre quittance spéciale en autant d'exemplaires qu'il y avait de parties prenantes. Ces parties devaient à leur tour signer un double de ladite quittance, qui demeurait par devers le maire, tandis que la quittance originale était gardée par le délégué, De cette façon, on se garantissait si bien contre toute erreur, que d'autres Comités de secours organisés dans le Royaume-Uni avec la même pensée de venir en aide aux cul- tivateurs français n'ont cru pouvoir mieux faire que de prier le Comité présidé par lord Vernon de vouloir bien se charger de la distribution de leurs dons. Ainsi ont fait des Comités institués en Ecosse et Irlande. Un comité américain a suivi cet exemple, et M. Drouyn de Lhuys, au nom d'un Comité suédois, qui avait mis à sa disposition, une somme de plus de 100 000 francs, a prié le Comité anglais de lui prêter également son entremise. Les propositions de cette nature ont été SECOURS AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 1(57 accueillies avec d'autant plus d'empressement que Ton évitait de la sorte les chances de doubles emplois. Le Comité exécutif prend à sa charge les frais de distribution en France, tandis que les autres Comités payent le transport des grains jusqu'au littoral français. Les faits que nous venons de récapituler font le plus grand honneur à nos voisins, et la solidarité ainsi affirmée entre les cultivateurs des deux nations ne peut que consolider les liens noués dans des temps plus heureux entre les Sociétés d'agri- culture britanniques et la Société des agriculteurs de France. La Suisse, la Suède, le Danemark, la Belgique, la Hollande, les États-Unis, l'Au triche-Hongrie, la Russie et quelques au^ très peuples ont également donné à nos cultivateurs des té- moignages de généreuse sympathie, que nous ferons connaître, dés que les renseignements, demandés par le Président de la Société des agriculteurs de France, lui seront parvenus. RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE DE BOULOGNE-SUa-MER, ARGACHON ET DU HAVRE (1866-1868) Par n, J. Léon SOUBEIRAIV (Suite, voy. p. 81.) MORUE. La Morue (Gadus mo?rhiia) (1), qui est pour nos marins l'objet d'un commerce considérable, appartient surtout à l'O- céan boréal, où elle abonde entre le liO^ et le 60' deo^ré L.N. C'est une espèce essentiellement marine, ne se rencontrant jamais dans les eaux douces, et aflectionnant les profondeurs de la mer, qu'elle ne quitte guère que pour venir frayer vers les côtes ou dans les eaux des bancs (2). Nos marins pratiquent plus particulièrement la pêche de la Morue en Islande et sur le Banc de Terre-Neuve. La pêche d'Islande, très-pénible en raison du climat sous lequel elle s'opère, et qui oblige les hommes à une campagne de six mois, sans presque jamais descendre à terre, com- mence vers le 8 ou 15 avril aux environs de Westmann ou dTngolfrhode (3); elle se fait à la ligne, à une certaine dis- (1) Milne Edwards, Mémoire sur la pêche de la Morue à Terre-Neuve. {Recherches pour servir à l'histoire naturelle du littoral de la France, t. I, p. 270, 1832.) — L'industrie de la pêche à Saint-Pierre et Miquelon {Amérique du Xord). {Revue maritime et coloniale, t. IV, p. 338, 1862.) — Valenciennes, Notice sur la Morue^ 18/i6. (2) G. O. Sars. Om wintertorsken {Gadus morrhua) for plantning og Udivikling, 1865. — Le même, Indberetning om de afmig a aarene, 1866 og 1867 austillede Undersoijelfer over Streiens eller Wintertorsken Angel, 1867. (3) On rencontre la Morue en Islande dès le mois de mars, mais à ce mo- ment elle ne se trouve qu'au fond des fjords, en dehors des parages où nos EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 169 tance des côtes et des fjords, la pêche sur le littoral, c'est-à- dire à une distance moindre de trois milles, étant réservée aux Islandais par les conventions internationales. Les Islan- dais ont aussi seuls le droit de prendre la Morue au moyen de filets ; il est vrai qu'ils peuvent pêcher dans les fjords, qui nous sont interdits, comme à tout autre étranger. Du reste, dès le milieu de mai, ils emploient seulement l'hameç'on, de même que les pêcheurs venus d'Europe. On dit, en Islande, que la Morue est moins abondante que par le passé, ce qui tient, suivant les uns, au nombre plus grand de navires, venant pratiquer la pêche dans ces régions, à la grande quantité de rogue fabriquée, suivant les autres. La pêche sur le Banc commence aussitôt que les glaces ont disparu autour de Terre Neuve ; elle ne se fait plus au- jourd'hui exactement dans les mêmes parages, ni avec les mêmes engins que par le passé. Autrefois sur le grand Banc on péchait à la dérive, au moyen de longues lignes, que les pêcheurs jetaient du bord du bâtiment; mais, vers 4 755, et surtout depuis 1783, on a substitué à ce mode la pêche sur ancre, à l'aide de deux lignes, plus courtes, et amorcées avec l'encornet; l'une est pendue le long du bord, l'autre en est écartée au moyen d'une perche. Plus tard encore, et ce procédé est dû à l'initiative des pê- cheurs dieppois, on commença à faire usage de la ligne de fond, palancre ou harouelle (1) , qui est étendue sur le fond au pêcheurs sont aulorisés à la chercher, et d'autre part la navigation est extrê- nicment dangereuse à cette époque et nos marins ne peuvent en affronter les tempêtes. Nos pêcheurs sont, du reste, les premiers étrangers qui arrivent sur les lieux de pêche. (J) Ces lignes, de très-grande dimension, se composent de plusieurs pièces longues de soixante brasses, avec un flotteur de dislance en distance, pour indiquer le gisement et des poids alternants pour faire couler la ligne au lond, qui est ordinairement par trente à quarante brasses. Les hameçons^ portés sur des avançons, distants d'une brasse, sont amarrés seulement à quelque distance du bord et des flotteurs, parce que la .Morue du banc ne quitte guère la profondeur, (liouyei-, Souvenirs de Terre- \euve, la Vie a la camijaijne, p. 28o.) 170 SOCIÉTÉ d'acclimatation. moyen des petites embarcations et qui fournit les poissons de plus grande taille. Le succès de ce mode d'opérer fut tel, qu'en peu d'années l'ancien procédé fut abandonné, excepté par les Américains, et amena, par suite, à faire usage de navires d'un plus fort tonnage. D'abord exclusivement affectée à la pêche sur le grand banc, la ligne de fond fut aussi essayée dans les eaux qui baignent les côtes, et surtout autour de Saint-Pierre, mais comme son emploi fut suivi de la dispari- tion des Morues plus petites, que prennent les pêcheurs à la main, ceux-ci réclamèrent vivement et finirent par obtenir son interdiction (1). Dans la pêche à la ligne de fond, on amorce avec succès avec des morceaux de Squale, de Flétan (Pleiiro^ nectes hippoxijlon), ou du poisson salé. Elle fournit du poisson moins bon, dit-on, mais il est plus abondant (2). Un temps couvert et une mer faiblement agitée offrent les meilleures conditions pour cette pêche, qui est assez dangereuse par suite des brumes fréquentes et des coups de vents, qui mettent souvent les canots en péril. Sur le petit Banc, la pêche se fait, après avoir désarmé le bâtiment, au moyen de canots avec lesquels une partie de l'é- quipage va au large à la poursuite des Morues, tandis que l'autre reste à terre pour préparer les produits de la pêche. Les canots pèchent à la ligne dans des eaux profondes, à fonds rocailleux, et chaque pêcheur a deux Ugnes fixées, l'une de chaque côté du bateau, qu'il jette et tire alternativement. On amorce ces lignes à la main avec du Gapelan {Sahno arcti- cus, Fabr), d'autres poissons ou des palourdes. Quelquefois les pêcheurs emploient la lig?i€ â faucher ou faux, armée de deux à trois hameçons, portés sur un mor- ceau de plomb en forme de poisson ; le pêcheur, lorsque sa hgne est arrivée sur le fond, lui imprime un mouvement de (1) Le même effet a été observé sm- la côte anglaise, et les pêcheurs ex- priment rinfliience désastreuse, bien qu'inexpliquée, de la ligne dormante sur les produits de la pêche à la main, en disant que la ligne dormante ruine les fonds. (2) Un homme peut prendre 6500 Morues au lieu de 700. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 171 va-et-vient, qui lui permet d'accrocher les Morues qu'elle rencontre. Cette pêche, qui n'exige pas l'emploi d'amorce, a l'inconvénient, outre qu'elle est très-faligante pour l'homme, de blesser beaucoup de poissons; elle est assez productive. On prétend que cet engin effraye les Morues, et il fut un temps où les pêcheurs de Miquelon s'opposaient à son emploi dans leurs eaux. Les engins précédents ne peuvent servir qu'autant que les poissons sont réunis près du fond, mais il arrive des circon-^ stances où ils se tiennent plus ou moins près de la surface. On fait alors usage de la Vette, morceau de plomb plus large que celui de la ligne ordinaire, ayant la forme d'un poisson et armé soUdement d'un hameçon : le pêcheur la lance à toute volée dans l'eau et la ramène vivement à lui; il lui fait ainsi traverser les bandes de Morues, qui se précipitent sur le plomb, le prenant pour un Capelan vivant. Cette pêche est quelquefois assez abondante. On emploie aussi dans les mê- mes conditions la Flotte {float des Anglais) ou ligne perdue, qui ne diffère de la Vette que par la forme arrondie du plomb. La pêche à la Seiîie, d'emploi plus moderne que les autres, donne des produits plus considérables, et a l'avantage d'exiger un plus petit nombre d'hommes. Il est défendu de déborder à terre, et le nombre des pièces de filets qui composent la Sei?ie est fixé, par ordonnance, d'après le tonnage et féqui- page. La Morue, Treska (Gadus Morrhua et G. Callarius) abonde sur les côtes de Russie comme sur celles de Norvège, elle y apparaît aussi d'une manière périodique ; elle vit en grande quantité sur le Uttoral de la Laponie russe, où le rivage s'a- baisse promptement à une grande profondeur, et offre à ce poisson des conditions de vie qui lui conviennent d'autant mieux qu'il y trouve en abondance, pour en faire sa proie, des Harengs, des Moyva (Mallotus arcticus) et des Pestchanka {Ammodytes lancea). La Treska est le seul poisson de mer qui, pour les pêcheurs lapons, soit l'objet d'une pêche spé- ciale, faite sur une grande échelle. Ils sont réunis en arteh. Ï7'2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. sortes de sociétés coopératives, dans lesquelles le mode de répartition du gain entre les patrons et les pêcheurs n'est pas toujours identique pour les diverses pêcheries. Les pro- cédés de pêche de la Morue par les Lapons ne diffèrent pas sensiblement de ceux des Norwégiens ; en effet, ils emploient le plus souvent des hameçons amorcés et fixés à des lignes plus ou moins longues. Quelquefois ils font usage de grandes nappes de fdets, en forme de carrelet, qu'ils étendent au fond de la mer et dont quatre embarcations manœuvrent les coins ; on prend surtout ainsi du Saijda (Gadus virens). En même temps que la Treska, les Lapons prennent d'autres espèces de poissons, qu'ils affectent spécialement à leur nourriture et dont ils ne font pas commerce; ce sont : le Pikchouy {Gadus jEglefinus)^ le Saijda {Gadus virens) (1), le Paltous (Hippoglossus maximus), qui atteint quelquefois le poids de 15 pouds (*2/iO kilogr.), le Kambala de mer {Pleuronectes PlatessUy P. Limanda et P. Limandoides) , le Meniok {Brosmius vuigaris) , VOkoune de mer {Sebastes nor- vegicus), très-bon poisson, qui est très-recherché à Saint- Pétersbourg pour sa jolie couleur, le Zoubatka {Anarrichas Lupus e\. Pantarius), eiVAkoula [Scyinnus borealis). Les Lapons pèchent aussi dans toute la mer Blanche, ex- cepté dans la baie de Kandalak une espèce particulière de Morue, la Navaga, Gadus Navaga, Kolr., qu'ils estiment très-peu, mais dont on est très-friand dans l'intérieur de la Russie, et qui se transporte congelée jusqu'à Odessa dans la Russie méridionale. Les diverses expositions présentaient un grand nombre d'engins employés par les pêcheurs pour capturer et prépa- rer la Morue, tels que couteaux à flaquer, hameçons, etc., ainsi que des spécimens de poisson conservé et provenant des divers lieux de pêche. Le Comité de Dunkerque avait pré- senté à l'Exposition de Boulogne une certaine quantité de Morue, préparée en Islande et remarquable par sa belle con- servation. Ce n'est qu'au retour que les marins dniikerquois (1) Surtout dans la baie du Mézène. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 1/3 procèdent à l'emballage définitif du poisson, qu'ils ont chargé en vrac, et, comme ils salent de nouveau à ce moment, ils évitent l'inconvénient d'une saumure trop abondante, qui roussit le poisson et lui donne mauvais goût et une déplaisante odeur. HARENG (1). La pêche du Hareng [Clupea harengus] , connue en France, depuis le xi' siècle, a été longtemps l'apanage de Dieppe et de Rouen, qui, au xiv^ siècle, importaient ce poisson des mers du Nord et le distribuaient dans toute la France et même dans le Levant. Plus tard, d'autres places maritimes prirent une part active à cette industrie et, en 1789, Fécamp avait déjà cinquante bateaux de pêche. Aujourd'hui, après une dis- parition de cette pêche, occasionnée par les guerres de la République et de l'Empire, elle a repris un nouvel essor, et est d'une grande importance pour Dieppe et Boulogne-sur- Mer. La pêche du Hareng se fait en France sur les côtes de Dunkerque au Havre, de septembre à février ou mars, et se prolonge quelquefois jusqu'en mai; les dimensions de ce poisson varient suivant les localités, mais c'est dans les ré- gions du Nord qu'il acquiert le volume le plus considérable, en raison de la plus grande quantité d'animalcules et de Gammarus qu'il y rencontre. Du reste, nos pêcheurs vont chercher le Hareng sur les côtes d'Angleterre, sur le Dogger- Bank et jusqu'au voisinage des côtes de l'Ecosse. Le Hareng se pêche en France, ou dans les diverses localités où se ren- dent nos pêcheurs, au moyen de filets, et le produit de la pêche est apporté dans nos ports pour y subir diverses pré- parations. Le Hareng iStrœineling), qui, avec la Morue, est presque le seul poisson de mer ayant une importance commerciale en Russie, se pêche en abondance dans la Baltique, dans l'eau fl) J. L. Soubeirau. La y.pche du Hareng {Ann. dr la Société linnéenne de Maine-et-Loire^ t. XII, 1870). ^7 h SOCIÉTÉ d'acclimatation. très-peu salée et presque douce du golfe de Finlande et sur- tout de celui de Bothnie. On le prend l'hiver, sous la glace, . à Moudïouga, près d'Arkhangel, au moyen de grands carre^ lets, munis à leur partie médiane d'une poche dans laquelle le poisson s'entasse sans pouvoir en sortir. A Soroka(Oné^à)i on fait usage de sortes de nasses, qu'on introduit sous la glace, et qui sont munies à leur partie antérieure de deux longues ailes (i). Longtemps considéré comme un poisson de luxe, digne d'être offert en présent aux princes et souverains ('2), le Hareng, sans perdre de ses qualités, est devenu plus vulgaire et entre aujourd'hui dans l'alimentation des populations, soit à l'état frais, soit après avoir subi diverses préparations. Le Hareng, qui n'est pas consommé frais, est conservé, soit au moyen du sel, soit au moyen de la fumée, et est présenté sous les différentes formes de Hareng blanc, Hareng bouffi, Hareng demi-prêt et Hareng saur (3). Hareng blanc paqué {Salted ov while herrijig) . Ce Hareng est caqué, c'est-à-dire qu'on lui enlève les branchies et les ouïes, en ayant soin de ne pas Végaver, c'est-à-dire de ne pas faire une fente trop large, qui laisserait échapper la laite ou les œufs. On caque, en laissant le bouquet {crow?i-gut) j.c' est- à-dire l'estomac et l'intestin, ou en le supprimant. Les Anglais ne le conservent pas, et ont un poisson d'apparence plus nette ; mais les Écossais, les Hollandais et les Français pen- sent que le bouquet donne une saveur plus parfaite au Hareng. Le Hareng peut avoir été caqué en mer ou à terre ; dans le premier cas, dès qu'il arrive à terre, on le lave dans de la saumure propre et on l'y laisse séjourner quelques instants; puis, on l'égoutte dans une auge à fond incUné, metz, et on (1) On le prend aussi en grande abondance sur la côte de Kandaxclixa. (2) En 1676, le Hareng figurait au nombre des objets précieux que Chris- tian P^, roi de Danemark, apportait au Pape et aux cardinaux. (3) Biiret, Préparation du Hareng dans les ateliers de salaison des ports de la Manche. (Revue maritime et coloniale, t. XI, p. 52/i, 186Zi.) — Lon- quety aîné, Pèche et salaison du Hareng (îdem, t. XV, p. 305, 1865). . EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 175 rétend par couches dans un baril le dos en-dessous. Ce pro- cédé, qui exige un personnel moindre que le second, donne le produit le plus estimé, car le poisson a été mis dans le sel au moment même où il sortait de la mer, et a séjourné quelque temps dans la saumure : celle-ci, mise en mouve- ment par la marche du navire, a imprégné plus également le poisson. La préparation à terre du Hareng blanc demande un nombreux personnel et ne permet pas le moindre retard, car le poisson se détériore rapidement. Sitôt acheté aux pêcheurs, il est porté en toute hâte aux ateliers, jeté dans les bacs à caquer, et travaillé par des femmes qui le privent de ses breuilles et de ses ouïes ; puis, il est mis dans un bac, où un saleur le brasse, avec la quantité de sel nécessaire, soit au moyen de pelles particulières,- dites iaveressesj soit mêttié à bras. Quand le mélange avec le sel est suffisant, on met le poisson macérer dans la saumure pendant une dizaine de jours. Cette macération se fait à Boulogne-sur-Mer dans de vastes caves en maçonnerie ; à Dieppe et à Fécamp, dans des barils, qili, dit-on, permettent une imprégnation plus uni- forme. Quand le Hareng est à point, on le lave dans de la saumure propre, on l'égoutte dans une înetz et on Valite dans un baril, comme le Hareng caqué en mer. En France, on fait toujours usage de barillages de hêtre, où la paqueuse tasse le poisson, tantôt au moyen d'un tam- pon, ce qui déforme moins le poisson et laisse une plus grande quantité de saumure, tantôt à la presse. Le premier de ces procédés est préféré par les Boulonnais, qui pensent que cette saumure assure mieux la conservation. A Fécamp et à Dieppe, où l'on comprime le Hareng au moyen de la presse, on cher- che, au contraire, à se débarrasser de la plus grande quantité possible de saumure; car on est persuadé que le poisson se conserve mieux à sec. Il paraît cependant que la saumure donne une meilleure qualité au poisson, et même quelques saleurs expriment le vœu d'une révision de la loi, qui, aujour- d'hui, n'autorise pas l'emploi de plus d'un kilogramme et demi de saumure par baril. 176 SOCIÉTÉ d'acglimâtatiun. Les Écossais, dont les Harengs paqués sont justement esti- més, les expédient en Allemagne avec de la saumure dans des barils de 27 gallons impérial (gallon im^périal = 125 litres), munis d'une marque gouvernementale, qui témoigne de la qualité du contenu, et qui n'est accordée qu'avec une extrême rigueur. Les poissons destinés à TAngleterre et à l'Europe sont alités le dos en dessous, tandis que ceux destinés à l'Ir- lande sont couchés sur le côté (1). Les barils, qui peuvent être faits de tout bois, le sapin excepté, sont le plus ordinai- rement en mélèze, moins poreux que le hêtre et pouvant im- punément rester exposé au soleil. Le bois de chêne n'est presque jamais employé, en raison de son prix élevé. Les Anglais font peu de Hareng blanc : ils le conservent dans la saumure ; mais, comme ils ne suivent aucune règle et, comme ils n'ont pas de marque officielle témoignant de la qualité, leurs produits sont généralement peu appréciés. Les Hollandais, qui se servent toujours de barils de jeune chêne, fournissent au commerce un Hareng qui est apprécié, à juste tilre, des consommateurs, mais avec lequel les pro- duits de nos pêcheurs peuvent rivaliser, bien que l'opinion générale ne leur accorde pas cette qualité. Hareng bouffi {Bloater-Herring). On détrempe le Hareng dans l'eau fraîche pour le priver de l'excès de sel, fourni par la saumure, on le lave et on l'égoutte pendant cinq à six heures sur les hajiès (2), baguettes qui servent à le suspendre dans les cheminées, où il doit séjourner encore vingt-quatre heures. Le feu est fait avec deux ou trois morceaux de hêtre (3), donnant une flamme douce ; on l'allume d'abord au fond de la cheminée, puis, huit heures après, on le tire au milieu de la cheminée ; puis, huit heures après, sur le devant. Lorsque le (1) Les barils, destinés à Tlnde, sont toujours reparfués. (2) Les /ia?2è5 sont de longues baguettes de 1 mèlre à 1",30, sur les- quelles on enfile de douze à quinze poissons. En général, il y a douze à quinze rangées horizontales dans la cheminée. (3) Le Hareng, saiiri au bois de hêtre, se conserve mieux qu'un autre et peut être encore très-bon au bout d'un an, s'il a été gardé dans de bonnes conditions. EXPOSITIONS IINÏERNATIO^ALES DE PÊCHE. 177 Hareng est sec, on met sur la braise des copeaux mouillés, qu'il est essentiel de ne pas laisser flainber, et qui donnent une épaisse fumée : les poissons y restent exposés pendant deux heures, ce qui leur donne une belle couleur dorée: (c'est ce qu'on appelle boucaner). On laisse refroidir et l'on empaquette. Les Ecossais, sitôt le poisson débarqué, le jettent dans une forte saumure, où il séjourne cinq à six heures, puis ils l'enfi- lent sur des hanès et le plongent dans l'eau douce. Une fois bien égoutté, le Hareng est mis dans les cheminées, où des feux bien clairs ont été préalablement allumés : cinq à six heures après, on retire le poisson, qui est très-sec et d'excel- lente qualité; mais on ne peut le comparer au bouffi de France, qui a reçu l'action de la fumée. Hareng demi-prêt. 11 se fait avec du Hareng salé, qu'on détrempe pendant dix à vingt heures, puis qu'on laisse quel- que temps dans une seconde eau douce : on l'en retire au moyen de pelles et on l'enfile dans les hanès; il reste pendu pendant plusieurs heures dans l'ateUer ou les cheminées, pour se bien ressuyer. A Boulogne, on met d'abord les rangées les plus hautes, distantes de 5 à 6 mètres du feu, et l'on descend jusqu'aux plus basses, qui n'en sont éloignées que de 2 mètres envi- ron ; dans les cheminées, qui sont en général partagées en deux par un encadrement de bois, destiné à supporter une des extrémités des hanès., on établit de trois à cinq feux de hêtre au fond, puis au milieu, puis sur le devant de l'âtre : on recommence les feux, chaque jour, de la même manière pendant trois à six jours, d'après le goût des consommateurs et le plus ou moins de durée de conservation qu'on veut obte- nir. De temps en temps, on met un peu de sciure de bois de hêtre ou d'orme sur les foyers, pour boucaner. On retire les poissons au fur et à mesure de leur dessiccation, en continuant les feux, jusqu'à ce que les cheminées soient entièrement vides. A Fécamp, on ne rempUt pas les cheminées en une seule fois, comme à Boulogne, ce qui fait qu'une moitié du pois- 2*^ SÉRIE, T, Mil. — Mai et Juin 1871. 12 178 SOCIÉTÉ d'acclimatation. son subit une dessiccation deux lois plus longue. On boucane, puis on redonne quelques heures de feu clair, mais ce pro- cédé ne permet pas d'obtenir des poissons aussi bien dorés. Hareng saur (Red- Eer ring). On opère, non plus dans des cheminées, mais dans de grandes chambres dites caresses ou roiissables, qui n'ont que de très-petites ouvertures, par les- quelles la fumée puisse s'échapper, et dans lesquelles on peut placer de vingt à soixante mille harengs. Le poisson dé- trempé dans l'eau douce, puis lavé et égoutté, est pendu dans la coresse, où il subit l'action du feu pendant au moins six jours (à ce moment, il commence à être saur) ; rare- ment il y reste plus de douze jours. On comprend, du reste, que nos Harengs saurs, presque tous consommés en France, n'ont pas besoin d'une exposition à la fumée aussi prolongée que ceux des Écossais, et des Hollandais destinés à l'exporta- ' tion. Une précaution importante est de ne les embariller que bien secs. Les Dieppois chaufï'ent la coresse pendant cinq à six jours, la laissent close pendant deux jours sans feu, et recommencent à chauffer pendant cinq à six jours, procédé qui a la plus grande analogie avec celui des Anglais. Les Écossais chauffent avec du bois de chêne, sur lequel ils jettent de temps à aulre de la sciure de chêne (1), et entretiennent le feu pendant dix à douze jours, pour les Harengs destinés au Royaume-Uni, quatorze à vingt et un jours pour le Hareng d'exportation, et un mois pour celui destiné à l'Austrahe. Ils éteignent leurs feux et laissent refroi- dir, comme les Français, avant de dépendre leur Hareng, qui est plus ferme que le nôtre (*2). On extrait des Harengs une huile qui est très-répandue dans le commerce, surtout dans les contrées du Nord. Fabri- quée d'abord, en 1750, par le Suédois Bauer, cette huile fut surtout l'objet des études du baron Cahsman, qui chercha et (1) Us boucanent tout le temps. (2) Le Hareng bouffi et le Hareng saur anglais et écossais sont enfermés clans des caisses de sapin. EXPOSITIONS INTEUNATIONALES DE PÊCHE. 179 réussit à doter la Suède d'une nouvelle industrie'; mais comme cette fabrication coïncida avec la disparition des Harengs, vers la fin du xuf siècle, des côtes de Suède, le gouvernement suédois ne voulut plus tolérer l'existence des fabriques d'huile sur le rivage même et porta ainsi un coup mortel à cette in- dustrie, qui, par des moyens très-simples, extrayait l'huile, et qui pouvait fournir, au moyen des résidus, un engrais ex- cellent à l'agriculture. L'Exposition de Boulogne présentait, comme on devait s'y attendre dans une ville qui se livre sur une large échelle à la pêche du Hareng, de nombreux spécimens des divers engins nécessaires à sa capture. Nous avons remarqué en particulier la très-intéressante collection de notre confrère M. J. Lebeau, et le modèle de ses ateliers; nous avons surtout été heureux de pouvoir visiter avec détail, grâce à l'obhgeance de M. J. Le- beau, ses boii/fisseries, qui ont l'avantage sur les caresses de préparer les poissons plus rapidement et plus économique- ment, en raison de la violence? du courant d'air. Nous devons citer encore les cuviers à faux fond de M. Bourgoin-Dumer- teau, où la bonde est remplacée par une petite fermeture articulée, ses pelles iaveresses, de fer galvanisé, plus com- modes que celles de bois, et son modèle de cheminée à sau- rissage, où la fermeture, au heu d'être de toile, est faite avec une plaque de tôle mobile au moyen d'un cran, ce qui diminue le danger d'incendie, tout en permettant d'obte- nir le degré de chaleur voulu. Un modèle de cylindre à mani- velle, pour saler le Hareng par la rotation du poisson avec le corps conservateur, avait aussi été exposé par notre conirère M. Lonquéty, qui pense obtenir ainsi un mélange plus parfait du poisson et du sel. Sardine. La Sardine {Chipea sprattus, L.) (1), précieuse marine pour nos pêcheurs, abonde surtout sur nos côtes, depuis l'ex- (l) Caille jeune, Recherches sur la pèche de la Sardine en Bretaqne et sur les induslri,^.^ qui s'y rattachent, 1856. — Peyron, De la pèche à la 180 SOCIÉTÉ d'acclimatation. irémité de la Bretagne jusqu'à l'embouchure de la Loire (i); mais OR la rencontre aussi dans les environs de Morlaix, rare- ment jusqu'aux Héaux de Bréat, et dans le golfe de Gascogne, jusqu'auprès de Saint-Jean de Luz. Elle apparaît sur nos rivages vers le mois de mai, et est alors petite et très-vive; plus tard, elle grandit et devient plus lourde; on en prend plus, mais elle vaut moins. Elle se pêche, pendant la plus grande partie de l'été et de l'automne, au moyen de filets plongeants en fil {rès-fin, à mailles îrès-étroites et suffisantes pour emmailler ; ces filets flottent au moyen de lièges nom- breux, et, pour y attirer la Sardine, les pêcheurs jettent constamment de la vogue à la mer. Pour économiser la rogue, dont le prix est toujours assez élevé, on a eu, dans ces dernières années, fidée de faire usage de sortes de seines, auxquelles on a donné le nom breton à^Ar-boid- gninn (économisateur de rogue) et que manœuvraient deux bateaux; mais les résultats n'ont pas été assez satisfaisants pour que l'emploi de ces filetsf dont la première idée se re- trouve dans un mémoire de 1767, se soit généralisé. On a cherché aussi, comme nous le verrons plus loin, à substituer à la rogue de Norvège d'autres appâts, mais jusqu'à présent aucune autre substance n'a donné les mêmes résul- tats ; aussi nos pêcheurs continuent-ils à faire usage du pro- duit norwégien, malgré son prix élevé. Aussi longtemps que le poisson afflue, travaille, comme disent nos sardineurs, dans le filet qui plonge de plus en plus, on lance successivement plusieurs tessures; ensuite, on haie et Ton jette dans la cale le poisson, qu'on s'empresse de rapporter à terre. Dans la Méditerranée, et surtout aux environs de Marseille et de GoUioure, on pêche au moyen d'un filet, nommé Sardi- Sardine et des industries qui s'y rattachent, par un pêcheur, I86Z1. — Henri Butât, La pêche à la Sardine. (Journal officiel, 15 octobre 1869.) (1) C'est principalemenl dans les eaux de Groix, de Douarnenez et de Coricarnecii, que se fait la pêche de la Sardine, qui occupe annuellement près de /j500 chaloupes, jaugeant de 9 à JO 000 tonneaux. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 181 Tfial^ de grandes quantités de Sardines, qu'on conserve sur- tout par la salaison. On en prend aussi de très-grandes quan- tités dans les madragues, destinées à la pêche du thon. Comme la Sardine est un poisson très-délicat, il faut pour pouvoir le transporter, même à de petites distances, l'avoir fait séjourner au moins deux heures dans le sel. La majeure par- tie des poissons est conservée à l'huile; pour cela, après l'avoir comptée et lavée à l'eau de mer dan? des paniers en fil de fer, on la transporte à la fabrique, qui porte le nom de friture ;\k, les sardinières lui font subir diverses préparations : elles commencent par étriper, en enlevant d'un seul coup la tête et les entrailles, puis elles placent les Sardines dans le sel, pour les faire ensuite sécher sur des grils à plusieurs rangs obliques ; elles les descendent ensuite dans la friture (1) bouillante, où elles restent cinq minutes. On laisse refroidir, puis on range dans des boîtes de fer blanc, en ayant soin de remplir à pleins bords avec de l'huile : on finit par souder hermétiquement les boîtes, qui sont alors prêtes pour l'expor- .tation. Les Sardines les moins belles et les plus petite? sont en général salées, sans être étripées, puis mises en baril et pres- sées; mais la quantité qu'on prépare ainsi n'est jamais aussi considérable que pour la friture. On a fait clans ces dernières années des essais pour trans- porter à Paris les Sardines conservées fraîches dans la dace ; mais malheureusement les droits d'octroi assez élevés qui frappent la glace à son entrée à Paris, ont empêché de donner suite à ce moyen de transport, qui aurait pu assurer aussi le placement d'un produit très-abondant (*2), mais que sa difti- culté de conservation ne permet pas d'exporter en aussi grande quantité qu'il serait avantageux pour nos pêcheurs. La Sala-Koucka ou Sardelle ( Clupea pilchardus ) est très-abondante dans les eaux de la Baltique et sert, ainsi que fl) On emploie de l'huile d'olive de bonne qualité, en général provenant de Nice on de P Italie. (2) On peut évaluera 115 000 000 le nombre des Sardines pècliées, d;ii)^ une seule saison, sur nos côtes de POréan. 182 SOCIÉTÉ d\\cclimatation. la Kilka ou Sardine dEsthionie {Chipea sprattus) el le i?a- piouchka {Coregonus albula)^ à la nourriture des populations riveraines. Ces poissons recherchent l'eau froide et voyagent par bancs énormes, en suivant la direction donnée par les vents ; c'est à la persistance de ces vents qu'on doit l'abon- dance de ces poissons dans quelques localités au détriment de certaines autres, où ils manquent complètement. Cette capricieuse disparition du poisson se prolonge quelque- fois assez longtemps : c'est ainsi qu'en 1772, les habitants de la Laponie russe, qui tiraient presque exclusivement leur nourriture de la Sala-Koiichka, se virent sur le point d'émi- grerpar suite de sa disparition des environs de Kola; mais, cinq ans après, la Sala-Kouchka est apparue en masses telle- ment compactes, qu'au reflux les poissons laissés par le flot couvraient la plage de leurs cadavres et que les habitants de Kola se virent dans l'obligation, pour éviter la pestilence, de les enfouir dans des fosses, ouvertes par les ordres de l'au- torité. La Sala-Koiichka est un des poissons dont les allures capricieuses ont occasionné les doléances les plus vives de la part des pêcheurs de la Baltique. Aujourd'hui encore ils se plaignent de la diminution progressive du nombre et de l'é- tendue des bancs, qui étaient, disent-ils, assez abondants, du temps de leurs pères, pour qu'on employât au fumage des terres la majeure partie du poisson. Cependant, à cette époque même, M. Rislew (1) se plaignait de la disparition de la Sala- Kouchka en Suède, et, en 1680, la ville de Revel accorda l'exemption de tout impôt à un de ses bourgeois à la condi- tion d'importer de Suède toute la quantité de ce poisson, nécessaire à l'approvisionnement de la ville. Alose. L'Alose {Clupea Alausa, L.) remonte la plupart de nos fleuves de la Méditerranée et de l'Océan vers le printemps et vient y frayer à une époque qui varie peu pour chaque fleuve, (1) Annales de V Académie mèdoisp, pour ilUH. EXPOSITIONS INTEP.NAÏIONALES DE PÈCHE. 1 H3 ainsi qu'il résulte des observations intéressantes de notre con- frère M. de Selys-Long-champs (1) en Belgique, et de celles de M. Thomas dans la Loire. On remarque que toujours l'af- flux des poissons est annoncé par l'arrivée de quelques Aloses plus précoces, qu'on désigne sous le nom de Coureuses. Les Aloses ne remontent pas dans tous les fleuves à la même distance de l'embouchure, mais leur limite paraît être en quelque sorte immuable pour chaque cours d'eau; c'est ainsi que M. Pouchet a reconnu qu'elles ne remontaient presque jamais dans la Seine au-dessus de Quevilly, distant de l'em- bouchure de 90 kilomètres, et l'on sait que, dans le Guadal- quivir, elles arrivent jusqu'à Épora, éloignée de la mer par une distance de 176 kilomètres (A. Duméril). Les Aloses sont presque toujours consommées à l'état frais ; il semble qu'il serait avantageux de pratiquer en France le procédé de saurissage léger, qu'on emploie dans plusieurs contrées du Nord. Le Volga nourrit une espèce particulière d'Alose {Clupea pontica, Eich), à laquelle les Paisses donnent le nom^ de poisson enragé, parce qu'elle tourne vivement sur elle-même quand elle fraie, et qui était pour cela même délaissée comme nourriture ; on la recueillait seulement pour en extraire l'huile (2). Depuis I85â, on en sale de très-grandes quantités (50 à 100 millions d'individus), qui se consomment dans toute la Russie et même k Moscou et à Saint-Pétersbourg sous le nom de Hareng d'Astrakan (Danilewsky). Cette espèce se retrouve aussi dans le Dnieper, le Don et ' le détroit de Kertch. Au moment de la fraie, elle quitte les eaux salées, pour venir dans les eaux saumàtres et douces des deltas de la Caspienne, de l'Azov et de la mer Noire, où elle (1) De Selys-Longchamps, Observations sur les phénomènes périodiques du règne animal. {Mémoires de l'Académie des sciences, lettres et beaux- arts de Belgique, \. XXXIIT, p. 59, 1861.) (2) On en relire anniiellcnicnt, pendant les trois semaines que la pêche en est permise, 100 000 à 250 000 ponds d'hnile, selon que la pèche a été plus on moins abondante et le poisson plus ou moins gras (Danilewsky). On calcule que 1000 poissons no donnent pas plus de M kop. d'huile. iSli SOCIÉTÉ d'acclïmatâtiox. rencontre les conditions les plus favorables à sa reproduction . Dans ses migrations, l'Alose apparaît, au mois de décembre, d'abord dans le détroit de Kertch, à l'entrée de la mer d'Azov, où elle se tient jusqu'à ce que le mer commence à geler; de là, elle suit les côtes de la Crimée jusqu'à Théodosée, d'où elle se dirige vers les côtes du Caucase , descendant jusqu'à Batoun et Trapezonde, mais sans jamais aller plus au sud (en effet, sur les côtes de l'Anatolie elle n'est même pas connue). Du mois d'octobre à mars, l'Alose pontique se tient dans ces derniers parages; après celte époque, elle recom- mence sa migration vers la mer d'Azov, passe rapidement le détroit de Kertch et se dirige vers le golfe de Taganrog et l'embouchure du Don pour y déposer ses œufs. On prend un plus grand nombre de ces Aloses dans le Don que dans le détroit de Kertch, mais elles leur sont inférieures pour la qualité de la chair et le volume ; le mode de prépara- tion n'est pas non plus aussi parfait, aussi ces Aloses sont- elles moins estimées que celles de Kertch, connues sous le nom de Harengs. Les Aloses du Dnieper sont de qualité infé- rieure, parce qu'elles y arrivent seulement au moment des chaleurs : on n'en trouve jamais dans le Koubane. On pour- rait prendre beaucoup de ces poissons à la mer le long des côtes de la Russie, si les pécheurs y étaient moins rares (J). La Feinte {Alausa finta, Cuv.) remonte dans les mêmes eaux que l'Alose, mais un peu plus tard, environ un mois dans le Rhin; elle se distingue de l'Alose, qui lui est préfé- rée, par la présence de quelques dents aux mâchoires (2). MAQUEREAU. Le Maquereau {Scomber Scombrus, L.) fréquente sur nos côtes les mêmes régions que le Hareng, et se trouve depuis Dunkerque jusque sur les côtes de Bretagne; mais nos pê- cheurs vont souvent le chercher au large des Sorlingues.et jusqu'en vue du cap Glear (Irlande). (1) Valenciennes, Ichthxjoloqic, t. XX, p. 2Zi6. (2) Troschel, Archiv fur Xaturgeschichte, p. 228, 1852. EXPOSITIONS lNTERNATfON\LES DE PÊCHE. 185 La voracité de cette espèce en rend la prise assez facile, car elle se jette sur toutes sortes d'appâts et donne facilement dans les parcs et étentes. On prend surtout beaucoup de Ma- quereaux, au moyen de grandes tessures de lilets, tendues ver- ticalement entre deux eaux, quelquefois aussi sur une lon- gueur de 2 à 3 kilomètres. On prend des maquereaux aussi bien près des côtes, ce qui constitue le petit métier^ qu'à trente ou quarante lieues au large; c'est alors faire le ^r«n glaces vers la haute mer, et la navigation dans de frêles embarcations offre alors les plus grands dangers. Aussi, sur plusieurs points de la côte, a-t-on établi des observatoires qui permettent de s'assurer à l'avance si les champs de glace sont habités par quelque famille de Phoques, et, par suite, de ne les accoster qu'à coup sur. Les glaces continuant à être entraînées vers le pôle, les Phoques adultes y abandonnent leurs jeunes, qui sont alors assez développés pour se suffire, se dirigent vers le cap Kœ- nouchin pour s'accoupler, opération qui a heu dans l'eau, les animaux étant ventre à ventre : à ce moment, ils sont insen- sibles à tout ce qui les entoure, à ce point que les pêcheurs peuvent les approcher facilement et souvent tuent d'un même (1) La peau des nouveau-nés est jaunâtre : en huit jours, elle se couvre d'un duvet très-blunc. Trois à quatre semaines après, ils commencent à muer, et alors leur peau diminue de prix : ils finissent de muer vers le mi- lieu de mars, et leur duvet est remplacé par un jare grisâtre. A partir de ce moment, ils sont abandonnés par leurs parents et se décident à se jeter à Peau. En avril, nageant ou charriés par les glaçons, ils arrivent rapide- ment dansPOcéan, d'où ils ne reparaissent sur les côtes qu'à l'âge adulte : ils portent alors à l'épaule une tache brun fonc** en forme de lune, EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 19 i coup de harpon le mâle et la femelle (i). Plus tard ils entrent dans le golfe de Mezène et s'y réunissent en nombreuses fa- milles, ou peaux (2). A cette époque, de nombreuses troupes de chasseurs se réunissent pour passer des semaines entières à la poursuite des Phoques, et charrient avec elles des traîneaux, de grandes embarcations et les provisions nécessaires pour un assez long séjour. Ils forment aussi sur la glace des sortes de villages (3) mobiles, desquels ils sortent chaque jour pour aller à la recherche des peaux. Sitôt qu'une de ces agglomé- rations de Phoques a été signalée, la troupe des chasseurs se dirige vers elle et les plus habiles tireurs sont chargés de l'hécatombe : il est, en effet, essentiel de ne tirer qu'à coup sûr, car le bruit des détonations et la mort de leurs voisins ne tourmentent pas trop les Phoques; mais si l'un d'eux, blessé seulement, fait entendre le cri de douleur, qui indique qu'il a été touché, aussitôt la troupe entière prend l'alarme et dispa- raît dans les trous si fréquents sur la glace. Quand la tuerie a donné tout ce qu'on peut emporter avec soi, on dépouille les victimes, on roule leur peau chargée de graisse et l'on re- gagne la terre ferme. Au commencement de mai, les Phoques retournent dans l'Océan; mais les brouillards, la pluie et la neige les forcent quelquefois à devancer l'époque de cette émigration. Sur la côte occidentale de la mer Blanche, la chasse se fait un peu différemment. Du bord de la glace qui reste toujours adhérente au rivage, un chasseur tire sur les PJioques, qui nagent à portée de son fusil, et cherche à les blesser seule- ment. Cette précaution, ici, est essentielle, car les aides des (1) La femelle porte dix mois. (2) Les Paisses donnent le nom de peaux à ces immenses réunions de Phoques, qui vivent ainsi sur la glace sans mouvement, épuisés qu'ils sont par les falii^ues de rallailement et les plaisirs de Pamour. Toutes les fois que le soleil paraît à Thorizon, ils sortent sur la glace, y restent immobiles et, par \\ chaleur de leur corps, qui en détermine la fusion, ils y forment des sortes d'auges ou baignoires, où ils restent à moitié plongés. (3) Les chasseurs posent une toile à voile sur leur bateau et se font ainsi un refuge, qui leur permet de passer les nuits sur la glace, tant qu'ils n'ont pas fait une chasse suffisamment fructueuse. 192 SOCIÉTÉ d'acclimatation. chasseurs doivent, à l'aide d'un bateau, harponner l'animal épuisé, avant qu'il n'ait coulé à fond, ce qui arrive presque immédiatement après la mort. Dans la mer Caspienne on voit encore en grande quantité le Phoca caspica Nils (i), malgré les immenses tueries qui en ont été faites et en ont diminué le nombre. On emploie trois moyens pour s'emparer de ces animaux. L'un de ces moyens, la tuerie sur la glace, qui fournissait surtout des peaux de jeunes animaux à fourrure blanche, soyeuse et très facile à teindre, est aujourd'hui interdit, car il eût amené promp- tement la disparition complète d'une espèce qui ne donne qu'un petit par an. Le second procédé de chasse s'emploie sur les îles, au printemps et en automne, à l'époque où les Pho- ques se réunissent sur les rivages pour s'y réchauffer au so- leil : quand ils peuvent surprendre un troupeau de ces ani- maux, les chasseurs se placent entre eux et la mer et, à un si- gnal donné, assomment à coups de bâtons tous les Phoques les plus rapprochés d'eux, de façon que leurs corps for- ment obstacles à la fuite de leurs compagnons, dont les mou- vements sont difficiles à terre. Il n'est pas rare par ce moyen de voir des troupeaux entiers exterminés (jusqu'à 10 000 dans une nuitj. Au jour on dépèce les victimes, on roule leur peau et l'on enterre profondément les cadavres pour éviter que leur odeur n'empêche de longtemps de nouveaux Phoques d'atterrir le rivage. Quelquefois même on prend soin de charger les corps sur des bateaux, pour aller au loin les jeter à la mer. Le troisième procédé, qui est surtout en usage aux embouchures du Volga, dans la mer d'eau douce de Senéié mor/20 (petite mer bleue), se fait au moyen de filets préalable- ment tendus, vers lesquels on pousse les Phoques en faisant un grand vacarme pour les effrayer : ce procédé n'est toléré qu'à une certaine distance des pêcheries et des Ueux, où se font habituellement les tueries de Phoques. Dans quelques contrées, comme au Groenland, par exemple, (1) Ouelques aiUeiirs pensent que c'est une variété du Phoca vitu- iina, h. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 193 on fait usage de grandes nasses en cordes résistantes et munies de deux immenses ailes dans lesquelles on fait entrer les Phoques pourchassés au moyen de canots. A l'exposition de Bergen, nous avions observé une sorte de trappe destinée à prendre les Phoques, par un mécanisme analogue à celui de la souricière. A celle de Boulogne se trouvait le modèle, pré- senté par M. le D' Lyth, de Wisby, d'un piège à Phoque assez curieux : il consiste en un filet disposé à plat sur les quatre côtés d'un rocher, dans les localités fréquentées par ces ani- maux (on sait que les Phoques aiment à venir se reposer et dormir sur les rochers émergents) ; dès qu'un Phoque s'y éla. bht, on relève au moyen d'une corde les quatre côtés du filet, qui le fait ainsi prisonnier. Le directeur du Musée royal ethnographique de Copenha- gue, qui avait présenté à Boulogne une collection remar- quable d'objets usités par les Groenlandais, avait exposé, en particulier, les divers engins employés par ce peuple pour la chasse du Phoque, depuis le léger kaiak fait avec la peau de cet animal, et les harpons (1) destinés à le tuer, jusqu'aux la- nières de peau de Phoque qui servent à haler son cadavre jus- qu'à terre, et aux bouchons à sang avec lesquels le Groenlan- dais bouche les blessures qu'il a faites et prévient l'effusion du sang, qui constitue une de ses boissons favorites. On re- marquait aussi de grands filets de chanvre fabriqués avec un fil très-résistant; qu'ils emploient quelquefois pour prendre les Phoques. A côté de ces curieux engins de populations qui ne con- naissent pas encore la civilisation, se trouvaient des ustensiles qui rappelaient à s'y méprendre ces instruments de l'âge de pierre employés, au temps jadis, par des races humaines, res- tées ignorées jusqu'à ces derniers temps, des vêtements im- perméables faits de peau de Phoque, des pelisses faites avec les intestins de cet animal et dont les sorciers du pays se ré- (1) Le harpon, fait de bois et d'os, est organisé de façon que sa pointe d'os reste dans la plaie et serve de point d'appui pour tirer l'animal à terre, soit au moyen de filaments de peau de Phoque, soit au moyen de lanières, faites avec des fanons de Baleine. 2^^ SÉRIE, T. VIIL — Mai et Juin 1871. 13 19A SOCIÉTÉ d'acclimatation. servent l'usage exciusir, et même ce curieux instrument, le Komansjut {pour la propreté du corps^ dit l'étiquette), avec lequel le Groenlandais débarrasse sa peau du superflu de l'huile dont il a enduit tout son corps ! En Russie, sur les bords de 'la mer Blanche et delà mer Caspienne, on obtient la graisse de Phoque par un procédé très-simple. On sépare la graisse adhérente à la peau, on la met dans des tonneaux ou jarres exposés à l'action du soleil, qui en fait exsuder une huile de première qualité, puis on fond le résidu dans des chaudières avec un peu d'eau pour empêcher l'inflammation. Il n'existe qu'un seul établissement en Russie où l'huile se prépare en grand à la vapeur. On y retire l'huile des Phoques, tués en mai ou en automne sans saler préalablement les peaux à l'aide de la couche de graisse qui y adhère, opération qui est nécessaire en été pour pou- voir les garder quelque temps. On sépare les huiles de Pho- ques en trois sortes : celle qui découle sponlanément par le seul effet de la pression des couches supérieures entassées sur les inférieures, celle que l'on prépare à la vapeur dans des chaudrons hermétiquement fermés, et celle enOn qu'on retire des résidus soumis à une forte pression (1). L'huile de Phoque extraite dans la mer Caspienne est en- tièrement consommée en Russie : celle, recueillie dans la mer Blanche est, au contraire, presque toute exportée. La peau des jeunes Phoques de la mer Caspienne et de la mer Blanche est employée, comme fourrure, parles Russes, après avoir été teinte. Celle des animaux adultes est en géné- ral simplement salée et exportée ainsi; cependant à Kholmo- gory, non loin d'Arkhangel, on en tanne quelque peu pour faire du cuir de bottes. Un des emplois les plus usités de la peau de Phoque, en Russie, est pour faire des traits d'atte- lage que l'on fabrique en découpant des lanières en suivant le pourtour de la peau. (1) La quantité de graisse fournie par les Phoques adultes varie suivant les espèces, Tâge et la saison de la chasse. Les Russes estiment que deux pouds de graisse produisent un poud et demi d'huile et vingt livres de marc, EXPOSITIONS INTERNATfONALES DE PÊCHE. 195 MORSE. La Morge (1), Morse des Français, se trouve, à partir dn mois de juin, sur les côtes de ia Novaya-Zennlia (Nouvelle- Zemble), de Vaygatch et de Kolgouew. Sa chasse présente quelques dangers. Les Russes prennent les Morses à l'aide de harpons attachés à la barque par une corde de 25 mètres : le Morse blessé devient furieux et entraîne d'abord la barque avec rapidité, et il faut toute l'attention des pêcheurs pour ne pas se briser contre les blocs de glace. Dès que l'animal, épuisé par le sang qu'il perd, commence à faiblir, on l'attire vers l'embarcation au moyen de la corde, et avec un épi eu pointu on lui perfore le cœur. La chasse des Morses, sur la glace ou sur le rivage, n'offre aucun danger aux chasseurs, qui les tuent en toute sécurité au moyen d'engins pointus. On a cessé de faire la chasse aux Morses avec des fusils, parce que la détonation effraye et fait fuir les animaux. Vers la fin de juillet, les glaçons disparaissent de l'île du Sud, et les Morses continuent leur émigration vers la mer du Kara. dont on extrait cinq livres d'huile noire employée à la fabrication du savon. Poids moyen des peaux et de la graisse des Phoques. iMâle adulte 3, 5, et 7 ponds. Femelle adulte 3, â — Jeunes animaux 1,11/2 — — pendant la mue. 4 — — avant la mue . . 3 à 5 livres. Phoca annelala. 20 à 60 livres. Phoca barbala 5, 7 et 10 pouds. La quantité de graisse fournie par les Phoques et Morses, tués sur le littoral nord-est de Û Russie d'Europe., ne dépasse pas annuellemeui 80 000 pouds, tandis que la chasse faite dans la mer Caspienne à une seule espèce, le Phoca capsica, en fournit de 70 000 à 130 000 pouds, selon l'ex- tension que les Cosaques de l'Oural donnent à celte chasse. Cette dispropor- tion dans la production est due aux difficultés et aux oijstucles naturcii» que rencontrent les chasseurs dans les parages déshérités du ^or(i. {ij Trichecus marinus. 196 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Les pêcheurs se livrent alors à la pêche du Goletz (Salmo al- pinus) jusque vers le 15 août, où ils se dirigent vers le dé- troit du Kara, à la rencontre des Morses, qui à ce moment quittent la mer Kara pour entrer dans l'Océan Boréal (1). Un Morse adulte de grande taille fournit une valeur de 69 à 97 rouhles (2), qui se décompose ainsi : 18 pouds de graisse pour kh roubles; 20 livres de défenses, pour 1 2 roubles ; une peau, pour 12 à AO roubles. DAUPHIN. Les pêcheurs de Middelfort en Fionie (Danemark) sont réu- nis en une corporation qui s'adonne presque exclusivement à la chasse de Marsouins {Delphinns phocœna), dont ils tuent encore un miUier chaque année (3) , du commencement de novembre au commencement de février, pendant que ces ani- maux cherchent à sortir de la Baltique pour entrer dans la mer du Nord. Ils les capturent en les forçant à se réfugier dans les fjords, où ils les tuent à coups de harpons. Le Delphiiius globiceps, Guvier (firant des Danois, Black- fish, Bottle-nose des Anglais, Grindhval (/}), des îles Féroë) est l'objet des chasses des habitants des îles Féroë, sur les côtes desquelles cet animal apparaît en troupes nombreuses (quelquefois plusieurs centaines d'individus), en été et en au- tomne, mais seulement quand il y a du brouillard ou de la brume. Pour les attaquer, les Féroens sont armés d'un har- pon dont la lame à deux tranchants est large de 3 pouces (1) Après plusieurs années de chasses consécutives, le nombre des Morses et des Phoques diminue considérablement et, par suite, celui des pêcheurs diminue aussi pour un certain laps de temps, jusqu'à ce que cette trêve ait permis aux amphibies de se multiplier de nouveau. (2) Un Morse de taille ordinaire produit en tout de 37 à Zi9 roubles. (3) En 1858, année exceptionnelle^ les pêcheurs de Middelfort ont cap- turé 2200 Delphinus Phocœna : chaque animal leur donne un produit moyen de 8 à 10 francs (Irminger). (/i) Les habitants des Féroë donnent le nom de Hval à un animal isolé, ri celu i de Grind au troupeau . I EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 197 et longue de 12 à 13 et dont le manche, long de 8 à dix pieds, porte une corde fixée par une de ses extrémités au bateau ou à une vessie pleine d'air : ils ont en outre, suspendu à leur ceinture dans une gaine de cuir, un large couteau qui leur sert à donner le coup mortel au Dauphin. Sitôt que la présence d'un Grind est annoncé, tous les pê- cheurs se précipitent dans leurs bateaux et, formant un cer- cle autour du troupeau, ils cherchent aie diriger vers quel- que fjord, où la tuerie devra s'effectuer (ce qui du reste se fait assez facilement, excepté au moment où les Dauphins, arrivés sur un fond de 7 à 8 brasses, manifestent de l'inquié- tude et cherchent à passer sous les bateaux) en leur jetant des pierres qui les empêchent de rompre la ligne des ba- teaux. L'animal blessé d'un coup, de harpon est attiré au moyen de cordes ou de crocs sur le rivage, où il est achevé d'un coup de couteau dans la nuque. On a remarqué que, dès que le sang a rougi la mer, les Dauphins, comme affolés, semblent perdre tout instinct de conservation et se laissent tuer tous jusqu'au dernier. On enlève le lard, pour en con- server une partie pour les usages domestiques, et faire cuire le reste qui donne une huile assez fine : on retire envi- ron un baril d'huile de chaque D. globiceps. Quant à la chair, on la taille en longues bandes, aussi grosses que le bras, qu'on sale ou qu'on suspend autour des maisons pour dessécher : elle se couvre d'une croûte noirâtre et ne tarde pas à exhaler une odeur désagréable, qui disparaît lorsque la viande est complètement sèche ; elle peut alors se conserver très-longtemps. Les Féroens, qui emploient l'estomac comme vase pour garder et transporter l'huile, utilisent aussi les na- geoires et autres parties de l'animal (1). L'huile du D. globiceps est très-estimée dans le commerce, où on la préfère au Sperm-oil du Cachalot. Les plus grands ûelphinus globiceps, longs de 7 à 8 mètres, ne fournissent (1) De 1833 à 18G2 inclusivement, on a pris aux îles Kéroë, en 2.'i8 tue- ries, 37 986 D. Globiceps, En une sr-ule fois, M. Irminger en ;i vu massa- crer 2Z|9. ^98 SOCIÉTÉ d'acclimatation. que rarement d'un à trois tonneaux d'huile, le plus ordinai- rement un tonneau et demi. hQ Delphinapteriis leiicas (bélouga) (1), caractérisé par l'ab- sence de nageoires dorsales et sa peau argentée, se trouve toute l'année dans la mer Blanche ('2), mais que surtout il fré- quente en mai, juin et juillet. Dans les premiers jours de mai, il quitte les profondeurs de l'Océan pour venir par bandes de 50 à 100 individus rechercher, dans la mer Blanche, les baies peu profondes et abritées contre le vent : là, les mères met- tent bas et allaitent leurs petits (3). Les animaux, qui appro- chent très-près des rives, sont cependant très-crainlifs et le moindre bruit les fait fuir. Au moment de l'accouplement, les bélougas nagent par bandes à la surface de l'eau, se livrent à des ébats joyeux et deviennent moins craintifs. C'est là le moment le plus favorable pour la pêche aux filets fixes et flottants. En été, par un temps serein, ces animaux entrent souvent, en troupes assez nombreuses, dans les fjords qui sont si fré- quents dans ces parages; aussitôt les pêcheurs, qui sont aux aguets, tachent avec leurs bateaux d'envelopper les troupeaux au moyen de leurs seines faites d'une corde grosse comme le doigt, et dont chaque pièce est longue de 120 toises environ et large de 5 à 6. Il est assez difficile de calculer juste le point précis où chaque bateau (il y en a 8 d'ordinaire) doit com- mencer à jeter sa seine pour arriver juste au point où son voisin a la première partie de son filet. Si les mesures ont été bien prises, le troupeau de Dauphins se trouve promptement enfermé dans un cercle continu de filets, où un ou deux ba- teaux pénètrent et harponnent les Dauphins, après les avoir enserrés dans une seconde enceinte plus étroite. Sur les bords de la Petchora, où le Belphinaptère est assez commun, on (1) Le nom de Bélouga (dérivé de l'adjectif helii, blanc) est aussi appli- qué à une espèce à''Acipenser. (2) Très-abondant sur les bords de la Petchora et surtout dans la mer Blanche, les Bélougas ne remontent jamais sur les côtes de Laponic. (3) Elles allaitent couchées sur le dos, en maintenant leurs petits avec leurs nageoires. EXPOSITIOINS IPs'TERNATIONALES DE PÈCHE. 199 cherche à les enfermer dans quelque fjord au moyen de filets qui en bouchent l'entrée et qui sont rapprochés peu à peu du rivage, où la tuerie commence. L'animal adulte pèse jusqu'à 100 pouds (1600 kil.) et four- nit 12 pouds de graisse plus estimée que celle des Phoques et des Morses. Dans le commerce, on distingue trois qualités de cette graisse : 1" la graisse vierge, qui découle des peaux par l'effet seul du soleil ; 2" l'huile qu'on retire par la chaleur avant Fébullition; 3° l'huile qui est obtenue après l'ébullition et qui est très-inférieure. Les peaux sont tannées et servent à la fabrication de semelles. Baleine. La pêche de la Baleine, après avoir occupé autrefois des flottes nombreuses et avoir été d'abord presque exclusivement faite parles Basques (1), qui y trouvaient gloire et profit, a été depuis pratiquée par les Anglais, les Français, les Hol- landais, etc. Mais aujourd'hui, bien déchue de son impor- tance primitive, elle n'occupe plus qu'un petit nombre de nos navires et n'est presque plus faite que parles Américains (2). Les Baleines, que les pêcheurs rencontraient autrefois en grand nombre dans l'hémisphère boréal, y sont devenues beaucoup plus rares et ne se montrent plus guère qu'au voisinage des glaces du pôle : aussi est-on allé les chercher dans l'hémisphère austral, et déjà c'est jusqu'à l'extrémité de cet hémisphère que nos baleiniers sont obligés d'aller les (1) D'anciennes sagas norwégiennes prouvent que les Norwégiens ont pré_ cédé les Basques dans ce genre d'indusuie et savaient, dès le xi« siècle, se rendre maîtres, en les perçant de leur harpon, des Baleines qu'ils allaient cheiclier à une grande distance de la terre. (Noël de la Moriuière, Tableau historique de la pêche de la Baleine, an VIII.) (2) Le principal port d'armement pour la pèche de la Baleine en Europe est aujourd'hui Dundee (Ecosse), et il est probable que, sr.cmc dans cette localité, celte pèche serait abandonnée si l'on pouvait trouver une matière à substituer à l'huile de Baleine dans la préparation du jule (Layrle). Les Hollandais, qui ont renoncé à la pêche duKord, y employaient 20 000 hom- mes, il y a deux siècles. En 1856, il y avr.it encore employés à celte pèche 200 SOCIÉTÉ d'acclimatation. chasser (1). La quantité des Baleines a diminué dans une telle proportion que les espèces qui autrefois étaient dédaignées sont aujourd'hui précieusement récoltées et forment la ma- jeure partie du profit des baleiniers. Les Baleines sont en général très-rares dans les localités où se rencontrent les Phoques, quoiqu'il arrive accidentellement aux pêcheurs de Phoques d'en tuer quelques-unes. Dans l'hémisphère boréal, on les rencontre surtout dans le voisi- nage de l'Ile Shannon, entre le 78' et le 79' degré de latitude nord. Leur présence est en général annoncée par la boete (2), immense agglomération de crustacés rouges qui forment des bancs épais de plusieurs mètres et longs quelquefois de plu- sieurs lieues. Au printemps, elles se trouvent principalement au large et isolées, puis, plus tard, réunies en gammes^ com- posées de plusieurs individus de taille différente (cinq à huit en général); puis, plus tard, elles s'apparient et ne se ren- contrent plus que deux par deux. D'après les documents recueiUis par le commandant Maury lors de son étude sur les courants de la mer, on trouverait surtout les Baleines vers les pôles; on en rencontrerait aussi en même temps que des Cachalots, qui sont plus exclusivement équatoriaux, vers les tropiques. La Baleine franche {Balœiia mysticœtus, L.; Black whale) se rencontre dans les deux hémisphères (3) et seulement dans les eaux froides. Dans l'hémisphère boréal, on la trouve entre le 68^ et le 72' degré de latitude nord. La pêche de la Ba- leine franche est la principale qui se fasse dans le détroit de /lO navires du N. de la Grande-Bretagne, 15 de France, 12 à 15 des villes hanséatiques contre G35 armés par les Américains du Nord (Jouan). (1) La pêche du Sud, qui a rapidement détruit les stations de Rio, du cap Uorn, du cap de Bonne-Espérance, de la Patagonie et du Chili, s'est portée pliis tard sur les côtes de la Nouvelle-Zélande et d'Australie; au- jourd'hui elle a lieu en Californie, au Japon et vers le détroit de Behring, mais chaque expédition dure trois ans au lieu d'une année (Jouan). (2) Glios surtout. (3) On distingue surtout les Baleines australes en ce qu'elles ont la peau couverte de Cirripèdes, Coronulaet Tubicinella. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 201 Davis (1), où l'on prend des individus qui ont de vingt à soixante-dix pieds de long (2) et pouvant fournir jusqu'à vingt-huit tonneaux d'huile : elle se fait jusque vers no- vembre, époque où les Baleines gagnent la haute mer pour reparaître en février, accompagnées de leur nourrisson, qu'eUes portent sur leur hanche, en passant un de leurs aile- rons sous son ventre. La langue de la Baleine franche, dont le volume est énorme, est formée de deux parties distinctes, une supérieure qui donne du lard, et fournit une huile noire par les fibrilles musculaires qui y restent en suspension, et une inférieure, musculeuse, formée d'une arcade que les marins trouvent analogue à celle du bœuf. Dans quelques circonstances, lors- que la mer est plus forte, par exemple, les pêcheurs éprou- vent la plus grande difficulté à haler cette langue à bord. Les fanons, dont le nombre varie suivant les individus, mais dont il n'y a jamais, dit-on, plus de trois cent soixante, sont de différentes dimensions, mais ont tous la même forme, en faux : les plus courts forment un bouquet de poils vers la partie antérieure de la bouche, et les plus longs, qui sont fixés à la partie moyenne de la mâchoire, n'ont jamais plus de douze pieds et demi. Le lard forme environ le quart du poids de l'animal et est, avec les fanons, la seule partie utilisée; il est plus abondant chez les fe- melles que chez les mâles. Les jeunes femelles, qui ont un lard moins dense et moins abondant que les adultes, fournissent cependant une plus grande "proportion d'huile de qualité supérieure. On calcule, en général, que trois cent vingt-six gallons de lard donnent à la fusion deux cent trente- six gallons d'huile, c'est-à-dire un tonneau. Les baleiniers français emploient encore, pour faire l'huile, le procédé inventé par le Basque Soupite (de Cibourre), qui, gêné dans ses opérations de fonte à terre par les baleiniers (1) Les Hollandais paraissent avoir les premiers, en 1719, fait la pêche de la Baleine dans le détroit de Davis. (2) Les Baleines franches du détroit de Behring sont les plus grandes connues. 202 SOCIÉTÉ d'acclimatation. des autres nations, imagina de fondre le lard à bord, en bâ- tissant un fourneau sur le second pont du navire et en se ser- vant des grillons et du marc de la première cuite pour faire la seconde (1). Les Anglais opèrent, en général, la fusion du lard dans des fourneaux qu'ils établissent à terre dans le voisinage des lieux de pêche. Les Hollandais coupent le lard en morceaux pour l'enfer- mer dans des tonneaux, où ils le conservent jusqu'à la fin de la campagne ; mais ce procédé a l'inconvénient de donner une huile rougeâtre et de qualité inférieure. Le Nord -Cape?' {Balœ7ia g lacia lis, Klein), qui abonde aux alentours du Groenland et du cap Nord, est plus rapide que la Baleine franche ; il ne doit pas être confondu avec la Baiœna aiistralis, Klein {Baiœna antartica, Guvier), qui se trouve ex- clusivement dans l'hémisphère austral. Les naturalistes ont rangé dans un second groupe les Ba- leines à ventre plissé longitudinalement et leur ont donné le nom de Baléinoptères (2). Le Jubarte, ou Fin-back {Balœnoptera gibbar, Lac), d'une mobihté très-grande, est, par suite, difficile à atteindre, et, d'autre part, dès qu'il est tué, le corps coule immédiate- ment à fond : aussi les pêcheurs du détroit de Davis ne l'atta- quent-ils pas, ne trouvant à sa chasse presque aucune com- pensation aux dangers qu'elle présente, quoique cependant l'huile peu abondante qu'il fournit soit plus recherchée que celle de la Baleine franche. Le Borqual ou Hump-back {Borqiialus Boops, Cuv.), qui se rencontre dans l'hémisphère boréal, sur les côtes de la basse Californie et dans les baies du Mexique, donne moins d'huile que la Baleine franche (trente-cinq tonneaux), et, de même que le Jubarte, ne flotte pas après sa mort, en raison (1) Noël delà Morinière, lococitato, p. 3^. (2) Le Self ou Sulphur-Bottom , ainsi que le Razar-Back paraissent n'être que des variétés de Baléinoptères, ou peut-être même ne sont-ce que des noms donnés à des individus très-maigres et épuisés. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 50H du peu d'épaisseur de son lard (15 à 20 centimètres) ; aussi les pêcheurs ne l'attaquent-ils que dans les baies et les en- droits où la mer est peu profonde. Cette espèce porte sur la peau des Cirripèdes du genre Diadema. La Balœna rostrata, L., la plus petite de toutes les Baleines d'après Scoresby, habile l'iiémisphère boréal et se rencontre quelquefois sur les côtes de la Norvège et aux environs des îles Féroë (1); elle descend quelquefois jusque sur les côtes d'Ecosse, où elle est connue sous le nom de Eerrincjs hogs. A dimensions égales, elle donne vingt barils d'huile contre quatre donnés par la Delphinus glohiceps. Aux îles Féroë, dès qu'un individu a été signalé, on se dirige vers lui avec des barques et on l'entoure sans qu'il paraisse effrayé : au moment où il a la tête tournée vers le rivage, on le harponne, et avec une corde fixée à l'instrument on le haie immédiatement sur la p'age. Avec la belle saison, les Baleines viennent par troupes sur les côtes de la Laponie russe et arrivent même quelquefois jusqu'à la baie de Kola. Depuis le règne de Pierre le Grand, le gouvernement russe encourage le développement de la pêche de ces Cétacés. Mais comme, dans ces parages, les Baleines fournissent peu de graisse et ont les fanons très-courts, malgré toutes les subventions de î'Ëtat, les tentatives d'organisation de cette pêche ont été toujours une cause de ruine pour les compagnies et les armateurs, et aujourd'hui, la pêche de la Baleine sur le littoral nord-est de la Russie se réduit à quel- ques spécimens, qui viennent échouer sur le rivage. Le Cachalot (Pliyseter macrocephalns^ Catodon nicgace- phalus), qui diffère des Baleines, entre autres caractères, par ses cinquante dents coniques, et qui renferme quelquefois dans ses intestins la précieuse matière connue sous le nom à' Ambre gris, se nourrit de Sèches, de Poulpes et surtout de Calmars et Encornets, dits Squid. On le rencontre souvent en troupes, mais alors il n'atteint jamais de dimension gigantesque et ne fournit que vingt à vingt-cinq barils d'huile, souvent moins. (1) Quatre à cinq chaque année aux environs de Suderséc. '20/4 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Le harpon est l'arme (1) qui est employée depuis les pre- miers temps pour la pêche de la Baleine et celle qui rend les meilleurs services. En effet, s'il est implanté perpendiculaire- ment dans le corps de l'animal, il tient avec la plus grande solidité dans la place qu'il a faite. Aussi, malgré l'invention faite par A. Staghold, en 1771, d'un instrument aigu, tran- chant et barbelé, lancé au moyen d'un petit canon (2) et qui déterminait la mort rapide de la Baleine, les pêcheurs ont-ils continué à faire usage du harpon, aussi bien que les Esqui- maux et les Groenlandais. Chez les Esquimaux, le harpon est muni de vessies pleines d'air, qui empêchent la Baleine de plonger et retardent singulièrement sa progression à la sur- face. Les Groenlandais, qui, montés sur leurs légers kaiaks, ne craignent pas d'aller au large affronter les Baleines, font également usage de harpons, et, quand ils ont tué l'animal, ils montent sur son cadavre pour le dépecer; mais, en vue d'éviter de se noyer, s'il leur arrivait de glisser du corps de leur proie gigantesque, ils se vêtent de pelisses faites de peaux et gonflées d'air, qui remplacent pour eux les ceintures de sauvetage (3). Quand la Baleine, qui a fui sous l'impression que lui a cau- sée sa première blessure, sans avoir le sentiment de sa force, revient à la surface, les pêcheurs cherchent à fixer un nou- veau harpon et à la percer de lances qui doivent déterminer chez elle une hémorrhagie mortelle, ou, si l'on est en bonne position, à lui trancher d'un coup de louchet les dernières vertèbres caudales. On a cherché, depuis que les Baleines sont devenues plus rares et plus effarouchées, des moyens de les atteindre de plus loin, de les tuer plus sûrement, et enfin de les empêcher de couler après leur mort. On a donc pensé tout d'abord à faire usage d'armes à feu, qui doivent tuer plus sûrement et (1; Il ne sert qu'à amarrer l'animal qui doit èlre tué à coups de lance. Les anciens appareils ont, sur les nouveaux, Tavautage de mieux faire couler bas. (2) Noël de la Morinière, loco citato, p. 80. (3) Exposition de Boulogne-sur-Mer. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 205 de plus loin; mais on s'est heurté contre l'inconvénient de voir couler la Baleine. Le seul instrument nouveau, qui donne quelques bons résultats, est la bombe-lance américaine, qui, projetée par un fusil d'assez gros calibre, fait pénétrer dans le corps du cétacée un tube de fonte aigu, long de 30 à âO centimètres et rempli de poudre de chasse et qui y fait explosion : on peut ainsi atteindre la Baleine de 15, 20 et 30 brasses, mais le maniement de l'appareil offre certaines difficultés (1). D'autre part, M. Devisme a inventé une balle explosible ou à percussion pour la chasse de la Baleine et qui, projetée par un fusil, vient pénétrer dans le corps ; deux oreilles mo- biles permettent d'y fixer une ligne de pêche et de faire faire à l'appareil l'office de harpon; la pratique n'a pas encore vé- rifié la valeur de cette invention. Dans ces dernières années, on a pensé, pour pouvoir cap- turer plus facilement les Baleines, à faire agir un poison ra- pide, qui serait introduit dans le corps par le harpon, qui si souvent ne fait que blesser fanimal (2). Parmi les personnes qui se sont occupées de cette question, nous citerons M. Bâ- tard, qui a proposé l'emploi d'un sel de strychnine, mélangé d'un vingtième de curare; deux onces du mélange vénéneux étaient introduits au moyen d'une cartouche explosible, et la mort, dans les cas observés, est arrivée très-rapidement, en moins de dix minutes, après une convulsion générale. La ra- pidité avec laquelle le poison agit, et qui est beaucoup plus grande que pour les Mammifères terrestres, a fait décider à employer une dose moindre de poison, pour avoir une mort moins rapide et donner aux pêcheurs plus de facilités pour (1) D"" Thiercelin, Journal d'un baleinier, l. I, p. 237, 1866. — Harpon à fusée employé à la pêche de la Baleine en Islande {Bévue maritime et coloniale, t. XVIII, p. 863, 1860). (2) Un médecin de Rouen avait proposé remploi de l'acide cyanhydrique, qui a rinconvéïiient, s'il n'est pasparfuiloment pur, de se décomposer rapi- dement, cl qui est trop difljcile cl dangereux à préparer à bord au moment de la pêche (Thiercelin). 20(1 S(3G]ÉTÉ d'acclimatation. amarrer ia victime. D'autre part, M. le docteur Thiercelin (i) a fait quelques recherches sur le même sujet et dans les quel- ques cas où son procédé a pu être employé, il a donné de très- hons résultats; mais, pour généraliser l'emploi des poisons dans la chasse de la Baleine, il faudra surmonter!' obstacle que présente la routine des baleiniers à admettre de nouveaux moyens de chasse. HUÎTRE. L'Huître, après avoir été mobile au premier âge, vient s'at- tacher au rocher, au bois ou à tout autre objet qu'on appelle collecteur (2), tant que celui-ci est bien choisi, ot après s'y (1) M. Thiercelin a proposé remploi de deux poisons végétaux, qu'il fait pénétrer au moyen de la bombe-lance, et qui déterminent la paralysie en quelques minutes. (2) Pour éviter la vase, qui est très-nuisible pour les Huîtres et surtout pour le naissain qu'elle étouffe et enveloppe, on a imaginé d'employer des collecteurs, qui, placés assez haut au-dessus du sol, devaient protéger le naissain contre l'envasement. Dans quelques lagunes, comme à Fusaro, par exemple, on a fait usage de poteaux et de fjscines de sarments; mais on a reconnu aux poteaux circuliiires, mis en pleine mer, l'inconvénient d'of- frir une surface trop lisse, qui ne permet pas au naissain de s'y fixer assez solidement pour résister à la violence des courants, et, d'autre part, on re- proche, dans les mêmes conditions, aux fascines d'être trop facilement en- combrées de plantes marines. Ces raisons ont engagé à faire choix d'autres substances pour fabriquer les collecteurs; mais, quels qu'ils soient, il est essentiel de ne les pas mettre en place longtemps avant l'essaimage du nais- sain, c'est-à-dire qu'il ne faut guère les placer avant le commencement de juin; car, sans cela, une foule de productions marines s'y attachent et occupent des points qui auraient pu être couverts plus utilement de jeunes Huîtres. Il existe plusieurs sortes de collecteurs : 1° les planchers, plus ou moins développés, formés de planches ajustées côte à côte, se démontant facileînent et proté- geant bien les Huîtres de la vase ; 2° les toits collecteurs , simples ou mul- tiples, formés de tuiles posées soit à plat, soit obliquement, et qui se recou- vrent facilement de naissain; 3° ]Qspierres collectrices, dont la surface irréguhère et rugueuse permet facilement aux Huîtres de se fixer (a), mais qui ont l'inconvénient d'un détroquage difficile, pendant lequel on blesse el (a) Bœuf (de Rivedoux) qui, le premier (en mars 18îî8), eut l'idée de former un parc avec des pierres dansi'ile de Ré, les vit bientôt couvertes de naissains. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 207 être fixée pour les reste de son existence, elle s'y développe et par son accumulation y forme un hanc. Dans quelques cas, ces bancs naturels ont élé exploités de telle façon qu'ils ont été ruines et que les huîlrières se sont éteintes. Pour obvier à cet inconvénient, on a recours à l'élablissemenl à^ parcs dans des localités voisines du rivage, réunissant les conditions les plus favorables à l'accroissement des huîtres et dans lesquelles des collecteurs peuvent être placés pour recevoir le naissain qui se forme dans ces parcs, aussi bien que sur les bancs natu- rels (1). L'invention de ces parcs remonte à un temps très- éloigné de nous, et les anciens Romains, comme en témoigne détruit beaucoup de coquilles, et celui de donner des Huîtres de forme mauvaise et sans aucune régularité. Par contre, les pierres collectrices, qui portent quelquefois de véritables bouquets de coquilles, sont excellentes pour reconstituer les bancs ; lx° les tuiles collectrices (6), à surface rugueuse extrêmement favorable à l'attache dos Huîtres, mais sur lesquelles les plantes marines ont peu de tendance à se fixer, faciles à mouvoir, et à disposer en rochers de diverses formes : leur forme concave est avantageuse en ce qu'elle ne permet le contact avec le sol que par des points trcs- restreints, ce qui prévient Tétouffement de beaucoup de nai<-;sain. M. le docteur Kemmerer en a distingué quatre variétés : la tuile étalon qui est celle de nos toits et qu'une marque faite par le propriétaire permet de reconnaître facilement, si elle a élé entraînée par quelque courant; la tuile mastiquée ou cimentée, recouverte d'une couche rugueuse d'un ciment qui permet un détroquage facile, car il se détache avec l'Huître ; la tuile fagot, garnie à sa partie concave de sarments fixés au moyen d'un fil de fer galva- nisé : ceux-ci se détachent facilement et permettent la dispersion facile du naissain dans les parcs, mais le bois est facilement détruit parles Tarels (on obvie à cet inconvénient en employant du liège au lieu de sarments) ; la tuile coquillière : on met dans le ciment encore frais des coquilles de diverses espèces, qui augmentent la surface de prise et qu'on enlève facilement avec le naissain, qui les couvre. D'après le pilote Guillou, le meilleur collecteur est donné par les coquilles vides qui, du reste, sont employées dans presque tous les parcs. (l) il est aujourd'hui généralement admis que la reproduction se fait aussi bien sur les fonds recouverts d'une faible couche d'eau que dans les profondeurs où les Huîtres forment des bancs naturels. fb) Kemmerer, Des roches tuilées et de la culture des Huîtres sous le rapport cojiimcrcial. 1861. — Le même, De la graine d'fluUre et des collecteurs-ci- menls. 1863. 208 SOCIÉTÉ d'acclimatation. l'exemple de Sergius Orata, surent parquer les huîtres. Nous retrouvons encore la trace de leurs procédés dans le lac de Fusaro, si admirablement décrit par M. Goste, qui, le premier, eut ridée de créer sur nos côtes une culture rationnelle des huîtres et a ainsi inauguré un grand mouvement qui s'est manifesté jusqu'à l'étranger, sur les côtes de la Grande-Bre- tagne, de la Norvège et même des États-Unis. Pour rendre à nos côtes leur fertilité diminuée, sinon per- due, M. Coste réclama d'abord la stricte observation de la prohibition de la pêche à certaines époques, le rejet à la mer sur les bancs de toutes les huîtres n'ayant pas les dimen- sions réglementaires (car ces huîtres trop petites ne donnent pas un produit marchand, et leur enlèvement est une des causes les plus graves de l'extinction des bancs). L'adoption de ces mesures devait fournir un palliatif au mal dont on se plaignait, mais elle eût été impuissante à rendre aux mers leur fertilité première. Aussi M. Coste proposa-t-il d'ense- mencer certains fonds pour en former des baiics artificiels, qui recueilleraient en abondance le naissain destiné à repeupler nos mers (1). Le vœu de lAL Coste fut entendu et une expé- rience fut faite dans la baie de Saint-Brieuc parles soins de l'État et sous la direction de notre confrère. Certain de réus- sir, M. Coste avait pensé qu'une expérience faite, dans les plus mauvaises conditions, serait, par cela même, plus probante; et en effet bientôt les fascines, qui avaient été plongées dans la mer, au voisinage d'huîtres mères, se couvrirent de naissain et annoncèrent le succès le plus complet. Mais, comme des cou- rants violents viennent, à de certaines époques, tourmenter la baie de Saint-Brieuc, une partie des fascines fut arrachée et le reste enseveli sous un banc de vase. Si l'on eût pris la précaution de recueillir les fascines, au moment où le naissain s'y était fixé, et si on l'eût porté dans quelque baie ou lagune à l'abri de ces bouleversements, le succès eût frappé tous les yeux, et personne n'eût songé à le contester : il est vraiment regrettable que cette première expérience ait été faite dans (1) Presque à la même époque, M. Caibonne émettailune idée analogur. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. 209 des circonstances exceptionnelles, car si le succès en devait être par cela même plus éclatant, il n'était pas aussi définiti- vement assuré. Quoi qu'il en soit, on doit considérer l'expé- rience de Saint-Brieuc comme absolument probante et la prendre pour date de l'introduction de l'ostréiculture en France. Depuis, d'autres expériences ont été faites en Bretagne, en Normandie, à l'île de Ré, à Arcacbon et dans la Méditer- ranée. Sur la côte de Bretagne , aux environs de Concarneau (Finistère), se trouve la baie de la Forest où un parc a été établi par le gouvernement : il est situé au fond de la baie entre les embouchures de deux rivières d'eau douce, dont l'une, la Penfoulie, fournit en toute saison un notable volume d'eau; c'est donc une localité privilégiée pour l'édu- cation des huîtres. Aussi M. Goste, dans son voyage d'explo- ration sur les côtes de Bretagne, l'a-t-il immédiatement dési- gnée comme devant former un parc central, sorte de nour- ricerie , qui pourrait fournir d'huîtres tous les parcs qui s'établiraient dans le voisinage, et, l'intérêt public primant l'intérêt particulier, l'État déposséda un parqueur qui était installé dans cet endroit. Dès 1860, les travaux commencè- rent et ils se continuèrent sans interruption. L'espace ré- servé au parc impérial, d'une contenance de 10 hect. environ, fut déhmité par des poteaux émergeant des hauts fonds de la baie, et l'on enferma la langue de terre, intermédiaire aux deux rivières, au moyen d'un mur peu élevé, fait avec des pierres ramassées sur place, et qui, en même temps qu'il retient, à marée basse, un peu d'eau sur les huîtres, peut aussi servir, à ce moment, de chaussée. A marée basse, une grande partie du parc se découvre entièrement, mais quelques compartiments restent toujours couverts d'eau. Le parc est sous la surveillance d'un marin qui, de sa maisonnette, peut en embrasser toute l'étendue et qui fait faire les travaux né- nessaires par des gens du voisinage. Sur quelques comparti- ments sont des collecteurs de différents systèmes, tandis que les autres n'ont pour fixer le naissain que des pierres ou des 2« SÉRIE, T. VIll.— Mai et Juin 1871. 14 210 SOCIÉTÉ d'acclimatation. coquilles vides (l). La baie de la Forest présente une grande quantité de serpules, qui, en se fixant sur les collecteurs, di- minuent beaucoup la place qui serait plus utilement prise par le naissain; il n'y a que peu de vase, et les plantes marines, dont la végétation est toujours si touffue sur les fonds grani- tiques, n'existent qu'en quantité suffisante pour empêcher les résultats fâcheux des courants violents sur les Huîtres. On a calculé qu'après trois ans d'exploitation il existait sur le parc de la baie de la Forest 5 à 6 000 000 d'Huîtres, sans tenir compte de 3 000 000, qui en ont été retirées et dont plus de la moitié a servi à peupler d'autres parcs (2). L'exemple donné par le parc de la Forest a été suivi sur plusieurs points de la côte, et nous devons signaler en particulier M. Charles (de Lorienf), qui avait présenté à plu- sieurs de nos expositions des produits de ses cultures. Cet ostréiculteur a formé des ruches avec des tuiles courbes, renfermées dans des caisses à claire-voie, dont le plafond seul est plein, mais se divise en trois parties pour faciliter le net- toyage : ces ruches offrent l'avantage de ne pas laisser péné- trer les herbes et sont débarassées de la vase qui pourrait couvrir les jeunes Huîtres par un arrosement que l'on fait tous les quinze jours, temps où les ruches découvrent pen- dant les plus grandes marées. Chaque caisse, renfermant la ruche, récolte de 1 500 à 2500 Huîtres et chacune des vingt tuiles, contenues à l'extérieur, de 600 à 1300 Huîtres. Il ré- sulte des expériences de M. Charles que les tuiles, disposées en ruches, mais non enfermées dans des caisses, ne prennent que 50 à 200 Huîtres. La particularité la plus remarquable de l'appareil de M. Charles, est qu'il y a une planche dans la partie la plus haute de la caisse, qui regarde le rivage et qui, (1) En 1863, il fat facile à un correspondant du Fieldde constater que les tuiles plates donnaient de meilleurs résultats que les pierres, qui, bien que couvertes de coquilles au point de former de véritables bouquets d'Huîtres, donnaient des produits de mauvaise forme et difficiles à détroquer sans de grandes pertes. (2) Oyster culture {the Field 1863 ; the Yeoman and Australasian accli- matiser, 21 mai 186Zi). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. *211 faisant obstacle au flot qui monte, forme un remou qui force le naissain à se fixer aux tuiles (1). Quand le naissain s'est ainsi posé sur les tuiles, celles-ci sont placées sur des sup- ports de fer, ou crochets, qui les maintiennent à une certaine distance du sol, et qui, par suite, en les empêchant de se trouver dans la vase, facilitent le prompt développement des jeunes Huîtres. Les résultats obtenus à Arcachon ont été déjà à plusieurs reprises l'objet de communications à notre Société (2), aussi ne ferons-nous que les rappeler ici, pour insister sur l'im- portance qu'a eue l'établissement des parcs formés par le gou- vernement sur les Grassats de Grand-Cès et de Crastorbe en 1860 et de Lahillon en 1863, tous les trois placés sous la haute direction de notre confrère, M.Coste. En eff'et, l'exemple donné par notre savant maître a été suivi ; l'élan est donné, et l'ostréiculture, qui était l'apanage de l'Etat dans le bassin d'Arcachon, est maintenant popularisée et rendra à cette lo- calité sa richesse d'autrefois. L'ostréiculture a été aussi pratiquée à l'île de Ré (3), où elle a donné de bons résultats ; il paraît cependant que l'ac- cumulation de la vase a contrarié les travaux sur certains parcs. Des expériences du plus haut intérêt ont aussi été faites (1) Courrier de Bretagne, 11 octobre 1865. '^2) .1. L. Sonhdr an, Rapport sur l'Ostréiculture à Arcachon. {Bull, de la Soc. d'acclim., 2'^ série, t. Ilf, p. 1, 1866.) — Le même, Rapport sur V ostréiculture à Arcachon, Hayling et Trieste. [Idem, t. VI, p. 100^ 1869.) — Le même, Oysterbeds of Arcachon. {Journ of the Soc. of arts, t. XXII, p. Zi83, 1869.)^ — De OEsterteett in de baai van Arcachon. {Tijds- chrift iutgegeven door de ?sederlandsc]ie Maatschappij ter bevordering van Nijverhee, id. p. 2()Zi, 1866.) — Lobb, Successfull Oijster-Culture. {Society of arts ofLondon, 20 march, 1867; the Australasian, 6 juiU. 1867.) (3) Coste, Note sur les huîtrières artificielles de terrains émergents {Comptes rendus, t. LV, 1862). — D"" G. de Grandmont, Ostréiculture à nie de Ré {Bull, de'la Soc. d'acclim., 2*^ série, l. I, p. 180, 186/i). — Frank Buckland, Oyslerculture in France {The Times, 28 sept., 186/i). ~ D"" Sauvé, Note sur l'ostréiculture [Bull, de la Soc. d'acclim., 2^ série, t. IV. p. 258, 1867). 212 SOCIÉTÉ d'acclimatation. sur la côte de Marennes, qui ne fait que le commerce des Huîtres grasses, dans des claires où le développement du Mollusque se fait aussi rapidement que possible ; ces établis- sements, dont les plus estimés sont ceux qui jouissent de la propriété de t'^^rr/Zr l'huître, sont entourés de petits murs, qui retiennent; au moment du reflux, une certaine quantité d'eau sur les Huîtres. Nous devons rappeler ici les heureux essais de lAI. Thibault en 1860, D^ Battandier en 1863, et plus tard les faits rapportés par notre confrère M. Delidon (1). A Cancale, où l'on a fait des étalages^ sortes de claires éta- blies sur le rivage, mais sans murs, l'Huître multiplie avec une facilité exceptionnelle (2), et à l'époque du frai les pla- ges se couvrent de naissain. 11 y aurait donc un grand avan- tage à y établir des collecteurs, mais ceux-ci devraient être de pierre, car des tempêtes du vent d'est ont à plusieurs repri- ses enlevé les grillages de bois qu'on avait placés sur les éta- lages et qui s'étaient garnis d'Huîtres. Comme la pierre abonde sur tout le rivage, il serait donc irès-facile d'y établir les col- lecteurs, et ce serait presque sans aucun des inconvénients de ce •genre de collecteur, puisqu'il n'y a que très-peu de vase. Les expériences faites dans la Méditerranée n'ont pas encore donné de résultats qui puissent se comparer à ceux obtenus dans l'Océan ; mais le peu de succès des premières expériences nous paraît devoir être rapporté, au moins en partie, à l'époque tardive à laquelle on a transporté les Huîtres (fin avril 1862) ; car, déjà à ce moment le travail préparatoire de la reproduction devait être efl'ectué, et les animaux ont dû soufl'rir beaucoup de leur transplantation dans ces conditions. (1) Delidon, Excursion et observations sur les parcs à Huîtres du Ro^ cher de Der {Bull, de la Soc. d'acclim., 1" série, t. IV, p. 77, 1867). — Sur l Ostréiculture [Bull, de la Soc. d'acclim., t. IV, p. 501, 1867). (2) M. Dureau de la Malle a constaté qu'à Cancale^, il faut trois ans pour faire une Huître marchande, tandis qu'à Dielette, il en faut cinq, ce qui démolitre l'influence des localités sur la croissance du mollusque (Comptes rendus, 19 août 1852). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 213 Les expériences d'ostréiculture ont fourni d'utiles enseigne- ments sur diverses conditions d'existence des Huîtres ; c'est ainsi qu'on a vu se modifier la forme des Coquilles des Huîtres de l'Océan transportées dans la Méditerranée, à la Seyne (1); qu'on a reconnu, à l'île de Ré, à Arcachon, etc., qu'en enlevant la vase, on rendait le sol apte à recevoir les Huîtres, que sous l'influence des courants le naissain se trou- vait transporté dans de nouvelles localités (Arcachon, chez Boissiére) . Ce n'est pas seulement en France que l'ostréiculture a été l'objet de travaux importants. En Angleterre, M. Frank Bick- land ('2) s'est beaucoup occupé de sa propagation; M. Hart (3) a donné une vive impulsion à la culture des Huîtres à Hay- ling et plus tard en Irlande. En Dalinatie, le chevalier d'Erco avait présenté, à l'exposition d'Arcachon, les appareils qu'il a imaginés pour appliquer, dans la mer Adriatique, les procé- dés les plus rationnels de l'ostréiculture, et des modèles de Clauses, usitées aux environs de Trieste. De nombreux engins pour la pêche des Huîtres, l'aména- gement des parcs et la récolte des Mollusques figuraient à l'exposition d'Arcachon : on y voyait depuis le patin, qui permet de marcher sûrement sur la vase des Crassats, jus- qu'aux dragues et râteaux, qui servent à la récolte, et aux di- vers collecteurs qui reçoivent le naissain, au moment où il se fixe. Nous avons remarqué des spécimens de dragues anglaises, moins grandes et plus légères que les nôtres : chaque embarcation en porte à bord trois, qui sont succes- sivement mises en action. A Boulogne se trouvaient encore la drague de M. Slemberg (Danemark), dont le filet est formé par une maille de fer, et celle, aussi en fer, de M. Malard (de Calais). Nous avons aussi remarqué à Boulogne une très-belle carte (i) J. Gloqiiet, UuU. de la Soc. d'acclim., t.VllI, p. 72,9^,350. 1860. (2) Frank Biickland, /fepori OM the cultivation of Oysters by natural and artiftcidl methods. {Report ofthe Drit, Assoc. for adu. of se, 18G5.) (3, Voy. hulL, t. VI, p. 100. 21A SOCIÉTÉ d'acclimatation. d'Islande indiquant les bancs d'Huîtres en exploitation sur les côtes de ce pays, si admirablement disposées pour la propa- gation de ce Mollusque. Tout fait espérer que les modifica- tions heureuses apportées à la législation des pêcheries des côtes exerceront une utile influence sur cette industrie (1). MOULE. ^ Ce mollusque, abondant sur une grande partie de nos côtes, où il forme des bancs très-nombreux, généralement peu éloi- gnés du rivage, accepte facilement les eaux saumâtres ; aussi n'est-il pas rare dans les embouchures où il forme des atté- rissements, mais sa qualité varie avec les localités où on le recueille; on le pêche en général à marée basse, an moyen d'un couteau ou d'un crochet de fer; aux Martigues, on fait usage d'une drague. A GuUercoats, sur la côte de Northumberland, on emploie aussi les dragues pour se procurer les Moules, destinées à servir d'amorce. Depuis un temps très-long, l'élevage des Moules se fait sur une grande échelle sur la côte de La Rochelle, dans la baie de l'Aiguillon, où des bouchots ont été organisés pour son éle- vage méthodique (2). La facilité avec laquelle la Moule s'ac- climate, et engraisse, sur les plages de vase impropre à la nourriture de ITIuître, doit faire propager cette culture dans ces conditions, car on tire ainsi un parti avantageux de ter- rains considérables qu'il serait impossible d'utihser à la nour- riture d'espèces plus précieuses (3). Des essais de mytiliculture ont été tentés aussi dans la Mé- diterranée et à plusieurs reprises par notre confrère M. Léon (1) Report of the Commission appointed to inqiiire into the Methods of Oysterculture in the United Kingdom and France, etc. Dublin, 1870. (2) De Quatrefages, Souvenirs d'un naturaliste^ t. II, p. Zi33. — Le même, Fertilité et culture de Veau {Bull, de la Soc. d'acclim.^ t. IX, p. XLix, 1862). — Coste^ Voyage d'exploration, p. lZi5. (3) Delidon, De la culture des moules en dépôts {FiulL de la Soc. d'ac clim., 2« série, t. IV, p. 322, 1867). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 515 Vidal (1), au moyen de bouchots mobiles; mais il paraît résul- ter de renseignements fournis plus tard à la Société que l'éducation des Moules par ce procédé n'a pas continué à être aussi prospère que dans les premiers temps (2). D'après M. de Middendorf, la faune de Russie n'oiïre que trois espèces de Moules, le Mytilus minimus, Poli,lrès-abon- (1) J. L. Soubeiran et 0. Moquin-Tandon, Établissements de piscicul- ture de Concarneau et de Port-de-Bouc {Bull, de la Soc. d'acclimat., 2« série, t. II, p, 533, 1865). — Léon Vidal. Essai de multiplication dans la ferme aquicole de Port-de-Bouc {Idem., t. IF, p. 6Zil, 1867). (2) Les essais de mytiliculture entrepris par M. Léon Vidal dans le canal de Lamolle à Port-de-Bouc ont été l'objet d'nn rapport publié dans le Bulle- tin de la Société d'acclimation en novembre 1867, p. 6Zil. Depuis ce mo- ment^ la culture entreprise a été con'.inuée jusqu'à épuisement, soit des Moules supportées par les claies, soit de la durée même du système de clayonnage et de pieux. Actuellement cette culture a dit son dernier mot, elle a été absolument abandonnée. Il a été, il est vrai, recueilli une quan- tité considérable de Moules marchandes, arrivées à une taille où leur prix est très-rémunérateur. Mais tout l'ensemble des matériaux employés, dévoré par les Tarets, s'en est allé comme en poussière. Il eût fallu renouveler pieux et cadres à clayonnage, et cette opération, d'un coût élevé, n'aurait pas été compensée par une vente d'un produit suffisant. On sait bien que ce fait de la destruction des clayonnages et des pieux se produit avec une rapi- dité très-grande dans la baie d'Aiguillon; mais là, grâce à la marée, l'instal- lation à nouveau des collecteurs est plus facile à exécuter et moins dispen- dieuse que dans la JMéditerranée, où il faut compliquer le système de culture en suppléant à l'absence de marées par des claies mobiles. Tous comptes faits, l'opération tentée par M. Léon Vidal n'a pas donné de résultats indus- triels, il y a eu perte, et il y a lieu d'opérer d'autre façon si l'on veut arriver au succès, sans engager des capitaux qui peuvent être compromis. M. Léon Vidal est convaincu, par l'essai qii'il a tenté, qu'il y a lieu de renoncer aux bouchots mobiles dont le prix de revient élevé n'est pas com- pensé par un rapport suffisant, tant est rapide leur destruction par les Tarets. Il a essayé de cultiver la Moule sur des fonds artiliciels de cailloux dans des bassins en communication avec la mer et où l'épaisseur de la couche d'eau est très-faible. Cet essai, nullement dispendieux, et qui n'entraîne aucune dépense d'entretien, lui a parfaitement réussi ; il "se propose de faire pro- chainement une application industrielle de ce mode de culture sur une sur- face de l/5« d'hectare, sauf à s'accroître de plus en plus, une fois que cette première étendue sera en plein rapport. Pour son premier essai, fait sur quelques centaines de mètres carrés, il a pris, comme par le passé, sa semence dans l'étang de lîouc, où pullulent plus quo jamais des bancs de 216 SOCIÉTÉ d'acclimatation. dant dans toute la mer Noire et en particulier aux environs d'Odessa; le Mytilus latus^ Chemn., qui habite aussi la mer Noire et le Mytilus editlis;h., qu'on rencontre aussi bien dans les eaux méditerranéennes que dans l'océan Glacial. M. le professeur Nordmann a constaté, dans cette dernière es- pèce, des différences considérables suivant les localités où les individus avaient été pris: c'est ainsi que les Moules de la côte de Finlande sont petites et à coquille mince, tandis que celles de la mer Blanche et de la mer Glaciale sont trois fois aussi grandes et ont une coquille très-épaisse et blanchâtre. CRUSTACÉS. Divers engins, qui étaient destinés à la capture des Crusta- cés, figuraient aux expositions de Boulogne et d'Arcachon. Outre le haveneau, si fréquemment employé sur toutes nos côtes par nos pêcheurs de Crevettes, et diverses sortes de ba- lances (1), il y avait à Boulogne-sur-Mer une sorte de casier Moules considérables. Il est aisé de s'y procurer, pour une somme U-ès- modique, des myriades de petites Moules. Les Moules ainsi disséminées sur des collecteurs, oiî elles peuvent s'atta- cher solidement, peuvent croître à Taise sans qu'il soit nécessaire de s'en occuper jusqu'au moment de les récolter. On rejette, sans précautions préa- lables, toutes celles qui n'ont pas atteint la dimension marchande. En isolant les parcs de la mer par des barrages solides et ne laissant communiquer l'eau que par des grillages, on évite l'invasion des parasites, qui pourraient amener une destruction plus ou moins grande des coquillages à élever. En résumé, la question des bouchots mobiles à culture verticale est déjà jugée; il y a trop de frais pour un produit insuffisant. La culture horizontale seule est d'une application pratique dans la Méditerranée ; c'est celle qui, essayée sur une échelle restreinte, va donner lieu à une nouvelle tentative d'exploitation en grand de la part de M. Léon Vidal. En ce dernier cas, le succès n'est pas douteux, mais encore faut-il trouver des surfaces émergées propres à ce genre de culiure ? Ces surfaces abondent dans le delta de la Camargue, aux embouchures du Rhône. On pourrait à peu de frais y cultiver des quantités considérables de Moules qui, chaque jour, prennent une place plus importante dans l'alimentation publique. (1; A Bonifacio, on fait usage de grands paniers de roseau, servant de réservoir, dans lesquels on dépose les Homards jusqu'au moment de leur expédition à Naples (Broca). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 217 de fer galvanisé, mis en usage par quelques pêcheurs de l'Ile de Wight. Quant aux Homards qui quelquefois sont péchés à la main sur les côtes, c'est plus généralement au moyen de casiers, de forme tronquée avec une ouverture au sommet, qu'on les capture, et plusieurs modèles étaient présentés, soit par nos pêcheurs, soit par ceux du Northumberland. On sait que sur les côtes de Bretagne (1), depuis Paimpol jusqu'à Brest, il se fait une pêche active, au moyen de casiers, de ces précieux Crustacés, que les pêcheurs fournissent par suite de marchés réguliers, et souvent à des prix médiocres à des négociants français, anglais et belges, dont les bâti- ments légers sont munis de viviers qui permettent le trans- port aux lieux de consommation et particuhèrement à Lon- dres. Dans quelques localités, comme à Concarneau (2) et à Kermore, des parcs ont été étabUs pour recevoir les pro- duits de la pêche, qui y séjournent jusqu'au moment de les expédier sur les marchés, ce qui permet de ne pas encombrer le marché, et par suite de ne pas déprécier la marchandise. Les Crabes se prennent souvent dans le creux des roches de la côte ou en mer au moyen de casiers. Les pêcheurs de Cullercoats avaient présenté à Boulogne plusieurs de ces en- gins, qui, appâtés avec du poisson, sont placés le soir à la mer, en plus ou moins grand nombre, pour être relevés le len- demain matin. (1) Il se fait, surtout depuis 1715, aux environs de Brf^hat, une grande pèche de Homards, qui sont transportés en Angleterre, au moyen de bateaux- viviers. — De Quatrefages, Souvenirs dhm naturaliste, t. I, p. ol, 185^. (2) J. L. Soubeiran et 0. Moquin-Tandon. Etablissements de pisciculture de Concarneau et de Port- de-Bouc {Bull, de la Soc. d'acclim., 2' série, t. II, p. 533, 1865). — The CuUication ofthe beds and réservoirs of Ker- more {Landand Water,p. 253, 1870). Gomme on avait calculé qu'il fallait un mètre carré pour quatre Homards ou Crabes, et comme le bassin destiné aux crustacés a une superficie de 200 000 mètres carrés, il aurait pu con- tenir 800 000 crustacf'S, ce qui eût été trop pour pouvoir être soigné conve- nablement; aussi a-ton pensé aie diviser en p'usieurs comp irtimi^nls, qui permettraient de parquer les animaux par taille. 218 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Les Crevettes (1) sont pêchées sur beaucoup de nos côtes par les femmes, munies d'un bouqueton; quelquefois on fait usage de sortes de petites dragues, mais ces engins ont l'in- convénient de détruire beaucoup de fretin. L'Ecrevisse, commune dans toutes nos eaux, à moins qu'elles ne soient stagnantes, et qui cherche une retraite, soit sous les pierres, soit dans les trous des berges, peut se prendre à la main, ou au moyen de balances, amorcées avec des détritus de cuisine, et de verveux ou nasses de fd ou d'osier. r La culture de l'Ecrevisse se fait dans un certain nombre de localités dans des étangs ; au moment de la pêche il faut laisser l'eau s'écouler lentement pour déterminer la sortie simultanée de tous les crustacés; si l'écoulement est rapide, bon nombre restent entre les pierres. La culture de l'Ecrevisse est assez facile, mais il ne faut pas oublier que sa croissance se fait avec une grande lenteur (2). {A suivre.) (1) Delidon, Note sur les Crevrettes et principalement sur celles deSaint- Gilles-sur-ViC [Bull, de la Soc. d'acclim., 2« série, t. I, p. 512, 1864). (2) J. L. Soiibeiran, Des Ecrevisses et de leur culture {Bull, de la Soc. d'acclim.j T série, t. II, p. ZiOl, 1865.) — Ch.Wallul, Rapport sur V établis- sement de pisciculture de M. le marquis de Selve (Idem.^ t. III, p. 113, 1867.) — P. Carbonnier, L'Ecrevisse, mœurs, reproduction, éducation, 1869. SÉRICICULTURE, Par Itl. Maurice GIRARD. LES MALADIES DES VERS A SOIE, Par M. L. Pasteur (l). La nature et la séparation des sujets traités dans l'ouvrage qui fait l'objet de notre compte-rendu doivent tout d'abord être indiquées méthodiquement. M. Pasteur constate à plu- sieurs reprises dans son livre qu'une des maladies qui a fait le plus de ravages en France chez les vers à soie, il va de trente à quarante ans, la muscardine, a presque complète- ment disparu. C'est du reste un fait général dans les épidémies que celles- qui dominent annulent d'habitude les anciennes, au point d'anéantir ou à peu près les cas sporadiques des époques ordinaires. On sait que la muscardine est le dévelop- pement dans le Ver ou la Chrysalide d'un végétal parasite, le Botrytis bassiana^ découvert parle professeur Bassi en 4835; l'affection non héréditaire, car elle ne laisse pas éclore l'a- dulte, se propageait d'une année à Fautre dans les magna- neries par les spores du cryptogame, et celles-ci étaient disséminées au dehors par les vents. Les sujets atteints se recouvrent, surtout après la mort, des efïlorescences d'une moisissure blanche, et leurs corps se desséchent et se momi- fient, comme on le remarque aussi pour les Chenilles de Sphinx ou de Noctuelles attaquées par les Sphœria. Deux maladies distinctes ont été l'objet des recherches du savant académicien. L'une d'elles, qui fit son apparition d'abord en France ou bien plutôt sa réapparition probable- ment dés 18/i5, et qui fut bien constatée pour la première (1) Paris, 2 vol., Gautbier-Villars, 1870. 220 • SOCIÉTÉ d'acclimatation. fois en 18/i9, a successivement envahi toutes les contrées d'Occident en Orient ; seuls une partie de la Chine et le Japon restent intacts, non pas d'une manière absolue, mais en n'offrant l'affection qu'en proportion trop faible pour avoir un résultat fâcheux ou industriellement sensible. Voici ce qu'on remarqua en France dès que la diminution de la récolle .amena les magnaniers, race routinière et sans esprit d'obser- vation s'il en fut, à examiner avec soin les Vers de leurs cham- brées. La maladie présentait des symptômes multiples. Tantôt dès l'éclosion de la graine, tantôt seulement après une mue, même la quatrième, ce qui amenait les plus cruelles déceptions et les plus fortes pertes pécuniaires, un certain nombre de Vers restaient petits, en raison du peu de nourriture qu'ils prenaient, et en outre acquéraient un aspect un peu luisant et une teinte noirâtre. L'inégalité de développement allait en croissant, et l'on sait qu'une des préoccupations du magnanier est que les Vers demeurent tous bien égaux, afin d'entrer tous en même temps dans les périodes de sommeil qui précèdent les mues et d'amener ainsi des économies prévues et impor- tantes dans la distribution de la feuille. En même temps le corps des Vers malades se tache progres- sivement de meurtrissures noires irrégulièrement disséminées sur la tête, les anneaux, les fausses pattes et l'éperon ou corne redressée en arrière du onzième anneau. Une mortalité plus ou moins sensible se manifestait paral- lèlement à ces symptômes ; on n'avait à la bruyère que peu de cocons faibles en soie, et, trop souvent, le mal plus intense empêchait la montée. Cette affection, réellement fort ancienne, mais mal déterminée, à l'instar des grandes épidémies ou pestes de l'antiquité et du moyen âge, a reçu divers noms selon ses signes extérieurs, comme maladie des petits ou atrophie, et, d'après les taches, pétéchie, galtine et enfin pé- brine (mal du poivre), nom qui a prévalu depuis les recherches de iM. de Quatrefages (1858, 1859), et doit, plus scientifique- ment, comme M. Pasteur pense l'avoir démontré dans son beau travail, s'appeler maladie des corpuscides. C'est surtout dans ces dernières années, à cause d'une pré- MALADIES DES VERS A SOIE. " 221 dominance en bien des pays, qu'on a remarqué les ravages d'une autre maladie bien distincte, et plus cruelle, on peut dire, que la précédente, à cause des mécomptes, des espé- rances déçues et des frais plus considérables. En effet, ici les Vers marchent de la manière la plus régulière jusqu'après la quatrième mue et parviennent à cette époque de la grande frèze, où le bruit des mandibules coupant la feuille simule dans la magnanerie le choc de la pluie d'orage sur les arbres ; mais, au lieu de s'emparer de la feuille avec voracité, ils se promènent languissamment et meurent en peu de jours, sans monter à la bruyère pour filer, conservant un bel aspect et frappés comme d'une sorte d'apoplexie. Cette maladie, qui a toujours fait des ravages dans les éducations de Vers à soie, est connue depuis longtemps sous divers noms : tripes, pas • sis, morts-blancs, morts- flats ou flacherie. Les deux maladies peuvent sévir ensemble, mais, quand elles sont intenses, s'excluent souvent, selon la loi ordinaire des épidémies. C'est à l'examen de ces deux affections qu'est consacré l'ouvrage de M. Pasteur, fruit de cinq années de travaux assidus, et c'est la recherche d'un procédé efficace de grainage, permettant d'obtenir des chambrées industrielles et rémunératrices, qui est le but que s'est proposé l'auteur, aspi- rant avant tout à doter son pays d'un remède certain contre les maux qui ravagent quarante départements et ont produit la ruine de tant de sériciculteurs, en accumulant les pertes par centaines de millions de francs, chiffre qui ne doit pas étonner, la production de la soie étant pour la France une industrie agricole de premier ordre. Nous sommes naturellement amené à diviser en deux parties le résumé que nous comptons offrir aux lecteurs d'un des plus importants travaux qui aient paru en Europe sur la sériciculture. Nous nous occuperons successivement de la Pébrine et de la Flacherie. 22*2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. LA PEBRINE. Quand la médecine, soit de l'homme, soit des animaux (il n'y a aucuue différence, mais contrôle mutuel), aborde l'examen d'une maladie, il importe de distinguer soigneusement les symptômes de la cause réelle, et des erreurs continuelles régnent encore à cet égard. C'est la connaissance des causes véritables qui amènera la médecine à l'état de science, nous oserons presque dire de science exacte, et fera disparaître les termes d'art médical, d'art vétérinaire. M. Pasteur a cherché à résoudre la question de l'origine réelle de la pébrine, de manière à arrivera une méthode effi- cace et certaine d'arrêter ses ravages actuels et de prévenir leur retour dans l'avenir, du moins sur une échelle considé- rable, de façon à mériter le titre d'épizootie. Peu importe en effet que quelques cas de pébrine continuent à exister en petite proportion; les grandes magnaneries ont toujeurs un déchet par diverses causes morbides, et les bénéfices de la sériciculture étant très-considérables en temps de prospérité, on ne s'inquiète pas d'accidents impossibles à éviter dans les grandes chambrées, à température élevée, où les Vers, trop accumulés et nourris rapidement, résistent moins aux in- fluences funestes. Suivant M. Pasteur, el la première partie de son Hvre est destinée à étabhr cette vérité, la pébrine a pour cause l'existence de petits organismes parasitaires, les corpuscules. Elle est héréditaire quand les parasites passent du corps de la mère dans ses œufs, de ceux-ci dans l'embryon et de ce dernier dans les Vers. Elle est accidentelle quand elle se produit sur des Vers sains par contagion au contact de Vers malades, ou de poussières fraîches de magnaneries in- fectées ; ces deux propositions doivent être justifiées par les preuves expérimentales les plus concluantes, les plus com- plètes. Remarquons ici, avant de continuer notre analyse, quelle confiance doivent inspirer à tout esprit non prévenu, et sur- MALADIES DES VERS A SOIE. 223 tout en dehors de toute préoccupation commerciale de g rai- nage, les antécédents de M. Pasteur. Ses travaux sur des sujets tout différents de la sériciculture, notamment ses recherches célèbres sur les fermentations, prouvent avec quelle sûreté, avec quelle exactitude il applique la méthode expérimentale. On ne se rend pas compte en général combien il est difficile à priori de faire une expérience rigoureuse. Il faut de longues études préalables ^ on ne saurait trop s'étonner, si l'on ne connaissait avec quelle faciUté les idées les plus fausses, les conceptions même les plus ineptes sont accueillies dans notre malheureux pays, de la légèreté avec laquelle beaucoup de magnaniers amateurs et d'agriculteurs de feuilleton ont traité les travaux de léminent académicien. On va même jusqu'à prétendre qu'il y a je ne sais quelle distinction entre les savants, qui ont le malheur d'avoir passé les patientes années de leur jeunesse à l'étude des sciences dans une école spéciale, et les gens pratiques, qui savent tout de prime-saut, comme illuminés par la lumière incréée du Thabor. Nous ne parlons bien entendu que des hommes de parfaite bonne foi, nous laissons de côté certains marchands de graine. Un historique de la question des corpuscules était néces- saire. M. Pasteur a eu le bon esprit de le faire très-court, réduit à l'indispensable pour exphquer ses procédés. Que de mémoires en effet, ou en brochures séparées ou dans des annales, comme les Bulletins de la Société d'acclimatation, con- tiennent de longs exposés de l'histoire de la pébrine, exposés parfois excellents et instructifs, mais qui sont destinés au fond à dissimuler la pénurie d'expériences propres et l'impuis- sance radicale de faire connaître un remède. Les corpuscules ont été, d'une manière nette et authen- tique, signalés pour la première fois par M. Guérin-Méneville (18Zi9), dans le sang des Vers à soie affaiblis par diverses ma- ladies autres que la muscardine, sous le nom à'héniatozoïdes, bien distincts des globules normaux et sphéroïdes du sang des insectes, ovalaires et rémiformes, et plus petits ; le sérici- culteur si connu et si dévoué à la science que nous citons les regardait comme animés (ce qu'indique le nom qu'il 22/| SOCIÉTÉ d'acclimatation. leur donne), et doués d'un mouvement propre. C'est ce qui explique pourquoi, bien que les observations ultérieures n'aient pas confirmé cette opinion, ils sont souvent désignés dans les auteurs sous les noms de corpuscules vibrants ou oscillants, M. Filippi, en 1850, n'admet pas en eux une sorte d'ani- malité, et les regarde comme morbides chez les Larves, mais normaux et constants chez le Papillon, ce qui a depuis été reconnu erroné. En 1853, M. Leydig retrouve ces mêmes corpuscules chez les Coccus (hémiptères homoptères dont les femelles sont parasites des végétaux et auxquels appartient la Cochenille), puis chez d'autres insectes, chez des Araignées et des Ecrevisses. Il les suppose analogues à de singuliers parasites attribués au règne végétal, regardés comme des algues unicellulaires, et décrits en 18/iJ, par Jean Muller, sous le nom de Psorospermies^ existant chez des poissons, notamment le Brochet. En 1856, M. Cornalia, puis en 1856 et 1858, MM. Lebert et Frev sis^nalent de nouveau ces cor- puscules dans les sujets malades du Sericaria mori aux divers états, et insistent sur leur signification pathologique, sans se prononcer cependant sur aucune question de causalité. En J857, le docteur Osimo fit une découverte importante en reconnaissant la présence des corpuscules dans les œufs, ce qui permit à MM. Vittadini et Cornalia d'établir une méthode préventive fondée sur l'examen microscopique des graines au moment de l'éclosion, ou mieux des jeunes Vers après une édu- cation précoce faite en serre en février et mars. C'est ici que se placent chronologiquement, de 1858 à 1860, les recherches de M. de Qualrefages, un peu oubliées aujour- d'hui et à tort. Ce savant a donné d'excellents conseils, propres à combattre les tendances à récidive de toute espèce d'épi- démie. On doit toujours joindre à tout moyen préventif ou curatif le retour aux conditions naturelles, trop méconnues dans les grandes éducations hâtives des ItaUens. A ce titre on fera bien d'étudier, dans les mémoires de M. de Quatrefages, ce qui a rapport aux éducations en petites chambrées, avec espacement, en locaux rustiques et bien aérés, à des tempe- MALADIES DES VERS A SOIE. - 225 ratures modérées. Les vues théoriques peuvent passer, les indications pratiques subsistent. Pour M. de Quatrefages, les taches étaient la partie nécessaire et fondamentale de l'affec- tion, se retrouvant à tous les âges de la larve, chez la Chrysa- lide, chez le Papillon. Il connaissait les corpuscules, mais semble les considérer comme une production accidentelle et sans importance. La tache était l'effet d'une gangrène inté- rieure, d'une sorte d'infection cancéreuse, viciant l'organisme jusqu'aux plus intimes profondeurs, tout en produisant parfois aussi des phénomènes de rachitisme. A la tache seule se rat- tachaient l'épidémie et l'hérédité. M. Pasteur est ici en con- tradiction avec son savant collègue sur ce point capital. Il faudrait, dit-il, pour que la tache fût un signe et une cause de la maladie au même titre que les corpuscules, qu'il y ait une correspondance continuelle et forcée entre eux. Les expériences faites en 1866 l'ont conduit à des conclusions contraires. 11 y a des taches, constantes en quelque sorte dans les édu- cations industrielles, qu'on ne trouve jamais chez les Vers sains élevés en cellules isolées ; ce sont des meurtrissures, des déchirures par les vraies pattes ou crochets des Vers qui montent les uns sur les autres, surtout aux délitages. Il est d'autres taches présentant certaines différences, auréolées, tandis que les taches de blessures sont à bords nets ; elles sont parfaitement en rapport avec la maladie des corpuscules, mais jamais elles ne précèdent l'apparition interne de ceux-ci ; elles sont le signe d'un état déjà avancé de la maladie. La pébrine est donc la suite, une conséquence du développement des corpiiscules, ce qui montre pourquoi, malgré une espèce de synonymie, le mot 'maladie des corjmscides est le plus scien- tifiquement exact. M. de Quatrefages s'était beaucoup étendu sur la revue des moyens curatifs proposés contre la pébrine : divers gaz, l'eau, le vin, le sel, le sucre, la fleur de soufre, le charbon pilé,. la suie, la chaux, le plâtre, le sulfate de cuivre, etc. On a reconnu depuis longtemps l'insuccès complet de tous ces procédés, et les expériences de M. Pasteur montrent qu'il faut ranger dans 2*^ SÉRIE, T. VllI. — Miii et Juin 1871. 15 226 SOCIÉTÉ d'acclimatation. le même cas les i'umigalions à la créosote et les immersions des Vers dans des solutions plus ou moins concentrées d'azotate d'argent. Le remède, jusqu'à présent, est uniquement pré- ventif, et consiste dans un grainage convenable, joint à des isolements contre la contagion, et à des soins hygiéniques dans l'éducation. C'est ce que nous aurons à expliquer. A l'époque où M. Pasteur commença ses recherches, en 1865, on avait généralement abandonné, après quinze années d'insuccès et de mécomptes, les moyens curatifs. On cherchait dans les caractères extérieurs ou dans l'examen microscopique des corpuscules, soit dans les œufs, soit chez quelques petits Vers éclos d'une façon précoce, des indices d'après lesquels on tentait une chambrée industrielle, ou bien, au contraire, qui amenaient à abandonner l'éducation. Les premières inves- tigations de M. Pasteur diminuent la confiance qu'on doit avoir dans ce procédé, car il a reconnu qu'il existe deux espèces bien distinctes de graines non corpusculeuses, les unes pro- venant de Papillons non corpusculeux, et les autres pondues, au contraire, par des Papillons qui offrent plus ou moins de corpuscules, ces dernières devant donner des Vers inférieurs en force, plus sujets à prendre diverses maladies et notam- ment à s'infecter par contagion. Il s'est convaincu, au contraire, dans ses premières expé- riences, que l'examen des Papillons permet d'annoncer d'une manière presque complètement exacte la réussite ou la perte des chambrées qu'on tentera d'élever l'année suivante avec leurs œufs. C'est par ce moyen qu'il a reconnu l'état très- corpusculeux et pronostiqué les insuccès des éducations avec les graines indigènes des pays de grande production, .et au contraire le petit nombre de corpuscules des graines japo- naises qui seules donnaient des éducations rémunératrices. Dans les départements de petite produclicn scricicole on re- trouve à très-peu près, souvent môme améliorée, la situation qui est propre au Japon. Aussi on vante avec raisrn les graines françaises de ces pays de petite production ; mais malheureu- sement il arrive pour elles ce qui se passe avec les graines japonaises. Les races s'altèrent et après plusieurs reproduc- MALADIES DES VERS A SOIE. 2*27 lions deviennent corpusculeuses et impropres à donner de la soie, ce qui oblige à recourir à des graines de nouvelle impor- tation. ï Que l'on fasse toutes les hypothèses qu'on voudra sur les causes qui ont pu amener les désastres de la sériciculture, il n'en restera pas moins établi par toutes les observations qui précèdent, que, dans les contrées où sévit l'épizootie, il existe un parasite inliniment plus multiplié que dans les pays où régne encore la prospérité de l'industrie de la soie, et qui ont le privilège d'avoir des semences généralement très-saines. » M. Pasteur est amené par ses études à des opinions opposées à celles de M. de Quatrefages, de M. Guérin-Méneville, de M. Cantoni, etc. Il ne croit pas à une épidémie analogue au choléra, auquel M. de Quatrefages comparait la pébrine, à une influence délétère et mystérieuse de milieux et de localités. La pébrine est pour M. Pasteur le résultat de la contagion d'un organisme parasitaire. Il a étudié les moyens par lesquels elle s'elTectue. Elle peut se produire par la nourriture des Vers, les feuilles se trouvant naturellement saupoudrées de poussières diverses. La poussière ancienne de l'année précé- dente tue les Vers, mais sans produire chez eux la maladie des corpuscules. Elle a amené au contraire la flacherie, du moins dans les expériences de M. Pasteur avec les vieilles poussières. Peut-être dans d'autres cas cette alimentation malsaine se traduirait par d'autres effets morbides. Cela se comprend si l'on considère que les nombreux corpuscules constatés au mi- croscope dans ces anciennes poussières sont des débris morts et inertes, des organismes caducs incapables de se reproduire ; mais il résulte toutefois de ces expériences la nécessité pra- tique d'un nettoyage parfait des magnaneries et de leurs agrès avant de commencer l'éducation annuelle. 11 en est tout autrement des corpuscules récents comme il en existe dans toutes les éducations où certains sujets atteints de pébrine meurent au milieu de Vers sains et laissent leurs débris dans les litières. !\1. Pasteur prouve la contagion dans ce cas par de nombreuses expériences directes où les feuilles étaient mouillées avec de Teau tenant en suspension des cor- 228 SOCIÉTÉ d'acclimatation. piiscules, parfois provenant de crottins de Vers infectés, plus souvent de Vers, Chrysalides ou Papillons malades ; crottins et insectes étaient à cet effet délayés dans l'eau après écrase- ment. Cela explique de soi FirapossiLilité des grainages pro- ductifs dans tous les départements de grande culture. Il y a toujours dans les plus belles éducations donnant une riche récoite de soie quelques Vers corpusculeux qui infectent tous les autres par les feuilles, de façon cà rendre les adultes cor- pusculeux et à amener rinsuccès certain de la production de soie à la génération suivante, car souvent les repas corpuscu- leux n'amènent la maladie qu'au dernier âge de l'insecte. La contagion peut aussi se produire directement par des piqûres au moyen d'une aiguille trempée dans une eau im- prégnée de corpuscules, mais bien moins toutefois que par le canal intestinal à la suite de repas de feuilles couvertes de corpuscules. Cela explique une seconde manière dont un Ver corpusculeux peut infecter les autres, par l'effet des piqûres des crochets des autres Vers, soit dans sa peau, soit dans ses crottins; ces mêmes pattes antérieures ainsi empoisonnées peuvent contagionner certains Vers. On comprend, d'après les divers moyens infectants que nous venons de mentionner, qu'il suffit d'associer dans une même éducation des Vers sains à des Vers malades pour amener une contagion générale, avec une intensité et une rapidité propor- tionnelles au nombre de sujets corpusculeux. Les expériences de M. Pasteur ont établi cette vérité, qui était du reste comme la résultante forcée des expériences précédentes, dirigées selon la méthode d'élimination de toutes les recherches des sciences expérimentales. Enfin la pébrine est infectieuse à distance parles poussières fraîches des éducations voisines. Des vers corpusculeux amè- nent la maladie chez les Vers sains des tablettes de la même magnanerie et infectent tous les reproducteurs, en pouvant permettre cependant une belle récolte de soie. Bien plus cette contagion peut s'opérer dans des chambrées diflerentes de la même maison, et d'une maison à une autre par reffct des \ents, par les poussières transportées avec les mains, les vête- MALADIES DES VERS A SOIE. '22^ ments, les chaussures, etc. Cette contagion toutefois s'arrête à certaines distances qu'on ne peut pas évaluer d'une façon mathématique, les précautions pour l'ouverture et la direc- tion des fenêtres, la propreté intérieure, celle des personnes de service, etc., ayant ici une influence considérable et variée. Il faut surtout redouter la contagion par les poussières de la chambrée même et enlever avec soin tout Ver suspect, qui seulement demeure plus petit que les autres. La question la plus importante qu'on puisse se poser en présence de ces modes multiples de contagion est la suivante : lorsqu'une graine issue de Papillons sains (et là, comme nous le verrons, réside le procédé. de M. Pasteur) est mise en édu- cation industrielle, peut-elle être atteinte par la pébrine au point de ne pas donner de récolte de soie ? On comprend que c'est ici la pierre angulaire de l'édifice. Si la graine garantie saine donne une éducation malade, la sériciculture est perdue. On se posait ce problème avec inquiétude sous l'idée d'une épidémie, d'une influence de milieu impossible à conjurer. M. Pasteur expose, avec l'assurance de la conviction scienti- fique, ce qui résulte de toutes ses expériences de contagion : quand la graine est saine, c'est-à-dire privée de corpuscules parce qu'elle sera née de reproducteurs non corpusculeux, il est impossible que les Vers issus de cette graine et élevés pen- dant la durée habituelle des éducations, sans prolongation insolite par le froid ou la diète, puissent périr en masse avant de filer leurs cocons. Soit par la contagion au contact, soit par la contagion à distance, jamais la pébrine, dont la marche est lente, n'atteint les Vers assez jeunes pour qu'ils ne montent à la bruyère. c( Faites delà graine saine par le procédé que j'indiquerai, écrit M. Pasteur, et;, quoi qu'il arrive, quelles que soient les fautes d'éducation que vous puissiez commettre, mauvaise hygiène, association dans les mêmes locaux de toutes sortes de graines bonnes ou mauvaises, quelles que soient les in- fluences climatériques que vous ayez à subir, votre récolte sera assurée contre la pébrine. Cette maladie pourra sans doute vous enlever quelques vers que la contagion ou l'infec- 530 SOCIÉTÉ d'acclimatation. tion auront gagnés dès les premiers jours de leur vie, mais la masse ne pourra céder à ces funestes influences avant l'époque de la montée, i Rien de plus catégorique que ce passage textuel. On ne peut opposer à 31. Pasteur que des expériences où les cas d'exclu- sion qu'il indique lui-même auraient été soigneusement écartés. Nous sommes prêts à en reproduire l'exposé et à les discuter. Nous ne suivrons pas le savant académicien dans l'étude du développement des corpuscules, la question étant du ressort de l'histologie et de la physiologie, et n'intéressant pas direc- tement la pratique. Nous nous occuperons au contraire des moyens de combattre la pébrine et d'en prévenir le retour. Au fait, au fait ! nous dira-t-on. Assez de dissertations scien- tifiques, les magnaniersdemandentle moyen d'éviter la pébrine à leurs chambrées, et pas autre chose. Ce que nous avons exposé précédemment était cependant indispensable pour donner une garantie au procédé que nous allons faire con- naître, et qui permet, selon M. Pasteur, de rendre aux graines indigènes les qualités d'autrefois, en affranchissant la sérici- culture de rénorme tribut payé aux marchands de graines du Japon pour obtenir des races très-inférieures, et qui peuvent en outre nous manquer d'un moment à l'autre. Tout revient, avons-nous établi, à obtenir une graine rigoureusement exempte de corpuscules et à la perpétuer dans la même condi- tion, quelle que soit l'infection de la contrée. On a toujours choisi les reproducteurs dans les éducations les mieux réussies ; c'est la pratique générale de toute Tagri- culture. Celte première condition remplie, on prélèvera à la montée et au hasard quelques centaines de cocons et on les fera chrysalider rapidement en chambre chauffée, de 30 à 35 degrés centiçr. On ouvrira des Chrvsalides à divers âges, du sixième au seizième jour après la montée, et l'on soumettra les liquides des tissus au microscope. Si l'on cm trouve seule- ment deux ou trois sur vingt offrant des corpuscules, il ne faut pas hésiter à livrer à l'étouffage et à la filature tous les cocons. On comprend pourquoi il faut hâter l'éclosion des MALADIES DES VERS A SOIE. 231 Chrysalides d'essai el les observer assez jeunes : c'est pour être fixé le plus vite possible sur la valeur de la chambrée, ne pas avoir de cocons percés et perdre le moins possible de poids. L'examen des Chrysalides a décidé une première partie de la question; mais elle n'est pas résolue complètement. Les corpuscules peuvent se développer seulement dans les Papil- lons et alors infecter la graine. C'est sur ces reproducteurs que doit donc porter l'investigation macroscopique délinilive. On les broie un à un dans un mortier avec un peu d'eau, et l'on examine une goutte de la bouillie. Si la proportion des Papillons corpusculeux pris au hasard reste inlerieure au dixième dans les races indigènes, on peut livrer toute la cham- brée au grainagc, en rejetant, comme toujours, les sujets chétifs et mal conformés, et surtout ceux dont le duvet du corps est, même par places restreintes, noir et velouté, car on peut affirmer, sans examen, qu'ils sont corpusculeux. Une faut pas confondre cette couleur avec un duvet gris que pré- sentent parfois des Papillons très-sains, dans les races vigou- reuses, et qu'on voit particulièrement chez les mâles. Si la graine ne doit pas seulement servir à une éducation industrielle de l'année suivante, mais à de pelites chambrées pour des grainages ultérieurs, il faut restreindre bien plus sévèrement la proportion des Papillons corpusculeux, et le mieux est même de n'en tolérer aucun. Il faut bien remarquer que la proportion des œufs corpus- culeux, eu égard au nombre d'œufs d'une ponte, est toujours tien moindre que celle des Papillons malades, car beaucoup d'œufs d'une femelle infectée ne sont pas corpusculeux. Il serait très-désirable que les graineurs honnêtes joignissent quelques exemplaires secs des Papillons à la graine qu'ils vendent, l'examen de ceux-ci permettant après coup de recon- naître la valeur des œufs au point de vue de la maladie de la pébrine. On a reconnu que l'examen des Papillons corpusculeux doit, avant tout, porter sur les femelles, et qu'un mâle infecté ne communique pas l'infection aux œufs d'une femelle saine, lors 23*2 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION, de l'accouplement. Ce fait a été expliqué anatomiquement par les recherches de M. Balbiani. Ce n'est pas à dire absolument que l'examen des mâles soit inutile. Il est toujours mieux de rejeter un mâle corpusculeux ou son produit, parce que, étant malade, il sera plus apte à donner une descendance affaiblie, prédisposée aux contagions. Une graine étant reconnue saine, il reste la question de la propager indéfiniment exempte de corpuscules par de petites éducations dites de grainage, qui sont très-lucratives pour ceux qui s'y Uvrent avec succès, afm d'alimenter de semences toujours saines les grandes éducations de l'industrie. Il faut avoir grand soin de bien assainir les petites magna- neries où se feront ces éducations de reproducteurs : ainsi laver le parqueta plusieurs eaux, blanchir les murs à la chaux, désinfecter pendant vingt-quatre heures, toutes ouvertures closes, à l'aide de fragments de chlorure de chaux recouvrant le plancher, aérer, badigeonner les agrès au sulfate de cuivre ; enfin dans le cours de l'éducation enlever les poussières avec une éponge humide et déliter hors de la magnanerie. Ces précautions seront parfaitement suffisantes dans les départe- ments de petite culture. Mais les éducations pour graine peuvent également se faire dans les pays de grande culture, bien que là les vents, les vêtements, le toucher, la poussière des éducations qui se font, on peut dire, dans chaque maison, les litières conservées comme engrais agricole répandent sans cesse dans l'air des milliards de corpuscules. Cependant, si l'on réfléchit que les corpuscules anciens deviennent inertes dans les poussières, on pourra remédier aux difficultés en joignant de nouvelles pré- cautions hygiéniques à celles que nous avons précédemment indiquées. Il faut fractionner le plus possible les éducations de grainage, n^élablir leurs magnaneries qu'à distance des locaux habiles où se font des éducations ordinaires. Il faut éviter par-dessus tout l'emploi de personnes qui seraient af- fectées en même temps aux soins de grandes magnaneries industrielles, toujours plus ou moins corpusculeuses, et, con- dition plus expresse que tout le reste, dans les pays de grande MALADIES DES VERS A SOIE. 233 culture, n'employer que des graines irréprochables, obtenues par la méthode dite du grainage cellulaire. Voici en quoi elle consiste : on a disposé dans une chambre peu éclairée, assez fraîche, sans soleil, les chapelets ou filanes de cocons en rangées verticales. Dans une chambre à côté, offrant les mêmes conditions, sont pendues à des ficelles horizontales des rangées de petits mor- ceaux de toile en rectangle d'environ 1 décim. de Ion!? sur 5 cenlim. de large. On prépare environ cent toiles par once (25 grammes) de graine à obtenir, et au bout de trois jours, la ponte étant finie, on peut retirer et empaqueter les toiles et en mettre de nouvelles. Les Papillons sont portés sur des tables et s'accouplent. De quatre à six heures du soir on met séparément tous les couples sur les petits linges. Aussitôt après on les désaccouple, et, ou bien on jette les mâles sans examen, ou mieux on place chacun au bas de la toile repliée et collée en petit sac, en le fermant avec une épingle. On laisse la femelle opérer sa ponte, puis on l'enferme dans le petit sac, avec ou sans le mâle, ou bien dans un coin du linge replié et en la maintenant par une épingle. On examine plus tard, à loisir, la femelle de chaque linge, et, si elle est corpusculeuse, on rejette la ponte. On réunit, en les déta- chant de la toile par le lavage, toutes les bonnes pontes. On dessèche la graine rapidement à l'air, et on la conserve dans une chamibre située au nord, sèche et aérée. On peut faire un grainage cellulaire encore plus rigoureux en plaçant chaque couple dans un casier formé d'un grand nombre de cellules de bois ou de Carton et recouvrant le tout d'une toile métallique empêchant les Papillons de passer d'une case à l'autre. De la sorte on est certain de n'avoir que des accouplements uniques. Puis on porte les couples séparément sur les petites toiles, on désaccouple, etc. 2o4 SOCIÉTÉ d'acclj.matatïoîn'. LA FLACIIERIE. Le titre de l'ouvrage de M. Pasteur : La maladie des Vers à soie a pour origine la croyance populaire à une espèce de fléau insaisissable, prêt à sévir partout, et sans cause appa- rente, et, pour beaucoup de gens, sans remède, croyance qui s'accommodait avec la paresse naturelle et la ténacité dans la routine. M. de Quatrefages admettait, concurremment à la pébrine, épidémie fondamentale, une dégénérescence et un affaiblissement des races donnant à cette pébrine le cortège fréquent de toutes les maladies anciennes, qui n'étaient que des causes secondes de cette cause première. Un de nos sériciculteurs distingués de l'Ardèche, M. de Plagniol. faisait dériver la flacherie de la pébrine, les corpus- cules se transformant en un nouveau ferment. M. Pasteur fut amené en 1867 à soupçonner l'indépen- dance des deux affections, point capital en ce qu'il y avait dés lors deux séries de remèdes à cbercher. Selon lui les maladies trop multipliées des Vers à soie décrites par les auteurs se ramènent à quatre, la grasserie qui enlève assez souvent quelques Vers au moment de la montée à la bruyère, mais sans produire de pertes impor- tantes, la miiscardine qui a presque complètement disparu, la pébrine et la flacherie. Les essais précoces faits par M. Pasteur en 1867, puis ses nombreuses éducations en avril et mai, lui démontrèrent l'in- dépendance de ces deux maladies. Des cbambrées périrent de la flacherie, généralement de la quatrième mue à la montée, sans aucune trace de pébrine ; la graine provenait de parents privés de corpuscules, et les Papillons éclos en très-minime quantité étaient également dénués de cet organisme. Les mêmes faits se présentèrent à M. Pasteur dans Texamen de nombreuses éducations industrielles dans le département du Gard. Il résulte des faits observés qu'il est très-rare de ren- contrer une chambrée décimée par la pébrine qui n'offre pas simultanément des Vers flats ; mais on peut avoir des éduca* MALADIES DES VEI^S A SOIE. *235 tions exclusivement atteintes depébrine et d'autres au contraire exclusivement atteintes de llacherie. En 1867, la pêbrine était encore la maladie la plus répandue, mais la llacherie s'y associait déjcà, dans une proportion considérable, dans les départements de grande cullure. Dans les autres, le mal se bornait à peu près exclusivement aux ravages de la pébrine. 11 n'en fut plus complètement ainsi dans les années suivantes où la flacherie a sévi dans toutes les localités, souvent même beaucoup plus que la pébrine. Ainsi les éducations de la magnanerie expérimentale du Jar- din d'acclimatation, au bois de Boulogne, en 18:38, 18()9, 1870, périrent toutes par la flacherie et n'eurent point de pébrine. Nous avons déjà parlé des caractères extérieurs de la fla- cherie, affection si cruelle en ce qu'elle frappe le plus sou- vent les Vers au moment de la montée, toutes les dépenses faites, et avec l'aspect extérieur d'une santé parfaite. C'est ce qu'on put constater si bien à Paris à la magna- nerie précitée. Soit au moment de la montée, soit plus rare- ment, à une époque antérieure, les Vers deviennent languis- sants, immobiles, ne mangeant plus. Souvent ils sont arpiaiis^ c'est-à-dire s'accrochent avec force par les couronnes de crochets de leurs fausses pattes, de sorte qu'on les détache difficilement des feuilles ou des brindilles de bruyère ; beau- coup après la mort pendent renversés, retenus par les fausses pattes. Ils ont conservé jusqu'à la mort l'apparence normale qui convient à leur âge ; puis ils pourrissent et prennent une couleur noirâtre, devenant flasques et pareils à des boyaux vidés, l'intérieur de leur corps s'écoulant en une sanie bru- nâtre. Une odeur aigre, intense, due aux acides gras volatils que dégagent les Vers malades, se fait sentir dans la magna- nerie. Cette maladie, ou du moins la mort précédée et suivie de pareils symptômes, se rencontre assez souvent sur un grand noml)re de nos Chenilles indigènes d'espèces variées, soit dans la nature, soit élevées chez des amateurs. Je me souviens notamment avoir observé de semblables phénomènes pour le Bombyx 7ieustria\ÀY\w, et le Liparisehrysorrheayhmxi. 236 SOCIÉTÉ d'acclimatation. De quels désordres inlernes s'accompagne ce second fléau de la sériciculture ? Les fonctions digeslives subissent une altération profonde, attestée par diverses productions insolites que le microscope permet de constater dans les matières qui remplissent le canal intestinal des Vers morts-flats. Ce sont principalement des vibrions, d'une part (analogues à ce qu'on nomme vulgairement les anguilles du vinaigre, de la colle d'a- midon aigrie, etc.), et, d'autre part, un ferment en chapelets flexibles, formés d'un nombre variable de grains, sphériques ousubsphériques, chacun d'un diamètre d'environ 0™'°, 001, et très-analogue aux ferments organisés de diverses fermenta- tions, notamment delà fermentation acétique. Or, ce sont précisément les mêmes organismes qu'on re- trouve dans la décomposition des feuilles de Mûrier triturées et abandonnées à elles-mêmes. La présence des vibrions dans les matières du tube digestif est le signe d'un état avancé de la flacherie, et s'observe surtout sur les Vers après la quatrième mue ou à la bruyère, trop malades pour faire leurs cocons ; le ferment en chapelets de grains correspond à un état bien moins grave de l'affection, et quand il ne s'est développé que dans les derniers jours de la vie de la Chenille, il permet la filature du cocon et la trans- formation en Papillons. La récolte n'est nullement compromise au point de vue industriel ; mais il n'en est pas de même pour la reproduc- tion. Il y a un affaiblissement qui se traduira dans la géné- ration prochaine par une prédisposition à la flacherie. L'emploi du microscope n'est du reste pas nécessaire pour reconnaître la présence de la maladie. Le ferment en chape- lets de grains détermine dans le tube digestif des Vers une fermentation de la feuille ingérée d'où résulte un manque d'appétit des Vers prêts à filer, une immobilité de plusieurs heures sur les feuilles ou sur les brindilles de bruyère si les Vers sont montés. Les Vers sont lents à se décider à hier. C'est alors que nos vieux magnaniers brûlaient de l'encens, du tbym, des par- fums, faisaient des feux de flamme qui élevaient de plusieurs MALADIES DES VERS A SOIE. SS/ degrés la température de la magnanerie afin de ranimer les Vers. Quand ces symptômes se sont montrés à la fin d'une éducation, quelle que soit d'ailleurs sa réussite en cocons, ce serait une grande imprudence que de faire grainer les Papil- lons. L'année suivante laflacherie décimerait l'éducation. Quand on a eu la négligence de ne pas observer ses Vers, surtout dans les derniers jours de leur vie, ce que doit toujours faire un magnanier intelligent, ou quand on reçoit des cocons sans renseignements, il faut alors étudier au microscope le tube digestif des Chrysalides, notamment l'estomac et la poche caecale, et voir si les matières internes offrent les chapelets de grains ou les vibrions. On peut encore se contenter de caractères plus aisés à re- connaître, bien qu'une observation au microscope soit fort peu de chose et rentre dans les observations faciles dès qu'on a acquis un peu d'habitude. Les matières des poches des Chrysalides malades sont abondantes et d'une teinte verdâlre foncée, et les déjections des Papillons {meconium), au lieu d'être incolores ou d'une couleur jaune paille ou légèrement orangée, sont d'un gris ou d'un brun noirâtre, et très-tâ- chantes pour les linges qui servent au grainage. On peut encore, quand on veut se précautionner contre la fïacherie dans une éducation de grainage, observer si les Vers n'ont pas extérieurement une peau rosée, au lieu de la teinte blafarde de l'état normal. M. Pasteur établit ensuite que la fïacherie peut être acci- dentelle ou héréditaire. Elle est très-souvent accidentelle. En effet, elle provient d'un trouble dans la digestion sous l'in- fluence du ferment en chapelets de grains dans la feuille ingérée. La fïacherie peut avoir pour cause prédisposante une trop grande accumulation des Vers aux divers âges de l'in- secte, une trop forte chaleur lors des mues, la suppression de la transpiration, le manque d'aérage, l'emploi d'une feuille échauffée, ou trop dure, ou mouillée par le brouillard. M. Pasteur regarde la feuille des Mûriers non taillés ou des sauvageons comm.e bien préférable aux feuilles larges et épaisses des Mûriers taillés chaque année. 238 SOCIÉTÉ d'aggljmat.vtiun. Les feuilles durcies par la chaleur sont aussi d'un emploi funeste, ce qui montre qu'il y a avantage à accélérer les édu- cations ailn d'avoir toujours une feuille assez jeune et plus digeslive. C'est en 1868, que M. Pasteur a émis le premier l'idée, contrairement à l'opinion générale des magnaniers, que la fïaclierie pouvait en outre être héréditaire. Il résulte de ses propres expériences ou de celles entre- prises sous son influence, soit en essais précoces, soit en édu- cations normales, que des graines provenant de parents affaihlis par un commencement de flacherie, rigoureusement exemptes de corpuscules par le procédé de grainage cellu- laire, conduisent à des chambrées complètement envahies par la flacherie, au point de ne pas donner, le plus souvent, un seul cocon. Depuis bien longtemps les éducateurs auraient connaissance de celte hérédité, s'il n'était pas de règle de rejeter du grainage toute éducation qui a présenté, entre la quatrième mue et la montée à la bruyère, des Vers languis- sants ou atteints d'une mortalité plus ou moins grande. M. Pasteur insiste sur ce point que, si la maladie des corpus- cules peut être impossible à prévoir à l'aspect des Vers à la montée, et exige d'une manière indispensable l'emploi du microscope, il n'en est pas de môme de la flacherie toujours reconnaissable à l'aspeci extérieur des Vers, de sorte qu'une petite éducation d'essai bien surveillée indiquerait toujours si l'on doit livrer tous les cocons à la fdature, ou si Ton peut s'en servir pour grainer. La flacherie est contagieuse et d'un grand nombre de ma- . nières. La démonstration de cette proposition est établie par M. Pasteur suivant la véritable méthode expérimentale qu'igno- rent tant de personnes, qui remplacent les données rigou- reuses par les entraînements de l'imagination et tirent des conséquences d'expériences incomplètes, faute de contrôle. Toujours, dans les essais de M. Pasteur, un lot témoin, par- faitement intact, ne permet pas d'attribuer la malad e des autres lots à une autre cause que celle dont on veut établir la réalité. MALADIES DES VEHS A SOIE. 289 On a pu contagionner de bien des manières difïérentes des Vers à soie reconnus exempts de pébrine et de flacherie héré- ditaires : ainsi avec la poussière d'une magnanerie infectée l'année précédente par la pébrine et la flacherie, cette pous- sière tantôt répandue sèche sur les feuilles, tantôt les impré- gnant en suspension dans Teau; au moyen des feuilles recou- vertes par la matière pleine de vibrions du canal digestif d'un Ver mort-flat, par des fragments de Ver flat délayés dans Teau, par des vibrions retirés du tube digestif d'un vert mort, par des vibrions provenant de feuilles de Mûrier fermentées. Le ferment en chapelets de grains retiré du canal intestinal pro- voque aussi la maladie, et de même le contact de Vers malades placés au milieu des Vers sains. On trouve dans le plus grand nombre des sujets des Vers contagionnés le ferment en cha- pelets de grains ou les vibrions, ou tous deux, et aussi dans les Chrysalides. Il résulte de ces expériences que la con- tagion est encore plus facile pour la flacherie que pour la pébrine, puisque les germes de la pébrine deviennent inoffen- sifs dans un temps assez court, tandis que ceux de la flacherie conservent leur activité pendant des années. La poussière des magnaneries infectées est en effet remplie de vibrions enkystés qui reprennent vie quand ils sont humectés. M. Pasteur a reconnu que des conditions encore indéter- minées d éducation peuvent guérir la prédisposition hérédi- taire cà la flacherie; mais cette partie de son travail n'étant qu'à l'état d'ébauche expérimentale ne doit pas nous occuper en ce moment. Nous terminerons l'étude de l'ouvrage si important que nous avons analysé dans ses parties fondamentales par l'exa- men détaillé d'une question de la plus grande valeur pratique, celle d'une méthode d'éducation propre à régénérer une race à l'aide d'une graine, quelque mauvaise qu'elle soit, atteinte de pébrine ou de flacherie ou de ces deux maladies réunies, même au plus haut degré. Cette régénération est le désir ardent de bien des éducateurs, qui, depuis l'apparilion du fléau, ont eu le regret de voir s'éteindre entre leurs mains des races remarquables par la beauté de leurs cocons, la force et la finesse de leur soie. 2Z|0 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Les deux maladies qui désolent la sérici(!uUure sont à la foi héréditaires et contagieuses. Supposons que dans une graine, et c'est ce qui arrive tou- jours dans les graines suspectes, il y ait une certaine fraction, forte ou faible, d'œufs exempts de corpuscules ou de leurs germes, ou privés de la prédisposition héréditaire à la fla- cherie. Si l'on élève en commun tous les Vers issus de cette graine, les malades ne tarderont pas à contagionner ceux qui sont bien portants ; l'éducation tout entière pourra périr comme si tous les œufs avaient été primitivement infectés, et les cocons, si quelques-uns existent, ne donneront que des Papillons im- propres à la reproduction. On voit que c'est la contagion qui achève le mal commencé par l'hérédité. Il suffit de séparer ces deux causes et de sup- primer la première, puis de faire un triage entre les sujets sains et ceux atteints par le mal héréditaire. On y arrive par le procédé de l'éducation cellulaire. Au moment de l'éclosion et avant que les Vers, qui sortent seulement de l'œuf, aient pu se nuire les uns aux autres, il faut lever chacun séparément, à l'aide d'un menu fragment de feuille de Mûrier qu'on lui présente avec une petite pince jusqu'à ce qu'il s'y soit attaché. Les entomologistes savent en effet qu'il ne faut jamais toucher les jeunes Chenilles avec les doigts. On place alors chaque Ver dans une cellule isolée, formée au moyen des subdivisions en carrés obtenues dans un casier de bois ou de carton, chaque case ayant 6 à 7 centimètres de haut et 8 à 10 de côté. Gomme les Vers à soie ont un remarquable instinct social et chercheraient à se réunir, il est indispensable de couvrir chaque case d'un morceau de canevas ; le fond du casier doit être pareillement en cane- vas, afin de faciUter l'aérage des cellules. On trouvera à la fm de l'éducation certains cocons à Ghry- «ralides et à Papillons sains, soit sous le rapport des corpus^ cules, soit privés de ferment en chapelets de grains. Ils donnent une graine sûre et intacte. Si l'on craint encore, malgré tout, quelque influence héréditaire, on recommencera MALADIES DES VERS A SOIE. 241 l'élevage cellulaire sur la seconde génération, et cela pourra servir en outre de contrôle pour la bonté delà méthode. C'est là le moyen rigoureux de régénérer une race prête à se perdre ; des faits précieux ont été constates dans ce genre d'éducalion par M. Pasteur. Des graines, ou corpusculcuses, ou atteintes de flaclicrie, et conduisant à des échecs complets, même en petites éducations fort soignées, lui ont donné des reproducteurs parfaitement sains. Un plus grand intérêt découle encore de ces faits, c'est l'influence de l'isolement pour diminuer les ravages, soit delà pébrine, soit de la fla- chcrie,en diminuant la contagion. Il faut, dans les éducations, se rapprocher ic plus possible des conditions de l'élevage cel- lulaire, et cela en donnant aux Vers une grande surface, surtout dans les premiers âges, en raison de la lenteur des effets de la contagion, qui est bien moins dangereuse quand elle commence à s'exercer à la fm de la vie de la larve. Il faut espacer le plus possible les vers dès la naissance, étendre la graine au heu de l'accumuler en épaisseur, puis, tous les jours, augmenter la surface de l'éducation, au risque d'aug- menter un peu la quantité de nourriture et l'étendue des locaux. En outre, comme, dans l'éducation cellulaire, les Vers morts sont d'eux-mêmes isolés des autres, il faut commettre une personne intehigente à enlever sans cesse des claies les Vers morts ou mourants, et en général tous ceux qui ne parais- sent pas en état de pouvoir faire leurs cocons. C'est autant de chances qu'on ôte à la contagion. M. Pasteur corrobore ces importants préceptes par l'auto- rité de nombreuses citations empruntées aux éducateurs japo- nais, qui ont grand soin de séparer les Vers le plus possible et d'empêcher de trop fréquents contacts, en écartant les Vers les uns des autres avec de petits bâtons. Les Vers des Japonais n'occupent pas moins de 5 mètres carrés au moment du pre- mier sommeil, pour 25 grammes environ de graine; en France, nous ne leur donnons guère que le cinquième de cette superficie. 26 sÉRit, T. vni — Mai et Juin 1871. 16 PROGRÈS RÉGENTS DE L'AGGLÎMÀTATÏON DES GÏNGHONA DANS LES INDES BRITANNIQUES. ESSAI D'ACCLIMATATION DE DIVERS VEGETAUX AU JARDIN GOUVERNEMENTAL D'OOTACAMUND, Par n. .lugastin DELOMDRE. Le bienveillant accueil que la Société d'acclimatation a fait aux rapports dans lesquels, conjointement avec notre collègue, M. J. L. Soubeiran, nous avons exposé les premières phases de l'acclimatation des Cinchona dans les Indes britanniques, nous a fait considérer comme un devoir de la tenir au courant des nouveaux progrès de cette entreprise. Dans la présidence de Madras, M. Mac Ivor, continuant ses études comparatives sur le développement des Cinchona, à l'abri d'arbres vivants ou sans aucun abri protecteur, sur les meilleures conditions de la germination des graines, du déve- loppement et de la culture des plants, etc, etc., est arrivé à la confirmation de la plus grande partie, sinon de la totalité de ses vues antérieures. Parmi les faits nouveaux que ses rap- ports nous signalent, nous mentionnerons le rôle prédomi- nant que les feuilles paraissent jouer dans la formation des alcaloïdes : il ne faudrait pas, d'après cela, dépouiller inutile- ment les Cinchona de leurs feuilles, et il vaudrait mieux obtenir de nouveaux plants par la germination des graines que de prélever sur les arbres des boutures chargées de feuilles. Le nombre des plants de Cinchona^ existant, tant dans les pépinières d'Ootacamund que dans les plantations du gou- vernement des Neilgherries qui en dépendent, a continué du reste à augmenter d'année en année. Le 31 janvier 1870, il ACCLIMATATION DES CINCHONA. '2h^ s'élevait à 2 595176 dont 1 215 963 plants de C. succirubra et 1 183 159 plants de C. officinalis var. Condaminea. L'établissement, à Ootacamund, d'un laboratoire sous la di- rection d'un chimiste distingué, M. Broughton, élève de M. le professeur Frankland, a permis d'autre part à M. Mac Ivor de s'appuyer sur l'analyse chimique pour étudier différentes questions intéressantes pour l'avenir des plantations. C'est ainsi que M. Broughton a étudié, entre autres ques- tions : 1° le mode de dessiccation des écorces ; 2° l'influence des saisons ; 3" les conditions dont dépend la teneur en quinine des écorces de Cinchona; Ii° la forme sous laquelle les alca- loïdes se trouvent dans la plante vivante. En ce qui concerne la dessiccation des écorces, M. Broughton a constaté qu'une température élevée artificielle (1), aussi bien que la chaleur solaire altéraient l'écorce, toutefois la chaleur solaire paraît être la moins nuisible et pouvoir être employée pour la dessiccation des écorces, pourvu du moins que l'action de la lumière soit réduite au minimum, que l'exposition des écorces au soleil dure peu, et que la température soit relati- vement modérée, ce qu'il est facile d'obtenir dans les Neil- gherries. Les expériences de M. Broughton, tout en confirmant les idées de Pasteur, relatives aux fâcheux effets de la dessiccation des écorces à la lumière solaire, et en informant celles de Bernelot Moens (voy. Bidietin^T série, t. Vil, p. Ii9li) , lui ont fait voir que ces effets fâcheux ne sont réellement sensibles qu'au bout d'un temps assez long et dans les circonstances les plus défavorables : dans de telles circonstances, elles pourraient au bout d'une quinzaine s'élever à 1 pour 100. En ce qui concerne les saisons, M. Broughton a constaté qu'il se produisait sous leur iniluence dans l'écorce des varia- tions notables de composition, que c'était en octobre et en (1) Par une température artificielle, la combinaison que les alcaloïdes forment avec les acides absorbe l'oxygène et devient, sous celte nouvelle forme, difficilement décomposable par les acides. De plus, à une température bien supérieure à 4 00 degrés, les alcaloïdes s'altèrent. 2/iA SOCIÉTÉ d'acclimatation. mai que se rencontraient les maxima. C'est du reste en mai que l'écorce est le plus riche en alcaloïdes qui fournissent des sulfates cristallises. Les variations dans la teneur des écorces en alcaloïdes sous rinHuence des saisons deviendraient du resle moins sensibles d'année en année à mesure que l'arbre vieillirait. L'alcaloïde qui se présente le premier dans l'écorce i)Osscde toutes les propriétés de la quinine, mais il est amorphe. Cet alcaloïde acquiert peu à peu la propriété de cristaUiser et se transforme en quinine. La cinchonidinc ne se rencontrerait et, par conséquent, ne se formerait que plus tard, peut-être par l'action de la lumière solaire sur la quinine. C'est surtout l'alcaloïde amorphe que l'on rencontre dans l'écorce qui s'est renouvelée sous la mousse. L'écorce fraîche contient, du reste, une plus grande quan- tité d'alcaloïdes que l'écorce sèche; mais la dilTcrence est ordinairement peu importante : nous observerons en outre que ce sont les arbres les plus vigoureux et dont le dévelop- pement a été le plus rapide qui donnent les écorces les plus riches en alcaloïdes. Ce serait, du moins pour la plus grande partie, les A cin- quièmes, sinon la totalité, à l'état de combinaison avec l'acide quinotannique que les alcaloïdes existeraient dans l'écorce. Les écorces récemment détachées de l'arbre seraient d'une couleur grise : elles ne deviendraient rouges que par l'action de l'air. Le fait observé ici par M. Broughlon, et qu'il expli- querait par une transformation des quinotannates des alca- loïdes contenus dans l'écorce, a déjà été signalé par différents quinologistes et notamment par M. Weddell. Nous n'entrerons pas ici dans plus de détails sur les expé- riences de M. Broughton : nous avons seulement voulu montrer quels services la coopération de M. Broughlon pourrait rendre à M. Mac Ivor,en apportant à sa haute perspi- cacité l'aide de l'analyse chimique. En voyant les résultats obtenus par la culture des Cinchonay ne devait-il pas venir à l'idée de rechercher si, parmi les fébrifuges préconisés comme efficaces dans l'Inde, il n'y en ACCLIMATATION DES CINCHONA. 2/i5 avait pas dont l'efficacité put être utilisée et qu'il fût avantageux de propager par la culture. Il était important surtout de rechercher si ces fébrifuges ne contenaient pas d'alcaloïde d'une efficacité réelle. L'un d'entre ces fébrifuges, VHijmerio- dictyon excelsum, désigné par Roxburgh sous le nom de Cinchona excelsa, paraissait surtout mériter d'être examiné : c'est ce qu'a fait M. Broughton; il n'y a pas trouvé d'alcaloïde, ni aucun principe fébrifuge spécial, mais il y a trouvé seule- ment de l'esculine : nous ne doutons pas que M. Broughton n'étudie ultérieurement de même les autres fébrifuges de la flore thérapeutique de l'Inde, et que ces fébrifuges soient aussi l'objet d'études médicales comparatives qui permettent d'en vérifier l'efficacité comme succédanés des Cinchona, ^lais revenons aux Cinchona et à leur culture. Différentes espèces ou variétés importantes de Cinchona manquaient encore dans les plantations des Indes britanniques. M. J. E. Howard, M. van Gorkom, directeur des plantations de Cinchona du gouvernement néerlandais à Java, M. Money, l'un des principaux et des plus zélés particuliers a donnés à la culture des Cinchoria dans les Neilgherries, ont fait parvenir à M. Mac Ivor des graines qui ont comblé quelques lacunes, en même temps que l'expédition de M. 11. Cross, dans la Nouvelle-Grenade, permettait cà M. Mac Ivor de réaliser l'in- troduction d'espèces importantes, de ce pays. Aussi M. Mac Ivora-t-il pu, dans son rapport pour 18(58-09, s'exprimer ainsi : « Nous avons maintenant réussi à nous procurer toutes les espèces de Cinchona d'une valeur connue, et, si nous ne devions plus recevoir aucune graine, la possession de ces espèces n'en serait pas moins assurée : car nous possédons des plants de chaque espèce en bon état, et nous pourrions par Lou'.ures multiplier ces plants de manière à obtenir de chaque espèce tel nombre de nouveaux plants qui serait juge néces- saire. )) En dehors des pépinières et des plantations gouvernemen- tales que dirige M. Mac Ivor, d'autres essais ont été faits ou continués, tant dans les Neilgherries que sur d'autres points de la présidence de Madras, soit sous les auspices du gouverne- 2A(> SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. ment, soit par les soins des particuliers. Ces essais n'ont toutefois pas pris un grand développement : aussi nous con- tenterons-nous de les mentionner. M. Mac Ivor avait d'autre part organisé, par ordre du gou- vernement, une plantation expérimentale d'arbre à Thé. Cette plantation, d'après le rapport pour 1868-69, contient main- tenant 13 000 plants qui se développent du reste très-bien. M. Mac Ivor, en s'adonnant à l'étude attentive de leur déve- loppement, a pu faire l'observation importante que le rende- ment en feuilles pouvait, suivant les plants, varier du simple au quadruple et même au quintuple. Le jardin gouvernemental d'Ootacamund est devenu du reste, sous l'habile direction de M. W. G. Mac Ivor, un véritable Jardin botanique expérimental, où se trouvent réunis à côté l'un de l'autre les végétaux des différentes parties du globe. Parmi les plantes utiles qui s'y trouvent, nous mentionne- rons V Exogonium purga qui produit le vrai Jalap^ le Con- volvuhis chicorrhiza qui produit le faux Jalap, le Convolvulus scammonia qui laisse exsuder de sa racine la Scammonée, le Garcinia mangostana , le Dracœnadraco , le Phormhim tenax, VAralia papyrifera, etc. Signalons également un grand nombre de végétaux d'Aus- tralie, du Japon, du Burmah, des essences forestières, des arbres à fruits, des orchidées, des fougères et des plantes ornementales de différents pays, et, parmi les plus intéres- santes acquisitions récentes, le Weliingioriia gigantea, les Osmanthus du Japon, le Retinospora thuijopis etlei?. obtusa, le Fitzroya patagonica, le Sciadopitys verticillata^ etc., etc. Nous n'avons pas la prétention de donner ici la liste des nombreux végétaux réunis déjà dans le Jardin gouvernemental d'Ootacamund, cette liste dépasserait beaucoup le cadre de cet article : nous terminons seulement en signalant à nos lecteurs que, sur la proposition de M. Mac Ivor, le gouver- nement a sanctionné la création, dans le Jardin gouverne- mental d'Ootacamund, d'un jardin spécial pour la culture des plantes économiques et d'un Jardin botanique coordonné, ACCLIMATATION DES CINCHONA. 5/|7 suivant le système naturel de Lindley, dans lequel chaque groupe sera autant que possible représenté par une ou plu- sieurs espèces. Dans la présidence du Bengale, les plantations de Cinchona ont continué aussi à prospérer. D'après le rapport pour 1869-70, de M. Glarke, alors surintendant du Jardin bota- nique de Calcutta et chargé de la direction de la culture des Cinchona dans le Bengale, il se trouverait, tant à Darjecling que dans les plantations environnantes de Bungbec, de Ris- hap, etc., etc., le M mars 1870, 2 262 210 plants de Cin- chona, dont 1 239 715 plants de C. snccirubra, 57 032 plants de C. calisaya, 29 667 plants de C. micrantha^ 930 70/j plants de différentes variétés de 6\ officinalis et 5 092 plants de C. pohudiana. 1 500 958 plants avaient déjà été installés dans leurs plan- tations définitives. Dans les plantations de Rishap, le Cinchona calisaya paraît bien se développer. ■ Parmi les associations particulières, celle de M. de Lhayd et de M. le colonel Angus, connue sous le nom àe Darjeelhig Cinchona Association, qui occupe la partie nord de la vallée de Rungbec, paraît la seule où la culture des Cinchona soit développée sur une grande échelle. Cette association a main- tenant environ 500 arbres plantés, C. succirubra, elle a déjà envoyé sur le marché de Londres des écorces provenant d'arbres âgés de trois ans. Les essais d'introduction du Cephœlis ipecacuanha, com- mencés par M. Anderson, ont été continués ; d'après le rap- port pour 1868-69, il existait, le 31 mars 1869, à Darjeeling, six plants de Cephœlis, bien pourvus de racines et une bouture. En résumé, dans la présidence du Bengale comme dans la présidence de Madras, la culture des Cinchona est définitive- ment installée, et l'exploitation va entrer maintenant dans la phase où l'on pourra récoUer couramment des écorces et de bonnes écorces, ainsi que quelques essais préliminaires ont déjà pu le démontrer. / 2A8 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Tels sonl les nouveaux résultats que nous voulions mettre sous les yeux de la Société. Qu'il nous soit permis en termi- nant de remercier M. Cl. R. Markham, qui a bien voulu nous fournir les documents au moyen desquels nous avons pu rédif^^er le résumé succinct des nouveaux progrès de la culture des Cinchona dans les Indes, dont sa continuelle coopération lui permet assurément de réclamer sa part. II. EXTRAITS DES PROCES- VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 0 MAI I 87 i . Présidence de M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le Président informe la Société da décès d'un de ses membres les plus zélés, M. Le Blanc père, membre de l'Aca- démie de médecine, et exprime les regrets de la Société pour la perte de ce vénérable confrère, qui prenait encore, il y a quelques jours à peine, une part active à nos discussions. — M. Iluzard fuit connaître qu'il possède, dans sa propriété d'Eure-et-Loir, un Séquoia gigantea, haut de k mètres, qui a montré, en 1869, sept cônes, quatre autour de la tige, et trois un peu plus haut ; ceux-ci n'étaient pas encore arrives à maturité, à la fin de la semaine dernière. Un de ces cônes ayant été détaché n'a pas montré trace de graines fertiles, ce qu'il faut sans doute attribuer au jeune âge de l'arbre (quatre ans) . Un autre Séquoia a atteint là taille de 8 mètres, mais n'a pas encore donné de cônes. — M. Wallut demande si la Société a reçu quelques rensei- gnements au sujet des distributions de graines, faites par l'An- gleterre à nos malheureux cultivateurs. M. J. Iluzard dit qu'il pense qu'il existe deux Sociétés de secours aux agriculteurs; l'une d'elles compte parmi ses membres notre Président, M. Drouyn de Lhuys. Il résulte des renseignements qui lui ont été donnés, que la distribution a été, au moins pour la contrée qu'il habite, limitée aux culti- vateurs qui n'avaient pas plus de dix hectares de terrain. — M. Soubeiran engage les membres de la Société à visiter, au Jardin botanique de la Faculté de médecine, un pied remarquable de Rhubarbe du Thibet, provenant de l'envoi fait, il y a quelques années, par M. Dabry, et qui promet une plante très-ornementale pour nos parcs et jardins. 250 SOCIÉTÉ d'acclimatation. SÉANCE DU 1 9 MAI 4 874 . Présidence de M. de Quatrefages, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. de Quatrefages fait hommage à la Société d'une notice qu'il vient de publier dans la Remie des deux mondes^ et intitulé : V Acclimatation des races humaines. Il fait con- naître à la Société les résultats de ses études sur ce sujet. ' M. Wallut demande s'il ne serait pas possible d'insérer, dans le Bulletin, le travail de M. de Quatrefages. La Société décide que des démarches seront faites auprès de M. Buloz, directeur de la Revue des deux mondes, pour obte- nir l'autorisation de reproduire cet article. SÉANCE DU 9 JUIN 1874. Présidence de M. Berrier-Fontaine. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. de Quatrefages s'excuse de ne pouvoir assister à la séance et exprime ses regrets. — M. le Président de la Société d'horticulture et d'acclima- tation de Tarn-et-Garonne fait connaître que les Vers^à soie provenant des éducations du général Khérédine se sont bien comportés partout, et que le cocon, sans offrir les mêmes qua- lités que le cocon indigène, est cependant supérieur au cocon dit japonais. — M""' Forgemol, de Nouziers (Creuse), demande des graines de Vers à soie. — M. Bruneau, d'Alger, demande des graines de Maïs de Cuzco. — M. Mares adresse une Note sur divers produits fournis par l'Eucalyptus globulus. — M. Vavin fait hommage de la note suivante sur les Arau- caj'ia imbricata des environs de Brest, publiée par lui dans PROCÈS-VERBAUX. 251 le Journal d' Agriculture du 29 avril : « U Araucaria imbri- » cata, originaire du Chili, où il atteint 30 mètres de haut, » vient difficilement dans nos climats ; aussi chacun de nous » souhaite-t-il en posséder des spécimens, dans l'espoir de ' » les voir grandir, et pousser aussi majestueusement qu'ils le » font dans leur pays d'origine ; mais jusqu'à présent, bien » peu de propriétés et jardins publics, où les essais ont été )) tentés, ont vu les Araucaria devenir plus hauts que de '2 à » h mètres. Le Bon Jarâ/mier nous conseille la terre de » bruyère ; je crois qu'un terrain granitique lui serait sans » doute préférable, puisque, dans un terrain de cette nature, D nous les voyons s'élancer à plus de 20 mètres de hauteur, et )) étendre leurs branches jusqu'à 5 mètres, et les secondaires » à 2 mètres. Jugez par ces splendides dimensions quelle » étendue de terrain couvrent de pareils arbres. Les premiers » Araucaria, obtenus en France, sont dus à des graines rap- » portées du Chili en 1823, par le père de M. Kersauzon, notre » député du Finistère, qui les sema dans sa terre de Pénen- j> dreff. Le terrain granitique, où ils ont été semé^, et l'air » humide de la mer sans doute, leur ont été si favorables, qu'ils T> sont arrivés au point de faire l'admiration de tous les con- » naisseurs et amateurs qui vont les visiter. Pendant l'exil » forcé, auquel nous a obligé l'investissement de notre chère » patrie, des circonstances toutes particuUères m'avaient con- » duit en Bretagne ; je n'ai eu qu à me louer de mon séjour » dans cette luxuriante .province, où la nature prodigue si » généreusement tous ses dons horticoles; mais ce qui a sur- » tout excité mon enthousiasme, c'estla visite que m'a engagé » de faire au domaine de Pénendreff le bon et si instruit jar- x dinicren chef du jardin botanique de Brest, M. Blanchard. » Les Araucaria y sont au nombre de sept ; j'ai pu compter » sur le seul individu femelle plus de 12 cônes, encore trés- )) petits, mais placés tellement haut qu'il m'a été impossible » d'en cueillir; cependant, grâce à la générosité du proprié- » taire, j'en possède un récolté il y a à peu près deux années; « quoiqu'il ne soit pas de beaucoup le pbis gros, il mesure 5) cependant 0'%20 de long et 0"',Zi/i de circonférence; ces 252 SOCIÉTÉ d'acclimatation. » cônes ne ressemblent en rien par leur forme et le chevelu j> qui les recouvre à ceux produits par les autres variétés de » conirèrcs ; les graines dans le Finistère ne donnent pas de » sujet, du moins les essais tentés jusqu'à ce jour n'ont pas » réussi, ils sont, comme tous les cônes, didiciles à conserver » entiers ; lorsqu'ils arrivent à un certain état de sécheresse, » ils éclatent tout à coup; pour éviter cet inconvénient, on » doit les entourer d'un filet; les graines que les voyageurs 7> rapportent doivent être mises tout de suite à stratifier, afin de )> leur conserver leur faculté germinative.L'i4ra?/C(f/?'/« femelle » se distingue par un feuillage d'un vert plus tendre, sa forme » est plus gracieuse et moins élevée. Si, en 1823, M. de Ker- » sauzon père avait pu supposer que ces graines qu'il semait, » peut-être bien timidement, devinssent des arbres tels que » nous les voyons aujourd'hui, il les aurait certes semées à j) une distance plus grande les unes des autres ; mais qui eût » pu croire que le terrain et l'exposition aidassent à un pareil » développement; plus espaces, l'air, le soleil, leur eussent été » sans aucun doute très-favorable? , et alors comment les » verrions-nous? Plusieurs autres propriétaires du Finistère » en possèdent de moins élevés, il est vrai, mais ils atteignent » toutefois 10 mètres de hauteur; les troncs, d'une vigueur » admirable, sont tout couverts d'un feuillage vert tendre, ce » que nous ne voyons pas sous le climat de Paris. La crois- » sance de ces arbres est assez lente pendant leur jeunesse, j> ce n'est guère que vers la dixième année qu'ils prennent î> un accroissement très-rapide. Il serait bien à désirer que » les horticulteurs du Finistère se hvrassent à cette culture, » si simple, si facile dans cette contrée. A part la beauté de » leur forme, ces Araucaria, qui prennent de si grandes » proportions, offriraient, par le poids de leurs branches, des » brise-vent que l'on pourrait comparer à ceux que nous don- » nent si nalureUement les montagnes et les rochers. » M. Vavin fait hommage de graines d'une plante, cultivée en Bretagne et surtout aux environs de Lorient, comme succé- danée du café. M. A. Rivière rappelle que les graines du Lupin ont été in- PROCÈS -VERBAUX. 258 diquées comme pouvant servir, après lorréfaclion, à remplacer le café, il pense que les graines présentées par M.Vavin doivent être rapportées au Lupinus mutabilis ou aune espèce voisine. — M. Gillet de Grandmont donne quelques détails sur la vcgcLalion, dans la vallée de .^Jontmorency, de la Rhubarbe de Chine. M. Rivière pense que celte Rhubarbe est un hybride du Bheum nepalense (femelle) avec le Rlieum palmatum (mâle), et que cette plante très-ornementale pourrait servir à l'usage alimentaire. Elle paraît plus rustique que le Rheum palma- tum, qui souffre de l'hiver sous le climat de Paris. On sait que l'on culiive en grande quantité aux environs de Paris, surtout auprès de Glamart, leR/iewn rhaponticiim, en vue de le faire servir à l'herboristerie. — M. Rivière donne quelques renseignements sur la rusticité des quinquina cultivés au Luxembourg, et fait connaîlre quel- ques détails sur l'influence du froid, pendant le dernier hiver, sur diverses planles de la collection du Luxembourg (voy. au Bulletin) . M. G. de Grandmont dit que le froid du 19 mai a gelé les Châtaigniers dans la foret de Montmorency. M. Rivière ajoute qu'ayant fait à cette époque une excur- sion à Argenteuil, il a pu constater l'influence fâcheuse de l'abaissement de la température sur la végétation des Pommes de terre, des Vignes et en particulier des Marronniers d'Inde. La destruction des Figuiers d'Argenleuil lient à ce que les culti- vateurs de ce pays n'ont pas pu les enfouir comme d'habitude. — M. G. de Grandmont dit que, dans une grande partie des environs de Paris, le gibier se montre très-abondamment, n'ayant pas été chassé par suite de la guerre ,et, d'autre part, un certain nombre de propriétés particulières ayant eu leurs clôtures détruites. — M. Soubeiran présente, au nom de M. Daniel Ilanbury, le douzième rapport de la Société des Amis, sur les secours accordés aux cultivateurs français (voy. au Bulletin, p. 2(59). Le Secrétaire des séances^ J. L. SoUBEIRAxN. m. CHRONIQUE. L'acclimatation des races humaines. Par M. DE QUATREFAGES (1). Daas des études précédentes, nous avons montré que l'espèce humaine, partie d'un ceistre de création unique, très-pi'obai)lement situé dans l'Asie centrale, avait dû nécessairement peupler le globe par voie de migration (2). L'histoire des Polynésiens a largement répondu à ce qu'on avait dit de l'im- possibilité de ces migrations (3). La plupart des polygénistes ont soulevé un autre ordre d'objections. Ils ont prétendu que les divers groupes humains ne sauraient prospérer ou même vivre que dans le milieu où ils sont nés. Le docteur Knox, toujours logique et acceptant dans ce qu'elles ont de plus extrême les conséquences de sa doctrine, est ailé jusqu'à soutenir que le Hollandais ne peut se propager pendant quelques générations dans le pays de Galles, non plus que le Français en Corse ou sur les bords du Da- nube. Apliis forte raison déclare-t-il impossible toute colonisation lointaine^, et à qui lui oppose l'accroissement numérique des populations d'origine eu- ropéenne en Amérique, en Asie, en Australie, il répond qu'il n'y a là qu'une illusion. Sans l'arrivée incessante de nouveaux colons, assure-t-il, ces colonies n'exisieraient plus. Elles ne sauraient d'ailleurs éviter leur sort, et le jour viendra où l'Europe, renonçant à une œuvre impossible, cessera d'envoyer ses enfants périr sur ces terres inhabitables pour eux. Alors en peu de temps les races locales reprendront le dessus; l'Amérique appar- tiendra de nouveau aux fils de INlontuzéma et aux Peaux-Rouges. La plupart des coreligionnaires scientifiques du docteur Knox ont reculé devant de pareilles exagérations. Pendant la longue et grave discussion soulevée à ce sujet dans la Société d'anthropologie, l'opinion la plus extrême, ce me semble, a été formulée en ces termes : « une migration rapide ne peut constituer une colonie durable et prospère que si elle a lieu sur la même bande isotherme ou un peu au nord de cette bande. » En s'exprimant ainsi, M. le docteur Bei lillon rentrait complètement dans les idées professées par les anciens. Pline. Vilruve, avaient déjà reconnu que le corps souffre moins dans une émigration du sud au nord que dans celles qui s'accomplis- sent en sens contraire. (1) Cet article a paru dans la Revue des deux mondes, livraison du 15 décem- bre 1870. La Société d'acclimatation en a voté la reproduction dans sou Bulletin, dans la séance du 19 m-ai 1871. (2) Voyez la série sur VUnité de l'espèce humaine dans la Revue des deux mondes du 15 décembre 1860 au 15 avril 1861 inclusivement. (3) Les Polynésie7is et leurs migrations dans la Revue des deux mondes des l^r et 15 février 186/i. Ces arides développés et complétés ont été publiés en un volume in-û'' accompagné de quatre cartes. CHRONIQUE. 255 Pour qui tient coiiiple des connaissances géograpliiqaes si limitées des iiomains et des populations qu'ils avaient évidemment en vue, cette opinion est pleinement justifiée ; elle n'est en réalité que l'expression de faits que la physiologie explique. Bien que le froid et la clialeur ne soient pas les seuls agents dont on doive ici tenir compte, ils n'en jouent pas moins, soit par eux- mêmes, soit par les conséquences qu'ils entraînent, un rôle prépondérant dans l'acclimatation. Or il est plus aisé de se défendre contre le premier que contre la seconde. Le froid d'ailleurs, à la condition de ne pas être ex- cessif, provoque une réaction active qui tonifie l'organisme ; il porte pour ainsi dire son remède avec lui. Il en est tout autrement de la chaleur. Celle- ci surexcite d'abord toutes les fonctions; mais cette exaltation physiologique passagère est suivie d'un abattement général et durable qui rend l'orga- nisme chaque jour plus apte à subir les influences délétères dont nous par- lerons plus loin. Voilà ce qui se passe chez l'Européen habitant des régions tempérées; mais il en est autrement pour le nègre. Ce fils des régions les plus chaudes a besoin de chaleur, il semble qu'il ne puisse réagir contre le moindre abaissement de température, et pour lui les difficultés de l'acclimatation se manifestent en sens inverse. De là il résulte que la croyance des anciens en matière de migration ne peut plus être acceptée, et que la proposition de M. Bertillon doit au moins être modifiée. Dans l'hémisphère méridional, les termes devraient en être renversés, même lorsqu'il s'agit des Européens, puisque là c'est en allant vers le midi que Ton marche au-devant du froid. De plus, il faut tenir compte des différences de races et des aptitudes propres à chacune d'elle, quand même on voudrait ne voir dans l'acclimatation qu'une question de tempéra- ture. Mais le problème de l'acclimatation est loin d'être aussi simple qu'on le croit d'ordinaire. Le plus ou moins de chaleur n'en est qu'un élément. Il en est bien d'autres qu'il faut considérer. M. Boudin a eu le mérite d'en signaler quelques-uns dont on avait jusqu'à lui méconnu l'importance, et d'en préciser les effets malheureusement trop réels, bien que la cause en soit encore inconnue. M. Boudin n'est pas polygéniste comme le docteur Knox et M. Bertillon.il croit à l'unité de l'espèce humaine; mais, entraîné sans doute par les habi- tudes d'esprit d'une carrière toute médicale, il ne s'est pas rendu assez compte de la flexibilité des organismes et de l'influence des actions du mifieu. La race une fois formée paraît être pour lui quelque chose de définitivement fixé, incapable de se plier aux exigences d'un changement d'habitat, ou mieux, de conditions d'existence un peu marquées. Non qu'il soit aussi ab- solu que semblerait l'indiquer le titre de son travail; il fait parfois de sages réserves et signale des exceptions. A proprement parler, il ne traite même pas le sujet dans sa généralité, et il s'attache siutout à l'histoire de quelques races. D'ailleurs il marche toujours appuyé de documents et de chiffres puisés 256 SOCIÉTÉ d'acclimatation. aux meilleures sources. Malheureusement il ne saisit pas toujours la signifi- cation des matériaux si consciencieusement réunis, et ses conclusions selrou- venl par suite en désaccord avec les faits doni il méconnaît Timpoi tance. Les qnesli. ns dont il s'iigit ici sont toujours complexes. Tout fait d'accli- matalion est une sorlc de résultante dont les deux composantes sont ia race et le milieu. Ou'il puisse exister des races vraiment cosmopolites, c'csl-à- dire Ccpables de se propager indéfiniment dans tous los lieux habités, c'est ce qu'admet M. lîoudin lui-même, et il cite la race juive. On a trouve en effet des Juifs établis partout où Ton a pénétré, sauf peut-être chez les Es- quimaux. Partout aussi leurs familles sont nombreuses et prospères. En Trusse comme en Algérie, le cliilTre des décès, comparé à celui des naissan- ces, est moindre chez eux que chez les chrétiens et les musulmans. A cet exemple pris chez un peuple sémiiique, on peut en ajouter un second fourni par une populaiiun aryenne peut-être quelque peu mélangée de sang dravi- dicn. Je veux parler des Zingari, Gy[)sies ou Bohémiens, l'aitis de Tlnde à une époque indéterminée, ils se montrèrent en Bohême en 1Z|17. Ils n'é- taient alors que huit mille; en 1722, on en comptait cinquante mille. Au- jouidlîui ils sont presque aussi universellement répandus que les Juifs eux- mêmes. D'autre part, certains milieux paraissent propres à être habités par les races les plus diverses. Nous citerons en particulier la région moyenne des Étals-Unis, le bassin de la Plata, l'Océanie, l'Australie. Four cette dernière, l'expérience est presque complète. A peu près toutes les n.itions européennes y ont des représentants aussi bien que les races nègres et chinoises. Nulle part je n'ai trouvé l'indication de difficultés que ces immigrants auraient eues à s'acclimater dans ce petit continent. li y a pourtant à faire sur ce sujet quelques réserves dont il sera question plus tard. En fait, Ihommeest partout, sous h's glaces du pôle comme au milieu des sables brûlants et des marais pestilentiels de l'équateur. Considéré comme espèce, il est cosmopolite dans l'acception la plus rigoureuse du mot. En fait aus-i, une de ses grandes races a prouvé que son organisation pouvait se plier aux conditions d'exisl» nce les plus opposées. La race aryenne est partie de quelque point de l'Asie centrale, probablement des massifs mon- tagneux du Bolor et de l'Indou-Koh, où l'on retrouve encore des représen- tants de la souche originelle (1). En tout cas, elle est sortie d'une région où l'élé ne durait que deux mois, ce qui correspond à peu près au climat de la Finlande. D'étapes en étapes, elle est arrivée d'un côté jusqu'à l'extrémité de la presqu'île gangétique, ù 8 degrés de l'équateur, de l'autre jusqu'en (1) Les Mamogis, ces blancs à demi sauvages dans lesquels on a voulu voir des descendants des soldats macédoniens, sont; en réalité, les descendants diiects des Aryens piimitifs. et re|iicsenienlla branche aînée de toutes nos populations^ y compris les Perses iianiens, les Grecs elles Romains. Les recherches du regret- table M. Lejean ont pleinement confirmé ce que j'avais dit à ce sujet depuis long- temps. CHRONIQUE. 257 Islande et au Groenland. Puis, l'ère des grandes découvertes venue, elle a semé ses colonies dans Tunivers entier, peuplé des continents et remplacé des races indigènes. Certes, à ne considérer que les faits généraux et le résultat de cette activité séculaire, personne ne peut refuser à la race aryenne la qualité du cosmopolitisme. Au prix de combien de vies humaines ont été accomplies les grandes con- quêtes de nos ancêtres ? Nul ne le sait. Ces combattants des âges passés n'a- vaient pas d'histoire. On peut à peine soupçonner par analogie ce qu'ils ont eu de luttes à supporter contre la nature, contre les populations qui occu- paient avant eux les terres qui forment la moitié de l'Asie et l'Europe en- tière. De nos jours, il n'en est plus de même. Quand une expédition nou- velle s'engage, quand l'Européen tente une colonisation de plus, la science enregistre le nombre des soldats; elle suit de l'œil la bataille, elle compte les morts et les survivants, et, trouvant parfois que le nombre des premiers l'emporte, elle déclare la victoire, en d'autres termes, l'acclimatation im- possible. En vérité, c'est aller un peu vite, c'est oubher les lois les plus élé- mentaires de l'analogie. JXous, les fils de ces Aryens primitifs qui occupent aujourd'hui le globe, nous ne pourrions quitter sans mourir la terre où nous sommes nés 1 Pour qu'il en fût ainsi, il faudrait évidemment, ou que la nature fondamentale de la race eût été singulièrement altérée, ou que les conditions générales d'existence eussent subi un changement profond, changement que rien ne permet de supposer. Est-ce à dire qu'à nos yeux les races européennes ou des races quelcon- ques puissent s'acclimater toujours et d'emblée dans n'importe quelle loca- lité ? Non, et quelques anthropologistes ont eu tort de le croire. Ceux-ci ne tenaient pas compte de faits malheureusement impossibles à nier. Ils ou- bliaient que toute colonisation est une conquête tentée par les immigrants, et que toute conquête entraîne des sacrifices. Qu'il faille combattre l'homme ou le milieu, la victoire s'achète toujours par des vies humaines; mais il ne faut pas s'exagérer l'étendue de pertes inévitables et renoncer à l'acclima- tation sur un premier insuccès. Ce serait agir comme un général qui déses- pérerait de la victoire on voyant son avant-garde dispersée. Dans les luttes de l'acclimatation bien plus encore que dans les guerres proprement dites, il faut tenir compte de la persévérance et du temps. Les populations primitives marchaient pas à pas; elles ont dû peupler le monde désert comme ont fait dans les temps modernes quelques tribus sauvages ; employer des centaines d'années à gagner quelques degrés de latitude. Par cela même, racclimalation perdait de ses dangers. La race se faisait peu à peu à des milieux qui ne différaient que par des nuances. Nous procédons difléremment ; même certains progrès de la science multiplient et accroissent les périls. Il ne peut plus être question aujourd'hui de colonisation progres- sive. Les chemins de fer et les steamers nous emportent en quelques jours à des distances que jadis on eût mis des siècles à franchir. Le choc doit être bien plus rude. Par suite, les pertes sont forcément immédiates, nombreuses, 2"^ SÉRIE, T. VIII.— Mai et Juin 1871. 17 258 SOCIÉTÉ d'acclimatation. mieux senties, et ne diminuent qu'avec le lenips. Celui-ci doit (railleurs s'ap- précier non plus par années ou par siècles, mais par générations. L'individu n'est rien dans ces batailles dont le résultat final, amené par la sélection naturelle^ est la transformation d'une race placée dans des condi - tions d'existence autres que celles qui l'ont façonnée. Le milieu tue d'emblée quiconque est par trop rebelle aux exigences nouvelles. D'autres sujets résis- tent assez pour durer à peu près autant qu'ils l'eussent fait dans leur milieu natal; toutefois leur organisme afifaibli ne peut se reproduire, ou n'enfante que des èlres non viables et qui succombent promptement. Des sacrifices de gé- nérations s'ajoutent ainsi à des pertes d'individus, et cet état de choses peut se prolonger plus ou moins. Pourtant, au milieu de ces désastres que;lques organisations privilégiées se sont dès le début pliées quelque peu aux néces- sités nouvelles. Légèrement modifiées, elles ont transmis avec leurs heu- reuses aptitudes ce qu'elles avaient acquis. A leur tour, les descendants ont fait quelques progrès de plus dans la voie ouverte parleurs pères; et, de génération en génération, l'adaptation s'est complétée, racclimatation s'est réalisée. L'histoire des végétaux, celle des animaux, abondent en faits attestant l'exactitude du tableau général que je viens de tracer. Je ne citerai que quelques exemples. Tout le monde sait que nos cultivateurs reconnaissent deux sortes de Blé, dont l'un se sème en automne, l'autre au printemps, et qui ne s'en récoltent pas moins à peu près à la même époque. Il est évident que les conditions du développement sont bien différentes pour l'un et pourTautre. Semer en autonme du Blé de printemps et réciproquement , c'est changer entièrement le milieu, c'est en réalité tenter une expérience d'acclimatation. Le célèbre abbé Tessier l'a réahsée. Cent grains de M'oment d'automne semés au printemps ont tous levé et donné cent liges herbacées qui ont parcouru les phases ordinaires de la végétation; mais dix pieds seulement ont formé des graines, et celles-ci n'ont mûri que sur quatre pieds. Cent graines de cette première récolte ont donné cinquante tiges fécondes. A la troisième génération, les cent graines ont donné du Blé. AI. Mounier, de iNancy, a répété l'expérience de Tessier et fait une contre-épreuve sur du Blé de prin- temps semé en automne. Les résultats ont été les mêmes. Dans ces expé- riences, on le voit, les individus sont épargnés, les générations sont sacrifiées. L'acclimatation du Blé à Sierra-Leone a présenté des particularités parfai- tement semblables. La première année, presque toute la semence monta en herbe ; les épis furent très-rares et très-peu fournis. Les graines de celte pre- mière récolte furent semées; un grand nombre périt en terre sans germer. Les liges survivantes se montrèrent un peu plus fécondes; touiefoisil fallut patienter et attendre plusieurs générations avant d'obtenir des récolles nor- males. 4gt L'histoire de l'introduction de nos Poules en Amérique offre des faits tout aussi significatifs. A Cuzco, elles sont aujourd'hui aussi fécondes qu'en Eu- CHRONIQUE. 259 rope; mais Garcilasso nous apprend que de son temps il était ioin d'en être ainsi. Les œufs étaient rares, les Poulets s'élevaient mal. Grâce à M. Roulin et aux renseignements précis qu'il a recueillis sur l'histoire des Oies im- portées sur le plateau de Bogota, on comprend ce qui a dû se passer pour les Poules. Quand M. Roulin observa ces oiseaux, ils étaient arrivés depuis vingt ans dans la Nouvelle-Grenade^ et pourtant ils n'avaient pas encore atteint leur fécondité normale. Toutefois ils en approchaient, tandis qu'au début les pontes étaient très-rares ; en outre un quart au plus des œufs ob- tenus donnait-il des produits. Enfin la moitié des jeunes Poulets périssait dès le premier mois. Au bout d'un temps à peine égal à un deux- centième de la vie de POie, l'éleveur de Bogota n'avait qu'environ le huitième de ce qu'aurait obtenu son confrère européen. Dans cette évaluation^, nous ne tenons même pas compte, on le voit, des œufs non pondus en Amérique, et qui l'eusseiTl certainement été chez nous. Celte histoire des Oies de Bogota est des plus instructives. On y trouve réunies toutes les circonstances qui auraient pu justifier en apparence la prédiction d'un insuccès. L'infécondité relative des femelles attestée par la rareté des pontes, celle des mâles accusée par le nombre des œufs clairs, indiquaient une lésion physiologique profonde portant sur les organes, dont le jeu assure seul la durée des espèces. La mortalité énorme des jeunes Poulets trahissait une altération non moins grave des appareils de la vie individuelle. Cependant, à l'époque du voyage de M. Roulin, l'acclimatation était à peu près réalisée, et certainement elle est complète aujourd'hui. Mais il a fallu plus de vingt années, représentant ici autant de générations, pour que l'organisme de cet oiseau européen se fût mis en harmonie avec les conditions d'existence des hauts plateaux am\éricains. Les éleveurs ont dû subir, par conséquent, bien des pertes portant sur les individus et sur les générations. Telles sont les données sans lesquelles on ne saurait apprécier avec jus- tesse la valeur et l'avenir des tentatives d'acclimatation faites par l'homme sur sa propre espèce. Êtres organisés et vivants, nous sommes en cette qua- hlé soumis à toutes les lois générales qui régissent la vie et l'organisation dans les plantes aussi bien que dans les animaux. Quand nous changeons de milieu, nous ne saurions nous comporter autrement que le Blé à Sierra- Leone, les Poules à Cuzco, les oies à Bogota. Nous devons presque toujours accepter d'avance des sacrifices dont l'étendue et la gravité seront propor- tionnelles aux dilférences entre le point de départ et le point d'arrivée sous le rapport des conditions d'existence; à peu près constamment il faut nous résigner à perdre un ceriain noi^;ibre d'individus et de générations. Le tout est de juger sainement les faits, de ne pas s'en exagérer la portée, de voir jusqu'à quel point ils permettent d'espérer le succès en dépit des apparences. Si les pertes sont égales ou un peu moindres que celles dont je viens e parler, on peut prédire une issue heureuse, et si la conquête vaut ce qu'elle doit coûter, il faut s'en fier à la persévérance et au temps. 260 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Ce qui s'est passé en Algérie confirme nos observations. Au lendemain de la conquête^ on se demandait à l'étranger aussi bien qu'en France si nous pourrions coloniser la terre enlevée aux Turcs et aux Arabes. Le docteur Knox proclama bien haut que cette colonisation était impossible, et que le Français ne pourrait jamais se propager ni même vivre en Afrique. 11 faut bien le dire, cet arrêt trouva de nombreux et sérieux échos. Apres les pre- mières années d'occupation, les généraux comme les médecins conclurent à peu près tous de la même manière. AI. Boudin appuya de chiffres déso- lants les appréciations de ses confrères, celles du maréchal Biigeaud, des généraux Duvivier et Gavaignac. S'ils avaient connu ce qui s'était passé en Amérique, ils auraient conclu autrement. Sans doute la mortalité militaire et civile était bien plus considérable en Afrique qu'en France, sans doute le chiffre des décès l'emportait sur celui des naissances; mais l'immigration était alors abondante et coniinuelle. Or, si l'afflux de nouveaux arrivants comble les vides causés par le changement des conditions d'existence, il alimente aussi la mortalité en amenant sans cesse de nouvelles recrues à cette bataille contre le milieu. Les enfants mou- raient en nombre presque double de celui qu'accusaient nos statistiques françaises; la proportion des morts était pourtant beaucoup moins forte que dans le cas cité des premières Oies importées à Bogota. Enfin, loin d'avoir faibli, la fécondité des femmes s'était accrue (1). Les sources de la vie étaient donc bien moins atteintes ici que sur les hauts plateaux américains. De cet ensemble de considérations, je crus pouvoir conclure avec certitude que l'acclimatation des Français en Algérie était assurée et ne demanderait pas vingt générations. Lévénement m'a donné raison bien plus tôt que je ne l'espérais. Le dernier recens^iient quinquennal fait en Algérie a indiqué, dans la population d'origine européenne, un accroissement de 25 000 âmes, dû presque en entier à l'excédant du chiffre des naissances sur celui des décès. L'action de la première génération née sur place commence à se faire sentir. Encore deux ou trois générations, et le Français créole vivra en Al- gérie tout comme ses ancêtres ont vécu en France. Il y a d'ailleurs des distinctions à établir, au point de vue de la facilité de l'acclimalation en Algérie, entre les diverses races européennes, entre les habitants du nord et du midi de la France. Les statistiques recueillies par MM. Boudin, jMartinet Foley ont clairement démontré que les Espagnols et les Maltais résistent au climat algérien infiniment mieux que les Anglais, les Belges et les Allemands. Or, nos compatriotes du Nord ont, avec ces der- nières populations les plus grandes ressemblances de race et d'habitat. Sous ce double rapport, les Français du midi se rapprochent au contraire des habitants de IMalle et de l'Espagne. On pouvait donc, sans grand danger d'erreur, prédire que ces derniers avaient plus de chance de survie, soit (1) Des faits pareils se produisent en Australie. Là aussi la fécondité des femmes est remarquablement accrue, mais est contre-balancée en partie par la morlalilédes enfants. CHRONIQUE. 261 pour eux-mêmes, soit pour leurs descendants, que les Français d'origine alsacienne ou flamande. L'expérience a encore pleinement conlirmé ces dé- ductions de la théorie. Les enseignements qui découlent de ces faits accomplis pour ainsi dire à nos portes et chez des races fort voisines, peuvent certainement s'appliquer à des régions éloignées, à des miheiix très-divers et plus tranchés, à des groupes humains bien autrement distincts les uns des autres que ne le sont les Français et les Belges. Néanmoins la conclusion qu'on pourrait en tirer n'aurait d'autre valeur que celle d'une formule générale dont la signi- fication change avec les données. Quand il s'agit d'acclimatation, ces données ressortent toujours des deux éléments indiqués plus haut, la race et le mi- lieu. Que l'un des deux vienne à varier, mcme en peu de chose et dans d'éiroites limites, le résultat est forcément altéré et parfois d'une façon très-inattendue. Toute question d'acclimatation constitue donc, en réalité un problème à part, se décomposant parfois lui-même en plusieurs cas par- ticuliers, qui comportent chacun une solution spéciale. Sans sortir de nos colonies, nous pouvons encore citer à ce sujet un exemple des plus frap- pants. Les anlhropologistes ont souvent mis en question \à possibilité pour l'Eu- ropéen de s'acclimater dans les archipels du grand golfe mexicain. Au pre- mier abord, il est vrai, un certain nombre de faits généraux semblent mettre l'affirmative hors de tout débat. Depuis la découverte de l'Amérique, ces îles ont toujours été occupées par nous ; la race blanche, traînant le nègre à sa suite, y a remplacé partout la race caraïbe. A cela, on répond que ces îles sont un des points du globe q-i'affectionne le plus l'émigration, et que cette dernière entretient seule une population qui, livrée à ses seules forces, serait bientôt anéantie par ce milieu dévorant. Les statistiques publiées par M. Ramon de la Sagra conduiraient à regarder l'acclimatation des Espagnols à Cuba comme un fait accompli; mais M. Boudin, opposant des chiffres à des chiffres, conclut dans un sens différent. M. Simonot regarde les créoles français de la Martinique et de la Guadeloupe comme s'étant plies aux exi- gences du climat. Il y a vu des individus bien près d'être centenaires, des familles où le frère et la sœur, appartenant à une seconde génération de pur sang créole, avaient, l'un sept, l'autre onze enfants vivants. Cependant M. Beriilion, parlant des chiffres qu'il a recueillis, refuse encore à la race française la possibihlé de s'acchmater défîniiivement dans nos deux îles mexicaines. roiu' résoudre h question en ce qui nous touche de plus près, ne parlons que de ces dernières, et faisons remarquer d'abord que les Français n'ont colonisé la Guadeloupe et la Martinique que depuis deux cent trente-cinq ans. Même en comptant quatre générations par siècle et en forçant les nombres, on voit que dix générations au plus se sont succédé sur ces terres, dont le milieu est des plus meurtriers pour l'Européen. Il en a fallu plus de vingt pour acclimater les Oies à Bogota, et certes, en présence des faits attestés 262 SOCIÉTÉ d'acclimatation. par M. Simonot, nous n'hésiterons pas à partager ses convictions. Si la race française n'est pas encore entièrement acclimatée à la I\Iartinique, à la Gua- deloupe, on peut affirmer qu'elle le sera bientôt. Pourtant les statistiques attestent un excédant des décès sur les nais- sances. Sans doute, mais les renseignements qu'elles fournissent ont été présentés sans distinction. On a réuni les créoles anciens et nouveaux, aussi bien que les immigrants de la veille, dans une appréciation commune ; on a confondu ainsi des éléments au fond très-différents. Pour qu'un travail de cette nature eût une valeur sérieuse au point de vue qui nous occupe, Il serait absolument nécessaire de diviser la popu- lation en catégories déterminées par l'ancienneté de l'immigration; cttte ancienneté elle-même s'accuserait par le nombre des générations. En pro- cédant ainsi, on constaterait à coup sûr dans la mortalité des groupes des différences tranchées plus ou moins analogues à celles qu'ont montrées les générations de végétaux et d'animaux transportés en Afrique ou en Amé- rique . Les statistiques dont il s'agit sont encore viciées par un défaut que met parfaitement en lumière un travail récent de INI. AValther, médecin distingué de notre marine militaire. En faisant l'histoire détaillée du choléra qui frappa la Guadeloupe en 1865 et 1866, M. Walther a touché incidemment aux questions d'acclimatation. Lui aussi a dressé des tableaux de mortalité; seulement, au lieu de prendre la population en bloc, il l'a étudiée commune par commune. Alors ont apparu des différences bien significatives. Consi- dérée en masse, la population de la Guadeloupe présente un excédant annuel des décès sur les naissances représenté par 0,66, c'est-à-dire de presque 1/2 p. 100. En présence de ce chiffre, le statisticien ordinaire n'aurait pas manqué de conclure que l'Européen n'est pas acclimaté à la Guadeloupe, puisqu'il y meurt plus d'individus qu'il n'en naît, et que, par conséquent, au bout d'un temps facile à calculer, cette population coloniale s'éteindrait, si l'immigration ne venait sans cesse en combler les vides. Cependant^ lorsqu'on examine le tableau de mortalité par commune, on arrive à des conclusions bien autres. Ces communes sont au nombre de trente et une. Or, dans quinze d'entre elles, le nombre des naissances l'em- porte sur celui des décès. Dans la petite île de Marie-Galante, deux com- munes sur trois sont dans ce dernier cas. Ainsi les chiffres effrayants des moyennes sont dus uniquement à l'exagération de la mortahté dans certaines communes (1). En réalité le résultat général obtenu par M. Walther peut être traduit ainsi : la race française est acclimatée à la Guadeloupe dans quinze loca- lités; elle ne l'est pas dans les seize restantes. De ces deux propositions, la première doit être considérée comme définitivement acquise : la seconde a (1) Les tableaux de mortalité recueillis en Algérie par M. Boudin présentent des faits analogues. Sur cent soixante-neuf localiiés, cinquanie-cinq accusaient, dès 18.^7, un excédant des naissances sur les décès. CHRONIQUE. 263 besoin de confirmation, car il reste à examiner de plus près la population des communes les plus frappées, à les étudier par catégories. Quoi qu'il en soit, tout esprit juste reconnaîtra qu'on ne saurait parler désormais de l'acclima- tation à la Guadeloupe. Il ne doit être question que de racclimatation à la Basse-Terre, à la Pointe à- Pitre, à la Pointe-Noire, etc. Les Antilles françaises, comme la plupart de leurs sœurs, sont le théâtre de véritables expériences sur l'aptitude des diverses races humaines à sup- porter ce milieu exceptionnel et l'un des plus difficiles à dominer. Le nègre y a été traîné de force bien peu après la prise de possession par les blancs; il y a vécu comme esclave jusqu'à ces dernières années. Comme les fds su- bissaient la condition des parents^ il est à peu près certain qu'au bout d'un temps donné la multiplication locale des noirs aurait suffi à tous les besoins de l'agriculture et de l'industrie, si celle race s'était acclimatée. L'activité incessante de la traite semble démontrer que le chiffre des décès devait remporter de beaucoup sur celui des naissances. Le fait paraît avoir été mis hors de doute pour l'île de Cuba, pour la Jamaïque. Le général Tiilloch, frappé de la mortalité des nègres dans les Antilies anglaises, n'a pas hésité à déclarer qu'une fois la traite supprimée, la race entière disparaîtrait de ces îles au bout d'un siècle. Toutefois les recherches de M. Boudin per- mettent de regarder cette assertion comme exagérée, du moins pour les possessions françaises. Au reste, pas plus que l'auteur anglais, notre compatriote n'a tenu compte d'une circonstance dont l'importance ne saurait être méconnue, je veux parler des conditions faites au nègre par l'esclavage. Il est clair que la conduite et le caractère du maître entraient pour beaucoup dans les chances de vie et de mort de l'esclave. Sans se croire, sans être inhumain, on pouvait lui demander plus d'ouvrage que ne comportait sa nature, on pouvait violenter des instincts dont le jeu libre est nécessaire à la santé. Là est sans doute une des causes qui accroissaient outre mesure la mortalité d'une race mieux faite pourtant que la nôtre pour les climats intertropicaux. Les faits semblent justifier ces présomptions. Depuis l'abolition de Tescla- vage, nous dit M. Elisée Reclus, la population nègre est en voie d'accrois- sement dans les îles anglaises. A côté des nègres créoles viennent aujourd'hui se placer des engagés plus ou moins volontaires amenés des mêmes côtes d'Afrique ; des Madériens, représentants de la race blanche sémitique ; des Gliinois de race jaune; des coolies de rinde, presque tous dravidi>'ns, tenant, par conséquent, du jaune et du nègre mélanaisien. Il sera curieux de constater un jour ce que cha- cune de ces populations aura montré de rési«)tance au terrible milieu qu'elles vont affronter. L'expérience n'en est encore qu'à son début. Toutefois M. Waliher a recueilli déjà quelques données intéressantes. A la Guade- loupe, la niorlalilé annuelle pour les créoles est en moyenne de 3,28 pour 100, celle des immigrants e.st de 9,66 pour les Chinois, de 7,68 pour les nègres, de 7,12 pour les Hindou?, de 5,80 pour les I\ladériens. Malheureusement 264 SOCIÉTÉ d'acclimatation. ces chiffres reposent sur des éléments insafBsants. Ils diffèrent aussi de ceux que M. du Hailly a donnés pour la Martinique (1). Les uns et les autres n'en doivent pas moins êlre enregistrés comme point de départ d'une élude qui commence. Ils n'ont d'ailleurs rien de désespérant. Il esl clair par exemple que les Madériens seront assez rapidement acclimatés à la Guade- loupe, comme ils le sont déjà à Cuba ; et si les races nègres, chinoises, hin- doues, ont à éprouver des perles beaucoup plus graves, l'habitat de nos colonies ne leur est point à jamais interdit. Nous avons insisté sur Tacclimatation aux Antilles, parce que le milieu de ces îles est à juste litre regardé comme un des plus redoutables pour les étrangers. On vient de voir pourtant que l'Européen, le Français, peuvent y trouver une patrie. Il est des lieux plus meurlricrs encore, qui repoussent toutes les races humaines, celles-là même que les siècles semblent avoir façonnées pour y vivre. Le nègre est certainement l'homme des régions intertropicales ahicaines, et cependant il ne paraît pouvoir habiter impunément le vaste estuaire du Gabon. Les peuplades qu'on y a trouvées sont en voie d'abâtardissement manifeste. M. Braouezcc a signalé chez elles un fait curieux, et qui atteste une altération singulière des fonctions de reproduclion. Le nombre des femmes l'emporte sur celui des hommes d'une manière notable. La consti- tution générale des habitants esl d'ailleurs sensiblement affaiblie. Aussi ces tribus ne sauraient- elles résister à la pression croissante exercée par les Pahouins, ces cannibales intelligents et énergiques qui, du cœur de l'A- frique, s'avancent vers les côtes sur un front de bandière de 100 lieues, selon quelques voyageurs. Il sera intéressant de voir si eux aussi subiront dans un temps donné l'influence délétère du Gabon. On sait trop que presque toutes les régions intertropicales, surtout celles qui sont exposées à des inondations ou qui recèlent de vastes marais, sont plus ou moins meurtrières pour l'Européen. On dirait que la nature cherche à lui interdire ces merveilleuses contrées, en même temps qu'elle y déploie toutes ses magnificences comme un défi permanent jeté à son esprit d'en- treprise et de persévérance. Toutefois il y a des degrés dans cette insalubrité. Dans la plupart des cas, elle diminue à mesure qu'on s'éloigne de l'équa- leur. De plus il existe sous ce rapport de grandes différences entre les deux hémisphères. A latitudes égales, Thémisphère austral- est en général bien plus accessible aux races blanches que l'hémisphère boréal. C'est là un fait qui ressortirait aisément de l'observation seule. Du 30^ au 35« degré de latitude nord, on trouve l'Algérie, surtout une partie des États-Unis du Sud, où l'acclimatation de l'Européen présente des difficultés sérieuses. A la même latitude, dans l'hémisphère austral, on a la partie méridionale du Cap et la Nouvelle-Galles (Australie), régions où toutes les races européennes prospèrent d'emblée. -^ (1) Voyez la Hevue des deux mondes du 15 octobre 1863. CHRONIQUE. 265 Rien ne serait plus facile que de multiplier ces comparaisons ; M. Boudin a du reste mis le fait hors de doute par des chiffres puisés aux sources oiDcielles. Les armées soumises à un régime relativement uniforme, quel que soit leur habilat, présentent comme élément d'apprécialion de l'action exercée par des milieux différents des garanties tout à fait spéciales. Or la mortalité annuelle moyenne de l'armée est en France de 19,5 sur 1000, en Angleterre de 15,1 sur 1000. Transportées dans les colonies de l'hé- misphère sud, l'armée française ne perd que 9,93, l'armée anglaise 9,6 par an. Dans les colonies de l'hémisphère nord, la mortalité s'élève à Zi6,6 pour rarmée française, à 151,1 pour l'armée anglaise (1). De ces chiffres, il résulte qu'en somme la mortalité moyenne des armées est environ onze fois plus forle dans notre hémisphère que dans l'hémisphère opposé. Apres avoir mis en lumière le contraste frappant qui ressort de ceschitïres, M. Boudin a cherché ù en rendre compte, il en a trouvé la cause prochaine dans le plus ou moins de fréquence et de graviié des fièvres paludéennes. Au nord de Téquateur, ces fièvres s'étendent jusqu'à la région que borne la ligne isotherme de 9 degrés centigrades, correspondant pour l'Europe occi- dentale au59« degré de latitude. Au sud de l'équateur, elles ne dépassent qu'assez rarement le tropique (23° 28'),. et s'arrêtent souvent en deçà. Taïti, qui n'est qu'à 18 degrés de l'équateur géographique et placée à peu près sous l'équateur thermal, est exempte de fièvres paludéennes. Dans l'Amé- rique méridionale, au Cap, en Mélanésie, en Australie, plus encore que chez nous, de vastes espaces se couvrent d'eaux croupissantes et se dessèchent aux rayons d'un soleil brûlanl. Au nord de l'équateur, en France même, un pareil état de choses engendrerait les fièvres les plus graves. La Charente- Inférieure et les environs du port de Rochefort étaient naguère presque aussi redoutables que les marigots du Sénégal. Dans les contrées que je viens de nommer, il n'en résulte en général rien de fâcheux pour la santé des riverains, tout au plus quelques fièvres dont on guérit d'ordinaire spontanément. Ici encore les chiffres recueillis par M. Boudin ont une singu- lière éloquence. Dans l'hémisphère austral, les armées anglaises et françaises réunies comptent par année en moyenne 1,6 fiévreux sur 1 000 seulement, dans l'émisphère boréal 22Zj,9 sur 1,000. Ainsi les fièvres paludéennes sont presque deux cents fois plus fréquentes au nord qu'au'sudde l'équateur. Ajoutons qu'elles sont en outre irifinimcnt plus graves. Les immenses lagunes de Coriientes (2) n'engendrent que des fièvres légères; on sait combien sont dangereuses au contraire celles des Marais-Pontins, bien plus éloignés pourtant de l'équateur (3). Il serait beau- coup plus difficile à l'Européen, au Français, de vivre en Italie, sur les bords du Caiigiiano, que dans l'Amérique du Sud, sur ceux du l'arana. (1) Cette moyenne effrayante tient en grande partie à l'insalubrité exception- nelle de quelques-unes des stations. A Sierra-Leone, la garnison anglaise perd en moyenne, et par an, àSZ hommes sur 1 000, et 668,3 à C;ip-Coast. (2) Elles sont situées au 28^ degré de latitude méridionale. (3) Ils sont placés au 1x2" degré de latitude septentrionale. 266 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Comment se fait-il que ces localités, présentant en apparence des contîi- lions si semblables, exercent sur les organismes des actions aussi différentes ? Peut-être la science résoudra-t-elle un jour ce problème. Aujourd'hui il est à peine possible d'espérer qu'elle est sur la voie d'une solution. Des expériences ingénieuses ont montré d'abord que la rosée des marais renfermait des traces de matière organique ; puis le microscope y a découvert des algues, des infusoires, des germes d'espèces encore indéterminées. Quelques-uns de ces êtres introduits dans l'organisme humain y jouent-ils le rôle d'un ferment délétère, et par leur multiplication amènent-ils les réactions redoutables auxquelles il succombe parfois avec une rapidité foudroyante ? L'avenir seul, je le répète, pourra répondre à ces questions. Quoi qu'il en soit, il paraît résulter des études de M. Boudin que les miasmes paludéens sont le plus gratid, souvent l'unique obstacle à l'accli- matation de l'Européen dans la plupart des localités oiî l'entraîne l'esprit d'entreprise. Il y a dans ce fait quelque chose d'instructif et d'encourageant. 11 dépend jusqu'à un certain point de l'homme de refaire le milieu. Selon qu'il agit, il améliore ou aggrave ses conditions d'existence. Ouvrir un canal d'écoulement aux eaux stagnantes d'une contrée fiévreuse, c'est presque à coup sûr couper court au mal ; fermer ou laisser encombrer une issue de cette espèce, c'est faire naître ou rappeler la maladie. Malheureusement c'est trop souvent contre lui-même que l'homme emploie ce pouvoir tantôt par incurie, tantôt par une inintelligente cupidité. Abandonnée à elle-même, déshériiée des soins qui l'assainissaient et l'enrichissaient, la campagne romaine est aujourd'hui une succursale des Marais-Pontins. Chez nous, la Dombe, qui jadis ne se distinguait en rien des pays voisins, était devenue inhabitable pour une autre population que la sienne, grâce à la muliipli- cation artificielle des étangs. Avant les travaux entrepris depuis peu sous l'empire d'idées plus justes, l'habitant du Lyonnais ou du Maçonnais ne pouvait aller faire la moisson dans cette région si tristement altérée sans s'exposer presque autant que dans une campagne au Sénégal. Pour un mon- tagnard du Forez, racclimalation dans la Dombe n'était guère moins péril- leuse qu'aux îles du Mexique, tant l'industrie humaine avait vicié ce climat naturellement salubre. En revanche, cette même industrie a assaini le port de Rochefort ; elle a fait de Bouffarik, naguère un des points les plus dangereux de l'Algérie, un centre de population florissant. Elle pourrait beaucoup pour transformer quelques-unes des stations les plus meurtrières de nos Anlilles, et cer- tainement il est peu de peuples qui ne puissent en dire autant de quelqu'une de leurs colonies. On ne peut, il est vrai, assainir rapidement une contrée entière ; c'est là le travail des siècles et qui ne s'accomplit qu'au prix d'hécatombes humaines. Tout au moins devrait-on apporter quelque soin dans le choix de la station. Les chilTres de MM. Boudin et Waliher nous ont montré comment, jusque dans les contrées qui semblent les plus dangereuses pour l'Européen, il CHRONIQUE. 267 existe souvent des points circonscrits où il peut vivre et semiillipiier presque d'emblée. Il est clair que les nouveaux arrivants devraient planter leur tente dans ces localités privilégiées. C'est presque toujours le contraire qui s'est passée qui se passe encore. On comprend du reste, sans peine, les causes multiples de ces meur- trières imprudences. Aux premiers temps des émigrations modernes, on abordait au premier rivage venu : on cherchait avant tout un havre commode et sûr ; on se laissait aisément séduire par la fertilité des terres d'alluvion situées à l'embouchure ou sur les bords de quelque cours d'eau. On se plaçait ainsi dans les conditions les plus mauvaises, et l'on périssait ; mais de nouveaux arrivants compensaient les perles, et une fois la ville construite, les forts bâtis, le port installé, on restait et l'on est encore sur des plages pestilentielles comme celles de Batavia. Il est évident qu'éclairé par l'expérience on devrait agir autrement aujourd'hui. Des relevés statistiques précis et détaillés comme ceux que j'ai fait connaître rendraient incontesta- blement à ce point de vue de sérieux services. Les miasmes paludéens agissent de la même manière sur toutes les races humaines. Toutefois nous constatons encore ici chez l'homme ce qui nous frappe chaque jour chez les animaux, chez les végétaux. On sait que leurs races et leurs variétés ont souvent des aptitudes pathologiques différentes. Il en est qui échappent à peu près constamment à des maladies très-fréquentes au contraire chez d'autres. Le nègre, lui aussi, souffre et meurt de la fièvre dans son pays natal, sur les bords du Niger par exemple, bien moins toute- fois que le blanc. 11 y a plus, les deux races transportées dans l'Inde présen- tent, à cet égard, à peu près le même rapport. Comparé aux races locales, le nègre conserve encore la supériorité, c'est la moins atteinte par les éma- nations paludéennes. Né dans une contrée où on les respire à peu près partout et toujours, descendant d'ancêlres qui depuis les temps antéhisto- riqnes ont vécu dans cet air empoisonné, le nègre est plus que tout autre homme acclimaté à ce milieu, sans échapper pourtant d'une manière ab- solue aune influence foncièrement funeste. Cette immunité relative explique sans doute pourquoi le nègie créole d'Amérique échappe presque à coup sûr à la fièvre jaune. Il transmet ce privilège à son fils mulâtre, à son petit-fils quarteron; il paraît que même un huitième de sang nègre suffit pour protéger l'individu contre ce redoutable fléau de l'Amérique tropicale, avec presque autant de certitude que la vac- cine préserve de la variole. Le croisement modéré avec les races locales, produit, du reste, en Amé- rique, un résultat analogue, et amène une acclimatation très-rapide sans que la race blanche ait à en soulfrir; parfois aussi elle semble y gagner, et, par là, échapper à toute altération. M. Angrand, consul de Fiance au Pérou, nous a cité l'exemple d'une famille où se conserve, depuis les pre- miers temps de la conquête, Iti beaulé des formes et une énergie d'esprit et de corps qui contraste avec ce qu'on reproche souvent à trop juste titre 268 SOCIÉTÉ d'acgltmatation. aux populations créoles. Cette famille descend d'un capitaine espagnol el d'une princesse Inca. Depuis lors, elle ne s'est alliée qu'à des blancs purs. Le premier et unique croisement a suffi pour acclimater le sang blanc en lui conservant sa valeur tout cnlière (1). Il va sans dire que les prescriptions de l'hygiène doivent être scrupuleu- sement suivies par quiconque change de milieu, par celui surtout qui affronte quelqu'une des régions à bon droit regardées comme insalubres. Et ce n'est pas seulement i'hygiène du corps dont il s'agit, l'hygiène de l'âme est tout aussi nécessaire. Dans bien des cas, cette dernière com- mande et entraîne l'autre. Les difficultés de l'acclimatation dans la plu- part de nos colonies, les accidents et les décès qui suivent une première introduction, tiennent très-souvent à des écarts que préviendraient une moralité même assez peu susceptible, de simples habitudes de régularité. M. Bolot, commandant d'une compagnie de discipline chargée de construire une jetée à Grand-Bassam, disait au capitaine Vallon : « Un dimanche me met plus d'hommes à Finfirmerie que trois jours de travail en plein soleil. » C'est que le dimanche était consacré à la débauche. Voici, du reste, un fait qui constitue pour ainsi dire une expérience telle qu'aurait pu l'imaginer et la conduire un physiologiste. L'île Bourbon, placée ù l'est de Madagascar, presque sous le tropique, passe pour être une de ces localités dévorantes oùTEuropéen ne peut s'acclimater. A ne juger que par les tables de mortalité portant sur la population tout entière, cette réputation est justifiée. Elles accusent, en effet, un excédant formidable des décès sur les naissances. Or c'e.^t encore là un de ces résultats pu bloc qu'il faut discuter, si l'on veut en comprendre la signification vraie. Les blancs de Bourbon forment en réalité deux classes, ou mieux, deux races distinctes par les mœurs et les habitudes. La première comprend la population des villes et des grandes habitations, qui mène la vie ordinaire des colonies, et se garde surtout de ce travail de la terre que l'on assure être si meurtrier; l'autre comprend ce que l'on appelle les petits-blancs, descendants d'anciens colons qui, trop pauvres pour se procurer des esclaves, avaient bien été forcés de cultiver le sol de leurs propres mains. Eh Ijien! de ces deux classes de co- lons, c'est la preiiiière seule qui alimente la mortalité tant de fois signalée. Les petits-blancsfont comme avaient fait leurs pères ; ils habitent et cultivent les districts les moins fertiles de l'île. Loin d'en avoir souffert, leur race s'est perfectionnée; les femmes surtout sont remarquables par la beauté des (1) La question du croisement des races humaines, l'influence qu'il exerce sur les souches parentes, la quantité relative de sang étranger que peut recevoir une race sans être sensiblement altérée, les coadilions sociales qui exercent une action manifeste sur le résultat de ces croisements font de la question que je me borne à indiquer ici un des problèmes les plus complexes de l'anthropo- logie. Je l'ai traité avec quelque détail dans mon Rapport sur les progrès de l'anthropologie en France. CHRONIQUE. 269 formes et des trails. Cette race s'entretient parfaitement par elle-même. Ce n'est pas que le croisement y soit pour quelque chose; non, le petit- blanc, très-fier de la pureté de sang qui fait sa noblesse, ne s'al lierait à aucun prix avec le nègie ou l'émigrant indien. C'est qu'à Bourbon, tandis que l'oi- siveiéetles habitudes qu'elle amené tuaient le riche et ceux qui chercbaient à Timiler, le pauvre s'acclimaîait par la sobriété, la pureté des mœurs et le travail. Nous n'avons fait qu'indiquer les traits principaux d'une des questions les plus vastes et les plus complexes de l'anlbropologie générale; mais c'en est assez, croyons-nous, pour montrer combien il faut ici se tenir en garde contre les conclusions prématurées, et combien l'analyse des faits est souvent nécessaire pour échapper à l'erreur. Évidemment on s'est îrompé quand on a regardé toutes les races humaines comme pouvant également vivre et prospérer n'importe où ; on s'est trompé plus encore lorsqu'on a déclaré qu'aucune race ne pouvait franchir ses li- mites géographiques. Au contraire, tout conduit à faire admettre qu'en dehors d'un certain nombre de points exceptionnels, les races humaines peuvent s'acclimater dans les régions les plus diverses, à la condition de subir des pertes proportion- nelles à la différence des milieux. Souvent l'homme peut diminuer ces sacri- fices grâce à l'étude, à la science, à l'industrie. En tout cas, il dépend de lui de ne pas les aggraver par l'imprudence, par l'inconduite. L'acclimatation est en grande partie une simple question d'hygiène, et, à ce propos, il est facile de constater, ici peut-être plus qu'ailleurs, que veiller sur la santé de l'âme c'est le plus sûr moyen de garantir la santé du corps. Secours aux agriculteurs français par la Société des amis (Angleterre). La Société doit à la complaisance de M. Daniel Hanbury la communi- cation du douzième rapport sur les distributions de graines et plantes, faites en France par les soins du comité de la Société des Amis pour secourir les victimes non combattantes de la guerre, On sait que plusieurs comités se sont formés, â la suite de la guerre désastreuse que nous venons de subir, pour venir en aide à nos malheureux cultivateurs, et dans une de nos der- nières séances la Société a appris la formation du French peasant Farmers' seed Fimd, sous la présidence de lord Vernon, et parmi les membres duquel nous trouvons le nom de notre dévoué président, qui dans celte circonstance, comme toujours, s'e.st empressé de donner son concours à une œuvre utile. La Société des Anu's a fait à ses membres un appel qui a été entendu et elle a pu recueillir une somme de l 89'i 02G francs 95 centimes, dont 1 17 C57 francs 5 cent, pour l'achat de graines de céréales. 270 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Sur cette somme 68 016 francs 05 cent., ont élé distriiiués par îe Comité de Metz et Zi5 790 iV. 90 cent., distribués directement par ie Comité de Londres. Une partie des produits a élé répartie à Metz et dans ies environs, par les soins du Président du comice agricole de celle ville; 120 communes ont reçu en moyenne chacune 50 sacs de Blé ou d'Orge et 150 autres des Pommes de terre, ce qui fait un total de cinq à six mille personnes secourues. A Belfort, des mesures ont été prises pour subvenir aux misères résultant des ravages de la guerre et à celles occasionnées par la peste bovine. 25 000 francs provenant du comité de Mansion-House, sous la présidencedu lord-maire de Londres, ont élé affectés à ce service^ en vue de fournir de nouveaux bestiaux aux cultivateurs qui avaient perdu les leurs. 25 000 francs ont été aussi distribués au nom du Comité de secours de Pliiladelphie qui les avait spécialement destinés à la Lorraine et à l'Alsace. Une somme de 12 500 francs provenant du don fait par ie ftlansion- House de Dublin a été affectée à secourir les habitants dans les environs de Dijon. C'est surtout dans la vallée de la Loire, que la Société des Amis a exercé son œuvre bienfaisanie, soit par des dons ou prêts, soit par des ventes aux prix les plus bas. Il e?t à remarquer que la proportion des emprunteurs est plus grande que celle des demandeurs à titre gratuit. Il résulte du dernier rapport que nous avons sous les yeux que, dans la vallée de la Loire, il a élé dislribué des produits, graines, etc., pour une valeur déplus de 500 000 francs. On avait calculé pouvoir fournir à Tense- menceuient d'environ 25 000 acres (10,117 hect., 50). Malgré le court laps de temps qu'on avait à sa disposition et l'encombrement des quais, tous les efforts ont élé faits pour arriver en temps utile. La Société des Amis a opéré surtout dans les déparlements du Loiret, du Loir-et-Cher, de la Sarlhe et d'une partie d'Eure-et-Loir, où déji des distri- butions avaient été faites par les soins de la Société, présidée par lord Ver- non. Plusieurs milliers de cultivateurs ont reçu assistance. L'argent qui sera reçu ou les graines qui ont été avancées devront à la fin de l'année être donnés aux bureaux de bienfaisance qui seront chargés de les distribuer aux plus pauvres surtout parmi les fermiers non propriétaires des terrains qu'ils cultivent. Les dons dans la vallée de la Loire ont été répartis de la manière sui- vante : (voyez le tableau ci-contre). Ce qui est remarquable dans le document que nous avons sous les yeux c'est la faible somme de dépenses ; tandis que la Société de secours pour les malades et blessés, dont la souscription a été environ quatre fois celle de la Société des Amis, a payé en annonces 175 000 francs, celle-ci n'a eu d'autres frais que 2 701 fr. 85c. (annonces, 2 A/lSfr. 75 c. — salaires, 253 fr. 10 c). CHRONIQUE. 271 -«# S 9 V m •M -S S C8 as as e fa m fa V e c; s ai 13 a: a: U3 O o S ©1 0 «^ o O — l^ o Ci Cl C 'îl^ CÎ4 < o es a. ©1 tn o m ce CJ - •< ai u 'C^ O ïï O j£ 2 5 g >•/! tsi 1-3 O OO »/^ 30 CO OO 3) (M O :s O ©1 Cl Oï ©1 G» -o«? 2 ^ '^ 3 ©q — ^ z H^ O .« b « 'S a A Z oo < «* co '/l _, ^ -J o • o u &] ^ J3 = 03 ©i©i;n * R la P5 ^^ 'ï^ > ^r^ S4-=S< O "■ =o c •st o ra « O -^ Cl O J— 'ZZ ^^ 00 .2 ©lîDO -rH C^ O es ii= C3-^ 00 ■«*«*ÏO Tl o o ©1 5 o c 03 s c o o a o s !>• O N S o es 00 ©I * .M *^ Sx îx is= i*^ ©1 •*# T3 m -a CD H Eâ O O •H w rrj '/> H a -s* 3 :s •sa.» ce o 0) s o S o s s -a o o 5 £ < O M es >■ es S es S o C/5 (O S es co s .a O O o -C o es CO ©4 C O «s te o r i o S a * O o I 9 U c; va ©I o (-• 3 o c 5 n o s co O • c co *^ O es Ô3 co g « o 'S <« s *- « 22 C "S. S^ « O — o c n 3 s-o •- « c 3 c; il o ÎO t- ''^ u *;: O •^ r^ c: 3 co - -^ 2 ^^ *" c '- 33 o • — ; "O '/] s o ïro c/j . — I — o s- ïj -r -5)< 0;,es.h o >■ es O w O c eo es co co o C o co 3 p •D B O O o 3 = iJ 3 IZ ^ « 3 îï'îS c^ a -j ,t- 3 A C5 es *0 r o c es s 3 O ;i.aj "^ = " « o S = 3 3 H 5 o o — 272 SOCIETE D ACCLIMATATION. Emploi de la peau d'Opossum pour la ganterie. De grands achats ont été faits récemment, dit le South Australian Re- gister, de peaux d'Opossmn iPhalangista vulpina) pour être employées en Angleterre dans la ganterie : le prix élevé qui a été donné fait espérer que ce commerce prendra un certain développement, et amènera une chasse active da ces animaux, desquels jusqu'à ce jour on ne tirait aucun profit, et qui occasionnaient, surtout dans les districts boisés, de grands ravages sur les Eucalyptus, et dans les vergers et jardins {Journal of the Society of Arts, 5 mai 1871). J. L. S. Bulletin des échanges proposés par les Membres de la Société d'acclimatation. NOMS. DEMANDES. OFFRtS. MM. 0. Camille Bérenger, Tortues de Bordeaux. Une biche de cerf-cochon. àMonls surGuesries Oies connmunes, variété (Vienne). blanche. A. Ctiatin , rue de Rennes, i29, à Pa- Noyaux de pêche de Tul- lins. • ••••>•«••••««*•#••• ris. Greffes de Pommier Co- criau. Greffes de Cerise Belle des Essarts. Œufs de poule de Houdan. J. M. Cornely, châ- Outardes (grandes). Tallégalles ( nés en teau de Beaujardin, Grands tétras {Averh.). France). près Tours. Canards percheurs {Dend. Éperonniers (Pol. Chin- arb.). quis). Une clicvre de Nubie (jeune). Un couple Ibis «acres. Paons blancs. Paons nigripennis. Tragopans. Faisans de Swinhoë Canards mandarins. Canards Bdhama. Tourterelles lophotès. fiallais iiiîiirp à Chamœrops excelsa (trois ans). Ruffec. î. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1) ^ -^ ' ASSISTANCE PRETEE PAR LES ETRANGERS AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. COMPTE RENDU Par M. Th. VIEIXXOT, Membre de la Société des agriculteurs de France. La Société des agriculteurs de France va reprendre ses séances interrompues par la guerre, et qui seront longtemps attristées par le souvenir des événements accomplis depuis sa dernière réunion. Elle peut se féliciter toutefois de ce que le fait de son organisation antérieure à ces événemenls n'a pas été inutile pour atténuer les maux qu'ils ont causés à nos cam- pagnes. Le séjour de son président dans l'île de Jersey, point d'où les communications avec l'étranger étaient faciles, et d'où M. Drouyn de Lhuysa pu se transportera Londres au besoin, a permis aux sympathies généreuses de la nation anglaise de se tourner vers notre Société, comme vers un centre de direc- tion exempt de toute couleur politique. Au premier indice qu'on désirait son intervention, le président de la Société des agriculteurs de France accepta avec reconnaissance cette mis- sion patriotique. Le succès de ses démarches dans le royaume voisin l'encouragea à provoquer un mouvement analogue dans d'autres pays, où il comptait des relations d'ancienne date avec plusieurs sommités sociales. Il n'hésita pas à adressera ces amis influents un appel qui fut entendu ; chacun d'eux s'empressa de propager limpulsion ; les dons en nature et en argent affluèrent pendant que les hostilités duraient encore, et purent être acheminés à leur destination dés que la con- clusion de la paix eût rendu possible la reprise des tiavaux. On n'a pas oublié que l'œuvre à laquelle se dévouaient (1) La Société ne prend sous sa responsabililé aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2« SÉRIE, T. VIII. — Juillet et Août 1871. 18 27/l SOCIÉTÉ d'acclimatation. M. Drouyn de Lhuys et ses éminents collaborateurs avait pour but de venir en aide aux cullivaleurs que les réquisitions et les dévastations de toute sorte avaient privés des grains néces- saires pour ensemencer leurs champs. Lors delà distribution de ces secourSj les membres de la Société des agi iculteurs furent invités à assister de leurs lumières les agents chargés de venir s'informer des besoins des paysans, et rendirent dans leurs circonscriptions respectives les services dont s'était acquitté le président au moment de la centralisation des of- frandes des souscripteurs étrangers. Grâce à ce concours de tous, et malgré des retards inévitables, les semailles se sont faites dans des conditions inespérées ; non- seulement les mal- heureux habitants de nos départements ne sont plus menacés de famine, mais leurs cultures se seront peut- être enrichies de variétés nouvelles, qui resteront comme un témoignage vivant de ce que vaut dans notre siècle le sentiment de la solidarité agricole et de la sympathie internationale. Une note insérée dans le dernier bulletin a fait connaître le résultat des opérations entreprises sous le patronage du comité anglais présidé par lord Vernon. Les pièces publiées ci-après in extenso sont extraites du volumineux dossier de la corres- pondance entretenue par M. Drouyn de Lhuys, d'une part avec divers membres de ce comité ; d'autre part, avec l'Italie, la Suisse, la Hollande, la Belgique, l'Espagne, les Etats-Unis, le Danemark et la Suède. I Entre tous ces États contributeurs, l'opulente Angleterre figure au premier rang. Dès les débuts de l'invasion allemande, un journal très-répandu, le Dally-News, avait organisé une souscription en faveur des paysans français ruinés par la guerre [French peasant Relief Fund)^ dont on appréciera l'impor- tance, en apprenant que le correspondant de celte feuille, M. Bullock, passa près de cinq mois à Sedan, distribuant AOO 000 francs qui servirent à nourrir pendant ce rude hiver la population de soixante-quinze communes du département ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 275 des Ardennes. Dans les récits où il décrivait les scènes na- vrantes qu'il avait sous les yeux, M. BuUock signalait, parmi les conséquences les plus redoutables de cette lutte acharnée, le danger de l'anéantissement de la récolte prochaine dans les districts occupés tour à tour par les armées des belligérants. L'opinion publique était ainsi préparée, lorsqu'un membre du parlement britannique, M.James Howard, propriétaire d'une vaste fabrique d'instruments aratoires, président du club des fermiers de Londres, et qui avait connu M. Drouyn de Lhuys lors d'une excursion que ce dernier avait faite au delà de la Manche, lui adressa, le 17 octobre 1870, une lettre dont nous extrayons le passage suivant : Cher Monsieur, Je pense que nos fermiers ne refuseraient pas de fournir des céréales, des graines bulbeuses et autres, à l'aide desquelles les malheureux cultivateurs français pourniienl ensemencer leurs champs ravagés par cette déplorable guerre. J'en ai parlé à quelques-uns de nos premiers agriculteurs, et je suis d'avis que si un nom bien connu se mettait à la tête du mouvement, de façon à donner aux souscripteurs la confiance que leurs dons seraient judicieuse- ment et loyalement répartis, une masse de produits agricoles serait envoyée pour cette destinaiion. Il m'est venu dans l'idée que si Votre Excellence voulait faire un appel au public par la voie du Times et d'autres journaux de Londres, et offrir de diriger l'affaire, cela rendrait service à ces fermiers et à ces paysans, et ten- drait en outre à consolider les bons sentiments que nous désirons tous voir subsister entre nos deux pays. J'ai l'honneur, etc. Deux jours après, M. Drouyn de Lhuys répondait en ces termes : Saint-Hélier, 19 octobre 1870. Cher Monsieur, Le fléau qui désole nos campagnes non-seulement épuise nos ressources actuelles, mais encore menace de détruire les germes de la production fu- ture. Cette prévision vous a suggéré, ainsi qu'à plusieurs agriculteurs de votre pays, la généreuse pensée de venir en aide aux fermiers et aux paysans français ruinés par la guerre, en mettant gratuitement à leur disposition des céréales, des bulbes et autres semences nécessaires pour emblaver leuis champs. 276 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Vous ajoutez que rinlervention du président de la Société des agriculteurs de France pourrait contribuer à inspirer à vos compatriotes la confiance que ces secours seraient judicieusement distribués. Je veux avant tout, cher monsieur, vous exprimer notre profonde grati- tude pour cetie cordiale proposition. La dispersion en différents lieux des membres de notre Société, ainsi que l'interruption des communications entre divers départements de la France, enlèvent à mon action personnelle et directe une grande partie de son effica- cité, mais voici, je crois, les meilleurs moyens d'alteindie le but que vous avez en vue : 1» Un Comité serait formé en Angleterre pour enregistrer les offres de souscriptions, recevoir les graines, semences, etc., et les expédier vers les ports de France les moins exposés aux agressions de TennemL 2° Le gouvernement français don lerait aux autorités de ces ports l'ordre de recevoir les oijjets et de les emmagasiner. 3° Les demandes des cultivateurs fraiiçais seraient provoquées par des circulaires et par les publications des journaux. U^ CUaque demande serait coutrôite par le maire de la commune, de con- cert avec le président du comice agricole de la localité. Les semences ne se- rai! nt remises au réclamant que sur la prDduction d'un certificat signé par ces deux personnes et constatant qu'il est cultivateur dans la détresse, et qu'il les destine, non à la consommation, mais à la reproduction. Je pense, comme vous le dites, cher monsieur, qu'une telle mesure aurait pour effet de développer les sentiments de mutuelle bienveillance qui unissent nos deux pays. A l'exemple de la bonne tene, les cultivateurs sont recon- naissants, et vos compatriotes peuvent être assurés qu'ils n'auront pas semé dans un sol ingrat. Tout à vous. p^ S. — Vu l'urgence, j'adresse copie de cette lettre au Ministre de rin- téiieur, à Tours, et au secrétaire général de notre Société, M. Lecouteux, à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), pour qu'il puisse, sans retard, si ce projet est agréé en Angleterre, aviser aux moyens d"en assurer l'exécution. Voudrez-vous, si vous le jugez convenable, fuire immédiatement publier cette communication dans le Times, \e Daily News et le Morning Post. Le 2û octobre, M. Gambetta exprimait ainsi à M. Drouyn de Lhuvs la satisfaction du gouvernement français à la nou- velle qu'il lui avait fait parvenir : Monsieur, Je me hâte de vous remercier de ia communication contenue dans la lettre que vous m'avez fait Ihonneur de m'éciire en date du 19 courant. Les offres des agriculteurs anglais que vous voulez bien me transmettre ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 277 ne peuvent qu'être acceptées avec reconnaissance; elles seront très-utiles aux départements envahis. Dès que la France aura reçu avis qu'un Comité an?;lais est formé, et que les graines, semences, etc., sont réunies, des ordres seront donnés, soit à Cherbourg, soit à Brest, pour rassembler et emmagasiner les envois; une circuliiire va être préparée pour les préfets et les maires : en outre, un avis sera inséré au Journal officiel : les intéressés seront ainsi prévenus. L'administration s'entendra avec les comices et les maires pour contrôler les demandes des agriculteurs. Encore une fois, monsieur, je vous remercie et vous exprime ma gra- titude. Veuillez agréer, etc. Le 27 octobre, M. Droiiyn de Lhuys faisait part de celte réponse à M. Howard : « Vos suggestions, disait-il, sont accep- 5) lées avec la plus vive reconnaissance, ainsi que le plan que )) j'ai recommandé pour la mise à exécution de la mesure pro- 5> jetée. » Le lendemain, il lui envoyait copie de la lettre de M. Gambetta, en le priant de la faire insérer, avec celle que lui-même avait écrite à M. Howard le 19, soit dans le Times, soit dans un auti^e grand journal de Londres, afin de mettre le public anglais au courant de l'affaire. Une grave maladie vint, sur ces entrefaites, obligerM. Howard à renoncer à toute occupation, et à s'en remettre, pour tenir la plume, à M. De- lano, chef des bureaux de sa maison à Londres, et agent honoraire en Angleterre de la Société des agriculteurs de France. Le 5 novembre, M. Delano informait le président de cet état des choses, et lui oiïrait de demander une entrevue à l'éditeur du Daily-News, membre du parleinent et ami de M. Howard ; le 15 du même mois, M. Frederick Howard, frère du député malade, renouvelait celte offre en son propre nom. 11 s'agissait d'obtenir la faculté d'utiliser le personnel déjà exercé de celte feuille pour recueillir et enregistrer les souscriptions. Le 19 novembre, M. Delano manda à M. Drouyn de Lhuys que les représentants de la maison Howard, au nombre d'en- viron 800, agiraient sur tous les marchés à blés par les fermiers, avec qui ils étaient en relations directes, et qu'on ferait des démarches auprès de tous les secrétaires des Sociétés agri- 278 SOCIETE d'acclimatation. coles du Royaume-Uni. « J'ai déjà causé, ajoutait-il, avec » plusieurs rédacteurs de journaux, et je suis sûr que cette y> bonne œuvre n'aura pas à souffrir du retard causé par la » maladie de M. James Howard. Le nom de Votre Excellence » est tellement connu et respecté en Angleterre que, lorsqu'on » le verra à la tête d'une pareille entreprise, celle-ci ne pourra 3> manquer de réussir. » Le 26 novembre, M. Delano annonça que le rédacteur du Daily-^ews mettait à sa disposition la publicité de son jour- nal. La prochaine exposition d'animaux de boucherie, qui devait avoir lieu au commencement de décembre, était un moment propice. Ce concours s'ouvrait en eff'et sous les aus- pices du club de Smithfield, dont le président lord Powis, ainsi que plusieurs membres du Conseil, faisaient également partie de la Société des agriculteurs de France. Le 27 novembre, M. Drouyn de Lhuys écrivit à lord.Powis, l'instruisant du dessein de M. Howard, de l'empressement du gouvernement français à seconder ses vues, et de l'indisposi- tion grave qui empêchait le promoleur du projet d'en pour- suivre l'exécution. « Voulez-vous me permettre, milord, en » ma double qualité de président de la Société des agriculteurs » de France et de membre honoraire de votre Société royale » d'agriculture, de placer sous votre haut patronage cette )) noble inspiration? Il me semble que le Cattkshow (l'exposi- » tion d'animaux) offre une occasion très-favorable pour » adresser un appel à la sympathie des agriculteurs de votre » pays, soit par une communication faite au club de Smithfield, » soit par la voie de la presse. On pourrait, si vous le jugiez » convenable, disposer à cet effet des deux documents an- » nexés. i> Ces documents étaient la lettre de M. Howard, du 17 octobre, et celle de M. Gambetta. Le comte de Powis répondit, le 5 décembre, qu'il ne man- querait pas de soumettre au conseil du club, le lendemain, la lettre de M. Drouyn de Lhuys avec les pièces jointes, et de les transmettre aux journaux. V Agricultural Gazette du ^0 dé~ cembre, dans un court résumé de la séance, signala la lecture faite par lord Powis de la correspondance échangée entre lui ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 279 et le président de la Société des agriculteurs de France, et la décision prise d'organiser une souscription dans le sens indiqué. Le la décembre, le Times et le Daihj-News publiaient les lettres envoyées par 31. Drouyn de Lhuys. En lui adressant des exemplaires de ces journaux, M. Delano lui fit savoir que,- d'accord avec M. Brandreth Gibbs, secrétaire àxx Smith field club, et M. Jenkins, secrétaire delà Société royale d'agricul- ture, ils avaient convoqué un meeting pour le 19 ; le club des fermiers de Londres leur prêtait sa salle, et lord Vernon, le nouveau président de la Société royale d'agriculture, avait consenti à occuper Ib fauteuil. Le 18, M. Drouyn de Lhuys écrivit à lord Powis et à lord Vernon dans les termes suivants : Monsieur le comte. Je vous remercie bien sincèrement du généreux appel que vous avez adressé au Smithfield club, en faveur des cultivateurs français ruinés par la guerre. Je savais combien celte proposition acquerrait d'autorité et de chances de succès en se produisant sous un patronage aussi éminent que le vôtre. Veuillez agréer, etc. MlLORD, Permettez-moi de vous exprimer, au nom de mes compatriotes, la vive reconnaissance que nous inspire votre empressement à accepter la prési- dence du meeting qui doit avoir lieu prochainement au Farmers club pour aviser aux moyens de venir en aide aux cultivateurs français que la guerre a ruinés. Dans des jours plus heureux, je vins en Angleterre comme ambassarleur pour resserrer les liens d'une intime alliance entre les deux pays ; j'assistai à la préparation de votre magnifique Exposition universelle, et, plus lard, je fus témoin de vos solennités rurales, en ma double qualité dans votre esprit relativement aux dates de mes communi- » cations précédentes. Je vais les préciser. » Là-dessus, après avoir rappelé les lettres du 19 octobre à M. Howard et à M. Gambetta, dont il lui remettait la réponse sous les yeux, puis sa seconde lettre à ce minisire, sur la distribution de la souscription anglaise, il ajoutait : y. Je suis de votre avis, mon- 5) sieur le délégué, je crois qu'il serait nécessaire de donner » en France la plus grande publicité possible à cette pensée 2) bienfaisante et aux m^oyens de la mettre à exécution. C'est » ce que mieux que moi vous pouvez faire. Ces moyens, cela )) va sans dire, ne seraient organisés que dans les lieux déli- ô vfés de la présence de l'ennemi. ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 285 » Je crois qu'il y a nécessité et urgence, car je ne saurais » partager l'illusion de vos correspondants qui pensent que la » plus grande partie du territoire envahi aurait été ensemencée j> et cultivée. » Le même jour, M. Drouyn de Lhuys envoyait à M. Dalloz, à Bordeaux, copie de la réponse de M. Gambetta avec une lettre qu'il terminait ainsi : Ces détails vous sont connus, Monsieur, par les commanicalions que je vous ai faites dans le cours des mois d'octobre et de décembre en vous de- mandant de vouloir bien leur donner de la publicité. En Angleterre raffaire marche à souhait, comme on peut s'en convaincre en lisant les feuilles publiques de ce pays. Les principales Sociétés d'agricul- ture ont pris la diieclion de ce mouvement; de nombreux meetings ont été tenus, les souscriptions arrivent et le concours unanime de la presse étend celte propagande sur tous les points du lloyaume-Lni. En France, il faudrait a\iser sans retard, partout où cela seraii possii)le, à la formation de Comiiéb qui seraient charg-s de conslaler les besoins spéciaux des localités ravagées et de préparer les bases d'une répartition équitable entre les individus. Il semble qu'à cet effet la combinaison la plus pratique serait... (suit re- noncé des moyens proposés dans la lettre de M. Drouyn de Lhuys à i\I. Gam- belta en date du '2ù novembre, pour le fonctionnement des commissions commimales et des comités d'arrondissement.) Telles sont, monsieur le Directeur, les mesures préalables qu'il y aurait lieu de prendre, à mon avis, dans les communes, au fur et à mesure qu'elles seraient délivrées de la présence de Tennemi. Je me suis mis en communication avec les agriculteurs de Belgique, de la Suisse, des Pays-Bas, de l'Espagne et de l'Italie, pour provoquer ou seconder dans ces diftérents pays un mouvement semblable à celui qui se produit en Angleterre. Permettez-moi, Monsieur, de vous prier de publier la présente lettre dans le Moniteur univemel. Recevez, etc. De son côté, le Comité de Londres, ayant accompli sa lâche préparatoire, songea à soutnetlre à ses souscripteurs riiislo- rique de ses efforts. Un rapport en date du 30 janvier, avec pièces justilicativcs, fut publié, et une réunion fut tenue le môme jour à Salisbury Ilolel, pour délibérer sur le mode de distribution des dons reçus. 286 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Au commencement du mois de février, lord Vernon pressa M. Drouyn de Lhuys devenir à Londres assister à une féance du Comité. Le président de la Sociélé des agriculteurs de France accepta ce rendez-vous. La lettre suivante qu'il écrivit, le 11 février, à lord Vernon, pendant qu'il était encore à Londres, indique le résultat de la délibération à laquelle il avait apporté des conseils : MlLORD, Conformément à la décision prise dans la dernière réimion du Comité, je m'empresse de vous adresser une circulaire pour les membres de la Société des agi icuileurs de France dans les déparlements que visiteront les agents du Seed Fnnd, L'ne copie de ceite circulaire pourrait être remise à chaque agent, qui, dès ^!on aiTiVée, la ferait publier dans les journaux de la localiié, afin de provoquer le concours de personnes honorables et compétentes. En limitant cette publicaiion aux départements vîntes, on éviterait Tiaconvé- nieut d'éveiller plus de désirs qu'on n'en pourrait satisfaire. Suivait le projet de ciixulaire ainsi conçu : A Messieurs les membres de la Société des agriculteurs de France dans le département de,,. Messieurs, L'association formée en Angleterre pour venir en aide aux cultivateurs français ruinés par la guerre, en leur lournissant les moyens d'ensemencer leurs champs, envoie à cet effet un déh gué dans votre région. Je vous invite à vous mettre en rapport avec lui, afin de l'aider à recueillir tous les renseignements propres à faciliter l'accomplissement de sa mis- sion. Veuillez agréer. Messieurs, l'assurance de mes sentiments distingués et dévoués. Signé : Drouyn de Lhuys, Président de la Société des agriculteurs de France. Le 15 février, le Standard insérait l'appel définitif adressé au public par les organisateurs du Seed Fund : « La conclu- )) sion d'un armistice entre la France et 1 Allemagne, était-il » dit dans ce document, et.la perspective d'une paix prochaine, » engagent le Comité à insister vivement auprès des proprié- » taires et des fermiers anglais sur l'urgence d'envoyer sans ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 287 » délai leurs dons en argent et en nature, attendu que l'époque » des semailles du printemps avance rapidement, et qu'il est » très-important que le secours soit immédiat pour qu'il » soit efficace. » A la suite des noms des membres du Comité général et du Comité exécutif (dans lequel figurait le président de la Société des agriculteurs de France) on pouvait lire dMns le journal la liste, remplissant deux colonnes imprimées en très-petit texte, des premiers souscripteurs de l'œuvre, dont plusieurs s'élaient fait inscrire pour des sommes de 50 et même de 100 livres sterling (1250 et. 2500 francs). De retour à Jersey, M. Drouyn de Lhuys trouva le Moniteur Vnivf^rsel du 9 février, qui publiait sa lettre au délégué du ministère de l'agriculture et du commerce, et une communi- cation que ce dernier fonctionnaire lui adressait le même jour, avec un exemplaire d'une circulaire énonçant des ren- seignements demandés aux préfets : « Si vous voulez bien me » faire savoir, disait en terminant le délégué, sur quel port » de France serontexpédiées les semencesdont la Société d'agri- » culture d'Angleterre a bien voulu promettre l'envoi, le dépar- > tement du commerce donnera les instructions nécessaires » pour leur réception, et prendra à sa charge tous les frais de » transport et d'expédition. » Le 15, M. Drouyn de Lhuys lui répondit en ces termes : Monsieur, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrîre en date du 9 de ce mois. J'arrive de Londres, où j'avais été appelé par le Comité pour délibérer sur les moyens d'assurer une bonne et prompte distribution des semt^nces destinées aux cultivateurs français ruinés par la guerre. Le Comité a décidé qu'il enverrait en France, dans les régions ravagées, des agents chargés de s'entendre avec les autorités locales et les membres des associations agricoles pour former des Comités dont la mission serait de constater les besoins de l'agriculture, de fixer les lieux de dépôt et de déter- miner l'emploi des ressources disponibles. Veuillez agréer, etc. Le 5 mars, M. Drouyn de Lhuys transmettait à divers jour- naux français de province copie de sa dernière lettre à lord Vernon et un avis annonçant la formation de l'association an- 288 SOCIÉTÉ d'acclimatation. glaise, ainsi que la résolution prise par le Comité d'envoyer en France des délégués. Le 8 mars, M. Delano faisait savoir à M. Drouya de Lhuys qu'on allait commencer la distribution dans les départements environnant Paris, et que les agents devaient demander le concours de la Société des agriculteurs de France. Le Comité avait reçu et dépensé 25 000 liv. ster. (625 000 fr.). De leur côté, les membres du bureau de la Société française présents à Paris avaient tenu, le 7 mars, une réunion dans laquelle il avait élé convenu que tous les mercredis et les samedis, ils s'assembleraient à deux heures au siège delà Société, /i3, rue du Bac, et qu'ils feraient également appel à tous ceux des membres de la Société qui pourraient venir les aider de leurs lumières. Une lettre du 9 mars, signée par M. Decauville aîné, l'un des vice-présidents, et par le secrétaire général M. Le- couteux, porta celte décision à la connaissance des membres par la voie du Moniteur universel du 17 mars, et rappela que, grâce aux efforts et à l'heureuse activité du président, « des Comités de secours s'organisent dans la plupart des pays 2» étrangers. » Nous n'avons pas à revenir ici sur les opérations des agents du Seed Fu9id en France dont le comple rendu, présenté aux souscripteurs dans un rapport du 23 mai, a été résumé ailleurs. On y aura remarqué que le mode de distribution adopté parle Comité est, à peu de chose près, celui que iM. Drouyn de Lhuys avait conseillé dès l'origine. Le 8 avril, lord Yernon adressait à M. Drouyn de Lhuys les Wmes suivantes : Le Comité avec lequel j'ai coopéré à une œuvre qui, j'en ai l'espoir, ne sera pas sans résultats utiles au point de vue tant maléricl que moral, a re- gardé comme un privilège d'avoir pu venir en aide à ses coiilVères en agri- culture de France. Ptrmeuez-moi d'ajouter que les difficultés de notre tâche ont été allégées par l'assistance que vous vous êtes empressé d'apporter, chaque fois que nous avons eu recours à vos conseils. Nous avons la satisfaclion de savoir qu'une grande partie des Blés de semence envoyés d'Angleterre sont parvenus à leur destination, et même que la plupart de ces grains sont déjà confiés à la terre. Puissent-ils fournir ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 289 une abondante moisson, et puissent s'accroître en même temps les senti- ments de sympathie et d'esiime muuielles entre les cultivateurs des deux nations ! II Il a déjà été fait allusion aux souscriptions provoquées dans d'autres pays par le président de la Société des agriculteurs de France. Le point de départ de cette correspondance fut une circulaire expédiée par M. Drouyn de Lhuys, le 27 décembre 1870, et qui récapitulait l'histoire de la souscription anglaise, en la proposant comme un exemple digne de trouver ailleurs des imitateurs. Dans la circulaire destinée à la Hollande, M. Drouyn de Lhuys ajoutait : Pendant le séjour que je fis en Hollande, il y a déjà bien des années, j'ai vu avec quelle libéralité toutes les bourses, tous les cœurs, s'ouvraient aux victimes des calamités publiques qui parfois éprouvent ce pays. La philan- tlu-opie ne connaît point de frontières ; sa pairie est le vaste cliamp des mi- sères humaines. Si donc vous pensez, cher Monsieur, qu'il soit possible d'organiser, dans le royaume des Pays-Bas, en faveur de nos cultivateurs, une souscription analogue à celle qui s'est ouverte en Angleterre, je vous serai très-obligé de tenter cette noble entreprise. Dégagé de toute fonction politique, je ne suggère ceUe idée qu'en ma qua- lité de président de la bociéié des agriculteurs de France, et comme ancien hôte de la Hollande. A ce double litre, je vous prie de vouloir bien commu- niquer la présente lettre à vos aujis, et même, si vous le jugez convenable, aux associations agricoles et autres de la iNéerlande, ainsi qu'aux journaux en les autorisant à la publier. Agréez, cher Monsieur et ami, etc. A Monsieur le général baron de Schumacher, à Lucerne. Ne pensez-vous pas avec moi, mon cher général, qu'il serait digne de la Suisse de nous prêter aujourd'hui l'assistance de sa charrue, comme autre- fois elle nous prêtait le concours de sa vaillante épée? Si vous jugiez possible d'organiser dans les cantons, en faveur de nos cultivateurs ruinés par la guerre, une sousciiption analogue à celle qui vient de s'ouvrir en Angleterre, je vous prierais de communiquer la présente lettre aux Sociétés d'agriculiurr-, et, au besoin, de la publier dans les jour- naux. Agréez, etc. 2»^ SÉRIE, T. VlII. — Juillet et Août 1871, 19 290 SOCIÉTÉ d'acclimatation. A M. le comte de Liedekerke-Beaufort, sénateur, à Bruxelles. Dans les rapports qu'en des temps plus heureux j'avais l'avantage d'entre- tenir avec vous, monsieur le Comte, j'ai pu me convaincre de vos sentiments d'estime pour l'agriculture et de sympaihie pour les hommes voués à cette profession. Ce souvenir m'engage à vous demander sïl ne vous semblerait pas possible de provoquer en Belgique, pays également agricole, également voisin et ami de la France, une assistance analogue à celle qui s'organise dans la Grande-Bretagne en faveur de nos cultivateurs victimes de la guerre. La charité ne connaît pas de frontières,, elle voit des concitoyens et des frères dans tous les infortunés, une même patrie dans le vaste domaine de la souffrance. Je ne crois pas me tromper, monsieur le Comte, en pensant que de telles inspirations doivent rencontrer dans votre pays un accueil sympathique. Si vous partagez ma confiance, personne mieux que vous ne pourrait donner le signal de cette noble et pacifique croisade. Je vous prierais, dans ce cas, de vouloir bien communiquer la présente lettre à vos amis^, et, si vous le jugiez convenable, aux Sociétés agricoles de Belgique, ainsi qu'aux journaux de toutes les nuances, en les autorisant à la publier. Agréez, etc. A M. le comte Torelli, ancien ministre ^ préfet à Venise. Connaissant, monsieur le Comte, vos vives sympathies pour la France, et tout l'intérêt que vous portez aux hommes et aux choses du monde rural, j'ai pensé que personne mieux que vous ne pourrait organiser, dans toute l'Italie, en faveur de nos cultivateurs, une souscription analogue à celle qui vient de s'ouvrir en Angleterre. Si vous partagez cet avis, je vous serais fort obligé de vouloir bien com^ muniquer la présente lettre à vos amis et aux associations agricoles du royaume, ainsi qu'aux journaux, en les autorisant à la publier dans le cas où vous le jugeriez convenable. Agréez, etc. A M, de Casanova, président de l'Institut agricole de San Isidro, à Barcelone. Un long séjour en Espagne m'a fait connaître, monsieur le Président, le caractère généreux de vos compatriotes. Le germe d'une noble inspiration doit fructifier sur cette terre. Celte pensée ainsi que mon double titre de président de la Société des agriculteurs de France et de membre honoraire de votre illustre compagnie me déterminent à vous demander s'il ne vous semblerait pas possible d'organiser en Espagne une souscription semblable à celle qui vient de s'ouvrir dans la Grande-Bretagne, en faveur des cultiva- teurs français ruinés par la guerre. Le drapeau de celte croisade ne saurait être mieux placé qu'entre les icainsdu président de l'Institut de San Isidro. ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. '291 Si vous partagiez mon avis, je vous prierais de vouloir bien communiquer îa présente lettre à vos amis, aux diverses Sociétés agricoles de la Péninsule, ainsi qu'aux journaux des diverses provinces, en les autorisant à la publier! Au vicomte Treilhard, ministre de France à Wasinghton. il me semble, mon clier Vicomte, qu'une pareille inspiration a dû se pro- duire spontanément de l'autre côté de l'Atlantique. Les descendants de Wa- shington et de Franklin n'ont pas oublié, j'en suis sûr, que le sang qui arrose à grands flots nos sillons est le même qui, au siècle dernier, cimenta les fondements de la grande république américaine. Si donc vous pensez que la publication de la présente lettre dans les jour- naux des États-Unis puisse contribuer à développer, en faveur de nos culti- vateurs, un mouvement analogue à celui qui s'organise dans toute l'Angle- terre, je l'autorise bien volontiers. Veuillez recevoir, etc. Des appels non moins pressants étaient adressés à des cor- respondants résidant en Danemark et en Suède, et nous verrons avec quelle chaleureuse sympathie ils y furent ac- cueillis. Dès le 1" janvier, M. Jacobson répondait de la Haye à M. Drouyn de Lhuys qu'il avait fait part de sa communi- cation au comte de Bylandt. Ce haut fonctionnaire de la cour de Hollande, membre de la Société de Genève, et qui venait de diriger le service d'une ambulance près de Sedan, avait été frappé, pendant sa mission de charité, des calamités causées dans les campagnes parla guerre, non-seulement pour le pré- sent mais pour l'avenir, et à son retour il s'était occupé de fonder un comité de secours : « C'est donc à lui, continuait » M. Jacobson, que j'ai remis votre lettre du ±1 décembre. Il y> a été très-heureux de cette rencontre, et doit proposer au » Comité, qui sera formé d'ici à quelques jours, de se mettre » en rapport avec vous. » Le 8 janvier, M. de Bylandt, que M. Drouyn de Lhuys s'était hâté de remercier de ses généreuses intentions, lui annonçait que le Comité s'était constitué et qu'il en était le président : « Nous comptons, dit-il, ne demander )> d'abord que des dons en argent ; quant aux semences elles » ne devront être livrées par les donateurs qu^rés la conclu- » sion de la paix. Nous aurons alors recours à vos lumières et 292 SOCIÉTÉ d'âcclîmâtâtion. » à votre obligeance pour nous guider dans la recherche des y> moyens de venir au secours des pays dévastés. » Le 7 février, nouvelle lettre du comte de Bylandt, d'après laquelle plusieurs sous-comités fonctionnaient déjà dans les provinces ; le Comité principal avait publié des circulaires et multipliait ses rela- tions en vue du moment de l'action ; il demandait conseil pour ce moment à M. Drouyn de Lhuys, qui lui recommanda, par une réponse en date du 19 février, le mode de distribution adopté par les Comités anglais et suisse. Le président de la Société des agriculteurs de France eut encore la satisfaction de recevoir des lettres relatives à des souscriptions spéciales ouvertes par la Société agricole de Bréda, et par la Société d'agriculture du Limbourg. Cette dernière lui fit parvenir en une seule traite, le 19 mai, la somme de 10 000 francs. La Suisse montrait la plus généreuse sympathie. Le 24 jan- vier, le général Schumacher, président du Comité de secours du canton de Lucerne, transmettait une circulaire tirée à 20 000 exemplaires par les soins d'une commission de délé- gués des divers cantons, ayant à sa tête M. Baumgartner, de Soleure, président de la Société d'agriculture de Suisse, et pour vice-président M. Grenier, président de la Société agri- cole de la Suisse romande. Le conseiller fédéral Dubs s'était chargé de centraliser les dons des souscripteurs. Le général offrait à M. Drouyn de Lhuys de le mettre en rapport avec MM. Baumgartner et Dubs. Le 5 février, M. Baumgartner envoyait au président de la Société des agriculteurs de France, avec la circulaire précédente, une nouvelle lettre par laquelle il demandait aux conseillers d'État, membres du Comité, de réunir les éléments nécessaires pour qu'il pût présenter à la séance indiquée pour le 14 du mois la situation générale des collectesfaites jusqu'à ce jour. Le président du Comité suisse disait à M. Drouyn de Lhuys qu'il s'attendait à recevoir une somme considérable : a Nous vous prions, continuait-il, de y> nous aider de vos conseils pour la répartition de ces dons, » et de nous désigner des hommes dignes de confiance, habi- )) tant les provinces dévastées par l'invasion et voisines de ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 293 )) notre pays. » Le 17 février, M. Drouyn deLhuys lui répondit en ces termes : Monsieur le Président, J'ai reçu la lettre et les documents que vous m'avez fait l'honneur de m'a- dresser à mon retour de Londres, où j'avais été appelé par le comité anglais pour régler la distribution des semences destinées aux cultivateurs français ruinés par la guerre. La parfaite organisation que vous avez, avec tant de promptitude, établie en Suisse, me porte à croire que les conseils que vous voulez bien me de- mander seront superflus. Je vais néanmoins vous donner mon avis sur les points que vous indiquez. Voici quel serait, suivant moi, le système le plus pratique, vu l'urgence : 1° Les secours destinés aux cultivateurs français seront distribués dans une zone qui comprendra les départements limitrophes ou voisins de la Suisse, et ayant souffert par les ravages de l'ennemi. 2° Cette zone sera divisée en plusieurs sections; 3" Dans chacune de ces sections, un agent envoyé par le Comité suisse se mettra en rapport avec les membres de la Société des agriculteurs de France et avec les bureaux des diverses Sociétés agricoles locales, en faisant publier dans les journaux la circulaire ci-jointe, suivie d'une note indiquant son nom, sa deuieure et les départements qu'il sera chargé de visiter; û" Cet agent, d'accord avec l'autorité locale, constituera (soit par arron- dissement, soit par canton), des Comités composés des membres d'associations agricoles, et dans lesquels ii aura voix délibérative. Ces Comités, après avoir constaté les perles et les besoins, organiseront la distribution des secours. Telle est, je crois, monsieur le Président, la procédure la plus expédilive. C'est celle qu'en dernier lieu j'ai proposée à l'association britannique. Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous offrir l'assurance de mes sentiments de gratitude et de haute considération. La circulaire annexée était ainsi conçue : A Messieurs les membres de la Société des agriculteurs de France et des associations agricoles dans les départements de.,, (visités par l'agent). Messieurs, L'association formée en Suisse pour venir en aide aux cultivateurs français ruinés par la guerre, en leur fournissant le moyen d'ensemencer leurs champs, envoie à cet effet un délégué dans cette région. 29/i SOCIÉTÉ d'acclimatation. Je vous invite à vous mettre en rapport avec lui, pour faciliter par vos renseignements et votre concours l'accomplissement de sa mission. Le président de la Société des agriculteurs de France, Drouyn de Lhcys. Le 23 février, M. Baumgartner répondit à M. Drouyn de Lhuys qu'il agirait autant que possible d'après ses indications. La collecte avait produit, disait-il, à Soleure et à Bâle, où elle était à peu près terminée, 30 000 fr., elle ne devait finir sur les autres points que dans quelques semaines, mais l'interne- ment de l'armée française, qui venait de se réfugier en Suisse, détournait alorsla sollicitude publique de toute autre question. Le 28 mars, le général Schumacher expliquait par le même motif le retard qu'il avait mis à écrire. Malgré les sacrifices que la présence de 85 000 soldats français, arrivés en si pitoyable état, avaient imposés à la bienfaisance helvétique, nos Comités agricoles, ajoutait-il, « arriveront pourtant à » secourir encore passablement les cultivateurs du Jura fran- » çais et des environs. La Suisse allemande seule a réuni, » jusqu'au 15 mars, ZiO 000 francs et 5000 quintaux de se- » menées. La seconde moitié de mars en produira autant » après l'évacuation des internés, car les Comités formés pour » les aider nous donneront ce qui leur restera. Tout cela vous » prouvera combien de sympathies les malheurs inouïs de la » France ont rencontrées parmi nous ; ce qui raffermira » encore davantage l'ancienne amitié qui subsiste entre les )) deux pays. » . En Belgique, outre le comte de Liederkerke-Beaufort, M. Drouyn de Lhuys avait cheixhé à intéresser, à sa propa- gande, MM. le baron de la Boussebère, à Liège, k comte de Kerkhove de Denterghem, à Gand, et M. Bischofsheim, séna- teur, à Bruxelles. Chacun lui promit sa coopération avec em- pressement. V Indépendance belge du 2 février publia la lettre adressée le 29 janvier par Drouyn de Lhuys au Moniteur Uni- versel^ qui montrait où en était l'association anglaise. Un comité s'institua à Bruxelles sous le nom de Comité belge de secours aux laboureurs français, et, grâce àla bonne organi- ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 295 sation agricole du pays, il ne tarda pas à se recruter dans toutes les associations rurales de la Belgique. Cette réunion avait pour président le baron Camille de Tornaco, vice-prési- dent du Sénat et président du Conseil supérieur d'agriculture ; elle comptait comme vices-présidents les neuf présidents d'au- tant de Sociétés agricoles des neufs provinces du royaume. Le comte de Beaufort en était le secrétaire, et l'un des six membres chargés du pouvoir exécutif était M. Jacquet, agent honoraire de la Société des agriculteurs de France pour la Belgique. V Indépendance du V.3 février annonça au public la formation et le but du Comité, et fit un appel chaleureux à tous les propriétaires et fermiers pour leur demander d'en- voyer sans délai, au siège de la Société centrale d'agriculture en Belgique ou à celui de la Société agricole du Brabant, leurs souscriptions en argent, ou des promesses de semences, d'instruments aratoires, de bétail. Consulté à l'avance, par une lettre de M. Bischofsheim du 7 février, puis par MM. de Beaufort et de la Rousselière (lettres du 25 février) et par M. Jacquet (26 février) sur le système le plus pratique à suivre pour venir promptement au secours des cultivateurs français, et sur l'opportunité de limiter l'activité du Comité belge pour ne pas trop s'éloigner de la frontière, iM. Drouyn de Lhuys leur répondit le 20 février et le l"mars, en désignant plusieurs départements, et recommanda le mode d'enquête et de répar- tition qu'il avait déjà proposé à l'Angleterre, à la Hollande et à la Suisse. Le 27 février, le Comité, en exprimant sa grati- tude pour la réponse que M, Bischofsheim lui avait commu- niquée, ajoutait : « Nous avons le ferme espoir que nos » ressources nous permettront bientôt de suivre la marche que » vous nous»indiquez, et que nous facilitera la circulaire que » vous avez bien voulu nous autoriser à publier en votre » nom. » Le 13 avril, le comte de Beaufort écrivait à M. Drouyn de Lhuys : De commun accord avec M. Bullock, nous avons entrepris de sauver d'une famine, trop facile à prévoir mallieureusement, le département des Ardennes, absolument dénué de tout par la guerre, la peste bovine et les rigueurs d'un hiver exceptionnel, et hors d'état de sortir d'une aussi affreuse position. 296 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Nous avons envoyé de l'Orge, de TAvoine;, des Pois, Haricots et Pommes de terre pour plus de ZiO 000 fr. Ces grains sont dès aujourd'hui en voie de distribution par les soins des divers comices a^ricoles^ auxquels nous expé- dions ces jours-ci, en plus, une quantité considérable de farineux, de Pom- mes de terre et de Sarrasin (pour 20 000 fr.). Le 29 avril, il ajoutait : Permettez -moi de reporter à M. BuUock une large part du succès obtenu par nous, succès qui me donne tout lieu d'espérer, dès aujourd'hui, que cette partie de la France (les Ardcnnes) échappera au danger imminent de la famine l'hiver prochain. Pour terminer son œuvre de bienfaisance, exercée pendant cinq mois, M. Bullock, au moment de retourner en Angleterre, outre un versement de 30 000 fr. , effectué par lui au fonds de notre comité, m'a puissamment aidé, vu sa connaissance des hommes et des localités, à or- ganiser d'une manière sûre et rapide l'envoi des semences, etc., aux cinq arrondissements qu'il fallait secourir. M. Dertelle, secrétaire de la Société d'agriculture du département, est mon correspondant quotidien à Charle- ville ; grâce à lui et à son zèle infatigable, toute l'opération a marché à merveille. J'aurai l'honneur de vous faire parvenir, dans le courant du mois pro- chain, le tableau complet des expéditions faites, toutes arrivées à destina- lion, presque entièrement distribuées et pour la plus grande partie confiées à la terre, par le cultivateur, à l'heure où je vous écris. Le tout monte à un chiffre de plus de 65 000 fr. , et comprend en bloc Zi5 000 kilogrammes d'A- voine, environ 62 000 kilogrammes d'Orge d'été, 110 000 kilogrammes de Pommes de terre, 30 000 kilogrammes de Pois, 10 000 kilogrammes de Ha- ricots, 5000 kilogrammes de Sarrasin et quelques instruments aratoires. Toutes ces graines, etc., sont de premier choix. Le comité envoie en ce moment une quantité assez importante de Pommes de terre et d'Orge d'été (valeur 10 000 fr.) à l'arrondissemeut limitrophe de Monlmédy (Meuse), pour lequel des secours ont été réclamés. Nous aurons à nous étendi^e moins longuement sur Tltalie et l'Espagne. Le 30 mars, M. de Casanova, président de l'In- stitut agricole de Barcelona, donnait les meilleures assurances de son désir de coopérer à l'œuvre, et promettait de faire à cet égard tous ses eiforts ; mais sans dissimuler la crainte de n'aboutir qu'à un faible résultat, en raison de la crise politique et économique que traversait le royaume, de la fièvre jaune qui avait sévi dans la capitale, et de la longue sécheresse, sui- vie de grandes inondations de l'Èbre, qui avait détruit les ré- coltes en Catalogne et en Aragon. ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 207 En Italie, il y avait aussi des désastres à réparer : des trem- blements de terre avaient bouleversé les provinces méridio- nales, et le Tibre débordé avait enseveli sous ses eaux une grande partie de Rome. Tout en faisant mention de ces fâ- cheuses circonstances, M. le comte de Torelli, qui avait déjà, en sa qualité de président de V Association de Solféririo et de San Martino, déployé beaucoup de zèle pour assister les vic- times de la guerre, écrivit, le à janvier, à M. Drouyn de Lhuys, qu'il se mettait à son entière disposition pour l'organisation du nouveau Comité. Le 1'' février, il lui annonça qu'il avait réussi ; il avait gardé la vice-présidence pour mieux s'occu- per de l'affaire, et avait fait nommer président le prince Gio- vanelli, le plus grand propriétaire de la haute Italie. Il s'informait en même temps des espèces de graines à recueillir et des divers besoins auxquels il s'agissait de porter secours : à quoi M. Drouyn de Lhuys répondit en lui énumérant comme semences utiles le froment de mars, l'avoine de printemps, l'orge, le maïs et la graine de trèfle, et en le priant de les expédier sous la garde d'un agent, à Bourges et à Nevers. Le 20 janvier paraissait le programme du Comité, dont un exem- plaire fut transmis au président de chacun des comices agri- coles du royaume, lesquels sont au nombre de 300 environ. Dans ce document, M. de Torelli se référait à la démarche faite auprès de lui par le président de la Société des agriculteurs de France ; il citait la souscription réalisée en Angleterre et exprimait l'espoir que l'Italie, si redevable à la nation fran- çaise, se ferait honneur de la soulager dans sa détresse. D'autres personnes agissaient à Naples, en Sicile et à Flo- rence ; on obtint de plusieurs notabilités leur inscription sur la liste de M. Torelli, et l'on s'appliqua à activer la souscrip- tion avec l'aide du comice agricole de Naples. Ce comice pubha un appel dans le Giornaledi Napoli et dans le PIccolo Giornale di Napoli du 3 février, en ajoutant qu'il avait promis au Comité central de faire en sorte que l'Italie ne demeurât pas en arrière des autres peuples dans cette œuvre d'assis- tance internationale. Les dons du Comité de M. de Torelli de- vant se centraliser à Gènes, pour de là être expédiés sur Mar- 298 SOCIÉTÉ d'acclimatation. seille ; nous sommes jusqu'à présent sans autres détails à leur sujet (1). Aux États-Unis, tandis que les comités se multipliaient pour venir en aide aux blessés et aux victimes de la guerre, le mou- vement ayant pour objet de fournir des semences aux culti- vateurs se propageaient surtout dans les riches régions de l'Ouest, et à Chicago, le grand marché au blé de l'Union. Le Ih février, M. Treilhard envoyait à M. Drouyn de Lhuys le compte rendu d'un meeting tenu à Chicago dix jours aupara- vant, dans lequelM. de Chambrun avait prononcé un discours fort applaudi et donné lecture de la lettre du président de la Société des agriculteurs de France au vicomte Treilhard. Le Prairie Farmer insérait à la suite des allocutions un appel adressé à la population par le Comité, qui avait pris, le nom à* associaticm des producteurs pour venir en aide à la France [the producers French aid organisation). Le Comité présidé par M. Wirt Dexter comptait parmi ses membres M. Palmer, gouverneur de l'État de l' Illinois, le colonel Bowen et M. Ni- boyet, et avait pour secrétaire M. Corbett, rédacteur en chef d'un journal important. Dans les provinces de l'Est, ou du lit- toral de l'Atlantique, même élan en faveur des cultivateurs français. Le congrès avait autorisé le efouvernement à faire stationner dans le port de New-York des bâtiments de l'Etat pour transporter gratuitement les vivres et les semences don- nés par les souscripteurs ou achetés avec leur argent. Le New- York Tribune du 6 février publiait le programme d'un comité spécial d' assistance {French Relief Committee) établi par la chambre de commerce, qui avait souscrit elle-même pour 20000 dollars (100000 fr.) Ce comité avait pour président M. Charles Marshall, et le h février il expédiait une dépêche télégraphique au Ministre américain à Londres, pour lui an- noncer qu'un premier crédit de 50000 fr. lui était ouvert sur un banquier de cette capitale, pour qu'il envoyât en France pareille somme au nom du comité. La même feuille reproduit, (1) A.U momeul de mettre sous presse, une lettre de M. le préfet de Ve- nise nous annonce un envoi de 5000 fr. ASSISTANCE TRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 299 en les signalant à l'émulation des agriculteurs des États-Unis, les lettres de M. Drouyn de Lhuys à Lord Vernon en date des 18 et 26 décembre. M. Marshall avait décidé que des exem- plaires de cette correspondance seraient transmis aux prési- dents de toutes les Sociétés agricoles de l'Union. La charité américaine était inépuisable. La seule ville de Boston versa 100 000 dollars (500 000 fr.). Enfin à New-York même, à côté du Comité de M. Marshall, fonctionnait un Co- mité français présidé par M. Cottenet, qui s'intitulait :• Soiis- C7nption patriotique de secours aux blessés français et aux victimes de la guerre. Le 25 mars, d'après un relevé publié dans les journaux par les soins du trésorier, M, Vatable, le montant total des sommes souscrites s'élevaità '001/i3 dol- lars (500 716 fr.), dont la majeure partie avait été distribuée en France. Le 28 mars, le Comité français, par l'organe de son vice-président, M. Thoron, informait M. Drouyn de Lhuys qu'il venait de charger à bord du bateau le Saint-Laurent^ en destination du Havre et à l'adresse de MM. Quesnel frères et compagnie, 36 barils de pommes de terre, blés et haricots. Ces semences étaient envoyées aux agriculteurs français par les habitants de Milford (comté de Pike, en Pennsylvanie) et des environs, et les consignataires avaient ordre de les tenir à la disposition de la Société des agriculteurs de France. Pré- venu le 18 avril, par MM. Quesnel, que les barils étaient arri- vés au Havre, M. Drouyn de Lhuys écrivit à lord Vernon pour le prier d'inviter les délégués du Seed Fund à distribuer ces graines, les moyens d'action de la Société étant entravés par l'insurrection de Paris. Revenons maintenant en Europe, où il nous reste à parler du Danemark et de'Ja Suède, qui montrèrent en cette occasion comme toujours leur cordiale affection pour la France. Le 17 février, le correspondant de M. Drouyn de Lhuys à Elseneur lui écrivait: Monsieur, Nous aussi, nous venons d'avoir notre blocus, et pendant près de quinze jours les glaces nous ont isolés du coniioent. Votre billet du 8 janv ier ne 300 SOCIÉTÉ d'acclimatation. m'est parvenu que le 20^, ainsi que la publication faite à Jersey relativement aux souscriptions agricoles ouvertes en Angleterre en faveur de nos cam- pagnes épuisées. J'ai saisi avec empressement l'idée que vous me suggériez d'encourager en Danemark un semblable mouvement de sympathie. Je me suis mis sans retard en communication avec les présidents et direc- teurs de la Société royale et centrale d'agriculture de Copenhague, et ces messieurs ont immédiatement pris en main celte cause avec toute la bonté possible. Ils ont adressé tout de suite une circulaire aux diverses Sociétés provinciales pour leur faire connaître ce qui se passait en Angleterre, en Suisse, en Hollande, en Belgique, etc., et pour provoquer leurs efforts en vue d'obtenir des souscriptions dan* leurs régions agricoles. Elles se sont assuré un magasin central de Copenhague d'où nous enverrons en France le montant des souscriptions. Ces mêmes directeurs ont public vos lettres dans un jour- nal influent de la capitale, en y ajoutant un chaleureux commentaire. L'affaire est donc bien posée : il n'y a plus à avoir que patience et espé- rance. On y apportera toute la hâte compatible avec les difficultés des transports. Le 3 avril, le même correspondant annonçait que les dons affluaient des difféi^entes Sociétés agricoles: La Société royale de Copenhague vient de commencer ses expéditions par un premier envoi de 16 006 fr. au consul du Danemark à Dunkerque, ^L Bon- varlet, chargé d'acheter pour cette somme des graines d'ensemencement, et de se concerter ensuite avec la Société des agriculteurs de France pour les expédier aux destinations suivantes : le maire d'Arras, le président du co- mice agricole de Alézières et le président du comice agricole deChàlons-sur- Marne. Ainsi l'ont réglé les directeurs d'après les instantes sollicitations qu'ils ont reçues. Le 20 avril, nouveaux détails sur les progrès de la sous- cription : La Société royale vient d'envoyer encore à M. Bonvarlet 15 000 fr., à em- ployer en acquisitions de graines dont il fera la répartition par l'intermédiaire de votre Société. Elle a en outre chargé à bord du bateau à vapeur Ellenore, à l'adresse de MM. Lemmé et C'% à Anvers, deux cents tonneaux de Blé et d'Avoine, que les consignataires doivent faire parvenir à la Société d'agri- culture des Ardennes. Nous n'avons qu'à nous féliciter d'un aussi excellent résultat dans un pays déjà épuisé par mainis appels faits en faveur de nos prisonniers et de nos blessés; appels auxquels ce sage et noble pays a ré- pondu de toutes parts avec un empressement et une Hbéralité qui doivent nous pénétrer à son égard des plus vifs sentiments d'amitié et de reconnais- sance. ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS'. 301 Le 1" juin, le même correspondant faisait savoir à M. Drouyn de Lhuys qu'il avait transmis à la Société royale de Copen- hague l'expression de sa profonde gratitude pour tant d'ef- forts généreux. Le résultat total de la collecte avait été de A2 5H fr. en argent, et 6/15 hectolitres de graines offertes en nature. Le 15 mars, le Ministre de France à Stockholm donnait à M. Drouyn de Lhuys les premières nouvelles de la sous- cription ouverte en Suède. Il s'était formé, quelques semaines auparavant, à Gothembourg, un comité qui, le 13 mars, avait remis à M. Fournierune traite de 28 375 rixdalers(39 5/i7 fr.), en spécifiant que la somme serait consacrée à acheter des se- mences pour les agriculteurs français nécessiteux : « J'ai » prévenu le Comité, ajoutait M. Fournier, que je vous confie- )) rais cette offrande, et qu'il pouvait être ainsi assuré que ses )) intentions seraient exactement remplies. » Le 18 avril, h Ministre de France à Stockholm transmet- tait à M. Drouyn de Lhuys deux nouvelles traites, accompa- gnées de lettres destinées au président ou au vice-président de la Société des agriculteurs de France : « Il m'a été recom- » mandé, dit-il, que ces différentes sommes, qui s'élèvent 5> déjà à environ 96000 fr. soient employées à assister les pe- » tits cultivateurs, et il a été convenu entre les donateurs et * moi que votre Société serait priée de les répartir selon son )) appréciation des situations privées et locales, d Les événe- ments de Paris rendaient impossible l'intervention de la So- ciété. M. Drouyn de Lhuys pria donc le Comité anglais de toucher pour lui le montant de ces diverses traites, ainsi que de celles qui lui arrivèrent ultérieurement, de le faire distri- buer par l'entremise de ses délégués qui s'entendraient avec les Sociétés et les comices agricoles. Lord Vernon s'empressa d'agréer cette proposition. Le défaut d'espace ne nous permettant pas d'insérer ici d'autres extraits de la correspondance échangée entre M. Drouyn de Lhuys et M. Fournier, nous dirons seulement que l'ensemble des dons que la Suède a envoyés aux agricul- teurs français s'élève à près de 200 000 fr. La société royale 302 SOCIÉTÉ d'acclimatation. d'agriculture de Suède, auprès de qui S. A. R. le prince Oscar, régent de Suède et de Norvège, avait daigné faire une démarche, sur la demande du prince Wisniewski, avait fourni sur cette somme hliOOO rixdalers. Les provinces les plus pau- vres, telles que le Wermland et laDalècarlie, ont apporté leur contingent venant souvent de fermes isolées. M. Drouyn de Lhuys exprima sa gratitude par la lettre suivante, qu'il écrivit de Jersey à M. Fournier, le 7 mai: Cher Monsieur et ami, J'ai reçu vos diverses lettres relatives à la souscription ouverte en Suède pour fournir à nos cultivateurs ruinés par la guerre les moyens d'ense- mencer leurs champs. Mes réponses avaient la sèche régularité d'un bon comptable; mais cela ne suffit pas à ma conscience ou plutôt à mon cœur. J'ai besoin de vous dire, au nom de mes compatriotes, dont je suis certain d'être le fidèle interprète, que tous les agriculteurs de France con- serveront un éternel souvenir de la cordiale et généreuse sympathie des Suédois. Je vous réitère ici l'assurance que les dons que vous m'avez transmis seront distribués d'une manière absolument conforme aux intentions des donateurs. Veuillez agréer, etc. L'exposé de tels faits devait trouver une large place dans les annales de la Société des agriculteurs de France. Nos lec- teurs éprouveront comme nous, à la vue de la sympathie dont nos cultivateurs malheureux ont été l'objet, le sentiment d'une vive reconnaissance. Tous, nous en sommes convaincus, au- raient voulu signer la lettre suivante que M. Drouyn de Lhuys vient d'adresser aux présidents des Sociétés étrangères : Lettre du président de la Société des agriculteurs de France aux présidents des Sociétés agricoles étrangères. Monsieur le Président,. Votre Sociéié est une de celles qui ont le plus contribué, durant la crise que vient de traverser la France, à adoucir les souffrances de nos populations rurales. Vous avez bien voulu vous servir de mon intermédiaire pour ac- complir votre œuvre, et me rendre ainsi le témoin journalier de l'inépui- sable générosité avec laquelle vous avez distribué des secours en nature aux cultivateurs victimes de l'invasion ennemie. Je résisterais à tous les senti- ASSISTANCE PRÊTÉE AUX CULTIVATEURS FRANÇAIS. 303 ments que j'éprouve, si je ne me hâtais, à mon retour à Paris, de vous envoyer l'expression de ma vive gratitude. Je vous prie d'être, en cette cir- constance, notre interprète auprès de toutes les personnes qui ont si géné- reusement souscrit en faveur des agriculteurs français. Au moment où la Société que je préside reprend le cours régulier de ses travaux, permettez-moi de vous demander, pour les communiquer à nos cultivateurs, des renseignements très-précis sur la formation de votre asso- ciation et les excellents résultats qu'elle a produits. Ils nous fourniront l'occasion de constater, une fois de plus, la solidarité des intérêts agricoles et la sympathie internationale dont nos malheureuses campagnes ont reçu des preuves si éclatantes à la suite de nos désastres. Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués. Le président de la Société des agriculteurs de France, DFOUYiN DE LhUYS. RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE DE BOULOGNE-SU[\-\JER, ARGACHO.N ET DU HAVRE (1866-1868) Par n. J. Léon SOLBElRAl%' (Suite, voy, p. 168.) PISCICULTURE. Bien que le plus souvent on applique le nom de ^j?'sc2Ci passages ou échelles : on permet ainsi aux espèces nomades de remonter facilement le cours des eaux pour aller trouver les locahtés les plus propices à leur ponte (2). (1) Le chaulageexerce aussi une influence sur la vitalité du poisson, comme on a pu le remarquer dans l'x^rdennes, où la Meuse a beaucoup souffert par suite de remploi de la chaux comme amendement des terrains maigres (de Selys Lonchamps). (2) Milne Edwards, Des eaux douces considérées sous le rapport zootech- nique [Mémoires d'ayric. et d'économie rurale, p. 121, 1863). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 307 Mais ce ne sont pas seulement les barrages qui exercent une influence désastreuse sur le poisson, mais aussi les matières, résidus des fabriques (1), ou provenant du rouissage du Chanvre et du Lin : aussi, presque partout, des ordonnances ont- elles été promulguées pour obvier à ces causes de destruc- tion du poisson. Le curage et le faucardement des rivières et cours d'eau ont aussi une action incontestable sur le repeuplement ; car un assez grand nombre d'espèces déposent leurs œufs sur les plantes aquatiques, et par conséquent l'époque où l'on enlève les végétaux nuisibles à la navigation exerce une influence sur la propagation des poissons : il serait bon, tout au moins, de répartir ces opérations sur plusieurs années, pour laisser une partie du fond et des rives tranquille et, par suite, apte à la reproduction. Quant à la pisciculture embryonnaire, qui s'occupe de déve- lopper les œufs et les embryons, elle a également une grande importance ; mais nous ne ferons pas ici son historique (2) et nous ne rappellerons pas les travaux de nos maîtres dans cet art. Dans beaucoup de localités, soit en France, soit à l'étran- ger, on a demandé à la pisciculture le moyen d'assurer le repeuplement des eaux, et presque chaque expérimentateur s'est ingénié à imaginer quelque modification aux appareils qu'il employait, sans toutefois, sous peine d'insuccès, se dé- partir des principes basés sur les constatations scientifiques (1) En juillet 1865, on a vu beaucoup de poissons morts, flottant dans la Seine entre Épinay et Argenteuil, ce qui paraît être dû plutôt aux eaux alté- rées par les nombreuses usines de Saint-Denis qu'au déversement de Tégout collecteur d'Asnières, qui en est distant de lli kilomètres (a). (2) Notre confrère, M. Millet, a particulièrement insisté sur les avantages que présentent les frayères artificielles pour le repeuplement des eaux {Annuaire de llnstitut des provinces, pages 71-185).— A. Gillet de Grand- mont, Sur l'histoire de la pisciculture {Bull, de la Soc. d'acclim.,t. IX p. 978,1862;. ' (a) Robinet, Nature de l'air tenu en dissolution dans les eaux de la Seine mêlées à l'eau des égouls {Annales de l'agric. franc., 5^ série t. XXVI d 34 -? 1865). ■ ' »F- 1^, SOS SOCIÉTÉ d'acclimatation. rigoureuses qui ont présidé à la construction de ces instru- ments. Si la pisciculture n'a pas donné toujours ce qu'on espérait, cela tient à ce que souvent on n'a pas tenu un compte assez sévère des conditions dans lesquelles on opérait, et à ce que,, au lieu de chercher la multiplication des espèces de poissons indigènes des eaux qu'on voulait repeupler, on s'est presque exclusivement préoccupé d'y introduire les espèces les plus précieuses, mais aussi les plus difficiles, et surtout des Salmo- nidés. Dans quelques cas, on n a pas pris un soin suffisant de s'assurer des mérites et des inconvénients que pouvait pré- senter l'introduction d'espèces nouvelles (1); on n'a pas toujours eu, non plus, la persévérance qu'exigent des entre- prises de cette nature, les soins minutieux qu'il faut pour protéger le poisson, surtout à son premier âge, contre ses nombreux ennemis ; on a manqué parfois de la nourriture né- cessaire à ces myriades de petits poissons qu'on créait et qui leur a fait défaut, etc. Mais ces erreurs personnelles ne prouvent rien contre l'utilité des tentatives qui ont été faites, et nous n'en devons pas moins savoir gré aux nombreux expé- rimentateurs, qui se sont résolument engagés dans la voie qui leur avait été ouverte par nos savants et, en particulier, par M. Coste. On doit distinguer la pisciculture marine de la pisciculture d'eau douce. Si elle est moins avancée, cela tient aux dif- ficultés plus grandes que présentent les espèces sur lesquelles on opère, mais elle n'en est pas moins efficace. Elle s'est pra- tiquée depuis un long temps, à Gommacchio par exemple, pour les Anguilles, à la baie d'Aiguillon, pour les Moules, deux localités où se fait une vraie culture des produits de la mer. De nos jours, sous l'impulsion de M. Coste, Arcachon est le théâtre d'une culture rationnelle de l'Huître, et a servi de modèle à diverses exploitations qui annoncent devoir être fructueuses. (1) M. Helting, surintendant de la pisciculture en Norvège, cite un lac qui s'est trouvé dépeuplé de Truites après rinU'oduclion du Gorkem [Cypri- nus Phoxinus), destiné à servir de nourriture aux poissons carnassiers {Bull, de la Soc. (T acclimatation ^ 2^ série, t. III, p. 205, 1866). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 309 Nourriture des Salmonidés. — On a proposé de donner aux Salmonidés la quantité de nourriture qui leur est néces- saire pour qu'ils puissent vivre et prospérer dans des bassins qui ne peuvent fournir en quantité suffisante de quoi satisfaire à leur appétit. Certaines personnes ont proposé de leur don- ner une proie morte (morceaux de viande, de foie, intes- tins, de la cervelle, etc.). M. Durassié, aumônier de l'École normale de la Sauve (Gironde), dans un mémoire adressé à l'exposition d'Arca- chon, fait observer que la proie morte se détériore rapide- ment, au point d'être refusée par le poisson, après quinze à vingt minutes de séjour dans l'eau, ce qui oblige de la retirer alors avec soin pour éviter la corruption qu'elle engendrerait; en outre, les poissons se montrent assez difficiles, n'acceptent guère volontiers que la cbair musculaire (Bœuf ou Mouton), qui a l'inconvénient être d'un prix élevé, et paraissent goûter moins les proies les plus économiques (1). Il n'y a rien qui puisse d'être comparé à la proie vivante, insectes, crevettes, fretin, qui est très-avidement recherchée des Sal- monidés, et qu'on peut introduire dans les bassins à peu de frais. Cette idée, qui est du reste partagée par toutes les per- sonnes qui s'occupent sérieusement de pisciculture, a été aussi développée très-pertinemment par M. le vicomte de Beaumont qui, dans les environs de Rhodez, a appliqué, avec un grand succèsàl'éducation des Salmonidés, une larve de Simulium (2), et depuis par M. Sauvadon, de Clairefontaine (3), qui a démontré très-clairement l'utilité qu'il y a à employer les Crevettes d'eau douce {Pidex cjammarus) et l'alevin de Yéron pour nourrir les Salmonidés. (1) M. Durassié fait remarquer que les Salmonidés mangent à peine les ■Limaces et les Escargots, se rassasient très-vile des Lombrics, et refusent souvent les intestins de boucherie, qui sont fréquemment imprégnés de matières grasses. (2) M. le vicomte de Beaumont de la Bonninière, Études théoriques et pratiques sur la pisciculture, 1866. — Voy. Bull, de la Soc, 1867. (3) M. Sauvadon, De l'utilité des Crevettes d'eau douce et du Véronpour servir à l'acclimatation de l'alevin de Truites et de iSaumons {Bull, de la Soc. d'acclim.j 2'= série, t. IV, p. 715, 1867). 310 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Quelques éducateurs ont proposé de donner aux alevins, comme nourriture, du lait caillé ; mais nous devons rappeler l'observation du docteur Slack (du New-Jersey), qui a observé la dégénérescence du foie sur un assez grand nombre de pois- sons nourris avec cette substance (i). Mise en liberté des produits, — A. celle époque doit-on mettre l'alevin en liberté? est-ce dès qu'il a résorbé sa vé- sicule ombilicale, ou doit-on attendre une époque ultérieure? Le plus grand nombre des pisciculteurs pensent, et nous croyons avec M. le vicomte de Beaumont, que c'est avec raison qu'il faut garder le jeune poisson dans des bassins, pendant quelque temps, pour pouvoir le protéger contre les nombreux ennemis qui le menacent, surtout aux pre- miers temps de son existence. C'est du reste le procédé que nous avons vu mettre en usage en Norvège, cbez M. Hanson, qui prend bien soin de ne donner la liberté à ses Saumons et Truites, en grande eau, que quand ils sont assez développés pour résister à un grand nombre de causes de destruction. A Stormontfield (Ecosse) on prend même souci de garder les alevins des Saumons, dans les réservoirs, pendant une année entière, et de ne leur donner la liberté que lorsqu'ils chan- gent de livrée et manifestent leur propension à descendre vers la mer. Dans un grand nombre de localités, soit en France, soit à l'étranger, on a cherché à mettre en pratique les données de la pisciculture ; le succès n'a pas toujours répondu aux désirs des expérimentateurs, par suite de circonstances diverses, mais il a été assez fréquent pour qu'on puisse considérer, comme incontestable, l'utilité de la pisciculture faite avec discernement. De nombreuses communications ont été faites, à ce sujet, à notre Société, et leur énumération dépasserait les limites assi- gnées à ce travail ; aussi nous contenterons-nous de citer ici quelques-unes des expériences les plus intéressantes parmi (1) Fourth Report ofthe Commissioners of fïsheries of the State ofCon- necticut, 1870. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 311 celles dont les résultats ont été présentés aux expositions internationales (1). Basses-Alpes. — La Société d'agriculture des Basses-Alpes, persuadée de l'intérêt qu'il y aurait à repeupler les cours d'eau du département, a, avec le concours de M. Charles Fauchier, de Mezel, fondé un établissement de pisciculture dans lequel les incubations se font en plein air, avec le secours d'eaux abondantes, limpides, ne gelant jamais (8° 3/lC R. en hiver), et qui donnent des conditions^aussi rapprochées que possible de ce qui se passe dans la nature. M. Garcin, de Saint-André, a, d'autre part, un établisse- ment de pisciculture parfaitement aménagé, où il opère sur les œufs de Truites obtenus, soit par fécondation artificielle, soit au moyen de frayères naturelles et artificielles. Ardèche. — M. A. de Gigord (de Joyeuse) (2), profitant d'une source qui servait à l'irrigation de sa propriété, et dont l'eau était excessivement favorable à l'élève du poisson, y a formé, de 1859 à 1862, un petit établissement de pisciculture, qui lui donnait des résultats très-satisfaisants, malgré la des- truction de quelques-uns de ses jeunes produits par les Grenouilles et les Serpents ; mais les maraudeurs, profitant de l'éloignement de la ferme, ont porté un coup funeste à son entreprise. La température de l'eau était constante à 15 de- grés, et, après un parcours de 600 à 700 mètres, elle éprouvait une élévation de 2 à3 degrés. Cette température élevée déter- minait une éclosion rapide; mais les jeunes produits, bien que paraissant vigoureux et très-agiles, éprouvaient une mortalité assez considérable. Les œufs destinés à l'incubation étaient déposés dans un casier de zinc à parois percées de trous et munies, sur la face opposée au courant, d'un biseau égale- ment perforé, qui brisait le courant et prévenait le dérange- (1) On pourra consulter sur le même sujet : René Caillaud, Aperçu de l'état actuel de la pisciculture fluviatile dans diverses localités de la France {Bull de la Soc. d'acclim., 2° série, t. I, p. 580, 735, i86/|). — J. Cloquet, Notice sur la pisciculture en France, 1868. (2) A. de Gigord, Pisciculture {Bull, de la Soc. d'agric. de V Ardèche, p. 33^, 1861). 312 SOCIÉTÉ d'acclimatation. ment excessif des œufs. Le casier était maintenu à la surface de l'eau par un exhaussement de pierre, et pour mettre l'ale- vin en liberté il suffisait d'enfoncer un peu la caisse et les jeunes Truites pouvaient alors s'échapper peu à peu à leur volonté. D'autres expériences ont été faites aussi avec succès dans TArdèche, par xM. E. de Plagniol, qui a obtenu, avec des œufs provenant d'Huningue, des poissons de belle taille. Ariége. — Notre regretté confrère, M. de Séré, avait orga- nisé à Foix un de ses appareils, Aqiiariséré, dans des condi- tions assez favorables ; mais trop peu de temps s'est encore écoulé, depuis son installation, pour que l'on puisse déjà indi- quer une solution certaine. Aube. — En 186/i, M. l'ingénieur en chef de l'Aube a institué des essais de pisciculture à Nogent-sur-Seine, à Méry- sur-Seine, à Arcis-sur-Aube et à Bar-sur-Aube. Se basant sur ce que les alevins de Salmonidés vivent dans tous les terrains, depuis les roches ignées jusqu'aux terrains tertiaires, à la condition de trouver des eaux dont la température moyenne ne s'écarte pas sensiblement de 11 degrés (1), et sur les résultats obtenus dans ces essais (2), M. Quillard a monté, à Bar-sur-Aube seulement, une organisation définitive, qui lui a donné un produit de 90 pour 100 (3), et dont les produits (1) Le résultat des essais a été nul à Nogent, de 10 pour 100 à Méry, 50 pour 100 à Arcis, et 70 p. 100 à Bar. La Seine ne nourrit pas de Truites à Nogent ni à Méry, mais à Méry la température moyenne est de 2 degrés au-dessous de celle de Nogont. A Arcis, bien que l'Aube n'y nourrisse pas de Truites (il faut remonter jusqu'à Brienne-la-Vleille pour en trouver quel- ques-unes), la température est de 3 degrés moindre qu'à Nogent, et à Bar, cil autrefois la Truite était très-abondante, la température moyenne est de 5 degrés moindre qu'à Nogent. Ayant pensé qu'il était inutile de tenter la reproduction des Truites dans des rivières oiî ces Salmonidés n'ont jamais existé, par suite de l'influence que la température des eaux exerce sur ces animaux, M. l'ingénieur en chef de l'Aube a donc concentré tous ses soins sur le développement des Truites à Bar-sur-Aube. (2) Si le terrain jurassique est plus particulièrement habité parles Truites, cela tient évidemment à l'abondance exceptionnelle des eaux de sources dans ce terrain {Note de M. Quillard). (3) On doit compter en outre comme perdus les animaux monstrueux, à EXPOSITIONS IJ^TERNA-TIONALES DE PÊCHE. 313 ont été lâchés dans la Seine, la Saigne et l'Ource lorsqu'ils ont eu atteint la dimension d'un Véron. En 1864-65, il a été mis en liberté neuf mille de ces alevins, et en 1865-66, quarante- cinq mille individus. Aveijron. — M. le vicomte de Beaumont, qui possède au Gluzel près Rhodez des eaux propres à l'élève des Salmo- nidés, y a tenté avec succès l'élevage de divers poissons, et a obtenu des résultats très-satisfaisants, surtout sur les feras, une des espèces qui ont occasionné le plus de mécomptes aux éducateurs : pour l'incubation des œufs du Fera^ M. de Beaumont emploie une frayère en éponge placée dans une eau courante, de telle sorte que l'eau arrive sur les œufs par capillarité, sans que ceux-ci soient complètement im- mergés. M. de Beaumont emploie, pour ses éclosions, un clayon- nage mobile ; qui peut être élevé pendant l'incubation et abaissé après Téclosion, et dont les tubes de verre sont assez rapprochés pour ne pas laisser passer le jeune poisson qui repose dessus. Outre ses éducations de Salmonidés, M. de Beaumont a in- troduit, dans les eaux de l'Aveyron, une espèce qu'on n'y trouvait pas jusqu'alors, le Gardon, qui s'est parfaitement dé- veloppé, malgré la cohabitation avec les Truites, qui ont dû en manger beaucoup. B ouches-du- Rhône . — La Société connaît déjàle laboratoire établi à Port-de-Bouc par notre confrère M. Léon Vidal, et qui lui a servi à des expériences du plus haut intérêt, mais qui malheureusement n'ont pas toutes réussi aussi bien que l'ingéniosité de l'auteur pouvait nous le faire espérer. Ses ex- périences sur la stabulation de diverses espèces de poissons, €t en particulier des Muges et des Loups (1), l'ont conduit à deux têtes, ou deux corps, accolés ou bossus, dont le nombre s'élève à envi- ron k pour 100. On a donc, en réalité, obtenu 90 poissons sur 96, car il est évident qu'en liberté comme dans le laboratoire les monstres n'auraient pas vécu. (1) LéoQ Vidal, Éducation et conservation du Loup {bar) à Véiat de sta- 31/i SOCIETE D ACCLIMATATION. des résultats parfaitement pratiques. Le froid seul est le côté dangereux de l'opération, mais, en cas de mortalité, on trouve facilement à vendre le poisson gelé. Creuse. — M. le docteur Cancalon (de Royère) pensa, dès qu'il connut les procédés de pisciculture, à les utiliser sur la Truite commune ; il déposa le produit de ses éclosions dans un ruisseau sans communication directe avec les eaux inférieures, et où, depuis ce temps, la Truite s'est multipliée. D'autre part, il a ensemencé aussi avec un plein succès, en Carpes, Tanches et quelques Salmonidés, un étang de son voisinage abandonné depuis longtemps. Tous ces poissons se sont bien développés, à l'exception des Feras^ qui, chez lui comme chez beaucoup d'autres expérimentateurs, ont complètement échoué. Les premiers insuccès ont été attribués, par M. Can- calon, à ce que les œufs en incubation étaient placés dans les ruisseaux et non dans les sources et, par conséquent, soumis à des variations de température très-préjudiciables à leur développement. Gironde. — Le département a établi à Cadillac, sous la direction des agents des ponts-et-chaussées, un ateher de pisci- culture dont notre confrère, M. de la Blanchère, a déjà rendu compte à la Société (1). Les poissons obtenus par féconda- lion artificielle sont Uvrés au courant de la Garonne chaque année, et l'on affirme que déjà les pêcheurs ont pris plusieurs d'entre eux portant des marques aux nageoires, qui permet- taient de constater leur identité. M. l'abbé Durassié, aumônier à l'École normale de la Sauve, avait présenté à Arcachonetà Boulogne divers appareils ingé- nieux : 1° un tube à pompe en coulisse (2) pour servir de déver- soir à un bassin, en variant à volonté le niveau de l'eau et en retenant le poisson ; 2° un récipient plat, percé de petits trous bulation dans les viviers de la ferme aquicole de Port- de -Bouc {Bull, de la Soc. d'acclim., 2"^ série, t. III, p. 637, 1866). Le même, Education etcon- servation du Muge à Vétat de stabulation {idem, t. IV, p. 190, 1867). (1) De La Blanchère, Établissement de pisciculture de Cadillac {Bull, de Soc. d'acclim., 2^ série, t. V, p. 8ZiO, 1868). (2) Ce système de déversoir consiste dans une double emboîture : l'une, EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 315 pour aérer l'eau au sortir de la source, dans les cas où il n'y a pas de pression suffisante ; pour forcer les gouttes à ne pas se réunir à la partie inférieure de cet égouttoh\ il existe à chacun un système de lames de métal dentelées en demi-cercle, sou- dées à angle droit, de façon que chaque trou du récipient corresponde à une dent; 3° un aquarium de bois et ciment long de 2 mètres, large de 0'",30et haut de O'^jSâ, dans lequel il a pu élever, pendant un mois environ, 600 alevins (Truites et autres Salmonidés), qui y ont atteint la longueur de O'^jOô à C^jOG; Zi° un système d'ardoises suspendues presque à fleur d'eau dans l'aquarium, et servant à appâturer les poissons et à les pêcher facilement au besoin. Les expériences de M. Durassié étaient faites en vue de donner quelques exemples aux instituteurs, élèves de l'Ecole de la Sauve, et de vérifier s'il y avait avantage à faire de la pisciculture à domicile. Malgré ses succès, M. l'abbé Durassié conclut par la négative à moins de circonstances exception- nelles. En nourrissant avec de la viande de Bœuf et de Mouton les poissons qu'il avait réunis dans un bassin, il put les voir se développer rapidement, et leur qualité alimentaire a été ap- préciée de fms connaisseurs. Pendant le cours de ses expé- riences, M. l'abbé Durassié a pu faire quelques observations intéressantes. Il a trouvé que les fonds de sable et de gravier ont des inconvénients dans les aquaria et servent de récep- tacle à toutes les impuretés que l'eau laisse déposer. Pour le poisson nourri à domicile, un petit el^pace est préférable à un grand, car il permet d'être plus assuré de l'alimentation de chacun des élèves, surtout en faisant usage des ardoises, sous lesquelles le poisson cherche un abri, pour s'élancer de là sur la proie qui lui est offerte : si l'on prend soin de fournir au poisson sa nourriture, il n'a plus besoin de ces vastes espaces qu'il lui fallait parcourir pour y trouver en quantité suffisante une alimentation naturelle, et il lui suffît de vivre dans une formée d'une plaque sans trous, porte le tube par où Feau s'écoule; Tautre porte une toile métallique. Ces deux emboîtures, ayant 1 centimètre de distance entre leurs fonçures, rendent très-facile le nettoiement du grillage, qu'il suffit de déboîter, de brosser et de remettre en place. 316 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. eau bien propre, fraîche, pour y prospérer et s'y développer complètement (1). Les orages précoces (2) lui ont aussi paru exercer une influence désastreuse sur ses jeunes poissons (3). Hérault. — Par l'intervention active de notre confrère M. P. Gervais, lorsqu'il était professeur à la Faculté des sciences de Montpellier, diverses tentatives ont été faites pour introduire le Saumon dans la rivière de l'Hérault, mais mal- heureusement sans aucun résultat; depuis 1866, époque où lut péché un Saumon du poids de 500 grammes environ et long de 0'", 19, aucun autre poisson de cette espèce n'a pu être trouvé dans l'Hérault [h). Indre-et-Loire. — Dès 1856, des appareils d'éclosion avaient été installés au Jardin botanique de Tours, où les expériences se sont continuées jusque dans ces derniers temps, sous la direction de notre confrère M. Barnsby ; on a opéré aussi bien sur les espèces à œufs Hbres que sur celles à œufs soudés, et l'on a obtenu des résultats intéressants ; il est à regretter que les alevins aient été mis en liberté à un âge très-peu avancé, et sans doute on eût obtenu des résultats plus satisfaisants en retardant l'époque de la mise en eau libre. La stabulation a permis d'avoir des Truites de 0™,/iO àO^'jSO en quatre ans (5). Isère. — Vers 1770, le curé Garden (de Venosc en Oisans) empoissonna de Truites le lac Lovitel, en y déposant quelques poissons, succès facihtè par l'impossibilité de la pêche pendant ■quelques mois de l'année (elle n'est même facile que pendant « (1) A l'appui de ceUe idée nous cilcrons le fait rapporté à la Société par notre confrère M. le D'" Vouga, et observé par lui chez un pisciculteur de Munich. (2) En juillet et août, les orages ne lui ont paru exercer aucune influence. (3) Un fait, observé par M. Durassiez semblerait indiquer l'action, non du fluide^ mais de la lumière électrique ; en effet, pendant un orage violent, les poissons placés dans une auge découverte périrent en quelques minutes, tandis que d'autres, vivant dans une autre auge placée côte à côte, mais munie d'ardoises, ont presque tous échappé. {k) Gavini, Sur les 'progrès de la pisciculture dans le département de VHérault {Bull, de la Soc. d'acclim., t. V[[, p. 30, 1860). (5) Barnsby, Opérations de pisciculture faites dans le département d'In- dre-et-Loire. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 317 deux mois). Le conseiller Bonneau a empoissonné de même le petit lac de Porcellet, commune de Lamorte, en y introdui- sant, il y a une trentaine d'années, sept Truites ; elles ont pro- spéré car elles sont protégées par la position du lac qui ne permet la pêche qu'au moment du frai. D'autres essais ont été faits, il y a une soixantaine d'années, par Hericart de Thury, dans le lac d'Huez en Oisans, sans succès apparent; dans ces^ dernières années, on trouve des Truites sans savoir, depuis quarante ans, à qui on doit cette réussite. M. Giroud a intro- duit avec succès, dans le lac Pierre-Chatel (le Matesme), la Truite et le Coregone fera ; il a eu soin de réunir plusieurs ruisselets pour permettre une sortie au poisson qui vient y frayer. M. Lesbros a pu introduire également la Truite dans le bassin de la Mure. A côté de ces introductions heureuses, on a constaté quelques insuccès par suite de condition mau- vaise des eaux, de manque de ruisseau aUmentant, de la na- ture de l'eau, etc. (1). M. E. Chaper a introduit, depuis plusieurs années déjà, diverses espèces de Salmonidés dans un lac d'une centaine d'hectares près de la Mure, par 370 mètres d'altitude, et aujourd'hui on y prend des poissons dont le poids varie de 500 grammes à 5 et 6 kilogrammes. Le peuplement ayant été obtenu, on ne fait plus d'incubations artificielles ; la variété de couleurs et de mouchetures que présentent les poissons fait croire à des hybridations qui se seraient produites dans les eaux de la Mure, tl a obtenu en particulier une variété remar- quable par la couleur blanche de sa peau, la nuance vive et l'irrégularité de ses taches, qui diffère beaucoup des Truites des ruisseaux voisins. M. Arm. Dugong, propriétaire au château de la Moisière, près Bonnefamille, avait présenté à Arcachon un appareil qui permet une aération parfaite de l'eau et par suite assure la réussite des incubations. Cet appareil, en bois d'Aune, est (1) A. Gliarvet, Pisciculture : De la destruction et de la reproduction du poisson dans les eaux douces de l arrondissement de Grenoble (Le Sud-Est, 1866, t. Xll,p. 75Zj, 806, 846). 318 SOCIÉTÉ d'acclimatation. composé de plusieurs écluses disposées de façon à ne laisser pénétrer dans les boîtes qu'une quantité toujours égale de liquide ; celui-ci arrive dans les boîtes par des conduits laté- raux, qui contrarient le courant général et donnent à l'eau une agitation très-utile pour l'incubation. Les opérations de M. Dugong ont malbeur'eusement été contrariées, pendant ces dernières années, par une séche- resse excessive qui, en interrompant sur plusieurs points le cours de la rivière où il opère, a mis obstacle à la dissémi- nation du poisson dans le pays, et maintient personnelle une culture qu'il voulait faire à' utilité jniblique . lia cependant pu développer un certain nombre de Truites communes et sau- monnées et exceptionnellement quelques Truites des lacs (un individu de quatre ans mesurait O^'jôl), bien que ces poissons fassent, à leurs congénères, une chasse d'autant plus active que l'espace qui les renferme est plus restreint ; il semble qu'ils détestent la société et fassent le vide autour d'eux. Nous ne devons pas oublier, dans l'énumération des travaux de pisciculture du département de ITsère, les travaux de notre confrère M. le comte de Galbert, qui a obtenu à la Buisse des résultais des plus intéressants (1). Landes. — L'ingénieur des ponts et chaussées a établi àMont- de-Marsan, sur un ruisseau ahmenté par une source d'eau vive, des bassins fermés par une toile métallique très-serrée que l'eau doit traverser, et recouverts de couvercles à mailles qui empêchent les ennemis des alevins d'arriver jusqu'à eux. Les alevins mis dans ces bassins dès que la vésicule a été résorbée y son tnourris de viande pilée, de sang cuit, de larves d'insectes et de mollusques, jusqu'au moment de leur mise en Hberté, c'est-à-dire en octobre. Haute-Loire. — M. de Gausans, dont les travaux ont obtenu, à plusieurs reprises, les récompenses de la Société, opérait, jusqu'en 1852, l'empoissonnement du lac de Saint-Front, d'une (1) Comte de Galbert, Documents de pisciculture applicables à toutes les masses d'eau, etc., 1865. — Le même. Mémoire sur le repeuplement du lac du Bourgetf 1858. • EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 319 superticie de 50 hectares, en y introduisant du fretin de Truites : de 1852 à 1859, il fit des essais de fécondation artificielle qui restèrent infructueux, mais à partir de 1860, à la suite du changement de son fermier, il obtint des résultats très-satis- faisants. L'appareil qu'il emploie et qu'il dépose dans une source (température 100 degrés), pour éviter le trouble de l'eau des ruisseaux à l'époque des neiges, est une double boîte percée, dont la plus grande, en bois, sert d'enveloppe et peut être scellée ; la seconde, à fond grillé, est suspendue au milieu de la première, et reçoit les œufs fécondés sur une couche de gros sable. L'avantage de cette double boîte est que le dépôt vaseux se fait presque tout dans le réceptacle extérieur, et que la petite quantité qui peut se faire sur les œufs n'a pas d'in- fluence funeste sur ceux-ci. Les jeunes Truites sont mises en grande eau à l'âge de trois mois (1). Loire-Inférieure. — M. A. Leroy, qui a entrepris le re- peuplement de la Loire maritime et du lac de Grand-lieu, a imaginé un appareil très-ingénieux pour l'incubation des œufs fécondés naturellement, qu'il emploie de préférence à ceux obtenus par fécondation artificielle. Par l'emploi de cet appareil il évite les changements brusques de tempéra- ture si préjudiciables à l'évolution embryonnaire. Il opère dans un espace clos et dont la température peut être facilement maintenue vers + 8° pour les éclosions hiver- nales et + 15'' pour celles qui ont lieu en été ; il y a dis- posé, le long d'un nmr, et à une hauteur de 1 mètre 80, un plancher horizontal supportant un réservoir dont l'eau s'écoule, parle robinet, dans l'appareil àéclosion. Après avoir traversé celui-ci, l'eau se rend dans une cuvette, puis dans la cuve inférieure, séparée en deux compartiments, où, après s'être filtrée à travers une couche de charbon et de sable, elle est reprise par une petite pompe et remontée par un tube dans la cuve-réservoir. Ainsi, le volume d'eau qui doit parcourir le (1) Congrès scientifique de France, au Puy, XXIl« session, p. Zi39. — D' Langlois, Rapport sur la pisciculture (Soc. d'agric, se. et arts du Puy, 1865, t. XXVI). — M. (le Causans, Application des nouvelles méthodes de pisciculture à la fécondation de la Truite {Bull, de la Soc. d'acclim.,X. VT, p. 118, 1859). 320 SOCIÉTÉ d'acclimatation. • circuit est tout entier renfermé dans la pièce où s'opère l'in- cubation, pièce dont il prend ainsi la température. L'eau est toujours, par le filtrage qu'elle subit à chaque tour, débar- rassée des corps étrangers, des végétations ou des animalcules dont elle a pu se charger dans le circuit. Tous les deux jours cette eau est renouvelée. L'appareil à incubation proprement dit se compose d'une étagère de fer supportant une série de vases de grès superposés, au fond desquels une mince couche de sable préalablement bouilli a été déposée pour servir de lit aux œufs. Bien que placés ainsi au fond de chaque vase, les œufs ne peuvent être le siège d'aucun dépôt de corps étran- gers ou de végétations, parce que le liquide* dans lequel ils sont plongés est continuellement brassé par des courants et des contre-courants ménagés, qui ont pour effet de balayer pour ainsi dire la surface des œufs, et d'enlever les matières étran- gères pour les conduire au déversoir. Le procédé par lequel ce résultat important est obtenu est très-ingénieux, par cela même qu'il est très-simple. L'eau tombant du robinet dans le premier vase d'une certaine hauteur, y détermine un courant plongeant qui, suivant les parois, s'élève jusqu'au déversoir, après avoir balayé la surface du fond. Tombant de là dans le second vase, l'eau y détermine de même un courant plongeant, par cascade^ mais qui se relève bientôt en se heurtant avec un contre-cou- rant semblable créé d'une autre manière. Le vase supérieur porte un petit orifice par lequel l'eau tombe dans le second récipient et détermine le contre-courant plongeant dont nous venons de parler. Ramenée ainsi vers la surface, l'eau du fond est entraînée vers le déversoir, tant par une légère inclinaison du vase que par l'influence prédominante du premier courant plongeant. Le même effet se produit dans le troisième vase par le déversoir et le trou de fond, et ainsi de suite. On le voit, les œufs sont parfaitement et continuellement lavés, au moins à leur partie supérieure ; mais, de plus, les corps étrangers ne peuvent s'établir dans leurs interstices ni à leur face inté- rieure, en raison du courant profond, par soutirage, qui s'éta- blit par les trous de fond, etc. (1). (1) Journal des fermes et des châteaux, p. 12, 1868. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 321 Marne, — Nous nous contenterons de rappeler ici les tra- vaux de pisciculture faits par M. Delouche, à Saint-Martin d'Ablois, dans les propriétés de M. le marquis de Talhouet (1). Meuse. — M. Cicile Brion, de Verdun, a présenté aux di- verses expositions un appareil à incubation qui consiste en une vaste cage circulaire, de toile métallique qui évolue sur elle- même par l'action du courant, après avoir été immergée aux profondeurs nécessaires. Les œufs subissent leur évolution et les Alevins y restent jusqu'à ce qu'ils aient résorbé leur vési- cule ombilicale. Cet appareil, qui donne d'après l'auteur les meilleurs résultats, permet d'opérer, dans toutes les eaux qui ne peuvent laisser déposer le calcaire sur les œufs, de remplir uue condition que M. Cicile Brion considère comme essentielle pour la réussite de l'élevage et de la propagation, c'est-à-dire d'opérer l'incubation des œufs dans le milieu même où l'Alevin doit être mis en liberté : on y trouve aussi l'avantage de forcer les Alevins à vivre au milieu d'une eau courante qui leur donne, quoique enfermée, le moyen de s'habituer à résister à son action. Nous rappellerons encore les travaux intéressants de M. Ma- lard, de Commercy, qui nous a fait connaître à plusieurs reprises, les résultats de ses fécondations artificielles des meilleures espèces de poissons de la rivière de la Meuse (2). (if Delouche, Pisciculture à Saint-Martin d'Ahlois {Bull, de la Soc, dacclim., 2<^ série, t. VIT. p. ihl, 1870). (2) Au moment de Timpression de ce rapport, la Société reçoit de M. Malard un magnifique plan de son établissement de pisciculture accom- pagné de la note suivante : « Au moment où j'étais plus heureux que les années précédentes des résul- tats obtenus pendant Tannée 1869 à 1870, à la veille de vous adresser l'état sommaire des diverses espèces de poissons mis en liberté dans notre partie de rivière de Meuse {alevins provenant d' œufs fécondés et reçus de rétablisse- ment de Huningue s'élevant à 15 000 environ), après huit années d'un travail assidu pour chercher par les moyens les plus convenables à repeupler les cours d'eau de nos pays ; tant de soins, tant de dépenses, l'avenir sur lequel je comptais pour être plus utile à notre Société en augmentant par de nou- velles connaissances les succès nouveaux que j'étais certain d'obtenir ; tout est anéanti, mon établissement de pisciculture n'est plus qu'une ruine, ils n'ont laissé que ce qui a pu échapper à leur vue, ils ont mutilé, souillé ce 2« SÉRIE, T. VllI. — Juillet et Août 1871. 21 322 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. • Oise. — M. Caron,de Beauvais, a organisé un établissement destiné à fournir un repeuplement des eaux du département : les bassins renfermés dans un bâtiment, à l'abri des intem- péries, reçoivent l'eau après qu'elle a passé par un vaste filtre, de 17 mètres carrés de surface et très-facile à nettoyer ; l'eau y arrive au moyen d'un déversoir destiné à diviser l'eau pour la mieux aérer. Les bassins d'alevinage reçoivent de l'eau non filtrée, et, tant que les alevins n'ont pas résorbé leur vésicule, l'eau leur arrive en cascade ; puis ils sont recueillis dans un dernier réservoir, où on les nourrit artificiellement jusqu'au moment de les lancer en pleine eau. qu'ils n'ont pu emporter; voilà l'œuvre de ces vandales prussiens. Je n'ai rien sauvé, je ne puis exprimer ce qu'ils ont fait ; aussi depuis cette destruction, je suis affecté de ne pouvoir plus rendre dans les limites de mes forces aucun service à notre Société. Accablé par les passages incessants des troupes allemandes pendant toute la durée de la guerre, et par la douloureuse posi- tion qui est réservée à notre pays étant devenu plus près des frontières, en pensant que nous allons subir presque les derniers et pendant trois ans la honte d'une garnison prussienne, je vous adresse, Monsieur le Président, le plan d'ensemble de mon établissement de pisciculture à l'époque où tout fonc- tionnait, c'est-à-dire avant l'entrée des troupes allemandes en France ; les perfectionnements qui ont été apportés et qui ne sont pas encore terminés,, n'y figurent pas, entre autres la troisième prise d'eau donnant un volume plus considérable à elle seule que les deux premières, qui est un des points les plus importants pour obtenir des résultats plus satisfaisants. Vous examine- rez la position que j'avais choisie pour être utile à notre Société ; placée au milieu d'un bras de la rivière de Meuse en aval et en face d'un déversoir ayant 26 mètres de largeur, la chute d'eau tombant de 1 mètre 70 de hauteur dans un bassin de 70 à 80 mètres de largeur. Tout ce qui est nécessaire à la nourriture, à l'élevage des différentes espèces de poissons se trouve réuni dans cette partie de rivière : eaux courantes et profondes, bancs e sable, eaux dormantes avec plantes aquatiques. » Par différentes combinaisons j'ai cherché à modifier les eaux pour le bien-être des jeunes poissons, obtenir de l'eau limpide au moment des crues, et froide à l'époque des chaleurs ; vous remarquerez les abris construits dans le réservoir K, etc., etc., » Les efforts réalisés jusqu'à présent pour l'organisation du matériel, et les combinaisons de tous ces travaux sont perdus; mais ce qu'ils n'ont pu dé- truire, c'est la satisfaction de voir les résultats certains que nous pouvons constater tous les jours, en prenant des poissons d'une taille et d'un poids assez remarquables pour que je puisse les signaler à la Société, malgré les ra- EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCflE. 323 Puy-de-Dôme. — La pisciculture a été l'objet d'études très-intéressantes daus ce département et les travaux de MM. Lecoq et Rico sont bien connus de notre Société (l). Hautes-Pijrénées. — Dès 1855, M. le docteur Costallat avait pensé à introduire les Truites dans le lac d'Oncet (près du Midi) ; mais il ne paraît pas que ces essais aient été tentés ou tout au moins qu'ils aient réussi ; car, il y a quatre ans, deux pêcheurs de Baréges, Philippe et Bastien Teinturier, ont déposé à l'automne vingt-huit Truites dans ce lac et autant dans le torrent du Tourmalet, qui en descend ; depuis, dit-on, on voit quelques Truites sauter dans le lac, mais il n'y a pas encore certitude de reproduction. Il y aurait intérêt àfaire cette expé- rience sur une plus grande échelle et à une époque plus favo- rable, au mois de juin par exemple. Il y a quelques années des essais d'introduction de Truites au lac Bleu furent faits avec un plein succès par MM. Soubies, vages de nos cours d'eau pendant la malheureuse année qui vient de s'écouler. » Depuis quelque temps on me signale la prise dans nos environsde Truites saumonées et de Saumons, famille des Bécards, la lèvre inférieure en cro- chet, ces poissons se plaisent bien dans nos eaux puisque aujourd'hui l^-^ août je viens d'en prendre un pesant 6 kilogrammes, ayant 70 centimètres de longueur, kl de circonférence, avec un autre d'un kilogramme, tous deux pris dans le même verveux. Les plus gros ont la chair moins rouge que ceux d'un poids inférieur; l'année dernière, un peu avant la déclaration de guerre, le propriétaire des moulins de Commercy en avait capturé un pesant également 6 kilogr.: ce sont des exceptions, car la plus grande partie de ces poissons sont péchés avant d'arriver aux dimensions que j'ai l'honneur de vous indiquer. ))En résumé, Monsieur le Président, ces résultats peuvent adoucir les peines etles déceptions qui me sont arrivées; mais ce qu'il y a de plus affligeant c'est qu'il me sera impossible pour le moment de pouvoir réparer ce que ces hommes destructeurs ont fait subir à ma propriété et à mon petit établissement. » « F. S. — Aujourd'hui 20 août, encore un Saumon pris, pesant un kilo.» (1) H. Lecoq, De la pisciculture dans le département du Vuy de-Dôme {Bull.de la Soc. d'acclim., t.VII, p. 578, 1860).— Bull de la Soc. d'agr. de VArdèche, 1861, p. 85).— Rico, Pisciculture dans le département du Puy-de-Dôme {Bull, de la Soc. d'acclim., 2« série, t. VI, p. 369, 1869). — A. Gillel de (Irandmont, Éducation du Saumon dans les lacs {idem, t. X, p. 332, 1863). 324 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. Lasserre, Geruzet, etc. ; mais les travaux faits dans ce lac pour distribuer à l'agriculture, pendant l'étiage deTAdour, les eaux réservées en hiver, ont détruit une partie des belles Truites qui s'y étaient acclimatées ; elles y sont rares aujourd'hui et l'abaissement alternatif du niveau de l'eau sur ses bords, détruisant une infinité d'insectes et d'animaux qui leur servaient de nourriture, peut faire douter de leur conservation dans l'avenir. M. Gostallat avait proposé d'établir des frayères flot- tantes pour obvier à cet inconvénient du changement de niveau des eaux, mais diverses causes ont empêché de donner suite à cette proposition. Haut-Rhin. — Notre confrère M. J. Schlumberger, de Guebviller, avait exposé son appareil composé de cuves de fer- blanc disposées sur trois gradins, et dans lesquelles l'eau tombe du sommet de l'habitation sous forme d'une espèce de pluie abondcânte, procédé oui permet à l'eau de s'aérer autant que possible, avant d'arriver sur les œufs : pour diminuer la violencede la chute et obtenir une répartition plus égale de l'eau, chaque cuve est recouverte d'une feuille de zinc percée, qui en outre garantit les œufs du contact des corps étrangers et de l'attaque des animaux. Hwiingue. — Ce fut sur la proposition de notre confrère M. Coste, que le gouvernement français, en vue de vulgariser la meilleure méthode de pisciculture, décida l'installation d'une sorte d'usine chargée de colliger et de distribuer les œufs fécondés de poisson. Cette création d'un vaste appareil cTéclosion, d'où Ion dirigerait ensuite dans nos fleuves et dans nos rivières les œufs de poisson fécondés ou à l'état d'a- levin, fit passer dans le domaine de la pratique une des plus belles conquêtes de la physiologie. Cet étabUssement fut orga- nisé aux environs d'Huningue, sur la commune de Blotzheim, et l'on commença les opérations sur les Truites communes et saumonnées, grandes Truites des lacs, Saumons du Rhin, Ombre-Chevaliers, Feras, et plus tard sur l'Ombre commun et le Saumon du Danube. Les œufs, recueilUs avec soin en Suisse et en Allemagne, sont, après avoir été fécondés sous les yeux des agents qui prennent note exacte de toutes les particula- EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 325 rites intéressantes, apportés à Huningue, où, ils sont soumis à l'incubation jusqu'au moment où Tembryonnement étant assez avancé, ils sont susceptibles d'être envoyés, sans trop de dangers, dans les diverses localités. Le succès d'Huningueest aujourd'hui incontestable et nous n'en voulons d'autre preuve que l'empressement avec lequel, de toutes parts, des demandes, qui augmentent chaque an- née (1), sont faites par des Français et des étrangers. Bien plus, dans un certain nombre de contrées, en Angleterre, en Hollande, en Russie, en Belgique, etc., des établissements analogues, quoique moins'importants, se sont construits, qui témoignent de l'intérêt que présentent de semblables ques- tions, et prouvent que la pisciculture n'est pas seulement une question scientifique, mais est une question d'économie poH- tique, nous dirons plus, elle s'élève à la hauteur d'une ques- tion sociale. Huningue aura eu l'honneur d'inaugurer une période d'ini- tiation; aujourd'hui, il faut faire plus, nous sommes arrivés à la période de propagation, et c'est aux particuliers et aux indus- triels à y entrer résolument. Si nous en croyons le Land and Water du 'Ih juin et du 19 août 1871, l'établissement d'Hunin- gue qui, par suite des malheurs de notre patrie, est aujour- d'hui propriété prussienne, ne périra pas, mais on aurait pris des mesures pour lui donner une plus grande extension sous la direction d'un Prussien venu des provinces de l'Est. Saône-et-Loire. — La Société d'agriculture de Louhans s'est occupée très-activement, pendant plusieurs années, de l'éclosion artificielle de Saumons, Truites et FeVârs. Elle obte- nait, dans un appareil parfaitement agencé, l'éclosion des œufs qu'elle recevait d'Huningue, mais il ne paraît pas que des nombreux alevins qu'elle lâchait dans la Haute-Tulle, elle ait pu obtenir quelques rares Saumons et Feras. Elle a donc (1) Goumes, Notice historique sur rétablissement d'Huningue, 1862. — Docteur de Séré, Rapport sur l'établissement d'Huningue et les services qu'il rend à l'acclimatation {Bull, de la Suc. d'acclim., I'' série, t. V, p. 275, 1868). — Léon Vidal, De la pisciculture par éclosion artificielle {Soc. de slatist, de Marseille, t. XXX, 9 mars 1866). 326 SOCIÉTÉ d'acclimatation. abandonné î'éclosion artificielle et elle se borne aujourd'hui à répandre, dans les rivières qui entourent Louhans, des résidus d'étang tels que Carpillons, Tanches et Brochetons. Depuis cette époque, on s'aperçoit sensiblement de l'augmentation du produit des rivières, malgré la destruction que les maraudeurs font du jeune poisson, qu'ils pèchent au moyen de filets, pen- dant le temps qu'il reste stationnaire (un jour ou deux), en groupes presque à la même place où il a été frété, avant de se répandre dans les cours d'eau, Sarthe. — M. Duffaud, ingénieur des ponts et chaussées au Mans, avait exposé à Arcachon des modèles de boîtes pouvant être immergées, pour conserver l'alevin captif pen- dant vingt à trente jours. Seine. — Nous n'avons pas à rappeller la série des inté- ressants appareils de notre confrère M. Coste, qui sont entre les mains de tous les pisciculteurs et qui sont trop connus pour que nous en fassions la description. Nous ne ferons aussi que citer ici le nom de notre confrère M. P. Carbonnier, qui a cherché à vulgariser l'aquiculture , en fabricant les meilleurs instruments que cet art réclame et dont la Société a pu, à plusieurs reprises, constater l'ingé- niosité. Son étabhssement de Champigny lui permet d'élever avec succès les espèces les plus variées, auxquelles il a joint, dans ces derniers temps, la belle espèce chinoise de Macro- pode, rapportée par notre confrère M. E. Simon (1). Seine-et-Marne. — Dès 1863 et 186/i, W Roy, de Cou- lommiers, avait essayé, avec des œufs provenant d'Huningue, de faire éclore et d'élever des Saumons, Truites, Crabes et autres Salmonés destinés à l'empoissonnement des rivières de la localité, telles que le grand et le petit Morin, affluents de la Marne. La pêche de Truites dans le grand Morin, où l'on n'en avait jamais vu jusqu'alors, provenait indubitablement des éducations de M""^ Roy; l'ingénieur des ponts et chaussées conçut l'idée de suivre ces expériences et reçut, à cet effet, (1) Carbonnier, Sur V accouplement d'une espèce de poisson de Chine {Bull, de la Soc. d'acclim.,2^ série, t. VI, p. Zi08, 1869).— Le même, Note sur un poisson de Chine {idem, t. VII, p. 26, 1870). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 327 une subvention du gouvernement: l'établissement fut construit. Dans un canal à alimentation constante et offrant une petite chute d'environ O'^jSO, situé dans un jardin de M"'' Roy, on disposa dans une maisonnette les divers appareils. Les alevins qui proviennent des éducations sont placés dans une cuve alimentée par un courant constant, et sont nourris, dans le premier âge, avec des jaunes d'œufs émiettés, puis avec de la viande crue, hachée menue d'abord, puis donnée par mor- ceaux. Cette nourriture, à laquelle on ajoute du frai de Grenouilles et de petits poissons, est donnée régulièrement et plus abondamment Tété que l'hiver. Plus tard, les poissons sont placés dans un bassin factice du jardin, où ils reçoivent encore quelque nourriture, mais où ils trouvent quelque proie (1). Quant à la propagation en pleine liberté, qui est la plus importante partie de l'entreprise, les alevins, peu de temps après la résorption de la vésicule, sont jetés dans le Grand- Monin et d'autres cours d'eau, soit par l'administration, soit par divers particuliers, auxquels ils sont remis (2) . On a péché dans les eaux hbres depuis 186/i quelques Truites (3), mais il est bien difficile d'en connaître le nombre exact ; tout donne à penser qu'il a été assez important. Les bons résultats auxquels on est arrivé dans les expériences d'édu- cation en capti^dté ou en demi- captivité donnent d'ailleurs les meilleures espérances sur le succès ultérieur ; comme le fait observer l'auteur du rapport, faire 'produire ne suffirait pas, il faut conserver^ et là l'influence administrative pourrait exercer dans ce sens une intervention utile en protégeant le poisson et en prévenant le maraudage, si désastreux pour toutes les expériences de pisciculture dans tous les pays. (1) Tous les soins nécessaires à rincubalion et à la nourriture des animaux élevés cncaptivilé, sont donnés par ^1°"° Roy, qui a conlinué avec le plus grand zèle ses utiles opérations^ et dont le concours dévoué est vivement apprécié de W. l'ingénieur. (2) On a mis, de 186Zi à 1867, dans le Grand-Morin, environ 10 000 Sal- monidés, dans le Petit-Morin 8000; six autres mille ont été distribués dans divers cours d'eau. (3) Dans TAubalin, affluent du Petit-Morin, qui paraît le plus propice à l'éducation des poissons, on aprisdes Truites du poids de 2 kil. 900, 328 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Seine-hiférieure. — M. Nicole, de Fécamps, a fondé à Gonfreville l'Orcher un établissement occupant plus de h hec- tares de superficie, recevant, par moments, plus de 50 mètres- cubes d'eau, il a plusieurs bassins larges de là"", 60 cenlim. et profonds de 50 centimètres à \ mètre. Les berges sont plantées de Peupliers et d'Artichauts (produit important), ces bassins sont destinés à l'élevage des Truites 150 000, Saumons d'eau douce. Ombres et Ecrevisses 100 000. Il fait usage de caisses munies de deux grillages à chaque extrémité ; le gril- lage extérieur de fer sert à arrêter les herbes, branchages, etc. ^ et les impuretés que l'eau pourrait charrier ; le grillage inté- rieur en mousseline, qui est appliquée contre l'extérieur et qui prend une teinte brune dans l'eau, sert à maintenir l'ale- vin prisonnier, et l'empêche de se blesser contre les rugosités de la toile métallique : au fond de la caisse est une couche de galets de mer de O'^jOS à 0'",10. Tarn-et- Garonne. — La Société d'horticulture et d'acclima- tation de Tarn-et-Garonne avait présenté à Arcachon quelques- uns des produits obtenus avec l'habile concours du regretté M. Wallon, et dont elle fait la distribution entre les divers cours d'eau de la contrée. Elle avait exposé aussi des poissons élevés en eau captive pendant un an à quatorze mois, pour faire connaître les dimensions qu'atteignent les Salmonidés au moment où ils sont mis en distribution. Vosges. — Le dépeuplement des cours d'eau, dont on remarque les tristes conséquences dans tant de nos provinces, a été attribué dans les Vosges à l'avidité avec laquelle la pêche s'opère et d'autre part à l'établissement de canaux de dériva- tion pour l'arrosage des prairies, qui permetlent aux jeunes poissons d'entrer dans les canaux, où ils trouvent des eaux peu profondes et courantes, mais où ils périssent faute de pouvoir revenir aux rivières (1). Aussi a-t-on cherché divers moyens (1) J. Ch. Cliappelier, Quelques considérations sur le dépeuplement pro- gressif de nos rivières et moyens d'empêcher le poisson de périr en masse dans les rigoles d'irrigation et le repeuplement des jjetits cours d'ecai {Ann. de la Soc. d'émul. des Vosges, î. \II}. ;: EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 329 Vi ' *: >il'iqb.yier à cet amoindrissement de la richesse publique par " '^^ès «Itesures conservatri^^^ ou par l'application delà piscicul- ture';" tarmi .les personnes qui ont demandé à ce dernier moyen, tel que l'établissement de cantonnement des crocs de pêche, échelles à poissons, la rénovation de la richesse des eaux, nous devons citer M. lé docteur Chevreuse, qui a opéré à Charmes et a obtenu des résultats non encore complets, mais qui promettent pour l'avenir (1). La pisciculture du reste devait trouver des adeptes dans le pays ou M. Remy avait fait ses précieuses observations sur la reproduction des Truites. Le Saumon, qui se trouvait autrefois dans la Moselle jus- qu'au poids de à à 500 grammes et auquel on donnait le nom de René, en l'honneur du bon roi René, qui était de Lor- raine, pour exprimer sa bonté, a disparu depuis l'étabhs- sement des pêcheries sur le Rhin, et il serait bien désirable qu'on pût obtenir des modifications au régime actuel, de façon à rendre à la Moselle cette précieuse espèce détruite par les grands filels de la Hollande et de la Prusse, qui laissent passer le jeune Saumon descendant à la mer, mais retiennent presque tout ce qui remonte. Yonne. —Dès 1856, M. Grand d'Esnon a fait, dans les eaux du château d'Esnon, des introductions nombreuses des meil- leures espèces de poissons, après avoir pris les soins les plus complets pour détruire le Brochet. Il nourrissait ses alevins avec de la viande cuite et pulvérisée et les lâchait un à un dans une pièce d'eau, où il a obtenu des reproductions au bout de deux ans. Pour nourrir ses Truites et Saumons, il a mul- lipUé les Goujons et Ablettes au moyen de frayères naturelles. Du reste, la Truite paraît avoir été introduite à une époque déjà ancienne dans le département de l'Yonne, car on en trouve de très-beaux spécimens dans les eaux de Toulaq, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'on rencontre ces poissons hors de ces eaux (2). (1) Maudheux, Rapport sur les essais Je pisciculture du D^ Chevreuse {Ann. de la Soc. d'émul. des Vosges, t. XII). ^Bull. 2« série, t. V, p. 82û- (2) Thierry et Penillol, Compte rendu d'une visite au château d'Esnon {Bull, de la Soc. centr. d'agriculture de V Yonne, t. VI, p. ik^). 330 SOCIÉTÉ d'acclimatation. A l'étranger, la pisciculture a fait des progrès plus remar- quables encore qu'en France, et on lui a dû, dans plusieurs contrées, le retour d'une fertilité des eaux qu'on pouvait croire perdue à jamais. Grande-Bretagne, — Il existe en Ecosse un établissement qu'on peut rapprocher jusqu'à un certain point de celui d'Hu- ningue, Stormontfield près Perth ; mais c'est une entreprise particulière, fondée pour aider au repeuplement du Tay, alors que notre Huningue est un établissement d'utilité pu- blique, qui distribue ses produits non-seulement en France, mais fait participer aussi l'étranger à ses expéditions d'œufs. Fondé en 1853, à l'instigation de notre confrère M. Th. Asworth, l'étabUssement de Stormontfield est organisé, d'une manière générale, sur le même plan qu'Huningue ; il en diffère en ce que les rigoles d'incubation sont placées à l'air libre : on y pratique les fécondations de fin novembre à Im décembre, sur 300 000 œufs seulement par campagne, bien qu'il soit facile d'en mettre un bien plus grand nombre en incubation. L'éclosion se fait en mars, après 90 à 120 jours de séjour des œufs sur les rigoles ; les jeunes alevins continuent à séjourner dans les bassins d'incubation jusque vers le mois de mai, époque où ils sont lâchés dans un vivier de 22 ares de su- perficie et de l'",20 de profondeur : ils y restent un an, y re- cevant la nourriture nécessaire et y acquièrent une longueur de 0'°,15 environ, et un poids qui varie de 30 à 50 grammes. Quand, l'année suivante, en mai, les Pars commencent à devenir Smolts, on leur donne la hberté, en ayant soin de ne laisser sortir que ceux qui sont prêts à émigrer et d'en marquer un certain nombre de façon à pouvoir les reconnaître au retour. Dans l'intervalle des opérations, qui ne se font que tous les deux ans, en raison des soins prolongés donnés aux alevins, on enlève, lessive et sèche les graviers des rigoles pour assurer la destruction de tous les germes d'insectes nuisibles aux œufs et aux alevins. L'étabUssement de Stormontfield a-t-ilété profitable aux pêcheries du Tay? Tout porte à le croire, puisque l'accroissement du produit de cette rivière a été plus considérable que dans tout autre cours d'eau de EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 331 l'Ecosse n'ayant point reçu de produits de la pisciculture. Feu Robert Buist évaluait cet accroissement de 10 pour 100, et faisait remarquer avec juste raison que la dépense très- minime ('2500 francs par an) ne pouvait être prise en consi- dération en raison de la plus-value des pêcheries. Stormont- fîeld a eu l'honneur d'avoir été pour le Royaume-Uni, ses colonies et l'Amérique, comme Huningue l'a été pour le monde entier, l'objet d'une agitation qui n'a pu être que profitable à l'agriculture (1). La pisciculture a donné encore des résultats très-satisfaisants sur plusieurs points du Royaume-Uni ; grâce à elle, MM. Asworth ont pu faire des pêcheries de Galway (Irlande) une véritable exploitation aquicole, qui peut servir de modèle à toute entre- prise de ce genre (2). M. Gooper, à Ballsyodare (Irlande) (3), n'a pas obtenu des résultats moins satisfaisants, et a pu démontrer, par des faits, l'influence incontestable de la fécon- dation artificielle sur le repeuplement des eaux (à) . Le pro- duit de ses pêcheries qui , en 1855 , n'avait été que de 1050 francs, était arrivé à lSS2h francs en 1862. M. Fr. Buckland avait présenté à Arcachon et Boulogne d'intéressantes séries relatives à l'éducation des Saumons et aussi à l'ostréiculture. L'année dernière, une tentative d'introduction du Sterled dans les eaux du Sutherland (Angleterre) a été faite par les soins de M. Andrew Murray (5), qui a pensé que ces eaux, qui (1) Delondre, Elevage de la Truite cl rétablissement de Stortmontjield {Bull, de la Soc. d'acclim., 2* série, t. VI, p. 656, 1869). (2) Asworth, Treatise of the production of fishes, 1853. (3) Coume, Rapport sur la pisciculture et la pêche fluviale, p. Zi2. (Zi) Non-seuleiTient M. Cooper a organisé des échelles pour favoriser l'arrivée du poisson dans ses cours d'eau, mais il fit des fécondations el in- cubations artificielles qui lui fournirent une assez grande quantité d'alevins, qu'il lâcha dans ses eaux en 1852 ; dès 1855, on vit un plus grand nombre de Saumons remonter les échelles et arriver aux parties supérieures de ses rivières. (5) Andrew Murray, On the introduction of the Sterlet into Britain {The Field, 3 sept, et 3 déc. 1870). Diverses tentatives de fécondation artilicielle des Slurioniens qui avaient été faites antérieurement par M. Baër, et, d'autre * 332 SOCIÉTÉ d'acclimatation. ne sont souillées par aucun produit de manufactures, offraient les meilleures conditions pour tenter l'acclimatation de cette belle espèce. Grâce à la bienveillance de Son Exe. M. le géné- ral Zelenoï, ministre des domaines de l'empire Russe, toutes les difficultés qui pouvaient se présenter pour la récolte des œufs ont été aplanies, et M. le docteur Knoch fut chargé d'aller, en saison propice, se procurer des œufs fécondés de Sterled dans le Volga. Bien qu'il ait rencontré de grandes difficultés (1) à obtenir simultanément des individus mâles et femelles en état de lui fournir les œufs et la laitance né- cessaires pour ses fécondations artiiîcielles, il réussit ce- pendant, et put expédier en Angleterre un certain nombre d'œufs fécondés et de jeunes alevins de Sterled. Ce savant a observé que les œufs du Sterled ne sont pas libres comme ceux des Salmonidés, mais s'agglutinent aux corps qui leS environnent. Pendant le voyage de Saint-Pétersbourg en Angleterre, les œufs, fixés aux parois d'un vase de verre, suspendu au milieu d'un récipient de cuivre, de façon à éviter tout choc, furent changés d'eau d'une manière régu- lière, et les alevins (2) furent placés dans un vase, muni d'un siphon, qui permettait d'établir un écoulement régulier de l'eau, tout en empêchant que les jeunes poissons fussent en- traînés par le courant; ils arrivèrent en bon état à Edim- bourg, pour, de là, être transportés sans accidents dans le Leith. A l'arrivée au terme du voyage, presque tous les œufs étaient éclos, mais les jeunes alevins avaient parfaitement supporté le transport, ce qui donne de sérieuses chances de succès pour une expérience ultérieure, dans laquelle il faudra même transporter seulement des alevins, puisque ceux-ci sont peu impressionnés par les fatigues da voyage et réclament paît, par le professeur Owsjanikow, de Kazan, n'avaient donné que des ré- sultats incomplets. (1) Un des plus grands obstacles à la réussite de la mission du D"" Knoch, a été la fréquence des jours fériés (trois sur six), pendant lesquels les pê- cheurs russes ne se livrent à aucun travail pendant le transport. (2) L'évolution embryonnaire des œufs de Sterled se fait très-rapidement, ainsi qu'on a pu l'observer pendant le transport. EXPOSITIONS INTERNA.TIONALES DE PÊCHE. 3 33 moins de soins que les œufs. Les jeunes Sterleds, introduits dans les eaux du Duc de Sutherland, ont été mis en liberté quelque temps après leur arrivée à Leilh et paraissaient être tous en excellente condition (1). Norvégfi. — hes succès de ce pays en pisciculture n'ont pas diminué depuis l'époque où nous les avons fait connaître à la Société. Nous en trouvons la preuve dans un document récent de M. Hetting, surintendant de la pisciculture en Norvège. La belle rivière à Saumon de Lauven, qui vient tomber dans la mer à Lauwig, a vu s'accroître de 1865 à 1867 sa production en Saumons, mais malheureusement le nombre des filets dans le bas de la rivière s'est aussi accru en même proportion, et les propriétaires des cours d'eau n'ont pu s'arranger pour une meilleure disposition. Dans le Lardals-elv et le Stordal-elv, où la pêche est amodiée à des Anglais, par suite de la protection des inspecteurs et par l'emploi de l'incubation arti- ficielle, qu'on a pratiquée chaque année, les résultats ont été des plus satisfaisants pour les propriétaires de filets et pour les amateurs de pêche (2). Suède. — La Suède, de même que la Norvège, a demandé à la pisciculture le moyen de rendre à ses eaux leur fertiUté perdue, et le succès n'en a pas été moins grand. M. Hjalmar Widegren, surintendant de la pisciculture en Suède, avait présenté à Boulogne-sur-Mer le modèle de la maison d'Os- tan-beck, où est établi un appareil très-considérable. Cet ap- pareil, placé dans une maison de bois installée au-dessus d'un ruisseau, se compose d'une série de cuvettes de bois, placées en gradins et dans lesquelles l'eau circule au moyen de tuyaux d'entrée et de sortie placés alternativement à >4^haque extrémité des cuvettes. Deux jeux de ces cuvettes (1) Plusieurs essais d'inlroducUon de Sterledont été lentes à plusieurs re- prises dans diverses contrées, la Suède et la Prusse notamment, mais tou- jours au moyen de poissons adultes. Nous croyons que l'expérience, faite à Pinsligation de M. Andrew Murray, est la première entreprise sur des œufs obtenus par fécondation artificielle. (2) lietling, The Xorveyian Salmoji fisheries {Land and Water, 25 mars 1871). 33Zi SOCIÉTÉ d'acclimatation. occupent le centre de la maison, tandis que sur les parois sont disposées, également en gradins, des cuves de bois réservées pour les jeunes alevins. L'eau qui provient d'une source voi- sine est reçue dans une première auge, qui présente à son milieu une planchette de bois, qui empêche le mouvement de l'eau de se propager et permet ainsi aux molécules qui sont en suspension de se déposer avant d'être parvenues sur les Deufs : cette eau, après avoir parcouru toutes les cuvettes, sort par le plancher et va se perdre au dehors dans le ruisseau. Danemark, — M. A. F. Feddersen, qui a établi à Viborg (Danemark) un appareil de pisciculture, lui a donné à peu près la même disposition que celle usitée en Suède : seulement, l'eau avant d'arriver aux cuves, dont le fond est garni de graviers et qui ont leurs déversoirs munis d'une toile métal- lique, passe par deux tonneaux où un jeu de planchettes est organisé de façon à ne pas permettre aux matières étran- gères d'arriver jusque sur les œufs. Russie. — Depuis 186/i, l'Empire russe possède, à Ni- kolsk, un établissement de pisciculture qui a été fondé par M. Wraski, qui y avait été amené par la connaissance des résultats obtenus à Huningue (1). Déjà, vers 1855, des expé- riences avaient été faites dans les propriétés du prince Demi- doff, par M. P. Malischeff (2) qui avait réussi la fécondation artificielle sur la lotte. En 1863, M. le professeur Baer a essayé, mais sans succès, aux environs de Sarepta, la reproduction des Sturioniens, et à peu près à la même époque, le professeur Owsjannikow, de Kazan, a fait, de concert avec MM. Wagner et Kowalewsky, des études intéressantes sur le développement des Esturgeons. Plus récemment, M. le sénateur Van Zeymern a fondé, à une petite distance de Saint-Pétersbourg, un établissement de pis- ciculture qui donne déjà de très-bons résultats : ses premiers (1) Paul Vœlkel; V établissement de Nikolsk pour V éducation des poissons de luxe {Bull, de la Soc. d'acclim., 2^ série, t; VII, p. 508, 1870). (2) P. Malischeff, Notice sur un essai de fécondation artificielle fait aux mines et usine deTrijné-Tagulisk, Russie {Bull, de la Soc. d'acclim,, t. III, p. 583, 1857). .__ EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 335 essais ne furent pas heureux, sans doute, parce qu'il avait tenté d'introduire directement, dans ces eaux, des Sterleds ayant acquis déjà d'assez fortes dimensions, ce qui est une mauvaise condition pour la réussite. C'est également en trans- portant des Sterleds, qu'une tentative d'introduction de ces poissons, aux environs de Saint-Pétersbourg, a été faite dans ces dernières années par les ordres du ministre des domaines, M. le général Zelenoï. Le succès obtenu, l'année dernière, pour se procurer et transporter des œufs fécondés de Sterled, permet d'augurer favorablement pour les tentatives ultérieures. M. Owsjannikow, après avoir fait, en 1868, un voyage à Kazan qui ne lui donna aucun résultat en raison de la saison avancée (fin mai), retourna en août 1 8(39 pour visiter le Yolga et faire des études sur le développement des Sturioniens. Après de longues recherches, il reconnut que VAcipense?' ru- thenus ne fraie pas dans les environs de Kazan et descendit jusqu'à Fiteschi, petite ville située sur le bord du fleuve. Il y trouva les œufs et la laite presque mûrs, mais le petit nombre de poissons qu'il put se procurer l'engagea à descendre en- core jusqu'à Simbirsk, où il apprit du principal pêcheur de la localité de Nobokoff que le moment était proche où Ton prendrait des Acipenser stellatus, ruthenus^ etc., avec les œufs et la laite en état de maturité, et qu'il mettrait à sa dis- position autant de poisson qu'il pourrait désirer. Le 3 mai, M. Owsjannikow trouva ài^xr^ Acij)enser ruthenus ^x). état; il les plaça dans une cuve et les transporta en ville à trois quarts de lieue du Volga. Malgré la perte d'œufs qui s'était faite pendant le trajet, M. Owsjannikow put pratiquer la fécon- dation artificielle et remplir plusieurs cuvettes d'œufs fé- condés; il opéra de la manière suivante : Il reçut la laite dans une cuvette sans eau et les œufs dans une autre, il mé- langea un peu d'eau à la laite et en arrosa les œufs ; après deux à trois minutes de contact, il lava les œufs à deux ou trois reprises, avec de l'eau fraîche, en agitant doucement la cuvette pour séparer les œufs les uns des autres et les répartir plus également sur le fond, auquel ils finissent par 336 SOCIÉTÉ d'acclimatation. adhérer. A ce moment il remplit complètement la cuvette. Le succès de l'opération est plus assuré quand la fécondation artificielle est pratiquée immédiatement sur le bord du fleuve, et quand on transporte les œufs dans des cuvettes pleines d'eau. M. Owsjannikow put s'assurer que le travail embryon- naire était commencé une heure après la fécondation, et ob- server la segmentation totale de l'œuf, comme cela a Heu pour les Grenouilles. En vue de donner plus de précision à ses observations, M. Owsjannikow s'était adjoint les professeurs H. Wagner et A. Kowalewsky (i). A la température ordinaire de l'appartement, l'éclosion des alevins se fait le septième jour. Au moment de la fraye, qui se fait sur un fonds pier- reux, la température du fleuve est de 10 degrés R. (13%5 C). M. Owsjannikow transporta à Saint-Pétersbourg, par Moscou, dans une cuvette pleine d'eau, environ une centaine d'œufs; mais il pense qu'il est préférable d'opérer sur les alevins qui supportent mieux le trajet et pour lesquels la perte est très- minime, 5 à 6 pour 100 tout au plus, M. Owsjannikow et ses collaborateurs ont essayé de prati- quer l'hybridation des diverses espèces de Sturioniens et ont pleinement réussi, mais ils en tirent cette conclusion, que les divers Esturgeons ne sont que des variétés et non des espèces. Au commencement de 1871, M. Owsjannikow est retourné au Volga qu'il a descendu jusqu'à Samara, où il se procura un certain nombre d'œufs fécondés et d'alevins qu'il trans- porta à Saint-Pétersbourg, où ils arrivèrent avec une morta- lité très'-faible, après un voyage de cinq jours. Une partie de ces petits poissons fut déposée dans les divers cours d'eau des environs de Saint-Pétersbourg ; d'autres furent conservés dans des aquaria, où il en périt un grand nombre. Dans un seul aquarium, le réservoir d'une fontaine, les petits pois- sons ont survécu et ils ont grandi ; lorsqu'on les y a dé- posés, ils avaient O"", 007 de long. A deux mois et demi, ils (1) A. Kowalewsky, Owsjannikow el-> Wagner, Die Entwickelungsye- schichte da Store [BulL de l'Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, t.\l\, p. 17J, 1869}. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 337 ont mesuré O'^jOô; ils s'y nourrissent de larves d'insectes. Pour leur faciliter la recherche de leur nourriture qu'ils prennent au fond, il faut avoir soin de ne pas laisser trop de plantes dans leur aquarium. Belgique. — Ce pays avait pris une part importante à nos diverses expositions de pêche, et nous rappellerons ici seule- ment le nom de noire confrère, M. de Sélys-Longchamp, de MM. Desmet et Schram, etc., ayant déjà fait connaître les ré- sultats obtenus en Belgique, pour la pisciculture, dans un rapport précédent (1). Suisse. — Sous l'influence des résultats obtenus par la pis- ciculture, le gouvernement de ce pays s'est préoccupé du réempoissonnement des eaux et a révisé, en vue d'une meil- leure protection du poisson, la législation de la pêche qui était insuffisante ; aujourd'hui il existe des établissements, dépen- dants du gouvernement, dans les trois cantons de Zurich, Neuchâtel et de Vaud. Nous n'avons pas besoin de rappeler ici les intéressants travaux de notre délégué à Lausanne, M. le docteur Cha- vannes, non plus que ceux de nos confrères MM. le docteur Vouga, de Neuchâtel, et Aloys de Loës, d'Aigle; du reste au- jourd'hui la pisciculture est l'objet de travaux intéressants sur divers points de la Suisse (2) . Autriche. — M. Richard, chevalier d'Erco, avait présenté aux expositions françaises ses appareils pour l'élevage des Huîtres et des Moules (3), ainsi que diverses publications in- (1) J. L. Soubeiran, Bapport sur V exposition des produits de pêche de la Haye en 1867 {Bull, de la Soc. d'acclim., 2« série, t. Vf, p. Zi56, 1869). (2) D^ A. Ghavannes, Pisciculture en Suisse {Bull, de la Soc. d'acciim., t. IX, p. 3/i5, 1862).— Le même, Note sur la naturalisation du Saumon du Bhin dans le Léman {Idem, 2° série, t. VI, p. 36Zi, 1869).— A. de Loës, Essais de pisciculture en Suisse {Idem, t. VI, p. ^60). — Le même, Pisciculture à Aigle {Idem, t. VII, p. 146, 1870). (3) Richard, chevalier d'Erco, Sulla coltura délie Ostriche {opuscolo primo, 1862; opuscolo secundo, 1863; opuscolo terzo, iS6U). — Le même, Notizen uber Austerncultur, 1869.— Le même, Sulla coltura dei Pidocchi, 4863. — Le même. Sur la coltura degli Astaci e délie Aragoste, 1863. 2^ SÉRIE, T. VIII. — Juillet et Août 1871. 22 338 SOCIÉTÉ d'acclimatation. téressantes sur la pisciculture (1). D'importants mémoires ont été aussi publiés sur la pisciculture marine dans l'Adriatique par le docteur Schmarda, de Vienne. Hongrie, — Le nombre des poissons qui vivent dans les eaux de la Hongrie ayant notablement diminué dans ces der- nières années, le gouvernement a cherché à donner une vive impulsion aux travaux faits en vue du repeuplement des eaux, et a proposé en 1868 un prix de ZiO 000 francs destiné à récompenser les meilleurs travaux de pisciculture, faits en vue de l'amélioration du lac Balaton. Il a en outre accordé une subvention de 20 000 francs à l'établissement de pisciculture du Jardin zoologique de Pesth. Malgré ces encouragements, il ne paraît pas que, jusqu'à présent, personne se soit mis en mesure de répondre au vœu du gouvernement hongrois. Nous avons cependant appris de notre confrère M. Ladislas de Wagner, que des essais avaient été tentés aux environs de Presbourg, par M. le comte Moritz Palffy, et à Malekang en Galicie, par M. le baron Wittmann-Beaulieu ; mais les résul- tats sont encore trop récents pour qu'on puisse rien en conclure. Italie. — Si nous voyons en ItaKe les pêcheries de Comac- chio fournir, comme par le passé, des produits considérables, jusqu'à présent la pisciculture proprement dite ne paraît pas encore être sortie de la période des expériences. Nous devons cependant rappeler les essais tentés depuis 1865, par ordre de S. M. le roi Victor-Emmanuel, dans les lacs' du domaine de la Royale Mandria, près Turin. Grâce aux soins de M. le che- valier Comba, directeur de cet établissement où S. M. a réuni une collection très-remarquable d'animaux intéressants, quel- ques résultats satisfaisants ont été déjà obtenus, et les Sau- mons, Truites saumonées et FéraSy se sont développés assez bien pour qu'on puisse en pêcher, d'une manière continue, durant les séjours de S. M. à Turin (2). (1) Richard, chevalier d'Erco, Sulla fecondazione artificiale dei pesci, 1863.— Voy. aussi Bull, de la Soc. d'acclim.y 2<^ série, t. VI, p. 113, 1863. (2) Les Truites saumonées, âgées d'un an, pèsent de 100 à 120 grammes; les Truites 60 grammes; quant aux Saumons, ils ont [pris un accroissement EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 339 Nous rappellerons encore les expériences du professeur de Filippi, dans le lac d'Avegliano, près du mont Cenis, celles du docteur Garganico, de Gomo, et de MM. Gavazzi frères, de Como, et Brabbia, de Varèse, qui ont obtenu déjà quelques résultats intéressants. Nous citerons aussi les remarquables travaux de MM. Nardo et Molin sur la pisciculture, et en particulier sur les avantages que présentent les vallées aquatiques du voisinage de Venise, pour la culture des meilleures espèces de poissons (1). Espagne. — Si l'attention de ce pays avait été attirée depuis longtemps déjà sur la pisciculture (2), ce n'en est pas moins des remarquables travaux de notre confrère, M. Fred. Mun- tadas, que doit dater l'introduction de cet art en Espagne, car, le premier, il a passé de la théorie à la pratique, et la beauté des produits qu'il a obtenus est la meilleure preuve de l'excellence des procédés qu'il emploie (3). Inde. — A plusieurs reprises, dans ces dernières années, des tentatives d'introduction de nouvelles espèces de poissons ont été faites dans le gouvernement de Madras, sous la direc- tion de MM. E. G. G. Thomas, et plus tard par le D' Francis Day (A). Mais jusqu'à présent les résultats n'ont pas été satis- faisants, au moins en ce qui concerne les espèces euro- péennes. Une quatrième tentative a dû être faite, dans ces derniers temps, par M. Mac Ivor. moindre encore. Les Ombres-Chevaliers n'ont donné qu'un très-petit nombre d'individus. (1) R. Molin, Sulla piscicuîtura {Atti dellnstituto veneto, S'' série, t. III, p. 711, 1860-61. — G. Nardo, Considerazioni sulla coltura degli animali acquatici nel Veneto dominio, etc. (idem, t. VIII et IX, 1862-63). — Le même, Notizie sulValtuale condizione délie Veneto pesche, 1852. — E. de Betta, Ittiologia veronese per servire alla introduzione délie piscicuîtura, 1852. — Le même, Sulla piscicuîtura in générale e sulla possibilita ad utilita délia sua introduzione nel Veronese, 1862. (2) Ramon de la Sagra, Rapport sur V introduction de la pisciculture en Espagne {Bull, de la Soc. d'acclim., t. IV, p. Zi38, 1857). (3) F. Muntadas, Rapport sur l'incubation artificielle et l'élevage des Salmonidés {Bull, de la Soc. d'acclim., 2« série, t. VI, p. 182, 1869). (Zi) J. Léon Soubeiran, Pisciculture dans les yeilgherries (Bull, de la Soc. d'acclim., 2^ série, t. VII, p. 352, 1870). 3âO SOCIÉTÉ d'acclimatation. Quant aux espèces indiennes, on est parvenu à en introduire plusieurs dans des lacs des Neilgherries, où elles paraissent trouver des conditions favorables à leur multiplication. D'autre part, M. H. S. Thomas, collecteur du South Ganara (1), a pris (1) Les eaux de la province de South Canara sont riches en poissons et pré- sentent des espèces très-eslimées pour l'alimentation de l'homme, mais mal- heureusement des causes de destruction .très-nombreuses ont exercé une influence telle sur leur population, que le Gouvernement a dû aviser aux meilleurs moyens de prévenir la diminution des poissons et a chargé, par décision du 7 novembre 1868, M. H. S. Thomas, collecteur de la province, d'aviser aux meilleures mesures à prendre, sans avoir recours aux procédés d'incubation artificielle. Il résulte des études de M. Thomas que l'empoison- nement des eaux, tel qu'il est pratiqué chaque année par les habitants des villages, exerce une influence très-pernicieuse : ce mode de pêche se fait au moyen d'une pâte de Croton tiglium,d''Anamirta Cocculus, de Capsicum et d'un Posoqueira [nutans ou longispina), qui tue tout le poisson, gros ou petit, accumulé dans les creux qui lui offrent de fraîches retraites et fait sentir son action sur de vastes étendues (a). Les résidus des Pulperies de café exercent aussi sur la population des eaux une action aussi désas- treuse que les routoirs en Europe ; mais on a reconnu qu'il serait facile de prévenir celte infection des eaux par les pulperies, en affectant les résidus à faire des engrais et en prenant soin de ne pas les déverser immédiatement dans les cours d'eau. Sans doute ces causes de destruction sont grandes, mais la dépopulation des eaux tient surtout à une destruction inconsidérée du fretin par des engins de toutes sortes (leur nom est légion), dont les mailles très-serrées ne lais- sent, pour ainsi dire, rien échapper : tout est capturé, aussi bien les petites espèces, que les jeunes des espèces qui peuvent acquérir les dimensions les plus considérables; le nombre des victimes dépasse toute évaluation, et un pê- cheur peut avoir recueilli dans un vase une quantité de poissons à peine suffi- sante pour son repas, et qui, arrivés à leur taille, auraient pu peupler un lac et nourrir une ville entière. Le fretin abondait dans les rivières, qui, dans le Soulh Ganara, sont plus propices à son développement qu'aucune des rivières de l'Europe, maisles Cruives{Gords) sont des engins de destruction terribles. Une grande quantité de poissons, et surtout de fretin, cherche un refuge dans les canaux des rizières (6) où ils trouvent les conditions les plus favo- (a) Celte pâte agit non-seulement sur les poissons, mais aussi sur tous les animaux avec lesquels elle se trouve en contact ; elle détermine également des accidents sur l'homme. (6) Nous citerons en particulier le Kurli, Barbus coniroslrisE. B.; le Kajan, Barbus nov. spec; le Kijan, Barbus Sarana, H. B.; le Kijan-jabbu, Barbus nmphibius, H. B.; le Nedika, Rasbora Buchanayii, F. D.; le Pàchilé, Bai'iïîus Canarensis, F. D.; le Danio micronema,Y. D.; le Kodjan, Haplochilus Hneatus^ { EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 3/lï les mesures les plus efficaces pour assurer le repeuplement des eaux de cette province ; il s'est principalement préoccupé rables à leur d(îveloppement ; les rizières sont en effet des nurseries pisci- coles admirables, qui rendraient les meilleurs services à la condition de supprimer les paniers de bambous, à large ouverture, à large panse, et à gorge étroite, que les Indiens établissent de distance en distance et qui en- gloutissent tous poissons. Ces engins transforment ainsi en un piège terrible ce qui offrait les meilleures conditions d'existence au poisson et détruisent ainsi annuellement, au bas mot, 750 000 000 de jeunes poissons dont beau- coup auraient pu atteindre le poids de 15 à 20 livres. Une autre portion de fretin vit dans les flaques d'eau (a) qui servent de refuge au poisson lors des grandes chaleurs, quand les eaux des rivières se trouvent interrompues par la sécheresse; mais ici encore les Cruives et l'empoi- sonnement font leur œuvre de destruction, et en un jour la richesse des rivières est enlevée pour plusieurs années. A toutes ces causes de destruction il faut ajouter les ennemis naturels du poisson, tels que la Loutre et le Crocodile, dont on pourra amener la dimi- nution par l'offre de primes, de nombreux amphibies qui sont surtout re- doutables pour le fretin (6) mais qui plus tard deviennent la proie des gros poissons et surtout des ophicéphales, des parasites (c), des insectes ennemis des œufs et des alevins (rf); mais toutes ces causes réunies ne sont peut-être pas aussi funestes pour le poisson que Thomme lui-même (e). En raison des objections faites à l'emploi de la pisciculture embryonnaire (/■), H. B.; le Chipale, Polyacanius capanus, C. V.; le Maral, Ophiocephalus Maru- luis, H. B.; le Morte, Ophiocephalus gachua, H. B.; leMurdé, Clarias Magur, H. B.; le Balé, Callichrous Checkra, H. B.; le Puriyôl, 3Iastacemblus armatus, C. V., etc. (a) Tout le poisson ne fraye pas dans les rizières, et une partie dépose ses œufs sur les bords des creux. Certaines espèces, comme le Masheer, paraissent déposer successivement leurs œufs dans plusieurs localités, pendant les quelques semaines que dure la fraye. (6) Les Grenouilles (Hylorana malabarica et flavescens, Bana cyanophlyc- tus, et diverses espèces de Polypedales) font une grande consommation de fretin et doivent être éloignées de tout réservoir, ainsi que les divers reptiles aqua- tiques. (c) Le docteur Fr. Day a observé sur le Masheer des algues parasites, proba- blement l'Achlya proliféra. (d) De nombreux insectes attaquent les œufs, ainsi que des larves et de petits crustacés. (e) On fait une recherche active des Hillocks pour faire avec leurs œufs des gâ- teaux très-eslimés (sorte de poutargue). On estime beaucoup aussi les œufs du Kari et du Kalmuri. if) « Sir John Emerson Tennent {The nalural hislory of Ceylan, p. 342) a » observé que les œufs de poisson fécondés pendant la saison pluvieuse, restent » sans se développer, dans la boue, pendant la saison sèche, et que la vitalité, n en raison de leur état peu avancé d'organisation s'y conserve jusqu'à la pro- 3A2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. de la diffusion d'un excellent poisson, le Mahseer, Barbus mosal. M. Thomas pensa à obtenir par une protection éclairée la multiplication des es- pèces indigènes les plus précieuses, sans perdre de vue Futilité des petites espèces, peu appréciées par l'homme, mais qui constituent le fond de la nour- riture des grosses espèces, et commença par prohiber Tempoisonnement annuel des cours d'eau ; bien qu'il ait eu à lutter contre le mauvais vouloir des populations, accordant aux délinquants un facile appui, et même contre l'inertie de certains agents de l'autorité, il a réussi en partie. D'autre part, il a pris les mesures les plus efficaces pour prévenir la destruction du fretin et a cherché, en apportant quelques modifications au système d'irrigation des ri- zières, si éminemment appropriées au développement du poisson, à faire un appareil de protection de ce que les naturels avaient transformé en engin de destruction. L'opinion où sont les prêtres des temples de Thodikan et de Cicilly que leur dieu Ishwara a fait un voyage de Kailasa à Thodikan sur le dos d'un Masheer, fait qu'ils considèrent ce poisson comme sacré, le nourrissent avec soin et n'en permettent la capture sous aucun prétexte : ils ont, par cette superstition, donné une protection des plus efficaces à cet excellent poisson, qui pullule dans leurs bassins. La facilité avec laquelle les prêtres élèvent le Masheer indique le moyen à employer pour propager cette délicieuse espèce et les eaux de Thodikan, Banlwàl et Cicilly sont une source qui fournirait chaque année pour les rivières de Puiswang et INetravatty, un stock con- sidérable de jeunes alevins, si la garde des rizières était faite stricte- ment. En vue de conserver et de multiplier les poissons dans les eaux du South Canara, M. Thomas a sollicité du gouvernement l'interdiction des Cruives et autres engins destructeurs, la prohibition de la pêche au temps de la fraye, la réglementation des dimensions des mailles. Il a tenu compte de l'alimentation des diverses espèces (a) et fait d'inté- )) chaîne saison pluvieuse, où l'influence simultanée de l'humidité et de l'oxygène » met en mouvement leurs éléments. » On a observé que les Crocodiles et même des poissons jeunes ou adultes ont été trouvés vivants dans la vase desséchée par la chaleur. ISe pourrait-on appliquer ce fait à la pisciculture, au moins pour cer- taines espèces de poisson? Il est à regretter que les limites qui lui étaient tracées n'aient pas permis à M. Thomas de faire quelques expériences à ce sujet. (a) En dressant la liste des poissons du South Canara pour connaître ceux qui mériteraient davantage l'attention du gouvernement, M. Thomas a indiqué, pour chaque espèce, l'époque de la fraye et le mode de nourriture. Il a, dans ce but, examiné et noté le contenu des intestins. Les espèces herbivores se nourrissent de plantes aquatiques, telles que des Podostomacées {Moriopsis hookeriana et Dalzellia pedonculosa], Vallisneria spiralis, ou des fleurs et fruits des plantes voisines du rivage ; d'autres espèces se nourrissent de Mollusques qui ont été déterminés, d'autres sont carnivores et font une chasse active à leurs compa- gnons. On comprend l'importance de ces observations pour le but que se propose M. Thomas. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 3^3 Australie. — Les tentatives persévérantes faites pour intro- duire le Saumon en Australie ont été suivies avec le plus vif Fessantes observations sur les mœurs des poissons (a), mais il s'est principa- lement occupé du Masheer, Barbus Mosal. Le Masheer, qui est le meilleur poisson des eaux du Canara et que M. Thomas affirme pouvoir rivaliser avec les espèces les plus estimées des eaux douces d'Angleterre, à l'exception du Saumon, paraît être l'espèce dont la propagation serait la plus désirable. De même que toutes les Car- pes indiennes, le Masheer paraît grand mangeur de poissons, mais la qua- lité de sa chair compense les ravages qu'il peut opérer. Au moment où les eaux sont hautes, ce poisson abonde dans les parties supérieures des rivières ; il est d'autant plus plein d'œufs et de laite qu'on l'observe plus près des sources ; il redescend les cours d'eau avant que l'incubation de ses œufs soit terminée et l'alevin, ainsi protégé contre la voracité de ses pa- rents, reste aux lieux de sa naissance jusqu'à la mousson prochaine. Le Masheer paraît avoir plusieurs époques pour frayer, car en octobre ou no- vembre on trouve qu'il a des œufs de trois dimensions distinctes, dont les plus gros sont pondus avant janvier par parties, probablement en deux fois (6). On n'a pu encore s'assurer de ce qui advient des petits œufs, qui restent après la ponte de janvier, mais on suppose qu'ils se développent pour être mûrs à la mousson suivante et servent à la ponte de l'année suivante. Le temps nécessaire à la ponte paraît devoir être plus long que pour le Sau- mon, et celle-ci ne s'effectuer que par petites portions au fur et à mesure que les œufs sont arrivés à maturité (c), La disposition des eaux aux environs de Thudikan est très-favorable à l'étude du développement du Masheer, et il sera facile, avec le concours des prêtres de ce temple, de marquer un certain nombre de jeunes poissons, dont on pourra vérifier l'accroissement, quand ils seront repêchés plus tard. Parmi les poissons dont la multiplication lui paraît durable, M. Thomas signale le Hilsa, Clupea palasah, qui grossit à la mer, comme le Saumon, et qui comme lui remonte à une certaine époque de l'année dans les rivières pour y aller frayer. Il pense que le Gourami pourrait être utilement introduit à Karkal et (a) C'est ainsi qu'il a observé que les Nandus malabaricus et marmoratus construisent des nids dans les roseaux et prennent soin de leurs petits comme l'Épinoche, tandis que les Ophicephalus Marulius, strialus et diplogramma prennent soin de leurs jeunes jusqu'à ce qu'ils aient environ 2 ou 3 pouces de long, époque où ils les poursuivent et les dévorent s'ils ne sont pas dispersés loin de leurs parents. (6) Ce fait doit être rapproché de celui observé par M. Seth Green sur VAlausa prœstabiliis (voy. Bull, delà Soc. d'acclim., 2^ série, t. YIII, p. iU, 1871). (c) M. Hetting a fait observer que, dans le Coregonus albula, la maturité de tous les œufs n'est pas simultanée, aussi faut-il, dans les expériences de fécon- dation artificielle, ne faire sortir les œufs qu'à plusieurs reprises. 344 SOCIÉTÉ d'acclimatation. intérêt par la Société (1), et nous dirons seulement qu'il pa- raît que les poissons pris, dans le Der^Yent, sont des Truites (Salmo Triitta) et non le Saumon migrateur (Salmo Sala?'), Pour n'être pas aussi complet que l'eussent désiré les Tasma- niens, le succès n'en est pas moins réel, puisqu'ils ont obtenu, avec le concours dévoué de M. J. Youl, l'introduction dans leurs eaux d'un excellent poisson qui n'y existait pas aupara- vant (2). Canada. — Nous avons eu déjà l'occasion de faire connaître à la Société les heureux résultats obtenus en pisciculture dans dans les bassins des mosquées et temples destinés à abreuver les pèle- rins ou à leurs ablutions, aussi bien que les parties les plus calmes des rivières. Il insiste surtout sur rinlérêt que présenterait la multiplicalion du Cha- nos argenteus, beau poisson, à chair ferme, qui atteint le poids de 20 à 25 livres et une longueur de 36 pouces, et que Buchanan recommandait, il y a soixante -dix ans, comme une excellente espèce {a). On sait qu'Hyder le prisait au point d'avoir fait creuser un bassin exprès pour y élever des Chanos, qui étaient réservés pour sa propre lable. Si ce poisson qui se tient en eau saumâtre où il vit avec plusieurs espèces spéciales aux estuaires (6) ; peut supporter l'eau douce, ce sera une pré- cieuse acquisition, et l'on ne peut rien préjuger à ce sujet, car on connaît dans le pays un étang entre la mer et la rivière qui contient depuis plus de huit ans des poissons marins, qui y vivent et s'y reproduisent. Le Chanos, qui se nourrit de plantes aquatiques et de petits insectes miscroscopiques, vit avec un grand nombre de poissons voraces et en particulier le très-abondant Mesoprion rubellus (c); aussi sa reproduction est-elle très-limitée; mais il serait facile de mettre dans un nouveau bassin creusé exprès des Chanos adultes, de se servir plus tard de leurs alevins pour propager l'espèce, d'au- tant plus que les adultes supportent dilBcilement le transport (H. S. Tho- mas, Report on pisciculture in South Canara, 1870). (1) J. Léon Soubeiran, Rapport sur V acclimatation du Saumon en Tas- manie {Bull, de la Soc. d''acclim.,\.. VII, p. 185, 1870). (2) Bull de la Soc. d'acclim., 2*- série, t. VIII, p. lZi7, 1871. (a) Le Chanos argenteus, qui ne se trouve aujourd'hui que dans un ou deux étangs de Cundapur, y a acquis un goût de vase désagréable, mais qui tient sans doute au milieu dans lequel il vit. (6) Mesoprion rubellus, Caranx melanostethos, Âlausa Scomhrina, Chryso- phrysCalamara, Mugil {Cunnesius ou subviridis), etc. (c) Le Mesoprion rubellus est presque impossible à détruire par suite de l'a- dresse avec laquelle il sait éviter le filet, si bien qu'on ne parvient que bien ra- rement à en capturer au premier coup. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 3/15 l'Amérique du Nord (1), mais nous croyons devoir donner ici de nouveaux détails sur ce qui s'est fait au Canada, où l'on est aujourd'hui persuadé de l'importance qu'il y a à augmenter la production du Saumon, puisque, comme l'a dit Franklin, les Saumons sont des pièces d'argent qu'on tire de l'eau; aussi le gouvernement canadien donne-t-il son appui aux essais de pisciculture dans ces diverses provinces, et fait-il faire des étu- des pour reconnaître les endroits les plus favorables à l'or- ganisation d'établissements d'incubation. Il en possède un, en particulier, à Newcastle Ontario, sous l'habile direction de M. Samuel Wilmot (2) qui l'avait fondé avec ses seules ressources et qui l'a cédé depuis au gouvernement. L'établissement de Newcastle a servi de modèle à plusieurs des États voisins, et a pu céder au gouvernement du Maine plusieurs milliers d'œufs : la facilité et la sûreté avec laquelle les œufs ont été transportés à leur destination ont amené de nouvelles demandes, et, par suite, une nouvelle branche de commerce a pris naissance au Canada, où elle était inconnue jusqu'alors. Les alevins provenant de la piscifacture de New- castle (150 000 environ) ont été déposés dans les affluents de l'Ontario, avec la précaution de choisir de préférence les pe- tites rivières, parce qu'elles étaient des frayères recherchées du poisson, au temps passé de l'abondance de ce i)oisson. La meilleure époque pour le transport des œufs, au Canada, paraît être février et mars, parce qu'alors l'embryon est assez déve- (1) J. Léon Soubeiran, De la pisciculture dans l'Amérique du Nord {Bull., 2« série, t. VIH, p. 20, 1871). (2) Sam. Wilmot, Rapport sur les opérations de pisciculture confiées à ses soins à Newcastle Ontario {Rapport annuel du départ, de la marine et des pêcheries du Canada pour Vannée i 868, p. 88, 1869).— Le même, Rap- ports sur rétablissement ichthtjogénique de Newcastle pour 1869 et 1870 {Id., p. 59, 1870, et p. 271, 1871). Les essais de M.Wilmot, qui remontent à l'automne de 1866, et qu'il a continués malgré les difficultés soulevées par les gens du voisinage qui regardaient son entreprise comme une usurpation de leurs droits de braconnage, ont eu un plein succès, car le nombre des Saumons qui remontent dans sa rivière est plus considérable que par le passé, et, dès 1868, on y a constaté, ce qui n'avait pas eu lieu depuis quinze ou vingt ans, des grilse nombreux. 346 SOCIETE D ACCLIMATATION. loppé pour supporter les fatigues du voyage et ne l'est pas encore suffisamment pour qu'on puisse craindre son éclosion en route, ce qui est une mauvaise condition de succès. Aune époque plus tardive de l'année, il est essentiel d'emballer les œufs dans la glace, qui retarde leur évolution ,et c'est ainsi qu'en avril 1870 on a pu en faire arriver, sans avarie, jusqu'à Augusla (Maine) . En vue d'obvier à la difficulté de la récolte des œufs d'une part, et aux inconvénients que présente la manipulation des poissons reproducteurs, M. S. Wilmot a eu l'idée de construire un appareil dans lequel la récolte des œufs de Saumon pour- rait se faire mécaniquement. Bien que n'ayant pas encore apporté, à son appareil, tous les perfectionnements dont il est susceptible, M. S. Wilmot a pu obtenir, l'an dernier, plusieurs milliers d'œufs de Saumon. Le bâtiment, dans lequel il opère, a QQ pieds de long sur 15 de largeur et 12 de profondeur; on y fait passer, au moyen d'écluses, toute la quantité d'eau dont on a besoin et qui est prise de la petite rivière même; le fond est revêtu d'un plancher uni et porte des pièces de bois hautes de 3 pouces sur 7 qui le divisent en quatre comparti- ments longitudinaux, larges de 37 pouces chacun ; de petites barres sont placées en travers des pièces, à une distance en- viron de 15 pouces les unes des autres et à 3 pouces au-dessus du fond ; l'espace libre est garni d'une toile sans fm qui peut se mouvoir au moyen de rouleaux installés aux deux bouts du bâtiment. Sur les traverses, on a placé un fort réseau de fd de fer galvanisé (n° 12), à mailles de 1 pouce, qui s'adapte juste entre les longrines. Ce réseau métallique est couvert d'une épaisseur d'environ li pouces de graviers assez gros pour ne pouvoir pas pas passer à travers les mailles. On laisse couler l'eau à une hauteur de 9 à 15 pouces au-dessus de cette frayère artificielle de 60 pieds de long sur 15 pieds de large et qui a toutes les apparences du lit naturel d'une ri- vière. Les Saumons, en cherchant à remonter la rivière, en- trent dans le bassin collecteur situé en aval du bâtiment, et, au moment de frayer, le mâle et la femelle se portent sur la frayère artificielle où ils opèrent comme ils le feraient dans EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 3A7 la rivière. Les poissons, en déplaçant plus ou moins les gra- viers pendant la fraye, laissent glisser leurs œufs dans les interstices d'où ils arrivent sur la toile sans fin ; en mettant celle-ci en mouvement, les œufs sont apportés jusqu'au rou- leau et viennent, en se détachant eux-mêmes, tomber dans un récipient dans lequel ils sont portés à la chambre d'in- cubation. Plusieurs douzaines de Saumons peuvent frayer en même temps dans l'appareil. Depuis l'établissement de la piscifacture de Newcastle, le nombre des Saumons, a considérablement augmenté dans la rivière, il y en a même eu davantage en 1870 qu'en 1869 (on en a vu jusqu'à quatre cents ensemble dans la piscine) . M. Wilmot n'a pas seulement opéré sur le Saumon mais aussi sur le poisson blanc {Coregonus albus), excellente espèce qui tend à disparaître des eaux du Canada, par suite de l'âpreté avec laquelle on en pratique la pêche. Il est par- venu à amener à bien l'éclosion des œufs, bien qu'elle soit plus difficile que celle du Saumon, et la découverte qu'il a faite d un petit crustacé, habitant les racines des herbes aqua- tiques, lui permet de réussir aujourd'hui à coup sur l'élevage de ses alevins. {La suite au prochain numéro.) ENSEIGNEMENT DE LA. SÉRICICULTURE DANS l'empire austro-hongrois, Mesures prises pour le développer. — Utilité de l'application à la France. Propagation des petites éducations en sériciculture par l'enseignement théorique et pratique de la sériciculture dans les écoles primaires, Par M. Augustin DELO^'DRE Membre de la Société d'acclimatation, de la Société botanique de France, etc. Membre honoraire correspondant de la Silk supply Association d'Angleterre, Membre correspondant de la Société centrale I. et R. d'agriculture de Vienne (Autriche), etc. La Société d'acclimatation a toujours pris, dès son origine, un intérêt trop sérieux aux besoins de la sériciculture en s'oc- cupant de l'introduction de races nouvelles du Bombyx mori, ou de Vers à soie auxiliaires de divers pays, pour que je puisse hésiter à lui soumettre quelques considérations que l'étude de la sériciculture à l'étranger a fait naître dans mon esprit. Frappé du développement vraiment considérable que la sériciculture a pris dans l'empire austro-hongrois dans un temps relativement très-court, sous l'influence des mesures prises à cet effet, j'avais d'abord réuni quelques notes sur ce sujet d'après des documents officiels obtenus par l'intermé- diaire de mon savant collègue et ami, M. Ladislas de Wagner, professeur à l'École I. et R. polytechnique de Pesth (Hongrie), €t M. Ferd. Hiller, secrétaire-rapporteur de la commission supérieure de sériciculture près le ministère I. et R. d'agri- culture de Vienne (Autriche). Ces notes se sont développées peu à peu de manière à former l'article, peut-être encore trop imparfait à mon gré, que je soumets aujourd'hui à la Société. J'espère cependant que tel qu'il est la Société y trouvera une idée utile. En effet, l'industrie de la soie est une des plus importantes de la France ; or la France, pour réparer les pertes que vient de lui faire subir sa guerre désastreuse avec l'Allemagne du Nord, a besoin de développer toutes ses ras- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 3iid sources et notamment toutes ses ressources industrielles. En étudiant les mesures appliquées dans l'empire austro- hongrois pour développer la production de la soie, il nous a semblé que quelques-unes au moins de ces mesures pourraient être utilement appliquées dans notre pays. Parmi ces mesures, l'organisation d'un enseignement séricicole théorique et pra- tique à tous les degrés nous a semblé mériter surtout de fixer notre attention. Pour mieux faire comprendre la tendance progressive bien marquée déterminée par l'organisation de cet enseignement, il nous a semblé utile de commencer par exposer succinctement les besoins du marché de la soie dans le monde entier et les mesures que ces besoins ont fait naître. On sait, en effet, que la production de la soie est devenue in- suffisante pour satisfaire à la consommation, et que les préoc- cupations amenées par l'insuffisance des sources de l'approvi- sionnement se font jour dans tous les pays et se manifestent par des mesures destinées à augmenter la production. MaUré les efforts faits dans tous les pays producteurs et même en Chine pour augmenter la production de la soie, efforts attestés dans ce dernier pays par la proclamation de Shen, le taotai de Chin-keang, insérée dans le journal de l'association britannique pour le développement de la produc- tion de la soie {Silk supply Journal, 1870, n° 5, vol. 1), la production devient en Chine de plus en plus insuffisante, et dans tous les pays il en est de même. En Amérique, les États-Unis du nord et notamment la CaU- fornie {Bulletin, T série, t. VI, p. 399) (l) d'une part, et, (1) Mentionnons notamment, d'après un article de « VAlta California .i , les efforts heureux faits par la California silk supply company dont l'état en 1870 était très-florissant. Elle avait élevé 3000 000 de Vers à soie. Elle avait à vendre ZiOOO onces de graines de la variété française bien connue. Ces graines se vendaient dans les environs quatre dollars l'once et la soie brute dix dollars. La variété française propagée généralement est la mieux connue et la plus estimée en Europe. Elle est la plus forte et la plus appré- ciée sur le marché ; c'est celle qui a le plus souffert de la maladie en Europe pendant les dernières années {The silk supply Journal, vol. I, p. 1^7). Sans entrer dans plus de détails, nous dirons que la Californie paraît pro- 350 SOCIÉTÉ d'acclimatation. d'autre part, les républiques de l'Amérique centrale et du nord de l'Amérique méridionale {Bulletin, 2^ série, t. Y, p. 167 et 291) ont déjà fait des tentatives assez heureuses pour se transformer en pays producteurs; mais c'est surtout en Eu- rope qu'on s'est occupé plus sérieusement des mesures con- venables pour remédier à la situation actuelle. En dehors de l'Italie et de la France, pays éminemment sériciculteurs dans lesquels savants, praticiens, hommes d'État, etc., etc., chacun lutte à l'envi pour trouver une issue favorable à la crise, et de l'empire austro-hongrois, dont nous exposerons plus loin les efforts pour arriver à une production sérieuse, d'autres pays prennent en Europe une part active au développement de la production de la soie. En Angleterre, l'association pour le développement de la production de la soie, la Silk supply association (voy. Bul- letin, 2' série, t.VI, p. 169 et 728, et t. VU, p. Zi91), qui s'est formée sous la présidence de M. Thomas Dickins, prend un développement de plus en plus grand. L'association mère a déjà donné naissance à des sociétés affiliées à Macclesfield, à Goventry, à Derby, et d'autres se formeront probablement dans un court délai. L'association avait chargé son président de publier un manuel de sériciculture : ce manuel est paru sous le titre de « Guide to sériciculture », et l'auteur y a joint un extrait de la relation d'un premier voyage de M. Adams dans les districts séricicoles du Japon. On sait combien sont intéressants, surtout en ce qui con- cerne rOudji, parasite des Vers à soie si nuisible à la produc- tion des graines ainsi que de la soie, les faits signalés tant dans la relation de ce premier voyage que dans les relations des voyages ultérieurs de M. Adams, secrétaire de la légation britannique au Japon. L'association britannique pour le développement de la pro- duction de la soie pubUe du reste un journal, d'abord men- mettre de devenir une source sérieuse d'approvisionnement et pour la graine de vers à soie et pour la soie même. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 351 suel, devenu depuis trimestriel, the Silk siipply Journal, qui rend compte des progrès de la sériciculture en Angleterre, dans les Indes britanniques et dans les colonies britanniques, notamment dans les colonies de l'Australie et du cap de Bonne- Espérance. Ce journal donne aussi des renseignements sur le développement de la sériciculture dans tous les pays ; il nous tient au courant de ce qui se passe à cet égard, même en Chine et au Japon, tant au point de vue théorique et pratique qu'au point de vue législatif, en puisant ses données dans les -rapports des agents diplomatiques du gouvernement britan- nique. Ces agents, pour se renseigner, fontmêmedes voyages dans l'intérieur du pays : rappelons notamment les voyages de M. Adams, déjà cités plus haut. Citons encore différents articles sur le traité avec la Chine, etc., etc. Un article du premier numéro de ce journal intitulé : Trade Schools, Ecoles professionnelles^ indique que les pro- moteurs de l'association ont bien compris que l'enseignement pouvait, ici comme ailleurs, fournir des données utiles au progrès. Mais les pays antérieurement indiqués ne sont pas les seuls où la production de la soie soit prise en considération. Du nord au midi, de l'ouest à l'est, nous voyons dans les divers pays de l'Europe faire de grands efforts pour développer la production de la soie. En ce qui concerne la Russie, nous connaissons les expériences faites à Riga {Bulletin^ 2^ série, t. VII, p. /i83). En Suède, la Société de sériciculture de ce pays s'occupe de tentatives sérieuses, et, parmi les éducations faites sous ses auspices, nous citerons entre autres celles d'un de ses membres, M. Otto Fahnehljem. En Hollande, nous mentionnerons les efforts heureux de M. le docteur L. C. E. Fock, d'Amersfoort [{Bulletin, 2^ série, t. VI, p. 731); en Suisse ceux de M. le docteur R. Henzi à Berne, de M. le doc- teur Chavannes à Lausanne, etc., etc. En Afrique même, dans le voisinage de nos possessions algériennes, nous pouvons faire connaître, entre autres, les éducations faites en Tunisie, sous les auspices de M. le géné- ral Khérédine {Bulletin, 2« série, t. VII, p. 33). 352 SOCIÉTÉ d'acclimatation. En Allemagne, la sériciculture tend à se généraliser : tous ceux qui s'occupent de sériciculture ont entendu parler des éducations de M"' Baumann, deBamberg, en Bavière. La Société d'acclimatation de Berlin (Prusse) s'occupe depuis sa fondation de développer la sériciculture, non- seule- ment en Prusse, mais aussi dans le reste de l'Allemagne : une lecture même superficielle des rapports sur les éducations exécutées annuellement sous les auspices de cette Société, que publie son bulletin {Zeitschrift), nous a fait voir quelle part les instituteurs {Lehrer) prenaient à la propagation de la sériciculture; cette part déjà importante ne doit-elle pas nécessairement progresser beaucoup? C'est assurément l'opi- nion de ceux qui étudient sérieusement la question, ainsi que nous le verrons plus loin. Mais revenons à l'Empire austro-hongrois. C'est surtout depuis 1859, époque où l'empire austro-hon- grois a perdu la Lombardie, que la tendance progressive à développer la production de la soie qui, jusque-là, avait été l'apanage presque exclusif de la Lombardo-Vénétie, s'est mani- festée dans les autres parties de l'empire ; c'est sous l'impul- sion de cette tendance que se réunirent, au mois de juillet 1861, MM. Nikolaus Wang, Cari Hawa, Wenzel Cap et Ghristof Liebich, pour former un comité provisoire qui devait être le noyau de la Société pour le développement de la culture du Mûrier et du Ver à soie en Bohême. Dès cette époque, les quatre organisateurs du Comité pro- visoire considéraient l'enseignement comme le levier le plus puissant à mettre en œuvre pour arriver au résultat qu'ils avaient en vue. Aussi commencèrent-ils par faire distribuer à quatre-vingt-neuf écoles, en les répartissant entre ces écoles, 1922 pieds encore jeunes de Mûriers, en même temps que l'un d'eux, M. Nikolaus Wang, publiait sous le titre « Popu- laere Anleitung zur Ciiltur des Maulbeerbaumes n , un manuel populaire de culture du Mûrier, dont 2000 exemplaires étaient donnés aux personnes intéressées à cette culture. Le 2/i janvier 1863, Sa Majesté I. et R. apostoUque don- nait sa haute sanction aux statuts de la Société proposés par ENSEIGNEMENT DE LA. SÉRICICULTURE. 353 le Comité provisoire et, au mois de mai 1863, la Société comptait déjà 152 membres (1), en même temps qu'il se con- stituait dans le pays deux autres sociétés analogues : nous verrons ultérieurement que ce mouvement progressif s'est continué d'une manière encore plus marquée jusqu'à l'époque actuelle. Avec Tannée 186/i, la Société avait commencé à publier en langue allemande un journal sous le titre : Allgemeine Sei- denbauzeitung y journal général de sériciculture. Une édi- •tion de ce journal en langue tchèque fut aussi ultérieurement publiée. La Société avait continué à marcher dans la voie indiquée par le Comité provisoire, en prenant principalement pour base l'enseignement à tous les degrés : l'enseignement a du reste toujours été l'objet de ses plus sérieuses préoccupations. Lorsqu'elle organisait des expositions de sériciculture, elle en profitait aussi pour organiser des conférences sur la séri- ciculture qui venaient s'ajouter encore à l'enseignement ordinaire. Mais l'Empire austro-hongrois perd bientôt entièrement la Lombardo-Vénétie,etse sent de plus en plus dans la nécessité de développer la sériciculture dans toutes les parties de l'Empire. Une enquête sur l'état de la sériciculture fut alors décidée dans l'Empire austro-hongrois : elle eut lieu en 1866, et dans le congrès qui la suivit en .1867 nous voyons encore l'ensei- gnement considéré unanimement comme la pierre fonda- mentale du développement de la soie dans l'Empire austro- hongrois. Le rapport de l'Exposition d'agriculture et de sylviculture de Vienne en 1866, le catalogue de la section autrichienne de l'Exposition universelle de Paris en 1867, et une lettre de (1) Ce nombre s'est élevé ultérieurement à 500, en outre il s'est formé dans les chefs-lienx de cercle (Kreisstaedtn) à Brun, à Kœniggrœtz, à Jicin, à Taus, à Hohenmauth, de petites sociétés affiliées dont les deux premières ^contiennent au delà de deux cents et les trois dernières une centaine de mem- bres. 2« SÉRIE, T. VllI. — Juillet et Août 1871 . 23 35ZI SOCIÉTÉ d'acclimatation. M. Oskar Zlik, de Bielitz, dans la Silésie autrichienne, nous avaient déjà fait connaître, relativement à l'enseignement de la sériciculture, différents faits que nous avons signalés dans deux articles succincts insérés, l'un dans le numéro 3 de J870, p. 125, de la Revue et Magasin de zoologie, publié sous la direction de M. Guérin-Menneville, et l'autre dans le n° A, 1870, p. 156 du même recueil : nous croyons devoir les réunir ici en les modifiant et les complétant d'après les ren- seignements plus récents que nous avons reçus, tels que le rapport de l'enquête sur l'état de la sériciculture dans l'Em- pire austro-hongrois, le compte rendu du congrès séricicole de 1867, diverses communications de la Société séricicole de Prague et de la station I. et R. de recherches séricicoles de Gôrz (l), le journal hebdomadaire du ministère I. et R. d'a- griculture de Vienne, etc., etc., ainsi qu'une lettre person- sonnelle de M. Ferdinand Hiller, secrétaire-rapporteur [Schrift- fiihrer) de la commission supérieure de sériciculture près le ministère I. et R. de l'agriculture à Vienne, directeur général de la Société de sériciculture de Bohême (à Prague), etc., etc. En parlant du compte rendu du congrès séricicole de Vienne, en 1867, que nous venons de mentionner comme une des sources où nous avons puisé les éléments de notre travail, nous croyons utile d'examiner ici avec quelque détail, d'après les actes de ce congrès {Verhandhmgen der Seidenbaucon- gresses)y rédigés par son secrétaire-rapporteur, M. Arthur von Hohenbruck et publiés par le ministère du commerce et de l'agriculture {K. K. Ministermm fur Eandel- und Volks- wirthschaft) de Vienne (Autriche), l'opinion de ce congrès sur les sujets que nous passons en revue. (j) Nous écrivons Gorz conformément à l'orthographe des documents oflS- ciels émanés du ministère I. et R. de l'agriculture de Vienne, et de la station même, et non Goritz, comme l'appelle M. Pasteur dans ses Études sur la maladie des vers à soie; les deux noms désignent du reste une seule et même localité. Quant à l'ouvrage même de M. Pasteur, nous en recom- mandons la lecture approfondie à tous ceux qui s'occupent de séricicul- ture et qui s'intéressent à l'avenir de cette branche de noire industrie natio- nale. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 355 Dans l'examen de la question II, Je congrès s'était exprimé formellement en faveur de la création d'au moins une station de recherches ou d'essais séricicoles et de plusieurs établisse- ments d'essais de graines de Vers à soie à répartir entre les différentes parties de l'Empire austro-hongrois. Les discussions de la question V avaient fourni au congrès l'occasion de s'exprimer en faveur de l'introduction de la séri- ciculture dans les écoles primaires et du développement de l'institution des professeurs nomades pour l'enseignement de la culture du Mûrier et de l'élevage du Ver à soie. En ce qui concerne l'introduction de la sériciculture dans les écoles primaires {Volksschulen), M. le docteur Wilh. Hamm, commissaire du gouvernement (Regierungsvertreter) près le congrès, s'est exprimé ainsi : Cette importante question est la seule sur laquelle toutes les Sociétés de l'Empire, tous les hommes pratiques qui ont été consultés, soient complètement d'accord. Je donne, au nom du ministère, V assurance que le gouver- nement fera tout son 2:)0ssihle pour agir puissamment et avec succès dans le but d'introduire renseignement de la séricicul- ture dans les écoles primaires, M. le docteur W. Hamm ne s'exprime pas ensuite moins favorablement en ce qui concerne les cours nomades de séricictilture et termine en faisant observer que la question, tant au point de vue des écoles primaires que des cours no- mades, n'aurait eu besoin que d'être indiquée, sans être même mise en discussion, puisqu'on était unanimement d'accord que V enseignement était le premier et le seul moyen de pro- pager la sériciculture et de la développer sûrement et avec succès. Le congrès, revenant dans sa dernière séance sur le même ordre d'idées, exprime le vœu que le ministre use de toute son influence pour que, dans les écoles normales pri- maires {Schullehrerprœparandia, etc., etc.) de tout l'Em- pire, l'agriculture en général et en particulier l'élevage des Vers à soie, des Abeilles, la culture des arbres à fruits, soient réellement enseignés aux élèves. Il faudrait, suivant nous, 356 SOCIETE D ACCLIMATATION. pour bien des raisons, y ajouter la protection des animaux. Nous verrons dans la suite de ce travail que, si tous ces vœux ne sont pas entièrement réalisés, ils sont du moins en bonne voie pour arriver rapidement à la réalisation. C'est précisément à Texamen des efforts faits pour réaliser ces vœux que nous allons procéder en commençant par l'en- seignement supérieur. Enseignement supérieur. — Une école de sériciculture et d'agriculture existe à Baiersdorf, près Graz, et un véritable enseignement spécial théorique et pratique de la sériciculture est organisé à la station de Gôrz ; il existe aussi des cours de sériciculture aux instituts agricoles de Liebwerda, en Bohême, d'Altenbourg en Hongrie, et surtout de Môdling, près Vienne, où l'enseignement séricicole a été organisé par les soins de M. Johann Fichtner, d'Atzgersdorf. Différentes écoles d'agriculture {Ackerbauschule) , sinon toutes, notamment en Bohême, s'occupent aussi de séricicul- ture. Mentionnons l'école de Czernichow qui n'a obtenu tou- tefois que des résultats peu importants jusqu'ici, mais qui paraît devoir prendre sous ce rapport plus d'importance dans l'avenir. C'est à l'enseignement supérieur que viennent se rattacher à tous égards, et cet enseignement des professeurs nomades (Wanderlehre?') , et ces ms^ecùons {hisp€ctio?i7'eise?î) organi- sées par la Société de sériciculture de Bohême (Prague), et ces conférences qui sont faites pendant le cours des expositions générales et locales et des congrès ou réunions nomades ( Wandervortrâge) . Nous devons encore y rapporter la station de recherches séricicoles de Gôrz, et les étabhssements pour l'essai des graines de Vers à soie, destinés à guider les sériciculteurs dans leurs travaux. Statio7i de recherches séricicoles. — La station de recherches séricicoles de Gôrz, fondée au commencement de 1869, a exercé immédiatement une importance capitale sur le déve- loppement de la sériciculture dans l'Empire auslro-hongrois. Des travaux sérieux sont déjà sortis de la plume du direc- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 357 teur, M. le professeur Fr. Haberlandtel du directeur adjoint, M. le docteur Verson. Leurs expériences sur l'élevage des Vers à soie sont justement appréciées dans tous les pays. On en trouve les détails tant dans le journal {Oesterreichische Seidenbauzeitung) que dans les annuaires {Jahresbericht der K. K. Seidenhau Versuchsstation in Gôrz) , publiés par la station de Gôrz. La théorie et la pratique de la sériciculture sont étudiées simultanément à la station de Gôrz, et les sérici- culteurs y trouvent, à côté de l'expérience, l'enseignement qui explique et élucide les faits. D'après le statut même qui a servi de base pour la création de la station de Gôrz, les points qui devaient surtout être pris en considération, tant au point de vue théorique, qu'au point de vue pratique dans l'organisation de la station de Gôrz, étaient les suivants : L Fixation des conditions essentielles pour être sûr du bon développement des Yers à soie et pour arriver à l'amélioration de leur produit. IL Détermination du mode d'opérer le plus convenable pour obtenir des graines saines en aussi grande quantité que possible, et examen des insectes producteurs de la soie qui ont servi dans les expériences. IIL Recherche des causes originaires des différentes mala- dies des Vers à soie. IV. Mise à exécution de séries d'expériences sur les nou- velles espèces de Vers à soie. V. Propagation de notions exactes sur la sériciculture par les conseils et l'enseignement. Tel est le programme que M. Fr. Haberlandtet M. le docteur Verson se sont efforcés de remplir. Nous ne terminerons pas les quelques lignes que nous avons consacrées à la station de Gôrz, sans mentionner le congrès international de sériciculture qui a eu lieu à Gôrz, en nos vembre 1870, sous les auspices de la Société I. et R. d'agri- culture et de la station séricicole de Gôrz. Par suite de la difficulté des communications, le compte rendu de ce congrès ne nous est pas encore parvenu, mais nous espérons que cela 358 sociÉT d'acclimatation. ne tardera pas ; nous consacrerons un article spécial à l'étude des questions qui y ont été discutées. Un nouveau congrès international sera tenu à Udine, dans le cours de l'automne de 1871. MM. le professeur Fr. Haberlandt et le comte Ghe- rardo Freschi ont été chargés de préparer le programme ; nous vous tiendrons au courant des discussions. Etablissements pour l essai des graines de Versa soie. — Une mesure que nous ne croyons pas devoir passer sous silence ici, à cause de sa grande importance pratique, et qui nous paraît devoir contribuer beaucoup au développement rapide de la sériciculture dans l'Empire austro-hongrois, en fournissant aux sériciculteurs des renseignements non-seule- ment utiles, mais je dirais presque indispensables, tant au point de vue théorique qu'au point de vue pratique, est la création d'établissements d'essais de graines de Vers à soie. Les étabhssements de ce genre tendent à se répandre de plus en plus dans toute l'étendue de l'Empire austro-hongrois ; par leur importance vraiment sérieuse, par les travaux des personnes qui sont à leur tète, ils semblent, tout en rendant des services réels, devoir dans un avenir prochain se trans- former en véritables stations séricicoles d'un ordre secondaire. Ils se multiplient du reste rapidement : en Dalmatie, par exemple, il existe déjà un établissement d'essai de graines de- Vers à soie à Zara, sousla direction de M. le docteur Papafava, et un autre A Spalato, sous la direction de M. le docteur Vier- thaler ; il s'en est en outre établi ultérieurement un troisième à Sebenico, sous la direction de M. Striseo. Les instituteurs qui s'occupent de sériciculture ont compris tout de suite les services que pouvaient leur rendre et la station de recherches séricicoles deGôrz et les établissements d'essais de graines de Vers à soie : ils y ont souvent recours, ainsi que le constatent les documents officiels. Enseignement primaire. — Dans l'Empire austro-hongrois, la sériciculture fait partie du programme d'un grand nombre, sinon de la totalité des écoles primaires (Volksschulen) des deux sexes et des écoles normales primaires (LehrerhildungS' anstalten , Lehrerseminare , Lehrergymiiasien , Lehrerprœ- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 359 parandien, Lehrerpœdagorjien), destinées à former les insti- tuteurs, maîtres, professeurs, etc., etc., préposés à l'ensei- gnement des écoles primaires. D'après le catalogue de la section autrichienne à l'Exposition universelle de Paris en 1867, il existait à cette époque dans l'Empire austro-hongrois 167 écoles primaires ou popu- laires (1) [Volksschiilen), dans lesquelles la sériciculture était bien réellement enseignée. Ce nombre a, depuis 1867, consi- dérablement augmenté. Parmi les instituteurs enseignant la sériciculture dans les écoles du sexe féminin, nous devons accorder une mention spéciale à M. Franz Brezina, de Prague (Bohême). En ce qui concerne les écoles normales primaires, nous pouvons citer celle de Bielilz, dans le cercle de Troppau (Silésie autri- chienne), dans laquelle la sériciculture a été etlectivement introduite malgré bien des difficultés, et dans laquelle des édu- cations ont été faites par les élèves sous la direction du pro- fesseur, M. Oskar Zlik. D'après les renseignement? que M. 0. Zlik nous a fournis, la sériciculture n'est pas obligatoire dans les écoles primaires; elle est. seulement facultative et recommandée avec beaucoup d'insistance par le ministère I. et R. de l'instruction publique et par les administrations et les sociétés locales qui s'efforcent d'encourager lintroduction de la sériciculture dans les écoles par des allocations, des dons de plants de Mûriers et de graines de Vers à soie, par la fourniture de microscopes et enfin par des prix et des récompenses de diverses natures accordés aux instituteurs primaires. Le journal général de séric\cu\iure{Angemeifie Seidenbau- zeitung), publié par la Société de sériciculture de Bohème {Bohmische Vereine fur Maulbeerbaumzucht und Seiden- zucht in Prag) nous donne, dans un appendice [Beilagé) du n" 6 de sa sixième année (1869), sur les résultats obtenus relativement à l'enseignement de la sériciculture dans \es écoles normales primaires ainsi que dans les écoles primaires, (I) D'après M. Ferd. Hiller, il y aurait déjà en Bohême une cen'aiue de ces écoles dans lesquelles la sériciculture serait enseignée. 360 SOCIÉTÉ d'acclimatation. les renseignements suivants extraits de l'annuaire du minis- tère I. et R. de l'agriculture. « En ce qui concerne l'introduction de l'enseignement de la sériciculture dans les écoles normales primaires, les rensei- gnements qui sont parvenus au ministère de l'instruction publique constatent des résultats relativement satisfaisants. » En effet, nous voyons que, si l'on en excepte un petit nombre, l'enseignement de la sériciculture est pris en consi- dération dans les établissements d'enseignement {Bildimysan- stalten)diU nombre de quarante environ, à une ou deux années de cours, existant dans l'ouest de l'Empire. C'est ce qui a surtout lieu dans les localités où les efforts des professeurs ou maîtres (Lehrer) qui s'en occupent, sont soutenus par les Sociétés séricicoles de la localité. 11 en est notamment ainsi dans la Silésie autrichienne. La Société de sériciculture de Silésie y a fait tous ses efforts pour développer l'enseignement et la pra- tique de la sériciculture dans les écoles normales primaires des cercles de Troppau et de Teschen. Malheureusement l'éta- blissement évangélique d'enseignement de Bielitz ne possède encore pas de jardin d'école et n'est par suite pas en état de donner un développement sérieux à la sériciculture. » Toutefois nous avons pu nous assurer, parles communica- tions personnelles de M. 0. Zlik, mentionnées déjà plus haut, que ces conditions fâcheuses n'avaient pas été pour ce zélé sériciculteur un obstacle absolu. Nous espérons que les diffi- cultés ne le feront pas renoncer à continuer ses efforts. a La Société de sériciculture de Moravie soutient de même de tout son pouvoir l'enseignement de la sériciculture dans les écoles normales primaires d'Olmutz et de Brunn, où il a été fait, en 1868, des essais d'éducation de;^. Yama-maï, » On voit aussi, dans les écoles normales primaires de Bohême, la culture du Mûrier et celle du Ver à soie être un objet d'études qui jouit d'une prédilection spéciale; les écrits d'Hubner et de Patek y servent à l'enseignement de la séri- ciculture (1). (1) D'après les renseignements qui nous ont été fournis par M. FerJ. Hitler, dans toutes lés écoles d'agriculture {Ackerbauschulen) de Bohême, il existe- jait un enseignement de la sériciculture. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 361 )) Parmi les sept écoles normales primaires de la Gallicie, celles de Jaroslaw et de Buczacz sont les seules dans lesquelles la sériciculture ne soit pas comprise dans le programme de l'enseignement. Au contraire, à Cracovie, grâce aux soins delà Société de sériciculture, d'apiculture et de culture des arbres à fruits ; à Tarnow, grâce aux expériences pratiques faites sur les domaines du prince Sangusko,et à Przemysl, l'enseigne- ment est pris suffisamment en considération. )) Dans les deux écoles normales primaires de Lemberg, la sériciculture n'est jusqu'ici l'objet que d'un enseignement théorique. > Le conseil territorial d'enseignement scolaire de Gallicie a recommandé, pour propager la sériciculture, l'établissement de magnaneries (Seidenraiipenzucht-Anstalteii) comme an- nexes des cours des écoles normales primaires, ainsi que des écoles municipales {Burgerschulen) et autres établissements d'enseignement (i&«2/jt)^scAw/e;î, etc., etc.), parce que les con- ditions de climat et de sol de beaucoup de localités de la Gallicie y font espérer un grand développement de la sérici- culture dans l'avenir. » La pratique de la sériciculture est l'objet d'un enseigne- ment spécial à l'école normale primaire de Czernowitz dans la Bukovine. » Les trois écoles normales primaires de la basse Autriche à Vienne, à Saint-Polten, ainsi que la série de cours d'ensei- gnement normal primaire de Korneuburg, comprennent un enseignement théorique et pratique de la sériciculture. » Dans l'Autriche supérieure, l'école normale primaire de Linz concourt, avec la Société de sériciculture de l'Autriche supérieure, à propager les connaissances théoriques et pra- tiques de sériciculture. » En Styrie, l'enseignement pratique de la sériciculture existe tant à l'école normale primaire de Graz qu'à celle de Marburg : aux efforts de ces deux établissements viennent se joindre, en les soutenant, d'une part les expériences de rélabhssement d'essais agricoles de Graz {landivirthschaft- liche Versuchsfwf in Graz), et d'autre part les écoles de 362 SOCIÉTÉ d'acclimatation. culture du Mûrier du comte Brandis et de Kriehuber à Mar- burg. » La Garinlhie et la Carniole ne font pas exception. A Kla- genfurth et à Laibach, l'enseignement de la sériciculture est pris tout spécialement en considération dans les écoles nor- males primaires. )) Sur le littoral {Kûstenlander) et en Dalmatie, c'est seule- ment à Klein-Lussin que la culture du Mûrier n'est pas l'objet d'un enseignement particulier, tandis que, dans les autres villes, à Trieste, à Gôrz, à Rovigno, à Gherso, à Zara et à Borgobrizzo, près Zara, l'enseignement théorique de cette culture est entouré de soins suffisamment assidus. » Enfin la sériciculture n'est l'objet d'aucun enseignement à l'école normale primaire de Salzburg pas plus qu'à celle de Bregenz, pendant que cet enseignement existe à Trieste, à Bozen et à Inspruck, mais est limité surtout à la théorie. » Le tableau que nous venons de présenter de l'état de l'enseignement de la sériciculture dans l'Empire austro-hon- grois, nous montre qu'il n'est besoin que de peu d'efforts et de sacrifices pécuniaires pour étendre l'enseignement de la sériciculture aux établissements indiqués plus haut comme ne possédant pas d'enseignement spécial de la sériciculture ou en possédant un insuffisant. » Sociétés séricicoles. — 11 n'existe dans l'Empire austro- hongrois pas moins de dix-sept Sociétés de sériciculture dont six en Bohême, celles de Prague (1), de Brux, de Kœnig- graetz, de Jicin, deTaus et de Hohenmauth ; deux en GaUicie, celles de Biala et de Brzezani (2) ; une dans l'Autriche supé- rieure ; une dans la province de Salzbourg ; une dans la Sty- (1) La société séricicole de Prague porte plus spécialement le titre de « B'ôhmische Verein fur Maulbeerbaum und Seidenzucht in Prag n , Société pour le développement de la culture du Mûrier et du Ver à soie en Bohème;, elle a son siège à Prague, son directeur général est M. Ferdinand Hiller. (2) Mentionnons encore en Galicie la Société de sériciculture (d'agriculture et de culture d'arbres à fruits) de Gracovie qui s'occupe sérieusement de sériciculture et a surtout en vue sa propagation par le développement de l'enseignement ( Verhandlungen des Seidenbaucongresses, p. 57;. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 363 rie, celle de Graz ; deux dans la Garinthie, celles de Klagen- furth, l'ancienne et la nouvelle; une dans la Carniole, celle de iMottling ; une dans la Moravie, celle d'Olmulz connue sous le nom de Mâhrische Seidenhauverein ; une dans la Silésie, celle de Troppau, connue sous le nom de Schlesische Seiden- bauverein, et une dans la Transylvanie. Une Société séricicole, la Tessthaler Seidenbauverein, se serait formée dans l'une des subdivisions de l'Empire austro- hongrois (annuaire de la station de Gôrz, J ahresbericht der K. K. Seidenbauversuchsstation in Gôrz, pour 1869), dans le but spécial de propager l'enseignement de la sériciculture dans les écoles primaires ; elle aurait constitué dans son sein un comité spécial pour s'occuper de cette question. Les insti- tuteurs qui se mettraient en communication avec cette Société dans le but de coopérer à la propagation de l'enseignement de la sériciculture dans leurs écoles, seraient de droit mem- bres honoraires de cette Société : de plus la Société leur don- nerait des plants de Mûriers et des graines de Vers à soie, leur fournirait des microscopes et les aiderait par des alloca- tions pour arriver au résultat désiré. Les Sociétés spéciales de sériciculture ne sont pas les seules qui s'occupent de propager la sériciculture. La Société centrale I. et R. d'agriculture de Vienne a une section spéciale de sériciculture dont le président, M. Auguste Hofmann Edler von Hofmmannsthal, le vice-président, M.Jo- hann Fichmer, et le secrétaire rapporteur M. Ignace Hofmann Edler von Hofmannsthal, sont des sériciculteurs distingués. Beaucoup de Sociétés d'agriculture de l'Empire austro- hongrois s'occupent aussi avec un grand zèle de développer la sériciculture dans les parties de l'Empire qui sont de leur ressort : nous citerons, entre autres, la Societa agraria de Trieste, celles de Rovigo, de Gôrz, la Société d'agriculture de Laibach, etc., etc. Mentionnons encore la Société patrio- tico-économique de Prague, dont une section est uniquement occupée de sériciculture. Journaux, annuaires, littérature. — Parmi les publications relatives à la sériciculture dans l'Empire austro-hongrois qui 36ii SOCIÉTÉ d'acclimatation. sont arrivées à notre connaissance, nous croyons devoir citer, entre autres, d'abord le journal général de sériciculture {Allge- meine Seidenbaiizeitung) , publié par la Société de séricicul- ture de Prague. Ce journal qui paraît en deux langues, l'alle- mand et le tchèque, a été fondé en 1863 ; il est l'organe de la plupart des Sociétés de sériciculture de l'Empire, son premier rédacteur a été M. Christof Liebich. Après qu'il eut résigné volontairement ses fonctions, elles furent confiées à M. Al. Pstross, et, depuis 1868, c'est à M. Ferd. Hiller qu'incombe la tâche de rédiger l'édition allemande. Quant à l'édition tchèque (Hedbavnicke Noviny), elle a d'abord été rédigée par M. Joseph Kramar et plus tard par M. Gustave Zverina. Cette revue de sériciculture, jusque-là le seul journal de séricicul- ture, vient, à la fin de 1869, de cesser de pubHer son édition allemande et ne continue plus que la publication de son édi- tion tchèque, cédant ainsi la place au journal de la station de Gorz, la OEsterreichische Seidenbauzeitung , journal autri- chien de sériciculture, qui est publié en deux langues, l'alle- mand et l'italien. Nous devons mentionner comme contribuant à la propaga- tion de la sériciculture les annuaires et les rapports de recettes et dépenses publiés chaque année, non-seulement par la station de Gôrz, mais aussi par les diverses Sociétés de sériciculture de l'Empire austro-hongrois. L'annuaire de la station de Gôrz pour 1869 contient un rapport fort intéres- sant sur l'état de la sériciculture dans l'Empire austro-hon- grois en 1869, rédigé par MM. le professeur Fr. Haberlandt et le docteur Verson(l), d'après les documents reçus à la station (1) Ce rapport nous fait connaître la marche de la sériciculture et même de la culture du Mûrier au point de vue théorique et pratique dans cha- cune des provinces de l'Empire : il nous fait passer en revue les insuccès, en recherche les causes, examine les circonstances climatériques dans lesquelles les diverses circonstances de l'élevage se sont présentées, signale les pays où les Vers à soie sont restés sains et ceux où ils ont été malades ainsi que la nature de la maladie, nous montre les progrès de l'enseignement dans les écoles. Le rapport nous donne ainsi l'état de la sériciculture en Moravie, en Bohème, dans la Silésie autrichienne, en Galicie et en Bukovine, dans la Basse Autriche {Xiederoesterreich)^ dans l'Autriche supérieure [Oberoes- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 365 de Gôrz. Un arlicle publié dans le journal hebdomadaire du ministère I. et R. de l'agriculture de Vienne, en rendant compte de l'emploi des subventions ministérielles pour encou- rager la sériciculture, tel qu'il résulte des rapports adressés des différents points de l'Empire à la commission supérieure de sériciculture, donne aussi à un autre point de vue un tableau de la sériciculture dans l'Empire austro -hongrois en 1869, qui complète celui de la station de Gôrz. Les publications des Sociétés séricicoles ne contribuent pas seules à répandre les connaissances relatives à la sériciculture. Les journaux, annuaires et autres pubUcations que font par- venir à leurs membres les diverses Sociétés agricoles de l'Em- pire austro-hongrois, contiennent souvent aussi d'importantes communications sur la sériciculture. Le journal hebdomadaire du ministère I. et R. de l'agricul- ture de Vienne nous avait fait connaître notamment des ren- seignements vraiment importants sur la propagation de l'en- seignement séricicole et de la sériciculture même dans l'Empire austro-hongrois. Nous avons appris récemment que ce journal plein d'intérêt venait de cesser de paraître le l"" janvier 1871, terreich), dans la province de Salzbourg, dans la Styn'e, dans la Carinthie, dans la Carniole, dans le Tyrol septentrional {Nœrdliches Tirol) et le Vor- arll)erg,dans le Tyrol méridional allemand, dans le Tyrol méridional italien, dans la province de Gôrz et Gradisca, dans Tlstrie, dans le territoire de Trieste, dans la Dalmatie, dans la Hongrie et la Transylvanie et dans les confins militaires. Donnons quelques chiffres relatifs au Tyrol méridional italien. La récolte en 1869 s'y élève, d'après les renseignements fournis par la chambre de commerce {Handels-und Gewerbe Kammer) de Uoveredo, à 1363 958 livres de cocons et elle n'est presque égale qu'à la moitié de la récolte de 1868 qui s'élevait à 2UV2 022 livres de cocons. La chambre de commerce {Handelsund Gewerbe Kammer) de Bozen dans le Tyrol méridional allemand constate le peu de soin avec lequel sont faites les éducations dans son ressort. Assurément il serait utile d'y répandre gratuitement et en grand nombre dans les écoles populaires (Volkschulen), dans les localités qui s'occupent de sériciculture, un manuel populaire en langue allemande et en langue ilalienne qui expliquerait les meilleures mé- thodes d'opérer et les soins et les précautions avec lesquelles l'élevage doit être fait. 366 SOCIÉTÉ d'acclimatation. nous le regrettons d'autant plus sincèrement que nous avons pu en maintes occasions y puiser des renseignements fort utiles. Une liste, publiée à la fin des actes du congrès séricicole de Vienne en 1867, nous donne déjà quelques renseignements sur les ouvrages traitant de la culture du Mûrier, publiés anté- rieurement dans l'Empire austro-hongrois. Nous mentionne- rons notamment les ouvrages suivants : 1. Vollstœndiger theoretisch-joraktischer Unterricht zur SeidencuUur fuer den oesterreichischen Kaiser staat, mit hesonderen Rueckblicken auf das Kœnigreich Ungarn, von J. Blaskowits. Wien, 1820. 2. Ktirzgefaszter populœrer Unterricht iieber die Behand- lung der Seidenwûrmer und des Maulbeerbaumes, von J. B. C. Gratz, 1828. 3. Unterricht im Seidenbau^ von Franz R. v. Heintl. Wien, 1829. h. Die Bienen und Seidenvmrmzucht, von J. Leibitzer. Pest., 183Zi. 5. Der weisze Maulbeerbaum und die aufihm begruendete Seidenzucht, von docteur M. Kalina, v. Jathenstein. Prag., 1836. 6. Der Seidenbau in Bœhrnen und seine grossen Vortheile^ vonChr. Liebich. Mit zwei Uthographirten Blaettern. Prag., 1837. 7. Ueber den Seidenbau in Maehren, von Fr. Diebl, Bruenn, 1837. 8. Der Seidenraupenwaerter in der Brianza oder prakti- sche Anleitung zur Cultur der Seidenraupen, aus dem Italie- nischen mit Anmerkungen, von Fr. Morawek. Wien, 18ZiO. 9. Kurzgefaszte Anleitung zum Abspinnen den Seidens- cocons^ gewœhnlich Galetten genannt^ als Fortsetzung der kleinen Schrift unter dem Titel: Kurzgefaszte Anleitung zur Seidenraupenzucht , von A. Chwalla. Wien, 1841. \0. Praktisches Handbuch ûber die Fortpflanzung \und Cultur des Maulbeerbaurnes ^ von einem Mitgliede der K. K. Landwirthschaftsgesellscbaft iïir Tirol. Innsbrûck, 18/i3. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. Î567 11. Kurzgefaszte praktische Anleitung zurnutzhringenden Seidenraupenzucht mit den bisher bekannten Zweck dienst- lichen und wohlfeilsten Mitteln, von Ghwalla. Linz, 18/i3, 3 Auflage. Wien, 1846. 12. Lehrbuch des Seidenbaues^\o\ihVi!i{Qk. Brùnn, 1851. 13. Praktische Seidenzucht^ von A. W. Freih. von Bret- ton. Wien, 1852. 1/i. Praktische Anleitung zur Seidenzucht^ von A. W. Freih. von Bretton. Wien, •J852. 15. Die beste Art, die .Seidenzucht zu betreiben^ von D"" BassiinLodi, iibersetzt von Hœpfner. Gratz, 1852. 16. Ausfûhrliche Geschichte der Seidencultur und begrûn- dete Anregung y Ermunterung und Anleitung zur praktischen beschleunigten uud gewinnreichen Seidenzucht^ von G. W. Dunder. Wien, 185Zi. 17. Kurzgefaszte praktische Anleitung zur Seidenzucht, von A. Ghwalla. Wien, 1858. 18. Anleitung zur Vermehrung und Veredlung des Maul- beerbaumes ^besonders aber des chinesischenLhoubaumes, mit 32 Abbildungen, von P. Wojtischek. Wien, 1856. 19. Begulativ in Betreff der zur Emporbringung der Maul- beerbaum- und Seidenkultur in Croatien und Slavonien mit 1 November 1857, in Wirksamkeit tretenden Einrichtungen^ 1857. 20. Kurzgefaszte 'praktische Anleitung zur Obstbaume, Maulbeerbaum, und Seidenrawpenzucht, von F. Wanko. Wien, 1857. 21. Geschichte der Seide und Seidenzucht^zunaechst fuer die Oekonomie kaelterer Klimate, von G. M. Rossé. Wien, 1858. 22. Denkschrift ûber die Entwicklung der Seidenzucht in den nœrdlichen Laendern^ von D" Garl Holdhaus und D. R. Panzer. Wien, 185Zi. 23. Anweisung zu einer kleinen, kûnstlichen Seidenzucht fur den Landmann. Gratz, 186/i. 2/i. Die Eichenraupe undihre Zucht. Gratz, 1867. Mais ces ouvrages, tout en constatant les faits antérieurs 368 SOCIÉTÉ D*ACCLIMATATION. et donnant le détail des notions de sériciculture antérieure- ment connues, ne pourraient assurément pas tenir les sérici- culteurs de l'Empire au courant des recherches nouvelles. Aussi, en dehors des journaux et des annuaires paraissant régulièrement que nous avons indiqués plus haut, les savants qui sont à la tête du mouvement séricicole de l'Empire austro- hongrois font-ils connaître les progrès de la sériciculture par des livres et des écrits d'une importance notoire. Tels sont les Tableaux de sériciculture (Tabelle ûber die Seidenraupenzucht) de M. Ferd. Hiller, le Catéchisme de sériciculture (Katechismus der Seidenraupenzucht) de M. J. A. Hubner, son Plati et frais d'ime plantation de Mûriers avec des tableaux et une carte de la Bohême, sur laquelle sont indiquées les localités oit la sériciculture est mise en pratique {Plan und Berechnung einer Maulbeer-Plantage , mit Tabel- len und einer Karte von Bœhmen, mit Angabe der Orte loo Seidenbau betrieben icird) (1), ainsi que la brochure sur les Maladies épidémiques des Vers à soie {Die seuchenartigen Krankheiten) (2) de M. Fr. Haberlandt, anciennement pro- fesseur à l'École supérieure d'agriculture d'Altenbourg, en Hongrie, et actuellement directeur de la station de recherches séricicoles de Gôrz, et les autres travaux que ce savant séri- ciculteur a publiés, tant seul qu'en collaboration avec M. le docteur Verson, dans le journal de la station I. et R. de Gôrz. Parmi les publications de M. Fr. Haberlandt, que nous n'avons pas encore mentionnées, nous citerons entre autres son travail ayant pour titre : le Ver à soie et ses maladies {Der Seidenwurm und seine Krankheiteii) et son opuscule Sur les établisse- ments d'essais de graines de Vers à soie {Uber Samens Prû- (1) La carte originale, uniquement en manuscrit, a élé mallieuieusement perdue à la suite de l'Exposition universelle de 1867. (2) Postérieurement à cet ouvrage, M. le Prof. Fr. Haberlandt en a encore fait paraître un autre sur le même sujet sous le titre « Neue Beitraege zur Frage liber die seuchenartige Krankheit der Seidenraupen abgeleitet ans den Ergebnissen den vergleichenden Seidenraupenzuchten zu Ungarisch- Altenburg im Jahre 1867. » (Nouveaux renseignements relatifs à la ma- ladie épidémique des Vers à soie déduits du résultat des éducations compa- rées de Vers à soie faites à Altenbourg de Hongrie en 1867.) ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 369 fungS'Anstalten)^ ainsi que le travail sur les Corpuscules de Cornalia qu'il a publié en collaboration avec M. le docteur Verson (1). M. Pasteur, dans ses Études sur la maladie des Vers à soie, fait ressortir avec raison l'importance des travaux de M. le professeur Fr. Haberlandt. Outre les travaux littéraires de MM. Ferd. Hiller, J.-A. Hûbner, Fr. Haberlandt, nous devons encore citer ceux de MM. August HofmannEdler von Hofmannsthal, Franz Spatny, von Bergenhold, Anton Vukasinovic, Franz Brezina. Parmi les plus zélés propagateurs de la sériciculture et ceux qui entretiennent une correspondance suivie avec les Sociétés séricicoles, nous devons une mention spéciale à MM. le pro- fesseur Anton Kozubewski de Cracovie, Karl Stolz de Brux, le docteur Syrski de Trieste, le professeur-docteur Franz von Hlubek àGratz, A. Kurschner à Troppau, Ed. Kwisda à Olmiïlz en Moravie, Anton Jelinek à Bovenbach, Johann Prochazka à Tabor, Johann Huttel, professeur à Hohenmauth (Bohême), le professeur-docteur Ad. Fuchs à Tienne, le baron Ankers- hofen à Klagenfurth (Garinthie), Fogalari à Bozen (Tyrol méridional), le professeur Lanza de Gasalanza à Spalato (Dal- matie), le professeur Johann Kwistek à Lemberg, le baron von Rath à Gross-Zinkendorf (Oedenburg en Hongrie). Tous les efforts que nous avons signalés dans les lignes précédentes, et bien d'autres qui nous sont restés inconnus ou (1) Ce travail a été publié séparément sous le titre de « Studien ueber die Korperchen des Cornalia, an der K. K. Seidenbau-versuchs Station im Jahre 1869 » (Études sur les corpuscules de Cornalia à la station I. et R. d'essais séricicoles en 1869), et a paru par extrait dans le journal de la station. Assurément, au point de vue d'une étude sérieuse des maladies des Vers à soie, nous ne pouvons qu'être satisfaits devoir MM. Haberlandt et Freschi chargés de préparer le programme du congrès international d'Udine en 1871. MM. Haberlandt et Freschi, sans le fixer définitivement, ont déjà fait con- naître celui qu'ils avaient Tintenlion de proposer. Ils mettent d'aboid à l'ordre du jour les moyens de combattre la torpeur, la léthargie, puis la pébrine, V atrophie. Certes la discussion sur ces questions sera inté- ressante pour tous ceux qui s'occupent de la sériciculture. 2^ SÉRIE, T. VIII.— Juillet et Août 1871. 24 370 SOCIETE D ACCLIMATATION. qui étaient en dehors de notre cadre et qui ont été faits, soit par le gouvernement I. et R., soit par les autorités des diffé- rentes parties de l'Empire, soit par les Sociétés savantes et les particuliers, ont-ils été stériles? Il est facile de se rendre compte que non, en étudiant la collection des annuaires et du journal publiés par la station I. et R. de Gôrz et les publica- tions du ministère I. et R. de l'agriculture. Nous constaterons toutefois seulement ici le fait sans nous y appesantir. En effet, pour examiner cette question avec les détails convenables, nous serions obligés de nous borner à la question de l'ensei- gnement et d'examiner comparativement l'état de la séricicul- ture dans les trois dernières années dans l'Empire austro- hongrois. C'est ce que nous ferons dans un autre article, aussitôt que quelques documents qui nous manquent encore nous seront parvenus. CONCLUSIONS PROPAGATION DES PETITES ÉDUCATIONS EN SÉRICICULTURE PAR l'enseignement THÉORIQUE ET PRATIQUE DE LA SÉRICICUL- TURE DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES. ' Si nous revenons sur les faits mentionnés plus haut pour les comparer avec ce qui existe en France, nous y voyons une source sérieuse de méditations. Il nous paraît indubitable que,, en prenant ici la question même à un point de vue plus géné- ral que nous ne l'avons fait dans notre article, l'enseignement primaire agricole, tel qu'il est encouragé et recommandé dans l'Empire austro-hongrois, constitue un des moyens les plus sérieux de propagation des connaissances agricoles dans les campagnes ; ce fait paraît admis par tout le monde en France^ ainsi qu'on peut le voir par la lecture même superficielle des discussions des questions d'instruction et d'enseignement agricoles qui ont eu lieu dans les séances de la commission supérieure de l'enquête agricole administrative de 1867. Nous avons appris par M. le docteur E. Cosson, bien connu par ses travaux de botanique, que déjà, dans le Loiret, des prome- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 371 nades agricoles dans la campagne avaient été organisées par un grand nombre d'instituteurs, et divers articles du Journal de r agriculture , etc., etc., dirigé par M. Barrai, et du Journal (T agriculture pratique dirigé, par M. Lecouteux, nous avaient appris que, sur divers points, la même question avait été mise à l'élude, sinon à exécution. Les renseignements qui avaient été fournis à l'Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale, par M. le docteur Jouane sur la maison rurale d'enfants de Ry (Seine-Inférieure), témoignaient du même fait. Il faut espérer que la guerre de 1870-71 n'aura pas arrêté ces bonnes tendances : en effet, notre pays a plus que jamais besoin de voir ses richesses agricoles se développer. Mais restreignons-nous de nouveau à la sériciculture, dont nous nous sommes seulement occupé dans le cours de cet article. Sa propagation par les écoles primaires nous paraît présenter, pour la France comme pour l'Autriche, une impor- tance toute spéciale. En effet, il est généralement admis que les petites éducations, lorsqu'elles sont faites avec soin et portent sur des graines saines, sont celles qui donnent les meilleurs résultats et les graines les plus saines ; aussi, sur la proposition de la commission centrale de sériciculture com- posée des savants les plus éminents comme des négociants et des producteurs les plus expérimentés et remplissant auprès du Ministre de l'agriculture (1) les fonctions de conseil supé- rieur de sériciculture, « le gouvernement avait-il institué, dans les départements intéressés, des primes à l'effet d'y mul- tiplier les petites éducations pour graines, reconnues plus avantageuses, et de les introduire dans les départemants dont la contiguration géographique, la nature du sol ou le cUmat paraissaient devoir être favorables à la régénération ou à la conservation des bons types. (l) Puisque nous parlons du ministère de l'agriculture, nous croyons de- voir lui exprimer notre entière approbation pour le soin qu'il met à faire imprimer tous les documents qui sont en sa possession et à les livrer au public, lorsque cela est utile, avec la plus grande libéralité, ce dont, person- nellement, nous adressons nos sincères remercîments à l'administralion en ■ général, mais spécialement à M. Porlier, sous- directeur de l'agriculture, tou- jours obligeant et si plein de courtoisie. 372 SOCIÉTÉ d'acclimatation. (( 26 000 francs, en 1867, ont été affectés à celte destina- tion, et des primes de 200 francs chacune ont été instituées dans quarante-deux départements. Tous les concours pour ces primes n'ont pu avoir lieu cette première année. Ils ont été renouvelés en 1868, dans quarante -trois départements, et le total des primes allouées s'est élevé à 28 600 francs. Aux termes des instructions ministérielles, ces primes doivent être décernées à l'éducation de 5 grammes au moins et de 10 grammes au plus, qui aura donné, à la fois, le rendement le plus élevé et la meilleure qualité de graine. La première moitié seulement est délivrée la première année à l'éducateur. Ce n'est qu'après l'expérimentation de la graine et la consta- tation de résultats satisfaisants, qu'il touche le reste de la prime. Le préfet fait suivre ces éducations par une commis- sion locale, prise le plus généralement dans le sein de l'asso- ciation agricole qui étend son action sur le canton de l'édu- cateur. Notons qu'il y a lieu d'accorder la seconde moitié des primes dans la plupart des départements où l'on avait déjà décerné la première. (( Ces essais sont commencés depuis trop peu de temps pour qu'il soit possible d'en connaître encore toute l'efficacité. Cependant, dans le Gard, elle paraît déjà se manifester d'une manière très-sensible. » {Rapport de M. le duc de Padoue sur la sériciculture. — Enquête agricole de 1867. — Documents publiés, 1'' série, t. II, p. 603). M. le professeur de Quatrefages, dans son rapport sur la sériciculture inséré, t. XII, p. /i30, dans les Rapports du jury international de r Exposition universelle de 1867, publiés sous la direction de M. Michel Chevalier, tout en rappelant ce qu'il disait avec raison en 1859 : a II faut faire l'impossible pour se remettre en graine », ne se prononce pas d'une ma- nière moins nette en faveur des petites éducations. D'autre part, la maladie ou plutôt les maladies des Vers à soie, auxquelles vient s'ajouler la question du parasitisme (de l'Oudji) pèsent encore actuellement d'une manière désas- treuse sur le marché européen, et la Société des agriculteurs de France l'a si bien compris, qu'elle a ouvert pour la gué- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 373 rison des Vers à soie un concours dont le programme est ainsi conçu : « Un prix sera décerné en 1872, par la Société des agri- culteurs de France, à Finventeur d'un remède efficace et pra- tique contre la maladie des Vers à soie. Ce prix consistera en une somme de 3000 francs. M. le marquis de Ginestous, pré- sident de la section de sériciculture et d'entomologie de la Société des agriculteurs de France, y joindra en son nom personnel une médaille d'or de 300 francs. Dès ce moment, le concours est ouvert, elles inventeurs sont priés de s'inscrire au secrétariat général de la Société, 53, rue du Bac, à Paris. Le concours sera clos le 31 décembre 1871 (1). » Le développement des petites éducations dans les écoles primaires ne viendrait-il pas répondre directement aux inten- tions de la commission centrale de sériciculture, et au moins indirectement à la demande de la Société des agriculteurs de France, surtout si les éducations portent sur des graines de Vers à soie convenablement choisies à l'aide du microscope, et en appliquant les procédés scientifiques indiqués par les expé- riences de savants, tels que MM. Dumas, de Quatrefages, Pasteur, Peligot, membres de l'Institut de France, M. Guérin- Meneville, membre de la Société centrale d'agriculture de France, MM. Cornalia, Vitalini, M. Fr. Haberlandt et lant d'autres qui, en France, en Italie, en Autriche, dans les divers Etats de l'Allemagne et dans les autres pays, se préoccupent à juste titre de l'avenir de la production séricicole ? Sans préjudice de la création de stations d'essais précoces analogues à celle (2) fondée à Saint Hippolyte-du-Fort (Gard), (1) C'est aussi la guérison des Vers à soie ou du moins Tétude des causes de leurs maladies qui paraît devoir être la base du congrès international d'Udineen 1871. Tant d'efforts ne conduiront-ils pas enfin au succès ? (2) (( L'établissement d'éducations précoces de Vers à soie, fondé en 1859 par le comice agricole de l'arrondissement du Vigan, à Saint-Hippolyte-du- Fort, a pris un développement considérable, grâce aux sacrifices de cette Société d'agriculture et à l'allocation annuelle du conseil général. « Aujourd'hui l'œuvre est en pleine prospérité. Les serres à Mûriers, con- sidérablement accrues, permettent de se livrer à de nombreux essais et d'ex- périmenter les différentes semences qui font la base des éducations indus- 37/i SOCIETE D ACCLIMATATION. par le comice agricole du Vigan, à l'instigation de son prési- dent, M. le marquis R. de Ginestous, et sous la direction de son secrétaire M. Jeanjean, maire de Saint-Hippolyte-du-Fort, sans préjudice de la réalisation de stations de recherches séri- cicoles analogues à celle qui existe à Gôrz ou à celle qui, avant la guerre de 1870-71, devait s'installer dans le voisinage de Nice (1), sans préjudice enfin de l'organisation d'Établis- sements d'essais de graines de Vers à soie, dont l'utilité est incontestable, et à' ateliers de graines de Vers à soie perfec- tionnées, recommandés et subventionnés dés 1852 par le gouvernement, ne pourrait-on pas développer de plus en plus la mesure pratiquée avec tant de raison, qui consiste à four- nir des microscopes aux mairies de la région séricicole où ils seraient à la disposition des instituteurs primaires entre autres, ce qui leur permettrait de coopérer aux recherches des séri- ciculteurs dans le but de pratiquer cette sélection épurative des graines, des Vers, des Chrysalides et des Papillons, si in- dispensable pour arriver à ce grainage indigène sain préconisé avec tant de raison par M. le marquis de Ginestous dans un de ces aiticles si pratiques que nous le voyons publier trop rarement? Ce grainage indigène aurait en effet l'avantage de nous affranchir du tribut énorme, malheureusement quelque- trielles. » (Jeanjean, Rapport à la commission départementale de sériciculture du Gard, 18 mars 1869.) L'établissement de Saint-Hippolyle-du-Fort a du reste servi de modèle à celui de Montauban (Tarn-et- Garonne) et de Ganges (Hérault). D'après M. F. Haberlandt, Téminent directeur de la station de Gôrz, les Vers à soie dont Téclosion serait la plus précoce resteraiem généralement sains dans toutes les phases successives de leur existence. Cette observation serait tout à fait favorable aux éducations précoce. M. Cornalia, d'autre part, en reconnaîtrait aussi, à certains points de vue du moins, les avan- tages. (1) Puisqu'il est ici question de stations d'essais séricicoles, nous ne vou- drions pas oublier de mentionner les efforts faits par M. Nourrigatpour orga- niser une station d'essais séricicoles à Lunel. Nous rappellerons en outre que^, dans la session annuelle de 1870 de la Société des agriculteurs de France, MM. R. de Ginestous et Guérin-Meneville ont exprimé combien ils pensaient que la création de stations d'essais sérici- coles pourrait rendre de services. EiNSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 375 fois, sinon toujours hors de proportion avec les résultats, que nous payons sous ce rapport à l'étranger. Nous recommande- rions d'autre part, pour les petites éducations faites par les instituteurs, à titre d'essai, sinon à titre de pratique définitive, la sélection faite dans le but d'améliorer les Vers reproducteurs par le classement en Vers producteurs de graine et en Vers producteurs de soie d'après les principes proposés par M. le marquis R. de Ginestous comme résultant de sa pratique de plusieurs années dans l'arrondissement du Yigan et la région voisine {Questionnaire adopté par la commission de sérici- culture; question 20, p. 3) (1). Cocons pesant, mais peu chargés en soie, peu résistants sous la pression, et Chrysalide grosse, volumineuse : tels sont les caractères indiqués par M. le marquis de Ginestous pour carac- tériser les Vers bons reproducteurs (2). M. Guérin-Meneville serait-il bien éloigné de se ralUer à l'opinion de M. de Ginestous? (1) 20° Quels résultats obtienl-on, quand on pratique le grainage avec des Chrysalides saines, pesantes, et à cocons relativement pauvres en soie? Ces conditions indiquent-elles les meilleurs reproducteurs ? (2) M. le marquis de Ginestous donne l'explication suivante des faits si- gnalés par lui : Si Ton admet deux graines de Vers à soie également saines et d'un \olume sensiblement égal, se développant autant que possible dans les mêmes conditions climatériques et avec des feuilles fournies dans les mêmes conditions par le même arbre et donnant ainsi deux cocons sensiblement égaux en poids, dont l'un serait très -chargé en soie, tandis que l'autre ne le serait pas et devrait être classé dans la catégorie de ceux qui, probablement à cause de la simple pellicule constituant le cocon, sont désignés dans la région séricicole sous le nom de peaux^ il est évident que le cocon qui, à poids égal, serait chargé de la plus grande quantité de soie, contiendrait une chrysalide moins forte, moins pesante; il est clair en outre que, pour la formation de l'excès de soie, le ver aurait dépensé une certaine somme d'é- nergie vitale qui l'affaiblirait : un cocon dans les conditions opposées devrait donc contenir une chrysalide qui, provenant d'un Ver ayant conservé plus de force vitale, devrait en avoir une plus grande somme et la transmettre au papillon pour l'acte de la reproduction : ce dernier devrait donc donner de meilleures graines. Ce serait donc ù tort que l'on rejetterait les cocons appelés peaux ou du moins ceux d'entre eux qui seraient pesants et sains. 376 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Ce que nous venons de dire des idées émises par M. le mar- quis R. de Ginestous, nous le répéterons, sans vouloir pour cela nier en aucune manière les faits nombreux déjà acquis, pour X éducation cellulaire et pour \ éducation à grande surface, proposées par M. Pasteur. Des expériences réitérées peuvent seules décider de la valeur pratique d'un procédé, surtout en pareille matière. Nous ne croyons pas non plus, bien que des.personnes, assu- rément plus expertes que nous, aient soutenu une opinion con- traire, que l'on doive négliger de continuer les essais relatifs à la détermination de la quantité d'azote et de la quantité de matières nutritives des feuilles dans diverses circonstances, soit après avoir épuisé l'arbre par la récolte de l'année pré- cédente, soit après l'avoir laissé reposer une ou plusieurs années, ainsi que dans une foule d'autres circonstances. Il faut, suivant nous, étudier avec soin tous les points de la question. Mais, pour que toutes ces idées puissent être acceptées défi- nitivement par la pratique, il faut, nous ne saunons trop ie répéter, qu'elles soient vérifiées pa des essais multipliés. Et certes le premier venu ne peut pas les réaliser de prime abord : le soin, l'intelligence, certaines notions premières sont absolument nécessaires. Ne les trouvons-nous pas en général dans l'instituteur primaire ? Le développement des petites éducations de Vers à soie dans les écoles primaires ne fournirait-il pas un moyen d'aug- menter la production de la soie en France, aussi bien du reste qu'en Autriche, et d'exempter ainsi les deux pays au moins d'une partie du tribut considérable que l'industrie de la soie y - paye à l'étranger? En effet, le tribut pa^é en ce moment se pré- sente sous deux titres : nous payons et pour la graine et pour la soie, produites toutes deux en Europe en quantité insuffi- sante. Cependant l'approvisionnement ne correspond pas encore à la demande. La vente des graines de Vers à soie et des cocons ne vien- drait-elle pas en outre donner, en France du moins, une sub- • vention indirecte à l'instituteur qui en a tant besoin, sans- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 377 grever le budget d'aucune autre dépense que celle qui serait nécessitée par l'achat de quelques boutures de Mûriers et de quelques graines de Vers à soie, que l'on mettrait entre les mains des instituteurs et qu'il ne serait pas nécessaire de renou- veler chaque année, du moins lorsque les instituteurs, et peut- être même les élèves, auraient acquis une certaine pratique? Peut-être faudrait-il ajouter quelques microscopes, et ce serait la plus grosse dépense ; mais quels services cette dépense ren- drait ! Nous ne douions pas que les premiers pas dans cette voie ne donnent lieu d'abord à quelques insuccès, mais nous sommes bien convaincus qu une certaine persévérance amène- rait la réussite et que le gouvernement français, aussi bien que le gouvernement autrichien, en continuant de plus en plus à encourager les efforts faits dans ce sens, serait plus que récompensé de ses premiers frais par les résultats obtenus ultérieurement. Nous avons appris, du reste, par M. le marquis R.de Ginestous, que des essais soutenus par des initiatives loca- les ont déjà été couronnés de succès. Quarante-cinq institu- teurs s'en étaient occupés de prime abord ; l'année suivante, le chiffre s'est élevé à 71. Nous ne connaissons pas le chiffre actuel, mais nous espérons que, malgré les événements, ce chiffre aura augmenté encore et se développera de plus en plus ; s'il en était autrement et si les événements avaient entravé le succès, nous le regretterions et nous croirions qu'il faudrait recommencer l'expérience sans se laisser décourager. Enfin, l'enfant des écoles ne s'habituerait-il pas par ces petites éducations de Vers à soie, aussi bien que par de petites éducations d'Abeilles, par la culture des arbres à fruits, des légumes, par des promenades dans la campagne qui lui feraient connaître les plantes utiles et nuisibles les plus com- munes, les insectes utiles et nuisibles, les oiseaux et autres animaux utiles, etc., etc., ne s'habituerait-il pas à s'intéresser au développement des biens de la terre, véritable richesse na- tionale d'un pays? Les adversaires même les plus déterminés des mesures que nous préconisons ici ne seront-ils pas obhgés de reconnaître l'utilité de ces mesures lorsqu'ils voudront tenir compte des 378 SOCIÉTÉ d'acclimatation. recommandations de la circulaire qui, antérieurement à la guerre de 1870-71, avait été adressée par M. le ministre de l'agriculture et du commerce à tous ceux qui s'intéressent aux progrès de notre sériciculture nationale? (( Je viens d'être informé du bruit qui prête au gouverne- ment japonais l'intention de restreindre à un million le nombre de cartons de graines de Vers à soie dont l'exportation serait autorisée pour la prochaine campagne séricicole. (( J'appelle d'une manière toute particulière votre attention sur la gravité de ce fait. L'Italie absorbant par ses achats les trois quarts de cette quantité, les ressources que trouverait la France au Japon seraient ainsi réduites au chiffre de 250 000 cartons, c'est-à-dire au tiers de ses importations moyennes. Vous pouvez pressentir les conséquences d'une telle éven- tualité ; si nos éducateurs se trouvaient pris l'année prochaine au dépourvu, l'industrie des soieries, déjà si éprouvée, verrait encore s'accroître la disette et la hausse de la matière pre- mière. (( Je viens de prier mon collègue des affaires étrangères de faire, par M. le ministre de France au Japon, les démarches nécessaires auprès du Mikado pour prévenir une mesure aussi regrettable. « Toutefois il y aurait lieu, Monsieur le préfet, de porter cette situation à la connaissance des personnes de votre dépar- tement qui peuvent être intéressées à la prévenir. Il serait utile de les engager à confectionner elles-mêmes une partie de l'approvisionnement des graines qui leur sont nécessaires pour les éducations de la campagne, selon les coutumes d'autrefois. (( Vous voudrez bien donner à cette circulaire toute la pu- blicité désiralde. Enfin je vous recommande d'une manière spéciale l'adoption des mesures qu'il vous paraîtrait utile de prendre pour aider l'industrie séricicole à échapper aux dan- gers qui pourraient la menacer. » Tels étaient les termes de la circulaire ministérielle. On le voit, la Chine et le Japon ne sont pas pour nous des sources assurées d'approvisionnement, puisqu'une décision des souve- ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 379 rains du pays peut ou rationner notre approvisionnement ou nous le supprimer entièrement. Prenant ce fait en considé- ration, M. le ministre faisait appel aux sériciculteurs pour se protéger eux-mêmes en se mettant à fabriquer de la graifle saine; il ne fallait, en effet, pas trop compter sur l'efficacité des réclamations faites au Japon, d'autant plus que, si elles réussis- sent une première fois, elles peuvent ne pas réussir une se- conde. Peut-être nous dira-ton : Pour mettre votre système en activité, il est besoin de bonnes graines, bien saines comme point de départ; où en trouverons-nous? V En France même, si l'on opère comme cela se fait aux stations d'éducations précoces de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), de Ganges (Hé- rault), de Montauban (Tarnel-Garonne), etc., etc., partout où l'on a réellement recours aux procédés indiqués parla science ; 2° à l'étranger et notamment en Europe, en Portugal, en Asie, dans la Mandchourie, et même au Japon, tant que la maladie n'y sévira pas trop, dans une limite à laquelle le gouvernement japonais semblerait tendre à imposer certaines restrictions ; enfin en Amérique, dans la Californie d'une part, et dans les républiques de l'Amérique tropicale et notamment dans la république de l'Equateur, d'autre part. Mais si l'on réfléchit aux difficultés qu'il peut y avoir à se procurer de pareilles ressources étrangères et aux restrictions auxquelles peut être exposée leur acquisition, on verra facilement que l'on ne doit pas les considérer comme absolues et donner uniquement l'importation des graines étrangères pour base à notre sérici- culture nationale ; l'état de cette dernière deviendrait alors bien précaire : en effet, il ne peut être nullement question de compter sur de pareils approvisionnements étrangers, je ne dis pas seulement pour développer, mais même pour sauver notre industrie séricicole nationale. Et je n'ai pas parlé de l'éventuafité d'une guerre maritime que rien ne fait supposer prochaine, heureusement! Quoi qu'il en soit, on arrive forcé- ment à cette conclusion, qu'il faut absolument en revenir à un grainage indigène. M. de Quatrefages disait avec beaucoup de raison, dès 1857 : 7/ faut faire Fimpossible pour se remettre en graines. Cela est encore plus vrai actuellement. Les petites édu- 380 SOCIÉTÉ d'acclimatation. cations faites dans de bonnes conditions et avec soin parais- sent être le meilleur moyen d'y arriver ; toutes les personnes qui étudient attentivement la question au point de vue pra- tique sont d'accord sur ce point. Quant à nous, nous ne saurions trop le répéter : nous pensons que le meilleur moyen de développer, surtout rapidement, les petites éducations est d'avoir recours à l'enseignement et d'organiser non-seulement l'enseignement théorique et pratique dans les écoles primaires et dans les écoles normales primaires, mais de créer des cours et des conférences nomades et fixes et un enseignement supé- rieur de la sériciculture, en appuyant ces mesures par la fondation d'établissements d'essais de graines de Vers à soie, de stations d'éducations précoces, de stations d'essais sérici- coles, etc., etc., sans préjudice des missions de nos savants les plus distingués et des inspections déjà existantes ; en un mot, il faut une organisation scientifique, théorique et pra- tique de la sériciculture, analogue, sinon pareille, à celle que nous venons d'exposer ci-dessus. (( Des deux systèmes en présence, l'un consiste à dire : renoncez à faire de la graine en France et fiez-vous à l'étran- ger pour vous procurer, tantôt ici, tantôt là, les graines dont vous avez besoin ; il se trouvera bien toujours dans le monde entier un point où la graine sera saine. C'est le système sou- tenu par beaucoup de personnes intéressées au commerce des graines. » Un autre système, qui a été adopté par la commission de sériciculture, dit au contraire: ne nous fions qu'à nous-mêmes, tirons de nous-mêmes les moyens et efforts nécessaires pour restaurer l'éducation des Vers à soie, et cherchons à obtenir ce résultat par la voie de la sélection, qui a réussi alors qu'il s'agissait de perfectionner les Bœufs, les Moutons, les Chevaux et même les espèces végétales ; cherchons à perfectionner de la même manière chez nous la production de la graine pour assurer à l'éleveur français des graines de bonne qualité qui puissent fournir des récoltes sérieuses et certaines. » (Eîi- quête agricole de 1867. — Documents publiés, V série, t. Il, p. 656. M. Dumas, dans la discussion du rapport de M. le. ENSEIGNEMENT DE LA SÉRICICULTURE. 381 duc de Padoue au nom de la sous-commission de sérici- culture.) En présence delà circulaire de M. le ministre et des résul- tats des recherches des savants de tous les pays, notre choix ne peut être douteux : c'est au second système que nous donnons la préférence et nous croyons que, seul, il pourra sauver l'avenir, surtout si, comme nous l'avons dit plus haut, il vient s'y ajouter une organisation méthodique de l'ensei- gnement théorique et pratique de la sériciculture à tous les degrés. Puissent les lignes ci-dessus tomber sous les yeux de M. Dumas, l'illustre savant qui, Ué à la région séricicole par le souvenir de ses premières années, s'est toujours préoccupé si vivement des souffrances de nos populations séricicoles, qui a été le promoteur de l'organis'^tion d'une commission cen- trale de sériciculture près le ministre de l'agriculture, le pro- moteur des expériences et des études de M. Pasteur sur la maladie des Vers à soie, et a cherché toujours, tant par lui- même que par ceux qui l'entourent, à remédier au mal et qui, en l'absence du ministre, a présidé souvent la commission de sériciculture et a imprimé à ses travaux celte impulsion si vive, ce cachet de lucidité que son génie scientifique lui rend si faciles. Puisse-t-il y voir à la fois, et mon désir d'être utile à mon pays dans une voie tracée par lui-même, et l'envie de lui prouver, en cherchant à appliquer mes connaissances à un but pratique, que je méritais la charmante bienveillance qu'il m'a souvent témoignée et pour laquelle je lui ai voué une sin- cère reconnaissance. Humble pionnier d'une route dont les étapes sont éclairées par les recherches de tant d'illustrations, j'ai pensé avoir rencontré sur ma roule quelques idées utiles, j'ai voulu les signaler et contribuer à leur propagation ; toutefois, bien con- vaincu de mon insuffisance, j'aurais reculé devant ma tâche si je n'avais été soutenu par le concours indispensable de mon collègue et ami, M. le professeur Ladislas de Wagner, de Pesth (Hongrie), de M. Fcrd. Hiller, de Prague (Bohême), si profondément versé dans la question, par les observations si 3S2 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. judicieuses de 3F. le marquis R. de Ginestous et de M. Gué- rin-Meneville, si compétent en pareille matière, et par les aimables encouragements de M. Drouyn de Lhuys, président de la Société d'acclimatation, de la Société des agriculteurs de France, etc., etc. Je leur en adresse ici mes bien sincères remercîments. jnote additionnelle. L'importance tant de rétude des maladies des vers à soie que de celle d'un grainage indigène sain a toujours été l'une des préoccupations de la Société d'acclimatation. Ses encouragements n'ont pas manqué à ceux qui ont travaillé dans ce sens. Dans le programme des prix, concernant les étu- des relatives aux vêts à soie, proposés par cette société pour être décernés dans l'une de ses procliaines séances publiques, sinon la prochaine, nous trouvons les deux prix suivants se rapportant au sujet qui nous a occupé dans l'article ci-dessus : Prix fondé en 1865. — Vers à soie du Mûrier. Études théoriques et pra- tiques sur les diverses maladies qui les atteignent. Les auteurs devront, autant que possible, étudier nionograpliiquement une ou plusieurs des maladies qui atteignent les Vers à soie ; en préciser les symptômes ; faire connaître les altérations organiques qu'elles entraînent ; étudier expérimen- talement les causes qui leur donnent naissance et les meilleurs moyens à employer pour les combattre. Concours prorogé jusqu'au 1" juillet 1872. i" PRIX. — 2,000 francs. 2^ PRIX. — 1,000 francs. Prix fondé en 1870. — Vers à soie du Mûrier. Production dans le nord de la l'rance de la graine de Vers à soie de races européennes par de petites éducations. Considérant l'intérêt qu'il y aurait à encourager la production de la graine saine des Vers à soie du Mûrier de races européennes, les prix sont institués pour récompenser dans les bassins de la Seine, de la Somme, de la Meuse, duRhin, ainsi que dans la portion septentrionale du bassin de la Loire, les petites éducations qui permettront de mettre au grainage des Cocons prove- nant d'éducations dans lesquelles aucune maladie des Vers n'aura été con- StHtPP La Société n'admettra au concours du grainage que les races de Vers à soie de races européenne?. Elle ne primera aucune éducation portant sur plus de 30 grammes de graines, pour une même habitation. Mise au grainage de plus de 50 kilogrammes de Cocons. 2 Prix de 500 francs chacun. Mise au grainage de 25 à 50 kilogrammes de Cocons. 2 Prix de 200 francs chacun. Mise au grainage de 10 à 25 kilogrammes de Cocons. U Prix de 100 francs chacun. II. EXTRAITS DES PROCES- VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES ET DU CONSEIL DE L.\ SOCIÉTÉ. SÉANCE GÉNÉRALE DU 23 JUIN 1871. Présidence de M. de Quâtrefages, vice-président. — Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. — M. le président proclame l'admission de M. LeVavasseur DE Précourt (Octave), auditeur au Conseil d'État, à Paris. — M. le Président informe la Société des pertes qu'elle vient de faire par suite du décès de M.M. Grandidier, Chazereau, Malleval, Thoureau, Lacour, Mongruel et de bere. / — M. Le Vavasseur de Précourt adresse ses remercîments pour sa récente admission. — Lord Vernon, président du French peasant farmers seed fund, adresse la lettre suivante : « J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 20 courant et vous prie d'accepter mes remercîments pour les expressions bien- veillantes qu'elle contient. Conformément à votre désir, j'ai l'honneur de vous transmettre par le même courrier quelques Reports des distributions faites par notre Société. Je saisis celte occasion pour vous informer qu'un délégué de notre Société doit visiter la France en juillet et août prochain pour nous rendre compte des récoltes provenant de nos graines. Je vous serais très-obligé si vous vouliez bien lui permettre de se présenter chez vous et lui communiquer tous les renseigne- ments que vous aurez sur ce sujet. » — M. L. de Fenouillet transmet l'état de son troupeau d'Yaks au 21 juin 1871. Il a eu le malheur de perdre, en oc- tobre 1870, son plus bel étalon, mais le reste du troupeau continue à être en parfait état. — M. Betz-Penot fait connaître que ses ma's d'Amérique, plantés pour la cinquième fois, sont en très-bon état. — M. Bouillod annonce la mort des perruches Edwards 38A SOCIÉTÉ d'acclimatation. qu il avait reçues en cheptel et la naissance de deux Callop- sites; il ajoute que les perruches à croupion rouge couvent depuis huit jours (28 juin 1871). — M. Gh. de la Brosse Flavigny, en faisant part de la nais- sance de deux Agoutis, annonce que la femelle mère est morte en novembre 1870. — M. Guillemin informe la Société que ses deux Chèvres d'Angora lui ont donné chacune une chevrette en 1870. Ces deux mêmes Chèvres ont mis bas deux chevreaux en avril 1871. — M. le comte Le Couteulx de Canteleu fait connaître la mort de la femelle Cygne noir qu'il tenait en cheptel de la Société. — M. Malingre adresse la lettre suivante : « Les Eucalifptus globulus ont en partie gelé cet hiver à » Madrid, cependant les liges de trois et quatre ans ont résisté » et repoussent avec vigueur. Dans le Midi, ils n'ont pas souf- )) fert et continuent à prospérer d'une manière prodigieuse. » Malheureusement cette année nous n'avons pas pu nous pro- » curer des graines en temps opportun, et l'on a fait peu de » semis. A ce propos je dois vous dire qu'ayant retrouvé des » graines reçues eni866^ et qui étaient restées oubliées au fond » d'un tiroir de mon bureau, elles ont levé à raison de 60 pour ») 100 et que les jeunes plantes se montrent très-vigoureuses. » J'en ai conservé une partie pour les semer l'année prochaine > et voir si leur faculté germinative persistera plus longtemps. ft Ceci est un enseignement utile, car on n'a pas à craindre de » faire venir une trop grande quantité de graines puisqu'elles » sont encore bonnes les années suivantes. Mais il convient de » recommander aux personnes qui font la récolte des graines ï) de bien choisir les arbres qui les produisent; j'ai en efïet )) dans ces sujets, nés de graines reçues en 1867-1868, un ]» grand nombre d'exemplaires chétifs, rabougris, qui pro- » viennent évidemment d'un seul porte-graine, car ils ont » tous les mêmes caractères et ne se retrouvent pas dans » d'autres lots ; enfin en examinant avec soin des plantations » importantes on reconnaît à première vue des variétés dis- PROCÈS-VERBAUX. 385 T> tinctes bien supérieures, mais en petit nombre. J'ai remar- > que le même phénomène chez les Séquoia. Il est peut- » être difficile de récolter des graines sur les plus grands » arbres, mais cela est tout à fait utile dans l'intérêt des ren- » déments futurs ; il conviendrait aussi que les graines fussent » bien mûres, car quand la maturité est incomplète, elles )) lèvent, mais le plant ne tarde pas à devenir malade et à périr. )) Cependant cet inconvénient est moindre que celui de prendre D des graines sur des arbres défectueux, car lorsqu'on voit un » sujet jaunir on peut le remplacer immédiatement, et il faut » attendre quelques années pour pouvoir reconnaître les su- » jets issus d'une mauvaise variété. » — MM. Gellineau et le duc de Mirepoix Levis demandent de participer aux distributions de graines de la Société. — M. Victor Chatel fait hommage d'une note sur les choux pommés en 1871. — Remercîments. — M. le Secrétaire donne lecture d'un rapport de M. Vidal (de Montbel) sur ses cultures d'avoine de Sibérie, de maïs et de pommes de terre. M. Duclos fait observer que, de toutes les céréales, l'a- voine est celle qui dégénère le plus vite. Dans les nombreuses expériences qu'il a tentées il est arrivé à constater toujours le même fait : le blé se maintient beaucoup mieux. M. de Quatrefages pense qu'il faut pour un grand nombre de plantes avoir le soin de renouveler fréquemment la*se- mence, sans quoi les plantes dégénèrent. Il cite à l'appui de son opinion des faits observés sur la culture du chou rouge et des navets des Gévennes. — M. le Président déclare close la session de 1870-1871. Le Secrétaire des séances, • J.-L. SOUBEIRAN. SÉANCE DU CONSEIL DU Mk JUILLET 1871. Présidence de M, Drouyn de Lhuys, président. — M. Delapalme, notaire à Paris, adresse à la Société l'ex- 2« SÉRIE, T. VllI. — Juillet et Août 1871. 25 386 SOCIÉTÉ d'acclimatation. trait d'un codicille au testament de M. Gottenet, membre delà Société, qui lui lègue une somme de 500 francs. — M. Bazin, notaire à Paris, informe la Société que par son testament M""^ veuve Dutrône a légué à la Société d'Accli- matation le capital nécessaire pour l'achat de 100 francs de rentes 3 pour 100, destinés à la fondation d'une prime. — La Société d'horticulture et d'acclimatation de Tarn-et- Garonne annonce que les éducations de Vers à soie de la race Khérédine ont continué à être satisfaisantes cette année, et adresse un rapport de M. Touzac sur les éducations antici- pées des Vers à soie en 1871 . — La Société d'agriculture et d'acclimatation de Nice fait parvenir un rapport sur ses cultures. — M. Naudin adresse la lettre suivante: « J'ai reçu la cir- > culaire que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser il y a y> un mois, au nom de la Société d'acclimatation, et, malgré » mon désir d'y répondre aussi promptement que possible, D j'en ai été empêché par nombre de travaux et d'affaires )) pressantes qui ne me laissaient pas un instant de libre. Vous )) n'aurez pas de peine à comprendre que, pendant cette » longue série de désastres sous lesquels la France a été acca- D blée, tous les travaux scientifiques, toutes les expériences, D ont cessé, ou à bien peu près, car comment vaquer aux oc- D cupations intellectuelles au milieu d'angoisses sans cesse ï) renouvelées et si poignantes ? Cependant tout n'a pas été perdu ?j) chez moi, et, pendant la première moitié de l'année 1870, D c'est-à-dire avant nos malheurs,j'ai obtenu quelques résultats D de mes cultures de plantes exotiques et surtout appris, par » quelques écoles, ce qu'on peut légitimement espérer du cli- i> mat de ce pays. Deux hivers exceptionnellement rigou- 5> reux, dans lesquels le thermomètre centigrade est descendu » à 6 et 7 degrés, ont laissé intacts ou à peu près intacts chez » moi : 1° le joli et curieux Phénix Hanceana Ndn., de la D Chine méridionale, palmier presque nain, dont les fruits, D trouvés trop acerbes par^ les Européens, sont cependant » mangés par les Chinois ; la culture les améliorerait proba- » blement, comme elle a améhoré tant d'autres fruits. Ce pal- PROCÈS-VERBAUX. 387 » mier pousse ici avec une vigueur et une rapidité remarqua- 3) blés, à la condition d'être un peu arrosé. 2° Le Jiibœa ou ]> Cocotier du Chili, qui pousse moins vite et me paraît de- D mander de plus copieux et plus fréquents arrosages. 3° Le î Diospyros Kaki du Japon, arbre fruitier qui mérite d'être y> recommandé. /i° Le Caroubier {Ceratonia Siliqua), qui j> me paraît on ne peut mieux approprié aux collines rocail- 3) leuses de ce pays, auxquelles il donnerait une valeur qu'elles 3) n'ont pas aujourd'hui par suite de leur aridité et de la T) pauvreté de leur sol. 5° Les Bambous de la Chine (Bambusa )) nigra, mitis, gracilis) et de l'Himalaya {Arundinaria fol- j) cata) qui deviennent superbes et résistent à toutes les in- i> tempéries, mais qui ne réussissent bien que dans les terres D profondes et humides. Ce serait une admirable acquisition î agricole pour les terres détrempées, situées au voisinage » des cours d'eau , où ces bambous remplaceraient très- js> avantageusement la Canne de Provence {Arundo Donax) et D surtout les joncs et autres herbes marécageuses, dontl'utilité )) est presque nulle. Les Eucalyptus d'Australie, sur lesquels 5) on a fondé de si grandes espérances, me paraissent avoir X très-peu de chances de succès ici. Ces arbres demandent un 3) sol fertile, profond et bien irrigué, sans quoi ils refusent T> de croître ou périssent par la sécheresse, ce à quoi il faut 7> ajouter que 5 à 6 degrés de froid les maltraitent gravement 3) et qu'ils ne résistent guère aux violents coups de vent qui, » de loin en loin, se font sentir sur tout le périmètre septen- » trional de la Méditerranée. En somme, je ne crois pas qu'ils )) puissent être autre chose, en France, que des arbres de )) curiosité ou d'agrément, à moins qu'on ne les cultive en 5) buissons, pour en extraire des huiles essentielles. Ce sera li une question à examiner. Le peu d'espace qui me reste à » remplir ne me permet pas d'entrer dans le détail de mes » essais actuels de culture ; je me borne à dire que j'ai en ce )) moment de très-beaux sujets en fleurs de la légumineuse )) comestible, que la Société d'acclin^gtation m'a envoyée sous 3) le nom de Haricot de Para; je n« doute pas que le succès j de cette culture soit complet. Ont de. même réussi, jus* 388 SOCIÉTÉ d'acclimatation. » qu'à présent, les Sorghos sucrés de la Chine et du Japon, » dont les panicules, en ce moment, s'apprêtent à sortir; )) néanmoins, l'excessive chaleur qui règne depuis quelques » jours (aujourd'hui 39", 2' à l'ombre !), et la sécheresse qui ï) l'accompagne, me donnent quelques craintes. Le Sidero- )) xylon Argan ou Argan du Maroc (de la Soc. d'accUm.) a » un peu souffert l'hiver dernier ; cependant il vient d'une ma- » nière satisfaisante, mais il veut être arrosé à peu près aussi » souvent que les orangers, ce qui, à mes yeux, est un grave » défaut. L'Ortie de la Chine, ou Ramie, peut réussir ici, » comme l'atteste la belle touffe que j'ai dans mon jardin » depuis 3 ans, mais je fais observer qu'il lui faut une terre T> fertile et fraîche, et qu'ehe ne s'accommode pas de la séche- » resse. Dans une autre lettre, je parlerai de diverses plantes » actuellement en expérience et que je dois, les unes à la So- ))ciétéd 'accUmatation, les autres à des amateurs français ou » étrangers. Pour le moment, je me borne à signaler une ad- » mirable graminée fourragère du Guatimala, que j'ai reçue » de M. Durieu de Maisonneuve, directeur du jardin botanique » de Bordeaux, sous le nom quasi-barbare de Téosinté. Cette 5 plante, qui paraît être nouvelle pour les botanistes, nous in- n téresse vivement tous deux, et nous mettons tout en œuvre, » M. Durieu et moi, pour l'amener à fleurir et à produire des )) foraines, condition sine quâ non de son introduction dans » l'agriculture. Nous avons quelque espoir d'y réussir. Une de » nos ambitions d'acchmateur serait de trouver une plante » fourragère nouvelle, qui s'accommoderait des terres arides )) du midi de la France et y donnerait un abondant produit, )) sans arrosage et sans culture. Je ne sais si ce phénomène » existe quelque part, mais si quelqu'un des nombreux cor- D respondants de la Société d'acclimatation pouvait me le pro- V curer, il rendrait un grand service à ce pays. » M. Turrel communique la lettre suivante : « J'ai l'hon- » neur de vous accuser réception de votre lettre-circulaire, D annonçant la reprise des travaux de la Société, après la » lono-ue et douloureuse interruption causée par l'invasion et ' » par la guerre civile, et invitant les Sociétés affîUées à tenir PROCÈS-VERBAUX. 389 - » la Société zoologique d'acclimatalion au courant de leurs c » essais et de leurs cultures. Je dois en outre vous faire savoir i> que j'ai reçu hier un paquet de graines d'Australie ou de la » Nouvelle-Zélande, qui m'a été envoyé par vos soins et que r » je vais confier partie à la maison Gh. Huber, d'Hyères, partie î> à M. J. Auzende, jardinier du jardin de la ville. Il serait à t: » désirer que chacune des espèces adressées aux membres ou : 2 aux Sociétés affiliées fussent, autant que possible, accompa- ' D gnées d'une courte notice indiquant la provenance géogra- » phique et l'habitat des végétaux ; sinon, les semeurs sont » exposés à de grands mécomptes. La graine de Phormium )) Tenax, que contient entre autres le dernier envoi, est très- » rebelle à la germination : ne connaîtriez-vous pas le moyen » de la faire lever? Je sais par la maison Ch. Huber, d'Hyères,: » que de grandes quantités de graines fraîches, reçues par elle » et soignées avec sollicitude, n'ont pas voulu germer. A cette )) occasion, M. Delort, chef des cultures de la maison Huber, )) m'a fait connaître un procédé pour obtenir à coup sur la » germination des graines àWreca : c'est de les tenir dans un » lieu chaud et oteî^r, entièrement privé de lumière. Aucune y> graine en bon état n'est rebelle à ce moyen de germination. » Je puis vous donner quelques détails sur lès graines de î) Chine, que vous nous aviez envoyées l'an dernier. Celle qui )) paraîtrait la plus intéressante est la graine de millet rouge. » D'après M. Sénéquier, le jeune membre de notre Société au » Rascas de Grimaud, cette graminée est appelée à jouer un 3) grand rôle dans la formation des prairies artificielles, sans )) compter les avantages qu'on peut retirer de sa graine pour » les oiseaux de basse-cour. Elle se ramifie beaucoup, pous- > sant des tiges vigoureuses de 1"", 50 de liauteur, couvertes j> de la base au sommet d'un feuillage abondant. Les épis ont . » à peu près 2 décimètres de longueur et contiennent des my- )) riades de petites graines rouges. Semée dans un sol subs- » tantiel et à l'arrosage, cette plante a conservé un feuillage » demi-vert, même après la maturité de ses épis, ce qui a î permis à M. Sénéquier de récolter la graine et de faire fau- » cher les tiges, qui ont été consommées avec avidité par les 390 SOCIÉTÉ d'acclimatation. > vaches. Je compte comprendre M. Sénéquier dans la répar-^ ,3tition des graines, parce qu'il met un grand soin à nous (3ienir au courant de ses essais. Oserai-je vous prier, M. le > Secrétaire général, de vouloir bien faire connaître à la So- )) ciété que notre association crée en ce moment un jardin > d'essais et d'acclimatation dans l'enceinte agrandie de la ) ville, et que nous pourrons recevoir, à l'automne, les vé- > gétaux dont elle voudra bien nous confier l'expérimentation, > sous notre ciel plus clément? » — M. Sicard fait hommage de ses Études pratiques sur la revivification des madrépores et des éponges. — Remei*- ciments. — M. L.de Glatigny fait connaître le résultat de ses cultures de pommes de terre. SÉANCE DU CONSEIL DU 18 AOUT 1874. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. — La Société des agriculteurs de France transmet une circulaire relative à une souscription qu'elle a ouverte dans le but de venir en aide aux cultivateurs , victimes de la guerre. — M. le Président informe le conseil du décès de nos con- frères, MM. Boutton-Levêque, Le Vavasseur, Berdat, E. Hesse, comte Gornudet, Rochussen, ministre d'état des Pays-Bas, et Henri Lecoq, délégué de la Société à Glermont-Ferrand. — M. Fréd. Albuquerque de Rio Grande do Sul adresse la lettre suivante : « L'envoi qui m'a été fait l'année dernière par notre Société, ainsi que celui de M""^ Delisse sont arrivés en mauvais état et je n'ai pu sauver qu'une demi-douzaine de vignes, mais j'ai complètement réussi avec 193 variétés, tirées directement du Jardin du bois de Boulogne, dont 130 au moins sont vivantes et ont poussé avec une vigueur extraor- dinaire, malgré la saison (janvier) où ces sarments me sont PROCÈS-VERBAUX. 39i arrivés. Je viens de faire des boutures de presque toutes les variétés et, pour vous donner une idée de leur vigueur, je vous dirai que j'ai tiré 70 boutures à 3 nœuds d'un i^\mi de Pique- Poule , 76 d'une grosse Roussane et 93 d'un pineau gros grain. Pour pouvoir faire sur une plus grande échelle mes essais de viticulture, je viens d'acheter une terre sur les col- lines, à là lieues de Rio Grande do Sul, où j'ai déjà plus de 130 variétés de vignes d'Europe. J'ose espérer que la Société voudra bien me continuer son bienveillant concours. » — M. Delidon adresse la note suivante : « Le rapport de M. Léon Soubeiran, l'honorable secrétaire délégué de la Société d'acclimatation, sur les expositions internationales de pêche, me fournit l'occasion de vous adresser ces quelques notes. » Muge. — Le Mugil Capito (1) est très-commun sur les côtes de l'Océan et il est regardé comme le plus abondant de tous les poissons qui fréquentent les côtes de l'Ouest. Les réservoirs des marais salants et les écluses en sont rem- plis, ce qui permet d'en faire des pêches quelquefois presque fabuleuses par la grande quantité. Généralement on croit que le Muge de couleur pâle et le Muge de couleur foncée sont deux espèces différentes; que le premier remonte les cours d'eau et que le second n'abandonne jamais les eaux salées. La différence de couleur est la cause de cette opinion tout à fait contraire à la vérité. En effet, si l'on observe attentivement le Muge de couleur pâle, péché dans les cours d'eau, et celui de couleur foncée, péché dans l'Océan, on verra que leur confor- mation est identique; de plus, si l'observateur parque pendant quelque temps le Muge de couleur foncée dans une eau douce ou saumâtre, il lui verra perdre cette teinte primitivement foncée et prendre la teinte pâle du Muge d'eau saumâtre. Dans les réservoirs de nos marais salants, où la salure des eaux de mer est affaibhe par les eaux de pluie et les filtrations d'eau douce, le Muge perd assez promptement sa première teinte foncée et il engraisse, tandis que, à la mer, il est pres- (1) Oa lui donne, sur les côtes de l'Ouest, le nom de Meuill ou Mulet. 392 SOCIÉTÉ d'acclimatation. que toujours maigre (1). Nos sauniers regardent ce change- ment de couleur comme un signe certain d'engraissement, et ils estiment la valeur du Muge comme bon à être mangé, à la couleur pâlie du dos et blanchâtre du ventre. s> 11 est aussi à remarquer que le Muge devient d'autant moins propre à la reproduction, que l'eau dans laquelle il se trouve est plutôt douce que salée : il produit beaucoup dans l'eau salée, moins dans l'eau saumâtre, pas du tout dans l'eau douce. Le poisson de cette espèce qui a remonté un cours d'eau trop douce revient toujours faire la reproduction à l'embouchure, après avoir refait, pour ainsi dire, ses qua- lités reproductives par un séjour dans les eaux qui l'ont vu naître. » Anchois. — La Clupée Anchois (Clupea EncrasicholuSy Val.) est toujours très-commune sur les côtes de l'Ile-d'Yeu et parfois sur la côte des Sables-d'Olonne (Vendée). La pêche de ce poisson est principalement très-lucrative à l'Ile-d'Yeu où elle est faite de la même manière que celle de la Sardine, c'est-à- dire à l'aide de filets plongeants qui flottent au moyen de lièges très-nombreux ; on l'attire avec l'appât désigné sous le nom de rogue. Ce poisson précède toujours la Sardine d'un mois et parfois de deux mois; il voyage en bandes pressées et il se jette dans le filet à l'exemple de la Sardine, dont il annonce la prochaine arrivée. » L'anchois est conservé dans des pots de grés rempHs de vinaigre, avec mélange de petits oignons et d'herbes odorifé- rantes ; il est ainsi livré au commerce par les pêcheurs de l'Jle-d'Yeu. Ce poisson est, sur les côtes de l'Ouest, servi sur les tables sortant du vinaigre avec un hachis d'œufs de volailles et de cerfeuil, le tout assaisonné à l'huile et au vinaigre. Ce mets est très-agréable. (1) Par exemple, on remarque que les Muges qni viennent de la mer dans l'étang de Berre sont maigres lors de Ventraison et gras à la sortie. Ils s'en- graissent donc dans l'étang de Berre, étang saumâtre où la faible saturation des eaux produit le développement d'une infinité de conferves marines, de larves, de crustacés, etc. {Elevage et conservation du Muge à l'état de stabulaiion dans les rivières de la ferme aquicole de Port-de-Bouc, par M. Léon Vidal. BulL de la Soc. d'accl, 1867, 2^ série, t. III, p. 190.) " PROCÈS-VERBAUX, 393 j» Moule, — Ce mollusque, comme je l'ai déjà écrit, peut' rendre de très-grands services à l'alimentation publique : il est très-abondant, et en outre il peut être engraissé presque sans frais sur des lieux actuellement impropres à la culture d'autres espèces. Je ne décrirai point ici l'industrie de la baie de l'Aiguillon-sur-Mer, où il est impossible de ne pas employer le bois à cause de la vase trop mobile qui engloutirait le nais- sain ; mais j'insisterai plus spécialement sur le mode de culture de la Moule en dépôts, comme étant propre à fournir les meil- leurs résultats, ne nécessitant que peu ou point de frais. Le système des bouchots et des collecteurs en bois serait le plus commode pour recevoir le naissain de la Moule et le cultiver facilement; mais il nécessite certaines dépenses qu'il faudrait renouveler trop souvent à cause de leur destruction par les tarets. En 1862, au mois d'avril, je me voyais forcé d'accepter tout simplement la culture des moules en dépôt, ayant eu mes cadres, pieux et clayonnages d'essai entièrement détruits par les tarets. Il est vrai que tous les fonds ne sont pas naturelle- ment propres à faire un dépôt. Ici, la vase est trop gênante; plus loin, un fond de roche trop dure et trop facilement lavée ne permettrait pas aux sujets d'engraisser. Un fond de roches schisteuses n'existe pas partout ; mais un fond artificiel peut être formé, soit avec des fragments de roches de cette nature, soit avec des briques non vernissées, en ayant soin de faire une inclinaison légère en forme de talus. Si un fond ainsi con- fectionné est couvert par des eaux salées, vous y aurez la re- production et il vous sera facile d'en détacher le naissain ; si, au contraire, ce fond n'est couvert que par des eaux saumàtres ou presque douces, vous n'aurez que l'engraissement. Pour éviter cela, il serait bien d'avoir deux dépôts : l'un à repro- duction (fond couvert par l'eau salée) ; l'autre à engraissement (fond couvert par l'eau saumâlre). Il ne faut employer ni ci- ment ni mortier pour fixer les fragments de roche schisteuse ou les briques, et, dans la crainte que l'action des eaux ne bouleverse l'établissement, il est prudent d'encadrer le fond artificiel par un cordon de grosses pierres. J'affirme que l'éta- blissement ou dépôt, construit de cette manière, produit les 394 SOCIÉTÉ d'acclimatation. meilleurs résultats. En prenant des précautions, on sera sûr de ne faire des frais qu'une seule fois et d'être à Tabri des tarets. » La Société d'acclimatation m'a déjà fait l'honneur de publier mes articles sur le même sujet; je ne doute pas que la puissante voix de sa publicité ne donne à la culture des Moules toute l'importance qu'elle mérite. » Le Secrétaire du Conseil y Ch. Wallîit. m. CHRONIQUE. Notes sur rallmen talion, Par M. Augustin A. Delondre. Différentes compagnies, et plus spécialement celles qui s'occupent du transport, soit des voyageurs, soit des marchandises, ont vu leurs chevaux réquisitionnés pendant le siège de Paris, pour être utilisés aux différents services de la défense, tels que les équipages du train d'artillerie, le service des ambulances, de la société internationale de secours aux blessés, le trans- port des vivres, etc., etc., ou concourir à l'alimentation. L'entreprise générale des omnibus a notamment vendu au gouvernement de la défense nationale 29ii2 chevaux, dont 2027 ont servi à l'alimentation civile et 122 à l'alimentation militaire. Il nous a- été dit, en outre, que l'entreprise des omnibus avait fait rentrer au commencement du siège, de sa ferme de Glaye dans Paris, un nombre d'environ ZiOO moutons, dont la viande a été répartie entre les différents employés de cette grande administration. La même entreprise a aussi fourni au gouvernement de la défense 13 000 quintaux d'avoine et environ 5000 bottes de foin et de paille. II Le siège de Paris a été pour quelques personnes Toccasion de faire entrer dans leur alimentation, d'une part, sous forme de boudins, d'andouilles, de saucissons, de préparations d'osséine, une partie des déchets de l'alimenta- tion usuelle ; et, d'autre part, d'utiliser dans le même but quelques espèces animales dont elles ne faisaient pas leur nourriture habituelle. Sans nous arrêiersur le Cheval, l'Ane, le Mulet, le Chien, le Chat, le Rat, la Souris, etc., qui ont été l'objet de communications si intéressantes de plusieurs de nos collègues, nous voulons surtout faire allusion ici aux animaux provenant des ventes faites par le Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne. Ces curiosités de l'alimentation, comme les ont si bien appelées M. P.-L. Simmonds, dans le volume qu'il a publié sous ce titre en Angleterre, et M. J.-L. Soubeiran, dans la conférence qu'il a faite à l'École de pharmacie pendant le siège et qui est reproduite dans le Bulletin de notre Société (2« série, t. VII, p. 71û), seront-elles toujours pour nous, au point de vue de l'alimentation, des curiosités ? Nous ne le croyons pas. Ainsi nous appre- nons, par un article du Food journal^ que, en appliquant aux Marsupiaux d'Australie les procédés de conservation en usage pour les conserves de 396 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. Bœuf et de Mouton du même pays, on a pu importer en Angleterre des conserves vendues sous le nom de Kanguroo Venison, et notamment deux préparations alimentaires très-appréciées, Tune composée de la viande de l'animal et portant plus spécialement la désignation de Kanguroo Venisonj et l'autre dont la queue de l'animal est la base et qui est vendue sous le nom de Kanguroo tail soup. Du reste, tel aliment qui est pour nous une curiosité n'en est pas pour d'autres peuples. Un grand nombre d'insectes servent à l'alimentation des différents peuples du globe, et lorsqu'on songe au profond dégoût que nous éprouverions pour cette nourriture, ce n'est pas sans étonnement qu'on parcourt la liste si longue d'insectes utilisés dans Talimenlationdes différents peuples qui a été publiée dans le journal de la Société entomologique de Londres. Nous revien- drons prochainement sur ce sujet. En Chine, il entre dans l'alimentation un fromage fait avec des pois, et une plante marine, la Grateloupia filicina, fournit une sorie de gélatine végétale qui est utilisée pour épaissir certains plats et pour préparer certaines gelées alimentaires. Nous pourrions y ajouter encore les nids d'hiron- delles, etc., etc. Divers Pachydermes sont utilisés dans l'alimentation. En Asie et en Afri- que, l'Éléphant est employé à l'alimentation, et nous ne voyons pas pour- quoi les procédés de conservation des viandes, si bien utilisés en Australie, ne seraient pas appliqués à la conservation de la viande des nombreux Élé- phanls tués dans de grandes chasses pour en avoir les défenses. La même remarque s'appliquerait à l'Hippopotame, qui sert, en certains points du continent africain, à la nourriture des indigènes. En Afrique, sous le nom vulgaire de lamantin, diverses espèces de Céta- cés du genre Manatus, le Manaius senegalensis et le M. Vogelii, servent à rallmenlation des indigènes {Food journal). Le Manatus americanus, autre espèce du même genre, est mangé aussi en Amérique, sur les côtes de la Floride, à la Jamaïque, etc., etc. {Jaarboekje van het koninklijk zoologische Genootschap Natura nrtis magistra 1860) (l). Les Cétacés, en général, ainsi que l'indique avec raison noire collègue M. J.-L. Soubeiran, forment la base de l'alimentation des peuples arctiques. Les Baleines, d'après sir John Lubbock, entreraient aussi dans l'alimenta- tion des sauvages de l'Australie. Ne trouverions-nous pas aussi au Brésil de nombreux Mammifères qui fourniraient dans l'avenir de nouvelles ressources pour l'alimenlalion, tels que le Coati, le Tapir, le Tatou; des rongeurs, tels que le Coaye vulgaire- ment appelé Cochon d'Inde, le Gapybara, l'Agouti, le Paca appartenant aux genres Cavia, Hijdrochœrus, 9asyprocta et Cœlogenijs; une foule d'autres animaux, d'oiseaux, dont un grand nombre de variétés de pigeons ? Le Cap (i) Nous rappellerons ici que certains auteurs modernes ont distrait des Céta- cés divers genres de Mammifères à membres ichthyoïdes, tels que les Lamantins elles Dugongs, pour en constituer l'ordre des Siréniens, CHRONIQUE. 397 ne pourrait-il pas fournir, entre autres, cet animal étrange du genre Oryc^ teropus, Wrycteropus capensis, TOryctérope ou Fourmilier du Cap ? Parmi les curiosités de ralimentation de l'Afrique, il faudrait aussi citer, d'après M. le docteur Welwitsch, un Champignon gigantesque qu'il a trouvé dans un district nommé Calungembo, voisin de Pungo-Andongo. Ce Cham- pignon aurait été suffisant pour l'alimentation de trente hommes : il se vendait couramment, bien qu'en petit nombre, sur le marché de Pungo- Andongo, et était aussi large qu'un parapluie. Nous pensons avec le Food-journal que les différents peuples du globe et même les peuples civilisés pourraient, dans un grand nombre de cas, avoir plus abondamment recours à la classe des Champignons pour leur nourri- ture; la culture des Champignons a, du reste, fourni à l'alimentation, pendant le siège de Paris, une ressource sérieuse, tant à l'état frais qu'à l'état de conserve. Cette question a été récemment étudiée avec soin en An- gleterre ; le Journal of the Society of arts et le Gardenefs Chronicle ont consacré à cette étude de nombreux articles. Parmi les aliments nouveaux que l'augmentation de la rapidité des moyens de communication et l'amélioration des procédés de conservation ou bien nous font connaître ou bien mettent en plus grande abondance et à un prix plus abordable à notre disposition, nous devons mentionner des fruits, des racines, des feuilles, de jeunes pousses, etc., etc. Parmi les fruits, nous attirerons spé- cialement l'attention sur les fruits des pays exotiques tels que VAnona reti- culata, VA. cherimolia, VA. squamosa, VA. muricata, VA. palustris^ le Psidium pijriferum, le Ps. pomiferum, le Grias cauliflora, le Persea gratîssima, le Mammea americana^ etc., etc., auxquels nous ajouterons les fruits de VArduina grandiflora et de VAberia cafrade Natal, dont les con- serves sont excellentes d'après M. John R. Jackson, et différents autres fruits de Natal, sur lesquels M. le docteur R.-J. Mann doit publier prochainement des détails. Nous consacrerons à ces fruits de Natal un article particulier. Les fruits de VAnanassa sativa, de VArtocarpus incisa, da Musa sapien- tum et du Musa paradisiaca méritent aussi d'être cités au même point de vue et sont vendus à l'état frais à Londres, à des prix relativement modérés. Diverses racines provenantdunordde l'Amérique méridionale, de l'Amé- rique centrale ou de l'Amérique septentrionale pourraient aussi, soit à leur état naturel, soit sous forme de modification déterminée par la culture, four- nir d'utiles ressources à l'alimentalion. Nous citerons, parmi les plantes dont les racines sont utilisées par les indi- gènes des pays dont elles sont originaires, rc///ucu5 tuberosus, cuhivé en Bolivie et dans les Andes du Pérou, VOxalis crenata du Pérou et VOxalis tuberosa de Bolivie, VOxalis Deppei du Mexique, VAracacha esculenta de l'Amérique méridionale, cultivé comme article courant d'alimentation dans le nord de l'Amérique du sud, VApios tuberosa de l'Amérique du nord, le Psoralea esculenta du nord-ouest de l'Amérique. Les propriétés de quelques racines alimentaires des autres pays, parmi 398 SOCIÉTÉ d'acclimatation. lesquelles nous mentionnerons spécialement les Bâtâtes et les Ignames, sont du reste bien connues de nos collègues. Peut-être même pourrions-nous par la culture développer les propriétés alimentaires des racines de quelques-unes de nos plantes européennes, ainsi que cela est déjà arrivé. Nous ne croyons pas devoir omettre de mentionner, au point de vue qui nous occupe ici, la culture des racines de Chœrophyllum bulhosum^ dont la Société s'est beaucoup occupée et sur laquelle elle a reçu de fréquentes communications. Dans les îles Hébrides, les racines de Potentilla anserina sont souvent recueillies par le peuple en cas de disette et bouillies ou grillées pour servir à l'alimentation. Les racines de Bistorte {Polygo- num bistorta), après être restées à tremper quelque temps dans Teau, de- viennent alimentaires par le grillage et sont employées à cet effet en Russie et en Sibérie. Les jeunes pousses du Houblon sauvage, de VOrnithogallum pyrenaicum, sont utilisées pour l'alimentation dans certaines parties de l'Angleterre ; celles de la Bryone noire, qui perdent par la cuisson leur principe acre et amer, peuvent alors constituer un aliment, ainsi que cela a lieu en Grèce. Les bulbes de VOrnithogallum umbellatum sont mangés en Palestine. Citons encore dans la même famille, à côté de l'Oignon, VAllium schœnoprasum, dont les feuilles forment une excellente fourniture pour les salades. Mentionnons aussi les feuilles de la Beta maritima de celte famille des Chenopodiacées, à laquelle appartiennent l'Épinard et différentes autres plantes employées à différentes époques dans l'alimentation, et notamment le Chenopodium bonus Henricus. Mentionnons encore le Sinapis arvensis, les feuilles de Bourrache, les jeunes pousses de Raiponce, d'Heracleum spondylium, de Lamium album, différentes plantes de la famille des com- posées, YHelianthus tuberosus, et, à côté du Chardon, l'Artichaut, les tiges pelées de VArctium lappa, les feuilles de Chicorée, les feuilles blanchies du Taraxacum officinale, les parties sous terre et hors de terre du Salsifis, etc.;, et il nous sera facile de voir quelles ressources pouvaient, pendant le siège de Paris, nous fournir les cultures forcées de M. le professeur Decaisne d'une part, et de M. Joigneaux d'autre part, au point de vue de cette nour- riture végétale si nécessaire pour éviter le scorbut. En écrivant cet article, nous nous rappelions les nombreuses richesses alimentaires que nous avions observées à l'Exposition du Brésil au Champ- de-Mars en 1867. Il nous serait impossible de les énumérer ici, cela nous mènerait trop loin : nous y reviendrons dans un article spécial. Nous rap- pellerons seulement que M^ José de Saldanha da Gama a publié à ce point de vue, en 1867, une brochure fort intéressante sous le titre : Classe- ment botanique des plantes alimentaires du Brésil. L'étude de notre Musée des colonies au palais de l'Industrie, qui va être rouvert à nos travaux, ne viendra-t-elle pas rappeler à notre souvenir des ressources importantes ? Pour mieux nous rendre compte des ressources que pourraient fournir à l'alimentation, et le règne végétal, et le règne animal, ne serait-il pas utile CHRONIQUE. 399 d'organiser des musées où seraient représentées soit par des échantillons, soit par des reproductions grapliiques, avec les végétaux ou les animaux qui les ont produites, les diverses substances usitées dans Talimentation des divers peuples, ainsi qu'on a pu le voir dans la Food collection qui fait partie du South Kensington Muséum à Londres ou dans le Twining's Muséum à Twickenham, ainsi que dans le Musée de botanique économique organisé au Jardin Royal de Kew, près Londres? M. Hyde Clarke a publié dans le Food Journal, sur les Musées de ce genre, un article dans lequel il en fait ressortir avec raison Tutililé. Nous renverrons du reste tous ceux qui s'intéressent à la question de l'alimentation au Food Journal dans lequel toutes les questions y relatives sont traitées ex professo, et qui nous a fourni une partie des renseignements qui précèdent, et aux comptes rendus des séances du comité d'alimentation (Food committe) de la Société des arts de Londres insérés dans le Journal de cette Société. Du reste, ce journal pubUe encore, en dehors de ces comptes rendus, de nombreux articles sur l'alimentation. Les Moineaux sont-ils nuisibles ? D'après le journal Nature^ le professeur Giebel, de Halle, a fait quelques recherches intéressantes, en vue de vérifier l'exactitude de l'opinion géné- rale que les Moineaux sont des animaux destructeurs, se nourrissant surtout de baies et de fruits à noyaux. En examinant le tube digestif de 73 jeunes Moineaux entre le 18 avril et le 1k juin, il a trouvé que /i6 d'entre eux s'étaient nourris exclusivement d'insectes (Chenilles et autres insectes) et que 7 seulement renfermaient uniquement des fruits à noyaux, tandis que les autres s'étaient nourris en plus ou moins grande proportion d'insectes. L'examen de Zi6 moineaux adultes a donné des résultats analogues ; 3 d'entre eux seulement avaient mangé des fruits ; tous les autres avaient été presque exclusivement insectivores [Journal of the Society of Arts, 1870). J.-L. S. Poules coehinchinoîses. De même que pour un grand nombre d'autres variétés de Poules, les Poules cochinchinoises, dit M. Tegelmeier, ont reçu un nom populaire, qui est mal appliqué. D'après M. Robert Fortune, qui a passé plusieurs années à explorer les diverses parties de la Chine , le nom de cochinchinoises n'a aucune raison d'être, et doit être remplacé par celui de Shang-haï, car la race qui est élevée en Europe, sous le nom de Poule cochinchinoise, est très-abondante autour de Shang-haï : c'est là qu'elle a été découverte après liOO SOCIÉTÉ d'acclimatation. la guerre et transportée dans l'Inde, et plus tard en Angleterre par les capi- taines de vaisseaux marchands. En réponse à l'objection que, par suite du commerce considérable qui se fait depuis de longues années entre l'Angle- terre et Macao ou Canton, cette race aurait dû être connue plus tôt, M. For- tune répond qu'elle est assez rare dans les provinces méridionales de la Chine, où se trouvent des Poules connues depuis longtemps des résidents anglais et des capitaines, mais qui n'ont pas de caractères tranchés. {Gar- deners chronicle, novembre 1870.) J.-L. S. Le Paon et le Tigre. Tous les Javanais savent que le Tigre et le Paon sont inséparables, mais la plupart en ignorent la raison. Ce qui porte ces animaux si différents l'un de l'autre, du reste, à se rassembler, c'est, comme toujours, leur genre de nourriture. Le Paon s'attache aux pas du Tigre parce qu'il aime à se nourrir des Vers intestinaux de ses victimes. En voici la preuve : le Tigre préfère vivre dans les parties basses et torrides ; il en est de même du Paon. Or, il existe dans les montagnes de Java un plateau d'une élévation de 9000 pieds, couvert de gras pâturages et qui, pour cette raison, est peuplé de Cerfs et de Daims. Nonobstant le froid de cette hauteur, le Tigre va retrouver sur ce plateau une proie facile, et l'on voit les Paons y venir en suivant la bête féroce d'arbre en arbre {Licht en Schaduwbeelben ; Courrier de Saigon, 6 avril 1871). J.— 1j. k>. Nourriture des Lophophores. M. Wilson dit que les Lophophores se nourrissent de Vers, d'insectes, de racines; mais l'auteur des Souvenirs de V Himalaya, publiés Tannée der- nière par le Field, dit qu'ayant disséqué plus de vingt de ces oiseaux, il n'a jamais trouvé trace dans leur tube digestif de nourriture animale ; les fruits des roses sauvages, les racines et les fruits des Fraisiers, les fruits d'Ara- chides, les Groseilles sauvages, les Glands, les parties tendres des arbres et des plantes, constituent suivant la saison leur nourriture favorite {The Field^ llx décembre 1870). J.-L. S. 1. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (1 RAPPORT SUR LES EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE DE BOULOGNE-SUR-MER, ARCACHON ET DU HAVRE (1866-1868) Par M. J, Léon SOUBEIRAIV (Suite et fin, voy. p. 168 et 30i.) RESERVOIRS A POISSONS. Les réservoirs à poissons, que l'on a commencé à établir sur plusieurs points de nos côtes, devraient être aussi multi- , plies que possible, car ils peuvent recueillir la masse des petits poissons qui viennent rechercher un abri vers les rivages, conserver le fretin, cette poussière animée, jusqu'au moment où il a acquis la taille marchande, et donner par suite une valeur considérable aux terrains sur lesquels on les étabht. Dans les environs du bassin d'Arcachon, on a établi des réservoirs à poissons qui sont aujourd'hui une source de revenus considérables et qui remplacent avantageusement les anciens marais salants auxquels on les a substitués, et dont le produit n'était plus assez rémunérateur pour lutter avec les salines de la Méditerranée. Nous citerons en particulier ceux de MM. de Boissière et Douillard à Audenge, Javal à Ares et Festugière au Reich. Ces réservoirs ofïrent des bassins séparés par des bosses, formées avec les terres provenant du creuse- ment du jars ; l'eau qu'ils renferment y est renouvelée au moyen d'écluses, généralement en bois, qui peuvent permettre aussi l'entrée du fretin. Ces écluses offrent quatre parties : (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2« SÉRIE, T. VIII. —Septembre et Octobre 1871. 26 A02 SOCIÉTÉ d'acclimatation. 1** au milieu, un pont placé dans la partie la plus haute et servant de passage ; 2° à droite, vers le réservoir et attenant au pont, un poteau qui offre des coulisses pour recevoir une vanne ; S*" un peu plus loin, un autre poteau également à coulisse qui doit recevoir la manche; Z{° à gauche, vers le bassin, un poteau à coulisse qui doit recevoir le cadre à pécher. La manche est un filet en cône tronqué, long de 7 mètres, à ouverture plus ou moins grande suivant le cadre auquel elle est fixée par des clous ou par des cordes : elle doit avoir cinq cent cinquante à six cents mailles, de 0,011 à 0,012 de côte, pour le pourtour, et cent vingt pour la petite ouverture. Quand on veut introduire l'eau de mer pour renouveler 'eau, donner des aliments ou introduire le fretin, on fait boii^e, opération qui se fait du 15 mars au 1" novembre (Pâques est l'époque la plus habituelle pour commencer cette manœuvre, sur laquelle la température et les exigences com- merciales influent beaucoup) ; on laisse pénétrer l'eau douze jours par mois, deux fois par jour, matin et soir; ces douze jours se partagent en deux périodes de six jours à la nouvelle lune et à la pleine lune (sisygie), moment où les marées sont les plus fortes (1). Pour empêcher la sortie du poisson, on place la manche avec son cadre, et l'on ouvre la vanne pour laisser entrer l'eau. Pour recevoir le fretin, on place le cadre à manche, et deux heures avant que la mer ne soit au niveau du réservoir on lève la vanne de 0,07, pour obtenir un petit courant qui solUcite le fretin à se diriger vers l'écluse, puis on relève peu à peu la vanne au fur et à mesure que la marée monte, de façon à la relever entièrement au moment où le niveau est établi, en ayant soin d'obvier à la production du courant très- fort en sens contraire qui s'établit en ce moment. Le fretin, qui est composé de beaucoup de Muges (surtout le noir) , de quelques Bars, de quelques Carrelets, de quelques Dorades (2), (1) Le vent intlue notablement sur rentrée de Teau qui est favorisée par le vent du sud, diminuée par le vent du nord. Les vents d'ouest et d'est exercent aussi une influence marquée (Douillard). (2) Les Dorades^ qui étaient très-abondantes il y a une quinzaine d'années. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 403 d'un très-petit nombre de Soles (en général on trouve plus d'avantages à pêcher les poissons plats, Plies, Soles, Turbots et Barbues dans la mer libre, et on n'a presque jamais retiré d'avantage sérieux de leur éducation dans les réservoirs) et de beaucoup d'Anguilles (1), entre abondamment en avril, où il a généralement le volume d'un tuyau déplume, et assez abon- damment aussi en septembre, mais alors il est moins déve- loppé. Le déboire^ qui consiste à faire écouler l'un des réservoirs dans le bassin, se fait à marée basse ; il suffît pour l'opérer de lever la vanne après avoir mis la manche avec son cadre, en ayant soin de mesurer la forme de l'écoulement et de l'in- terrompre quand l'alevin se présente en quantité à la manche. Le poisson qui vit dans les réservoirs s'y développe parfai- tement, quoiqu'il se montre très-sensible aux influences atmo- sphériques (2), ce qui oblige à pratiquer des abris. On obtient ce résultat soit en creusant les bassins de manière à abriter des vents du N.-E. et du S.-E. par des buttes, des murs ou des palis-^ sades de bois (on peut exhausser les digues que l'on plante d'arbrisseaux, mais le Tamarix seul résiste), soit en creu- sant des trous où le poisson se réfugie et qui lui permettent de trouver, suivant qu'il le désire, la fraîcheur ou la chaleur. Ces trous sont surtout excellents quand les réservoirs reçoivent des eaux douces qui maintiennent la température à un degré presque constant et dont l'arrivée dans les bassins est très- utile encore, en ce qu'elle favorise la production des conferves. Quand il y a de la glace, on doit la briser pour aider à la respiration des poissons. Il est bon aussi de mettre des fas- oiU aujourd'hui presque entièrement disparu, et ce n'est plus qu'exception- nellement qu'on en voit arriver dans les réservoirs (Douillard). (1) Les Anguilles se montrent en grande quantité au printemps, surtout aux premières ouvertures. (2) Les Muges sont particulièrement sensibles aux vents froids, qui en font périr fréquemment de grandes quantités : les vents du N.-E. et du S.-E. sont très-nuisibles, tandis que le vent N.-O. ne fait jamais mal, et que le S. et le S.-Ô. sont très-favorables. L'influence des vents du N.-E. et S.-E. est plus redoutable que le froid, que la gelée même (Douillard). J^0!^ SOCIÉTÉ d'acclimatation. cines dans les trous pour prévenir une trop grande agglomé- ration des Muges. Si la profondeur des bassins est une excellente condition pour assurer la conservation des poissons, il faut avoir soin de conserver des parties moins profondes, qui doivent fournir les pacages des poissons. Mais comme on doit éviter que le froid ne surprenne les poissons dans ces parties superficielles, il faut le forcer, à un moment où cet accident est à craindre, à descendre dans les parties profondes, ce à quoi l'on arrive en baissant les eaux du 15 novembre au 15 mai. La végétation des pacages, qui a une grande importance pour la réussite des réservoirs, consiste principalement en rappelle {Riippia spiralis) (1) et en lège {Conferva) (2). Les réservoirs anciens sont préférables aux nouveaux, où le Muge ne profile pas aussi bien; aussi, comme pendant les deux ou trois premières années l'engraissement de ces poissons n'est que très-faible, conseille-t-on de commencer de suite l'introduction de la rappelle, ç^i de mettre dans les bassins nouveaux surtout des espèces carnivores. La pêche des poissons peut se faire de trois manières : 1» à Y écluse, quand la mer est plus haute que les réservoirs, en septembre et octobre ; pour cela on met un cadre avec une toile métalhque de 0,011, puis on ouvre la vanne; le courant qui se fait attire le poisson ; puis on ferme brusque- ment la vanne, ce qui permet de faire prisonnier le poisson que l'on prend avec des filets, ou à sec quand la mer des- cend (3) ; 2" à Vaumaillade ou au petit tramail, ce qui se fait de jour depuis la fin d'août à Pâques et donne du poisson (1) La Rappelle {Ruppia spiralis) est très-utile en ce qu'elle sert de nour- riture aux Muges, qui y trouvent en outre de nombreux animalcules qui leur sont une proie excellente. (2) Les conferves, qui se développent dans les réservoirs où l'eau de mer se trouve mêlée à l'eau douce des étangs ou de sources vDisines, devien- nent quelquefois. nuisibles par leur excessif développement. (3) On prend la nuit, à la pêche à l'écluse, de grandes Anguilles presque toutes adultes, dites Mouregains : on a soin de fermer la vanne au jour, pourempêclierquellesne rentrent dansleréservoir.Ilfaut faire attentionqu'ea EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE TÊCIIE. 405 gros et moyen ; 3° à la foène^ qui fournit exclusivement des Anguilles, de février à Pâques. On a établi des réservoirs à Poissons sur divers autres points de nos côtes, et nous citerons en particulier ceux de Port- de-Bouc établis par notre confrère M. L. Yidal depuis 186/i, et dans lesquels les poissons soumis à la stabulation ont plus que doublé de volume. Les viviers sont placés dans le courant même du canal Lamolle, où le va-et-vient de l'eau est inces- sant. Chacun d'eux a 25 à 30 mètres carrés de superficie, il est enclos par des pieux à rainures dans lesquelles glissent des cadres fermés par des toiles métalliques galvanisées (1), qui permettent facilement d'établir ou d^nterrompre la commu- nication. Les Muges et Loups enfermés dans ces gounnes domestiques s'y sont parfaitement apprivoisés, et c'est plaisir de les voir prendre la nourriture, qu'on leur distribue régu- lièrement. La facilité avec laquelle l'eau se renouvelle dans ces réservoirs permet d'y accumuler des quantités considé- rables de poissons, et l'on n'a d'autre soin à prendre que de proportionner la nourriture que l'on donne au nombre des pensionnaires que l'on retient ainsi captifs. Nous pensons que la localité choisie par notre confrère pour ses études est par- faitement choisie pour donner les meilleurs résultats, et que sa ferme aquicole pourra être donnée comme modèle à tous ceux qui voudront, sur les côtes de la Méditerranée, se livrer à l'éducation en stabulation du poisson. On a compris aussi à Guernesey l'importance qu'il y aurait à installer des réservoirs où le poisson de mer puisse vivre et se reproduire, et d'où on le tirerait pour approvisionner le marché, les jours où l'état du temps ne permet pas aux pêcheurs de sortir. Un membre du Comité, M. CoUings, a acquis à cet effet l'étang situé près de Vale-Church, bassin naturel où la marée vient se mêler aux eaux douces qui y af- mars, ce système de pêche laisserait perdre une énorme quantité de petites Anguilles qui partiraient à travers les mailles du cadre et se disperseraient dans la baie. (1) La profondeur étant de 1"',50 à 1°^,75, on a été obligé de superposer deux cadres dans chaque intervalle entre deux rainures. A06 SOCIÉTÉ d'acclimatation. fluent de Tintérieur de l'île. Des grilles placées aux débouchés de l'étang, convenablement approfondi et entouré de hauts murs pour le garantir contre les maraudeurs, empêchent le poisson qu'on y a placé de s'échapper, et toutes les mesures sont prises pour atteindre le but proposé, déjà si heureuse- ment réalisé en France. Des réservoirs avaient aussi été établis à Kermore, à l'em- bouchure de la petite rivière du Pont Labbé (Finistère), pour y recevoir des Turbots, des Homards, des Langoustes et des Huîtres. Les dimensions du terrain dont on pouvait disposer (70 hectares) avaient obligé à le diviser en plusieurs comparti- ments, affectés chacun aune espèce spéciale. Malgré les bonnes conditions que présentait cette localité, il ne paraît cependant pas que l'entreprise ait été continuée (1). Nous devons rappeler ici les viviers laboratoires de Goncar- neau, qui, outre leur appropriation à l'industrie, sont un monument élevé à la science, par suite de leur aménagement parfait et des facilités qu'y trouvent les naturalistes, grâce à la haute influence de notre confrère M. Goste (2). Nous rappellerons aussi les bons résultats que les Javanais tirent de l'emploi de leurs rivières, pour nourrir et développer diverses espèces de poissons (3) . En Russie, on établit sur plusieurs points du cours du Volga des viviers fermés par des cloisons de pieux et dans lesquels on conserve les Esturgeons péchés, jusqu'au moment le plus favorable pour la vente, ou jusqu'à ce que le nord permette de les congeler pour les transporter à de grandes distances. (1) The Cultivation of the Bed, and Réservoirs of Kermore, Finistère (France) (Land and Water, 9 avril 1870). (2) A. Gillet de Grandmont, Viviers laboratoires de Concarneau, leur description, leur utilité, leur avenir {Bull, de la Soc. d'acclim., 2^ série, t. I p. 261, 186Zi). — 0. Moquin-Tandon et J. L. Soubeiraii {Bull, de la Soc. d'acclim., 2^ série, t. II, p. 533, 1865). (3) J. L. Soubeiran, Rapport sur V Exposition de pêche de la Haye {Bull, de la Soc. d'acclimat., 2« série, t. VI, p. 508, 1869). — Dabry, Note sur la culture du Gourami à Java {idem, p. 732). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 607 AQUARIA. Si les réservoirs à poissons, comme ceux que nous avons indiqués, peuvent rendre les plus grands services en per- mettant d^élever en stabulation certaines espèces de poissons, il en est d'autres qui n'ont pas une utilité moins grande pour la science et ont en outre l'avantage d'initier le public à des scènes de la vie animale qui piquent singulièrement sa cu- riosité; nous voulons parler des Aquaria dont le goût nous vient, comme on sait, de l'Angleterre, où plusieurs personnes se disputent le mérite de leur invention (1). Aux diverses expositions qui se sont succédé à Arcachon, à Boulogne-sur- Mer, à Paris et au Havre, on a pu voir des Aquaria très- remarquables, qui constituaient une des grandes attractions de ces expositions et de beaucoup supérieurs à ceux qui exis- tent depuis plusieurs années en Angleterre et en Belgique : mais si ces établissements ont présenté, sur certains points, une supériorité réelle sur le premier Aquarium établi en France, au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, il ne faut pas oublier que celui-ci a été le premier construit sur des proportions inusitées jusqu'alors, que ses successeurs ont profité des perfectionnements indiqués par sa pratique, et que plusieurs d'entre eux, par leur proximité de la mer, se sont trouvés dans des conditions bien plus favorables pour réunir les espèces les plus curieuses, mais aussi les plus délicates. Aucun d'eux cependant n'est aussi parfaitement adapté aux exigences de l'observation que Y Aquarium de Goncarneau, spécialement créé en vue de favoriser les études d'bistoire naturelle. Après avoir, à juste titre, excité l'admiration du public et du monde savant, \ Aquarium du bois de Bou- logne a subi l'effet de l'inconstance de la mode ; mais il est encore celui dont les détails d'exécution ont été le plus soignés et le mieux aménagés pour l'étude (2). (1) D'après Gosse, c'est M. Warrington qui eut le premier Tidée d'établir UQ aquarium. (2) Viennot, Curiosités de l'aquarium {Bull, de la Soc. d'acclim.,X. Vllt, A08 SOCIÉTÉ d'acclimatation. i: Aquarium d'Arcachon, construit en arrière du chalet d'exposition dans un bâtiment de bois, offrait vingt-deux com- partiments tous remplis d'eau de mer, renouvelée constam- ment, et présentant une collection très-intéressante des plus curieux représentants de la faune sous-marine du bassin. i: Aquarium de Boulogne (1), construit par i\I. Ed. Béten- court, offre l'aspect d'un groupe de rochers aux formes bi- zarres et tourmentées, au sommet desquels sont installés les réservoirs qui doivent alimenter les bacs. Une galerie souter- raine dans laquelle on parvient par un étroit passage contient des bassins, remplis les uns d'eau douce, les autres d'eau de mer, et éclairés par la partie supérieure, et dans lesquels on a réuni des spécimens des diverses espèces du littoral et de nos rivières. Au Havre, l'aquarium, construit par M. Lesnier, présentait extérieurement l'aspect de l'île de Staffa, une des Hébrides, au point où s'ouvre, sur lOcéan, l'entrée de la grotte de Fin- gai. Il contenait quarante-deux bassins, peuplés des animaux et des plantes qui habitent nos plages d'Europe ainsi que nos lacs et rivières. L'aspect de cette galerie était des plus frappants, et l'aquarium nous a paru établi dans les meilleures conditions de succès. TRANSPORT DU POISSON. La question du transport du poisson vivant a été, il y a quelque temps, l'objet de discussions intéressantes qui ont occupé plusieurs des séances de notre Société (2) ; aussi n'aurons-nous que peu d'extension à donner à ce chapitre. p. 592, 1861). — W. A. Lloyd, Note sur V Aquarium du Jardin d'acclima- tation {idem, t. IX, p. 107, 1862). — P. Pichot, l'Aquarium du Jardin d'acclimatation {Revue Britannique, 2« série, t. II, p. A07, 1862). — Vi- comte de Valmer, Sur les aquarium {Bull, de la Soc. prot. des animaux, 1862). (1) Edm. Magnier, VAquarium de Boulogne {l'Impartial de Boulogne^ 20 juin 1868). (2) Bull, de la Soc. d'acclim., 2« série, t. VI, p. 237. i 869. — De la Blanchère, Du transport des poissons vivants ; idem^ p. 28/i. 1869. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. h09 Parmi les nombreux appareils présentés aux diverses expo- sitions, et qui sont tous des insufflateurs d'air plus ou moins ingénieusement disposés (1), nous avons remarqué en pre- mière ligne le seau de M. Biénert, adopté par l'établissement d'Huningue. L'appareil, qui est un seau demi-circulaire pour les petits transports, ou un cylindre courbe pour les transports en grand nombre, porte sur le couvercle, qui est déprimé, une boule de caoutchouc communiquant par un tube latéral avec le fond du vase, qui est double et dont la paroi supérieure est criblée de petits trous. Il suffit pendant le voyage de donner de temps en temps quelques coups de doigt sur la boule de caoutchouc pour faire traverser toute la couche d'eau par de nombreuses bulles d'air. Chaque appareil porte son insufflateur avec lui. Nous avons remarqué encore à Arcachon des paniers pour le transport des poissons vivants, faits d'un clissage assez peu serré pour laisser pénétrer l'air et contenant douze boites destinées au transport des Anguilles ; chacune de ces boîtes, percée de trous par trois côtés pour laisser arriver l'air, et garnie de mousse, peut recevoir de 200 à 2500 anguillettes. M. Duffaud avait présenté aussi un seau pour le transport du poisson vivant avec couvercle treillage qui empêche la sortie de l'eau et dont le volume est ménagé, de façon à permettre le transport avec soi en voiture ou wagon. La disposition générale ôe ce dernier appareil se rapproche de ce que nous a montré notre confrère M. Huret Lagache , de Boulogne-sur-Mer , qui a imaginé, pour transporter vivants les animaux marins, des boîtes dans lesquelles un filet placé à la partie supérieure empêche les trop brusques soubresauts de l'eau, mais permet une certaine aération de la couche supérieure qui passe à travers les mailles. M. Mari on, de Gornimont (Vosges), avait aussi à Boulogne son appareil pour le transport du poisson vivant, auquel un soufflet permet de revivifier l'eau par l'introduction d'air. (1) The Yeoman, 6 déc. 1862; 28 janv. 1863.— Land and Water, 25 fé- vrier 1871. hiO SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. et un appareil pour le transport des œufs, consistant en un vaîe circulaire suspendu de façon à éviter les chocs et le ren- versement, et dans lequel l'air peut arriver jusque sur les œufs parles trous pratiqués au couvercle. Le conducteur des ponts et chaussées du Mans exposait à Arcachon des seaux pour le transport de l'alevin munis en haut d'une grille et d'un couvercle, qui empêche de perdre l'alevin quand on verse l'eau par incUnaison sur le côté ; on les rempht en les immergeant dans l'eau, sans craindre que les alevins ne s'échappent. Pendant le transport l'air peut entrer par l'orifice, mais la grille supérieure empêche les secousses de vider l'eau. M. Johnson, de Londres, avait exposé à Boulogne-sur-Mer un appareil destiné au transport des œufs : il se composait d'une caisse arrondie de fer-blanc, renfermant dans son intérieur une seconde boîte également métalUque, qui peut traverser un courant d'eau allant de bas en haut et dans laquelle sont placés les œufs, qui sont ainsi continuellement humectés par de l'eau qui fournit à leur respiration, et s'échappe par la partie inférieure de l'appareil, au moyen d'un robinet. L'espace compris entre la boîte extérieure et la boîte intérieure est rempli d'un mélange de mousse et de glace qui permet de retarder de beaucoup l'évolution des œufs contenus dans l'appareil (1). Des expériences ont été faites, qui ont démontré que, sous l'influence de l'abaissement de la température, il y avait ralen- tissement et même arrêt du travail embryonnaire, sans au- cune conséquence fâcheuse pour le développement ultérieur. Ces expériences, dont Jacobi avait eu l'idée et qui ont été répétées depuis par M. Millet (2), ont eu une apphcation très- heureuse dans le transport en Australie des œufs de Salmo- nidés (3). M. J. Youl avait présenté à Arcachon un modèle des seaux à (1) Cet appareil a donné de bons résultats. (2) Bull, de la Soc. d'acclim., 2"= série, t. I, p. USli, 186A. (3) Yeoman and Âustralian Acclimatiser. — Voyez aussi Bull, de la Soc. d'acclim., passim. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. /lll transport qui lui ont servi pour l'introduction, si heureuse- ment accomplie, des œufs de Salmonidés en Australie (1). M. Lloyd, le constructeur de l'aquarium du Jardin du bois de Boulogne, a fait connaître aussi un appareil très-simple destiné également au transport des œufs fécondés (2). BATEAUX RESERVOIRS. Parmi les marins étrangers, un grand nombre font usage de bateaux réservoirs qui leur permettent d'apporter leur pois- son vivant au port et de le vendre ainsi à un prix bien plus rémunérateur. Nous citerons en particulier les pêcheurs des États-Unis, comme faisant un usage très-fructueux de ce mode de transport du poisson : leurs bateaux ont toujours la cloison supérieure du vivier inférieure à la hgne de flottai- son du navire, et communiquant avec le pont par un pied de 1 mètre 'iO à 0,80 dans lequel le niveau d'eau s'établit; cette précaution assure la conservation du poisson qui n'est pas secoué par le mouvement de l'eau, lequel ne se fait sentir que dans les puits (de Broca). Les Norvégiens, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire (3), font usage également des viviers pour le transport du poisson. Les Hollandais, de même que les Belges, ont aussi dans leurs bateaux destinés à la pêche côtière des viviers parfaite- ment bien organisés, et nous devons une mention particuhère aux modèles présentés à Boulogne par M. Pède, d'Ostende, et dans lesquels l'eau et l'air peuvent se renouveler par un procédé très-ingénieux (/i). Les Anglais ont des bateaux viviers qui remontent la Tamise (1) J. L. Soubeiran, Rapport sur l'introduction du Saumon en Tas- manie {Bull, de la Soc, d'acclimatation, 2^ série, l. VII, p. 185, 1870). (2) Lloyd, On the transport of fish and other aquatic animal j on warm water {The Field, 20 mars 1869). (3) J. L. Soubeiran, Rapport sur l Exposition de Bergen, p. 527. (û) En Danemark des bateaux réservoirs portent le poisson (Soles, Mer- lans, Morues, Turbots) de Skagen, extrémité du Jutland, à Copenhague. /il2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. aussi haut que le permet la salure des eaux, et au moyen desquels ils apportent des poissons recueillis quelquefois à de longues distances. Boulogne possédait plusieurs modèles de ces viviers disposés quelquefois sur le flanc du bateau (Freret de Sutherland), d'autres fois au milieu du navire et sur l'avant du moteur (bateau irlandais à vapeur). Les Anglais avaient présenté aussi quelques-uns de ces petits bateaux à réservoirs, bons voiliers avec lesquels ils vont recueillir les Homards sur nos côtes de Bretagne et jusqu'en Norvège. On sait que la consommation des crustacés, Homards, Langoustes, est très- considérable (2 500 000 par an pour Londres seul), et pour conserver en bon état ces animaux jusqu'au moment de les apporter au marché, on les tient dans des vastes bassins ou réservoirs, où ils peuvent séjourner sans dépérir, pendant cinq à six semiaines (1). , Il est à regretter que cet exemple n'ait pas été imité par nos pêcheurs, qui ne se trouveraient plus ainsi dans l'obhgation de vendre leur poisson, même à vil prix, dès qu'ils l'ont débarqué (2). Du reste, ce ne serait que revenir à une coutume ancienne qui s'est perdue depuis l'adoption du chalut, parce qu'alors les marins ont préféré ne pas relever fréquemment leur filet. Les Dunkerquois, en particulier, avaient adapté à leurs bateaux des viviers, et l'on peut voir, dans l'ouvrage de Duhamel du Mon- (1) T. C. Viennot, Sur les parcs à crustacés en Angleterre {Bull, de la Soc, t. IX, p. 1030, 1862). (2) Les pêcheurs de Grimsby déposent dans les viviers de leurs Smacks, les Morues qu'ils ont prises sur le Doggerbank et qu'ils apportent ainsi vivantes à terre ; là ils les reçoivent dans de grands réservoirs flottants pour ne les tuer d'un coup sec sur la tête qu'au moment de les expédier au marché. Pendant longtemps Harwick et Gravesend ont été les seules loca- lités où se pratiquait celte coutume, aujourd'hui généralisée parmi les pêcheur de la mer du Nord. Les pêcheurs de Leigh font aussi usage de ba- teaux viviers pour conserver vivantes les Crevettes qu'ils vont pêcher au chalut à de grandes distances de leur village; par ce moyen ils les rappor- tent vivantes à terre, où ils les cuisent immédiatement pour les faire arriver très-fraîches à Londres : ils en expédient ainsi chaque jour environ 2000 gal- lons. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 413 ceau, un bon modèle de la disposition qui leur avait paru la plus utile. Parmi les spécimens de viviers exposés, nous signa- lerons ceux de M. Deryck qui, placés au centre du bateîiu et communiquant avec la mer par des trous nombreux percés dans la carène, étaient la reproduction fidèle des anciens viviers de Dunkerque et de ceux actuels d'Ostende. Du reste, dans quelques localités françaises, on en revient aux viviers, et déjà l'on en compte une vingtaine à Paimpol ; M. Laboureur (de Paimpol) avait présenté un bateau , vi- vier, bon voilier, qu'il emploie avec succès au transport des Homards et des Langoustes, et dans lequel le vivier très-large, très-bas (ce qui permet de naviguer sans lest), est disposé de telle sorte que l'eau s'y renouvelle facilement et n'y cla- pote pas. Parmi les autres modèles se trouvait celui de M. Brassans, de Quinsac, près Bordeaux, dont le bateau à vapeur, à trois quilles, offre sur ses deux côtés deux réservoirs percés de nombreux trous; mais cette disposition ne nous paraît pas heureuse, car le poisson, tantôt dans l'eau, tantôt hors de l'eau suivant les divers mouvements d'inclinaison du navire, doit être affreusement meurtri et périr très-vite. w Dans quelques pays, aux Etats-Unis, par exemple, on fait usage de glacières pour conserverie poisson, et tantôt elles sont asso- ciées à des viviers, comme pour la pêche au halibut (Pleuro- 7iectes maximus)^ où les gros individus sont mis dans la gla- cière et les petits dans les viviers ; tantôt elles sont employées seules, comme pour la pêche au Maquereau. La glacière occupe toute la largeur du bateau et est fermée de parois épaisses en bois qui empêchent la transmission de calorique ; elle se divise en compartiments indépendants, dans lesquels on met des blocs de glace aussi gros que possible (pour éviter de trop grandes pertes par liquéfaction), et que, une fois le poisson arrimé avec la glace, on n'ouvre plus qu'au port (1). (1) Il ne faut pas que le poisson soit en contact immédiat avec la glace ; cela lui retire une partie de sa saveur, surtout s'il y a eu commencement de liquéfaction (D"^ Broca). hlà SOCIÉTÉ d'acclimatation. Quelquefois aussi on met simplement de la glace dans la cale et l'on place le poisson dessus (1). Dans certains cas le poissî)'n est mis dans la glace au moyen de caisses mobiles, qui sont enlevées quand la pêche ne permet pas de conserver le poisson par la congélation. Alors que les Américains, les Norvégiens, les Hollandais et les Anglais tirent ainsi de grands avantages de l'emploi de la glace, pourquoi nos marins n'en font-ils pas également usage? Nous ne pouvons croire que ce soit seulement une conséquence de leur esprit routinier ; mais nous pensons plutôt que cela tient au prix élevé de la glace, par suite du manque de gla- cières dans nos différents ports. r Aux Etals-Unis, et en particulier à New^York, on fait usage de réservoirs flottants, carrés, de !i mètres sur i de profondeur, dans lesquels le poisson est conservé vivant jusqu'au moment de la vente. Ces réservoirs sont aussi employés à Christiania, et se retrouvent dans tous les pays où les habitants savent apprécier la différence de valeur gastronomique entre un pois- son tué rapidement et celui qui a passé par les tortures plus ou moins longues d'une douloureuse agonie par asphyxie. Divers procédés de transport du poisson mort étaient aussi présentés, mais sans offrir rien qui fût bien saillant. On sait que plusieurs peuples de nos voisins font un grand usage de la glace pour conserver les poissons destinés à la consomma- tion, et que ce mode de préservation est employé depuis un temps immémorial par les Chinois, nos précurseurs en tant de pratiques économiques utiles ('2) . (1) Ce procédé est fréquemment employé par les pêcheurs sardes, toscans et napolitains. (2) Duhamel, Traité des jjêches, sect. III, chap. II^, p. 25. — Un certain nombre d'espèces de poissons très-estimées sont apportées, chaque hiver^ à Pékin, conservées dans la neige et après avoir fait un voyage de plusieurs centaines de lieues (Basilewsky, Jchthyographia Chinœ Borealis, 1855). En Tartarie et dans le Nord de la Chine, la pêche ne dure que jusqu'au commencement de l'hiver, époque où les étangs et les rivières se glacent. Alors on expose à l'air, pendant la nuit, les poissons qu'on conservait tout vivants dans des réservoirs. Ils gèlent aussitôt et peuvent être encaissés sans EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. /ii5 Les Russes emploient sur une grande échelle la congélation pour conserver une grande partie du poisson de leurs pêche- ries, et transportent dans cet état, d'une extrémité de l'Em- pire à l'autre, certains poissons, tels que la Navaga, que les Lapons apprécient médiocrement, et qu'ils expédient jusqu'à Odessa, où elle est considérée comme une délicatesse. Au nouveau Brunswick, le Saumon pris dans la Moisic est de suite parqué dans la neige dont on fait provision et qu'on dépose dans des glacières pendant l'hiver. Dès qu'on a pris une quantité suffisante, le poisson est transporté à Galben, où il est mis dans la chambre de congélation ; là il est soumis à une température beaucoup plus basse que le point de con- gélation, au moyen d'un mélange de glace et de sel mis dans des plats. Le poisson durcit bientôt et peut se conserver ainsi des mois. Le Saumon est ainsi gardé jusqu'à l'hiver et alors expédié à différents marchés, qui par ce procédé pourront être approvisionnés toute l'année (1) . CONSERVES. La pensée de recourir à l'emploi de procédés particuliers pour conserver pendant un temps prolongé le poisson qui aurait été péché en trop grande quantité pour être consommé immédiatement, remonte certainement à l'antiquité la plus reculée; mais c'est dans ces dernières années surtout que l'art de faire des conserves a progressé. La conservation au moyen de la glace, si généralement répandue dans les diverses contrées du Nord, ne donne pas des résultats également bons avec toutes les espèces de pois- sons, et a dû être abandonnée en particuher pour celles dont la peau est fme et la chair délicate. inconvénient. C'est ainsi qu'on les livre au commerce; au premier dégel, le poisson entre en putréfaction (Hue, Voyage en Tartarie, t. I, p. 253). (1) Sam. Wilmot, Rapport sur son voyage au Nouveau Brunswick, au sujet de la reproduction artificielle du Saumon dans cette province {Rap- port annuel du département de la Marine et des pêcheries du Canada^ p. 106, 1870). 416 SOCIÉTÉ d'acclimatation. La salaison est plus généralement employée par les pêcheurs. La dessiccation (1), soit seule, soit combinée à la salaison, est un peu moins fréquente ; elle peut être obtenue au moyen de la chaleur ou par l'exposition à l'air trés-froid. Certaines espèces ne se conservent guère que marinées; d'autres sont frites dans l'huile ou la graisse ; d'autres, enfin, sont boucanées, ou smiries. Tantôt on conserve les Poissons tout entiers, tantôt, au contraire, ce sont certains organes spéciaux ; on fait en parti- ticulier des conserves avec les œufs de poisson ou leurs ovai- res, les caviars ovlXqs pontargues par exemple : c'est ainsi que dans toutes les villes du littoral du nord delà Chine, il se fait un commerce considérable d'œufs de poissons salés ou confits, et que les Grecs sont très-friands de poutargue ; ils estiment celle du Mugil cephahis, de la mer Noire, et surtout celle du Lucioperca sandra dont les œufs, encore enveloppés dans les membranes ovariennes, sont recueillis précieusement par eux dans les pêcheries russes, pour être transportés à Constanti- nople ou en Grèce. La colle de poisson est récoltée dans plusieurs contrées, Russie, Brésil, Amérique du Nord, Indes, où on la retire des différentes espèces de poissons (2) ; la plus estimée de toutes (1) On a essayé de faire des farines de poisson, et même de la farine de Rogue : on sait, du reste, que la farine dePeVacMrw, qui est l'objet d'un com- merce si important dans la province des Amazones et au Para, est la chair desséchée d'un poisson du genre Vastres (?). (2) L'ichthyocoUe de Paissie provient de diverses espèces d'Acipenser, les Bélouga, A. Huso, Sewriuga, A. Siellatus, Esturgeon, Ac. Guldenscadtii, le Sterled, Ac. ruthenus, le Chip, Ac. schypa, le Bieloribitza, le Coregonus leucichthijs, la carpe de mer Kazau, le Barbeau et le Som, Silurus glanis. Dans l'Amérique du Nord, on lire la colle de poisson de VOtoUthus regalis, Guv., du Merlucius vulgaris, du Morrhua vulgaris et du Lota Molva. Au Brésil, on recueille les vessies natatoires d'un Pimelodus ou Silurus^ et d'un Bagrus. Aux Indes, les vessies natatoires sont celles d'un Polynemus^ d'un Silurus, etc. Dans ces deux contrées, on dessèche les vessies en- tières sans leur faire subir toutes les préparations faites par les Russes : l'ichthyocoUe qu'on y prépare, surtout celle du Brésil, est beaucoup moins soluble et moins agréable que l'ichthyocoUe russe. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. àï'' est celle qui provient de la Russie. Elle se prépare avec la ves- sie natatoire des Acipenser et Coregonus. Après avoir ouvert le poisson et retiré le caviar et les entrailles, on détache avec beaucoup de précaution les vessies adhérentes au corps du poisson, on les met dans des seaux, et on les transporte sur un point spécial du radeau, affecté au travail de l'ichthyocolle. Là, sous la surveillance d'un contre-maître, de jeunes filles et des garçons mettent les vessies dans de grandes cuves pleines d'eau fraîche qu'ils changent jusqu'à ce que toutes les taches de sang aient disparu. Gce blanchiment s'opère, en général, en vingt-quatre heures pendant l'été, et en trois à quatre jours pendant l'hiver : pendant les grands froids, on laisse jusqu'au dégel les vessies dans les auges, qui sont recouvertes déneige. Quand les vessies sont chargées de graisse, ce qui est fréquent pendant la pêche de juillet, on les laisse quelque temps dans une eau putride avant de procéder au blanchiment ; ces vessies sont ensuite fendues longiludinalement et plongées pendant quelques heures dans de l'eau glacée, puis on les étale au soleil sur des lattes, en ayant soin de laisser en dessus la sur- face interne, et la dessiccation s'en fait assez rapidement. Dès que la surface des vessies est devenue lisse et lustrée, on les donne à des ouvriers qui enlèvent avec précaution la mem- brane externe. Si quelque vessie est déchirée, ils mouillent les bords delà déchirure pour la recoller immédiatement (1). Après cela, les vessies passent dans les séchoirs, où elles sont enveloppées de linges et soumises à la presse, tant pour les préserver de la poussière que pour les empêcher de gondoler, pendant qu'elles perdent graduellement leur humidité. Dès que la dessiccation est arrivée au point où il n'y a plus à craindre les attaques des insectes et la moisissure, le contre (1) Les pelures, mises sur de grandes tables, sont examinées avec soin Ci débarrassées par le grattage de toute richiliyocolle qui pourrait y adhérer encore. Cette colle est ensuite pétrie entre les doigts, et partagée en petits ronds du diamètre d'un décime, qu'on fait sécher et qu'on met dans des sacs, pour être vendue comme sorte inférieure. Les pelures, avec leurs membranes adipeuses, servent à l'alimentation ; elles sont salées et se vendent^O kopecks le poud (16 kilogr,). 2^ SÉRIE, T. VIII. — Septembre et Octobre 1871. 27 418 SOCIETE D ACCLIMATATION. maître retire les vessies de dessous la presse, les assortit suivant leur qualité, et les fait empaqueter (1). L'ichthyocolle est, en général, livrée au commerce par 80 paquets, mis dans des sacs de nattes fortement ficelés et cachetés. En automne, quand le temps est humide ou quand la pêche est trop abondante, on n'étale pas sur des tables les vessies des Silures (2) ; mais, après les avoir dégorgées, on les met dans des sacs et on les soumet à la presse pendant vingt-quatre heures. Après, on fait des paquets de vingt-cinq vessies qu'on laisse sécher à l'air et qu'on emballe dans des sacs, qui en con- tiennent de 1 à 5 pouds. Les vessies des Carpes {Kazaus) sont séchées sur des tables, où elles sont déposées bord à bord, ce qui les fait s'agglutiner en une grande feuille qu'on découpe ensuite à la hache. L'ichthyocolle d'Esturgeon la moins grasse est la plus esti- mée : on donne le nom de colle de patriarches à la qualité la plus belle, qui se reconnaît à sa surface lisse, transparente, blan- châtre, nacrée et à l'absence complète de graisse. L'ichthyocolle jaunâtre, moins estimée, doit cette couleur à la graisse dont on n'a pu la dégager complètement. Les vessies qui ont été déchirées accidentellement par des crochets se tachent à la des- siccation, ce qui diminue leur prix. L'ichthyocolle de Silure est la moins estimée. L'ancien système commercial de livrer l'ichthyocolle en rouleaux facilitait la fraude, aussi a-t-il été abandonné depuis une quinzaine d'années. On ne vend plus aujourd'hui que de richthyocolle préparée par le procédé que nous venons d'in- diquer. Autrefois on. avait recours au mode de préparation suivant : Les vessies de Bélouga et de Sewriuga^ après avoir été dégorgées et séchées sur les tables, étaient découpées en rubans de 0,20 de largeur, puis fortement ficelées en paquets (1) Chaque paquet d'ichthyocolle de Bélouga, composé de dix à quinze feuilles, pèse environ une livre et demie russe (375 grammes); celui de feuilles d'Esturgeon et de Sewriuga ne pèse qu'une livre. Les paquets d'ich^ thyocolle du Sterled se composent de cinquante à cent feuilles. (2) 11 faut sept cents vessies natatoires de Silure pour faire un poud d'ich- thyocolle. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. Zil9 de 200 à hOO pièces ; on les détrempait alors pendant quel- ques heures, on les comprimait de nouveau, pour en former une masse compacte à laquelle les ouvriers donnaient une des formes usuelles (crampon, fer à cheval, cœur, carotte ou collier de cheval). On les maintenait dans la forme voulue, pendant la dessiccation, au moyen de crochets de hois portés sur une planche, qui recevait 150 à 200 rouleaux : la des- siccation se faisait en quatre ou cinq jours parle beau temps, en dix jours par l'humidité. La colle de poisson était mise dans des sacs de 4 à 5 pouds, et arrivait dans le commerce sous les quatre dénominations suivantes : a. le petit cram- pon, en forme de fer à cheval, et dont il fallait de 5 à 12 000 pour faire unpoud; b. le crampon d'Oural, en forme de cœur, et lié en paquets de A2 pièces ; c. le collier de cheval, et d. la carotte : il fallait de 1000 à 1500 pièces de ces deux dernières sortes pour faire un poud (1) . Les pêcheurs russes disent que 1000 Bélougas donnent 6 pouds d'ichthyocolle; 1000 Esturgeons, 1 poud 5 livres ; 1000 Sewriugas,de 30 livres à 1 poud ; 1000 Silures, 1 poud 30 livres. L'évaluation moyenne est de 30 livres d'ichthyocolle par 1000 poissons rouges ou Sturioniens. Dès que les œufs ont été retirés de l'Esturgeon, on les trans- porte en paquets dans le compartiment spécial du radeau (2) pour en préparer le caviar. On distingue quatre variétés, dont le frais ou grenu, le pressé ou de serviette, le salé et à grains crevés. Le caviar le plus estimé est fait avec les œufs du Bélouga; \es œufs de l'Esturgeon, de Sewriiiga et d'Estur- geon bâtard, mélangés ensemble, donnent un caviar moins re- cherché; les œufs dnSterled, extrêmement petits, ne se ven- dent pas, mais sont consommés sur place par les pêcheurs et les ouvriers. (1) Le crampon d'Oural ne se vendait qu'en paquets ; les autres sortes étaient livrées au commerce en sacs de nattes. (2) On désigne sous le nom de radeau, dans les pêcheries russes, une sorte de ponton construit sur l'eau, long de 50 mètres sur 12 de large, et divisé en divers compartiments affectés chacun à une opération spéciale, préparation du caviar, de richlhyocolle, etc. 420 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Pour faire le caviar frais, on sépare les œufs des membranes et des parties adipeuses, en les frottant entre les mains et en les faisant tomber successivement dans des cuves à travers des cribles de ficelle. On sale immédiatement avec du sel blanc pulvérisé d'Iletzt, dont on emploie une quantité différente aux diverses époques de l'année (1). Le caviar pressé se fait en recevant les œufs, passés au cri- ble, dans des auges remplies de saumure, avec une couche de sel de 0,10 : on agite dans la masse les œufs jusqu'à ce qu'ils aient durci et ne rendent plus de matière laiteuse par la pression, ce qui demande dix minutes en été et quinze en hiver. Alors on prend les œufs avec des escops pour les faire égoutter, et on les soumet à la presse dans des sacs d'écorce de tilleul pendant un à six jours, ce qui les débarrasse de toute la saumure et des matières grasses. Ce caviar se livre au com- merce en sacs de tille, en boîtes de fer-blanc ou en barriques tapissées de toile, ordinairement de toile à serviettes, d'où le nom qu'il porte ordinairement. La pêcherie deBojij-Promisel expédie annuellement environ 3000 pouds (/iSOOO kilogr.) de ce caviar en Kakheti. Pour en faciliter le transport à travers les montagnes du Caucase, on découpe, au sortir de la presse, ce caviar en longs morceaux qu'on empile dans des outres. On prépare des qualités extra de ce caviar dans la saumure par- faitement refroidie et clarifiée, après l'avoir fait cuire avec de la cannelle, du cardamome, de la muscade et des clous de girofle (une demi-livre de chaque par 200 livres de saumure). Les œufs des poissons péchés en juillet et août, qui s'altè- rent très-rapidement sous l'influence de la chaleur, sont jetés d'abord dans de la saumure, puis séparés à l'aide de cribles des parties membraneuses et graisseuses, et soumis ensuite à la presse : ce caviar d'été constitue la deuxième qualité du caviar presse'. Quand, pendant l'été, les œufs de poisson sont restés trop longtemps exposés à l'influence de l'air, ils se «crèvent au (1) On emploie, au printemps, quatre livres et demie; en aulomne, troig liyres; et en hiver, deux livres de sel par dis. livres de caviar. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 421 moindre contact, et sont employés à faire une sorte inférieure, qu'on nomme caviar à grain crevé. On plonge ces œufs, sans les passer au travers d'un crible, dans une forte saumure (6 livres de sel pour AO livres de caviar), jusqu'à ce qu'ils aient durci ; puis on les égoutte et on les empile dans des tonneaux de 10 à 20 pouds. La quantité des œufs n'est pas toujours en rapport avec la taille du poisson ; souvent un Bélouga d'un volume médiocre en donne plus que des poissons d'un volume plus considé- rable (1). Les pêcheurs ne sont, du reste, pas d'accord sur le rendement du poisson. Le balik est une préparation éminemment spéciale à la Russie. Pour le faire, on choisit, parmi les poissons capturés, les plus gras pour les découper en bandes longitudinales, qu'on saupoudre de sel et qu'on entasse, jusqu'à ce qu'elles aient donné à la saumure une couleur foncée, dans des auges trés-al- longées, faites de bois de noyer ; on les lave alors à l'eau fraîche et les fait sécher à l'air libre pendant dix à trente jours. Le meilleur balik se fabrique avec les dos d'Esturgeon et d'Estur- geon bâtard. Cette préparation est faite surtout par les pêcheurs des parties méridionales de la mer Caspienne, qui n'ont pas de glace à leur disposition, et que leur éloignement de villes importantes empêche d'écouler, à l'état frais, les produits de leur pêche. La pêcherie de Bojij-Promisel, la plus imporlante de ces parages, emploie, durant la saison, plus de 6000 pois- sons à faire du balik. Le viaziga consiste dans la corde dorsale des Sturioniens desséchée à l'air. Le contre-maître chargé de la préparation de l'ichthyocolle, après avoir retiré le caviar et la vessie, fait avec (1) Les gros Bélougas fournissent 6 à 10 ou 12 pouds d'œufs ; les plus petits, irente-cinq livres. Les gros Esturgeons en donnent de quatorze à vingt livres; les plus petits n'en ont pas. Les Sewriugas n'en donnent que cinq à huit livres. Le plus gros poisson pris dans la mer Caspienne a été un Bélouga péché en 1827 : il pesait 90 pouds (l/i^O kilogr.), et a fourni 9 pouds de caviar. Du reste, on a constaté qu'avec l'extension des pêcheries, le volume des poisson'? capturés diminue d'année en année. i!i22 SOCIÉTÉ D^ACCLIMATATION. un couteau une entaille suivant la longueur du poisson, et avec son doigt retire la corde dorsale sous la forme d'un long ruban. Cette corde, débarrassée par deslavages à l'eau froide du sang qui la souillait, est étirée par l'ouvrier sur l'arête du bord de la cuve, en même temps qu'il la presse fortement de l'autre main ; elle glisse avec un certain bruit (1) et perd toute sa substance visqueuse. Après cette opération, les cartilages sont rincés dans une autre cuve, jusqu'à ce qu'ils soient devenus très-blancs. Ils sont alors portés dans une sécherie spéciale, à cloisons à claire voie, faites de planches très-minces, pour permettre la libre circulation de l'air ; ils y sont suspendus séparément jusqu'à entière dessiccation (2). On lie alors le viaziga en faisceaux composés de douze cartilages de Bélouga ou de vingt pièces pour l'Esturgeon et le Sewriuga; puis il est mis en ballots de vingt-cinq à cinquante faisceaux, du poids d'un poud (3). Dans les pêcheries de Sefidroudsk, on forme indifféremment ces faisceaux de treize à quinze cartilages. Le koiiardouk des Turcomans de la rivière Atreka, île d'O- gourtchew, est une préparation faite avec le Bélouga de la manière suivante : Ils découpent le poisson dans sa longueur en tranches larges de deux doigts ; ils les sèchent à l'air, puis les brisent en petits morceaux qu'ils font cuire, pendant envi- ron deux heures, dans des chaudrons avec de la graisse de poisson ; quand la bouilUe s'épaissit et prend une teinte rou- geâtre, ils la retirent du feu, la salent, et laissent refroidir, pour l'entasser ensuite dans des vessies de Bélouga. Le kouar- douk, qui pèse de 30 livres à 5 pouds, suivant les dimensions de la vessie, se conserve parfaitement pendant deux ans, et sert aux Turcomans nomades, qui en sont très-friands, à préparer une sorte de soupe au poisson assez agréable et nutritive. On expédie cette préparation dans le pays indépendant du (1) Ce bruit est analogue à celui que fait entendre, par Tinégale dilata- tion de ses molécules, un canon de soufre tenu dans la main. (2) En liuit jours, si le temps est humide; en trois, s'il fait beau. (3) D'après le rapport du contre-maître de Bojij-Promisel, raille Bélougas donnent 5 pouds de viaziga, tandis que le même nombre d'Esturgeons ou de Seivriugas n'en donne qu'un poud. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 423 khanat de Khiva (Turkestan), en Boukharie, et même au delà. Moyenne annuelle des produits de toutes les pêcheries de la mer Caspienne, De 1829 à 1837 De 1838 à iSlil . De 1848 à 1852 • e tf < K H «^ O ■< o H « t3 O STURG et GEON "^ W 65 3 §-> c« K pièces. pièces. 4209 43,689 2565 27,814 3507 15,236 SEWRIDGA. CAVIAR. o o 33 pièces. 345,191 338,411 429,177 tonneaux 831 pouds. 403 629 355 807 470 pouds. 544 337 470 Nota. — De la comparaison de ces tableaux, on pourrait conclure que la production du caviar^ de l'icblhyocolle et du viaziga a augmenté dans la troisième période ; tandis que c'est le contraire qui a eu lieu. Durant la première et la seconde période , les pêcheries étaient régies au compte de l'État ; les gaspillages et la négligence de cette régie étaient inouïs, et l'on ne peut ajouter une foi complète aux registres trouvés dans les archives. Si le chiffre delà production a augmenté depuis, c'est que les fermiers, agissant pour leur compte, apportent plus de soins à la préparation de l'ichthyocolle et du caviar, et qu'ils défendent mieux leurs intérêts que ne le fait l'État^ qui subit toujours de grandes pertes quand il veut fabriquer lui-même. ENGINS DE PECHE. Les instruments au moyen desquels le pêcheur se rend maître des poissons, qu'il va quelquefois chercher au loin, offrent une variété extrême, car ils sont destinés à capturer une foule d'animaux différents; ils doivent être adaptés à toutes les circonstances spéciales de la contrée dans laquelle la pêche s'effectue. Mais nous n'avons pas ici à nous préoc- cuper de décrire ces nombreux engins, qui figuraient à Arca- chon, au Havre et à Boulogne-sur-Mer ; leur nom est légion, et nous devons nous contenter de quelques observations géné- rales, et de réunir quelques notes, dont les éléments nous ont 42A SOCIÉTÉ d'acclimatation. été fournis par la bienveillance des hommes spécialistes que nous avons eu l'heureuse chance de rencontrer dans ces expo- sitions, et qui ont bien voulu, par leurs précieuses expUcations, suppléer à notre inexpérience. Lignes. — Les lignes françaises, en général bien soignées, attestent de grands progrès faits dans ces dernières années,, mais elles n'ont pas encore acquis toute la perfection de celles employées par les peuples du Nord. On peut constater, en particulier, une amélioration sen- sible dans les hameçons, qui trop longtemps ont été fabriqués sans aucun soin, avec du fil de fer très-malléable ; aussi se redressaient-ils sous la résistance opérée par le poisson se débattant pour échapper au pêcheur, et par suite causaient des pertes sensibles de poissons, faciles à éviter par l'emploi d'ha- meçons d'acier. Remarquons cependant que nos pêcheurs di- sent que l'hameçon de fil de fer permet une grande économie de temps pendant la pêche (de la Morue, par exemple), parce qu'il est plus facile alors d'extirper l'instrument, profondé- ment inséré dans la gorge du poisson (1). Les hameçons anglais, dont de belles collections étaient exposées, sont en général faits avec le meilleur acier, et par suite ne se redressent pas comme ceux de fabrication française. Les Suédois, les Norvégiens, les Danois et les Hollandais, dont les hameçons sont tous construits 'sur un même modèle et présentent les formes les plus parfaites, sont également faits avec de l'acier de première qualité. Les hgnes employées dans le Nord pour la pêche en mer ont entre elles la plus grande analogie ; elles sont très-belles, très-bien confectionnées et remarquables par leur sohdité : on remarque, en particuher, des palancresque nos pêcheurs pourraient certainement employer avec avantage, et dans lesquelles des flottes de verre maintiennent chaque hameçon (1) Les gros hameçons sont le plus souvent étamés, ce qui assure leur conservation, en les préservant de roxydation. Une heureuse modification dans la fabrication de ces engins consiste dans l'aplatissement au centre de courbure, point où s'exerce le plus grand effort de traction. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÈCHE. "" A25 à une certaine distance au-dessus du sol sur lequel repose le câble qui les unit. Dans d'autres palancres, le câble flotte entre deux eaux, et les hameçons, pendant librement, sont tou- jours maintenus à une certaine dislance au-dessus du sol. Dans les mers septentrionales, où le poisson est extrême- ment abondant, on emploie assez souvent, pour pêcher la Morue, des hgnes dans lesquelles l'hameçon termine un pois- son de fer-blanc, ou une pièce de métal qui, par son éclat, attire les Gades et permet de les prendre sans qu'il soit néces- saire d'appâter. Nos pêcheurs pensent que ces lignes ne pour- raient être adoptées dans nos mers, parce que^ disent-ils, si le miroitement attire d'abord le poisson, celui-ci apprend bientôt à se défier du leurre qui lui est offert. Cependant on dit s'être servi avantageusement d'hameçons à trois crocs, munis d'une hélice à deux ailes métalliques brillantes, pré- sentés par M. Hearder, de Plymouth. Sous l'influence de la marche du bateau, les hélices tournent avec rapidité, et atti- rent par leur scintillement le poisson, sans exiger d'appât. Les Russes emploient dans la mer Caspienne et dans l'Azov un système de lignes qui leur permet également de prendre le poisson sans avoir besoin d'amorcer. Cet appareil consiste en une corde longue de cinquante toises environ, à laquelle sont attachées, de dix pouces en dix pouces, des hgnes munies cha- cune d'un haim, dont la grandeur varie avec l'espèce de poisson à laquelle il est destiné. On tend ces cordes, dans la mer ou dans les fleuves, sur une longueur quelquefois de plusieurs verstes, dételle sorte que les hameçons pendent sans avoir été amorcés, à une certaine distance du fond : le poisson s'y prend, non pas en avalant les haims, maison s'y piquant lors- qu'il passe auprès d'eux et en se les enfonçant dans le corps d'autant plus profondément qu'il fait plus d'efforts pour s'en débarrasser. Ldi pêche à la corde ne peut se faire qu'à la con- dition que les hameçons soient très-rapprochés, et ne donne comme produit que des poissons sans écailles ou à peau très- molle, telsque les Esturgeons (Danilewsky). Ce modede pêche, qui ne peut être employé avec succès que dans des eaux très-poissonneuses, est usité d'une manière presque identique Ii'iQ SOCIÉTÉ d'acclimatation. par les Chinois, sur le Yang-tsé-kiang, d'après ce que nous avons appris de notre ami M. Dabry. Parmi les appâts artificiels, nous avons remarqué ceux de M. Legdesdorf, de Golhembourg, et ceux de M. Hamberg, de Stockholm : ces derniers consistent en un poisson métal- lique creux, qui dissimule deux crochets que la moindre pres- sion fait sortir de leur enveloppe pour pénétrer dans la gorge du poisson qui s'est laissé tenter par l'amorce. Les lignes de pêche' fluviale étaient représentées par de très-beaux spécimens, parmi lesquels nous avons remarqué les instruments employés par les Anglais pour leur sport favori de la pêche du Saumon et de la Truite. Nous ne pouvons passer sous silence une curieuse collection de lignes employées par les Groenlandais pour prendre les poissons de leurs mers, et fabriquées avec des fanons de Ba- leine, des fragments d'os, de pierre, ou quelquefois des cro- chets de fer, etc. Filets, — Les fdets français sont devenus plus maniables et plus légers (1) que ceux employés autrefois, et même, dans quelques localités, ils peuvent rivaliser avec ceux des nations étrangères les plus renommées pour leurs engins de pêche. On peut cependant reprocher à nos pêcheurs de s'entêter à employer des filets trop petits, dix brasses de longueur, ce qui paralyse une partie du filet pendant la pêche, inconvé- nient qui serait très-amoindri, si leurs appareils avaient au moins vingt brasses. On voit encore d'assez nombreux filets lacés à la main, malgré la concurrence active qui leur est faite par le laçage à la mécanique, qui est moins cher, plus rapide et tout aussi solide, paraît-il. Dieppe, qui possède un ateher-école pour le laçage des filets, fabrique encore une grande quantité de ces (1) On recherche les filets légers comme plus péchants, parce qu'ils sont moins perceptibles pour le poisson, mais il faut prendre garde que la légè- reté ne soit acquise aux dépens de la résistance du fil, qui doit être de qua- lité supérieure, fin et retors. Cette précaution, qui est l'objet de Tattenlion la plus grande des Norvégiens, est malheureusement trop souvent négligée en France. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. Û27 engins, de bonne qualité ; mais, en raison du prix de main- d'œuvre plus élevé, le laçage à la main doit tendre à diminuer de plus en plus (1). Parmi les exposants pour le laçage à la mécanique, nous devons citer M. Broquand, de Dunkerque, qui, au moyen d'une machine mue à bras, fait la maille aussi variable que Ton veut, et qui peut employer toute espèce de fil, quoiqu'il se serve surtout de chanvre, que nos pêcheurs préfèrent à tous les autres fils. Ses filets, dont des spécimens très-nom- breux étaient présentés aux diverses expositions, ont paru un peu lourds aux connaisseurs ; ils sont à trois fils, car les pê- cheurs considèrent ces filets comme plus durables. M. Jouan- nin, de Paris, qui emploie la vapeur pour mettre en mouve- ment ses métiers, et qui réalise une économie de 25 à 30 pour 100 sur le laçage à la main, peut faire le nœud de pécheur et donner une lisière à boucle à ses filets, lisière que les fabricants anglais ne peuvent pas faire ; il emploie les fils les plus fins comme les plus gros, et peut fabriquer en une journée 225 à 250 mètres de filet à Hareng. Nous devons signaler aussi les filets de M. Blanc, de Nantes, qui fabrique beaucoup pour les sardiniers du Croisic et pour les chalutiers de la Xurbelle. Sans doute, les filets de nos pêcheurs ne peuvent atteindre la finesse de ceux des Norvégiens et des Suédois, en raison même de la différence des eaux dans lesquelles ils sont em- ployés ; mais il n'en est pas moins vrai qu'ils pourraient être plus fins qu'ils ne le sont ordinairement, et donneraient alors de meilleurs résultats, ainsi que l'ont démontré, en parti- culier,-les expériences de M. Bourgoin-Dumarteau (2), de (1) La première idée du laçage à la mécanique paraît remonter à Jac- quard, qui prit un brevet à ce sujet le 13 décembre 1805, mais dont la ma- chine n'a pas été exécutée. Un filet à Sardine, lacé à la main, vaut de 75 à 80 francs ; fait au métier, il coûte 57 francs. Comme il faut employer 19 kilogr. de fil pour sa fabrication, il en résulte que la main-d'œuvre du premier est de 50 francs, celle du second de 32 francs. (2) M. Bourgoin-Dumarteau a fait faire un filet fin à Hareng, garni de 428 SOCIETE D ACCLIMATATION. Boulogne. Le seul inconvénient que nos pêcheurs puissent reprocher aux filets fins, c'est leur prix plus élevé ; mais la dif- férence de prix est peu considérable, et le fil qui les constitue est de meilleure qualité. Fussent-ils, ce qui n'est pas prouvé, d'une détérioration plus facile, ce défaut n'en serait pas moins largement compensé par le produit plus grand qu'ils procurent, et que les évaluations les plus modérées évaluent être comme Il est à 1 . Les filets anglais, qui sont les seuls que nous puissions com- parer aux nôtres, puisqu'ils sont employés dans les mêmes eaux, sont toujours fabriqués à la mécanique, offrent une maille régulière et le nœud bien fait : le fil, qui est presque toujours d'excellente qualité, est de chanvre pour les grands navires, et de coton pour les bateaux légers ; mais, dans ce dernier cas(l), les filets demandent plus de ménagement dans leur emploi, et doivent être séchés dès qu'on a cessé de pêcher. Ces filets, que nos pêcheurs pourraient parfaitement se procurer, puisque, malgré un droit de 75 pour 100, ils ne leur reviennent pas plus cher que nos filets français, étaient présentés par MM. Herbert, Lockhart et Stuart (2), qui riva- lisent pour la bonne confection de leurs produits (3). Les filets danois (Zi), suédois et norvégiens, qui ont entre plombs légers sur la lisière du fond pour tendre les mailles et les tenir ou- vertes : ce filet, essayé par l'un des patrons de pèche de Boulogne, a donné quatre fois plus de Harengs que les filels ordinaires. (Magnieu, loco citatOj p. 33.) (1) Les pêcheurs anglais sont très-soigneux de leurs filets, qu'ils n'em- ploient jamais plus de trois à quatre semaines consécutives ; d'autre part, du samedi au lundi, temps où ils ne pèchent jamais, ils les font sécher à terre. (2) La maison Stuart, établie à Masselborough (Ecosse) , occupe aujourd'hui trois cents méliers. (3) Les filets de colon, par la finesse de leur tissu .et leur souplesse, ne laissent pas le poisson s'y heurter, comme cela arrive fréquemment pour les filets de chanvre, qu'il peut écarter en fuyant ; la facilité avec laquelle le pois- son se maille dans les filets de coton les rend bien plus péchants. (Sabin Ber- thelot, loc. cit., p. 137.) {U) Les filets danois, destinés surtout à être employés dans les fjords ou le long des côtes, ont des formes particulières qui les rendent d'une appro- EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. A29 eux une très-grande ressemblance, sont très-remarquables comme fabrication, finesse et solidité du fil : très-fins tou- jours, ce qui est nécessité par la transparence des eaux dans lesquelles ils doivent fonctionner, ils sont faits de chanvre d'Italie ou de Russie (quelques-uns sont de soie), filés presque tous et lacés à la main par les pêcheurs. La pêche au moyen de filets de coton se ferait très-bien, puisque ces filets peuvent être très-fins \ mais ils sont encore peu employés, en raison de leur prix plus élevé. Les filets norvégiens, destinés à la pêche des Soles et autres poissons plats, sont surtout remarqua- bles pour leur finesse poussée à l'extrême, sans pourtant que ce soit au détriment de la solidité. Gomme nous avons eu l'oc- sasion de le faire remarquer dans un précédent rapport, les /lottes de ces filets sont plus souvent de verre que de liège ou de bois, et les pêcheurs pensent que le scintillement dans l'eau de ces /lottes contribue à attirer le poisson. Les filets hollandais, dont la majeure partie est fabriquée en Angleterre, et spécialement chez M. Stuart, sont le plus sou- vent de coton, et nous en avons remarqué, particuhèrement à Boulogne, qui, préparés par le procédé de M. Maas, de Sche- veningen, avaient parfaitement résisté à cinq ou six campa- gnes (1). Les filets belges exposés à Boulogne étaient bien faits, mais de fabrication ordinaire. La substance des filets se détériorant rapidement à la mer, on a du chercher le moyen de les préserver, et dans tous les pays on a imaginé quelques procédés efficaces. On peut dire, d'une manière générale, que pour les filets de chanvre, le meilleur préservatif est le cachou (2) ^ mais il est essentiel de l'employer en solution suffisamment concentrée, et de ne pas lésiner sur le cachou, comme le font trop souvent nos pêcheurs, qui font ainsi la plus détestable des économies. Le prialion impossible pour la pêche de nos mers du Nord, mais ils ont quelque analogie avec certains filets de la Méditerranée. (1) Rapport Bergen, p. 531. (2) Le meilleur procédé pour tanner au cachou est de plonger les filets dans une dissolution bouillante, et de maintenir celle-ci à un certain degré constant de température plutôt que de la laisser refroidir. /iSO SOCIÉTÉ d'acclimatation. tannage à l'écorce de tan n'est presque plus employé, et a juste raison, par nos pêcheurs (1). Pour les filets de coton, le meilleur préservateur est le trai- tement par le cachou et par l'huile de pin, ou mieux encore par le coaltar, qui est moins cher. Quand on emploie l'huile de pin ou l'huile de lin pour en imprégner les filets, il faut bien prendre garde de ne faire cette opération que quand les filets sont bien secs, sans quoi ils pourraient s'enflammer spontanément. Nous rappellerons seulement ici le procédé de M. Maas, de Scheveningen, dont l'excellence a déjà été con- statée par nous à plusieurs reprises. Dans un certain nombre de localités on fait la pêche de nuit aux flambeaux. Nous avons eu déjà l'occasion de don- ner quelques détails sur la pêche des Saumons par ce procédé dans leHardangerfjord (Norvège), et près du Bourg Sauma, côte occidentale du golfe Onega (2). Nous avons retrouvé ce mode de pêche à Arcachon, où il se fait de la manière sui- vante : On fait usage de bateaux {tillotes) montés par deux hommes, dont l'un est préposé aux avirons, tandis que l'autre est armé d'un harpon barbelé à huit dents : à la pointe du bateau et saillant d'environ un mètre, est un foyer de fer où du bois résineux brûle avec une flamme claire et brillante. Ce procédé, qui réussit surtout au moment où le reflux est commencé, car le poisson tend alors à remonter le chenal, donne lesmeiUeurs résultats par les nuits obscures ou parles temps orageux : on prend quelquefois ainsi en une seule nuit 100 à 150 kilogrammes de poisson. La pêche de nuit au flambeau, au phastier, se pratique aussi à Martigues, quand les bordigues ont été enlevées et laissent Hbres les canaux de communication. On a essayé à plusieurs reprises d^apphquer à la pêche l'em- (1) Les Boulonnais emploient presque exclusivement le tannage au ca- chou; à Dieppe, au contraire, on fait usage plus ordinairement du sulfate de cuivre comme conservateur des filets, en raison du prix moins élevé de la préparation, mais il paraît que les filets ainsi préparés sont plus sou- vent déchirés par les Chiens de mer. (2) Rapport Bergen, p. 320. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. /i31 ploi de la lumière électrique, et des expériences ont été faites dans rOcéan, la Méditerranée, et même sur les côtes d'Islande ; mais aucun des essais tentés n'a donné des résultats satisfai- sants. Le plus souvent la lumière s'est éteinte peu de temps après l'immersion des appareils, lesquels, en général, ne sont pas d'une manœuvre facile, à cause de leur forme, de leur poids et de leur volume. Il serait, en outre, nécessaire de se servir d'un filet spécial pouvant fonctionner de concert avec ces appareils. Or, aucun des engins en usage ne paraît se trouver dans les conditions nécessaires. Il est incontestable que h lumière attire le poisson : en améliorant les appareils électriques em- ployés jusqu'à ce jour, on obtiendra sans doute des résultats dans les lacs, les étangs et dans les rivières (1), où l'eau est calme ; mais il est vraisemblable qu'il n'en sera pas de même dans la mer, dont l'état d'agitation sera toujours un obstacle au fonctionnement d'un instrument délicat à manœuvrer, et dont l'emploi exige des aptitudes peu en rapport avec les habi- tudes de nos pêcheurs (2). M. Dubois, de Nantes, et M. Charles Widows, de Londres, avaient présenté chacun un appareil lumineux sous-marin pour la pêche; mais nous n'avons eu aucun renseignement positif sur l'efficacité qui aurait été reconnue à ces engins, dont l'idée remonte à une époque déjà éloignée. On sait, en effet, qu'un appareil imaginé en 1864 par M. Paul Gervais fut expérimenté dans le port de Cette par le capitaine Delvoulx. On a proposé aiissi, dans ces derniers temps, de laisser flotter entre deux eaux une fiole phosphorescente qui aurait pour résultat d'attirer le poisson, et d'augmenter ainsi les chances de succès de la pêche (3) ! Les bordigues sont usitées aujourd'hui encore sur plusieurs points de nos côtes, et il en existe en particulier à Port-de-6ouc. M.Vidal père avait présenté à l'exposition d'Arcachon un très- (1) Nous devons rappeler que la pèche aux flambeaux est interdite dans une partie de nos rivières et cours d'eau. (2) Noie que nous devons à Pobligeance de notre confrère M. Henne- quin. (3) Journal de la ferme et des châteaux, t. II, 1870. /i32 SOCIÉTÉ d'acclimatation. joli modèle d'un de ces engins : les bordigues sont des parcs sous-marins à palissades de roseaux soutenues par des pieux en estacades et hautes au-dessus de la surface de l'eau d'environ 2 mètres ; leur superficie est de 100 à û 20 mètres de long sur 50 à (30 de large. Elles sont divisées en plusieurs com- partiments ou réservoirs triangulaires symétriquement dis- posés au moyen de cloisons de roseaux, et communiquant ensemble par des goulots étroits. Ces réservoirs communiquent avec d'autres circulaires, tours des bordiguiers, destinés à recevoir le poisson qui s'est engagé dans le dédale des pas- sages, délicats et goulots, et qui arrive forcément à \si pentenne, nasse terminale en filet. Les Anguilles vont en général jusqu'à ce dernier compartiment, tandis que les Muges, les Loups, les Pagres, s'accumulent dans les tours (1). En Espagne, la pêche des lagunes de TAlbufera, de Valen- cia, de Tortosa, Santa -Pola (2), se fait au moyen de claies de roseaux {incanisadas) (3), formant estacade à l'entrée des canaux en communication avec la mer, et offrant diverses ouvertures {gallineros) qui permettent aux poissons d'arriver jusqu'aux nasses. Autrefois très-productives, ces pêcheries, qui étaient soumises à des ordonnances très-sages, sont aujour- d'hui en pleine décadence et n'emploient plus que quelques hommes au lieu des milliers qui y trouvaient une lucrative occupation. Ces pêcheurs avaient des privilèges, tombés au- jourd'hui en désuétude, et une organi-^ation analogue à celle de nos pêcheurs de la Méditerranée {h). Parmi les nombreux filets qui figuraient aux diverses expo- ' sitions, nous mentionnerons le trabaco de Martigues, engin fixe de pêche qu'on place dans les étangs de Berre et de (1) Chartes, titres et documents principaux relatifs aux 'pêcheries de Martigue appelées Bordigues. (Rapport de M. Léon Vidal, Soc, de statist. de Marseille, 1871, t. XXXII, p. Zi89.) — Sabin Berthelot, Études sur les progrès maritimes, 1869, p. 795. (2) D. Mariano de la Paz, Graells, Afanualo practico de piscicultura A86Z1, p. 55. (3) Sabin Berlhelot, loc. cit., p. 390. [U) Regnart, Diction, histor. de los artes de pesca nacionaU EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 433 Caronte : c'est une espèce de ganginûxej dont l'ouverture est précédée de deux pièces de filet verticales soutenues à flot- taison par des lièges, et dont la tombée est obtenue par des plombs enroulés de distance en distance sur la ralingue infé- rieure. Ces pièces, dont l'extrémité libre est contournée en spirale, forment entonnoir et servent à diriger le poisson vers l'ouverture du corpou; des pieux placés sur plusieurs points de l'appareil servent à maintenir le labyrinthe et la partie postérieure du corpou. Cet engin sert à prendre des poissons de toutes sortes, tels que des Anguilles, des Muges, des Bars, et des Crustacés, tels que Crabes et Crevettes. Il y avait à l'exposition d'Arcachon, parmi les modèles de pêcheries exposés, un spécimen de baro^ engin de pêche des gaves de Pau et d'Oloron, employé tout particulièrement à la pêche du Saumon et de la Truite. Cet engin, très-destructeur, et dont, par suite, la suppression a été demandée par l'ad- ministration, est composé de deux filets de l\ mètres de longueur sur 2 de largeur, par un arbre de couche qui est mis en révolution par quatre pelles : les deux filets forment poche à leur centre et se continuent par une trennée d'osier qui conduit le poisson jusque dans un récipient fermé à clef (1). Il existait un certain nombre de ces baros établis sur une plate- forme élevée sur des pieux enfoncés dans la rivière et présen- tant une saillie de 10 à 12 mètres; d'autres étaient montés sur barque : mais de nombreux abus les ont fait supprimer. Nous ne pouvons passer sous silence un mode de pêche usité depuis un temps immémorial par les Chinois (2), et qu'on a tenté récemment d'introduire en France comme nou- veau sport (3) : nous voulons parler de la pêche au Cormoran, mise en usage en France au xviif siècle, et qui disparut vers la fin du règne de Louis XV. Des essais pour ressusciter cette (1) Pour forcer l'entrée du poisson dans Tappareil, les pêcheurs établis- saient partout des pieux, barrages et enrochements qui en formaient le com- plément illicite, mais productif. (2) p. Dabry de Tliiersaint, la Pisciculture et la pêche fluviale en Chine, R, Fortune, Tivo Visits to the Tea country of China. (3) Comte Lecouteulx de Ganteleu, la Pêche au Cormoran, 1870. 2' SÉRIE, T. VIII. — Septembre et Octobre 1871. 28 /,3Zi ' SOCIÉTÉ d'acclimatation. pêche ont été faits dans ces derniers temps en Angleterre, et d'autre part notre confrère M. le comte Lecouteulx de Can- teleu a pu s'assurer que l'on pouvait avec l'aide de cet oiseau faire avec agrément des pêches fructueuses. APPATS. On emploie sur nos côtes comme amorce, ôoe^e des pêcheurs (de l'anglais teV), un grand nombre d'animaux ou de pro- duits différents, suivant les espèces que le pêcheur désire cap- turer, les locahlés et la saison. C'est ainsi qu'on fait usage du Lançon {Ammodytes lancea), de divers Nephthys {Chattes) qu'on recueille dans le sable, ainsi que des Arénicoles (1), de paquets de divers poissons, etc. Notre confrère M. Trottabas nous a fait connaître la substi- tution avantageuse de l'Holothurie à la Sardine pour amorcer les palancres destinées à prendre des Sars, des Daurades et des Soles de la Méditerranée (2) . Les pêcheurs du banc de Terre-Neuve, au commencement de la saison de pêche, emploient comme amorce les Palourdes, fraîches ou salées, ou des morceaux de poissons salés. Pour la seconde pêche, ils emploient le Capelan (3), dont ils usent des quantités énormes, 30 000 barriques environ, d'une valeur de 350 à AOOOOO francs. Ce poisson, qui succède au Hareng, abonde sur la côte de Terre-Neuve dans les premiers jours de juin, mais il disparaît après quelques semaines, dès que le temps de la fraye est passé. Pour remplacer le Capelan, les pêcheurs font usage comme appât de l'Encornet {Loligo piscatorum), qui apparaît quelquefois en grande abondance sur la côte de Saint-Pierre et Miquelon, du 25 juillet au 15 août ; on le prend au moyen de la ligne à turlutte. (1) Les Arénicoles jaunes, qui sont recueillies clans le sable, sont préféra- bles à celles qui viennent de la vase et qui sont noires. (2) Bull.de la Soc. d'acclim., 2° série, 1866, t. III, p. 679, (3) On se sert comme boête du Capelan mâle, les pêcheurs ayant remar- qué que la Morue était moins friande des femelles, qui sont utilisées pour fabriquer de la rogue. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. A35 Parmi les appâts dont font usage nos pêcheurs, et qui ont une grande importance commerciale, sont les vogues ou œufs de poissons, qu'on emploie salés ou saumurés. La plus esti- mée de toutes les rognes est celle du Maquereau (1), qui vient surtout de Norvège, et que les bateaux de Fécamp rapportent aussi quelquefois de Terre-Neuve ; mais son prix, plus élevé, en restreint l'emploi et lui fait substituer la rogue de stock- fish {Gadiis Morrhua), qui nous est fournie en grande quan- tité et surtout par la Terre-Neuve et l'Islande, Norvège. La rogue d'Amérique (importée par Boston et New-York) ne nous arrive jamais en grande quantité; elle est d'ailleurs assez peu recherchée, car son prix est élevé et elle est fréquem- ment avariée. La rogue du Charbonnier {Gadus carbona- rius, L.) est de mauvaise qualité, car les œufs s'en séparent difficilement, et forment une masse visqueuse qui s'attache aux filets à Sardines et en ferme la maille (H. Baars) (2). En Hollande et sur la côte de Normandie, on prépare un peu de rogue de Hareng, mais elle est rarement employée. De toutes les rognes, la moins estimée est celle de Capelan, dont il n'en arrive que très-peu en France (3). En raison du prix élevé de la rogue (et encore a-t-il augmenté dans ces dernières années), il serait bien désirable que de nou- veaux efforts fussent tentés pour substituer, à cette substance indispensable pour la pêche de la Sardine, des rognes artifi- cielles, qui rendraient un immense service à nos marins ; car la pêche de la Sardine se fait sur nos côtes dans des proportions colossales. En effet, sur les nombreux bateaux affectés à la pêche en France, et qui, montés par près de 60 000 hommes, ont donné, en 1867, plus de 52000000 de francs de produit, la moitié au moins est exclusivement employée, dans la saison, à la pêche de la Sardine . Or, il y a une trentaine d'années, l'ex- (1) La rogue de Plie, qui se recueille en Ecosse, est aussi très-appréciée de nos pêcheurs, qui la confondent souvent avec celle du Maquereau. (2) Hermann Baars, Sur les pêches de Norvège, 1866. (3) Il paraît cependant que, quand elle est bien préparée, la rogue de Capelan donne d'excellents résultats, et elle a l'avantage d'être de 30 pour 100 meilleur marché que celle de Morue de Norvège. ^36 SOCIETE D ACCLIMATATION. portation de la Sardine à l'huile atteignait à peine le chiffre de 600 000 francs, et, en 1867, cette même exportation a dépassé 2/i 000000 de francs (1). Le prix de la rogue dans ces dernières années a atteint 110 à 120 francs le baril de 118 à 120 kilogr., fût compris : aujourd'hui il est descendu à 70 francs, et quelquefois, mais rarement, il est descendu à AO ou 50 francs, mais jamais on ne le voit plus au prix d'il y a une quinzaine d'années, c'est-à-dire à 25 ou 30 francs. Or, quand le prix dépasse 50 francs, la pêche n'est pas rémunératrice pour les pêcheurs, car ils trouvent à peine à vendre le poisson à un prix supérieur à 8 à 10 francs le mille aux établissements de conserves, qui sont leurs clients les plus importants. De nombreux essais de fabrication de rogues artificielles ont été faits depuis longtemps déjà, mais aucun n'a donné encore de résultats bien satisfaisants : il ne faudrait cependant pas que ces insuccès décourageassent les inventeurs, car le plus haut intérêt s'attache au succès d'une industrie qui exoné- rerait nos pauvres populations de pêcheurs d'un impôt bien lourd : en effet, ils ne dépensent pas moins de 150 francs de rogue pour prendre pour 300 francs de Sardines, ce qui ab- sorbe la meilleure partie de leur bénéfice. (Ducrest de Ville- neuve.) Parmi les rogues artificielles nous citerons : 1° La gueldre. Elle se fabrique sur les côtes de Bretagne, avec les petites Crevettes (2) pêchées dans les marais salants, au (1) Le port de Belle-Tle en mer possède cent bateaux de pêche exclusive- ment employés à la Sardine ; de plus, une centaine de bateaux étrangers viennent se livrer dans ses eaux à la même pêche. Or, chaque bateau con- somme dans la saison environ une trentaine de barils de rogue, soit annuel- lement 6000 à 7000 barriques d'appât. A Douarnenez, les 500 à 600 sardiniers emploient en moyenne quinze à vingt barils de rogue, ce qui donne 10 000 à 12 000 barils. Des Sables-d'Olonne à Douarnenez, il y a plus de 2500 sardiniers, dont la consommation peut être évaluée à 5000 ou 6000 barils de rogue. Si Ton ajoute à ces ports ce qui est employé par Bordeaux, la Rochelle, Bayonne, etc., on peut se faire une idée de l'immense somme dont nos pêcheurs sont tribu- taires pour la grande partie à l'étranger. (Moride.) (2) Leur nom vulgaire est houes. On prend en même temps beaucoup de Crabes. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. !lZ7 moyen d'une petite seine de canevas ; mais malheureusement on capture en même temps des myriades d'alevins (Soles, Tur- bots, Mulets), et la fabrication de la gueldre devient désas- treuse par suite de la destruction énorme qui se fait de fretin. Le tout est écrasé et arrosé de saumure. Excellente pour la pêche, la gueldre a, dit-on, cependant l'inconvénient, qu'elle partage, du reste, avec toutes les rognes de qualité infé- rieure, d'avancer la décomposition du poisson et de le rendre moins propre à la salaison. Presque uniquement employée au xvii" siècle par nos pêcheurs bretons, la gueldre a été plus tard interdite ('23 avril 1726) par ordonnance royale, plusieurs fois renouvelée, et notamment le h juillet 1853. M. Sylvain Peyron (1), de Quimperlé, en a, dans ces derniers temps, pré- conisé de nouveau l'emploi comme pouvant être substituée avantageusement à la rogue de Norvège : elle en égalerait l'ac- tion attractive, tout étant beaucoup moins chère, mais il n'a pu faire disparaître le reproche qu'on fait à cette substance de causer une immense destruction du fretin. 2" La rogue de Spratt. MM. Rabot, de Douarnenez, la fabri- quaient, il y a une quinzaine d'années, avec ces petits poissons broyés et imbibés de saumure. Son emploi a cessé parce que, dit-on, son action n'était pas aussi efficace qu'on pouvait le dé- sirer, et, d'autre part, parce que l'administration, craignant que la pêche des Spratts ne fût occasion de la destruction d'une trop grande quantité d'alevins qui vivent dans les mêmes loca- lités, s'est opposée à la continuation de cette fabrication. 3° La rogue du docteur Balestrier^ de Concarneau. Elle se fait au moyen de Capelans provenant de Terre-Neuve, où ils se trouvent abondamment, soit salés et réduits en pâte ; mais la difficulté de se procurer ces poissons d'une manière régu- lière a gêné la fabrication ; d'autre part, les marins lui ont fait assez mauvais accueil, ne dérogeant pas à leur habitude constante pour tout ce qui est innovation et vient déranger leurs habitudes routinières. (1) Sylvain Peyron, De la pêche de la Sardine et des industries qui s'y rattachent, par un pécheur, 186/i. liZS SOCIÉTÉ d'acclimatation. A^ La rogne de M. Delidon. Faite avec des têtes de Sardines, des débris de poissons, des Chevrettes et du sel, elle ne paraît pas avoir donné tout ce qu'en attendait son inventeur. 5° La vogue de M. Moride, de Nantes. Elle est fabriquée avec de petits grains de fécule , des huiles de poisson et de la saumure, de manière à imiter, à s'y méprendre, les œufs de poissons : elle tombe dans l'eau à la manière des œufs, qui constituent la ro^we vraie. Il est essentiel d'employer à sa fabri- cation l'huile de poisson, qui agit sans doute, pour attirer la Sardine, de la même façon que le musc et quelques autres ma- tières odorantes préconisées comme appât par certains pêcheurs à la ligne. En effet, l'huile de colza, d'arachide et de sésame donnent des résultats nuls. Les essais faits avec le produit de M. Moride paraissaient satisfaisants, mais ils n'ont pas été continués assez longtemps pour qu'on ait pu se faire une opi- nion exacte de sa valeur comme appât. 6° On a cherché aussi, mais sans avantage, à fabriquer des rogues avec du sang, de la sciure de bois et de la saumure. Après avoir parlé des appâts, nous ne pouvons passer sous silence un mode particulier de se procurer le poisson, très- usité dans beaucoup de contrées, mais qui est sévèrement défendu en France et dans les pays civilisés, en raison de la destruction qu'il occasionne : nous voulons dire l'empoison- nement des eaux. « Dans certains pays, on jette dansles eaux des plantes très- 3) meurtrières pour rendre la pêche et plus abondante et plus j> rapide : les poissons, venant mourir en foule à la surface, > sont pris sans difficulté et en nombre considérable dans un » espace de temps très-court (1) . » Parmi ces substances, nous indiquerons la coque du Levant {Coccidus siiberosus), qui a l'inconvénient de détruire une énorme quantité de poissons, beaucoup plus grande que ce qu'elle fait prendre, et dont la vente n'est pas interdite comme elle le devrait. La coque du Levant exerce certainement une (1) A. Duméril, De l'empoisonnement des eaux destiné à rendre les pê- ches plus abondantes {Ann. de laSoc. Linné enne de Maine-et-Loire, t. VIII; BuU, de la Soc. d'acclim. , 1866, t. III, p. 369). EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 439 action sur la qualité du poisson, et, par suite, sur la santé des consommateurs. Elle ne sert qu'à détruire le poisson, et son usage médical est nul (1). Aussi pensons-nous que le vœu du Conseil général de la Haute-Loire, demandant l'interdiction absolue de la vente delà coque du Levant, devrait être accueilli favorablement (2). Quant aux autres matières qui agissent sur le poisson pour l'empoisonner au milieu des eaux, nous ne nous en occuperons pas ici, leur emploi n'étant pas licite et leur énumération n'offrant pour nous qu'un intérêt de curio- sité. ENGRAIS. Si le pêcheur qui en explore les profondeurs peut tirer directement de la mer d'immenses quantités de matière nutri- tive, l'agriculteur peut aussi lui emprunter des produits tout aussi importants. En effet, la mer renferme, en masses énor- mes, des matières qui, mêlées au sol dans de certaines condi- tions, en augmentent singulièrement la fertilité et la richesse. Quelquefois, il est vrai, ces engrais sont utilisés comme ils doivent l'être ; mais il n'en est pas moins regrettable que, par incurie ou par ignorance, ils soient très-fréquemment négligés et perdus, alors que nos champs en auraient besoin pour don- ner toute la récolte qu'ils sont aptes à produire. Chaque jour les agriculteurs se plaignent de ce que les engrais leur font défaut, et cependant chaque jour ils perdent des miUions de kilogrammes de matière fertilisante, propre à augmenter la production de leurs champs, si un emploi judicieux en était fait. Ce n'est pas ici le lieu de nous appesantir sur cette grave question; aussi nous bornerons-nous à dire quelques mots des engrais que la mer peut fournir, et qui figuraient avec diverses expositions. En première Hgnenous citerons les pro- duits animaux, tels que : saumures, poissons entiers, débris 9 (1) Dans ce cas, la vente sur ordonnance médicale pourrait en être per- mise extraordinairement par les pharmaciens. (2) Bull, de la Soc. d'agric. du Puy, 1865, t. XXVJ, p. 9. hhO SOCIETE D ACCLIMATATION. de poissons, etc. Les saumures, employées depuis une tren- taine d'années comme engrais par les cultivateurs de Fécamp, étaient autrefois jetées à la mer : on en tire parti aujourd'hui, en les versant, très-étendues d'eau, au printemps, sur les prai- ries; on les mélange à du fumier de ferme, ou on les fait entrer, ce qui est plus rationnel, dans la composition de ter- reaux ou de composts (1). On les payait d'abord 0 fr. 60 c. le baril, aujourd'hui elles valent 1 fr. 50 c., prix trop élevé pour l'agriculteur (J. Girardin). Les saumures ont d'ailïeurs le double inconvénient d'être liquides et de dégager des émana- tions souvent dangereuses. Les poissons putréfiés ou jetés morts à la côte avec d'autres animaux marins peuvent bien être utilisés par les riverains, mais ils se putréfient trop rapidement, et d'ailleurs ne sont presque jamais assez abondants pour faire la base d'une exploi- tation régulière (2). Il n'en est pas de même des débris des poissons capturés par les pêcheurs, qui pourraient fournir des centaines de mil- liers de kilogrammes d'engrais, si l'on prenait soin partout de les recueillir pour les utiliser. Cela serait facile en y mêlant 6 à 10 pour 1 00 de leur poids de chaux, qui active leur transfor- mation en excellent engrais. Ce produit s'obtient en quelques semaines, alors que le mélange de débris de poissons et de marne exige des années pour former un bon compost (3). (1) Pour faire ces composts, on incorpore de la terre de routes, des boues, des curures de fosses, des mares d'étangs, avec un tiers de craie et de marne blanche bien délitée ; on en fait des tourbes qui ne doivent jamais dessécher et qu'on arrose presque jusqu'à saturation avec les saumures. (J. Girardin.) (2) Il arrive fréquemment, dans l'Odensée-fjord (Danemark), où les pê- cheurs prennent au filet d'excellentes Morues du poids de deux à quatre li- vres, que le nombre de ces animaux est tel, que la consommation n'en est pas possible et qu'on est obligé de les vendre aux paysans pour en faire de l'engrais : ils payent en général, dans ce cas, 2 à 3 francs la charretée. (Ir- minger.) — Les fermiers de la Kouvellc-Angleterre, principalement à l'embou- chure du Conneclicut-river, emploient le Clupea tyrannus, qui y est très- abondant, pour engraisser avec succès les terrains en culture et en fabriquent d'excellents composts. (Broca.) (3) D'après Stephens, les fermiers^ sur la côte orientale de l'Ecosse, ont EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. hhi Les Norvégiens, embarrassés de l'énorme quantité de débris fournis par leur pêcbe des îles Lôffoten, paraissent, les pre- miers, avoir compris l'avantage de leur utilisation pour fabri- quer un engrais de poisson, et ils en ont établi, comme nous avons déjà eu occasion de le dire, l'exploitation sur une grande échelle. Nous ne ferons donc que rappeler ici les pro- duits de la Société du guano de poisson de Norvège, et ceux que notre compatriote, M. Rohart, fabrique également avec des débris delà pêche du Lôffoten (1). Des fabriques analogues fonctionnent également à Great- Yarmouth (Angleterre) et à Kijestemmide (Danemark). En France, MM. de Malus et Thurneynen ont établi à Concar- neau (Finistère) une usine pour utiliser les détritus des pro- duits des pèches, où ils fabriquent \ engrais -poisson par le procédé suivant : On surchauffe au moyen de la vapeur d'eau, sous une pression de Zi à 5»atmosphères, le poisson entier et les débris qui ont été placés dans une chaudière à double enve- loppe. Après une heure de cuisson, qui enlève à la substance le plus d'eau possible, on comprime fortement pour en faire des tourteaux qui sont ensuite râpés et desséchés dans une étuve, sur des châssis de toile tendue, mis en mouvement de haut en bas. On pulvérise en poudre fine et bien sèche, qui peut être mise ainsi à la disposition des agriculteurs. (Gazin.) A l'exposition de Boulogne, M. Spiers a indiqué un procédé analogue à celui de MM. Malus et Thurneynen, mais d'une plus grande simplicité. M. Bobierre a proposé de tirer parti des têtes de Sardines, c'est-à-dire de tous les déchets rejetés par le fabricant de conser- ves, pour fournir au cultivateur un excellent engrais riche en matières azotées et phosphatées (2). Gomme ces déchets con- grand soin de récolter les déchets de poissons, Morues, Merluches, etc., qu'ils enterrent immédiatement dans une tranchée profonde, où ils les lais- sent pourrir pendant deux ou trois mois. Cet engrais, qui peut être employé pour le froment, leur donne surtout les meilleurs résultats pour la culture des navets. (1) Rapport Bergen^ p. ZiOO. (2) Les déchets de Sardines ont donné à l'analyse : eau, h^; huile, 10 ; ma- ZiZi2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. tiennent toujours une certaine quantité d'huile, en proportion variable suivant la saison de pêche, et qui est nuisible à leur action fertilisante, il a proposé de les traiter par le sulfure de carbone, qui laisse un résidu facile à dessécher et à pulvé- riser ; il peut se répandre uniformément sur le sol, où il se décompose sans inconvénient (1). Parmi les engrais végétaux fournis par la mer, se trouvent, en première ligne, les Goémons ou Varecs (2), qui sont l'ob- jet de récoltes régulières sur les côtes de Normandie, de la Bretagne, de l'Irlande, de l'Ecosse (3) et aux îles Ghausey. A certaines époques {h) (généralement vers l'équinoxe du prin- temps et en été), déterminées par des règlements particuliers qui fixent aussi le mode d'arrachage (5) , les riverains viennent, à marée basse, dépouiller les rochers des Goémons qui les cou- vrent, et en forment de grands amas qu'ils charrient ensuite dans leurs champs pour y servir d'engrais. On estime moins le Goémon dii goëmofi déchouage, qu'on ramasse sur les grèves, que celui qu'on détache des rochers de la côte, Goëmon de rochers, La récolte se fait, en général, fin mars ou au commence- ment d'avril, sur les rochers appartenant aux communes et ne tière organique et azote, 21,/iO ; sels fixes et sable, 1,80; phosphate de chaux et magnésie, /i,80 ; chlorure de sodium, 17. (1) Bobierre, Composition et emploi des têtes de Sardines {Journal d'à- griculture pratique^ 5 nov. 1868). • (2) Fucus siliquosus, vesiculosus, nodosus, serratus, et surtout Lami- naria bulbosa et saccharina. (3) Hodgps dit que les cultivateurs irlandais et écossais en font usage depuis longtemps, et que, dans certaines locaUtés, on n'emploie comme en- grais que le Goëmon. — La dose, dans l'East-Lothian, est de 15 quintaux par acre (soit environ 25 quintaux métriques par hectare). Karr dit que, dans le comté de Berwick, les fermes qui sont à portée du Yarec se louent de 75 à 150 francs plus cher par hectare que les autres. (^j En raison du frai de poisson, qui s'y trouve fixé à de certains mo- ments. (5) A Jersey, on récolte le Varec, qui y est l'engrais de prédilection et où il supplée à la chaux et à la marne, à de certaines époques fixées par les magistrats et notifiées par le crieur public le jour du marché. (J. Girardin et Morière, Excursion agricole à Jersey, 1857, p. /17.) EXPOSITIONS, INTERNATIONALES DE PÊCHE. A/lB pouvant être exploités que par leurs habitants (1). Le Goëmon de rochers peut être employé immédiatement, tandis que le Goë- mon d'échouage doit auparavant avoir servi pendant quelque temps de litière au bétail. Les Varecs, qui ont le grand avan- tage d'être exempts de grains nuisibles, répandus frais sur la terre et enfouis dans les sillons, améliorent et fertilisent d'une manière incroyable la terre, soit en la pénétrant, soit en conservant auprès des racines du blé une certaine moiteur pendant les sécheresses de l'été. (J. Girardin.) Les barilleurs (hommes qui récoltent les Varecs (2) pour en tirer la soude) brûlent ces végétaux marins après les avoir séchés, et produisent ainsi une fumée d'une odeur des plus désagréables, que l'on regarde sur nos côtes, quoique sans raison, comme pouvant engendrer toutes sortes de maladies (3) . Après le lavage des cendres, il reste un détritus, dit charrée, qui est employé dans quelques circonstances comme amen- dement. Le Varec d'été, bien séché au soleil, fait un feu vif et clair qui est bien différent de celui des barilleurs : il donne des cendres qui sont employées souvent comme engrais. Cette cendre, dont on fait usage quelquefois sans mélange, est ordi- nairement transportée à une certaine distance de la côte. Quelquefois, comme à Noirmoutiers, on fait un mélange de cendres de Varec avec de la terre, du sable, de mauvais sel marin, des Varecs frais, des coquillages et toutes sortes de débris; on mouille à plusieurs reprises avec de l'eau salée, et l'on mêle le tout, qui fmit par ressembler à un terreau. (J. Girardin.) Les engrais minéraux empruntés à la mer, et que les culti- vateurs emploient fréquemment sur les côtes de Bretagne et de Normandie, renferment en général des matières animales de (1) Dans l'Avranchin, on donne la préférence au Varec sans grosse vési- cules. (Milne Edwards, loc. cit., t. I, p. 65.) (2) Les barilleurs récollent surtout le Fucus nodosus {Vraigin), le F. ve- siculosus {Craquet) et le F. serratus [Vraiplat). (3) Milne Edwards.— De Quatrefages, Souvenirs d'un naturaliste, 1854, t. I, p. 35. a. l\hh SOCIÉTÉ d'acclimatation. texture lâche et prêtes à se décomposer ; aussi exercent-ils une action rapide sur la végétation. Les sables coquilliers, qui forment le traez ou tangue, doivent être lavés pour être débarrassés de l'excès du sel qui empêcherait la décomposition de leur matière animale (Mala- guti) : ils ont alors une action marquée sur la végétation, mais ils perdent rapidement leurs propriétés vivifiantes. Aussi distingue-t-on la tangue vive de la tangue morte. La pre- mière, de couleur grisâtre, granuleuse et rude au toucher, est riche en carbonate de chaux, tandis que la seconde, d'un gris foncé, presque brune, onctueuse, renferme une proportion plus considérable de sable (Milne Edwards, VitaHs). Lemaerlj sable de mer, fond de corail, est bon surtout pour ks terrains argileux, en raison de la matière calcaire qu'il renferme abondamment ; est composé de matière minérale ani- mahsée, par la vase marine et par des débris de coquilles et de coraux : il abonde dans les rivières de Morlaix et de Quim- per et dans la rade de Brest. Il perd vite ses quaUtés fertili- santes. On le recueille du 15 mai au 15 octobre. Malheureu- sement son emploi n'est pas aussi répandu qu'il le devrait, et il est souvent adultéré. COLLECTIONS, OUVRAGES. A côté des produits obtenus par l'industrie des pêches et des engins qui sont mis en usage pour se les procurer, on voyait aux diverses expositions des collections d'histoire natu- relle très-intéressantes, et une série d'ouvrages qui traitaient des divers sujets qui se rattachent à l'exploitation des eaux. Nous rappellerons seulement ici l'intéressante collection d'Huî- tres exposée par M. Frank Buckland, et nous signalerons d'une manière toute spéciale la magnifique collection envoyée par le musée de Bergen à Boulogne-sur-Mer, et que nous avons déjà fait connaître à la Société dans un précédent rap- port. M. Biaise Klesiack, de Zara, avait envoyé une nombreuse EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. AA5 collection de Coquillages, Crustacés, Astéries, Eponges et Coraux, qui eussent donné une juste idée de la faune péla- gique de la mer Adriatique, si elle eût été présentée dans un ordre méthodique de beaucoup préférable à l'ordre alphabé- tique, qui ne donne pas le fil d'Ariane nécessaire pour se retrouver dans un dédale aussi compliqué. Des collections d'Algues marines frappaient aussi l'œil du visiteur par la diversité des formes, l'élégance du port et l'éclat du coloris des espèces fixées sur le papier ; mais en général il leur manquait, pour leur donner un intérêt scienti- fique suffisant, d'être accompagnées de déterminations exactes. Le Musée royal ethnographique de Copenhague et la Direc- tion commerciale du Groenland avaient présenté à Boulogne une collection des plus curieuses et du plus haut intérêt pour les naturalistes, les ethnographes, les archéologues, aussi bien que pour les visiteurs ordinaires. En effet, on y voyait réunis tous les engins dont ces peuples se servent pour la pêche ou la chasse, leurs vêtements, les attelages de leurs chiens, et jusqu'à des modèles de leurs habitations d'hiver et d'été. Nous y avons remarqué en particuUer des vêtements imperméables, de peaux de Phoque, d'un travail assez soigné et dont quel- ques-uns ne manquaient pas d'une certaine élégance. Mais ce qui a attiré surtout notre attention, ce sont les armes et les nom- breux instruments de pêche faits de pierres taillées, d'os, et qui rappelaient si bien les instruments de l'âge de pierre dont l'étude occupe nos savants depuis quelques années. Le Danemark présentait un appareil très-intéressant de M. J. Nielson, de Copenhague, qui permet de mesurer la force et la direction des courants, et d'autres au moyen desquels on peut reconnaître le degré salifère des eaux. Ces derniers ont été employés pendant six ou sept années par M. Smidth, con- seiller royal des pêches, pour déterminer la richesse en sel des eaux sur divers points du Danemark, et qui a pu ainsi trouver l'explication de l'immense variété de poissons qui se trouvent sur ces côtes privilégiées. Entre autres faits intéressants, M. Smidth a remarqué une relation entre la grandeur des poissons et la capacité salifère de l'eau : c*est ainsi que la 446 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Morue de la mer du Nord est plus grande que celle du Kat- tégat, et celle-ci plus grande que celle des Belts et du Sund, ce qui correspond aux degrés de salure ; mais il faut tenir compte de la profondeur à laquelle la pêche se fait. En effet, le poisson pris à Bornholm est de plus grande taille que celui pris dans le Sund et les Belts, bien que le degré de salure soit le même. M. Smidth a pu vérifier aussi que la limite des Crustacés est tracée par la qualité salifère de l'eau, et qu'ils manquent là où l'eau est la plus douce, etc. (1). Notre confrère M. Léon Vidal avait présenté à l'exposi- tion d'Arcachon une série intéressante d'épreuves photogra- phiques d'écaillés des divers poissons de la Méditerranée. Mettant à profit un talent de photographe incontesté, car M. Léon Vidal est considéré à juste titre comme un des maîtres de cet art, notre confrère a pensé qu'il pourrait tirer, des caractères que lui offraient les écailles dans les différents genres et même dans les différentes espèces, un moyen assuré de reconnaître à quelle espèce il devait rapporter les poissons élevés par lui dans sa ferme aquicole de Port-de-Bouc. Cette étude, qui au premier abord paraît être exclusivement du domaine avec la pratique de la science théorique, a tout au contraire des connexions des plus intimes, aujourd'hui qu'on fait de la culture des eaux une véritable science. Il est quel- quefois impossible de se retrouver au milieu du chaos des noms locaux affectés dans divers pays, quelquefois trés-rap- prochés, aune même espèce, même très-commune; au moyen de l'examen au microscope et même avec le grossissement d'une simple loupe, il sera facile de distinguer la forme d'une écaille, et par suite de reconnaître d'une manière absolue à quelle espèce on doit rapporter les individus que l'on cultive. Cette étude, en donnant les moyens d'une détermination pra- tique, sera un nouveau résultat heureux de la ferme aquicole de Port-de-Bouc, qui, grâce au zèle incessant de M. Léon Vidal, (1) A. J. Smidlh, La mer autour du Danemark; sa qualité salifère et ses courants, spécialement à l'égard de ses poissoris importants à la pêche et au commerce, 1866. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 4/17 nous paraît appelée à jouer pour la Méditerranée le rôle im- portant que remplit, sur une échelle plus haute, l'établissement de Concarneau pour les espèces de TOcéan. Nous devons une menlion spéciale au magnifique ouvrage publié par l'ordre du gouvernement russe sur les pêcheries de la mer Blanche et de la mer Caspienne, et qui fait connaître par des planches très-belles tous les détails de la pêche telle qu'elle est pratiquée dans ces contrées si riches en poissons. Nous empruntons à ce travail les renseignements qui suivent sur l'état des pêcheries en Russie, et qui serviront de complé- ment aux extraits que nous en avons déjà insérés dans les di- vers articles de ce rapport. La superficie (19 000 milles carrés) des bassins de la mer Blanche et du Pomorié (1) n'est que la moitié de celle des bassins de la mer Caspienne (35 000 milles carrés) : les cours d'eaux tributaires de la mer Blanche et les affluents du Pomorié traversent des contrées plates, à pente à peu près nulle; aussi toutes les rivières de ces parages ont-elles peu de profondeur et leur courant est-il très-peu rapide. L'espace compris entre la Peza, le Mezen et le Krouloem, est couvert de marais où la végétation est toujours maigre, et ses détritus, par leur amoncellement, y forment de la tourbe. Ce n'est que sur les parties élevées qu'on rencontre des forêts. Les eaux de cette partie de la Russie sont pauvres en poissons : le Mezen, qui est une rivière importante, ne suffît pas à l'ali- mentation de ses riverains, qui doivent compléter leurs appro- visionnements par des achats de Morue et de Harengs. La Peza, la Tsilma, et la Vaga, qui sont presque entièrement dépourvues de poissons, ne renferment qu'au moment de la fraye une notable quantité de Saumons. Seules la Petchora et quelques parties du littoral peuvent fournir au commerce l'excédant des besoins des riverains. Les lacs situés dans la région marécageuse ou dans les parties boisées sont plus poissonneux que les fleuves et les rivières que nous venons de citer. (1) Partie de Tocéan Glacial entre les monts Ourals et la mer Blanche. liliS SOCIÉTÉ d'acclimatation. La moyenne annuelle des poissons pris dans la mer Blanche et dans le Pomorié ou leurs affluents n'est que de 600 000 pouds (9 600 000 kilogrammes), alors que celle du bassin de la mer Caspienne est de 750 000 pouds (120 000 000 de kil.) : cette minime production ne peut être attribuée à la dépopulation par les pêcheurs, qui sont au nombre de trois mille environ, dis- séminés dans cette région (1). Il est plus raisonnable d'attribuer ce résultat aux conditions topographiques et climatériques de cette région. En effet, les débris organiques ne sont pas entraînés vers l'embouchure des fleuves pour s'y transformer en particules nutritives, et ne donnent pas naissance à des larves, mais se déposent au fond des marais pour y former de la tourbe ; les fleuves ne se répandent pas au loin hors de leur lit, et leurs eaux, ne recevant pas Tinfluence calorifique du soleil, ne sont pas propres au développement des ento- mostracés et insectes qui fourniraient abondamment de la nourriture aux jeunes alevins. Les affluents du littoral de la Laponie russe et la partie des côtes comprise entre la mer Blanche et la frontière norvégienne ne sont pas riches non plus>n détritus organiques, et c'est seulement à l'affluence du Gulf-stream, qui apporte des courants chauds et en même temps de la matière organique entraînée par son cours depuis le golfe du Mexique, qu'on doit attribuer la présence des bancs de Morues et de Harengs. Quant aux Baleines, aux Pho- ques, aux Morses et aux Dauphins, ils trouvent une ample nourriture dans les myriades de Clio borealis qui couvrent, en masses compactes et s'étendant à perte de vue, la surface de l'océan Glacial. Les Mollusques, Zoophytes et Crustacés ne sont pas rares dans la mer Blanche, mais ne paraissent pas y être aussi abon- dants que dans la mer Caspienne. Sans doute l'extension de la culture dans le N.-E. de la Russie, en permettant, par le dessèchement des marais, le transport des détritus organiques dans les fleuves, y donnerait (1) Sur un espace de 300 verstes des côtes de TOcéan sur /iOO verstes des. rives de la Petchora ; ce qui fait quatre ou cinq pêciieurs par l;ilomètre. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. !lh9 un résultat tout différent de celui qu'elle a produit dans l'ouest de l'Europe, où elle a amené le dépeuplement des rivières. Le bassin de la mer Blanche, peu riche en Cyprins, qui sont si abondants dans la Russie centrale, paraît caractérisé par l'abondance des Corégones. On y trouve (1) : Petromyzon fluviatilis (Minoga), surtout dans TOnéga; s'exporte en grande quantité dans l'intérieur de la Russie. Acipenser rnthenus (Sterled), acclimaté depuis trente ans dans la Dwina du nord, la Soukhona et la Vaga, où il est entré de la Kama par le canal nord de Catherine et par la rivière Vitschegda. Anarrhicas lupus {Zoubakta)^ baie de Kandalaka. Gadus Morrhua, et G. Gallarias {Treska), baie de Kandalaka. Gadus Navaga, Kolr. (Navaija), mer Blanche, excepté la baie de Kanda- laka ; peu estimé sur les lieux de pêche, se transporte congelé jusque dans la Russie méridionale. Gadus Saïda {Saijkà), baie de Mezen, Lota vulgaris (Nalime), partout dans le nord-est de la Russie; atteint de grandes dimensions. Perça fluviatilis {Okoune), rare dans la Petchora. Acerina vulgaris (Erche), Petchora, baie Golodnaija. Pleuronectes Platessa et PI. Flesus {Kambala), mer Blanche et est de rOcéan. Oobius fluviatilis (Pestouché). Cottus quadricornis {Revtza) et G. Scorpius [Kertcha) ; servent rarement à l'alimentation. Cyprinus Carassius {Karasse), laPeza, les lacs. Tinca vulgaris {Line)^ très-rare; dans les lacs des environs d'Ar- khangel. Abramis Brama (Letsch). Abramis Blica (Pod-letsch), rare dans les lacs de Pomorié; abondant dans les lacs du bassin de la mer Blanche et dans la Dwina du nord. Aspius Alburnus (Oukleyka), Dwina du nord. Leuciscus Grislagine {Eletz), Peza, Tsilma. Leuciscus Idus (Faze), L. lalifrons (Pod-iasik), et L. rutilus {Soroga)^ communs dans les affluents de la mer Blanche ; la Petchora. Clupea Harengus (Selde), abonde dans le sud et l'ouest de la mer Blanche; manque à Test et dans la baie de Mezen. Esox Lucius {Stchouka), très-commun dans les rivières. (1) M. Nibolsen, dans son Aperçu sur le commerce extérieur, se trompe en avançant que la Sardine {Clupea PilçharduSj Bl.) et le Kilka {Clupea Sprattus, L.) se trouvent dans la mer Blanche. 2« SÉRIE, T. VIII. — Septembre et Octobre 1871. 29 450 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Salmo Salar (Semga), remonle la Varzoukha, l'Onega, laDwina du nord, le Mezen la Petchora ; ne se trouve plus à partir de la Tchornaija. Salmo Trutta, L., Fario argenteus, Nils. {Koumga, Koumja), remonte les affluents de la baie d'Onega. Salar Ausonii, Val., Salmo Fario L. {Koumga), et S. ferox. Val., Salmo ferox, Jard. {Koumgà), rares, excepté dans la Varzoukha, Osmerus Eperlanus, Bl. {Koruchha), abonde aux embouchures des ri- vières (1) . Thymallus vexillifer {Kharius), petites rivières à courant limpide. Coregonus oxyrhynchus, L., Coreg. Murœna, Nils. (Sigue). Goregonus Leucichthys {Nelma), commun dans la Petchora. La Petchora, outre plusieurs des espèces indiquées ci-dessus, nourrit encore : Goregonus Polken {Signe) (2), affluents de la Petchora, les lacs, l'Obi. Coregonus Peld {Peliud), Goregonus nasutus {Tcher), le plus grand des Gorégones après le Leucich- thys. Poids ordinaire sept Hvres, mais quelquefois jusqu'à vingt-cinq. Goregonus Omoul {Omoul), remonte la Petchora et la Kara pour la fraye. Le Zeld, petit poisson qui ressemble à l'Osmerus Eperlanus, remonte la Petchora et la Kara et se pêche printemps et automne. Le Saourey, petit poisson intermédiaire au G. albus et G. Vimba. Le lac Koubenskoe (3), qui fournit un des plus importants affluents de la Dwina du nord, est très-riche en poissons par suite de ses débordements fréquents (presque après chaque pluie) et par la facilité avec laquelle les fonds s'échauffent au soleil. 11 fournit : Perça fluvialilis {Okoune). Acerina vulgaris {Erche). Abramis Brama {Letsch), Leuciscus Idus {Jage)., L. rutilus (Soroga). Esox Lucius {Stchouka). (1) Deux variétés : l'une, marine, est le Salmo Eperlanus, Eperlanus ma- rinusde Bloch, Kormhka ;Vàutve, d'eau douce, est le Salmo Eperlanus, Pall., Snetok. (2) Différent du Signe de la mer Blanche. (3) Sa profondeur est de 2 à Zi mètres (son maximum étant de 10 à 12 mè- tres) ; son fond est sablonneux dans les points] peu profonds, vaseux dans les plus creux ; un seul endroit est rocheux. Sa superficie est de ili verstes de largeur sur 70 de longueur. Il est presque entièrement couvert de Scir- f)us lacustris, Nymphœa alba et de Potamogeton. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PECHE. àbl Coregonus Leucichtliys(iVe?wa). C. Nilsonnii {Nelmouchka), Lola vulgaris {Nalime). Acipenser ruthenus {Sterled) (1). Le lac Peipous et les rivières qui y débouchent sont habités par : Anguilla (Ongre). Anarrichas Lupus (Voltcheck)» Lota vulgaris (Nalime). Perça Acerina, Guld. [Jorche). p. fluviatilis {Okoune). Chondrostoma {Podouste), Cottus Gobio [Charikh). Gotlus? (Galovnia). Tinca vulgaris {Liné). Abramis Brama (Lecht). Leuciscus Idus (Peze). Leuciscus [Plotvé). Cobitis {Ouleyke, Vioun), Barbus fluviatilis {Miron). Gobio vulgaris {Piscare). Gobio {Sinetz). Gobio {Beubere). Squalius (Eletz). Esox Lucius {Stchouka). Salmo Eperlanus, Pall. (Snetok). Salmo? (Soudak). Thymallus vexillifer (Kharius) (2). Coregonus Lavaretus {Signe). C. Albula (Riapouska). C. Leucichthys (.Ve/ma) (3). Silurus Glanis (Som). La pêche la plus abondante se fait à l'époque de la fraye, qui varie pour les diverses espèces : pour les unes c'est d'avril à juin, pour les autres de novembre à février. Les pêcheries de la mer Caspienne et de ses affluents, les plus importantes de l'Europe, occupent quelques millions de bras et alimentent de poissons et de leurs produits la Russie, l'Asie centrale et quelques parties de l'Europe. Le gouverne- ment russe, qui tire un grand revenu de la ferme de cette pêche, a fait plusieurs tentatives pour la réglementer et pré- server le poisson d'une destruction totale ; malheureuse- ment ces règlements, qui n'étaient pas en rapport avec les exigences de la loi naturelle des poissons, gênaient plus les pêcheurs qu'ils ne protégeaient le poisson. M. Golikoff, d'Astrakan, propriétaire, d'une pêcherie importante, offrit à la Société géographique de Pétersbourg 3000 roubles pour (1) L'acclimatation du Sterlet dans le Koubenskoe est due au naufrage d'un bateau qui transportait à Saint-Pétersbourg un chargement de ces pois- sons vivants. (2) S'y est acclimaté. (3) S'y est acclimaté. /|52 SOCIETE D ACCLIMATATION. provoquer une enquête scientifique sur les conditions natu- relles nécessaires à la propagation du poisson, et sur les amé- liorations qu'on pourrait apporter à la pêche de la mer Caspienne et de ses affluents, et le ministre d'État, tou- jours jaloux de sa prérogative de surveiller les intérêts de l'État, a immédiatement organisé une commission, composée de MM. de Baer, président, Schoultz, Danilewsky, Nokitine et Semenoff (1). Les rapports de celte commission pour 1853-56 ont été publiés, et renferment des documents très- importants, dont nous avons extrait quelques parties pour divers articles de ce rapport. Ils renferment en particulier quelques détails sur les pois- sons à écailles (Tchastikovaijo) , quïïrsL-^ent en général au prin- temps. Parmi ces poissons on cite : Cottus Gobio (Gereckh). Abramis Brama {Lecht). Cyprinus {Vobla). Leuciscus {Krasnopiorva). Clupea caspica {Bechiuka). Le Soudank. Le Berche. Cyprinus Carassius {Karasse). Silurus Glauis (Som). Le Tchekhone. Le Singa. Le Gustera. Parmi les poissons spéciaux aux bouches du Volga, on cite : Leuciscus Heckelii, Nord. {Tarane) (2). Leuciscus (le Golovèné). Leuciscus {Plotva), Chondrostoma (Podouste). Aspius clupeoides, Pall. [Chemaija). La fonte des neiges dans l'immense bassin du Volga lui fournit au printemps une énorme masse d'eau qui, dans son long parcours, se charge d'air et entraîne avec elle les détritus végétaux, si utiles au développement du fretin. En débordant, le fleuve inonde à de grandes distances (au printemps, son delta présente une nappe d'eau continue de (1) Ce dernier a été ultérieurement remplacé par M. Weidermann. (2) Nom général donné à tous les poissons de peu de valeur. Ces poissons sont jetés en pâture aux cochons, aux chiens et à la volaille. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 453 60 kilomètres) les ravins et les plaines, où les poissons, sortis de la mer par bancs énormes, trouvent toutes les conditions favorables au développement de leur fretin, qui y rencontre en abondance les infusoires, les entomostracés et végétaux qui servent à la première période de leur alimentation. Malgré rénorme destruction qui en est faite par les animaux qui leur font la chasse la plus active, la mer Caspienne sera toujours très-poissonneuse tant que le débordement du fleuve présen- tera les mêmes conditions favorables (1). Sans avoir des don- nées statistiques pour les années antérieures, il est difficile d'exprimer la richesse en poissons de la mer Caspienne et de ses affluents ; cependant les données de la commission, com- parées aux documents laissés par Pallas, donnent à croire que si quelques espèces ont diminué de nombre, par contre d'autres ont augmenté. La diminution est surtout sensible pour les poissons du genre Acipenser, auxquels la poursuite la plus acharnée est faite. Le fleuve Koura offre beaucoup de Saumons, de Chemaija, de Carpes et de Silures (2) ; on y trouve aussi des Acipenser et des Corégones qui remontent jusqu'à la rivière Alazane, qu'ils préfèrent à cause de son cours rapide (3). Les deux bras du fleuve sont barrés par des bordigues permanentes, qui n'ouvrent leurs portes que pour de rares embarcations ; aussi est-ce surtout dans le Koura qu'on a observé la dimi- nution de la taille des Acipenser. Le fleuve Terek offre dans sa partie supérieure (jusqu'à lékatérinodar) des Truites de montagne, et dans sa partie basse, le Podouste {Chondrostoma)^ le Kromula (espèce de (1) De tous les autres fleuves, le Nil^ qui jouit depuis les temps les plus reculés de la réputation d'être très-riche en poissons, offre pour le dévelop- pement du fretin les mêmes avantages que le Volga. (2) Les Silures y sont si nombreux, que peu de personnes osent se baigner dans le Koura. (3) A la pêcherie de Bojij-Promisel, située sur un des bras du Koura, on prend annuellement 1000 Bélougas, 20 000 à 30 000 Esturgeons, 150 000 à 200 000 Sewriuga et 90 000 Silures. En raison des difficultés d'emploi, on fait surtout du balik. hU SOCIÉTÉ d'acclimatation. Carpe), le Melma [Coregonus leucichthys), le Saumon des lacs et le Hareng de Kisliar. Le fleuve Oural, dont les embouchures deviennent progres- sivement de moins en moins profondes (1), renferme en abon- dance toutes les espèces de poissons du Volga, à l'exception du Clupea capsica etduSterled. Malgré les soins pris pour ne pas laisser détourner le poisson du fleuve, sa richesse diminue, d'une part parce que son lit ne présente pas de conditions favorables pour la fraye, mais aussi parce que la pêche est faite trop habilement par les Cosaques, qui tuent pendant les pêches d'été et d'hiver tout ce qui a pénétré dans l'Oural. Produit des pêcheries dans le territoire des Cosaques de l'Oural [de Baer). POISSON ROUGE salé ou congelé. 1836 pouds. 290.786 1837 233.308 1838 260.507 1839 219.232 1840 238.914 1841 187.116 1842 . 194.031 1843 186.751 1844 203.969 1845 163.482 1846 159.556 1847 154.407 1848 124.720 1849 145.858 1850 126.134 POISSON ÉCAILLE salé OU congelé. pouds. 633.227 519.715 522.227 413.383 388.766 436.142 367.997 410.428 393.611 381.870 488.448 692.434 708.761 746.194 872.023 CAVIAR. pouds. 35.514 30.754 2.103 25.546 28.809 24.653 24.834 24.805 21.326 20.764 16.839 14.551 13.380 15.225 14.876 La mer d'Azov, dont la superficie est de 638 milles caM-és, avec une profondeur moyenne de 8 mètres, produit chaque année A miUions de pouds de poisson. Elle est donc plus poissonneuse encore que la mer Caspienne, qui, malgré (i) Par suite de l'abaissement du niveau de la mer : cette disposition pa- raît avoir une influence fâcheuse sur l'entrée du poisson dans l'Oural. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. 455 5on étendue deux fois plus grande et sa profondeur plus marquée, ne produit que 2 500 000 pouds. M. Danilewsky attribue cette richesse de la mer d'Azov: 1° à ce que le peu de profondeur de ses eaux permet aux rayons de soleil de les échauffer, et, par suite, favorise le développement du fretin ; 2° à ce que ses eaux sont peu chargées de sel (un cen- tième en pleine mer et un millième seulement dans le golfe de Taganrog) ; 3° à l'abondance des matières organiques, des Mollusques et des petits Crustacés, qui y pullulent. (Dans certaines baies, M. Danilewsky a trouvé une si grande quantité de Gonides, que l'eau avait pris l'aspect d'une teinture" ver- dâtre épaisse, et qu'il était difficile de la filtrer sur un papier. Le fond de la mer et les bas-fonds sont formés uniquement par la dépouille de myriades de ces animalcules.) Ii" Enfin, aux conditions topographiques du Kouban, exceptionnellement favorables au développement des Cyprinoïdes (1). La faune ichthyologique de la mer d'Azov est constituée presque exclusivement de poissons fluviatiles ou de poissons des eaux saumâtres, qui vont frayer en eau douce. Les espè- ces marines, telles que les Tryçjon Pastinaca, Miigil saliens et Cephalus, Xiphias gladins, Phocœna communis et Delphi- nus Delphis, sont des habitants de la mer Noire qui s'aventu- rent en quelque sorte dans le bassin de l'Azov, et qui ne s'éloignent presque jamais du détroit de Kertch. La mer d'Azov et ses affluents, le Don et le Kouban, offrent : Acipenser (2) Huso, L. {Bélouga)^ le long des côtes et dans le Don ; n'est jamais aussi développé que celui du Volga. A. Guldenstaedtii, Brandt, mêmes localités. A. Schijpa, Giild., mêmes localités, mais plus rare. (1) Le Kouban débouche dans la mer d'Azov par deux bras, Protok et Perevolok, tandis qu'un troisième bras, le Bougaz, vient tomber dans la mer Noire. Il forme ainsi, à son embouchure, d'immenses ilmènes couverts de roseaux, et par conséquent offrant les meilleures conditions pour la repro- duction des Cyprinoïdes. (2) On trouve quelquefois des métis des diverses espèces 6.' Acipenser . Ces Slurioniens de l'Azov, à l'exception du Sterled, sont plus gras que les indi- vidus provenant de la Caspienne. A56 SOCIÉTÉ d'acclimatation.- A. stellalus, Pall. , surtout dans le Kouban. A. ruthenus {Sterled), dans le Don. Lucioperca Sandra, Guv., partout dans la mer; au'^moment de la fraye^ elle entre en grande quantité dans le Don et le Kouban. Lucioperca wolgensis, Cuv., dans le Don. Perça fluviatilis, L. {Okoune), dans le Don et le Kouban. Cyprinus Carpio, dans le Don, le Kouban et les golfes marécageux ; i!t atteint le poids d'un poud. Abramis Brama, Guv. , sur les côtes nord ; dans le Don. Abramis Baskyr, Nord., A. Ballerus, A. Sopa, Pall., dans le Don. Abramis Vimbra, le Kouban, détroit de Kertch. Aspius clupeoides, Pall. {Chemaija), mer d'Azov. Aspius rapax, Agass., le Don, le Kouban. Pelecus cultratus, Agass., côte nord de l'Azov; le Don. Leuciscus Friesii, Nord., mer Noire, côtes nord de l'Azov; côtes sud de la Caspienne. Leuciscus Heckelii, Nord., l'Azov et ses affluents. Silurus Glanis L., le Don et surtout le Kouban; atteint le poids de six. pouds. Clupea ponlica, Elcbw., le Dnieper, le Don et le détroit de Kerich. C'est une Alose véritable, de même que le Clupea Pilchardus de Pallas, qui vit dans la mer Noire. Trygon Pastinaca, Cuv.^ partie méridionale de l'Azov; on extrait de l'huile de son foie. Le Don et le Kouban jouent l'un et l'autre un rôle impor- tant dans la multiplication des poissons de la mer d'Azov. Le premier, à son embouchure, offre un lit pierreux, sur lequel coule un courant assez rapide, et communique avec la mer par un golfe long de 130 verstes (138 kil., 580), et large, sur certains points, de liO verstes, toutes conditions qui sont favo- rables aux migrations des Acipenser. Le Kouban, au cours lent, aux méandres nombreux et garnis d'une abondante végé- tation, au contraire, offre les meilleures dispositions pour la propagation des Cyprinoïdes. Parmi les poissons offrant une véritable importance com- merciale, qui sont péchés dans les eaux de la Russie, il n'y a, à proprement parler, que deux espèces marines: laMorue^et le Hareng delà mer Blanche et de la Baltique. Tous les autres sont des poissons d'eau douce ou des espèces anadromes. EXPOSITIONS INTERNATIONALES DE PÊCHE. A57 D'après leur importance commerciale, tous ces poissons peuvent être partagés en quatre groupes : 1^' groupe. — Les Acipenser produisent annuellement une somme déplus de 8 000 000 de roubles, qui se répartissent sur 5000 pouds de colle, 150 000 p. de viaziga, 180 000 p. de caviar et 1500000 pouds de chair. S'' groupe.— Son produit annuel est de 800 000 à 1 500 000 roubles. Le Volga fournit annuellement, avec les fleuves de la Russie d'Europe, 1x7 000 000 d'individus de LuciopercaSandray 50 à 100 000 000 d'individus de Cliipea pontica et Harengiis salés, 150 000 pouds d'huile de poisson, des quantités énormes d' A br amis Brama, 30 000 000 d'individus pour la mer Cas- pienne seule. Le Kouban donne chaque année 60 000 000 de pièces de Leuciscus Eeckelii [Tarane) , et le Don et la mer d'Azov une quantité égale. Du Peipous seul on retire 300000 pouds de Snetok [Osmeriis Eperlanus). Le lac Beloié et les autres lacs à fonds sablonneux des gouvernements d'Olonetz et de Novgorod en fournissent aussi de grandes quantités. 3" groupe.— La Morue y figure pour 250 à 500 000 roubles ; les Silures ei Carpes du Koura, du Volga et du Kouban, les Saumons et faux Saumons du bassin de la mer Glaciale, le Saumon blanc du Volga, delaDwinadu nord et delaPetchora, chacun pour 100000 roubles. h" groupe.— Le produit de ce groupe ne dépasse pas 200 000 roubles, fournis par la Navaija du nord, la Chemaija du sud, les Spratts de la baie de Kevel,les Muges de la mer Noire, les Corégones des lacs, etc. En résumé, nous avons trouvé réunis, dans les diverses expo- sitions internationales de pêche qui ont eu lieu en France, de nombreux éléments d'instruction, et nous sommes heureux d'avoir pu en profiter, grâce à la mission dont nous avait chargé la Société d'acclimatation: puissions-nous avoir accomph notre tâche de façon à mériter son approbation, qui sera pour nous la récompense la plus chère. Nous ne pouvons terminer ce travail sans adresser nos sin- ii58 SOCIÉTÉ d'acclimatation. cères remer ciments aux diverses personnes qui ont bien voulu nous favoriser de leurs conseils, et nous prions MM. Gérard, secrétaire de l'exposition de Boulogne, nos confrères Lon- guety, J. Lebeau et Huret-Lagache, de vouloir bien accepter ici l'expression de noire reconnaissance pour leur accueil affectueux et la bienveillance avec laquelle ils nous ont fait profiter de leur haute expérience. Nous devons aussi un témoignage particulier de reconnaissance à nos confrères MM. Paul de Bourakoff et Ladislas de Wagner, délégués de notre Société, qui ont mis la plus amicale obligeance à nous procurer d'importantes notices qui nous ont permis de donner dans ce rapport d'intéressants détails, qui nous eussent manqué sans leur dévoué concours. DOCUMENT INEDIT SUR LA FONDATION DES HARAS EN FRANCE, Par M. Th. YIE^XOT. Le nom de Garsault et le rôle qu'il remplit lors de la pre- mière organisation des haras, par les soins de Colbert, sont familiers à tous ceux qui se sont occupés de nos institutions hippiques. Au début de la correspondance échangée à ce sujet, pendant vingt ans, entre l'habile écuyer.et le grand mi- nistre de Louis XIV, on voit Colbert notifier aux intendants, que le roi « a fait choix du sieur de Garsault pour aller dans » toutes les provinces du royaume, reconnoistre Testât auquel » sont lesdits haras, les moyens qu'il y a d'en establir de nou- B veaux, et pour y exciter la noblesse » (circulaire du 5 juin 1663). Quelques mois avant sa mort, dans une lettre où il recommandait Garsault à M. de Basville, intendant du Poitou, Colbert lui rend ce dernier témoignage: u Comme voussçavez » que c'est luy qui a commencé cet establissement dans tout » le royaume, je ne doute pas que vous ne fassiez exécuter » ponctuellement tout ce qu'il estimera à propos et nécessaire » de faire » (4 juin 1683). Garsault fut envoyé encore dans les pays étrangers les plus renommés pour la production des Chevaux, avec la mission d'y étudier les procédés des éleveurs, et d'en ramener les meilleurs types reproducteurs. C'est à l'occasion de son premier voyage qu'il reçut de Colbert les instructions suivantes, qui avaient échappé aux infatigables recherches de M. Pierre Clément (1), et que nous avons eu la (1) Des extraits des lettres de Colbert, concernant les haras, furent publiés, pour la première fois, dans le Nouveau parfait Maréchal, ouvrage bien connu du petit-fils de Garsault (3^ édition, Paris, 1755, in-Z^^ p. 55-60). On les retrouve bien plus complètes dans le tome IV du recueil de M. Clé- ment : LettreSf instructions et mémoires de Colbert (Paris, 1867, gr. in-8^). 460 SOCIÉTÉ d'acclimatation. satisfaction de découvrir dans les archives du ministère des affaires étrangères: « Instruction pour le sieur de Garsaut. y> Le sieur de Garsaut, escuyer ordinaire du roy, estant bien )) informé des intentions de Sa Majesté sur le sujet du restablis- » sèment des haras au dedans du royaume, et Sa Majesté dé- » sirant qu'il s'emploie à ce que ce restablissement se fasse » avec le plus de diligence et le plus de perfection qu'il se w pourra, estant nécessaire pour y parvenir de rechercher, y> voir sur les lieux, et observer soigneusement tout ce qui î se pratique dans toute l'Europe, pour la bonne nourriture, » choix, eslevation des cavalles, estalons et poulains, et en » même temps achepterdes estalons pour les distribuer dans » toutes les provinces de son royaume, selon la qualité de leur ^ terroir et situation. » Sa Majesté veut que ledit sieur de Garsaut, après avoir j> donné les mémoires et instructions de tout ce qui est à j faire pour son haras de Versailles, et distribué dans les pro- > vinces où il l'estimera le plus convenable les estalons des > grandes et petites escuries de Sa Majesté qui luy seront mis » entre les mains, parte pour aller en Frise, comté d'Olden- j> bourg, et autres pays d'Allemagne circonvoisins, où il y a 7> de grands haras. En passant, qu'il visite les frontières de » Champagne, dans les Ardennes, et donne tous les ordres et T> instructions nécessaires pour le restablissement des haras » dans ce païslà, qui a produit autrefois d'excellens Chevaux, )) et pour exécuter et prendre soin de tout ce qu'il estimera; T> nécessaire de faire pour cet effect. Il pourra en laisser le y> soin au sieur de la Bourlie, commandant pour Sa Majesté ï) dans la ville et chasteau de Sedan, auquel Sa Majesté escrit 3> pour cet effect. s Aussitôt qu'il sera arrivé en Frise et ensuite dans le )> comté d'Oldenbourg, il visitera soigneusement tous les » haras et observera tout ce qui se pratique pour conserver la T> beauté et bonté des bons Chevaux, et acheptera le nombre de ï bons estalons qui estimera nécessaires pour distribuer dans j> les provinces du royaume où il sçait que les races s'en pour- FONDATION DES HARAS EN FRANCE. h&i » ront conserver, lesquels il envoyera incessammenl et aussi- » tost qu'ils seront acheptés. Au cas qu'il trouve quelque atte- » lage de Chevaux extraordinaires pour Sa Majesté, elle désire B qu'il les achepte, et s'il estime nécessaire dé voir le comte » d'Oldenbourg au nom de Sa Majesté, elle luy fera donner » une lettre pour luy à cet effect, dont il usera ainsi qu'il l'es- » timera à propos. » Après avoir visité ces pais, il s'en reviendra passer au » travers du royaume, visitera l'Alsace, ensuite la frontière de j Champagne, la Bourgogne, la Bresse, le Dauphiné, le Lion- j nois et la Provence. Il excitera partout les gentilshommes à » avoir de belles cavales et de bons estalons, et leur en fera » mesme espérer de la part de Sa Majesté au cas qu'ils en » manquent et qu'ils ne puissent en trouver. Il observera dans » chaque province et dans chaque pays ainsi qu'il a observé 7> pour parvenir audict restablissement. D Lorsqu'il arrivera en Provence, au cas qu'il y trouve les î Chevaux barbes que Sa Majesté a donné l'ordre de faire » achepter en Barbarie, desbarquez, s'il y en a quelqu'un ex- j traordinairement beau, il le réservera pour la grande escurie » de Sa Majesté, et distribuera les autres dans toutes les pro- D vinces où il l'estimera à propos. Mais s'il ne les trouve point » desbarquez, Sa Majesté veut qu'il passe dans le royaume de » Naples, où il visitera tous les haras qui y sont establis, en D fera les observations en dossiers divers, acheptera des esta- » Ions et mesme un bel attelage de coursiers pour Sa Majesté, D au cas qu'il en trouve d'assez beaux pour cela. )) Envoyera en France par personnes expresses qu'il nom- » mera à cet effect tous les Chevaux qu'il aura acheptez. » Visitera les autres haras d'Italie au cas qu'il y en ayt, et j> s'en reviendra en Provence, où il trouvera les barbes pour n en faire ainsi qu'il est cy-devant dict. » En revenant, il pourra visiter le Roussillon, le Languedoc, » les Cevennes, le Rouergue, le Limousin et l'Auvergne, pour » voir si les gentilshommes auxquels il aura envoyé les estalons » en useront bien. Il se rendra ensuite près de Sa Majesté pour » luy rendre compte de son voyage. Û62 SOCIÉTÉ d'acclimatation. » Il observera de ne point parler au nom de Sa Majesté que » dans les occasions où il nepourras'en dispenser, mais seule- » ment de passer pour un gentilhomme français curieux de }) voiries païs estrangers, et particulièrement tout ce quis'ob- » serve concernant les haras. ï> Fait à Saint-Germain en Laye, le 2' jour de juin 1665. » Quatre mois plus tard, Garsault étant sans doute de retour, et tout étant prêt, Colbert constituait les haras par le célèbre arrêt du conseil du 17 octobre 1665. Nous empruntons le préambule de cette mesure à M. Eugène Gayot {la France chevaline, t. I, p. 9). « Le roy, y est-il dit, voulant prendre un » soin tout particulier de restabHr dans son royaume les » haras, qui ont esté ruinez par les guerres et désordres pas- )) sez, même de les augmenter de telle sorte que les subjets de j> Sa Majesté ne soient plus obligés de porter leurs deniers 1 dans les païs estrangers pour achapts de Chevaux, a fait vi- » siter les haras qui restent et les lieux propres pour en faire )) establir, achepter plusieurs Chevaux entiers en Frise, Hol- » lande, Dannemark et Barbarie pour servir d'estalons, etré- )) solu de les distribuer, sçavoir : ceux qui sont propres aux j> carrosses, sur les costes de la mer, depuis la frontière de )) Bretagne jusques sur la Garonne, où il se trouve des cavalles )* de taille nécessaire à cet effet ; et les barbes dans les pro- > vinces de Poictou, Saintonge et Auvergne... Sa Majesté, » estant en son conseil, a commis et commet le sieur de Gar- » sault, Tundes escuyers de sa grande escurie, pour distribuer 5 lesdits estalons es lieux qu'il jugera les plus propres 7) des provinces ci-dessous dénommées, et de les mettre à la » garde des particuliers qu'il choisira, et auxquels il délivrera > ses certificats pour leur servir ce que de raison. » Suit une instruction des plus minutieuses pour les soins à donner aux étalons, dont on peut lire le texte, reproduit d'après un im- primé in-A*' de 1669, dans le volume de M. Pierre Clément (pages 223 à 228). Une lettre de Colbert du 25 juillet 1670 nous apprend qu'à cette époque, c'est-à-dire au bout de cinq ou six ans, on avait déjà distribué plus de cinq cents étalons à des gentilshommes, FONDATION DES HARAS EN FRANCE. Zi65 à des bourgeois, à des paysans {ib.^ p. 231). Louis XIV avait lui-même un haras à Saint-Léger en Yveline, près de Ram- bouillet, et qui était destiné à remonter ses écuries, principa- lementen Chevaux de manège et de chasse. Cet étabUssement, à la tête duquel Garsault fut placé, emploi de cenfiance qu'il transmit à ses deux fils et à son petit-fils, se composait ordi- nairement de 15 à 20 étalons, de tous pays, particulièrement des Barbes, des Turcs, des Arabes, des Espagnols, des Anglais et des Hollandais, et de plus de 300 juments. Le 7 septembre 1682, Colbert écrivait à Garsault : « Le roy ira voir son haras )) de Saint-Léger en partant d'icy pour Chartres ; tenez la main » à ce que Sa Majesté le trouve en bon estât. » Le fidèle écuyer perdit la vie en remplissant sa charge. Il mourut d'une chute de voiture en se rendant du haras royal au château de Pont- chartrain. Une statistique de 1690, citée par M. Gayot (tome T, p. 27), montre que, malgré des mécomptes partiels, les efforts de Coîbert et de son collaborateur avaient amené des résultats assez satisfaisants. Le nombre des étalons royaux et approuvés était de 1636 ; les juments saillies approchaient du chiffre de 65 000, dont 50000 environ par les étalons officiels. Les naissances provenant de la monte de 1689 s'élevaient à plus de ÙOOOO. Cette situation prospère ne fut pas de longue durée. Colbert était mort en 1683; le marquis de Seignelay, qui le remplaça, succomba en 1690, et le marquis de Louvois, qui promettait d'être son digne continuateur, fut enlevé au pays six mois après. Les haras allèren-t. en déclinant: l'absence de direction, la détresse des finances, l'épuisement des campagnes, les longues guerres, y contribuèrent. L'œuvre de Colbert était si bien détruite, qu'un mémoire d'un des conseils qui furent substitués aux ministres sous la Régence, avoue que la France avait dû porter à l'étranger plus de 100 millions de livres pour les remontes militaires des deux dernières guerres du règne de Louis XÏV (Mémoire du conseil du dedans du royaume, en 1717). Tout était à refaire ; ce fut l'objet du règlement de 1717, point de départ d'une seconde ère de développement des haras, que termina leur suppression en 1790. LETTRE Adressée A H. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQIE D'ACCLIMATATION Ti'ansmettant LA DEMANDE DE SUBVENTION FAITE A LA VILLE DE PARIS PAR LA SOCIÉTÉ DU JARDIN ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE Bois de Boulogne, le 1" octobre 1871. Monsieur le Président, Ainsi que vous m'en avez exprimé le désir, j'ai l'honneur de VOUS transmettre la copie des lettres que, par ordre du Conseil d'administration de la Société du Jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne, j'ai adressées à messieurs les membres du Conseil municipal de Paris et à M. le préfet de la Seine. Ces lettres feront connaître aux membres de la Société d'acclimatation l'objet de la demande que nous adressons à l'Administration municipale, et les motifs que nous faisons valoir pour obtenir la subvention annuelle de 60 000 francs que nous sollicitons. Nous n'avons pu dans ces lettres exposer la question sous toutes ses faces. Nous avons dû, en particulier, laisser de côté l'intérêt scientifique qui s'attache au maintien de notre éta- blissement, car il fallait avant tout chercher à être court. Dans quelques jours j'aurai l'honneur de vous adresser, Monsieur le Président, le rapport qui a été lu aux action- naires du Jardin, il mettra les lecteurs ànBidletin au courant de notre situation. Cette situation est grave, mais elle n'est pas désespérée, car le Jardin d'acclimatation, dans la crise qu'il traverse en ce moment, a le droit de compter sur le concours et l'appui de LE JARDIN d'acclimatation DU BOIS DE BOULOGNE. /i65 tous ceux qui apprécient les services qu'il a rendus, et qui savent prévoir ce qu'on peut attendre encore de ses efforts. Le Jardin d'acclimatation n'a jamais été fondé dans un but de spéculation. Ses efforts ont toujours tendu à répandre les espèces animales et végétales qui manquaient, et, avant tout, à vulgariser le goût des choses de la nature. En d'autres termes, le Jardin d'acclimatation a voulu être un lieu et un moyen à' éducation publique. Sans doute, au milieu des difficultés de toutes sortes que l'établissement a dû vaincre depuis sa création, il n'a pu, du- rant sa courte existence, donner tous les fruits que les impa- tients pouvaient en attendre. Sans doute, il reste encore plus à faire qu'il n'a été fait. Mais ne sommes-nous pas autorisés à dire que si le Jardin d'acclimatation cesse d'exister mainte- nant, il disparaîtra au moment même où il avait acquis la m^aiurité, c'est-à-dire « la notoriété, l'expérience, les relations, î> let, nous pouvons l'affirmer, les sympathies les plus sérieuses » en France et à l'étranger. » Veuillez agréer. Monsieur le Président, etc. Le Directeur du Jardin zoologique d^ acclimatation y A. Geoffroy Saint-Hilaire. » Paris, le 1" octobre 1871. Monsieur le Préfet, Permettez-moi d'appeler votre bienveillante attention sur la situation actuelle du Jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne. Fondé en 1860 par suite d'une concession de la Ville de Paris, cet étabhssement se trouve compromis aujourd'hui par suite des événements dont Paris a été le théâtre depuis un an. Le Jardin d'acclimatation est digne d'intérêt par le but pour lequel il a été fondé et par les services qu'il a rendus. Le public aimait cette promenade, lieu de récréations instructives pour la jeunesse. 2« SÉRIE, T. VIII. — Septembre et Octobre 1871. 30 ilQ(j SOCIÉTÉ d'acclimatation. Les étrangers, aussi bien que les Parisiens, fréquentaient assidûment le Jardin, dont la réputation était devenue euro- pbenne. Aussi, dans ces dernières années, le nombre des visi- teurs avait-il sensiblement augmenté. L'établissement était devenu un centre important pour le commerce des animaux. Le jour où disparaîtrait cette institu- tion, le goût des animaux, qui devient de jour en jour plus sérieux, diminuerait sans aucun doute, et cela au détriment des intérêts les plus divers. Le goût des animaux, ou, d'une façon plus générale, le goût des choses de la nature, va sans cesse croissant. Né il y a vingt ans à peine, il est devenu pour ainsi dire un besoin. Le Jardin d'acclimatation, dont l'existence compte mainte- nant onze années, n'a pu sans doute remplir jusqu'ici son programme que d'une façon restreinte ; mais ses efforts ont pourtant donné des fruits. Arrivé pour ainsi dire à la maturité^ il a conquis ce qu'on ne peut acquérir qu'avec le temps : la no^ ^ toriété, l'expérience, les relations, et, nous pouvons l'affirmer, les sympathies les plus sérieuses en France et à l'étranger. Aujourd'hui les moindres villes cherchent à créer des jar- dins ressemblant au nôtre. A l'étranger, les établissements analogues sont riches et prospères, et ils se multiplient sans cesse. Paris seul ne pourrait-il pas entretenir un établisse- ment semblable ? Le public ne peut comprendre que l'exis- tence du Jardin d'acclimatation puisse être mise en question. En outre, le Jardin d'acclimatation ne contribue-t-il pas, dans une certaine mesure, aux recettes municipales? Sans parler des droits d'octroi, de l'abonnement des eaux, des im- pôts de toute nature qu'il paye à la Ville, le mouvement dont il est Toccasion représente des sommes importantes. Un exemple seulement. Les sommes dépensées parle public pour se faire transporter au Jardin d'acclimatation représen- tent plus de 250 000 francs. Nous rappellerons, pour mémoire, l'importance que le commerce de la ville de Neuilly attache au maintien de l'éta- blissement, à cause du mouvement de consommation dont il est l'occasion. LE JARDIN d'acclimatation DU BOIS DE BOULOGNE. !lQ7 Par quel moyen serait- il possible d'arriver à la reconstitu- tion du Jardin d'acclimatation? Un appel de fonds fait aux actionnaires de la Société, une nouvelle émission d'actions, ne présenteraient en ce moment aucune chance de succès. Les actionnaires n'ont pas fondé la Société dans un but de lucre. Presque tous membres de la Société zoologique d'acclimatation, ils ont voulu, avant tout, aider, dans la mesure de leurs forces, à la réalisation du but pour lequel cette Société a été fondée. Le capital souscrit n'a jamais produit d'intérêts, car les bénéfices réalisés par l'exploi- tation ont toujours été, pour la plus grande partie, employés en développements et en améliorations de l'établissement. Lorsqu'elle concédait, en 1859, un terrain infertile dans le bois de Boulogne, à la charge d'y faire d'importantes con- structions, et de laisser ces constructions à la Ville , après quarante ans de jouissance, l'Administration voulait-elle seu- lement faire une promenade dans une promenade, un jardin d'agrément dans le bois de Boulogne? Non. Elle voulait essentiellement créer un établissement utile, en même temps qu'agréable ; elle voulait, comme rémunération de sa concession, doter Paris d'un établissement qui lui man- quait La Ville de Paris, dans le cas où l'Assemblée générale des actionnaires du Jardin déciderait la dissolution de la Société, et où, par conséquent, la concession du terrain, avec toutes les constructions, tous les travaux exécutés à grands frais (1500 000 francs environ), lui ferait retour, peut- elle laisser périr cet établissement fondé dans un but d'in- térêt général ? La Ville devrait au public, se devrait à elle- même de continuer cette fondation aujourd'hui populaire à Paris, en France et à l'étranger. L'Administration municipale pourrait-elle exploiter pour elle-même l'établissement? Ce serait une charge bien lourde, car son administration serait, sans aucun doute, plus onéreuse qu'une administration privée. D'ailleurs le droit d'entrée qui se perçoit actuellement, la Ville pourrait-elle le maintenir? Zi68 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Suivant nous, la municipalité, en venant au secours du Jardin d'acclimatation par une subvention annuelle, peut assurer à peu de frais l'existence de l'établissement. Les ré- parations nécessaires, les dépenses relatives à la reconstitu- tion de la collection d'animaux, aujourd'hui presque détruite, pourront être payées en partie par l'actif actuel de la Société, en partie par l'indemnité que la Ville de Paris, aux termes de la loi de vendémiaire, accordera à la Société. Pour que l'exploitation puisse reprendre, et le Jardin d'acclimatation retrouver sa vie passée, après avoir été frappé parles circon- stances fatales que nous avons subies, il lui faut la certitude que son existence soit assurée pour quelques années au moins. Pour atteindre ce but, nous demandons à la Ville de Paris d'allouer au Jardin d'acclimatation une subvention annuelle de 60 000 francs. S'il est admis que le Jardin d'acclimatation ne peut dispa- raître, l'allocation demandée par nous à la Ville de Paris n'est-elle pas le moyen le moins onéreux et le plus honorable de le conserver et de lui rendre sa prospérité? Le moins oné- reux, disons-nous, parce que l'existence du Jardin sera cer- tainement pour la Ville la continuation de certaines recettes municipales, et parce que, si l'exploitation nouvelle ainsi secourue donne des bénéfices, la Ville, aux termes de l'acte de concession, aura le droit d'y participer pour moitié. Permettez-moi d'espérer. Monsieur le Préfet, que vous voudrez bien appuyer notre demande auprès du Conseil mu- nicipal. En aidant notre Société à renaître, la Ville de Paris ne viendra pas au secours d'intérêts particuliers, elle assurera le maintien d'une institution utile et vraiment aimée du public. Veuillez agréer. Monsieur le Préfet, l'hommage de mes sentiments respectueux. Le Directeur du Jardin zoologique d' acclimatation ^ A. Geoffroy Saint-Hilaire. LE JARDIN d'acclimatation DU BOIS DE BOULOGNE. A69 Bois de Boulogne, le l^"" octobre 1871. Messieurs les Conseillers municipaux, Parmi les établissements publics et privés qui ont eu à souffrir des événements dont Paris vient d'être le théâtre, le Jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne figure en première ligne, et la situation de cet établissement est de- venue tellement critique aujourd'hui, que je prends la liberté d'appeler votre bienveillante attention sur la position dans laquelle il se trouve. Sa disparition, devenue imminente, por- terait un coup funeste à des intérêts qui ne sont autres que ceux de la Ville elle-même et de sa banlieue, et qui touchent de trop près à sa prospérité matérielle, à ses revenus, pour ne pas être dignes d'éveiller la sollicitude des membres du Conseil municipal. Par le but pour lequel il a été fondé, par les services qu'il a rendus depuis sa fondation, le Jardin d'acclimatation n'est pas une simple promenade de luxe ; il a conquis une place importante parmi les établissements utiles, scientifiques et pratiques non-seulement de la France, mais de l'Europe en- tière, où des établissements analogues sont en pleine prospé- rité. Le nombre des visiteurs parisiens, provinciaux ou étran- gers, qui le fréquentaient annuellement, et qui atteignait parfois le chiffre de 350 000, prouve assez combien le Jardin d'acclimatation était connu et apprécié ; les frais de transport par chemin de fer ou en voitures dont il était l'occasion pour le public peuvent être estimés au minimum à AOO 000 francs par an : il est facile de se faire, d'après cela, une idée de la vie et du mouvement dont il était devenu le centre. Au point de vue commercial, son importance n'était pas moindre : le Jardin provoquait chaque année par ses achats et ses ventes un roulement de fonds de plus de 500 000 francs. Enfin il était directement tributaire de la Ville pour l'octroi, l'abon- nement des eaux et les dépenses de toutes sortes qui sont in- séparables d'une exploitation de cette importance ; de plus, il Ii70 SOCIÉTÉ d'acclimatation. devait, à la fm de la concession temporaire qui lui avait été faite par l'Administration municipale en 1858, abandonner à la Ville les constructions et les travaux exécutés pendant le cours de son exploitation, et qui, à l'heure actuelle, représen- tent un capital de 1 500 000 francs. C'est cette source de vie, d'activité, de commerce qu'il s'agit aujourd'hui de ne pas laisser tarir ; ce sont les résultats labo- rieusement acquis par dix années de persévérance et de sacri- fices qu'il s'agit de ne pas laisser anéantir au moment où nous touchons au but de nos efforts. Et ce but une fois atteint, la Ville de Paris n'aurait plus seulement un intérêt indirect à sou- tenir notre existence, car elle trouverait dans la participation directe à nos bénéfices et dans la jouissance des travaux à fonds perdu dont nous aurions continué à enrichir les ter- rains concédés par elle, une compensation amplement suf- fisante aux sacrifices que nous venons lui demander de nous faire pendant quelques années. Ces sacrifices, si nous nous décidons à les demander à la Ville, c'est qu'il n'y a pas à songer à les demander aux actionnaires actuels de la Société, qui, en souscrivant les fonds nécessaires à la fondation du Jardin, n'ont pas en- tendu faire œuvre de spéculation, mais ont simplement voulu encourager un établissement scientifique et agricole qui se proposait de rechercher l'application des théories de la Société d'acclimatation, dont ils font tous partie. Tout ce qu'on pour- rait leur demander, c'est, tant au moyen de l'actif social que de l'indemnité à laquelle nous avons droit en vertu de l'appli- cation de la loi de vendémiaire, de reconstituer la collection d'animaux détruite par les deux sièges, et de faire les répara- tions nécessaires àla reprise de l'exploitation ; c'est là tout, et encore ne le feront-ils que si l'existence du Jardin est assurée pour un certain nombre d'années. C'est pour assurer cette existence dont la Ville de Paris sera la première à profiter, que j'adresse à l'Administration muni- cipale la demande d'une subvention annuelle de 60 000 fr. Sans ce subside, notre existence est mise en question, elle devient impossible ; la Société n'aurait d'autre alternative que LE JARDIN d'acclimatation DU BOIS DE BOULOGNE. Zi71 u environ 6140 francs en monnaie française. Des dimensions aussi extraordinaires enlèvent au bois à' Eucalyptus toute rivalité dans la construction des vaisseaux, auxquels il fournit des quilles d'une seule pièce qu'on cher- cherait vainement ailleurs. A l'abri des attaques des insectes, plus dur, plus lié, plus élastique et résistant qu'aucun autre, l'eucalyptus. 483 ce bois surpasse même en gravité spécifique les fameux bois de Tek et de Said {Shorea robusta), longtemps considérés comme présentant le maximum de densité que puissent acquérir les fibres ligneuses. On conçoit dès lors aisément qu'il ait tant de valeur et qu'il constitue l'une des sources de richesse les plus considérables de l'Australie. Il y a déjà quel- ques années, l'exportation de ce bois s'élevait à Van-Diemen à plus de 800 000 livres sterling (soit 20 millions de notre monnaie). Au point de vue de la solidité, V Eiicahjptus ne paraît rien perdre lorsqu'on le transporte loin de sa mère-patrie, et la rapidité de sa croissance n'en est aucunement modifiée, ainsi que le démontrent surabondamment les résultats d'acclimata- tion que nous signalions plus haut. En Algérie, ainsi qu'en Provence où l'on s'occupe aujourd'hui très-sérieusement de cet arbre, il atteint en quatre ou cinq ans la hauteur de 15 mètres au moins, sur une circonférence de 80 centimètres à un mètre à la base du tronc. Dans les promenades publiques, sur les routes, où l'on commence à en planter, on voit des sujets d'une huitaine d'années s'élevant à plus de 20 mètres et dont le tronc mesure 1 mètre 70 centimètres de circonfé- rence au niveau du sol. M. Trottier, qui cultive déjà YEu, calyptus globuhis en forêt dans les environs d'Alger, y fait des coupes sur des arbres âgés seulement de quelques années. A Nice, à Hyères, à Toulon, en Corse, la vigueur de la vé- gétation de cette arbre surpasse toutes les prévisions. Aussi, M. Richard (du Cantal) constatait-il, dans un récent voyage dans le Midi, que partout l'on se hâte de planter des Euca- lyptes sur le littoral méditerranéen, depuis Marseille jusqu'à Nice. Il a vu à Hyères, chez notre confrère M. Huber, un Eucalyptus globulus de onze ans, qui mesure 190 centimètres de circonférence à la base. Ne l'emploierait-on que comme bois de chauffage, que cet arbre serait au moins du prix de 60 francs, et sa valeur commerciale peut être aisément dou- blée, en l'utilisant pour la charpente et les constructions na- vales. Suivant l'heureuse expression de notre vice-président, on peut, avec X Eucalyptus globulus ^ improviser une forêt. liSli SOCIÉTÉ d'acclimatation. tant sa croissance est rapide, même dans les terrains arides. M. Vavin, qui a pu apprécier, à cet égard, la réussite de VEu- calyptus dans le département du Var, et Ta vu résister en outre fort bien à l'action du Mistral, le regarde surtout comme très-précieux pour la régénération des montagnes dénudées. Telle est également l'opinion de notre confrère M. Auzende, qui fonde les plus grandes espérances sur cette essence d'arbre pour le reboisement de la côte aride du Faron, reboisement dont l'administration s'occupe avec activité en ce moment. Il serait vivement à désirer que des tentatives analogues fussent faites dans l'immense plaine de la Crau, où l'acclima- tation de \ Eucalyptus ne tarderait pas à transformer complè- tement ce pays dénudé et improductif et à y ramener la fer- tilité après des siècles de stérilité. Ce serait là, d'ailleurs, une sorte de champ d'étude en vue des plantations projetées pour le désert algérien, projets qui vont bientôt recevoir un com- mencement d'exécution, grâce au zèle si actif de M. Troltier. L'expérience acquise permet déjà d'être tranquille à l'égard des invasions de sauterelles. On n'a pas oublié qu'en 1865, M. Ramel, signalant les dégâts terribles causés par ces voraces insectes dans une partie du Sénégal, où les feuilles de tous les arbres avaient été dévorées, faisait connaître que, seuls, les Eucalyptus^ introduits par lui dans notre colonie, avaient été respectés, et cela probablement à cause de la nature coriace et résineuse de leur feuillage. Un point sur lequel il est bon d'insister également, c'est que la floraison àa^ Eucalyptus, en général si abondante, peut rendre les plus grands services dans les pays producteurs de miel. En Australie, où ces végétaux représentent à peu près les 99 centièmes de la flore forestière, l'Abeille commune d'Eu- rope, introduite par les soins de M. Wilson, s'y est multipliée en quelques années d'une façon incroyable ; à tel point que les ouvriers des mines vont fréquemment dans les forêts à la recherche du miel et de la cire des essaims sauvages. Les fleurs d'Eucalyptus seraient chez nous, pour la nourriture des Abeilles, une ressource d'autant plus précieuse qu'elles paraissent à une époque de l'année où les autres font défaut. l'eucalyptus. 485 En changeant de climat, les végétaux australiens n'en conti- nuent pas moins à obéir aux lois du calendrier de leur hémi- sphère : pour eux, le printemps commence au 21 septembre. La composition chimique des feuilles d! Eucalyptus glo- bulus a été récemment l'objet de recherches de la part de M. Cloez, qui est parvenu à extraire de ces feuilles 2 0/0 (à l'état frais ; 6 0/0 à l'état sec) de leur poids d'une essence très- analogue au camphre et qu'il propose de désigner sous le nom à^eucalyptol. Cette substance, qui possède au plus haut degré l'odeur agréable de la plante, paraît exercer sur l'écO' nomie une action analogue à celle de la plupart des autres huiles essentielles. Mélangée à l'eau, elle lui communique une saveur fraîche, amère et camphrée assez agréable. M. Cloez, qui s'est principalement attaché à constater les effets physiologiques des principes complexes susceptibles d'être extraits des feuilles à' Eucalyptus^ par l'eau, l'alcool et réther, a reconnu qu'aucun d'eux ne doit être rangé au nom- bre des substances toxiques. L'infusion théiforme de ces feuilles, légèrement colorée, amère et astringente, paraît jouir de propriétés fébrifuges prononcées. Les mêmes feuilles peuvent être employées comme le tabac à la confection de cigares ou de cigarettes, ou se brûler dans une pipe ordinaire; mais la fumée qui s'en dégage est plutôt excitante que nar- cotique, en raison de la forte proportion d'huile essentielle qu'elles renferment. On s'habitue d'ailleurs très-rapidement à leur usage qui finit par être agréable. Une personne, arri- vant de Lisbonne, nous apprend que la mode des cigares ^Eucalyptus s'y répand d'une façon très-sérieuse. M. Cloez ne doute pas que le composé découvert par lui ne puisse, comme le camphre, être employé en médecine et don- ner, dans certains cas, d'excellents résultats. Quelques expé- riences permettraient facilement de se renseigner sur les effets thérapeutiques de la nouvelle substance, dont les pro- priétés doivent se rapprocher beaucoup de celles de l'huile de Cajeput. N'oublions pas de rappeler que Y Eucalyptus globulus, de même que la plupart de ses congénères, exsude une gomme- IiSQ SOCIÉTÉ d'acclimatation. résine très-astringente, qu'on regarde comme un substitutif de la gomme Kino. De nombreux envois de graines australiennes, dus en grande partie à la généreuse obligeance de M. le docteur von Muëller, nous ont déjà fait connaître plus de trente-cinq espèces d'-Ew- calyptus qui sont actuellement en essai sur divers points et notamment en Algérie. Plusieurs ont déjà pu être appréciées et sont plus ou moins recommandables ; d'autres, d'importa- tion toute récente, ne peuvent pas encore être jugées. Parmi celles qui méritent surtout l'attention, il faut citer en première ligne l'Eucalypte Acajou {Eue. Mahagony, vel Marginata), vulgairement nommée en Australie larra ou Djaryl. Cet arbre, de croissance très-vigoureuse, et qui, lui aussi, atteint des dimensions colossales, fournit un bois plus dur encore peut-être que celui de XEucalyptus glohulus, est principale- ment employé pour les constructions maritimes et, mieux que tout autre, il résiste aux attaques des insectes et des Tarets. Des planches de ce bois ont été retrouvées parfaitement in- tactes après un séjour de dix-sept ans dans la mer, tandis que, sur le même point, les bois d'un navire échoué étaient perforés en tous sens par des myriades de Tarets. Ailleurs, des piles de ce même bois, restées vingt-cinq ans sous l'eau, ont été retrouvées dans un parfait état de conservation. Dans l'Inde, alors que le bois de Tek, lui-même, n'est point à l'abri des ravages des Termites, celui du larra n'a rien à craindre de ces insectes dévastateurs. D'après un numéro de 1869 de V Argus de Melbourne, la sécurité était, il y a quelque temps, gravement compromise sur les chemins de fer indiens, par les terribles fourmis blanches, qui, sur presque tout le parcours de la ligne, détruisaient constamment les traverses de bois du pays. Les ingénieurs, forcés de les remplacer par des traverses de bois de larra, expédiaient en Austrahe commandes sur commandes, à tel point qu'il ne se trouvait plus assez de na- vires de transport à Perth et à Melbourne pour répondre aux besoins du moment. Mais le bois de X Eucalyptus marginata n'est pas seulement propre aux travaux de constructions ; d'un grain fm et serré, l'eucalyptus. A87 qui le rend susceptible d'un beau poli, nuancé de très-jolies veines rappelant celles de l'Acajou (d'où son nom de Maha- gony, Acajou en Anglais), il peut rendre de véritables services à rébénisterie, qui en tire un grand parti en Australie. La végétation de V Eucalyptus Mahagony paraît aussi ra- pide que celle de VEucalyptiis globulus, et cet arbre magni- fique pourra vraisemblablement s'acclimater dans toute la région méditerranéenne. M. Ch. Huber, qui le cultive à Hyères, l'a cependant trouvé un peu délicat. {A suivre.) LE SPARTE {STIPA TENACISSIMA) Par M. le docteur L. TURREL. Le Sparte est une graminée vivace, qui ne croît pas natu- rellement en France, mais qui est spontanée sur tout le lit- toral méditerranéen de l'Afrique, où on la connaît sous le nom à' Alfa, et en Espagne, où la plante est appelée ^^ocA« et la feuille mise dans le commerce sous le nom d'£'5/)«r^o. C'est de ce dernier nom qu'a été formé le mot français Sparte, et qu'a été dénommée l'industrie qui l'emploie, la Sparterie, Je crois utile, au point de vue économique et industriel, de préconiser l'introduction et la culture de cette graminée en France, au moins sur les bords de la Méditerranée ; j'espère aussi que mon exposé des motifs fera partager ma conviction à nos lecteurs. Bien que cette acclimatation paraisse forcément limitée à la région de l'Olivier, il me semble que l'intérêt qui doit s'y attacher est cependant considérable, car elle permettrait d'en- richir les terrains secs et pierreux de la Crau et de la Camar- gue, aussi bien que les sables qui s'étendent sur le littoral des départements des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l'Hé- rault, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Les Landes de Gascogne seraient aussi très -favorables à cette culture. Nous ne saurions, en effet, rester indifférents à la création d'une richesse agricole, qui, sur des terrains actuellement arides^ aUmenterait des industries considérables : celle des cordages, des tresses, des nattes et des tapis de Sparte, et surtout celle bien autrement importante de la papeterie. Tout le littoral africain de l'Espagne, depuis Murcie jusqu'à Gibraltar, s'enrichit de l'exploitation de cette graminée. On la cultive dans les terres les plus sèches, où aucune autre végé- tation n'est possible. On en arrache soigneusement les feuilles en été, et l'on en tire un tel parti, qu'on ne la laisse ni fleurir. LE SPARTE. â89 ni fructifier; aussi sa multiplication s*y fait par éclats de touffes, que l'on divise et que l'on met en terre, dès les pre- mières pluies de l'automne. La récolte du Sparte en Algérie se fait abusivement pen- dant toute l'année. Il serait prudent qu'elle fût réglementée pour que la source de cette industrie ne soit pas prochaine- ment compromise ; la meilleure saison serait la période com- prise entre les mois de juin et de novembre, époque où la végétation du Sparte est suspendue. Les feuilles rondes et coriaces de cette graminée résistent à l'arrachage, et blessent la main du travailleur. Aussi les Espagnols et les Arabes sont- ils, pour cette opération, armés d'un petit bâtonnet autour duquel ils enroulent l'extrémité libre des feuilles qu'ils arrachent alors sans craindre de se gercer les mains, en faisant levier avec le bâton. En Algérie, XAlfa se montre par masses vigoureuses dans tous les terrains vagues. Plus on s'enfonce dans le sud, plus il croît en abondance, jusqu'aux sables du Sahara, où il fournit en vert une nourriture aux Chameaux, peu difficiles, il est vrai, en fait de pâturages. La chaleur lui est donc particuliè- rement favorable, non moins qu'un sol où l'eau ne séjourne pas ; il ne réussit point dans l'argile (1). Le commerce recherche ce textile, qui se recommande par sa grande ténacité, ce qui le rend propre au tissage de cordes grossières, et par sa résistance à la fermentation. Aussi se sert-on de préférence des cordes de Sparte pour les puits, la mouillure presque permanente de ces cordes ne les altérant pas sensiblement, même après un assez long service. Marseille est le port d'importation d'une grande quantité de Sparte. On l'y met en œuvre dans sa banlieue ; ce sont les femmes et les jeunes filles des villages environnants, notam- ment de Mazargues, qui tressent ses feuilles résistantes. Comme elles seraient cassantes pendant leur emploi, on a soin (1) On exploite aussi en Algérie pour la fabrication du papier, et concur- remment avec VAlfa, une autre graminée à fibres très-coriaces, mais crois- sant dans les sols moins arides, et ne redoutant pas une certaine humidité, c'est le Ligeum spartum. h90 SOCIÉTÉ d'acclimatation. de les faire tremper au préalable, et on ne les met en œuvre qu'après une immersion d'une certaine durée. Les tresses, disposées en bandes d'une certaine largeur, servent à confec- tionner des poches pour les bêtes de somme, des paniers à deux anses, connus sous le nom de couffins, et des nattes pour le sol des appartements ; elles sont cousues ensemble au moyen de ficelles également de Sparte. Des bandes tressées d'après la même méthode, mais sur lesquelles on a soin de faire saillir des brins assez rapprochés, sont destinées à la fabrication de paillassons, dont la surface hérissée sert à essuyer les pieds des visiteurs, au bas des esca- liers et aux portes des appartements. Les jardiniers usent des feuilles de Sparte pour lier les greffes de la pépinière, botteler les radis, les asperges, ficeler les pots de fraises et faire pommer les chicorées. Les paysans se servent de petites cordes de sparte pour mettre en faix les . sarments et les menus bois qu'ils apportent sur les marchés des villes. On fabrique aussi, avec le Sparte, de grossières nattes ou tentures qui, suspendues aux murailles delà chaumière espa- gnole, protègent l'habitant contre l'humidité, tout en le défen- dant contre certains parasites, tels que la punaise, qui ne se loge jamais dans les nattes de ce végétal. Mais un usage bien autrement intéressant du Sparte, c'est son rôle tout récent dans la fabrication du papier. Dépouillée parle pilon du test minéral qui la protège contre l'humidité, la feuille du Sparte présente une série de fibres, d'une souplesse et d'une résistance qui constituent des qua- lités de premier ordre pour l'obtention du papier de choix. Des essais tentés par des industriels de l'Algérie ont dé- montré que Ton peut transformer ces feuilles en une pâte, qui, blanchie par le chlore, donne un papier de très-bonne quaUté. Il résulte en effet de renseignements empruntés à M. Anicet-Digard, avocat à la Cour d'appel de Paris, qui a étudié à Oran la question de VÂlfa, que le Ti?7ies et proba- ' blement Ylllustrated London news sont imprimés sur du papier extrait du Sparte. LE SPARTE. " A 91 En effet, si la découverte de l'emploi de cette plante comme succédané du chiffon est due à un Français, l'application industrielle de cette propriété a été faite en Angleterre, où l'importation du Sparte a progressé, depuis quelques années, d'une manière considérable. Le Moniteur de V Algérie nous apprend qu'en 1862 un navire anglais, \ Hippocampe^ emportait d'Oran un premier chargement d'Alfa pour faire du papier. « q. ic. En 1863, il était exporté de Mers el Kébir et d'Arzew. . . 10 500 En 186Zi 19000 En 1865 28 000 En 1866 A2 000 En 1868 27 000 • En 1869 90 000 En 1870 370 000 Cette progression rapide et continue, sauf quelques oscilla- tions inexpliquées, est d'autant plus digne d'attirer l'attention des économistes, que le prix du quintal métrique, au port d'embarquement, est de 18 francs, et il se vend 28 francs à Londres, Newcastle, Cardiff, Liverpool et Glascow, ports de destination. On voit donc que le mouvement d'affaires en 1870 a été pour ce seul article et pour la province d'Oran de 6 à 7 millions de francs, et que la marine française, qui manque si souvent de fret, pourrait réaliser de beaux béné- fices en transportant cette matière dont l'Amérique du Nord commence à se préoccuper. M. Anicet-Digard pense que l'activité et le bien-être pro- curés aux Arabes de la province d'Oran, par cette nouvelle branche de travail agricole, sont probablement pour beau- coup la cause du calme qui a régné dans cette région de l'Algérie pendant l'insurrection actuelle. Le même observateur dit qu'en juin 1871, au moment où il quittait Oran, il y avait dans le port quatorze gros navires anglais qui faisaient leur chargement de Sparte. L'importance de ce végétal étant ainsi bien démontrée, A92 SOCIÉTÉ d'acclimatation. examinons si, vu la chaleur excessive des localités où il se plaît, il serait possible de l'introduire en France. Le doute n'est pas permis à cet égard, la culture du Sparte en Provence ayant été essayée par moi dès 184/i. Il m'est donc possible d'appuyer mon opinion sur des faits et non sur une hypothèse ; aussi me paraît-il utile de donner avec quel- ques détails l'historique de cette acclimatation. Au mois de mai 18/13, je voyageais en Espagne, dans la province de Grenade. En traversant le massif calcaire qui s'étend entre Colmenar et la Huerta de Grenade, je remarquai dans les expositions les plus arides des touffes vigoureuses et vertes d'une graminée, qui égayait un peu la sécheresse et la désolation de ce désert. Du milieu de ces touffes s'élevaient des épis d'où s'échappaient des graines mûres ; l'un de mes compagnons de route m'apprit le nom de cette plante, dont je connaissais l'usage industriel, et me dit que les Espagnols en étaient fort jaloux et ne permettaient pas l'exportation de ses graines. Ce fut pour moi un motif de plus pour en recueillir quelques épis que je conservai précieusement. De retour en France, je semai soigneusement les quelques graines qui restaient encore adhérentes, et j'obtins un certain nombre de plantes, dont les unes furent données à lÉcole botanique de la marine à Toulon, et les autres mises en terre sur un ter- rain calcaire très-aride et en coteau, de ma propriété d'As- touret. Ces plantes, sans aucun soin, sans aucune espèce de cul- . ture, survécurent, prospérèrent et s'étendirent de manière à couvrir ensemble un espace ininterrompu de un mètre sur deux. Je les avais perdues de vue pendant de longues années, lorsque, de retour à Toulon, je remarquai qu'elles commen- çaient à fleurir et à donner des graines qui, d'abord avortées, devinrent peu à peu fertiles. La vigueur de ce beau tapis de verdure, sa résistance aux froids quelquefois rigoureux, et surtout à la sécheresse, ce fléau de notre Provence, attirèrent sur lui mon attention, et je commençai à récolter les graines qui m'ont permis depuis quatre ans de multiplier mes essais, soit en plaine, soit sur LE SPARTE. /|93 des coteaux arides en plein midi et de formation calcaire. Je possède actuellement une cinquantaine de plants dont quel- ques-uns commencent à fleurir et à donner de bonnes graines. Il est donc pour moi parfaitement acquis que le Sparte se comporte aussi bien en Provence qu'en Espagne, et que sa culture peut être tentée avec succès, dans toute la région des Oliviers, et sur le littoral du golfe de Gascogne. Le Jardin des plantes de Montpellier a, dans son école, un plant de Sparte qui a résisté aux gelées de l'hiver dernier — 10,2 (1). Cette rusticité justifie l'espérance que les Landes de Bordeaux pourraient aussi le cultiver ; mais il est probable qu'il n'y donnerait pas des graines fertiles. La possibilité de l'acclimatation du Sparte est donc démon- trée, non-seulement par la longue période qui s'est écoulée depuis son introduction chez moi (de 1 8/i4 à 1 87 1 ) , mais encore et surtout par une circonstance à mon avis décisive. C'est en avril que les tiges florales s'élancent du sein de la plante, et les graines, minces, fusiformes, munies d'une longue aigrette, mûrissent dans la première quinzaine de mai. Lors- que la maturité est complète, l'aigrette, primitivement allongée en ligne droite suivant l'axe de la graine, se tord à angle obtus et presque droit, puis s'enroule en spirale, et cette torsion détache la graine de l'épillet par un effet de levier ; il s'ensuit que, si la maturité n'est pas surveillée, les semences sont faci- lement emportées par le vent. Or, autour du massif de mes plantes mères, adossées contre un mur à pierres sèches, j'ai remarqué cette année une infi- nité de petits plants do Sparte qui ont germé sans soins, non- seulement dans la terre cuitivable, mais encore dans les inter- valles des pierres du mur, partout ^où un peu de détritus végétaux ou de terre a pu permettre la germination. Le Sparte peut donc se reproduire par lui-même et sans soins, partout où il peut amener ses graines à maturité. Le (1) Ce degré de froid — 10°,^ est le miuiraum moyen du froid subi depuis le 22 décembre 1870 jusqu'au 5 janvier 1871, mais pendant cette période li ihermomètre est descendu jusqu'à — 16°, 1. !i9à SOCIÉTÉ d'acclimatation. procédé de dissémination de celte précieuse graminée serait donc le même en Provence qu'en Espagne et en Algérie. Mais s'il est bon de pouvoir compter sur les efforts de la nature, comme auxiliaire, il est plus sûr et plus régulier de recourir, pour la multiplication du Sparte, aux moyens que la science met à notre disposition. Le plus infaillible est le semis. On peut, aussitôt après la récolte des graines en mai, et pendant les mois de juin, juillet et août, semer en terrines, dans un terreau mélangé de terre de bruyère, en ayant soin de drainer fortement avec des pierrailles, pour éviter l'humi- dité funeste aux racines. Le semis pourrait être fait en pleine terre, mais le rçpiquage en serait moins certain et plus diffi- cile que pour la culture en terrine. La germination est très-rapide, elle commence en général du dixième au quinzième jour. On voit sortir une petite feuille cylindrique, contournée, qui s'étale presque horizontalement. Bientôt une deuxième feuille, et successivement trois ou quatre apparaissent. Vers le mois de septembre, octobre, les jeunes plants sont assez robustes pour pouvoir supporter le repiquage en petits pots. On ne donne de l'eau que juste ce qu'il en faut pour activer la végétation et empêcher le plant de sécher. En avril, les sujets peuvent être mis en place, abonne orientation au midi. S'ils sont exposés aux brises du mistral, il vaut mieux attendre l'automne, on peut alors abandonner à lui- même le sujet, que l'on peut commencer à exploiter la cin- quième ou la sixième année. La plante est vivace et tend à s'arrondir et à s'étendre ; elle est d'une durée à peu près indéfinie, si on ne la soumet pas à des coupes régulières. On comprend que, traitée industrielle- ment, elle perde de sa vigueur et de sa vitalité. C'est lorsqu'on la voit dépérir ou donner un produit insi- gnifiant qu'on la multiplie en éclatant les vieilles touffes, et en les repiquant a la saison des pluies. Le mois d'octobre est le plus convenable pour cette opération en Provence. Nous avons observé le Sparte dans un sol calcaire où il est très-vigoureux et produit d'excellentes graines, mais il croît LE SPARTE. 495 également sur les terrains primitifs et même les sables purs, ainsi qu'on le voit sur les limites du Tell algérien. Il est pro- bable que ses racines sèches et fibreuses se trouvent plus à l'aise dans un milieu perméable, et que la plante, abstraction faite des éléments minéraux qu'elle doit puiser dans le sol, vit et se développe en grande partie aux dépens de l'atmo- sphère. Cette indifférence sur la nature du terrain, puisque les argiles et les fonds humides lui sont seuls décidément nuisi- bles, justifie ce que nous avons dit de la rusticité du Sparte. Si donc nous avons réussi à attirer l'attention des personnes compétentes sur ses applications industrielles, surtout au point de vue de la fabrication du papier, nous aurons atteint notre but. La France, aussi bien que l'Angleterre, souffre delà disette de chiffons, et elle devrait, comme sa voisine, se préoccuper des succédanés de cette matière. La partie la plus aride de notre sol pouvant lui en fournir, par la culture du Sparte, de notables quantités, nous estimons que la Société d'acclima- tation ferait chose utile en fondant un prix pour cette culture réalisée sur une échelle convenable. Si l'on m'objecte que le Sparte croissant spontanément et en quantités aussi considérables sur toute notre possession algérienne, il n'y a pas lieu de pousser à son introduction en France, je répondrai que nous ne saurions rester indifférents à la création d'une véritable richesse agricole sur des ter- rains actuellement improductifs, et qu'il ne nous est pas per- mis de lions désintéresser de ce qui touche, non-seulement aux produits de notre sol, mais surtout, par leur transformation, aux moyens de propager les connaissances et de mettre à la portée du plus grand nombre, par le bon marché du papier, l'instrument de la culture intellectuelle. II. FAITS DIVERS ET EXTRAITS DE CORRESPONDANCE. Le ministère des affaires étrangères a adressé la lettre sui- vante à M. Drouyn de Lhuys : Paris, le 12 octobre 1871. Monsieur, Le consul de France à Melbourne vient de m'informer que le Conseil de la Société d'acclimatalion de cette ville a résolu, à l'unanimité, de contri- buer, autant qu'il est en son pouvoir, au remplacement des animaux et oiseaux que la Société d'acclimatation de Paris a perdus pendant le siège. Je m'empresse, monsieur, de vous faire part de cette offre généreuse. Recevez, monsieur, etc. Le Conseil a pris acte [de Toflre libérale de la Société de Melbourne, et lui envoie une lettre de remercîments. M. le Président de la Société a reçu de M. le gouverneur de'la Gochinchine la lettre suivante : «il Monsieur, La colonie sait combien le Jardin d'acclimatation a été éprouvé pendant l'investissement de la capitale, elle serait heureuse de pouvoir concourir à le reconstituer. J'ai donc l'honneur de vous prier, monsieur le Président, de m'envoyer une liste des animaux utiles qui vivent sous nos climats et que vous sup- posez pouvoir s'acclimater en France, je me ferai un devoir et un plaisir de vous les expédier à Toulon par nos transports. Je vous serai obligé de m'indiquer en même temps l'autorité ou la per- sonne à laquelle je dois les adresser. Soyez assuré, monsieur le Président, de ma haute considération. Le contre-amiral gouverneur et commandant en chef, G. Am. DUPRÉ. Le ^Président de la Société a reçu de M. le Ministre des affaires étrangères la lettre suivante : EXTRAITS DE CORRESPONDANCE. 497 Paris, le 13 octobre 1871. Monsieur, Le chargé d'affaires de Russie à Paris m'informe qu'une exposition poly- technique devant avoir lieu à Moscou, dans le courant de Tannée 1872, à l'occasion du deux centième anniversaire de la naissance du czar Pierre le Grand, le Comité directeur désirerait obtenir la participation de la Société d'acclimatation à cette Exposition. Je ne puis, monsieur, que vous transmettre cette invitation ; le Comité de Moscou attache d'autant plus de prix à ce qu'elle soit acceptée que, par suite de ses relations étendues avec le monde entier, la Société d'acclima- tation lui a paru pouvoir disposer de collections intéressantes dans le règne animal comme dans le règne végétal. Recevez, monsieur, etc. Signé: Rémusat. Le Président et le Conseil se plaisent à espérer que MM. les membres de la Société s'empresseront de répondre à l'appel qui leur est adressé par la commission de Moscou. L'exposition polytechnique, que la Société impériale des amis des sciences naturelles, d'anthropologie et d'ethnogi^aphie de Moscou a résolu d'ouvrir le 30 mai 1872, pour célébrer le 200' anniversaire delà naissance de Pierre-le-Grand, a pour but d'initier le public à l'application avantageuse des sciences naturelles pour l'homme, tant au point de vue pratique qu'au point de vue scientifique. On y trouvera des modèles d'objets utilisés par l'économie domestique, le commerce et l'art et auprès de chacun d'eux l'indication des meilleurs moyens et procédés de fabrication. Gomme la Société se propose surtout de favoriser l'éducation populaire, elle désire que tous les objets présentés soient ac- compagnés de documents explicatifs, de cartes et de dessins qui puissent en faire ressortir les avantages. La Société formera ainsi une sorte de Musée temporaire, analogue à celui qui existe déjà depuis plusieurs années au Jardin royal de Kiew, et qui présentera ainsi au public un tableau fidèle et instructif de l'état actuel des diverses branches d'application de la science à la pratique de la vie. L'exposition polytechnique comprendra quatorze sections dont l'une a rapport aux forêts; elle se subdivisera en géo- 2^ SÉRIE, T. VllI. — Septembre et Octobre 1871 , 32 ii98 SOCIÉTÉ d'acclimatation. «raphie, topographie, cultures régulières ou artificielles, importance de l'arboriculture dans ses relations avec l'écono- mie politique, études des animaux utiles ou nuisibles aux forêts, herbiers, échantillons de terrains et leur analyse, pu- blications, etc. Une autre section est affectée à la botanique et à l'horticul- ture, une troisième à l'économie domestique et rurale (elle comprend l'agriculture générale, la nourriture des troupeaux, l'aménagement des terrains, les engrais, etc.). Une autre sec- tion présentera des spécimens d'habitations destinées aux paysans et munies de tous les instruments nécessaires à la vie. La section de zoologie apphquée comprendra aussi bien les applications directes de la zoologie à la pratique, que toutes les parties de la science qui peuvent avoir indirectement quel- que importance pratique. Elle embrassera la pêche, lâchasse, la sériciculture, l'élevage des Abeilles, la pisciculture et ses applications au développement des Huîtres, Homards, etc. Elle offrira en outre des collections scientifiques d'animaux utiles et nuisibles, des séries des divers états des animaux à métamorphoses, des collections des produits dérivés des divers animaux, des aquaria, etc. L'exposition polytechnique de Moscou, dont la durée doit être de trois mois, s'ouvrira le 30 mai 187*2, dans des construc- tions élevées dans les Jardins du Kremlin. Il n'y aura pas de concours proprement dit, mais il sera cependant accordé des récompenses aux meilleures et plus utiles applications de la science à l'industrie et aux plus remar- quables perfectionnements des méthodes d'instruction. 311. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL DE L.\ SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 22 SEPTEMBRE 1871. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. Le Conseil admet au nombre des membres de la Société : MM. DucHÂSTEL (Charles), percepteur, àVernantes, par Sau- mur (Maine-et-Loire). Larcher, (le docteur) à Paris. Lémos (Louis-Ferreira), D. M. P., membre correspon- dant de l'Académie impériale de médecine de Rio- Janeiro, au Para, Sainte-Marie de Belem (Brésil). — M. le Ministre de l'agriculture et du commerce informe la Société qu'il lui accorde sur le crédit des encouragements à Tagriculture une allocation de 1000 francs. — Remercîments. — M. le Secrétaire de la Société centrale d'agriculture et d'acclimatation des Basses-Alpes, adresse la lettre suivante : (( Depuis le départ de M. Ri chaud, vétérinaire à Digne, qui D s'était spécialement consacré aux études et expériences i> d'acchmatation des Yaks et d'éducation des métis Yaks, ces î animaux sont devenus une charge pour la Société des 5) Basses-Alpes. Nous avons pensé que votre collection d'ani- » maux vivants avait du souffrir beaucoup pendant le siège )) de Paris. Le Conseil d'administration vient donc de décider 5> que nous mettrions à votre disposition, à titre gratuit, les » pur-sang, qui nous appartiennent, savoir : 1° Femelle, âgée D de dix à douze ans, noire ; '2° mâle, âgé de cinq ans, blanc ; » 3** femelle, âgée de quatre ans, noire; 4° mâle, âgé de » trois ans, blanc ; 5° mâle, âgé de quatre mois, blanc. » — M. Joly de Lothinière, délégué de la Société, écrit : f Vous me demandez de vous procurer des glands des meiî- i leures espèces de Chênes de l'Amérique du Nord ; les glands » ne sont pas encore mûrs, mais je m'occupe de votre com- j& mission d'avance et je suivrai vos instructions dans la ma- 500 SOCIÉTÉ d'acclimatation. > nièredeles empaqueter.... J'ai été frappé d'admiration en )) voyant l'énergie avec laquelle la Société d'acclimatation î reprend ses beaux travaux, sans perdre un seul jour, dès que j> le chemin lui est ouvert pour aller de nouveau cueillir par î> le monde les produits les plus précieux. » — M. le général Morin adresse la note suivante : « Desr » graines de Cinchona Calisaya, envoyées de Java, en sep- î tembre 1870, par M. van Gorkom, directeur des cultures, » n'ont pu arriver à la Réunion qu'en mai 1871. Semées à la » volée, parce qu'on n^en espérait pas le succès, elles ont, au » contraire, parfaitement germé. Après vingt-trois jours, > quelques-unes même après quinze jours seulement, elles » avaient levé. Ces graines avaient été envoyées directement » à Paris, au général Morin, par van Gorkom; mais le siège » de cette ville n'avait pas permis de les réexpédier avant le )) mois de mars. Parmi tous les envois de graines de Cinchona^ » faits à la Réunion, il n'y a guère que celui-là et le premier, » fait aussi de Paris par lettre et provenant d'échantillons y> envoyés de Londres à M. Decaisne, qui aient réussi. Les » semis, dont on a parlé plus haut, ont été faits à Saint- » Denis, dans la partie haute de la ville, mais cependant à )) une faible élévation au-dessus de la mer. D'autres semis » essayés à Salazie, à 1232 mètres d'altitude, n'ont pas réussi, )) En faut- il conclure que cette altitude, favorable au dévelop- » ment de l'arbre, conviendrait moins pour les semis, qui » devraient être faits plus bas? Les jeunes plants sont mis » dans de petits paniers dans la terre de bruyère, légèrement » arrosée en pluie fine, puis transportés dans les parties hautes » de rile. Plus de 500 plants ont élé ainsi soignés et dirigés )» sur Salazie, cette année, par M. le docteur Vinson. Une con- » cession de 20 hectares de terres de cette localité a été » faite à M. Ed. Morin, qui s'occupe de les défricher et d'y » faire actuellement des transplantations et des semis. La ;> température de l'hiver dernier a été dans cette localité de » 15 degrés, à 9 heures du matin, et de 17 degrés environ à X. midi. Pendant la nuit le thermomètre ne descend guère i» au-dessous de 6 à 7 degrés. » PROCES-VERBAUX. ÔOJ — M. Engaurran fait parvenir la note suivante sur les cultures du Pinus sabiniana : a Dans le courant de l'année » 1869, j'eus l'honneur de vous adresser, afin d'en propager î la culture, un certain nombre de graines du Pinus Sabi- » niana^ récoltées sur un arbre planté en 1857. J'accom- » pagnai cet envoi de quelques détails sur cette conifère 5 appelée, selon moi, à un grand avenir dans nos contrées » à cause de sa rusticité, de sa rapide croissance et de son » étonnante fécondité. Ma conviction à ce sujet n'a fait que » se fortifier à mesure que l'arbre a pris du développement ; T) en effet, ce Pin placé dans un terrain arrosable en même j temps et dans les mêmes conditions qu'un sujet de même T> taille de la variété dite des Canaries, présente un volume » trois fois plus grand que celui-ci, et si on l'abattait, son » bois fournirait une charge dix fois plus forte. Élevé à peine » de 50 centimètres lors de sa plantation, il atteint à présent j une hauteur de Jl"",20. Sa circonférence est de l^jôO à » 1 mètre du sol; enfin, son chapeau de forme irrégulière B donne en moyenne un diamètre de /i",80. J'ai recueilli î quelques fruits dès la huitième année de sa venue au jardin; > deux ans après il m'en donnait quatorze; moins fécond l'aa » dernier, il m'en promet trente-cinq pour la récolte pendante, » ce qui représente un revenu relativement considérable. J'ai j mis de jeunes sujets de cette espèce dans les terrains les plus » secs et les plus pierreux, et ils s'y comportent très-bien. Vou- î lant pousser l'expérience plus loin, j'ai semé il y a deux ans, » dans les fentes de quelques rochers escarpés, un certain nom- * bre de graines dont quelques-unes ont levé etse maintiennent D encore, malgré la désolante sécheresse dont nous sommes i> si souvent affligés. Quand je songe au profit que certaines » localités de notre ressort retirent du fruit du Pinus pineum, » fruits principalement recherchés par nos confiseurs, quand > je vois que c'est pour elles une source de bien-être, je me î demande quels avantages fournira cette conifère bien plus î productive et de plus rapide venue, alors qu'elle sera ré- ^ pandue dans notre pays. Tout ce que je regrette, c'est que » nous éprouvions encore tant de déceptions dans nos cultures 502 SOCIÉTÉ d'acclimatation. y> en pots et surtout que nous perdions un si grand nombre de )) jeunes sujets. Aussi je considérerai comme utile de tenter )) de nouveaux essais, et c'est dans ce but que je viens vous » offrir des semences que je pourrai mettre à voire disposition » vers la fin de l'année, en vous priant d'inviter les personnes » à qui vous les confierez de vouloir bien, en cas de succès, > nous faire connaître leurs procédés. — M. Brierre (Saint-Hilaire-de-Riez) donne quelques détails sur la culture du Katran, de Russie. — M. Turrel adresse la lettre suivante : « J'avais reçu il y a )) trois ans douze paquets de graines qui furent mises entre » les mains de M. Ghabaud, jardinier-chef de la marine à » Saint-Mandrier. Ont levé : 1° Tabac sauvage qui n'a pas )) produit de graine ; 2" Berberis lycium ; 3° Datura alha ; » 4" Jatropha gossypifolia ; 5° Cabo vende ou pignon d'Inde ; » 6" Casuarina leptoclada ; T Eiiphoria venosa; 8° Wellen- » bergia erecta (c'est une campanulacée) ; 9° Physalis somni- y> fera (c'est le Physalis alkekengi). Ont coulé : 1° Phytolacca » acinosa; T Rhododendron arborescens ; ^° Eucalyptus fissi- » lis ; If E. obliqua. Une autre série de graines fut, à la même )) époque, confiée à M. Audibert fils, horticulteur à la Crau- » des-Epines. Voici les renseignements que j'ai reçus de lui » à ce sujet. Les Eucalyptus fissilis et Amygdalina ont par- » faitement levé et ont produit à l'automne des plants vigou- ï) reux de 0,60 à 0,80 de développement. Des amandes de Pin » de Californie ont donné de beaux sujets qui, mis en pleine » terre, ont tout le port et l'apparence du Pin pignon ordinaire. » Cette variété n'a donc rien de particuHèrement intéressant )) pour notre région, où elle est très-commune. Plusieurs » variétés de Casuarina, sans désignation spécifique, ont » parfaitement germé, mais n'ont donné que des sujets iden- » tiques, sauf quelques sujets qui pourraient être rattachés » aux espèces dites Leptoclada, Paludosa, Quadrivalvis ; la » germination en a été obtenue en serre chaude au bout de » cinq jours. Des graines de Cordyline^ow^ diverses étiquettes )> ont donné la même variété, la Congesta. Dans chaque ter- î> rine il y avait des feuilles panachées de rouge et de blanc ;. PROCÈS-YERBAUX. 503 » ce végétal est très-précieux pour notre région puisqu'il a j> supporté l'hiver dernier, en pleine terre, un froid de 9 de- )) grés. Des graines à'Areca ruhra, traitées avec tous les soins ^ convenables, n'ont pas levé. Celles de Chamœrops excelsa, y au contraire, ont germé et produit des plants vigoureux. )) Je rappellerai à cette occasion que, pour obtenir à coup » sûr la germination des graines ôi'Areca, il faut de la » chaleur, de l'humidité et Yobscurité. Sans cette dernière » et indispensable condition tous les soins sont infructueux. » Il conviendrait donc de donner de la publicité à ce dé- » tail, et il serait bon d'ouvrir une enquête sur le mode » de réussir pour les graines de Phormhim tenax. Les der- » nières graines de ce végétal, récemment reçues, ont été » confiées par moi à MM. J. Auzende de Toulon et M. Hûber, » d'Hvères. Ce dernier m'avait assuré que tous ses soins (et )) Tonne saurait trouver un établissement mieux administré), )) ont échoué pour obtenir la germination de cette graine, que )) certains horticulteurs prétendent faire lever très-facilement; » sur mon conseil, ces messieurs ont tenu leurs terrines de > semis à peu près complètement immergées pour avoir une » humidité permanente. Il m'écrivent en date du 28. a Quant 5 aux graines de Phormium tenax que nous avons semées » dans les conditions que vous avez eu la bonté de nous indi- » quer, nous sommes désolés de vous apprendre que nous )) n'en avons pas eu plus de succès qu'avec nos autres semis. . . » » Vous avez dû, vers le 15 juillet, recevoir de ma part un » paquet de blé précoce du Japon, par l'intermédiaire de la ï maison Vilmorin Andrieux et G'^ Cette récolte provient des )) quelques épis que vous aviez bien voulu m'adresser il y a » deux ans. Cette variété est précoce, mais a l'inconvénient )) de mûrir très-inégalement et d'avoir un grain assez petit » et peu marchand... Notre Société d'horticulture et d'accU- » matation du Var crée en ce moment un jardin (j'essai situé j> dans l'enceinte agrandie de notre ville, et où nous pourrons, » malgré une surface hmitée ùOOO mètres, faire des expé- )) rimentations intéressantes, et plus tard si nous pouvonsnous » agnindir par l'accroissement de nos ressources, il nous 50ii SOCIÉTÉ d'acclimatation. » sera possible de recevoir, pour une étape plus ou moins j longue, suivant l'utilité qui nous en sera démontrée, les ani-^ î maux et les végétaux provenant de régions plus favorisées » que le climat du centre de la France. » ^ — M. Bouteille annonce l'envoi de noyaux de pêches de Tullins. — Remercîments. • — M. G.h. Naudin de l'Institut communique les renseigne- ments suivants sur les cultures de son jardin de CoUioure : « J'ai l'honneur de vous accuser réception du paquet de » graines que vous avez bien bien voulu m'adresser, au nom 3) de la Société d'Acclimatation, dans le courant du mois de j juillet, et je viens vous en faire, ainsi qu'à elle, mes sincères )) remercîments. Soyez assez bon pour être mon interprète î vis-à-vis de la Société. Si je ne me suis pas acquitté plus tôt 2> de ce devoir, cela tient à ce qu'il m'est arrivé, vers cette î époque, un affreux malheur. A six jours d'intervalle, j'ai vu 5 mourir deux de mes enfants, deux charmants petits garçons, i> qui faisaient ma joie dans ce monde, et sur lesquels je fon- > dais bien des espérances. Accablé par ce coup imprévu, je » me suis vu obligé, pour tromper mon chagrin, d'aller passer » quelques jours loin des heux qui me rappelaient tant de » douloureux souvenirs. De pareilles blessures ne se guéris- î sent jamais entièrement, néanmoins je m'efforce de surmon- )) ter mes regrets, et, après la résignation à la volonté de » Celui qui gouverne toutes choses, je ne vois rien de plus î efficace pour atteindre ce but que la culture de mon jardin » et la reprise de mes travaux habituels. Pendant mon absence » de CoUioure, j'ai visité diverses parties des déparlements de > l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Ces deux départements )) (ainsi que beaucoup d'autres), sont traversés par de nom- » breux cours d'eau, dont on est loin, selon moi, de tirer le » meilleur parti. D'abord, ces eaux qui vont se perdre à la » mer pourraient et devraient être utilisées pour les irriga- 5 tions, ce qui accroîtrait immensément la production agri- » cole sousce imat, dont l'unique défaut est la rareté de la » pluie en été ; ensuite les lits et les bords de ces cours d'eau > devraient être occupés par des plantations forestières, qui. PROCÈS-VERBAUX. 505 » d'ici à peu d'années, donneraient de très-riches produits en i> bois de construction. Ces terrains vagues ne fournissent D guère aujourd'hui que des saules et des peupliers, arbres » de peu de valeur, qui ont cependant leur utihté par les y> fagots de branchage qu'on en retire, mais combien ne » serait-il pas plus avantageux de les remplacer, en partie du 3 moins, par les noyers d'Amérique, et autres arbres à bois » solide, durable, et propre aux constructions civiles et na- 3 vales ! Je suis persuadé qu'il y a là une très-belle et très- > utile innovation à faire. Il y faudrait, toutefois, l'aide elles )) encouragements du gouvernement, vu le peu d'initiative » privée qu'on trouve en France. Ce qui serait fort utile aussi, » non-seulement pour ces départements, mais pour tout le » midi, serait un jardin d'essai, où seraient mis en expé- B rience tout les arbres exotiques qu'on pourrait supposer 5 d'avance capables d'être naturalisés et de rendre des ser- j vices. J'en dis autant d'une collection de vignes, d'oliviers, » de figuiers et, en somme, de tous les arbres fruitiers de la j France, collection qui aurait une incontestable utilité pra- » tique et scientifique. L'examen expérimental des plantes » fourragères, textiles, médicinales, industrielles à un point de » vue quelconque, ne serait pas non plus sans intérêt. Enfin, » puisque je parle à une Société zoologique d'acclimatation, 2> permettez-moi d'ajouter qu'un haras de solipèdes d'espèces » nouvelles, Zèbres, Hémiones, Hémippes, Gouaggas, sans par- » 1er des ruminants à naturaliser, ne serait nulle part mieux » placé, en France, que sous ce climat. Dans une autre lettre, i et quand j'aurai l'esprit plus libre de mes pénibles souve- » nirs, je vous parlerai des plantes que j'ai cultivées ici avec D quelque succès, et des espérances qu'elles peuvent faire i concevoir. » — Mgr Verrolles fait don à la Sociélé de graines de,Sorg/to saccharifer. — Remercîments. Le Secrétaire du Conseil, Ch. Wallut- IV. CHRONIQUE. Le Coati, Par Auffustin Delondee. '3' Les Coatis sont des animaux diurnes. Ils reposent, la nuit, dans des ar- bres bien touiTus, et montrent du matin jusqu'au soir une activité infatigable. Pendant le jour, ils paraissent atteints d'un besoin continuel de voyager de ci de là, de manière à ne laisser sans l'inspecter aucune place qui leur soit ac- cessible. Leur alimentation se compose incontestablement de tout ce qui est mangeable dans le règne végétal et le règne animal. Ils vont souvent dans les plantations dérober le maïs, surtout lorsque les grains sont encore mous. Ils peuvent ainsi produire des dégâts considérables : aussi les traque-t-on volontiers, tant pour ces dévastations que pour leur chair excellente à man- ger. En effet, les jeunes Coatis, lorsqu'ils sont gras, constituent un excellent rôti; toutefois la chair des vieux présente encore une bonne saveur. Retenus dans les maisons, à l'état apprivoisé comme on en voit à l\io-Janeiro, à Bahiaet à Pernambuco, ils ne présentent qu'un avantage, celui d'être par- faitement incommodes. En effet, il n'y a pas d'animal qui mérite, autant que le Coati, le renom de bien fouiller partout. Tous les objets qu'il peut at- teindre au moyen de son long nez en forme de trompe, il les examine. Tout tiroir qui n'est pas bien fermé, il l'ouvre avec ses pattes de devant pour passer Tinspection exacte de son contenu. Tel est le désagrément que pro- curent les mâles encore jeunes qui, du reste, sont familiers ; plus ils vieil- lissent, plus ils deviennent hargneux, au point de devenir tout à fait im- possibles à approcher. En effet, parmi toutes les bêtes fauves, c'est le Coati soUtaire qui fait relativement les blessures les plus dangereuses. Il mord encore plus fort que le Blaireau et est capable de mettre en danger la vie des chiens même les plus vigoureux en les mordant au point de leur ouvrir les vaisseaux sanguins du col. Les chiens, qui ont une prédilection pour la chasse au Coati, et qui, pour cette raison, sont désignés sous le nom de Chiens à Coatis, sont très-faciles à reconnaître aux nombreuses cicatrices de leurs têtes et à leurs balafres, suites de leurs luttes opiniâtres avec les solitaires. Les colons allemands du P»io-Grande do Sul aiment avec passion la chasse au Coati. La chasse au Coati est, du reste, assez aisée : on parcourt, avec de bons Chiens, la forêt où l'on suppose qu'il se trouve des Coatis, c'est-à-dire^la forêt placée sur les versants des montagnes voisines des plantations. Lorsque les Chiens trouvent la trace d'une troupe de Coatis, ils ont bientôt reconnu l'arbre où les bêtes se sont réfugiées et aboient jusqu'à ce que le chasseur arrive. Souvent il est difficile, surtout lorsque les arbres sont épais et touffus, d'apercevoir la fourrure des Coatis. Mais si l'on a fini par la découvrir et si CHRONIQUE. 507 l'on tire au milieu d'eux, toute la troupe abandonne ordinairement l'arbre en grande hâte. On dit ordinairement que, au premier coup de feu, les ani- maux s'enroulent sur eux-mêmes et se laissent tomber de l'arbre sans tenir compte de la hauteur. Ce n'est pas littéralement vrai : tous les Coatis sau- tent bien de l'arbre dans la plupart des cas, mais ils utilisent toujours les branches qu'ils rencontrent pour diminuer la hauteur du saut et amortir la chute. Lorsque les arbres sont très-hauts, les Coatis cherchent, en se sauvant au-dessus des branches^ à passer sur des arbres voisins. Du reste, le nom- bre des Coatis, faisant partie d'une troupe de ces animaux, qui est tué, n'est ordinairement pas très-grand. En effet, les chiens mêmes, quand on en pos- sède plusieurs, ont l'habitude de se jeter sur l'un de ceux qui sautent en bas et de laisser ainsi aux autres le temps de gagner un arbre plus élevé (R. Hen- sel, Der zoologische Garten). Le Capybara) MMy€li''nch€et''ti8 cupyhat^n}, Par Aygustin Delondre. Le Capybara ou Capiijgoea, nommé improprement porc d'eau par les européens qui habitent la Guyane, paraît se rencontrer surtout, suivant A. de Humboldt, fréquemment sur les bords de l'Orinoco, de l'Apure et des rivières de l'intérieur de la Guyane. Le célèbre voyageur Don Félix de Azara l'a observé sur les bords de toutes les rivières et de tous les lacs du Para- guay jusqu'à la rivière de la Plata. Rengger l'a rencontré au Paraguay sur les bords du Parana, mais seulement par couple, sur les bords du torrent du Paraguay par petites troupes de quatre ou six, et sur les bords d'une rivière dans le Paraguay en troupes de vingt et plus. Il ne s'éloigne pas de la ri- vière. Sa démarche est plutôt lente et ce n'est qu'en cas de danger quïl saute ; mais il ne peut pas courir longtemps. Il nage très-bien ; mais il ne se rend dans l'eau que pour y rechercher sa nourriture ou pour changer de gîte. Dans les endroits habités^, il ne sort que la nuit pour chercher sa nourri- ture; dans les endroits inhabités, il sort le jour. Sa nourriture consiste en plantes d'eau et en écorces de jeunes arbres. Il paraît quelquefois, suivant Azara et Rengger, causer des dégâts aux plantations de melons d'eau, de calebasses, de Maïs encore jeune et d'autres plantes. La femelle donne en une portée un à quatre petits dans l'année, mais jamais huit. En captivité, le Capybara, lorsqu'il a été pris jeune, est aussi doux que les animaux domestiques et se laisse toucher sans manifester aucune crainte. Il ne s'écarte jamais à une grande distance de sa résidence ; mais il ne répond pas toujours aux appels de son maîU'e. On n'a pas besoin de lui donner de nour- riture, pourvu qu'on le laisse la chercher lui-même : celle qu'il préfère con- siste en melons d'eau et en plantes des marais. La peau de cet animal ne peut être que difficilement utihsée parce qu'elle est spongieuse et se laisse traverser par l'eau. 508 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Sa chair n'est mangée que par les Indiens. Rôtie à Télat frais, elle a une saveur désagréable toute particulière qui provient de la graisse attenante. Mais si on la fait bouillir d'abord dans l'eau ou si on la met mariner avec du sel et si on l'apprête ensuite, elle a une saveur aussi délicate que celle du meilleur morceau de veau. Les blancs qui habitent le Paraguay, font quelquefois, par passe-temps, la chasse au Capybara. Le chasseur peut du reste aisément en tuer des bandes entières parce qu'ils changent peu de résidence. Quelquefois on lui coupe la route du côté de l'eau et on le prend ensuite au lasso. Ordinairement on le suit en bateau le long des bords des cours d'eaux et on le lue à coups de fusil ou d'armes à feu. Blessé, il fait quelquefois des blessures graves à ceux qui le poursuivent. Atteint à la tête pendant qu'il nage, il plonge^ mais ne reparaît plus. Le Capybara a, du reste, moins à craindre de l'homme que du Jaguar qui le traque nuit et jour et pour lequel le Capybara constiîue la proie qu'il préfère. Comme le Capybara est sans défense, il constitue une proie aisée pour presque toutes les bêtes fauves, non-seulement sur la terre, mais aussi sur l'eau. Son principal ennemi est le grand boa d'eau, ie Boa mûri Jia, le plus grand de tous les Serpents connus. Le prince Max de Wied-Neuwied a rencontré le Capybara, bien que ce ne soit pas en grand nombre, dans toutes les parties du Brésil qu'il a visitées. Dans les endroits habités, il ne se montrait guère que le matin ou le soir. Dans les endroits inhabités, on le voyait tout le jour sur les bords ou sur les bancs sablonneux des cours d'eaux. Aussitôt qu'il apercevait l'homme, il se dirigeait vers le cours d'eau voisin. Le Capybara ne se nourrit que de végétaux. Les Botocudos le tuent à coups de flèches et le font rôtir au moyen de broches de bois. Sur la côte orientale duBrésil, il n'est mangé que par des nègres et des Indiens. De Humboldt rapporte cependant qr.e les moines de la Guyane espagnole rangeaient le Capybara, ainsi que le Tatou, le Lamantin et la Tortue dans la classe des animaux qui peuvent être mangés les jours de jeune (H. Schk- gel;, Jaarboekje van het K. Z. G, naiura artis magistra 1866) : la viande du Castor serait du reste aussi considérée, au point de vue catholique, corn me analogue à celle du poisson et pourrait être mangée pendant les jours maigres. Il existait en 1869 au Jardin zoologique d'Amsterdam une couple de Ca- pybara qui n'avaient pas encore atteint leur développement complet. Acclimatation des plantes. L'introduction dans les jardins botaniques des colonies anglaises d'un ce- tain nombre de plantes économiques a donné la preuve que beaucoup pour- raientêlre réellement acclimatées et prendre une place importante au milieu CHRONIQUE. 509 des productions végétales de leur patrie adoptive. D'après le docteur Schom- burgk, directeur du jardin botanique d'Adélaïde (South Australie), beaucoup de plantes étrangères, qui y ont été introduites, y végètent si bien qu'il ne doute pas de leur facile adaptation à leur culture dans le pays. La Garance (Rubia tinctorum), en pafticulier, a trouvé, dans cette contrée, des conditions si favorables, qu'elle croît partout avec vigueur et menace de devenir incom- mode, si l'on n'arrête pas ses progrès. Tout donne à penser que cette pré- cieuse plante tinctoriale est appelée à donner une culture très-profitable pour le pays, et que malgré le fret considérable du transport d'Australie en Eu- rope, elle viendra bientôt sur nos marchés faire concurrence aux garances de nos pays. {Pharmaceutical Journal, 3 septembre 1871.) J. L. S. Le Châtaignier du Para ou Sapucaia, plante comestible du Brésil. (D'après des renseignements envoyés par M. Baraquin.) Par M. Aug. Delondre. Le Châtaignier du Para {Bertholetia excelsa)^ de la famille des Lecythi- dées, est un arbre colossal dont on voit la cîme s'élever au-dessus de cer- taines forêts du Brésil: ce sont ses fruits, sortes d'amandes triangulaires, oblongues, qui sont connues dans le commerce sous le nom de Châtaignes du Maragnon, Châtaignes de terre. Châtaignes du Brésil et, depuis peu d'années, sous le nom de Châtaignes du Para : ces fruits ont une saveur qui tient du marron et de l'amande. Les indigènes demi-civilisés, ou ceux qui ont été élevés dans le voisinage des bourgades civilisées, ne désignent du reste les Châtaignes du Para que sous un autre nom, celui de Castanha, dérivé par corruption de la déno- mination portugaise, Castanha. Les indigènes qui ne sont pas ci vihsés con- naissent le même fruit sous deux noms,, suivant le dialecte qu'ils parlent : celui de Nha, Nhia ou Nia et celui de Tucury (De Marlius et Langaard). Les Châtaigniers n'ont été rencontrés jusqu'ici et utilisés que dans les provinces du Para et de l'Amazone et dans les forêts du haut Orinoco, prin- cipalement à l'Est de la monta-ne colossale de Duida entre le Padamo et le Ocamii, le Gehete et l'Amazone, région dans laquelle ils existent en abon- dance. Dans la province de Para et dans une partie de la province de l'Ama- zone, les Châtaigniers déterminent généralement, et cela est une particularité digne d'être remarquée, les limites de la partie librement navigable des rivières, et, sur quelques points, les rives de l'ancien lit de l'Amazone. Au Nord et au Sud des parties planes du bassin de l'Amazone, les Châtaigniers occupent une large zone qui s'étend d'un côté vers les cataractes du Tocan- tins, du Pacajas, du Anapu, du Xingu, du Tapajos et du Madeira, et, de l'autre, vers celles du Jary, du Paru, du Maycuru, du Gurua et du Trom- 510 SOCIÉTÉ d'acclimatation. betas et réapparaissent ensuite dans les hautes terres et les petites montagnes du Jamundd et du Natuman. Ainsi il nexiste pas à proprement parler pour ce précieux végétal un centre de création^ mais bien deux vastes ^nes qui accompagnent de loin le cours de l'Amazone. Dans le bassin du Tocantino, les Châtaigniers Commencent à former des groupes même dans quelques-unes des îles des cataractes, et ils n'apparais- sent jamais dans la partie inférieure que lorsque la rivière cesse d'être navi- gable par suite de la muhitude de roches qui obstruent son lit. Dans la région du Pacaja, il en est de même : les Châtaigniers apparaissent en nombre considérable tout contre les cataractes d'Urua et Grande et de Pependa sur l'affluent désigné sous le nom de Curuhi ; mais, au-dessous de ces obstacles, on n'aperçoit que rarement un Châtaignier par-ci par-là et il ne paraît être que le résultat de la germination de quelques graines, restées dans cette zone méridionale, habitat primitif du végétal, après la migration générale de l'espèce. Le Châtaignier du Para, comme cela a été observé déjà plus d'une fois, pousse uniquement dans ies terrains élevés et secs, tandis que son congé- nère, le Sapucaia [Lecythis oltaria), végète indifféremment dans ces terrains aussi bien que dans les plaines, même lorsqu'elles sont inondées durant la saison des pluies. M. Penna, qui a fait un voyage dans la région du Pacaja, dit : j'ai vu au- dessus d'une forêt inondée une belle cime de châtaigniers : bien que l'on m'assurât que tout le pays était constitué par un igapo (forêt submergée) d'une grande étendue, il me fut possible de pénétrer jusqu'au pied de l'arbre et je pus vérifier que l'arbre se développait dans une espèce d'île sur un terrain solide et élevé d'environ 2 mètres au-dessus du niveau de l'igapo ; l'île n'avait peut-être qu'à peine 100 à 120 mètres de circonférence : M. F. Penna ajoute du reste que ce n'est là qu'une appréciation, puisqu'il ne l'a pas mesurée. Des faits identiques peuvent se reproduire et induire en erreur les personnes mêmes les plus intelligentes. Les amandes du Châtaignier, ou, comme on le dit généralement, les Châtaignes ne sont venues se ranger au nombre des articles de commerce que dans les premières années de notre siècle. En 1755, elles étaient encore si peu appréciées qu'elles étaient à peine employées à la nourriture des animaux domestiques : ce fait est du reste confirmé par une déclaration du missionnaire du Rio-Negro, Frère José de Santa Magdalena qui dit que l'ajudante de la garnison de Barcellos envoie suivant la coutume un canot pour récolter des châtaignes pour nour- rir les animaux de la ville. Du reste le nom de Sapucaia, donné au Brésil aux amandes du Lecythis oUaria, n"a pas d'autre origine, puisque le mot indigène Sapucaia paraît se traduire en portugais par le mot gallinha (poule;, ce qui indique que les châtaignes de cette espèce constituent un ali- ment qui sert à la nourriture des animaux domestiques. Les châtaignes du Para sont aujourd'hui pour cette province un article important d'exportation qui est très-estimé en Europe et aux États-Unis : ce dernier pays, l'Alle- magne et la Russie sont les principaux consommateurs. CHRONIQUE. 511 Le fruit du Sapucaia est le plus estimé et se paye généralement un prix triple de l'autre : elle est réellement bien plus agréable, mais sa récolte présente de bien plus grandes difficultés : ses amandes ne sont pas, comme celles du Bertholletia excelsa, enfermées dans un péricarpe indéhiscent, corné, qui le protège et qui exige l'emploi d'un couteau ou d'un marteau pesant pour le briser et en retirer l'amande ; au contraire, elles se détachent du fruit au moment même où il laisse tomber le petit opercule ou petit cou- vercle qui les retient, et ils se dispersent dans l'igapo et sur les bords des courants où ils se perdent : ou bien, quand ils tombent sur un terrain sec, ils sont dévorés aussitôt par une infinité d'animaux, habitants des forêts qui attendent ordinairement leur chute avec anxiété. Le Sapucaia occupe dans la géographie botanique une région bien plus importante que le châtaignier du Para, il se rencontre en plus ou moins grande quantité dans les pro- vinces de Minas -Geraes, de Pvio de Janeiro, d'Espirito santo, du Para, de l'Amazone et dans quelques autres. Le prix normal de la châtaigne du Para est de 5000 reisflOOO reis, 2 fr. 7Zi), ou de 6000 reis par alqueires (1 al- queire, 13 litres, 800). Le prix de la châtaigne du Sapucaia est triple^ un peu plus un peu moins suivant la quantité existant sur le marché. Les Singes aiment beaucoup les amandes du Sapucaia et de là leur est venu le nom de marmite des Singes, sous lequel elles sont désignées quelquefois. M. Fer- dinand Denis, dans son histoire du Brésil, donne un récit réellement amu- sant de l'invasion du Sapucaia par des bandes de Singes pour s'approprier les fruits et en manger les amandes qu'ils savent très-bien tirer de leur enveloppe. Dans les renseignements que nous venons d'extraire de l'article de M. Ferreira Penna, sur le Châtaigner du Para et sur son congénère, le Sapucaia, il n'a été question que des fruits considérés comme comestibles : on peut en extraire un suc laiteux qui est employé comme condiment et une huile qui est employée pour la cuisine et l'éclairage et est utilisée en méde- cine : du reste, ce n'est pas par son fruit seul que le Châtaignier du Para rend des services aux indigènes. Ces deiniers, en faisant macérer l'écorce de l'arbre, en retirent une étoupe qui est employée au calfatage des embarca- tions : le bois lui-même est employé dans les constructions navales. Kôle assainissant des plantes. Au musée de Leicester, M. Ingram a dernièrement fait une conférence sur ce sujet, en expliquant comment les plantes et surtout les arbres absor- bent danslesoU'humidité, qui autrement se ferait souvent sentir sous forme d'exhalations délétères. La vie végétale dégage de l'oxygène et délivre l'air de principes de corruption, de sorte que la multiplication des arbres, ar- bustes, et plantes herbacées augmente les qualités vivifiantes de l'air en le purifiant. Il va sans dire que l'efficacité n'est pas la même chez tous les 512 SOCIÉTÉ d'acclimatation. arbres. Selon l'espèce, il faut les employer différemment. Les arbres à grandes feuilles duvetées ne sont pas propres pour les villes, les particules de carbone qui flottent dans l'air de ces dernières s'attachent aux feuilles rugueuses et les détruisent souvent tout à fait. Les Pins et Sapins deman- dent un air très-pur. Le Tilleul, le Platane, l'Érable, l'Orme et le Maron- nier sont du nombre des espèces qui prospèrent dans les villes. Des terres basses et marécageuses gagnent beaucoup à être épuisées par de fortes cul- tures. Pour créer de riches végétations, aucun sacrifice n'est trop lourd. La plante saisit du reste avec avidité ce qui peut lui aider à s'établir. Les eaux des égouts de Londres ont communiqué une fertilité merveilleuse aux sables de Barking Creek. Le conférencier mentionna un fait assez bizarre qui fait ressortir la vertu qu'ont les plantes d'assainir l'air. L'observatoire de Washington, aux États-Unis, est situé dans un marais tellement meurtrier, que les aides astronomes mouraient régulièrement aussitôt arrivés. Des soleils furent semés tout autour, et ces plantes furent à l'apogée de leur développement au moment où la fièvre sévissait avec le plus de fureur. Le résultat de la me- sure fut que le principe fébrile étant juste ce qu'il fallait à l'hélianthus, la fièvre cessa, tandis que les plantes offraient l'aspect le plus luxuriant. M. Ingram émit également l'idée que l'eau de certains puits pourrait être garantie contre des infiltrations infectes en plantant des arbres autour de ces puits {Journal of the Society of Arts, 15 avril 1870). 1. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (1). EXPOSITION A JERSEY. L'exposition qui s'est ouverte à Saint-Hélier, à la fin de juin dernier et qui a été close le 19 juillet, présentait un grand intérêt sous le rapport du bétail, qui formait la partie la plus remarquable des objets exposés. Les îles normandes sont depuis longtemps rcHommées en Europe et en Amérique pour les qualités et l'excellence de la race bovine qu'elles nourrissent. Les Vaches de Jersey atteignent, aux États-Unis, des prix de J800 à 2000 francs. Aussi, les îles normandes conservent-elles avec un soin jaloux la pureté de cette race. On ne peut y importer aucune béte à corne, si ce n'est pour la consommation immédiate ; aussitôt le débarquement, tout Bœuf, tout Yeau, toute Vache, doivent être dirigés sur l'abattoir, qui est situé sur le port. 11 ne faut pas leur faire prendre un autre chemin que la route directe. Et ces prescriptions sont sanctionnées par une légis- lation rigoureuse, qui punit toute infraction d'énormes amendes ; comme on sait qu'elles seraient appliquées sans pitié, on ne s'y expose pas. C'est à l'île de Guernesey qu'est due l'initiative des exposi- tions pour les îles de la Manche. Elles vont probablement devenir périodiques. 11 y a trois ans, Guernesey fit une expo- sition d'objets d'art et d'industrie, qui a laissé d'excellents souvenirs. On s'était étonné alors qu'en peu de temps, dans une sphère d'action matériellement restreinte, on eût pu rassembler tant de choses intéressantes. L'exposition de Jersey, sans faire oublier ce précédent, l'a de beaucoup dépassé, grâce au zèle et à l'intelligence des personnes qui se sont mises à la tête de l'entreprise. (1) La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2« SÉRIE, T. VIII. No\-embre 1871. 33 51 Zi SOCIÉTÉ d'acclimatation. L'agriculture a, depuis quelques années, fait de notables progrès dans les îles normandes. On ne doute pas -que l'émulation que font naître les expositions, et les lumières qu'elles répandent dans le pays, n'y aient contribué dans une grande mesure. Mais, dans cette région, le système de cul- ture est tout autre qu'en France. Son principal objet est d'abord le bétail. On attend encore un ouvrage spécial sur la race bovine des trois îles de Jersey, Guernesey et Alderney (ou Aurigny). Un traité technique à ce sujet serait d'un grand intérêt pour nos éleveurs (1). Les comptes rendus publiés jusqu'ici dans les journaux se sont presque exclusivement attachés à l'aspect artistique et pittoresque de l'exposition, qui était vraiment brillante sous ce rapport, et en ont négligé les côtés économiques et industriels. Ensuite, le bétail n'est resté exposé que très-peu de jours : on a eu pour ainsi dire hâte de s'en débarrasser ; et le pubhc a reporté son attention sur les tableaux, les sculptures, les curiosités de toute sorte, qui, arrivés de toutes les parties du monde, présentaient à l'œil un ensemble séduisant. On a cependant reconnu que le bétail était le trait caracté- ristique, la gloire de l'exposition de 1871; c'est du bétail qu'elle tirait le plus d'honneur. L'île de Jersey n'avait pas exposé moins de 316 bêtes à corne de race pure et du plus beau choix. On admirait leurs proportions exquises, la couleur fauve de leur robe, rappelant celle de la Biche et du Daim (deer-like sleekness) ; la plupart de ces animaux réalisaient l'idéal de leur espèce, et la première place au herd-book leur était incontestablement acquise. Ces expressions, empruntées à la chronique locale, peuvent paraître un peu emphatiques ; mais tout connaisseur, qui comparerait l'animal perfectionné ie Jersey, aux allures vives, aux formes nobles et fines, avec (1) Nous ne connaissons, sur cette matière, qu'une brochure qui a paru en France sous le titre de î Notice sur les Vaches de l'île de Jersey, par Auguste Bernède, ancien magistrat, membre de plusieurs Sociétés d'agri- culture : notice extraite d'un mémoire couronné par la Société nationale et centrale d'agriculture de Paris, le 12 mai 1850. EXPOSITION A JERSEY. 515 le Spécimen ordinaire de la race lourde et négligée de nos campagnes, ne pourrait, de bonne foi, rien retrancher à cet éloge. Guernesey n'avait envoyé que onze bétes à cornes qui furent jugées dignes d'attention, mais inférieures à celles de l'île sœur. Alderney, dont le bétail est pourlantfort renommé, paraît n'avoir rien envoyé. Les Chevaux, les Porcs, la volaille, n'ont point paru mériter de mention particuhère. Les instru- ments aratoires n'étaient pas en grand nombre. Il est du reste à remarquer que les céréales sont à présent peu cultivées dans les îles ; on en considère la culture comme trop peu rémunératrice. Le haut prix des locations, qui atteint de 500 à 800 francs l'hectare, et la cherté de la main-d'œuvre, oWigent les fer- miers à demander au sol tout ce qu'il peut rapporter. A l'aide du varech, que la mer jette en abondance sur la côte, et qui leur sert d'engrais, ils obtiennent de magnifiques résultats, et réussissent à faire deux récoltes par an. Tous sont à l'aise, et beaucoup même parmi eux sont riches. Leurs pommes de terre sont d'une qualité exceptionnelle, et font prime sur le marché de Londres. Leurs choux atteignent de telles dimensions que les tiges, après avoir été dépouillées de leurs sommités et de leurs feuilles, sont vendues et sont façonnées pour servir de cannes ; c'est l'objet d'un commerce spécial (Jersey's cabbages. Jersey 's sticks) . Ces produits sont en grande partie envoyés dans les ports anglais, d'où ils se répandent dans toute la Grande-Bretagne. Nos cultivateurs de la Manche et des départements voisins, où le sol est de même nature, où les conditions climatériques sont les mêmes, pourraient profiter de ces exemples. En per- fectionnant leurs procédés, en introduisant les plantes pota- gères dans leur culture, ils seraient assurés, comme leurs voisins insulaires, d'un débouché avantageux, et ils réalise- raient, aussi bien qu'eux, de notables bénéfices* X. LES BOEUFS SAUVAGES DES MAURES, Par n, TIRREL. Le Bulletin de la Société d'acclimatation du mois de juillet 1870 contient, sur la race bovine sauvage des Maures, une notice qui fut lue avec intérêt. Les renseignements qu'elle donnait sur ces rustiques animaux élevés en plein bois et se nourrissant de brindilles de cbênes, de bruyères et de gra- minées coriaces, éveillèrent l'attention de l'iiabile directeur du Jardin zoologique du Bois de Boulogne. M. Albert Geoffroy Saint-Hilaire eut la pensée de doter ce bel établisse- ment d'un couple de cette race; mais il fut détourné de ce projet, d'abord par la cberté des fourrages et plus tard par la guerre qui bouleversa notre malheureux pays et détruisit tant de richesses scientifiques, sacrifiées avec une scélérate prémé- ditation par les assiégeants de Paris. n m'a paru opportun de revenir avec quelques nouveaux détails sur les Bœufs sauvages des Maures pour plusieurs et sérieux motifs. Lepremier, le plus urgent, c'est que ce qui reste du troupeau dont j'ai fait l'historique est menacé de destruction, le pro- priétaire qui depuis trente ans a laborieusement reconstitué cette curieuse race n'étant pas suffisamment dédommagé par la vente de ses élèves. Le second, qui ressort des conséquences de la guerre, c'est qu'il importe de conserver, de répandre le plus possible, en ' présence des épizooties qui ont ravagé nos étables, une race bovine qui offre à un degré si étonnant la résistance à la maladie et une sobriété qui ne saurait être égalée par aucune autre race du pays. Le découragement qui s'est emparé de M. Louis Auméran, propriétaire de la Chartreuse de Laverne, domaine où vivent les derniers représentants des anciens troupeaux des Maures, s'explique par l'indifférence que nos cultivateurs du midi apportent à ce qui est l'affaire capitale des agriculteurs du LES BŒUFS SAUVAGES DES MAURES. 517 nord : la production de la viande, l'élève des animaux de boucherie, et l'entretien, dans les fermes, d'un cheptel, don- nant à la fois du travail, du fumier et de la viande. Cette apathie, si préjudiciable aux intérêts de notre agricul- ture et aux moyens de production du sol forcément voué à la stérilité par l'absence d'engrais, s'était déjà manifestée dans la circonscription de notre arrondissement. Il y a, en effet, une trentaine d'années que, parles soins du comice de Toulon, il fut fait, à l'aide d'une souscription, une importation de Vaches laitières de Bretagne. On fut satisfait de la sobriété de cette race qui donnait, relativement à sa petite taille, de no- tables quantités de lait. Mais peu à peu ces animaux dispa- rurent, et, bien c[ue plusieurs Taureaux eussent été mis à la disposition des cultivateurs, il n'en reste plus en Provence, au moment où j'écris, un seul représentant de race pure. Tou- tefois M. Martin de Roquebrune, à Saint-Tropez, a conservé un petit groupe de ces Vaclies laitières, métissées avec les Taureaux du pays. Il n'est donc pas étonnant que ce réveil momenlané de nos indolents cultivateurs ait été suivi d'un affaissement complet ; aussi le peu d'empressement qu'ils ont mis à se procurer la race bovine des Maures, bien autrement sobre que la race bretonne, n'a-t-il rien de bien surprenant pour ceux qui con- naissent le fond du caractère du paysan provençal. Le troupeau de M. Louis Auméran est actuellement réduit à quarante têtes, savoir: 11 Vaches, dont 9 de trois ans, et 2 plus âgées ; 10 Génisses, 3 de 1869 et 7 de 1870 ; 2 Tau- reaux, 7 Bœufs et 10 Veaux de 1871, dont A mâles. Voici comment le troupeau primitif de ces précieux animaux a été successivement décimé. Dès 1867, M. L. Auméran avait livré à plusieurs bouchers un certain nombre d'animaux ; à un seul engraisseur, il avait vendu dix-huit têtes d'adultes pour la boucherie. Quelques rares propriétaires lui avaient aussi acheté plu- sieurs Bœufs et Vaches destinés au joug. En 1868, M. Martel Donat, commerçant en bestiaux, acheta vingt têtes bovines, et les revendit en partie à M. le marquis de Retz, qui en a été, dit-on, très-salisfail. 518 SOCIÉTÉ d'acclimatation. En juillet 1870, le père Yincent, directeur-fondateur de l'Orphelinat de Saint-Isidore, commune de Saint-Cyr (Var), acheta 10 Vaches, un Taureau et 2 Veaux, pour la somme de 2300 francs. Vers la même époque, enfin, M. L. Auméran livra quatre Bœufs à l'engraissement pour la houcherie. Cette vente fut faite pour le prix de 900 francs, avec stipulation de par^cipa- tion à la plus-value après l'engraissement; mais cesBœufs durent être livrés à la boucherie sans accroissement, à cause de la disette des fourrages. Ainsi une soixantaine de bêtes ont été distraites du troupeau primitif, surtout pour la boucherie, et la multiplication des Vaches, qui en constituent le noyau actuel, ne l'a pas sensible- ment augmenté, parce que, tous les ans, parle fait de la sur- face tourmentée de la région qu'elles habitent, et aussi par la négligence des gardiens, il s'en perd une certaine proportion qui se mutilent ou se tuent en se précipitant dans les ravins et en bondissant à travers les rochers. Il est donc à craindre que les derniers survivants de la race des Maures ne soient perdus pour l'agriculture et ne tinissent prochainement à l'abattoir. C'est pour prévenir ce fâcheux résultat que je m'adresse aujourd'hui à la Société zoologique d'acclimatation. Si la peste bovine ravage nos étables, ne faut-il pas, en effet, attribuer la funeste propagation du fléau en grande partie à l'affaibUssement progressif de nos races de boucherie, con- damnées à une stabulation beaucoup trop prolongée, et per- dant par suite peu à peu de leur force de résistance aux causes de maladies? Cette faiblesse, lentement envahissante, n'est cependant pas exclusive de la beauté des formes, du développement de la taille et d'un bel embonpoint. Toutes les fois que les animaux domestiques trouvent une alimentation abondante et de bonne qualité, ils tendent à augmenter de dimension en tous sens. Mais la matière de l'hygiène comprend d'autres agents essen- tiels que la nourriture. L'habitation, le renouvellement de l'air, sont des conditions indispensables au maintien de la santé ; de plus, si l'être vivant ne peut pas se livrer à une série d'actes LES BŒUFS SAUVAGES DES MAURES. 519 qui favorisent la circulation, la digestion et l'assimilation, il perd de son énergie vitale, tout en acquérant un embonpoint qnelquefois excessif. L'obésité est une maladie provoquée pour beaucoup d'animaux domestiques, et elle s'obtient par l'abondance de la nourriture et la séquestration. Or elle est elle-même la conséquence du ralentissement delà circulation, et elle devient une cause de maladies variées. En ce qui concerne spécialement l'espèce bovine, les sujets affaiblis par de mauvaises conditions hygiéniques sont dis- posés à recevoir, sans pouvoir réagir contre elles, les in- fluences morbifères engendrées dans des contrées malsaines, et propagées, soit par les individus déplacés pour les besoins de la consommation, soit par l'intermédiaire de l'air, comme 'cela se voit dans les grandes épizooties. C'est parce que nos races de Bœufs offraient cet affaiblisse- ment dû à l'inobservation de l'hygiène, que la peste a envahi nos départements occupés par l'ennemi. Le vide produit dans les étables des cultivateurs de ces contrées malheureuses n^ serait-il pas utilement comblé par des animaux appartenant à une race extrêmement rustique et résistant à la misère et aux maladies, avec une énergie que peut seule expliquer l'in- iluence vivifiante d'une éducation en hberté et presqu'à l'état sauvage. Les Bœufs de la race des Maures ne connaissent, en effet, aucune maladie. Ils ont la même immunité que les fauves, et cependant, quoique d'un caractère indépendant et ombrageux, ils connaissent leur gardien, obéissent à sa voix, et se sou- mettent au travail sans résistance. Ils sont inteUigents et dociles lorsqu'ils sont mis à un régime différent de celui qu'ils suivent dans leurs bois, et ils sont très-susceptibles d'atta- chement. Leur rusticité, au témoignage de M. Auméran, s'est accrue pendant la période à laquelle remontent ses souvenirs, au lieu de diminuer. M. Auméran, d'accord en cela avec la tradi- tion de la région qu'il habite, croit que les hivers du siècle dernier étaient plus rigoureux, mais que, les pluies étant plus abondantes et moins rares, la montagne était plus fraîche et plus riche en herbages dontles Bœufs profitaient au printemps 5*20 SOCIÉTÉ d'acclimatation. et à l'automne; tandis qu'actuellement de [longues et persis- tantes sécheresses sont cause d'une aridité du sol qui ne peut nourrir que des végétaux à racines pivotantes et ne permet- tent pas la végétation des graminées qui autrefois donnaient un fourrage, sinon délicat, du moins aromatique et assez abondant pour les besoins des animaux. Donc les Bœufs des Maures 9ont obligés aujourd'hui de se contenter des maigres végétations de la zone granitique, et ils se rejettent en désespoir de cause sur les arbrisseaux delà région et sur les brindilles des essences à feuilles caduques, sans mépriser les feuilles coriaces du chêne-liége, de l'yeuse, et du chêne au kermès, que ses aiguillons acérés ne défendent pas contre la robuste mâchoire de ces précieux animaux. Rien n'est donc plus explicable que le rapide développe- ment et la facile mise en bon état de ces Bœufs lorsqu'ils sont soumis à un régime moins aléatoire, et qu'ils reçoivent des rations sinon abondantes, du moins régulières. Les Vaches q^ui, à l'état sauvage, ne produisent que strictement la quantité de lait nécessaire à leurs Veaux, voient augmenter, par une nourriture meilleure et plus copieuse, leurs qualités lactifères, et M. Auméran m'affirme qu'il est sorti de son troupeau d'excellentes Vaches laitières. Voici à ce sujet les curieux renseignements que je reçois de M. l'abbé Vincent, le vénérable directeur de l'Orphelinat de Saint-Cyr; je transcris sa lettre textuellement. « Saint-Cyr du Var, le 11 octobre 1871. » Monsieur, » En réponse à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser, je m'empresse de vous transmettre les détails que vous me demandez, sur les Vaches que nous avons acquises de M. Auméran, propriétaire de Laverne. » Notre acquisition a été faite il y a environ quinze mois. » Elle se composait de dix Vaches, un Taureau et deux jeunes Veaux. » 1° Habitués à vivre continuellement dans les bois, soit pendant le jour, soit pendant la nuit, je craignais d'abord que LES BŒUFS SAUVA.GES DES MÂURKS. 5H ces animaux ne fussent par trop intraitables et farouches, et, par suite, trop difficiles à gouverner. Mais depuis que nous les avons, ils sont entre les mains de nos enfants, même assez jeunes, et jamais nous n'avons eu à regretter aucun acci- dent. Chaque bête a son nom, et elles obéissent toutes à la voix des enfants. » 2° Il est très-certain que ces animaux ne sont nullement difficiles sous le rapport des aliments. S'ils l'étaient, après le rude hiver et les fortes chaleurs qu'ils ont traversés depuis que nous les avons, pas un seul ne serait en vie. » 3° Leur tempérament est donc très-robuste. Nous n'en avons jamais eu de malades. Une Yache seule nous est morte, mais c'est par accident ; elle avait par gloutonnerie avalé un souher qui lui est resté au gosier. Cette Yache avait du reste la manie de s'attaquer aux cuirs et même aux harnais. » Zi° Quant au travail, habitués à vivre en toute liberté dans les bois, nous n'avons rien pu obtenir de ces animaux. 11 ne nous a pas été possible de former un seul attelage, soit pour les charrois, soit pour les labours. Nous comptons, pour les dresser au travail, sur les Yeaux, et nous nous sommes entendus avec un homme de l'art qui va commencer à mettre sous le joug les deux Yeaux que nous avons acquis avec les Yaches. * i 5° Le lait est d'une très-bonne qualité, mais je le trouve peu abondant; on ne peut pas dire que ces Yaches soient bonnes laitières. Cependant je dois avouer qu'elles donnent en ce moment une quantité de lait beaucoup plus considérable que lorsque nous les avons prises. » J'avoue aussi que la nourriture ne leur a pas toujours été abondante, et que, par rapport à nos ressources en herbes et en feuilles provenant de nos bois et nos champs, le nombre des Yaches est trop considérable. Aussi allons-nous le dimi- nuer. » Je serai très-heureux, monsieur, si ces détails peuvent vous satisfaire. En vous les adressant, j'y joins l'expres- sion, etc." » Signé Vl^CENT^ prêtre. » 522 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Cette lettre, très-intéressante, confirme ce que j'avance sur la rusticité de cette race, et ne diminue pas les espérances que l'on peut concevoir sur ses qualités laitières, puisque, malgré l'insuffisance des fourrages, les Vaches de l'Orphelinat ont donné plus de lait qu'à leur arrivée. Quant au travail, auquel le directeur de l'Orphelinat les croit peu propres, leur résistance vient probablement de ce que ces animaux n'ont pas été dressés avec certains ménagements. On eût dû les appareiller avec des Boeufs ou des Vaches déjà rompus au joug, et je suis convaincu que, dans ces conditions, ils au- raient montré au travail la même docilité que dans leurs rela- tions journalières avec les jeunes orphehns aux soins desquels ils sont confiés sans qu'il en soit résulté jamais aucun accident. Au reste, avant la Révolution, la race bovine des Maures était nombreuse et formait d'importantes bandes connues localement sous le nom de Vacaïros, Elles étaient désignées, suivant le centre de leur cantonnement par- la dénomination de Vacaïros de Laverne, deTreps, de Lambert; nourris exclu- sivement dans les bois où ils trouvaient des herbes plus abon- dantes et un couvert plus frais, ces animaux donnaient aussi du travail et se laissaient atteler au chariot et à la charrue. On venait d'assez loin se pourvoir à Collobrières de Bœufs de labour, qui étaient recherchés à cause de leur rusticité. Tous les ans, à la date du 11 mai, il y avait à Collobrières une grande fêle avec cérémonies rehgieuses ; on conduisait sur la place de l'église les Bœufs et Vaches, ainsi que les jeunes Veaux, la plupart enguirlandés de verdure et de fleurs, et le prêtre les bénissait du haut du perron. Il y avait à cette fête une grande affluence de visiteurs, et les transactions s'y trai- taient habituellement à cette occasion. La Révolution, le mor- cellement de la propriété, mirent un terme à cette prospérité ; et la race bovine, négligée, est menacée de disparaître, si la Société d'acclimatation ne peut pas prendre quelques mesures conservatrices; qui seraient bien autrement importantes que l'introduction d'une espèce exotique. En effet, la race bovine des Maures se recommande, outre les qualités que nous avons successivement étudiées, par la saveur de la chair ; elle n'a pas de rivales pour la boucherie, LES BŒUFS SAUVAGES DES MAURES. 523 elle a comme un goût de gibier qui a quelque analogie avec celui du Sanglier. Si nous vivions en Angleterre, nul doute qu'il ne se pré- sentât plus d'un riche compétiteur qui se ferait un devoir de recueillir les représentants d'une intéressante race, menacée de disparaître prochainement, et digne cependant de la solli- citude de tous ceux que préoccupe l'avenir de l'agriculture. En France, et surtout dans notre midi, l'idée d'une pareille préservation peut se présenter à bien des cœurs généreux épris de l'utiUté d'une pareille tâche ; mais les fortunes y sont si médiocres, que la possibiHté d'une si louable détermination y est au moins très-douteuse. Cette œuvre de conservation ne peut donc être attendue que d'un effort collectif, et il nous semble qu'il ne peut être efficacement tenté que par la Société d'acclimatation. La première mesure à prendre serait, ce nous semble, l'ac- quisition de un ou deux couples, qui, placés dans le Jardin zoologique du bois de Boulogne, lorsqu'il sera rétabU, per- mettraient l'observation et l'étude directe de ces animaux. Concurremment avec ce moyen d'appeler l'intérêt du pu- blic, il pourrait être ouvert au sein de la Société une sous- cription individuelle entre les sociétaires qui voudraientacheter quelques-uns de ces animaux. Ils feraient un fonds commun pour couvrir les frais de convoyage et de transport par le chemin de fer jusqu'à Paris ou aux gares où les souscripteurs en prendraient livraison. Enfin un encouragement pourrait être donné par la Société d'acclimatation à M. Auméran, propriétaire du troupeau de Laverne, pour chaque Veau qu'il élèverait et qu'il conserverait jusqu'à l'état adulte. Une prime, dont le chiffre serait déter- miné, n'imposerait pas à la Société un grand sacrifice annuel et permettrait au producteur d'augmenter son troupeau, où il serait facile de puiser plus tard, si tout le bien que je pense de cette race était vérifié. Je soumets avec confiance ces considérations à la sagesse et au zèle du Conseil d'administration de notre Société. DOMESTICATION DES AUTRUCHES AU CAP. UTTHE ADRESSÉE A ftl. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES Par M. LAIVEl^, Consul de France au Cap-Town. Monsieur le Ministre, La domestication des Autruches prenant chaque année de plus grands développements dans la colonie du Cap, et les profits réahsés dans ce genre d'industrie devenant très-consi- dérables, j'ai pensé qu'il ne serait peut-être pas sans utiUté de transmettre à Votre Excellence quelques renseignements sur l'état actuel de cette question. Le fermier qui a le plus contribué à attirer l'attention du public au Cap sur la domestication des Autruches, est un M. Kinnear qui réside à Beaufort West. Les expériences sont d'autant plus intéressantes pour nous que la température du district qu'il habite est aussi rigoureuse en hiver que celle du nord de la France et aussi chaude en été que celle de l'Al- gérie. Sa ferme est un modèle de simplicité et surprend le grand nombre de ceux qui étaient disposés à croire que de vastes étendues de terrain sont nécessaires pour élever avec succès des Autruches. Sur huit acres de terres attachées à son habitation et entourées de haies (l'acre est de hOk^ mètres carrés)^ il a en ce moment trente oiseaux, qui ont été presque tous élevés par lui. Cet enclos est semé de luzerne et pourrait, d'après l'avis de M. Kinnear, suffire à l'éducation de près de cent Autruches, si son système d'irrigation était plus déve- loppé. Une loge et des appentis ont été construits pour la protection des jeunes oiseaux pendant les mois d'hiver ; c'est là aussi qu'on procède à l'enlèvement des plumes. Pour cette opération, deux méthodes sont en présence: les uns sont d'avis d'arracher les plumes, d'autres de les couper un peu au-dessus DOMESTICATION DES AL'TRUCllES AU CAP. 525 de la racine et de n'enlever la racine que deux mois après. M. Kinnear préfère cette dernière méthode ; il pense que la première est souvent nuisible à l'oiseau. Le premier dépouil- lement a lieu quand l'Autruche n'a que huit mois ; ces pre- mières plumes sont petites et de peu de valeur. L'opération se renouvelle tous les huit mois. Trois dépouillements d'Au- truches en plein plumage ont rapporté à M. Kinnear 2/iO livres sterling, soit 120 livres imr an^ ou 8 livres sterling par oiseau : cette année, au lieu de vendre les plumes sur place, il les a envoyées directement en Angleterre; de celle iaçon chaque Autruche lui a rapporté 10 hvres sterling, soit 2 livres de plus. Une portion de l'enclos est divisée en compartiments dans chacun desquels on apparie les oiseaux. A l'état sauvage, on compte souvent jusqu'cà cinq femelles pour un mâle; elles pondent toutes dans le même nid et couvent tour k tour. Chez M. Kinnear, au contraire, on ne laisse qu'une femelle au mâle. On ne les apparie généralement que lorsqu'ils ont trois ou quatre ans. L'accouplement commence en juillet, la ponte au mois d'août et continue régulièrement pendant six semaines environ, après lesquelles la couvaison commence et dure jusqu'en octobre. Un mois ou six semaines plus tard, vers le mois de décembre, ils recommencent à pondre pen- dant cinq semaines, pourvu que les autruchonsdc la première ponte aient été enlevés. Pendant la première saison, la Poule pond de 15 à 20 œufs ; la seconde ponte est beaucoup moins considérable. Le maie couve avec plus d'assiduité que la femelle, souvent seize heures sans interruption, de h heures de l'après-midi jusqu'à 8 heures du matin; en revanche, la femelle prend le plus grand soin de ses petits. M. Kinnear enlève les autruchons dès qu'ils sont assez forts pour sortir de leur nid, c'est-à-dire un ou deux jours après l'éclosion. Une température chaude leur est nécessaire ; aussi les place-t-on dans une boîte profonde, garnie de peaux de moulons, en ayant soin délaisser pénétrer l'air par le cou- vercle. Pendant les froids rigoureux de l'hiver, on chauffe leur loge et on les y renferme. Leur nourriture habituelle 526 SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. consiste en feuilles de luzerne hachée ; on a remarqué qu'ils n'en aimaient pas la lige. On leur donne aussi du blé, et, lorsqu'ils sont plus forts, du maïs. Le trèfle et même la vesce leur conviennent tout aussi bien que la luzerne. On ne laisse à leur disposition ni des clous en fer, ni des boutons de métal, ni autres déUcatesses de ce genre, dont, au dire de bien des voyageurs, les Autruches sont très-friandes ; mais on leur donne du sable, de la terre, du quartz pulvérisé, de petits os et beaucoup d'eau. Le transport des Autruches exige de grandes précautions. Beaucoup meurent pendant des voyages de longue durée. L'expérience semble avoir démontré que la meilleure façon de les transporter est de les placer dans des chariots spa- cieux, de les conduire lentement et de ne les faire voyager que la nuit. M. Kinnear est convaincu que, comme nourriture habi- tuelle, rien n'égale la'^luzerne ou le trèfle ; mais elles aiment aussi les feuilles de choux, les fruits et les grains. Il évalue à 20 livres la quantité de luzerne que chaque Autruche mange par jour. Dans le district deColesberg, quelques fermiers ont entouré de murs de vastes étendues de terrain et y laissent les Au- truches, pour ainsi dire, à l'état sauvage. Des personnes com- pétentes pensent que l'on obtient de cette façon des plumes d'une quaUté supérieure à celles des oiseaux en domesticité ; mais l'élevage des autruchons semble réussir moins bien. Sur la ferme d'un sieur Murray du même district, beaucoup d'Autruches sont mortes l'année dernière sans aucune cause apparente ; leur mort est atfribué.e à l'existence d'un ver trouvé dans leurs intestins. Dans les districts de Worcesler et de Graff-Reinet l'élevage de ces animaux réussit également très-bien. L'augmentation qui s'est produite depuis dix ans, tant dans le prix des Autruches que dans le chifl're des exportations de plumes, donnera à ¥otre Excellence une juste idée de l'im- portance que prend au Cap ce genre d'industrie. En 1860, on pouvait acheter une paire d'Autruches de six mois pour DOMESTICATION DES AUTRUCHES AU CAP. 527 10 shillings ; aujourd'hui, un seul de ces oiseaux se paye 5 livres sterhng quelques jours après l'éclosion, el de 8 à 10 livres, s'il a trois ou quatre mois. En 1860, la quantité de plumes exportées était de 2287 livres évaluées à 19 201 livres sterling ; en 1870, l'exportation a été de 29 000 livres esti- mées 87 07/i livres sterling. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ici qu'une Autruche, qui a atteint son développe- ment complet, ne donne tous les huit mois qu'un quart de livre de plumes. REPRODUCTION ET ACCLIMATATION DU TALÉGALLE D'AUSTRALIE TALEGALLA {CATHETURUS) LATHAMI, Par Joseph M, COR^ÉLl Men.bre correspondant de la Société zoologique de Londres, Les premiers colons de l'Australie ne voulaient pas croire aux récits des indigènes, quand ceux-ci leur contaient que le pays nourrissait des oiseaux qui ne couvaient pas leurs œufs. Les Européens, en effet, ne pouvaient admettre que de grands tas de détritus végétaux amoncelés fussent les nids et que la chaleur développée par la fermentation pût amener l'éclosion des œufs. Celte affirmation était exacte cependant. Le natu- raliste anglais Gould s'en convainquit un des premiers. Le Jardin zoologique de Regents'Park à Londres reçut, en J85/i, un couple de ces curieux oiseaux qui confient l'éclo- sion de leurs œufs à la chaleur produite par la fermentation, et bientôt après un nid fut construit et des œufs y furent déposés. LesAnglais désignent cette espèce sous le nomdeBrushTurkey et les naturalistes sous celui deTalegalla Lathami. Au mois d'août 1869, je fis, au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne, l'acquisition de trois Talégalles, un mâle et deux femelles. Ces oiseaux vivaient dans cet établissement depuis plusieurs années déjà, ils y avaient construit plusieurs nids, pondu un grand nombre d'œufs, mais dont, sans doute à cause de l'exiguïté defespace qui leur était consacré, aucun produit n'avait pu être obtenu. Après avoir gardé les Talégalles en volière pendant deux semaines et m'être assuré qu'ils s'étaient accoutumés à voir, sans s'eiïrayer, les chiens de garde et les autres animaux qui vivent en liberté dans mon parc ; après les avoir accoutumés à venir manger à un certain appel, je leur fis couper la pointe de faile et leur donnai la liberté dans un enclos, dont la clôture n'a qu'un mètre d'élévation. RLPRODUCTIUN DU TALÉGALLE D'AUSTRALIE. 529 Bientôt après ils furent laissés libres dans le parc et n'y commirent aucun dégât. Au début ils se rendirent de temps à autre dans le potager, et au lieu d'abîmer les légumes, comme tant d'autres gallinacés, ils se rendirent utiles en man- geant Vers, Chenilles et Limaces. Pour le coucher, les ïalégalles choisirent un grand pin, placé tout auprès de mon habitation, et jamais ils n'ont manqué de venir s'y percher le soir. Entre six et sept heures du soir, ils viennent chercher leur repas, qui consiste en orge et en un peu de pain. Je ne connais pas d'oiseaux plus inoITensifs que ceux-là. La seule querelle cà laquelle j'aie pu assister, survint un jour entre le mâle Talégalle et un jeune Coq. Ce jeune Coq méritait la correction qui lui fut administrée, car il s^était permis de courtiser d'une façon par trop persistante une femelle de l'espèce . qui nous occupe. La lutte d'ailleurs entre les rivaux ne dura pas longtemps. Le Talégalle poursuivit le Coq à toutes jambes, l'atteignit et se borna à lui donner quelques coups de pattes inofîensifs. Pendant l'action l'oiseau faisait entendre son chant de guerre, bruit sourd, ronflant, très-particulier. Le même chant, si tant est qu'on puisse l'appeler ainsi, se fit entendre un jour qu'une Dinde eut l'idée de venir habiter pour la nuit le même arbre que les Talégalles. Je n'ai jamais entendu la voix des femelles. Mes oiseaux se montrent très-famihers avec les hommes; sif- fles, ils accourent aussitôt et mangent du pain dans la main. Ils ont supporté les plus grands froids des bivers sans paraître en souffrir le moins du monde. Le 8 avril J870, je trouvai dans un coin du parc, dans un enfoncement de terrain et tout près du mur de clôture, un petit las de feuilles sèches et de terre, d'environ /lO centimètres de haut, que je reconnus pour un commencement de nid de Talégalles. Il est bon de remarquer que, dans cette partie de la propriété, le mur de clôture est longea une très-faible dis- tance par la levée du Cher qui supporte une route, promenade très- fréquentée. Avant surveillé le nid commencé, je vis l'oiseau mâle tra- 2° SÉRIE, T. vni. — Novembre 1871. 3i 530 SOCIÉTÉ d'acclimatation. vailler sans relâche et avec une ardeur extrême. Le dos tourné au nid, il lançait en arrière les feuilles mortes, la terre, des aiguilles de sapin, de la mousse. Du lever au coucher du so- leil, l'oiseau travaillait sans prendre le moindre repos. Vers le 17, l'ardeur de cet ouvrier lahorieux parut se ra- lentir. Le 20, tout travail paraît suspendu. Les jours suivants l'oiseau s'occupe de sa besogne quelques heures seulement; le nid atteint déjà des dimensions importantes, mais la séche- resse parait ralentir considérablement l'activité du travail. Le 30, il a plu dans la nuit, le Tallégalle reprend avec zèle son œuvre ; il s'en occupe plus tard que de coutume, car il n'abandonne son chantier qu'après six heures du soir. La sécheresse vient encore ralentir le travail ; mais, le 1 1 mai, il tombe une petite pluie etje vois pour la première fois une femelle aider le mâle. Elle ne se donne pas grand'peine, mais enfin elle est présente, elle s'agite et gratte, elle aussi, le sol et le rejette sur ramoncellement de détritus déjà considérable. Jusque-là, aucune des femelles de Talégalle n'avait été vue aux environs du nid ; elles semblaient même fuir le mâle quand il se rapprochait d'elles. Le soir seulement les oiseaux se retrouvaient perchés dans le grand pin. L'intérêt avec lequel je suis le travail de mes oiseaux devient alors très-grand. Le mâle et la femelle s'occupent pour ainsi dire de régler les pentes du monticule qui atteint plus d'un mètre de haut, ils en aplatissent le sommet. Le mâle se rap- proche de la femelle et lui prouve sa tendresse ; puis celle-ci s'accroupit dans un trou creusé dans la partie supérieure du nid par le Talégalle et reste dans cette position plus d'une heure. Pondrait-elle? Chacun des jours suivants le mâle con- sacre plusieurs heures de la journée à augmenter le monti- cule. Se servant de ses fortes pattes, il nettoie, comme avec un râteau, à plus de 12 mètres, tout le tour du nid. Le 16 mai, le Talégalle fait une tranchée profonde dans le nid et la remplit de terre nouvelle qui a été légèrement mouil- lée par une petite pluie. REPRObUCTlOiN DU TALÉGÂLLE d'aUSTRALIE. 531 Le 19 mai, il existe un grand creux au sommet du nid ; une femelle s'y pose, le mâle reste auprès d'elle en sentinelle. Ce môme jour, à trois heures, la pyramide est refaite. Le 20 mai, le sommet delà pyramide est de nouveau aplati. La femelle est accroupie sur la partie supérieure, remuant la queue de gauche à droite ; elle fait un trou profond du côté opposé à celui creusé la veille. Vers cinq heures le mcàle rebouche ce trou . Le 21 mai, la seconde femelle, reconnaissable à une défec- tuosité de son pied, rôde dans les environs du nid. Jusqu'au 7 juin, les Talégalles viennent souvent au nid, mais le mâle y travaille seul encore. Ce jour-là il tombe une légère pluie. Notre ouvrier en profite pour remplacer par de la terre humide la terre sèche du monticule. Le 9 juin, la sécheresse devient très-grande ; je fais ren- verser deux tonneaux d'eau auprès du nid. Le mâle, qui avait cessé tout travail, profite de l'aide que je lui donne ; il creuse de profondes tranchées dans son monticule, rejette les débris secs du sommet et les remplace par des matières mouillées. Le 10 juin, je fais encore arroser, le Talégalle recommence ses tranchées, mais cette fois en descendant. Le 11, il va chercher des mousses sèches, jusqu'à 22 mètres du nid. Le 19, on vit une des femelles pondre au sommet du nid et le mâle la servir" aussitôt après. Pendant quelques jours, l'oiseau s'occupe encore du monticule, puis il semble l'aban- donner entièrement; les femelles Fabandonnent aussi. Une sécheresse anormale règne en Touraine à cette époque et me fait craindre que la fermentation nécessaire à l'incuba- tion des œufs pondus ne puisse se produire. Ces œufs, je ne les ai pas vus, mais j'ai la conviction qu'ils ont été déposés dans le nid par les femelles. Découragé, j'abandonne mes observations. Peu de temps après, je remarquai que les Talégalles faisaient une énorme accumulation de feuilles et de mauvaises herbes contre le mur de la ferme, juste sous la gouttière du toit. Ce nouveau nid fut établi à 2 mètres du passage le plus fréquenté 532 SOCIÉTÉ d'acgllmatation. par mes jardiniers. Il avait pour base im petit tas de sciure de bois, mais il ne ressemblait en rien au premier ; il n'avait rien de régulier. Les mauvaises herbes arrachées dans le potager furent mises à portée du nid et aussitôt employées. Le mâle et les deux femelles passaient leurs journées à remuer ces matériaux. Quelle que fût l'activité de mes oiseaux, je ne crus pas que les travaux accomplis fussent de nature à donner aucun espoir de reproduction. Depuis, j'ai regretté de n'avoir pas fait des observations assidues comme pour le premier nid. Le 6 août, passant près d'une touffe de laurier-œrise, je fis lever devant moi un petit oiseau noir qui me fit souvenir des anciens travaux de mes Talégalles. Mon faisandier présent vit l'animal se poser sur la moulure du bâtiment des écuries, à 3 mètres du sol, et crut avoir affaire à une Poule d'eau. Chassé, l'oiseau s'envola pour aller s'abattre dans un massif épais. Appeler tout mon monde, traquer toute celte partie du parc, fut l'affaire d'un instant. Apres deux tentatives infruc- tueuses, j'eus la joie, bien vive pour moi, de tenir dans mes mains le premier jeune des Talégalles né sur le continent européen. Le môme jour, nous découvrîmes un second jeune, dans les environs du premier nid, puis le lendemain nous pûmes en prendre deux aulres; un troisième nous échappa et franchit le mur du parc. Les jardiniers ayant remarqué que les Talégalles avaient travaillé le jour précédent au second nid, je fis légèrement fouiller et plusieurs œufs furent trouvés et immédiatement recouverts. Pensant le premier nid abandonné, je le fis exa- miner. A Zi5 centimètres je trouvai un œuf, et mon faisan- dier, qui cherchait de l'autre côté, rencontra un œuf gâté et tout à côté un petit tout emplumô et très-vif que nous prîmes. Après celte recherche le nid fut recouvert avec soin et le lendemain j'attrapai moi-même, dans une touffe de lilas, un cinquième petit. Quant aux parents, la venue de leur progéniture les laissa tout à fait indifférents. Pas le moindre cri d'appel, pas la moin - REPRODUCTION DU TALÉGALLE d'aUSTRALIE. 533 dre altenlion pour les jeunes éclos. J'ai la conviction que les Talégalles ne se sont, pas approchés du nid dont sortentlcs pe- tits, depuis plusieurs semaines. Ceux-ci d'ailleurs ne nianifes taienten aucune façon le besoin de l'aide maternelle. Comme Minerve, ils sont nés tout armés ou du moins assez forts pour se suffire. Ayant à redouter les chats qui rôdent dans mon parc jour et nuit, mes cinq prisonniers furent logés dans une volière couverte ; ils cherchent et dévorent les morceaux de cœur de Bœuf, les fragments de Lombrics et'le pain émielté que je mets à leur portée. Ils se jettent avidement sur les fraises et les cerises, mais dédaignent les œufs de Fourmis et le pain mélangé d'œufs durs que je leur offre. Ils se perchent tous, vont, viennent, mais semblent avoir la plus grande frayeur les uns des autres. Vers cette époque je remarquai que le Talégalle mâle avait commencé un troisième nid très-bien formé, mais ce nid n'a pas donné de résultats. Le 12 août, je fis fouiller le premier nid, il ne conservait presque plus de chaleur. Mon faisandier trouva un œuf froid, un autre tiède. J'étais convaincu que ces œufs étaient bons. Après les avoir réchauffés dans mes mains, je les fis placer sous une Poule. Un œuf est ghssé sous la couveuse , puis le second. J'entends alors un bruit sec, comme si l'œuf avait rencontré un corps dur. Je crois à une maladresse. Je reprends l'œuf, qui, à mon grand étonnement, pétille dans ma main, se divise en petits fragments ; et le jeune me reste dans la main, tout grouillant, enveloppé dans la membrane de l'œuf qui est placée sous la coquille. Voyant ce pauvre oiselet vivant, je le replaçai sous la poule ; mais avant le soir il était mort. Dans les fouilles faites dans les nids des ïalégalles, je n'a- vais pu retrouver les fragments des œufs éclos et je m'en éton- nais ; mais, après avoir assisté à l'éclatement par petits mor- ceaux de l'œuf qui m'était éclos dans la main, je compris pourquoi mes recherches avaient été vaincs. Je communiquai celte observiition intéressante à M. Ph. L. 53/l ' SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION, Sclater, le savant secrétaire de la Société zoologique de Lon- dres, et il m'apprit que le jeune Gasoar de la Nouvelle-Hol- lande, comme le jeune Talégalle, fait éclater sa coquille au moment de l'éclosion en pressant de tous côtés au lieu de ôe- c^^r comme le Poulet et les autres oiseaux. Le 12 août, un garçon jardinier prit un sixième jeune Ta- légalle. Le mâle exhausse le second nid tous les jours et découvre et recouvre les œufs qui y sont déposés ; une fois on put les voir. En même temps il s'occupe du troisième nid, dans le voisinage duquel je fais jeter quelques brassées de mauvaises herbes aussitôt employées et mélangées à des débris de toutes sortes. Quant aux femelles, elles n'approchent plus d'aucundesnids. Le 28 août, un garçon jardinier saisit deux petits au mo- ment où ils sortent du second nid. Le 10 septembre, prise du neuvième jeune près du même tas d'immondices. A la fin de septembre, je fis fouiller le premier nid, au fond duquel le faisandier trouva cinq œufs pourris et un sixième contenant un jeune mort. Je quittai la Touraine dans les premiers jours d'octobre, et, d'après les rapports qui me furent adressés, les oiseaux ne semblaient plus s'occuper des constructions qu'ils avaient faites pour recevoir les fruits de leurs amours. (1871) Je revins chez moi au 1"' avril 1871. Mes jeunes Talégalles étaient grands comme père et mère ; de mes neuf élèves un seul avait succombé, tué par une grue. Il fut offert au Musée de la ville de Tours. Quoique élevés en volière, ces jeunes oiseaux se montrent bien plus sauvages que leurs pa- rents, malgré cela je me décidai à les lâcher dans le parc. A cette époque les vieux Talégalles avaient déjà un grand nid achevé et s'occupaient de reconstruire le second nid de l'année précédente. Un mois plus tôt qu'en 1870, les fe- melles se rendirent au nid. Peu à peu les jeunes se familiarisèrent et cessèrent de se cacher au moindre bruit, et maintenant ils viennent comme les parents manger à la main. REPRODUCTION DU TALÉGALLE d'AUSTRALIE. 535 Un jour le vieux mâle apercevant un des jeunes dans le voi- sinage du nid auquel il travaillait, s'empressa de creuser un trou, et, par des mouvements singuliers, comiques, il essaya de décider le passant ou plutôt la ijassante à venir à lui. Un des jeunes mâles de Talégalle s'est emparé du premier nid construit par ses parents en 1870. 11 fait très-sec; aussi va-t-il travailler près de la mare voisine du nid, il y gâche de la terre humide et la lance dans la direction du nid à plus de deux mètres de haut. Le 27 juin, une des sœurs de ce laborieux ouvrier vient au nid. Autant l'année 1870 a été sèche, autant celle-ci est humide. Malgré cette humidité excessive, mes oiseaux ont construit cinq nids, et depuis le 27 juin je suis possesseur de la troi- sième génération de Talégalles; je possède douze jeunes. Je suis donc fondé à dire que l'acclimatation de cette espèce est faite, et, comme gibier, elle est fort recommandable, car la chair de ces oiseaux est exquise. Château de Beaiijardin (Tours), le 29 juin 1871. P, S. — Je possède, en Uberté, dans mon parc, le Dindon Ocellé (Meieagris oceUata) de Honduras que j'ai acquis en 1870 au Jardin d'accHmatation du bois de Boulogne. Ces rares et magnifiques oiseaux ont passé l'hiver dans une volière non chauffée où souvent le matin leur eau était gelée • ils n'en ont pas souffert. Depuis la fm de mars, mes Dindons ocellés sont enhberté et couchent dans un arbre. Ce sont des oiseaux très-sociables, mais timides : un mouvement brusque, un bruit soudain, les mettent en fuite. Les Crossoptilons leur ressemblent beau- coup pour le caractère. La nourriture qu'ils préfèrent, c'est le maïs ; quant au pain, au sarrasin et aux autres graines, ils en font peu de cas. J'ai un Choucari {GijmnorJdna tibicen) vraiment curieux. Quelque invraisemblable que cela soit, il s'est institué le prolecteur des nids de mes oiseaux. Une tolère aucun homme, 536 SOCIÉTÉ d'acclimatation. aucun chien dans le voisinage des nids de Canards. Lorsque les petits éclosentet sortent avec leur mère, il les accompagne au bord de l'eau, les suit sur la berge et fait un vacarme inouï si quelqu'un paraît. J'avais en Hollande autrefois un Choucari. Celui-là aussi aimait les Canards, les Poulets et les nids, mais comme le loup aime les agneaux. Aussi la tendresse de mon oiseau pour les nouveau-nés m'a été longtemps suspecte; mais aujour- d'hui ses preuves sont faites. Je possède un Choucari excep- tionnel qui a la bosse de la famille, un Choucari bonne d'enfant; il tient chez moi l'emploi d'un Agami. MONOGRAPHIE DE LA MOULE. CONSTITUTION ANATOMIQUE — MŒURS — MILIEU — CULTURE — MALADIE ET PARASITES — EMPLOI ALIMENTAIRE — DANGERS DE CE MOLLUSQUE Par M. Léon VIDAL. Parmi les êtres organisés, il en est qui doivent plus spé- cialement faire l'objet de nos études, ce sont ceux dontl'hommc lire parti pour son alimentation. Quelque grand que soit déjà le nombre des ressources ali- mentaires de l'humanité, on ne saurait trop chercher à les accroître encore, autant enmultipHant les variétés de ces res- sources qu'en étudiant les moyens d'augmenter la production des substances nutritives déjà connues. Le problème de ralimentalion étant un des plus difficiles de la vie sociale, on ne peut faire trop d'eiïoris pour en faciliter la solution. — A ce point de vue, toute découverte d'une nou- velle matière alimentaire, comme aussi tout nouveau procédé de culture perfectionné des essences connues, se transforme en véritables bienfaits au profit de la société. Rien n'est donc à négliger quand il s'agit d'alimentation publique, et on ne s'étonnera pas que, quelque infime que soit, dans l'échelle des êtres organisés, le rang occupé par l'ani- mal objet de celte étude, nous tentions de l'élever aux pre- miers rangs des organisations utiles, puisqu'il est un des ali- ments que nous prodigue la nature, et puisqu'une culture bien entendue peut multiplier à l'infini cette source de pro- duits ahmenlaires. Il s'agit d'un mollusque des plus vulgaires, que l'on trouve en familles innombrables sur bien des points du littoral français et dans toutes les mers du globe : de la Moule, cette huître du pauvre, à laquelle on n'a guère accordé, jusqu'à ces derniers temps, qu'une importance secondaire, comme si l'Huître, sa rivale préférée, méritait seule l'attention des savants, des agriculteurs et des gourmets. 538 . SOCIÉTÉ d'acclimatation. C'était déjà bien assez pour celle dernière de remporter en saveur, fallait-il encore la prôner à l'exclusion de tous autres mollusques non moins utiles qu'elle? Procède- t-on ainsi à l'égard des produits agricoles, et né- glige-t-on la pomme de terre parce que la truffe est une substance plus savoureuse, plus rare et par suite- plus obère? Pourquoi donc la Moule ne serait-elle pas à l'Huître ce qu'est la pomme de terre à la truffe? Pourquoi lui refuserait-on ses droits à la culture, son rang et sa valeur utilitaires? C'est qu'il est dans la destinée du faible d'être toujours la victime du puissant, si la faiblesse ne rencontre une protec- tion efficace : si la Moule n'était pas défendue contre les en- vahissements de l'Huître, elle resterait longtemps encore dé- laissée,abandonnée à ses forces naturelles; elle serait toujours, comme par le passé, un produit de consommation presque locale, et l'exemple de culture de la Moule donné depuis des siècles par un seul de nos départements littoraux traverserait de nouveaux siècles sans être imité. Heureusement une réaction favorable s'est accomplie. Le signal de la défense a été donné par M. Coste, un savant pisci- culteur, lorsqu'il a décrit, révélé, devrais-je dire, le procédé de culture des Moules, jusque-là si peu connu, pratiqué dans la baie de l'Aiguillon. Depuis, tous les auteurs agricoles ont répété ces descriptions et il en est résulté qu'une sérieuse importance s'attache au- jourd'hui à la culture de la Moule, à laquelle on veut bien don- ner une place après l'Huître parmi les produits alimentaires de la mer, et dont on se plaît à encourager la production par des procédés de culture analogues à ceux de la Charente-Infé- rieure. Le moment est donc venu d'appuyer cette réaction par de nouveaux efforts, et c'est pourquoi je me suis donné la mis- sion de lutter en faveur de la Moule contre la routine et les préventions du passé. La Moule aura désormais sa monographie, son histoire ; la myticulture tout comme l'ostréiculture aura sa place dans le vocabulaire de la science et parmi les champs de la mer. Dans MONOGRAPHIE DE LA MOULE. 539 le domaine futur de l'aquiculture, science aujourd'hui à son début, il y aura des parcs à Moules comme il y a maintenant des parcs à Huîtres. Pour ouvrir la voie, je vais, moi, modeste aquiculteur, qui ai consacré quelques années déjà à l'observation et à l'étude de ce curieux autant qu'utile habitant de mer, décrire sommai- rement ce qu'il est, où et comment il croît, vit, et se déve- loppe à l'état sauvage ; indiquer enfin tout ce qui se rattache à la Moule, considérée au triple point de vue soit de l'histoire naturelle, soit de la culture de ce produit, soit enfin de son utilisation comme substance alimentaire. I La Moule de mer, comestible {Mijtihis edulis) est un m.ollusque bivalve acéphale que l'on peut diviser en deux es- pèces distinctes, celles à coquilles lisses propres à la Méditer- ranée, et celles à coquilles sillonnées longitudinalement plus fréquentes dans l'Océan où elles recouvrent de leurs innom- brables essaims surtout les rochers de la côte de Bretagne et de la Normandie. La description de ce mollusque existe dans tous les traités d'histoire naturelle. On a minutieusement énuméré les diverses parties et formes soit de la coquille, soit de l'animal. Le byssus, à l'aide duquel la Moule s'attache contre les ro- chers ou autres corps durs, a été consciencieusement étudié. 11 résulte delà comparaison physiologique de la Moule avec l'Kuître, que le premier de ces mollusques l'emporte sur sa rivale par les fonctions de relation, dont il est doué à un plus haut degré. La Moule marche, elle peut se déplacer. Arrachée acciden- tellement du rocher où elle est attachée, il lui est possible de choisir un autre lieu de séjour et de s'y fixer; elle sait pro- portionner le nombre des filaments de son byssus, ses amarres, à la force des courants ou des vagues qui pour- raient la détacher. 5/iO SOCIÉTÉ d'acclimatation. L'Huître, à ce point de vue, est bien moins douée; dès qu'elle naît, elle s'attache à un corps dur vers lequel la con- duit son instinct, mais elle n'en bouge plus -, et si une cause accidentelle la détache, elle est condamnée à rester sur la place où elle est tombée, au risque de périr si, après sa chute, elle n'a pas conservé une position convenable à ses fonctions de nutrition et de développement. Cette considération, purement morale, ne devrait guère nous intéresser, si, de cette supériorité de la Moule, nous ne pouvions tirer une conséquence favorable à sa culture infini- ment plus facile que celle de l'Huître, ainsi qu'il sera bientôt démontré. J'ai lu et entendu dire que l'Huître pouvait se déplacer en refoulant l'eau devant elle par un mouvement alternatif de ses valvules ouvertes, puis refermées immédiatement. Sans contes- ter un fait qu'il ne m'a jamais été donné d'observer, je me bor- nerai à dire que j'ai fait des essais d'acclimatation sur plusieurs dizaines de mille Huîtres sans que jamais aucun des individus étudiés ait élé trouvé dans une place autre que celle qu'il oc- cupait dés l'immersion. Les cas de locomotion de l'Huître sont sans doute fort rares. Et d'ailleurs, en admettant ce moyen de déplacement, tout au plus serait-il possible sur une surface horizontale, mais certainement inefficace pour une ascension verticale... Il n'en est pas de même de la Moule, qui^ à l'aide de son pied contractile, peut ramper sur n'importe quels plans verticaux ou obliques, sur n'importe quelle surface abrupte. H est un autre mode de locomotion de la Moule que je n'ai vu indiqué nulle part. Je l'ai souvent observé. Il permettrait d'attribuer à la Moule une somme d'intelhgencc plus grande que celle qu'on lui accorde. On sait qu'une Moule qui a perdu son eau, pèse plus de moi- tié moins et peut, grâce au vide qui est produit intérieure- ment, flotter sur la mer. J'ai remarqué que cette faculté. était utiHsée par de jeunes Moules qui, s'abandonnant ainsi au courant, sont entraînées bien loin et se fixent, une fois arrêtées par n'importe quels obstacles, aux roches, pièces de bois ou autres. MONOGRAPHIE DE L\ MOULE. ^H La densité et le poids relatif de la coquille de l'Huitre ne lui permettraient pas de flotter, lors nriême qu'on eut vidé ar- lificiellement toute l'eau qu'elle contient. A cette objection prévue : comment une Moule peut-elle d'elle-même rejeter son eau? je répondrai que cela n'arrive que clans des circonstances particulières. Il faut nécessaire- ment pour cette émission que laMoule se trouve hors de l'eau. Or, le cas n'est pas rare. C'est au moment des basses eaux et lorsque les grappes de moules qui couronnent les rochers à fleur d'eau sont laissées à sec, qu'une moule accidentellement détachée perd son eau, et le flot, en retournant, la retrouve vide et capable de flotter. Le courant l'entraîne, et elle ne rouvre ses valves que lorsqu'elle lieurte un point d'arrêt où il lui est possible de fixer sa nouvelle demeure. 11 n'est pas sans intérêt d'examiner un instant le pied de la Moule, cet organe multiple qui lui permet de marcher et de s'attacher. Pour marcher, la Moule avance son pied, le dilate aussi bien qu'elle peut, fixe Là un fil sur lequel elle se haie en contrac- tant ce pied. Puis le reportant encore en avant par une dila- tation nouvelle, et fixant un nouveau fil, se tire de nouveau jusqu'au dernier point d'attache; de telle sorte que la trace du chemin suivi par la Moule se trouve indiquée par une succes- sion de fils reliés entre eux et n'en formant qu'un seul : c'est une vraie reptation à l'aide des dilatations et contractions suc- cessives du pied. . La marche de ce mollusque, sans être très-rapide, n'est pas cependant aussi lente qu'on pourrait le croire; j'ai vu de toutes petites Moules parcourir dans quelques minutes une distance de 1 mètre environ, sur une surface vernissée et où ' aucune rugosité ne facilitait la fixité du pied au moment de la contraction. Ce n'est qu'au moment où la Moule se fixe qu'elle tend ses haubans, qu'elle file sesbyssus, travail analogue cà celui du ver à soie au moment où il se dispose à faire son cocon. Avant de consolider suffisamment ses câbles d'amarrage, la Moule projette plusieurs fils tout autour d'elle, fils quelquefois 5/i2 SOCIÉTÉ d'acclimatation. assez longs. Puis, une fois soutenue provisoirement, elle s'oc- cupe du byssus lui-même, dont elle multiplie les filaments divergents en raison de la force qu'ils ont à produire. Il est facile d'observer la différence qui existe entre la force d'at- tache d'une Moule élevée dans un milieu tranquille et celle d'une Moule fixée sur un rocher battu par les vagues. L'une tient à peine, il suffit du moindre effort pour la détacher; l'autre exige des efforts quelquefois considérables. J'ai soulevé des pieiTes de 12 à Jô kilogr. en saisissant seu- lement une Moule de moyenne grosseur qui y était fixée. Chaque extrémité d'un fil est terminée par un petit empâte- ment de la même matière cornée appliqué sur le point d'appui. Quand la Moule est solidement attachée, elle ne travaille plus à de nouveaux fils ; mais un accident quelconque vient-il soit à la détacher entièrement, soit à briser une partie seu- lement de ses liens, aussitôt elle recommence à en filer de nouveaux à l'aide de la liqueur visqueuse que secrète son pied. Je ne sache pas qu'on ait étudié le mode et les époques de formation de cette matière visqueuse. Que devient-elle quand l'animal n'a plus à l'utiliser? Les organes existant continuent- ils leur fonction, ou bien restent-ils en repos pour ne reprendre leur rôle qu'au moment nécessaire ? En un mot, la Moule peut-elle, à volonté, sécréter la substance propre à son byssus et en suspendre la production? Il serait intéressant d'être fixé à ce sujet. — Le poids moyen d'un byssus de Moule de dimension marchande est d'environ 1 à 2 décigrammes, il comprend de 150 à 200 fils d'une longueur moyenne de 10 à 15 millimètres. Si par un procédé de culture artificielle on parvenait à tri- pler seulement la longueur moyenne de ces filaments, l'indus- trie trouverait là une matière stable d'une grande force et dont la résistance l'emporterait de beaucoup sur le chanvre, le lin et le coton. On sait que la pieuvre marine {Pinna nobilis) produit un byssus long et soyeux dont les habitants de Tarente font des MONOGRAPHIE DE LÀ xMOULE. 5/i3 gants et des bas ; on a essayé de le tisser, et on a obtenu de très-belles étoffes. Avant d'en finir avec le byssus et l'intelligence delà Moule, citons l'emploi vraiment raisonné qu'elle en fait lorsqu'elle tombe sur certains fonds dépourvus de points d'arrels so- lides, de grosses pierres ou des rochers, des pieux, sur du sable, par exemple, ou de la vase mélangée à des coquil- lages ou à de légers graviers. La Moule, alors, retient, à l'aide de ses amarres, qu'elle sait fixer à propos, tous les corps solides, coquilles diverses, qui tombent à sa portée. Elle s'en fait comme une grappe dont chaque objet à part lui est relié par un fd, et le nombre de ces petites pierres et débris de coquilles devient tel qu'il constitue tantôt un poids suffisant pour arrêter la Moule et la défendre contre les courants capables, sans ce lest, de l'emporter ou de nuire à la tranquillité de son existence passive. Parmi tous les exemples d'intelligence cités en faveur de la Moule et lui constituant une supériorité sur lïluître, pourrait- on en citer un meilleur? Et la Moule n'est-elle pas assez vengée des dédains de mes- sieurs les gourmets ? On ne peut tout avoir, et c'est déjà beau- coup de briller par l'esprit. On dit : bête comme une huître j mais on n'a jamais dit : bêle comme une moule. La Moule est un mollusque sociable, on le rencontre sur les points qu'il fréquente en nombreuses colonies; il y consti- tue des populations innombrables, agglomérées à un tel point que les rochers en sont noirs, et qu'il serait impossible de trouver la moindre place inoccupée au milieu de ces es- saims. Hermaphrodite comme FHuître, la Moule se reproduit de la même manière ; après une incubation suffisante du frai dans son manteau, elle laisse échapper un nombre considérable de petites Moules toutes formées, déjà munies de leurs coquilles, de couleur jaune clair et auxquelles leur légèreté spécifique permet de flotter, soit à la surface, soit entre deux eaux, jus- qu'à la rencontre d'un corps solide où elles s'attachent. olih SOCIÉTÉ d'acclimatation. ■ On a observé que la Moule fraie en mars, avril et mai. Cela est vrai, mais d'une manière générale seulement, car il est facile de prouver qu'il y a à cette règle de nombreuses exceptions, à toute époque de l'année on rencontre des nais- sains à peine éclos. Dans des bassins à eau renouvelée où j'étudiais quelques Moules adultes, j'ai vu, à diverses époques de l'année, succes- sivement apparaître une après l'autre de petites Moules néae, on ne pouvait en douter, dans ces bassins mêmes. Dès qu'elle est née, la Moule cherche à s'attacher le plus près possible de la surface de Teau, et elle ne se décide à s'in- slaller au fond que lorsqu'il est recouvert de corps solides contre lesquels elle puisse fixer sonbyssus ou lorsqu'une paroi lui permet de s'élever près de sa surface. A cet égard, il y a sans doute beaucoup à observer encore pourdélerminer d'une manière certaine quelles sont les causes de la formation des nombreux bancs des fonds même vaseux ou herbeux dans telle localité, tandis que dans telle autre les Moules recherchent uniquement les rochers. Dans l'étang de Berre, il existe des bancs de Moules de plu- sieurs lieues carrées, et sur bien des poinis de ces bancs la drague n'amène que de la vase, des herbes sans consis- tance, et comme corps solides seulement des coquilles de car- dium. . Les Moules à l'état de naissain y abondent tellement que j'ai pu trouver, dans un volume d'un décimètre cube de ce mé- lange seulement lavé et débouché de branches d'herbe les plus volumineuses, environ 7 à 8000 Moules. Dans d'autres régions, sur nos côtes, on trouve des rochers couronnés de Moules sur des étendues considérables, sans qu'on ait découvert aux environs des bancs de ce coquillage occupant le fond de la mer. Cela tient-il à l'existence de courants sous-marins qui, dans ce deuxième cas, apporteraient de très-loin les jeunes Moules, et la formation sur place des bancs de l'étang de Berre tiendrait-elle au contraire à l'absence des courants dans ces parages ? MONOGKAIMIIE DE LA MOULE. 5A5 Je suis porté à le croire, avec d'autant plus de raison que les rochers des bords de cet étang, malgré la reproduction considérable qui peut s'opérer dans sa cuvette centrale, sont peu garnis de Moules, tandis que les piles du pont tournant du canal de jonction avec la mer, canal toujours traversé par un courant rapide, se trouvent entièrement recouvertes par ce mollusque. Dans l'un et l'autre cas, la croissance est très-rapide, et . pourtant bien différente dans les conditions d'existence. Là, fond vaseux, eau stagnante. Ici la Moule adhère à une surface verlicille et précieuse, et est éloignée par une eau d'un cou- rant très-rapide et constant, allant vers la mer ou venant delà mer dans l'étang. Autre hypothèse : ne se pourrait-il pas que ce courant ve- nant de la mer amenât dans Tétang des myriades de petites Moules nées dans les bas fonds ou sur les rochers du Hltoral, et que ce naissain, une fois arrivé dans l'étang, se précipitât pour s'y développer sur les fonds où le courant de commu- nication avec la mer cesse de se faire sentir? Je ne serais pas étonné qu'il en fût ainsi, parce que les moulières de l'étang, continuellement labourées parla drague,^ se repeuplent presque immédiatement; on voit même se for- mer très-rapidement de nouveaux bancs là où quelques mois avant il n'y avait pas une seule Moule. Ne pouvant donner une explication de ces faits, il est bon de les constater, au moins pour qu'ils aident, ajoutés à de nou- velles observations, à la découverte de la vérité. Ne semblerait-il pas que ce coquillage si répandu, si vul- gaire, que l'on peut facilement observer partout, devrait être aujourd'hui bien connu? La science, qui a fait dans le monde des infiniment petits des études si profondes, qui a poursuivi de ses investigations les moindres des organisations de la na- ture, combien a-t-elle à Hiire encore pour arriver à la con- naissance complète de ce bivalve au moins aussi utile que les rotifères vibrions et mille autres infusoires sur lesquels eljc a fait tant de découvertes merveilleuses. Il n'en est malheureusement pas de même pour bien des 2^ SÉRIE, T. VllI. — Novembre 1871. 35 546 SOCIÉTÉ d'acclimatation. animaux comestibles de la mer sur lesquels on ne possède en- core que de rares données ; et pourtant il importerait de les étudier à fond, car ici les applications de ces découvertes à l'industrie tourneraient bientôt au profit du bien-être matériel des masses, objet au moins aussi important que la simple sa- tisfaction de l'esprit. Le degré de saturation saline des milieux fréquentés par la Moule de mer peut varier beaucoup, puisque ce mollusque vit et prospère dans la mer dont Teau a + 4 degrés en moyenne et dans les étangs saumâtres où le degré en moyenne ne dépasse pas + 7 degrés et même + 1 degré. Mais, dans des conditions analogues de saturation, l'engrais- sement de ce mollusque n'atteint pas toujours les mêmes pro- portions. Ici, autre problème à résoudre. D'une manière géné- rale, j'ai observé qu'un milieu plus saturé convenait davantage au développement de l'animal. Aussi les Moules de la rade de Toulon, des environs de Marseille et du golfe de For-Vaignée, dans une eau à + 4 degrés, sont, à toute époque de l'année, plus grasses que des Moules examinées au même moment dans l'étang de Berre, où la saturation de Teau n'est que de h de- grés au maximum. D'autre part, sur un même point, presque à toucher, on trouve des Moules grasses et des Moules maigres sans qu'au- cun fait extérieur puisse fournir la cause principale de cette différence. En général, les Moules fixées le plus près de la surface de Teau sont plus grasses que celles du fond. Sans doute la nature de certains fonds est pour beaucoup dans le développement musculaire de la Moule : les herbes qui les recouvrent, les animalcules qui peuplent le milieu ambiant, l'état de stagnation ou de mobilité de ce milieu, le tout joint à la diversité même de ce milieu qui, seul, me paraît exercer la plus grande influence. Parmi les recherches faites dans les auteurs qui ont écrit sur la Moule, j'ai vu que ce mollusque recherchait surtout les mé- langes d'eaux salée et douce, et qu'on le trouvait en abon- dance aux environs de l'embouchure des rivières. MONOGRAPHIE DE LA MUULE. 5A7 Il résulte de toutes mes études sur ce mollusque que ce mélange constituant une eau saumâtre n'est nullement favo- rable à son développement. Nos Moules des environs de Mar- seille et de Toulon sont-elles dans un milieu saumâtre, et leur qualité n'est-elle pas de beaucoup supérieure à celle des Moules de nos étangs salés ? On a dit encore que les côtes vaseuses leur convenaient mieux pour l'engraissement que les fonds rocbeux. Cela est-il absolument vrai? N'avons-nous pas une preuve de l'insuffi- sance des fonds vaseux en présence de la maigreur des Moules de l'étang de Berre , laquelle tend à diminuer depuis l'ouver- ture à plus grande section du canal de jonction avec la mer ? Sans doute il se peut que certains fonds vaseux donnent naissance à de nombreux animalcules servant d'élément à la Moule; mais cette règle, on le voit, n'est pas générale. En nous occupant de la culture de ce mollusque, je reviendrai bientôt sur cette question, et j'indiquerai quel est, selon moi, le moyen d'utiliser pour une production utile tous les milieux où il vit. 11 est un fait digne de remarque, c'est que la Moule se porte naturellement vers certains points, toujours les mêmes, des côtes, abandonnant absolument d'autres points où, au pre- mier abord, semblent se trouver réunies des conditions iden- tiques à celles des lieux fréquentés. Ainsi, grand a été mon étonnement en visitant les rivages de la mer de Nice, de n'y trouver presque aucune Moule fixée aux rocbers des environs, si bien disposés en apparence pour oifrir à ces noires colonies un séjour des plus hospitaliers, tandis que les côtes voisines du département duVar possèdent ce mollusque en abondance. Quel motif peut s'opposer à ce que la propagation s'effectuant de proche en proche, ou aidée par les courants, atteigne le httoral de Nice, mystère insondable jusqu'ici? Pourlant des Moules transportées à Nice et immergées dans les eaux du port y vivaient parfaitement. Ce n'est' certainement pas une question de température, puisque les Moules abondent dans des régions plus chaudes, en Afrique, par exemple; le degré de saturation n'y est pour r^ 5/i8 SOCIÉTÉ d'acclimatation. rien, puisqu'à Nice il est identique à celui de l'eau de Toulon. Il y a donc à cette absence une cause jusqu'ici introuvable pour nous et appartenant sans doute à l'ordre des infiniment petits du monde organique. La Moule paraît susceptible de s'habituer à des tempéra- tures très- diverses. Dans un milieu renouvelé, une chaleur successive et un froid intense n'amènent aucune mortalité. Il n'en est pas de même dans une eau stagnante : la chaleur est alors plus à redouter que le froid, surtout s'il résulte de cette chaleur une décomposition des matières organiques disposées suivant les fonds peuplés. Jamais je n'ai eu l'occasion de constater l'influence fâcheuse du froid, quelque bas que fut le degré de température. J'ignore si dans les régions plus froides de la France il a été fait à ce sujet quelques observations. Il est positif que la Moule est bien moins sensible que l'Huître aux atteintes du froid. On a souvent entendu parler d'Huîtres gelées, mais jamais je n'ai vu regretter pareil acci- dent à propos de Moules. J'ai même ouï dire que parfois, à la baie de l'Aiguillon, en hiver, l'eau contenue dans la Moule se congelait, et que ce coquillage n'en était que meilleur après la production de ce phénomène. Je cite pourtant, sous toutes réserves, ce récit que je tiens d'un boucholeur de Marsilly. Cette assertion prouverait au moins que le froid n'est pas compris parmi les causes de mortalité de la Mpule. L'examen de la coquille de la Moule nous montre que sa croissance doit être plus rapide que celle de l'Huître. L'écaillé de celte dernière, en effet, est composée d'une matière cal- caire rugueuse très-épaisse et très -dense, tandis que la coquille de Moule est lisse, bien plus mince, bien plus légère. En moyenne une Huître exige de trois à quatre années pour devenir succulente, tandis que deux années suffisent à la Moule pour acquérir les mêmes dimensions relatives. On peut donc, dans la moitié moins de temps, recueillir le double de produit sur une même surface, ce qui constitue un nouvel avantage en faveur de la Moule. MONOGRAPHIE DE LA MOULE. Ô/lU La croissance de ce mollusque sur un même point déter- miné ne s'effectue pas toujours régulièrement, il est aisé de s'en apercevoir en observant une grappe de Moules suspendue dans l'eau. Tandis que les unes auront acquis leur développement nor- mal, les autres auront à peu près conservé leur même taille. Cela vient de la gêne imposée à quelques-uns des sujets par leurs voisins situés dans une position plus favorable au déve- loppement. Si alors on supprime les plus grosses Moules, la grappe se trouve ainsi éclaircie, les Moules gênées prennent leur essor et croissent rapidement. La rapidité plus ou moins grande de la croissance influe beaucoup sur le poids relatif de l'animal comparé à celui de la coquille. Plus le développement est prompt, plus légère est la co- quille. Elle est à la fois plus élancée et moins épaisse. Au con- traire, dans le cas d'une croissance lente, il s'opère un épais- sissement de cette coquille qui acquiert aussi plus de largeur. L'animal travaille comme sur lui-mêmC; il arrive même à se raccornir complètement si la gêne imposée o son accroissement normal est trop prolongée. Il est donc difficile d'apprécier d'une manière exacîe le poids moyen de l'animal comparé au poids brut total de la Moule, telle qu'on la sort de l'eau, puisque les éléments de comparaison sont si variables. Sur deux Moules de même hau- teur, 7 centimètres, la coquille de l'une pesait 16 grammes et celle de l'autre 8 grammes 5. Le poids brut, eau comprise, de la première était /il grammes, et celui de l'autre "25. Cet exemple est une preuve à l'appui de ces variations, et encore u'est-il pas choisi dans les cas les plus rares. L'état d'engraissement plus ou moins grand et la densité du milieu influent aussi sur les poids comparatifs. Toutefois , en réduisant toutes ces observations à des moyennes normales autant que possible après maintes pesées sur des Moules de toutes provenances, j'ai pu évaluer à un sixième du poids brut le poids de l'animal, non compris le byssus, qui, d'ailleurs, ne pèse guère suivant les dimensions 550 SOCIÉTÉ d'acclimatation. que un à deux décigrammes. L'eau renfermée dans la coquille entre pour les quatre dixièmes environ du poids brut, et la coquille elle-même pour le tiers. Moyennes utiles à connaître et sur lesquelles nous baserons nos calculs quand il s'agira de la culture de ce produit. La durée de l'existence de la Moule est difficile à préciser exactement. Voici ce que j'ai observé : Durant les deux premières années, la croissance est très- rapide; elle continue durant les deux ou trois années sui- vantes, mais atteignant de moindres proportions relatives. Il arrive un moment où la Moule s'arrête. Vers sa sixième année, aucun nouveau développement apparent n'est remar- qué dans la coquille, qui s'épaissit un peu /La Moule alors a atteint une dimension de 9 à 11 centimètres du sommet à la base. Arrivée à cet état, la Moule dépérit peu à peu, tout au plus vit-elle une année encore ; sa maigreur devient de plus en plus grande jusqu'au moment où le manteau devient mince et transparent comme une légère feuille de gélatine, puis sur- vient la mort. L'examen intérieur de la coquille signale ce dépérissement ; on la voit émoussée un peu vers le sommet vaseux jusqu'aux extrêmes bords, recouverte d'une légère mousse, tandis que les jeunes Moules placées tout à côté présentent leur sommet effilé comme une lame de couteau, leur bord supérieur mar- qué par une zone d'un beau noir ou d'un vert jaunâtre très- brillant et indiquant les progrès de la croissance. Un autre indice de vétusté gît dans le peu de ténacité du byssus; usée, décomposée par le temps, la matière cornée qui le constitue se brise facilement, et la vieille Moule, sentant sa fm prochaine, ne se soucie plus de le consolider ou bien n'en a-t-elle plus la force. La plus longue durée d'existence d'une Moule est donc de six ou sept années au maximum, mais je crois être dans les limites de la vérité pratique en en fixant la moyenne à 5 an- nées seulement. Car, lorsque la Moule a atteint |la période d'arrêt dans sa MONOGRAPHIE DE LA MOULE. 551 croissance , elle est plus faible et moins agile ; elle offre en même temps un accès plus large à ses ennemis; aussi sur deux grappes de Moules composées l'une déjeunes sujets et l'autre de sujets adultes, trouve-t-on au bout de quelques jours plus de morts dans la deuxième. Les valves s'entrebâillent d'autant plus que le sujet est plus erand, et les ennemis de la Moule, le Crabe enragé {cancer 7ninax), et autres crustacés plus vigoureux encore, ont facile- ment raison de ce mollusque passif, dès qu'il leur est permis d'introduire l'une des extrémités de leurs fortes pinces entre les deux valves que cet obstacle empêche de se refermer her- métiquement. La seule défense de la plupart des mollusques testacés gît dans leur coquille, au sein de laquelle ils se retirent comme dans une citadelle. Mais ils ne peuvent vivre longtemps ainsi toutes portes fermées ; il leur faut de l'air, de la lumière, des aliments, et force leur est bien, à unmoment donné, d'ouvrir, d'entrebâiller leurs portes, et c'est aussi ce moment que choi- sissent les assiégeants aux aguets. Et encore certains ennemis n'attendent-ils pas que la co- quille soit ouverte pour pénétrer dans l'intérieur; ils s'atta- quent à l'extérieur, et ont bientôt raison, sans courir le risque d'être faits prisonniers ou broyés eux-mêmes, du test ou rem- part le plus fort. On connaît les ravages que commettent dans les bancs d'Huîtres les bigorneaux perceurs. Il est intéressant de connaître quels sont les ennemis de la Moule pour chercher les moyens de les combattre dans la cul- ture de ce mollusque. Il serait difficile de faire une nomenclature complète de ces ennemis ; ils varient suivantles parages, suivant la place occu- pée par la Moule en bancs verticaux ou horizontaux, suivant la mobilité et la densité du milieu. Et puis, à la destruction de ce mollusque opérée par des êtres organisés qui l'attaquent pour s'en nourrir, il faut ajouter encore les causes de morta- lité provenant de la température, des envasements, de l'en- vahissement des bancs de Moules par d'autres mollusques. J'ai cité déjà les grands crustacés comme ennemis de la 552 SOCIÉTÉ d'acclimatatio>'. Moule, dont ils sont très-friands. Un tout petit Crabe blanc, bien connu, fait, dans les moulières de l'Océan, des ravages consi- dérables. Ce crustacé, espèce de parasite de la Moule, se réfugie dans l'intérieur des valves et vit longtemps là, comme dans une retraite qui l'abrite contre ses propres ennemis; seu- lement il paye d'ingratitude l'hospitalité qu'il a imposée en causant bientôt la mort de la Moule. Ce Crabe parasite n'est rencontré que bien rarement dans les Moules de la Méditerranée. Je n'ai jamais eu l'occasion d'y constater un seul cas de parasitisme de ce genre. Les jeunes Anguilles sont très-dangereuses pour la Moule, dont des bancs entiers peuvent être détruits quand ils sont envahis par un troupeau de montée. L'Anguille a bientôt fait de pénétrer dans l'intérieur du mollusque au moment où ses valves sont ouvertes ; elle se place en direction et, rapide comme un trait, s'élance dans la Moule avant que celle-ci ait pu se refermer. Une fois dedans, elle ronge les impressions palléales de la coquille, qui ne peut plus dès lors rester fermée ; puis, une fois en liberté, elle peut à son aise dévorer tout ou partie de l'animal. J'ai quelquefois trouvé dans les Moules des espèces diverses d'Annélides, mais ces cas se présentent assez rarement. Les bancs situés au bord de la mer sont ravagés, dans cer- taines locahtés, par les rats d'eau. Ce quadrupède intelligent emporte les Moules sur le rivage, où il les dévore dès qu'elles s'ouvrent naturellement après avoir perdu leur eau. J'ai vu des tas de coquilles de Moules ainsi accumulées dans des coins par ce dangereux rongeur. Certains mollusques deviennent funestes à la Moule. Dans l'étang de Berre il existe des bancs de Cardium (Bucarde vul- gaire), dont l'envahissement amène par superposition la des- truction de bancs de Moules considérables. Le Cardium n'est plus dans ce cas un ennemi direct de la Moule; tout aussi passif qu'elle, il veut comme elle, et sur le même point, sa place au soleil et à l'eau; et comme il n'y a qu'une seule et même surface pour cette double aggloméra- tion, il est impossible, quelque peu exigents que soient ces MONOGRAPHIE DE LA MOULE. 553 deux mollusques, quelque grande que soit la prodigalité de la nature à leur égard, qu'il y ait place pour tous. De cette ac- cumulation naît bientôt, sous l'induence des chaleurs de l'été, très-actives sur des eaux peu renouvelées et sur des fonds composés de matières végétales, une décomposition, une mor- talité considérable au sein des deux populations qui se dispu- tent la place. Les Cardiums meurent sans doute par myriades, mais, loin de sauver les Moules, cette mortalité ambiante ne fait qu'aggraver leur situation ; le milieu habité est bientôt infecté, et la drague promenée sur ces bancs, jadis prospères, n'amène plus que des coquilles vides. J'ai tâché de me rendre compte aussi exactement que pos- sible de cette mortalité des Moules dans l'étang de Berre, et je crois y être parvenu. Voici ce que j'ai constaté : D'abord c'est toujours à la fm de l'été, c'est-à-dire au mo- ment des plus fortes chaleurs, que les cas de mortalité ont élé signalés. Cette considération doit être inscrite en première ligne parce qu'elle sert de point de départ à notre argumenta- tion. Quand on drague sur les bancs de Moules de l'étang, on extrait, en même temps que des Moules, des quantités im- menses de coquilles de Gardium, ou des Cardiums vivants. Donc, nul doute au sujet de cette cohabitation des mêmes lieux. Le Cardium vit enfoui dans le sable ou le sable vaseux, la Moule est à la surface du fond. A l'état normal, nos deux populations sont donc étagées, l'une dans les caves, l'autre au rez-de-chaussée; tout irait bien ainsi si, à l'époque des grandes chaleurs, tous les débris organiques mélangés à la vase habitée par les Cardiums n'entraient en décomposition, si, comme disent nos pêcheurs du Midi, le fond ne rebouilUs^ 5«/^jOrt5. Les émanations ne font plus l'affaire des Cardium; ils ne peuvent plus occuper leurs retraites souterraines, il leur faut de l'air ; aussi remontent-ils à la surface occupée par les Moules, se glissent à travers les interstices des grappes et se superposent au banc, qui, ainsi envahi, privé à son tour de lu- mière et d'air, est atteint plus aisément par l'infection du fond et meurt en grande parlie. Les Cardiums à leur tour succom- 55A SOCIÉTÉ d'acclimatation. bent, car ils ne peuvent vivre longtemps hors de leur demeure naturelle, et ils sont d'ailleurs noyés, eux aussi, dans une in- fection qu'ils ont vainement évitée, et leurs coquilles, superpo- sées ou mêlées à celles de leurs victimes, deviennent autant d'appareils collecteurs pour recueillir du naissam et constituer bientôt de nouveaux bancs de Moules. Les Moules ont aussi leurs perceurs, mais ils sont plus rares dans les eaux de la Méditerranée que dans celles de l'Océan. Quand les Moules sont très-jeunes, elles servent de pâture aux divers oiseaux qui fréquentent les étangs et les bords de la mer. Le canard sauvage broie même de ces coquilles avec son bec; mais cette cause de destruction est peu redoutable, et la fécondité de la Moule est telle que tous les vides produits par les diverses causes que je viens d'indiquer sont bientôt com- blés par de nouvelles et tout aussi abondantes générations. La lumière paraît exercer une action très-directe sur l'exis- tence et le développement des Moules. J'ai remarqué qu'elles peuplent de préférence les parois exposées au Midi; leur croissance est plus rapide chez les Moules placées en pleine lumière que chez celles qui vivent toujours à l'ombre. La croissance est plus rapide, il est vrai, dans les régions chaudes ; mais, toutes conditions égales d'ailleurs, il est aisé de constater un arrêt dans le développement de la Moule pri- vée de lumière. Des essais faits dans ce sens m'ont permis de constater en outre une moditication très- sensible dans la cou- leur de l'animal. — Il devient blanc dans une demi-obscurité, tandis qu'une Moule prise dans la même eau au même instant, mais en pleine lumière, présente une coloration jaune très- prononcée. La Moule dans une obscurité complète meurt bientôt... Je n'ai pu réussir à en faire vivre dans ces conditions, et je con- clus de celte observation qu'il ne doit pas exister de bonnes Moules à de très-grandes profondeurs dans la mer; elles y manqueraient de la somme de lumière indispensable à leur existence. {A suivre.) ^EUCALYPTUS. RAPPORT SUR SON INTRODUCTION, SA CULTURE, SES PROPRIÉTÉS, USAGES, ETC., Par M. RAVERET-IVATTEL. (Suite.) Une espèce assez voisine de la précédente, YE, rosir ata (Schlechtendal) , vulgairement Gommier rouge (Red gum tree) , partage à peu près toutes ses qualités. C'est un grand et bel arbre, qui se montre surtout au bord des rivières et dans les terrains humides, où il acquiert parfois des dimensions gi- gantesques. Il habite à peu près toute l'Australie, mais il est inconnu en Tasmanie. Assez rare dans les districts monta- gneux, sa présence dans les plaines arides indique toujours la trace de petits cours d'eau desséchés. Il fournit un bois dur, Irès-comipacte, d'un aspect perlé et d*une jolie couleur rouge, qui le font souvent rechercher pour les travaux d'ébénisterie, utilisant surtout les excroissances du tronc et des racines dont les veines sont assez élégantes. Ce bois, l'un des plus employés pour le chauffage, à cause de son abondance, brûle cependant avec moins de facilité et donne moins de flamme que certains autres ; mais sa braise dégage une forte chaleur qui se conserve longtemps ; son principal mérite, du reste, comme celui du Jarrah, c'est sa résistance à l'action de l'humidité et autres influences atmo- sphériques. Il fournit ainsi d'excellents matériaux de palissa- des, et, quand il est bien choisi, il rivalise avec celui des deux espèces précédentes pour la construction des navires, des je- tées et des ponts, pour la confection des jantes de grandes roues, des traverses de chemins de fer et pour les bâtis des machines. L'écorce de l'^^. rostrata fournit aux papeteries une ma- tière première abondante, mais qui ne peut guère être utilisée 556 SOCIÉTÉ D ACCLIMATAT10x\. que pour la fabrication des papiers d'emballage ou comme pâte à carton. On en a fait cependant d'assez bon papier à filtre, papier brouillard, etc. VE. amydalina (Labillardière), connu vulgairement sous le nom à'Eucalypte menthe-powrée à feuilles étroites {nar- row leaved peppermint tree), est encore une espèce à dimen- sions colossales. Il atteint généralement une hauteur de 150 pieds anglais, soit 50 mètres environ, avec un diamètre de Zi à 8 pieds (l'^.^O à ^"".50) pour le tronc, au niveau du sol. Certains arbres très-âgés de cette espèce, venus dans des conditions exceptionnellement bonnes, peuvent être classés au nombre des géants du régne végétal. On en a trouvé sur divers points de l'Australie dont la cime s'élevait à ZiSO pieds, et dont le tronc, mesurant jusqu'à 81 pieds de circonférence, à h pieds du sol, ne commençaitcà se ramifier qu'à la hauteur de 295 pieds. Le Wellingtonia gigantea, de GaUfornie, peut seul disputer le rang à ces colosses des forêts de l'Australie. Pour se re- présenter les dimensions de pareils arbres, il faut se rappeler que la flèche de la cathédrale de Strasbourg, le plus haut monument qui soit en Europe, ne s'élève pas à plus de /|66 pieds au-dessus du sol. UE. amijgdalina , qui habite la Tasmanie et la Nouvelle- Galles, s'étend aussi dans toutes les régions boisées sud et la colonie de Victoria. Son bois, d'un grain très-serré, est surtout employé pour les palissades ; il est parfois élégam- ment veiné. C'est l'espèce dont le feuillage produit le plus d'huile odo- riférante : le rendement varie de 2 à /i pour 100 du poids des feuilles fraîches ou des jeunes rameaux. CetEucalypte ne paraît pas très-difficile sur la nature du sol, puisqu'on le rencontre ordinairement dans les terrains •sablonneux ou pierreux. Cependant, d'après les observations de M. Rivière, il ne semble pas réussir parfaitement en Al- gérie, où sa végétation est un peu langnissante comparée à celle de ses congénères. Toutefois, notre confrère M. Audibert en a obtenu d'assez bons résultats dans la Crau. \JE. obliqua (L'Héritier) vel rohusta , fabrorum (Schl.), L EUCALYPTUS. . OÙ/ gigantea (J, Hook), vulgairement striiigy-bark (écorce fi- breuse), paraît être une espèce rustique. Elle végète à des hauteurs considérables, et sur de très-pauvres terrains, dans tous les districts montagneux de la Tasmanie, ainsi que des provinces de Victoria et de South-Australia, où elle forme de vastes forêts. C'est un très-bel arbre, dont les sujets de 300 et /iOO pieds de haut, ne sont pas rares, et sa hauteur moyenne peut être estimée à 150 pieds. Le bois, dur, à grain serré et rappelant beaucoup celui de YE. globulus, quoique lui étant inférieur à certains points do vue, est susceptible de recevoir une foule d'applications. On lui reproche de se déjeter et de pourrir facilement; ce qui n'empêche pas de l'employer beau- coup comme bois de construction. Il est d'ailleurs d'une très- grande solidité ; d'après M. Ramel (1), sa force dynamétrique dépasserait même celle du globulus, qui cède à une pression de /lOOO et quelques livres, tandis que Xobliqna ne rompt qu'à 6200 ou 6300 livres. En outre, il présente, grâce à ses veines parfaitement droites , l'avantage de se travailler et surtout de se fendre plus aisément que beaucoup de ses congé- nères ; aussi le recherche-t-on pour la confection des lattes et autres matériaux de pahssades ; on en fait aussi des voliges pour toitures. Mais, comme couverture pour les constructions rurales, c'est surtout son écorce que l'on utiUse ; très-épaisse et facilement détachable, elle s'enlève par de larges plaques, que les indigènes excellent surtout à rassembler et à aplatir pour cet usage; elle donne une couverture à la fois très-lé- gère et protégeant bien contre le soleil et la pluie. Les fibres de cette écorce, comparables à celles du Bliœ gum (E. globulus), mais moins fines et moins solides, sont néanmoins très-employées pour fabriquer des nattes et des paillassons. Du reste, l'écorce , dans toute son épaisseur, peut être utilisée pour la fabrication soit du papier, soit du carton. Elle se prête bien à l'action des broyeuses mécani- ques, donne une pâte qui blanchit facilement et forme la ma- tière première d'excellents papiers à impression , papiers de (1) Bulleliny 1867, p. 286. 558 SOCIÉTÉ d'acclimatation. tenture et autres. D'après M. Mûeller, c'est principalement l'écorce de cette espèce ^Eucalyptus qui est appelée à rendre d'innombrables services aux papetiers, en raison de son abon- dance, car c'est par millions de tonnes que la matière pre- mière peut être livrée à l'industrie. Ainsi que l'a fait très- bien observer M. Ramel, peut-être serait-il possible d'exploiter celte écorce sans dommage pour l'arbre, comme cela se pra- tique avec le chêne-liège. Il existe une variété de YE. obliqua désignée vulgairement sous le nom de gum topped stringy bark, aussi appelée quel- fois ivhite gum, qui diffère du type par l'aspect de son feuil- lage aux reflets bleuâtres comme celui de l'J^. globulus. UE. colossea ou diversicolor, appelé communément /iT^n^", est surtout connu par les dimensions gigantesques qu'il atteint lorsqu'il rencontre un terrain favorable. Dans un des fertiles vallons du bassin de la rivière Warren (Australie méridio- nale), un voyageur, M. Pemberton Walcott, a vu un arbre de cette espèce dont le tronc, carié à l'intérieur, présentait une cavité telle que trois cavaliers, accompagnés d'un cheval de bât, purent s'y introduire sans descendre de leurs montures. • L'jK. microtheca (F. Mûeller), ou Black-Box, est encore un arbre géant des forêts du centre et du sud de l'Australie, où il se montre en grande abondance sur tous les terrains d'al- luvion. Son écorce noire, légèrement fissurée et persistante sur toute la longueur du tronc, est, au contraire, assez hsse et de couleur cendrée sur les branches. Le bois, comparable à celui du noyer, mais plus foncé, plus lourd, et d'un grain plus serré, fournit, pour la construction, des poutres d'une solidité à toute épreuve. Il brûle avec une flamme brillante et dégage beaucoup de chaleur. h'E, stuartiana (F. Mûeller) se montre dans toutes les lo- cahtés de Tasnianie, de Victoria, de Soutb-Austrahe et de la Nouvelle-Galles du sud. C'est une des espèces appelées vulgai- rement Gommiers hXdàio,^ {white-gura trees); on la désigne quelquefois sous le nom à'apple tree, dans les environs de Dandenny, et sous celui de water-gum tree, en Tasmanie, à cause de sa préférence marquée pour les sols fortement ar- l'eucalyptus. 559 ïosés (1). On le trouve, du reste, aussi bien dans les monta- gnes que dans les pays de plaine, et partout on le voit acquérir des dimensions énormes que surpassent seuls les E. a?ni/gda- lina et colossea. Son écorce fournit de bons matériaux pour la fabrication du carton et du papier à enveloppes. VE. corymbosa, Smits (Bloodwood-ù^ee, ou Bois-sang), est un arbre de taille moyenne, qui habite surtout les régions orientales de l'Australie. Il donne un bois de couleur rouge, très-estimé pour le chauffage, mais auquel on reproche de se fendre difficilement et d'être trop résineux; ce défaut, néan- moins, devient quelquefois une qualité, car, précisément à cause de sa nature, ce bois résiste parfaitement à l'humidité, et peut être enterré impunément. On en fait d'excellentes pa- lissades, et il pourrait convenir à une foule d'usages dans les arts industriels. Le papier est surtout remarquable par sa très-grande solidité. VE. corymbosa est une des espèces qui conviennent le mieux aux terrains secs. VE. goniocalyx (F.Mûeller) est un des White ç/iim trees ou Gommiers blancs, nom vulgairement donné à plusieurs espèces présentant pour caractère commun de fournir un bois dur, à grain très-serré et, par suite, fort employé dans les travaux de construction ; celui du goniocalyx Q^i particulièrement uti- Hsé pour faire des douves de tonneaux ; il passe pour un médiocre chauffage. Cette espèce, qui donne des arbres de très -grande taille, croît surtout dans les forêts humides des montagnes ; inconnue en Tasmanie, elle paraît limitée aux districts les plus fertiles de Victoria et du Sud de la Nouvelle- Galles, où elle est désignée quelquefois sous le nom de Spot- ted giim tree. Son feuillage est riche en huile volatile, et l'écorce fournit une pâte excellente pour papiers à enveloppes, mais assez inférieure pour papiers d'impression. VE. fissilis (F. Mûeller), vulgairement Messmate, est une espèce assez voisine de la précédente et présentant les mêmes (1) Toutefois, notre confrère M. Cordier l'a vu, en Algérie, résister inieux à la sécheresse que certaines autres espèces, notamment V^. globulus» 560 SOCIÉTÉ d'acclimatation. qualités, tout en se montrant moins difficile sur la nature du terrain, car on la trouve dans les districts montagneux les moins ierliles. Son bois, à grain dur et serré, se fend bien ; il s'emploie pour la construction et surtout dans la carros- serie; on en fait des flèches et des timons de voitures, de charrues, etc. L'arbre, ordinairement de grande taille, est connu des indigènes sous le nom de Dargogne, VE. Inophloia (F. Miieller), ou Mountain-ash (Frêne des montagnes), doit son nom vulgaire à la ressemblance éloignée qu'il offre, comme port, avec le Frêne d'Europe. C'est un grand arbre des forêts montagneuses du sud et de l'est de Victoria. Son bois, assez semblable à celui de XE. goniocohjx, n'est peut-être point aussi estimé qu'il le mérite ; on l'em- ploie cependant fréquemment dans la charronnerie pour jantes de roues légères, et il convient à une foule d'autres usages. VE. leucoxylon (F. Miieller) est désigné vulgairement, suivant les localités, sous les noms de Box-ivood, Mountain- ash, White gum tree^ spurious ironbark^ etc. Il donne un bois de couleur grise, facile à travailler, bien que d'un grain re- marquablement dur et serré, d'une force et d'une ténacité très-grandes, et qui résiste parfaitement à un séjour pro- longé sous l'eau ou en terre. Il s'emploie dans la carrosserie et convient surtout à la fabrication des roues d'engrenage pour les moulins. Il reçoit aussi de nombreuses applications dans la construction des navires, notamment pour faire d'excellents gournables. L'écorce peut être convertie en pâte pour papiers communs. Cette espèce, de grande taille, croît dans les montagnes peu fertiles de la Nouvelle-Galles du Sud, de Victoria et de South- Australia; sa présence indique généralement un terrain aurifère. VE. dealbata (Cunningham), ou Grey box tree^ grand arbre des montagnes de Victoria, fournit un bois très-semblable au Box-wood {E. leucoxylon) et employé aux mêmes usages. Quand l'écorce est enlevée, il est presque impossible de les dis- tinguer. l'eucalyptus. 561 UE. sideroxylon (Gunningham), ou siderophloia (F, Mill- ier), arbre très droit et très-élevé des montagnes d'x\ustralie, se rencontre généralement dans les sols quarlzeux aurifères. Sonécorce, très-rugueuse et épaisse présente toujours de pro- fondes fissures longitudinales qui le rendent aisé à reconnaître. Celte écorce renferme de nombreux dépôts d'une substance résineuse particulière, qu'on extrait par distillation, sous forme de naphte végétal. Le bois, l'un des plus durs du pays, en même temps que des plus élastiques, est d'une extrême solidité et résiste admi- rablement à l'action de l'eau ou de l'humidité, aussi l'em- ploie-t-on beaucoup dans la construction des ponts, jetées, digues, etc. La carrosserie F utilise de diverses façons; il trouve d'ailleurs de nombreuses applications dans les arts industriels, et l'on s'en sert fréquemment pour les roues d'engrenage de moulins ou autres. Cette espèce, généralement connue dans le pays sous le nom à'Iron-bark^o^vQ trois variétés, la noire, la grise et la rouge, qui, toutes trois, préfèrent les terrains secs. Les sujets très- âgés sont quelquefois creux et cariés à l'intérieur. VE» î;«mm«//5 (Labillardière), très-commun dans les par- ties humides de la Tasmanie et de toute la région Sud-Austra- lienne, s'élève généralement à la hauteur de 150 pieds et peut atteindre jusqu'à 300 pieds, avec un tronc de 5 à 6 pieds de diamètre. Son magnifique tronc à écorce blanche et lisse lui a valu parfois le nom de White gum^ mais il est plus géné- ralement désigné sous celui de Sioamp gum {Sioamp, ma- rais), à cause de sa prédilection marquée pour les terrains très-mouillés et presque marécageux (1). C'est un arbre de plaine, qui vient mieux isolément que dans les forêts épaisses et qui résiste fort bien, parait-il, au vent de la mer. Notre con- frère, M. Durieu de Maisonneuve, l'a trouvé assez rustique et supportant bien le froid sous le climat de Bordeaux. (1) Cependant, M. TroUicr [Boisement dans le désert) etc. Alger, 18G9) dit qu'il n'îsiste d'une façon admirable à la sécheresse. Peur-ètre veut-il parler de la variété dite Manna rjum tree, plus propre aux terrains secs. 2« SÉRIE, T. Vlll. — Novembre 1871. . 36 562 SOCIÉTÉ d'acclimatation. On en connaît une variété plus petite, le Manna (fum tree, très-commune dans les environs d'Hobart-Town et qui convient mieux aux terrains secs. Elle doit son nom à une substance douce et sucrée, sorte de manne qu'excrètent en abondance au printemps les feuilles et les jeunes rameaux, à la suite de piqûres d'insectes ou de toute autre blessure légère. L7i. c/^rzof/^r«(Hooker), espèce assez peu répandue, croît principalement sur les côtes orientales de l'Australie, dans la Nouvelle-Galles du sud et le territoire nord de Quem's4and. Elle est surtout remarquable par l'odeur agréable et péné- trante de son feuillage, qui lui a valu le nom de Citroyiscentcd gum et qui est due à une huile volatile très-abondante, facile à obtenir par distillation. L'arbre à écorce de couleur cendrée et lisse, atteint une hauteur de 50 à 80 pieds et donne un bois qui se travaille facilement. L'Zs. melliodora (Cunningliam) est un arbre de taille moyenne, préférant les collines peu élevées et découvertes, particulièrement celles de formation miocène. Il est connu sous les divers noms vulgaires de Box-tree, Yelloiv-box-tree et Peppermint-tree. VE. odorata (Schl.) est aussi un des Peppermint-tree. Il aime les terrains élevés, découverts et surtout de nature cal- caire. Cette espèce craint peu la sécheresse ; on la désigne comme une de celles à essayer de préférence dans le Sahara algérien. Elle est inconnue en Tasmanie et ne se rencontre que sur le continent australien. VE. loiigifolia (Link), grand arbre d'un port magnifique, habite la Nouvelle-Galles du Sud et la partie orientale de Gipp's land (Victoria). Il paraît fournir un très-bon bois, résis- tant bien à l'humidité ; on en a vu des poteaux rester près de vingt ans en terre sans s'y détériorer. La charronnerie et la carrosserie l'emploient pour les rayons de roues ; c'est en outre un excellent bois de chauffage. Les fibres de son écorce donnent un assez bon papier à enveloppes. h'E. hœmastoma (Ferd. Millier), ou Spotted gum^ croît parfaitement dans les terrains secs, où son tronc, bien droit, s'élève à 90 pieds de haut. Le bois, dur, solide, élastique^ l'eucalyptus. ' 56:i sert aux mêmes usages que celui de Vlron-bark {E, sideroxjj- lo?f), mais il est plus facile à travailler ; on en fait des dents pour les roues d'engrenage ; presque tous les manches de pioche *de haches, etc., sont faits avec ce bois. Les indigènes emploient en guise de torches les jeunes rameaux du Spotted- gum qui brûlent avec une flamme brillante. L'is. Woolsii (Ferd. Mijller) ou Woolsiana, grand arbre des parties les plus orientales de Gipp's land (Victoria), où il est connu sous le nom vulgaire de Woollybuit, fournit un bois rougeàtre, dur, à grain serré, utilisé surtout pour faire des rayons de roues, comme celui de VIron bark {E. Sidero- .2^y/o/^), auquel il est un peu inférieur. On le débite facilement en lattes pour en faire des palissades. VE. tereticornis (L. M.) ne se plaît que dans les terrains bas et humides. C'est une bonne espèce à essayer dans les endroits marécageux. Elle est très-ornementale et atteint d'assez grandes dimensions dans un sol fertile. Son bois, élas- tique et résistant, s'emploie dans la carrosserie. Cet arbre est généralement connu sous le nom de Reaai\ ou Blue giim of Brisbane. UE. persicifolia (Lodd.), ou Blackbuit, est peut-être l'es- pèce qui subit le moins l'influence de l'air de la mer; il con- serve presque toute sa taille sur les côtes opposées au vent, là où ses congénères, sous cette pernicieuse influence, ne sont plus que des arbrisseaux rabougris. Dans les forêts de Gipp's land, où il est assez commun, on en rencontre de magnifiques sujets. Le bois, rouge, à grain net, est peut-être moins estimé qu'il le mérite ; moins employé que beaucoup d'autres, il ne leur paraît cependant inférieur en aucune façon. Le feuillage de Blackbutt.^ fournil par la distillation une huile volatile, dont l'odeur assez agréable rappeUe celle du vétiver. LE. microscorys (Ferd. Millier), une des espèces connues vulgairement sous le nom de Stringy-barks (écorce fdjrouse) est un arbre de haute futaie, qui croît de préférence sur les pentes des montagnes. Le bois, qui ne craint pas l'humidité et ne pourrit pas en terre, passe pour un médiocre combustible. 56/i SOCIÉTÉ d'acclimatation. Les E. corlacea et Gwmii (J. Hook), son deux espèces par- ticulièrement intéressantes à cause de leur rusticité et de leur peu de sensibilité au froid. On les rencontre jusqu'à des hauteurs de 5000 pieds au dessus du niveau delamer'cn Tas- manie et dans les montagnes de Victoria, où les neiges per- sistent presque toute l'année à 6000 pieds environ. A de pa- reilles altitudes, ils se ressentent de la rigueur du climat et ne sont plus que des arbrisseaux rabougris formant d'im- menses halliers très-touffus ; mais, plus on descend, plus leur taille s'élève, et, dans les vallées basses, ils deviennent de grands et beaux arbres ; à partir de /lOOO pieds d'altitude, ils acquièrent tout leur développement. Ce sont surtout ces deux espèces dont l'introduction pré- sente le plus de chances de réussite dans le centre de l'Eu- rope et les autres parties de la zone tempérée, car elles résis- tent bien aux vicissitudes du climat. i\I. Ramel a vu un jeune E. coriacea supporter parfaitement le froid d'un hiver pari- sien dans un terrain élevé, exposé au nord et près de la Seine. VE. Giinnii est l'espèce la plus commune dans les forêts qui couvrent presque toutes les montagnes du territoire de Victoria ; sa croissance y est assez rapide, et il fournit quelque- fois de très-beaux sujets d'une hauteur de 200 pieds. Il réussit moins bien dans les plaines humides : ses dimensions y flépassent rarement celles d'un arbre ordinaire. En Tasmanie, comme sur le continent australien, on le désigne générale- ment sous le nom. de Mountain-White-gum-tree. VE. oleosa ou Mallee-tree a été tout spécialement désigné par M. Ramel (1) comme un arbrisseau susceptible de rendre de très-grands services dans le Sahara algérien. Sa taille dé- passe rarement 12 pie^ls de haut, mais il est ordinairement ramifié dès la base, et il forme, avec les E. dumosa (Gunn.) cisocialis (Ferd. MûUer), ces fourrés impénétrables, connus sous le nom de Mallee scrub, qui couvrent des espaces im- menses en Australie. Il végète sur les plus mauvais terrains, et résiste fort bien h la sécheresse et à la poussière dans le (V) Bulletin, 1861, p. M3. l'eucalyptus. 5(35 grand désert de Murray. Cet Eucalypte émet presque à la sur- face du sol des racines horizontales, qui renferment une eau très-pure et très-saine ; il suffit pour se la procurer de couper ces racines par tronçons et de les laisser égoutter. C'est une ressource que les naturels mettent fréquemment à profit. Celte espèce justifie son nom d'0/eo.srt par la quantité con- sidérable d'huile essentielle que renferment ses feuilles. Une des villes qui se sont élevées comme par enchantement dans les districts aurifères de l'Australie, fut longtemps éclairée avec du gaz extrait de cette essence. En été, les feuilles et les jeunes rameaux del'^. oleosa se couvrent d'une, substance saccharine, parfois si abondante qu'elle ressemble à du givre. C'est le produit d'une sécrétion, ou plutôt d'une excrétion, déterminée par les piqûres de myriades de larves d'un insecte hémiptère de la famille des Psylles. L'^. calophylla est une espèce très- ornementale, par ses feuilles persistantes, larges et coriaces, ressemblant à celles d'un Ficus. Cet arbre, assez peu répandu, résiste bien dans les terrains secs ; mais, relativement à celle de beaucoup de ses congénères, sa croissance est un peu lente, ainsi que M. Rivière a pu le constater en Algérie (1). On fait le même reproche à une espèce voisine, VE. saligna, encore peu connue. Les£'.ac^r?;?//^(Sieber), megaccaya, cjom j^hocephala^ vul- gairement le tuart, toutes espèces de l'Australie méridionale, ont une croissance plus rapide et sont de magnifiques végé- taux d'ornement, ainsi que Y Eucalyptus corynocalyx, qui s'arrondit en boule et diffère par là sensiblement de toutes les autres espèces (*2) . En Europe, les Eucalyptes ne sont généralement désignés (1) Bulletin, 1871, p. 32. (2) Eli passant ici en revue les principales espèces du genre Eucalyptus, nous avons dû nécessairement laisser de côté leur description botanique, qui nous eilt entraîné beaucoup trop loin, et nous borner à donner simplement tous les renseignements d'utilité pratique que nous avons pu recueillir sur leur compte. Qu'il nous suffise de rappeler que les caractères spécifiques de ces végétaux se trouvent décrits dans plusieurs ouvrages de science pure 566 SOCIÉTÉ d'acclimatation. que sous leurs noms scientifiques, le plus sûr moyen de ne point confondre une espèce avec une autre ; mais il n en est pas de même en Australie, où presque tous ont reçu des noms vulgaires, qui, non-seulement varient beaucoup, mais qui, parfois, en outre, suivant les localités, servent à désigner des espèces très- différentes. De là, dans le pays même, des erreurs assez fréquentes, surtout pour les achats de bois. Le même inconvénient s'est produit quelquefois lors d'importa- tions de graines d'Eucalyptes, et de semblables erreurs peu- vent avoir de très-regretlables conséquences lorsqu'il s'agit de tentatives d'acclimatation : aussi avons-nous pensé qu'il ne serait pas inutile de dresser la liste alphabétique ci-après des noms d'Eucalyptes les plus répandus, en donnant en re- gard les noms scientifiques auxquels ils s'appliquent : Apple-tree (Pommier ?) E. Stuartiana. Blackbox-tree (bois noir) E. microtlieca. Blackbutt-tree (tronc noir) E. persicifolia. Bloodivood (bois-sang) E. corymbosa. Bliie gum-tree {^ommïev h\Gn).. E. globulus (en Tasmanie). E. megacarpa (Victoria). E. Tereticornis (Queen's- lancl). Box-tree E. melliodora. Box-Vood-tree (bois de buis). . . E. Leucoxylon. Dandenong bastard peppermint. E. amygdalina. Grey-box-tree (buis gris) E. dealbata. /ron 6arfc (écorce de fer) E. sideroxylon. E. Leucoxylon (Nouvelle Galles du Sud). Karri Eumhjpte ï. colossea. Mallee-tree, Malle scrub • . E. oleosa. Mannagum {gommier h mdiime). E, viminalis. Messfncite iissuis. Mountain ash (Erène des mon- E. InopUloia. E. Leucoxylon (dans quel- ^ g^ ques parties de la Nouvelle-Galles du du Sud). notamment, la belle Flore Australienne tout récemment publiée par le pré- sident de la Société linnéenne de Londres, avec la collaboration de notre sa- vant confrère M. Ferd. Millier (Benlliam et Miiller, Flora Australiensis. Vol III p- 185-261). On peut également consulter l'excellent travail sur les végétaux d'Australie que nous avons dcVjà plusieurs fols cité : Fragmenta Phijtographiœ Australian (Ferd. ^luller). l'eucalyptus. 5^7 Mountain White gum (Gommier blanc des motagnes) E. Gunnii. Peppermint-frce (Menlliepoivr.) E. amygdalina, Melliodora et odorata. Redar ' E. terelicornis. Red gum (Gommier rouge) E. rostrala et tereticornis. Serub gum E. dumosa. Spotted gum (Gommier tacheté). E. Hœmastoma et goniocalyx. Spurious (faux) Iron bark E. Leucoxylon. Stringy bark-tree (écorce fi- breuse) E. gigantea, obliqua et microcorys. Swamp gum (Gommier des ma- rais) E. Viminalis. Tasmanian peppermint-tree . . . E. amygdalina. Tuart E. Goniphocephala. White gum (Gommier blanc). . . E. goniocalyx , leucoxylon , Stuartiana (Nouvelle-Galles du Sud et viminalis (Tasmanie) . Woollybutt (ironc laineux) E. Woolsii et longifolia. Yallow-box-tree (buis jaune) . . . E. melliodora. Culture. — Résultats déjà obtenus. Si ;ron se rappelle que la Tasmanie est traversée par le 42" degré de latitude, comme la Corse ; que les chaleurs, tou- jours tempérées, ne s'y prolongent pas assez pour que l'olivier y soit cultivé avec profit, et qu'enfin les hivers y ont une cer- taine rudesse, on se rendra aisément compte de la faciUté avec laquelle s'accommodent du climat de tout le bassin de la Méditerranée les Eucalyples en général, et plus spécialement VE. globulus. Se développant dans les terres humides et fer- tiles avec cette vigueur prodigieuse qu'on lui connaît, cet arbre semble au besoin braver la sécheresse et doit peu s'in- quiéter de l'altitude, puisqu'on le voit croître en AustraHe de- puis le bord de la mer jusqu'aux cîmes élevées de montagnes couvertes de neige en hiver. De là cette rapidité avec laquelle il s'est répandu dans nos départements méridionaux ainsi qu'en Algérie, où le manque d'eau ne paraît pas être un véritable obstacle à son développement, puisque «l'on voit de jeunes plants venir à merveille sur des terrains déclives, et par cela même naturellement secs » (M. Hardy). 568 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Toutefois, les avis sont peu d'accord sur la question de l'irrigation du sol. C'est ainsi que M.Naudin, dans deux notes récentes (1), révoque positivement en doute la possibilité d'obtenir quelques succès dans des terrains positivement secs ; tandis que des témoignages non moins sérieux viennent sou- tenir le contraire : M. Richard (du Cantal) a vu, en Corse, des Eucalyptus globulus croître vigoureusement dans des situations nullement irriguées; MM. Cordier, en Algérie, ont obtenu « une végétation passablement rapide dans un sol sablonneux et naturellement sec »; enfin, M. Trottier, qui est si bien à même de connaître le tempérament des Eucalyptes, ne songerait point à faire, dans le Sahara, des plantations de l'importance de celles qu'il prépare, si ses propres observa- tions n'étaient pour lui un puissant encouragement. D'après M. Hardy, « pour que les Eucalyptus (globulus) s développent bien,\\ leur faut une bonne terre dans l'acception du mot, c'est-à-dire profonde, perméable, ni légère ni com- pacte, et qui conserve néanmoins une certaine fraîcheur. Les terrains arides, graveleux, maigres, secs, ne leur conviennent pas, cà moins qu'on puisse les améliorer par des amendements, des engrais et d'abondantes irrigations pendant l'été. Les terrains humides et tenaces leur sont manifestement con- traires. » 11 est bien évident que, dans un sol convenablement hu- mide, les Eucalyptes, comme tous les arbres possibles, au- ront beaucoup plus de chances de réussite que dans un sol aride, où ils pourront ne végéter que médiocrement et perdre plus ou moins cette rapidité de croissance qui les ca- ractérise en général. Mais ce serait déjà un immense résultat que de pouvoir, grâce à eux, obtenir des arbres au milieu des sables du désert, et quand on voit, sinon l'Eucalyptus globulus, du moins plusieurs de ses congénères, prospérer dans certaines régions sahariennes du continent' austraUen, il est permis de croire qu'elles ne végéteront pas moins bien sur les limites du désert algérien. (1) Bu'lelin, 1870, p. 613; 1871, p. 587. l'eucalyptus. 569 En ce qui concerne la résistance au froid, l'Eucalyptus est, omme tous les végétaux , beaucoup plus délicat dans son jeune âge que lorsqu'il a atteint un certain développement. Un froid assez vif (5 cà 6°— 0), mais de courte durée, semble lui être moins préjudiciable qu'un abaissement de tempéra- ture moindre, mais prolongé, et plus il a végété durant un été long et cbaud, mieux il supporte les oscillations du ther- momètre pendant l'hiver suivant (l). Ainsi, dans l'extrême midi de la France, dans le Var, par exemple, où il se déve- loppe avec toute sa vigueur, un froid de 7 degrés n'entraîne pour lui aucune conséquence fâcheuse, tandis qu'il ne résiste guère à une température inférieure à 6 degrés, dans la Gi- ronde, où sa végétation est moins énergique. A Bordeaux, de jeunes sujets, disposés en massifs, où ils s'abritent mutuelle- ment, résistent bien aux hivers doux; mais les sujets isolés doivent être rentrés en serre froide , ainsi que l'a constaté notre confrère Durieu de Maisonneuve. Dans les vallées peu abritées des Pyrénées orientales, «5 à 6 degrés de froid, d'après M. Naudin (2), les maltraitent gravement», tandis que, dans sa propriété de Lamalgue (près Toulon) M. le baron Jules Gloquet les a vus supporter parfaitement 8 degrés au- (1) Il ne fait, d'ailleurs, en cela qu'obéir à la loi commune, car la force de résistance des végétaux aux extrêmes de la température est très-généra- lement en raison inverse de la quantité d'eau qu'ils contiennent. C'est ainsi que les gelées d'automne sont moins nuisibles que celles du printemps parce qu'à l'arrière saison les parties vertes des plantes sont moins aqueuses. C'e^t également ainsi qu'un hiver rigoureux est moins redoutable après un été long et chaud qu'après un été pluvieux, parce que les arbres sont, comme on dit, mieux aoûtés et contiennent moins d'eau. D'autres faits peuvent encore être cités à l'appui de ce principe. M. Chatin rappelait récemment {Bulletin, 1871, p. MiO) i[i\e\es Aspidistra \)eu\cn\, jusqu'à un certain point, résister au froid quand on leur fait subir une lé- gère dessiccation, qui les rend moins sensibles à l'abaissement de la tempé- rature; que dans les forêts, ce sont surtout les bas-fonds, mieux abrités mais plus humides, qui gèlent, et non les sommets, qui sont plus secs. En- fin, même en Algérie, les végétaux supportent moins bien les intempéries hivernales dans les localités fortement irriguées que dans les endroits secs, parce que leurs tissus sont trop pleins de sucs aqueux. (2) liulleiin, 1871, p. 387. 570 SOCIÉTÉ d'acclimatation. dessous de 0. D'après cela, on voit que des observations plus nombreuses et surtout plus complètes que celles qui ont été faites jusqu'à présent, sont encore nécessaires pour déterminer exactement le degré de froid auquel peut résister l'Eucalyp- tus. Suivant M. Naudin(l), cet arbre aurait «presque le même tempérament que l'oranger et gèlerait à 7 degrés au- dessous de 0. Mais, en raison des causes multiples qui peuvent influer sur la rusticité du végétal et de l'importance capitale de cette question, on ne saurait mettre trop de prudence à se prononcer, et surtout se garder des jugements prématurés. Nous reviendrons sur ce point délicat en passant en revue les résultats des tentatives d'acclimatation faites dans nos dépar tements de l'ouest et du midi. (1) Bulletin, 1871, p. 613. {La suite au prochain numéro.) NOTE SUR LE SPARTE ET SUPi QUELQUES AUTRES VÉGÉTAUX ALGÉRIENS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE UTILISÉS DANS LA FABRICATION DU PAPIER Par IW. RAVERET-WATTEIi. M. le docteur Turrel a récemment (l) appelé l'attention de notre SociélésurTavantage que présenterait l'introduction delà culture du Sparte dans plusieurs de nos départements méri- dionaux et sur le parti que l'industrie française pourrait, dès maintenant, tirer de cette plante si commune en Algérie et déjà exploitée sur une grande échelle par les papeteries d'An- gleterre. Le travail substantiel de M. Turrel enlève une grande partie de leur intérêt à quelques documents que j'avais de mon côté réunis sur le même sujet, ayant l'intention d'en faire l'objet d'une note, que le manque de temps m'a seul empêché de ré- diger plus tôt. J'espère cependant que l'on ne trouvera pas tout à fait superflus certains détails qui me paraissent pouvoir compléter ceux déjà donnés par notre confrère, et que je dois en grande partie à l'extrême obligeance de M. Teston, con- servateur de l'Exposition permanente de l'Algérie et des colo- nies au palais de l'Industrie. Si de temps immémorial les Espagnols et surtout les Bas- ques utilisent de diverses façons les feuilles et les tiges fibreuses du Sparte, depuis fort longtemps aussi les popula- tions indigènes de l'Algérie savent tirer parti de cette rustique graminée qu'ils désignent sous le nom àWlfa et dont ils fabri- quent des paniers, des tapis, delà chaussure, des chapeaux, des sacs, ainsi que d'excellentes cordes. Et la matière pre- mière ne leur manque point, car, en Algérie comme en Espa- o-ne, XAlfa couvre les plus mauvais terrains, envahit les sols les plus arides, aussi bien sur le littoral que dans l'intérieur et jusque dans le Sahara. Partout il résiste à la sécheresse et (1) Bull de la Soc. d'acclim., 2« série, t. VIII, 1871, p. /|88. 572 SOCIÉTÉ d'acclimatation. aux chaleurs lorrides du climat; alors que toute autre végéta- tion périt, brûlée par les ardeurs du soleil, lui seul ombrage la terre et le roc de ses touffes vivaces et luxuriantes, hautes de 1 mètre ai"", 50. Les Arabes, aussi bien que les colons, du reste, confondent sous le nom à' Alfa des plantes assez diverses, bien que toutes de la famille des Graminées; ce sont les Lygeum spartiiim, la Slipa tcnacissima, ou véritable Sparte, la Stipa gigantea, cihStipa barbata. Toutes ont d'ailleurs la même aptitude, les mêmes qualités et la même valeur. On ne fait pas de diffé- rence entre ces diverses sortes à' Alfa, soit pour la récolte, soit pour la vente. Comme l'a parfaitement constaté M. le docteur Turrel, c'est particulièrement dansla province d'Oran, les environs d'Arzew, que VAlfa se montre en plus grande abondance. Aussi, depuis longtemps déjà, deux établissements se sont-ils formés, près d'Oran, pour la vente en gros de ce produit que les indigènes y apportent et dont ils liront un bénéfice assez sérieux pour que l'année dernière, plutôt que d'abandonner cette récolte, ils aient renoncé à couper leurs grains (1). C'est là le grand centre d'approvisionnement pour les maisons anglaises qui utilisent X Alfa dans la fabrication du papier. Ailleurs, on n'exploite guère ce végétal que pour la confection des ouvrages de sparterie ou la préparation du crin végétal. Certaines pa- peteries d'Angleterre commencent cependant à faire quelques achats dans la province d'Alger. L'emploi de Y Alfa comme matière première pour la pâte à papier n'est pas une idée neuve. 11 y a plus de vingt ans que l'administration française a mis cette question à l'étude et que des essais ont été faits par ses soins dans plusieurs fabriques. On peut voir, dans les collections de l'Exposition algérienne, au palais de l'Industrie, des échantillons ^^Alfa brut et pré- parés en pâle à papier, ainsi que des spécimens de papier. Les premiers échantillons de pâte proviennent d'une fabrique (1) Lettre de M. le gouverneur général de l'Algérie à M. le ministre de la guerre. LE SPARTE. 5"'^ créée à THarrack (province d'Alger) en 1855, mais qui n'exisle plus aujourd'hui. Des essais officiels ayant dès longtemps démontré que les fdjres de VAlfa possèdent toutes les qua- lités requises pour suppléer le chiffon dans la préparation de la pâle cà papier, on s'élonnera peut-être que les papeteries françaises n'aient, pour ainsi dire, pas encore tiré parti de ce produit et se soient laissées devancer par l'industrie anglaise. Cette observation lient en grande partie à une cause qu'il n'est pas inutile de faire connaître. La France consomme annuellement 500 mUlions de kilo- grammes de chiffons pour la fabrication du papier nécessaire à ses besoins. Cette quantité, jusqu'cà présent, elle l'a trouvée chez elle, sinon en totalité, du moins en grande partie. Long- temps, du reste, elle s'en est assuré la possession exclusive en prohibant la sortie du chiffon à sa frontière. Mais depuis que les traités de commerce ont permis à certains Étals, comme rAngleterreet la Belgique, de venir se pourvoir chez nous, moyennant un droit lixe de l'2 francs par 100 kilogrammes, le chiffon devient plus rare; la récolte qu'on en fait tend d'ailleurs plutôt à diminuer qu'cà augmenter, tandis que la consommation du papier s'accroît chaque année, en sorte que le moment ne paraît pas éloigné où la France se verra obli- gée, comme d'autres pays, d'avoir recours aux matières pre- mières du dehors pour satisfaire aux nécessités croissantes de sa fabrication. L'Angleterre est, depuis bien des années, entrée dans cette voie. On estime actuellement à 10 millions de tonnes, d'une valeur approximative de 6'25 millions de francs, la quantité de libres textiles qu elle importe chaque année, en vue seule- ment de la fabrication du papier. Sur cette quantité, \Alfa qu'elle tire du midi de l'Espagne et de l'Algérie entre au moins pour un tiers. Aussi a-t-elle créé depuis quelque temps, dans les deux pays, des comptoirs spécialement chargés d'acheter, de centraliser et d'expédier les produits. lien est qui ont déjà une importance considérable. Aujourd'hui encore, nous n'avons guère en France qu'une seule papeterie où VAlfa soit employé sur une échelle un peu importante, c'est celle de M. J. Cruzel, à Dieppe. Ce n'est pas 57Zi SOCIÉTÉ d'acclimatation. que de nombreux essais n'aient été tentés par d'autres mai- sons, essais qui ont tous donné des résultats satisfaisants; mais cependant aucune de celles qui s'en étaient occupées d'abord n'a persisté dans l'emploi de cette matière première recherchée avec tant d'empressement par les Anglais. Il y a deux ans environ, un Écossais du nom de Hinshelwood, pro- priétaire d'un des établissements de la province d'Oran dont il est question plus haut, s'est abouché, par l'entremise de M. le conservateur de TExposition permanente algérienne, avec plusieurs fabricants de Paris et des environs, notamment avec les maisons Firmin Didot (papeterie de la vallée de l'Eure) et Ferey (papeterie d'Essone); les Alfas présentés par lui ont été expérimentés avec succès, des promesses de com- mandes ont été faites, mais nous croyons savoir qu'aucune ne s'est encore réalisée jusqu'ici. En Angleterre, les principales papeteries où l'on utilise ry4//« d'Algérie sont celles de M. Edward Lloyd, 12, Salis- bury-square, h Londres, et de MM. Brown, à Londres et ta Newcastle. Beaucoup d'autres maisons moins importantes s'en servent aussi; mais elles tirent en grande partie leur matière première du midi de l'Espagne. Il est rare que \Alfa soit employé sans mélange de chiffon. La plante, débarrassée des matières minérales et résineuses qu'elle renferme, est amenée à l'état de fils résistants et ner- veux, qui sont broyés par des cylindres, puis blanchis à l'aide d'agents chimiques. On obtient alors une pâte fme ou gros- sière, suivant les besoins. Mêlée à la pâte de chiffon, elle lui communique de la consistance, en même temps qu'elle s'adou- cit elle-même par le mélange. Cette pâte revient environ à 30 francs les 100 kilogrammes. VAlfa se vend soit au poids (de 15 à 18 fr. les 100 kil.), soit en balles pressées d'un mètre cube, au prix de U à 16 fr. la balle. Avec les frais de transport, il peut revenir, en France, à 25 ou 30 francs le quintal, prix bien inférieur à celui du chiffon de choix, qui dépasse souvent 50 francs. Les chiffons vendus une trentaine de francs le quintal ne sont que des ré- sidus d'étoffes de coton, dont on n'obtient qu'un papier sans consistance* LE SPARTE. 575 En Algérie, la produclion naturelle et spontanée de X Alfa est tellement abondante qu'on peut la considérer comme illi- mitée et quïl n'est point nécessaire de recourir à des cultures spéciales. Mais, dans le midi de la France, où tant de terrains arides sont complètement improductifs, ce serait certaine- ment accomplir une œuvre utile que de propager la culture de cette plante, dont la rusticité lui perniet de braver impu- nément la chaleur et la sécheresse (1). * On sait que les papeteries anglaises utiUsent non-seulement V Alfa, mais encore plusieurs autres plantes textiles qui ap- partiennent pour la plupart à la famille des Palmiers. L'indus- trie hollandaise emploie pour le même usage des végétaux de la f^imille des Broméliacées et de celle des Urticées. En Algé- rie, à côté de l'^ If a et dans les mêmes conditions, croît une autre plante delà même famille, qui occupe aussi des espaces très- étendus et convient absolument aux mêmes usages : c'est le Diss ou Brin des Arabes {arunda festucoïdes ou festuca pa- tula). Ses dimensions sont plus grandes (3 à Zi mètres de hauteur); son rudiment est de 80 pour 100 de matières utiles, particuUèrement de filaments textiles dont l'industrie de la papeterie pourrait également tirer un excellent parti, ainsi qu'on a pu le constater à la suite de plusieurs expériences très- sérieuses qui ont eu lieu. Gomme on le voit, les végétaux textiles propres à la fabri- cation du papier sont abondants sur toute la surface de notre colonie algérienne. Toutefois, il convient de remarquer que beaucoup de localités parmi celles où ces végétaux se montrent en quantités considérables, comme dans le Sahara et sur les hauts plateaux qui l'avoisinent, sont encore dépourvues de (l) Il croîl spontanément, en France, deux espèces du genre Stipe : La Slipe jonc {Stipa juneca) et la S. plumeiise {S . pennata) ; la première a des feuilles qui paraissent posséder à peu près les mêmes qualités que celles de la Stipe tenace, mais que Ton ne paraît pas avoir songé à utiliser jusqu'ici. Quant à la Stipe plumeuse, employée à faire de jolies bordures, ses fleurs sont remarquables par leurs arêtes barbelées de poils blancs, soyeux, fort élégants. Cette piaule croît par toulTes dans les pâturages arides et monta- gneux, et fournit un foin dur que les bestiaux ne mangent guère qu'avant la floraison. 576 SOCIÉTÉ d'acclimatation. routes, ce qui rend l'exploitation fort difficile. Tel n'est pas le cas pour une autre plante dont il nous reste à parler. Celle-là ne se trouve que dans le Tell, c'est-à-dire à proximité de la mer, et elle couvre des étendues que l'on peut dire incalcu- lables. Il s'agit du Palmier-Nain {Chamœrops himiilis). Par la difficulté de l'arracher du sol, où ses racines s'en- foncent à une profondeur de 1 mètre et parfois davantage, le Palmier-Nain a longtemps fait le désespoir de culiivateurs en Algérie. Le défrichement d'un hectare de Palmier-Nain coù- tait de 300 à 500 francs. Les feuilles elles racines restaient sans emploi. On voyait cependant les Arabes les utiliser, mê- lées au poil de chameau et à la laine pour fabriquer l'étoiYe des tentes. Ils en faisaient aussi des paniers, des natles, etc.; ils l'utilisaient, en un mot, de la même façon que \Alfa et le Diss. Ces applications variées inspirèrent l'idée de travailler le Palmier-Nain pour en obtenir un crin végétal qui mainte- nant est très-répandu en France. Puis enfin on a fabriqué de la pâte à papier, plus grossière sans doute que celle de \'AIfa et du Diss^ mais qui convient parfaitement pour le papier mi- fin ou ordinaire. On est même parvenu, avec certains soins, à en faire du papier à lettre glacé fort élégant. Le papier de Palmier a un immense avantage sur tous les autres et surtout sur celui de chiffon de coton, c'est sa ténacité ; il est fort sec de sa nature, mais il est très-résistant et il acquiert une blan- cheur parfaite. Pour XAlfa et le Diss^ ce sont les parties aériennes qui sont employées ; dans le Palmier-Nain, ce sont surtout les racines. Celles-ci sont dépouillées de la substance gommeuse qui les tient agrégées, et les fils qu'on en relire sont susceptibles de la plus gande division, tout en étant d'une solidité remarqua- ble. 11 est dès lors facile de comprendre qu'on a là une très- bonne matière pour l'industrie du papier. Un autre avantage du Palmier-Nain, c'est qu'il coûte beaucoup moins cher que VAlfa : le prix sur place n'est que de Zi à 5 francs le quintal, et la pâte se vend, à l'usine de M. Foucault (d'Alger), au prix de 20 à 22 francs les 100 kilogrammes. II. EXTRAITS DES PROCES -VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1871. Présidence de M. Drouyn de Lhuys, président. M. le président proclame les noms des membres récem- ment admis : MM. Abraham-Bey, à Béicos, près Constantinople; FoNCECA (J. d'Aquino), médecin en chef de Thôpital de Pernanbiico (Brésil). M. le président communique 1° une lettre de la Société d'acclimatalion de Melbourne qui annonce qu'elle a résolu de pourvoir, autant qu'elle le pourra, au remplacement des Ani- maux et des Oiseaux que la Société d'acclimatation de Paris a perdus pendant le siège. — Remercîments. {Noy.Buli,, p. Zi96.) 2° Une lettre de M. le gouverneur général de la Gochin- chine qui fait connaître son dessein de contribuer à réparer les pertes d'Animaux faites par la Société. — Remercîments. (Voy, BulL, p. hm.) 3° Une lettre de Son Exe. M. le ministre des affaires étran- gères transmettant le désir du comité directeur de l'Expo- sition polytechnique de Moscou d'obtenir la participation de la Société d'acclimatation à cette exposition. (Voy. Bulletin^ p. 497.) — M. Léo d'Ounous adresse la note suivante : d J'ai aujourd'hui à signaler la floraison et fructification D d'un très-grand nombre de végétaux indigènes et surtout j) exotiques qui fournissent de riches produits. C'est pour la T> première et deuxième fois que j'ai obtenu des cônes fertiles » de VAbies pinsapa^i Albades Pyrénées, la première fruc- » tification du charmant Sophora pleureur, dont je me pro- » pose de vous envoyer des graines ainsi que des glands des » Chênes rouge d'Amérique, Yeuse, Liège, Pyramidal. Tous 2« SÉRIE, T. VllI. — Novembre 1871. 37 578 SOCIÉTÉ D*ÂCCLIMATATION. » ces arbres, qui ont beaucoup souffert dans certaines con- » trées, n'ont pas perdu une feuille ici en 1870-71. Les Gre- » nadiers, Oliviers, Jujubiers sont couverts de beaux fruits. i> Nous cultivons dans l'Ariége deux Marronniers dont les fruits » rivalisent avec les plus gros des Gévennes et du Poitou, ce )) sont les Châtaigniers da Montfa (Ariége) et de Mazamet D (Tarn). On en sert en ce moment sur ma table, et qui sont )) énormes. Je regrette vivement de ne pouvoir vous envoyer » que des greffons de mes Noyers hâtifs ; leur bonne récolte » m'a été dérobée par des ouvriers qui travaillaient les massifs )) où ils se trouvent. J'insiste beaucoup sur leur mérite excep- » tionnel, sur la force de leur végétation, leur robusticité et » leur remarquable fertilité. Le Pyrus japonicadi produit des » fruits de la forme et de la grosseur d'une petite pomme, la » forme est un peu allongée. Le fruit, d'un vert clair, répand » déjà une délicieuse odeur. J'ignore si, à la maturité, il sera » comestible. Il est bien à regretter qu'il en soit ainsi pour » les énormes Coings de la Chine, qui dépassent en volume » les plus grosses Poires. Je puis adresser à ceux de mes ho- » norables collègues amateurs d'horticulture exotique des ï cônes fertiles de Magnolia. La floraison en a été si abon- )) dante tout Télé que les branches s'inclinent sous leur poids. li Des strobiles du Cupi^essus funebris et de plusieurs Thuyas » et Biota nouveaux. On sait combien on estime, dans le » commerce et les arts industriels, les rares et précieuses D qualités de ces essences. Les Romains les payaient bien au- )) dessus de l'or et de leur poids. » — M. Durieu de Maisonneuve annonce l'envoi d'un sac de graines ^Abies pinsapo, qui lui a été transmis pour la Société par M. Julio Meil, arboriculteur à Séville. -— Remercîments. Le Secrétaire du Conseil^ Gh. Wallut. m. CHRONIQUE. L'Oryctérope ou Fourmilier du Cap [Ot^yciet^opus cupetisis) y (D'après un article de M. H. Schlegel inséré dans le Jaarhoekje van het Ko- ninklijk zoolochisch Genoolschap. natura arttsmagistra pour 1870.) Par Augustin Delondre. VOryctérope, ou Fourmilier du Cap, appelé improprement porc de terre par les premiers Hollandais qui se sont fixés au cap de Bonne-Espérance, n'a cependant rien qui le rapproche de la race porcine. Par ses caractères naturels, il vient plutôt se ranger à côté des Tatous {Dasijpus) (1), des Pan- golins et des Fourmiliers, et c'est aussi à côté de ces animaux, dans la classe desédentés, que la science Ta placé. L'Oryclérope, remarquable d'ailleurs par sa tête excessivement allongée, mais mince, par sa bouche relativement petite, présentant une ouverture d'environ deux pouces, par ses dents pareilles l'une à l'autre, par ses jambes très-fortes, mais courtes, paraît constituer la seule espèce myrmécophage de l'ancien monde dont l'appareil buccal soit garni de dents. Son corps est couvert de poils, courts sur la tête, le cou, le dos et la queue, mais longs aux pieds et au ventre. On en admet trois variétés qui ont été dénommées Oryctérope du Cap, Oryctérope du Sénégal, Oryctérope d'Ethiopie, d'après les contrées où on les a trouvées : toutefois ces variétés ne paraissent pas se distinguer par des caractères bien tranchés et il serait possible qu'il en existât seulement une seule répandue dans toute l'Afrique, sauf la partie la plus septentrionale. On sait que M. Dabbadie a observé l'Oryctérope dans les parties de l'Afrique qui avoisinent le _\il blanc. M. J. Verreaux^ dans ses voyages, a aussi rencontré cet intéressant animal sur lequel il a fourni des- renseignements fort intéressants. Il est bien entendu que, sur cette grande étendue superficielle territoriale du continent africain, l'Oryctérope est parqué dans les endroits où se ren- contrent les conditions convenables à son genre de vie et notamment les endroits où à la superficie du sol, il se trouve de la terre et du sable dans lesquels il peut creuser les trous où il se tient tout le jour et dans le voisinage desquels vivent en abondance les Fourmis dont il fait sa nourriture. C'est avec ses pattes de devant excessivement fortes et bien musclées et avec ses grands ongles, arrondis à l'extrémité, qu'il creuse, même dans une terre relativement dure^ les trous dont il fait sa demeure : la terre ameublie (1) En 18C9, il y avait au Jardin zoologique de Rotterdam une espèce de Dasypus, le Dasypus sexcinctus de la Guyane, qui s'y trouvait depuis 1861-62, et qui avait résisté à un climat défavorable, assurément bien différent de celui où elle vivait originairement. 580 SOCIÉTÉ d'acclimatation. est d'au Ire part rejetée en arrière avec les pattes de derrière. Sa dextérité à ce travail est du reste extrêmement remarquable. A la cliute du jour, l'Oryctérope sort de son trou pour aller à la recherche de sa nourriture qui consiste surtout en une grosse espèce de Fourmis, le formica {pohjergus) nigrescens. Les Fourmis de cette espèce vivent en société et forment, pour y établir la demeure de cette sorte de communauté, des amoncellements de terre de deux à trois pieds, et même plus, de hauteur, en fui me de cône, et excessivement compactes. Lorsque rOryctérope s'est assuré qu'il n'a aucun ennemie craindre dans le voisinage, il pratique dans la paroi de la fourmilière une ouverture. Les fourmis elTray^es courent deci, delcà : l'Oryctérope introduit alors dans la fourmilière par l'ouverture sa langue extraordinairement longue, extensile, mince, mais très forte, qui est recouverte d'une salive excessivement gluante utile pour retenir les fourmis. L'Oryctérope retire sa langue et avale aussitôt les fourmis. Comme les fourmilières contiennent généralement un grand nombre d'habitants, l'Oryc- térope, en répétant plusieurs fois la même opération, peut se procurer ainsi une quantité suflisante de nourriture. Tons les écrivains, à commencer par les plus anciens, qui ont observé les Oryctéropes à l'état sauvage, s'accordent à dire que la chair de cet animal présente une saveur très-délicate et qu'elle est très-recherchée pour en faire des sortes de saucissons. La peau peut d'autre part fournir un cuir très- dur. En résumé l'Oryctérope est un animal qui peut rendre des services à l'hommCj soit au point de vue de l'industrie, soil au point de vue de l'ali- mentation ainsi que nous l'avons déjà signalé dans les notes sur LaUmenta- tion que nous avons récemment publiées dans la Bulletin. Jusqu'en 1869, cet animal n'avait pas encore été introduit à l'étal vivant en Europe ; mais, dans le cours de l'année 1869, le Jardin zoologique de Lon- dres et celui d'Amsterdam ont pu compter celle espèce parmi celles qui ont des représentants vivants au nombre des hôtes de leur ménagerie. Cet animal; ainsi du reste que beaucoup d'autres de la colonie du Cap de Bonne-Espérance, tend à disparaître devant l'augmentation de la population et renvahissement des terres par la culture, il est déjà très-rare dans cette partie de l'Afrique et a môme presque entièrement disparu des points où il en existait antérieurement. Quand donc pourrons-nous, en ce qui concerne l'exploitation du règne animal et du règne végétal comme en une fouie d'autres circonstances nous rappeler ce précepte latin si sage : Uli, sed non abiiAi. Chèvre de Cachemire. L'honorable Israël S. Diehl a fait connaître au Farmers'Club de New- CIHIONIQUK. 581 York, qu'il y a environ dix-huit ans, on inipoila aux Élals-Unis dix-huit Chèvres de Cachemire qui furent répandues dans le pays, croisées avec la Chèvre commune, et qu'il existe aujourd'hui des milliers de ces animaux dans presque tous les états, du ^lassachusetls à la Californie. Leur poil est le plus lin de ceux fournis par des animaux domestiques et a gagné, en beauté et qualité sur celui qu'on se procure ordinairement en Asie; chaque animal en fournit de trois à six livres au prix moyen de 5 à 6 francs la livre. JNous devons faire observer, cependant, que MiM. Mecker et Soler Rchuser ont objecté, à la propagation de cette espèce, qu'elle est très-destructive et ne peut être gardée là où il y a des jardins, des vignes, etc., et que, d'ailleurs, il est très-difficile de tirer parti de leur toison. (Report of the american institute of the ciiy of New-York for the years 3 866-67, p. 402.) J. L. S. Utilisation de la Loutre de Chine. Pendant un voyage dans l'intérieur de la Chine, M. R. Swinhoe a ren- contré sur le Yang-tzee Kiang, à environ i\ 10 milles de son embouchure, un pêcheur chinois, qui tenait enchaînée dans son bateau une Loutre apprivoi- sée, qui paraissait bien privée et familière : quand il avait jeté à l'eau son large filet, muni de poids au bord, il permettait à sa Loutre, maintenue par une longue corde, de sauter dans la rivière : l'animal nageait et plongeait tout autour du filet, y poussant ainsi le poisson ; le pêcheur en rapprochait peu à peu les bords. Pour faire revenir la Loutre à bord, le pêcheur donnait deux ou trois secousses à la corde et l'animal venait paisiblement reprendre sa place dans un coin du bateau. D'après Jerdon {Mamra. of India, p. 87) on emploie la Loutre d'une manière semblable aux Indes {Proceed. ofthe zool. Soc. ofLondon. 1870. p. 625). J. L. S. Acclimatation de Faisans de Chine. Un journal de province signale comme un des faits les plus curieux à con- signer dans les annales de la Société d'acdimatation, l'introduction et la parfaite reproduction dans le buisson de jMassouri, canton du Chàtelet (dé- partement de Seine-et-Marne), du Faisan de la Chine. Ce fait paraît être unique en France; on ne connaît pas d'autre exemple de la reproduction i\yi ce magnifique volatile à l'état libre dans nos contrées. — Il y a bientôt vingt ans que les premiers essais d'acclimalaiion du Faisan de la Chine furent faits dans le buisson de Massouri ; on douta d'abord de la réussite; h s pre- iers sujets périrent, niangés par les oiseaux de proie ou tués par hs bra- conniers. D'autres les remplacèrent, jusqu'au jour où l'on acquit la certitude que les couvées arrivaient h bonne fin. 582 SOCIÉTÉ d'acclimatatioîc, Acclimatatatîon du Moineau aux États-Unis. La récente introduction du Passer domestîcus, à Boston, en vue de sa na- turalisation, dans les États de la Nouvelle-Angleterre, paraît se faire avec succès et déjà ce nouvel habitant a quitté la ville pour se répandre dans les environs et on a constaté sa présence à Somerville, Massachusselts. Mais comme on Ta accusé de porter beaucoup de préjudice aux fruits et aux grains au lieu de donner son assistance contre les chenilles si préjudiciables à la végéta- tion des États-Unis, il est bon de signaler, pour la défense du Moineau, l'as- sertion suivante de M. Alex. Grawford Kingstone présentée au Ballymahon Farmers'Club : le Moineau vit seulement dans le voisinage des habitations de l'homme ; sa nourriture varie avec les circonstances ; en forêt, il mange des insectes et des graines ; en village, des graines, du blé, des larves de papillon, etc.; en ville, de toutes sortes de débris; mais il préfère à tout autre aliment les insectes. {Report of the Commissioner of Agriculture for 1869, p. 300.) J- L. S. Culture du Rapallîto. L'an dernier, ^L Drouyn de Lhuys, président de la Société d'acclimata- tion, avait reçu du ministre du Brésil huit graines d'une Cucurbitacée qui porte le nom de Rapallito de tronco, parce qu'elle ne trace pas et que le fruit se forme et mûrit autour du tronc; quatre de ces graines nous furent envoyées : placées sur couche chaude, deux seulement levèrent, et quinze jours après deux plantes déjà vigoureuses et trapues furent mises dans le Jardin de la Société. A cet effet, deux trous circulaires reçurent chacun deux brouettées de fumier chaud et recouverts en forme de buttes avec la terre extraite ; les jeunes plantes entourées d'un bon paillis, furent abritées sous une cloche pendant dix jours et livrées ensuite à l'air ; des arrosements furent les seuls soins qu'elles exigèrent pendant le reste de l'été. Cette plante a le double mérite d'être à la fois ahmentaire et ornementale. Placée sur une pelouse, le Rapallito, par son port et ses belles et Jarges feuilles, y fera un bel effet; considéré comme plante alimentaire, il donnera des fruits abondants et de bonne qualité, qui se groupent autour de la base au nombre de dix à douze, de la grosseur d'un melon ordinaire : on peut les employer à tout âge à des usages différents. Obligé par la guerre de les cueillir à la hâte avant leur complète maturité, je craignais de ne pouvoir les expérimenter utilement. Cependant M. Jourmeaux et moi nous avons pu constater, dans le cours du mois de mars, que ce Potiron est très-farineux et sucré, et fait surtout d'excellents potages ; je pense donc que la cuUure de cette Courge nouvelle doit être recommandée. {Société d'horticulture de Soissons.) E. Lambin. JARDIN D'ACCLIMATATION DU BOIS DE BOULOGNE. RAPPORT PRÉSENTÉ AU NOM DU CONSEIL D'ADMINISTRATION. PAR LE DIRECTEUR DU JARDIN, m. A. GEOFFROY SAIIVT-HILAIRE. A l'AssemLlée générale du 1" août 1871. Messieurs, Aux termes des statuts, l'Assemblée générale, aujourd'hui réunie, aurait dû tenir sa séance dans le courant d'avril dernier. Les convocations, pour le samedi 29 avril, avaient été faites en mars, dans les journaux et par lettres individuelles, conformément aux pres- criptions ; nous n'avons pas besoin de vous rappeler les événements désas- treux qui ont mis obstacle à cette réunion. Dans l'Assemblée générale, tenue le 28 avril 1870, nous vous avons présenté le compte des recettes et des dépenses de l'année 1869. Les résultats obtenus par cet exercice, sans être aussi satisfaisants que nous l'aurions souhaité, étaient cependant encourageants. L'année 1869 et le commencement de 1870 montraient, d'une façon évidente, que le public nous savait gré de quelques innovations apportées dans l'exploitation du Jardin. Les créations nouvelles effectuées grâce à de généreux donateurs, avaient été bien accueillies. Nous étions donc, messieurs, bien fondés à vous faire espérer, pour 1 870 et les années suivantes, des résultats heureux de l'entreprise à laquelle vous vous êtes associés. Mais cet espoir de succès devait être anéanti par les événements déplo- rables qui ont bouleversé la France. Permettez-nous, messieurs, de vous exposer, en quelques mots, quel a été le sort du Jardin d'acclimatation au milieu de la crise cruelle que Paris a subie durant l'année qui vient de s'écouler. Votre Conseil d'administration s'était réuni le 1 0 août 1 870 et nous avait autorisés, en présence des événements déjà graves qui s'étaient produits, à réduire, dans de notaliles proportions, le personnel du Jardin d'acclimatation ; car, dès lors, les recettes quotidiennes de l'établissement déclinaient d'une manière très-sensible. Le siège de Paris devenait probable. L'Administration municipale, le 30 août 1870, reçut dans le Bois de Boulogne, alors interdit au public, le bétail qu'on faisait de tous côtés arriver à Paris. Plusde 130 000 moutons, 15 000 a 20 000 bœufs et vaches furent mis en possession de la belle promenade parisienne. Dès lors, le Jardin d'acclimatation était complètement fermé. Peu de jours après, le désastre de Sedan rendit le siège de Paria 58/i SOCIÉTÉ d'acclimatation. inévitable, et nous nous décidâmes à éloigner du Jardin un certain nonibre d'animaux précieux et faciles à transporter, en profitant des offres cordiales que nous avaient faites plusieurs directeurs de Jardins zoologiques étrangers et quelques amateurs distingués, amis de notre éta- blissement. . ^ La plus grande partie des animaux éloignés alors de Paris fut déposée au Jardin zoologique de Bruxelles; quelques autres furent confiés à celui d'Anvers. Un assez grand nombre d'oiseaux précieux fut dirigé sur Tours et confié, parlieà M. Barnsby, directeur du Jardin. botanique de cette ville, et partie à M. Cornély van Heemstra, propriétaire du château de Beaujardin. Ces expéditions d'animaux, commencées le 4 septembre, cessèrent cinq jours après, les chemins de fer ne pouvant plus alors rece- voir les envois. Nous avions ainsi mis à l'abri une partie de nos collections ; mais ce qu'il en restait au Jardin était encore bien considérable. De l'avis de tous, laisser ces animaux au Bois de Boulogne c'eût été plus qu'une imprudence; car personne ne doutait alors que l'armée alle- mande n'entrât bientôt à Paris, et que la banlieue ne fût impitoyablement ravagée. Dans le courant du mois d'août, nous avions fait visile à M. Milne Edwards, professeur-administrateur du Muséum d'histoire naturelle et directeur de la ménagerie de cet établissement. Nous lui avions demandé si, le cas échéant, le Muséum pourrait donner l'hospitalité à nos animaux. M. Milne Edwards avait accueilli notre demande avec une extrême bienveillance, et, lorsque le moment fut venu, l'assemblée des professeurs s'empressa d'autoriser le dépôt des animaux du Jardin d'acclimatation. Cette autorisation nous était accordée à deux conditions : l'une, que nous nous approvisionnerions de grains et de fourrages pour un mois environ, l'autre, que notre personnel viendrait soigner nos animaux. Ce fut, messieurs, un long travail que d'emballer, transporter et déballer tout ce qui restait encore au Jardin d'acclimatation. Il ne fallut pas moins de trente-cinq voyages des grands camions du chemin de fer du Nord et de soixante courses de nos voitures pour conduire au Jardin des Plantes la collection d'animaux et le matériel nécessaire. Pour mener à bien cette difficile opération, notre personnel, nous devons le déclarer, dép'oya une grande intelligence et la plus louable activité. En quelques jours, il improvisa une ménagerie dans la ménagerie du Muséum. Lorque notre Jardin avait été évacué, le jardinier en chef était resté pour veiller au salut des serres ; il était assisté d'employés qui devaient garder l'établissement. Bientôt il fallut renoncer à cette surveillance, l'autorité militaire ne permettant plus la libre circulation entre Paris et Neuilly. Un seul de nos employés, le garde Decker, refusa d'abandonner le jardin et voulut rester, à ses risques et périls. Alors un poste de gendarmes du corps d'armée du général Ducrot, dont le quartier général était à la porte Maillot, fut installé dans le bâti- ment des bureaux. Grâce à la présence de ce poste, le jardin put être défendu contre les déprédations qu'il eût inévitablement subies sans ce salutaire secours. SITUATION FINANCIÈRE DU JARDIN. 'oS'ô Dans le courant du mois de novembre, les gendarmes nous quittèrent et furent remplacés par les Volontaires de la France, auquels nous adjoignîmes immédiatement une partie de notre personnel pour proléger le Jardin. En septembre, nos approvisionnements pour le chauffage des serres n'étaient pas faits encore. Dans le courant de novembre les plantes des serres commencèrent à souffrir. II était impossible d'acheter du charbon, à quelque prix que ce fût, et d'ailleurs le service des eaux étant complé- ment interrompu, nous n'aurions su faire usage de nos appareils de chauf- fage. Nous établîmes alors des poêles dans les serres, et, à défaut de bois sec, nous chautfâmes avec des arbres que nous faisions couper dans le • jardin, à mesure des besoins. Grâce à cet expédient, la plupart des végé- taux du jardin d'hiver ont été sauvés, et les multiplications de plantes faites en 1 870 et dans les années précédentes ont été conservées. Je dois ici rappeler le nom de M. l'amiral Du Quilio, commandant du 5^ secteur. Sans l'intérêt qu'il a bien voulu prendre à notre situation, nous n'aurions pu entretenir au Jardin les personnes chargées de la surveil- lance et du chauffage des serres. La vie était alors impossible au Jardin ; les vivres manquaient absolument à Neuilly ; les consignes données aux portes des remparts étaient d'une extrême sévérité. La porte des Ternes étant sous l'autorité de l'amiral Du Quilio, nous pûmes, grâce à lui, faire parvenir, presque chaque jour, des vivres à nos employés. Les mesures que nous avions prises pour défendre le jardin contre les maraudeurs de toute sorte qui envahissaient le bois de Boulogne, coupant partout les arbres, volant et détruisant dans les constructions^ mirent notre établissement à l'abri de ravages sérieux. Nous n'avions alors à regretter que la plantation longeant la clôture derrière nos écuries et quel- ques grillages au bord de la rivière. Aussitôt l'armistice conclu, nous avions préparé la réouverture de l'éta- blissement. Le Jardin, les écuries, les chalets, les volières furent remis en état. Ce qui restait au Muséum de la collection des animaux, après les sacrifices que nous avait forcés de faire le prix exorbitant des grains et des fourrages, fut ramené au Bois de Boulogne ; nous avions aussi fait revenir de Belgique les Faisans précieux confiés au jardin de Bruxelles et dont nous ne voulions pas perdre la reproduction annuelle. Lorsque la collection déposée au Muséum de Paris fut ramenée au Bois de Boulogne, elle était bien diminuée. Quels qu'eussent été nos soins, les installations improvisées au Muséum, très-suflisnntes pour quelques se- maines, laissèrent sérieusement à désirer lorsque vint le mauvais temps, et la mortalité fut assez considérable. Les Singes surtout privés de la plupart de leurs aliments accoutumés, et mêm.e de pain dans les dernières semainos, périrent en grand nombre. Parmi les oiseaux, quelques-uns succombèrent au froid. Les Mammifères seuls ne subissaient presque pas de mortalité ; et cependant leur nombre dut subir aussi une diminution considérable. Nous allons en donner les motifs. Los animaux arrivèrent au Muséum au milieu du mois de septembre, avec trente jours de vivres. Cinquante jours après, les approvisionnements de grains duraient encore, mais les fourrages manquaient. Désirant sauver les sujets les plus difficiles à remplacer, nous vendîmes peu à peu les re- 586 SOCIÉTÉ d'acclimatation, présentants des espèces vulgaires. Une certaine quantité de fourrage fut acquise à des prix démesurément élevés, pour assurer l'existence des Éléphants et de quelques autres animaux. Mais, le siège se prolongeant au delà de toute prévision, nous dûmes nous résoudre à sacrifier même nos animaux les plus précieux, à des prix qui, du moins, devenaient, pour certaines espèces, tout à fait rémunérateurs. Ainsi les deux Élé- phants, achetés 20 000 francs, furent vendus 27 000 francs, trois Anti* lopes cannas 4000 francs, deux Chameaux 5000 francs, etc. Nous avions attendu, pour faire ces sacrifices, le milieu de décembre, époque où la situation devenait pour nous vraiment critique, à raison de la rigueur exceptionnelle de la saison. Ne pouvant acquérir de la paille pour faire la litière, nous allions, lorsque l'autorité militaire le permet- tait, chercher au Bois de Boulogne des feuilles mortes. Nous faisions aussi recueillir des glands de Chêne qui nous furent un véritable secours pour l'alimentation des animaux. Mais les rations de ces pauvres animaux étaient tellement réduites, à raison de la difficulté de se procurer des grains et des fourrages, et à raison du prix exorbitant de ces denrées, que nos affamés en vinrent à dévorer les feuilles mortes et les pailles arrachées aux toitures des chalets qui formaient leur litière. Malgré les pertes que nous avions faites, malgré les ventes auxquelles nous avions dû nous résigner, la collection des animaux était encore assez nombreuse pour donner au Jardin, en yrevenant, une certaine animation, et l'on pouvait espérer que l'établissement allait pouvoir reprendre sa vie ordinaire. Mais ses épreuves n'étaient pas terminées. Pendant toute la guerre de la Commune, pendant près de deux mois les obus et les balles sont tombés, nuit et jour, sur le Jardin d'acclima- tation. Le personnel fidèle, ne pouvant plus rester dans les habitations, se réfugia dans les caves, d'où il ne sortait que dans les moments qui paraissaient permettre de donner des soins aux animaux et aux plantes. Nous pouvons le dire en toute justice, c'est au péril de leur vie que nos employés ont pu nous conserver ce qui nous reste. L'un d'eux, le concierge Decker, fut tué par un éclat d'obus ; un autre, le jardinier Loubineau, succomba aux suites d'une blessure ; deux autres, Lemoine, gardien des Mammifères, et Lombard, menuisier, fu- rent blessés. La situation du Jardin, pendant ces mauvais jours, était vrmment cruelle. Les parties les plus voisines de la Seine étaient fréquentées par les troupes de Versailles ; l'autre extrémité était sans cesse visitée par les bandes insurgées. A deux reprises différentes, des engagements eurent lieu dans l'enceinte du Jardin ; la ligne et les volontaires de Seine-et-Oise y luttèrent contre les fédérés. Les dégâts subis par le Jardin sont nombreux et considérables. Il n'est pas un seul de nos bâtiments qui n'ait été atteint. Les volières, les écuries, l'aquarium auraient besoin de réparations sérieuses. Les grillages de Tenceinte, des volières, des parcs, sont percés en mille endroits. Les clôtures de la rivière sont en partie détruites ; enfin, la vitrerie des serres a beaucoup souffert. Quinze tranchées environ ont été faites, de place en place, dans les pelouses et dans les chemins, détruisant parfois des SITUATION FINANCIÈRE DU JARDIN. 587 arbres précieux. L'une de ces tranchées, faite par le génie militaire, tenait toute la largeur du Jardin. Entrée dans notre enceinte à la hauteur de l'aquarium, elle en ressortait derrière la poulerie. Ces dégâts entraî- neraient des dépenses de réparations que nous évaluons à plus de 100 000 francs. En outre, quelques animaux ont été tués par des projectiles, entre autres, un jeune mâle hémione, né en 1870, une femelle de guanaco pleine, une femelle Aipo-lama, une biche Axis pleine, etc. Deux chevaux, un âne de Jérusalem et un mouton ont été blessés par des balles. Dans les volières, une femelle de Faisan vénéré, un Coq et une Poule de faisan de Swinhoe de Formose, et d'autres oiseaux encore ont suc- combé. Un Pélican, le seul qui restât sur nos pièces d'eau, est mort aussi. Il est surprenant, en somme, que ces pertes n'aient pas été plus consi- dérables, quand on pense à la pluie de balles et d'obus qui tombait sur l'établissement. Quelques oiseaux nous ont été volés, des poules et des pigeons, et, perte plus regrettable, un couple d'oies du Magellan et on couple de canards Casarkas d'Australie, qui, l'un et l'autre, se préparaient à re- produire. On doit vraiment s'étonner que notre collection de Faisans, si précieuse et encore si riche, soit restée intacte. C'est à l'énergie des faisandiers que nous devons cette conservation, car, à plusieurs reprises, l'ordre de livrer ces oiseaux leur a été donné. Après le calme rétabli, les œufs recueillis pendant ces cruels moments ont pu être mis en incubation, et nos éducations de Gallinacés se font en ce moment avec succès, comme les années précédentes. Nous avons essayé, messieurs, dans les explications qui précèdent, de vous montrer quelle est la situation matérielle du Jardin d'acclima- tation. Il nous reste à vous présenter, au nom du Conseil d'administra- tion, les comptes de l'année 1870 et ceux du semestre écoulé de l'année 1871. Inventaire arrêté au 31 décembre 1890. Actif, Espèces en caisse Espèces au Crédit foncier. Obligations Effets à recevoir Cautionnement Animaux, d'après inven- taire Mobilier Mobilier industriel et Ou- tillage Approvisionnements Comptes courants débi- teurs Total. . . Constructions nouvelles. . Total égal 41,324 55 850 80 15,467 60 370 » 5,000 » 67,496 50 4,769 » Passif. Comptes courants crédi- teurs 64,891 45 Capital d'exploitation 116,404 35 5,300 5,634 » 50 35,082 85 181,295 80 113,514 33 294,810 13 Total, . 181,295 80 Capital immobilisé (con- structions nouvelles).. . 113,514 33 Total égal 294,810 13 588 SOCIETE D ACCLIMATATION. rouipfo t8*e\|>loi(ation, exercice de 1830. 1,235 à3,92Q 67,626 65 45 20 05 80 17,981 20 3,220 149 65 90 10,701 10 2,683 90 6,085 85 1,797 60 - . Dépenses. Magnanerie Conduites d'eau Personnel Animaux de l'aquarium.. Nourriture des animaux.. Entretien du jardin et des chemins Entretien du jardin d'hiver Salon de lecture Entretien et appropriation des bâtiments Entretien des parcs et clô- tures (1) Mobilier industriel et Ou- tillage (2) Publicité Fournitures et frais de bu- reau '(3) Chauffage Loyer Assurances Impôts Timbre des actions Assemblée générale Abonnement des eaux. . . Frais généraux Rabais et Escomptes. . . . Total des dépenses . . 177,176 75 (1) Peinture des clôtures et réparations de grillages. (2) Voilures, harnais, cag^es, perchoirs, en- tretien et réparation d'outils. (3) Ports et affranchissements de lettres, re ■ gistres, imprimés et papeterie. 5.031 05 3,562 45 1,000 20 511 70 1,129 70 500 40 170 95 3,250 » 4,761 65 159 30 Recettes. Entrées du jardin Entrées des serres Abonnements. Bénéfice sur la vente des animaux Vente d'oeufs Magnanerie , . Animaux reproducteurs. . Loyer du buffet Intérêts des comptes cou- rants Dons d'animaux 76,905 » 1,685 » 9,042 » 17,069 45 7,193 25 1,038 50 135 » 2,500 » 947 10 1,412 35 949 25 Total 118,876 90 Recette extraordinaire. Subvention du ministère de l'agriculture , du com- merce et des travaux pu- blics 6,000 » Dons pour créations nou- velles 500 » Total des receltes 125,376 90 Excédant des dépenses de 1870 51,799 85 Total égal 177,176 75 Nota. — A l'excédant des dépenses de 51,799 85 Il faut ajouter : Pour l'amortissement des serres. .3,940 20 Tota>l de l'excédant des dépenses de l'exercice 1876 55,740 05 Des tableaux qui précèdent il ressort que l'exercice 1 870 se solde par une perte de 55 740 fr. 05. Ces résultats fâcheux, que les explications données plus haut vous ont sans doute fait pressentir, est dû aux pertes d'animaux que nous avons failes, à l'abaissement de nos recettes en juillet et août, et surtout à leur suspension absolue pendant les quatre derniers mois do l'année. Le premier semestre de cette année 1870 avait été vraiment satisfai- sant ; car, au 30 juin, nos receltes étaient déjà supérieures de près de 4 2 000 francs à celles du même semestre de 1869. Les heureuses inno- vations de la singerie, de la promenade sur les Éléphants, de l'emploi des petits chevaux pour traîner et porter les enfants, étaient devenues pour le public un véritable attrait. Jamais l'activité de noire commerce n'avait été plus grande. Les espérances que nous conceviens alors pour SITUATION FINANCIÈUE DU JARDIN. 589 la prospérité de l'établissement étaient donc sérieusement fondées, puisque nous pouvions compter de plus en plus sur le public visiteur et sur le public acheteur. Le tableau que vous avez sous les yeux ne fait plus mention de fonds de réserve. Réduit à 11 713 francs au 1" janvier 1870, il a nécessaire- ment été absorbé dans la perte que cette exercice a subie. Le chiffre des dépenses de 1870 est de 181 126 fr. 95, c'est-à dire inférieur de 45 775fr. 30 à celui de l'année 1869. ' Cette différence notable en moins tient à ce qu'en 1870 aucune cons- truction nouvelle n'a été faite, et en outre à ce que l'exploitation a cessé pendant plusieurs mois. Je ne pense pas, messieurs, qu'il soit nécessaire de vous donner des détails sur toutes les dépenses de cette année 1870. Mais il en est une, cependant, qui mérite une mention spéciale : c'est la nourriture des animaux. Quoique le nombre des habitants de nos écuries et de nos volières eût sensiblement diminué dans les derniers mois de 1870, la dépense totale de la nourriture, pour cette année, s'élève à plus de 67 000 francs, tandis qu'en 1869 elle n'avait pas dépassé 57 000 francs. Pour justifier cette notable augmentation, il nous suffira de vous faire observer que, dans les derniers mois de 1870, pour essayer de sauver flotre collection d'ani- maux, nous avons dû payer le foin 2 francs, puis 3 francs, et enfin, pour une petite quantité, jusqu'à 4 francs la botte. Quant à l'avoine, elle valait, à la même époque, jusqu'à 38 francs l'hec-tolitre. D'ailleurs, l'augmentation du prix de ces denrées avait été notable dès le commen- cement de la guerre. Ainsi, pour le mois de juillet seulement, elle occasionnait une dépen e supérieure de plus de 2000 francs à celle des mois précédents. Nous avons cependant, messieurs, fait sur ces dépenses de nourriture toutes les économies possibles, et le triste état dé nos animaux, lorsqu'ils étaient au Muséum, est une preuve irrécusable de la parcimonie avec laquelle les aliments leur étaient distribués. RECETTES. En 1870, comme les années précédentes, le Ministre de l'agriculture à accordé au Jardin une subvention de 6000 francs. Mais, pour 1871, vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous ne devons, pas compter sur la continuation de cette allocation. Si la suspension de l'exploitation du Jardin a diminué presque tous les chapitres des dépenses, elle a aussi diminué considérablement les re- cettes. Celles de 1870 sont de 89 800 fr. 35 c. inférieures à celles de 1869. Tous les comptes, sauf deux, les abonnements et la vente des œufs, ont subi des diminutions notables. Pour le produit des entrées seu- lement, la différence en moins dépasse 50 000 francs. En janvier et en février 1871 , la situation des derniers mois de 1870 s'est prolongée. En mars, avril et mai, nous avons subi la guerre delà Commune, et nous vous avons dit combien le Jardin en a souff'ert. 590 SOCIETE D ACCLIMATATION. Pendant ce temps, nos recettes ont été nulles, le Jardin ayant été fermé jusqu'au 2 juin, époque où, d'après la décision du Conseil d'administration, les portes en ont été réouvertes au public. Mais le produit de ces nou- velles entrées a été, jusqu'ici^ absolument insignifiant. Inventaire arrêté au 30 juin 1991. Actif. Espèces en caisse Espèces au Crédit foncier. Obligations Cautionnement Effets à recevoir « . Animaux Mobilier Mobilier industriel et ou- tillage Outils et jardinage Plantes diverses Comptes courants débiteurs 20,825 70 881 40 15,467 60 5,000 » 46/1 50 58,483 25 4,769 )) 5,300 » 2,077 » 3,407 50 29,328 55 Passif. Comptes courants crédi- teurs 65,284 50 Capital d'exploitation .... 80,720 » Total , 146,004 50 Total égal 146,004 50 Nota. Le capital d'exploitation était, au 31 octobre 1870, de. 416,404 35 L'excédant de dépenses du 1" se- mestre 1871 étant de. . . . 35,684 35 Ce capital n'est plus, au 30 juin 1871, que de 80,720 » Compte d'explAitation. 1" semes^trc 4991. Dépenses. Personnel Entretien du jardin Entretien des bâtiments. . Mobilier industriel et ou- tillage Frais de bureau. Chauffage Nourriture des animaux . . Timbre des actions Frais généraux Perte sur les animaux. . . . Dû aux souscripteurs des serres, intérêts du pre- mier semestre 1871. . . Assemblée générale 10,387 80 5,381 25 743 85 69 05 209 » 736 95 7,625 70 250 20 1,100 50 7,857 35 1,970 10 79 » 36,410 75 Recettes, Intérêts Rabais et escomptes. 483 75 242 65 726 40 Excédant de dépenses du 1" semestre 1871.... 35,684 35 Total égal 36,410 75 Quant aux dépenses, elles ont été aussi réduites que possible, et ce- pendant elles atteignent, pour ce premier semestre, la somme de 36 41 G francs 75 c. C'est la première fois, messieurs que nous avons à énoncer une perte sur le compte des animaux. Mais ce résultat fâcheux provient des morta- lités extraordinaires occasionnées par la Commune, mortalités que nous n'avons pu, comme d'habitude^ compenser par des bénéfices sur des ventes d'autres animaux. SITUATION FINANCIÈRE DU JARDIN. 591 Des comptes que nous venons, messieurs, de vous soumettre pour l'année 1 870 et pour le premier semestre de 1 871 , il résulte que l'actif de votre Société, soit le capital d'exploitation qui nous reste, n'est plus actuellement que de 80 720 francs. En présence de cette situation votre Conseil d'administration a cru devoir, messieurs, vous convoquer, non pas seulement, comme d'habi- tude, en assemblée générale ordinaire, pour vérifier et arrêter les comptes de l'année 1870, mais, en même temps, en assemblée eafiraordmafre, pour vous consulter sur la question de savoir si vous deviez ou continuer ou dissoudre et liquider la Société. L'Assemblée, après avoir entendu ce rapport, approuve, comme assem- blée générale ordinaire, les comptes de l'année 1870. Mais, comme Assemblée extraordinaire, n'étant pas en nombre suffisant pour prendre une décision sur la question de continuation ou de liquida- tion de la Société, elle est d'avis de s'ajourner au plus bref délai possible, pour agiter et résoudre cette importante question. Alors, et seulement comme préparation aux délibérations de la nouvelle et prochaine Assemblée générale extraordinaire, des conversations s'en- gagent sur les questions devant lui être soumises. Selon l'avis de plusieurs membres de l'Assemblée, continuer l'exploita- tion, ce serait s'exposer à de grandes et sérieuses difficultés. D'autres membres, considérant l'intérêt général en vue duquel le Jar- din a été créé et la réelle sympathie du public pour cet utile établissement, pensent qu'on ne devrait pas l'abandonner sans lutter encore contre les difficultés de la situation présente, d'autant que, si la Société se liquidait, la Ville de Paris rentrerait immédiatement en possession de sa concession et de tous les travaux exécutés à grand frais par les sociétaires du Jardin d'acclimatation. D'autres membres pensent que, si la Ville rentrait en possession du Jardin, on pourrait obtenir qu elle indemnisât la Société créatrice dans une certaine proportion. D'autres pensent qu'il serait possible de demander à la Ville qu'au lieu de reprendre le Jardm et de se charger d'une exploitation difficile et dis- pendieuse, elle voulût bien, pendant quelques années, accordera la So- ciété actuelle une subvention assez importante pour aider le Jardin à revivre et à reprendre sa splendeur. D'autres pensent qu'il ne serait pas impossible de former une nouvelle Société qui achèterait le Jardin, avec les droits concédés par la Ville. Enfin quelques autres pensent que l'émission d'un emprunt avec primes pourrait réussir et mettre la Société actuelle en état de continuer et même d'augmenter considérablement son exploitation. Au milieu de ces propositions diverses, qui auraient besoin d'être sé- rieusement étudiées, le Conseil d'administration, ne pouvant faire immé- diatement un choix et n'ayant pas d'ailleurs qualité à cet égard, serait d'avis, lorsque la question se représentera devant une nouvelle Assemblée générale extraordinaire, que cette Assem.blée, si elle était en nombre suf- fisant à cet effet, voulût bien conférer ses pouvoirs soit à fan de messieurs les actionnaires, soit à un membre du Conseil à' administration, soit au directeur du Jardin d'acclimatation. 592 SOCIÉTÉ d'acclimatation. Ce mandataire^ assisté d'une commission consultative de trois ou de cinq membres nommés par la même Assemblée, et à laquelle il rendrait compte de ses démarches et de ses négociations, pourrait : prendre tous arrange- ments avec la Ville de Paris, soit pour obtenir une subvention, soit pour faire à la Ville la cession du Jardin, soit faire à toute autre personne la vente de rétablissement, soit enfin liquider la Société. Sans doute ces mesures devraient prolonger l'exploitalion actuelle du Jardin d'acclinnalalion, et elles entraîneraient par conséquent certaines dépenses. Mais ces dépenses, qui seraientd'une nécessité absolue, ne seraient pas tellement considérables que la Société dût renoncer à les faire, quand il s'agirait d'arriver à la meilleure solution possible de la crise actuelle où se trouve cette Société. * Et si l'on réussissait ainsi à faire revivre le Jardin d'acclimatation, la Société fondatrice de ce jardin, après avoir doté Paris d'un établissement instructif et agréable, d'un lieu d'expériences utiles et d'un centre com- mercial qui lui manquait, aurait le mérite de l'en doter, en quelque sorte, une seconde fois, en s'élant imposé encore quelques sacrifices. i, TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE (l'. KDUCATlOrsS D'OISEAUX FAITES A LA FAlSANOERIt: DU CHATEAU DE l'ERRlÈRES, EN 1870. Extraits do lettres adressées a M. .\. (iioflrny Saint-Ifilairc, Far M. .llcxaiulre IflAIRET, Faisandier. Monsieur, Je vous ai adressé, il y a bientôt deux ans, des notes sur les multiplications d'oiseaux faites à la faisanderie de Ferrières. Ces notes ont été insérées dans le Bulletin de la Société d'ac- climatation (mois de juin, année 1870, p. 3/i6et suiv.), parce que, m'avez-vous dit, elles étaient de nature à intéresser les lecteurs du journal ; l'accueil bienveillant fait aux renseigne- ments que je vous ai fournis, m'encourage à venir vous raconter ce que nous avons pu faire en 1S70. Cette année devait être, pour l'acclimatation des oiseaux, une année exceptionnelle. Il faisait chaud, il faisait sec. Mais si la nature semblait favoriser nos efforts, les événements vin- rent anéantir nos espérances. La guerre survint et le do- maine de Ferrières, à dater du 15 septembre, fut occupé par les troupes allemandes. Je n'ai pas besoin de vous dire que la faisanderie fut l'objet de la plus vive curiosité pour les soldats allemands. Ce fut un va et vient incessant de piétons, de cavaliers, et pis que cela de chiens! lamais jen'en ai tant vu ; et vous savez de quels malheurs la gent canine peut être cause dans une faisan- derie ! La paire de Lophophores, possédée à Ferrières, me donna (1) La Sociclé ne prend sous sa re^^ponsabililé aucune des opinions émises par les auteurs des articles insérés dans son Bulletin. 2^ SÉIUK, T. Vil!. — Décembre I.S71. 38 b9h SOCIÉTÉ d'acclimatation. dix œufs : huit étaient clairs, deux donnèrent des jeunes. Il y avait mâle et femelle. Cette dernière mourut à Tàge de six semaines. Le mâle est aujourd'hui bien venu. D'une seule Poule de Hoki {Crossoptilon). j'ai obtenu huit œufs, mais tous étaient clairs. J'attribue cet échec à ce que le mâle, servant à la reproduction, n'était âgé que d'un an seulement. De deux couples d'EperonniersGliinquis, douze œufs furent recueillis, six d'entre eux vinrent à éclosion. J'ai pu élever un mâle et trois femelles. Les r'aisans de Sœmmciing (du Ja[)on), ont donné treize œufs (une seule Poule pondait). L'éclosion amena onze jeunes; cinq périrent pendant l'élevage de mabidies et d'accidents, six furent élevés, deux mâles et quatre femelles. De trois femelles de Faisans Vénérés, nous avons recueilli trente-quatre œufs; trente-trois jeunes furent éclos. Les maladies et les accidents causèrent la mort de dix-neuf élèves, il nous en resta quatorze, six mâles et huit femelles. Douze œufs furent pondus par une Poule de Faisan de Wallich; six jeunes furent obtenus, deux moururent tubercu- leux, il nous resta quatre femelles. Trente jeunes du Faisan versicolore du Japon, dix mâles et vingt femelles, furent élevés. Quant aux Euplocomes de Swinhoô, nous n'en avons pas eu un seul œuf cette année. Iva femelle de Tinamou Roux {liyiichot'es rnfescena), qui avait donné, en JS(59, huit O'ufs, dont sept étaient éclos, a produit, en 1870, dans sa première })onte du 2/i avril au 2/i mai, douze œufs, etdanssa deuxième ponte, du '22 juin au 18 juillet, neuf œufs ; total vingt et un. Les douze premiers œ^ifs donnèrent douze naissances ; les neufs derniers, sept naissances ; total dix-neuf. 11 me restait alors cinq jeunes de l'élevage de 1869; je pos- sédais donc vingt-trois élèves Tinamous, provenant de la raême paire d'oiseaux. Je n'avais perdu, pendant l'élevage, qu'un jeune <}ui succomba à une affection tuberculeuse des intestins* i ÉDUCATIONS d'oiseaux. 595 Mais depuis cette époque, leur nombre a bien diuiinuê, grâce aux visites trop fréquentes, hélas ! faites par les chiens allemands aux volières. Les Tinamous sont d'un naturel timide et craintif. Après avoir subi plusieurs accidents, je me décidai h placer ces oiseaux dans un lieu plus tranquille, moins en vue, mais malheureusement plus étroit. Au 27 janvier J87'J, je possédais encore treize Tinamous, les parents et onze jeunes nésàFerrières; aujourd'hui, je n'ai plus qufj neuf élèves. Malp:ré les privations de toutes sortes qu'ils ont subies, pri- vation (le nourriture d (Tospace, ces oiseaux vont bien, et j'espère, en 1872, être dédommagéparun vrai succès de tous les soucis que j'ai eu à subir. Les Colonibi-gallincs à tète bleue continuent à reproduire régulièrement ici ; en 1870, six jeunes ont été élevés. La Columbafrontalis du Mexique a produit et couve encore en ce moment. La Colombi-galline Poignardée {Phlogœn'is Cruentata^, de 31anille, a pondu cinq œufs qui n'ont pas donné de résultat, car la coquille en était trop faible. D'ailleur.. les œufs eussenl- ils été assez résistants, la couvée n'aurait [ui réussir, le mâle, trop ardent, tourmentait la femelle incessamniont. Depuis quelques .jours, le nid de cette magnifique Colombe est refait, et j'espère bien un résultat pour la campagne prochaine. En 1870, les Pigeons Gouras {Lophi/rus Coronatus) n'ont rien donné. Ils sont dans l'état le plus prospère. Il faut attendre. La reproduction de la Perruche Soleil, unie à la Perruche Bouton d'or, dont je vous ai parlé autrefois (voy. Bulletin de 1870, p. 351), continue; le chiffre des éclosions est aujour- d'hui de douze, et celui des jeunes élevés de dix (1). (l,j M. Mairel, par mie leUre en claie du 26 décembre 1871, a annoncé quf les Perruches obtenues de raccoiiplenient de la Perruche-Soleil a\oc la i'er- rui:he-[)Outond"Orcou\ aient à leur tour. M. Maire l a dédié celte F»erruche à "M. le baron Edmond de Holbschild. — 590 SOCIETE d'acglimatatjun. Les Palmipèdes produits en lb70 étaient nombreux. Canards Mandarins, Canards de la Caroline (120 élèves), Canards sauvages de tontes sortes. Oies diverses, etc., avaient réussi à souhait; mais tous, ou presque tous ces élèves ont été détruits et livrés aux cuisines du château qui abritait les chefs de l'armée allemande. Vous le voyez, monsieur, les résultats de l'année i870 ne sont pas satisfaisants ; espérons ({uc, l'an prochain, je pourrai faire plus et mieux pour l'acclimatation. Faisanderie du cliàteaii de i^'errièies, le 28 té\ lier 1871. Après un an et douze jours, les Allemands ont quitté Fer- rières ! L'année 1871 n'a pas été heureuse pour l'élevage. J'ai perdu tous mes Faisans de Sœmmering du Japon ; sauf une Poule qui s'est tuée par frayeur, tous ces oiseaux ont succombé à des affections intestinales. C'est une expérience à recommencer. Les autres espèces de Faisans ne m'ont pres([ue rien donné. Quant aux Tinamous, ils ont bien pondu, mais deux mois en retard sur l'année dernière. Je n'ai pu en élever que cinq. La femelle du Pigeon Goura a pondu, le '28 juillet, un œuf qui était clair. Depuis lors ces oiseaux prennent de grands ébats amoureux, mais sans paraître se préoccuper du nid qu'ils devraient construire et des œufs que j'attends. Faisanderie du cliàleau de Ferrières, le î 6 novembre 1871. .Si eel oiseau njéiis est fécond, c'est-à-dire si les amis aciuellement en incu- bation donnent des jeunes, le joli croisement obtenu par l'habile faisandier do Ferrières sera une conquête véritable pour nos volières, et nous lui con- serverons son nom de Perruchc-d' Edmond. {Rédaction.) MONOGRAPHIE DE LA MOULE. CONSTITUTION ANATOMIQUE — MÛiURS — MILIEU — CULTURE — MALADIE ET PARASITES — EMPLOI ALIMENTAIRE — DANGERS DE CE MOLLUSQUE Pai- m. Léou VIDAL. ( Suite. Voyez p. Ô37.) Il La culture de la Moule sur les côtes de l'Océan dans l'anse de rAiguillon remonte au milieu du xin' siècle. Je crois inutile de faire ici l'historique de l'origine et des développements de cette culture spéciale, car il est trop aisé de les retrouver dans le savant ouvrage de M. Coste et dans le Voyage cl explo- ration sur le littoral de France^ d'autres ouvrages, le Monde de lamer par Alfred Fredol, la Vie et les mœurs des animaux par M. Louis Figuier et autres. Ce mode de culture sur des clayonnages est surtout propre aux rivages de l'Océan, où les mouvements alternatifs de la marée permettent d'opérer à sec pour le soin à donner aux élèves, pour l'arrangement des claies et pour la récolte des Moules destinées à la vente. Les résultats fournis par les bouchots de la baie d'Aiguillon sont aujourd'hui considérables, puisque le revenu brut de cette culture est évalué à plus d'un million. Il y a donc lieu de se demander s'il n'y aurait pas oppor- tunité et profit à créer sur d'autres points du littoral des cul- tures analogues. Au premier abord, on ne peut hésiter à avoir la conviction que de nouvelles moulières artificielles donneraient lieu à des bénéfices certains, tant le débouché des substances alimen- taires provenant de la mer s'est accru depuis la création de nos voies ferrées, et Ton ne saurait trop engager les habi- tants de noire liltoral à laire des lenlatives de cullure de ce genre. 598 sociétl: d'acclimatation. La Moule, à l'état de naissain, abonde dans un grand nombre de parages : il est donc aisé de se procurer la semence néces- saire à une exploitation mytilicole et certainement les milieux propices aune culture fructueuse abondent aussi. Nous nous demandons, pour citer un seul exemple, pour- quoi dans le bassin d'Arcachon des essais de cette nature n'ont pas été faits? Les eaux de ce bassin, si favorables à l'élève des Huîtres, ne conviendraient pas moins à la Moule : il y a là des terrains émergeants situés dans des conditions d'abri les plus convenables. Arcachon, par le chemin de fèr du midi, rayonne sur l'Espagne, sur les Pyrénées et toute la région du midi de la France, située entre Celte et Bordeaux. Cette dernière grande ville est à la porte du bassin. Nul emplace- ment ne me paraît pouvoir mieux convenir, sur le littoral de l'Ouest, à une sérieuse exploitation mytilicole. Je dois ajouter, pour donner une idée plus complète des avantages olTerts cala culture des Moules dans le bassin d'Ar- cachon, que les immenses forêts de pins qui bordent la partie occidentale de ce bassin, fourniraient au plus bas prix pos- sible les bois nécessaires à l'établissement et à l'entretien des bouchots, pieux et claies. Cette idée n'est sans doute pas nouvelle, mais pourtant je ne Tai jamais entendu exprimer. En la livrant à la publicité, je n'ai que la pensée d'indiquer que sur nos côtes françaises baignées par l'Océan, il est des points où, tout aussi facilement et même plus aisément qu'à Marsilly, on arriverait à créer d'importantes cultures de Moules. Le mot culture est-il ici proprement employé? En somme, c'est bien une culture, puisque l'on ensemence des sortes de champs artificiels et qu'après un certain temps donné à cette semence pour croître et se développer, on récolte les produits. Mais, en fait, il ne faut pas compter sur une reproduction locale; la semence n'est pas retrouvée dans l'exploitation même : on l'emprunte à la mer {\w\ en fournit en abondance. En un mot, on arrive ainsi, non pas à multiplier certain produit de la mer mais, en le plaçant à l'état de naissain dans un milieu convenable, accessible, à lui permettre de se déve- .MONOlin\l'IIlE Di: I.\ MuULE. 599 lopper dans des cuiiLlili(->iis alimentaires ineill«^uresel à porlée des lieux d'exportation, de débouchés. Sur le littoral de la Méditerranée, des essais de culture ont été faits il y a quelques années et sont continués aujourd'hui. Tout d'abord l'idée de la culture sur claie, telle qu'elle est pratiquée dans la baie de l'Aiguillon, a été réalisée avec cette nnodification imposée par l'absence de marées; les claies étaient ntiobiles, de manière à pouvoir être retirées hors de l'eau, en coulissant entre lef^ pieux qui leur servaient de support. De la sorte, Ton pouvaif, tout comme dans la baie de l'Ai- guillon, charger à sec les claies, vérifier l'étal des produits cultivés, les récolter hors de l'eau. Celte t^^ntative, faite à Port-de-Buc par mes soins, a été dé- crite dans ses moindres détails, et l'on trouvera dans le bulle- lin de la Société d'acclimatation (numéro de novembre 1867) le résumé des observations et des mécomptes auxquels elle a donné lieu. L'idée était bonne en principe, n'était l'impossibiliié de con- server sains pendant assez longtemps les bois destinés aux claies et aux palissades. Ces bois, rapidement dévorés par les Tarcls, sont bientôt devenus incapables de supporter le poids des grappes de Moules qui y étaient attachées et qui s'y développaient en grande quantité : il a donc fallu abandonner ce procédé qui promettait de beaux résultats et chercher le succès dans une autre voie. AvanI de rien entreprendre sur une échelle un peu étendue, j'ai cru devoir procéder à de nouveaux essais en petit, et je rne suis arrêté à la pensée d'abandonner le système des claies fixes ou mobiles et de cultiver la Moule sur des surfaces hori- zontales recouvertes d'une faible épaisseur d'eau. Ces surfaces aliondent sur notre littoral, surtout dans le delta du Rhône, la Camarf/ue ; il y a là des terrains étendus, situé? un peu en contre-bas de la mer et dans lesquels la cul- ture de In Moule peut se pratiquer avec une grande facilité. Le mieux est, sur ces fonds un peu vaseux, de déposer des GOO SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. lits de petits galets ou des fascines de Tamarlx que l'on peut se procurer en abondance sur les bords même de ces étangs, puis on n'a qu'à projeter sur le fond du naissain en couche un peu épaisse. Il se casera bientôt, recouvrira une partie des bois mis à sa portée et l'on n'aura plus à se préoccuper d'au- cun soin à apporter à la culture, jusqu'au moment où des Moules, devenues de dimensions marchandes, devront être récoltées. Gomme la couche d'eau qni les • recouvre est d'environ 50 centimètres au plus, on peut sans difficulté choisir à la main les Moules tenues pour la vente en parcourant les mou- lières, à pied dans des sentiers réservés, c'est-à-dire exempts de fascines et disposés de manière à permettre l'exploitation à tous les points de vue : nettoyage, ensemencement, récolte. Tel est le moyen le plus sûr et en mênne temps le plus éco- nomique que l'on puisse, selon moi, appliquer sur les rivages dépourvus de marées. J'ai essayé ce mode de culture sur des surfaces recouvertes, lors des plus hautes eaux, de 50 centimètres d'eau au plus et les Moules s'y sont développées rapidement et sans qu'aucun inconvénient m'ait paru résulter de cette culture sur des fonds horizontaux et naturels. Il y a lieu maintenant de faire une application en grand de ce genre d'exploitation ; mais je n'ai ici aucun doute sur le succès probable, peu importe d'ailleurs que les produits soient étalés sur des surfaces ver- ticales ou horizontales, dès qu'il est certain qu'ils se dévelop- peront et que l'accès des terrains exploités sera facile, com- mode en tous temps. L'idée de la claie verticale permettait de multiplier la sur- face productive, puisque sur une superficie donnée on pouvait arriver, en utilisant l'épaisseur d'une couche d'eau la recou- vrant, à cultiver des produits sur une surface effective cinq ou six fois plus grande; mais l'entretien des palissades, le coût des bois et clayonnages, l'impossibilité même de faire le rem- placement des pieux vermoulus en temps utile et sans com- promettre une partie des produits en voie de développement, toutes ces considérations plaident en faveur de la culture sur :\[ON0r,RAlMlIE DE LA MOULE. 001 des fonds taiblemenl immergés. J'ai conslalc que, iiièuie posée directement sur du sable vaseux, la Moule croît convenable- ment, mais il est mieux de lui fournir des points d'attache pro- pres, tels que des pierres et des branchages de peu de valeur. Alors on n'a rien à renouveler, rien à entretenir, seulement à des époques déterminées on doit enlever les herbes marines qui se développent dans l'intérieur des étangs, on doit rempla- cer par de la semence nouvelle les produits récoltés, et c'est à ce moment qu'il faut nettoyer les espaces à ensemencer, débar- rasser les pierres du limon qui les recouvre, introduire de nouvelles fascines. J'insiste sur les services que rendrait une pareille culture si elle prenait une grande extension; elle est appelée à con- stituer une véritable denrée de matière alimentaire se produi- sant au détriment de l'eau et des matières organiques qu'elle contient et sans qu'il y ait lieu d'y contribuer par aucun ap- port, par aucun engrais. Je vais mieux expliquer ma pensée par un simple exemple : un cultivateur, qui sème du blé dans un champ, n'obtient une une récolte convenable qu'à la condition d'amender sa terre, d'y introduire une quantité plus ou moins grande d'un engrais dont le prix est toujours assez élevé. L'eau de la pluie et l'air fournissent bien quelques-uns des aliments qui constituent les produits agricoles, mais le sol doit en fournir la majeure par- tie. Or le sol est bientôt épuisé si l'on ne remplace, par l'apport de nouveaux éléments, ceux que la végétation a absorbés. Une culture aqukole n'est pas dans les mêmes conditions; l'eau est un milieu mobile renouvelable à l'infini et suscep- tible à l'infini de fournir à telle culture les éléments organi- ques qui lui sont nécessaires. Et parmi les animaux comestibles de la mer, il n'en est aucun dont le naissain existe en aussi grande abondance, dont le développement soit aussi prompt, dont la culture soit aussi facile; c'est donc à la Moule qu'il faut nous attacher de préfé- rence. Elle nous fournit une matière alimentaire estimée, riche en azote, d'une vente courante^ facile et rémunératrice, d'un {•)()•> SOCIETE D ACCLIMATATION. Iransporl rominode par tous les temps, même en été, mais toujours en hiver, de telle sorte qu'on peut la consommer loin des lieux de production. Je le répète, les lieux propres à une culture horizontale de la Moule ahondent sur notre hltoral méditerranéen ; aux envi- rons des embouchures du Rhône, plus de 10000 hectares pourraient, sans mise de fonds importants, être transformés en mouhères. Le naissain, fourni en quantité innombrable par l'étang de Berre, serait puisé à cette source inépuisable située à deux ou trois heures à peine des lieux d'exploitation et toute une contrée, improductive aujourd'hui, où l'on se borne à créer çà et là quelques cultures roseliéres là où l'eau douce peut dominer sur l'eau salée), deviendrait bientôt une mine de substance alimentaire obtenue à peu de frais. On tirerait ainsi de ces espaces émergés des revenus rela- tivement très-élevés, tandis qu'ils ne produisent rien aujour- d'hui et ne sont qu'une cause d'insalubrité pour la région qui les entoure. Ainsi, soit sur le littoral de l'Océan, soit sur celui de la Méditerranée, il y a place pour de nouvelles exploitations my- tilicoles sans nuire à celle qui, depuis le moyen âge, fonctionne avec succès dans la baie de l'Aiguillon. Il appartient à la Société d'accUmatation de propager ces idées, d'attirer sans cesse sur elles l'attention des cultivateurs, de prouver par des primes d'encouragement, par des invitations répétées, tout le prix qu'elle attache au développement d'une culture aussi utile, de l'élever à la hauteur d'un bienfait public. J'ai cru inutile d'entrer ici dans tous les détails spéciaux à la culture du mollusque qui fait l'objet de cette monographie : un traité technique seul pourrait fournir sur ce point de vue spécial les renseignements nécessaires, variables, d'ailleurs, suivant le milieu climatéri(pic, suivant la nature des eaux, le mode vertical ou horizontal do cultui^e : il suffisait ici de dire d'une manière générale que la Moule est, parmi les mollusques de la mer cultivables, un de ceux que l'on peut le plus aisé- ment cultiver. J'ai suffisamment, je le pense, exph'qué dans quelles con- MONOCI'.AIMIIE DR LA MOll.E. <'0 'i ■ dilions on pouvait if^'aliser celte ciillure et les exemples relatifs, soit au bassin rV Areachon,di\\yihovA?s de l'Océan, soit à la Camargue, aux bords de la Méditerranée, indiquent assez clairement la nature des milieux convenables. Comme source de naissain, j'ai cité l'étang de Berre, qui est une mine inépuisable. Cet étang, autrefois riche en Moules, en produit, depuis qu'on l'a mis en plus complète communi- cation avec la mer, une quantité beaucoup plus considérable qu'auparavant; une grande partie de sa cuvette est couverte de bancs de ce mollusque, que les pêcheurs de Martigues recueillent continuellement par le moyen d'un filet dragueur qu'ils remorquent à la voile en labourant les bancs. Dès qu'ils ont péché de la sorte une quantité de Moules assez considérable pour charger leur barque, ils déchargent sur un point du rivage toute la pêche et aussitôt s'eflectue le triage des Moules marchandes; puis les résidus, le naissain, les Moules trop petites sont rejetés dans l'étang. C'est là une pêche absolument analogue à celle des Huîtres sur les bancs des parages de Granville ou autres : ce n'est plus une exploitation, et si abondants que soient en ce moment les produits de celte pêche, si peu élevé que soit le prix de vente des Moules^ par suite de l'immense quantité de Moules apportées sur les marchés du Midi, j'ai la conviction qu'il y a place encore, avec des bénéfices importants, [)our l'applica- tion des cultures artificielles, pour la transformation en vastes moulières des étangs peu profonds du delta de la Camargue. Pour en finir avec ce travail déjà trop étendu, il me reste à dire en deux mots que l'on a exagéré les dangers de la Moule employée comme substance alimentaire. A cet égard, on est peu édifié encore sur les causes dos troubles apportées dans l'économie par l'absorption de cer- taines Moules; le fait est réel : maintes fois des accidents, peu aravesil est vrai, nausées, vomissements, etc., mais néanmoins fort désagréables, ont été constatés et l'on s'est demandé d oi^i cela pouvait bien provenir. On a attribué ces accidents au voisinage de pyrites cuivreuses dans les environs de? bancs de Moules. Sur le littoral de la mil SOCIÉTÉ d'ACCLLMÂTATION. Médilerraiiée, on a attribué aux Moules, venant de Toulon, des propriétés malsaines parce que, dit-on, elles sont pêchées dans Tanse de l'arsenal où la présence des navires cuirassés entretient toujours une certaine quantité de cette matière , dangereuse, à l'état de décomposition et de dissolution saline, dans le milieu habité par les Moules. Je ne saurais sur ce sujet fournir des indications absolu- ment précises, mais je me crois fondé à rejeter la cause du danger attribué au cuivre. J'ai voulu vérifier comment se comportaient des Moules, introduites dans de l'eau salée où se trouvaient de faibles traces de sulfate on d'azotate de cuivre : elles étaient bientôt les victimes de ces substances vénéneuses. J'ai essayé de retrouver, dans des Moules venant de l'arsenal de Toulon, les plus minimes quantités d'un sel cuivreux, mais rien de la sorte n'a jamais été révélé à l'analyse. Je suis convaincu qu'il faut chercher ailleurs les dangers de la Moule dans son emploi alimentaire et surtout dans les prédispositions individuelles : que le frai des méduses et des étoiles de mer y soit pour quelque chose, cela est bien possi- ble. Les végétaux marins qui croissent aux environs des bancs peuvent aussi contribuer à ces accidents. J'ai souvent remarqué qu'à l'époque de la tloraison de certaines algues (zostères), les Moules des canaux de Fort-de- Bouc étaient entièrement vertes. Évidemment, elles auraient alors des propriétés nuisibles, si la substance organique provenant des zostères et servant à leur nutrition, était tant soit peu vénéneuse. A Toulon, les Moules pêchées dans l'intérieur de la darse de l'arsenal sont en général très-grasses : c'est qu'elles trou- vent là des matières organiques nutritives de tout genre et en abondance; de là parfois vient leur nocuité accidentelle plutôt que du fait d'une substance cuivreuse qui n'y existe pas dans un état assimilable et que d'ailleurs, ainsi que l'expé- rience me l'a démontré, elles ne pourraient s'assimiler sans en être les premières victimes. Des accidents de cette nature ne sont pas à redouter quand MUiXOCKArillf' DE L.V MOULE. . H()5 on emploie des Moules cultivées; dans ce cas, toutes les causes extérieures sont évitées et, au cas d'un caractère de nocuité constaté, il serait aisé par quelques observations de supprimer ou de modifier la source du danger. - A ce propos, je dirai que dans le système de culture sur fonds horizontaux, on peut arriver à fournir aux Moules une nuirition artificielle convenable, susceptible de les engraisser en donnant à leur chair une tendreté parfaite. Il ne faudrait pas se hvrer à cette pratique sur une large échelle, mais pour des qualités de choix il pourrait être rému- nérateur d'avoir des Moules à l'engrais. On V arrive en délavant dans l'eau, sur les élèves, de petites quantités de matières végétales pulvérisées ; certaines farines d'un prix peu élevé conviendraient parfaitement à cette édu- cation et les produits seraient à coup sûr aussi sains que possible. Mais j'attache peu d'importance à tel ou tel mode de culture de luxe : ce qu'il faut avant tout, c'est de multiplier les surfaces de production ; on le peut, on le doit. Le but de cette monographie consacrée à un être informe devait être un but d'utilité pratique. Le côté pittoresque, l'histoire des mœurs de la Moule ne sont rien en présence des services qu'elle peut rendre comme substance alimenlaire; c'est pourquoi nous avons longuement insisté: c'est pourquoi nous insistons et insisterons longtemps encore sur l'impor- tance économique que présente ce mollusque comestible et si aisément cultivable. Cette notice n'aura pas vainement vu le jour si elle fait germer, dans la tète d'une seule personne, l'idée d'entre- prendre un nouvel essai de mytiliculture et, pour ce qui m.e concerne, je me propose non-seulement de poursuivre les essais entrepris, mais encore de faire connaître, au fur et i\ mesure des résultats obtenus, les succès constatés et aussi les causes d'insuccès à éviter. DU TRANSPORT DES POISSONS Par n. P. CARBO\]\IER. J'ai déjà eu roccasion de vous faire connaître les heureux succès que j'ai obtenus dans l'envoi en Amérique, en Egypte et en Algérie, de poissons d'eau douce de nos contrées. Il y a quelques semaines, les deux iils du Président de la république du Pérou me dirent, que sur cent poissons que je leur avais envoyés l'année précédente, trente-huit étaient ar- rivés vivants, et s'étaient depuis reproduits à l'infini. En échange de ces envois, je sollicite toujours la même réciprocité, dans l'espérance de doter la France d'espèces nouvelles. Jusqu'à présent, en retour, je n'avais rien reçu, quand il y a trois mois, M. Godillot, négociant à New-York, à qui j'avais fait hommage d'un couple de mes intéressants ma- cropodes, poissons dont j'aurai l'avantage de vous entretenir prochainement, me promit de tenter Texpédition de poissons deTAmérique du Nord. Trouvant en M. Godillot, un Français dévoué à son pays, je lui préparai des instructions, que je joignis à un appareil spécial. Cet appareil partit du Havre par le paquebot transa- tlantique le Sauit-Lcmrent^ le 30 août dernier, et me fut rap- porté par le même navire, un mois après. Sur cinquante poissons qu'il contenait au départ d'Amé- rique, vingt-huit m'arrivèrent vivants ; je les possède encore tous, et je dois même ajouter, que sous rinfluence d'une nourriture copieuse et appropriée, l'abdomen d'un certain nombre de femelles s'est gonflé, ce qui me fait espérer une reproduction prochaine. Pour ceux-là aussi, messieurs, vous pouvez compter l'espèce comme vous étant presque acquise, le climat de New-York diflerant peu de celui de nos contrées. Ce qu'il y a de regret- lahle, c'est (jur- la Inille de cr-s nouveaux cyprins ne paraît pas devoir dépassrr cclli^ d'un Guujun, mais si j'en jug^' par DU ïii\N>i'()iir i)i:> l'OissuNS. 007 les apparences, ils doivent faire d'excellentes fritures. Je viens d'être avisé par M. (iodillot de Tenvoi prochain de nouvelles espèces, dans le même appareil. La question du transport des poissons vivants est assez complexe; jusqu'à ce jour, quand il s'est agi de les faire parvenir à de grandes distances, nous n'avons procédé que par làtonnements; de là tant d insuccès. Néanmoins, les quelques résultats obtenus peuvent nous mettre sur la voie à suivre. Voici les conséquences qu'on peut en tirer : c'est que, si Ton séquestre pour plusieurs semaines, dans des récipients obscurs, des poissons qui ont pour habitude de vivre à la grande lumière, et tel est le plus grand nombre, des bissus se développent sur leurs écailles et sur leurs nageoires, et les font périr en peu de jours. Au contraire, des poissons de bas fonds, ou vivant la plu- part du temps cachés sous les pierres, se transportent très-bien à l'obscurité ; l'eau étant changée deux fois par semaine, et ce changement d'eau est d'autant plus nécessaire que, privée de lumière, elle se corrompt en peu de jours. Par *20 à 25 degrés de chaleur les infusoires y pullulent en quarante-huit heures. Ce phénomène se produit bien moins dans les eaux bien éclairées. 11 faut ne destiner au transport que des poissons sains, longs de 5 à () centimètres, bien gras, les laisser séjourner préalablement dans l'eau pure, afin qu'ils digèrent tous leurs aliments (vingt-quatre heures suffisent ordinairement pour ce travail), et si la durée du voyage ne dépasse pas un mois, les priver de nourriture. Chaque sujet doit avoir pour se mou- voir un demi -litre d'eau au moins, (|ue l'on renouvellera le plus possible. A défaut d'appareil spécial de transport, les vases en verre ou en terre cuite, à larges ouvertures, recou- vertes de toile claire, doivent être préférés pour le voyage des poissons de surface; pour les autres tout objet peut être utilisé. Il est des cas, dans les voyages au long cours par exemple, où une nourriture devient nécessaire, et on a conseillé de donnf'r en pàhire dos farinons on dn jaune d'onif dur. Il faut liioii se garder d'cmijloyer ces nialièn*^ qui, j'iMi ai la crli- 608 SOCIÉTÉ d'ACCLIMATATIUIV. tude, ont été la cause dominante de tous nos insuccès .Les fari- neux, le jaune d'œuf, graissent les^ vases et les animaux en moins d'un jour; si on saisit un poisson en cet état, il est hui- leux, gluant, quelques heures après il meurt asphyxié. Malgré l'isolement où l'on se trouve, à bord des navires il y a toujours des ressources dont on peut tirer parti ; quelques mouches, des cirons de fromage, de petits filaments de viande, voilà la nourriture qui doit être donnée. Il est urgent d'extraire, quelques heures après, toutes les matières qui n'auraient pas été prises par les animaux. C'est à Taide de ces moyens et de ces précautions spéciales, données par moi comme instructions, que je dois les succès dont j'ai Thonneur devons montrer un exemple, l'arrivée en France de ces poissons américains. Voici l'appareil que j'ai construit, pour le transport, à de grandes distances, des poissons vivants. Cet appareil, fait en fer-blanc, a la forme d'un panier légè- rement comprimé sur ses deux faces latérales ; la longueur totale est de hO centimètres, 16 de largeur et ib de hauteur; il contient environ 10 litres d'eau. Une anse à charnière placée à sa partie supérieure en permet le maniement facile. 11 est très-porlatif, et une personne peut sans peine le trans- porter partout. DU TUÂNSPURT DES POISSONS. ()09 Sur la face supérieure existe un encadremeut, long de 20 cenlimèlres sur 16 de large, desliné à recevoir un carreau de verre ; ce verre, maintenu en place par des tenons, peu être enlevé à volonté, avantage qui permet les manipulations intérieures, telles que nettoyage ou aérations des animaux. Un couvercle à charnière, de fer- blanc poli, recouvre toute cette partie transparente de l'appareil; ouvert, il sert de ré- flecteur et une crémaillère permet de l'incliner sous différents angles afin de renvoyer, sur la surface de l'eau, la quantité de lumière nécessaire. A chacune des exlrémilés de l'appareil, existe un large gou- lot dont le couvercle est percé de trous d'aération; l'une de ces ouvertures sert à introduire l'eau et les poissons; après le couvercle du deuxième goulot est soudé un cvlindre en toile mètalUque, de 12 centimètres de longueur, percé d'un trou à sa base. Ce cylindre est destiné à recevoir du menu charbon tjui, plongé dans l'eau, l'entretient dans un bon état de pureté. Pour éviter que les poissons ne soient buttés contre la surface rugueuse de la toile métallique, une cloison perforée a été éta- blie dans l'intérieur. Une petite armature de zinc, fixée sur l'une des faces immer- gées de l'appareil, en préserve les parties de toute oxydation, en même temps quelle neutralise ou ralentit considérablement la production des infusoires. Cette cause physiologique du ra- lentissement de la multiplication des infusoires dans un milieu où existe un faible dégagement d'électricité, et une petite production d'hydrogène, fait que mes nombreuses expé- riences m'ont permis de souvent constater, mérite de fixer l'attention des observateurs spéciaux. TeUes sont les principales dispositions de cet appareil de transport ; en facihtantla surveillance constante dont doivent être l'objet les poissons que Ton y séquestre, il remplit toutes les désirables conditions d'hygiène. 2' SLUIL, T. VUl.— Décelable I87i. 39 MOYENS EMPLOYÉS POUR LA DESTRUCTION DES SAUTERELLES A CHYPRE, Par Meinncd S AID. paclia, Gouverneur de Chypre. On emploie, à Chy^jie, irois procédés pour délruirc les Sau- terelles : 1" la l'écoke des gousses ou anuis d'œufs; 2° le sys- tème des toiles; 3" la récolte des Sauterelles ailées. La récolte des gousses se fait, par corvée ou à forfait, au poids. La seule difficulté, et elle est plus apparente que réelle, est de reconnaître le lieu oia les Sauterelles ont déposé leurs œufs agglutinés. Si l'on observe le vol des Alouettes sur les plateaux ou collines incultes, on remarque des endroits où elles viennent becqueter et remuer la terre ; si l'on balaye rudement la place avec une forte branche, on observe sur le sol quelques petits orifices au fond descjucls on rencontre en fouillant les gousses des Sauterelles. Ces gousses sont assez rapprochées pour que dans une journée, au commencement de la récolte, chaque ouvrier puisse trouver de 10 à ! 5 kilog. do ces amas d'œufs. Le système des toiles est plus difticile à expliquer, mais sa description sera plus claire en suivant la ligure ci-jointe. Il se compose d'une forte toile (n** 1), longue de 50 mètres, sur une largeur de 1 mètre; sur toute la longueur de cette toile et à 5 centimètres au dessous du bord supérieur (3), est cousue une bande (*2) de toile cirée, unie et sans dessins, large de ()'',10; elle a pour utilité d'empêcher la formation de plis au contact des piquets, et, par suite, l'évasion des insectes. Au^ deux extrémités delà grande toile et sur toute sa l argeiir scn cousues deux têtes de toile cirée (h) ileO"\?->0, destinées à s'enrouler autour de piquets bien droits, de façon à fermer hermétiquement 'a jonction des deux loili:'s. De distance en DESTRUCTION DES SAUTERELLES A CHYPRE. 611 distance, à 2 mètres environ, sont des rubans (5 et 7) qu servent à fixer la toile sur de forts piquets de bois dur (6) , de façon qu'elle soit bien tendue. Pour assurer cette tension de la toile, on dispose au bord supérieur, entre chaque pi- quet, un anneau de ruban (S) dans lequel passe une grosse ficelle (9), qui s'attache à toutes les têtes de piquets, lesquels dépassent la toile d'environ 0'%10. La toile doit être tendue avec une légère inclinaison de 0"\'20, obliquement à la di- rection des saulerelles, car si le système est perpendiculaire à cette direction, l'insecte ne sait quelle marche suivre et pas- sant à droite ou à gauche, finit par le déborder. On réunit en- semble un certain nombre de toiles, de façon à barrer une grande largeur, plusieurs lieues quelquefois. On laissera, du côté où viennent les ^Sauterelles, reposer sur le sol le bas de la toile (40), environ d'un centimètre, qu'on recouvrira de terre pour empêcher que les insectes ne passent par-dessous. Ce système n'a d'autre but que d'arrêter la progression des Sauterelles et de les obliger à se réunir en masses; aussi dis- pose-t-on de dislance en distance, de 25 en 25 mètres, sur le trcntier (]ùe suivent les insectes, des fosses (H) dans lesquelles (512 suciÉTÉ d'acclimatation. ils tombeiil, el, pour faciliter celte chute, on place, à l'ouver- ture (Je ces fosses, des cadres de bois, blindés de zinc bien poli (12) : ces cadres ont 2 mètres de long sur 0'%80 de large, etleurs parties sont maintenues en rapport par des bandes de bois extérieures ; en outre, ils sont munis inférieurement d'une bande de toile de 0"',70, qu'on recouvre de terre et qui prévient la fuite de l'insecte, 11 est essentiel de ne faire aucun bruit pour ne pas effrayer les Sauterelles. Si l'on remarque, ce qui se présente lors de la seconde mue, que les Sauterelles dépassent la toile cirée, il faut oindre légèrement celle-ei d'huile, ce qui leur ôte toute prise. Si, toutefois, quelques Sau- terelles dépassent le système, il faut les laisser en paix, car, le soir venu, elles rebrousseront chemin et passeront l'obstacle pour venir se joindre à la masse. Quand le ciel est couvert de nuages, la Sauterelle reste im- mobile, et il serait inutile de vouloir lui faire reprendre sa marche ; elle reste en groupes sur la terre, et l'ouvrier peut la récolter avec un entonnoir à double fond qu'il va vider dans les fosses. On peut aussi, dans ce cas, détruire par le feu les Sauterelles, qu'on trouve dispersées çà et là. Une première campagne ne détruit pas toutes les Saute^- relies; celles qui ont échappé ont développé leurs ailes, mais le matin elles restent engourdies sur les blés ou les brous- sailles, et alors on peut en capturer beaucoup, soit avec des coulfes d'osier, soil avec des toiles qu'on traîne jusqu'au ras du sol et qui forment une poche où se prennent les Saute- relles {Il à 5 kilog. en moyenne à chaque opération). Ce pro- cédé s'emploie utilement pendant les douze ou quinze jours ({ui suivent le développement des ailes. La poursuite à outrance de la Sauterelle a encore 1 avantage d'empêcher ses accouplements, et, d'autre part, même quand ja gousse s'est formée, celle-ci ne peut mûrir, est attaquée par un ver parasite et pourrit. Pour connaître la quantité de toile à employer, il faut con- naître approximativementl'espaceoùles Sauterelles ontpondu ; aussi faut-il avoir des surveillants qui observent les insectes dès le moiiient drunet, que le métis du Dindon (1/|6 SOCIKTÉ d'acclimatation. S et de la Poule est beaucoup plus petit que celui du Coq do- » mestique et de la Dinde. Cette disproporlion dans la taille » entre des métis obtenus de la réunion de deux mêmes )) espèces nous rappelle la différence que présentent entre » eux le Bardeau, fruit de l'accouplement du Cbeval avec » l'Anesse, et le Mulet, fruit de l'accouplement de l'Ane avec » la Jument. Ce dernier est toujours plus grand que le Bar- deau. » — M. Ronsard fait parvenir son rapport sur son cheptel de Béliers Zackel. — M. Meurand, direcleur au ministère des affaires étran- gères, transmet une note de M. Lanen sur la domestication des Autruches au cap de Bonne-Espérance (voyez Bulletin, p. 525). — M. Duchesne de Bellecourt annonce l'envoi fait à la So- ciété par M. Henry Rozy, propriétaire à Bantam (Java), de plusieurs Gouramis provenant de la rivière de Bantam ; cet envoi est accompagné de la note suivante de M. Rozy : ce Ces 5> Poissons sont contenus (au nombre de quinze aujourd'hui) )) dans une caisse de zinc recouverte d'une autre caisse de bois » avec ouverture d'un pied de diamètre environ pour donner ^ passage à l'air. L'eau dans laquelle on a mis ces Poissons a » été préalablement cuite; Dans la caisse, il y a un peu de gra- » vier et de sable. M. Rozy pense que les Gouramis pourront » arriver ainsi sans qu'il soit nécessaire de changer l'eau ou » d'en ajouter d'autre. On doit seulement avoir soin de les » visiter souvent durant la traversée et, s'il en meurt un, de » l'enlever de suite, afm d'éviter la putréfaction de l'eau. Il » faut bien éviter de couvrir l'ouverture de la caisse ; car le )) Gourami vient à chaque instant respirer l'air extérieur, et 3 s'il en manquait, il périrait bientôt. En conséquence, en > cas de gros temps en mer, il faut meure la caisse à l'abri et > autant que possible dans les endroits les plus frais. 11 ne s faut jeter aux Poissons, durant la tra\ersée, ni morceaux de y pain, ni riz. Les détritus pourraient putréfier l'eau. — » Nourr'dure. On donnera chaque jour aux Poissons un mor- > ceau de tourtsau d'arachides (le Katchian) environ de la priOCÈs-VEunArx. (i/i7 j) grosseui' d'une pûiniiie moyenne. M. Rozy a mis égalemen ); dans la caisse à eau qui conlient les poissons quelques bar- ï> bes de l'arbre à sucre de Java ou Haren; car il a remarqué » qu'il s'en trouve dans tous les nids de Gouramis. On pourra » en jeter quelques barbes dans les piscines où l'on placera » les Gouramis en arrivant en France. M. Rozy a cru devoir )> joindre également quelques échantillons de plantes des étangs » de Bantam que fréquentent les Gouramis. » M. le secrétaire informe la Société qu'il a reçu une lettre de M. Hesse, notre délégué à Marseille, lui annonçant que onze de ces Gouramis sur quinze étaient arrivés vivants en France, mais que, la nuit ayant été froide, tous ces poissons; qui mesuraient 15 centimètres de longueur sur 10 de largeur, avaient succombé lorsqu'il les fît prendre. — M. Luigi Zaccagna adresse un rapport sur ses éducations de Vers à soie. — M. Nourrigat transmet un rapport de l'Association vini- cûle de Lunel sur les moyens de combattre les ravages du PJdlloxera vastatrix, — M. Léo d'Ounous transmet un mémoire sur ses cultures dansl'Ariége et la Haute-Garonne (voy. Bull.), — M. Fréd. Albuquerque propose de donner à titre d'é- change des graines de Cocos flexiiosa ou d'autres plantes du Brésil et désire recevoir soit des œufs, soit des volailles des races deHoudan, Crèvecœur, etc. — M. le comte de Chappedelaine annonce qu'il prépare un envoi de graines de Ta-yang-choii^ espèce de Peuplier dont l'acclimatation pourrait être très-utile en France, et ajoute les renseignements suivants : « Par hasard je me trouvais invité ;) à déjeuner le jour où j'ai reçu votre lettre au jardin, connu » sous le nom de Cimetière portugais, situé hors de Pékin, où » Mgr de la Place donnait une petite fête à ses missionnaires. )) J'ai eu occasion de voir le tronc dun énorme Ta-yang-chou » mort ou abattu l'année piécédente. La souche avait produit >j des drageons hauts de huit à dix pieds, très-vigoureux, » ayant une feuille vert foncé, blanche en-dessous, assez scm- )> blablc à celle de l'ipriau ou peuplier blanc de Hollande, le (3/i8 SOCIETE D ACCLIMATATION. » Ironc blanchâtre très-lisse. Cet arbre me parut sitsceplibie > d'une plus grande venue que le blanc de Hollande, auquel » il ressemble. Le terrain, où il avait si bien poussé, est un » terrain sec. Gomme le Cimetière portugais, où est enterré y> le père Ricci, date de l'empereur Kiang-shi, vers 1700, il est ^ probable que le Ta-yang-chou que j'ai vu était très-vieux. » Quant à sa taille, la première partie de son nom Ta, qui y> veut dire grand, en donne l'explication. y> — M. Turrel adresse à M. le Président une lettre relative à un concours de fruits des divers Grenadiers introduits en France, concours qui a eu récemment lieu à Toulon. « Jus- qu'à présent la palme reste à la Grenade cultivée à Ollioules (Var) depuis une période plusieurs fois séculaire ; comme grosseur du fruit, beauté du grain et qualité de couleur et de saveur, notre Grenade provençale s'est montrée supé- rieure à celles de Malaga, de Malte, d'Alexandrie et de Jaffa. Cette dernière cependant se recommande par le magnifique coloris de la peau, qui est d'un rouge carmin éblouissant et promet un fruit très-ornemental pour les desserts. Nous n'avons pas eu de Grenades de Tarragone à cette intéres- sante exhibition; c'est la variété exotique la plus méritante, parce que le vert de ses pépins est beaucoup plus tendre que celui des variétés précitées. Notre Société désirerait recevoir les variétés cultivées à Tunis, d'où le Grenadier semble originaire, et surtout celles du Turkestan, frontière de la Perse, où un voyageur signale avoir vu et dégusté des Grenades saiis pépins. Tel est le vœu que je suis chargé d'exprimer à la Société d'acchmatation. » — M. le consul général de Frajice à Tunis annonce l'envoi d'une caisse de Grenades et dit qu'il s'occupe de trouver des plants de Grenadiers de la meilleure quahté, pour être mis à la disposition de nos confrères de Provence. -— M. Engaurran fait don de graines de Plnus Sabiniana et exprime le désir que ceux de nos confrères, auxquels elles auront été distribuées, veuillent bien lui faire connaître les résultats de leurs observations. — Des remercîments pour les graines qui leur ont été en- PROCÈS-VERBAUX. ^ll^^ voyées sont adressés par MM. Busk, Huzard, Nadal, Ravon, baron Larrey, A. de Surigny, docteur Maisonneuve et Bréon Guérard et par les présidents de la Société d'agriculture de la Lozère et d'horticulture de Tarn-et-Garonne. — M. le secrétaire met sous les yeux de la Société, au nom de M. Betz-Pcnot, des échantillons de Maïs des États-Unis, pro- venant de ses cultures de cinquième année et qui ont pris des proportions remarquables. — M. Bouteille fait don de quelques noyaux de Pêches de Tulhns et offre, au nom deM. Buisson, une collection de noyaux de quinze variétés de Pèches de plein-vent. — M. Joly de Lotbinière adresse un paquet de glands de Chêne rouge du Canada. — Remercîments. — M. Duchesne de Bellecourt annonce l'envoi par M. Henry Rozy (de Bantam) de deux plantes textiles, le PFaroïc et le Raméh, et d'une plante fébrifuge, le Koneug-gedeh. — Re- mercîments. — M. A. Roussel, à Valréas, transmet un échantillon de pain conservé-comprimé, qu'il désire remettre à l'apprécia- tion de la Société. Renvoyé à une commission composée de MM. le baron Larrey, le baron Cloquet et Maurice Girard. — M. Turrel rappelle la pubhcation faite par lui, en 1861, d'une notice sur le Câprier inerme et ajoute que si ses efforts, pour substituer sa culture à celle du Câprier épineux, com- mencent à peine à aboutir dansleVar, il n'en est pas de même •à Roquevaire, où les cultivateurs remplacent par la variété inerme le câprier épineux, dont la culture est plus difficile, et la récolte moins rapide et moins économique. — M. Turrel transmet le rapport suivant de M. Sénéquier sur ses cultures : « Il continue à se louer beaucoup des deux » Millets blanc et rouge qui, sur une terre substantielle et ar- » rosable, donnent de vigoureuses tiges de i'",50 de hauteur, » garnies sur tout leur développement d'un feuillage abon- » dant et donnant, après la récolte, des épis dont la volaille » est très-friande, un fourrage un peu grossier, mais que » l'espèce bovine consomme avec avidité. Le Maïs blanc à )) poulets nain, à épis bien garnis de petits grains, le Maïs ()Ô0 SOCIÉTÉ d'acclimatation. » rouge, plus élevé, à gros épis, lui conviennent également et )) sont acquis à ses cultures. Les Sorghos rouge et blanc lui » paraissent moins intéressants, bien que leurs feuilles puissent » être consommées en vert par ses bœufs. Leurs graines sont )) peu recherchées par la volaille, mais pourraient être mises » en farine pour les cochons à l'engrais. Le Chanvre de Chine i) s'élève vigoureusement à 2"\50, mais ne donne que des » fibres assez grossières. Le Sésame blanc donne une récolte » abondante de graines enfermées dans des capsules oblon- » gues-carrées, à angles droits, à déhiscence facile, très-riches » en huile. Le Sésame pourrait, dans le Midi, jouer le rôle » du Colza du Nord. Le Pois vert est très-intéressant par sa 5) production abondante ; ses gousses, couvertes de poils » grossiers, ne sauraient être consommées en vert, mais ses » grains donnent des purées excellentes. M. Sénéquier m'en )) envoie un paquet que je vous ferai parvenir, si vous le dési- )) rez, pour être réparti par vos soins aux membres de la So- » ciété. Le Pois petit est nain, ne s'élève qu'à 25 centimètres, » mais ne peut être utilisé pour la nourriture de l'homme. » Il donne un grain de petites dimensions qui ressemble à ;) celui de la Vesce et pourrait concourir à la nourriture des » Pigeons. » — M. Haveret-Wattel envoie une note sur le Sparle (voyez Buil.j p. 571). — M. Delondre fait hommage d'une note intitulée : Fibres textiles et coton. — Remercîrnents. — M. Eug. Gayot fait hommage d'un exemplaire de son livre : Les petits quadriqjèdes de la maison et des champs. — • Remerchnents. — M. de Quatrefages fait hommage d'un volume qu'il vient de publier sous le titre : La race prussienne. — M. Carbonnier présente divers Cyprins vivants qu'il a reçus de l'Amérique du Nord et met sous les yeux de la So- ciété un modèle d'appareil destiné au transport des poissons (voy. Bull, p. 608). M. de Oualretages pense qu'il serait utile de pouvoir à volonté maintenir le réflecteur plus ou moins incliné, de fa- rnOCKS-YERBAL'X. 051 çon à pouvoir mesurer la lumière qui arrive sur' les poissons. — M. Giilet de Grandaiont, en l'absence de M. Coste, dit que le gouvernement s'est préoccupé du remplacement d'IIu- ningue, qui est aujourd'hui au pouvoir des Prussiens et qu'il est probable que, d'ici quelque temps, un nouvel établisse- ment sera créé à Délie, dans le Haut-Rhin. — M. Hennequin offre à la Société la statistique des pêches maritimes qui concerne 1869 et 1870, et ajoute : « Malgré les 3) circonstances critiques que nous avons traversées depuis » près de dix-huit mois, le département de la marine a pu » réunir les éléments de ces intéressants documents, qu'il » vient de publier presque simultanément. Une courte préface » qui accompagne la statistique de 1870 résume les domma- » ges que l'industrie de la pêche maritime a éprouvés par )) suite des calamités qui ont marqué les derniers mois de » cette funeste année. Des résultats analogues ou à peu près * seront vraisemblablement révélés par la statistique de 1871. » Il ressort de la comparaison entre les produits des diffé- )) rentes pêches en 1859 et en 1870 une diminution de valeur )) de plus de 9 millions de francs pour celle dernière période, p Quant aux hommes employés, leur nombre est descendu de » de lOa à 101 mille, et le chiffre des bâtiments ou bateaux » armés en 1870 a été inférieur de o22 à celui de 1869. » Comme conséquence naturelle, le tonnage s'est abaissé de )) 153 000 à ^50 000. Ces résuUats, regrettables à tant de )) titres, ont été causés, comme vous Tavez déjà compris, par » la guerre que la France a eu à soutenir contre l'Allemagne » et qui a amené l'investissement de Paris, ce grand centre )) de consommation, ainsi que l'interruption des communica- )) tiens entre d'autres villes de l'intérieur et la plupart de nos )) ports du nord et de l'ouest. Une grande partie des débou- » chés ayant manqué, le prix du poisson a naturellement subi )) une dépréciation considérable. D'un autre côté, de nom- )) breux appels ont eu lieu parmi les marins inscrits pour la )) défense du pays, et la formation des équipages des bateaux )) s'est trouvée par suite entravés sur bien des points. La po- y> pulalion de nos cotes a donc largcniciit et de plusieurs ma- 052 SOCIÉTÉ d'acclimatation. )) nières paye sa dette à la patrie; car, pendant que ses vail- » lants enfants donnaient, au siège de Paris, à celui de » Strasbourg, dans les armées de la Loire, du Nord, de l'Est, 5> l'exemple de la discipline, du courage, du dévouement in- » telligent, l'industrie qui fait principalement vivre cette po- » pulation était en souffrance. Aujourd'hui, la plupart de ceux j» des matelots, ayant pris part à la guerre, qui ont survécu à » nos désastres se sont remis à exercer leur pénible profes- )) sion. Honneur à ces hommes aussi modestes que braves, qui )) ont maintes fois prouvé, dans les rudes épreuves que nous )) venons de subir, combien le contact journalier avec le grand » spectacle de la mer élève et anoblit les âmes. » — M. Maurice Girard donne lecture d'une note sur l'accli- matation de YAttacus Cyntkia (voy. Bull.^ p. 6i/i). M. de Quatrefages rappelle l'acclimatation du Termite à Rochefort et à la Rochelle. Dans la première de ces villes, cet insecte était tellement répandu qu'à une certaine époque, on n'osait plus avoir de réunions de famille. A la Rochelle, le Termite, qui a été introduit par des madriers infectés, est presque exclusivement localisé dans l'hôtel de la préfecture et à l'arsenal qui en sont infectés; il donne des détails sur di- vers faits constatés par lui-même et rappelle l'observation de MM. Audouin et Edwards. Plusieurs dossiers faisant partie des documents officiels conservés à la préfecture, restés en place et paraissant parfaitement intacts, ayant été visités, on reconnut que tout l'intérieur était dévoré, sauf une couche très-mince superficielle. — M. Ramel communique une note de M. Wiison relative à l'usage des conserves de viande d'Austrahe et promet de don- ner la traduction de cette note pour le Bulletin, M. de Quatrefages fait observer qu'il a goûté de ces con- serves et les a trouvées très-bonnes; le seul reproche à leur faire serait la surabondance de graisse. M. le baron Larrey dit que la commission des subsistances militaires a apprécié également les conserves de viande aus- tralienne, qu'elle a trouvées aussi trop grasses. M. Ramel émet le vœu que, par un emploi raisonné et plus PROCÈS-VERBAUX. 653 étendu des irrigations, la France arrive à une production abondante de viande et de laine. SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1871. Présidence de M. Drouyn de Lhuvs, président. — Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le président proclame les noms des membres récem- ment admis : MM. Beaurepâire Rouan (Henri de), général du corps des ingénieurs, rue de la Praia, 39, à Nicterohy (Rio- Janeiro). Gassârd (Andres), Commission merchant, 58, à Broadway (New-York). ^— M. le président présente des échantillons de Ramié qui lui ont été remis par M. Dudouy, directeur de l'agence gé- nérale des agriculteurs de France. — M. Bouvier annonce le prochain départ pour la côte occidentale d'Afrique, de M. Alfred Marche, qui se met à la disposition de la Société. . — M. A. Milne Edwards indique les bons services de deux des gardiens de la ménagerie du muséum, MM. Beurdeley et Quantin. — Renvoyé à la Commission des récompenses. — M. le secrétaire de la Société d'agriculture de la Haute- Garonne transmet un rapport de M. le docteur Joly, et une notice de M. G. Fouque, sur le cheptel de Lamas de la Société. — M. Delidon, de Saint-Gilles-sur-Vie, a f^iit parvenir à la Société une petite quantité de moules âgées de quatre ans, et qui ont été élevées pendant trois ans dans ses dépôts. Une portion de cet envoi a été remise à MM. de Quatrefages et Cheret, l'autre partie a été étudiée par M. Soubeiran, qui dit avoir reconnu à ces mollusques une apparence très-belle et une saveur très-fme et délicate, de beaucoup supérieure à celle des moules oriUnaires. ijbh SUCIÉTÊ D ACCLJMAÏATIUN. — M. Franche remercie des graines qu'il a reçues. — M. Guignebourg-, instituteur, demande à participer aux distributions de graines de la Société. — Il est déposé sur le bureau : r Les statuts de la Société nationale d'encouragement des Travailleurs industriels; 2" de la part de M. Charles Ballet : La coulure du raisin^ ses causes et ses effets, moyens de V empêcher. — Remercîments. — M. le secrétaire donne lecture d'une note de S. E. Mehmed Saïd, pacha, gouverneur de Chypre, sur la destruction des Sauterelles (Voy. au Bulletin, p. 610). — M. A. Geoiïroy Saint-Hilaire communique à la Société divers extraits de lettres qu'il a reçues de M. Alex. Mairet, sur les éducations d'oiseaux faites en 1870, à la faisanderie du château de Ferrières (Voyez au Bulletin, p. 503). M. A. Geoffroy Saint-Hilaire ajoute quelques détails sur les multiplications obtenues au Jardin d'acclimatation pendant les années 1870-1871 , et annonce qu'il a l'espoir de pouvoir réor- ganiser bientôt cet établissement. Celte nouvelle est accueillie avec les marques de la plus vive sympathie par l'Assemblée. M. Quihou lit un rapport sur les cultures du Jardin d'Accli- matation (Voy. Bulletin). M. Quihou met sous les yeux de l'Assemblée des spécimens de diverses espèces de bambous de ses cultures, et donne des détails sur chacun d'eux. M. Vavin craint qu'il n'y ait confusion sur la qualité des bambous présentés. M. Quihou dit que le spécimen qu'il a mis sous les yeux de la Société est bien le Bambusa nigra, mais ayant atteint des dimensions exceptionnelles. M. Rivière dit qu'en Algérie celle espèce atteint au plus h centimètres de diamètre, et que c'est vers le mois de sep- tembre que la tige se colore en noir. M. Geoffroy Saint-Hilaire dit que l'on peut considérer comme effectuée l'acclimatation du bambou e»; rappelle, à celte occasion, que la Société a fondé trois prix pour favoriser celte culture, et il pense que le moment est venu de songer aux ai>plicaliuns industrielles du l)aml,>ou acclimaté. rr.octs-vEUHÂUX. ^55 — M. Vavin présente divers spécimens de végétaux cultivés par lui : une betterave d'Egypte, un potiron dit de tronco^ or- riginaire du Brésil, ornemental et alimentaire, divers spéci- mens de pommes de terre, la Earhj rose, très-hàtive, mais de qualité médiocre et très-sujette à la maladie, et la pomm.e de terre de Dickmens, plus précoce et plus avantageuse que la Chardon. 11 offre des spécimens de ces deux espèces. M. le président rappelle que les graines de potiron, dit de franco, lui ont été remises par notre confrère, M. Balcarce, et invite les membres de la Société à vouloir bien ne pas négliger de faire connaître à la Société les résultats; bons ou nuls, de leurs cultui'es. — M. le secrétaire rend compte d'un rapport de M. Gh. Rivière sur les cultures du Jardin d'essai du ITamma. — M. Ramel dépose la traduction du travail de M. Edward Wilson, sur le prix de la viande de boucherie (Voy. Bulletin), Le Secrétaire des séances ^ J.-L. SOUBEIRAN. m. CHRONIQUE. Le Yak. Le Bœuf propre au Ti(3et est le Bœuf à longs poils, que les naturalistes nomment Bos grimnîens. Le mâle se nomme en tibétain Yak et la femelle Djiéma : les Chinois les nomment l'un et l'autre Mao-nieou (Bœuf poilu). Du croisement du Yak avec notre Vache ordinaire, qui se nomme ha, ou de la Djzéma avec le Bœuf ordinaire, nommé long, provient une variété plus forte et d'un caractère plus doux, nommée Dzo (le mâle) et Dzo-mo (la fe- melle). La Dzo est toujours stérile, la Dzo-mo ne l'est pas ; mais ses petits, nommés Nguer, sont malingres et on les tue presque toujours après leur naissance, pour utiliser le lait de la Dzo-mo, qui est abondant. La Nguer produit le Ton, qui ne vaut guère mieux que ses parents, mais qui, croisé soit avec le Yak, soit avec le Bœuf, reproduit infailliblement le Yak et le Djzéma pur sang (M. Desgodins, Bull, de la Soc. de géogr., novembre 1871, p. 355). L'x\beille ligurienne ou alpine. Par M. H iHàmet. L'Abeille ligurienne {Apis ligustica, Latreille, Spin.), dénommée par les apiculteurs Abeille alpine, Abeille italienne, Abeille jaune, forme une race particulière qui se distingue de la race commune {Apis mellifica)^ principa- lement par sa couleur (1). Ses deux premiers anneaux et même la moitié du troisième, sont orangés lorsque l'Abeille est jeune, et terre de Sienne lors- qu'elle vieillit. Cette Abeille se trouve dans la partie alpestre de l'Italie, principalement entre deux chaînes de montagnes, à droite et à gauche de la Lombardie et des Alpes rhétiques, ainsi que dans toute la région alpestre du Tessin, de la Valteliue et du sud des Grisons (Suisse). Elle prospère jusqu'à une hau- (1) Les naturalistes comptent diverses espèces d'abeilles, plusieurs devenues domestiques et probablement toutes capables de l'être. Outre VApis mellifica (Linn.) et VApis ligustica (Latr., Spin.), ils distinguent : l'^p/s /'a5cia/a(Latr. ), l'abeille fasciée ou abeille égyptienne^ qui a la même couleur que l'abeille alpine, mais dont la taille est moins forte; VApis unicoloî' (Latr.), l'abeille unicolore de Mada- gascar qui est noire, avec abdomen brillant. Elle a été introduite à l'île de la Réunion. VApis caffra (Lepellet. St.-Farg.), l'abeille de la Cafrerie, noire, avec la base du second segment de l'abdomen de couleur ferrugineuse ; VApis scutel- lala L. St.-F.), à abdomen brun, avec la base des segments revêtue de poils cen- drés; VApis Adansoni (Latr.)^ qui doit être celle que Lepelletier Saint-Fargeau dénomme VApis Nigritarum, abeille qui se trouve dans la Kigritie et le Sénégal; sa taille est plus petite encore que celle de l'abeille égyptienne, mais ses couleur% sont à peu près les mêmes. h'Ajns Poroni (Lalr.)^ l'abeille de Pérou qui se trouve CHRONIQUE. 057 leur de 1500 mètres au-dessus du niveau de la mer (1), el paraît préférer les climals septentrionaux, car on ne la trouve plus dans le sud de l'Italie, ni le long du liltoral de la Ligurie, quoique Latreille Tait dénommée ligurienne, la croyant originaire de cette contrée. C'est VApis melli/ica européenne qu'on trouve dans ces régions chaudes. L'existence des deux races d'Abeilles en Italie était déjà connue du temps d'Aristote; et Virgile a clairement décrit leur différence dans le livre IV de ses Géorgiques. Varron et Collumelle en font aussi mention. Spinola con- state les deux races dans le Piémont. Ce n'est que depuis une vingtaine d'années que l'attention a été appelée sur l'Abeille alpine. En 18'i8, le capitaine Baldenstein, de Cour, canton des Grisons, a pensé que celte race pourrait déterminer la question de l'origine des œufs de faux-bourdon, à ce moment discutée par des apiculteurs alle- mands. Cinq ans plus lard, une colonie de l'Abeille alpine fut envoyée par l'entremise de la Société d'apiculture devienne, à Dzierzon, l'éminent api- phile de Carlsmark, dans la Silésie prussienne. A partir de ce moment, cette Abeille se propagea dans toute l'Allemagne et dans diverses autres contrées de l'Europe et de l'Amérique. Ce n'est qu'en 1859 que la première colonie nous fut envoyée par M. Hermann, de Ccire en Valteline. La même année, un apiculteur du Bas-Rhin, M. Vomrwarld, avait introduit une mère ita- lienne venue de l'Allemagne. L'année suivante, nous reçûmes de M. Mona, de Biasca, canton du Tessin, douze autres colonies qui furent placées tant au .Jardin d'acclimatation qu'au rucher expérimental du jardin du Luxem- bourg, aujourd'hui détruit, et qui contribuèrent à propager l'espèce en France. En 1861, nous pûmes procurer un certain nombre de mères, de race maintenue pure, à plusieurs apiculteurs qui s'occupèrent d'en multi- plier l'espèce. Un apiculteur de l'Aisne, M. Warquin de Bellevue, près Crépy en Laonnois, se fit spécialiste et put élever plusieurs douzaines de femelles fécondées provenant d'une mère que nous lui fournîmes en 1862. Depuis, à Timor, de couleur noire, à écusson jaunâtre, avec les deux premiers segments de l'abdomen et la base du troisième d'un roux jaunâtre, les ailes obscurcies à nervures noires. VApis indica (Fabr.), l'abeille de l'Inde, noire, à pubescence cendrée, avec le premier et le second segment de l'abdomen d'un roux ferrugi- neux ; elle est deux fois plus petite que notre abeille domestique. Autres abeilles de l'Inde : VApis nigripennis [LaIt.), noire^ avec poils roussâtres, de la taille double de l'abeille européenne à ailes rousses, à reflet violet ; r.4pis socialis (Lat.), noire, à ailes transparentes, avec les trois premiers segments de l'abdomen d'une couleur ferrugineuse pâle ; VApis dorsala (Fabr.), à corselet noir, avec l'écusson jaunâtre et les segments de l'abdomen jaunâtres, taches latérales brunes et trian- gulaires. — Quoique ces diverses abeilles présentent des particularités de couleur, des applications d'habitude, des manifestations distinctes, des caractères plus ou moins tranchés, peut-être sortent-elles du même type, et zoologiquement parlant, peut-être forment-elles des 7'aces ou des variGlésqui peuvent se marier^ se croiser et se modifier. Le croisement est reconnu pour les Alpis melUfica et liQustica qui doivent n'être que des races, et il a lieu aussi avec la fasciata comme M . Vogel, de Berlin, l'a constaté. Quant aux autres, l'expérience décidera. (1) L'Abeille italienne des Alpes; H. C. llermann. r.oire. 18(i<». 'i*" SF.itiK, T. Vlil. — Décembre IK71 'i2 658 SOCIETE D ACCLIMATATION. c'est par centaines qu'il a italianisé des colonies indigènes. Mais, pour con- server la race bien caractérisée, il va de temps à autre, ainsi que le font les amateurs de la race pure, redemander des types producteurs à la patrie de cette Abeille. Cependant des observateurs allemands, tels que Dzierzon, de Berlepscli, Leuckart et Von Siebold affirment qu'ils arrivent à conserver la race alpine pure en faisant un choix des femelles et des faux-bourdons bien caractérisés et en éliminant les autres, ce qui n'est pas toujours facile. Nous avons dit plus haut que l'Abeille alpine se dislingue notamment par sa couleur jaune ; elle se distingue aussi par d'autres pariicularités. Vue au vol, elle est presque transparente; ce vol est plus léger et produit un bour- donnement plus doux que celui de l'Abeille commune. L'Abeille mère possède à un haut degré ces marques disliiiclives sur le corps; sa couleur est d'une teinte plus claire, et on la dislingue facilement sur les rayons parmi les autres Abeilles, principalement à l'époque de la grande ponte. Le faux-bourdon porte aussi la coloration jaune, mais d'une façon moins tranchée que l'ouvrière et que la mère; mais il possède des taches jaunes sur les côtés du ventre. L'ouvrière alpine est un peu plus grosse que l'ouvrière indigène ; son abdomen est plus pointu et plus développé, lorsqu'il est emph de miel. La cellule de l'ouvrière alpine mesure 0"', 0055 et celle de l'ouvrière indigène, 0'",0052 de diamètre. Cette Abeille est au moins aussi douce que l'Abeille commune; mais dans des circonstances particulières, elle est plus irascible. Ainsi lorsque la colo- nie est affectée de couvain mort, lorsque la mère est malade ou morte, lors- que la fausse teigne ou d'autres ennemis cherchent ù pénétrer dans la ruche, il est bon de n'en approcher qu'avec précaution; elle est aussi plus vigilante. Elle est plus décidée et plus entreprenante que l'Abeille du pays; elle garde mieux sa porte contre les ennemis du dehors, elle défend mieux ses édifices et ses nourrissons contre les ennemis du dedans, c'est-à-dire la fausse teigne; plus active, c'est elle qui se met la première au travail, c'est même elle qui en revient la dernière; elle a l'odorat plus subtil, car, si l'on commet l'im- prudence de donner, dans un moment inopportun, de la nourriture à une colonie nécessiteuse, ou si l'on expose cette nourriture en plein air, c'est presque toujours l'alpine qui arrive la première pour prendre sa part du bulin. C'est aussi elle qui, dans un rucher où se trouvent réunies les deux races, découvre la première toute colonie eu désordre ou peu gardée, tombe dcbsus et pille son miel. Mais un reproche à lui faire, c'est de manquer de fidélité, de s'introduire dans une colonie d'Abeilles grises findigènes^ d'y fixer sa résidence, et de travailler en commun dans sa famille adoptive. Les colonies alpines essaiment plus que les indigènes. La fécondité des mères ( si plus grande, ou du moins dans notre climat, c'est-à-dire qu'elles CHRU.MQUE. 659 pondent davanlage, mais leur vie esl moins longue; elles ne vivent guère au delà de trois ans; elles sont plus sujettes à des affections qui, parfois, atteignent la colonie, telles que la loque ou couvain pourri. Les colonies mélisses ou croisées, celles dont les ouv rières proviennent d'une mère alpine qui s'est accouplée avec un faux-bourdon indigène, ou d'une mère indigène qui s'est accouplée avec un faux-bourdon alpin, conser- vent les qualités des colonies alpines; elles tendent à se multiplier, et cette tendance diminue progressivement en raison du croisement, c'est-à-dire de la diminution du sang alpin. Il y a donc avantage à introduire 1 Abeille al- pine dans les localités où se trouve l'Abeille indigène, quoique la conserva- tion de la race pure soit difficile. C'est en introduisant l'Abeille italienne dans les localités de l'Abeille indi- gène et en italianisant celle-ci qu'on a pu observer la durée de la vie des ouvrières qui peut atteindre environ un an, mais qui ne dépasse guère cinq à six mois en moyenne. De nombreux accidents la rendent moins longue pour les butineuses. Une colonie indigène de plus de 2 kilogrannnes d'A- beilles, à laquelle nous donnâmes une mère italienne après lui avoir enlevé la sienne, et que nous transportâmes ensuite près des raffineries de la Vil- lette, vit disparaître toutes ses ouvrières indigènes dans l'espace de six se- maines. Ces Abeilles trouvèrent la mort dans les raffineries et nous prou- vèrent que toutes vont à la cueillette des produits sucrés. C'est aussi aux Abeilles italiennes que Ton doit d'avoir pu observer com- bien de temps, le couvain arrivé à terme, ouvrières et faux-bourdons res- taient encore dans la ruche avant de sortir pour la première fois. Ce temps est de huit à dix jours, ou du moins pour les Abeilles alpines introduites dans la zone tempérée de la France et de l'Allemagne. Le moyen le plus économique de se procurer l'Abeille alpine esl de de- mander des mères fécondées aux apiculteurs suisses ou italiens qui en sont marchands, ou aux spécialistes français qui en cèdent. L'envoi de ces mères a lieu par la poste et se fait depuis mai jusqu'à octobre inclusivement. On enlève la mère indigène de la colonie qu'on veut transformer, et on lui sub- stitue une mère alpine. Des précautions sont à prendre pour que cette mère étrangère soit acceptée, d'autant plus qu'il existe entre ces deux races une antipathie prononcée. Il est indispensable d'observer toutes les conditions prescrites par la théo- rie et la pratique quand on veut réunir deux races dillerentes. Bien des lu- chées indigènes ne veulent, à aucun prix, accepter la mère italienne qu'on veut leur donner, bien qu'on les ait depuis longtemps rendues orphelines; elles tuent cette mère si on n'a pas pris assez de précaution; elles tuent même au berceau le couvain maternel qu'on leur donne. Le moyeu em- ployé le plus communément consiste à enlever la mère indigène, el, neuf ou dix jours après, à mettre à bas les cellules maternelles que les Abeilles ont édifiées. On sait qu'aussitôt que les Abeilles se voient privées de leur mère, elles se hâtent de transformer des cellules d'ouvrières, ayanl du couvain à 660 SOCIÉTÉ 1) ACCLIMATATION. Tétat de larves, eu cellules materuelles. Les larves d'ouvrières de plus de ciuq jours ne peuvent plus donner de femelles développées. Si elles ont du couvain maternel au berceau, celte îransformalion n'a pas lieu. Ce sont ces cellules qu'il faut démolir avant de pouvoir faire accepter une mère étrangère. On enferme cette mère dans un étui de toile métallique qu'on place entre deux rayons. L'un des bouts de cet éuii peut être bouché par une mince pellicule de cire que les Abeilles rongent pour faire sortir la mère prisonnière. Dès qu'on possède une colonie d'Abeilles italiennes, on peut multiplier l'espèce en faisant, au printemps, des essaims artificiels par division, par bouturage, si je puis m'exprimer ainsi. Il faut, au sortir de Thiver, stimuler cette colonie en. lui présentant du miel ou du sirop de sucre pour que de bonne heure, fin de mars, elle ait du couvain de faux-bourdons. On peut alors lui enlever trois ou quatre rayons ayant du jeune couvain d'ouvrières (œufs ou larves), qu'on place dans autant de ruchetles. Ces ruchettes sont établies à la place de bonnes ruciiées d'Abeilles indigènes, qu'on enlève et qu'on transporte plus loin. On opère au milieu d'une belle journée, lors- qu'une grande quantité d'ouvrières sont allées aux champs. A leur retour, ces ouvrières rentrent, après quelques hésitations, dans celte nouvelle habi- tation, et la nuit, elles s'occupent de transformer du couvain d'ouvrières en couvain de mères. Douze ou treize jours après, naissent de ce couvain transformé des femelles développées qui se font féconder sept ou huit jours plus tard. Pour que la fécondation soit faite par des fau\-bourdons de la mcma race, il faut éliminer ceux des colonies indigènes en les détruisant au berceau. (Voyez Cours pratique d'apiculture pour la manière d'opérer.) Mais, pour être à peu près certain d'une fécondation par faux-bourdons de même race, il faut tenir les colonies italiennes à une distance de 2 à o kilo- mètres au moins de toute colonie indigène. Car, bien qu'il y ait antipathie de race quand il s'agit du sexe féminin, cette antipathie s'efface entre les deux sexes et lorsqu'il s'agit de la multiplication. {Inaectologie ayricole. 1869, t. 111, p. 209.) Xote sur deux pieds de Chfëinoiffops cocceisit^ cultivés à Toulouse. Monsieur le Président, Dans notre séance mensuelle de juin, vous avez bien voulu nous charger, M. Bernard et moi, de vous donner un état comparatif de deux Chamœrops excelsa qui ont été importés par la maison Béteille, de Toulouse, et plantés en 1860, l'un, dans le jardin de la Préfecture, l'autre, dans le jardin de M. Deteille, avenue Matabiau. Notre examen devait surtout porter sur le (lévcloppi'inent qu'ont acquis en no NIQUE. mi les deux sujets, en tcnanl compte de \i siiualioii des lieux et de la natnie du terrain dans lequel ils ont été plantés. Le jardin de la Préfecture est abrité de l'Ouest et du Nord par des bâti- ments d'environ 15 mètres de hauteur; les côtés Est et Sud sont occupés par des massifs d'arbres à liaute futaie qui coupent les vents dévastateurs de ces aspects; le centre est occupé par une pelouse sur laquelle a été placé le Chamœrops que nous devions visiter. Le soi du jardin paraît avoir été re- levé par une grande quantité de terres de démolitions, car dans les fouilles qui ont été faites avant l'ensemencement des gazons, il a été trouvé des débris de matériaux de briques en assez grande quantité, pour nous faire présumer que le sol contenait une quantité quelconque de salpêtre. Pendant le défoncement, on a enlevé tous les matériaux apparents et l'on a mélangé du terreau composé de quelques parties de fumiei- de cheval et de feuilles sèches. Le jardin de M. Béteille, dont la création remonte peut-èlre à un siècle, est situé aujourd'hui dans un faubourg de la ville ; mais anciennement il était placé à près d'un kilomètre en dehors des fossés et des remparts de Toulouse, au milieu des champs composés de terre d'alluviou sur lesquels on a établi les jardins maraîchers qui ont alimenté si longtemps la popula- tion toulousaine. Ce terrain serait donc placé dans les meilleures conditions pour recevoir des plantations, si les vents d'Ouest et du Sud ne venaient les fouetter d'une manière violente. Après la description botanique que vous a faite notre collègue .Al. Aslié, nous n'avons qu'à vous faire connaître le développement qu'ont acquis ces deux Chamœrops, pris dans la même serre et plantés à la même époque. Les deux jumeaux n'ont pas le même sexe : celui de la Préfecture est mâle, celui de M. Béteille est femelle. M. Bernard vous fera connaître les jours qu'il a pris pour féconder la fleur de ce dernier ainsi que les heureux résul- tats qu'il a obtenus tout récemment. Voici les dimensions comparées des deux pieds : ■ DESIGNATION DES JARDINS. Jardin de la Préfecture Jardin de M: Béteille.. HAUTEUR lie la liî;'0. HAUTEurt y. l'exlrén:ilé des feuilles. 2"', 50 2''S5ô CIRCONFERENCE de la tige. 1"'.07 0"',90 à rexlrémilé des feuilles. 7"', 85 8"', 20 . Les effets des vents sont très-apparents : le Chamœrops (it la Préfecture a ses rameaux sur toute la circonférence et venant du sol jusqu'à la cime, tandis que ceiui planté chez .M, Béteille a le côté sud de la tige un peu dé- garni, tout en conservant ses feuilles du côté ouest. m2 SOCIÉTÉ d'aggumatation. Il semble résiillerde cesrenseignemenis que la naluro du sol n'a exercé aucune intlaence sur le développement de la plante, mais il importe de ne pas rexposer à des vents trop forts. A. Dutour. Les Bambous et le Bambou comestible. Des nombreuses espèces de Bambous rustiques pour nos jardins, que l'on a introduites depuis dix ans de la Chine, de la Gochiuciiine, de diverses régions de Texlrême Orient, aucune n'a montré une plus vigoureuse végé- tation, pendant les dernières chaleurs, que le Bambusa ediilis. Nous lui avons vu développer, en quelques semaines, des turions qui ont atteint la grosseur du poignet à leur base, et la hauteur de 2"^80. Ces gigantesques pseudo-Asperges ne commençaient à se ramifier qu'après avoir atteint toute leur longueur. On pouvait, comme disent les jardiniers, a les voir pousser. » iNous n'avons pas encore essayé de manger les jeunes turions, que l'on cite comme alimentaires, et nous insistons seulement aujourd'hui sur la valeur ornementale de cette belle plante pour les terrains frais et le bord des eaux. Cette rapidité de croissance des Bambous est telle, qu'en Cochinchine, au moment de la grande végétation, les nouveaux turions soulèvent tout ce qui leur fait obstacle. Feu M. le comte deAJonligny, ancien consul-général de France en Chine, m'a raconté un jour l'anecdote suivante : « Quand j'habitais Shang-IIaï, j'avais fait construire à l'extrémité de » mon jardin, un pavillon de repos en bois et en pierre, très-sohdemput » établi. Une mission me força à m'absenter deux ou trois mois vers le ?\ord » avec ma famille. Au retour, une de mes filles poussa une exclamation de » surprise : « Qui donc, mon père, a fait abattre notre pavillon ? « Nous « approchâmes pour éclaircir le mystère, et nous eûmes bientôt le spectacle » suivant : A la place de la jolie construction, qui n'était plus qu'un mon- » ceau de ruines, d'énormes liges de Bambou avaient formé une véritable )) forêt, au travers de laquelle gisaient sur le sol les poutres et les pierres. » Une faible plante avait fait en peu de semaines l'œuvre d'un tremblement » de terre 1 » Les Chinois, on le sait, utilisent cette puissance extrême de végétation et se gardent bien de lutter contre l'expansion des Bambous sur les bords des fleuves, car le bois de ces végétaux sert à leur chauffage, et des tiges ils font des conduits d'eau, des canaux, des seaux, sacs, ustensiles divers de ménage, etc. Sous le climat chaud de la Cochinchine, ces Bambous peuvent croître de 20 à 30 centimètres en une seule nuit. On rapporte que les condamnés à mort sont soumis au supplice atroce du pal par le moyen du Bambou. On assied et on lie le patient sur le sol, au-dessus d'un turion qui commence à vésïéler. et la plante, en poussant, déchire les entrailles du malheureux, qui périt ainsi dans d'effroyables toitures. CIIliOMTQUK. <^(i3 Ces ti isti s (It'Uiiîs ne sauraient enipêchc-r que les Bambous ne soient de lorl belles plantes très-décoralivespoiir nos jardins, et dont nous aimerions à voir la culture plus généralisée. {Illustration horticole, 1870, p. 220) Ed. André. Acclimatation de l'Ambrevade en Egypte. L'Ambrevade ou Cajan est une plante indienne, que Linné avait désignée sous le nom de Ctjtisus cajan, et qui depuis a été séparée des Cytisus, par de CandoUe^ qui en a fait le genre Cajanus. Ce dernier auteur y a reconnu deux espèces, le Cajanus flavus et le Cajanus bicolor, qui se dlsiinguent par la couleur rouge carminée de l'extérieur de la corolle de la dernière espèce. In de nos confrères les plus dévoués aux progrès de racclimatation, M. Autard de Bragard a pensé, pendant son séjour en Egypte, qu'il serait utile d'introduire dans cette contrée cette plante qui est très-rechercliée comme aliment à l'île Maurice. D'après une note publiée par M. Delcheva- lerie, la culture de l'Ambrevade a parfaitement réussi en Egypte et elle paraît appelée à y occuper prochainement le premier rang parmi les légu- mineuses alimentaires. En effet, elle y croît avec une rapidité telle, que le premier semis, ayant été fait en juillet 1870, la récolte des graines a com- mencé à se faire en abondance en décembre de la même année. D'autre part l'excellence des grainesqui ont été consommées a beaucoup excité à propager la culture de TAmbrevade, et en vue de favoriser sa propagation on avait eu recours au procédé, qui avait si bien réussi à Parmentier pour la Pomme de terre : des gardes avaient été placés autour des champs d'Ambrcvade et on avait fait savoir partout que le vice-roi voulait absolument se réserver le monopole de celle nouvelle plante : aussi chacun s'empressa-t*il d'en dérober quelques graines et de les semer précieusement chez lui. Le but qu'on se proposait s'est trouvé ainsi atteint et on voit aujourd'hui, dans de nombreuses localités, (les pieds d'Ambrcvade dus à ce^ subteiluge. C'est un arbrisseau haut de 1 mètre au moins, se ramifiant beaucoup et formant des touffes irès-lortes, qui donnent toute l'année des fleurs et ensuite des gousses oblongues-lancéolées, maculées et enferment de quatre ù six graines globu- leuses séparées par des cloisons membraneuses. Semé au mois de mai, dans le désert, le Cajan, malgré l'influence pernicieuse des vents du Khamsin, y a donné cependant une première récolte en décembre. I/Amhrevade se maniée cuit dans l'eau et sans aucun assaisonnement, elle acquiert par la coclion un goût excellent et se gonfle beaucoup. D'après Al. Caslinel-Uey, sa; graine renlernje sur lOU parties, lô,!2ô de léguineuse ou matière azutée, 20,00 d'aniidou cl 2,23 de matière grasse : elle olhe donc tous les caractères d'un bon aliment (Delchevalerie, Flore exotique du Jardin d'acclimatation de GJiczireli, i^li, p. 39). J. L. S. 60/î SOCIÉTÉ D ACCLIMATATION. Culture des Cincbonas à Java (J870). Les mois de juillet, août et septembre nous ont amené des phénomènes météorologiques très-particuliers. Des pluies continuelles, comme jamais mousson ne nous en amena, favorisèrent énormément la croissance de la végétation, mais gênèrent considérablement les travaux des champs. L'en- tretien des plantations exigea beaucoup de soins, parla croissance inusitée des mauvaises herbes. 1255 journées de travail furent fournies par des travailleurs libres, car les indigènes, découragés par le mauvais] temps, refusaient le travail sur les hauteurs. 75 951 plantes furent mises en pleine terre, de façon que les plantations régulières contiennent : 733 201 Calisaya et Haskarliana. 107 078 Succirubra. 103 21ZI Officinalis (Var). 2Zil7 Lancifoiia. 6U0 Micranta. Total. 9Z|6 550 plantes (dont 273 G50 de plus qu'au commence- ment de l'année). Le chiffre total des plantes est de 1 555 7Zi2. Les semences des espèces les plus riches en quinquina ne sont mises à germer qu'en novembre et janvier. On a expédié 2531 kilogrammes d'écorces de quinquina, dont 202 pour la Hollande, et 505 pour le service médical dans l'Archipel : 600 et quelques kilos restent disponibles. La récolle de 1870 a donné jusqu'à présent plus de ÙOOO kilogramme?. Cette fois-ci l'emballage des écorces s'est fait dans des caisses et des sacs en jute; la suite nous apprendra quelle est la meilleure manière, mais il paraît que l'emploi des caisses est le plus avantageux. Le docteur Grenning à Amsterdam a trouvé dans un échantillon de quin- quina royal de Java jusqu'à 10 p. 100 d'alcaloïdes, quantité extraordinaire. M. iMoens a retiré 3 p. 100 de quinine pure de trois échantillons, écorces des trois ans ; cette richesse égale celle des meilleures écorces américaines {Niewr Botterdammer). C. V. H- Note sur les effets de la chaleur et de la sécheresse à l'égard de divers Conifères pendant l'été de 1870. Le plus souvent, par le mot rusticité pris dans son acception horticole, on entend parler de la résistance des végétaux au froid; cela est surlout vrai, CHRONIQUE. '^^5 quand il o^[ qiieslion (1rs plantes oxotiqnes, originaires {k<, pay.-. Iropicaux. Mais la qualification de rustique, si l'on vent rappliquer exacte.nent et Ini donner une portée juste, doit servir à désigner la force, la constitution robuste qui permet à une plante, non-seulement de surmonter des froids rigoureux, mais encore de s'accommoder de tous les sols et de toutes les expositions, de braver les fortes chaleurs, les excès de sécheresse et d'hu- midité, les vents violents et les changements brusques de température. Sera seule vraiment rustique la plante qui se trouvera dans ces condiiions-là. Le préambule qui précède n'a d'autre but que d'établir ce principe, à savoir, que, dans notre région, les Conifères réellement rustiques seront ceux qui résisteront aussi bien aux grandes chaleurs, aux longues et fortes sécheresses qu'à des froids intenses. Dans le nord et le centre de la France, ils ont peu à redouter des premiers de ces inconvénients ; dans le midi même, ce n'est qu'exceptionnellement qu'ils peuvent en ressentir une fâ- cheuse atteinte. Malheureusement, Tannée 1870 a présenté unede ces regret- tables exceptions. Ayant succédé à deux années remarquables par des sé- cheresses prolongées, elle a été elle-même encore plus sèche que ses deux aînées; elle a été, en outre, accompagnée de chaleurs à la fois précoces et soutenues, de soleils brûlants sous les rayons desquels, dès le commence- ment de juillet, le thermomètre s'est élevé à -f" 60°. Ces circonstances météorologiques étaient bien de nature à exercer une influence désastreuse sur toutes les plantes, et, en particulier, sur les Conifères, dont un grand nombre d'espèces appartiennent aux régions alpines, d'autres à des plaines baignées par de grands fleuves ou voisines de la mer. Aussi, croyons-nous qu'elles auront servi à donner la mesure de la véritable rusticité de plusieurs espèces de cette dernière famille, et il nous a paru qu'il ne serait pas sans intérêt de fiiire connaître des eftels produits sur plusieurs Conifères par la chaleur et la sécheresse de l'été dernier. Déjà, l'un de nos honorables vice- présidents, M. Clos, est entré dans cette voie, lorsqu'en 1866 (voy. Annales de la Société d'Horticulture de la Haute-Garonne, 1866, p. 27), il nous fit connaître des eff"ets de la sécheresse sur les Conifères du Jardin des Plantes, en 1865. J'espère que les horticulteurs et les amateurs voudront bien joindre leurs observations aux miennes, afin que l'on puisse bien établir le degré de robuslicité de plusieurs espèces fort intéressantes au point de vue de l'ornementation ou de l'utilité pratique. Pour qu'on puisse mieux déterminer la portée des faits quej'ai à signaler, je dirai que les Conifères observés par moi sont plantés, jiartie au bord du plateau de Saint-Simon, dont le terrain argilo-siliceux, peu profond, facile à s'échaufl'er, pourtant moyennement frais en plusieurs endroits, parce que le poudingue dur et résistant, formant le sous-sol, est traversé verticalement de filons de gravier plongeant dans la nappe d'eau qui s'étend sons le pla- teau, à une profondeur de 7 mètres, ce qui permet à l'humidité de s'élever par la capillarité, et partie, immédiatement au-dessous du bord du plateau, dans un terrain beaucoup plus argileux, contenant aussi beaucoup plus d'humus et presque pas de gravier. m(^ SOCIETE D ACCLIMATATION. L'ensemble du lorrain occupa par les Conifères est it^gèrement incliné vers l'est, très-exposé aux vents du sud-est. A raison de sa nature variant avec la hauteur, j'ai cru devoir diviser mes observations en deux séries, l'une s'appliquantà la partie supérieure du plateau de Saint-Simon, et l'autre à la partie inférieure qui est l'étage le plus bas de la vallée de la Garonne. PARTIE HAUTE DU .1 \RDIN. I. Arbres ayant péri ou ayant eu toutes leurs feuilles desséchées. 2 Pins d'Ecosse de 7 mètres de haut, âgés d'environ 30 ans, faisant partie d'une allée composée en grande partie d'autres sujets de la même e'^sençe qui ont résisté. 1 Epicéa de 5 mètres de haut, placé dans un massif. 1 Sapinette de o mètres, plantée près de cet Épicéa. II. Arbres ayant eu quelques rameaux desséchés. Parmi ceux-ci, les plus éprouvés ont été : 1° Un Cupressus funebris, isolé, haut de 3™,60, qui a eu ses rameaux presque entièrement desséchés dans le tiers supérieur. 2° Un Cupressus Laivsonii {Chanupcy paris Boursier ii), planté à la pointe d'un massif, haut de 2"', 50, qui a eu sa flèche complètement séchée sur une longueur de 0^^,60 et un assez grand nombre de rameaux atteints dans sa moitié inférieure. 3« Un Thuya gigantea, de 1™,50 de haut, planté en avant d'un massif, brûlé à l'extrémité de sa flèche et à la base des rameaux. Ont été moins frappés et n'ont eu que quelques ramilles desséchées, en général à la base des rameaux : Deux Sequoïa yigantea, l'un de 2"',20 de haut, et l'autre de l-^jSO, plu- sieurs Cupressus macrocarpa, un Thuya variegata, un Thuya Meldensis et un Thuya Lubbii. Ont parfaitement résisté : 1" Les Cupressus torulosa, C. Tourne fortii, C. Lusitanica, C. gracilis variegata, C. Goceniana, C. Corneyana ; 2° Les Thuya compacta, T. hy brida: o^ Biota aurea ; Zi" Les Cèdres de l'Atlas, du Liban et de l'Himalaya, ces derniers repré- sentés dans leurs diverses variétés ; 5û Les Abies morinda cl A. Pinsapo ; G" Les Sequoïa sempervirens ; 7^ L'If commun, l'If pyramidal et l'If de Dovasion ; 8^' Les Pins pignon, d'Ecosse, de Corse, d'Autriche, de lord Weymouth et le Pin remarquable. Ce dernier, haut maintenant de 3"', 80 a conservé son admirable verdure et a continué à croître avec vigueur; 9^ Ln Cephalotaxus de Fortune dont les feuilles ont semblé perdre un peu {]nn< le bas la teinte jaune qui leur est habilueile; CHRO>JIQUE. t^()7 10° Le Libocedrus Cliiliensis et quelques Genévriers. Il est bon de remarquer que, dans les espèces les plus alleintcs par le soleil ou la sécheresse, il se trouve quelques sujets qui ont été complètement épargnés ou du moins frappés légèrement; ce qu'ils ont dû, soit à l'abri que leur ont procuré leurs voisins, ou bien, à un sol plus profond formé en partie de terres rapportées. PARTIE INFÉRIEURE DU JARDIN. Dans celte partie, les Conifères ont été beaucoup moins éprouvés. Un seul a péri ; c'est un Thuya Lobbii, haut de 2™, 50, qui avait poussé rapidement depuis l'époque de sa plantation, et qui s'est desséché presque instantanément dans les premiers jours du mois d'octobre. La perte de cet arbre ne peut guère être attribuée qu'à une insolation, et encore, il y a lieu d'être surpris qu'elle soit survenue à une époque où le soleil avait beaucoup perdu de son ardeur. On ne saurait la mettre sur le compte de la sécheresse, car l'arbre était placé dans un terrain bas et frais, à portée d'une corbeille arrosée chaque jour. A part la perte du Thuya Lobbii, les effets de la sécheresse et de la cha* leur sur les Conifères ont été insignifiants dans celte partie du jardin. Ont eu seulement quelques ramilles altérées, ]esSpquoïa giganteaQlsem- pervirens, Cupressus Lawsonii. Les. autres arbres ont parfaitement résisté ; ils ont conservé leur fraîcheur et leur force de végétation. Dans le nombre de ceux-ci, je citerai le Thuiopsis borealis, im Cupressus macrocarpa ayant plus de û mètres, un Cupressus corneyana, haut de 5 mètres, le Cupressus (jracilis variegata, \t Retinospora obtusa,\e^ Abies Douglasii, Cilicica^ NormannianaelPinsapo, les Thuya gigantea, aurea, etc., etc. Les faits que je viens de rapporter me semblent établir que beaucoup de Conifères résistent d'une manière complète à de très-grandes chaleurs et à des sécheresses excessives, que plusieurs autres ne sont que peu éprouvés et pourraient être facilement garantis par de légères précautions, et qu'enfin la mortalité a été assez rare parmi les différentes espèces de cette famille. Les Cèdres et les Pins me paraissent former les genres les plus robustes ; viendraient ensuite les Cupressinées et les Thuyas, puis les Abiétinées. Dans ce dernier genre, l'espèce la plus difficile à faire vivre de toutes celles communément répandues est la Sapinette, qui reprend et dure peu dans le territoire de Saint-Simon et Lardenne el dans tons les terrains un peu secs et chauds de notre contrée. Quant au Thuya Lobbii, espèce encore assez rare, il paraît que s'il résiste très-bien au froid, ainsi que le démontrent des observations faites à Cher- boui g et à Chartres, à Toulouse même, il redouterait beaucoup plus notre soleil. C'est ce qui résulte du fait que j'ai observé chez moi et d'un fait sem- bl;«ble qui s'est produit, sur les bords de l'Ariége, à Saverdun. dans le parc de M. d'Ounous, où un Thuya Lobbii, haut de plusieurs mètres, a égale- ment péri subitement l'été dernier. K. Astik. INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 406, 453, Abeille, 656. Acipenseï^, 96-104, 334-337, 416-423, 425, 449, 451, 455, 457. Agouti, 384, 644. Alose, 14-18, 182-184, 454. Ammodyte, 93, 434. Anchois, 188, 392. Anguille, 106-110, 403, 404, 432. Autruche, 146, 158, 524-527. Aspius, 115, 453, 457. Aitocus Cynt/tki, 614-615. Baleine, 199-206, 396. Barbeau, 110. Barbus Mosnl, 342. Black-Bass^ 3. Blatte, 615. Bœuf, 75, 144, 150, 513, 516-523. bombyx, 219-241, 348-382, 387. Brème, 113, 449,450, 456, 457. Cachalot, 203. Canard, 71, Capelan, 434, 437. Copybara, 507. ■C ar d j 11771. 553. Carpe, 110-112, 418,449, 456,457. Carrouge. 112, 147. Chanos argenteus, 344. Cheval, 66, 70-72, 395, 459-463. Chèyres d'Angora, 384. — de Cachemire.- 580. Chien, 72. Chou cari, 535. Coati, 506. Cochenille. 39. Colombi-galline, 595. Coq de Bruyère, 71. Corégoue, 7, 8, 94-96 417, 450, 453. 317, 347, Cormoran, 433. Crossoptilon, 594. Crustacés, 216, 218, 406, 412, 433, 435, 446, 455. Cygne, 384. Dauphin, 196-199. Dindon, 150, 535, Dorade, 402. Ecrevisse, 218. Eléphant, 396. Emeu, 62. Encornet, 434. Eperonnier, 594. Eponge, 390. Esox, 5, 115, 449. Esturgeon, voyez Acipenser. Faisan, 581, 594. Fera, 325,338. Gardon, 113, 313. Goura, 596. Gourami, 343, 646. Hareng. 173-179, 427, 459. Holothurie, 434. Huître, 206-214. Insectes, 396. Kangurou, 396. Lamantin, 396. Lamproie, 106. Leuciscus, 113, 114, 449, 457. Loche, 110. Lophophore, 400,593. Lotte, 105, 449, Loup, 313, 405, 432. Loutre, 581. Maquereau, 184. Moineau, 399, 582. Morse, 195. Morue, 168-173, 412, 424, 425,435, 440. 446. 449. INDEX ALrilÂBÉTloLE DES AiMMAUX. (3(39 Moule, 2i/i-216. 393, 537-554, 597- 605, 653. Mouton, 66. Muge, 186,313, 391, 403,404, 416, 432. Navaga, 172, 415, 457. Oie, 149. 150, 259. Oiseaux,' 118-129, 156, 644-645. Ombre-Chevalier, 147. Opossum, 272. Oryctérope, 579. Osmerus, 18, 92, 450, 457. Paon, o99. Perche, 2, 116, 416. Perruche, 383, 595. Phoque, 188-194. Pleuronecte, 413. Poissons, 1-24, 81-117, 168-218, 304-347, 401, 449, 606-609. Porc, 70. Poule, 118-129, 258, 399. Rock Bass, 5. Salmo A methystus, 1 1 . — Eperlanus, 93. — Fontinalis, 5, 9-11, 12. — Gloveri, 6. — Hucho, 91. — Salar, 6, 89, 147. — Trutta, 147. Sarcelle, 71. Sardine, 179-182, 427, 434, 435, 441. Saumon, 6, 7, 20-22, 84-92, 147, 309, 312, 314, 315, 319, 324, 326, 329, 330, 333, 338, 345, 411, 415, 426, 433, 447, 450, 453. Sauterelle, 610-612. Scare, 304. Serpent, 158. Silure, 104, 418,423, 455. Simidiunt, 311. Sterlet, 331. Striped Bass, 5. Talegalle, 528-536. Tanche, 113. Tarane, 113. Termite, 652. Thon, 185. Tigre, 400. Tinamou, 594. Truite. 71, 92, 308^ 311, 3l4, 316- 318, 319, 323, 325, 329, 338, 426, 433, 453. Véron, 309. lYak, 383, 499, 656. INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX MENTIONNES DANS CE VOLUME. Abies, 577, 578. Abricot, àO. Acacia, 33, 57. Achyranthes, 34. Agave, 148. Ambrevade, 663. AmorphoplinUvs. 38. Anona, 41. AponogetoH, 134. Araucaria, 44, 58, 73, 131, 134, 155, 250. ' Aspidistra , 137, 148. 569. Aster, 149, Attalea, 73. ATocatier, 41. Avoine, 155, 385. Bambusa, 36, 133, 136, 152, 387, 654, 662. Bananier, 41. Bigno'/iiu, 37. Blé précoce, 503. Bougai/tvi/lea^ 37. Camellia, 135. Câprier, 649. Caroubier, 41, 387. Cary a, 80. Cassia, 33. Cèdre, 41. Ccphœlis^ 247. Chomœrops, 135, Chanrre, 650. Châtaignier, 578. — du Para, 509. Chêne, 499. ^- liège, 56. Cinc/wtw, 25-29. 156, 242-248. 500, 664. • Ciste, 45. Coignnssier du Japon, 138. Cof|iie du Levant. 'i38. Conferve, 404, 576, 660. Cyperm, 35. Diplosteniurn, 73. Diss, 575, 616-621. Drncœna, 132. 133. Erica, 136. Eryobothria japonica, 578. Eucalyptus, 32, 73, 135, 148, 384, 387, 472-487, 502, 555-570, 622-641. Ficus, 37, 52-55, 131, 138. Fraise, 130. Framlioises, 41. Frêne, 51. Garance, 509. Géranium, 77. Goyavier, 41. Grevillea, 34, 57. Grenadier, 618. Gunnera, 154. Gynerium.^ 137. Haricot de Para, 387. Hélianthe, 512. Hibiscus, 134. If, 41. Jacinthe, 154. Jalap, 246. Laurier rose, 47. Leucoium, 45. Lupin, 251. Maïs, 152, 383, 649. Mnranta, 37. Melaleuca, 37. Metrosideros ,37, Micocoulier, 41. MiUet, 389, 649. Musa, 36. Oranger, 39, 157. Palmiers, 37, 386, 389, 503. Pêcher, 504. prrcskia, 35. Vh'nmium, 137. 246, 389, ."j03. LNDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTALX. 671 Pin, 152. Pin us sabiniana^ 501. Poincmnia, 3i. Poirier, 39. Pois, 650. Pomme de terre, 655. Pommier, 39. Prajtgos, 158. Prunier, 40. Rhubarbe, 249, 253. Hobinw, 80. Ri 'bus, 50. Ruppifi, 404. Scammonée, 246. i^cilla, 46. Séquoia y 249. Sideroxjjlo // , 388. Sophova, 577. Sorgho, 157, 505, 650. Sparte, 488-495, 571-576. Stïpa, 575. StreUtzia, 36. Ta ijang chou, 647. Teosmté, 388. Thé, 149, 156. Urlica, 44, 388. Varec, 442. Vigne, 47-50, 390. Vucca, 135, 155. Zapallito, 582, Zizanie, 79. 'àf TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEUBS MENTION.NES DANS CE VOLUME. André (Ed.). Les Bambous, 662. AsTiÉ, Effets de la chaleur et de la sécheresse sur divers conifères en 1870, 664. . Carboniek. Transport des poissons, 606. CoRXELY (J. M.). Reproduction et ac- climatation du Talégalle d'Aus- tralie, 528. Delo.ndre (Aug.). Enseignement de la sériciculture dans lempire austro-hongrois, 348. — Notes sur l'alimentation, 395. — Progrès récents de l'acclimatation des Cinchona dans les Indes britanniques, 242. — Le Coati, 506. • — Le Capybara [HydrocJwrvs Capy- hnrn)^ 507. — Le Châtaignier du Para ou Sapu- caya, 509. Desgodixs. Le Yak, 656. Drouyx de Lhivs. Société anglaise de secours aux cultiTateurs fran- çais, 161. DuTOUR. Note si:r le Chamocrops ex- celsa, 660. Geoffroy Saint-Ijilaire (A.). Lettre au Préside!: t transmettant la demande de subvention faite à la ville de Paris par la Société du Jardin, 464. — Rapport sur le Jardin, 583. Girard (Maurice). Sériciculture; des maladies des vers à soie. 219. ' — Note sur le Yer à soie de l'allante, 614. Hamet. L'abeille ligurienne, 656. KiiHNE. Note sur la Zizanie aciuati- Laxex. Domestication des Autruches au Cap, 524. Lexglier (Cil.). Les couveuses Dubus et Deschamps, 118. Mairet. Éducations d'oiseaux à Fer- rières, 593. MoRix (Éd.)- Culture des Cinchona à la Réunion, 25. QiATREFAGEs (dc) . L'acclimatalion des races humaines, 254. Raveret-Wattel. L'Eucalyptus; rap- port sur son introduction, sa culture, etc., 472, 555, 623. — Note sur le Sparte, 571. Rivière (A.). Une visite à la .ferme Barrot. 30. RoBiLLARD (Félix). Culture du Géra- nium et des arbres fruitiers à Valence (Espagne), 77. Saïd. Destruction des Sauterelles à Chypre, 610. SoiBEiRAx (Léon). Pisciculture dans l'Amérique du Nord, 1. — Rapport sur les expositions inter- nationales de pèche (1866-68)^ 81, 168, 304, 401, — Procès-verbaux des séances gé- nérales de la Société, 60, 63, . 72, 139, 145, 151, 24 ', 250, 383, 642, 653. — Culture des Cinchona dans le Kangra, 156. que, 79. Lampix. CuJIuie (!u Zapallilo, 582. — Culture du Thé dans le Kangra, 156. — Culture du Sorgho dans la Nou- velle Galles du Sud, 157. — Culture des Orangers dans la Nouvelle Galles du Sud, 157. — Elevage des Autruches, 158. — Note sur le Prangos ({urhi.nbùi, 158. TABLE DES AUTEURS. 673 SoiBEiRAx (Lûoii). Secouis aux agri- culleurs franrais par la Société des Amis (Angleterre;, 269. — Emploi de la peau d'Opossum dans la ganterie, 272. — Les Moineaux sont-ils nuisibles? 399. — Poules cochiucliinoises^ 399. — Le Paon et le Tigre, liOO. — Nourriture des Lophophores . /iOO. — Acclimatation des plantes, 508. — Chèvre de Cachemire, 580. — Utilisation delà Loutre en Chine, 581. — Acclimatation des Moineaux aux États-Unis, 582. — Acclimatation de l'Ambrerade eu Egypte, 663. Tlrp.el (D*"). Le Sparte {Stipa tenaris- ■^imo]^ 488. — Les Bœufs sauvages des Maures, 516. — LeDiss, 616. Vavin (E.). Coup d'œil sur le Jardin botanique de Brest, 30. Vidal (Léon). Monographie de la Moule, 537, 597. YiENNOT (Th.). Assistance prêtée par les étrangers aux cultivateurs français, 273. — Document inédit sur la formation des haras en France, 450. VoELKEL (P.). Les bois en Russie, 159. AVallit (Ch.'. Procès -verbaux des séances du Conseil de la So- ciété, 385, 390, 499. 2« SÉRIE, T. VUI. — Décembre 1871 43 TABl.F. DES MATIERES, DOCUMENTS RELATIFS \ LA SOCIETE. Oiganisation pour l'année 1871 v Liste des Sociétés affiliées et agrégées à la Société d'acclimatation . viii Seizième liste supplémentaire des membres de la Société x GÉNÉRALITÉS. 161 273 Drouyn de Lhuys. — Société anglaise de secours aux cultivateurs fran- çais Th. ViENNOT.— Assistance prêtée par les étrangers aux cultivateurs fran- çais Lettre adressée à M. le Président de la Société zoologique d'acclimatation transmettant la demande de subvention faite à la ville de Paris par la Société du Jardin zoologique d'acclimatation du bois de Boulogne. .. 464 Exposition à Jersey 513 MAMMIFÈRES. Th. ViEîTS'OT. — Document inédit sur la fondation des haras en France. 450 Docteur Tcrrel. — Les bœufs sauvages des Maures 516 OISEAUX. Ch. Le>'Glier. — Les couveuses Dubus et Deschamps 118 Lanen. — Domestication des Autruches au Cap 524 J. M. CoRNÉi.Y. — Reproduction et acclimatation du Talégalle d'Aus- tralie 528 Alex. Mairet. — Educations d'oiseaux faites à la faisanderie du château de Ferrières en 1870 593 POISSONS, CRUSTACÉS, ANNÉLIDES ET ZOOPHYTES. Docteur J. L. Soubeiran. — Pisciculture dans l'Amérique du Nord. .. 1 Le même. — Rapport sur les expositions internationales de pèche (1866- 1868) 81, 168, 304, 401 Vidal. — Monographie de la Moule 537, 597 P. Carbonxif.r. — Du transport des poissons 606 TARLE DES MATIÈRES. *>/.) INSECTES. Maurice Girard. — Sériciculture : Des maladies «les Vers à soie 219 Augustin Deloxore. — Euseiguement de la sériciculture dans l'empire austro-hongrois 348 Mehmed Saïd. — Mon eus employés pour la destruction des Sauterelles à Chypre 610 Maurice Girard. — Note sur le Ver à soie de l'Ailante 614 VÉGÉTAUX. E. MoRiN. — Culture des Cinchona à la Réunion 25 A. Rivière. — Une visite à la ferme Barrot 30 E. Va VIN. — Coup-dœil sur le Jardin botanique de Brest 130 Aug. Delondre. — Progrès récents de Vacclimatation des Cinchona dans les Indes britanniques 242 Raveret-Wattel. — V Euca/ijptKs , rapport sur son introduction, sa cul- ture, ses propriétés, usages, etc 472, 555, 623 Docteur Turrel. — Le Sparte {Stipa tenacissima) 488 Raveret-Wattel. — Note sur le Sparte 571 Docteur Turrel. — Le Diss fesiuca altissima 616 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. Procès-verbaux des séances générales de la Société. Séance du 13 janvier, p. 60. — Séance du 27 janvier, p. 63. — Séance du 10 février, p. 68. — Séance du 24 février, p. 72. — Séance du 10 mars, p. 139. — Séance du 24 mars, p. 145. — Séance du 21 avril, p. 151. — Séance du 5 mai, p. 249. — Séance du 19 mai, p. 250. — Séance du 9 juin, p. 250. — Séance du 23 juin, p. 383. — Séance du 8 décembre, p. 642. — Séance du 22 décembre, p. 653. Procès-verbaux des séances du Conseil. Séance du 14 juillet, p. 385. — Séance du 18 août, p. 390. — Séance du 22 septembre, p. 499. — Séance du 20 octobre, p. 577. FAITS DIVERS ET EXTRAITS DE CORRESPONDANCE. Lettres adressées par le Ministre des alTaires étrangères à M. Drouyn de Lhuys. 496, 497 Lettre adressée à M. le Président par M. le Gouverneur de la Cochin- chine 496 (V*) SOCIÉTÉ d'acclimatation. CHRONIQUE. Félix Robillard. Culture du Géranium et des arbres fruitiers ù A'alence (Espagne) , 77 Kiihne. Note sur la zizanie aquatique. . . 79 Le commerce des oiseaux en Amérique 156 J, L. Soubeiraii. Culture des Cinchona dans le Kaiigra 150 Le même. Culture du Thé dans le Kangra 156 Le même. Culture ^u Sorgho dans la Nouvelle-Galles du Sud 157 Le même. Élevage des Autruches. . . -. , 158 Le même. Note sur le Pranrjos pabularia 158 Une nouvelle espèce de cuir 158 P. Vœlkel. Les bois en Russie 159 De Quatrel'ages. L'acclimatation des races humaines 254 J. L. Soubeiran. Secours auv agriculteurs l'rançais par la Société des amis (Angleterre) 269 Le même. Emploi de la peau d'Opossum pour la ganterie 272 Bulletin des échanges proposés par les membres de la Société 272 A. Aug. Delondre. Notes sur l'alimentation 395 J. L. Soubeiran. Les Moineaux sont-ils nuisibles? 399 Le même. Poules cochinchinoisos 399 Le même. Le Paon et le Tigre , . . 400 Le même. Nourriture des Lophophores . , 400 Aug. Delondre. Le Coati , 506 Le même. Le Gapybora 507 .1. L. Soubeiran. Acclimatation des plantes. 508 Aug. Delondre. Le Châtaignier du Para 509 Rôle assainissant des plantes 511 A. Geolïroy Saint-Hilaire. Rapport présenté au nom du Conseil du Jar- din du bois de Boulogne 583 Desgodins. Le Yak 656 Hamet. L'Abeille ligurienne 656 A. Dutour. Note sur deux pieds de Chamœrops excelsa cultivés à Toulouse. 66U Ed. André. Les Bambous et le Bambou comestible 662 J. L. Soubeiran. Acclimatation de l'Ambrerade en Egypte 663 C. V. H. Culture des Cinchonas à Java 064 Astié. Elï'ets de la chaleur et de la sécheressesur divers conilêres. . 664 Index alphabétique des animaux mentionnés dans ce volume 668 Index alphabétique desvégétaux mentionnés dans ce volume 678 Table alphabétique des auteurs mentionnés dans ce volume. ........ 672 FIN DK LA TABLE DES MAÏUiRES. iiiinciir lie I". >lMniMi, luf .Mliiiioii, 2. > New York Botanical Garden Library 3 5185 00259 9379 î^:-.:0 ^^tig ^% V f^^V' H 1 ■■■il'^: i .y • ' ^ b-: '-Vv,. t.v_ ■;vv.>^s l •^/ '"'.•y.' ^*^i: