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CHANSONS POPULAIRES

DU

CANADA

Typographie de C Darveau

DEUXIEME EDITION

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J

DU

CANADA

RECUEILLIES ET PUBLIÉES AVEC ANNOTATIONS, ETC.

EKNIÎST GAGNON

Membre de l'Académie de musique de Québec; membre corresjocdaDt

de la Société des compositeurs de musique de Paris,

etc., etc., etc.

QUEBEC

ROBERT MORGAN, ÉDITEUR

1880

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oe volume est respeotueusement dédié par

Le compilateur et auteur :

ERNEST GAG NON.

PRÉFACE

Le nombre de nos chansons populaires est incalculable. Ce volume en contient juste cent, que j'ai choisies paimi les plus connues et parmi celles (jui ollïent un ty[)e [larti- culier.

Les premiers chants que le polit Canadien entend au berceau, sont, presque toujours, à [lart les improvisations, des chansons qui nous viennent de France, comme:

C'e^t la poulette grise, Qui pond (Jars l'églis''; Elle va pondre un p'tit coco, Pour le p'tit qui va faire dodo.

Simultanément, et avant même qu'il puisse aller à l'église, il entend des cantiques, puis des psaumes, des hymnes et en général des chants de la grande mélopée grégorienne.

Plus tard il connaîtra les innombrables chansons qui

viii PRÉFACE

se chantent dans sa paroisse; et lorsque, le soir, après une chaude journée d'été, il reviendra se reposer de- son travail, balancé par le mouvement de sa charette aux hautes héridelles, et mollement couché sur un moelleux et odorant voyage de foin, on l'entendra murmurer d'une voix monotone mais douce, quelques uns de ces mots, de ces noms si chers qui rappellent l'ancienne mère-patrie ; ou bien, sur les cages ou dans le canot, il chantera la belle Françoise ou la complainte d'un malheureux voya- geur noyé dans les rapides, ou encore le beau Kijrie que chantent à l'église ceux qui lui sont chers et qui sont restés dans la paroisse natale, sur le bie7i paternel.

Un écrivain français qui s'est occupé de nos chants canadiens, écrivait naguère que souvent une chanson est un monument plus solide que les monuments de bronze ou de granit. On y rencontre parfois des couplets ou même un seul mot qui vous reportent à des siècles en arrière, comme, par exemple, la ronde " Il n'y a qu'un seul Dieu," traduction littérale d'une des séries chrétiennes substituées diWx séries druidiques, et l'expression la Guignolée, dont l'origine indubitable est le chant ou le cri dridique : au gui Van neuf! Ce qui est certain, c'est que les chansons ont cette faculté, que n'ont pas les obélisques, d'aller s'asseoir au foyer de toutes les familles, de suivre le mis- sionnaire ou le pionnier dans la forêt, de rappeler un événement à mille lieues de l'endroit il s'est passé, et sur plusieurs points à la fois.

Les menhirs, les dolmens et les cromlechs, que l'on ren- contre à chaque pas dans certaines parties de la Bretagne, ne sont des monuments que pour les Bretons ou ceux qui vont les voir en Bretagne, tandis que des chants qui ont

PRÉFACE ix

avec ces monuments communauté d'origine sont chantés partout se trouvent des descendants de Kimris ou de Gaulois : h Chartres, à Pékin, à Alger et jusque dans le pays des Algonquins.

Avant d'entrer dans plus de détails au sujets de nos chants populaires, citons quelques verbiages d'enfants, quelques uns de ces petits riens qui se répètent de géné- ration en génération, et qui, presque tous, nous viennent de France (*) :

—Ventre de son,— estomac d'grue,— falle de pigeon,— menton fourchu,— bec d'argent,- nez cancan,— joue bouillie,— joue rôtie,— p'tit œil,— grot œil,— soucillon, soucillette,— cogne, cogne, cogne la mailloche !

-Celui (le pouce) a été à la chasse ; celui-là (l'index) l'a tué ; celui-là (le majeur) l'a plumé ; celui-là (l'annu- laire) l'a fait cuire, et celui-là (l'auriculaire) l'a tout mangé, tout mangé, tout mangé !

—Monte échelle I— monte-là '.— monte échelle !— monte- !_ p'tit trou,— casse-cou.— Qu'est-ce qu'i' y a dedans ? D'I'or et d'I'argent,— Qui est-ce qui l'a mis?— Père et mère.— Qui est-ce qui l'ôtera ?— Frère et sœur.— Tourne, tourne, tourne, mon petit baril: celui qui rira le premier aura un petit soufilet !

—P'tit couteau d'or et d'argent, ta mère t'appelle, va- t'en ! ' —Une pomme, deux pommes, trois pommes, quatre

(*) Voir les Chants et Chansons 2>opuIaire8 des provinces de l'Ouest, par M. J. Bujeaud, et les Citants et Chansons poj.ndairea du Cambréais, i^a,T MM. Durieux et Bruyello.

X PRÉFACE

pommes, cinq pommos, six pommes, sept ]»ommos, huit pommes, pouimes nnif ! J'm'eii délends !

Riche, pauvre, coquiu, voleur, riche, pauvre, coquin,

voleur, riche (ceci est une sorte d'horoscope qui se

tire sur leshoutons de Thahit).

Il est midi. Qui-c' qui l'îi dit ? - C'est la souris. est-elle ?— Dans la chapelle.— Que fait-elle?— De la dentelle. Pour (]ui? Pour ces demoiselles. Gouibieii la vend-elle? Trois quarts de sel.

Un i, un l,

Ma tante Michel ; Un i un um, Cagi, cajum : Ton pied bourdon, José Simon ; Griffor, pandor. Ton nez dehors !

Un bon nombre de nos chansons populaires se chantent encore, avec plus ou moins de modifications et de va- riantes, dans les provinces de France (*) :

(*) Plusieura de nos chansons se chantent en France avec des variantes lascives que nous ne connaissons pas en Canada. De il suit évidemment qu'il a se faire ici un travail d'expurgation à une date quelconque, ou peut-être insensiblement. Or, canx qui connaissent l'histoire des premiers temps de la colonie, alors que l'on ne permettait qu'à des hommes exemplaires d'émigrer au Canada, et que, suivant les chro- niques du temps, ceux dont la vertu était un peu douteuse semblaient se purifier par la traversée ; alors que toute la colonie naissante ressemblait à une vaste communauté religieuse, et que les missions huronnes rappelaient les âges de foi de la primitive Eglise. ceux-là, dis-je, comprendront facile- ment qu'à cette époque, on n'aurait jamais osé chanter devant ses frères des couplets obscènes, et que le peuple a pu, de lui-méii;e, introduire dans cer- taines chansons les variantes qui nous sont restées et qui les dégagèrent de toute immoralité. '

PRÉ F ACE xi

Derrière chez nous ya-t-un étang, Lu fille du mi (TEspa- gne, Cest dans Paris ya-l-une brune^— Entre Paris et Saint- Denis^ se chantent dans les départements de FOiiest.

Cécilia et Isabeuu s'y promène^ se cliantent en Cham- pagne.

Gai^ Ion, la, gai le rosier, se chante dans hi Saintonge et le Bas-Poiton.

Mon père a fait bdtlr maison, se chante dans la Sain- tonge et TAunis.

fai cueilli la belle rose, se chante (tonjonrs avec va- riantes) dans l'Angonmois, le Cambresis, FArtois et le Nivernais.

Au bols (lu rosilgnolet,—%Q chante en Franche Comté et aussi en Suisse.

Mon père avait xm beau champ de pois, se chante dans le Cambresis, la Saintonge, TAunis et l'Angoumois. Les airs ne ressemblent pas anx nôtres.

Hier sur le pont d'Avignon, se chante dans le snd-est de la France, et aussi dans le canlon de Vand, en Suisse.

Une perdrlole, se cliante dans le Cambresis.

fai tant dansé, f al tant sauté, se chante dans le Cam- bresis et le Poitou.

Et mol je m'enfuyais, se chante dans la Vendée et dans le Cambresis.

Dans ma main droite je tiens rosier, se chante dans l'Angoumois, le Poitou, la Saintonge et l'Aunis.

Tal tant d'enfants à marier! se chante dans le nord et l'ouest de la France.

xii PRÉFACE

Ah ! qui marierons nous ? se chante dans le Gambrésis.

Un jour l'envie m'a pris de déserter de France^ se chante dans l'Angoumois.

Dans Paris ya-t-une brune plus belle que le jour^ se chante dans le midi, en langue provençale. (Voir les Chants populaires et historiques de la Provence^ par M. D. Arbaud, p. 133, vol. 1.) On chante aussi cette chanson en langue française, dans ks départements de l'ouest.

Par derrière chez ma tante ya-t-un arbre planté^ se chante dans la Saintonge, l'Angoumois, l'Aunis et le Poitou, en français et en patois. Les airs sont tout diffé- rents du nôtre.

Tai trop grand'peur des loups^ séchante dans le Poitou, et sur le môme air qu'en Canada.

Je n'ai pas de barbe au menton, se chante à La Rochelle et dans le Bas-Poitou.

Enfilant ma quenouille^— se chante, avec un refrain diifé- rent du nôtre, dans la Saintonge et l'Aunis.

Bonhomme^ bonhomme, se chante dans le Gambrésis.

Qui veut manger du lièvre, se chante dans le Poitou et l'Angoumois.

A part les couplets il est question d'un habitant et d'un colporteur, la chanson : Je voudrais bien me marier, mais fal grand'peur de me tromper nous vient de France. On la chante en Saintonge encore aujourd'hui.

Cest Pinson avec Cendroidlle, se chante dans le Gam- brésis.

Par derrière chez ma tante lui ya-t-un pommier doux,— se

PRÉFACE liii

chante en Franche-Comté sur im air tout différent du nôtre. A Saint-Malo beau port de mer^ se chante en Bretagne.

Quand fêtais de chez mon père, jeune fille à marier, se chante dans le Nivernais.

Au jardin de mon père un oranger lui ya, se chante en Normandie.

La Bibournoise, nous vient du Dauphiné, du moins elle s'y chante encore.

Si tu te mets anguille, est une légende bien connue en France; c'est elle qui a inspiré à Mistral le délicieux chant de Magali, dans son poëme de Miréio poème écrit en langue provençale, comme chacun sait.

Quand j^étais chez mon père, la légende de la jeune fille qui rencontre " trois cavaliers barons " se chante dans toutes les parties de la France, mais avec des refrains et sur des airs que nous ne connaissons pas ici.

Enfin, la Claire Fontaine, notre chanson populaire par excellence, a une communauté d'origine avec la plupart des habitants du Canada : elle vient de Normandie !

Cette nomenclature, quoique fort incomplète, est déjà trop longue. Je ne dirai qu'un mot ici de nos chansons de composition canadienne. On aurait tort de faire fi de tout ce qui n'est pas poésie dans ces chants ; à vrai dire la poésie proprement dite en est le plus souvent absente ; on n'y rencontre pas de ces images gracieuses que l'on remarque dans la chanson populaire française, comme :

La plus jeune se réveille : Ma sœur, voilà le jour I Non, ce n'est qu'une étoile

Qui veille nos amours !.

x\v V R É F A C E

Mais il y a dans les chants canadiens dos fornios do langage, des tours particuliers, des observations, des traits de mœurs et de caractère qui ne manquent pas de piquant et qui ont après tout leur mérite.

Il n'entre pas dans le plan do cet ouvrage d'apprécier la foi'me poétique de nos chants populaires. Je me con- tenterai d'indiquer ici la règle principale et presque unique à laquelle les poètes rustiques veulent bien s'as- treindre Cette règle, c'est V assonance, qu'un auteur fran- çais, M. Raynouard, adéfmie: "la correspondance im- parfaite et approximative du sou final du dernier mot du vers avec le même son du vers qui précède ou qui suit, comme on appelle rime la correspondance parfaite du son identique final de deux vers formant distique."

La longueur du vers populaire est souvent de quatorze syllabes on même davantage. Chaque fois alors que la rime est masculine (car les rimes parfaites s'y rencontrent quelquefois) la césure est invariablement féminine, ou, plus exactement, sourde. Conformément à l'usage, ces sortes de vers ont été, dans ce recueil, brisés à la césure ; ainsi les deux vers :

Par derrière chez mon j^ire lui ya t-un ho\s joli ; Le rossignol y chante, et le jour et la nuit,

ont été écrits sur quatre lignes :

Pnr derrièr' chez mon père

Lui ya-t-un bois joli ;

Le rossignol y chante

Et le jour ot la nuit, etc., etc.

Pour ce qui est de la doctrine musicale qui découle des enseignements importants qu'offrent les mélodies popu-

PRÉFACE xr

laircs, j'ai traité tout parliculièremeiit ce sujet dans les annota'ions (jiii précèdent chacune des chansons recueil- lies, et sui'tùut dans les remarques générales de la i\n de oe volume.

Il est à peine besoin dti dire que ce livre, ([uant à la parlie notée;, n'est pas, du tout mon œuvre. C'est l'œuvre de ce compositeur insaisissable qu'on appelle le peuple^ et mon imique préoccupation, en recueillant les chants que contient ce volume, a été de les rendre tels que des per- sonnes du peuple, ou du moins des personnes non versées dans l'art musical, me les ont chantés.

Avant d'entrer en matière et pour l'intelligence de ce que j'aurai à dire au lecteur, on me permettra de rappeler ici un fait extrêmement remarquable de l'histoire de la musique. Je laisse parler le regretté dii'ecteur du con- servatoire de Bruxelles, l'artiste qui, pendant de longues années, porta le sceptre de la science musicale dans l'Eu- rope et, dans le monde :

" Il tne reste ù parler, dit M. Fétis, (*) (î'uno audacieuse

iuuovatloii qui opéra tout à coup, vers la uiêuie époque, (la fia du XVIe siècle) uue trausforuiatiou complète de la toualité, je veux dire de l'art tout eutier. Les règles de l'harmonie, depuis le qua- torzième siècle jusqu'à la fiu du seizième, avaieut proscrit toute relation de la note supérieure du premier demi ton (fa) avec l'in- férieure du second (st) Le résultat immédiat do cotte prohi- bition était qu'il ne pouvait y avoir de note sensible réelle dans la musique, couséquemmeiit, que la tonalité de la musique actuelle ne pouvait exister. Car reinarquez qu'il n'y a de note sensible que parce qu'il y a répulsion liarmonique entre la quatrième note et

(*) Béàtimé ^Mlosophîque de l'histoire de la musique, p. CCXX et suivantes.

XVI PRÉFACE

la septième; répulsion qui conduit l'une à descendre, l'autre à monter en sorte que la note sensible n'aurait pu naître do la seule

mélodie Eli bien ! ce que la doctrine avait condamné, ce que

les siècles (les siècles!) avait proscrit, un homme osa le faire un iour. Guidé par son instinct, il eut plus de confiance dans ce qu'il lui conseillait que dans les règles, et malgré les cris d'épouvante de tout un peuple de musiciens, il osa mettre en rapport la quatrième note de la gamme, la cinquième et la septième. Par ce seul fait il créa les dissonances naturelles de l'harmonie, une tonalité nouvelle, le genre de musique qu'on appelle chromatique, et conséquemment, la modulation.

" Que de choses produites par une seule agrégation harmonique !

L'auteur de cette merveilleuse découverte est Monteverde

Lui-même s'attribue l'invention du genre modulé, animé, expressif, dans la préface d'un de ses ouvrages. C'est qu'en effet V accent pas- sionné n'existe et ne peut exister que dans la note sensible, et que celle-ci ne peut naître que de son rapport avec le quatrième et le cinquième degré de la gamme ', c'est que toute note mise en rapport harmonique de quarte majeure avec une autre, détermine la sensation d'un ton nouveau, sans qu'U soit nécessaire de faire entendre une tonique ou de faire un acte de cadence, et que par cette faculté de la nuarte maieure de créer immédiatement une note sensible, la modu- lation c'est-à-dire la succession nécessaire des tons différents, devient facile. Admirable coïncidence de deux idées fécondes ! Le drame musical prend naissance ; mais le drame vit d'émotions, et la tonalité du plain-chant, grave, sévère et calme, ne saurait lui fournir d'ac- cents passionnés, car l'harmonie de cette tonalité ne ^renferme pas les éléments de la transition. Alors le besoin inspire le génie, et tout ce qui peut donner la vie à la musique du drame est créé d'un seul coup. Grandes et rapides furent les conséquences de cette belle dé- couverte car, dans la première moitié du XVIIe siècle, l'expression dramatique de la musique était déjà parvenue à des effets d'une puissance remarquable.

PRÉFACÉ

*' Moutevorile, qui avait fort bieu aperçu les résultats de

30U heureuse témérité, swus le ra^jport de l'expressiou dramatique, n'eu vit pas les couséqueuces à l'égard de la toualité. Attaqué avec vloleuce par quelques zélés partisaus de l'aucieuue doctriue, parti- «ulièreuieut par Artusi, il ue comprit pas plus que ses adversaires qu'il veuait d'auéautir les tous (modes) du chaut ecclésiastique dans la musi(pie moudaiue. Ou peut se couvaiucre, par la lecture de quelques-uues des préfaces de ses ouvrages, qu'il u'avait pas porté ses vues sur cet important objet. Il u'est pas moins certain, cepen- <laut, qu'après que l'haruiouie des dissonances de septième, de neuvième, et celles qui eu dérivent, se fut introduite dans la musique •de cbambre et de théâtre, il n'y eut plus de premier, de second, de troisième mode, d'authentique ni de plagal, dans la musique : il y ■eut un mode majeur et un mode mineur ; en uu mot la tonalité •ancienne disparut et la moderne fut créée.'"

CHANSONS POPULAIRES

CANADA

A LA GLAIRE FONTAINE

Depuis le petit enfant de sept ans jusqu'au vieillard aux cheveux blancs, tout le monde, en Canada, sait et chante la Claire Fontaine. On n'est pas Canadien sans cela. La mélodie de cette chanson est fort élémentaire et offre peu d'intérêt au musicien ; néanmoins, à cause de sa grande Dopularité, on l'a prise souvent pour thème d'airs de danse et môme de fantaisies de concert. J'ai entendu un pianiste étranger, dans un concert donné à Québec, faire des arpèges pendant un bon quart d'heure sous prétexte de claire fontaine. On chante en France, en Normandie,

2 CHANSONS POPULAIRES

une chanson dont les paroles sont, à peu de chose près, les mêmes que celles de noire Claire Fonlaine, mais l'air en est tout différent.

A la clai- re fou-tai-ue M'eu al-laut pro-me-ner, J'ai trou-vé l'eau si bel- le Que je m'y suis baigné.

V- , _,!» |\ —> 1— <* n

5^-^Ei— *£EI E!?: = ? :Eî:E*;Ei--l -*-=«

Lui ya loug-tenips que je t'aime, Jamais je ue t'oublierai. Variante :

=g^-g^r« *— d Ma mie, ya loug-

A la claire foutaiue M'eu allant promener, J'ai trouvai l'eau si belle Que je m'y suis baigné.

Lui ya longtemps que je t'aime,

Jamais je ue t'oublierai.

J'ai trouvé l'eau si belle Que je m'y suis baigué ; Sous les feuilles d'un chêne Je me suis fait sécher. Lui ya longtemps, etc.

Sous les feuilles d'un chêne Je me suis fait sécher j Sur la plus haute branche Le rossignol chantait. Lui ya longtemps, etc.

DU CANADA

Sur la plus haute brauclie Le rossignol chautait. Chante, rossignol, chante, Toi qui as le cœur gai. Lui ya longtemps, etc.

Chante, rossignol, chante, Toi qui a le cœur gai ; Tu as le cœur à rire, Moi je l'ai-t-à pleurer. Lui ya longtemps, etc.

Tu as le cœur à rire, Moi je l'ai-t-à pleurer : J'ai perdu ma maîtresse Sans l'avoir mérité. Lui ya longtemps, etc.

J'ai perdu ma maîtresse Sans l'avoir mérité, Pour un bouquet de roses Que je lui refusai.

Lui ya longtemps, etc.

Pour un bouquet da roses Que je lui refusai. Je voudrais que la rose Fût encore au rosier. Lui ya longtemps, etc.

Je voudrais que la rose

Fût encore au l'Osier, c Et moi et ma maîtresse l Dans les niêm's amitiés.

Variante :

c Et que le rosier même

^Fût à la mer jeté.

Lui ya longtemps que jéf t'aime, Jamais je no t'oublierai.

CHANSONS POPULAIRES

PAR DERRIER' CHEZ MON PERE- VIVE LA CANADIENNE

La mélodie de cette chanson ainsi que celle de la Claire Fontaine, nous tiennent lieu d'air national, en attendant mieux. Les paroles de Par derrier'' chez mon père se chan- tent encore en France, en Franche-Comté, mais avec de notables différences et sur un petit air fort écourlé (dix mesures) qui ne ressemble pas du tout au nôtre. Il est inutile de dire que les paroles de Vive la Canadienne, qui se chantent également sur l'air qui va suivre, sont de composition comparativement récente, et qu'elles ne nous viennent pas de France ; mais je dois faire remarquer que le premier couplet de cette chanson est le seul qui soit généralement connu. Ce n'est pas sans peine que j'ai pu me procurer les autres, qui, comme on le verra, laissent beaucoup à désirer sous le rapport du sentiment poétique.

Voix seule d^ abord, puis la reprise en chœur.

Par derrièr' chez mou pè- re, Vo-le, mou cœur,

vo- le. Par derrièr' chez mou pè- re, Lui ya-t-uu pommier

DU CANADA FIN. 1 Voix seule, j)uis la reprise en chœur.

doux. Lui ya-t-uu pommier doux, doux, doux, Lui

ya-t-uu poin-mier doux. D. C.

Par derrièr' chez mou iière.

Vole, mon cœur, vole,

Par derrièr' cliez mou père

Lui ya-t-un pommier doux.

Lui ya-t-uu pommier doux, doux, doux.

Lui ya-t-un pommier doux.

Les feuilles en sont vertes,

Vcle mon cœur, vole.

Les feuilles eu sont vertes

Et le fruit en est doux.

Et le fruit on est doux, doux, doux.

Et le fruit en est doux.

Trois filles d'un prince,

Vole, mon cœur, vole,

Trois filles d'un prince

Sont endormies dessous.

Sont endormies dessous, doux, doux,

Sont endormies dessous.

La plus jeun' se réveille,

Vole, mon cœur, vole,

La plus jeun' se réveille:

Ma sœur, voilà le jour.

Ma sœur, voilà le jour, doux, doux,

Ma sœur, voilà le jour.

Non, ce n'est qu'une étoile, Vole, mon cœur, vole. Non, ce n'est qu'uue étoile Qu'éclaire nos amours. Qu'éclaire nos amours, doux, doux, Qu'éclaire nos amours.

CHANSONS POPULAIRES

Nos amants sont en guerre,

Vole, mou cœur, vole,

Nos amants sont en guerre :

Ils combattent pour nous.

Ils combattent pour nous, doux, doux^

Ils combattent pour nous.

S'ils gagnent la bataille.

Vole, mon cœur, vole.

S'ils gagnent la bataille

Us auront nos amours.

Ils auront nos ;iiiiours, doux, doux,

Us auront nos amours.

Qu'ils perdent on qu'ils gagnent, Vole, mon cœur, vole. Qu'ils perdent ou qu'ils gagnent, Ils les auront tonjours.

Vive la Canadienne,

Vole, mou cœur, vole,

Vive la Canadienne

Et ses jolis yeux doux.

Et «es jolis yeux doux, doux, doux,

Et ses jolis yeux doux.

Nous la menons aux noces, Vole, mon cœur, vole. Nous la nienous aux noces Dans tons ses beaux atours. Daus tous etc.

Là, nous jasons sans gêne. Vole, mon cœur, vole. Là, nous jasons sans gêne ; Nous nous amusons tous. Nous nous etc.

Nous faisons bonne chère, Voie, mon cœur vole, Notis faisons bonne chère

DU CANADA

Et nous avona bon goût. Et nous avons, etc.

On danse avec nos blondes, Vole, mon cœur, vole. On danse avec nos blondes ; Nous cliangeons tour à tour. Nous cliangeons etc.

On passe la carafe. Vole, mon cœur, vole. On passe la carafe ; Nous buvons tous un coup. Nous buvons etc.

Mais le bonbeur augmente, Vole, mon cœiir, vole. Mais le bonheur augmente Quand nous sommes tous soûls. Quand nous sommes etc.

Alors toute la terre Vole, mon cœur, vole, Alors toute la tene Nous appartient en tout ! Nous appartient etc.

Nous nous levons do table, Vole, mon cœur, vole, Nous nous levons de table Le cœur en amadou. Le cœur etc.

Nous unissons par mettre, Vole, mon cœur, vole. Nous finissons par mettre Tout sans dessus dessous. Tout sans dessus etc.

Ainsi le temps se passe. Vole, mon cœur, vole. Ainsi le temps se passe : Il est vraiment bien doux !

CHANSONS POPULAIRES

C'EST LA BELLE FRANÇOISE

J'ai souvent entendu chanter cette chanson, dans le dis- trict des Trois-Rivières, avec la variante de la troisième mesure que l'on verra ci-dessous. Tous nos habitants de la campagne chantent "Qui veut s'y marier" avec les notes si 6, /"a, sous les mots Qui. veut^ on non pas si h, sol^ comme on chante quelquefois à la ville. Cette dernière manière de chanter fait perdre à la mélodie beaucoup de son caractère et de son originalité.

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Variantb : |^^E^^~^?5]

la belle Fran-

hÈiâËlÊil^=îZlifÊ2=g^1=ËiÊlÊ^

C'est la Lel-le Frau- çoise, lou, gai, C'est la belle Frau- çoi-se Qui veut s'y ma-ri-er, ina lu- rou, lu- ret- te,

Qui veut s'y ma-ri-er, ma lu- rou, lu-

C'est la belle Françoise, Ion. gai. C'est la belle Françoise Qui veut s'y marier, ma luron, lurette, Qui veut s'y marier, ma luron, luré.

DU CANADA

Son amant va la voircj Ion, gai,

Sou amant va la voire

Bien tard, après souper, ma luron, lurette?

Bien tard, après souper, ma luron luré.

Il la trouva seulette, Ion, gai.

Il la trouva seulette

Sur son lit, qui pleurait, ma luron, lurette.

Sur sou lit, qui pleurait, ma lurou, luré.

Ali! qu'a' vous doue, la belle, Ion gai. Ah ! qu'a' vous donc, la belle, Qu'a' vous à tant phuirer ? ma luron lurette. Qu'a' vous à tant pleurer? ma luron, luré

On m'a dit, hier au soire, Ion, gai, Ou m'a dit, hier au soire Qu'à la guerr' vousallisz, maluron, lurette, Qu'à la guerr' vous alliez, maluron, luré»

Ceux qui vous l'ont dit, belle. Ion gai. Ceux qui vous l'ont dit, belle. Ont dit la vérité, maluron, lurette, Ont dit la vérité, ma luron, luré.

Venez m'y reconduire. Ion, gai,

Venez m'y reconduire

Jusqu'au pied du rocher, ma luron, lurette,

Jusqu'au pied du rocher, ma lurou, luré.

Adieu, belle Françoise, Ion, gai. Adieu, belle Françoise ! Je vous épouserai, ma luron, lurette. Je vous épouserai, ma luron, luré.

Au retour de la guerre, Ion, gai, Au retour de la guerre. Si j'y suis respecté, ma luron lurette, Si j'y suis respecté, ma lurou luré.

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CHANSONS POPULAIRES

C'EST LA BELLE FRANÇOISE

(Autre air) Cette autre manière de chanter la Belle Françoise nous vient sans doute des gens d'en bas : il ne fut jamais venu à l'idée des habitants des rives du lac Saint-Pierre, par exemple, d'introduire le mot "• loup-niariu" dans ces couplets. Connue de tout le monde dans les paroisses du bas du fleuve, la Belle Françoise au "blanc loup-marin" n'est pas tout à-fait ignorée dans les autres parties du pays : je l'ai entendu chanter tout récemment par un Montréalais,

^_| S__-

C'est la bel- le Fraii- çoi-so

blanc,

;- S^ g f-\-^ ~"g' :^-

blanc loup-iiia- rin, C'est la bel- le Frau- Ç'>i- se,

blanc, blanc loiip-ma- riu, Qui vent s'y iiia-ri- er,

-'-w-

blau loup- ma- rin, ma Ion

P-g % . ,**— =-1 :-

la, Qui veut s'y

er, blanc loup- ma- rin cban-

- jf ,

gé.

DU CANADA U

C'EST LA BELLE FRANÇOISE

{Autre air, recueîli par M. l'ahhé C. H. Laverdière)

Les quatres premières mesures de l'air que voici sont absolument les mêmes que les quatre dernières d'une des variantes de Sur le pont cV Avignon^ que l'on verra plus loin. Il y a évidemment réminiscence dans l'une ou l'autre de ces mélodies ; ce dont, au reste, je ne fais crime à personne. Il est plus d'une partition célèbre dont il ne resterait que fort peu de chose si toutes les réminiscences en étaient retranchées.

C'est la belle Frau- çoi-se, Ion gai, c'est la belle Frau-

—*^ i»» I ! * - F I . -

çoi- se Qui veut se lua- ri er, madoo- dai- ne Qui

veut se ma- ri- er, ma don-

12 CHANSONS POPULAIRES

EN ROULANT MA BOULE

Cette chanson dn Canard blanc se chante en France, dans l'ouest, sur un air qui ressemble un peu ù tous les différents airs sur lesquels nous la chantons ici, et avec ce ■"efrain que nous adaptons, nous, à une autre chanson : "'Je suis brune, gaillarde bruue, je suis brune gaillarde- ment." On la chante également, en France, avec les refrains suivants :

Je me nomme Divertissant, C'est moi qui diviTtis les filles, Je me uomme Divertissant.

Toujours ma boule va roidaut, Toujours ma boul' va roui', va roule, Toujours ma boule va roidaut.

C'est le vent qui va frétillant, C'est le vent qui va, qui frétille. C'est le vent qui va frétillant.

Passons la lande gaillardement, etc. J'aimons bien les cotillons rouges, etc.

DU CANADA

13

Voix seule, puis la reprise en chœur.

Eu ruukuit ma bou^-i>j rouhiut, En roulant uia FIN. -| Voix seule, va irise en chœur.

bou- le- Dei- rièr, c'.iez uous, y a- t-uu é- tang,

Voix seule.

■d =^ :n ^* 1 â j— ~^g m-—

En roulant ma bou- lo.

Trois beaux canards s'en

vont baignant, rou- li roulant, ma boule roulant.

Derrièr' chez nous, ya-t-un étang,

En roulant ma boule. Trois beaux canards s'en vont baignant, Rouli, roulant, ma boule roulant. En roulant ma boule roulant,

Eu roulant ma boule.

Trois beaux carards s'en vont baignant,

Eu roulant ma boule. Le fils du roi s'en va chassant, Eouli, roulant, ma boule roulant,

En roulant, etc.

Le fils du roi s'en va chassant,

Eu roulant ma boule. Avec son grand fusil d'argent, Eouli, roulant, ma boule roulant, En roulant, etc.

Avec son grand fusil d'argent, En roulant ma boule.

li CHANSONS POPULAIRES

Visa le noir, tua le blanc, liouli, roulant, nui boule roulaut, En roulant, etc.

Visa le noir, tua le blanc,

En roulant ma boule. 0 fils du roi, tu es niécliant! Eouli, roulant, ma boule roulant,

Eu roulant, etc.

0 fils (lu roi, tu es méchant!

Eu roulant ma boule. D'avoii' tué mou canard blanc, Eouli, roulaut, ma boule roulaut,

Eu roulant, etc.

D'avoir tué mon canard blanc.

En roulant ma boule. Par dessous l'aîle il perd son sang, Eouli, roulant, ma boule roulaut.

Eu roulant, etc.

Par dessous l'aîle il perd son sang,

En roulaut ma boule. Par les yeux lui sort'nt des diamants, Eouli, roulaut, ma boule roulaut,

Eu roulaut, etc.

Par les yeux lui sort'nt des diamants,

Eu roulaut ma boule. Et par le bec l'or et l'argent, Eouli, roulaut, ma boule roulaut,

Eu roulant, etc.

Et par le bec l'or et l'argent,

En roulant ma boule. Toutes ses plum's s'en vont au vent, Eouli, roulaut, ma boule roulaut,

En roulant, etc.

DU. CANADA 15

Toutes SCS pluin's s't'U vont au vent,

En roulant ma houls. Trois dani's s'en vont les l'amassant, Rouli, roulant, ma boule roulant,

Eu roulant, etc.

Trois (lam's s'en vont les raraassaut,

En rotilant ma boule. C'est pour en faire un lit de camp, Rouli, roulant, ma boule roulant.

En rouliint, etc.

n

C'est pour en faire un lit de camp,

Eu roulant ma boule. Pour y coucher tous les passants. Kouli, roulant, ma boule roulant,

Eu roulant ma boule roulant,

En roulant ma boule.

16

CHANSONS POPULAIRES

DESCENDEZ A L'OMBRE .

Voici, au point de vue musical, un vrai type de chanson de filasse normande. " Les airs sur lesquels se chantent les chansons de filasse, dit M. Eugène de Beaurepaire {La poésie populaire en Normandie)^ ajoute singulièrement à leur charme et à leur étrangeté. Presque aucun ne s'ar- rête sur la tonique. La plus grande partie appartient à un système musical différent de celui que nous suivons aujourd'hui."

I . ^s IS.

Des- ceu- dez à l'oiu-bro, ma jo- lie

blou- de, Des- cen- dez à l'om- bre d'uu

FIN. 1

:5Er n— g'--~p=^-~^=q= p==—

bois Der- rièr' chez nous ya-

t-uu é- tang, Der- rièr' chez nous ya- t-un é

tang. Trois beaux ca- nards s'en vont bai- guaut. D. C. (Pour les autres paroles, voir En roidant ma boule)

DU CANADA

17

DESCENDEZ A L'OMBRE

{Autre air)

J'ai aussi entendu clianter Descendez à Vombre de La manière qui va suivre par un habitant de Berlhier (en haut). " Les rhylhmes brisés abondent dans la chanson populaire," a dit M. Wekerlin; la chanson que voici» entre cent autres, offre un exemple de cette particularité*

. Der- rièr' chez nous ya-t-iiu é- taug, Der-

:Ë=::it=

» j- -m j

y ^ C ^ J

rièr' chez nous va- t- un é- taug. Trois

, 1# g p^— -1 -— :z* - -jt H -'^ « ^ ^- j

beaux ca-nards s'en vont bai-gnant. Des- ceu- dez à

l'om- bre, ma bien- de, Des- cen- dez à

l'om-bre d'un bois.

(PoUfT les autres paroles, voir En roulant ma houle) 2

13 CHANSONS POPULAIRES

LEVE TON PIED

La mélodie que voici esl une mélodie " hors la loi" !... Il m'eût été facile de corrige]- la contravention flagrante de son rhythme, dans la deinièrc phrase mélodique (avant la reprise), en ajoutant simplement une mesure à celle-ci ; mais alors l'air n'eût plus été ce qu'il est réellement, et il eût incontestablement perdu de son originalité. Au reste, pour cette chanson comme pour toutes les autres de ce re- cueil, je ne suis qu'un simple rapporteur, et je tromperais le lecteur et ferais une œuvre hien inintelligente si je donnais les airs de nos chansons populaires autrement que ne les chantent le peuple et les personnes qui n'ont pas étudié la musique, ûlais ce n'est pas le rhythme seul qui otrre des étrangetés dans cette mélodie ; le mode pré- sente aussi des bizarreries à celui qui, ne connaissant que la musique moderne, chercherait à l'assimiler au mode mineur de cette tonalité.

Voix seule, puis la reprise en chœur.

Lèv' tou pied lé- gèr' ber- gè- re, Lèv'tou

FIN. Voix seule, la reprise en chœur. ^fËp=j^rÊgp|5Êjr=5fl>Ê=Ë^rE^EEgEzcEE;EEi:E£gEZgEE^ pied lé- gè- re- meut. Der-rièr' chez uuiis, ya-t-uu é-

DU CANADA.

19

Voix seule.

taug, Lèv'toa pied lé- gè- re- ment. Trois beaux ca-

aards s'en vont l)ai- gnant, lé- gè- re- ment.

(Pour les autres paroles, voir En roulant ma houle)

20

CHANSONS POPULAIRES

J'AIM'RAI TENDREMENT CES AMANTS CONSTANTS

Ce quatrième refrain de Derrièr' chez nous ya-l-un étang se chante dans la paroisse de Chambly. Il est probable- ment connu dans beaucoup d'autres localités.

=iH=ΣËlÈË;=Hî^ëlliiSïïiiËi=3=i ^^=5=

Der- rièr' chez uous ya-t-uu é- taug, Der-

nei- chez uous ya- t- uu e- taug.

Trois

beaux ca-uards s'eu vout bai-guaut. J'ai- me- rai ja-

mais ces a- mauts vo- la- ges, J'aim'-rai teu- tlre-

-•»— ^ g,-

-___j^__.

meut ces a- luauts constauts.

(Ponr les autres paroles, voir En roulant ma houle)

DU CANADA 21

V'LA L'BON VENT

L'honorable Sir George E. Cartier, de qui je tiens cette chanson si originale et si jolie, m'a dit l'avoir entendu chanter par des hommes de cages de l'Ottaoua. L'air est très-probablement de composition canadienne, ainsi que les paroles du refrain.

Chœur.

P5-^-,> &zzrd— 1--:;— J'îcrrz^— rîr=Tr:=ZTrr3*-r=fL=ri^-3

V'ià l'bou veut, v'ià l'jo-li veut, v'ià l'bou veut, ma

mie lu'ap-pel- le, V'ià l'bou veut, v'ià l'jo- li veut,

FIN. Voix seule.

1 â> s "^ ^\_ n s . v_

v'ià l'bou veut, ma uiie ui'atteud. Der- rièi' chez uous ya-

t-un é- taug, Der- rièr' chez uous ya- t-uu é- taug, Trois

beaux cauards s'eu vont baiguaut. D. C. (Pour les autres paroles, voir En roulant ma boule)

22

CHANSONS POPULAIRES

C'EST L'VENT FRIVOLANT

Cette chanson se chante dans le comté de Rimouski. Elle n'est pas connue dans les autres parties du pays, mais elle a toutes les qualités nécessaires pour se répandre et se populariser bien vite. M. J. C. Taché, qui me l'a fait connaître, l'a aussi chantée, en ma présence, devant quel- ques canotiers du Saguenay, qui en raffolaient et qui la propageront sans doute dans cette partie du pays.

Voix seule.

tri- vo- laut.

C'est l'veut, c'est l'veut Chœur. fin. -,

Yoix seule, imis la

^=^^^^^=P^E^EJ=î^^i^EËîë^^

C'est l'veut;C'est l'veut fri- vo-lant. Der- rier' chez nous ya reprise en chœur.

4> S-

t-uu é- taug, c'est l'veot, c'est rveut fri- vu- laut.

Voix seule. ,- , _ « « , 1*> ^-^ .

5=^^

Trois beaux ca- uards s'eu vout bai- guaut, c'est

l'veut qui vo- le, qui fri- vo- le. D. C. (Pour les autres paroles, voir En roulant ma boule)

DU CANADA 23

SUIVONS LE VENT

Les couplets Derrièr' chez nous ya-t-un étang ^ oLc, se chantent avec sept refrains différents : En roalant ma boule^ Descendez à l'ombre^ Lève ton- pied^-^J'aim'rai tendre- ment^— Tlà Vbon vent, C'est Vvent frivolant et Suivons le vent. On chante dans la côte de Beaupré :

Derrièr' chez nous ya-t-un étiviig, Et la rivièr^ passe au mitan

L'expression "mitan" (milieu) est, parait il, fort usitée dans les paroisses de la côte de Beaupré, de l'île d'Orléans et de la côte du Sud.

Derrièr' chez nous ya-t-uu é- taug, Suivons le veut, gai- gaî- uieut, Trois beaux ca- uards s'eu vout bai-

f »

guaut, Tout le loug de la ri- vie- re, Sai- vous le

^s ;«_

vent mon corn- pè- re, Sui-vons le veut, gaî- gaî-

zizii;.

---n---~--^i

ment. {Pour les autres couplets, voir En roulant ma houle)

24 CHANSONS POPULAIRES

A SAINT-MALO, BEAU PORT DE MER

L'air sur lequc4 nous chantons la chanson que voici, n'est pas connu aujouid'liui en France, que je sache. En Bretagne, les paroles de cette chanson se sont conser" vées, on chante :

A Naut'S, à Niiut's sont arrivés

Trois beaux navir's chargés de bled, etc.

Je connais deux variantes (quant aux paroles) de cette chanson, telle que conservée en France, mais dans ni l'une ni l'autre il n'est question de Saint-Malo.

A St Ma-lo, beau port de iner, A St Ma-lo, beau port (le mer, Trois gros uavir's sout ar- ri- vés, Nous i-

-?z=d5:

roDS sur l'feau uous y prom' pro- me- ner, Nous i-

roQS jou- er dans l'î- le

A Saint-Malo, beau port de mer, (&ts) Trois gros navir's sont arrivés, Nous irons sur l'eau Nous y prom' promener, Nous irons jouer dans l'île.

DU CANADA 26

Trois gros nuvir's sont arrivés, (bis) Chargés d'avoin', cliargés de bled. Nous irons sur l'eau, etc.

Chargés d'avoin', chargés de bled, (bis) Trois dani's s'en vont les marchander Nous irons sur l'eau, etc.

Trois dam's s'en vont les marchander, (bis) Marcfiaud, marcliand, combien ton bled? Nous irons sur l'eau, etc.

Marcliaud, uiarcbaud, cuuibieu ton bled? (bis) Trois francs l'avoin', six francs le bled. Nous irons sur l'eau, etc.

Trois francs l'avoin', six francs le bled, (bis) C'est ben trop clier d'un' bonu' moitié. Nous irons sur l'eau, etc.

C'est ben trop clier d'un' boun' moitié, (bis) Montez, Mesdam's, vous le verrez. Nous irons sur l'eau, etc.

Montez, Mesdam's, vous le veiTez. (bis) Marchand, tu n'vendras pas ton bled. Nous irons sur l'eau, etc.

Marchand, tu n'vendras pas ton bled, {bis} Si je l'veuds p;i,s, je l'donnerai. Nous irons sur l'eau, etc.

Si je l'vends pas, je l'donnerai. (bis) A c'prix-là, on va s'arranger.

Nous irons sur l'eau

Nous y prom' promener.

Nous irons jouer dans l'île.

26 CHANSONS POPULAIRES

DANS LES PRISONS DE NANTES

La musique comme les paroles de cette chansou eu font tme des plus jolies du répertoire de nos chanteurs popu- laires. Nos bateliers et voyageurs canadiens la chantent sur deux airs également beaux. Le premier qui est trans- crit ci-dessous se chante surtout en canot : chaque coup d'aviron marque le premier temps de chaque mesure. Le mouvement du second est plutôt celui de la rame : c'est un air de chaloupe. Cette chanson parait être complète- ment ignorée en France. M. Hubert LaRue, dans son intéressante étude littéraire sur nos chansons populaires canadiennes, fait remarquer que quelques marins chantent aujourd'hui : " Dans les prisons de Londres " au lieu de, " Dans les prisons de Nantes." C'est tout naturel. Pour peu qu'un voyageur ait vu du pays, il a rencontré des An glais, des Irlandais, des Ecossais, qui lui ont parié de Londres, d'Edimbourg, de Cork ou de Dubhn, mais de Nantes, jamais! Il s'imagine alors que " Nantes" est une corruption du mot -'Londres," et il chante "Londres." Cependant, dans nos campagnes, beaucoup d'habitants n'ont pas plus entendu parler de Londres que de Nantes, on chante toujoars : " Dans les prisons de Nantes."

DU CANADA

27

-flr=T=q=ri*î=H^zD!:z::^i

mm

I , ,v

Dans les prisous de Nau- tes,Daus les prisous de Nau- tes Lui ya-t-uu pri- souuier, gai, fa- lu-rou fa- lu-

ret- te, Lui ya-t-ua pri- sounier, gai, fa- lu-rou dou-

dé.

AUTRE VERSION.

_,«>-

Dans les prisons de Nau- tes, Dans les prisous de Nau- tes, Lui ya-t-un pri-son-uier, gai,falu- rou don- dai-ne,

Lui ya-t-uu pri- sonnier, gai, falu- rou don- dé.

Dans les prisons de Nantes (bis)

Lui ya-t-uu prisonnier, gai, falurou, fahirette,

Lui ya-t-un prisouuier, gai, falurou, dondé.

Que personn' ne va voir (bis)

Que la fill' du geôlier, gai, faluron, falurette,

Que la lill' du geôlier, gai, falurou, dondé.

Elle lui porte à boire, {bis)

A boire et à manger, gai, falurou, falurette,

A boire et à manger, gai, falurou, dondé.

Un jour il lui demande : {bis)

Qu'est-c'que l'ou dit de moue ? gai, faluron, falurette,

Qu'est-c'que l'ou dit de moue? gai, faluron doudé.

28 CHANSONS POPULAIRES

Le bruit court dans la ville (bis)

Quedeiuaiu vous mourrez, gai, faluroo, falurette,

Que demain vous mourrez, gai, faluron, dondé.

Puisqu'il faut que je meure, {bis)

Ah! déliez-moi le.s pieds, gai. ialurou, fiilurette,

Ali! déliez-moi les pieds, gai, faluron, doudé.

La fille encore jeunette {bis)

Lui il, lâché les pieds, gai, faluron, falurette,

Lui a lâché les pieds, gai, faluron, doudé.

Le garçon fort alerte, (bis)

A la mer s'est jeté, gai, faluron, falurette.

A la mer s'est jeté, gai, faluron, dondé.

De la première ploiige, (bis)

Au fond il a été, gai, faluron, falurette,

Au fond il a été, gai, faluron, dondé.

De la seconde plonge, (bis)

La mer a traversé, gai, faluron, falurette,

La mer a traversé, gai, faluron, dondé.

Quand il fut sur ces côtes, (bis)

Il se mit à chanter, gai, faluron, falurette,

Il se mit à chanter, gai, faluron, dondé:

" Que Dieu béuiss' les filles, (bis)

Surtout celP du geôlier, gai, faluron, falurette,

Surtout cell' du geôlier, gai, faluron, dondé.

" Si je retourne à Nantes, (bis)

Oui, je l'épouserai ! gai, faluron, falurette,

Oui, je l'épouserai 1 gai, faluron, dondé."

DU CANADA 29

DANS LES PRISONS DE NANTES {Autre air)

Pour rendre la mélodie qui va suivre selon les règles de la composition, il eût fallu écrire après la troisième

mesure :

-fc:a »

r^-î=^M.

z^-r^-Br.-^--

.Nau- tes, Lui yu- 1- un pri- sou-

-S ^S ^ j- jX-

nier, fa-lu-rou don- dai-ne, Lui ya-t-un...

De cette façon la mélodie eût formé douze mesures bien comptées, et la note rfo, qui se chante sur la première syl- labe du moi prisonnier^ eût arrivé juste sur le temps fort de la sixième et de la dixième mesure, comme lerhylhme l'exige.- Mais, encore une fois, je note ces chansons telles qu'on me les chante, et pas autrement. Au reste, la me- sure, telle qu'écrite ci-dessous, indique parfaitement à quels endroits de la mélodie le batelier donne de la

30

CHANSONS POPULAIRES

rame, ce qu'il fait sans se préoccuper le moins du monde

des temps forts et des temps faibles.

Lentement.

Daus les prisons de Nantes, Dans les prisons de *^ Nau- tes Lui ya-t-uupri- souuier, fa- lu- ron, dondai-

EipO|iilîîtl^iïiiilpÈiîi?ïllïli^

ne, Lui ya-t-uu prison- nier, fa- lu- ron don- dé.

DU CANADA

31

CEGILTA

Cêcilia est connue en France, notamment en Champagne. La variante champenoise (car il y a toujours des variantes dans les chansons populaires) diffère très-peu de la nôtre, sous le rapport des paroles comme sous celui de la mu- sique.

IMoa pèi' u'a- vait fil- le que moi, Moa pèr' n'a-

vait fil-le que moi, Eu-cor sur la mer il m'en- voie ; sautez mi- guouue, Ce- ci- li- a. Ah ! ah ! ali ! ah ! ali ! ah ! Cé-ci- U-

a.

a ! ah ! ah ! Cé-ci- li-

Moii pèr' u'avait fille que moi, (bis) Eiicor sur la mer il m'euvoie. Sautez, mignonne, Cécilia, Ah ! ah ! Cécilia. (bis)

Encor sur la mer il m'euvoie. (bis) Le marinier qui m'y menait Sautez, mignoTuie, etc.

Le marinier qui m'ymeuait, (bis) Il devint amoureux de moi. Sautez, uiignonne, etc.

32 CHANSONS POPULAIRES

H devint amoureux de moi. {bia) Ma mignonuette, embnissez-moi. Santez, mignon ue, etc.

Ma mignonuette embrassez-moi. (bis) Nenni, Monsieur, je n'oserais. Sautez, mignonne, etc.

Nenni, Monsieur, je n'oserais, (bis) Car si mon papa le savait, Sautez, mignonne, etc.

Car si mon papa le savait, (bis) Fille battue ce serait moi. Sautez, mignonne, etc.

Fille battue ce serai moi. (bis) 'Voulez-vous beir qui lui dirait? Sautez, mignon ue, etc.

'Voulez-vous bell' qui lui dirait ? (bis) Ce serait les oiseaux des bois. Sautez, mignonne, etc.

Ce serait les oiseaux des bois, (bis) Les oiseaux des parlent-ils? Sautez, mignonne, etc.

Les oiseaux parlent-ils? (bis) Ils lîarl'nt français, latin aussi. Sautez, mignonne, etc.

Ils parl'nt français, latin aussi, (bis) Hélas ! que le monde est malin .

Sautez, mignonne, etc.

Hélas! que le monde est malin, (bis) D'apprendre aux oiseaux le latin.

Sautez, mignonne, Cécilia.

Ah! âh! Cécilia ! (bis)

DU CANADA 33

ET MOI JE M'EN PASSE !

Voici une vraie perle. une des plus jolies mélodies que l'on puisse entendre. J'engage les musiciens à l'examiner attentivement: ils y découvriront des beautés rhythmiques et «ne phraséologie que, maliieureusement, on ne ren- contre plus nulle part. Elle se chante avec une iiifinité de variantes, entre lesquelles il m'a fallu choisir. Dans la chanson populaire, il y a presque toujours autant de variantes que de gosiers ; seulement, d'ordinaire, ces petits changements n'altèrent pas le caractère général de la mélodie.

Mon pèr' n'avait fil- le que moi, Mon pèr' n'avait

fil- le que moi, Eu- cor sur la mer il m'envoie,

Mon cœur est en â- ge. Tant d'amans qui se font l'amour.. Et moi je m'en pas- se !

34 CHANSONS POPULMRES

Variante recueillie sur la côte de Beaupré

ia)-:z^z

^ Muu pèr' u'a- vait fil- - le que inoi, Mon

pèr' u'u-vait fil- - le que moi : Eu- cor sur la nier il m'eu- voie : Mon cœur est eu â- ge.

Tant d'auiants qui se fout l'a-uiour . . . Et moi, je m'eu

pas- - se

DU CANADA 35

MON, TON, TON, TURLUTAINE

M. Clément Gazeau, un de ces anciens Canadiens dont le type devient de plus en plus rare de nos jours, et qui, avec bien d'autres usages aimables et touchants de la vieille France, a conservé l'habitude de chanter les chan- sons qui nous viennent de nos grands-grands-pères, m'a chanté et répété un grand nombre de fois la mélodie que voici, et toujours absolument telle que je l'ai notée. Ce- pendant, comme je craignais que l'on vînt à suspecter la fidélité de mon oreille, j'ai voulu, avant que de l'éorire définitivement pour l'impression, me la faire chanter de nouveau ; et, muni cette fois d'un instrument de musique, j'ai pu constater avec certitude que mon oreille ne m'avait pas trompé. Maintenant, qu'un musicien essaie de chan- ter cette mélodie, la note fa naturel lui paraîtra excessive- ment dure ; mais qu'il entende chanter cette même mé- lodie par un homme du peuple ou par tout autre qui n'ait pas donné dans le dilettantisme, le fa naturel ne le choquera plus. D'où vient cela ? C'est qr.e le musicien, à cause même de l'éducation de sou oreille, ne peut, sans un véritable effort effort désagréable— ne pas faire de note sensible, tandis qne l'homme du peuple, lui, peut chanter un intervalle de seconde majeure entre le sep- tième et le huitième degré de la gamme sans le moindre effort, et que souvent même il lui serait difficile de faire autrement.

36

CHANSONS POPULAIRES

a=i'

Mou pèr' u'a- vait fil- le- que moi, Mou

Ijèr' u'a- vait fil- le- que moi ; Eu- cor sur la mer

^-=S=?=i

^-:^^.=r:i=^s : >-

il m'euvoie. Mou tou tou tur- lu- taiue, oh ! gai,

Mou tou tou tur- lu- tai- - ue. (Pour les autres couplets, voir Cécilia.)

Ce qui précède était écrit lorsque je reçus de M. le J3i- iDliothécaire de l'université-Laval la version que l'on va voir ci-aprps, (jui est à peu près celle que j'ai toujours en- tendue dans mon enfance, et dans laquelle on trouvera encore le fa naturel. "' Voici, m'écrit M. l'abbé Laverdière, comment un de nos engagés me chante Mon 'père n'a- vait. . . . : "

Mon pèr' n'avait fil- le que moi, Mou pèr' u'a- vait fil- le que moi ; En- cor sur la mer il m'euvoie. Mou ton tou tri-

=5^*Ez^=Ih^

taine, oh ! gai, mon ton tou tri- tai- - ne.

DU CANADA 37

ISABEAU S'Y PROMENE

On remarquera que les passages les plus beaux de cette délicieuse mélodie sont précisément ceux dans lesquels elle rompt ouvertement avec le mode mineur pour mettre en lumière les notes caractéristiques du mode que, dans l'ancienne tonalité, on appelait " premier plagal." C'est peut-être ici le lieu de dire que si la découverte de Claude Monteverde a été un immense progrès, à cause des res- sources infinies qu'offre Tliarmonie dissonante et les modulations qui en découlent, d'un autre côté, on ne peut nier que, du môme coup, de grandes beautés ont été perdues pour l'art musical par la nécessité qui s'en est suivie de bannir de la musique tout autre mode que nos modes majeur et mineur, qui seul possèdent la note sen- sible, sans laquelle l'harmonie dissonante ne peut pas exister. Un amateur de chansons populaires m'a fait tenir une version d'Isabeau dans laquelle tous les /a sont natu- rels. Cette chanson se chante en Champagne, sur un air qui, au point de vue du rhythme, a des ressemblances frappantes avec le nôtre.

I- - sa- beau s'y pro-

39 CHANSONS POPULAIRES

Le long de sou jar- diu. Le long de sonjar-din, Sur le

►ord de l'î- - le. Le long de sou jar-din, Sur le

^=^M^^

bord de l'eau, Sur le bord du vais-seau.

Isabeau s'y promène

Le long de son jardin.

Le long de son jardin Sur le bord de l'île,

Le long de son jardin Sur le bord de l'eau, Sur le bord du vaisseau.

Elle fit un' rencontre De trente matelots. De trente matelots

Sur le bord de l'île, etc.

Le plus jeune des trente, Il se mit à chanter. Il se mit à chanter

Sur le bord de l'île, etc.

La chanson que tu chantes, Je voudrais la savoir. Je voudrais la savoir Sur le bord de l'île, etc.

Embarque dans ma barque^ Je te la chanterai. Je te la chanterai

Sur le bord de l'île, etc.

Quand ell' fut dans la barque, EU' se mit à pleurer. Ell' se mit à pleurer Sur le bord de l'île, etc.

DU CANADA 39

Qu'avez-vous donc la belle, Qu'a- vous à tant pleurer î Qu'a- vous h tant pleurer Sur le bord de Tîle, etc.

Je pleur' iudu anneau d'ore, Dans l'eau-z-il est tombé. Dans l'eau-z-il est tombé Sur le bord de l'île, etc.

Ne pleurez point la belle, Je vous le })longerai. Je vous le plongerai Sur le bord de l'île, etc.

De la première plonge Il n'a rien rameué. Il n'a rien l'atnené

Sur le bord de l'île, etc.

De la seconde plonge L'anneau-z-a voltigé. L'anueau-z-a voltigé Sur le bord de Tîle, etc.

De la troisième plonge Le galant s'est noyé. Le galarit s'est noyé

Sur le bord de l'île, Le galant s'est noyé

Sur le bord de l'eau,

Sur le bord du vaisseau.

40

CHANSONS POPULAIRES

GAI LON LA, GAI LE ROSIER

La présence de ces vers :

Il est dans la Hollande,

Les Hollaudais l'ont pris

dans les couplets qui vont suivre, indique clairement qu'ils nous viennent d'Europe. Ils se chantent effective- ment en France, dans la Saintonge et le Bas-Poitou. Les Canadiens n'ont jamais été en guerre avec les Hollandais, et c'est à peine si, dans les premiers temps de la colonie, les habitants de la Nouvelle-Hollande ont eu quelques rares relations avec nos missionnaires et nos négociants du Canada. J'ai souvent entendu chanter ainsi les deux vers que je viens de citer :

Il est dans lu Hollande

Les Irlandais l'ont pris

Par dcrrièr' chez ma tau- te Lui ya-t-au bois jo-

-m -A -m --:^=d=r ' ^ i -=i— ^

I*— *:

11. Le ros-si- gnol y cliau-te et le jour et la

nuit. Gai Ion la, gai le ro- sier du jo- li

mois de mai.

DU CANADA. 41

Par dcrrièr' chez ma tante Lui ya-t-uu bois joli ; Le rossiguol y chante Et le jour et la nuit.

Gai Ion hi, gai le rosier

Du joli mois de mai.

Le rossiguol y chante Et le jour et la uuit. Il chaute pour ces belles Qui u'out pus de mari. Gai lou la, etc.

Il chante jjour ces belles Qui n'ont pas de mari. n ne chaut' pas pour moi Car j'en ai-t-uu joli. Gai Ion la, etc.

Il ne chant' pas pour moi Car j'en ai-t-un joli. Il n'est point daus la danse, Il est bien loin d'ici. Gai Ion la, etc.

Il n'est poiut dans la danse, Il est bien loin d'ici ; Il est dans la Hollande : Les Hollandais l'ont pris. Gai Ion la, etc.

Il est dans la Hollande : Les Hollandais l'ont pris. Que donneriez-vous, belle, Qui l'amèn'rait ici ? Gai Ion la, etc.

42 CHANSONS POPULAIRES

Que (louneiiez-vous, belle, Qui l'ainèn'rait ici f Je (lounerais Versailles, Paris et Saiiit-Deuis Gai Ion la, etc.

Je donnerais Versailles, Paris et Saint-Denis, Et la claire fontaine De mon jardin joli.

Gai Ion la, gai le rosier Du joli mois de mai.

DU CANADA

43

AURM-JE NANETTE?

Ce refrain et cet air si gracieux,— paroles et musique, —sont assez peu connus aujourd'liui. Je les ai appris, tout dernièrement, d'une vieille bonne d'enfants.

Par der-rièr' chez mou pèr' Lui ya-t-uu

ik-

b*ois jo- 11 ; Le ros- si- gnol y chante Et

le jour et la nuit. Au-rai- je Na- uett' ?—3e

y * * "^ ~^'^~S- *

crois que non. Au-rai- je Na- net- te?— Je crois que

(Pour les autres paroles, voir Gai Ion la, gai le rosier)

44 CHANSONS POPULAIRES

AU JARDIN DE MON PÈRE UN ORANGER LUI YA

Le " marché de Lava " dont il est parlé dans cette chan- son, n'est autre chose que le marché de Laval^ ville fran- çaise du département de Mayenne. De Laval on a fait Lava pour la rime. J'ai entendu chanter à Québec :

Au marché tout va, limouza....

Ces couplets se chantent encore en Normandie, le plus souvent en chœur, et sur un air de litanies du chant gré- gorien. Le refrain normand ne ressemble pas du tout au nôtre.

On remarquera que le refrain joue un grand rôle dans cette chanson. C'est un dos traits caractéristiques de la chanson normande. " Dans les campagnes de l'Avran- chin, dit M. Eugène de Beaurepaire, elles accompagnent (les chansons) les travaux de la moisson et surtout la

cueillette du chanvre En écoutant le soir ces poésies

singulières en se croirait volontiers reporté à des

époques fort anciennes. Deux lignes au plus composent le couplet. Le refrain est vraiment la partie la plus im- portante ; il supplée à la pauvreté ou à l'absence de la rime, et c'est lui qui donne toujours lieu aux fantaisies vocales les plus compliquées."

DU CANADA.

45

Le jeune homme qui figure dans ces couplets a évidem- ment reçu de bien mauvais exemples de son avocat de père.

i-=* ^ *'~~ï >* **

Au jardiu de mon pè- re Uu o- rîiu-ger lui

ya, li- luuu-za ; Qu'est si chtirHé d'o- lau-

ze^^çz

_^_-n^__

Qu'on croit qu'il en roui- pra, litaou- za. J'ai-nie, j'aime, oh ! rzrzaiz

::^=ïî:=S =::>,— S J-

l^=:zïi~z=il-z^-=^

gai, gai, gai, j'ai le cœur sau gai, J'en-ten-dis chan-

~^:=a!-

ter, dan-ser les mou- tous, les uiou-tons, don- dé, dou,

dou, les mou-tons, les mou- tous, les mou-tous, les mou

"-^|Ë^i^ÊE=Ëi^^§Ë^:^;?=""— '"=

»? c g

tons, les moutons, dou- dé, dou, don, les moutons, les mou

jj ^ ^

tons, les mou- tons, les mou- tons, les mou -tons, don

dé.

46 CHANSONS POPULAIRES

Au jardin de mon père

Un onuiger lui y a, liniouza,

Qu'est si chargé d'oranges

Qu'on croit qu'il en rompra, liraouza,

J'aime, j'aime, oli ! gai, gai, gai,

J'ai le cœur san gai ;

J'entendis chanter, danser

Les moutons, les moutons, don ;

Dou, dou, les moutons, les moutons, i /r v

Les moutons, les moutons, les moutons, don dé. ^

Qu'est si chargé d'oranges Qu'on croit qu'il eu rompra, limouza. Je denïfinde à mon père Quand' c'qu'on les cueillera, limouza. J'aime, j'aime, etc.

Je demande à mon père Quand' c'qu'on les cueillera, limouza. Mon pèr' me fait réponse : Quand ton ami viendra, limouza. J'aime, j'aime, etc.

Mou pèr' me fait réponse : '

Quand ton ami viendra, limouza. Les oranges sont mûres. Mou ami ne vient pas, limouza. J'aime, j'aime, etc.

Les oranges sont mûres, Mou ami ne vient pas, limouza. J'ai pris une échelette. Mon panier dans mon bras, limouza. J'aime, j'aime, etc.

J'ai pris une échelette. Mon panier dans mon bras, limouza j Je cueillis les plus mûres, 'Laissai les vertes là, limouza. J'aime, j'aime, etc.

DU CANADA 4T

J'ai cueillis les i)lus mûres, 'Laissai les veit(;s là. limousa. 'M'en vais au mavclié v<Midre, Au luaiclié (le Lava, limouza. J'aime, J'aime, etc.

'M'en vais au maiclié vendre, Au maiclié de Lava, lijuouza. Dans mou chemin rencontre Le fils d'un avocat, limouza. J'aime, j'aime, etc.

Dans mon chemin rencontre Le fils d'un avocat, limouza; 'M'en prend une douziine, Ne me les paya pas, limouza. J'aime, j'aime, etc.

'M'en prend une douzaine, Ne me les paya jias, limouza. Ah ! monsieur, mes oranges ! Vous n'me les payez pas ! limouza. J'aime, j'aime, etc.

Ah ! monsieur, mes oranges !

Vous n'me les payez pas ! limouza.

Passez de chez mon père.

Il vous les paiera, limouza.

J'aime, j'aime, oh ! gai, gai, gai,

J'ai le cœur san gai ;

J'entendis chanter, danser

Les moutons, les moutons, don :

Dou, don, les moutons, les moutons, >

Les moutons, les moutons, les moutons don dé. S ^ '

48 CHANSONS POPULAIRES

J'AI TANT DANSÉ, J'AI TANT SAUTÉ

Une variante de cette chanson se chante dans le Gam- brésis, en France. On en chante aussi une autre dans le Bas-Poitou : Le Cordonnier de Nantes. Le refrain de notre version canadienne est d'une gentillesse, d'une légèreté charmantes.

Voix seule.

J'ai tant dan-sé, j'ai tant sau-té, Dansons ma ber- gère, oh ! gai. J'en ai dé-cousu mon sou-lier, à Voix seule, puis la reprise en chœur.

l'oin- bre. Dau-sous ma ber- gèr' jo- 11- meut, que

le plancher eu rom- pe 1

J'ai tant dansé, j'ai tant sauté, Dansons ma bergère, oh ! gai, J'en ai décousu mou soulier.

A l'ombre, Dansons ma berger' joliment, Que le plancher en rompe !

J'en ai décousu mon soulier. Dansons ma bergère, oh ! gai. J'ai 'té trouver le cordonnier. A l'ombre, etc.

DU CANADA 49

J'ai 'té trouver le cordonnier, Dansons ma bergère, oh ! gai. Beau cordonnier, beau cordonnier, A l'ombre, etc.

Beau cordonnier, beau cordonnier, Dansons ma bergère, oh ! gai. Veux-tu racc'moder mon soulier ? A l'ombre, etc.

Veux-tu racc'moder mon soulier ? Dansons ma bergère, oh ! gai. Je te donu'rai un sou marqué. A l'ombre, etc.

Je te donu'rai uc sou marqué. Dansons ma bergère, oh ! gai. De sous marqués j'en ai-z-assea, A l'ombre, etc.

De sous marqués j'en ai-z-assez, Dansons ma bergère, oh ! gai. Faut aller trouver le curé, A l'ombre, etc.

Faut aller trouver le curé, Dansons ma bergère, oh ! gai. Pour dans un mois nous marier. A l'ombre, etc.

Pour dans un mois nous marier, Dansons ma bergère, oh ! gai. Nenni, un mois n'est pas assez, A l'ombre, etc.

Nenni, un mois n'est pas assez, Dansons ma bergère, oh ! gai. Faut m'attendre encore une année.

A l'ombre. Dansons ma berger' joliment, Que le plancher en rompe !

50 CHANSONS POPULAIRES

DIGUE DINDAINE

Ne dirait-on pas que cette mélodie d'une si délicate beauté se termine sur la dominante tout exprès pour imi- ter le son continu du i:)elit bourdon de la musette, qui fait encore entendre sa note dominante alors que le musicien a fini d'exécuter son air ? Cette chanson, aussi belle conune poésie que comme musique, nous vient de la France, elle n'est pasnoaplus tout-à-fait oubliée. L'air sur lequel M. Wekerlin (collaborateur de M. Champfleury,) l'a notée, dans les Chansons populaires des provinces de France^ est fort joli, mais ressemble peu au nôtre ; quant aux paroles, publiées dans le même ouvrage, et qui se chantent dans le Nivernais, elles sont loin d'être aussi poétiques que ceilesde notre version canadienne. Comme dans notre chanson, il s'agit, dans la version française, d'une petite fille " encore jeunette '' qui part pour garder son troupeau et qui oublie son déjeûner. '• Un valet de chez son père " va le lui porter et la trouve tout attristée de la dispersion des intéressants quadrupèdes commis à sa garde ; le galant valet embouche alors un instrument champêtre et fait revenir comme par enchantement le troupeau au pied de la bergère. Mais ici commence la bifurcation : le troupeau de la chanson française n'est pas comi)Osé de moutons mais bien de prosaïques enfants de la race porcine...., lesquels se mettent, eux aussi, à

r>U CANADA 51

daiisiT. '.nais sans se tenir par la patte, ce qui est beau- coup moins élégant.

l'n'y avait qu'la grand* trui'-caude Qui ne voulait pas danser,

ajoute la chanson française ; mais le chef de la bande vient la prendre par l'oreille et lui dit :

Commère, il nous faut dauser !

acte d'une autocratie révoltante, en opposition directe

avec les immortels principes de 89, comme diraient certains grands journaux de Paris, et qui dut soulever une bien

grande indignation parmi toute la gent soyeuse. ... ce

que, cependant, la chanson ne dit point.

i=3:i:-^=J=^ -^

^2=^^:E=gH3=|zz5|=-^-=|^-==^:::.-

Quauil j'é- tais de chez mon pè- le, di- gue din-

" g g F— fcg ** " ^ 1 ^-.^ «'-— " H

dai- ne, Jeu- ne fille à ma- ri- er, di- gue diu-

dé, Jeu- ne fille à ma- ri- er, Jeu- ue fille à ma-ri-

Quand j'étais de chez mon père, digue dindaine, Jeuue fille à marier, digue dinde, Jeune fille à marier, (ft/s)

62 CHANSONS POPULAIRES

Il iii'envoio de sur ces i)Iaincs, di^aio diudaine, Pourre les uionton.s garder, digue dinde. Pourre les moutons garder, (his)

Moi qu'étai'-t-encore jemiette, digue dindaine, J'oubliai mou déjeiiner, digue dinde. J'oubliai mou déjeuner, (bis)

Un valet de chez mou pèrs, digue dindaiue, Est venu me l'apporter, digue dinde. Est venu me l'api)orter. (his)

Tenez, petite bruuette, digue dindaiue, Voilà votre déjeûner, digue dindaiue. Voilà votre déjeûuer. {bis)

Que voulez-vous que j'en fasse, digue dindalae. Mes moutons sont égarés! digue diudé. Mes montons sont égarés ! (bis)

Que douneriez-vous la belle, digue diudaine; Qui vous les ramènerait ? digue dinde. Qui vous les ramènerait 1 (bis)

Ne vous mettez poiut-z-en peine, digue dindaine. Je saurai bien vous payer, digue diudé. Je saurai bien vous payer, (bis)

Il a pris son tirelire, digue dindaiue, 11 se mit à turluter, digue diudé. Il se mit à turluter. (bis)

Au son de son tirelire, digue dindaine,

Les moutojis s' sont assemblés, digue dinde.

Les moutons s' sont assemblés, (bis)

Ils se sont pris par la pattf, digue diudaine, Et se sont mis à danser, digue dinde. Et se sont mis à danser, {bis)

DU CANADA. SB

V n'y-avait qu'un' vieill'grand'-mère, digue dindaine, Qui ne voulait pas danser, digue dinde. Qui ne voulait pas danser, {bis)

Oh ! qu'a' vous, ma vieill' grand'-mère, digue dindaine, Qu'avez-vous à tant pleurer ? digue diudé. Qu'avez- vous à tant pleurer ? {bis)

Je pleure ton vieux grand-père, digue dindaine. Que les loups ont étranglé ! digue dinde. Que les loups ont étranglé ! (bis)

Ils l'ont traîné dans la plaine, digue dindaine, Et les os lui ont croqué, digue diudé. Et les 08 lui ont croqué, (bis)

54 CHANSONS POPULAIIIKS

MON CRI GRA, TIR' LA LIRETTE

Un ancien missionnaire, M. l'abbé Sévère Dnmonlin, a entendu chanter ce joyeux refrain p;u- des canotiers ca- nadiens de la Rivière-Rouge. M. l'abbé P. Pouliot, qui l'a appi-is de M. Dumoulin lui-même, l'a chanté à M. l'abbé J. Auclair de qui je l'ai recueilli. Il n'est pas sans intérêt de constater comment la chanson de pauvres canotiers perdus dans un pays lointoin et demi-sauvage, est venue se placer à la page cinquantfi-quatrième de ce volume.

-^'

rS^=-^3

Par derrièr' chez ma tau-te uu o- ran- ger lui ya Qu'est si char- d'o-ran-ges qu'où croit qu'il eu rom-pra,

Mon cri cra, tir' la li- ret- te, Mon cri cra, tir' hi li- ra.

(Pour les autres paroles, voir Au jardin de mon père un oranger lui ya)

DU CANADA. 55

MON BEAU RUBAN GRIS

On a vu plus haut que notre chanson Cécilia se chante encore en France. Dans la version française se trouvent les couplets suivants :

'•'■ Que disent les oiseaux des bois?— Que les femmes ne valent rien, Et les hommes encor bien moins. Pour les fill's, ils en dis'nt du bien. "

Chose assez singulière, je retrouve à peu près ces mêmes couplets dans Mon beau ruban gris. Dans l'une et dans l'autre chanson les hommes sont assez mal menés ; mais on aura beau faire, la raison du plus fort sera tou- jours la meilleure.

p3=^-|=5^2Z' ~ . . . - -.V.

Ce sout les da- - mes de Pa- ris, Ce

sont les da- - mes- de Pa- ris Qui font blan

= E?_«=E=5=5— =*E^^ î=^*^E5=3 =?=g=^

chi- re leurs lo- gis, Mou beau ru-ban gris, mon beau ru-ban

gris. Mon beau ru- ban jaun', Mon jo- li gris- jaun', Mon

piiiîili^iiyf^^iiiîllll

gris jo- li, Mon beau ru- ban gris.

66 CHANSONS POPULAIRES

Ce sont les dames de Paris (bis)

Qui font blajicliire leurs logis,

Mon beau ruban gris, {bis)

Mon beau ruVjau jaune,

Mou joli gris-jauue.

Mon gris joli,

Mon beau ruban giis.

Qui font blancliiro leurs logis, (bis) Depuis la table jusqu'au lit. Mou beau ruban gris, etc.

Depuis la table jusqu'au lit, (bis) Depuis le lit jusqu'au châssis. Mou beau ruban gris, etc.

Depuis le lit jusqu'au châssis, (bis) Depuis l'châssis jusqu'au jardin, Mon beau ruban fin, etc.

Depuis l'châssis jusqu'au jardin, (bis') Dans ce jardin lui ya-t-un poits Mon beau ruban gris, etc.

Dans ce jardin lui ya-t-un poits, (bis) Yous(jue les oiseaux font lenis nids. Mon beau ruban gris, etc.

Yousque les oiseaux font leurs nids, (bis) La caille et aussi la perdrix. Mon beau ruban gris, etc.

La caille et aussi la perdrix, (his) La caille dit en son latin, Mon beau ruban un, etc.

DU CANADA 67

La caille dit en son latin (bis) Que les honinies ne sont point fius, Mou beau ruban un, etc.

Que les hommes ne sout poiut fius, (bis)

Mais coutr' les feium's, ell' ue dit rien,

Mou beau rubau fiu. (bis)

Mou beau rubau jauue,

Mon joli gris-jaune,

Mon gris joli,

Mon beau ruban gris.

58 CHANSONS POPULAIRES

MON BEAU RUBAN GRIS

(Autre air recueilli par M. Vahhé P. Lacjacé)

Cette douce mélodie dont les notes, presque toutes de valeurs égales, roulent constamment dans un mode an- tique, est bien ini type de ces chansons populaires dont

J.-J. Rousseau a dit : " Les airs ne sont pas piquants,

mais ils ont je ne sais quoi d'antique et de doux qui tou- che à la longue Ils sont simples, naïfs, souvent

tristes; ils plaisent pourtant." La phrase mélodique qui commence avec les mots : "Ah! mon beau ruban jaune, etc.," ne devrait commencer, régulièrement, qu'une me- sure plus tard. Cependant, cette espèce d'enjambement est loin d'être dénuée de charmes.

Ce sont les da-ines de Pa- ris, Ce sont les

da- mes de Pa- ris Qui font blan- clii- re leurs lo-

gis, Mon beau ru- ban gris. Ah ! mon beau ru-ban jaune, Mon

5=«?

jo- li gris jau- ne, mon gris,Mon beau ru-ban jau-ne jo-Ii.

DU CANADA

59

VA, VA, VA, P'TIT BONNET, GRAND BONNET

La monotonie qui caractérise presque toujours la mé- lodie populaire n'est due ici qu'à la répétition fréquente des mêmes intonations. Rhythmc léger bien qu'à l'allure un peu rustique.

On chante dans l'ouest de la France (Saintonge et Aunis) la chanson Mon père aussi m'a mariée (voir plus loin Un filant ma quenoinllc) sur notre air de Ka, t'A, va^ p'tit bonnet, grand bonnet.

m

Voix seule, puis la reprise en cliœur.

.^S SJ^

e=E»:E5rî

:t8—

Va, va, va, p'tit bon- net, grand bou- net,

FIN. Yoix seule, la reprise

Va, va, va, p'tit bon- net tout rond. Mon père a fait bâ- en chœur.

tir maison. Va, va, va, p'tit bon- net tout rond. L'a

ZitZlZ

-^-=M-

1-^ 1^-^— <a-| ^ ^

fait bâtir à trois pignons, p'tit bou- net, grand bonuet,p'tit bou-

Ei=g=ê=Ea

net tout rond. D.C.

Mon père a fait bâtir maison. Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. L'a fait bâtir à trois pignons.

60 CHANSSONS POPULAIRE

P'tit bonnet, grand bonnet, P'tit bonnet tout rond. Va, va, va, p'tit bonnet, grand bonnet, Va, va, va, p'tit bonnet tout rond.

L'a fait bâtir à trois pignons, Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. Sont trois charpentiers qui la font, P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

Sont trois charpentiers qui la font, Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. Le plus jeune c'est mon mignon, P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

Le plus jeune c'est mon mignon, Va, va, va, i)'tit bonnet tout rond. Qu'apportes-tu dans ton jupon ? P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

Qu'apportes-tu dans ton jupon ? Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. C'est un pâté de trois pigeons, P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

C'est un pâté de trois pigeons. Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. Asseyons-nous et le mangeons, P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

Asseyons-nous et le mangeons. Va, va, va, p'tit bonnet tout rond. En s'asseyaiit il fit un bond,

P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

DU CANADA «

En s'asseyant il fit un bond, Va, va, va, p'tit bonuet tout rond, Qui fit trembler mer et poissons, P'tit bonnet, grand bonnet, etc.

Qui fit trembler mer et poissons, Va, va, va, p'tit bonnet tout rond, Et les cailloux qui sont au fond,

P'tit bonnet, grand bonnet,

P'tit bonuet tout rond. Va, va, va, p'tit bonnet, grand bonnet, Va, va, va, p'tit bonuet tout rond.

62 CHANSON-.S POPULAIRES

FRTNGUE, FRINGUE SUR L'AVIRON

" Nous avons, a dit Dubois, (grammairien du seizième siècle,) un nombre infini d'interjections qui se trouvent dans les chansons populaires, comme lirompha^ dada, etc.'*

Il ne faut pas croire, cependant, que tous ces mots et locutions de refrains soient autant A' interjections à peu près inexplicables. Dans Fringue^ fringue sur l'aviron^ les mots :

Tortille uiorfil, Arrangeur de faucilles Triboiiille marteau......

ont un sens réel, facile à saisir, et qui est celui-ci :

" Arrangeur de faucilles, fais tordre le morfil de ta lame ; frappe ta lame de ton marteau."

On sait qu'on appelle morfU ces parties d'acier pres- que imperceptibles qui restent au tranchant d'une lame que l'on vient de passer sur la meule.

Voix seule, puis la reprise en chœur. '/•

Frin-gue, friu-gue sur la ri- vie- re,

FIN. i Voix seule,

Friu-gue, friu-gue sur l'a- vi- ron. Mon père a

DU CANADA

63

la reprise en chœur.

p==?iiiliiiÉl^iï^3lillïl3iriiinîl

fait bâ- tir mai- sou, Friu- gue, frin-gue sur l'a- vi- Voix seule.

rou. L'a fait bâ- tir à trois pi- gnons, Tor-

t-M-^ a. ^— [-_ j— ai 10 j— ? ■o' (• j » ff m- 1 g> « '3

til- le mor- fil, Ar-rau- geur de fau- cil- les, Tri- bouille raar-

teap,Bij»a- soir lu- tin!

<Pour les autres paroles, voâ- Va, va, va, pHit bonnet, grand bontiet)

64

CHANSONS POPULAIRES

GENTIGORUM

Ce curieux refrain était autrefois en grande vogue au collège Juliette. Il est connu, du reste, dans toutes les parties du pays.

~^ j-' -j^ m-

-J^^=mz

—^ gz^t:=:

m

Mon père a fait bâ- tir mai-son, Vir-gé var-gè

lJîr—:~==i—-

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vargenton, L'a fait bâ- tir à trois pignons Sur le

ir5.-=i:d^

id'^r^rSr:

bri, sur le brin, sur le sin- tou- ri, sur le

^-»^ " ?-«> gi g <

laur- =*rE*=r*:

eu- lo- rnm, sur le sin- to- rum, Gen-ti- co-ruin sur

^'^=^îEffi=-*-3— ^

—-y g ^ , '

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t=^-

;é- lo-rum, mi- ron flon flon sur la vert bat-te- ri'

i

m. ^ j,

=ï==ï»=:

S L».

1-^ ^^ 1 1^— __^ , ,

Viv' l'a- mourette en vargenton, ma lu- ron ma lu- ré. (Pour les autres paroles, voir Ya^ va, va,pHit bonnet, grand bonnet)

DU CANADA

65

FRIT A L'HUILE

Voici encore un refrain d'origine française. Gela res- sort, d'abord, de ce qu'il est connu par tout le pays, puis et surtout de ce qu'il y est question de friture à l'huile. Nos huiles de marsouin, de foies de morues et de pétrole n'ont pas encore eu Thonneur d'un chapitre dans la Cui. sinière canadienne, et pour ce qui est de l'huile d'olive, que nous importons de l'étranger, on sait qu'elle ne paraît jamais sur nos tables que froide et comme assai- sonnement, et que le peuple en fait rarement usage. Il n'en est pas de même en France, surtout dans le midi, l'huile d'olive joue un rôle considérable dans la cuisine du peuple.

; * .-

Mou père a fait bâ- tir mai- son, Ah ! ah ! ah ! frit à

-Kzz—mzzzz

Thui-le, L'a fait bâ- tir à trois pi-gnous, Fri-tai-ne, fri-

ton, fri-ton, poë- Ion, Ah ! ah ! ah ! frit à l'hui-le, frit au

beurre et à l'o- gnon. (Pour les autres paroles, voir Va, va, va, pHit bonnet, grand bonnet)

66 CHANSONS POPULAIRES

C'EST DANS LA VILLE DE BYTOWN

Il y a de cela déjà bien des années, par une délicieuse matinée de juillet, un jeune homme avec qui je suis inti- mement lié, partait de la ville des Trois-Rivières pour se rendre à sa paroisse natale, la Rivière-du-Loup, en haut. Le jeune homme était musicien, et, commue il n'avait que dix-sept ans, il devait naturellement se croire très-fort dans son art. Chemin faisant, voilà que son cocher, ému sans doute par les beautés du soleil levant, et stimulé aussi, peut-être, par le chant des coqs et le bêlement des génisses, se met à entonner : Cest dans la ville de Bytown avec un accent rustique des plus prononcés. Grand plaisir chez notre artiste en herbe, qui, en vrai musicien de notre siècle, cherche aussitôt à harmoniser la mélodie, dans son esprit, à mesure qu'elle sort du rude gosier de son compagnon. Mais voilà notre jeune ami tout décon- tenancé ! Impossible d'harmoniser cela! Il a beau

solliciter toutes les formules harmoniques, toutes les mo- dulations à lui connues impossible d'arriver à rien !

De la leçon toute pratique que donnait à notre ami son brave compagnon de route, il ressortait clairement ce principe : qu'il peut exister une musique reposant sur d'autres lois que sur celles qui régissent la tonalité qui nous est familière. Mais il ne tira pas cette conclusion tout d'abord. Assurément il fut frappé de l'étrangeté de

DU CANADA C7

la mélodie qu'il entendait, mais ce qui lui parut iiifmi-

ment plus étrange encore, ce fut de se voir, lui, mis à

quia par un pauvre cocher !

" Les airs populaires dit M. Wekerliii, oftVeiifc quel- quefois de véritables ditficultés d'harmonisation, étant faits complètement en deliors des vues d'un accompagnement, et contraires souvent à nos lois harmoniques sur les modulations. Quelques-unes de nos chansons populaires datent d'une époque assez reculée, cela est incontestable ; plusieurs d'entre elles, celles la note sensible n'existe pas, par exemple, re- montent au moins à 1500, puisque ce n'est que tout au com- mencement de 1600 que Mouteverde trouva l'accord de sep- tième de dominante. Or, cet accord de septième détermina réellement le sentiment de la note sensible, c'est-à-dire le demi-ton qui précède la tonique. Même sans ce trait carac- téristique, beaucoup de chansons populaires fout constater l'ancienneté de leur origine, rien (^ue par leur allure métho- dique, leur similitude avec le chaut grégorien."

Je ne partage pas entièrement la manière de voir du distingué compositeur dont je viens de citer les paroles, et je ne serais pas prêt à croire, comme lui, à l'an- cienneté d'une mélodie uniquement parce qu'elle se rapproche de la tonalité grégorienne.. Cette tonalité n'a jamais eu accès au théâtre, et l'harmonie dissonante l'a chassée complèiement des salons, c'est vrai ; mais dans certaines campagnes (je parle des campagnes du Canada), surtout dans celles il n'y a ni orgue, ni harmonium dans les églises, et l'on n'entend jamais d'autre instru. ment que le violon, elle règne encore en souveraine ; c'est dans cette langue musicale que les chanteurs popu- laires improvisent et composent. Il est possible que la mélodie de C'est dans la ville de Bylown^ qui appartient au premier mode authentique de la tonalité ancienne, soit de composition fort antérieure à celle des paroles qui

68

CHANSONS POPULAIRES

l'accompagnent, mais il est aussi fort possible que paroles et musique aient été composées en même temps : ce qui alors ne pourrait remonter bien haut.

On a fait un grand nombre de chansons figure la ville de ByLowii (aujourJ"liiii Ottaoua). M. LaRue, dans son étude sur nos cliansons populaires, en a cité une très- remarquable dont je regrette de ne pas connaître l'air. Bytovvn a été longtemps le poste avancé de la civilisation dans la belle vallée de l'Ottaoua, le dernier souvenir qu'emportaient les voyageurs-forestiers dans leurs loin- taines excursions au delà des îles Calumet et Allumettes.

C'est daus la vill' de Bail- ton-ne, ious- que ~~ j'ai'té faire un tour ; ious-que ya des jo- lies

fil-les, Qui sont par-fait' et gen- tilP, Mais yen a-

--^j 1 I ^— »»^ J "^ » —F i'^^^^9- a-r— * 1 ■^^:r~

t-au' que, par 'sus tout, Z-ou dit que j'y fais l'a- luour.

Mais yeu a- t-an' que, par 'sus tout,Z-on dit

que j'y fais l'a- mour.

DU CANADA 69

C'est dans la vill' de Bailtonne iousque j'ai 'té fairo un tour; La iousque ya des jolies filles Qui sont parfait' et gentilles, Mais yen a-t-an' que, par 'sus tout, Z-on dit que j'y fais l'amour.

70 CHANSONS POPULAIRES

QUAND J'ÉTAIS CHEZ MON PERE

Il y a tout lieu de croire que ces couplets sont fort an- ciens, si, comme je le pense, le mot ''baron" y est em- ployé pour exprimer, au généri([ub, un grand seigneur :

Mon petit cœur en .^age N'est par pour un baron.

Par ici-t-il y passe Trois cavaliers barons.

" Chaque fois, dit M. Arbaud, que nos chants parlent d'un homme noble, puissant, ils l'appellent un baron, c'est-à-dire, un homme par excellence, comme le bar ger- manique dont il dérive. Et ne croyez pas qu'ils prejinent ce mot dans son acception féodale ; non, car ils le donnent aux saints :

Lou barouu sant Alexi se voeu pas maridar

ils le donnent aux plus hauts personnages :

Aperaquit passavo los fiou d'un rei baroun

Mais quand la hiérarchie féodale constituée eut rejeté presque au dernier rang ce titre de baron, il perdit natu- rellement sa valeur superlative " \Chants populaires

de la Provence, page XVI de la préface.)

DU CANADA 71

Cette chanson, à laquelle on attribue une origine nor- mande, se chante dans toutes les parLies de la France, mais avec des refrains et sur des airs que nous ne con- naissons pas ici, sauf le refrain et l'air de Vive Napoléon ! que l'on verra plus loin.

On chante dans le comté de Maskinon^é :

.M'envoi'-t-à la fontaine Pour pêcher du poissou-

à Québec :

et en France :

.M'envoi'-t-à la fontaine Pour emplir mou eiuchon.

-J'allais à la fontaine Pour cueillir du cresson...

J'ai recueilli cette mélodie de la hoaclie d'une femme qui me l'a répétée un grand nombre de fois, et toujours telle que notée ci-dessous, avec tous les mi et les fa naturels.

Quaud j'é-tais chez mon pè- re, Quand j'é-tais chez mou pè- re Pe- tite et jeun' é- tions, doudai-ne, dou,

Pe- tite et jeune é- tions, don- dai- ne.

Quand j'étais chez mon père (bis)

Petite et jeune étions, (ou : Petite Jeanneton,)

Dondaiue, don, Petite et jeune étions,

Dondaiue.

72 CHANSONS POPULAIRES

M'euvoi'-t-à la fontaine (bis) Pour pêcher du poisson, Dondaiue, don, etc.

La fontaine est profonde, (bis) J'ine suis coulée au fond, Dondaine, don, etc.

Par ici-t-il y passe (bis)

Trois cavaliers barons,

Doudaiue, don, etc.

Que denneriez-vous, belle, (bis) Qui vous tir'rait du fond f Dondaiue, don, etc.

Tirez, tirez, dit-elle, (bis)

Après ça, nous verrous

Dondaine, don, etc.

Quand la bell' fut tirée, (6w) S'en fut à la maison, Dondaine, don, etc.

S'assit sur la fenêtre, (bis) Compose une chanson, Dondaine, don, etc.

Ce n'est pas ça, la belle, (bis) Que nous vous demandons, Dondaine, don, etc.

C'est votre cœur en gage, (bis) Savoir si nous l'aurons, Dondaine, don, etc.

DU CANADA 73

Mon petit cœur en gage, (bis) N'est pas pour nu barou, Doudaiue, dou, etc.

Ma mère me le garde (6is) Pour mon joli mignou,

Doudaiue, don, Pour mon joli mignon,

Dondaine.

74

CHANSONS POPaLAfRK.S

LA BIBOURNOISE

Cet étrange refrain nous vient do nos ancêtres de la vieille France. Notre variante diiïere assez pen de celle qni se chante encore aujonrd'hui dans le Uau[)hiné, mais les airs ne se ressemblent pas. La Bibournoise était, il y a vingt ans, nne des chansons favorites des élèves dn petit- séminaire de Québec. J'ai souvent entendu dire que deux Anglais ne peuvent déboucher de concert une bouteille de Champagne sans chanter God save Ihe Queen .'.... je crois qu'il était également autrefois impossible à deux élèves du petit séminaire de Québec de se rencontrer en vacances sans chanter la Bibournoise!

■r^zT/am z

-:« «*_

Quaud j'é-tais chez mou pè- re, Pe- ti- te Jeuuue-

tou, la gliu, glau, glou, M'en- voi'-t-à la fou- tai-ue Pour

_ N ,V >■-,

em- plir mon cru- chou, La Bi- bour- noi- se, Sout-c'dea pois, des pois, des fêv's, des fêv's et d'I'o- gnon? N'ya-t-i

DU CANADA

75

^^=1^=r^

j * J— :j=rg— g— al g I ^ '— ? «>^-

pas de la gliu glan glon? Bon, bou, bon, bou, bon,

-,>>^=->-

=-=i-^M-^-=-^

bon, Da- ril- Ion, da- ril- lou, da- ril- lou, Oh !

> ^* ^ =; * I ::; ; 1

la gar- ga- ran- çon bi- bour-noi- se, bon, bon,

^>« a. ^v >>-

-s» ^-

^^t-^

m=sz

m

faisons le saut de la gar-ga-rançon bibour- noi- se. <Pour les autres paroles, voir Quand fêtais chez mon père)

76 CHANSONS POPULAIRES

VIVE NAPOLÉON!

" Comment, dit M. LaRiie, passer sons silence cette chanson si belle, avec son air plein d'entrain, et qne sait par cœur tout Canadien qui, une fois dans sa vie seule- ment, a pris une rame ou un aviron.

" Le refrain de cette chanson indiquerait une origine moderne ; mais il a été changé. Autrefois on chantait " Vive le roi, vive le roi! " {Le Foyer Canadien^ p. 355 année 1863.)

On chante cette chanson dans l'Aunis, en France, avec le refrain Vive Napoléon! que nous connaissons si bien ici, et sur un air presque semblable au nôtre. Au lieu de Vive le roi! on y dit: Vive la loi! En Angoumois et en Poitou, on chantait, sous le premier empire : A bas les royalistes^ vive Napoléon !

Nos habitants disent toujours : " Vive le roi de la reine !" et évitent ainsi riiiatiis que commettent les citadins en disant : " le roi et la reine."

Quand j'é-tais chez inoa pè- re, Gai, vi- ve le roi ! Quaud j'é-tais chez mon pè- re, Gai, vi- ve le

DU CANADA

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Pe- ti- te Jean- ne- ton, vi- ve le

^=àà^^m=mmmî

=.gEE£

m

roi de la rei-

ne. Pe-

U- te Jeanne- ton,

Vi- ve Na- p«- lé- ou ! (Pour les autres paroles, voir Quand fêtais chez monpère)

78 CHANSONS POPULAIRES

SI TU TE METS ANGUILLE UN CANADIEN ERRANT

CelU) (loucG cantilène est connue de tout le monde, en Canada. Los couplets : Si tu te mets anguille^ etc., ne sont que des fragments assez altérés de la chanson: J'ai fait wic maîtresse, que l'on verra plus loin. Le dernier vers :

Je nie donu'iai à toi puisque tu m'aimes taut !

devrait être séparé des vers qui précèdent par plusieurs couplets. C'est simplement parce que ces couplets ont été oubliés que cette chanson, si poétique d'ailleurs, se ter- mine si sottement. Il ne fut jamais venu à l'esprit de nos braves habitants, qui n'ont, grâce à Dieu, jamais mis le pied au théâtre, et qui n'ont jamais, non plus, nourri leur esprit des romans de messieurs et madame Damas, Sue, Sand, Kock et compagnie, de fabriquer ce dénouement à la Favorite.

Mais cette ancienne poésie est presqu'entièrement ou- bliée aujourd'hui. Elle a cédé la place à quelques strophes composées, en 1842, par un étudiant du collège de Nicolet, qui devait, plus tard, devenir un de nos littérateurs les plus distingués. Le Canadien errant de M. A. Gérin-Lajoie, com- posé précisément au début des dures années d'exil des révoltés de 1837 et 1838, aloi's que tant d'honnêtes familles pleuraient l'absence de pauvres '^ Canadiens, bannis de leurs foyers," devint, en quelques mois seulement, ex- trêmement populaire.

DU CANADA 79

Les mélodies du. peuple possèdent cette qualité si rare d'unir à beaucoup de simplicité une expression véritable. D'ordinaire un compositeur n'est simple qu'à la condition d'être vide et plat. Aussi est-il plus difficile qu'on ne le croit généralement de composer une mélodie d'une véri- table beauté et qui puisse se vulgariser parmi le peuple. Chateaubriand avait si bien compris cela que, comme l'auteur du Canadien errant^ il avait voulu choisir parmi des chansons populaires (celles de l'Auvergne, si je ne me trompe,) les airs de ses chants du Dernier Abencérage

Les couplets de M. Lajoie, grâce à leur mérite et à leur actualité, mais grâce aussi à la vieille mélodie sur laquelle ils se chantent, sont connus aujourd'hui partout il y a des Canadiens-français. Que Fauteur pénètre dans la forêt, qu'il y rencontre quelques-uns de ces défricheurs dont il a si bien su peindre l'existence et les rudes mais nobles tra- vaux ; qu'il parcoure les villes du Haut-Canada et même certaines villes américaines voisines de nos frontières, il les entendra chanter partout. Il n'est pas jusqu'aux échos des Montagnes-Rocheuses et des rives du lac Ouinipeg qui n'aient répété cette touchante poésie. Mgr Faraud, vi- caire-apostolique d'Attabaska et du territoire de la rivière McKenzie, m'a dit avoir entendu chanter Un Canadien errant dans les plus lointaines missions du Nord-Ouest.

80 CHANSONS POPULAIRES

Par derrièr' chez iria tante II lui ya- t-na é-

i^» *_

tang, Par derrièr' chez ma tante II lui ya- t-un é- tang.. . Je me met- trai an- guillc, Auguil-le dans l'é- tang, Je me met- trai au- guillc, Anguil-le dans l'é-

tang.

Par derrièr' chez mn. tante II lai 3'a-t-nn étang

(bis)

Je me mettrai aiignille, ? ,,-. Anguille dans l'étang. S '

Si tu te mets anguille, Anguille dans l'étang,

Je me mettrai ))êclieur : Je t'aurai en pêeliant.

(bis) {bis)

Si tu te mets pêcheur ) ,j^.. Pour m'avoir en péchant, ^^ *'

ibis)

ibis)

Je me mettrai allouette, Allouette dans les champs.

Si tu te mets allouette, Allouette dans les champs,

Je me mettrai chasseur : ) yj^^^. Je t'aurai eu chassant. \

Si tu te mets chassetir ? ,j^-^. Pour m'avoir en chassant, ^ ^

Je me mettrai nonnette Nonnett' dans un couvent.

ibis)

DU CANADA 81

l {Us) (bis)

Si tn te mets nonnette Nonnett' dans un couvent

Je me mettrai prêcheur : Je t'aurai en prêcliant.

Si tu te mets prêclieur ) ,^. v Pour m'avoir en prêcliaut, ^ ^

Je me donu'rai à toi Puisque tu m'aimes tant !

0is)

Un canadien errant, ? ,^,^.^, Banni de ses foyers, ^ ^

Parcourait en pleurant Des pays étrangers.

{bis)

Un jour, triste et pensif, ) ,^^. - Assis au bord des flots, J

Au courant fugitif , ,^-^. II adressa ces mots ^ ^

\ {bi

" Si tu vois mon gay^s, ; ^i^- Mou pax^ mallieureux, ; ~ '

Va, dis à mes amis ) ,, . .

Que je me souviens d'eux. ) ^ '

" 0 jours si pleins d'appas, ? /^j-^x Vous êtes disparus, ^^ '

Et ma pati'ie, bêlas ! } Je ne la verrai plus! \

{bis)

" Non, mais en expirant, ) ,, . , 0 mou cher Canada ! )

" Mon regard languisant ) ^, . . Vers toi se portera " ) ' ^

82 CHANSONS POPULAIRES

UNE PERDRIOLE

Le lecteur n'a pas besoin d'être averti que ceci est une chanson pour endormir les enfants. Après le dixième couplet rien n'empêche d'en improviser d'autres et de se rendre ainsi jusqu'au trente-unième jour de mai. Si après cela l'enfant ne dort pas, il est inutile de songer aux prises de laudanum ou aux gouttes de Trésor des nourrices^ rien n'y fera.

On chante aussi cette chanson en France. (Voir les Chants et chansons populaires du Cambrésis, recueillis et annotés par MM. A. Durieux et A. Bruyelle, page 125)

Premier couplet.

ffi— § i*'— ~ -j g ai g H » 1 -^ ^^

Le pre-mier jour de mai que barrai-je à ma

inie ? Le premier jour de mai que barrai-je à ma •/.

mie ? U- ne per- dri- o- le, Qui vient, qui

:a(r^lzr3;r=|— ^z:iz:l=S=S^I=i=:ï— i=ïît:::^l:rî=*-d

va, qui vo- le, U- ne perdri- o- le, Qui

FIN.

^-« i ^v— ,

iilil^llil^li

vo- le dans ces bois.

DU CANADA 83

Variante

■:?za"E=«E

:H-rS=^|-Si

:rg=^— |— gzîi^zirs— |=:iaj:z==g^z:^

Le pre-uiier jour de mai, Que donn'rai-je

à ma mie- - e

=^=yi^=Éi^Ëîi§^^^ E.C.

Deuxième couplet.

On répète la première partie (lettre A), mais on dit : " Le second jour de mai que barrai-je ma mie ?" et on ajoute :

^ Deux tour-te- rel- les,

puis on reprend : " Une perdriole, etc.," au signe */..

Troisième couplet.

Reprise de la première partie (lettre A) avec les paroles : " Le troisième jour de mai qae barrai-je à ma mie?" après quoi on chante :

Trois rats des bois.

Puis on récapitule les deuxième et premier couplets :

Deux tourterelles, Une perdriole, etc.

On continue ainsi en disant successivement : le qua- trième, le cinquième, le sixième, le septième jour de mai, etc., et après chaque couplet nouveau on récapitule tous les couplets qui précèdent, depuis le dernier chanté jus- qu'au premier.

84

CHANSONS POPULAIRES Quatrième couplet.

Qiuitr' ca- iiards vo- laut eu Tai-re,

Trois lats des bois, Deux tourterelles, Une perdriole, etc.

Cinquième couplet.

I -H-— ■-

Cinq la- juus grat- taut la ter-re.

Quatr' canards volant en l'airo, Trois rats des bois, Deux tourterelles, Une perdriole, etc.

5==ff:

Sixième couplet.

---W--\--,

Six chiens cou- raut.

Cinq lapins grattant la terre, Quatr' canards volant en l'aire, Trois rats des bois. Deux tourterelles. Une perdriole, etc.

Septième couplet. Sept vach's à lait.

DU CANADA 85

Six chiens courant,

Cinq lapins grattant la terre,

Quatr' canards volant eu l'aire,

Trois rats des bois,

Deux tourterelles,

Uue perdriole, etc.

Huitième couplet.

Huit mou- tous a- vec leur lai- ue.

Sept vacli's à lait,

Six chiens courant,

Cinq lapins grattant la terre,

Quatr' ciuards volant eu Paire,

Trois rats des bois,

Deux tourterelles,

Une perdriole, etc.

Neuvième cotqylet.

Neufche- vaux a- vec leurs sel- les,

Huit moutojis avec leur laine,

Sept vach's à lait,

Six chiens courant,

Cinq lapins grattant la terre,

Quatr' canards volaut en l'aire,

Trois lats des bois.

Deux tourterelles.

Une perdriole, etc.

86 CHANSONS POPULAIRES

Dixième couplet.

Dix veaux bien gras.

Neuf chevaux avec leurs selles,

Huit moutons avec leur laine,

Sept vacli's à lait,

Six chiens courant,

Cinq lapins grattant la terre,

Quatr' canards volant en l'aire,

Trois rats des bois,

Deux tourterelles,

Une pedriole

Qui vient, qui va, qui vole,

Une pedriole

Qui vole dans ces bois.

DU CANADA

87

J'AI CUEILLI LA BELLE ROSE

Se chante en France (tonjonrs avec variantes) dans l'An- goumois, le Gambrésis et l'Aitois.

M, Ghamflcury cite le refrain suivant comme se chan- tant dans le Nivernais :

Tes rubans bari volants,

Belle rose, Tes rubans barivolants, Belle rose au rosier blanc.

Ce refrain ressemble trop à celui de notre chanson : J'ai cueilli la belle rose pour qu'ils n'aient pas tous deux une origine commune.

r25

J'ai cueil- li

la bel- le ro- - se,

J'ai cueil- li la bel- le ro- - se Qui peu-

.^ ^_

(lait au ro-sier blanc, La bel-le ro

Qui peu- dait au ro-sier blauc, La bel- le ros' du

m^-^:m==

ro- sier blauc.

88 CHANSONS POPULAIRES

J'ai cueilli la belle rose (his) Qui peudait au rosier blauc,

La belle rose, Qui pendait au rosier blanc, La belle ros' du rosier blauc.

Je l'ai cueilli' feuille à feuille, {bis) Mis daus mon tablier blanc,

La belle rose, Mis dans iiion tablier blanc, La belle ros' du rosier blauc.

Je l'ai porté' chez mon père, (bis) Entn; l';iris et Uouen,

La bcHe i-ose, Entre Paris et Ronen, La belle ros' du rosier blauc.

Je n'ai pas trouvé personne.... (bis) Que le ro>;siguol chantant,

La belln rose, Que le lossignol chantant, La belle ros' du rosier blauc.

Qui me dit dans sou langage : (bis) Mari'-toi, car il est tem[)S, La belle rose, Mari'-toi, car il est temps, La belle ros' du rosier blanc.

Comment veux-tu que j'm'y marie .^ (bi8) Mon père en est pas content,

La belle rose. Mon père en est pas content, La belle ros' du rosier blanc.

DU CANADA 89

Ni mon père, ni ma mère, (bis) Ni aucun de mes parents,

La belle rose, Ni aucun de mes parents, La belle ros' du rosier blanc.

Je m'en irai en service, (bis) En service jtonr un an,

La belle rosi-, En service i>()ur un an, La belle ros' du rosier blauc.

Combien gagnez-vous, la belle, (bis) Combien gagnez-vous par an ?

La belle rose. Combien gagnez-vous par au ? La belle ros' du rosier blanc.

Je gagne bien cinq cents livres, (bis) Cinq cents livr's eu argent blauc,

La belle rose, Cinq cents livr's eu argent blauc, La belle ros' du rosier blanc.

^Venez avec nous, la belle, (bis) Nous vous en donn'rons six cents,

La belle rose, Nous vous en donn'rons six cents, La belle ros' du rosier blanc.

90 CHANSONS POPUI^AIRES

AH ! QUI ME PASSERA LE BOIS

J'étais en partie de pêche au lac Saint-Pierre lorsque j'entendis pour la première fois cette remarquable mélo- die que chantait un homme de la campagne en battant la mesure avec son aviron. Je fus tellement frappé de l'étrangeté de ce chant que j'insistai pour qu'il me le répétât plusieurs fois. Le pauvre homme ne pouvait s'imaginer ce que je pouvais trouver de si beau dans sa chanson, et ce ne fut pas sans un peu de défiance qu'il consentit à me la redire. Je crois l'avoir notée exacte- ment comme il me la chantait. Il me semble, cependant, qu'il ne faisait pas la note fa tout à fait naturelle dans la

première phrase : .4/î..' qui me passera le bois ? , mais il

ne faisait certainement pas le fa dièse non plus. Je lui chantai moi-môme la mélodie, lentement, avec le fa dièse : il hocha la tète en faisant signe que non; je la répétai alors avec le fa naturel, et, cette fois, il parut content.

La phraséologie tout inusitée de cette mélodie indique clairement qu'elle doit être fort ancienne. Inutile de dire qu'il ne faut pas songer à lui ajouter un accompagne- ment. Elle appartient à une tonalité dans laquelle pas un des maîtres de l'art moderne n'a écrit, et qui, à parler franchement, nous est à peu près inconnue ; or, on sait

DU CANADA 91

que l'harmonie, telle que nous l'entendons aujourd'hui, est incompatible avec tout ce qui n'est pas tonalUé euro- péenne moderne; que ce n'est qu'en assimilaut les modes antiques à nos modes majeur et mineur, c'est-à dire eu faisant disparaître des premiers ce qu'ils ont de caracté- ristique que l'usage de notre harmonie dissonante devient possible. D'ailleurs, est-il bien sûr qu'un grand nombre de nos mélodies populaires ne soient pas incompatibles avec toute harmonie, même purement consonnante? Pour ma part, je le crois, bien que je sache que beaucoup de musiciens pensent le contraire. C'est le propre des musiciens de ces derniers siècles, comme Ta si bien fait remarquer M. Fétis, de ne pouvoir s'imaginer une musi- que quelconque sans harmonie. C'est qu'en eifet, la tonalité qui nous est familière, avec ses modes note sensible exclusifs, étant essentiellement harmonique, on a peine à comprendre qu'il puisse en être autrement d'une autre tonalité. Si l'histoire n'était pas pour nous le dire, on ne voudrait pas croire qu'il fut un temps l'on faisait de belle, d'admirable musique sans le secours de l'harmonie; que les premières notions de cette science étaient inconnues en ItaUe jusqu'à ce qu'elles y fussent apportées par les peuplades barbares du nord de l'Europe qui envahirent tant de fois la péninsule dans les premiers siècles de l'ère chrétienne.

Pour ce qui est de la mélodie qui nous occupe, en par- ticulier, on peut sans doute lui ajuster un accompagne- ment quelconque, mais non sans lui faire perdre de l'allure, du caractère qui lui est propre ; allure et carac- tère que les virtuoses campagnards savent si bien lui donner.

92 CHANSONS POPULAIRES

J'ignore si l<i mélodie de Ah! qui me passera le bois? est commo eu France; je sais seulement qu'on y chante encore quelfiues fragments des paroles (jue l'on va voir ci-après.

Ali ! qui me pas-se- ra ie bois, Moi qui suis si pe- ti- te ? Ce se- ra mousieur que voi-là : N'a- t-il pas bouue

mi- ne? là! Somm's-uous au mi- lieu du bois?

Sumui's-ijous à la ri - ve f

Ali ! qui me passera le bois, Moi qui suis si petite ? Ce sera monsieur que voilà : N'a-t-il pas boiiue mine ? ! Somm's-uous au milieu du bois? Somm's-uous à la rive?

Ce sera monsieur que voilà: N'a-t-il pas bonne niiue? Quand nous fûm's au milieu du bois. Il se mit à courire, ! Somm's-uous au milieu, etc.

DU CANADA 93

Quand nous fûiu's au milieu du bois,

Il se mit à cou rire.

Oh ! qu'a' -vous donc, mou bon monsieur,

Qu'a'-vous à tant courire, là!

Somm's nous au milieu, etc.

Oh! qu'a'- vous donc, mon bon monsieur, Qu'a'-vous à tant courire ? J'entends venir des loups, là-bas, Qui nous suiv' à la rive, ! Somm's-nous au milieu, etc.

J'entends venir des loups, -bas, Qui nous suiv' à la rive. Quand ils eur'nt traversé le bois La bell' se mit à rire, ! Somm's-uous au milieu, etc.

Quand ils eur'nt traversé le bois La bell' se mit à rire. -Bell' qu'avez-vous, bell' qu'avez-vous, Qu'avez- vous à tant rire? là! Somm's-nous au milieu, etc.

Bell' qu'avez-vous, bell' qu'avez-vous, Qu'avez-vous à tant rire? Je ris de toi, je ris de moi. De ta poltronnerie, ! Somm's-nous au milieu, etc.

Je ris de toi, je ris de moi, De ta poltronnerie ; D'avoir pris les perdrix du bois Pour des loups en furie, là! Somm's-nous au milieu du bois ? Somm's-nous à la rive?

94 CHANSONS POPULAIRES

SUR LE PONT D'AVIGNON

Le célèbre pont de l'ancienne capitale du Gomtat d'Avi- gnon a été construit vers le onzième siècle.

M. l'abbé J. Lebourdais m'a dit avoir chanté la chanson qui va suivre en traversant ce pont fameux, au grand étonnement de ses compagnons de voyage, qui ne pou- vaient comprendre comment une pareille vieillerie avait pu se conserver en Canada.

On chante dans le district des Trois-Rivières :

Sur le pout d'A-vi- guou, Sur le pout d'A-vi-

guou Trois da-mes, etc.

Mais la version donnée ci-après est peut être plus répandue.

Les paroles que l'on va lire ont été recueillies à la Rivière-du-Loup, comté de Maskinongé. Je donne les derniers couplets pour ce qu'ils valent.

DU CANADA

95

le pout (l'A- vi-

Sar

gnou,

Sur

le pout (l'A- vi- gnou Trois da- mes s'y pro- uiè- ueut, uia dou- dai- ne, Trois da- mes s'y pro-

mè- ueut, ma dou- dé.

Sur le pout d'Avignon, (bis) Trois daines s'y promènent,

Ma dondaiue, Trois dames s'y promènent,

Ma don dé.

Tont's trois s'y promenant {bis) Laissent tomber leurs peignes, Ma doudaine, etc.

Trois Allemands passant (bis) Ont ramassé les peignes. Ma dondaiue, etc.

—Allemands, Allemands, {bis) Ah ! rendez-moi mou peigne. Ma doudaine, etc.

Ton peigu' tu n'auras pas (bis)

Qu'tu n'ai' payé mes peines, Ma doudaine, etc.

96 CHANSONS POPULAIRES

Quel pa-ye-ment venx-tu? (bis) Un cheveu de toi, belle, Ma dondaiue, etc.

Prends-un, prends en deux, [bis) Prends-en trois à ton aise, Ma doudaine, etc.

Mais ne t'en vante pas: (bis) Tout garçon qui se vante. Ma dondaine, etc.

On les estime pas, (bis) Car ils ont femme en France, Ma dondaine, etc.

Et des petits enfants (bis) Qui vont battre à la grange,

Ma dondaine, Qui vont battre à la grange,

Ma don dé.

DQ CANADA

S7

HIER SUR LE PONT D'AVIGNON

Cette charmante mélodie, avec son rhylhme partie binaire partie ternaire, mais toujours gracieux, est moins connue que la mélodie qui précède. La poésie non moins charmante qui l'accompagne se chante encore aujour- d'hui, du moins en partie, dans le canton de Vaud, en Suisse.

z_a_^_i *>— y m ' i* '

Hi- er, sur le pont d'Avignon, Hi- er, sur le pont

d'*A- vi- guou, J'ai ouï clian- ter la bel- le, Ion la, J'ai

ouï chau- ter la

bel-

le.

Variante ;

:=;sr=|— d^

=i)— -S=i=^=:S^ =«ci=«=zz:*=:5=il^

J'ai ouï cban-ter la bel- le, Ion la, J'ai

l^^rr=^-==^- ;"—

ouï chau-ter la

bel- le.

Hier, sur le ponfc d'Avignon {Us) J'ai ouï chanter la belle,

Loii la, J'ai ouï chanter la belle.

98 CHANSOiYS POPULAIRES

Elle chantait d'un ton si doux : (bis) Comme une demoiselle, Lon la, etc.

Que le fils du roi l'entendit {bis) Du logis de son père. Lon la, etc.

Il appela ses serviteurs, {bis) Valets et chambrières. Lon la, etc.

Çà que l'on bride mon cheval {bis) Et lui mette sa selle. Lon la, etc.

Monsieur, voulez-vous aller ? (6ts) Ce n'est qu'uue bergère. Lou la, etc.

Bergère on non je veux la voir,(6is) Ou que mou cheval crève,

Lon la. Ou que mon cheval crève.

DU CANADA 99

SUR LE PONT D'AVIGNON TOUT LE MONDE Y PASSE

Voici une troisième ciianson figure le pont d'Avi- gnon. J'ignore si tout le département de Vaucluse pour- rait en fournir autant. C'est possible cependant, car les

habitants de cette partie de la France sont de grands chanteurs. Leur goût musical tout à fait remarquable est en partie, sans doute, à l'enseignement de l'école de musique créée par les papes d'Avignon. Le passage de la cour romaine se fait sentir encore aujourd'hui dans tout ce pays qui avoisine le mont Ventoux et le Luberon, et que traversent le Rhône et la Durance. Cette ronde m'a été chantée par M. LaRue.

Sur le pout d'A-vi-guon, tout le moude y pas-se,

FIN,

Sur le pout d'A-vi-guou, tout le moude y pas- se.

Les messieurs fout comm' ci, Les da- mes fout comm'

È^-==.=E

ça. D. C.

Sur Tout

le pont d'Avignon ) , . t le monde y passe. J ^ '

Les messieurs font comm'ci, {on ôte son cliapeau) Les dames font comm'ça. (on fait la révérence)

100 CHANSONS POPULAIRES

DANS LES CHANTIERS NOUS HIVERNERONS

M. J. G. Taché, dans sa belle étude de mœurs cana- dienaes intitulée: Forestiers et Voyageurs, n'a pas oublié de l'aire une mention spéciale de cette chanson par ex- cellence de tout forestier canadien. Je cite :

'' A l'heure convenue du lendemain, nous

vîmes ari-iver nos jeunes compagnons de route. Ils ve- naient, piquant au plus court^ à travers la neige des champs, montés sur leurs raquettes. Ils chantaient, sur un air aussi dégagé que leur allure de voltige, le gai refrain des Jjucherons canadiens :

Voici l'hiver aiiivé, Les rivières sont gelées, C'est le tem[)S d'aller au bois Maii-er du lard et des pois!

Dans les cliautiers nous liivemeious !

Dans les chantiers nous liiverut^rons !

" Je serais bien empêché, arni lecteur, de vous donner les autres couplets de cette chanson, attendu que, sauf ce

prélude obligé, tout le reste s'improvise pour

répondre aux besoins des circonstances.

" Il est cependant une stance qu'on chante presque tou- jours pour clôture de la saison des chantiers ; mais

DU CANADA 101

€elle-ci sur un ton quelque peu ennuyé, avec une appa- rence affectée de fatigue ; la voici :

Quand ça vient sur le printemps, Chacun craint le mauvais temps; On est fatigué du pain, Pour du lard ou n'en a point.

Dans les clianiicr!^, ali ! n'hivernerons pins!

Dans les chantiers, ah ! n'hivernerons plus !

" Le mot chantier^ continue M. Taché, a diverses accep- tions : c'est ainsi qu'il signifie quelquefois l'ensemble d'un établissement, ou l'industrie ou l'exploitation des bois elle-même ; quelquefois le logement des ouvriers. C'est de cette dernière acception que les anglais font usage dans le mot shanty (corruption de chantier) par lequel ils désignent une hutte de colon." [Soirées Cana- diennes,— deuxième année, p. 24.)

Les couplets qui suivent m'ont été chantés par M. Louis Blondin, de la Baie-du-Febvre.

|=*r^=|~2==Si3

-jt=m—3

Voi- ci l'hi- ver ar- ri- - vé, Les ri- viè-res sont ge- lées. C'est le temps d'al- 1er aux bois

Man- ger du lard et des pois ! Dans les chan-

102 CHANSONS POPULAIRES

tiers nous 11 i- ver- ne- rons ! Dans les chan- tiers nous hi-

ver- no- roiis

Voici l'hiver arrivé, Les rivières sont gelées ; C'est le temps d'aller au bois Manger du lard et des pois.

Dans les chantiers nous hivernerons !

Dans les chantiers nous hivernerons !

Pauv' voyageur que t'as d'ia misère ! Souvent tu couches par terre ; A la pluie, au mauvais temps, A la rigueur de tous les temps ! Dans les chantiers, etc.

Quand tu arriv' à Québec, Souvent tu fais un gros bec. Tu vas trouver ton bourgeois Qu'est assis à son comptoi'. Dans les chantiers, etc.

Je voudrais être payé Pour le temps que j'ai donné. Quand l'bourgeois est en banqu'route, Il te renvoi' manger des croûtes. Dans les chantiers, etc. <,

Quand tu retourn' chez ton père, Aussi pour revoir ta mère : Le bonhomme est à la porte, La bonn'femine fait la gargotte. Dans les chantiers, eti;.

DU CANADA 103

—Ali ! boujour donc, mou cher enfant !

Nous appoit'-tu beu d'I'iirgent ?

Que l'diable emport' les chautiers!

Jamais d'ma vie j'y r'tournerai ! Dans les chantiers, ah ! u'iiivernons plus! Dans les chautiers, ah! n'hivernons plus !

Ces couplets sont parfaits comme peinture de mœurs. En voici un autre qui a bien son mérite. Il y est ques- tion d'un bourgeois qui paie son monde en marchandises^ comme cela d'ailleurs se fait très-souvent. L'expression " on se trouve clair " veut dire ici qu'il ne reste plus rien au crédit du travailleur :

Monsieur Dufroi c'est un bon bourgeois, Mais il n'nous donn' pas grand monnaie. On travail ben tout l'hiver ; Au printemps on se trouv' clair I Dans les chantiers, etc.

Enfin voici trois autres couplets dont la forme diffère un peu d'avec celle des couplets précédents. La mélodie, nécessairement, s'en trouve légèrement affectée.

!=ÏEE5=i^l=i^iEÊl=?Eb?=iË

ABy- towu c'est un' jo- II' place il

s'ra- mass' ben d'ia crasse ; ya des jo- lies

104 CHANSONS POPULAIRES

jz: =5— 2*^ -. I ^ -> I ^-

Et ans- si des jo- lis gar- cous. Daus

^-^=^=*=l -ï=2=E=^=p-|--=3==-e

^_

-j,, I 1

les chan- tiers uous hi- ver- ue- rous !

A Bj-towii c'est un' joli' place

il s'rainass' ben d'ia crasse;

ya des joli's filles

Et aussi de jolis garçons.

Daus les chautiers nous hivernerons !

Nous avons sauté le Long-Sault, Nous l'avons sauté tout d'un morceau ! Ah ! que l'hiver est longue ! Daus les cliantiers uous hivernerons! Daus les cliantiers uous hiveruerous 1

V'ià l'autoume qu'est arrivé. Tous les voyageurs vont monter. Nous u'irous plus voir nos blondes, Dans les chautiers uous hivernerons ! Daus les chautiers uous hiveruerous !

DU CANADA 105

PETIT JEAN

On ne saurait chanter ses malheurs plus gaîment que le pauvre ''petit Jean" de ces couplets. L'anomalie qu'offre cette musique si allègre ajustée à des couplets si larmoyants, n'a pas échappé à nos chanteurs campagnards, qui ajoutent encore au contraste en donnant à leurs voix certaines inflexions comiques qui se refusent à toute no- tation, et que j'ai indiquées par des traits.

On remarquera que cette mélodie, dont l'allure est toute franche, toute naturelle, môme pour des oreilles accoutu- mées à la musique de Rossiui, n'appartient cependant ni au mode majeur ni au mode mineur. Je l'ai traitée comme appartenant au premier mode de la tonolité an- cieuue, et voilà pourquoi je n'ai armé la clef que d'un seul bémol. Si simple qu'elle soit, cette petite mélodie offre une preuve frappante de ce fait important sur lequel j'ai déjà attiré l'attention du lecteur: qu'il n'est rien d'ir- rationnel dans l'existence de modes autres que ceux dans lesquels écrivent tous les compositeurs de nos jours.

5. .

Quand j'é- tais chez mou pè- re, Lil, 11 li

P^--g j I *j ^* F Po— g j m g » I * ^ I

lil, li li lil, lil, lil, li. Quand j'é- tais chez mon

106 CHANSONS POPULAIRES

i^g=bg=g=s=l^*^;g;Êh=g^N^^=j=^==s==

pè- re, Garçon à ma- ri- er ; Garçon à

ma- ri- er-er- er, Gar-çou à ina- ri- er. ,

Quand j'étais chez mon père, Lil, li li lil, li li lil, lil, lil, li, Quand j'étais chez mou père, Garçon à marier ; Garçon à marier-er-er. Garçon à juarier

Je n'avais rien à faire,

Lil, li, li, etc. Je n'avais rien à faire Qu'une femme à chercher, (ter)

A présent j'en ai-t-une

Lil, li li, etc. A présent j'en ai-t-une Qui me fait enrager, (ter)

Eli' m'envoi'-t-à l'ouvrage

Lil, li li, etc. Eir m'envoi'-t-à l'ouvrage Sans boii'ni sans manger, (ter)

Quand je reviens d'I'ouvrage,

Lil, li, li, etc. Quand je reviens d'i'ouvrage, Tout mouillé, tout glacé (fer)

DU CANADA 107

Je m'ass(;ois sur hi porte,

Lil, li li, etc. Je m'asseois sur la porte Comiue uu pauvre étranger, {ter)

Rentre, petit Jean, rentre,

Lil, li li, etc. Rentre, petit Jean, rentre. Rentre te réchauffer ! (ter)

Soupe, petit Jean, soupe,

Lil, li li, etc. Soupe, petit Jean, soupe! Pour moi j'ai bien soupe, (ter)

J'ai mangé deux oies grasses,

Lil, lili, etc. J'ai mangé deux oies grasses Et trois pigeons Lirdés. (ter)

Les os sont sous la table,

Lil, li li, etc. Les os sont sous la table. Si tu veux les ronger, (ter)

P'tit Jean baisse la tête,

Lil, li li, etc. P'tit Jean baisse la tête Et se met k brailler, (ter)

Braille, petit Jean, braille ! Lil, li li lil, li li lil, lil, lil, II, Braille, petit Jean, braille, Et moi je vais chanter ! Et moi je vais chanter- er-er, Et moi je vais chanter !

108 CHANSONS POPULAIRES

AU BOTS DU ROSSIGNOLET

Je n'ai pas été peu surpris d'entendre chanter cette chanson par madame S * * *, de Saint-André (comté de Kamouraska). Je ne l'avais jamais entiMulno auparavant et ne la connaissais que pour l'avoir vue dans un recueil français. Les paroles sont les mômes, à très peu de chose près, que celles de la version française, et bien que notre air ait une allure plus campagnarde, il ressemble cepen- dant beaucoup à l'air noté dans les Chansons populaires des provinces de France^ ouvrage publié par MM. Ghampfleury et Wekerlin.

Cette chanson est franc-comtoise.

Les paysans franc-comtois, dit M. Ghampfleury, chan- tent toujours à l'uuisson. " Ils ue se doutent pas de l'har- monie et n'ont pas le plus léger sentiment de la tierce ni de la basse ; mais le paysan déploie de l'art, c'est dans certains points d'orgue qui ressemblent à la toilette des farauds du village. Les femmes nasillent d'une voix traî- nante, avec des chevrotements qui servent de fioriture

" Mon ami Max Buchon, élevé à l'école d'Auerbach, le romancier allemand, introduisit à son exemple des chan- sons populaires dans ses romans. Au bois rossignolet parut (sans musique) dans une de ses scènes de la Franche- Gomté. Une dame de Neufchâtel, en lisant cette chanson, se rappela l'avoir entendue dans sa jeunesse. Et Neuf- châtel est au revers du Jura. La chanson avait grimpé et descendu la chaîne de montagnes "

DU CANADA

109

Si ces pages viennent à tomber sous les yeux de M. Ghampfleury, il verra que la chanson franc-comtoise, qu'il sait déjà avoir grimpé sur les montagnes, a su aussi traverser les mers.

M'eu al- lam pro-uie- uer (re- re- lé) Le loug du graud cbe- miu (re-liu re-Iiu) Le long du grand che- uiiu, Je me suis en- dor- ini (re- li re- li) A

l'oiu (re- loin re- loiu)-bre sous (re- lou i"e- lou)-z-uu

?J^gEEâ=r^fE«E|^Eg5EgEEgfE»;=|7pirgE;g's;?E:g=3£J piu (re-liu re- liu) Au boisdurus-si-gno- let (re-let re-let) Au

bois du ros- si-guo- let.

M'en allant promener (relé relé)'

Le long du grand cliemiii (reliu relin)

Le long du grand chemin,

Je me suis endormi (reli reli)

Al'om-(relom relom)-bre,sous(relou relou)-z-uii pin(relin reliu),

Au bois du vossiguolet (relet relet)

Au bois du iossiguolet.

110 CHANSONS POPULAIRES

Je me suis endormi (reli reli)

A l'ombre, sous un pin (reliu reliu)

A l'ombre, sous un pin.

Je me suis l'évcillé (rolé relé),

Le pin (relin reliii) était (reiait relait) fleuri (reli reli).

Au bois An rossignolet (relet relet)

Au bois du rossignolet.

Je me suis réveillé (relé relé).

Le pin était fleuri (reli i-eli)

Le pin était fleuri.

Ah ! j'ai pris mon couteau (,relo relo),

La bran-(rel;in relan)-che j'ai (relé relé) coupée (relé relé).

Au bois (lu l'ossignolet (relet relet)

Au bois du rossignolet.

Ali ! j'ai pris mon couteau (relo relo),

La branche j'ai coupée 'relé relé)

La branche j'ai coupée ;

Je m'en fis un flûtiau (rele relo),

Un fla-(rela rela)-geolet (relet relet) aussi (reli reli).

Au bois du rossignolet (relet relet)

Au bois du rossignolet.

Je m'en fis uu flûtiau (relo relo),

Un flageolet aussi (reli reli)

Uu flageolet aussi ;

M'en allant eu chantant (relan relan)

Le long (relou relou)du grand (relan relan) chemin (relin relin)

Au bois du rossignolet (relet relet)

Au bois du rossignolet.

M'en allant eu chantant (relan relan) Le long du grand chemin (relin relin) Le long du grand chemin.

Ah ! savez-vous, messieurs, (releu releu) Ce que (l'ele rele) ma flû-(relu relu)-te a dit (reli reli)? Au bois du rossignolet (relet relet) Au bois du rossignolet.

DU CANADA lU

Ah! savez- vous, messieurs, (releu relcu)

Ce que m'a Uùto a dit; fi-eli reli)

Ce que ma, liûte a dit', ?

" Ah! qu'il esfc doux d'aimer (relé relé)

La fi-(re]i reli)-ll' de sou (relou relou) voisin (reliu reliu) I

Au bois du rossiguolet (releb relet)

Au bois du rossignolet.

" Ah î qu'il esfc doux d'aimer (relé relé)

La fiU' de sou voisin (reliu relin)

LafiU' de sou voisin !

Quand on l'a vu' le soi-(rela rela)-r

On la (rela rela) voit le (rele vêle) matin (relin relia).

Au bois du rossignolet (relet relet)

Au bois du* rossignolet.

112 CHANSONS POPULAIRES

FENDEZ LE BOIS, CHAUFFEZ LE FOUR

Beaumarchais a dit quelque part : " Ce qui ne vaut pas la peine cVètre dit on le chante." Assurément les couplets qui suivent justifient parfaitemeuL cet axiome ; cependant, la petite mélodie qui les accompagne est si délicate, si belle, qu'elle leur prête une certaine poésie. Je me sou- viens que lorsque, tout enfant, j'entendais chanter ces deux vers, par une pure et douce voix de femme :

Tous mes parents venaient m'y voir ; Celui que j'aime ne vient pas

j'éprouvais un sentiment de mélancolie d'un charme indé- finissable. Tant il est vrai que le vers le plus ordinaire peut faire jaillir les larmes lorsqu'il est ennobli par une mélodie distinguée ou môme par les simples accents d'une triste et naïve cantilène populaire.

Des variantes de cette chanson se chantent dans le Cam- brésis, la Saintonge, l'A unis et l'Angoumois. Les airs ne ressemblent pas aux nôtres.

Z- -Q fg a -

z^:=

Der- rièi-' chez nous ya champ de pois,

Derrièr' chez nous ya champ de pois : J'en cueil-lis deux, j'en

DU CANADA 113

man-geai trois. Fcu-dez lo bois, clianf-fez le four,

z:J?rzS;:— ljzz|z_-j ., ■■■ J ~n;:i:zJ[] Reprise de la derntère

"*• " ~~l~:=_Tr~z* :rr:;gzziu partie à volonté.

Dormez la belle, il u'est point jour.

Derrièr' chez nous, ya champ de pois : (&is) J'en cueillis deux, j'en mangeai trois. Fendez le bois, chauffez le four, Dormez la belle, il n'est point jour.

J'en cueillis deux, j'en mangeai trois ; (bis) J'en fus malade, au lit, trois mois. Fendez le bois, etc.

J'en fus malade, au lit, trois mois ; (his) Tous mes parents venaient m'y voir. Fendez le bois, etc.

Tous mes parents venaient m'y voirj (6m) Celui que j'aime ne vient pas. Feudez le bois, etc.

Celui que j'aime ne vient pa8....(6is) Je l'aperçois venir là-bas. Fendez le bois, chauffez le four, Dormez la belle, il n'est point jour.

114 CHANSONS POPULAIRES

MON PÈRE AVAIT UN BEAU CHAMP DE POIS (Air reeueiUi par M. Tabhé C. H. Laverdière)

Voici encore un type de mélodie populaire. Je ne la connaissais pas avant qu'elle me lut passée par M. l^aver- dière, mais en jetant les yeux sur cette musique je me suis aussitôt rappelé les chants monotones et mélancoliques, même dans leur gaîté, d'une bonne vieille femme, que je voyais souvent dans mon enfance, et qui, du matin au soir, faisait tourner sou rouet en fredonnant à demi-voix les chansons du temps passé.

Cette mélodie a été recueillie dans la côte de Beaupré.

*^ Mon pèr' a- vait uu beau champ de pois,

^ « c m ^ -3 * )' I* rj H :J -^ m 4

^ ~-r— g a *~^^ *-H-* ** " )

Doux, ve-uez VOUS promoi'ner a-vec moi. J'en cueilla deux, j'ea

y=S=r:z-=r:=S-— |-=S-==i===i===^^S^==r^

:: 1 ^ 5«_

inan- gis trois. D'où ve- nez- vous,

bel- le?

J— r>— _p g

-*

Doux,ve-nez-vous promm'uer ; D'où ve-uez-vous, bel- le?

Doux, ve-uez vous promm'uer a- vec moi.

DU CANADA 115

Mon père avait un beau cliarap de pois. Doux, venez vous proinm'ner avec moi. J'en cueilla deux, j'en mangis trois.

D'où venez-vous, belle ?

Doux, venez vous promni'ner j

D"où venez-vous, belle? Doux, venez vous promm'uer avec inoi.

(Pour les antres paroles, voir Fendes le hois, chavffcs le four)

116 CHANSONS POPULAIRES

BAL CHEZ BOULÉ

M. Ph. Aubert de Gaspé m'a dit que ces couplets sont probablement originaires de Saint-François ou de Saint- Pierre de la Rivièredu-Sud. Voici, au reste, l'anecdote à l'occasion de laquelle ils furent composés, telle que racontée par M. de Gaspé dans Les Anciens Canadiens :

" Ceci ine rappelle l'aveutuie d'iiu pauvre diable

d'amoureux qui avait mené sa belle à uu bal, sans être invités; ils furent, quoique survenauts, reçus avec i)olitesse : mais le jeune homme eut la maladresse de faire tomber eu dansant la fille de la maison, ce qui fut accueilli aux grands ('clats de rire de toute la société ; mais le père de la jeune fille, un peu brutal de son métier, et indigué de l'affnmt qu'elle avait reçue, ne fit ni un ni deux ; il prit mon José Biais par les épaules et le jeta à la porte ; il fit ensuite des excuses à la belle, et ne voulut pas la laisser partir."

L'expression: soulier français, que le lecteur rencon trera dans ces couplets, est encore généralement usitée à la campagne pour désigner une chaussure à forme euro- péenne, et par opposition avec le nom de soulier sauvage donné à une chaussure en cuir ordinaire affectant la forme des souliers de caribou fabriqués par les sauva- gesses. Le mot "français" est ici synonyme d'"européen"; c'est assez dire que cette expression remonte aux temps

DU CANADA

117

déjà éloignés notre seul commerce avec l'Angleterre consistait dans l'échange de coups de canon.

Di- mauclie, a- près les vêpr's,yau- ra bal

chez Bou- léj Mais il n'i- ra per- sonn' que

!=:z-«j=:z

:=*£z.-

z.-9-:=^r:z±z-m--^l

ceux qui sav'nt dan- ser, Vo- gue, ma- ri- nier

lilï^iîiO-iiliisiiiEi

vo- gue, Vo- gue beau ma- ri- uier.

Dimanclie, après les vêpr's, yaura bal chez Boulé ; Mais il u'ira personn' que ceux qui sav'nt danser.

Vogue marinier, vogue.

Vogue, beau marinier.

Mais il n'ira personn' que ceux qui sav'nt danser. José Biais, comm' les autr's, voulut itou yaller. Vogue, etc.

José Biais, comm' les antr's, voulut itou yaller. —Non, lui dit sa maîtress', t'iras quand l' train s'ra fé. Vogue, etc.

118 CHANSONS POPULAIRES

Non, lui (.lit sa maîtress', t'iras quand l'traia s'ra fé. Il s'en fut à l'otabl' ses animaux soigner. Vogue, etc.

Il s'en fut à l'établ' ses animaux soigner; Prit Barrett' par la corne et liougett' par le i^ied. Vogue, etc.

Prit Barrett' par la corne et Rougett' par le pied j Il saute à l'écuri' pour les chevaux gratter. Vogue, etc.

Il saute à l'écuri' pour les chevaux gratter ; Se sauve à la maison quand ils l'iir'ut étrillés. Vogue, etc.

Se sauve à la maison quand ils fur'nt étrillés j Mit sa bell' veste rouge et sou capot barré. Vogue, etc.

Mit sa bell' veste rouge et son capot barré j Mit son beau fichu noir et ses souliers fraucés. Vogue, etc.

Mit son beau fichu noir et ses souliers francés, S'en va chercher Lisett' quand il fut ben greyé. Vogue, etc.

S'en va chercher Lisett' quaud il fut ben greyé. On le mit à la port' pour apprendre à danser. Vogue, etc.

On le mit à la port' pour apprendre à danser. Mais on garda Lisett', qui s'est ben consolée.

Vogue marinier, vogue,

Vogue beau marinier.

DU CANADA 119

C'EST DANS LA VILLE DE ROUEN

M. de Gaspé a imité le rliytlime et la forme de ces couplets dans la ronde de lutins qu'il fait chanter au jovial José, dans Les Aciens Canadiens :

" C'est notre terre (rOrléaiis (bis) Qu'est le pays des l)e:iux <;iifjiuts,

Touve-loiiie; Dcansoiis à l'eiitoar,

Touie-lonre ; Dansons ù Peu tour.

''Venez -y tous en survenants, (bis) Soi-ciers, léz.irds, crapauds, serpeuts,

Toure-lonre ; Dansons à l'entoiir,

Toure-loure Dansons à l'entour.

" Venez-y tous eu survenants, (bis) Impies, athées et mécréants,

Toure-lonre ; Dansons à l'entour,

Tonre-loure ; Dansons à l'entour. "

©

C'est dans la vil- le de Kou-en, C'est dans la

§£iEîËEÎl^E?iËiËËiËËErg:£ilEêE^EEE^i^hEE^ vil- le de Rouen, Ils out fait un pâ- si grand,L'eu-

120 CHANSONS POPULAIRES

tuur tour lou-re, Dausous à l'eu- tour, tour lour, Dan- sons à l'eu- tou- re.

C'est dans la ville de Rouen. Çbis) Ils ont fait un pâté si grand,

L'entoui' tourloure, Dansons à l'en tour, tourlour,

Dansons à l'entoure.

Ils ont fait un pâté si grand, {bis) Qu'ils ont trouvé nu liomm' dedans.

L'entour tourloure,

Dansons à l'entoure, etc.

Qu'ils ont trouvé un liomm' dedans, {bis) Ils ont trouvé eucor' ben plua,

L'entour tourloure,

Dansons à l'entour, etc.

Us ont trouvé encoi' lien plus : (bis) Ils ont trouvé un ('luit poilu !

L'entour tourloure, Dansons. à l'entour, tourlour.

Dansons à l'entoure.

DU CANADA 121

MARIANNE S'EN VA-T-AU MOULIN

Cette chanson est très-connue en France on la chante avec nombre de variantes, de môme qu'en Canada. Dans les versions françaises se trouve le mot : " Martin " auquel nous avons substitué : " Gatin." On y trouve aussi la locution: "Elle monte sur son une," au lieu de: "A cheval sur son âne." Le fait est que nos campagnards ne savent pas parler pertinemment des ânes, qu'ils ne con- naissent, pour la plupart, que par tradition. On sait que les ânes n'ont jamais pu se propager en Canada ; ce qui, comme le disait naguère un grave professeur d'histoire, est assez consolant, après tout.

ri- aun' s'en va- t-au mou- liu, C'est pour y fair' mou-

lii^ililiililillÊlpiiliËls-^

dre sou grain, C'est pour y fair' mou- dre son grain,

j— r— ^ g=|— g^g^l =»=»=|^t^|=?=z^^

A che-val sur son â- - ne, Ma p'iit' mam-

122 CHANSONS POPULAIRES

zell' Ma- riau- - ne, A clie-val sur Sun â- ue Ca-

al- lant au mou- lia.

Mariaim' s'en va-t-au moulin, {b'ts) C'est pour y fair' moudre sou grain ; {bis)

A clieval sur sou âue, Ma p'tit' uuiuizell' Maria» ue, A cheval sur sou ;uie Catin,

S'en allant au moulin.

Le meunier, qui la voit venir, {bis) S'empios-e aussitôt de lui dire:

Attacliez-donc votre âue, Ma p'tit' mainzell' Marianne, Attachez-tlonc votre âue Citin,

Par deriièr' le moulin.

Pendant que le moulin marchait, (bis) Le loup tout à l'entour rôdait. {bis)

L3 loup a manj^é l'âne, Ma ij'tit' raaiuzell' Marianne, Le loup a mangé l'âne Catin,

Par derrjèi' le moulin.

Mariann' se mit à pleurer, {bis) Cent écus d'or lui a donnés {bis)

Pour acheter un âne, Ma p'tit' mamzell' Marianue, Pour acheter un âne, Catin,

En r'veuant du mouliu.

DU CANADA 123

Sou père qui la voit venir (his)

Ne put s'einpêclier de lui dire : (bis)

Qu'avez-vous fait d' votre âue, Ma p'tit' mamzell' Marianne, Qu'avez-vous fait d' votre âue Catin,

Eu allant au moulin?

C'est aujourd'hui la Saint-Michel, (his) Que tous les âu's changent de poil, (his)

J' vous ranièn' le même âne, Ma p'tit' mamzell' Marianne, J' vous ramèa' le même âne, Catin, Qui m' porta au moulin.

124 CHANSONS POPULAIRES

TENAOUIGIIE TENAGA, OUIGH' KA!

Si j'étais de la force de M. Ernest Renan, je découvri- rais sans doute un sens profond dans les mots : Tcnaouiche lenaga^ oiùch'ka! qui composent le refrain de ces couplets, et j'en tirerais des consé([nences d'une belle perfidie en- tourée de miel, aux acclamations des badauds émerveillés de ma science profonde. Mais comme je suis loin d'être d'une pareille force, j'avouerai tout bonnement que je n'entends rien à ce baragouin.

Au reste, ces mots étranges ne sont, probablement, que de Vlmitalion de sauvage, comme savent eu faire tous les jeunes enfants, et comme j'en ai entendu faire souvent moi-môme par mes petits camarades, lorsque, imitant l'homme des bois dans son commerce avec les blancs, ils se vendaient gravement entre eux le fruit de leur dernière chasse : dix mille peaux de castors, cent mille orignaux, cinq cents mille caribous, représentés par des jointées de noisettes, de bluets ou de cerises à grappes.

La deuxième version de cette chanson, que l'on verra plus loin, est à mon sens, très-intéressante. Ce n'est rien autre chose qu'une variante canadienne de Malbrough. Le tenaouiche et les vieux sauvages sont placés pour la couleur locale.

C'é- tait un vieux sau- va- - ge Tout uoir, tout

DU CANADA 12$

bar-bouil- la, Ouicli'-ka ! A- vec sa vieill' cou- ver-

„»=r= -1

Srrppzrs:

îîllïîiil-lplpp

te Et sou sac à ta- bac. Ouich'ka ! Ah ! ah ! te-na- ouich' te- na- ga, Te- na- ouich' te- na- ga, ouich'- ka!

C'était nu vieux sauvage Tout noir, tout barbouilLa,

Ouich'ka! Avec sa vieill' couverte Et son sac à tabac.

Ouich' ka ! Ah! ah ! teuaouich' tenaga, Tenaoucli' tenaga, ouich' ka ï

Avec sa vieill' couverte Et son sac à tabac.

Ouich' ka ! Ton camarade est morë,' Est mort et enterra.

Ouicli' ka ! Ah ! ah ! tenaouich' tenaga, Tenaouich' tenaga, ouich' ka !

Ton camarade est more, Est mort et enterra.

Ouich' ka ! C'est quatre vieux sauvages Qui port'nt les coins du drap.

Ouich' ka ! Ah ! ah ! tenaouich' tenaga. Tenaouich I teuega, ouich' ka !

126 CHANSONS POPULAIRES

C'est quatre vieux sauvages Qui port'nt les coius du diap,

Ouicli' ka ! Et deux vioill's sauvagesses Qui cliant'iit le libéra.

Ouich' ka! Ah! ah! tenaouich' tunaga, Teuaouich' teuega, ouich' ka !

Autre version recueillie par M. J. A. Malouin;

Mon mari est eu guerre, Ne sait s'il reviendra

Ouich'ka! Eli' monta dans sa chambre, Si haut qu'ell' put inouta

Ouich'ka! Ah ! ah ! tenaouich' teuaga, Tenaouich' teuega, ouich'ka!

Regard' par la fenêtre Pour voir son beau pagea.

Ah! dis-moi donc beau page, Quell' nouvelle apporta?

Les uouvell's que j'apporte Tes doux yeux pleurera.

Ton mari il est mort, Et mort et enterra !

Il fut porté en terre Par quatre-z-officias.

Trois, quatre vieux sauvages Portaient les coins du drap.

Et deux vieilles sauvagesses Chantaient le libéra.

DU CANADA 127

LA FILLE DU ROI D'ESPAGNE

Si, au lieu de " La fille du roi d'Esi^agne," la chanson disait : " La fille des empereurs d'Autriche," on pourrait peut-être y voir une allusion à l'adresse de la reine Marie-Antoinette, qui, dans sou jardin du Petit-Trianon, à Versailles, se livrait à des habitudes de fermière. Mais les paysans ne savent pas faire de ces malices-là.

La musique l'emporte de beaucoup sur les paroles, dans cette chanson. Confessons toutefois que ces couplets il est dit que la fille d'un roi veut apprendre " à battre la lessive," sont d'une naïveté qui fait sourire mais qui ne choque pas. Au reste, pour quiconque connaît le jjeuple à fond, cette manière de faire parler une princesse -comme une paysanne n'offre rien d'étrange. Il est plus d'une naïveté de ce genre dans les contes populaires : dans celui de /cfln r5o^, par exemple, le héros dit à son fils :

Tu vas aller chez le roi ; tu lui diras : '' Bonjour mon- sieur le roi. Papa vous fait bien ses compliments; il demande si vous voudriez lui prêter votre demi-minot ! "

M. J. Bujeaud, dans ses Chants et Cfiansons des provinces de rOuest, donne une version de cette chanson dans laquelle la " fille du roi d'Espagne " casse d'abord son badras ^battoir), puis laisse tomber son anneau à la mer. Le reste de la chanson est comme notre version d'Isabeau s'y promène. L'air donné par M. Bujeaud ne ressemble

128

CHANSONS POPULAIRES

pas au nôtre. Une autre version de cette chanson, donnée par M. de Beaurepaire (Cest sur le pont de Nantes), se chante avec le refrain que nous connaissons ici : Vogue, beau marinier.

msmtM^immmËmm^m.

La filP (lu roi d'Es- pa- gne, Vo-gue,

^—mz

illlilillilfiPliïil^

ma- ri-nier, vo- - gue ! Veut appreudre un mé- tier,

-8-— 5=3=

Vo- gue, ma- ri- uier ! Veut appreudre un mé-

tier.

Vo- gue, ma- ri- nier !

La fiU' du roi d'Espagne, Vogue, marinier, vogue ! Veut appreudre un métier,

Vogue, marinier î Veut appreudre un métier.

Vogue, marinier !

A battre la lessive. Vogue, marinier, vogue ! La battre et la couler,

Vogue, marinier ! La battre et la couler.

Vogue, marinier!

DU CANADA

129

AH ! SI MON MOINE VOULAIT DANSER !

Le mot "moine" n'est guère connu dans son acception ordinaire par nos habitants de la campagne, qui ne don- nent ce nom qu'au petit jouet de bois appelé en France : " toupie d'Allemagne. "

Moine est aussi le nom d'un meuble de bois, inconnu dans ce pays, dans lequel on suspend un réchaud rempli de braise et dont on se sert pour bassiner le lit. Ce meuble est quelquefois formé d'un cylindre de bois, creusé et doublé en tôle, dans lequel on introduit un fer chaud.

Le proverbe : Faute d^ un moine l'abbaye ne manque pas^ veut dire que l'absence d'une personne attendue ne doit pas empêcher une partie de plaisir d'avoir lieu ou une affaire de se conclure. On sait que cette autre proverbe : U habit ne fait pas le moine j signiiie quïl ne faut pas juger des gens par l'apparence ; qu'un vêtement pauvre est souvent porté par un homme de mérite.

Ah ! si mon moine vou- lait clan- ser ! Ah !

-i=

^»i-

si mon moi- ne vou- lait dan-

ser ! Un ca- pu-

'^ 1**— I '"^ "'^1 > *■— I ^^' ^i 1^-

chon je lui don-ne- ré, Un ca- pu- chou je lai don-ue-

130 CHANSONS POPULAIRES

_rt- ,.s ^ _^^

ré. Dhu- se, inou moiu', ilau- - se ! Tu

n'euteuds pas la cUui- - se ; Tu u'enteuils pas mou mou-

liu, lou, la, Tu u'euteuds pas inou luou-liu uiar- cher.

Ah ! si îiioii moine voulait danser ! {bis) Un capuchon je lui lui donu (rais) (bis)

Danse, mon moin', danse !

Tu n'eiitends pas la danse, Tu n'entends pas mon moulin. Ion, la, Tu n'entends pas mon moulin marcher.

Ah ! si mon moine voulait danser ! (tis) Uu ceinturon je lui donnerais ! (bis) Danse, etc.

Ah! si mon moine voulait danser ! (bis) Un chapelet je lui douuerais. (bis) Danse, etc.

Ah! si mon moine voulait danser! (bis) Uu froc de bur' je lui donnerais, (bis) Danse, etc.

Ah! si mon moine voulait danser! (bis) Un beau psautier je lui donnerais, (bis) Danse, etc.

S'il n'avait fait vœu de pauvreté ! (bis) Bien d'autres chos' je lui donnerais, (bis)

Danse, mon moiu', danse !

Tu n'entends pas la danse, Tu n'entends pas mon moulin, Ion, la. Tu n'eutends pas mou moulin marcher.

DU CANADA 131

LE JUIF ERRANT

Cette belle complainte du Juif-Errant se chante snr un air qui n'a pas la prétention d'en faire oublier les paroles, mais qui, à la longue, et surtout lorsqu'on l'entend chan- ter par dos gens du peuple, finit par toucher. Cette triste mais belle allégorie est en grande partie oubliée au- jourd'hui, même dans nos campagnes.

Est - il rieu sur la ter- re Qui soit pins sur-pre-

4> I 1 9 a a I ^- jg « ^ 9 f9~

lïâl

nant Que la gran-de uii- se- re Da panvre Juif-Er-

rant ? Que sont sort mal- heu- renx Pa- raît triste et fâ- cheux !

Est-il rien snr la terre Qui soit plus surprenant Que la grande misère Du pauvre Juif-Errant? Que son sort malheureux Paraît triste et fâcheux!

132 CHANSONS POPULAIRES

Un jour près de la ville De Biuxeli's, en Bradant, Des bourgeois fort dociles L'accoster' eu passant : Jamais ils n'avai'nt vu Un homme t^i barbu !

Son habit, tout difforme Et très-mal arrangé, Leur fit croir' que cet homme Etait fort étranger ; Portant comme ouvrier, D'vaut lui un tablier.

On lui dit: Bonjour maître, De grâce accordez-nous La satisfaction d'être Un moment avec vous j Ne nous refusez pas, Tardez un peu vos pas.

Messieurs, je vous proteste

Que j'ai bien du malheur:

Jamais je ne m'arrête

Ni ici, ni ailleurs ;

Par beau ou mauvais temps

Je marche incessamment.

Entrez dans cette auberge, Vénérable vieillard ; D"uu pot de bière fraîche Vous prendrez votre part^ Nous vous régalerons Le mieux que nous pourrons.

J'accepterais de boire Deux coups avecqiio vous, Mais je ne puis m'a-^seoire : Je dois rester debout. Je suis eu vérité Confus de vos bontés.

DU CANADA 133

Ali ! de savoir votre âge Nous serions fort curieux; A voir votre visage, Vous paraissez bien vieux ; Vous avez bieu cent ans, Vous montrez bien autant.

La vieillesse me gêne ; J'ai bien dix-huit cents ans. Chose sûre et certaine, Je passe encore douze ans : J'avais douze ans passé Quand Jésus-Christ est ué.

N'êtes- vous point cet homme

De qui l'on parle tant ?

Que l'Ecriture nomme

Isa'c, le Juif-Errant?

De grâce, dites-nous,

Si c'est bûreinent vous.

Isaac Laquedenmie Pour nom me fut donné j à Jérusalemme, Ville bien renommée. Oui, c'est moi, mes enfants, Qui suis le Juif-Errant!

Juste ciel, que ma ronde Est pénible pour moi ! Je fais le tour du monde Pour la cinquième fois! Chacun meurt à son tour, Et moi je vis toujours !

Je traverse les merres, Les rivièr's, les ruisseaux,

134 CHANSONS POPULAIRES

Les forêts, les déserres, Les moiitagn'fi, les coteaux, Les plaines, les vallons: Tous cliemins nie sont bons.

J'ai vu dedans l'Euiope Ainsi que dans l'Asii-, Des bataill's et des t;liocquea Qui coûtai'nt biiMi des vies: Je les ai traversés Sans y être blessé.

J'ai vu dans l'Amérique,

C'est une vérité,

Ainsi que dans l'Afrique

Grande inoitalité :

La mort ne me peut rien,

Je m'en aperçois bien.

Je n'ai point de ressource

Eu maison ni en bien ;

J'ai cinq sous dans ma bourse,

Voilà tout mon moyeu ;

En tous lieux, en tous temps

J'ai ai toujours autant.

^Nous pensions comme un songe Le récit de vos maux ; Nous trairions de mensonges Tous vos [»lus grands travaux: Aujourd'hui nous voyons Que nous vous méprenions.

Vous étiez donc coupable De quelque grand péché Pour que Dieu tout aimable Vous ait tan t affligé ? Dites-nous l'occasion De cette punition.

DU CANADA 135

C'est ma crnylle undace Qui cause mon malheur ; Si mon ci-ime s'ettace, J'aurai bien du bonheur: J'ai traité mon Sauveur Avec trop de rigueur.

Sur le mont du Calvaire Jésus portait sa croix; Il me dit, débonnaire, Passant devant chez moi : '* Veux- tu bien, mou ami, Que je repose ici? "

Moi, brutal et rebelle, Je lui dis sans raison : *' Otes-toi, criminelle. De (levant ma maison ; Avance et marche donc, Car tu me fais affron t ! "

Jésus, la bonté même. Me dit eu soupirant : " Tu marcheras toi-même Pendant plus de mille ans ! Le dernier jugement Finira ton tourment."

De chez moi, à l'heur' même, Je sortis bien chagrin j Avec douleur extrême Je me mis en chemin. De ce jour-là je suis En marclie jour et nuit.

136 CHANSONS POPULAIRES

Messieurs, le temps me presse ; Adieu la compagnie ; Grâce à votr' politesse! Je vous en remercie : Je suis trop tourmenté Quand je suis arrêté.

DU CANADA 13T

J'AI FAIT UNE MAITRESSE

On aimera à lire ici une notice de M. LaRue sur cette charmante poésie populaire :

" Dans la Bévue Contemporaine de 1863, (31 octobre,) ou peut lire nue savaute critique par M. Adrien Dounodevie, des œuvres eu langue provençale du célèbre poète Mistral. M. Dounodevie nous douue la traduction française d'un des chants du jeune poète, {tour lequel le savant critique ue saurait trouver trop d'éloges. Laissous le parler lui-même.

"Le troisième citant nous fait assister â une assemblée

"joyeuse et babillarde de jeunes filles réunies au mas de Micocoules, " et occupées à dépouiller des cocons ; elles parlent de leurs amours,

" de leurs projets ; elles font des châteaux eu Provence, rap-

" pelleut les beaux souvenirs du pays. Taven, la sorcière, raconte " la curieuse légende du pâtre de Lubérou ; plus espiègle que les " autres, Norade découvre à demi le secret de Mireille ; celle-ci " rougit, mais s'en défend, et dit que plutôt que d'avoir un mari, " elle aimerait mieux se faire uoune dans un couvent: "Oh! oh! " s'écrient les jeunes filles, c'est comme Magali, IMagali qui échappa " à l'amour par mille subterfuges, qui se faisait pampre, oiseau qui " vole, rayon qui brille, et qui pourtant, tomba amoureuse à sou " tour." Et sur les instances de ses compagnes, Nore, la belle " chanteuse, se met à dire la ravissante aubade de IMasali. Cette " chanson est-elle l'œuvre propre du poète, ou eu a-t-il trouvé l'idée " et quelques fragments dans la mémotre populaire, et l'a-t-il très- " habilemeut arrangé? c'est ce que nous ne pouvons décider."

" Or, c'est ce qu'il est très-facile de décider: il suffit pour cela, de mettre en regard quelques strophes de la chanson provençale avec quelques couplets d'une de nos chansons populaires cana- diennes." {Foyer Canadien, année 1865, p. 72.)

138 CHANSONS POPULAIRES

Voici une traduction de 1' " aubade " de Mircïo du poète Mistral ;

" 0 Magali ! ma tant aimée Mets la tête à ta fenêtre Ecoute un peu celte aubade de tambourins et do violons Le ciel est là- baut plein d'étoiles Le veut est tombé Mais les étoiles pCdiront en te voyant.

" Pas plus que du murmine des branclies De ton aubade je me soucie Mais je m'en vais dans la mer blonde Me faire an- guille du rocber.

" 0 Magali ! si tu te fais Le poisson de l'onde Moi, le pêcbeur je me ferai Je te pêclierai.

■'' Oh ! mais si tu te fais pêcheur Quand tu jetteras tes filets Je me ferai l'oieeau cpu vole Je m'envolerai dans les landes.

" 0 Magali, si tu te fais l'oiseau de l'air Je me ferai, moi, le chasseur— Je te chas.'^erai.

" Aux perdreaux aux becs fins, Si tu viens tendre tes lacets, Je me ferai l'iierbe Heurie, Et me caclierai dans les prés vastes.

"0 Magali! si tu te fais— La UKirguerite, Je me ferai, uuti, l'eau limpide, Je te rafraîciiirai.

" Si tu te fais l'onde limpide, Je me ferai, mni, le grand nuage, Et promptemeut je m'en irai ainsi En Amérique, là-bas, bien loin.

" 0 Magali! si tu 'Jen vas Aux lointaines Indes, J? me ferai, moi, io vent de mer, —Jeté porterai.

" Si tu te fais le veut marin, Je fuirai d'an autre côté, Je me ferai l'échappée ardente Du grand soleil qui fond la glace.

" 0 Magali ! si tu te fais Le rayon de soleil, Je me ferai, moi, le vert lézard, Je te boirai.

" Si tu te rends la salamandre Qui se cache dans le hallier, Je me rendrai, moi, la lune blanclie qui, dans la nuit, —Eclaire les sorciers.

" 0 Magali ! si tu te fais Lune 'sereine, Je me ferai, moi, belle brume, Je t'envelopperai.

" Va, poursuivant, cours, cours, Jamais tu ne m'atteindras, Moi de l'écorce d'un grand chêne Je me vêtirai dans la forêt sombre.

DU CANADA 13»

" 0 Magali ! situ te fais L'arbre des morues, Je me ferai, moi, la toutle de lierre, Je t'embrasserai.

" Si tu veux m'enibrasser, Tu ne saisiras qu'un vieux chêne

Je me ferai blanche uonnette Du monastère du graud Saiut-Blaise.

" 0 Magali ! si tu te fais Nonnette blanche, —Moi. prêtre à con- fesse,— Je t'entendrai .

" Si du couvent tu passes les porter, 'l'u trouveras toutes le» lionnes Autour de moi, errantes, Car eu suaire tu me verras.

'' 0 iMagali ! si tu te fais La pauvre UKu-te, Adoucques je me ferai la terre : Là, je t'aurai !

" A préseut, je commence eutin à croire Que tu ne me parles pas eu riant: Voici mou auuelet de verre Pour souvenir, beau jouvenceau.

" 0 Magali! tu me fais du l^iun Mais, des qu'elles t'ont

vu, 0 Magali ! vois les étoiles— Cumuie elles ont pâli ! "

La délicieuse musique que Gounod a écrite sur cette donnée de Mistral, est l)ien connue à Québec.

On chante en France, dans le Bourbonnais, une version de cette chanson qui difl'ère à peine de notre version canadienne, quant aux paroles. Il me semble évident que que notre air n'est pas l'air primitif, car le rhythnie de la poésie ne se plie que difficilemnit à celui de la mélodie; de ces syllabes ajoutées : " Si tu te mets docteure, . .. Je me metterai sœure," etc. Je ne comiais pas l'air de la version bourbonnaise.

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J'ai fait u- ne uiaî- tres-se, ya pas loug-

140

CHANSONS POPULAIRES

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SÊlËÊliiîOIill'liinÊîîypl

temps, J'ai fait u- ne luaî- tres-se, ya pas loog-

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teinps : J'i- - rai la voir di- muu- che, di-

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zr^-=:e!ntzr:

iizir^jq

inancli' j'i- rai ; Je fe- rai la de- luau- de

à ma bien- ai- mée.

J'ai Mt une maîtresse, ya pas longtemps, (bis) J'irai la voir dimanche, dimanch' j'irai ; Je ferai la demande à ma bien-aimée.

Ah ! si tu viens dimanche, j'n'y serai pas ; (bis) Je me metterai biche dans un beau champ; De moi tu n'auras pas de contentement.

Ah ! si tu te mets biche dans un beau champ, {bis) Je me mettrai chasseure, j'irai chasser ; Je chasserai la biche ma bien-aimée.

Si tu te mets chassenre pour me ch;isser, (bis) Je me metterai carpe, dans un étaiiii; : De moi tu n'auras pas de contentement.

Ah ! si tu te mets carpe dans un étan'jr, (bis) Je me mettrai pêcheure pour te pêcher : Je pêchei'ai la carpe, ma bien-aimée.

Si tu te mets pêcheure pour me pêcher, {bis) Je me mettrai malade dans un lit l)lanc: De moi tu n'auras pas de contentement

DU CANADA 141

Si tu te mets malade daus un lit blanc, {bis) Je me mettrai docteure pour te soigner : Je soignerai la belle, ma bien-aimée.

Si tu te mets dooteure pour me soigner, (his) Je me metterai sœure dans nu couvent, De moi tu n'auras pas de contentement.

Ah ! si tu te mets sœur dans un couvent, {bis) Je me mettrai prêcheure ; j'irai prêcher j Je prêcherai le cœur de ma I)ieii-aimée.

Si tu te mets précheure pour me prêcher, {his) Je me mettrai soleille, au firm.-iiueut : De moi tu n'aura pas de contentement.

Si tu te mets soleille au firmament, (bis) Je me mettrai nuage pour te cacher : Je cacherai la belle, ma bieu-aimée.

Si tu te mets nuage pour me cacher, {bis) Je me mettrai saint Pierre, au paradis : Je n'ouvrirai la porte qu'à mes bons amis.

142

CHANSONS POPULAIRES

LE P'TIT BOIS D'L'AIL

Le beau chanteux qui a fait la chanson du P'Lit bois cVVail a évidemment voulu la mener sur l'air de Tai fait une maîtresse, mais il lui aura été plus facile de changer un peu la forme de la sU'ophe, dès le [ircmier couplet; de altération dans la mélodie.

Les paroles de cette chanson sont tout-à-fait couleur locale^ et, partant, elles sont précieuses à recueillir.

" Le petit bois de l'ail " est le nom d'un concession de la paroisse du Ga|)-Santé. C'est qu'est notre artiste- peintre M. le chevalier Falardeau.

Qui veut sa- voir la lis- te des i-vrogu' à pré- seut ? C'est dans le P'tit bois d'Ail- le

Yeu a-t-uu ré- gi- lueut; Et ^ moi, le

^~ff- -^=i- -«.-r

iglI^giPi^^^l^^ii^

ca- pi- taiue, Et Frau- çois, le Gros, mar- cliaud; E-

DU CANADA 143

douard y porte eu- sei- gue, Au bout du ré- gi-

meut.

Qui veut savoir la liste

Des ivrsgu' à présent?

C'est dans le P'tit bois d'I' Aille

Yen a-t-iiu régimeut;

Et moi le capitaine,

Et P"'ranç()is le Gros, marchand ;

Edouard y porte enseigne

Au bout du régiment.

Par un dimanche au soir M'en allant promener, Et moi et puis François, Tous deux de compaguée, Chez le bonhomm' Grauthier Nous avons 'té veiller; Je vais vous raconter Le tour qui m'est arrivé.

J'y allumai ma pipe Comni' c'était la façon, Disant quebiues paroles Aux gens de la maison. Je dis à Délima : Me permettriez-vous De ni'éloigner des auties Pour m'approcher de vous f

Ah ! oui, vraiment, dit-elle,

Avec un grand plaisir.

Tu es venu ce soir

C'est seul'ment pour en rire ;

144 CHANSONS POPULAIRES

Tu es trop infidèle Pour me parler d'amour; T'as ta p'tit' Jérémie Que tu aimes toujours.

Revenons au bonhomme

Qu'est dans son lit couché,

Criant à liauie vois :

" Lima, va to coucher !

Les gens de \a campagne,

Des ville' et des faubourgs.

Retirez- vous d ici te

Car il fait bientôt jour ! "

J'n'attends pas cju'on me l'dise

Pour la seconde fois,

Et je dis à Fi-ançois :

T'en viens-tu quand et moi (avec moi)?

Bonsoir ma I3élima,

Je file mon chemin !

Je m'en allais nu-tête,

Mon chapeau à la main.

Va t'en faire tes plaintes A monsieur le curé ; Dis-lui que sa paroisse Est tout bouleversée j Dis-lui que sa paroisse Est sans dessus dessous, Que dans le P'tit bois d'Aillé On n'y voit qu' des gens soûls.

On dit que je suis fier. Ivrogne et paresseux. Du vin dans ma bouteille J'en ai beu quand je veux; On ne voit point de graisse Figer sur mon capot ; n est toujours beu uet-te Quoiqu'il ne soit pas beau.

DU CANADA

146

ET MOI JE M'ENFOUIYAIS

Cette chanson, dont la morale profonde n'échappera à personne, se chante en France, dans la Vendée et dans le Cambresis. Voir les Chants et Chansons de M. Bujeaud page 50 {Le peureux)^ et l'ouvrage déjà cité de MM. Durienx et Bruyelle, page 202 [Les remords).

J'ai recueilli cet air dans le comté de Kamouraska.

En pas- sant près d'un mou- lin, Que le jhou-

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lin mar- chait, Que le mou- lin mar- chait, Et dans son

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jo- li chant di- sait : Ke-ti-ke-ti-ke tac, Ke-ti-ke-ti-ke-

tac ; Moi je croy- ais quïl di- sait : Attrappe, attrappe, at-

--^zzi^^-ez

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trappe ! attrappe, attrappe, at-trappe ! Et moi je m'en-foui-

foui...Et moi je m'en- foui- yais.

En passant près d'un moulin, Que le moulin marchait, (bis) Et dans son joli chant disait: Ketiketiketac, ketiketiketac;

U(; CHANSONS POPULAIRES

Moi je croyais <iii'il disait :

Attiiippe, attrap[>e, attiappe ! attrappe, attrappe, attrappel

Et moi je m'eafoui-foui. ...

Et moi je m'eiitbuiyais.

Eu passant près d'uu' prairie,

Que les faiiclieurs fauchaient, {bis)

Et dans leur joli chant disaient :

Ah! l'beau faucheur! ah! l'beau faucheur!

Moi je croyais qu'ils disaient :

Ah! v''là l'voleur ! ah! v'iàl'voleur!

Et moi je m'eufoui-foui .

Et moi je m'enfouiyais.

En passant près d'une église, Que les chautres chantaient, {bis) Et dans leur joli chant disaient : Alléluia! Alléluia! Moi je croyais qu'ils disaient: Ah ! le voilà ! ah ! le voilà ! Et moi je m'eufoui-foui- . . . Et moi je m'enfouiyais.

En passant près d'un poulailler, Que les poules chantaient, (bis) Et dans leur joli cliant disaient: Coucouricou, coucouricou j Moi je croyais qu'ell's disaient : Coupons-y l'cou ! coupons-y l'cou f Et moi je m'eufoui-foui.... Et moi je m'enfouiyais.

DU CANADA 147

DANS MA MAIN DROITE JE TIENS ROSIER

Les danses rondes tenaient autrefois une place considé- rable dans les amusements populaires. Voici comment s'exécute celle dont la musique est notée ci -dessous :

Les jeunes gens se tiennent tous par la main, formant im cercle, et se mettent à tourner autour du centre ; seuls les vieux parents font tapisserie et veillent au décorum. Le plus vieux ou le meilleur chanteur de la bande en- tonne alors :

Dans ma main droite je tiens rosier

les autres danseurs chantent aussi avec lui, ad libitum, mais en laissant toujours dominer la voix du soHste obli- gato. Au second couplet le chanteur fait passer au milieu du rond le jeune garçon ou la jeune fille qu'il tient de sa main droite, en disant :

Entrez en danse joli rosier

puis, si les danseurs sont tous de la famille, il ajoute :

Et embrassez, manon Ion la,

Et embrassez qui vous plaira..-.

mais s'il y a des étrangers dans la danse, des étranges,

comme on dit dans certaines localités, on dit presque

toujours :

Et salues, manon Ion la, Et salues qui vous plaira.

Les danseurs s'arrêtent alors, puis, l'embrassade ou le

148

CHANSONS POPULAIRES

salut fait, ou se met à tourner de nouveau ; celui qui était au centre de la chaîne passe à la gauche du chanteur, qui fait faire la raôine cérémonie à son nouveau voisin de droite; et ainsi de suite jusqu'à ce (jue chaque danseur et chaque danseuse ait ainsi indiqué aux yeux de tous l'objet de sa prédilection.

Cette ronde est connue en France, dans l'Angoumois, le Poitou, le Saintonge et l'Aunis

*^ Dans ma maiu droi- te je tieus ro- sier, Daus

ma maiu droi- te je tieus ro- sier Qui fleu- ri-

F^E?EE^=I?Ed~^z::^zlb£^-^dE-iEE^£:h£*EËËE-Ed

ra, ma- - uou lou la, Qai Meu- ri- ra au

mois de mai.

Daus ma main droite je tiens rosier, [bis) Qui fleurira, maiinii Ion la, Qui fleurira au mois mai.

Entrez en danse, joli rosier ! (bis) Et embrassez (saluez) m.uion lou la, Et embrassez (saluez; qui vous plaira.

DU CANADA 149

J'AI TANT D'ENFANTS A MARIER !

Cette jolie ronde se chante dans le nord et l'ouest de la France. Elle s'exécute de la même manière que la pré- cédente ; seulement, lorsque le chanteur dit :

Faites le pot k deux anses ; Eegardez comme l'on danse

celui ou celle qui se trouve au centre de la chaîne lève les coudes et se met les poinys sur les côtés.

., ,S 1^

J'ai tant d'eu- fauts à ma- ri- er !.... J'ai tant d'en- fautâ à ma- ri- er ! Grand Dieu ! je n'sais com-

meut pou-voir eu ma- ri- er tant.

J'ai tant d'enfants à marier ! J'ai tant d'enfants à marier ! Grand Dieu! je n'sais comment Pouvoir en marier taut.

Mademoiselle, on parle à vous ; Ou dit que vous aimez beaucoup. Si c'est vrai que vous aimez, Entrez dans la danse, entrez I

150

CHANSONS POPULAIRES

rd'»-

Fai- tes le pot à deux an- ses; Re- gar-

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dez com-me l'on dan-se ; Fermez la bouche ; ouvrez les

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yeux ; Sa- lu ez qui vous plai- ra mieux.

Faites le pot à deux anses ; Regardez comme l'on danse ; Fermez la bouche j ouvrez les yeux; Saluez qui vous plaira mieux.

DU CANADA

151

AH! QUI MARIERONS-NOUS?

Ici deux des danseurs passent au milieu du rond et se font mutuellement saints et révérences. Cette ronde est fort gracieuse, comme danse et comme musique. On la chante en France, dans le Gambrésis.

\—m^'—\

-m—i-

:S=1

Ah ! qui uni- rie-rons-nous ? Ah! qui ma- rie-rons- nous ? Ma- de- moi- selT, ce se- ra vous, Par l'as-sem-

^=.-*--

blé' «l'a- inour. Oui j'ai- me- - rai qui m'aim...qui m'ai-me Oui j'ai- me- rai qui m'ai-me- ra.

Ah! qui marierons-nous? (his) Mademoiseir, ce sera vous, Par l'assemblé' d'amour.

Oui j'aimerai qui m'aim qui m'aime.

Oui j'aimerai qui m'aimera.

'Lui donn'rons pour époux? (bis) Mon doux monsieur, ce sera vous, Par l'assemblé' d'amour. Oui j'aimerai, etc.

162 CHANSONS POPULAIRES

Amour, saluez -vous! {bis) Saluez-vous cinq ou six coups, Par l'assemblé' d'amour. Oui j'aimerai, etc.

Amours, retirez-vous ! (bis)

Retirez-vous chacun chez vous,

Par l'assemblé' d'amour.

Oui j'aimerai qui m'aim....qui m'aime.

Oui j'aimerai qui m'aimera.

DU CANADA 163

J'AI TROUVÉ LE NIQUE DE LIÈVRE

Encore une ancienne ronde. Elle se danse comme Dans

ma main droite je tiens rosier; la seule différence est

qu'aux mots :

Siiiitons ! Dansons ! .

chacun saute à qui mieux mieux.

Cette ronde a été plaisamment parodiée dans une tra- gédie-bouffe intitulée : Ze Défricheur de langues, dirigée contre les écrivains de La Ruche litléraire, el dont on a attribué avec raison la paternité à MM. J. G, Taché et F. A. H. LaRue. Le docteur Wells a aussi contribué à cette satire ; il en a écrit un vers, et ce n'est pas le moins bon de la pièce.

J'ai trou- le ni- que du liè-vre, Mais le lièvr' n'y é- tait pas : Le ma- tiu, quand il se le- ve, il em- port' le lit, les draps. Sau- tons ! dau- - sous ! Bell' ber- gère, en- trez eu dan- se ; Sa- lu- ez qui vous plai- ra.

]5t CHANSONS POPULAIRES

J'ai trouvé le nique du lièvre, Mais le lièvv' n'y était pas : Le matin, quand il se lève, Il emport' le lit, les draps.

Sautons !

Dansons ! Bell' bergère, entrez en danse; Saluez qui vous plaira 1

DU CANADA 155

EN REVENANT DE LA JOLIE ROCHELLE

Vraie mélodie populaire, inoiiolone, un peu triste dans sa joyeuseté et son allure antique.

Cette chanson est sans doule d'origine française. Je la

noie ici avec la pensée qu'elle éveillera peut être un doux

souvenir dans le cœur de quelque cousin d'outre-mer.

'• Quel est l'iiouiine éclairé, n dit M. Scudo, quel est l'artiste devenu célèbre qui ue se rappelle la simple histoire, l'image uaïve ou la mélodie rustique qui out clianné sou eufauce et dout l'impres- sion lui est restée iueti'açable, malgré tout ce que son goilt a pu lui

dire depuis contre ces bégayemeuts de la nmse populaire ? Tel

graud compositeur qui remplit le monde du bruit de ses chefs-d'œuvre ue peut s'empêcher de rêver et de s'attendrir eu écoutant le refrain plaintif qui lui apporte un souvenir du pays qui l'a vu naître."

-5 J'ai reucou- tré trois jo- lies de-uioi- seU's. La voi- là ma mi' qu'mon cœur ai- me tant, La voi-

la ma mi' qu'mon cœur ai- - me !

Eu reveuant de la joli' Rochelle, (bis) J'ai reucoutré trois jolies demoiselles. La voilà ma mi' qu'mon cœur aime tant! La voilà ma mi' qu'mou cœur aime !

J'ai reucoutré trois jolies demoiselles ; (bis) J'ai point choisi, mais j'ai pris la plus belle. La voilà ma mie, etc.

156 CHANSONS POPULAIRES

J'ai point clioisi, mais j'ai pris la plus belle j (bis) J'I'y fis monter derrièr' moi, sur ma selle. La voilà ma mie, etc.

J'I'y fis monter derrièr' moi, snr ma selle; (bis) J'y fis cent lieues sans parler avec elle. La voilà ma mie, etc.

J'y fis cent lieues sans parler avec elle ; (bis) Au bout (les cent lieues, elP me d'raandit à boire. La voilà ma mie, etc.

Au bout des cent lieues, elle me d'mandit à boire j (bis) Je l'ai menée auprès d'une fontaine. La voilà ma mie, etc.

Je l'ai menée auprès d'une fontaine ; (bis) Quand ell' fut là, elP ne voulut point boire. La voilà ma mie, etc.

Quand ell' fut là, ell' ne voulut point boire j (bis) Je l'ai menée au logis de son père. La voilà ma mie, etc.

Je l'ai menée au logis de son père ; ''bis) Quand ell' fut là, ell' buvait à pleins verres j La voilà ma mie, etc.

Quand ell' fut là, ell' buvait à pleins verres ; (Mè) A la santé de son père et sa mère. La voilà ma mie, etc.

A la santé de son père et sa mère ; {bis) A la santé de ses sœurs et ses frères. La voilà ma mie, etc.

A la santé de ses sœurs et ses frères ; (bis) A la santé d'celui que son cœur aime. La voilà ma mi' qu'mon cœur aime tant, La voilà ma mi' qu'mon cœur aime !

DU CANADA 157

MARIANSON, DAME JOLIE

La complainte de Marianson doit être fort ancienne.

On y respire le moyen âge à pleins poumons —non pas

le moyen-ûge dans ce qu'il a de bon, mais dans ses fai- blesses, et tel qu'on a presque toujours le soin de le représenter.

Que le mal, qui est de tous les siècles, ait existé, dans le moyen-âge, chez ces peuples de l'Europe nouvellement conquis à la foi et à peine sortis du paganisme et de la barbarie, nul ne songe à le nier. Mais il y a cette diffé- rence entre le mal de ces temps-là et le mal d'aujourd'hui que celui-ci est organisé, qu'il s'étale au grand jour, qu'il se glorifie lui-môme, qu'il appelle héroïsme, vertu, justice, l'assassinat, la spoliation, l'injustice; qu'il nie l'autorité divine; que, par la bouche de ses sociétés secrètes, il pro- clame ce principe : que la paix de Mme réside dans la négation de Dieu ; tandis que celui-là n'est qu'une défail- lance passagère, souvent très grave et très-blâmable sans doute, mais qui rougit d'elle-même, ne cherche pas à se propager, et à laquelle survit toujours la foi.

Au moyen-âge, l'action du christianisme s'exerçait sur une société qui, je le répète, sortait de la barbarie. Ce que ces siècles ont produit de bon venait surtout du christia- nisme ; ce qu'ils ont produit de mauvais venait surtout de la barbarie; mais l'organisation sociale créée par l'Eglise, avec ses mille moyens de protéger les faibles,

158 CHANSONS POPULAIRES

avec ses corporations et ses confréries, élalL réellement admirable, et conduisait les peuples de l'Europe et la société chrétienne en général au plus grand bonheur ter- restre qui se puisse imaginer. Le jour l'on consentira à retourner aux " coi-poraLions " du moyen-âge, la '' (]ues- lion ouvrière" sera résolue.

Tout cela n'empêche pas que le mari de Mariatison, dame joUe, ait fait un bien mauvais coup; mais il en a déjà de- mandé pardon Le récit cependant eût été plus complet

et la couleur de l'épo^jue mieux gardée si la complainte en eût fait un frère de la Merci, se vouant volontairement à l'esclavage pour expier son crime.

Ma- ri- au- sou da- me jo- - lie, Ou est al-

vo- tre ma- ri? Ma- ri- au- son da- me jo-

^ ^ '— j^— '— J"*

lie, est al- vo- tre ma- ri?

Mariansou, dame jolie, Oîi est allé votre mari ?

Mou mari est allé-z-eu guerre, Ah! je ne sais s'il reviendra.

(bis)

' ibis)

Marianson, dame jolie, ) .. ,

Prêtez-moi vos auneaux dorés, s ^ '

DU CANADA 169

Il sont d Ali! prends

ans l'coffi-e, au pied du lit ; ) ,^^x les clefe et va les qu'il'. ) ^

—Bel orfèvrier, bel orfèvrier, ) .j^.^. Faites-moi des anneaux dorés. S

Qu'ils sny-ent faits aussi parfaits, ) ,j^-gs Comiu' les ceuz' de Mariansou. S

Quand il a eu ses trois anneaux, ) /^^.^. Sur sou cheval est embarqué. S ^

Le premier qu'il a rencontré, ) C'était l'uiari d'Mariausou. S

Ah! bonjour donc, franc cavalier; ) ,j^^v Quell' nouvell' m'as-tu apportée ? ^ ^

Ah! des nouvell's je n'eu ai pas, l /i,ig\ Que les ceaz' de Marianson. ^ ^

Marianson, dame jolie, ? ,^.^. Eli' m'a été fidèle assez. ^ ^ '

Oui, je le crois, je le c Voilà les anneaux de ses doif

'" ' ' (bis)

Sa femm' qu'était sur les remparts, ) ,. . . Et qui le voit venir là-bas : )

Il est malade ou bien fâché, ) ,... C'est une chos' bien assurée, l ^ '

Ah! maman, montre-lui son fils : > ., . . Ça lui réjouira l'esprit. \ '^'^^^^

—Oui, je le crois, je le décrois : > ,, . .

igts. S ^

Tu as menti ! franc cavalier Ma femme m'est fidèle assez.

'Ah ! tiens, mon fils, voilà ton fils. Quel nom donn'ras-tu à ton fils?

{bis)

A l'enfant je donn'rai un nom, } , . A la mère, un mauvais renom. ^ '^ ''

160 CHANSONS POPULAIRES

A pris Penfiint par le maillot, ) 'i s Trois fois par terre il l'a jeté, i ^"^^'

Marianson, par les cheveux, ) /j ^ A son cheval l'a-t-attachée. \ ' '*^

Il a marché trois jours, trois nuits, Sans regarder par derrièr' lui.

Marianson, dame jolie,

sou les anneaux de tes doigts ?

Aubout des trois jours et trois nuits, ? /i- v A regardé par derrièr' lui. ^ ^ ^^^

(his)

Ils sont dans l'coffre,au pied du lit; ) , . . Ah ! prends les clefs et va les qu'ri'. ^ ^ **'

n n'eut pas fait trois tours de clef, l (t.- \ Ses trois anneaux d'or a trouvés. S ' **'

Marianson, dame jolie, )

Quel bon chirurgien vous faut-il ? l

Le bon chirurgien qu'il nie faut. C'est un bon drap pour ni'eusev'lir.

{bis) l {Ms)

Marianson, dame jolie, l (i \

Votre mort m'est-elle pardonnée ? ^ ^ ^^

Oui ma mort vous est pardonnée, Non pas la cell' du nouveau-né. ...

^(his)

DU CANADA 161

ADAM ET EVE

Une des strophes de cette complainte, celle un Ré- dempteur est promis nos premiers parents, rappelle la belle et pieuse légende du Crâne d'Adam ou du Calvaire :

" Les soldats, en plantant la crois daus le sol, l'ont dis- posée de sorte que le divin crucifié tourne le dos à Jérusalem, et étend ses bras vers les régions de l'occident. Le Soleil de la vérité se couche sur la ville déicide, et se lève en même temps sur la nou- velle Jérusalem, sur Kome, cette flère cité, qui a la con&cience de sou éternité, mais qui ignore encore qu'elle ne sera éternelle que par la Croix.

'< L'arbre du salut, en plongeant dans la terre, a rencontré une tombe ; et cette tombe est celle du premier homme. Le sang ré- dempteur coulant le long du bois sacré descend sur un crâne des- séché ; et ce crâne est celui d'Adam, le grand coupable dont le crime a rendu nécessaire une telle expiation. La miséricorde du Fils de Dieu vient planter sur ces ossements endormis depuis tant de siècles le trophée du pardon, pour la Ijonie de Satan, qui voulut un jour faire tourner la création de l'houjine «^ la confusion du Créateur. La colline sur laquelle s'élève l'étendard de notre salut s'appelait le Calvaire, nom qui signifie un Crâne liumain; et la tradition de Jérusalem porte que c'est en ce lieu que fut enseveli le père des hommes et le premier pécheur. Les saints Docteurs des premiers siècles ont conservé à l'Eglise la mémoire d'un fait si frappant ; saint Basile, saint Ambroise, saint Jean Chrysostôme, saint Epiphane, saint Jérôme, joignent leur témoignage à celui d'Origène si voisin des lieux ; et les traditions de l'iconographie chrétienne s'unissant à celles de la piété, on a de bonne heure adopté la coutume de placer, en mémoire de ce grand fait, un crâne humain au pied de l'image du Sauveur en croix." (Dom Guéranger, Année liturgique, cinquième section, page 54L) Voici les quelques lignes que M. Ghampfleury consacre

162 CHANSONS POPULAIRES

à la complainte à' Adam et Eve clans ses Chansons populaires des provinces de France :

" Dans un jardin couvert de fleurs est uue complainte qu'une (laine a euteudu chanter à un pauvre dans les environs <le Mont- pellier. C'est la complainte dans toute sa naïveté, avec ses mots touchants, avec sa musique douce et plaintive, avec ses puérilités, avec S3S beaux vers quelquefois, avec sa poésie, quoi qu'eu disent les poètes."

M. Gliampfleury ne donne, dans son ouvrage, que les

quatre premiers des vingt-trois couplets que l'on va voir

ci-dessous. La mélodie recueillie par M. Wekerlin et

publiée dans le môme ouvrage, est semblable, presque

note pour note, à celle que l'on chante en Canada.

. M 1* *— -J ^ i^ 3—1* t i». = * M—

Daus un jar- din couvert de fleurs, Plein de dou- ceurs, Dieu cré- a l'homme a son i- ma- ge. Ce beau sé-

jour E- tait la preuve et le vrai ga- ge De sou a-

mour.

Dans un jardin couvert de fleurs,

Plein de douceurs, Dieu créa l'homme à son image.

Ce beau séjour Etait la preuve et le vrai gage

De son amour.

DU CANADA 163

Adam était assis tout seul

Sous un tilleul, Etant couché sur l'herbe tendre,

Tranquillement, Un doux sommeil vint le surprendre

Dans ce moment.

Pendant qu'il dort, son Créateur

Et son Auteur Lui enl'va doucement un' côte

De sou côté; En forma un' charmante femme

Rare eu beauté.

Adam la voyant, s'écria :

Ah ! la voilà ! Ah ! la voilà celle que j'aime,

L'os de mes os ; Donnez-moi-la, bonté suprême,

Pour mon repos.

Adam, père du genre humain.

Prit par la main Eve, cette charmante belle.

Sa tendre épouse, Devant Dieu se. jette avec elle

A deux genoux.

Dieu bénit ce couple charmant

Dans le moment. Un berceau tissu de verdure

Fut leur logis ; De fleurs j'aime la bigarrure

De leur tapis.

164 CHANSONS POPQLMRES

Dieu prit Adam et le coudait

Auprès d'uu fiuit, Lui disant: Mou lils, preud bien garde,

Ne touche pas A ce beau fiuit (jue tu x-egardes,

Craius le trépas.

De ce lieu je te fais le roi,

Tout est à toi. Mais souvieus-toi de ma défeuse

A Faveuir, Et respect' l'arbre de science,

D'peur de mourir.

Adam prit Eve et lui montra

Cet arbre-là : Lui disant : Mou épons' chérie,

Garde-toi bien De le toucher, je t'en supplie,

Pour notre bien.

Ev' s'étant écarté, un jour.

Dans un détour. Le seri)eut rencontra la belle

Et lui parla. Le discours qu'il eut avec elle

Cher uous coûta.

Salut à la divinité !

Rare beauté, Perle saus prix, vivante image

Du souverain, L'oruement, le plus bel ouvrage

De ce jardin.

Je te ferai part d'un secret

Dans ce busquet : J'ai acquis de la coauaissauce

DU CANADA 165

De ce beau fruit; Viens doue, tu suuni-s la science Qu'il eu produit.

Mange ce fruit délicieux,

Ouvre les yeux ! La friande cueillit la pomme :

Elle en maiis^ea ; Elle eu porta à son cber homme

Qui s'affligea.

Ah ! malheureuse, d'oii viens-tu ?

Je suis perdu! Quel est ce fruit ? donc est l'arbre ?

Montre-le moi ! .

Mon cœur devient fioid comme marbre; " Dis-moi pouriiuoi!

Ad un, Adam, entends ma voix.

Sors de ce bois ! Dis-moi donc pourquoi tu te caches 3

Quelle raison

Et ne crois-tu pas que je sache

Ta trahison ?

Mon Créateur, j'ai reconnu

Que j'étais nu : Mais mon Auteur, mon divin Maître,

En vérité, J'ai honte de faire connaître

Ma nudité.

Approche-toi, monstre infernal,

Auteur du mal. Si tu as détruit l'innocence,

Dis-moi pourquoi ! . . . ,

166 CHANSONS POPULAIRES

Je vais prononcer la sentence : Ecoute-moi !

"T'as servi d'organe au démon;

Point de pardon! La terre pour ta nourriture

Tu mangeras ; L'homme, dans sa juste colère,

T'écrasera.

" Tu n'as pas écouté ma loi,

Femme, pourquoi ? Mène une vie pénitente;

Dans ma rigueur, Tu soutfiiras, lorsiiu' t'enfaiit'rr 8>

De grand' douleurs.

" Adam, tu mangeras ton pain

Avec chagrin. Va cultiver la terre ingrate ;

Sors de ce lieu ! Et n'attends plus que je te flatte

Je suis ton Dieu."

Je te fais mes derniers adieux

Les larm's aux yeux, Jardin charmant, heureux parterre !.

Quel triste sort ! Je m'en vais cultiver la terre

Jusqu'à la mort !

Un ange vint le consoler

Et lui parler, Lui annonçant que le Messie

Viendrait un jour

DU CANADA 167

Naître de La Vierge Marie, Pour leur amour.

Enfin le temps si désiré

Est arrivé- Dieu touché do notre misère,

Envoie son Fils. Et voilà le fruit salutaire

Qu'il a promis.

168

CHANSONS POPULAIRES

UN JOUR L'ENVr M'A PRIS DE DÉSERTER DE FRANCE

Une fort belle chanson ; très-ancienne, très-militaire, et partant toute française.

Uu juurl'eu- vie m'a pris

De clé- ser-

::zz€-=*—

ter de Frau-

Daus mon che- mia j'ai

Dans les autres couplets o-ii passe cette mesure

rea-con-

tré Ma cliannau- te beau- ; Je me

SUIS ar- re-

C'é- tait pour lui par- 1er.

Un jour l'euvi' ma pris >

De déserter de France. ^ ^ ^

Dans mon chemin j'ai rencontré

Ma charmante beauté ;

Je me suis arrêté :

C'était pour lui parler.

Je vois venir, là-bas, >

Ah ! cinq ou six gendarmes. ) ' J'ai mis mon habit bas,

DU CANADA 169

Mon sabre-z-à la main; Je nie suis battu Comme un vaillant soldat.

Le premier (jue je tnai, ) .^. Ce fut mon capitaine. \^ Mon capitaine est mort, Et je m'en souci' fort; Il est mort eu ce jour : Demain sei"a mou tour.

Ils m'ont prifj. ils m'emmèuent,

C'est à la citadelle.

Mon procès fut jugé

Par quatre grenadiers :

C'est d'être fusillé

Ou bien d'être tranché !

{his)

Tirez-moi droit au cœur Ou bien dans la cervelle. Celui qui m'aimera, Droit au cœur tirera, Pour me faire mourir Saus me fair" trop souffrir

Ils l'ont pris, ils l'emmènent, C'est à la Place d'Armes. Lui ont bandé les yeux Avec un mouchoir blanc... Je me suis écrié : La belle est sans amant ! . . . .

{bis)

{bis)

I7d CHANSONS POPULAIRES

DANS PARIS YA-T-UNE BRUNE PLUS BELLE QUE LE JOUR

Cette jolie légende se chante dans le midi de la France, en patois provençal. (Voir les Chants populaires et histo- riques de la Provence, recueillis et annotés par M. D. Arbaud, page 133, vol. I.) On la chante aussi en langue française dans les départements de l'ouest. Dans les ver- sions données par M. Bujeaud {La vielle cl' argent) et par M. Arbaud (Liseto), les ravisseurs ne se font pas cavaliers mais mendiants, et aussi un peu troubadours, car ils jouent d'une vielle d'argent ou d'une viole endorée. Le tout se termine avec l'enlèvement. Le charmant couplet que nous chantons ici :

Si vous m'aviez mariée A rage (le quinze uns, etc.

fait défaut dans les deux versions françaises.

Notre air canadien, un des plus beaux et des plus carac- téristiques de ce recueil, l'emporte aussi de "beaucoup sur ceux de ces deux versions. Il appartient au premier mode authentique de la tonalité ancienne, ce qui n'ôte rien à son mérite.

*— ^ »T m-

!— J-J^-

—g m

Dans Pa- ris, ya-t-u-ue bru-ne Plus bel!' que le

1^ s -A 1— c

r^—^rzi»

jour ; Sont trois bourgeois de la vil- le Qui lui font l'a-

DU CANADA 171

i^l=2^i=p^ilï1iiHiEpiili«lii

mour. Qui lui fout l'a-mour, la lu- ret- te, Qui lui

uiour.

Dans Paris ya-t-une brune

Plus bell' que le jour ;

Sont trois bourgeois de la ville

Qui lui fout l'amour.

Qui lui font l'amour, la lurette,

Qui lui fout l'amour.

Sont trois bourgeois de la ville Qui lui font l'amour. Ils se disaient l'un à l'autre : Comment l'aurions-nous? Comment, etc.

Ils se disaient l'un à l'autre : Comment l'aurions-nous ? Le plus jeun' se mit à dire : Moi je sais le tour. Moi je sais, etc.

Le plus jeun' se mit à dire Moi je sais le tour : Je me frai faire une selle Avec tous ses atours. Avec, etc.

Je me frai faire une selle Avec tous ses atours; Et j'irai de ville en ville Toujours à son nom. Toujours, etc.

172 CHANSONS POPULAIRES

Et j'irai de ville en ville Toujours ù son nom. Euseignez-raoi donc, mesdames; Le chemin des grands. Le chemin, etc.

Enseignez-moi donc, mesdames, Le cliemin des grands. Allez, allez donc, ma fille, A ce pauvre passant. A ce pauvre, etc.

Allez, allez donc, ma fille, A ce pauvre passant ; Allez jusqu'à la barrière : Re venez- vous-en. Revenez, etc.

Allez jusqu'à la barrière : Revenez- vons-en. La fille était jeunette, Elle a 'té plus avant. Elle a 'té, etc.

La fillette était jeunette, Elle a 'té plus avant; Le galant qu'est fort adroittô Lui a donné la main. Lui a donné, etc.

Le galant qu'est fort adroitto Dui a donné la main ; Il la prit et il l'emmène Sur son cheval blanc. Sur son cheval, etc.

DU CANADA 173

Il la prit et il l'emmèue Sur son cheva! blanc ; Le clieval blanc qui les mène Va plus raid' que le vent. Va plus raide, etc.

Le cheval blanc qui les mène Va plus raid' que le vent. Adieu père et adieu mère, Adieu tous mes parents ! Adieu, etc.

Adieu père et adieu mère, Adieu tous mes parents ! Si vous m'aviez mariée A l'âge de quinze ans. . . . A l'âge^ etc.

Si vous m'aviez mariée A l'âge de quinze ans, Je ne s'rais point dans la ville Avec tous ces brigands. Avec tous, etc.

Je ne s'rais point dans la ville Avec tous ces brigands. . . . Je n'suis point brigand, la belle, Je suis votre amant. Je suis, etc.

Je n'suis point brigand, la belle, Je suis votre amant. Versez, versez, dans mon verre. Dans mon verr', du vin. Dans mon verre, etc.

174 CHANSONS POPULAIRES

Versez, versez dans mon verre, Daus mon verr', du viu. A la sauté de la belle Et de son amant. Et de sou, etc.

A la santé de la-belle

Et de son amant ;

A son père et à sa mère

Et à tous ses parents.

Et à tous ses parents, la lurette,

Et à tous ses parents.

DU CANADA 175

PAR DERRIÈRE CHEZ MA TANTE YA-T-UN ARBRE PLANTÉ

J'avoue que j'ai eu quelque mal à saisir le rhythme et le mode de cette mélodie étrange, promenée par une voix nasillarde et saccadée sur les degrés vermoulus de l'an- tique échelle grégorienne. Grâce à l'intervalle de seconde majeure descendante, entre si et la, quatorzième mesure la mélodie qui déjà n'appartenait pas au mode mineur, à cause de l'absence de note sensible, s'en éloigne encore davantage. Mais voici une nouvelle étrangeté. Le musi- cien remarquera que la note fa est altérée par un dièse, dans la onzième m.esure. Il y a ici modulation ; ou plutôt, pour parler le vieil langage d'autrefois^ il y a muance, c'est- à-dire transposition passagère d'un mode à un autre. Cette mélodie appartient donc au premier mode authen- tique (premier ton), avec muance dans le quatrième mode authentique ou dans le quatrième mode plagal (septième ou huitième ton).

Ces couplets se chantant dans le Saintonge, l'Ano-ou- mois, l'Aunis et le Poitou, en français et en patois. Les airs français sont différents du nôtre.

l^^^^^mm

zazzr.

Par der- rièr' chez ma tant' Ya- t-ua ar-

175 CHANSONS POPULAIRES

-ipi-

_S s I— il ;l ^—*^rz^'^—<^-^

bre plaa- té; Dans la plus hau- te braucli' Trois pi- geons sout brau- cbés. Vi- ve le ro- sier

y— 1' .sr-

rs— «î:^

Du jo- li mois de mai.

Par derrièr' cliez ma tante Ya-t-uo arbre planté ; Dans la plus haute branche Trois pigeons sont branchés.

Vive le rosier Du joli mois de mai.

Dans la plus haute branche Trois pigeons sont branchés; Ce sont trois demoiselles Qui leur port'nt à manger, Vive le rosier, etc.

Dans la plus liante branche Trois pigeons sont branchés; Ce sont trois demoiselles Qui leur port'nt à manger. Vive le rosier, etc.

Ce sont trois demoiselles Qui leur port'nt à manger; Un' leur porte du seigle, L'autre, du bled pilé. Vive le rosier, etc.

Un' leur porte du seigle, L'autre, du bled pilé; L'autre leur porte à boire Dans un bassin doré. Vive le rosier, etc.

DCJ CANADA 177

L'antre leur porte à boire Dans im bassin doré. Le roi, par la fenêtre, Les regardait passer. Vive le rosier, etc.

Le roi, par la fenêtre, Les l'egardait passer : vout-ell's, ces trois dames? voiit-ell's s'promener? Vive le rosier, etc.

vont-ell's, ces trois dames? vont-ell's s'proiuener? Nous ue soram's point des dames, Somm's tiU's à marier. Vive le rosier, etc.

Nous ne somm's point des dames, Somm's fill's à marier. Le roi prit la jeune, Dans la dans' l'a menée. Vive le rosier, etc.

Le roi prit la pins jeune, Dans la dans' l'a menée; A chaque tour de danse II voulait l'embrasser, Vive le rosier, etc.

A chaque tour de danse Il voulait l'embrasser : Allez, allez, beau prince, Allez plus loin chercher.

Vive le rosier Du joli mois de mai.

178 CHANSONS POPULAIRES

J'AI TROP GRAND' PEUR DES LOUPS

Ce refrain et cette mélodie s'adaptent à plusieurs autres chansons. C'est un genre de transposition assez à la mode à la campagne : ainsi on entend souvent chanter A la claire fontaine sur l'air et avec le refrain de Gai Ion la, gai le rosier. . . .etc., etc. fai trop grand' peur des loups est une chanson bien connue dans les environs de Québec. On la chante aussi dans le Poitou, en France. L'air poitevin est le môme que le nôtre.

M'eu re- ve- uant de la Veu- dée,

M'eu re- ve- uant de la Veudée, Daus mou cbeiniu j'ai

reu- cou- tré .Vous m'a- mu- sez tou- jours 5

Jamais je m'eu i- - rai chez uous : J'ai trop graud' peur

Ë?ËËE*EE;EEI] des loups.

M'eu revenant de la Veudée, (bis) Dans mon chemin j"ai rencontré...,

Vous m'amusez toujours; J'amais je m'en irai chez nous :

J'ai trop grand' pour des loups.

DU CANADA 179

Dans mon cliemin j'ai leucontié, (bis) Trois cavaliers fort bien montés. Vous m'amusez, etc.

Trois cavaliers font bien montés, (bis) Deux à cheval et l'autre à pied. Vous m'amusez, etc.

Deux à cheval et l'auti'e à pied; [bis)

Celui d'à pied m'a demaiidé .

Vous m'amusez, etc.

Celui d'à pied m'a demandé: (bis) Oii irons-nous ce soir coucher? Vous m'amusez, etc.

irons-nous ce soir coucher? (bis) Chez nou-^, monsieur, si vous voulez. Vous m'amusez, etc.

Chez nous, monsieur, si vous voulez ;(&îs) Vous y trouverez un bon souper. Vous m'amusez, etc.

Vous j trouv'rez au bon souper, (bis) Et de bons lits pour vous coucher. Vous m'amusez, etc.

Et de bons lits pour vous coucher, (bis) Les cavaliers ont accepté.

Vous m'amusez toujours ; Jamais je m'en irai chez nous :

J'ai trop grand' peur des loups.

180

CHANSONS POPULMliES

J'AI VU LE LOUP, LE R'NARD PASSER

Ce refrain est connu par tout le pays. Il doit êti'e conséquemment d'une certaine ancienneté. Gomme le précédent, on l'ajuste souvent à d'autres couplets.

J'ai vu le loup, le r'uard et le lié- vre,

FIN.

J'ai vu le loup, le r'nard pas- ser. M'en re- ve-naut de

la Vea- dée, J'ai vu le loup, le r'uard pas- ser,

Daus mon cbe-miu j'ai rencon- tré.... J'ai vu le loup, le B^»j=|^^==i^ D. C.

r'uard pas- ser. (Your les autres paroles, voir J'ai trop grand' peur des loups)

DU CANADA 181

JE LE MÈNE BIEN MON DÉVIDOI' !

Lord Dalhousie, qui gouverna le Canada de 1820 à 1828, passait d'ordinaire les étés à Sorel, d'où il faisait de fréquentes excursions, en chaloupe, dans le pays envi- ronnant. Son élégante embarcation était montée par des bateliers portant un joli costume, la plupart anciens voyageurs du Nord-Ouest, rompus au métier, et, de plus, excellents chanteurs.

M. G * * *, du comté de Maskinongé, de qui j'ai recueilli Je le mène bien mon dtmdol\ me dit l'avoir entendu chan- ter, par ces bateliers, un jour que le gouverneur et son joyeux entourage remontaient une des rivières qui se jettent dans le lac Saint-Pierre. " Il me semble, me dit- il voir encore leur fines rames peintes en rouge s'abaisser et se relever en cadence, et entendre leurs voix sonores :

Je le mèue bien ; Je le mène droit ; Je le mène biea Mou dévidoi' !...."

Voix seule, reprise en chœur.

Mon pèr' n'a- vait fil- le que moi, Je le mè- ne

182

CHANSONS POPULAIRES

Vota-- seule.

Zii:=mz

"^«=-^1^

bien mou dé- vi- doi' ! En- cor sur

la mer il m'eu-

Voix seule, reprise en chœur.

=gz=-g— g=|-*za— [|i:rj'^*^iÉ— e=|— gzrra'— a<— g:::zjg— 3

w w

voi', Moi-z-et moi ! Je le mè-ne bien ; Je le mè- ne

droit ! Je le mè-ne bien Mon dé- vi- doi' ! (Pour les autres couplets, voir Cédlia)

DU CANADA 183

M'EN REVExNANT DE SAINT ANDRÉ

Cette mélodie appartient an premier mode authentique de la tonalité ancienne, et n'est pas en mi mineur comme on pourrait le supposer tout d'abord. En effet, la note do qui descend au si, dans la dixième mesure, étant dièse, il y a intervalle 'de ton entier entre les deux notes ; or, dans la gamme descendante du mode mineur, il ne doit y avoir qu'un intervalle de demi-ton entre le sixième et le cin- quième degré.

Mais la finale de ce premier mode authentique devrait être ré; ici elle est mi?— La mélodie, le mode, si on Faime mieux, est en effet haussé d'un ton ; mais c'est une simple transposition, comme j'en ai déjà fait souvent dans ce travail, et que les musiciens comprendront aisé- ment. Ils comprendront aussi que la clef, qui ne serait armée que d'un seul dièse si la mélodie était en mi mineur, doit être ici armée de deux dièses, pour mettre les diffé- rents degrés du mode antique dans une position analogue à celle qu'ils occuperaient s'ils étaient placés un ton plus l)as,— à leur place naturelle,— et sans aucun signe d'alté- ration à la clef.

M'en re- ve- aant de Saint-An- dré, J'ai vu le

184

CHANSONS POPULAIRES

iir==fc==ï5

^=J—

S=5

-H«> -j—

-_(*_'r ;s ^

^i=§=§^?^Ëi=i=i=s=îy

loup, le r'nard pas- ser, Daus mou che- miu j'ai rou-cou-

I

tre.

=:dî=q

..Ou, ouah! Son p'tit pe- - ta- pe. J'ai vu le

~5t

ï^i=*E

* 15 SL

=^=^

-y

loup, le r'uard, le lié- vie. J'ai vu le loup, le r'nard pas-

ser. (Pour les autres paroles, voir J''ai trop grancV peur des loups)

DU CANADA 185

tl'EST DANS PARIS YA-T-UNE BRUNE

11 s'agit d'une pauvre fille prise de vanité (ça se ren- contre), et qui va se confier à un apothicaire dont les prescriptions ne manquent pas de perfidie.

La mélodie est bien ; la forme des vers, passable ; la morale, excellente.

Ces couplets se chantent dans l'ouest de la France. L'air français diffère complètement du nôtre, mais les paroles offrent à peine quelques légères variantes. L'expression " matin jour " se trouve aussi dans la version française.

^?=£j - I* r^î >—[

C'est ilaus Pa- - ris ya- t-u- ue bruu'

Qui est plus bel- le que le jour. Mais elle a- vait u- - ue ser- vau- te Qu'au- rait, qu'au- rait vou- lu Etre aus- si bell' que sa inaî- très- se:

Mais ell' u'a pu.

C'est dans Paris ya-t-une brune ) /^^^^^ Qui est pUià belle que le jour. > Mais elle avait une servante Q'aurait, qu'aurait voulu Etre aussi bell' que sa maîtresse : Mais ell' n'a pu.

186 CHANSONS POPULAIRES

Eli' s'en va chez l'apothicaire : l ij \

Combien vendez- vous votre fard? S Nous le vendons par demi-onces : C'est deux, c'est deux écus. Pesez-moi-z-en un demi-once : Voilà l'écn.

Quaudvoussevezpourvousfarder, ) ,,. .

Prenez bien garde do vons mirer . )

Vous éteindrez votre chandelle .

Barbouiil barbouillez-vous j

Le leudemuin vous serez belle Comme le jour.

\ [Us)

Lelemlemain, au matin jour, La belle a mis ses beaux atours ; Elle a mis son beau jupou vert, Sou blauc, son blanc mantelet, Pour aller faire un tour en ville. S'y promener.

Dans son chemin, a rencontré ? xt,- x Son joli tendre cavalier. >

Où. allez- vous, blauche coquette, Tout' noir' tout' barbouillée ? Vous avec la flgur' plus noire Que la ch'miuée!

EU ' s'en r'rourne à l'apothicaire : ? ,1.. v Monsieur,quemavez-vousvenduï > Je vous ai vendu du cirage Pour vos, pour vos souliers : Ç'appartient pas une servante De se farder.

Variante :

J'vous ai vendu, blanche coquette, Du noir, du noir à fumée : Ç'appartient pas une servante De se farder.

DU CANADA 187

PAPILLON TU ES VOLAGE

Ce dialogue de deux amants qui se boudent ne manque pas de piquant. Il y a beaucoup de froideur dans ce Monsieur, ce Mulemoiselle Le beau rôle, reste évi- demment à la jeune fille. Son apostrophe au papillon est tout à fait charmante.

Pa- pTl- Ion, tu es vo- la- ge ! Tu ressemble' à mou a-

-s* r

maut. I^amour est uu ba-di- ua- ge, L'amour est uu pas- se-

p^EEEÊiEE5EEaEEi^5EEiE=?Ë^îli^^i£|Eli

} ^

temps; Quaud j'ai mou a-mautJ'ai le cœur cou- tent.

Papillon, tu es volage! Ta ressemble' à mon amant. L'iimour est uu badinage, L'amour est uu passe-temps;

Quand j'ai mou amant

J'ai le cœur content.

Croyez-vous, mademoiselle, Queje viens ici pour vous f J'en ai d'autre', à ma demande, Qui sout plus belles que vous.

Croyez-moi, mam'zelle,

Je me ris de vous.

188 CHANSONS POPULAIRES

Monsieur, pour dMiigratitude, Votre cœur u'eii uiiiiuiue pus : Vous avez souvent l'habitude, Bien souveut changer d'appas.

Croyez -moi, monsieur,

N'y revenez pas.

Croyez-vous, mademoiselle, Que je pens' de revenir l J'estim' mieux vider bouteille Avec un de mes amis.

Adieu mes amours !

Adieu mes plaisirs !

Si l'amour avait des aîles Comme toi, beau papillon, Il irait de ville en ville Pour rejoindre mon amant, Lui faire assavoir De mes compliments.

DU CANADA 189

NOUS ÉTIONS TROIS CAPITAINES

Une des chansons favorites des élèves du collège de Nicolet,— da moins, autrefois. Elle n'était jamais oubliée dans les jours de liesse, mais surtout au retour des longues promenades du jeudi.

Pourquoi ces couplets si gais se chantent-ils dans le mode mineur ? " Dans tous les pays, a dit Chateaubriand, le chant naturel de l'homme est triste, lors môme qu'il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre il manque des cordes, et nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs."

Les reprises en chœur.

:c^::

:*:

Nous é- tious trois ca- pi- tai- - nés,

:p:

Nous é- - tions trois ca- pi- tai- - nés De la

guer- re re- ve- nant, Bra- ve, bra- - ve, De la

guer- re- re- ve- nant Bra- ve- ment.

190 CHANSONS POPULAIRES

Nous étions trois capitaiues ibis) De la guerre revenant,

Brave, brave, De la guerre revenant

Bravement.

Nous entrâm's dans une auberge : (bis) Hôtesse, as-tu du vin blanc ?

Brave, brave, Hôtesse, as-tu du vin blanc ?

Bravement.

Oui, vraiment, nous dit l'hôtesse ; (bis) J'en ai du xouge et du blanc. Brave, brave,

J'en ai du rouge et da blanc, Bravement.

Hôtess', tire-nous chopine, (bis) Cliopinette de vin blanc,

Brave, brave, Cliopinette de vin blanc,

Bravement.

Quand la chopine fut bue, {bis) Nous tirâm's trois écus blancs,

Brave, brave. Nous tirâm's trois écus blancs,

Bravement.

Grand merci ! nous dit l'hôtesse, (bis) Revenez-y donc souvent.

Brave, brave. Revenez-y donc souvent,

Bravement.

DU CANADA 191

JE N'AI PAS DE BARBE AU MENTON, MAIS IL M'EN VIENT

Si riiéroïiie de ces couplets se montre bien irrévéren- cieuse envers son père, la mélodie sur laquelle se chante sa rébellion n'est pas moins irrévérencieuse envers les règles de l'art musical.

Il est vraiment curieux pour un musicien d'entendre chanter avec tant d'aisance et 'de naturel, par des voix campagnardes, ces mélodies qui s'éloignent tant des règles établies. J'ai vu dernièrement un musicien (un musicien avancé) aux prises avec quelques mélodies populaires aussi caractéristiques que celle-ci, et qu'il se faisait fort d'har- moniser sans broncher. Il en faisait de belles ! De

guerre lasse, et pour se consoler de son impuissance, il se leva du clavier en disant avec un beau dédain : c'est du plain chant !

Plusieurs variantes de cette chanson se chantent à la Rochelle et dans le Bas-Poitou.

;=3

g =f -F* =i^-l?->-^= J=[ gr=:[:=ai— g3=prj

]Moa père a fait bâ- - tir mai- son, Mon père a

'^=f^-^^S-i=^— =fi:^[=p=P=*=:[St=g=:[— g^=:—

fait bâ- -tir mai- son; L'a fait bâ- tir su' l'bout d'un

192

CHANSONS POPULAIRES

i^ =*£=S=^= =gma— |=r^

pont. Le beau temps s'eu va, Le mau- vais re- vient.

^ 5 " ' ^f

Jo n'ai pas de barbe au meu- ton Mais il m'en vient.

Mon père a fait bâtir maison; (bis) L'a fait bâtir su' l'bout d'un pont.

Le beau tem[).s s'en va,

Le mauvais revient; Je n'ai pas de barbe au menton

Mais il m'en vient.

L'a fait bâtir su' l'bout d'un pont, Mon père faites-moi-z-un don. Le beau temps s'en va, etc.

{bis)

Mon père faites-iuoi-z-un don; (bis) Donnez-moi 'loue vo^re maison. Le beau temps s'eu va, etc.

Donnez-moi donc votre maison, (bis) Ma fille, promettez-iuoi donc . Le beau temps s'eu va, etc.

Ma fille promettez-moi donc (bis) De n'jamuis aimer les garçons. Le beau temps s'en va, etc.

De n'jamais aimer les garçons, {bis) J'estim'rais mieux que la maison...» Le beau temps s'en va, etc.

DU CANADA 193

J'estira'iais mieux que la maison {bis) Serait eu cendre et en cliarbons. Le beau temps s'en va, etc.

Serait en cendre et en charbons, (bis) Et vous mon pèr' sur le pignon. Le beau temps s'en va, etc.

Et vous mon pèr' sur le pignon : {bis) Vous vous cbauffeiiez les talons.

Le beau temps s'en va,

Le mauvais revient j Je n'ai pas de barbe au menton

Mais il m'en vient.

194

CHANSONS POPULAIRES

JE N'AI PAS DE BARBE AU MENTON

(Autre air)

On chante aussi Je n'ai pas de barbe au menton sur l'air noté ci dessous et qui n'est autre que l'air noté page 64, mais un peu raccourci.

Mou père a fait bâ- tir maisou, Je n'ai pas de barbe au m«u-tou, L'a fait bâ-tir su' Fbout d'uu pout. Le beau

temps s'eu va, Le uiau- vais re- vieut. Je u'ai pas de barbe «j

au ineu-ton jMais

m'eu vieut.

DU CANADA 1 95t

J'AI PERDU MON AMANT

Deux sortes de rhythme nous sont familiers ; l'un appelé poétique^ qui se combine avec la mesure ; l'autre appelé j;rosaï^we ou oratoire^ qui n'est entravé par aucune mesure et qai est le rhythme propre du plain-chant. J'examinerai plus loin, avec le lecteur, le caractère parti- culier de ces deux espèces de rhythme. En attendant, que l'on veuille bien remarquer ici que le rhythme de la mélodie notée ci-après se refuse complètement aux exi- gences d'une mesure uniforme, et que quelquefois môme il semble vouloir s'affranchir de toute mesure pour se rapprocher du rhythme oratoire.

J'ai recueilli cette chanson dans le comté de Maski- nongé, et ne l'ai entendu chanter nulle part ailleurs.

J'ai souvent remarqué que les mélodies du peuple qui offrent le plus de contradictions avec les lois établies, sont d'ordinaire les moins universellement connues, surtout dans les villes. Elles semblent s'être retirées dans les bas- fonds populaires, si je puis m'exprimei- ainsi, ou l'art moderne ne peut avoir que difficilement accès.

tus I 1 ^ w ..— /^ , I

J'ai per- du mon a- mant Et je ui'ea sou- ci'

196

CHANSONS POPULAIRES

i««r=Szrr--s:

guè- re; Le re

ai Se-

gret que j eu

ra bieu-tôt jias- - se. Je por- te- - rai le

deuil-le D'uu ha-bit de sa- - tin ; Je ver- se-

i5iiEEiEEdl:ÊiEEEsEÊE*Eî£^EE5£E:

rai des lar- mes de

J'ai perdu mou amaut Et je m'en souci' guère; Le regret que .feu ai Sera bientôt passé. Je porterai le deuiîle D'uu habit de satiu ; Je vex'serai des larmes De viu.

Amant, que j't'ai donc fait Qui puiss' tant te déplaire? Est-c' que j'tai p:is aimé Comm' tu l'as mérité? Je t'ai aiiué, je t'aime, Je t'aiaierai toujours. Pour toi mon cœur soupire Toujours.

La maison de chez nous C';?st un lieu solitaire : Ou u'y voit pas souvent Divertir ses amants.

DU CANADA 197

Pour des amants qu'on aime, Qu'on aiiu' si tendrement, On aimerait les voire Souvent.

Si j'étais hirondelle. Vers toi, bell' demoiselle, Par derrièr' ces rochers J'irais prendr' ma volée. Sur votre main, la belle, J'irais me reposer, Pour raconter la peine Que j'ai.

198 CHANSONS POPULAIRES

VOICI LE TEMPS ET LA SAISON

J'ai chanté cette mélodie à un citadin, qni l'a trouvée très-monotone et très-laide. Monotone, oui ; laide, cela

dépend.

Cette mélodie (qui appartient au second mode du plain- chant) est de celles qui n'ont de beauté que dans la bouche des gens de la campagne. Il y a «inelque chose de triste et de doux dans la voix des campagnards qui donne un charme tout particulier à ces airs monotones dans lesquels semble se refléter toute leur existence. Il en est des voix des habitants de la campagne comme de leurs yeux. Leurs regards, accoutumés à embrasser l'horizon immense et des scènes uniformes, ont une qniétude, un calme, une monotonie si l'on veut, que l'on ne rencontre jamais chez les habitants des villes.

i?r2=-^zr^l-=ïz=r5==tf— |=ra=r*rEszr|— =iE

-JS=.~.

Vol- ci le temps et la sai- - son, Voi-ci le

:=1-

^E^-^EÊEB

:^— 5-

3r=3-

temps et la sai- - sou Ah ! vrai, que les jour-

né's sont Ion- - gués, Ali ! vrai, que les jour-ué's sont

DU CANADA 199

Voici le tenip:? et la saison {bis)

Ah ! vrai, que les journées sont longues ! (bis)

Les amoureux ont bien le temps (.bis) D's'en aller voir leurs jolies blondes, (bis)

Et moi qui suis dans les prisons, (bis) Je ne poux aller voir la mienne. (6('s)

Ma mignonne a de blonds cheveux, {bis) Qui lui vont jus<iu'à la ceinture, {bis)

Mon amant, il n'est pas ici : {bis) Il est là-bas, dans ce navire, {bis)

La belle, le connaissez-vous {bis)

Par son beau chant et son beau rire? (bis)

La belle, voulez- veus yaller ? (bis) Je vais aller vous y conduire, (bis)

La belle a eu le yii'^d jr^r, {bis) Dans le navir' s'ept evnbirq.iéo. (bis)

Quand ils fnr'iit à cent lieues sur mer, (bis) Une tenipêt' s'est élevée, (bis)

Le navire a coulé au fo.i 1 ; (bis) Le beau avec sa mie. {bis)

Le contre-maître s'est sauvé (bis) Dedans sa chaloupe jolie, {bis)

200 CHANSONS POPULAIRES

PETIT ROCHER DE LA HAUTE MONTAGNE

La complainte que l'on va lire a été composée dans des circonstances vraiment extraordinaires qui méritent d'être connues du lecteur. On me saura gré de reproduire ici la belle narration qu'a faite M. J. G. Taché dos événements qui ont précédé et accompagné la mort du vaillant cou- reur de bois, héros et auteur de ces couplets.

Eu remontant la grande rivière des Outaouais, ou ue manque pas de s'arrêter au Petit rocher de la haute montagne qui est au milieu du portage des Sept-chutes, eu bas de l'Ile du G-rand calumet : c'est qu'est la fosse de Cadieux dont tout le moude a entendu parler.

Chaque fois que les canots de l;i compagnie passent au Petit Ho- cher, un vieux voyageur raconte aux jeuues gens l'histoire de Cadieux; les anciens voyageurs qui l'ont déjà entendu raconter aiment toujours à l'entendre, quand ils ue la redisent pas eux- mêmes. Cette fois là, ce fut le vieux Morache, uu ancien guide, qui nous déroula le récit des aventures de Cadieux.

Cadieux était uu voyageur-interprète marié à une Algouquine : il passait d'ordinaire l'hiver à la chasse, et l'été il traitait avec les sauvag3s, pour le compte des marchand. Cet lit au temps des der- nières expéditions des Iroquois : Cadieux avait passé la saison de chasse au portage des Sept-chutes oii il était cabane avec quelques autres familles : ou était alors au mois de nnû, et Cadieux attendait des sauvages de l'Ile et des Courte- Oreille (*), qui devaient des- cendre en même temps que lui jusqu'à Montréal avec des pelleteries,

La plus grande tranquillité réguait dans les cabanes du Petit- rocher, lorsqu'un bon jour un jeune sauvage, qui était allé rôder

(*) Outaouais.

DU CANADA 201

autour des rapides et eu bas du portage, arriva tout essoufflé au milieu des familles dispersées autour des cabaues, eu criant: Nattoué! Nattoué ! Les Iroquois ! Les Iroquois !

Eu effet uu parti de guerre iroquois était, eu ce uioiiieut, à euvirou une lieue en bas du portage des Sept-chutes : ils savaient que c'était le temps les cauots doseeiidaieut la Graude-rivière veuaut des pays de chasse, et ils voulaient /aire coup.

Il u'y avait qu'un seul moyeu d'échapper, c'était de tenter de sauter les rapides, choses à ptui {)rès inouïe; car, coniine le disait le vieux Moraciie, ils )i€ sont pas drus hs canots qui sautent les Sejit- chutes !

Mais ce n'était j)as tout cupuudant, il fallait encore que quelqu'uu restât sur place pour opércn- une diversion, attirer Ic.^. Iroquois dans le bois et les empêcher ainsi, une fois engagés dans le portage, de counaître ce qui était arrivé. Pour qui sait ce que c'était que les Iroquois dans ce temps là, il sera facile de coni]>n;ndre que, sans pareil stratagème, Texameu des traces toutes fraîches laissées par les familles les t;ut fait de suite partager eu deux bandes, dont l'une eut remonté et l'autre descendu la rivière, à la poursuite des fugitifs.

Cadieux, ctjninie le plus capable et le plus entendu de tous, se chargea de la périlleuse mais généreusr mission, prenant avec lui un jeune Algonquin dans le courage et la fidélité duquel il avait une parfaite confiance. Leiu" but atteint, Cailieux et son compagnon se proposaient de prendre le chemin le plus sûr pour rejoindre leurs gens, qui devaient envoyer à leur rencontre en cas d'un trop long retard.

Ou leva les cabanes : une fois les préparatifs faits, Cadieux et sou jeune compagnon armés de leurs fusils, haches et couteaux, munis de quelques provisions, partirent pour aller au-devant des Iroquois. Il était convenu que les cauots laisseraient le couvert de la rive et se lanceraient dans les rajiides, dès qu'on aurait entendu le rapport d'un ou plusieurs coups de fusils dans la direction du portage.

Une heure ne s'était pas écoulée qu'un coup de fusil retentit, suivi bientôt d'un autre, puis de plusieurs. Peudaut cette lutte, au bruit des détouations, les cauots, engagés dans les terriltles courants, bon- dissaient, au milieu des bouillons et de l'écume, plongeaient et se relevaient sur la crête des vagues qui les einjxjrtaient dans leur course. Les habiles canotiers, femmes et hommes, aux deux bouts

202 CHANSONS POPULAIRES

de chaque canot, régularisaient leurs jnouvements, évitaient les pointes acérées des rochers, et tenaient, avec leurs avirons, ces frêles cassots (Vécorce dans les^^efs (Veau propices, indiqués par l'état de la surfiice des onde* et la forme des courants.

On s'était, en partant, recommandé à la honne sainte Anne et on j)riait de cœur tout le temps.

Je n'ai rien vu dans les Sept-chutes, disait dans la suite la femme de Cadieux, qui était une pieuse femme, je n'ai rien vu qu'une Grande Dame Blanclie qui voltigeait devant les canots et nous montrait la route !

Les canots furent sauvés et rendus en peu de jours hors de l'at- teinte des eimemis au Lac-des-Deux-Montagnes. Mais que faisaient Cadieux et son sauvage pendant tout ce temps, et que devinreut-ils? Voici ce qui s'était passé, connne ou l'a su plus tard de quelques L-oquois et des gens envoyés au devant du brave interprète.

Cadieux avait d'abord laissé les Iroquois s'engager dans le por- tage. Après avoir choisi l'endroit le plus favorable pour les tenir hors de la vue de la fivière, il s'était placé eu embuscade à petite portée du sentier, bien caché dans d'épaisses broussailles : il avait de même embusqué s<m sauvage à quelques arpents plus haut, pour faire croire à la présence de plusieurs partis une fois l'afïiiire en train.

Cadieux laissa passer les éclaireurs iroquois, qui furetaient de l'œil les bords du sentier, et les premiers guerriers porteurs des canots, jusqu'à ce que, les ennemis ayant atteint l'endroit occupé par le jeune Algonquin, il euteudit le coup de feu de celui-ci et le cri d'un ennemi atteiut.

Les Iroquois ainsi subitement attaqués bondirent de surprise et tirent halte à l'instant j mais avant même que les porteurs ne se fussent délivrés de leurs charges, un second coup de fusil, tiré par Cadieux au milieu du convoi, abattit un second guerrier.

Il est probable que Cadieux avait donné rendez-vous à son sau- vage dans une espèce de petite savane peu éloigné du portage; car c'est vers cet endroit que tous deux se dirigèrent, eu faisant avec succès le coup de feu à l'abri des taillis.

Les avantages avec lesquels les deux braves faisaient la guerre à leurs nombreux ennemis n'empêchèrent pas, cependant, le jeune

DU CANADA 203

algonquin de tomber sous leurs coui)w : Il ne rejoignit pas Ctidieux au lieu du reudez-vous ; mais il vendit chèrement sa vie.

Fendant truis jours les Troijuois; battirent la Forêt pour retrouver les traces des Familles, ne s'imagiuunt pas même qu'ils eussent pu entrej)reudre la descente des rapides ; pendant trois jours aussi, ils traquèrent le brave voyageur dans les bois. Trois jours et trois nuits qui Furent sans sonuueil et sans repos pour le maliieureux Cadieux! Au bout de ce temps les euvahisseurd, désespérant de rejoindre les Familles et de se rendre maître de leur imprenable adversaire, convaincus du reste (pfils étaient Frustrés du Fruit de leur expéilitioH, remirent leurs canots à l'eau pour redescendre la Grande-rivière.

Plusieurs jours s'étaient écoulés tlepuis le départ des Familles du Petit-rocher, ou avait eu connaissance du retour des Iroquois, et Cadieux n'était pas encore arrivé : trois hommes partirent donc, pour aller à la rencontre de l'interprète et de son compagnon. Ces trois voyageurs remontèrent l'Outaouais jusqu'au Portage-du-fort sans trouver de traces de quoi que ce Fut; ils commencèrent à observer L'S marques du passage des Iroquois et plus haut des signes qu'ils reconnurent comme indiquant que leur 'ami avait séjourné dans le voisinage.

Quand, arrivés au portage des Scpt-chutes, ils trouvèrent un petit abri construit de branches qui paraissait avoir été abandonné : ils résolurent de pousser un peu plus loin leurs recherches, pensant que Cadieux et son camarade avaient peut-être été obligés de remonter la rivière, pour prendre reFuge chez les sauvages de l'Ile.

Deux jours plus tard, c'était le treizième depuis la séparation de Cadieux et des familles, ils revinrent sur leurs pas après avoir con- sulté des sauvages qu'ils rencontrèrent, certains que leurs deux amis étaient rendus au Lac-des-Deux-Montagnes ou morts.

En repassant de nouveau près du Petit-rocher, ils aperçurent de loin, sur le bord du sentier du portage, à côté de la petite lo(/e qu'ils avaient cru abandonnée quelques jours auparavant, une croix de bois dont ils s'approchèrent avec un respect mêlé d'un étonuemeut étrange.

La croix était plantée à la tête d'une fosse, à peine creusée dans le sol, et dans cette fosse gisait le corps encore frais de Cadieux, ?i demi enseveli dans des branches vertes. Les mains da mort étaieiii

20 1 CHANSONS POPULAIRES

jointes sur sa poitrine, sur laquelle reposait un large feuillet il'écorce de bouleau couvert d'écriture.

Les voyageurs prirent cette écorce qui devait leur révdler io iriys- tère de la mort de leur aini et leur eu expliquer les circonstances extraordinaires; celui d'entre eux qui savait lire lut les écritures confiées à ce papier des bois et les relut plusieurs fois, en face du cadavre à peine refroidi du brave Cadieux.

De tout ce qu'ils voyaient et de ce qui était éerit sur cette écorce, les voyageurs conclurent que le pauvre Cadieux, le cerveau épuisé par la fatigue, les veilles, l'iuquiétude et les privations, avait fini, comme c'est presque toujours le cas ilaus ces circonstanciés, par errer à l'aventure jusqu'à ce qu'il fut revenu à l'endroit même d'oi!i il était parti : qu'une fois il avait vécu sans dessein {*), &&\ou. l'expression du vieux IMoracbe, pendant quelques jours, se nour- rissant de fruits et d'un peu de cbasse, sans faire de feu dans sa petite loge lie cr.iiute des Iroquois, allaut s'affail)lissant de jour en jour : que lors de leur passage dans ce lieu. Jeux jours auparavant, il les avait reconnus, après examen ; mais que l'émotion de la joie avait produit sur lui un cboc tel qu'il resta sans parole et sans mou- vement: qu'après leur départ, enfin, ayant per<lu tout espoir, se sentant près de mourir et retrouvant un peu de forces dans ces moments solennels, il avait, après avoir écrit ses derniers adieux au monde des vivants, fait les préparatifs de sa sépulture, mis sa croix sur sa tombe, s'était placé dans sa fosse et avait amoncelé, de son mieux sur lui, ces brancbes dont sou corps était recouvert, pour attendre ainsi dans la prière la mort, qu'il compreuait ne pas devoir Uirder à venir.

Cadieux était voyageur, poète et guerrier; ce qu'il avait écrit, sur l'écorce dont il est parlé, était sou chant de-mort- Avant de se coucber dans cette froide tombe du portage des Sept-cbutes, l'ima- gination de celui qui avait tant vécu avec la nature s'était exaltée, et, comme il avait coutume de composer des chansons de voyageur, il avait écrit sur ce feuillet des bois son dernier chant, (f)

Il s'adresse d'abord, dans cette complainte de la mort, aux êtres

(*) Sans dessein est la traduction d'une expression sauvage qui veut dire : sans plan arrêté, sans souci, sans soin, sans but particulier, sans signification connue.

(f) On écrit sur l'écorce de bouleau, après avoir enlevé quelques feuillets intérieurs, au moyen d'une />oî/t<e ou stylet quelconque d'os ou de métal.

DU CANADA 205

qui l'entoureut pour leur auuoucer sa fia prochaine et ses regrets de quitter la vie ; puis il parle de ses souffrances, des inquiétudes qu'il éprouve pour les familles qu'il réuuit ensemble, dans sa sollicitude, sous le nom collectif d'amis. Il parle de ses terribles appréhensions à la vue de la fumée d'un campement près de sa loge, de sou trop grand contentement de reconnaître des visages français, de sou impuissance à les appeler et à s'élancer vers eux, de leur départ sans s être aperçu de sa présence, et de sa désolation.

Cadieux voit un loup et un corbeau venir flairer son corps malade; par un retour de gaieté de chasseur et d'orgueil de guerrier des forêts, il menace, l'un de son fusil 3t dit à l'autre d'aller se repaître des corps des Iroquois qu'il a tués.

Il charge ensuite le ros-ignol, compagnon de ses nuits saus som- meil, d'aller porter ses adieux à sa femme et h ses enfants qu'il a tant aimés; enfin, comme un bon chrétien qu'il est, il se remet entre les mains de son Créateur et se recommande à la protection de ^larie.

Des voyageurs ont prétendu que Cadieux ne savait pas écrire, et que le fait de ce chant écrit sur de l'écorce ne pouvait être, par conséquent, que le résultat d'un miracle ; mais Cadieux, saus être instruit, savait écrire comme tous les interprêtes de ce temps-là. Toujours est-il que la chose a été vue comme elle est racontée.

Les trois Canadiens pleurèrent eu lisant sur l'écorce ce chant de mort du brave Cadieux. Ils consolidèrent la croix de bois, rem- plirent la fosse qui contenait les restes de cet homme fort, élevèrent un tertre sur cette tombe solitaire et prièrent pour le repos de l'âme de leur ami.

L'écorce sur laquelle était écrite la coynplainte de Cadieux fuj apportée au poste du Lac: les voyageurs adaptèrent un air appro- prié à ce chant si caractéristique de la rude vie de chasseur et de guerrier des bois, si étonnant par les idées et si digne de remarque à cause des circonstances de sa composition. (*)

M. Houde, ancien député, qui a longtemps voyagé sur

(*) Je connais un des descendants du héros de cette histoire, le père André Cadieux, vieillard de 71 ans, qui réside sur les bords du lac ïïuroa. " Cadieux, m'a-t-il dit, était le grand-père de mon grand-père f " (Note de M. Taché.)

206

CHANSONS POPULAIRES

rOttaoua, et qui a passé, lui-même, plus de cent fois au tombeau de Gadieux. m'a chaulé la première version de l'air noté ci-après. La seconde version m'a été chantée par un voyageur de Sorel.

piPi-^Hiiip^=l=P^iii-iigfîiîiii

Pe- lit ro- clier de la hau-te inou-ta- gue, Je vieus i- - ci fi- uir cet- te cam- pa- gue !

^9 g- m I »- à 1*^1 * * '* ^" ^~.^^''^~~ I

Ab ! doux é- cbos, en- tendez mes sou- pirs ; Eu lau-guis- saut je vais bien- tôt mou- rir !

AUTKE VERSIOX :

Pe- tit ro - cber de la hau-te mon- ta- gue, Je vieus i- - ci fi- uir cet- te cam- pa- gue ! Ab! doux é- cbos, eu- tendez mes sou- pirs;

Eu languis- saut je vais bien- tôt mou- rir!

Petit roclier de la haute montagne, Je vieus finir ici cette campagne ! Ah ! doux échos, entendez mes soupirs ; En languissant je vais bientôt mourir I

DU CANADA 20T

Petits oiseaux, vos douces harmonies, Quand vous cbautez, me rattach' à la vie: Ah ! si j'avais des ailes comme vous, Je s'rais heureux avaut qu'il fut deux jours!

Seul en ces bois, que j'ai eu de soucis! Pensant toujours à mes si chers amis, Je demandais : Héhis ! sont-ils noyés? Les Iroquois les auraient-ils tués?

Un de ces jours que, m'étant éloigné,

En revenant je vis une fumée;

Je me suis dit: Ah ! grand Dieu qu'est ceci ?

Les Iroquois m'out-ils pris mon logis'?

Je me suis mis un peu à l'ambassade, Afin de voir si c'était embuscade ;

Alors je vis trois visages français ! .

M'ont mis le cœur d'une trop grande joie !

Mes genoux jilieiit, ma faible voix s'arrête,

Je tombe Hélas ! à partir ils s'apprêtent :

Je reste seul Pas un qui me console,

Quand la mort vient par un si grand désole I

Un loup hurlant vint près de ma cabane Voir si mon feu n'avait plus de boucane j Je lui ai dit : Retire-toi d'ici ; Car, par ma foi, je perc'rai ton habit!

Un noir corbeau, volant à l'aventure, Vient se percher tout près de ma toiture : Je lui ai dit : Mangeur de chair humaine. Va-t'en chercher autre viande que mienne.

308 CHANSONS POPULAIRES

Va-t'en là-bas, <laiis ces Vxiis et marais, Tu truiiveras pliisiems c()r[)s iroquoisj Tu trouveras des chairs, aussi des os ; Va-t'eu plus loiu, laisse -moi eu repos !

Rossignolet va dire à ma maîtresse (*) A mes enfauts qu'un a li; u jeleur laisse; Que j'ai gardé luou amour et ma foi, Et désormais faut reuoucer à moi !

C'est donc ici que le moud' m'abandonne!.... Mais j'ai secours eu vous Sauveur des hommes ! Très-Sainte Vierge, ah! m'abandounez pas, Permettez-moi d'mourir entre vos bras !

(*) Ce mot, dans nos honnêtes chansons, veut toujours dire épouse ou Suacée. (Note de M. Taché.)

DU CANADA 20S

C'ETAIT UNE FRÉGATE

M. Joseph Lavigne, de Sorel, m'a chanté cette jolie chanson, qui n'est qu'une variante emloellie d'Isabeau s'y promène^ quant aux paroles.

--jfz

C'é- tait u- - ne fré- ga- te. Mou jo- li

l:i:^— linrrs , ;^:r|^rjmr=:rr-zzt^z;^r~^T;izrr6z:|i:r:::ir:rz!iiir;^

cœur de ro- se, Dans la mer a tou- clié, Jo- li cœur

> ~

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|=d=§= |zE?=i=Ei=?2=^='=ï=?*Ei=:"2=^

d'un ro- sier. Jo- - li cœur d'un ro-

•: J=zri=Jt*=^ \^=Sz=z-â^= 5«:^î^?-«=rn

Jo- - li cœur d'un ro- sier

C'était uue frégate. Mon joli cœar de rose, Dans la mer a touché, Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Yavait un' demoiselle.

Mon joli cœur de rose,

Su' l'bord d'ia mer pleuré (rait),

Joli cœur d'an rosier, (ter.)

aie CHANSONS POPULAIRES

Dites-moi donc, la belle, Mou joli cœur de rose, Qu'il' vous à tant pleurer ? Joli coeur d'un rosier, (ter.)

Je pleur' mon anneau d'ore, Mon joli cœur de rose, Dans la mer est tombé. Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Que douneriez-vous, belle, Mou joli cœur de rose, Qu'irait vous le chercher ? Joli cœur d'au rosier, (.ter.)

Je suis trop pauvre flUe, Mou joli cœur de rose, Je ne puis rien douuer, Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Qu'mon cœur en mariage, Mon joli cœur de rose, Pour mon anneau doré, Joli cœur d'un rosier, {ter.)

Le galant se dépouille, Mou joli cœur de rose : Dans la mer s'est jeté. Joli cœur d'un rosier, (ter.)

De la première plonge. Mon joli cœur de rose, L'anneau d'or a touché. Joli cœur d'un rosier, (ter.)

DU CANADA 211

De la seconde plonge, Mon joli cœur de rose, L'anneau d'or a sonué, Joli cœur d'un rosier, {ter.)

De la troisième plonge, Mon joli cœur de rose, Le galant s'est noyé.... Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Il allait à la d'rive, Mon joli cœur de rose, Comme un poisson doré. Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Son pèr', sur la fenêtre. Mon joli cœur de rose. Le regardait d'river, Joli cœur d'un rosier, (ter.)

Faut-il, pour une fille. Mon joli cœur de rose, Que mou fils soit uoyé !.... Joli cœur d'un rosier, (ter.)

212

CHANSONS POPULAIRES

JE ME SUIS MIS AU RANG D'AIMER

Entendez-vous les doléances de cet amoureuux qui se plaint des cruautés de sa belle, lui qui ne T avait pas mérité? Attendez un peu, ... .le voilà déjà consolé :

Partons, allons, cliers camarades; Partons, allons vider bouteille 1 Allons y boir' de ce bon vin Qui met l'amour en tête .

Qui ne reconnaît ici un caractère qui appartient à tous les temps, à tous les pays et à toutes les conditions ?

Est-ce bien "le roi Léon" ou " Napoléon " qu'il faut dire, dans le dernier de ces couplets ? C'est une grave question que je laisse aux savants de décider.

Je me suis mis au raug d'ai- mer

Qu'un' seul' fois dans ma vi- e; Mais à pré-

sent je re-cou- nais

D'avoir fait u- ne fo-

li- e D'à- voir ai- - si ten- dre- ment ;

DU CANADA 213

Mais à pré- seat je m'en re- pens

Je me suis mis au rang d'aimer Qu'au' seul' fois dans ma vie ; Mais à présent je reconnais D'avoir fait une folie D'av^oir îiiiiié si tendrement; Mais à présent je m'en repens.

Rossignolet du bois joli, Emport'-moi-t-uue lettre. Emi)ort'-moi-la, oh ! je t'en prie, A mou aimable maîtresse ! Em;)ort'-moi-la, oui, sans mentir, A l'arrivé' du bois joli.

Si la bell' s'informe de moi, De moi fais lui réponse : Tu lui diras qu'j'suis-t-embarqué Pour niviguer sur l'onde: EU' m'a tant fait de cruautés. Moi qui ji'l'avais pas mérité.

Partons, allons, cliers camarades;

Partons, allons vider bouteille !

Allons j boir' de ce bon vin.

Qui met l'amour en tête.

A la santé du roi Léon !

L'anné' qui vient nous reviendrons !

214

CHANSONS POPULAIRES

EN FILANT MA QUENOUILLE

On chante aussi ces couplets sur les airs et avec les refrains de fai vu le loup^ le r'nanl passer, de fai trop graniT peur des loups et de M'en revenant de Saint-André. En France comme ici, on chante ces couplets avec différents refrains, suivant les localités. Une version avec le refrain : Ah ! voyez quelles hardcs que fai! s'y chante sur l'air de Fa, va., va, p'tit bonnet tout rond que nous chantons en Canada.

mmm

*r=ir

-^m^^

Mon père aus- si m'a

t-~-i-zzwzzi^ft=zm^:^a

Gai Ion la, je m'en vais rou-ler ; Un in- ci- vil il

m'a don- né. Je me rou- le, je me rou- le;

'>^^ ^ r— --

:llï=^E

^^^

Gai Ion la, je m'en vais rou-ler En fi-lant ma que-

nouil-le.

DU CANADA 21*

Mon père aussi m'a mariée, Gai Ion la, je m'en vais rouler ; Ua incivil il m'a donné.

Je me roule, je me roule; Gai Ion la, je m'en vais rouler

En ûlant ma quenouille.

Un incivil il m'a donné. Gai Ion la, j'd -l'^u viis rouler, Qui n'a ni jiaille, ni vlenier. Je me roule, etc.

Qui n'a ni maille, ni denier. Gai Ion la, je m'en vais roii'er. Qu'un vieux bâton de vert pommier. Je me roule, etc.

Qu'un vieux bâton de vert pommier, Gai Ion la, je m'en vais rouler, Avec (luoi m'ca bat les côtés. Je me roule, etc.

Avec quoi m'en bat les côtés, Gai Ion la, je m'en vais rouler. Si vous ra'battezje m'en irai! Je me roule, etc.

Si vous m'battez je m'en irai, Gai Ion la, je m'en vais rouler j Je m'en irai au bois jouer. Je me roule, etc.

216 CHANSONS POPULAIRES

Je lu'eu irai au bois jouer, Gai Ion la, je m'eu vais rouler, Le jeu de carte', aussi de dés.

Je me roule, je me roule ; Gai Ion la, je m'en vais rouler

En filant ma quenouille.

DU CANADA

217

AH! JE M'EN VAIS ENTRER EN DANSE

La ronde que l'on va lire est supposée être chantée par une jeune fille. Mais si le centre de la chaîne est occupé par un garçon, on fait quelques changements dans les paroles ; ainsi, au lieu de : Ce beau monsieur, on dit : Cetf demoiselle^ etc. On change aussi, dans ce cas, deux vers du troisième couplet : au lieu de :

En vous fiiisant. la révérence :

Ça vous plairait-il de m'aimer ?. . . .

on dit :

Présentez-moi votre main blanche, Avecque moi venez danser.

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Ah ! je m'en vais en- trer en dan- se : C'est pour

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uu a- mant clier- cher.

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Je me re- touru', je me re-

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vir'jj'en n'ai pas trou- de mon gré. Ali ! je ne puis, gai,

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gai, Ab ! je ne puis m'en al- - 1er

Ali ! je m'en vais entrer en danse :

C'est pour un amant chercher.

Je me retourn', je me revire ;

J'en n'ai pas trouvé de mon gré. Ah! je ne puis, gai, gai, Ah ! je ne puis m'en aller.

218 CHANSONS POPULAIRES

Je me retourn', je me revire; J'en n'ai pas trouvé de mon gré. Ah! j'en vois iiu de bonne mine: Je vais aller le demander. Ali ! je ne puis, etc.

Ah ! j'en vois un de bonne mine : Je vais aller le demander. En vous faisant la révérence: Ça vous plaîrait-il de in'aimer? Ah ! je ne puis, etc.

En vous faisant la révérence: Ça vous plairait-il de m'aimer? Ah ! je vois bien par votre mine Que c'est bien moi que vous aimez. Ah ! je ne puis, gai, gai. Ah! je ne puis m'en aller.

Ou bien, si la danseuse n'est pas agréée :

En vous faisant la révérence : Ça vous plairait-il de m'aimer ? Ah! regardez ce beau monsieur: II n'a pas daigné me saluer ! Ah ! je ne puis, etc.

Ah! regardez ce beau monsieur : Il n'a pas daigné me saluer ! Je le vois bien à votre mine : Ce n'est pas moi que vous aimez. Ah ! je ne puis, etc.

Je le vois bien à votre mine : Ce n'est pas moi que vous aimez. Ah ! retournez à votre place : Un autre amant je vais chercher. Ah ! je ne puis, gai, gai, Ah ! je ne puis m'en aller.

DU CANADA

219

C'EST LA PLUS BELLE DE CEANS

L'expression : de céans est vraiment trop recherchée pour ne pas être plus ou moins travestie par les chanteurs populaires. En général, ou dit:

C'est la plus belle de Sion,

C'est par la maia nous la tenons. ...

C'est la plus bel- le de ce- ans, C'est la plus

bel- le de ce- |_aus, C'est par la maia je vous

fc!i=i=:

SË^g£5ËJ5ÊJÊ=g^Ê^i3gi;gi3s

preuJsjC'est par la inaiu je vous la prends. EU' va

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pas- ser par der- riè- re, Rara'nez vos mou-tons, ber-

-3- s— à ^ 2_zrrp=" 4.— ^vT^:

]~-s--

-.m-

gè- re ; Ea-me-uez, ram'nez, ra-me-nez, bel- le, Ra-me-nez

zzzM

-rq"!

vos mou-tons des champs.

AUTRE VERSION :

u}—a ~ ih * >— I _ _ m

^ 1^ f0-

-m--r-

C'est la plus bel- le de ce- ans, C'est la plus

220

CHANSONS POPULAIRlilS

bel- le de ce- - ans, Par la maiu je vous la

preuds, Par la maiu je vous la prends.

i:!>i

=?•:

Ililîlllilill

EU' va pas- ser par der- rièr'- re, Ra- me- nez vos mou-tous ber- gè-i-e; Ra-menez, ra-me-uez, ra-me-nez,

I i*-

:sz=3= bel- le, Ra-me-nez vos moutous des champs.

C'est la plus belle de céans, (bis) C'est par la maiu je vous la preuds. (bis) Eli' va passer par derrière, Ram'nez vos montons, bergère ; Ramenez, ram'nez, ramenez, belle, Ramenez vos moutous des champa.

DU CANADA 221

C'EST LE BON VIN QUI DANSE

Toutes ces rondes nous viennent de France. Celle-ci il est question de vin et de raisin, laisse deviner faci- lement son origine étrangère. Il n'en serait pas ainsi s'il n'y était question que de vin seulement. Nos paysans ne font pas usage de vin, il est vrai, mais comme, dans les chansons qui nous viennent de France, ce mol vin revient très-souvent, ils l'emploient, à leur tour, dans les chansons qu'ils composent eux-môme ; ainsi, il y a dans Le pHit bois cVVail :

Du vin dans ma bouteille J'en ai ben quand je veux....

mais ils n'emploient ce mot que comme terme générique et plus poétique pour indiquer toute espèce de liqueur

forte.

«

La mélodie de cette ronde est très-bien. Ces deux parties alternantes, dont l'une grave et l'autre élevée, rappellent la formule psalmodiqne du '' huitième ton", bien connue de tous nos chantres d'égUse, et indiquée GG dans les ves- péraux en usage dans la province.

ÈËi^i=llt=iilli^il=^^^

Ce n'est point du rai- - sin pour- ri,

222

CHANSONS POPULAIRES

C'est le l»ou viu qui dau- - se! C'est le bon

viu qui danse i- - ci, C'est le bon vin qui dan- - se.

Ce n'est point du raisin pourii, C'est le bou viu qui dause ! C'est le bou viu qui dau se ici, C'est le bou viu qui dause.

Pass' par ici-t-et moi par là, Ce n'est poiut de mes amourettes! Ce n'est poiut de mes amourett' ici, Ce n'est point de mes amourettes.

DU CANADA 223

J'ENTENDS LE MOULIN TIQUE, TIQUE, TAQUE

Celui qui occupe le milieu du rond a un bandeau sur les 3^eux. Les danseurs qui forment la chaîne tournent autour de lui en chantant, jusqu'à ce qu'il lui plaise de frapper le plancher d'un bâton qu'il tient à la main. Chacun s'arrête alors, et il lève aussitôt son bâton, de l'extrémité duquel il touche le danseur ou la danseuse vis-à-vis de qui il se trouve. S'il peut nommer la personne qu'il a ainsi touchée, celle-ci le délivre de son bandeau et vient prendre sa place; sinon, la chaîne recommence à tourner et il lui faut, de son côté, recommencer l'épreuve.

Il est aussi une autre manière d'exécuter cette ronde. On dispose autour de la chambre un nombre de sièges égal à celui des danseurs, moins un ; celui qui tient le milieu du rond n'a pas alors de bandeau ; lorsqu'il frappe le plancher de son bâton, chacun court vite s'asseoir, et celui qui n'a pas été assez vif pour se pourvoir d'un sié^-e paie un gage.

S3Z_?r ?-— ^ P "^ S 0 S m -=::3-*z:z

J'eu-teuds le mou- lin, ti- que, ti- que, ta- que,

FIN.

gi— F=-— ? l-S U ^-g— ^— >tzr?~

J'enteud le mou-lki ta- que. Ti-que, ti-que, ta-que,

224

CHANSONS POPULAIRES

» H

Ti-que, ti-que, ta-que, Ti-que, ti-que, ta-que, ta- que-té. D.C*

On adapte aussi à cette mélodie les paroles de Mbn père a fait bâlir maison :

n 9 m g m I

J'eu-teuds le inou- liu, ti-que, ti-que, ta-que,

FIN.

J'euteuds le mou -liu, ta- que- té. Mou père a fait bâ-

H>

-h'>-^:j

i-z:S-~

:--i--m ----!---:-.

--■=:T-=z

tir mai- sou, J'eu- tends le mou- liu

ta- que,

L'a fait bà- tir à trois piguous, Ti-que, ta-que, ti-que, iSËÊiiii D.a.

ta- que.

DU CANADA 225

SUR LE PONT DE NANTES

Je demandais à une vieille femme de la campagne, qui me chantait cette ronde : Est-ce bien " saluez qui vous plaira " ou " embrassez qui vous plaira " que vous dites dans vos réunions ?

" Faut croire, me répondit-elle, qu'on disait embrassez dans l'ancien temps, puisqu'on chante quelquefois comme cela ; mais, lorsqu'on chante pour danser, on dit toujours saluez. J'suis pourtant plus Jeune, et cependant je n'ai jamais vu faire autrement que le salut dans les danses rondes."

A la ville, ces rondes étaient dansées autrefois, on était souvent moins scrupuleux ; mais alors on était mal noté, et on s'exposait à faire jaser sur son compte.

lie plus souvent, ces rondes ne sont dansées que par les petits enfants, ou ne sont que simplement chantées. Qui de nous n'a pas été bercé au chant de fai tant rrenfants a marier^ Ah! qui marierons-nous 1 Cest le bon vin qui danse, C'est la plus belle de céans, etc .... ?

M. Charles Nisard a dit, en parlant des rondes en gé- néral : Il ne faut pas en dire trop de mal ; elles nous ont endormis au berceau ; elles ont amusé notre adolescence. Chantées sous les yeux d'un père ou d'une mère en l'hon" neur de quelque joyeux anniversaire, elles se rattachent aux souvenirs de famille les plus doux et à la fois les plus

226 CHANSONS POPULAIRES

respectables. Arrivés à l'âge mûr, nous ne pouvons plus les entendre ni mAmo les lire sans émotions." (Hist. des livres populaires ou de la littérature du colportage, p. 300, t. 2d.)

Sur le .pout de Nan- - tes Ma- ri- on,

Ma- ri- on dan- - se De sur le pont qu'i' ya là-

*==iïiiiiPiiiiiïiîiriiiiÉiii^i

bas, Ma- ri- on, Ma- ri- ou dau- se- ra.

Sur le pout de Nantes

Marioii, Mariou danse .

De sur le pont qu'i' ja là-bas Marion, Mariou dausera.

Bergère, entrez eu danse !

Marion, Marion danse

Et saluez qui vous plaira, Marion, Marion dansera.

DU CANADA 227

BONHOMME, BONHOMME, QUE SAIS-TU DONC FAIRE ?

Cette ronde est très-bruyante. Lorsque le chanteur dit :

Sais-tu bien jouer Du geuoux i)iir terre?

Chacun doit frapper le plancher du genoux jusqu'à ce qu'onreprenne :

Ali! ail! ah!

Du geuoux par terre !

Puis, après le genoux, vient le coude par terre^ l'épaule par terrc^ le front par terre, etc.

Quelquefois on se contente d'exécuter une pantomine un peu plus facile, comme d'imiter le joueur de flûte, (sais-tu bien jouer delà mistanflûte ?) le joueur de tam- bour, etc.

Une variante de cette ronde se chante dans le Cam- brésis, en France. L'air ressemble au nôtre, mais il s'arrête avec la douzième mesure. Notre version est plus complète et assurément plus jolie.

Boii-liomme, boo- liom-me, que sais-tu donc

-b» -

fai- re? Sais-tu bieu jou- er Du genoux par

228

CHANSONS POPULAIRES

ict^-^ z::>— --| N ^^c:

=il=i)=S=

iyii31pl=g=i^^îl

ter- re! Ter-re, ter-re, ter- re, Du ge-noux par

tlî=i

=^^^^

i^=ff:

ter- re, Ah ! ah ! ah !

ter- re !

P ^ i^ =! -J

Du ge-noux par

Bouhomme, boiil)onime, Que sais-tu doue faire? Sais-tu bien jouer Du genoux par terre ? Terre, terre, terre, Du genoux par terre, Ah ! ail ! ah ! Du genoux par terre !

DU CANADA 229

QUI VEUT MANGER DU LIEVRE

Je ne connais rien pour guérir de la dyspepsie ou du spleen anglais comme de courir le lièvre. Ou fait asseoir deux personnes sur deux chaises placées l'uue vis-à-vis de l'autre et séparées par une distance de quelques pieds' Debout, les mains sur les dossiers des chaises, se tiennent deux jeunes gens, représentant un chasseur et un lièvre, qui n'attendent que le signal convenu pour courir l'un après l'autre. Quelqu'un de la compagnie se met alors à chanter :

Qui veut manger du lièvre N'a qu'à coui'ir adirés

Celui qui fait le chasseur bondit à la première note et se met à la poursuite du lièvre, qui se sauve de son mieux en tournant auLour des deux chaises. Il est permis de changer brusquement le sens de la course, de tourner subitement à droite après avoir couru à gauche, mais ni l'un ni l'autre des coureurs n'a droit de passer entre les deux chaises.

Lorsque le chanteur dit: Accorde^ accorde! cela équi- vaut à un armistice : les coureurs doivent s'arrêter aussi- tôt et s'appuyer les mains sur les dossiers des chaises, chacun la sienne, jusqu'à ce que le couplet qui com- mence par ces mots soit terminé et qu'on en ait com- mencé un autre. Or, comme ces couplets se chantent sans ordre régulier, on comprend que le chanteur a ici les pré-

230 CHANSONS POPULAIRES

rogcilives d'un président d'assemblée législative, et qu'il peut souvent favoriser la partie pour laquelle il a le plus de sympathie; ainsi, il peut fort bien, lorsqu'il voit le chasseur sur le point d'atteindre sa proie, chanter aussitôt : Accorde, accorde! pour favoriser celle-ci.

Un des refrains de cette ronde a évidemment quelque lien de parenté avec ce refrain de La petite Zingère, que l'on chante en France, dans le Poitou et l'Angouniois :

A-t-oii jamais vu Coudre, aussi lu'uu coudre ? A-t-ou jamais vu Coudre si meuu ?

Qui veut mau- ger du lièvr' N'a qu'à cou- rir a- près. Coure a- près ton lièvr', Là- bas, daus

Refrain.

ces tb- rets. La belle, en vous ai- mant, Per-drai- je mes pei-ues? Moi qui vous ai- me tant, Per-drai-

'^lilliliilili -

je mou temps?

AUTRE REFKAIN :

C'est mou a- - que je veux, Cou- rous

DQ CANADA 231

tous en- sem-blej C'est mou a- - mi que je veux, Cou-rous tous les deux.

AUTRE KliFUAIN :

A-t-ou jamais vu Cou-rir, taut cou- ri- re ? A-t-ou j a-mais vu Cou- rir si me- - uu ?

Qui veut manger du lièvre N'a qu'à courir après. Coure après ton lièvre, Là-bas, dans ces forêts. La belle, en vous aimant, Perdrai -je mes peines f Moi qui vous aime tant, Perdrai-je mon temps?

Attrappe, attrappe, attràppel Attrappe si tu peux! Si tu u'attrappes pas Ton lièvr' gagn'ra le bois.

La belle, en vous aimant, etc.

Accorde, accorde, accorde !

Accorde sur le champ!

Si tu n'accordes pas

Ton lièvr' gagn'ra le bois. La belle, en vous aimant, Perdrai-je mes peines ? Moi qui vous aime tant, Perdrai-je mon temps?

232 CHANSONS POPULAIRES

Atrnuo refrain:

C'est mot! ami que je veux, Courons tous ensemble; C'est mou ami que je veux, Courons tous les deux.

AUTRE RF.FRAIN:

A-t-ou jamais vu Courir, taut courire? A-t-ou jamais vu Courir si mena 9

DU CANADA 233

JAMAIS JE NOURRIRAI DE GEAI

J'ai fait dernièrement un séjour à la campagne que j'ai bien allongé de près d'une semaine, uniquement pour faire chanter les anciens voyageurs^ les jeunes filles et les vieilles femmes. " Ah ! me disait une de ces femmes, si vous pouviez rester ici encore quelques jours: j'ai une de mes brus qui demeure à Saint-B * * * et qui doit venir

nous voir dimanche qui vient Ça, c'est une belle

chanteuse ! "

J'attendis la belle chanteuse : une grosse jofQue qui louchait d'un œil; fort bonne femme d'ailleurs, et qui, d'une voix nasillarde et sur un ton excessivement élevé, me chanta des romances de la ville, dont je n'ai que faire, en prononçant les e muets en a, et les r à l'anglaise.

Un autre me dit : " Tenez, si vous voulez avoir de jolies chansons, allez voir P'tit-José-Baptiste : c'est lui qui en sait ! "

Ce n'était pas la première fois que j'entendais parler de P'tit-José-Baptiste comme d'un chanteur émérite; je résolus de me rendre chez lui, quoiqu'il demeurât à une bonne distance. J'étais sûr d'une ample moisson: je bourrai mon carton d'un papier sillonné de portées, tout prêt à recevoir et à conserver pour les siècles futurs le ré- pertoire si varié et si vanté du célèbre chanteur. J'arrive

.0 Renommée ! c'est bien un de tes coups ! Mon

homme ne savait rien, absolument rien que quelques

234 CHANSONS POPULAIRES

fragments tronqués, informes, de cantiques et de psaumes- quelques refrains écornés de chansons. Il me reçut très' poliment et s'excusa de ne pouvoir me rendre service- " Mais, ajouta-t-il, si vous voulez entendre de belles chan- sons,—des vraies belles, vous n'avez qu'à aller chez mon oncle Pierrot-Paul-Antoine, à trois lieues d'ici : il peut vous en chanter pendant huit jours ! "

Mais s'il y a quelqu'ennui à recueillir les poésies et les chants du peuple, il y a aussi des jouissances véritables pour faire compensation. Et parmi ces jouissances, il en est peru que je goûte autant que celle d'entendre prononcer le nom d'une ville, d'une place forte, d'un port de mer du beau pays de France par ces bons paysans canadiens, qui chantent encore, souvent sans y penser, le doux pays leurs pères vécurent, travaillèrent et aimèrent, fidèles à Dieu, à leur roi et à leur patrie.

Le Canada ne manque pas d'attraits pour le visiteur étranger ; mais je ne crois pas que rien ne soit plus propre à impressionner délicieusement le voyageur français' qu'une de ces joyeuses scènes de la vie de nos campa- gnes, une cpluchclte de bled-d'Iiule^ par exemple, il en- tendrait chanter : Sur le pont d'iu/^uo?i,— Dans les pri- sons de Nantes^ M'en revenant de la jolie Rochelle^ C'est dans la ville de Rouen^ A Saint-Malo^ beau port de mer.,.; ou bien encore ce couplet de la chanson qui va suivre :

Je m'en irai dedans Paris Pour fonder une école ; Toutes les dames de Paris Viendront à mou école.... etc.

DU CANADA

235

J'ai bieu uourri le geai sept ans Dedans ma ca-

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de :

Au bont de la sep- tiènie an- né'

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Mon geai a pris son vol, oli ! gai. Ja- mais je nour- ri-

rai des geai, De gejii ja-mais je nour- ri- rai.

J'ai bien nourri le goai sept; ans

Dedans ma câiio rondo ;

Au bout de la septième année

Mon geai :i j)ris son vol, oh ! gai. Jamais je nourrirai do geai, De geai jamais je nourrirai.

Au bout de la septième année Mon geai a pris son vole. Reviens mon geai, mon joli geai, Dedans ma cage ronde, oh ! gai. Jamais je nourrirai, etc.

Reviens mon geai, mon joli geai, Dedans ma cage ronde ; Mon petit geai me fit réponse: Je veux faire le drôle, oh ! gai, Jamais je nourrirai, etc.

Mon petit geai me fit réponse : Je veux faire le drôle. Je m'en irai dedans Paris Pour fonder iine école, oh ! gai. Jamair je nourrirai, etc.

238 CHANSONS POPULAIRES

Je m'en irai dedans Paris Pour fonder une école. Toutes les dames de Paris Viendront à mon école, oh ! gai Jamais je nourrirai, etc.

Toutes les dames de Paris

Viendront à mon école.

Je clioisirai la plus jolie,

Je renverrai les auti's, oli ! gai. Jamais je nourrirai de geai, De geai jamais je uourriraL

DU CANADA

237

JAMAIS JE NOURRIRAI DE GEAI

(Autre air)

L'air qui précède a été recueilli dans le district des Trois-Rivières ; celui-ci m'a été chanté par un ancien ha bitant de l'Ile d'Orléans. L'inversion toute gracieuse du refrain :

Jamais je nourrirai de geai, De geai jamais je uourrirai.

pourrait prouver, au besoin, que cette forme de langage, dont les poètes ont tant usé et abusé, n'est pas une de ces beautés de convention auxquelles chacun de nous paie tous les jours, sans s'en douter, un tribut d'admiration factice. L'inversion seule peut, bien réellement, donner mie couleur poétique à une phrase qui, sans elle, en serait dénuée. Mais les poètes, à mon avis, usent un peu large- ment de la recette ; aujourd'hui, la lecture d'une pièce de vers est souvent un véritable travail de construction.

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J'ai bien uour- ri le geai sept ans De- dans ma

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rai de geai, De geai ja- - mais je nour-ri- rai.

238 CHANSONS POPULAIRES

LA GUIGNOLEE

Ce chant de la GuignoUe^ si remarquable à cause de l'antiquité de son origine, a eu le privilège d'occuper l'at- tention de plusieurs de nos meilleurs écrivains canadiens. L'honorable monsieur P. J. 0. Ghauveau y a consacré quelques lignes dans une des charmantes " petites revues" de son Journal de Vlnslritction Publique^ et monsieur J. C. Taché, dans les Soirées Canadiennes^ en a fait l'objet d'une notice intéressante que je reproduis ici :

" Ce mot La Ignolée, dit ^î. Taché, désigne à la fois une coutume et une chanson : apportées de France par nos ancêtres, elles sont aujourd'hui presqu'entièrement tom» bées dans l'oubli.

" Cette coutume consistait à faire par les maisons, la veille du jour de Tan, une quête pour les pauvres (dans quelques endroits on recueillait de la cire pour les cierges des autels) en chantant un refrain qui variait selon les localités, refrain dans lequel entrait le mot La Ignolée^ Guillonée^ la Guillona, Aguilanleu,., suivant les dialectes des diverses provinces de France cette coutume s'était con- servée des anciennes moeurs gauloises.

" M. Ampère, rapporteur du Comité de la langue, de Vhistoire et des arts de la France, etc., a dit au sujet de cette

DU CANADA 239

chanson : " Un refrain, peut-être la seule trace de sou- " venirs qui remontent à l'époque druidique."

" Il ne peut y avoir de doute sur le fait que cette cou- tume et ce refrain aient pour origine première la cueil- lette du gui, sur les chênes des forêts sacrées, et le cri de réjouissance que poussaient les prêtres de la Gaule drui- dique : Au gui l'an ncuf^ quand la plante bénie tombait sous la faucille d'or des Druides.

" Dans nos campagnes, c'était toujours une quête pour les pauvres qu'on faisait, dans laquelle la pièce de choix était un morceau de l'échiné du porc, avec la queue y tenant, qu'on appelait Véchicjnée ou la chignce. Les enfants criaient à l'avance en précédant le cortège : la Ignolêe qui vient! 0\\ préparait alors sur une table une collation pour ceux qui voulaient en profiter et les dons pour les pauvres.

" Les Ignoleux, arrivés à une maison, battaient devant la porte, avec de longs bâtons, la mesure enchantant: jamais ils ne pénétraient dans le logis avant que le maître et la maîtresse de la maison, ou leurs représentants, ne vinssent en grande cérémonie leur ouvrir la porte et les inviter à entrer. On prenait quoique chose, on recevait les dons dans une poche qu'on allait vider ensuite dans une voiture qui suivait la troupe; puis on s'acheminait vers une autre maison, escorté de tous les enfants et de

tous les chiens du voisinage, tant la joie était grande

et générale!

" Voici la chanson de La Ignolée, telle qu'on la chantait

240 CHANSONS POPL'LAIRKS

encore on Canada, il y a (]n(3l'ines années, dans les parois- ses (hi Bas du Fleuve :

" lîoii.joar le inaître et la maîtresse Er iims les gens de la inaisou. Nous avons t'ait une [troinesse De v'nir vous voir une fois l'an.

Un' fois Tan (!e n'est pas grand' cliose

Qu'nn petit morceau de chignée.

''Un petit morceau de chignée,

Si vous voulez. Si vous voulez rien nous donner,

Ditys-nous lé. Nous prendrons la filie aînée, Nous y ferons chantier les pieds ! La Ignolée ! La Ignoloche ! Pour mettre du lard dans ma poche !

" Nous ne demandons pas grand' chose

Pour l'arrivée. Vingt-cinq ou treut' pieds de chignée

Si vous voulez.

" Nous sommes cinq ou six bons drôles, Et si noti'e chant n'vous plaît pas Nous ferons du feu dans les bois,

Etant à l'ombre ; On entendra chanter l'coucou Et la coulombe ! "

*' Le christianisme avait accepté la coutume druidique la sanctifiant par la charité, comme il avait laissé sub-

DU CANADA 241

sister les menhirs en les couronnant d'une croix. Il est probable que ces vers étranges :

Nous prcti lirons la fille aiiiée, Nous y ferons chauffer les pieds!

sont un reste d'allusions aux sacrifices humains de l'an- cien cuite gaulois. Cela rappelle le chant de Velléda, dans les Martyrs de Chateaubriand : " Teutatès veut du sang... au premier jour du siècle ... .il a parlé dans le chêne des Druides!" [Soirées Canadiennes^ année 1863.)

L'air sur lequel se chantent ces fragments consiste en quelques phrases musicales sur lesquelles la poésie s'ajuste tant bien que mal, tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre de ces phrases, sans ordre régulier.

Celte coutume traditionnelle de courir la Ignolée, si bien décrite par M. Taché, finit par perdre beaucoup de son caractère. Il y a une vingtaine d'années, le maire de Mont- réal donnait à des jeunes gens, la veille du jour de l'an, des permis de courir la Ignolée, sans lesquels on s'exposait à avoir affaire à la police. Cette mesure de précaution n'empêchait cependant pas toujours les désordres : lorsque, par exemple, deux Guignolées se rencontraient, pour peu qu'on se fût grisé en chemin, il y avait bataille, et les vainqueurs grossissaient leurs trésors du butin des vaincus.

M. Adélard Boucher, m'écrivait de JMontréal, l'an der- nier :

"....,.. .Je suis loin d'oublier la Ignolée, qui se pro- nonce ici, universellement, Giagnolée. Malheureusement, toutes mes démarches, jusqu'à présent, n'ont abouti à rien d'utile. Tout le monde sait les premiers vers, rien

242 CHANSONS POPULAIRES

de plus. L'usage s'en passe à Montréal comme à Québec. Jadis ce chant était suivi de quêtes eu faveur des pauvres de la localité sérénndce. Aujoiinriiui les artistes chanteurs se constituent eux-mêmes les pauvres, et transforment en copieuses libations les aumônes qu'il réussissent encore à prélever de leurs dupes. Ce secret dévoilé a refroidi, comme vous pouvez bien le penser, les sympathies des cœurs charitables, ut, aujourdluii, artistes et pauvres ex- ploitent avec un mince succès " La Gaigaolée." En attendant le texte fidèle de ce chant remarquable, en voici, de mémoire, à peu près la substance : "

Solo.

8 va.

ffff Tutti Vociferando. Solo.

-m—s> I •— » <»~i»~;

D.C.

En France, dans le Vendômois, " tous les enfants cou- rent les rues, le premier jour de l'an, et disent à ceux qu'ils rencontrent: " Donnez-moi ma gui-Van-neiC Dans le Maine, le peuple court aussi les rues, la nuit qui pré- cède le premier jour de l'an, chante des chansons aux portes des particuliers, et les termine par demander

DU CANADA 24S

quelque choses pour la gui-V an-neu^ (C. Leber, Collection de pièces relatives à l'histoire de France^ p. 37, t. III.)

On aimera sans doute à connaître une Guignolée fran- çaise, et on lira avec intérêt l'article et la chanson qui suivent, tirés d'un almanach publié ù Paris {U Illustration^ année 1855) :

LA GUILLANNÉE.

" La guillannée, gui. Van néou! gui! l'an neuf! se fait de la manière suivante dans les contrées, méridionales. Le 31 décembre au soir, des groupes d'enfants, de jeunes gens, de mendiants, vont, à la lueur d'un flambeau, de porte en porte, aussi bien dans les campagnes que dans les villes, quêter un présent en l'honneur de l'an nouveau, en entonnant des complaintes ou des légendes en mauvais français, finissant toutes par ces mots ou par des équiva- lents : donnez-nous la guillannée !

" Les présents qui leur sont accordés consistent quel- quefois en monnaie, le plus souvent en provisions de bouche, fruits, viande de porc, etc.

" Voici une des légendes chantées par les quêteurs:

" Le fil3 du roi s'en va chasser (&îs) Dans la forêt d'Hongrie ; Ali ! donnez-nous la guillannée, Monseigneur, je vous prie !

244 CHANSONS POPULAIRES

" Ayant chassé et recliassé, (bis) Il n'a pas fait grand' prie ; Ali ! donnez-nous, etc.

" Il n'a trouvé qu'un nid d'oisean, (bis) Qui s'appelle la Trie. Ah ! donnez-nous, etc.

" De cinq qu'il y a, prend le plus beau, {bis) Et le porte à sa mie. Ah ! donnez-nous, etc.

" Qui l'a gardé pendant sept ans (bis) Dedans une gabie. Ah ! donnez-nous, etc.

" Pendant sept ans il y est resté, {bis) Menant bitni triste vie. Ah! donnez-nous, etc.

" Va, retourne, petit oiseau, (bis) Va, retourne à ta mie. Ah ! donnez-nous, etc.

" Ainsi que lui, ne reviens pas {bis) Dedans cette gabie. Ali ! donnez-nous la gnilhmuée, Monseigneur, je vous prie ! "

Tous les auteurs français que j'ai pu consulter sur la matière s'accordent à donner une origine gauloise à la

DU CANADA -U':

coutume et aux chansons désignées à la fois par ce mot de Guignolée ou Guillannée. Aujourd'hui encore, dans l'ancienne province du Perche, d'où sont venus les ancê- tres d'un grand nombre de familles canadiennes, on appelle les présents dii jour de l'an: les éguilas; or la coutume druidique étant de distribuer le gui de l'an neuf " par formes d'étrennes, au commencement de l'année," il est évident que de vient ce nom de éguilas (ou égui- labiés, comme on dit à Chartres,) donné aux cadeaux du nouvel an.

Le gui est une plante parasite qui nait sur le chêne, sur le pommier, sur le prunier, sur l'acacia d'Amérique, sur le hêtre, sur l'yeuse, sur le châtaigner et sur plusieurs autres arbres. L'histoire de la puissance mystérieuse de cette plante est racontée en détail dans VEdda des Scandi- naves, le livre qui contient le plus de renseignements sur le culte druidique.

On sait que, environ six cents ans avant Jésus-Christ, les Cimbres ou Kimris, qui habitaient la Crimée, firent éruption sur l'Europe septentrionale et occidentale et s'établireni successivement dans les divers pays compris entre la Scandinavie, les Alpes et les Pyrénées. Ce furent ces peuples qui apportèrent le druidisme dans la Gaule. Il paraît que l'olympe des Cimbres, comme l'olympe des Grecs et des Romains contenait une société k mœurg joliment douteuses. Quoi qu'il en soit, une nuit, Balder, qui était le soleil, ni plus ni moins, eut un songe qui lui annonçait que sa vie était en danger. Il raconte son fait aux autres dieux, qui font avec Balder alliance offensive et défensive.

246 CHANSONS POPULAIRES

Une vraie brave femme do déesse qui avait nom Fréa, mariée à un dieu nommé Odin, fit faire serment au feu, à l'eau, au vent et à tout ce qui constitue les règnes animal, végétal et minéral de ne pas faire une égratignure au susdit Baldn". Cela étant, tous les dieux se faisaient un amusement, dans leurs grandes assemblées, de lancer toute espèce de projectiles au fortuné Balder que rien ne pouvait blesser et qui prenait un singulier plaisir à cet amusement d'un nouveau genre. Malheureusement, il y avait de par l'olympe un vilain garnement, fourbe, hypo- crite et envieux, au demeurant assez joli garçon, que ce jeu-là n'amusait pas ; il s'appelait Loke. Déguisé en vieille femme, il se rend au palais de Fréa. La déesse un peu curieuse et un peu parleuse, lui demande si elle sait ce qui occupe le plus le conseil des dieux. Les dieux, répond la vieille, jettent des traits et des pierres à Balder. Et ni les armes de métal ni les armes de bois ne peuvent lui être mortelles, ajoute Fréa, car j'ai leur serment. Quoi ! dit la vieille, est-ce que toutes les choses qui exis- tent vous ont fait le même serment ?— Oui, réplique Fréa, excepté pourtant un petit arbuste qui croît au côté occi- dental du Valhalla (palais d'Odin), et qu'on nomme Mislil Teinn (gui), à qui je n'ai pas voulu demander de serment

parce qu'il m'a paru trop jeune et trop faible La vieille

en savait assez. Loke reprenant sa forme naturelle s'en va vite arracher l'arbuste par la racine et s'en revient de l'air le plus innocent du monde prendre sa place au milieu des dieux. Or, parmi ces dieux, il en était un nommé Hoder qui était aveugle. Loke s'approche de lui et lui dit:—" Pourquoi ne lancez-vous pas aussi quelques traits

DU CANADA 247

à Balder? Prenez ceci et, faites comme les autres; je vais vous indiquer il se trouve." Hoder ayant donc pris le gui, et Loke lui dirigeant la main, '41 le lança à Balder, qui en fut percé de part en part, et tomba sans vie ; et l'on n'avait jamais vu parmi les dieux ni parmi les hom- mes un crime plus atroce que celui-là. . . ."

" La fable de Balder (le Bélen des Gaulois) dit M. B. Clavel, explique le motif de cette reclierche solennelle du gui du chêne. On comprend qu'elle avait pour objet de priver le dieu mauvais, qui représentait chez nos pères le Loke des Scandinaves, des moyens de tuer Bélen (le soleil)."

" De uos jours encore, coutiune M. Clavel, il s'est conservé dans quelques lieux du vuisiiia^^e de liordeaux des vestiiçiîs de cette cou- tiune druidique (la recherche du gui) : des jeunes gens hizarremeut vêtus vont en troupe, le premier janvier, couper des lirauulies de cliêne, dont ils tressent des couronnes, et reviennent, entonner des chansons qu'ils appellent guilanus. Il en est de niêuie juaMii les ]>euplesdu Holsteiu, en Allemagne, qui appellent le gui iiiarentaken, rameau des spectres. Les jeunes gens y vont, au conmnjncement de Vannée, frapper les })ortes et les fenêtres des maisons en criant : Chithijl! (gui)." Histoire des Gaules, p. 18.)

" Le graml sacrifice du gui de l'an neuf se faisait avec beaucoup de céréniouies près de Chartres, le sixième jour de la lune, qui était le comineuceuient de l'année des Gaulois, suivant leur manière de compter par les nuits, ad vlscum druidœ clamare solebant, dit Pline.'' (C. Leber, ouvrage déjà cité, p. 21, t. IIL)

De toutes ces traditions nous n'avons importé, en Ca- nada, que la mascarade du 1er janvier et le chant de la Guignolée ; mais dans plusieurs pays d'Europe, le gui ou rameau des spectres est encore un objet de vénération auquel on attribue une grande puissance. (Voir Mallet, Intro-

•24S CHANSONS POP: LAIRES

duction à l'histoire du Danemark, t. I. Henry, Histoire d'Angleterre^ t. I, etc., (3tc.)

Il est une autre coutume, autrefois en grand usage en Canada, ù laiiuoUe on attribue également une origine païenne, et que Ton aurait christianisée comme la Gui-

gnolée : c'est celle des feux de la Saint-Jean Tombée

aujourd'h'.ù dans l'oubli, cette coutume subsistait encore au commencement de ce siècle dans certains pays de l'Eu- rope (en Irlande, en France, en Espagne) de même qu'en Canada.

Les feux de la Saint-Jean paraissent remonter à une époque plus éloignée que l'établissement du christia- nisme; ils peuvent être considérés comme un reste de l'ancienne superstition et de la vénération que les Celtes avaient pour le feu, qui purifie tout, qui échauffe et consume tout. Les piiiens l'adoraient comme la source première de la vie et du mouvement de l'univers, le symbole visible de la divinité. On allumait ces feux en réjouissance de l'arrivée du soleil au solstice d'été qui commence les longs jours (fin de juin). (1)

On lit dans la vie de saint Eloi (mort en 65'1), que ce fervent apôtre travailla avec ardeur à déraciner les nom- breuses superstitions qui régnaient ù cette époque dans l'esprit des populations du nord de la France, comme de danser et chanter à la fôte du ^i juin, " de faire sauter les

(1) Dict. de Bycherelle, au mot feu.

DU CANADA 245

femmes malades par dessus des charbons allumés l;i veille, pour obtenir une heureuse délivrance."

Dans le Plaid du concile de Lestines ou Leptines, qiii s'assembla en 742, d'après le désir de Karlomau, duc des Français, on remarque un catalogue des superstitions païennes alors en usage, " entr'autres celle du IVhi de Nodfir, au mois de juin, allumé en frottant l'un contre l'autre des morceaux de bois, pour faire des feux de joie eu l'honneur des dieux et des déesses ; l'altouchemeut des flammes ou de la fumée attirant de prétendues béné- dictions."

Le meilleur moyen de couper court à ce reste de paga- nisme était de transformer cette fête de la supei'stition en une fête chrétienne, et c'est ce que l'on fit.

M. LaR-ae a bien voulu me passer la petite note suivnnte touciiant la cérémonie du dernier feu de la Saint-Jean dans sa paroisse natale :

•■ Il y a ciu(|uante-cinq ou cinquante six ans que le dernier feu de joie de la Saint-Jean a eu lieu à Saint- Jean de nie d'Oi'léans. (1) C'était la grande fête de l'Ile ; le feu se faisait la veille de la fête et était précédé du salut. Les habitants des paroisses voisines s'y rendaient en foule, tous à cheval. Avant ce temps, les femmes s'y ren- daient aussi, et à cheval, en trousse. Le bois du bûcher consistait en éclats de cèdre, toujours fournis par le même, Laurent Fortier, dont les enfants vivent encore ù Saint. Jean. Le curé bénissait d'abord le bûcher, puis battait du brique' et y mettait le feu. Les désordes sans nombre qui accompagnaient la cérémonie l'ont fait abolir."

(1) Ceci était écrit en 1835, date île la première édition de cet ouvrage.

250

CHANSONS POPULAIltKS

Ainsi la Gnigiiolée et les feux de la Saint-Jean rappel- lent deux cérémonies du culte que les Druides rendaient au soleil. L'une avait lieu au solstice d'hiver et l'autre au solstice d'été.

La première version de la Giiignolée, que Ton va voir, a été recueillie dans le comté de Berthier, et la seconde dans les cantons de l'Est.

A Solo, reprise en chœur.

Bonjour le maître et la inaî- tres-se Et tout le

B

Solo, reprise en chœur.

mond' de la mai- sou. Pour le der- uier jour de l'au-

C Solo, reprise

s ^v, ^s li 15_ ,-

r-s:

Si vous vou-

ué- e La I-guo- lé' vous nous de- vez. en chœur.

-^— . ^__5_j5..

s*

lez rien uous dou- uer, di-tes-uous

lé-

e : Ou emmè-

r-zîfzzs^-rsïzzîî— I _z5=z=2=zifzz«!zzl -H c^— 1-4 * %

ne- la seu-le- meut la fille ai- - né- - e. D Solo, rep)rise en chœur.

Ou lui fe- - ra fair' bon- ne chè- re. On lui fe-

ra chauffer les pieds.

DU CANADA 251

A Bonjour le maître et la maîtresse ? ^ ^^-^^ Et tout le moud' de la maison. S

B Pour le dernier .jour do l'année ) ^j^-^^ La Igiiolé' vous nous devez. >

C Si vous voulez rien nous donner. \

Dites-uous lé-e ' . . ^

^ > If ^^^'^)

On emmènera seulement ,

La aile ai née. j

D Ou liù fera fair' bonne chère, ? j^-^^ On lui fera chauffer les pieds. )

C Ou vous demande seulement "j

Une chignée ,, v

1 1 1 } {Vis)

De vingt à trente pied de long j

Si vous voulez-e. j

D La Ignolé', la Ignoloche, l (i \

Mettez du lard dedans ma poche ! ^ '

C Quand nous fûm's au milieu du bois, "j

Nous fùni's à l'ombre : i , _ , . 1 ^ . r ibis)

J'entendais chanter le coucou

Et la coulombe. i

A Rossignolet du vert bocage, Rossignolet du bois joli.

(bis)

B Eh! va-t'en dire à ma maîtresse ]

Que je meurs pour ses beaux yeux. J

C Toute flir qui n'a pas d'amant, 1

Comment vit-elle? ! /t- x

EU' vit toujours en soupirant, J

Et toujours veille, j

ibis)

252

CHANSONS POPL'LAIHES

AUTRE VERSION :

(Recueillie par M. le docteur J. A. LeBlanc)

Bon- jour le maître et la maî- très- se

Et tous les gens de la mai- son. Nous a vous

-zrc-z-— rl^rr-'

pris u- - ne cou- - tu- me De v'nir vous voir u-

liz

ne fois l'an, U- ne fois l'an. ..C'est pas grand'

chos' Pour l'ar- ri- vé- - e. Qu'un pe- tit

1

morceau de chi- gué', Si vous vou- lez- - e.

Bonjour le maître et la maîtresse Et tous les gens de la maison. Nous avons pris nue coutiuue De v'nir nous voir une fois l'an.

Une fois l'an C'est pas grand' chos'.

Pour Tarrivét', Qu'un petit morceau de chigaée,

Si vous voulez-e.

DU CANADA" 253

Li «fuiiTiiolé, la guigiioluclie, Mettez (lu laid dans iu;i ])oche ! Ec du t'ioinige sur mon paiu ; Je reviendrai l'aimé' qui vient. Si vous vouiez rien uous donner,

Dites-nous lé-e ; Nous i)reuderons la fille aiuée,

Si vous voulez-e.

Nous lui ferons fair' bonne clière, Nous lui ferons chauffer les pieds.

264 CHANSONS POPULAIRES

MALBROUGH S'EN VAT-EN GUERRE

John ChiircliiU, duc de Mavlborongh, naquit le 2i juin 1650, à Ashe, dans le comté da Dovon, Angleterre. Habile diplomate, il fut le plus grand capitaine de son siècle, et se battit au Maroc, on Angleterre, en Irlande, en Allemagne et dans les Pays-Bas sans jamais éprouver une défaite sérieuse. Il servit pendant environ cinq années dans l'armée française, et sut mériter les éloges de Louis XIV et de Turenne.

La muse populaire a fait du duc de Marlborough un type légendaire qu'elle a chanté à sa façon et dans lequel il est difficile de reconnaître le héros de Walcour et de Malplaquet. En dépit des chansons et d'une tradition fantaisiste, Marlborough ne mourut pas sur le champ de bataille. Il fut frappé d'appoplexie le 8 juin 1716, alors qu'il était devenu généralissime du roi George I d'An- gleterre. Il perdit presque entièrement la raison et lan. guit dans ce triste état jusqu'à sa mort arrivée le 17 juin 1722.

d 3 I ^ * 3 P- H

Mal- brongh s'en va- t-ea guer- re, Mi- roa-

}$ ^^ ^ '

ton. mi- roa- ton, mi- ron- tai- - ne, Mal-

DU CANADA

255

( ■^ I I iiii i^ n i.i.— I -^— f

brougli s'eu va-t-ea guer- re, Ne sait quand

•) FIN.

re- vieu- dra.

Ne sait quaud re-vien- dra,

Ne sait quaud re- vieu- dra.

D. C.

Malbrongli s'eu va-t-en guerre, Mironton, mironton, mirontaiue, Malbrougli s'eu va-t-en guerre, Ne sait quand reviendra, (ter.)

n reviendra-z-à Pâques, Mironton, etc. Il reviendra-z-à Pâques, Ou à la Trinité, iter.)

La Trinité se passe, Mironton, etc. La Trinité se passe, Malbrougli ne revient pas.

{ter.)

Madame à sa tour monte, Mironton, etc. Madame à sa tour monte, Si haut qu'ell' peut monter.

Elle aperçoit son page, Mironton, etc. Elle aperçoit son page Tout de noir habillé, {ter.)

256 CHANSONS POPULAIRES

Beau p:ig*', ah ! mon beau page, MiroutoM, etc.

Beau page, ah ! iiioii beau page, QiielP iious'elle ap[)Oitez? (ter.)

Aux iiouvell's que j'apporte,

Mironton, etc.

Aux nouvel i's que j'apporte

Vos beaux yeux vont pleurer, {ter.)

Quittez vos habits roses.

Mironton, etc.

Quittez vos habits roses

Et vos satins brochés, {ter.)

Monsieur ^lalbrougli est more, Mironton, etc.

Monsieur M ilbrougli est more, Est mort et enterré, {ter.)

J'I'ai vu porter en terre, Mironton, etc. J'I'ai vu porter en terre Par quatre-z-officiers. (ter.)

L'un portait sa cuirasse. Mironton, etc. L'un portait sa cuirasse, L'autre son bouclier, (ter.)

L'un portait son grand sabre, Mironton, etc.

L'un portait son grand sabre, L'autre ne portait rien, (ter.)

DU CANADA 26T

A l'en tour de sa tombe, Mironton, etc. A l'en tour de sa tombe Eomarins l'ou planta, (ter.)

Sur la plus liante branche, Mironton, etc. Sur la plus haute branche Le rossignol chanta, (ter.)

On vit voler son âme.

Mironton, etc.

On vit voler sou âme,

A travers des lauriers, (ter )

Chacun mit pied à terre, Mironton, etc. Cliaoun mit pied à terre Et puis se releva, (ter.)

Pour chanter les victoires,

Mironton, etc.

Pour chanter les victoires

Que Malbrongli remporta, {ter.)

La cérémoni' faite.

Mironton, etc.

La cérémoni' faite

Chacun s'en fut s'coucher. {ter.)

J'n'en dis pas davantage. Mironton, mironton, mirontaiae, J'n'en dis pas davantage Car en voilà-z-assez.

258 CHANSONS POPULAIRES

SAINTE MARGUERITE-PINPANIPOLE

Il est singulier de voir comme les paroles les plus insi- gnifiantes, accolées à qnelques pauvres notes de musique, peuvent se répéter de pays en pays et de siècle en siècle. Je lisais, il y a quelques jours, que, dans le Berry, en France, on chante une berceuse dont les mots sont :

" Dodo, berline !

Sainte Catherine, Endormez ma p'tite enfant Jusqu'à l'âge de quinze ans! Quand quinze ans seront aounés, Il faudra la marier."

Au moment je le lisais ces lignes, ici, à Québec, à mille lieues de la France, j'entendais une bonne d'enfants, qui chantait, dans une chambre voisine :

Saiu- te jMar-gue- ri- te, Veil- lez ma pe-

E=^?=?^l ^■=i=i=i=l =*==i^l =^~^^^

ti- te! Endormez m'a p'tite eu-faut Jusqu'à l'â-ge

;=zi^z-

-S-

lîl^i?;

de quiuze aus! QuauJelIe au- ra quinze ans pas- se,

DU CANADA -^SO

^^^^^^=Hi*=î=^il!l?

Il fau- (Ira la ma- ri- er A- vec un p'tit bon-

=^~^i=^

hom- me Qui vien- dra de Eo- me.

Sainte Marguerite,

Veillez ma petite ! Endormez ma p'tite enfant Jusqu'à l'âge de quinze ans! Quand elle aura quinze ans passé,

Il faudra la marier,

Avec un p'tit bonliomme

Qui viendra de Rome.

Pinpanipole qui "rencontre les gens du Roy," nous vient aussi de France, très-probablement, et je serais curieux de savoir s'il s'y est conservé, ou s'il a émigré corps et biens pour venir amuser les petits Canadiens au berceau. On chante cette mélodie, qui n'est pas sans quel- que mérite, en frappant successivement, du bout du doigt,, les cinq doigts tendus d'un petit enfanta qui on fait ouvrir la main. Lorsque, à la fin du couplet, on dit: dehors! dehors! dehors! on fait disparaître un des doigts de l'en- fant sous sa main, en faisant mine de le dévorer,— ce qui, d'ordinaire fait rire le bambin aux éclats; puis on recommence le môme petit jeu sur les quatre doigts qui restent ; et ainsi de suite, en faisant disparaître un doigt à la fin de chaque répétion du couplet.

260

CHANSONS POPULAIRES

Pin- pa- ni- - po- - le, uu jour du teinj)» pas-

2 tr ^ p ^ p_l ^ ii. i ^ ^ ^ _l _t= ^.d

séjPassaut par la vil- le,rencoutr' les geus du Iloy.Beau pigeon

. j„ ^ I "r r^ ^_

d'or, les geus des al- lu- - met- tes, Beau pi- geon

imi^iîîlîîliilM^lillilïlli

d'or, le p'tit co- chou de- - liors !

Pinpauipole, uu jour du temps passé, Passaut par la ville, rencontre les gens du Koy, Beau pigeou d'or, les gens des allumettes, Beau pigeou d'or, le p'tit cocbou dehors!

ParZ^ ;— Deliors ! dehors! dehors!

DU CANADA 261

PIPANDOR A LA BALANCE

Pipandor à la Balance est le pendant de Plnpanipole^ et l'accessoire du même jeu d'enfant.

Ce n'est pas sans un vif intérêt que j'ai retrouvé, dans le recueil publié par M. Bujeaud : les Chants et Chansons populaires des provinces de l'Ouest^ et dans celui de MM. Durieux et Bruyelle : les Chants et Chansons populaires du Cambresis^ quelques-uns des verbiages d'enfants que tous les petits Canadiens répètent dans leurs jeux, sur les genoux de leurs mères, le long des grands chemins ou sur les bancs de l'école. Quel plaisir d'apprendre que Pipandor à la Balance, Monte échelle ! Monte-là ! et Petit couteau d'or et d'argent sont sur les lèvres de tous nos petits cousins d'outre mer ! En présence d'une telle décou- verte, je me demande si c'est le Canada qui est resté français ou si c'est la France qui est devenu canadienne ! et je serais presque tenté de m'écrier, en parodiant ce brave Marseillais qui n'a peut-être jamais existé : Si la France avait un Québec, ce serait un petit Canada !

Pi- pau- dor à la Ba- lan- ce, N'ya-t-il

qu'toi-z-et moi-z-ea Frau-ce ? Pour- quoi y es- tu mis ?

l—M^=im=:mz=zS=\= ^ ^_._^_ _^_^

•2G2

CHANSONS POPULAIRES

p ■»

--psz

Pour mau- ger de la bouil-

li'!

Pi- pau-

z^~

> ^ 1 * -^-^ ' '^rd

dor, cha- peau d'é- pi- - uet- te ! Pi- pau-

r=\—.

dor, mets tou uez de- - hors!

Pipandor à la Balance,

N'y a-t-il qu'toi-z-et luoi-z-eu Frauce ?

Pourquoi y es-tu mis?

Pour manger de la bouillie !

î Pipandoi-, chapeau d'épiuette!

\ Plpaudor, mets ton uez dehors!

VARIANTK :

< Pipandor, tambourez mesdames, ( Pipandor, mets tou nez dehors !

DU CANADA 263

LA POULETTE GRISE

Et jusqu'à la " Poulette grise " que l'on chante encore en France comme ici, en dépit de l'éloquente tirade de M. LaRue ! (Voir Foyer Canadien^ année 1863.)

On chante aussi en France ce couplet qui accompagne toujours le "jeu de société " que tout le monde connaît :

Il est passé par ici

Lie furet des bois, mesdames,

Il esc passé par ici

Le furet du bois joli !

Nous autres, Canadiens, qui avons conservé des idées plus monarchiques, nous chantons :

Il est })assé par ici

Le clairon du roi, mesdames,

Il est passé par ici

Le clairou du roi joli !

A cheval^ sur la queue d'un orignal^— nn autre chant très- populaire et plein de souvenirs de la France,— est une sorte de psalmodie, plutôt parlée que chantée, que l'on débite en faisant sauter un enfant sur ses genoux :

A cheval, à cheval,

Sur la queue d'un orignal.

A Roaen, à Rouen,

Sur la queue d'un p'tit ch'val blanc.

A Pari s, à Paris,

Sur la queue d'une p'tite souris.

264 CHANSONS POPULAIRES

A Versailles, à Versailles,

Sur la queue d'iiue grand' vache caille.

" On comprend, dit M. LaRue, que le rhythme et la tournure de cette chanson sont propres à exciter la verve des nourrices. Aussi une bonne de Québec a-t-elle cru devoir ajouter :

A Québec, à Québec,

Sur la queue d'uue belette ! !

" Je lui en laisse la responsabilité."

:2^E5M==— *-i»=«^

!^z:ff:

C'est la pou-let-te gri- se

-— pz:x=«rn:

Qui pond daus l'é-

gli- se, EU' va poudre uu beau p'tit co- co

Pour son p'tit qui va fair' do- di- clie, EU' va pondre

iin beau p'tit co- co Pour son p'tit qui va fair* do-do.

Do- di- che, do- do.

i^i^iiiâil

DU CANADA 265

C'est la poulette grise Qui pond dans l'église, EU' va pondre un beau p'tit coco Pour sou p'tit qui va fair' dodiclxe, EU' va poudre uu beau p'tit coco Pour sou p'tit (pii va fair' dodo. Dodiche, dodo.

C'est la poulette blauclie Qui poud daus les braucUes, Eli' va poudre, etc.

C'est la poulette uoire Qui poud dans l'armoire, EU' va poudre, etc.

C'est la poulette verte

Qui poud daus les couvertes,

EU' va poudre, etc.

C'est la poulette bruue, Qui poud dans la luue, EU' va poudre, etc.

C'est la poulette jaune Qui poud daus les aulnes, EU' va poudre uu beau coco Pour son p'tit qui va fair' dodiche, EU' va pondre uu beau p'tit coco Pour son p'tit qui va faire dodo. Dodiche, dodo.

266 CHANSONS POPULMRiîS

D'OU VIENS-TU, BKRGÈRE?

Lo noël que l'on va lire n'est jamais chanté à l'église (il a pu l'être autrefois) ; mais il est bien connu dans les familles. Les petits enfants aiment sou joli air, simple et doux. Le ffoà viens-tu? et le Qu as-tu vu^ bergère 1 de chaque couplet, intéresse leur imagination, qui s'exalte au récit de ce Dieu qu'adorent les grands parents comme les petits enfants, ce Dieu qui a tout fait, tout : le beau ciel étoile, le grand fleuve et la haute montagne couverte de neige, et qui cependant veut naître pour nous dans une étable ! Le bœuf, dont, ordinairement, ils n'osent pas trop approcher, et l'âne, qu'ils ne connaissent que de nom, sont deux personnages qui, à leurs yeux, embellissent singuliè- rement le tablean

Un écrivain qui n'était malheureusement pas catholi- que, M. Michelet, a écrit ces lignes délicieuses à propos des noëls populaires :

" Il y avait alors dans l'Eglise un merveilleux

génie dramatique, plein de hardiesse et de bonhomie,

souvent empreint d'une puérilité touchante Elle

(l'Eglise), quelquefois aussi, se faisait petite ; la grande, la docte, l'éternelle, elle bégayait avec son enfant; elle lui traduisait l'ineffable en puériles légendes."

D'oîî viens- tu, ber-gè-re, D'où viens- tu?

DU CANADA 267

-Jevieusde l'é- - ta- ble, De m'y pro- me- nor;

J'ai vu uu nii- ra- cle Ce soir ar- ri- - vé.

D'où viens-tu, bergère,

D'où viens-tu f Je viens de l'étable, De m'y promener; J'îii vu lin miracle Ce soir arrivé.

Qii'as-tu vu, bergère,

Qu'as-tu vu ? J'ai vu (Luis la crèche Un petit entant Sur la paille fraîche Mis bien tendrement.

Rien de jilus, bergère,

Rien de plus ? Saint' Marie, sa mère, Qui lui fait boir' du lait. Saint Joseph, son père, Qui tremble de froid.

Rien de plus, bergère,

Rien de plus 1 Ya le bœuf et l'âne Qui sont par devant, Avec leur haleine Réchautfent l'enfant.

Rien de plus, bergère.

Rien de plus? Ya trois petits anges Descendus du ciel Chantant les louaages Du Père éternel.

268 CHANSONS POPULAIRES

JE NP] VEUX PAS D'UN HABITANT

Nous n'ap[)elons habitant^ en Canada, (jne celui qui possède une terre à la campagne et ([ui la cultive lui- même. Les ouvriers et les jouriiali(M's qui demeurent à la campagne ne sont pas des habitants^ pas plus que les rési- dants des villes. L'origine de cette distinction remonte, sans aucun doute, aux premiers tem[)s de la colonie. La société canadienne d'alors se composait, à part les ecclé- siastiques, de trois classes d'hommes : les soldats, les commerçants et les agriculteurs. Les premiers n'étaient ici, pour la plupart, que temporairement, tandis que les agriculteurs, en s'emparant du sol môme du pays, s'y fixaient d'une manière irrévocable, et devaient être seuls considérés comme les véritables habitants de la colonie.

On m'a chanté cette mélodie tantôt avec le sol dièze, tantôt avec le sol naturel.

A part les couplets oîi il est question d'un habitant et d'un colporteur, toute cette chanson nous vient de France. On en chante encore une variante aujourd'hui en Sain- tonge.

Je voudrais bieu me ina- ri- er, Je voudrais

bien me ma- ri- er, Mais j'ai graud' peur de me trom-

DU CANADA 269

per, Mais j'ai grand' peur de me troin- per :

> L--- ' f ^

E^!~ii^

»• »-^rM'zi

sont si nial-hou- ne- tes ! Ma lu-ron, tna lu- ret- te, Ils

:?inL-

sont si mal-hon- ne- tes ! Ma lu-rou, ma lu-

Je vomirais bien me marier, (6ts)

Mais j'ai grand' peur <le me tromper : (bis)

Ils sont si mullionnôtes!

Ma luron, ma lurette,

Ils sont si malhonnêtes!

Ma luron, ma luré.

Je ne veux pas d'un habitant : {bis) Il faut toujours aller au champ, {bis)

Et rouler la charette,

Ma luron, etc.

Je ne veux pas d'un labourenx : (bis) Il faut toujours toucher les bœufs {bis)

Et manier la curette.

Ma luron, etc.

Je ne veux pas d'un colporteur, {bis) Rarement ils se font honneur {bis)

En portant la cassette,

Ma lurou, etc.

Pour un BOtair', je n'en veux pas, (bis) Car ils passent trop de contrats, (bis)

Ils embrass'nt les filettes,

Ma luron, etc.

270 CHANSONS POPULAIRES

Je ne veux pas (Viiu méilcciii : {bis) Ils out toujours pilul's eu main, (bis) Des pi'is's et des lancettes, Ma luron, etc.

Je ne veux pas d'un avocat, {bis) Car ils aiment trop les ducats, (bis)

Ils trompent les filettes,

Ma luron, etc.

Je voudrais bien d'un ofiBcier: (bis) Je marcherais à pas carrés (bis) Dans ma joli' chambrette, Ma luron, ma lurette, Dans ma joli' cliambrette, Ma luron, maluré.

DU CANADA 271

JACQUOT HUGUES

Jacqiiot Hugues n'est pas un être fictif; il a bien réel- lement existé, et vécu de longues années dans le comté de Rimouski, oii il est mort, il y a une vingtaine d'années, sans laisser de postérité.

Il est bon de savoir que c'était un être bien original que ce Jacquot Hugues. Il était grand de taille, et, quoique Français de naissance, on l'appelait le Sauvage^ à cause sans doute de son teint très-basané, mais aussi à cause de ses allures excentriques et de sa coutume de porter des mitasses^ avec ornements en babiche.

Il lui arriva un jour de s'emparer d'une baleine. Après qu'il l'eut dépecée et qu'il en eut extrait l'huile et la graisse, ses voisins s'en vinrent chez lui pour se partager le résidu, les créions^ comme cela était d'usage; mais voilà mon Jacquot Hugues qui ne veut pas donner mais vendre ses cretons, et qui se met en frais de peser sa marchandise avec une romaine. C'en était bien assez pour se faire chanter ; néanmoins la verve des rimenrs de l'en- droit se contint pour le moment; mais lorsque, à quelque temps de là, on entendit dire que acques Hugues, le Sauvage, le vendeux de cretons, faisait des démarches pour se faire élire membre lu parlement, toute digue fut rompue, et les couplets que l'on va lire volèrent de bouche en bouche, si bien que je les ai entendu chauler à plus de cent lieues de l'endroit ils furent composés.

272

CHANSONS POPULAIRES

1 ~ -tf-

:S— .r=:?_ zz*rzïr— -

-•0,-^-ft--

Eg£E^EgEE^EJ

DausJ'cointé de Rimouski, A l'é-lec-tion nou- vel- le, Jac- qiiot Hug's s'est pré- sen- té: Il

Il a- vait pour

seu- tait la ba- - lei- ue !

^ « E=_s tt---j- •— 3

ré- con- fort Tous les cre- ons de sou bord. Ro-

~^E=£==^EEE5EEÈE-*EE^£E;fE:

ne, ro- mai- - ue, ro-

Daus l'coiuté de Rimouski, A l'électiou nouvelle, Jacquet Hng'ïi s'est présenté: Il sentait la baleine ! Il avait pour réconfort Tons les cretous de sou bord. Jîomaine, romaine, romaine!..

Quand il était cantiuier,

Il vendait de l'eau forte ;

Il savait la baptiser

Sans demander main-forte:

C'est P'tit Paul qui charriait l'eau,

Madam' rinçait le tonneau....

A force, à force, à force!

Il ne se souvenait plus

De ses mitass' à franges j

Il eut donné ses écus

Pour entrer daus la chambre.

C'est c'qu'<»n n'aurait jamais vu:

Un Sauvage d'être élu !

Peau noire, peau noire, peau noire !

DU CANADA 273

En s'en revonaut chez lui,

Il faisait la griiuaice;

Le moud' s'est bien aperçu

Qu'il avait le cœur flasque.

II dit qu'il a vendu,

Mais à présent n'en vend plus.

Attrape, attrape, attrape !

Qu'en a composé la chanson, C'est un garçon de gloire j Il ne vous dit pas son nom : Ca vous reste à savoire. Il espèr' que ses amis Chanteront tous avec lui : Romaine, sauvage, i?eau noire !

274 CHANSONS POPULAIRES

FRANÇOIS MARCOTTE

On a vu, dans les couplets qui précèdent, une mor- dante satire contre les petits moyens mis en jeu par un homme préoccupé de faire sa fortune rapidement. Voici une autre satire, non moins mordante, dont les garçons qui se vantent de faire tourner la tête à toutes les filles pourront tirer leur profit.

Cette chanson est tout à fait dans le génie canadien, François Marcotte, qui :

s'en va proinpteiuent

Atteler sa jument

Chez sou oucle Paul Abelle,

est bien un vrai type de faraud campagnard.

C'est une coutume commune aux poètes rustiques de la Francs et du Canada de se consacrer à eux-mêmes le der- nier ou les derniers couplets de leurs chansons. Presque toutes nos chansons d'élections, de même que les com- plaintes composées à l'occasion d'un malheur arrivé à une famille ou à une paroisse, finissent par le couplet sacramentel :

Qu'eu a composé la cliausou, etc.

Qui a composé cette complainte, etc.

On doit d'autant plus volontiers pardonner cette petite faiblesse aux poètes populaires que l'on est accoutumé à voir des poètes d'un ordre plus élevé parler d'eux-mêmes,

DU CANADA

275

se décrire, se vanter, se biographie)- d'un bout à l'autre de leurs œuvres.

L'air de cette chanson n'a rien d'original et n'est pas canadien. C'est, je crois, une ancienne mélodie an- glaise.

: ^

-o> * 1 S 2 â

C'est Frauçois Mar- cott' Qui s'iia- Lil- le bea

>3=zzi\

m=^:zi=m^ =• jzz:*:

^l=s'==.

pro^y Pour al- - 1er eu pro- me- na- - de; C'est

-S m 5-

à Des-cliam-bault, Chez uiousieurBou- drault : C'est un'

fil- le qu'il lui fout. Bou- jour

ma-dam' Bou- drault, Eu t'ai- saut le fa- raud, Fai- sant des po- li- - tes- - ses, Des ci- vi- - li-

fr:n^\=r-|-=5=z=q-q==i

p m M —m -~ m 1 ^ m —W- ,»— 4 ^ -g l]--j

tés A la coin- pa- gué' ! Mar- cott' fit uu' belle eu- trée!

276 CHANSONS POPULAIRES

C'est François Marcotte Qui s'habille beii propre Pour aller en proiuenade ; C'est à Deschanibault, Chez monsieur IJoiuhault : C'est une fille qu'il lui faut. Bonjour madaiu' Boudrault,- En faisant le faraud, Faisant des politesses, Des civilités A la com{)aguée ! Marcotte fit un' belle entrée !

Quand il fut entré,

Il s'agit d(^ parler

Des affaires de conséquence :

De sa bien aiinéa

Il s'est approché :

C'était pour la demander.

Je suis bieu pressé,

Je veux me marier.

Je crains de vous surprendre)

Vous excuserez

La brutalité

D'I'abord de mon arrivée.

Vous êt's tout excusé, Vous pouvez continuer ; Revenez plusieurs voyages: Pour vous marier, Il faut espérer (attendre) Que mon pèr' .-oit arrivé. Marcotte s'est retiré, Pensant bien qu'il l'aurait Dans un second voyage ; Ne s'imaginant pas Qu'en faisant tout cela, EU' voulait le planter là.

DU CANADA 277

L'automne est revenu, Bou'lrault ne revient plus, Marcotte est d'un bord et d'I'autre : C'est pour s'iuforiuer, De tous les côtés, Si Boudrault est arrivé. S'en va à Deschambault, Rencoutr' monsieur Boudrault Et fiiit sa connaiss:ince : Veuillez bien m'excuser, C'est pour vous demander Votre fille à marier.

Parlez-moi, mon ami, Tout vous est permis : Vous avez tant d'avantages! Vous avez de l'esprit, Sans compter l'industrie : Vous êt's homme de génie. Pais on m'a raconté Que vous vous vantiez Que vous auriez bien ma fille; Pour vous récompenser, Nous allons vous donner Une pell' bien amancliée.

Revenons à Marcotte.

Il a pris sa capote ;

Il a l'air tout imbécile :

Son cas'iue rabattu,

Il a l'air tout bourru :

Marcott' ne se r connaît plus.

Il s'en va promptenient

Atteler sa jument

Chez son oncle Paul Abelle,

En disant : Sapre gai !

Je suis effarouché

De la pell' qu'ils m'ont donnée !

278 CHANSONS POPULAIRES

L'auteur de la chanson,

C'est uu irrand garçon

Revenant d'un long vojagej

Etant ariété

Se faii' fuiie à dîner

Chez des gens qu'il connaissait;

Etant après dîner,

Il eutend raconter

L'aventur' de Marcotte;

J'vous dis en vérité,

Qu'il aurait mérité

Un' chanson mieux composée.

Je vais vous le nommer :

C'est Hyaciutli' Denis,

Qui u'a plus d'avantages.

Il est exposé

Au même danger

Quaud il va se promener.

Uu jour passant par là,

Pensant à tout cela,

Je chantais, eu eu moi-même :

" Arriv'ra que pourra !

La i)ell' nous servira

Pour enterrer l'mardi gras."

DU CANADA 279

C'EST PINSON AVEC CENDROUILLE

Cette chanson n'est pas tant une chanson comique qu'une chanson d'enfants, la chatte^ le gros rat avec son violon^ etc., ne figurent que pour tenir en éveil l'esprit d'un petit tapageur en attendant que le sommeil vienne fermer ses paupières. -'Il ne faut pas, dit avec justesse M. Champfleury, demander aux nourrices qui composent

ces chansons, autre chose que ce qu'elles peuvent donner ;

dans l'amour qu'elles portent aux enfants, elles

trouvent de singulières associations de mots qui

frappent le nouveau-né et savent :!ndormir ses souf- frances."

Ces couplets se chantent en France, dans le Cambrésis, sur un air tout différent du nôtre.

C'est Piu- - son a- vec Ceu- drouil- le Qui vou-

;r=:i*^=r

draieut se nia- ri- - er ; Ils vou- draieut fai- re des

no- ces Mais n'ont pas de quoi man- - ger. Gai Ion

s 1 ^ fi 15 , ,4. ,;^ |N 1> , |N ^— c-

la, Tir' la li- - ret- te, Des trom-pett's, Il yen au-

280 CHANSONS POPULAIRES

C'est Pinson avec Cemlroaille Qui voudraient se marier; Ils voudraient faire des no.^es, Mais n'ont pas <le (pioi manger.

Gai Ion la

Tire la lirette,

Des trompettes

Il yen aura.

Ils voudraient faire des noces, Mais n'ont pas de quoi manger. Ils voient venir un gros cliien, Dans sa gueule apporte un pain. Gai Ion la, etc.

Ils voient venir un gros chien, Dans sa gueule apporte un pain. De pain nous eu avoas bien, De viand' nous n'en avons point. Gai Ion la, etc.

De pain nous eu avons bien. De viand' nous u''en avous point. Ils voient venir un corbeau. Dans son bec est un gigot. Gai Ion la, etc.

Ils voient venir un corbeau. Dans son bec est un gigot. De viand' nous en avons bien, De vin nous n'en avons point. Gai Ion la, etc.

De viand' nous en avons bien, De vin nous n'eu avons point. Ils voient venir un lapin, Sur son dos, un' tonn' de vin. Gai Ion la, etc.

DU CANADA 281

Ils voient venir un lapin, Sur sou dos un' t,onn' de vin. De vin nous en avons bien, De danseu.s's n^an avons point. Gai Ion la, etc.

De vin nous en avons bien, De danseus's n'en avons point. Ils voient venir un voisin, Une fille à cliaque main. Gai Ion hi, etc.

Ils voient venir un voisin, Une fille à cluique maiu. Des danseus's eu avons bien. De violon n'en avons point. Gai Ion la, etc.

Des danseus's en avons bien, De violon n'en avons point. Ils voient venir un gros rat. Un violou dessous sou bras. Gai Ion la, etc.

Ils voient venir un gros rat. Un violon dessous son bras. Entrez monsieur l'Arrivé: Notre chatte est au grenier. Gai Ion la, etc.

Entrez, monsieur l'Arrivé : Notre chatte est au grenier. Lacliatte entendit cela, A sauté dessus le rat. Gai Ion la, etc.

La chatte entendit ceia, A sauté dessus le wit. Le rat s'c^st mis à crier : Voilà mon violon cassé! Gai Ion la, etc.

282 CHANSONS POPULAIRES

Le rat s'est mis à crier: Voilà mou violon cassé ! Quand j'irai eu compaguée, Un coup d'eau d'vi' je prendrai. Gai Ion la, etc.

Quand j'irai eu compaguée, Uu coup d'eau d'vi' je prendrai. J'u'en donn'rai pas à cell'-là Qui m'a cassé les deux bras.

Gai Ion la.

Tire la lirette,

Des trompettes , Il y eu aura.

DU CANADA 283

A LA CLAIRE FONTAINE

{Air recueilli par M. l'abbé Marquis)

Le lecteur a déjà pu observer que, dans des chants qui semblent d'abord appartenir au mode mineur, le chanteur populaire fait tout ù coup apparaître une seconde majeure entre le septième et le huitième degré de la gamme, dé- truisant ainsi la note sensible, et pUiçant la mélodie dans le premier ou le second mode de la tonalité ancienne. Or, ce qui arrive pour le mode mineur arrive aussi pour le mode majeur. Ainsi, dans la mélodie de la Claire Fontaine^ que l'on va voir ci-après, et qui semble d'abord appartenir exclusivement au mode majeur, la note fa apparaissant naturelle, dans la dixième et dans la quatorzième mesure, la sensible disparaît par même, et le huitième mode de la tonalité ancienne se trouve parfaitement accusé.

On dirait, quelquefois, que le peuple a horreur de la note sensible. Cela tient à des causes toutes naturelles que des musicistes distingués de ce siècle ont étudiées et expliquées d'une manière irréfutable. (Voir les Remar- ques générales^ à la fin de ce volume.)

J'ai déjà dit que ces infractions aux règles de l'art mo- derne n'indiquent pas toujours l'ancienneté d'une mélodie Souvent il arrive qu'une chanson de la ville, toute fraîche composée, vieillit tout à coup de plusieurs siècles^ grâce aux altérations qu'elle snbit en passant par des gosiers

284

CHANSONS POPULAIRES

compagnards. Chacaii connaît cet air d'un vaudeville intitulé : Zes Canotiers de la Seine:

Mes-daui's, sa-vez- vous c'qu'il faut Pour ê- tre

ca- uo- tie-

rs ?

Eh ! bien, voici comment j'ai entendu ciianter ce même air par une jeune fille de l'Ile-Verte, (comté de Témis- couata) :

■m-

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rzazi^arr '— an

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S-

^z^:

E^=5^^^^E

riz:

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==3

"rr^

|— i—

15^=5—?^ etc.

Ceux de mes lecteurs qui ont visité la capitale de la France se rappellent sans doute avoir vu, sur la place des Victoires, une statue équestre de Louis XIV, représentant le monarque avec un lambeau de vêtement sur le corps, et des sandales aux pieds. C'est un anachronisme de ce genre que faisait, bien à son insu, ma jeune chanteuse de l'Ile- Verte, en dépouillant de sa note sensible la mélodie toute moderne du vaudeville français.

DU CANADA

285

EB=^^E3

3—8

la clai- -iV .

re fou- - tai- ue M'eu

al- lant pro- me- uer, J'ai trou- l'eau si

bel- le Que je m'y suis bai- gué. Lui

r,r:z^— •iirpr-*— zn:^ zn_,

ïËim

ya loDg- temjis que j 2

t'ai- me,

^=il=z=:ir.

.)a-

*EEê=iE=i=€ïË:

mais je ne t'ou- blie- n

286 CHANSONS POPULAIRES

PERRETTE EST BIEN MALADI']-CIIEZ MON PÈRE Y A TROTS FILLES

La chanson de Perretle étant chantée dans tontes nos campagnes, et par les gens dn penple, j'ai crn devoir lui donner place ici, mais j'avoue que sa musique, aussi remarquable par sa distinction que par son caractère antique, semble accuser une origine peu populaire. Paroles et musi(iue sont peut-être nées au milieu de "ces prés flenris qu'arrose la Seine," dans Lutèce la chantante elle-même, alors que l'école littéraire dite sentlmcnlale peuplait le Louvre et Versailles de bergers et de bergères.

Dans tous les cas, les couplets de PerrctLe est bien malade^ de même que ceux de Chez mon pèr' ya trois filles^ qui semblent en être une variante plus populaire, ne sont certainement pas canarlieus. Les mots : aubade^ musette^ et tambour sont pour le prouver. (1)

Chez mon pire ya trois filles se chante sur la première

(1) Il est important de remarquer que le peuple, en Canada, ne fait pas usage d'instruments à sons fixes, tels que la vielle et les dififérentes sortes de musettes ou cornemuses: le biniou, le haff-jnpe, eto; que le violon est le seul instrument dont se servent nos virtuoses campagnards ; et que, conséquemment, on ne saurait attribier aux exigences d'instruments à sons fixes le fuit que nos chants populaires appartiennent presque exclusive- ment au genre diatonique.

Le tambour, dont nos paysans ne font pas non plus usage, était autre'ois un instrument très en vogue en Canada, avant l'arrivée des blancs. On le regardait presque comme quelque chose de sacré, parce que les jongleurs s'eu servaient toujours dans les chants qui accompagnaient leurs magies. C'est si bien le cas que les premiers missionnaires de la Nouvelle-France ne c msidéraient un sauvage bien converti que lorsque celui-ci avait brisé son tambour. Le

Frère Gabriel Sagard dit, en parlant d'une coutume montagnaise: "

Je m'oubliais de parler des violons ou instruments musicaux

au sons desquels, <& des chansons des deux chantres, tout le branle alloit &

DU CANADA

287

partie (andante) de l'air noté ci-après. Cette variante m'a été chantée par une jeune fille du nom de Farly, de Saint-Barthélémy, comté de Berthier,

Pei- rette est l)ieu ma- la- de, Tra la

la la la la Tra la la la la la, Per- rette est bieu ma-

FIN.

la- de, Eu dauger de mou- rir. Eu daoger de mourir. T Presto.

Son a- - lui la va voi- - re, Tra- la la

a- - mi la va voi- - re : Te lai'- ra - tu mou- rir? Be- zin-

se remuoit à la cadence ; e'estoient une grande escaille de tortue <fe une façon de tambour de la grandeur d'un tambour de basque, composé d'un cercle large de trois ou quatre doigts, & de deux peaux roidcment estenduè^ de part & d'autre, dans quoy estoient des graines de bled d'Inde, ou petits caillous pour faire plus de bruit : le diamettre des plus grands tambours est de deux palmes ou environ, ils le nomment en Montagnais Ghichîgouan ; ils ne le battent pas comme oa fait par deçà : mais ils le tournent & remuent, pour faire bruire les oaiilous qui sont dedans, & ea frappent la terre, tantost du bord, tantost quasi du plat, pendant que tout le monde danse.

" Voyla tout ce qui est des instruments musicaux du pays."

" Sagard Histoire du Canada, page 47i, Paris, 1636.

288

CHANSONS POPULAIRES

zi be- ziu- zou Be- zia- zou be- zia-

zaia' Te lai' ra-

P

^3EgE|zEJEEgÊ|ÊEgfj;ggg?

tu mou- rir, Te lui' ra- tu mou-

rir ?

Andante.

Perrette est bien malade, Tra la la la la la Tra la la la la la, Perrette est bleu malade, En danger de mourir, (bis)

Presto.

Son ami la va voire, Tra la la la la la la, Son ami la va voire : Te lai'ra-tu mourir ? Beziiizi bezinzou, Beziuzou bezinzaine, Te lai'ra-tu mourir ? {bis)

Andante.

Non, non, répondit-elle,

Tra la la, etc.

Non, non, répondit-elle.

Je ne veux pas mourir, (bis)

m

D.C-

Presto.

Qu'on m'apporte ma flûte, Tra la la la la la la. Qu'on m'apporte ma flûte Et mon tambour joli.

Bezinzi, beziuzon, etc.

DU CANADA 289

Andante.

Pour jouer une iuibade,

Tra la la la la la

Tra la la la la la

Pour jouer uuo aubade

Et chasser les boucis. (bis)

Chez mou pèr' ya trois filles,

Les voici, les voilà,

Tra la la tra la la,

Chez mou pèr' ya trois filles,

Tout'.s trois à marier, (bis)

Mais yen a deux qui chauteut, Les voici, les voilà, etc., Mais yeu a deux qui chantent Et l'autre qui gémit, {bis)

Pourquoi gémir, la belle ? La voici, la voilà, etc.. Pourquoi gémir, la "belle : Nous somm's tous réjouis ! (bis)

Chantez, cliantez la belle, La voici, la voilà, etc.. Chantez, chantez, la belle, Nous chanterons aussi, {bis)

Qu'on m'apporte ma musette, La voici, la voilà, etc., Qu'on m'apporte ma musette Et mon tambour joli ! (bis)

290 CBANSONS POPULA.IRES

Que je jou' des aubades, Les voici, les voilà, etc., Que je jou' des aubades Aux enfants saus souci, (bis)

Les enfants sans souci, me dit-elle, Les voici, les voilà, etc. Les enfauts sans souci, me dit-elle, Ils sout bien loin d'ici, (bis)

Ils sont à la caserne. Les voici, les voilà, etc., Ils sout à la caserne, Après se divertir, (bis)

Ils boivent pots et pintes,

Les voici, les voilà,

Tra la la tra la la,

Ils boivent pots et pintes,

Vidant les verr's aussi, (bis)

DU CANADA 29î

A LA SANTE DE CES JEUNES MARIÉS

Quel est l'homme ayant tant soit peu de monde qui oserait parler maliieur, déception, tombeau, au mi- lieu d'un repas de noces ? Dans de telles circonstances, au contraire, chacun atrecte une joio sans mélange, et ne parle que félicité suprême et bonheur sans fin. Et pour tant la crainte est dans tous les cœurs. Ici bas:

" .jamai.s entièio allégresse ;

L'âme y soiitfre de ses plaisirs, Les cris de joie ont leur tristesse, Et les voluptés leurs soupirs.

" La crainte est de toutes les fêtes; Jaiu.ais un jour calme et ser«iu Du choc ténébreux des tempêtes N'a £>;arauti le lendemran "

Ce mystérieux " lendemain," on n'ose pas le regarder en face, on s'efforce de n'y pas songer. Plus courageux que nous, et, avouons-le aussi, la conscience plus tran- quille, l'homme des champs ne craint pas d'en rappeler le souvenir, môme au milieu de ses fêtes. Au lieu de se dorloter mollement dans la jouissance du présent, au lieu de s'écrier inutilement, comme Lamartine:

*' No pourrons-nous jainaio sur l'océan des âges Jeter l'ancre uti seul jour ? "

292

CHANSONS POPULAIRES

il regarde l'avenir avec calme, tâche de mettre à profit l'expérience du passé, et se raffermit dans le sentier du devoir.

Les couplets que l'on va lire prouvent, une fois de plus, la vérité de cette assertion des frères Grimm : que les chansons du peuple ne savent jamais mentir.

---\—^^^z

Sur vo- tre bou- Ah ! je

Vous cbau- ter u- - ue chau- sou, Don- uez

: ^ _ ^ p-

vo-tre at- - teu- ti- - ou.

Sur votre bonté

Ail! je me repose.

Puisque vous voulez

Tous ici que j'ose

Vous chauter uue cliausou,

Douuez votre atteutioa.

DU CANADA 293

Je ne parle pas

Ici du brtniva:5e,

Ni de ce repas,

Mais (lu tuaiia:,fe;

Je ne par.e maintenant

Que de ces Jeunes amants.

Vous avez dit : oui, Mot très-agi-éable ; Mais il est aussi Souvent regrettable, Et jusque dans le tombeau On se repend de ce mot.

Messieurs, jusqu'ici.

Jusqu'à vos oreilles.

Je puis bien parler

De tous ceux et celles

Qui se prennent sans s'aimer

Et meur'ut sans se regretter.

Vous, jeunes amants, Qui cliHrclit'Z des belles, Veillez sagem-nt, Soyez-leur fidèles,. Car vous pourriez être euâu Accablés de grand chagrin.

Pour vous conserver Beaux jours et bon rôle, Vous d'vez répéter Souvent ces paroles: Dieu veuille que je sois dons A cell' dont je suis l'époux!

294 CHANSONS POPULAIRES

Tu ne dois aimer

Que ta clière femme,

Que Dieu t'a dounée

Pour fldèl' compagne j

Tu dois toujours éviter

Cell' qui pourrait te charmer.

Vous vous êt's aimés, Aimez- vous encore! Vous serez charmés De revoir l'accor'-e Régner dans votre maison Avec la paix et l'union.

Jeun' femme, écoutez !

Vous ferez de même;

De Dieu suppliez

La bouté suprême

Qu'il vous bénisse tous deux

Et vous donne des jours heaxeux.

Messieurs, c'est assez Sur le mariage ; Daignez me verser De ce doux breuvage : Que je boive à la santé De ces jeunes mariés.

DU CANADA

295

DANS TOUS LES CANTONS (Paroles recueillies par M. J A. Malouin)

L'auteur de ces couplets, après avoir énuméré les vis- cissitudes du ménage, nous apprend que lui en a été exempt, qu'il est tombé sur un bon " gibier." Gela prouve deux choses : que les femmes peuvent être bonnes quelquefois (elles le sont même très-souvent) ; que les poètes de tous les calibres ne peuvent que difficilement se taire sur leurs avantages.

Cette chanson, au reste, est, dans son genre, un petit chef-d'œuvre. La morale en est toute pratique : savoir bien choisir son -' sribier."

-=F=«=S=*=2=J

j^ ^ . (-- tf- ^^

1 Daus tous les eau-tous Yades fiU's et des gar

^EE|=5=EEpZE|=?E£2EE*EE^EE^

cous Qui veul'nt se ma- ri- - er, C'est la pu- re vé- ri-

-^ ^

té. Les gar-çous vont les voir, Le plus sou-vent le

\^--

;«=-p— ^:

iË=EEÊ^Zl E?EES=^=-=I==^^

=^====ZZ^(-====

soir ; Les fill's se ré-joii- iss'nt Quand ell's voi'ut leurs a-

m o-

mis ; Ell's se dis'ut en sou-riant : Le voi-là mon a- mant !

296 CHANSONS POPULAIRES

Dans toua les cantons

Ya des flU's et des garçons

Qui veul'nt se marier,

C'est la pure vérité.

Les garçons vout les voir

Le plus souvent le soir;

Les till's se réjouissent

Quaud ell's voi'nt leurs amis;

EU's se dis'ut en souriant :

Le voilà mou amant !

Jeunes flU's, écoutez, Qui voulez vous marier: Votre engagement Vous causera du tourment. Vous prenez un état De peiu's et d'embarras; Bien souvent du chagrin, Sans eu conuaîcr' la fin. Qui vous f ra regretter La maison qu'vous quittez.

Etant mariée,

Il faut tout abandonner,

Tous les agréments

D'être avec les jeunes gens.

Faut rester au logis

Pour plaire à sou mari ;

Vous êtes mariée

Par votr' propr' volonté;

Vous avez pris mari,

C'est pour lui obéir.

S'il est complaisant.

Vous aurez de l'agrément j

Mais s'il est jaloux,

Vous n'en aurez pas beaucoap.

DU CANxiDA 29T

Combien y eu a-t-il De ces méchants maris, Que tout leur intérêt C'est d'aller au cabaret, Pour y passer leur temps A boir' tout leur argeut!

Le soir arrivé,

Ils revienn'nt à leur logis

Tout en furibons

Et menant le carillon;

Disant d'un air fâché:

" Donne-moi à souper!

Promptemeut lais mou lit,

Car j'ai besoin d'dormir! "

Comment pouvoir chérir

Un si brutal mari?

Vous, à la maison,

Ni pain, ni lard, ni poisson,

N'ayant pas le sou

Et souvent manquant de tout ,

Et vos petits enfants Qui vous diront : " Maman, Donuez-uous donc du p;iin, Car nous mourons de faim! " Hélas, (luel crève-cœur Vous f'ra verser des pleurs !

Mais comme cela

Tous les hommes ne sont pas :

Car tous ces défauts.

Pour un seul, ce serait trop!

Yen a, assurément,

Qui sont plus complaisants :

Ilsaim'nt leurs compagaées

Puisqu'ils les ont épousées.

Ils venl'nt les soulager :

C'est pour se faire aimer.

298 CHANSONS POPULAIRES

Mais si lea maris

Ne sont pas tous garantis,

C'est qu'il yen a trop

De ces feniiu's qu'ont des défauts.. ••

De ces Juxineurs marabouts,

Que rien n'est à leur goût ;

Quand on veut leur parler

Dans un coin s'en vont bouder.

Comment n'pas faire courroux

Avec uu tel hibou?

La semaine, au logis, EU's ont l'air tout étourdies; Mal peigiiées,jmal chaussées, Et souvent mal arrangées. Le dimanche arrivé, Vous les voyez frisées. Que tout's leurs qualités N'est (ju'pour l;i vanité. EU's n'ont aucun souci Pour l'alîair' du loiïis.

Qu'en a composé la chanson C'est un vieillard de ce canton Qui n'a pas regretté Le jour qu'il s'est marié. Il a pris un gibier Qu'il a su conserver; Elle a des qualités Qu'il n'a point publiées : Que chacun fass' comm' moi, Qu'il chante ce qu'il sait !

DU CANADA 299

CELLE QUE MON COEUR AIME

On chante, en France, les couplets suivants, qui ont avec notre chanson Celle que mon cœur aime un lien de parenté non équivoque:

Nous étions dix till's daus un pré, ToLit's les dix à marier.

Y avait Diue, y avait Chine,

Y avait Claiidiue et Martiue,

Ab! ab! Catb'rinette et Catb'riua,

Y avait la belle Suzon,

La ducliess' de Moutbazou,

Y avait Madeleine,

Y avait la du Maine.

Le fils du roi vint à passer, L'flls du roi vint à passer ; Salua Dine, etc., etc., etc. Embrassa la du Maine.

A toutes il fit un cadeau, A tout's il fit un cadeau. Bague à Diue, etc., etc., etc. Diamants à la du Maine.

Puis il leur offrit à coucher, 11 leur offrit à coucher. Paille à Dine, etc., etc., etc. Beau lit à la du Maine.

300

CHANSONS POPULAIRES

Puis toutes il les renvoya, . Toutes il les reuvo^^a. Chassa Diue, chassa Chine, Chassa Claudine (it Martine,

Ah! ah! Cath'rinette et Cath'riua, Chassa la belle Suzon, La «luchess' de Montbazou, Chassa Madeleine, Et ffarda la du ]\Lune.

Evidemment cette version n'est pas de source populaire. Mais il est possible qu'il existe, ou du moins qu'il ait existé, en France, une chanson populaire à peu près semblable à notre version canadienne, et qu'elle ait servi de thème aux couplets que l'on vient de lire.

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Si-

=&r=,

Dans mon che-

j'ai

è3:

i^=^--\z^z:z—s'—=i=:-\z-?^zz

ren- cou-

tré, Dans mon che- min

J'ai

ren- con-

}:=»

-^ «

à—--^^^-

tré, Ren- con- tré Jli- ne, reu- con- tré

Fi- ne, Ren- con- tré Jac- que.... Jac- que- li- ne, Tra la la la la la la la, Ren-con-tré

DU CANADA 301

a*^l~riT==d'ïi

=S=i:

=3^-

Ger- mi- net- te, Cell' qui vend des cho- pi-

net- tes, J'ai reu- cou- tré ma

Dans mon cliemiii j'ai rencontré : (bis)

Rencontré Mine, rencontré Fine,

Rencontré Jacque. .Jacqueline,

Tra la la la la la la la,

Rencontré Germi nette,

Cell' qui vend des cliopiuettes,

J'ai rencontré ma reine,

Celle que mou cœur aime.

Je les ai tout' tout' fait entrer: (bis)

Fait entrer Mine, fait entrer Fine,

Fait entrer Jacque . . Jaciiueline,

Tra la la, etc.

Fait entrer Germinette,

Cell' qui vend des cliopinettes.

J'ai faic entrer ma reine,

Cela que mon cœur aime.

Je les ai tout' tout' fait asseoir : (bis) Un' chaise à Mine, un' chaise à Fine,

Un' cliaise à Jacque Jacqueline,

Tra la la, etc. Un' chaise à Germinette, Cell' ([ui vend des chopinettes, Un beau fauteuil à ma reine, Celle que mon cœur aime.

302 CHANSONS POPULAIRES

Je les ai tout' tout' fait manger: (ftts)

Patate à Mine, patate à Fine,

Patate à Jacque.. Jacqueline,

Tra la la, etc.

Patate à Gerrainette,

Cell' <iui vend des c!ioi»inettes,

Un bon cliajjon à ma reine,

Celle que mou cœur aime.

Je les ai tout' tout' fait coucher : (6w) Paillasse à Mine, paillasse à Fiue, Paillassi! à Jaciine.. Jacqueline, Tra la la,, ete. Paillasse à Gcrmi nette, Cell' (jui vend des chopinettes, Un beau lit d'plunie à ma reine. Celle que mon coeur aime.

Je les ai tout' tout' renvoyées : {bis) Renvoyé Mine, renvoyé Fine, Renvoyé Jacque.. Jacqueline, Tra la la la la la la la, Renvoyé Germinette, Celle qui vend des chopinettes, Mais j'ai gardé ma reine, Celle que mon cœur aime !

DU CANADA

303

ENTRE PARIS ET SAINT-DENIS

Voici une [nùiicesse, fille d'au roi de France, qui se fait bel et bien couper l'herbe sous Le pied par une " savante," physicienne et botaniste. C'est un éloquent plaidoyer en faveur de l'usage, établi depuis quelques années, de donner des prix de chimie, de physique et de botanique dans nos pensionnats de jeunes tilles.

Une variante de cette jolie chanson se chante aussi en France. (Voir les Chants et, Chansons de M. Bujeaud, page 203, vol. 1.) J'ai recueilli ces couplets à Sainte-Louise, district de Montmagny.

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da- mes de la vill' Sont a- leu- tour qui dan- sent. Sur la feuil- le rou don don don, Sur la jo- li'

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li' feuil- le

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ron-

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de.

304 CHANSONS POPULAIRES

Entre Paris et Saiut-Denia n s'élève une danse ; Toutes les damus de la ville Sont alentour qui dansent. Sur la feuille n)n..dou don don, Sur la joli', joli' feuille ronde.

Toutes les dames de la ville Sont alentour qui dansent. - Il n'y a (jue la ûll' du roi D'un côté qui regarde.

Sur la feuille, etc.

Il n'y a que la flU' du roi D'un côté qui regai'de. EU' voit venir sou messager, Son messager de Nantes. Sur la feuille, etc.

Eli' voit venir son messager. Son messager de Nantes. Beau messager, beau messager, Quell's nouvell's ya à Nantes? Sur la feuille, etc.

Beau messager, beau messager, Quell's nouvell's ya à Nantes? Les nouvell's que j'ai apportées: Que votre amuic vous mande.... Sur la feuille, etc.

Les nouvell's que j'ai apportées: Que votre amant vous mande Que vous fassiez choix d'un amant; Pour lui a une amante. Sur la feuille, etc.

DU CANADA

Que vous fassiez choix d'un amant. Pour lui a uue ainaute. Est-elle plus belle que moi? Est-elle plus savaute?

Sur la feuille, etc.

Eat-elle plus belle que moi? Est-elle plus saviute? EU' n'est pas plus belle que toi; Mais elle est plus savaute. Sur la feuille, etc.

EU' n'est pas plus belle que toi, Mais elle est [dus savante : EU' fait ueiger, eU' fait grêler, EU' fait le veut qui vente. Sur la feuille, etc.

EU' fait neiger, ell' fait grêler, EU' fait le vent qui vente; EU' fait reluire ^e soleil A minuit, dais sa chambre. Sur la feuille, etc.

EU' fait reluire le soleil

A minuit, ilans sa chambre;

EU' fait pousser le r')maria

Sur le bord de 1 1 Manche.

Sur la feuille ron..d:)u dou doi^

Sur la joli', joli' feuille ronde.

306 CHANSONS POPULAIRES

IL N'Y A QU'UN SEUL DIEU

Je connais depnis bien longtemps cette ancienne ronde que l'on pourrait parfaitement appeler une ronde religieuse. L'exécution en est très-simple :

Les danseurs se comptent d'abord à haute voix, de façon à ce que chacun d'eux se trouve être désigné par un nombre pair ou impair. Le chant commence ensuite et la chaîne se meta tourner. On tourne ainsi constamment, tantôt à droite, tantôt à gauche; mais quand les chan- teurs en sont au sixième couplet, et chaque fois que ce sixième couplet se répète, tout le monde s'arrête, et, pen- dant que l'on chante : Six urnes placées, remplies, les danseurs désignés par un nombre pair se tournent, d"abord à droite, puis à gauohe, et font à leurs voisins de profonds saints. Ceux que désigne un nombre impair font la même cérémonie en sens inverse : le tout avec la gravité d'une cérémonie religieuse. Puis lorsque l'on chante : A Cana, en Galilée, les danseurs recommencent à tourner.

Tout cela n'est guère dans le goût des jansénistes. Tandis que ceux-ci, sous prétexte de respect, bannissent Dieu de tout ce qui n'est pas le ciel ou le sanctuaire, les catholiques véritables ont le bon sens de parler de Dieu partout, même dans leurs amusements. " On a r^mai-qué dès longtemps, dit d'une manière charmante M. de Sainte- Beuve, cette gaieté particulière aux peuples catholiques ; ce sont des enfants qui, sur le giron de leur mère, lui font toutes sortes de niches et prennent leur aises."

DU CANADA H07

Cette ronde est la traduction à peu près littérale d'une des Imitations des Séries druidiques que composèrent les missionnaires qui établirent le christianisme dans les Gaules. On s'en convaincra par cette citation partielle de deux chants publiés par M. de Villemarqué (Barzas- Breiz, pages 1 28) :

CHANT DRUIDIQUE.

Le druide.

Tout beau, enfant blauc du druide ; Réponds-moi, tout beau, que veux-tu ? Que je chauterai-je ?

L'enfant.

Cbante-moi la série du nombre un, Jusqu'à ce que je l'apprenne aujourd'hui.

Le druide.

Pas (le série pour le nombre un: La nécessité unique ; Le trépas père de la douleur; Rien avant, rien de plus

Lenfant.

La série du nombre deux ?

La série du nombre douze?

Le druide. Il y a douze mois et douze signes)

Onze bélek armés, . Dix vaisseaux ennemis,.... Neuf petites mains blanches,....

308 CHANSONS POPL'LAERES

Huit vents, .

Sept soleils, .

Six i)etits eiifiuits de cire,

Cinq zones antoni- de la terre,...

Quatre pierres à aiguiser,

Trois parties du monde,

Deux bœufs .

La nécessité unique, le trépas...

CHANT CHRÉTIEN.

Die inilii quid unus f Un us est De us Qui regiuit in cœlis. Die milii quid duo?

Die mihi quid duodecim? Duodecim apostoli ; Undecim stellae A Joseplio visœ ; Decem mandata Dei; Novem angeloriim chori; Octo beatitudines; Septem sacranieutaj

Sex liydrisB

Posifcœ lu cœua Galileaa; Quiuqne libiis Moysisj Quatuor evaugelistse Très su ut patriarcbœ ; Duo testamenta ; Un us est De us.

UU CANADA

309

FIN.

z^-rdl- - J:=:zgr=r

1^

Il n'ya qu'au seul Dieu. Il u'ya qu'un seul Dieu.

Il n'ya qu'un seul Dieu, Il u'ya qu'un seul Dieu.

Dis-moi pour- quoi deux, Dis-moi pour-quoi deux. A

*-;

■Il y a deux Tes-ta- uieuts.

Dis-moi pourquoi deux, {bis) Il y a deux Testaments, Il u'j-a qu'un seul Dieu, (bis)

-"• '* » «

îEE~E=*E-

--â—~-szzz

Dis- moi pour- quoi trois, Dis-moi pour- quoi trois.

=Ë^=Élip=p=3iiÊïi;ii à la

lettre A.

Il ya trois grands pa- tri- arch's.

Dis-moi pourquoi trois, {bis) n y a trois grands patriarches, Il y a deux Testaments, Il u'ya qu'uu seul Dieu, {bis)

310

CHANSONS POPULAIRES

Dis- moi pour- quoi quatr', Dis-inui pour- quoi quatre.

irrg=-«^--e-=z;=-r^=-rg^— g-j à la lettre B. ' U ya quatre é- van- gé- list's.

Dis-moi pourquoi quatre, {bis) Il ya quatre évangélistes,

Il ya trois grands patriarches,

Il y a deux Testaments,

Il n'ya qu'un seul Dieu. (6ts)

Dis- moi pour- quoi cinq, Dis-moi pour- quoi cinq. D

Ê^^iiliË^ËiÊ~ËiÊÊË^Ë=f*=Ë3 à la lettre C. Il ya cinq livr's de Mo- ïse.

Dis-moi pourquoi cinq. \\)is) Il ya cinq livr's de Moïse, Il ya quatre évangélistes, Il ya trois grands patriarches, Il y a deux Testaments, Il u'ya qu'un seul Dieu, {bis)

Dis- moi pour- quoi six, Dis-moi pour- quoi six. E ILento e religioso. tempo.

Six uca's pla- cées, rem- plies, A Ca-

i}=ffE^EE5E=ff==3?p=r:§ à la lettre D. na, en Ga- li- lée.

DU CANADA

Dis-moi pourquoi six. (bis)

Six urii's placées, remplies,

A Caua, en Galilée,

Il ya cinq livr's do Moïse,

II ya quatre évaiigélistes,

Il ya trois grands patiiarclies,

II y a deux Testaments,

Il n'ya qu'uu seul Dieu, {bis)

311

Dis-moi pour- quoi sept. Dis-moi pour-quoi sept

Il y a sept sa- cre- uieuts

Dis-moi pourquoi sept. {Us)

Il y a sept sacrements,

Six mni's placées, remplies,

A Caua, eu Galilée,

II ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre évaugélistes,

Il ya trois grands patriarches,

Il y a deux Testaments,

Il n'ya qu'uu seul Dieu, (.bis)

Dis- moi pour- quoi huit, Dis-moi pour- quoi huit

=^Z~~-'Zi:=:^~f!.—-'z—--i=:z-dà a la lettre P.

f ^ * —Il ya huit bé- a- ti- tud's,

312 CHANSONS POPULAIRES

Dis-moi pourquoi liuifc. (bis)

Il ya huit béatitudes,

Il y a sept sacremeuts,

Six urn^s placées, remplies,

A Cana, en Galilée,

Il ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre évangélistes,

Il ya trois grands i)atriarcUes,

II y a deux Testaments,

Il u'ya qu'un seul Dieu, {bis)

:_-hs- 1^:=^ ~o ~V-

pour- quoi neuf, Dis-moi pour- quoi neuf.

à la lettre G.

Dis-moi pourquoi neuf, (bis)

Il y a neuf cliœurs des auges,

Il ya huit béatitudes.

Il y a sept sacrements.

Six urn's placées, remplies,

A Cana, en Galilée,

Il ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre évangélistes,

Il ya trois grands patriarches,

Il y a deux Testaments,

Il u'ya qu'un seul Dieu, (bis)

rï;=^r-q=r=r=jr=t

^'— -— ? '— '

Dis- moi pour- quoi dix, Dis-moi pour- quoi dix

DU CANADA

313

—Il

ya

EE^EE*E£Ei£EEE5EEItEEÎ à la lettre H.

dix com- mau- de- ments.

Dis-moi pourquoi dix. {bis)

Il ya dix coinmandemeuts,

Il y a ueuf cliœuis des anges,

Il ya liuit béatitudes,

Il y a sept sacrements.

Six urrî's placées, remplies,

A Caua, en Galilée,

Il ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre évangélistes,

Il ya trois grands patriarches.

Il y deux Testaments,

Il n'ya qu'un seul Dieu.

:rg^==z==ze=i=^z:rf:

:ff^;

Dis- moi pour- quoi onz', Dis-moi pour- quoi onze.

^g^g-J--5^~^^--g— -— la lettre I. -Il y a onz' cents mill' vierg's.

Dis-moi pourquoi onze, {bis)

Il y a onz' cents mill' vierges.

Il ya dix commandements,

Il y a neuf cliœurs des anges.

Il ya huit béatitudes,

Il y a sept sacrements,

Sii; urrî's placées, remplies,

A Cana, eu Galilée,

Il ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre évangélistes,

Il ya trois grands i^atriarches.

n y a deux Testaments,

Il n'ya qu'un seul Dieu. (J)ia)

314

CHANSONS POPLTLAr.i:-:^

Dis- moi pour-quoi doiiz', Dis- moi pour- quoi douze.

^=J^^lHg^'=Êf ^^=*=llà la lettre J. Il y a les douze a- pôtr's.

Dis-moi poaniuoi doiizo. {bis)

Il y a les douze apôtres,

Il y a onz' cents inill' vierges,

Il yadix coinuiaudeuients,

Il y a neuf chœurs des anges,

Il ya huit béatitudes,

Il y a sejit sacrements,

Six urn^s placées, remplies,

A Cana, en Galilée,

Il ya cinq livr's de Moïse,

Il ya quatre év'angélistes,

Il ya trois grands patriavclies,

Il y a deux Testaments,

Il n'y a qu'un seul Dieu, (bis)

DU CANADA 31S

REMARQUES GÉNÉRALES.

Les différents intervalles de l'échelie des sons forment ce que l'on pourrait appeler le corps de la musique ; le rliythmu en est l'àme.

De Tunion de ces deux éléments nait la mélodie.

La mélodie est une suite de sons formant un chant compréhensible à l'oreille (1), suite de sons nécessaire- ment traversée par le rliytlinie et recevant de lui un caractère.

L'harmonie, qui repose sur la simultanéité des sons, n'est pas un élément essentiel de la musique, du moins de toute musique, comme l'échelle dos sons et comme le rhythme. L'homme de la campagne qui fait entendre sa voix solitaire au milieu des champs, fait de la musique, mais pas d'harmonie.

Ainsi donc :

Echelle des sons, corps de la musiijue; Rhythme, -âme de la musique; Mélodie,— corps et âme, échelle et rhythme réunis; Harmonie, —accessoire non obligé do la mélodie, du moins dans nos chants populaires.

Pour bien comprendre ce ([ue sont nos chants popu

(1) Scudo. Tout le mondo connaît la fameuse définition de saint Jean de Damas: la mélodie est une «uite de sons qui n'appellcnU Pour ces seuls mots : qui s'appellent, disait Choron, saint Jean Damascèae méritait bien d'être canonisé !

316 CHA^SOXS POPULAfRE.S

lainjs, examinons-lo» dans lonva modes— échelles des sons et dans leur rhylhnio. Examinons aussi jusqu'à quel point ils sont susceptibles de s'unir avec l'harmonie. Cet examen nous permettra de porter un ju;,'ement plus éclairé sur l'esthétique de cette musique du peuple.

ECHELLE DHS SONS.

Dans son acception générale, le son, suivant Boëce, " est un battement d'aircontinuéjusques au sens de l'ouye sans interruption aucune."

Les milliers de bruits qui remplissent la nature n'ont pas tous le caractère musical. Pour qu'un son porte le caractère musical, il faut qu'on puisse lui assigner une place dans une échelle ou série de sons quelconque de manière (jue l'oreille ne le confonde pas avec un son plus grave ou plus aigu.

L'immense échelle des sons musicaux, depuis le plus grave jusqu'au plus élevé que l'oreille puisse entendre, se divise naturellement par mtervalles que, dans le système musical qui nous est familier, nous appelons octave. (1)

Les sons compris entre les notes extrêmes d'une octave, se divisent de différentes manières, et par leur succession du plus grave au plus aigu, ou vice versa, constituent ce qu'on appelle gamme.

(1) Cet intervalle d'octave qui consonne si parfaitement à l'oreille, est aussi admirable d'ordre et de proportion dans ses causes que dans ses effets. Que l'on fasse entendre un son donnant 200 vibrations par seconde, le pre- mier son identique à l'aigu donnera 400 vibrations, le second 800, et ainsi do suite. A

DU CANADA 317

Le mode détermine l'ordre de succession des notes de la gamme oa d'une série de sons quelconque, d)

Il faut bien se garder de croire que nos deux gammes du mode majeur et du mode mineur soient les seules acceptables pour l'oreille de l'homme. A part toutes les preuves du contraire qui ont déjà été données dans ce volume, et toutes celles que nous fournit l'histoire, il en est une excellente qui réside dans ce fait : que les Arabes, les Indiens, et les peuples orientaux, en général, ne con- naissent point notre manière de diviser l'octave.

Dans les séries de sons dos divers systèmes de musique en usage chez ces peuples, les intervalles sont quelque- fois plus petits et quelquefois plus grands que les plus petits ou les plus grands intei'valles de nos gammes ma- jeures et mineures.

Chez les Hindous, l'octave, divisée en vingt-deux parties, présente, dans ses subdivisions, les plus grandes étran- getés. Il n'est pas un seul de leurs six modes principaux {ragas) qui corresponde en tous points soit avec les modes de notre plain-chant soit avec nos deux modes majeur et mineur.

La division de l'octave chez les Arabes constitue une échelle de sons non moins étrange pour nous que celle des Hindous. " Cette échelle .. . si naturelle à l'oreille des habitants d'une grande partie de l'Afrique et de l'Asie,

(1) Chez les anciens Grec-, l'échelle était divisée par séries de quatre notes appelées tétracorden. Lorsque saint Ambroise limita à une octave l'étendue de chacun des quatre modes du chant ambrosien, l'unité artifi- cielle du tétracorde, dans l'échèile des sons, disparut peu à peu pour faire place à l'unité naturelle do l'octave.

318 CtiANSONS POPaL.VUililS

est divisée par tiei-s de tons, de telle sorte (jii'au lieu de renfermer treize sons dans l'étendue de l'octave, elle en

admet dix-huit Semblable au système de tonalité

des Hindous, sous le rapport de la variété, celui des Arabes est de nature à faire comprendre jusqu'où peut aller la différence d'organisation musicale entre les p(iu- ples divers. Les douze moJes de ce système se divisent chacun en treize gammes ou circulations. Toutes ces circulations répondent à noti-e gamme de /a, mais dans un ordre de succession tel que les notes in.termédialres entre la et son octave supérieure se présentent tour-à-tour dans un état d'altération qui résulte de la division de l'échelle par tiers de lon^ à rexception de la quarte supé- rieure [ré)^ qui est immuable comme les deux notes des extrémités de la gamme." (1)

Il est certain que si nous entendions la musique qui repose sur de pareilles échelles de sons, nous la trouve- rions détestable, et cela parce que l'éducation de notre oreille nous porte à repousser de semblables divisions de l'octave. " Rien n'est plus difficile, dit M. Fétis, que de former une idée juste d'une musique dont les élémens sont absolument différents de ceux qui servent la base à la musique qu'on a entendue pendant toute sa vie : les musiciens les plus instruits ont beaucoup de peine à se défendre en pareil cas des préjugés de leur oreille. Un exemple prouvera ce que j'avance.

" M. Villoteau, ancien artiste de l'Opéra, était du nombre des savants qui suivirent le général Bonaparte

(1) Fétis. Rémmé philosopliiqiue de l'histoire de la Musique, pages LXXVUI et LXXIX.

DU CANADA 319

dans l'expédition d'Egypte. Sa destination était de re- cueillir des renseignements sur la musique des divers peuples de l'Orient qui habitent cette contrée. Dès son arrivée au Caire, il prit un maître de musique arabe, qui, suivant la coutume de ces musiciens, faisait consister ses leçons à chanter des airs que son élève devait retenir : car, dans ce pays, l'artiste le plus habile est celui qui sait de routine le plus grand nombi-e de ces airs. M. Villo- teau, qui se proposait de rassembler beaucoup de mélodies originales du pays il se trouvait, se mit à écrire sous la dictée de son maître; et remarquant, pendant qu'il notait sa musique, que l'instituteur détonnait de temps en temps, il eut soin de corriger toutes les fautes qui lui semblaient être faites par celui-ci. Son travail terminé, il voulut chanter l'air qu'on venait de lui enseigner, mais l'Arabe l'arrêta dès les premières phrases en lui disant qu'il chantait faux. dessus, grande discussion entre le disciple et le maître, chacun assurant que ses intona- tions sont inattaquables, et ne pouvant entendre l'autre sans se boucher les oreilles. A la lin, M. Villoteau ima- gina qu'il pouvait y avoir dans cette dispute quelque cause singulière qui méritait d'être examinée ; il se fit apporter un Eoud^ espèce de lath dont le manche est divisé suivant les règles de l'échelle musicale des Arabes ; l'inspection de cet instrument lui fit découvrir, à sa grande surprise, que les éléments de la musique qu'il savait et de celle qu'il voulait apprendre étaient absolu- ment différents. Les intervalles de sons ne se ressem- blaient pas, et l'éducation du musicien français le rendait aussi inhabile à saisir ceux des chants de l'Arabie qu'à

320 CHANSONS POPULAIRES

les exécuter. Le temps, une patience à toute épreuve, et des exercices multipliés finirent par modifier les dis- positions de son organe musical, et le rendre apte à comprendre ces gammes étranges qui avaient d'abord blessé son oreille."

" Les Egyptiens n'aiment pas notre musique, dit M. Villoteau, et trouvent la leur délicieuse."

On me pardonnera d'insister autant sur toutes ces étrangetés orientales. Il est bon que ces faits soient plus connus qu'ils ne le sont : il est tant de gens qui s'imagi- nent que la musique a toujours être, en tous temps et

en tous lieux, ce qu'elle est dans // Trovatore et

qu'elle ne sortira jamais de ! Ces considérations, d'ail- leurs, sont de nature à nous faire sortir un peu du cercle d'idées dans lequel on est accoutumé de tourner sans cesse; elles aident à se détacher un moment de théories trop exclusives, quoique bonnes en elles-mêmes, à placer l'esprit dans cette indépendance qu'il lui faut de toute nécessité pour juger sainement d'une tonalité, d'une langue musicale étrangère.

Notre musique, que l'on pourrait appeler européenne^ est née, comme l'on sait, des chants d'église du moyen âge, lesquels sont issus eux-mêmes de la musique de la Grèce antique.

Je fais grâce au lecteur de l'histoire de notre échelle musicale, et en particulier des faits qui se rattachent à son origine grecque. Pour peu qu'on ait feuilleté de livres, on a si souvent rencontré sur sa route les Pelages

DU CANADA H21

et les Hellènes qu'il est peu de lecteurs qui ne se soient écriés bien des fois :

Qui nous délivrera des Grecs et des Romains !

OU tout au moins des premiers ! Cependant, vers l'an 338 avant notre ère, il s'opéra, dans le système musical des Grecs, une transformation si féconde en enseignements qu'elle doit être rappelée ici.

Jusqu'à cette époque, le seul genre généralement connu en Grèce était le genre diatonique^ dont l'intervalle carac- téristique est le ton entier. Mais les rapports des Grecs, et tout spécialement des Ioniens, avec les peuples de l'Orient devenant de plus en plus fréquents, leur musique prit un caractère mou et sensuel qu'elle n'avait jamais eu jusqu'a- lors, et le genre appelé chromatique ., dont l'intervalle carac- téristique est le demi-ton., commença à devenir en usage. (1 )

Il ne faut pas croire que ces deux faits : les relations plus fréquentes des Grecs avec les peuples efféminés et sensuels de l'Orient et l'apparition du genre chromatique parmi eux, soient deux choses indépendantes l'une de l'autre, n'ayant aucune relation entre elles, et qu'elles ne se soient produites en môme temps que par une coïncidence tout accidentelle. Non, " les différents genres, comme le dit parfaitement M. Vincent, ont un caractère moral parti- culier : le genre diatonique est mâle et austère ; le chro- matique a quelque chose de tendre et de mélancolique ; enfin l'enharmonique est doux quoique excitant." D'où

(1) Plus tard, environ 200 ans avant Jésus-Christ, on vit apparaître ou réapparaître un troisième genre appelé enharmonique, dont l'intervalle caractéristique est le quart de ton-

322 CHANSONS POPULAIRES

il suit qu'une société à mœurs sévères chantera dans une tonalité dont l'échelle sera formée de grands intervalles, comme dans le genre diatonique, tonalité dans laquelle ne chantera jamais une société dissolue et affolée de plaisirs.

" Chaque système musical, dit M. d'Ortigue, a son échelle particulière, les sons sont divisés selon la cons- titution de ce môme système. L'échelle est en quelque sorte l'alphabet propre à chaque idiome musical, c'est-à- diré à chaque tonalité. Les intervalles sont plus ou moins distants les uns des autres, et ils revêtent entre eux des propriétés^ des affinités différentes selon les divers modes propres la tonalité à laquelle appartient l'échelle, en sorte que dans chaque tonalité on droit distinguer, en premier lieu, l'échelle générale des sons et en second lieu les échelles particulières des divers modes, c'est-à-dire la gamme et ses modifications, telles que la gamme majeure et mineure dans notre tonalité. Les Orientaux divisent leurs échelles par tiers et quarts de tons, la nôtre est divi- sée par demi tons, celle du plain chant fondée sur l'ordre diatonique procède par tons entiers, sauf les deux demi- tons inhérents d'ailleurs à l'ordre diatonique et le demi- ton accidentel. Plus les mœurs sont efféminées chez un peuple^ plus son échelle musicale affecte de petits intervalles rapprochés ; plus^ au contraire, un peuple est grave, plus il est attaché aux doctrines religieuses, et plus son échelle tend à multiplier les grands intervalles. Ceci soit dit pour pro- tester contre l'opinion de Rousseau et plusieurs autres théoriciens, à savoir que la coordination des intervalles dont se compose toiite l'échelle musicale est le produit

DU CANADA 323

d'une délibération, d'un choix, d'an calcul. Les échelles musicales ne sont pas le fait des hommes, pas plus que les alphabets, pas plus que les langues. Elles sont le produit spontané de mille causes, de mille circonstances de climat, de langage, d'aptitudes, etc. Ce que les hommes y ont mis, ils l'ont mis par instinct, mais il n'y ont rien mis délibérément. C'est l'œuvre de tous, ce n'est l'œuvre de personne en particulier ; c'est l'expression de la civili- sation." (1)

Et que l'on ne s'étonne pas que ces diverses divisions de l'échelle, que j'ai appelées le corps de la musique, aient tant d'influence sur la partie métaphysique de l'art. Dieu en créant l'homme esprit et matière l'a voulu ainsi; et si le but principal de l'art doit être immatériel, il n'en est pas moins vrai que les formes matérielles sont indispen- sables et qu'elles jouent un très-grand rôle dans tous les arts. C'est que, dans les relations de l'homme avec son semblable ou avec la société, il lui faut frapper aux organes du corps pour arriver à l'âme. Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a rendu un éclatant hommage à cette loi de l'éternelle sagesse. Rien de sensible, dit saint Jean-Chrysostôme, ne nous a été donné par Jésus-Christ, mais tout sous des apparences sensibles. Ainsi, dans le baptême, c'est par l'eau qui tombe sous les sens que la grâce invisible est accordée, c'est-à-dire notre régénéra- tion, notre renouvellement, opération toute intelligible. Si tu n'avais point de corps, tu aurais reçu ces dons tels

(1) Joseph d'Orligue. Dictionnaire liturgique, historique et théorique de plain- chant et de micsique religieuse au mogen âge et dans les temps modernes.

324 CHANSONS POPULAIRES

qu'ils sont, tu les aurais reçus incorporels, mais ton âme est jointe à un corps, et c'est par l'intermédiaire des objets sensibles qu'ils sont présentés à son intelligence."

Nos chants populaires appartiennent le plus souvent, quant à l'échelle des sons, à la tonalité grégorienne. Les exemples de ce fait qu'on a pu voir dans ce volume ne sont pas des exemples isolés. On peut ajQirmer que les mélodies qui n'ont jamais pénétré dans les villes, et elles sont extrêmement nombreuses, appartiennent presque toujours à l'ordre diatonique, et que très-souvent elles sont mèpe entièrement conformes aux lois modales du chant grégorien. Ce fait étant connu, un homme, qui, du reste, ne connaîtrait rien du Canada, pourrait dire avec certitude, de l'avis de M. Vincent, de M. d'Ortigue et de tous les théoriciens, que, du moins dans une certaine mesure (car il y aurait encore le rhythme à examiner), le peuple de nos campagnes canadiennes est un peuple à mœurs simples, honnête et religieux, (l)

On a pu voir que, dans un bon nombre de nos mélodies populaires, les modes grégoriens, avec leurs échelles spé- ciales, leurs notes à propriétés et affinités particulières, sont parfaitement accusés. Il est d'autres mélodies popu-

(1) " Platon, ainsi que les philosophes les plus célèbres de la Chine, con- sidérait la simplicité des mœurs et le calme des passions comme le fonde- ment le plus solide du maintiea de la constitution et de la tranquillité d'un royaume ou d'une république. Or, il est de certains systèmes de tonalité dans la musique qui ont un caractère calme et religieux, et qui donnent naissance à des mélodies douces et dépouillées de passion, comme il en est oui ont pour résultat nécessaire l'expression vive et passionnée. A l'audition de la musique d'un peuple, il est donc facile déjuger de son état moral, de ses passions, de ses dispositions à un état tranquille ou révolutionnaire, et enfin de la pureté de ses mœurs ou de ses penchants à la mollesse. Quoi

DU CANADA 325

laires qui portent aussi le cachet antique, mais qui affec- tent la plus parfaite indépendance à l'endroit des formes modales. Mélodies charmantes dans leur étrangeté, j'allais dire leur sauvagerie, elles offrent le plus souvent un mé- lange du premier mode grégorien et du mode majeur, et elles se promènent ainsi, sur un rhythme tantôt binaire tantôt ternaire, jusqu'à ce qu'il leur plaise de s'arrêter sur un intervalle dont l'oreille est tout étonnée, intervalle irrationnel suivant toutes nos lois, et pourtant d'une réelle beauté.

Ces mélodies sont précieuses à recueillir. D'une valeur incontestable, malgré leur bizarrerie, elles témoignent qu'en dehors de nos lois anciennes et modernes, il y a encore un vaste champ pour la musique de l'avenir.

. On a souvent dit que l'échelle du chant grégorien n'était qu'un reste de barbarie, le débris d'un systèrne de pure convention. Ces idées, il est vrai, n'ont plus cours parmi les musiciens instruits, mais comme elles sont profondément enracinées chez d'autres, et que ces derniers sont, après tout, le plus grand nombre, elles sont encore très-discutées. Or, entre musiciens qui ne s'accordent pas, il n'y a souvent d'autre argument possible que l'é-

qu'on fasse, on ne donnera jamais un caractère véritablement religieux à la musique sans la tonalité austère et sans l'harmonie consonnante du plain- chant; il n'y aura d expression passionnée et dramatique possible qu'avec une tonalité susceptible de beaucoup de modulations, comme celle de la musique moderne: enfin, il n'y aura d'accents langoureux, tendres, mous efféminés, qu'avec une échelle divisée en petits intervalles, comme les

gammes des habitants de la Perse et de l'Arabie L'inspection de

la musique d'un peuple peut donc donner une idée assez juste de son état moral, et Platon et les philosophes chinois n'ont pas été à cet égard dans une erreur aussi grande qu'on pourrait le croire." (Fétis, Résumé, p. LUI.)

326 CHANSONS POPUL/VIRES

change de coups de poings, argument qui, comme l'a dit quelque part m\ spirituel écrivain, ne se trouve pas dans la grammaire des grammaires.

Mais de pareils témoignages d'amitié ne résolvent rien* Si on voulait nous en croire on soumettrait tout simple- ment la question à un arbitre, et cet arbitre, on le devine, ce serait le peuple. J'ai d'ordinaire peu de confiance en ses jugements, mais le cas est exceptionnel.

Assurément on ne pourrait accuser le peuple de partia- lité : il n'entend rien à nos discussions; il fait sa prose ou ; ses vers sans le savoir, comme le bonhomme Jourdain* Ecoutons-le chanter, c'est la vraie nature prise sur le fait.

Le peuple chante dans les vieux modes grégoriens, non pas parce qu'il suit une note écrite qui le veut ainsi : il" ne comprend rien ni aux notes, ni à aucun système mu- sical — mais parce qu'il obéit à son insu à un ordre de choses supérieur, venant de Dieu et du rapport qui existe entre les choses visibles et les choses invisibles. Il subit l'action de tout ce qui l'entoure, et il trouve naturelle- ment l'expression de ses sentiments, de l'état de son esprit et de son cœur, sans aucun calcul, sans aucune idée pré- conçue de théorie ou de système. " La musique, a dit Leibnitz, est un calcul secret que l'âme fait à son insu."

Et notez qu'on ne peut attribuer à l'emploi d'instruments à sons fixes une éducation de l'oreille prétendue défec- tueuse, et que l'on ne saurait appeler la tonalité de nos chants populaires /a tonalité des cornemuses, comme écrivait quelque part madame George Sand. J'ai déjà dit que les

DU CANADA 327

paysans canadiens ne font usage d'aucun autre instrument que du petit violon.

" Il nous est arrivé, il y a quelques années, écrivait M. d'Ortigue, de parcourir pendant l'automne les campagnes avoisinant la montagne du Luberon, pour y l'aire la chasse, non au gibier, mais aux mélodies anciennes. Quand nous entendions une chanson, un cantique, une complainte, ou bien un air de fifre qui nous plaisait par sa singularité et son tour naïf, nous allions interroger le paysan, la paysanne ou le bei'ger qui l'exécutaient, et si nous ne pouvions le transcrire au moment môme, nous annoncions notre visite pour le soir à la veillée dans la grange. Réunis autour d'une table, les femmes cousant et filant, les hommes lisant, chantant ou fumant, ces braves gens nous répétaient la mélodie du matin, et quand nous en avions bien saisi les intonations et le rhythme, ce qui (pour le rhythme principalement) n'était pas toujours facile; quand nous avions tenu compte des diverses variantes que plusieurs d'entre eux proposaient, nous écrivions le chant sous la dictée d'un seul, au grand éton- nement de l'assemblée quine pouvait concevoir comment, au moyen de certains signes, on pût fixer les sons. Mais ils étaient bien obligés de se rendre quand nous leur chantions à notre tour la mélodie et les paroles sans faire une faute. D'ordinaire ces bons paysans nous disaient : Tel cantique a deux airs, l'ancien et le nouveau. Lequel voulez-vous? Nous les leur faisions chanter tous les deux, mais nous donnions presque toujours la préférence à l'air

328 CHANSONS POPULAIRES

ancien. Effectivement, disaient-ils, l'ancien est beaucoup plus beau, et il est fort remarquable qu'Us traduisaient le plus souvent l'air moderne dans leur vieille tonalité favorite^ en supprimant presque partoict la note sensible."

Ce que M. d'Ortigue vient de nous raconter m'est arrivé cent fois à moi-même ; les mômes observations qu'il a faites en France, je les ai faites en Canada, et si ce n'était quelques petits détails de mise en scène qui nous sont étrangers, (comme les réunions dans une grange,) on pourrait croire que le savant musiciste a fait sa chasse aux mélodies sur les bords du Saint-Laurent tout aussi bien que dans le voisinage du comtat Venaissin. Mais je reviens à notre arbitrage, et je conclus que si, très- souvent, le plus souvent peut-être, le peuple suit d'instinct les lois des diverses échelles modales du plain-chant, il est impossible que ces lois soient purement convention- nelles, et il est évident au contraire qu'elles émanent de la nature même des choses et de leur principe divin.

RHYTHME.

" Le rhythme, c'est le mouvement qui traverse néces- sairement la mélodie et lui donne un caractère." (1)

Dans nos chants populaires, le rhythme est souvent mesuré ; quelquefois il l'est à peine, et si, non sans difficulté, on peut lui reconnaître une mesure, celle-ci passe du mouvement binaire au mouvement ternaire, et

(1) Scudo.

DU CANADA 329

vice versa, puis disparait, puis reparaît encore, sans pour cela que le rhythme cesse un instant d'exister.

Que, dans notre musique artistique, on fasse durer un simple silence un temps de plus ou un temps de moins que ne le veut la mesure, l'oreille en est plus choquée qu'à l'audition d'une fausse note. Dans nos mélodies populaires, au contraire, des mesures tronquées ou allon- gées laissent l'oreille également satisfaite.

Le rhythme de nos mélodies populaires (je parle surtout des mélodies qui ne sont chantées qu'à la campagne) appartient doncàla fois au rhythme non mesuré du plain- chant et de au rhylhme mesuré de la musique moderne.

Pour le rhythme duplain-chant comme pour ses échelles modales, messieurs les musiciens avancés professent le plus superbe dédain. " Eh ! ne voyez-vous pas, me disait l'un d'eux, que si les vieux moines du moyen-âge ne mesuraient pas leur musique c'est qu'il ne connais- saient pas mieux ? Je suis d'avis, moi, que l'on devrait arranger tout le chant grégorien à deux, à trois et à quatre temps ce serait un progrès ! "

En vérité, on abuse étrangement de ce mot "progrès. "

Et d'abord on connaissait très-bien la mesure au moyen- âge. Avant même le moyen-âge, saint Ambroise con- naissait la rhythme poétique, et on possède aujourd'hui des documents établissant d'une manière irrécusable qu'aux neuvième et dixième siècles, il existait, concurem-

330 CHANSONS POPULAIRES

ment avec le plain-chant, une musique mesurée^ populaire, " essentiellement différente du chant de Téglise." (I|

Si donc on connaissait la mesure au moyen-âge, et que, néanmoins, le chant plane était toujours conservé dans l'église, on ne saurait dire qu'on ne faisait pas autrement par ignorance; il faut reconnaître au contraire que ce chant non mesuré a sa raison d'être, son expression propre. Et, apparemment, cette expression particulière convient singulièrement au sentiment religieux, puisque, pendant des siècles, le plain-chant au rhythme non-mesuré régna en souverain dans le sanctuaire, et que, de l'avis de tout juge éclairé, la musique mesurée, n'a jamais pu s'élever jusqu'à lui dans le domaine da l'art religieux.

" Il y a dans toute musique un rhythme indépendant de la mesure, puisque toute musique repose sur le son, et que pour tout son il y a deux périodes, la période qui correspond à Varsis et celle qui correspond à la thesis, celle de l'élan et celle de la chute, celle de l'aspiration et celle de l'expiration, celle de la systole et celle de la diastole.

" Etendues jusqu'à une certaine série de sons que la voix parcourt avec diverses inflexions, ondulations et cadences, ces périodes produisent comme un flux et reflux sonores, et déterminent un certain parallélisme que l'on désigne précisément par le nom de périodes.

" Or, voilà en quoi consiste le principe vivant et fécond de la musique: c'est le jet, c'est le soufïle, c'est l'âme. Et comme ce mouvement est intelligent et libre en lui-

(1) Voir le Résumé de M; Fétis, pages CLXXII et suivantes-

DU CANADA 331

même, comme il n'est pas limité, circonscrit dans son essor par certaines divisions matérielles du temps, qui sont autant de manifestations d'un ordre borné et uni, il s'ensuit que le plain-chant, seul, fondé sur une mesure abstraite, absolue, fait naître, par conséquent, sur chaque intervalle, l'idée du repos, comme il la fait naître d'un autre côté par l'unité de ton, en vertu de laquelle chaque intervalle ne se résout pas sur un autre, n'est pas appellatif d'un autre et est à lui-même son complément.

" Dans la musique proprement dite, le rhythme

se combine tantôt avec la mesure, tantôt contraste avec l'uniformité invariable de celle-ci par la liberté de ses allures, tantôt la contrarie en introduisant momentané- ment une mesure binaire dans une mesure ternaire, et réciproquement, tantôt enfin l'enveloppe dans la largeur de ses périodes et lui communique plus particulièrement son principe intelligent. C'est ce qui fait aussi la beauté et l'âme de la musique, bien que l'expression qui en résulte soit moins pure et moins élevée que celle du plain- chant qui, par la nature de sa constitution, s'interdit toute manifestation de l'ordre fini." (1)

On a comparé avec raison le rhythme du plain-chant au verbe de la langue hébraïque. Le verbe hébreux ne sait pas exprimer, comme le verbe de nos langues modernes, les nombreuses et subtiles modifications de l'espace et de la durée. Sans temps présent, souvent même il exprime au passé ce qui doit arriver dans l'avenir. (2)

(1) J. d'Ortigue Dictionnaire, col. 1323.

(2) "Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os

332 CHANSONS POPULAIRES

C'est le langage par excellence des prophètes, de ces inspirés du Dieu éternel devant qui tout est toujours présent, l'avenir comme le passé.

Gomment ne pas être frappé de la similitude de carac- tère qui existe entre le verbe hébreu et le rhythme du plain-chant : caractère intangible, mystique, illimité ; et comment, d'un autre côté, ne pas être frappé de la res- semblance que l'on remarque entre les temps variés et précis du verbe de nos langues modernes et les modifica- tions de temps limitées, précises, circonscrites de la mu- sique mesurée ?

Ecoutons les admirables choses que nous dit M. d'Or- tigue à ce sujet.

" Ainsi que la langue, la musique de chaque

nation présente deux éléments distincts, correspondant à ce qui, dans le langage des théologiens, est appelé Vœilde la chair et Vœil de la contemplation ; (1) deux éléments, l'un desquels prédomine selon que la tradition du péché originel s'est plus ou moins conservée dans cette même nation.

" Pour ce qui est du langage, si nous prenons par exemple la langue hébraïque, que la plupart des savants considèrent comme la fille aînée de la langue mère, nous

" Ils ont partage mes habits et ils ont jeté ma robe au sort" (Ps. XXI, v. 18 et 19.)

" Il a ^;m véritablement nos langueurs, il s'est chargé lui-même de nos douleurs. Et nous l'avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu et humilié.

" Il a été percé de plaies pour nos iniquités, il a été hriaé pour nos crimes." (Isaïe, ch. LUI, v. 4 et 5.)

(1) Université catholiqne, 2e liv., p. 215.

DU CANADA 333

verrons, par l'analyse des éléments intimes de ses parties du discours, qu'elle se prête merveilleusement à l'expres- sion du sentiment contemplatif et à l'idée de l'infini. Nos lecteurs n'ont pas besoin que nous leur apprenions que l'élément le plus fondamental du langage, le verbe, n'a pas chez les Hébreux, de temps pour exprimer le présent ; que leurs deux temps uniques sont de véritables aoristes ou temps indéterminés, flottant sans cesse entre le passé, le présent et le futur : cela étant parfaitement en harmonie avec le caractère d'une poésie tout inspirée, tout est prophétique, tout se rattache à l'éternité ; que l'on voit souvent dans les passages poétiques, surtout chez les prophètes, alterner les deux temps de la conjugaison hébraïque, de manière que, dans le même verset, le pre- mier hémistiche raconte au passé ce que le second exprime au futur ; ainsi, que ce qui est d'abord présenté comme fait accompli, se trouve ensuite prolongé en quelque sorte et embrasse la durée tout entière : langage surprenant, mais qui convient aux interprètes de Celui devant lequel le passé et l'avenir se confondent dans, un présent éternel (1).

Quant à toutes ces formes,

(le proverbe^ la vision^ la parabole^ Vallcgorie et le parallé-

(L) Uiiivrnté cathaliqm, 3e liv., p. 2S7 Frédéric -chlegel dit à ce sujet : " Tout leur sentiment et toute leur existence (des Hébreux) se rattachaient moins au présent qu'au passé, qu'à l'avenir surtout; et le passé des Hébreux n'était point, comme celui des autres peuples, de simples tradi- tions, des souvenirs poétiques, mais le grave sanctuaire de leur divine constitution et de l'alliance éterneUe. L'idée de l'éternité n'était point séparée chez eux de la vie active et de ses rapports, comme dans la philo- sophie isolée des Grrecs,- méditant solitairement; au contraire, elle était étroitement liée à la vie, au passé merveilleux du peuple élu, et aux pompes plus magnifiques encore de son mystérieux avenir." (^Hii. de la littérature, t. 1 p. 192, traduction de M. W. Duckett.)

334 CHANSONS POPULAIRES

hsme), elles concourent, avec l'aspiration, giii est l'élément divin de l'esprit, à rendre la langue hébraïque et généra- lement les langues sémitiques propres, dans leur ton, leur esprit et leur caractère, à l'expression de la révélation sacrée, de la prophétie divine et de la contemplation de l'unité infinie. Et c'est ce qui fait dire à Herder que la langue hébraïque est pleine de l'haleine de Vâme; qiCelkne résonne pas comme la langue grecque^ mais qu'elle respire^ qu'elle vit ; que celait l' esprit de Dieu qui parlait en elle^ le souffle du Tout-Puissant qui l'animait (I). Elle se prête peu à l'expression des modifications de la durée et de l'espace ; c'est pourquoi, en premier lieu, elle ne mesure pas les syllabes comme le grec et le latin ; elle ne les compte pas comme les langues modernes ; c'est pourquoi, en second lieu, riche en verbes et en substantifs dérivés des verbes, elle est très-pauvre en adjectifs qui correspondent aux qualités et propriétés des êtres. (2) Enfin, selon la remar- que de F. Schlegel, de toutes les formes d'art terrestre, on ne trouve guère dans les Saintes Ecritures de l'Ancien Testament que celles qui peuvent exister dans un ordre de choses purement spirituel. On ne saurait y découvrir d'exposition dramatique, ni d'images épiques particulières, pas plus que des exercices d'art oratoii'e ou des combinai- sons scientifiques; car, ajoute le même auteur, les formes grammaticales d'une langue et toute sa structure artifi- cielle sont l'ouvrage de la raison. Au contraire, les figures et les tropes sont les éléments de l'imagination ; or, ces

(1) Université catholique, 3e liv., p. 287.

(2) Idem.

DU CANADA 336

formes, très-propres à peindre l'état d'illumination céleste, appartiennent spécialement à la langue des Hébreux. (1) " Ainsi donc, permanence, expression illimitée, infinie, symbolique, aspiration vers Dieu, accent spirituel, enthou- siasme, parole triomphante, etc., etc., tel est le caractère dominant, le ton^ le mode particulier de la poésie et du langage de la Bible.

" Maintenant, comparez à cette langue certaine langue du Nord, par exemple, dans laquelle le caractère opposé se sera développé aux dépens de celui que nous avons essayé d'analyser ; langue presque impuissante à exprimer par le verbe la plénitude de l'être, de la vie et de l'action, mais très-propre, par la multiplicité des temps, par l'abon- dance des substantifs, par la richesse des synonymeSj à représenter toutes les modifications de l'espace et de la durée ; langue qui se prête bien plus à la lutte des senti- ments, aux conflits des passions qui sont du domaine du drame, qu'aux sublimes élévations, aux élans divins de l'ode ; chez laquelle l'aspiration, l'élément spirituel seront remplacés par une structure tout artificielle, par l'accent terrestre et sensuel, et par cette foule d'images voluptueuses qui peignent avec les couleurs les plus vives, les nuances les plus délicates, tous les accidents et toutes les vicissi- tudes de la vie positive, au cercle de laquelle elle semble exclusivement bornée ; comparez, disons-nous, à la langue hébraïque une langue d'un semblable ceractère, et vous comprendrez aisément que le peuple qui a parlé la première a retenir, dans un ensemble à peu près complet, les traditions touchant l'ordre de la révélation,

(1) V. l'Histoire de la littérature de F. Schlegel, t. 1., pp. 180-221.

336 CHANSONS POPULAIRES

de la grâce et de la réhabilitation ; tandis que celui qui parle la secon le doit vivre dans Tonbli de la noblesse originaire et de la haute destination do l'homme, sous l'empire de ses penchants et livré à tontes les jouissances du sensualisme.

" Il en est de môme des divers systèmes de musique, des différentes tonalités que nous avons nommés idiomes ou dialectes musicaux. A en juger du moins par les deux systèmes à notre usage, la tonalité du plain-chant et la tonalUé de la mimquc moderne, les uns sont au point de vue de la contemplation, les autres au point de vue de la chair. Les premiers, par leurs éléments cons- titutifs, se prôtent merveilleusement à l'expression des sentiments divins; les seconds se rapportent de la même manière, et presque exclusivement, à l'expression des passions terrestres. Il y a donc une certaine affinité entre les éléments constitutifs des diverses tonalités et des diverses langues et les notions morales propres au peuple auquel ces langues et ces tonalités sont familières.

'' Sous le christianisme, la musique se détache de la parole et vit de sa force propre. C'est dansun sol nouveau et fécond que la plante puise la sève nécessaire pour se développer dans son énergie essentielle. Néanmoins, le plain-chant a retenu l'idée antique de l'alliance de la mu- sique et de la parole, car il n'est, dans la pratique, que la récitation naturelle et mélodique, accentuée et rhythmée des textes sacrés. Mais considéré plus profondément, il est une tonalité dont la constitution donne lieu à la pro- duction de ces éléments qui, dans le langage et particu- lièrement dans la langue hébraïque, expriment l'être dans

DU CANADA. 3:?7

la plénitude de sa puissance illimitée, dans sa permanence et sa stabilité. Cet élément est celui du repos. Fonde sur une échelle de sons situés à des intervalles distants les uns des autres et d'une perception nette et facile, échelle qui, par l'interposition de ces mêmes intervalles successi- vement pris pour point de départ de huit gammes diverses, engendre huit modes de caractères dilïérents, le plain. chant procède de telle sorte que la gravité se môle à la liberté de l'allure et à la souplesse du rhythme. et que son mouvement, c'est-à-dire le mode de succession (|ui lui est commun avec les arts de la parole, se combine chez lui avec l'idée du repos et avec l'image du calme.

" Bien que mélodique dans son institution, le plain- chant, considéré dans sa constitution tonale, ne répugne nullement à l'harmonie; et c'est par l'élément de la con- sonnance que cette expression du repos se trahnit harmo- niquement. Car la consonnance est un accord qui ne se résout sur aucun autre, qui n'est point, pour me servir d'une expression consacrée, appellallf d'un autre accord, et qui ne laisse rien à désirer dans la plénitude de sa réso nuance.

" Cette tonalité du plain-chant n'est pas, au point de vue de l'art, aussi stérile que le supposent certains esprits dédaigneux, puisqu'elle a donné naissance à la tonalité moderne. La formation de cette dernière a été, en efl'et, un véritable enfantement. Elle est née de l'etfort, de la crise des deux éléments extrêmes de la tonalité du plain- chant, c'est-à-dire de l'union violente de deux intervalles de l'échelle que la théorie avait déclarés inalliables et entre lesquels elle avait prononcé un divorce éternel. Au

3?.8 CHANSONS POP CLAIRES

point de vue de l'art seul, on ne peut contester que la formation de la tonalité moderne ne soit un progrès im- mense. Sur quel élément repose cette dernière ? Sur la dissonance, sur la modulation, sur la transition, comme dit l'école, qui expriment la division, la variété, le conflit ; qui se prêtent à l'expression de tons les états de l'âme, aux mille modifications des sentimenls et des passions de la lutte desquels naît l'action dramatii]ne. Et cela est si vrai, que l'invention du drame musical, dans les temps modernes, date de la création de l'harmonie dissonante naturelle, il) c'est-àdire de l'origine de notre tonalité. Maisi]ui ne sent que, dans une langue musicale ainsi constituée, la modulation, cet élément qui exprime toutes les modifications de l'âme humaine, ne peut être séparée de la MESURE, qui exprime les modifications de la durée, non plus que des images de l'instrumentation, de ces effets et de ces contrastes de sonorité qui expriment les modifica- tions de l'espace? Qui ne sent que le genre que nous venons de caractériser est la musique au point de vue des sens et de la chair, celle qui dérive de l'élément humain, de la dissonance, tandis que celle qui a pour principe l'élément du repos et de la consonnance ne connaît ni modulation, ni mesure, ni artifice d'instrumentation, ni nuance d'exécution matérielle ? Dans cette dernière, le temps ne se divise et ne s'apprécie que d'une manière égale, abstraite et absolue. (2) C'est le symbole, l'aspira- tion, l'intuition, la contemplation, la vision de l'infini, qui embrassent la durée et l'espace tout entiers; c'est, ea

(1) Fétia. Résumé, pp. CCXVII— CCXXn. (2)Eétis, ii^8M7/i^, p. CLXXVI.

DU CANADA H89

un mot, la musique plane, le plam-chani. Cette musique, et celle composée d'après la tonalité des modes ecclésias- tiques, se rapportent donc à un ordre surnaturel, à un monde supérieur. Elle est la dépositaire du priucipe qui correspond à " l'oeil de la contemplation ou de la grâce." C'est par un sentiment de cette vérité que les Italiens ap- pellent la musique de Palestriua : Muslca dcW alliv niondo, la seconde musique sacrée, par opposition à la musique moderne.

" Ces deux éléments si distincts, le principe divin ou le repos et la consonnance, le principe terrestre et sensuel, la dissonance et l'accent, prédominent, l'un, dans le sys- tème de chant consacré au service divin, l'autre, dans l'iirt que nous destinons à chanter nos passions terres- tres." (1)

Revenons maintenant an rhythme populaire dont la dernière partie de cette citation nous a un peu éloignés.

Dans nos chants populaires, le caractère personnel, le moi humain trouve son expression dans le rhythine mesuré. Mais, même lorsqu'il ne chante que ses joies, ses peines, ou des snjets d'amour, d'aventures, de com- bats, etc., le paysan, le colon ou le voyageur canadien entend toujours la grande voix de Dieu dans les champs qu'il cultive, dans la solitude des bois, sur le fleuve géant ou sur les lacs immenses ; les plus belles fêtes auxquelles il lui est donné d'assister sont toujours les fêtes de

(1) J. d'Ortiguô. Université catholique, 1836. L'article d'où est tirée cette citation est reproduit en entier dans l'iatéressant petit volume de M. d'Ortigue iatitulé: miui^ne à l'Ejliae, Paris, Didier et Cie., 1361.

340 CHANSOJT.S POPrJL\rR'':S

l'église; son âme, peccable sans doute, ne connaît pas la hideuse incrédulité ; un sentiment religieux accompagne toutes ses actions, parle à sa conscience ; il pense à Dieu dans les jeux de la veillée comme dans le travail ; la prière entre un peu dans toutes ses actions. De là, dans ses chansons, l'infini, le permanent, à côté du fini, du pas- sager; de le rhythme majestueux, insaisissable du plain-chant à côté du rhythme tangible, mesuré de la musique moderne.

Encore un mot avant d'abandonner ce sujet.

Si j'avais le droit de donner des conseils au lecteur, je lui dirais de lire et de relire les articles sur le rhythme publiés par madame Marie Gjertz, dans le Croisé^ (P''e- mière année) ainsi que tout son opuscule intitulé: Lu musique au point de vue moral eu religieux. Dans ces écrits, tout, pour ainsi dire, serait à citer; mais je trouve, dans un autre de ses ouvrages, un court passage qui est comme le résumé de toute sa pensée sur le rhythme : je ne saurais vraiment mieux terminer cet article qu'en le mettant sous les yeux du lecteur :

a

L'autre soir Brigitte était au piano, nous ravissant par une de ces inspirations qui livrent son àrae. Ce soir là, elle aimait; chaque son, chaque phrase trouvaient un écho dans mon cœur.

"• J'étais placé près de la pendule. Le mouvement du balancier coupant en môme temps les phrases musicales et les battements de mon cœur m'irritait les nerfs.

DU CANADA 341

" J'allais changer de place quand, tout à coup, une pensée me frappe : ce qui est ordre dans la musique serait désordre dans une machine ; ce qui est conservation dans une machine serait destruction dans la musique; en d'autres termes, l'ordre de la matière brise l'âme, l'ordre

de l'âme brise la matière Il y a donc deux sortes

d'ordre, un spirituel, un matériel; l'un n'existant que dans la liberté, l'autre n'existant que dans la servitude

" Dès que je fus seule avec Brigitte, je lui fis part de ma pensée. Elle me répondit très-simplement que, si elle m'avait su embarrassé de cette question, elle m'en aurait donné la solution par le rhythme et la mesure. La mesure brise le rhythme, le rhythme brise la mesure, et cepen- dant l'un et l'autre ont le même caractère fondamental; la différence est dans la forme et dans les proportions. Le rhythme, dans son vol le plus audacieux, ne sort jamais du caractère de la mesure ; mais sa forme, qui est celle des affections de l'âme, a besoin de Uberté; tandis que la forme de la mesure, qui est propre à la matière inanimée, repousse la liberté : la machine ne respire pas. Appliquez cette loi à la société, mon cher docteur, et vous avez la lumière."

HARMONIE.

Tous ceux de nos chants populaires qui appartiennent exclusivement au mode majeur ou au mode mineur peuvent, indubitablement, être accompagnés avec toutes les ressources de l'harmonie moderne. Quant à ceux qui

342 CHANSONS POPULAIRICS

appartiennent aux modes antiques, ceux dans lesquels il n'y a pas de note sensible, ils se refusent natur^'llerneut à l'harmonie dissonante qui a pour principe et pour base la note sensible mise en rapport avec la sous-dominante

Mais ces derniers chants peuvent-ils toujours recevoir une harmonie, même pureuiont consoniuiutc ? Plusieurs artistes de mérite en ont fait l'essai en ma présence, et ni eux ni moi n'en avons été satisfaits.

D'ordinaire, les musiciens qui veulent harmoniser de telles mélodies les façonnent un peu à la modei-ne, redres- sant un tour de phrase par ci, introduisant une note sensible par là. C'est une façon tout à f lit leste dn se tirer d'embarras, et il n'est pas nécessaire d'être m.iliu pour pouvoir en faire autant. Il est bien entendu que lorsque je parle d'harmoniser ces chants n'apparaît point de note sensible, il n'entre pas dans ma pensée d'altérer la mélodie en aucune manière.

De ce que plusieurs muiciens ont échoué dans leur tentative d'y ajouter un accompagnement, devon:.-nous conclure que ces chants dépourvus de note sensible sont inharmoniques de leur nature? Cette raison ne serait certainement pas suflûsante. Les musiciens d'aujourd'hui connaissent fort peu le génie de la tonalité ancienne à laquelle ces chants appartiennent, la plupart n'ayant jamais déchiffré une seule page de contre-point du moyen âge ou même de la renaissance. Or il est impossible d'accompagner comme il convient les mélodies des com- positeurs qui précédèrent immédiatement ou qui furent les Cûutemporains d'Orlando Lasso, d'Allegri ou de Pales-

DU CANADA 343

trina, par exemple, sans avoir longtemps, bien longtemps étudié le contre point dont ils faisaient usage. La phm- séologie de ces mélodies est toute ditlëiente de celle de nos mélodies modernes, (1) et une des plus gi'andes difficultés, sinon la plus grande, qui s'oil'rirait à l'accom- pagnateur moderne, serait de discerner, dans ces mélodies, les notes de passage des notes qui doivent faire partie intégrante d'un accord; puis de décider à quel accord faire rapporter telle ou telle note de passage qui, prise isolément, ne doit avoir aucun lien de parenté avec l'accord qui se fait entendi-e avec elle, Ainsi, par exemple, dans notre musique moderne, il est certaines parties de la mélodie que l'on n'accompagne pas en faisant un accord pour chaque note ; il est certaines suites de notes, certains tours mélodiques, qui ne sont harmonisés que par un seul accord et qui ne reçoivent tel ou tel accord qu'en raison d'une phrase qui précède ou en vue d'une réso- lution pressentie. On comprend que, pour harmoniser ces notes de passage, il faut posséder à fond le génie de notre tonalité ; il faut que cette tonalité soit, en quelque sorte, notre langue maternelle. Or, possédons nous assez hien la tonalité ancienne pour donner à de telles notes de passage l'harmonie qui leur convient? J'en doute ; et,

(1) J'assistais, en 1858, à Rome, à une messe solennelle célébrée dans la Chapelle âixtiae. On y chantait de la musi(|uedj 15e ou du 16e sièoie> C'était la première fois qu'il m'était dounu d'euiendie de teilo musique, et j'avoue que je la trouvai fort étrange. Au momeut oiije croyais tenir une phrase elle disparaissait dans une fuite (/u(/«) qui me semblait insolite; impossible de prévoir nue nsolutiou, de her deux phrases ensembie. il y avait peut-être de grandes beautés dans cette mutique, mais ceite tonalité m'était étrangère; j'entendais ces sons comme j'aurais entendu de l'Hébreu» eans riuu y oomprendre.

344 CHANSONS POPULAIRES

pour ce qui me concerne, je le dis franchement : non. (l)

Qui sait si ces mélodies populaires qui n'appartiennent ni à notre mode majeur ni à notre mode mineur n'étaient pas autrefois susceptibles d'une harmonie vraiment rationelle : la diaphonie, harmonie devenue impossible aujourd'hui, à cause de l'éducation de notre oreille?

On sait que, vers le commencement du dixième siècle, le moine Hucbald de Saint-Amand recommandait les suites de quartes et de quintes comme produisant une suave harmonie. Ces suites de quartes et de quintes, qui nous paraissent aujourd'hui si barbares, n'avaient, au temps de Hucbald, rien que de très-conforme à l'instinct musical de l'époque. Ce fait qui nous paraît si étrange, est à l'éducation de l'oreille. Voici l'exphcation toute lumineuse qu'en donne M. de Goussemaker :

" Quand nous entendons une quinte, dit-il, cet intervalle harmonique représente à notre oreille un accord parfait, car bien que la tierce ne soit pas exprimée, on la sous- entend comme si elle existait. Il en résulte que, en entendant deux ou plusieurs quintes de suite, c'est comme si nous entendions deux ou plusieurs accords parfaits successifs ; ce qui blesse notre oreille, qui ne souffre pas le passage aussi brusque d'un ton à un autre. Il n'en était pas ainsi au moyen-âge, l'harmonie moderne n'existait pas: une quinte ne représentait pas un accord parfait ; cet accord était alors inconnu. La partie constitutive de

(1) Voyez l'opinion de l'abbé Lebœuf sur la compétence des musiciens en fait de musique ancienne : Dictionna,ire de M. J. d'Ortigue, col. 888.

DU CANADA 315

l'accord parfait, la tierce, non-seulement n'était pas admise, mais encore était considérée comme dissonance. La quinte, au temps de Hucbald, était moins un accord qu'un seul et même son. Les suites de quintes, de quartes et d'octaves produisaient sur l'oreille des musiciens du moyen-âge l'ellét que produit sur la nôtre le jeu de mixture de l'orgue, c'est-à dire un effet vague, étrange, indéfinissable, mais nullement désagréable et barbare." (1)

Mais cette question d'harmonie nous entraînerait trop loin. Au reste elle n'appartient pas rigoureusement à notre sujet, puisque l'harmonie n'est pas et n'a jamais été le fait du peuple. Disons cependant, en terminant, que l'harmonie ne doit être ajoutée aux chants populaires qu'avec beaucoup de tact et de goût ; que très souvent, elle en gêne l'allure et le rhythme, quand elle n'en détruit pas complètement la modalité ; et que, dans les conditions actuelles de la science, il vaut mieux, le plus souvent, qu'elle ne paraisse j^as du tout.

Dans toutes les remarques qui précèdent, on a pu voir que je n'ai pas tenu plus de compte qu'il ne faut des idées qui ont généralement cours parmi nous et des lois de notre musique moderne. La raison en est simple : ayant à examiner, dans nos chants populaires, une musique réellement d'un autre âge, je serais arrivé infailliblement aux conclusions les plus fausses si j'avais envisagé ce

(1 ) Coussemaker- Hint. de l'Harmonie au moyeii-ûgc

346 CHANSONS POPULAIRES

sujet au point de vue de l'art moderue. " Une cause d'erreurs malheureusement trop commune daus les arts, a dit un écrivain français, est la prétention de soumettre, à toute force, les monuments d'une époque reculée aux règles des époques récentes, et de compromettre ainsi la sûreté du coup d'œil rétrospectif par la rétroactivité des

jugements" '-La peute à l'anachronisme, a dit aussi

M. Vitet, l'application involontaire de nos idées, de nos habitudes, à la recherche des choses d'un autre temps, est une des grandes sources d'erreurs eu archéologie."

De tout ce qui a été dit dans ces Remarques, comme aussi dans quelques unes des Annotations qui les précèdent, on a déjà pu tirer et nous tirerons les conclusions sui- vantes :

l** Que la tonalité grégorienne, avec ses échelles mo- dales et sou rhythme propres, n'est pas un reste de barbarie et d'ignorance, mais une des formes infinies de l'art, forme parfaitement rationelle et éminemment propre à l'expression de sentiments religieux.

2^ Que le peuple de nos campagnes, dont les chants se rapprochent tant de cette tonalité, est bien encore le digne descendant de ces vaillants et pieux enfants de la Bre- tagne, du Perche et de la Normandie, qui, le fusil d'une main, et de l'autre tenant la charrue, commencèrent, avec tant de courage, les premiers établissements de la Nouvelle-France.

TABLE

PacSé

Préfacr .j-.ii^^...- 1 V

Adam et Eve..-.-i.- * * *. ICÏ

Ah! je m'en vais eiitrei' eu danse! - ^. 217

Ah! qui luarierons-uoua ? ^ *-- - 151

Ah! qui me passera le bais f^ ^-- ^-- 90

Ah 1 si mou moiue voirait danser ! -. - 129

A la claire fontaine.. 4.^....--... 1 et 285

A la San de ces jeunes mariés ^ 291

A Saint-Malo, beau port de mer 24

Au bois du rossignolet - - 108

Au jardin de mon père..... ^ - 44

Aurai-je Nanette ? ..-^.. 43

Bal chez Boulé 116

Bonhomme, bonhomme .- 227

Cécilia ^. .* 31

Celle que mon cœur aime -.^ 299

C'est dans la ville de Bytown .- 66

C'est dans la ville de Rouen 119

C'est dans Paris ya-t-une brune 185

C'est la belle Françoise .......i^..... 8, 10 et 11

C'est la plus belle de céans.... 219

318 CHANSONS POPULAIRES

C'est, la poulette grise 201

C'est le bon vin qui du use 2xil

C'est l'veiit frivolaiit 22

C'est Pinson avec Cendrouille 27L>

C'était une frégate 20!)

Chez mon père ya tiois filles 28(5

Dans les cliantiers nous hivernerons 100

Dans les prisons de Nantes 2G et 28

Dans ma main droite jo tiens rosier J47

DaTis Paris ya-t-nue brune 170

Dans tous les cantons 21)5

Descendez à l'ombre 16 et \7

D i gn e d i 1 1 d a i n e 50

D'où viens-tu, bergère ? 2fiG

En filant ma quenouille 214

En revenant de la jolie Rochelle 155

En roulant ma boule J2

Entre Paris et Saint-Denis 303

Et moi je m'enfouiyais 145

Et moi je m'en passe ! 83

Fendez le bois, chauffi'z le four 112

François Marcotte 274

Fringue, fringue 62

Frit à l'huile 65

Gai Ion la, gai le rosier 40

Genticorum 64

Hier sur le pont d'Avignon 97

Il n'y a qu'un seul Dieu 306

Isabeau s'y promèn e 37

Jacquot Hugues 271

J'ai cueilli la belle rose 87

J'ai fait une maîtresse 137

J'aimerai tendrement 20

J'ai perdu mon amant 195

J'ai tant dansé, j'ai tant santé ! 48

J'ai tant d'enfants à marier! 149

J'ai trop grand' peur des loups! 178

J'ai trouvé le nique de lièvre 153

J'ai vu le lou{), le renard passer 180

DU CANADA 349

Jamais je iioun irai de fjoai 233 et 237

Je le mène bien mou dévidoi ! ]8l

Je me suis mis an rang d'aimer 212

Je n'ai pis <le barhe au menton 191 et 1!)4

Je ne veux pas d'un liabitaTit 2()8

J'entends le moulin, tique, ti(]ue, taque 223

La bibonrnoise 74

La fille du roi d'Espagne 127

La guii;nolée 238

La poul ette grise 2<i3

Le juif errant 131

Le p'tit boisd'l'ail 142

Lève ton pied 18

Malbrougli 254

Marianne s'en va-t-au moulin 121

Marianson, dame jolie 157

M'en revenant de 8a,iut- André 183

Mon beau ruban gris 55 et 58

Mon cri cra, tire la lirette 54

Mon père avait un b au champ de pois 114

Mon ton t<»n tur.utaine 35

Nousétio'.is trois capitaines 18!)

Papillon tu es volage 187

Par derrièr' chez ma tante ya-t-un arbre planté 175

Par derrièr' chez mon père . 4

Perrette est bien malade 2^6

Petit rocher de la haute montagne 200

Pin pani pôle - 258

Pipandorà la balance 261

P'tit Jean 105

Quand j'étais chez mon père 70

Qui veut manger du lièvre 229

Sainte Marguerite 258

Si tu te mets anguille 78

Suivons le vent 23

Sur le pont d'Avignon 94 et 99

Sur le pont de Nantes 225

Tenaouiclie tenag i ouicheka ! 124

y Un Canadien errant 78

350 CHANSONS POPULAIRES DU CANADA.

Une perdriole 82

tîa jour l'envie m'a pris de déserter de France^..*. 1G8

Va, va, va, p'tit bonnet, grand bonnet 59

Vive la Canadienne! .^* 4

Vive Napoléon ! /H

V'iàl'bon veutl 21

Voici le temps et la saison 198

Rrmarqurs Gkneralks 315

Table...* * * 347

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