w w

MMW

y w w-

..^:.v.^

\. Ifei'- m,. m> * iv-' .'ii W W:-:

wa^M

*.*

If w w ir- r ^^ *■ r i

li' Ik'. ir' ii'$i: #'.'0 i^'l

m'

* t, i^ ";■

s^,,-*' &/ -ft-^ïT i5i «i.^

w f- P ^- ^ ^^ *

>* *, j#-, ^;

j' -, W' f ' î^- )»■ 1 i' P w »■■ /

v:^ V^ Vi 1^ t^ JÇh. tu ^0U^

r «■

•#

.'è^-*

'>

fW

I %:

m

'''51%

.^.

^fe^^»-^^^

^

^^.

'^f

, jfc^..„«- V

r r

CHANTS DU DÉSESPÈRE

(1914-1920)

DU MEME AUTEUR:

POÈMES, 1905.

IMAGES ET MIRAGES.

NOTES SUR LA TECHNIQUE POÉTIQUE

%l EN COLLABORATION AVEC GEORGES DUHAMEL.

LIVRE D'AMOUR

ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE.

DÉCOUVERTES

ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE.

LE PAQUEBOT TENACITY

ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE.

CHARLES VILDRAC

CHANTS DU DÉSESPÉRÉ

(1914-1920)

TROISIÈME ÉDITION

5S, M ^1

PARIS

ÉDITIONS DE LA

NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

35 ET 37, RUE MADAME, 1920

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE, APRES IMPOSITIONS SPÉCIALES, 125 EXEMPLAIRES IN-4'' TELLIÈRE SUR PAPIER VERGÉ PUR FIL LAFUMA-NAVARRE, AU FILIGRANE DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE, DONT 8 EXEM- PLAIRES HORS COMMERCE, MARQUÉS DE A A H, 100 EXEMPLAIRES RÉSERVÉS AUX BI- BLIOPHILES DE LA NOUVELLE REVUE FRAN- ÇAISE, NUMÉROTÉS DE I A C, 17 EXEMPLAI- RES NUMÉROTÉS DE CI A CXVII ; 940 EXEM- PLAIRES SUR PAPIER VÉLIN PUR FIL LAFUMA- NAVARRE, DONT 10 EXEMPLAIRES HORS COMMERCE, MARQUÉS DE a A j, 800 EXEM- PLAIRES RÉSERVÉS AUX AMIS DE L'ÉDITION ORIGINALE, NUMÉROTÉS DE 1 A 800, 30 EXEMPLAIRES D'AUTEUR, HORS COMMERCE, NUMÉROTÉS DE 801 A 830 ET 100 EXEMPLAI- RES NUMÉROTÉS DE 831 A 930. CE TIRAGE CONSTITUANT PROPREMENT ET AUTHENTI- QUEMENT L'ÉDITION ORIGINALE.

TOUS DROITS DE REPRODUCTION ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS LES PAYS Y COMPRIS LA RUSSIE COPYRIGHT BY LIBRAIRIE GALLIMARD 1920.

CHANTS DU DÉSESPÉRÉ

(1914-1920)

CHANT DU DESESPERE

Au long des jours et des ans. Je chante. Je chante.

La chanson que Je me chante Elle est triste et gaie : La vieille peine y sourit Et la Joie y pleure.

C'est la Joie ivre et navrée Des rameaux coupés. Des rameaux en feuilles neuves Qui ont chu dans l'eau;

C'est la danse du flocon Qui tournoie et tombe, Remonte, rêve et s'abîme Au désert de neige ;

9

C'est, dans un Jardin d'été. Le rire en pleurs d'un aveugle Qui titube dans les fleurs ;

C'est une rumeur de fête Ou des Jeux d'enfants Qu'on entend du cimetière.

C'est la chanson pour toujours. Poignante et légère, Qu'étreint mais n'étrangle pas L'âpre loi du monde ;

C'est la détresse éternelle, C'est la volupté D'aller comme un pèlerin Plein de mort et plein d'amour!

Plein de mort et plein d'amour. Je chante. Je chante !

C'est ma chance et ma richesse D'avoir dans mon cœur

10

Toujours brûlant et fidèle Et prêt à jaillir;'

Ce blanc rayon qui poudroie Sur toute souffrance ; Ce cri de miséricorde Sur chaque bonheur.

11

MOBILISATION

La guérite, lourd cercueil Ouvert debout, à la pluie ;

Le portillon de la grille

Qu'on ne franchit pas sans frémir.

Qu'il vous livre ou qu'il vous délivre ;

Le poste de police et son bat-flanc : Sommeil de forçats, traqué par la lampe ; Tourment du concierge à cartouchières; Bêtise et néant des consignes.

Ah ! rienn'estchangé depuis mon " service" ; C'est toujours la dure écurie à hommes; C'est toujours ton règne ô coaltar funèbre, Dans les chambrées comme aux latrines.

Horreur ! Les maîtres de céans

Ce sont toujours les capitaines de ton temps :

12

Ces deux qu'on nommait Bostock et Rava- chol.

Tels qu'autrefois pendant l'exercice, Au milieu de la cour je les retrouve Piaffant par jeu, changeant de cambrure, Posant pour la botte, posant pour le poil Et pour le poitrail si plein de sa croix : La croix des quinze ans de service et de manille.

Nation armée ! vois-les qui te regardent Entrer chez eux comme au pénitencier.

Va, ne crains pas qu'ils t'accompagnent Demain, le long des bois hantés les balles coupent les branches.

Ils te garderont peu de jours : Le temps de te rendre étouffants Les habits qu'ils vont te remettre; Le temps que s'humilie et tremble Le paysan qui les nourrit; Le temps que leur bêtise offense Plus d'un homme qui va mourir.

13

Ils te conduiront à la gare

Et rentreront dans leur caserne,

Pour que la Caserne demeure.

Rapporte-leur, quand tu reviendras, O nation armée, le pompon de gloire Le nouveau pompon dont ils seront gardiens Et que seuls ils sauront dignement arborer.

14

AVEC L'HERBE

A BERTHOLD M AHN

Ah ! que je VOUS regarde avec des yeux fer- vents,

Arbres grandis ici et sans contrainte,

Mes frères qu'on n'a pas comptés et mis en rangs

Et qui mêlez doucement vos bras et vos tètes !

Que je ne te force pas à tomber avant l'heure. Petite feuille d'or qui rêves en te berçant; Tu naquis pour danser dans l'air et la lumière, Reste jusqu'à la fin de ta danse et de ton sang !

Ah ! et toi, gazon vif, herbe populeuse,

heureux peuple Que font jouer les vents et l'ombre des

nuages ; Clémence de la terre ! Espérance invincible Qui renaît de la cendre et qui perce la neige î

15

Qu'en toi je m'agenouille et que je cache

en toi, Herbe, ma face d'homme qui fait fuir les

bêtes ! Que je sois confondu à ta taille; et ta loi, Que je la réapprenne et qu'elle me relève !

Brins verts contre ma bouche et que mon

souffle fait trembler, Je vous confie la détresse de l'homme Et la honte il est d'avoir encore abandonné Le soin de son royaume au rebut des âmes.

Herbe que rajeunit et lave chaque aurore. Je convie en ton cœur les cœurs toujours

aimants ; Je convie en ton cœur ces peuples vieux qui

pleurent, Repliés sous un joug sanglant!

16

SOUVENIRS

A GEORGES PIOCH

Souvenirs, ô souvenirs Le présent pèse sur vous Comme l'eau sur des jardins Submergés depuis trois ans î

La guerre sur vous s'augmente Et ajoute à votre foule D'autres souvenirs noyés.

Je voudrais m'en aller seul Sur un haut plateau; Je ne verrais que le ciel, Le ciel de toujours

Et les tribus d'herbes frêles Qui tremblent et rêvent.

17

J'établirais mon abri

Dans les cailloux millénaires

Fidèles du vieux soleil.

C'est qu'après trois années Enlisées dans les désastres, Je retrouverais Ce silence les pensées Font leur bruit violent.

O souvenirs de la guerre, C'est que je connaîtrais Vraiment vos voix redoutables;

Et c'est qu'enfin mon cœur Pourrait délivrer Sa colère et sa douleur. Sa honte et ses larmes.

18

CHANT D'UN FANTASSIN

A ANDRE BACQUE

Je voudrais être un vieillard Que j'ai vu sur une route ; Assis par terre au soleil Il cassait des cailloux blancs Entre ses jambes ouvertes.

On ne lui demandait rien Que son travail solitaire. Quand midi flambait les blés, Il mangeait son pain à l'ombre,

Je connais dans un ravin Obstrué par les feuillages Une carrière ignorée nul sentier ne conduit.

19

La lumière y est furtive Et aussi la douce pluie; Et un seul oiseau parfois Interroge le silence.

C'est une blessure ancienne, Etroite, courbe et profonde Oubliée même du ciel ;

Sous la viorne et sous la ronce J'y voudrais vivre blotti.

Je voudrais être l'aveugle Sous le porche de l'église :

Dans sa nuit sonore il chante ! Il accueille tout entier Le temps qui circule en lui Comme un air pur sous des voûtes.

20

Car il est l'heureuse épave Tirée hors du morne fleuve Qui ne peut plus la rouler Dans sa haine et dans sa fange.

Je voudrais avoir été

Le premier soldat tombé

Le premier jour de la guerre.

21

TREVE

Blanc matin de décembre rêve Un peu la grâce printanière.

Ces loques lourdes d'eau s'élèvent Aux longs élans d'un vent attiédi. Le cœur transi se sfonfle aussi.

Î5'

Le grand voile du ciel vo3'age Et les gouttes fines et rares Qu'il abandonne dans sa hâte Sont agréables à mon front.

Ah î depuis que je suis un homme J'en ai vécu, de tels matins ! Et je me chante un de ces airs Que je connais depuis longtemps;

Un credo vigoureux et tendre, Un chant dont a besoin mon cœur,

22

Qui s'accorde une trêve aussi Pour étroitement réunir A ce matin ceux de naguère; Et pour oublier que je suis Dans le deuil et dans la guerre.

23

RELEVE

A notre place

On a posé

Des soldats frais

Pour amorcer

La mort d'en face.

Il a fallu toute la nuit pour s'évader. Toute la nuit et ses ténèbres Pour traverser, suant, glacé, Le bois martyr et son bourbier Cinglé d'obus.

Toute la nuit à se tapir, A s'élancer éperdument, Chacun choisissant le moment. Selon ses nerfs et son instinct Et son étoile.

24

Mais passé le dernier barrage, Mais hors du jeu, sur la route solide. Mais aussitôt le ralliement Aux lueurs des pipes premières,

Dites, les copains, les heureux gagnants. Quelle joie titubante et volubile !

Ce fut la joie des naufragés Paumes et genoux sur la berge Riant d'un douloureux bonheur En recouvrant tout le trésor;

Tout le trésor fait du vaste monde Et de la mémoire insondable Et de la soif qu'on peut éteindre Et même du mal aux épaules Qu'on sent depuis qu'on est sauvé.

Et l'avenir ! Ah ! l'avenir,

Il sourit maintenant dans l'aube :

25

Un avenir de deux longues semaines A Neuvilly dans une étable...

Ah ! les pommiers qui sont en fleurs ! Je mettrai des fleurs dans mes lettres. J'irai lire au milieu d'un pré. J'irai laver à la rivière.

Celui qui marche devant moi Siffle un air que son voisin chante ; Un air qui est loin de la guerre : Je le murmure et le savoure. Et pourtant : les tués d'hier!

Mais l'homme qui a trébuché Entre les jambes de la Mort Puis qui se relève et respire Ne peut que rire ou sangloter: Il n'a pas d'âme pour le deuiL

26

La lumière est trop enivrante Pour le vivant de ce matin ; Il est faible et tout au miracle D'aller sans hâte sur la route.

Et s'il rêve, c'est au délice D'ôter ses souliers pour dormir, A Neuvilly, dans une étable.

27

PRINTEMPS DE GUERRE

J'étais boueux et las Et le soir dans les bois M'étreignait la poitrine.

Je m'étais étendu Sur un sombre tapis D'herbes froides et lisses.

Un papillon d'argent Errait dans l'air inerte Avant d'aller mourir.

Des troncs d'arbres gisaient Sciés depuis l'hiver ; Mais il surgissait d'eux Des pousses condamnées,

De tendres pousses vertes Qui regardaient le ciel Et croyaient au bonheur.

28

Pour le cœur, nul repos Pour l'âme, nul sourire Que celui de la mort !

Je me suis relevé. J'ai regardé, stupide.

L'herbe longue brisée par le poids de mon corps.

Je me suis mis en marche.

29

LA GRANGE

A GEORGES CHENXEVIERE

Quand tu étais étendu sur le dos, Dans l'immense grange, Au pied des piliers à peine équarris Comme sous des arbres,

A la lueur des falots tu voyais Jaillir jusqu'au faîte Le branchage beau et plein de raison Des vieilles charpentes.

Les deux pans du toit s'unissaient là-haut Dans l'ombre profonde, les araignées depuis cent années Pendaient leurs doux voiles.

Tu n'avais rien vu durant de longs jours Qui ne te fis honte;

30

Rien que des besognes de ravageurs Et des sacrilèges.

D'où tu revenais, rien ne subsistait Des foyers que l'homme Avec tout son art et d'infinis soins, Élevait pour l'homme. '

Mais tu retrouvais ici la maison. Belle comme un hvmneî Et le vieil amour incliné sur toi De ses grandes ailes ;

Ainsi que les voix qui montent vers Dieu Vont peupler l'abside, Tes yeux habitaient tout l'espace enclos Dans son corps paisible.

C'était la Maison, le dernier témoin Et le seul emblème

Pour louer encore l'œuvre de nos mains, Nos mains criminelles.

31

Ton cœur exilé savait prier Les meilleurs génies : Celui qui construit, celui qui laboure Et celui qui chante.

Hélas! Harnaché, tu partais un soir, Docile et stupide, Tu redevenais un lâche héros Terré dans sa tombe.

Et quand, de retour au même repos Tu cherchais la grange, Tu ne voyais plus qu'un amas noirci De bois et de pierres ;

Plus que les tronçons fumants des piliers

Debouts et tragiques,

Vieux accusateurs brandis devant toi !

32

MONTBLAINVILLE

A LEON BAZALGETTE

Maison, maison de Montblainville, Abri d'une nuit frissonnante Entre les coups de feu du soir et ceux de l'aube !

Tes habitants étaient partis Mais la vie en toi persistait Comme la forme et la chaleur D'un corps au creux d'un lit.

Contre ton âtre ranimé

Je suis resté blotti des heures

Pendant que les autres dormaient.

Je regardais, je regardais Chaque objet fidèle à sa place; J'imaginais toute une vie Oii je m'étais servi de lui ;

33

Et j'étreignais de tout mon cœur,

Humble maison de paysan,

Ton vieux bonheur intact encore.

J'avais toujours connu Tes assiettes sur le mur, Ta lampe et son abat-jour, Ton seau de bois et ta huche ;

Et j'écoutais sans m'en lasser le balancier De la haute horloge sonore Qui m'assurait avec lenteur De l'égalité de la nuit.

Maison, maison de Montblainville, Le lendemain tu flambais toute Et l'herbe, aujourd'hui, à ta place Doit recouvrir un éboulis de pierres.

Je pense à ceux qui t'ont perdue Ceux dont je fus le dernier hôte Et qu'un autre toit que leur toit Abrite aujourd'hui quelque part.

34

Ils ne me connaîtront jamais ; Et pourtant nous sommes peut-être, Eux et moi, les seuls au monde En qui survive ô maison morte La douce image de ton cœur.

35

INTERMEDE

Pendant que j'étais chez la fruitière Il est entré une petite fille, Un litre couché dans son bras Et des sous pressés dans sa main :

Trois sous de sel et un litre de bière.

Sa bouchette aux lèvres froncées Avait grand sérieux et pensait: Dépêchons-nous ! Que de soucis !

Sa bouchette aux lèvres froncées N'empêchait pas mais accusait plutôt Dans les joues fraîches, deux fossettes ; Et son petit nez de bébé Semblait railler sa gravité.

Mais son regard de grande dame... Mais sa nuque entre ses deux nattes !

36

De la bière à combien, mon enfant?

« A six sous. » Elle vérifia Un à un les sous dans sa main Donna son litre et attendit

Et fut toute tendue d'attente.

Y avait-il pas quelque part

Au pied d'un lit, dans une encoig^nure,

Une petite poupée de son

Qui grelottait sous des chiffons

Au fond d'une boîte en carton?

Y avait-il pas au logis

Un petit frère touche-à-tout? Ou quelque dîner sur le feu?

Mais soudain la bouche s'entr'ouvrit : Les yeux, les yeux de grande dame S'étaient tournés vers l'étagère il y avait les bonbons.

C'est alors qu'en gagnant la porte Je lui demandai: Comment t'appelles-tu?

37

Elle sourit et dit : Alice.

Alice, voici deux sous pour toi.

Après, je l'ai rencontrée dans la rue Elle portait son litre et son sel. Elle avait aussi un petit cornet...

Elle a rougi à mon sourire Et elle m'a fait un si gracieux, Un si noble salut de la tête. Que j'ai soulevé mon képi.

Amiens, 1916.

38

ELEGIE A HENRI DOUCET

TUÉ LE 11 MARS 1915

Le Peuple est vaste, obscur et incliné, Incliné toujours.

Sur le labeur et sur la pitance et sur les berceaux.

C'est une forêt drue, basse et puissante Qui ramène au sol ses rameaux noueux s'accumule une âme qui s'ignore.

Mais le temps vient, ici et là,

Le temps vient d'une branche élue

Qui ressurgit du noir humus

Et tout droit s'élève,

Avec les efforts de qui sait l'effort.

Avec les vertus gardées dans la sève,

Et va délivrer, haut dans l'azur,

Les rêves longtemps repliés

Dans les feuilles longtemps captives.

41

O Peuple, il sort ainsi de toi Des fils aux yeux avides!

Des siècles d'humbles labeurs Et d'amour minutieux Ont amassé dans leur poitrine Un chant qui déborde et s'élance.

Qui mieux qu'eux serait ton témoin,

Beauté du Monde?

Quelle autre voix mieux que leur Aoix

Contient ton rire et ta colère.

Le sanglot de ta vieille peine,

Forêt si vieille et toujours verte.

Apre et chaude forêt des hommes ?

Mon ami, c'est toi que j'évoque, Frêle ouvrier de quatorze ans Si résolu, si appliqué, Henri Doucet de Châtellerault, Elève à l'école du soir.

42

i

Pour que tu aies été celui que tu devins, Cœur attentif, savoir, esprit sagace, Danse et chant, prière et soleil, Pour que tu aies été un peintre et un poète,

Il n'avait pas suffi, pour toi de quinze années D'allègre pauvreté, d'études têtues Et d'efforts éblouis et lents à la conquête, A l'ascension de ton art et de toi-même ;

Il n'avait pas suffi de toi devenant homme Après avoir été un héroïque enfant.

Il avait aussi fallu, Dans le passé, que des hommes Avec des yeux comme les tiens, Dix ou vingt hommes, qui sait. Jalonnés au long des temps

Approchant de leur village Après le travail d'un jour, Soient pris d'un doux désespoir En voyant une fumée Défaillir sur un ciel d'or.

Il avait fallu peut-être Qu'une enfant étant assise Au fond d'une impasse noire, Immobile et engourdie A cause de son petit frère Endormi sur ses genoux,

Qu'une enfant toute à son rêve Ait vu de molles pelouses Parées d'oiseaux et de roses, De brebis et de jets d'eau.

Avant que tu aies pu chanter La jouvence et les atours De la rivière au printemps,

Il avait aussi fallu

Que mainte laveuse

A genoux sur des roseaux

Usât dans l'eau ses mains rouges

Sans pouvoir être attentive

A rien d'autre qu'à sa tâche.

44

Pour accomplir une àme lumineuse entre

toutes, Entre toutes plaisante, Qui sait l'amour qu'il faut Et les étapes dans la nuit Et les victoires sur la mort? Et qui sait quel trésor, comme un fruit unique Mûrit depuis toujours en tout enfant qui

passe?

Qu'importe ce trésor, ô mon ami,

Aux trafiquants du monde!

Leurs enjeux, leurs valeurs se nomment

Patrie, population, territoire, effectifs,

Main-d'œuvre, marchandise;

Toutes choses qu'on divise

Ou qu'on additionne.

Qu'importe l'arbre patient Equilibrant ses branches Et qu'importe son attitude

45

Comme une pensée à lui seul,

Ah! qu'importe l'arbre et son rêve

A celui qui n'aime pas l'arbre !

A celui qui dit: Mes forêts,

Mon patrimoine, mon domaine

Et qui, ne s'informant que de l'âge et du

nombre. Ordonne à distance des coupes 1

Qu'importe aux ravageurs du monde Qu'importe un homme, chaque homme, O mon frère qu'ils ont tué î

Ils nous ont pris, toi, moi, nous tous. Hommes parqués, matériel humain. Comme on prendrait la mcnuc-paille Pour nourrir un feu, Prodiguant les poignées après les poignées ;

Et tant mieux pour ce qui a pu Entre leurs gros doigts glisser et fuir Et tant mieux pour ce que le vent Dans son jeu brusque a pu sauver.

46

Mais toi !

Mais toi, happé par l'incendie,

Tendre ami, je ne sais pas môme

A quel creux du sol calciné

A quel point du désert de cendre

Gît ta cendre frêle.

47

II

CHATELLERAULT

C'est un bourg plutôt qu'une ville, Malgré cette usi ne; Et la maison de tes parents N'est pas loin des champs ;

Pas loin des prés ni de la Vienne Que longe un sentier ; Que bordent potagers, guinguettes Et les peupliers.

Ta mère m'a montré ta chambre. On y parvient Par une échelle de meunier Sous un auvent.

48

Penché sur la rampe de bois,

Tu regardais

La table dressée en plein air

Aux plus longs jours

Et ton père arrosant les fleurs

En attendant la soupe.

Penché sur la rampe de bois, Tu aurais vu sans doute, hélas, Un matin du printemps dernier Ta fille et ta petite sœur Jouer ensemble.

49

III

Pendant trente ans ton père a fabricjiié Des fusils Lebel, à la Manufacture; Et maintenant qu'elle est finie, la guerre, Le voici retraité.

Il trouve encore à s'employer aux champs, Mais il est triste ; il pense à son fils mort; Il pense au temps il t'aidait le soir A broyer tes couleurs, à tendre tes toiles; Au temps le dimanche, au petit jour, Vous partiez à la pêche ensemble.

Et son métier aussi, lui manque:

Le voici dévêtu de la vieille habitude;

Il n'aima pas en vain sa tâche tant d'années.

Mais comme il ne sait pas démêler ses regrets Ni penser au delà de ses mains travailleuses,

50

Cœur trop simple, il confond dans la même

tendresse Son temps de père heureux et les jours sans

reproche ses doigts ajustaient d'innombrables

fusils Semblables au fusil qui tua son enfant.

51

IV

La victoire mieux qu'acceptée,

Bien accueillie,

La victoire vraie d'une race

Est dans sa beauté tendue au monde ;

Est dans le vouloir, la façon qu'elle a

D'aimer et d'élever sa vie ;

Dans le génie des artisans

La patience des paysans

L'enseignement des sages ;

Et dans l'art qui contient le sol et le ciel,

L'art qui est local comme un vin

Mais abreuve aussi, comme un vin,

Des hommes de partout.

La victoire d'ici n'était pas, hélas,

La ripaille et la bamboula

Des impénitents impunis.

Sur le plus grand charnier du monde ;

52

Ni ces bateleurs jouant les Bismarck Ni les Sénégalais dans la maison de Gœthe; Ce n'était pas des noms de képis et de bottes Donnés aux grandes rues des villes, Ni la bêtise nationale épanouie.

La victoire d'ici et de là-bas,

Mon ami tué, c'était toi vivant !

Et ceux, tes pareils, et ceux tout ardeur

A toujours dépasser, comme l'alouette.

Leur propre effort tendu vers leur ciel,

Vers un morceau bleu du ciel de tous !

53

ELEGIE VILLAGEOISE

... Jean Riiet aussi est mort; Il avait vingt-quatre ans ; C'était un gars de Saint-Ay Dans les vignes, sur la Loire.

Jean Ruet a été tué !

Qui donc aurait pu croire

Que celui-là mourrait ?

Il était si vivant Que c'était grand plaisir De voir ce garçon-là, Son nez humant l'espace, Ses fins sourcils farceurs, Ses gestes de danseur. Et d'entendre son rire !

Son œil, quand il lisait

La guerre dans les journaux,

54

Etait l'œil de Panurge Ecoutant Dindenault.

Et la belle santé Excluant la rancune, Nos grands chefs militaires Excitaient sa gaîté.

11 est mort un matin Qu'il pliait son grand corps Pour saisir aux épaules Un mort dans un boyau.

Un obus est tombé Au bord du parapet Et sa gerbe a criblé Notre gentil Jean Ruet.

Sur le brancard j'ai vu Son corps blanc et splendide La mort n'avait pas pu Abîmer sa poitrine.

Hélas ! j'ai vu ses traits S amincir et se fondre

55

Pendant qu'il répétait L'adresse de sa mère.

Nous l'avons enterré Dans un bas-fond d'Argonne; J'ai vu trois jours après L'eau qui couvrait la place.

Un dimanche matin pavoisé de lilas, Vous traversiez un grand village. Un bruit de rires et de verres Venait d'une fenêtre ouverte.

Des enfants frais-lavés, tenant des sous, Franchissaient le seuil des boutiques ;

Des gens en blouses empesées, Bonnets blancs, chapeaux à cerises. Descendaient avec de grands rires D'une carriole garnie de chaises ;

56

Et sur la place communale,

Au milieu des tilleuls tout neufs,

Le vent parfumé soulevait

Pour les enfants, comme un complice,

Un coin de bâche encore tendue

Sur un mirobolant manège :

Cristaux, peluche et cuivre jaune.

Pour gagner les champs, si vous preniez La ruelle viraient les hirondelles, Vous longiez un jardin et vous pouviez

voir. Par dessus la clôture,

Jean Ruet qui apprenait à sa plusjeune sœur La Valse du Printemps, Tout en repiquant des salades.

Ou bien, longeant le mur de la maison,

Assailli des orties et des liserons,

Vous entendiez un cornet à piston

Qui reprenait dix fois, avec toujours plus

d'âme. Les deux mesures sentimentales et finales Du grand morceau de la fanfare : C'était Jean Ruet dans son grenier.

57

4

Le soir au bal, c'était Jean Uiiet Qui faisait danser et dansait ; Et dans les vignes c'était Jean Ruet. Qui enlaçait et embrassait.

Et ce compagnon au pressoir Se prodiguant, c'était Jean Ruet. Et ce paysan dans les champs Au petit jour, c'était Jean Ruet.

Il était si vivant que c'était grand plaisir De le regarder vivre î

Mais il est mort aussi, Mort comme ses trois frères Et encore beaucoup d'autres De Saint- Ay sur la Loire;

Beaucoup d'autres aussi En France, en Angleterre, En Prusse et en Bavière, En Flandre et en Russie.

58

Beaucoup d'autres Jean Ruet Qui chantaient sur la Terre En y plantant la vigne Le houblon et le blé Sans penser aux casernes.

Jean Ruet surtout est mort ! Ce ne sont pas les vieux Ni les femmes ni les sœurs Qui vont avoir le cœur D'aller sarcler les vignes Et tailler et soufrer !

Puisqu'il n'y a plus d'hommes, Il n'y a plus besoin de vin : Arrachez toutes les souches Pour chauffer cet hiver Vos cœurs deux fois transis.

Vieilles gens de Saint-Ay Et de France et d'Europe,

59

Soignez pour vivre encore Cent pieds de pommes de terre Et envoyez vos filles Travailler aux fabriques.

60

EUROPE

Arbre mutilé, maintenant sois libre !

Ils avaient empoigné tes branches Pour les cingler et les briser ensemble Par le calcul et la rigueur de leurs pesées ;

Ils les maintenaient en branle éperdu, Ils les tourmentaient de durs élans captifs, Ils se disputaient tes fruits et tes feuilles Et jusqu'à tes nids !

Ils ont fait de toi pendant vingt saisons Un arbre d'hiver et de quel hiver! Le sol est jonché de tes frondaisons. Ton écorce pend en lanières blêmes Poisseuses partout de la même sève !

Mais maintenant, veuille revivre et libre ! Mais maintenant oh ! veuille te garder!

61

Ton faîte est brisé mais le tronc est fort, Mais l'espoir est fort, mais la terre est riche. Et vois tes bourreaux : leur œuvre n'a pu Que précipiter leur décrépitude !

Arbre écartelé par leurs convoitises. Tes bras déchirés, tes bras ennemis Fais-les se nouer, se croiser, s'étreindre, Se quitter, se tordre et se prendre encore De telle façon que tu ne sois plus Un déploiement de forces divergentes. Mais un seul destin, un amour, un arbre !

62

RETOUR DE LA GUERRE

Qu'en dis-lu, voyageur des pays el (les gares ?

Paul Veulaine,

Toi qui rêvais d'accorder dans ta voix L'allégresse d'aimer Et ce sanglot voilé, toujours fidèle, Appel de l'infini dans l'ombre de la joie, Ce beau sanglot du cœur avide et débordé Devant notre impuissance, hélas, à tout étreindre.

Toi qui aimais chanter même la chanson

triste, Mais l'espoir sourit Comme un éveil du vent ou l'envol d'un

oiseau Dans un feuillage inerte accablé de midi. Toi qui voulais chanter aux hommes leur

fortune La plus certaine et la plus délaissée. Dis, sauras-tu chanter encore?

65

II

Après ce long silence, après ce dur voyage, Quelque chose, toujours, frissonne dans ta

voix Mais ce n'est plus la joie.

Si c'est encore l'amour, c'est un amour en

deuil Et accablé d'outrages.

Des larmes sur les uns, du mépris sur les

autres : L'heure n'est pas d'entonner la louange De ce monde aveugle et meurtri.

L'heure n'est pas non plus, après la servitude Et dans l'étouffement,

De t'évader bien loin et seul en emportant Une flamme sacrée.

66

Il faut rester ici, chanter dans cette nuit, Chercher av^ec ton chant Chercher comme toujours à quels appels La vieille foi ouvrira des ailes nouvelles,

67

III

Y a-t-il un lieu de silence

je puisse essayer mon chant Sans que le submerge en moi-même Le tumulte de ces orages, Les cris aigus de ce prétoire se proclament par cent voix Le mensonge des criminels La cupidité des voleurs Et la lâcheté des esclaves ?

Un seul accent vrai de Ion cœur En toi couvrira cent voix fausses.

Ah ! mon cœur n'est-il pas pareil A un fruit jeté dans la mer : Quand un batelier le recueille Il est encore plein et doré Mais sa chair que l'eau a forcée N'a plus que Tàcreté du sel.

68

J'ai regardé bien trop de morts Avec des yeux secs et distraits ; J'ai connu trop de paysages, J'ai pressé pendant ces cinq ans Trop de mains, vu trop de visages; Des flots ont noyé ma mémoire.

La moisson étouffe et aveugle L'ample grenier qui la confient Mais cF jaillira chaque gerbe A son tour, avec tous ses grains.

Sur le lourd butin qui t*accable Penche-toi! Dans un cœur aimant Rien n'est perdu y rien ne s'efface De ce qu'y a mis chaque Jour.

69

IL Y A D'AUTRES POÈMES

A LUC DIRTAIN

Il y a d'autres poèmes Que je projetais d'écrire.

J'aurais pu peupler ce livre De pauvres oiseaux sanglants Aux yeux pleins d'horreur;

De noirs oiseaux mutilés Epuisant, tels que des feuilles, Un vol au ras des ornières Avant de mourir.

O potentats, gens de guerre

Qui nous teniez à merci !

Sombre engeance, vieux gendarmes.

Faux courage et faux honneur !

70

Je crois n'avoir jamais pu Haïr pour mon propre compte, Mais je m'étais bien promis De chanter comme il convient Pour tuer votre légende.

Et j'avais peur d'oublier!

Et j'avais peur d'oublier Le visage des mart\ rs, La lâcheté des méchants, Telle angoisse et tel soupir. Tel aspect et tel accent.

Hélas î que n'ai-je oublié ! Et que n'ai-je à ranimer Dans un long frémissement Un à un des souvenirs Repliés dans ma mémoire !

La guerre est encore vivante

Et pesante en moi comme un mal

Qu'on n'arrive pas à guérir !

71

La guerre est la tache grasse Qui recouvre hier, Mais si large et si nourrie Qu'elle envahit le présent.

La guerre, ah ! je la refoule En moi chaque jour ; Une affreuse nostalgie Me hante et m'étreint:

J'attendrai d'en être libre Pour ajouter à ce livre ;

Pour prêter ma voix au torrent J'attendrai d'être loin de lui qu'une herbe drue habite Son lit asséché.

Je ne pourrais aujourd'hui Qu'y retremper ma colère.

Mais la colère est impure et stérile, Ne sait pas chanter, refuse les larmes Et fait trop honneur à ce qui l'anime; Son cri n'est pas celui qui délivre.

72

Amitié, amitié de tous mes amis, Innombrable amitié de mes camarades, Je tournerai mes veux seulement vers ton visage :

Il avait, dans l'âpre aventure

La tendresse de l'arc-en-ciel

Et déployait comme lui son sourire

Sur un ciel mauvais et plombé d'orage.

Je me délivrerai, amitié, en te chantant;

Vivace amitié toujours retrouvée

Dans tous les remous et à tous les vents !

Ah ! de quoi nos cœurs, dans ce long exil Auraient-ils pu vivre, amitié, sans toi? Et sur quoi de certain, sinon sur toi Pourrions-nous fonder aujourd'hui la joie. L'inquiète joie, la fragile joie?

73

TABLE DES MATIÈRES

TABLE

CHANT DU DESESPERE 9

MOBILISATION 12

AVEC L'HERBE 15

SOUVENIRS 17

CHANT D'UN FANTASSIN 19

TRÊVE 22

RELÈVE 24

PRINTEMPS DE GUERRE 28

LA GRANGE 30

MONTBLAINVILLE 33

INTERMÈDE 36

ÉLÉGIE A HENRI DOUCET :

I. LE PEUPLE EST VASTE 41

IL CHATELLERAULT 48

III. PENDANT TRENTE ANS, TON PÈRE 50

IV. LA VICTOIRE MIEUX QU'ACCEPTÉE 52

77

ÉLÉGIE VILLAGEOISE 54

EUROPE 61

RETOUR DE LA GUERRE :

I. TOI QUI RÊVAIS 65

IL APRÈS CE LONG SILENCE 66

III. Y A-T-IL UN LIEU DE SILENCE . . 68

IL Y A D'AUTRES POÈMES 70

78

ACHEVÉ D'IMPRIMER LE QUINZE OCTOBRE MIL NEUF CENT VINGT, PAR L'IMPRIMERIE COULOUMA A ARGENTEUIL.

fX

^

=^'- ^LmS ^T^-i'

t.:

o

•i

«■

s,;

u o

^ C

3 .tï

O

a

O

DD

fa O

^

University of Toronto Library

DO NOT

REMOVE

THE

GARD

FROM

THIS

POCKET

4 f^'--

Acme Library Gard Pocket

Under Pat. "Réf. Index Ffle" Made by LIBRARY BUREAU

•^sf

i I :i

m 'W -^ "It "^ 1

-^M#:^

^ ■'^. .;S

AA

:f^"^f

=1 ;ij

'*,-■*,

I Si i

^ ■"■;:#■ W' .r'-^*

ijâM.ji^M^ '^' '' '

«: ^t,,.::! M

:i* m *■ ■#

^ ,;i|,.'L„ ,..

..... -^'U - *%' ^^ ''^1

m*

i é" M'

■^~ M' M^M^'êt

KMf

^; W

K%

Mfe

^i *■' 1ê^

.F ., JP'^, «V r.

^f^y'^iv

»' «•

ri

^' l^^ff p.

^1

il

n

,%

;

m

»^ W' t: ï.- *^»W-

11. 1^ i: 1: * f . % ^: ¥ * . |... ïfc. »» Ik

> *'

M 'i m

m^

■■%. M

È^.M.

'^'W'^'^

vK: J^HE -nE V^HI^ ^KÊ. ■■■WK tVH

'i ..A,.^A,jit. Jl^.,,:* JO[:3t J

.Jt-H.

m ' ^ ^^

T<iv^^ ^. _-^

1 ■*

*..*J&..»j'^

4-«|, #^i*%-

■"i^iiËfe-^^^^^^H

t

^

K 1

I '^ M ^ m ^ s 1^:

..ç^

€"Û

«

i :;i^^^U^^;_.

fi 31 H '». ^ «1

m m

m W'ê

■^f <3*îir'if^"f f :'f

:'i"M' t/€2*'-WB ' " '

??i . ^i -^ T«\ ' ' .>,

"3a\^ a'