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CIHM/ICMH

Microfiche

Séries.

CIHIVI/ICMH Collection de microfiches.

Canadian Instituts for Historicat Microreproductions Institut canadien de microreproductions historiques

1980

Technical Notes / Notes techniques

The Instituts has attempted to ot>tain the best original copy available for filmlng. Physical features of this copy which may alter any of the Images in the reproduction are checked below.

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Coloured covers/ Couvertures de couleur

Coloured maps/

Cartes géographiques en couleu

Pages discoloured. stained or foxed/ Pages décolorées, tachetées ou piquées

Tight binding (may cause shadows or distortion along interior margin)/ Reliure serré (peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure)

L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Certains défauts susceptibles de nuire à la qualité de la reproduction sont notés ci-dessous.

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Coloured pages/ Pages de couleur

Coloured plates/ Planches en couleur

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Bibliographie Notes / Notes bibliographiques

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Bound with other matériel/ Relié avec d'autres documents

Cover titie missing/

Le titre de couverture manque

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Pagination incorrect/ Erreurs de pagination

Pages missing/ Des pages manquent

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Des cartes géographiques manquent

Plates missing/

Des planches manquent

Additionai commenta/ Commentaire^ supplémentaires

The images sppearing hère are the best quaiity possible considering the condition and iegibility of the original copy and in keeping with the filming contract spécifications.

Les images suh/antes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplaire filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de filmage.

The lest recorded frame on each microfiche shall contain the symbol ^> (meaning CONTINUED"), Of the symbol V (meaning "END"), whichever applies.

Un des symboles suivants apparaîtra sur la der- nière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN".

The original copy was borrowed from, and filmed with. the kind consent of the following institution:

National Library of Canada

L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la générosité de l'établissement préteur suivant :

Bibiiotttèque nationale du Canada

Maps or plates too large to be entirely included in one exposure are filmed beginning in the upper laft hand corner, left to right and top to bottom, as many frames as required. The following diagrams illustrate the method:

Les cartes ou les planches trop grandes pour être reproduites en un seul cliché sont filmées à partir de l'angle supérieure gauche, de gauche à droite et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Le diagramme suivant illustre la méthode :

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INSTITUT CANADIEN DE QUEBEC

CONCOURS D'ÉLOQUENCE

SUR

L'AGRICULTURE

(ÉLOGE DE l'agriculture CE QU'EST L'aRT AGRICOLE AU CANADA DES MOYENS DE L'Y FAIRE

progresser)

SOMMAIRE.

Avant-propoa.

Rapport du docteur HUBBRT LaUub.

Rapport de M. S. LeSaob.

Eloge de l'agriculture— Ce qu'est l'art agricole au Canada— Des moyens 4e l'y Mn progresser. Par M. R A. Babnard.

Eloge de l'agriculture— Ce qu'est l'art aerlcole au Canada— Des moyens de l'y taire progresser. Far l'aboô Pbovamchbb.

, i_i-ikMi''ul.

S 159 157

QUÉBEC

imPrimbrib a. coté bt

1879

liiiwiânMWiÉiiBîi

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CANADA

NATIONAL LIBRARY BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

CONCOURS D'ÉLOQUENCE

AVANT-PROPOS.

En 1875, l'Institut-Canadien de Québec ouvrait un- premier concours d'éloquence, grâce à la généreuse ini- tiative de Monsieur Théophile LeDroit. L'année der- nière. Monsieur L.-J.-C. Fiset, notre président honoraire, entrait libéralement dan» cette voie en mettant à la dis- position de l'Institut, la somme de $100 pour un deux- ième concours sur le sujet suivant: " Eloge de l'Agri- culture. Ce qu'est l'art agricole au Canada. Des MOYENS DE l'y FAIRE PROGRESSER. Le choix ne pouvait être meilleur. Il est vrai qu'un pareil sujet n'ouvrait le champ qu'à un nombre limité de jouteurs préparés par des études spéciales. Aussi, n'avions-nous pas l'ambi- tion do voir beîvucoup de concurrents répondre à notre appel, mais nous espérion'*, qu'avec un sujet aussi inté- ressant pour notre pays, nous ferions produire de bons et utiles travaux. Et sous ce rapport l'ïnstitut-Cana- dien de Québec, peut se flatter d'avoir obtenu un succès complet. Deux concurrents se sont présentés: Mons B. A. Barnard, directeur d'agriculture pour la Province de Québec, et Mons. l'abbé Provencher, rédacteur du Naturaliste Canadien.

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Le jury, composé de l'honorable Mons. Joly, de Mous. LeSage, assistant-commissaire des travaux publics et de l'agriculture, et de Mons. le Dr. LaRue, a jugé les deux études dignes d'être couronnées. Le premier prix, de $75, a été décerné à Mons. K. A. Barnard, le second de $25, à Mons. l'abbé Provencher, et le 19 décembre der. nier, avait lieu, dans la salle de l'Institut-Canadien, la présentation do cen prix aux heureux lauréats.

En publiant dans l'Annuaire de cette année les diffé- rents travaux du concours, nous croyons faire une œuvre utile et rendre plus féconde la pensée patriotique de M. Fiset. Faire connaître et aimer celte grande question de l'art agricole, c'est le but que nous cherchons. . Heureux si nos efforts peuvent faire naître quelques vocations.

Qu'il nous soit permis en fiiiissant, d'offrir, au nom de l'Institut, l'expression de notre très-vive reconnaissance à M. L. J. C. Fiset. Nous espéions que le bel exemple qu'il vient de donner ne restera pas sans imitateur. Que les favoris de hi fortune nous aideat dans notre tâche et bientôt, sous cette généreuse impulsion, nous pourrons voir nos arts et notre littérature prendre un nouvel et plus vif essor.

RAPPORT

SUR LB

CONCOURS D'AGRICULTURE

Rapport du docteur HUBERT La RUE.

Séance du 19 décembre 1878. Messieurs,

A une réunion du comité de direction de l'Institut Canadien, un an passé, il fut décidé de proposer commo sujet de concours la question suivante :

" Eloge de l'agriculture ; de l'état de l'agrioulturt» dans la province de Québec ; des meilleurs moyens l prendre pour en activer le progrès. "

Une somme de cent piastres était patriotiquement fhiso à la disposition de ITEnstitut par K. L. J. C. Fiset, protonotaire de cette ville, et M. Fiset dictait lui-même le thème du concours.

Le choix du sujet, avouons-le, ne pouvait être plus heureux; car s'il est une question importante pour le Dominion en général et pour la province de Québec spé- cialement, c'est bien la question de l'agriculture.

Deux concuiTents sont entrés en lice, et ont répondu à l'Appel de l'Institut, Le ncunbre des concuiTents aurait

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pu, aurait être pins considérable. Mais on se consolera aisément de cotte pénurie à la lecture des deux corapo- Bitions qui sont l'objet do ce rapport. Toutes les deux sont vraiment remarquables à tous les points de vue; ot mes auditeurs s'en convaincront aisément lorsqu'ils pourront les lire ot les étudier dans V Annuaire de l'Ins- titut.

En tête de la composition de M. Barnard, on lit cet axiome bien connu qui a été formulé la première fois, si je ne me trompe, par le bonhomme Franklin :

« Celui qui fait croître trois brins d'herbe il n'en poussait qu'un auparavant, est un véritable bienfaiteur do son pays. »

En tête de la dissertation de l'abbé Provancher, on lit le vers suivant du jardinier de Mantouo :

« O fortunatos nimiùm sua si bona norint Âgricolas ! i

Dans l'étude de pareilles questions il s'agit exclu- sivement d'économie agricole— la première de toutes nos questions d'économie politique il fallait de la clarté, de la précision dans le style, et absence complète do toutes fleurs de rhétorique.

Des retours sur le passé, dos observations sur le pré- sent, des prévisions pour l'avenir, c'est ce qu'on devait attendre, rien de plus, mais rien do moins.

Sur tous ces points les membres du jury d'examen n'ont que des éloges à adresser aux deux concurrents. Tous deux ont été sobres de style, à ce point que les juges du concours ont pu comprendre leurs pensées, interpréter leurs idées à une première lecture.

(A la mite de ce préambule, le rapporteur a reproduit, avec éloge, de nombreux extraits des travaux des concur- rents, et a continué dans les termes suivants) :

Je crois avoir rendu justice aux deux concurrents; je crois avoir signalé suffisamment les qualités qui distin- guent leurs compositions ; mais le cadre du sujet mis au concours était si vaste que, pour le remplir convenable-

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ment, il aurait fallu faire un traité complet, écrire un volume entier.

Dans cette deuxième partie de mon rapport je vais essayer de combler, quoique très-imparfaitement, cer- taines lacunes que les limites réservées à de semblables travaux rendent inévitables.

Ainsi, à propos de l'éloge de l'agriculture, les concur- rents auraient pu serrer de plus près le nœud de la ques- tion, et particulariser davantage, en mottîit)t sous nos yeux un petit tableau des mœurs douces et paisibles, de la vie si pleine do félicités du cultivateur canadien mo- dèle ; modèle comme eux et moi nous voudrions qu'il fût.

Je me le représente comme suit :

40 ans. Jeune encore ; dans toute la vigueur de l'âge, dans toute la puissance de sa virilité.

Epoux d'une femme de 35 ans, belle comme toutes les canadiennes; pleine de force et de santé; toujours do bonne humeur comme son mari ; mère de douze ou de quinze enfants pas moins de douze 1—11 faut, messieurs, conserver intactes les saines traditions de nos pères !

120 arpeats de terre sous les pieds ; pas d'hypothèques. Grange de 100 pieds de longueur, nouveau modèle. Trente bêtes à cornes, 25 moutons, six chevaux, 8 co- chons berkshire, petite race, 250 voyages de foin, avoine, blé, pois, pommes de terre, laine, beurre, saindoux, œufs, lX)ulets, dindons, étoffe du pays, toile canadienne ; cela à profusion.

Pas de procès. Bonne dîme pour le curé de la paroisse, mesure française. Un des meilleurs bancs dans l'église. Marguillier ancien ou nouveau, ou les deux à la fois. Pas juge de paix, mais conseiller do la municipalité sco- laire ou membre de lu société d'agriculture. Pas chef de cabale électorale ; électeur seulement, suivant sa con- science. Pour surcroit de bonheur, un des meilleurs lots dans le cimetière: tel est l'aspect sous lequel se pré- sente à mon esprit le cultivateur canadien modèle.

Si j'étais cultivateur— hélas, pourquoi no le suis-je pas ! si j'étais cultivateur, les honneurs que confère une mairie de paroisse, une préfecture de comté, m'ennuie- raient beaucoup. Ce sont des espèces de domination universelle qui donnent naissance à une foule d'inquié^

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tudeB, créent des soucis innombrables, toutes choses qui ine sont profondément antipathiques.

Pourtant, je ne serais pas insensible à l'aiguillon de la gloire ; mais, entre tous les honneurs qui pourraient s'oifrir ù ma convoitise, nuls ne conviendraient mieux à mes goûts que ceux do secrétaire de la municipalité scolaire, ou de secrétaire de la société d'agriculture de mon comté.

A vrai dire, cumuler les deux postes serait le comble de mes vœux.

Supposons que je sois l'un ou l'autre, ou l'un et l'autre. Alors, je parviendrais sans peine à convoquer une assem- blée conjointe des officiers de la municipalité scolaire et des membres de la société d'agriculture ; à cette réunion seraient invités spécialement M. le curé, le médecin, le notaire, le maître d'école, les marguilliers «i autres notables du comté.

Le président, homme d'esprit, trouverait facilement moyen d'amener sur le tapis un sujet de débat quel- conque. Une heure durant, des orateurs émérites, habitués aux luttes de hustings, épuiseraient le sujet de la discus- sion avec un art merveilleux, c'est-à-dire, en parlant de toute autre chose que de ce qui aurait trait à la question.

Enfin, lorsque tout le monde serait à bout d'haleine, le président, avec une condescendance qui me ferait infini- ment d'honneur, demanderait ro])inion du secrétaire sur les diverses questions en litige.

Lors, avec beaucoup de gravité, je commencerais par féliciter les discoureurs sur leurs brillants efforts d'élo- quence, et sur la lumière nouvelle qu'ils aui'aient pro- jetée sur le sujet. Je me concilierais les deux partis car il y aurait au moins deux partis— en leur affirmant que tous deux ont raison.

Armé de toutes pièces, grâce à ces précautions ora- toires, je ferais le discours suivant, on termes bien sim- ples, et ians un langage qui serait à la portée de mes auditeurs :

Monsieur le Président, Messieurs, Si j'a^ bien com- pris les éloquents discoars que je viens d'entendre, le sujet de la discussion serait le suivant, savoir : de l'édu- cation de nos enfants, et des meilleurs moyens à prendre

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pour développer et activer le progrès de l'agriculture on cotte paroisse et dans ce comté.

Suivant moi, ces deux sujets sont liés l'un à l'autre in- timement, à tel point que l'un ne peut pas aller sans l'autre.

Mais le commencement de tout progrès, en cela comme en une foule d'autres choses, c'est la maison d'école.

Or, en premier lieu, certaines gens de mon ar- rondissement sont à se demander cela peut paraître étrange s'il n'y a pas trop d'écoles dans nos paroisses, et si l'on donne bien à ces écoles des dénominations con- venables.

Voici comme ils raisonnent : nos instituteurs reçoivent- ils une rémunération suflSsante ? Non; et pourquoi ? Parce qu'il y a trop d'écoles 1

Une certaine somme est votée annuellement par la législature locale et par les municipalités pour la sub- vention des maisons d'éducation. Mais cette somme est répartie sur un trop grand nombre de ces maisons, et il arrive que les bons instituteurs, ne recevant qu'un maigre salaire, abandonnent bientôt la carrière de l'en- seignement pour en embrasser une autre qui leur offre une position plus brillante, un avenir mieux assuré.

Ceux qui raisonnent ainsi ont-ils raison, ont-ils tort ? Je ne me prononce pas là-dessus, Monsieur le Président, et Messieurs (iu comité ; je soumets la question à votre examen.

Dans notre temps, M. le Président car, tous deux, fils d'habitants, et à peu près du même âge, nous avons fréquenté les mêmes écoles— dans notre temps, dis-je, il n'y avait que trois écoles dans la paroisse, savoir : une école modèle 1, une autre écolo modèle No 2, et une école dite élémentaire. Dans cette dernière nous avons appris l'épellation de l'Alphabet et la lettre du Petit Catéchisme.

Le salaii-e des maîtres d'école modèle était de 70 à 30 louis, salaire considérable pour cette époque; celui de la maîtresse d'école élémentaire était de vingt-cinq louis.

' De l'école élémentaire, ou de la petite école, comme nous l'appelons, nous passions dans l'une ou dans l'autre des deux écoles-modèles. Quelle joie! quel con-

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tentomont ! on un jour nous étions devenus hommes ; en un jour nous avions grandi do cent coudées.

Dans ces écoles modèles nous apprenions peu, mais bien. On nous enseignait lagrammaire française, l'arith- métique, la comptauilité, fort peu de géographie : le dépôt de livres était à l'état do mythe, il n'y avait pas do cartes; de l'histoire du Canada, rien; Garnoau no l'avait pas encore découverte.

Nos pères, nos mères assistaient aux examens que présidait M. le Curé.

Pay do piano !

Le théâtre, improvisé, était orné de sapins, décoré do verdure et d'une foule do plantes et do bouquets aux couleurs variées. Toutes ces couleurs se mariaient en- semble harmonieueement, m^me le rougo et le bleu 1

Le premier de la première classe débitait un petit boniment littéraire, une fable de Lafontaino ordinaire- mont.

C'est chose fort remarquable comme les animaux de Lafontaino— nonobstant l'opinion contraire de Chateau- briand,— ont toujours eu le privilège d'enseigner une foule do bonnes choses aux hommes de bonne volonté sur la terre.

La cérémonie se terminait par la disti'ibution des prix; et le premier prix, le prix d'excellence, était une petite image do saint Pierre, de saint Joseph, de sainte Marguerite, de saint Patrice quand le maitro était un irlandais. Cette image était ornée de toutes les couleurs do l'arc-en-ciol.

Que si, de ces temps-là, on passe aux temps d'aujour- d'hui, on trouve, M. le Président, que les choses sont bien changées. Au lieu d'une école élémentaire, et do doux écoles modèles par paroisse, nous voyons des écoles commerciales, des écolos académiques, dos acadé- mies pour les garçons, des académies pour les filles, et juBqu à des séminaires pour ces dernières.

Or, au dire de quelques-uns, le qualificatif comnureialf accolé au mot école, aurait un effet pernicieux sur l'esprit de nos enfants. Au sortir do ces écoles dites commerciales, nos enfants s'imaginent, croient sincère- ment qu'il serait au-dessous do leur dignité^ d orabrasser une autre carrière que celle du négoce.

Les mômes prétondent qu'il y déjà, en ce pays, beau- coup trop de marchands, de trafiquants, et surtout beaucoup trop de commis-marchands.

Avec ces écoles dites ctynimercialesy on détourne de la carrière de l'agriculture une foule de jeunes gens do la campagne ; et on ne se doute guère de l'influence qno peut avoir un qualificatif de ce genre pour décider, comme on dit, une vocation. Je n'ai nulle objection au qualificatif coynmercial, pourvu qu'on y ajoute le quali- ficatif agricole.

Alors, ces écoles seraient désignées sous la dénomina- tion de : Ecole de Commerce et d' Agriculture, ou mieux, celle-ci : Ecole d'Agriculture et de Commerce ; car, on ce pays, plus qu'en aucun autre, l'agriculture doit avoir préséance sur le négoce, et sur toute autre profession.

Il y a une chose que l'on paraît méconnaître ou oublier; c'est que l'enseignement qui se donne dans les écoles commerciales convient également au négociant^ à l'agri- culteur et à l'industriel. Tous trois doivent savoir lire, écrire, connaître les secrets de la comptabilité ; tous trois doivent avoir quelques notions de littérature, d'his- toire, de dessin, de géographie, et aussi posséder les élé- ments de la physique, de la chimie, de l'aatronomio, de la philosophie.

Voilà, M. le Président, ce que disent certaines gens bien renseignées dans notre comté.

J'en ai consulté d'autres en dehors, qui se sont exprimé dans les tei'mes suivants :

La dernière fin do l'homme, ont-ils dit, en ce bas- monde comme dans l'autre, ne doit pas être de mesurer do l'indionne oudu calicot, derrière un comptoir, sempi- ternellemeTit, ni d'aligner dos chiffres ingrats, on partie simple ou double, pendant les siècles des siècles.

Les plaisirs intellectuels, on ce monde, doivent compter pour quelque chose, même pour le négociant.

Le négociant qui a fait fortune doit avoir d'autres as- pirations que celles d'un vénal trafic ; à l'industriel il faut une autre ambition que celle de vendre, à largos bénéfices, les produits de sa fabrique. Au négociant, à l'industriel, il faut des jouissances plus nobles, plus rele- « vées; et nulle part mieux que' dans l'étudo et dans la

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pratique de l'agriculture ils ne trouveront des plaisirs sans mélange, dos jouissances sans amertume. ,

Qui, mieux que le négociant enrichi, peut faire pousser trois brins d'herbe il n'en poussait qu'un aupara- vant. Ce négociant-agriculteur serait un bienfaiteur de son pays, il serait un héros. Tous les honneurs que peut conférer le Dominion du Canada devraient s'accumuler sur sa tête. On devrait le faire député, sénateur, au besoin même conseiller législatif.

Pour arriver au résultat que je désire, il faut pou de chose. Que dans toutes nos écoles normales de filles et de garçons, que dans toutes nos écoles modèles, acadé- miques, commerciales, l'on donne un petit cours élémen- taire d'agriculture de 20 leçons d'une demi-heure ou d'une heure dans le cours de l'année, et le point sera gagné.

Des études ainsi commencées se continueraient plus tard; il en resterait toujours quelque chose, ne serait-ce qu'un germe qui finirait par se développer et porter des fruits abondants.

Je vais plus loin, M. le Président, et j'afl[irme que dans tous nos collèges classiques, le complément des études devrait être un petit ccai'S de physique et de chimie ap- pliquée à l'agriculture.

j3e cette manière, le curé, le médecin, le notaire, de- viendraient des engins puissants, comme on dit, pour la dissémination dos saines notions agricoles.

L'idée que j'émets aujourd'hui, M. le Président, je l'émets pas pour lu première fois. Dès 1869, neuf ans passés, j'écrivais les lignes suivantes dans lin journal de Québec :

" Dans nos collèges, dans ceux au moins qui sont affiliés à l'Université- Laval, l'étude de la physique, celle de la chimie, de la botanique, est très-approfondie. A l'Université, ces cours sont aussi développés que dans n'importe quelle université européenne. Après des études aussi fortes, l'étude de la science agricole n'est plus, à

Ï)roprement parler, une étude ; c'est une récréation, uno ecture à la fois instructive et amusante. A la suite du cours de chimie générale on devrait donner, dans tous nos collèges, quelques leçons de physique et de chimie appliquées à l'agriculture. Cela est d'autant plus aisé qu'une fois la chimie générale bien comprise, la chiniie

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et la physique agricoles se résument en quelques appli- cations spéciales que les élèves saisissent à un simple énoncé, et sans le moindre effort

*' Parmi les jeunes ^ens qui complètent leurs études dans nos collèges, (je continue à citer) quelques-uns em- brassent l'état ecclésiastique ; plusieurs étudient la méde- cine, d'autres, le droit. Ce sont ceux qui embrassent l'ttat ecclésiastique et ceux qui se livrent à l'étude do la médecine qui devront propager le plus et le mieux les connaissances qu'ils auront puisées dans le cours de leurs études classiques.

*' Le jeune curé, s'il a puisé au collège de saines no- tions d'économie agricole, ne manquera pas, ne serait-ce que par délassement, de continuer ce genre d'études qui, vraiment, offre des attraits incomparables. Qu'où juge de l'influence que pourrait exercer sur la population d'une paroisse un exemple parti de si haut ; si, surtout, ce curé agronome avait le soin, dans ses corversatioiis avec les habitants, comme par ses conseils mûris par l'étude, par l'observation, par l'expérience, de les encou- rager dans la voie des améliorations et du progrès.

" Je résume ma pensée en deux mots :

" Le curé canadien doit être curé; 2^ curé agricul- teur ; 3^ curé colonisateur; c'est assez.

" Sur cent médecins, quatre-vingt-dix, au moins, exer- cent leur art à la campagne; et c'est chose vraiment l'e- marquable de voir combien est grand ie nombre de ceux qui s'adon nent par goût à l'étude et à la pratique de l'agri- Oifilture. L'esprit du médecin, façonné d'avance à l'étude des sciences positives, est très-bien préparé à l'étude do la science agricole ; et aux mille tracasseries du métier de la médecine les paisibles jouissances de l'agriculture font une salutaire diversion. L'exemple du médecin se joindrait à celui donné par le curé; et de cette manière, il y aurait bientôt, dispersés dans nos campagnes, une foule de fermiers modèles recrutés parmi la partie la plus intelligente et la mieux instruite de notre population.

*' Ou je me trompe fort, ou ce serait un des effets bientôt perceptible de l'enseignement de l'agriculture dans nos collèges."

Telles étaient, M. le Président, les lignes que j'écri-

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vais en 1869 ; je n'y trouve pas nn mot à reprendre aujourd'hui, pas un mot à retrancher.

Mais ce n'est pas tout de développer le goût et les saines notions de l'agriculture dans les écoles de garçons ; il faut, de plus, que dans nos écoles de filles, dans nos couvents de la campagne, une sage direction soit impri- mée de ce côté.

En effet, sur cent jeunes filles nées et élevées dans nos paroisses, 90, au moins, deviendront plus tard les épouses de cultivateurs.

A ces jeunes filles, on devrait donner une éducation appropriée à leurs besoins futurs ; on devrait leur don-; ner des leçons d'horticulture, d'économie domestique, les premiers éléments de l'art culinaire.

On l'a dit avant moi, et on ne saurait trop le répéter, rien ne contribue à calmer la mauvaise humeur d'un mari ployant sous le faix du jour et de la fatigue comme le fumet d'un plat aimé ou la vue d'une salade convena- blement apprêtée. La connaissance de la couture, du raccommodage, du rapiécetage devrait être le ti^mplé- ment de l'éducation do toute jeune canadienne bien née; et s'il fallait sacrifier pour cela plusieurs heures de pia- notage par semaine, des mois entiers de broderies, je les sacrifierais volontiers.

Eevenons au jeune agriculteur.

Au sortir de l'école, il n'a qu'à perfectionner ses études ; et pour cela, son père ne saurait faire trop de sa- crifices pour mettre à sa disposition autant de livres et de journaux d'agriculture que possible.

De plus, il devrait y avoir, dans chaque paroisse, unfe bibliothèque paroissiale. Le choix des livres devrait être soumis au jugement d'une commission spéciale nommée par le département de l'instruction publique.

Mais, dans ce choix, M. le Président, on ne saurait être trop scrupuleux ; il n'est rien comme un mauvais livre, un mauvais roman surtout, pour gâter le cœur et l'esprit d'une jeune personne.

Les rayons d'honneur de ces bibliothèques devraient être ornés de journaux d'agriculture et do petits ou- vrages ayant trait à cet art.

Il faudrait aussi que l'excellente idée de l'établisse- ment de cercles agricoles reçût son développement

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complot. Aux réunions de ces cercles, on lirait des conférences sur l'agriculture ; on y discuterait une foule de questions ayant trait à l'amélioration de nos terres, à celle des chemins, des voies de communication, etc, Avant tout, pas de politique dans ces cercles.

Enfin, parvenu à l'âge de 21 ou de 22 ans, le jeune cul- tivateur, grâce aux sages économies de son père, de sa mère, et de toute la famille, deviendrait le propriétaire d'un bi.en quelconque ; supposons que ce soit le bien du voisin : lequel voisin se serait ruiné par ignorance, ou par incurie, par luxe et par vanité.

A ce moment il entre dans la vie, et, avant de rien entreprendre, car toute expérience nouvelle est hasar- deuse,— il doit se rendre un compte exact de ce qu'il a à. faire, non-seulement pour la première année, mais pour dix années à venir.

C'est tout un plan de bataille qu'il lui faut concerter contre des ennemis nombreux, puissants. Voici l'énumé- ration do quelques-uns de ces ennemis : Fossoyage mal fait ; raies, rigoles imperceptibles n'aboutissant ])a8 aux fossés ; planches mal conditionnées, les unes de trois pieds de largeur, les autres de quinze pieds. De la mousse, de la marguerite, de la moutarde, une foule de jjlantes aqua- tiques au lieu de mil et de trèfle, de l'ivraie partout ; clôtures en désordre, maison, grange délabrées.

Ah I c'est alors. Messieurs, qu'il faut chez le débutant du courage, et surtout du jugement et de la science. Mais s'il a puisé de saines notions d'agriculture à l'école ; si son jugement a mûri par l'étude dos livres de la biblio- thèque paroissiale ; s'il a suivi avec attention les bons enseignements prônés par nos journaux d'agriculture, sa tâche est bien simplifiée ; car, avec cette science, avec ces connaissances, c'est la tête qui dirige les bras, et non les bras la tête.

La tète qui dirige les bras 1 voilà ce qui manque au cultivateur canadien. Il travaille au jour le jour, ma- chinalement, sans raisonnement, sans aucune connais- sance de son art : on appelle cela, en ce pays, un homme pratique. Et comme conséquence inévitable, le fruit de tant de pénibles labeurs est perdu.

Le printemps arrivé, quand la neige a disparu, quand la terre est ressuyée, réchauffée, le cultivateur laboure,

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herso, ensemence) en partant derrière la grango, ot va ainsi, sans réflexion, jusqu'au haut du clos.

Il sème des pois, des pommes de terre, do froment, do l'orge, de l'avoine, du mil et du trèfle, il n'en de- vrait pas semer. Pis que cela, en maints endroits du district de Québec, et dans d'autres districts, quoi qu'on dise,»il y a des pièces à pois, des pièces à blé, à orge, à avoine, que l'on ensemence avec les mêmes graines de- puis un temps immémorial.

Que si quelqu'un se permet de faire certaines observa- tions au sujet d'une routine aussi vicieuse, on vous répond: •' Mon père a bien vécu de même I "

C'est triste. i '

Lorsque le jeune agriculteur s'est bien rendu compte de tous les défauts que présente son bien, il doit com- pléter cet inventaire par l'énumération des fautes qu'a commises son prédécesseur, et cette énumération sera comme suit;

Pas d'engraifîj ni de fumiers, ou engrais mal préparés ; ignorance complète des bons effets d'un amendement convenable, de l'usage des engrais verts, (trèfle et sarrazin), do l'emploi duchaulage, des cendres, du plâtre, des composts, des engrais chimiques, de l'égouttement, etc.

Ignorance do l'espèce de graines de semence qu'il fallait confier à toi ou tel sol.

Ignorancu des rotations, des assolements ; mots qui lui étaient inconnue;, parce oa*il n'en avait jamais en- tendu parler, ni à l'école, ni ailleurs.

Alors, qu'il se mette à l'œvvre, et qu'il ait toujours devant les yeux le précepte suivant que j'ai formulé, plusieurs années déjà, dans les termes suivants :

" Le cultivateur canadien doit adopter pour système de culture celui de convertir le plus promptement possi-- ble, et aussi parfaitement que le temps et ses moyens le lui permettront, la plu» crrande étendue do sa terre en prairies et en bons pacages. Car, ce système permet do récolter beaucoup de foin; or, avec beaucoup do :bin on .peut entretenir un grand nombre d'animaux en bon ordre. Ces animaux donnent beaucoup de produits qui rapportent de grands profits et une grande quantité do fumier. Le fumier est tellement la base do toute bonne

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flgriculturo qu'on a dit, et avec raison, que le fumier est le capital du cultivateur."

Après trois ou quatre années de cette culture conduite avec intelligence, le jeune agriculteur se trouve, comme on dit, M. le Président, au-dessus de ses affaires. Et après? Après? Eh bieLl il doit se marier, ce qui est la chose la plus naturelle du monde. Il n'aura que l'em- barras du choix, dans sa paroisse, ou dans les paroisses voisines.

Il y a des célibataires jeunes et vieux, ^j'en connais, j'en vois même dans cette salle, qui s'imaginent que le mariage est une espèce de révolution dans l'édifice social, une sorte de cataclysme dans le cours do la vie humaine. Erreur fatale I Le mariage est chose toute simple. Une fois qu'on a été marié, on s'imagine qu'on l'a été toujours 1 Bientôt, au bout de neuf mois de ma-» riage, de dix au plus, surviennent les soucis bienfaisants de la famille : un rejeton, un héritier a vu le jour. De quinze mois en quinze mois, souvent plus tôt, pareil pbé* nomène se renouvelle dans chaque famille de nos bons cultivateurs canadiens.

C'est le véritable progrès! Dans les pays constitu- tionnels, M. le Président, la force, c'est le nombre ; et nous, Canadiens- Français, nous avons besoin do recruter nos forces, et de multiplier notre nombre. De cette dernière tâche nous nous acquit'ons bien sans l'aide des gouvernements j mais je me demande si ces gouverne" ments, le fédéral comme le local, ont toujours fail, font aujourd'hui ce qu'ils auraient et devraient faire pour retenir notre nombre chez nous ?

A ce propos, M. le Président, voici quelques lignes que j'écrivais il y a une dizaine d'années.

" L'émigration de notre population aux Etats-Unis est due à trois causes principales : 1** amour du changement parmi un certain nombre; 2<* misère et pauvreté dues au défaut d'établissements industriels et manufacturiers dans nos villes; 'S^ misère et pauvreté occasionnées par un système de culture des plus vicieux dans nos campa* gnes.

" Le seul moyen d'empêcher l'émigration de nos cam- pagnes est d'enseigner à nos cultivateurs comment ils peuvent trouver l'aisance, la richesse chea eux. Pour

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cela, que faut-il? Leur enseigner à cultiver. De cette manière, l'agriculture prend toutes les proportions d'une question religieuse, ex; qui mérite l'attention spéciale de notre clergé, celle de nos cures de la campagne particu* lièrtment."

Quelques mois plus tard je m'exprimais dans les termes suivants au sujet de l'imn^igration :

" On parle beaucoup a immigration par le temps qui court.

" On envoie des agents on Europe pour inviter les étrangers à venir partager notre bonheur; on a des agents aux Etats-Unis chargés de prier les nôtres de revenir au milieu de nous.

" Tout cela est fort bien.

"Maisil ya moyen, à monavis, de simplifier la besogne de ces agents, tout en assurant le succès de leur mission.

" Développons nott-e agriculture, et, pour cela, instrui- sons nos cultivateurs, enseignons-leur des méthodes sim- ples, faciles, peu dispendieuses qui les mettent en état de réaliser de 150 à 200 louis de bénéfice par année, avec la vente de leurs produits, au lieu de ne réaliser que trente ou quarante louis comme cela a lieu aujourd'hui.

" Alors, l'étranger voyant les rives du Saint-Laurent bordées de riches villas habitées par des cultivateurs, se dira: "Il fait bon de -ivre ici: dressons-y nos tentes."

*' Alors l«s nôti'cs «jui sont aux Etats-Unis se diront: Il fait meilleur chez nou-^ qu'aux Etats-Unis ; retournons chez nous.

" De cett© manière les agents d'immigration seront siars du succès et feront une riche et abondante moisson d'immigrants."

I Le temps presse, M. le Président, et j'abrège.

Parvenu à ce degré d'avancement dans la voie du pro- grès, le cultivateur doit veiller soigneusement à l'entre- tien de ses animaux, à leur nourriture, et soumettre à une étude approfondie les problèmes suivants d'écono- mie agricole, dont je me contenterai de faire l'énuméra- tion :

1" De l'emploi des soupes pour la nourriture du bé- tail ; je crois sincèrement qu'on sauverait par une bonne moitié du fourrage. Une nourriture sèche ne

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ronviont pas plus à rostomac do l'animal qu'à celui de l'homme: ceci est entièrement conforme aux données de la physiologie.

2o Du traitement dos fumiers. Dans des écrits antéf rieurs j'ai émis l'opiniotj que dans certaines circonstan- ces, et pour certains genres de culture, il valait mieux recourir à l'emploi des fumiers verts. Sur ce point je crois avoir fait erreur, à l'exemple de bien d'autres, et je no recommando, aujourd'hui, pour la grande culture que les fumiers qui ont subi au moins un commence- ment do fermentation. Do la nécessité d'avoir des caves ou appentis dans lesquels le fumier doit être con- servé assez longtemps, et à une température modérée, ])Our que cette fermentation se produise ;

3o. De l'emploi des engrais artificiels, et, surtout, da j>hosphate de chaux dont on a découvert depuis deux ans, des mines d'une richesse extrême dans les environs d'Ottawa. Ce sujet seul exigerait la publication d'un volume. Dès 1869, un agronome fiançais, M. Ville, par- tisan des engrais artiticiels, annonçait, dans une confé- rence faite à la Sorbonne, à Paris, que le Canada renfer- mait des mines inépuisables de sdus-phosphate de chaux (ou apatite). Qui s'en doutait alors dans le Dominion? J'ai fait l'analyse chimique de quelques-uns do ces échantillons, et j'ai trouvé qu'ils contenaient jusqu'à 92 pour cent de phosphate ;

4o. Du mélange du sulfate d'ammoniaque (résidu du gaz d'éclairage), qu'on n'utilise pas aujourd'hui, au Ca- nada, avec le sullate de chaux et le superphosphate comme guanos artiticiels, pour les besoins de ce pays, et comme objet d'exportation.

S'il est un pays au monde le besoin des engrais artificiels se fait sentir, c'est le Canada.

Quant à l'exportation, tous les engrais entrent en franchise aux Etats-Unis.

5o. De l'à-propos d'établir la confection do ces engrais artificiels à Lévis il y a déjà une fabrique d'acide sulfurique qui chôme depuis une dizaine d'années.

6o. Quel parti cette fabrique de superphosphate à Lévis pourrait-elle tirer des pyrites do cuivre de Len- noxville, après grillage, on les expédiant à Swansea,

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South- Wulea, Angleterre. Alors, on forait d'une pierre deux cou|)S.

7o. Des ftssolements. Cette question capitale est telle- ment môconmio dans la Pi-ovirice de Québec, qu'on maints endroits le Sagucnay, entre autres— on rccolto céréales sur céréales pendant douze et quinze ans sans interruption.

On ruine le Saguenay. On a suivi la même pratique à la côte de Beaupré et à l'Ilo d'Orléans pondant 150 et 200 ans, et le résultat final ? C'est qu'aujourd'hui le blé n'y vient plus. Pourquoi ? Parce que le sol ne ren- ferme plus les éléments qui entrent dans la composition de ces plantes ; parce que ces éléments ont été soustraits au f-ol par la cultui'e inintelligente de nos pères et do leurs filî-.

8o. Du chaulage. Question très-importante. Des terri- toires entiers, en France, depuis cinq ans, sont redevonus fertiles, et produisent du blé en abondance aujourd'hui, grâce au chaulage. Beau sujet d'étude pour ce pays le calcaire est si abondant.

9o. Expositions d'agriculture provinciales annuelles. Trop fréiiuemment renouvelées. Tous les trois ans suffi- rait On y voit toujours les mêmes choses.

lOo. Expositions de comtés. Ne vaudrait-il pas mieux les remplacer par des expositions de district, àdes inter- valles de deux ou trois ans ?

llo. Importance des concours de labour, de hersage, do roulage, à chacune de ces expositions de districts. Poui' un objet d'aussi grande importance, le conseil de l'agriculture et le ministère de l'agriculture ne devraient pas être économes. Ils devraient avoir à leur disjiosition cinq ou six laboureurs émérites largement payes, et tou- jours prêts à se ti-ansporter, avec charrues, herses, rou- leaux, et attelage modèles, leurs services seraient requis. Il y aurait concours entre le premier laboureur de la ])aroisse et le laboureur du gouvernement. Prix du concours $1.00 pour le laboureur du gouvernement, s'il gagne le premier prix ; dix ou vingt piastres pour le premier laboureur du district, s'il bât le laboureur du gduvernement.

12o. Drainage. Cotte question seule pourrait faire le sujet d'un concours. M. Barnard et l'abbé Provancher

ig- né sont paa d'accord sur ce point. Jo les roots d'accord en affirmant que tous deux ont raison.

Quels matériaux fiuit-il employer pour ce drainage? Mon opinion est qu'il faut employer du bois il y a du bois, de la pierre lu il y a de la pierre, des tuiles il n'y a ni piorro ni bois.

Le drainage seul triplerait le rendomontde nos terres; et la saison agricole, qu'on me pardonne le mot, serait au moinn d'un mois plus longue dans la province de Québec: quinze jours le printemps, quinze jours l'automne ;

13o. Importance do la comptabilité. Nos cultivateurs vivent au jour le jour, sans tenir compte de leurs recettes et de leurs dépenses. De cette manière ils se ruinent sans s'en apercevoir.

14o. Luxe, vanité. Petit traité sur l'art du bon goût dans la toilette, à l'usage des hommes, un peu aussi à l'usage des tilles et des femmes. Ce sujet devrait être traite légèrement.

15o. Du choix des races d'animaux. Quelques hommes com|iétents, éleveurs émérltes depuis plus de 20 ans, et auxquels je me suis adressé pour avoir leur opinion, m'ont répondu dans les termes suivants. J'attire spécialement votre attention sur ce point.

Je reprodnis textuellement leur réponse à ma ques- tion.

" "'■' lo. CHEVAUX.

Les chevaux canadiens purs ont disparu depuis bien des années ; ils sont perdus dans des croisements sans fin.

Les principales races avec lesquelles ils ont été croisés sont : le pur sang, le clydesdale, le cleveland bay, le suiïblk punch, le percheron, le normand.

Parmi les chevaux écossais, anglais, irlandais, le fa- vori, Qprès le pur sang, a été le clyde. Dans le district do Montréal on s'en est servi pour faire des croisements sans nombre, avec plus ou moins de discernement, avoo des juments de toutes races, de toutes tailles.

Par ces croisements injudicieux, on a gâté beaucoup la régularité des formes de nos chevaux canadiens, eu leur donnant plus de taille. A première vue on recon- naît ces choisis, à leurs jarrets courts et trop épais.

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Si l'on veut élever dos chevaux pour lo commerce, on ftrii bien do croiner nos juments canadiennes avec de» chevaux pur san/j^, ou trois quarts sang.

Avec un peu de soin on pourrait crééer en quelques années une bonne sous-raco do chevaux, on état de rendre aux cultivateurs canadiens tous les services dont ils peuvent avoir besoin, et qui en même temps seraient très-propres pour l'exportation en Angleterre et aux Etats-Unis.

2o. VACHES.

Il faut viser avant tout, à en obtenir, on même temps, lo plus do lait et lo plus do viande possible. Lo mélung» du canadien avec l'ayrshiro est ce qui convient le mieux.

La durham exige beaucoup de frais d'entretien. Pas du tout rustique ; donne beaucoup do lait, à la condition qu'elle vêle à doux ans, avant qu'elle ait contracté uno trop fi)Pte disponition à l'engraissement. Beaucoup de viande.

Le taureau durham améliore les dispositions lactifèro» des vaches communes avec lesquelles il est croisé.

/ . ■" V : ; 30. JIOUTONS.

Le leicester a uno laine plus fine, a plus do chair, et tjno chaire plus tendre. Dégénère vite ; ne vit pas long- temps sous notre climat.

Lo cotswold a une laine plus longue, plus grosse, mais il en fournit moins que le leicester, chair bonne quoi- que inférieure à celle du leicester. Eace plus rustique. Se conserve bien en-ce pays, vit longtemps. Croisé avec le canadien forme do bons moutons.

Les moutons et les porcs sont les animaux qui dégé- nèrent le plus vite, par le croisement de consanguins.

Enfin, M. lo Président, après avoir fait tout co quo je viens de dire, après avoir résolu tous les problêmes que je viens de poser, le jeune agriculteur qui aurait Âtit ses débuts à l'école de sa paroisse, qui aurait con- tinué si-8 études plus tard, de la manière que je l'ai dit, serait parvenu à un Age très-mûr, disons 75 ou 78 ans.

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Alors, il est voisin de deux autres voisins fort incom- modes: rinflammution do poumon et l'apoplexie. Co sont !o>s doux maladies qui moissonnent le plus de vieillards en ee pays.

Pourtant la vie doit être douce et paisible à cet âge patriarcal ; il me semble que c'est alors qu'op. commence h, vivre, et à jouir do la vie ; on n'a qu'à se laisser vivre, ou à s'empêcher de mourir.

Entouré d'une famille nombreuse, aïeul, bisaïeul de- puis longtemps, ayant célébré ses noces d'argent, ses noces d'or, il aurait eu soin, je le présume, dans le coure de isa longue carrière, de mêler l'agréable à l'utile.

Or, rien d'agréable, rien d'amusant comme de petites fêtes de familles canadiennes à la maison du père ou ù celle du giand-pôre.

A ces réunions, il y aurait eu des bonbons, parmi les- quels aurait figuré en première ligne la tire ! La tire est d'institution nationale.

Jamais de boissons alcooliques ou enivrantes. Tout au plus aurait-on rais sur la table de la petite bière d'épi- nette ou du vin de gadelles fabriqué par les grandes filles de la maison. Nulle addition de brand}' dans ces liqueurs de tempérance. J'ai connu des mécréants qui poussaient jusqu'à ce point l'astuce et la supercherie. Que Dieu ait pitié do leurs âmes !

A ces fêtos on aurait toléré quelques danses innocentes et hygiéniques, avec accompagnement do violon et de chansons populaires. Je recommande, avant tout, le " JVicque du Lièvre, " et le " Clairon du roi. Mesdames, " moins les gages obligés d'autrefois, que nos mœurs puri- taines et épurées no sauraient tolérer aujourd'hui.

Voilà, M. le Président, ce que votre secrétaire avait à vous dire au sujet des meilleurs moyens à prendre pour activer le progrès de l'éducation, et, par même, le progrès de l'agriculture en ce pays.

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RAPPORT DE MONSIEUR S. LESAGE.

Sur uno question do la noture do collo qui fait le sujet do eo coticourH, il est tout naturel, dans la position que j'occupe, que je ne donne pas un vote silencieux. Aussi quoique la soirée soit déjà fort avancée, je demande à dire quelque mots sur les reformes proposées ))ar les deux* concurrents pour activer le progrès de l'agriculture dans notre province.

Tous deux s'accordent a recommander la création d'un bureau d'agriculture présidé par un surintendant, dont les pouvoirs seraient analogues à ceux du surintendant de 1 éducation, et qui serait également étranger à la po- litique. Cet officier présiderait le conseil d'agriculture, et aurait la direction et le contrôle de toute l'organixa- tion agricole, c'est-à-dire qu'il aurait tous les pouvoirs administratifs aujourd'hui conférés au commisaire de ragi'iculture.

Il estpossiîj'o qu'une pareille réforme soit jugée avan- tageuse et tinisse par s'imposer, aussi ne voudrais-je pas prendre sur moi do la repousser tout-à-fait. Je tiens à dire à ce propos, qu'en concourant dans le jugement qui a été rendu j'ai voulu rendre hommage au talent déployé par les deux écrivains, à l'esprit vraiment patriotique dont ils ont fait preuve, aux utiles vérités qu'ils ont ex- posées, enfin au mérite réel et vi*aiment remarquable dos deux écrits considérés dans leur ensemble; mais je no suis pas prêt à admettre que la création d'un bureau d'agriculture, sur le modèle do celui de l'instruction pu- blique, soit d'une absolue nécessité.

Le but principal de la loi dagriculture de 1869, qui nous régit aujourd'hui, a été de ramener l'urganisation agricole sous la sui «oillanco do la législature, en substi-

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tuant un conseil nommé par l'Exécutif à l'ancienne chambre d'agriculture composée en majorité do membres élus par les bociétés d'agriculture. Cette chambre d'agri- culture, à laquelle on avait à dessein donné beaucoup de latitude, afin de lui assurer une plus grande liberté d'ac- tion, avait fini par échapper tout-ù-lait au contrôle du gouvernement, qui do son côté semblait vouloir dégager sa responsabilité de tout ce qui tenait à l'organisation agricole et à son fonctionnement. Sous le régime qui a précédé la Confédération, autantou mieux valait peut-être qu'il y eût une chambre d'agriculture pour le Bas-Canada et une autre pour le Haut-Canada, et que ces chambres fussent à peu près indépendantes de l'Exécutif d'alors. Mais avenant la constitution do 1867, qui remettait à chaque province la gestion de ses affaires locales, on trouva que l'organisation agricole était chose assez im- portante en elle-même, pour ne plus en laisser le contrôle à un corps à peu près irresponsable comme l'était l'an- cienne chambre. Aussi, dès la seconde session de notre législature locale, adopta-t-on la loi qui nous régit actuel- lement. I.a principale raison qu'on a fait valoir, pour substituer la loi actuelle à l'ancienne, a été que le chef du département de l'agriculture serait désormais directe- ment responsable à la législature du fonctionnement do la nouvelle organisation agricole, et je no suis pas prêt à dire que la législature a eu tort de prendre ainsi 1 1 haute main dans cette sphère importante de l'administration.

Le but qu'on s'est projiosé en créant le conseil d'agri- culture a été uniquement d'entourer le ministre des agronomes et des agriculteurs les plus distinguas de la province pour aviser avec lui aux meilleurs moyens de faire progresser l'agriculture dans toutes ses branches ; le ministre est resté seul chargé par la loi de l'adminis- tration et du contrôle de toute l'organisation agricole et par même directement est responsable.

Pour nous la question agricole doit primer toutes les autres, et je verrais avec peine notre législature s'en remettre à un seul homme du soin do diriger l'organisa- tion agricole, cet homme fût-il à la hauteur de la tâche que lui tracent MM. Barnard et Provencher. Il importe quo nos députés locaux restent assujettis au ('evoir do s'occuper eux mômes de ce grand intérêt. A chaque

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session depuis 1867, lea députés locaux qui ont faiit partie du comité permanent do l'agriculture ont élaboré avec profit une masse de questions du plus haut intérêt. A plusieurs do ces questions il n'a manque, pour faire beaucoup de bien et amener des résultats f-érieux, que la dit-cussion on pleine chambre. Qu'on ne s'y méprenne pas davantage, .et que les questions agricoles soient pondes hardiment en chambre, et l'on verra bien vite qu'elles l'emportent en importance et surtout en bons résultats sur bien d'autres qui occupent le haut du pavé dans nos discussions parlementaires. Ma grande, mon unique objection pour ainsi dire à la création d'un surin- tendant d'îigriculture, vient donc de ce que cet officier ne pourrait pas avoir un siège en chambre, et répondre de son administration sur son portefeuille; car avant tous cet officier dans la pensée de nos lauréats devrait être inamovible durant bonne conduite.

Ce n'est pas à dire pour cela que je sois hostile à toute réforme, je reconnais au contraire la nécessité de veiller plus strictement à l'observance de la loi telle qu'elle existe, et ici je fiais mon 7neâ culpa pour ce qui me concerne. C'est un abus ])ar exem|»le que de ne par avoir le bureau du conseil d'agriculture au siège du gouvernement, puis- que son secrétaire est un officier du département do l'agriculture. Je suis porté à croire qu'il résulterait beaucoup do bien et une grande simplification adminis- trative de ce seul changement. Il m'a toujours semblé aussi qu'un officier })ermanentdu département do l'agri- culluro devrait avoir un siège dans le conseil. Quant aux abus qui ont pu se glisser dans l'administration agricole, je les livrerais en toute confiance à M. le direc- teur de l'agriculture; il a su trop bien les signaler pour ne pas les faire disparaître dès que l'occasion lui en sera fournie.

Pour ce qui est des progrès à réaliser au moyen des me- sures do détail si heureusementsuggéréesparM. Barnard, je connais trop bien le zèle éclairé de notre premier minis- tre ])our toutcequi touche à l'agriculture, je connais trop bien aussi la passion dominante do l'assistant commissaire do l'agriculture, pour croiroque M. Iedire<îteurde l'agri- culture aura ses coudées tout aussi franches que pourrait les avoir un surintendant. A l'aide de son journal d'agri-

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culttire, qui va reparaître avec la nouvelle année, il va pouvoir continuer sa croisade, et si^ comme jo n'en ai aucun doute, il y met l'élan chaleui'eux, la foi agricole dont il a donné de si belles preuves dans son csijai cou- ronné, il réussira à inspirer le goût de la bonne culture mieux que toutes les mesures législatives ne le sauraient faire.

J'aurais bien, moi aussi, tout comme mon savant col- lègue, l«i Dr. LaRue, un petit progamme à développer pour faire arriver bien vite à la prospérité le plus grand nombre possible do nos compatriotes. Le conseil que je donne aux cultivateurs se réduit à ceci : Fuites du beurre, faites du bon beurre et faites-en beaucoup ; je réponds du reste, vous êtes dans la bonne voie. Avec cela si vous no mourez pas riche et considéré c'est que vous mourrez jeune. Voilà pour moi le principe général, le principe qui opère seul ctsurement. Maintenant, il y a les moyens violents, révolutionnaires, si vous voulez, tels que la cul- ture de la betterave à sucre, pour la fabrication du sucre, et l'emploi des engrais chimiques, du superphosphate, par exemple; j'en suis encore de ceux-là, et le jour je les verrai introduits sérieusement dans notre province je dirai que nous pouvons nous passer désormais d'organi- sation agricole, et dépenser 1 argent qu'elle nous coûte à faire ouvrir de bons chemins de colonisation, car aloi's il n'y aurait plus assez de terre ]x>ur tous ceux qui en vou- draient avoir. C'est à peine s'il resterait un homme de lettres pour remporter le prix qu'un noble imitateur de M. Fiset offrirait alors pour un essai " sur le meilleur moyen de faire progresser la colonisation,"

Pour terminer, je dirai aus^^i moi, honorons l'agricul- ture, regardons toujours l'habitant comme la pierre an- gulaire do notre nationalité; que l'agriculture soit le pre- mier article de notre catéchisme national, ha nature a été prodigue de beautés pour notre province de Québec, nous l'aimons telle qu'elle est, mais comme elle serait belle si, à tout le pittoresque de nos riantes campagnes, nous pouvions ajouter le charme de l'aisance et le rayon doré de la prospérité l

ELOGE DE L'AGEICULTUEE.

CE QU'EST L'ART AGRICOLE AU CA]^4DA.

DES MOYENS DE L'Y FAIRE PEOGEESSER.

Par Ed. A* BARNARO. (i)

" Celui qui/ait croître deux Irinê â'heibe il n'en {Kuasuit qu'un seul, . , , est, sans aucun doute, un bievfuittur

\ '' public."

I. ÉLOQE DE l'agriculture.

L'âgricultnro est, pour les individus, une occupation des plus utiles, des plus morales, des plus nobles : pour les nations c'est la seule base solide de prospérité géné- rale.

L'agriculture bien comprise ne demande pas seule- ment le travail du corps: elle offre un immense champ d'études à l'esprit.

(1) Le trafailauqnellepremier prix a été décerné portait seulement an Hom de plume. L'Institut-Can&dien ayant insisté pour que le lauréat don- nât son nom véritable, ce dernier, tout en se faisant connaître, demanda avec instance que son travail fut soumis au public sans nom d'auteur, afin que l'étude des importantes questions y soulevées et des fait» très- regrettables qui y sont signalés fût détachée de toute question person- nelle. Il fit valoir de plus sa position officielle, qui semblait lui inter- dire la publication de ses nom et prénoms.

Là-dessus, M. le président de l'Institut jugea à propos de consulter l'honorable M. Joly, commissaire de l'agriculture et l'un des juges du concours, qui permit gracieusement à l'auteur de faire connaître son nom, conforniément à un des règlements du concours.

Sous ces circonstances, M. Barnard, directeur de l'agriculture au dé- partement de' l'agriculture et des travaux publics, crût ne pas devoir ser lefuser plus longtemps au désir de l'InstitutCanadien.

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L'agriculture est d'institution divine. Le travail qu'ello exige fut enseigné par Dieu lui-même, dans le Paradis terrestre, et dès l'origine. Elle fut ordonnée au premier homme comme occupation principale, au mo- ment où, sortant de la création, il était fait pour jouir du bonheur le plus complet : Posuit in paradiso volupta- tis, ut operaretur eum. (Gren. 2) Le travail do la terre fut donc pour l'homme un commandement do Dieu, et une condition de son bonheur, de sa dignité, de son existence avant que la chute originelle eût rendu tout travail pénible et ingrat.

De tous temps, parmi les peuples les plus renommés, l'agriculture a été considérée comme le premier des arts, celui qui doit être le plus honoré. Ainsi, dans l'histoire ancienne, les Chaldéens, les Egyptiens et les Romains, aussi bien que le peuple de Dieu, furent des peuples éminemment agricoles. Et, depuis l'ère chrétienne jus- qu'à nos jours, les nations les plus puissantes et les plus Ïtrospères doivent à l'agriculture la principale source de eur force et de leur richesse. On l'a répété de tous temps, et personne ne saurait le nier: " l'agriculture est le fondement même de la vie humaine; elle est la nour- rice du genre humain. " Or, si l'homme est véritable- ment noble et grand en autant qu'il se rend utile à ses semblables, quelle occupation, en dehors du sacerdoce, est plus noble et plus utile que celle du cultivateur?

La magistrature, les professions libérales, le commerce et l'industrie nous sont d'un grand secours. Depuis la chute do l'homme, plus le monde s'est peuplé, plus il a fallu de force, de courage, de sagesse et de science pour défendre, contrôler, diriger et guérir la société; plus il a fallu d'énergie pour tirer du soin de la terre et de la profondeur dos eaux, pour utiliser et pour répandre en touM lieux les richesses sans bornes que Dieu a mises au Bcrvice do l'humanité. Mais que seraient toutes ces choses sans la vie du corps? Or, c'est l'agriculture seule qui fournit à l'homme et la nourriture indispensable A la vie, et tous ces fruits, ces produits de toute nature qui flattent notre appétit, réjouissent notre cœur. (1)

(1) Voir le magnifiqno ^loge de l'agriculture par Mgr. Dupnnloup : "De la haute éducation intelÎRutuelle/'tume III, pages 418 et suivantes.

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Lo travail des champs est essentiellement moralisaleur'. I)ati8 ses divers travaux, le cultivateur se sent hous la dépendance immédiate de Dieu. L'homme devient l'ins- trument docile dont se sort le Créateur dans la continua- tion do la création. Le cultivateur remue la teri'o, il lui confie la semence; il l'arrose de ses sueure», puis son (euvro est faite ; pour le reste, il s'en remet à Dieu, qui donne le soleil, la .chaleur, la rosée rafraîchissante, la pluie nécessaire. C'est Dieu seul qui fait fructifier et rendre au centuple.

Toutes les vertus fortes et viriles, la sobriété, l'éco- nomie, l'oi-dre, l'activité, la persévérance, la prévoyance, sont l'npanage du bon cultivateur. Aussi trouve-t-on, en général, dans la classe agricole, un jugement plus sain et mieux exercé, des mœurs plus pures, dos races plus fortes, une foi plus ferme, des dévouements plus nombreux. C'est d'ailleurs ce qu'ont reconnaître les philosophes païens eux mêmes. " La vie des champs, '* disait Columelle, "est voisine, sinon p:irente do la sa- gesse.'* Le " sage " Caton affirme que : " c'est parmi les cultivateurs que naissent les meilleurs citoyens et les îneiileurs soldats. " Cîcéron donne à son tour un témoi- gnage vieux de vingt siècles, mais qui comporte un enseignement plein d'actualité. Il dit: "C'est dans les villes que se crée lo luxe. Le luxe produit la cupidité ; la cupidité fait naître l'audace. Do toute espèce de crimes qui ne peuvent prendre origine dans les habitudes sobres et laborieuses de la vie agricole. L'agriculture enseigne l'économie, lo travail, la justice." Cicéroà ajoutait : " L'amour de la ])atrie, source de tant de vertus, existe au plus haut degj-é dans les populations agricoles qui se perpétuent sur l'héritage de leurs Uïeux. C'est parmi elles que naissent les plus braves soldats.''

Voilà le témoignage bien flatteur que les païens eux- mêmes ont rendu à l'agriculture. De quel respect et de quels hommages les nations chrétiennes ne doivent-elles donc pas entourer cette profession si noble et si utile f Lo cultivateur ne se sent-il pas, chaque jour, et plus directement que tout autre, sous l'œil de Dieu? I*eut-il oublier Paction bienfaisante du Tout-Puissant dans lo résultat de ses divers travaux ? Qui éprouve, autant que l'homme des champs, la nécessité presque journalière do

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demander, avec foi et humilité, la chaleur, la pluie, ou le temps serein î Qui, ])lu8 qtie lui, peut jouir con><tam- mont do toutes le» beautés de la création? Et, sous ces circonstances, quel cœur bien né, quel esprit droit, ne saurait aimer, adorer et bénir l'auteur de tous biens. Quelle est donc l'occupation qui offio des jouissances plus pures, une jeunesse plus vertueuse, une vie mieux remplie, une vieillesse plus tranquille et plus heureuse 1

* * *

' Tel est, sans aucun doute, le bonheur dos classes agri- coles. Et cependant, que voyons-nous de nos jours ? Des hommes instruits qui dédaignent l'agriculture; des en- fants de cultivateurs à qui l'instruction semble avoir servi à déprécier l'occupation de leurs ancêtres ; une multitude de jioisonnes, plus ou moins marquantes, qui ne voient dans les rudes mais honorables labeurs des champs qu'un travail avilissant, indigne d'hommes ins- truits et, pour tout dire, un travail d'esclave. Ne voit-on pas trop souvent des cultivateurs à l'aise, dont la plus grande ambition, pour leurs fils, est de les pousser dans les carrières dites libérales; ne voit-on pas également, et en grand nombre, des femmes do cultivateurs qui croient travailler au bonheur de leurs ailles en leur cherchant un avenir en dehors de l'agriculture ?

Les parents qui agissent ainsi, par faiblesse et sans une dure nécessité, qui veulent par rendre la vie ])lu8 agroîible et plus facile à leurs enfants, ont-ils bien réflé- chi ? Ont-ils songé qu'en envoyant ces enfants à la ville, ils les déclassent trop souvent sans utilité ni pour eux- mêmes ni pour la société; qu'ils encombrent «îavantago les professions, le commerce ou l'industrie, déjà trop en- combrés ; qu ils exposent ces jeunes gens à une existence presque toujours précaire, souvent bien pénible et parfois intiniment malheureuse ? Ces déclassés, sans avenir et sans espoir, malgré leur éducation plus ou moins com- plète, sont comme entraînés à abréger leur existence et à se consoler de leurs désillusions amères, en s'adonnant aux habitudes les plus regrettables.

Ces jeunes gens, que l'on a rendus malheureux pour la vie, n'auraient-ils pas pu devenir, dès leur entrée en car-

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riôro, sinon des propriétaires dans l'aisance, au moins dos fermiers intelligents, des colons vigoureux et pleins d'es- poir, des spécialistes agricoles marquants, des agro- nomes instruits, enfin, des citoyens utiles, en état do rendre des services signalés et do tout gt'nre à leurs compatriotes? Les filles qui laissent la campagne, à la recherche d'un établissement plus commode et plus at- trayant, sont-elles plus heiireu>es dans leur famille; leurs cnfiints seront-ils mieux élevés, plus dociles, plus utiles à la isociété et plus heureux à leur tour ?

"■ , *

Ce concours sur l'agriculture dont on a eu la géné- reuse et patriotique pensée, me doime l'occasion de sou- mettre ici quelques réflexions qui m'ont occupé bien souvent au milieu des travaux constants et si multiples d'un cultivateur.

Je serai heureux d'attirer l'attention do mes compa- triotes sur notre position agricole. Je voudrais faire appel à tous les hommes d'esprit et do cœur qui sont attaches à notre chère patiio ; à cette fertile et incompa- rable vallée du Saint-Laurent, cette belle province do Québec, si essentiellement agricole, et dont les richesses, cependant, sont à peine exploitées. Je désire m'adrefeser surtout r.ux hommes intelligents qui habitent la cam- pagne, à ces nombreux jeunes gens qui cherchent une carrière profitable et utile. Je leur demande à tous d'ho- norer l'agriculture autant qu'elle le mérite et de ne point fermer les yeux Kur ses titres de noblesse et sur son utilité éminento. Nos hommes d'état et tous ceux qui sont chargés do veiller à la chose publique trojiveront cer- tainement que c'est dans ravan<ement de notre agricul- ture que réside la question d'économie politique la plus importante pour nous dans le moment actuel. Je le dis avec regret, mais je l'affirme avec une conviction pro- fonde : cette question de notre progrès agricole semble avoir été presque entièrement oubliée, à la suite de ces luttes gigantesques qu'il nous a fallu subir pour le main- tien de notre nationalité. Grâce à Dieu nous sommes aujourd'hui les seuls maîtres do notre destinée. Mais no serions-nous pas infiniment coupables si nous négligions

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j»lu3 longtemps l'art qui a toujours été, depuis rétablis- sement do ce pays, ot qui est encore notre principale source do prospérité etde Imnheur? Je dirai plus : l'agri- rulturo«era, après la religion, la sauvegarde de notre na- tionalité dans l'avenir.

Qu'il me soit donc permis de faire appel à tous, mais principalement à notre clergé ot aux personnes qui diri- gent les maisons d'éducation dans notre province. Que tous se fassent un devoir de rendre hommage à l'agri- culture ; qu'ils ne manquent point l'occasion do montrer la haute noblesse de cet art, le seul qui fut enseigné à la terre pur le Trô^-IIaut lui-même ; que tous j)rCchent, «le parole ou d'exemple, la dignité et l'utilité du travail manuel, celte jouissance donnée à nos premiers parents comme occupation principale dans le Jardin de délices. Oui, quoi qu'on en dise : pour l'homme sensé, qui réflé- chit le travail manuel a été de tous temps une satis- faction immense. Voilà une vérité que ne sauront pas apprécier, peut-être, l'habitué de bureau, l'homme de piofossion, les gens de lettres, et tous ceux dont les forces s'étiolent et se perdent tout-à-fait, avant l'âge, faute do travail manuel. Que ceux-là fassent l'essai du travail manuel, et ils y trouveront bientôt, avec le repos de l'esprit et la tratiquillité do l'âme, une robuste santé, le plus inestimable des dons de Dieu sur la terre.

No serait-il pas également désirable que le principe d'économie sociale que je viens de rappeler, l'amélioration de l'ûgriculture, engageât le surplus do notre population à se diriger vers la colonisation de nos immenses forêts, ces sources incalculables de richesses encore inexploitées, richesses qui peuvent incontestablement apporter ia paix ot le bien-élro à des milliers de familles aujourd'hui sans ressources ?

Que rfîtat protégo l'agriculture; que nos législateurs ot les hommes publics, plus spécialement chargés de cette mission, encouragent, comme ils le doivent, les cultiva- rours à étudier et à observer les lois d'une bonne agri- culture, et ce pays, qui est déjà reconnu pour un dos plus paisibles et des plus heureux, redeviendra, comme par le passé, un des plus productifs du monde entier.

Le Canada, jo le répète, comparé aux autres piays dans notre siècle^ est prôspèlfe, paisible et heureux. Cotte paix,

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co bonheur, cetto prospéritë étonnante, au milieu do nos vicisf^iiudos bi nombrousot", à quoi les devons-nous, si ce n'est en grande partie A l'agriculture? La nationalité canadienne-tranjjaise existerait-elle aujourd'hui si la popu- lation catholique et fran(;aiHedecepays,entourde comme elle le fut, il y a un siècle, de ces armées nombreuses d'en- nemis de nos croyances et de notre nationalité, n'était ])as restée, après la conquête, comme cachée à l'orabro et sous la protection du clocher de nos paroisses agricoles ?

Et, dans l'avenir comme par le passé, notre seul es- poir de salut comme peuple n'est-il pas dans la posses- sion du sol, dans la colonisation do nos forêts, dans le développement de nos richesses et de notre population par le progrès régulier et iiitelligent de notre agriculture ?

Si nous allions l'oublier, si nous négligions plus long- temps l'agriculture, ne voirions-nous pas reprendre, au premier moment et avec une intensité désastreuse, le fléau de l'émigration, qui déjà nous a fait tant de mal, qui nous a enlevé, en quelques années, une partie notable de la population de toutes nos anciennes paroisses; fléau qui a dévasté, dans ces années dernières, jusqu'à, nos colonies les plus nouvelles et les plus prospères, au profit de l'industrie étrangère du peuple voisin ? N'avons-nous pas eu la douleur de voir, dans plus d'un endroit, des cultivateurs, propriétaires du sol, abandonner avec leurs familles entières, et sans nécessité pressante, la maison paternelle, les ancêtres avaient vécu, dans une modeste aisance, et prendre le chemin do l'exil, dans l'espoir d'amasser, plus rapidement peut-être, quelques pièces d'or? Trop souvent, pour satisfaire au luxe sans cesse croissant de la famille, on a cédé à l'attrait d'un travail moins long, dont le salaire pourrait être plus facilement réalisable, mais d'un travail d'esclave et d'esclave exilé de son pays !

J'espère que l'on voudra bien me pardonner ces re- marques. Elles se rattachent assez naturellement au sujet qui nous occupe et me paraissent pleines d'à-propos dans la situation particulière do notre province. D'ail- leurs, elles font l'éloge do l'agriculture, puisque nous y rattachons sûrement notre bonheur national dans Je passé et notre salut dans l'avenir. Oui, nous ne sau- rions le taire, après Dieu, c'est à l'agriculture que le

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Canada français doit d'être ce qu'il est; c'est dans l'agriculturo que réside sa force et sa principale sauve- garde pour les dangers do l'avenir. Or, quoi plus bel éloge un patriote pourrait-il faire de cet art divin, do quelle couronne plus brillante et plus glorieuse un Cana- dien pourrait-il ceindre le front de cotte " mère " aussi aimable que noble et utile : '• la nourricière du genre humain. "

***

Mais les Canadiens ne sont pas les seuls qui doivent principalement à l'agriculture leur force et leur conser- vation comme peuple. Pour celui qui étudie l'histoire, il est un fait qui ne peut manquer do frapper l'esprit : c'est rabaissement progressif et la disparition presque complète de ces nombreuses nations qui, à leur épo- que, ont rempli le monde du bruit de leur nom, de leur gloire et de leurs conquêtes. Tous ces peuples, avant de se distinguer comme guerriers, étaient devenus prospères par les développements donnés à l'agricul- ture. Et quel fut le principal sinon l'unique écueil sur lequel ils vinrent se briser, les uns après les autres, si ce n'est l'abandon graduel et le dépérissement de l'agriculture, pour faire place à la recherche immo- dérée des conquêtes, du butin, des jouissances illicites ? N'est-ce pas l'histoire dos Babyloniens, des Egyp- tiens, des Grecs et des Romains? Et les Juifs, ce peuple privilégié, conduit, dans ses beaux jours, par Dieu lui-même, quelles furent toujours leurs époques de grandeur et de bonheur, si ce n'est celles où, obéis- sant aux préceptes divins, ils cultivaient la terre? Quelles furent leurs époques de malheur et d'abaissement, sinon celles qui suivaient leurs grandes prospérités, lorsque les greniers juifs regorgeaient, que les caves étaient remplies de vin, que le peuple entier s'était enrichi? Alors, en effet, sourde à la voix divine et immuable du travail, négligeant les durs mais salutaires labeurs dos champs, la nation se livrait aux plaisirs défendus, à la recherche des conquêtes injustes mais faciles, et s'atti- rait par les châtiments de Dieu.

Si nous recherchons maintenant le secret de la force do certaines nations modernes, de cette vitalité mer- veilleuse qui permet à certains peuples detraversoi* sans

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encombre les époques los plus tourmentées, do renverser tous los obstuclos qui s'opposent à leur niftrcho.otd'appa- raitro, au sortir dos toinpôtos les plus terribles, aussi fortrt et plus unis que jamais, nous trouvons co secrot dans le progrès et le porfoetionnomont do leur agriculture.

Ainhi, (-ans les trésors incalculables do l'agriculturo française, la Fiance aurai t^ello pu écbappor au joug do fer du Prussien qui lui demandait, au nom do sa brutale victoire, une rançon que le monde entier jugeait impos- sible à payer ?

Et comment les pays flamands, co petit coin do sablo sorti do la mer, co territoire presque imperceptible sur la carte de l'Europe, ont-ils pu se conserver intacts au milieu dos diverses puissances qui se les arrachaient los unes après los autres, lu co n'est grâce à la frugalité, à l'activité et à l'intolligimce do leur population agricole, la plus dense et la plus laborieuse do l'Europe. Et l'Angleterre, notre nouvelle mère-patrie, cet autre petit pays couvert en grande partie do montagnes, de bruyères, de sable et d'un sol aride, cette vaillante et industrieuse Angleterre pour laquelle les anciens Komaitis n'euronu que des louanges, ne so distinguait-elle pasdéjà, dès cette é])oque reculée, par ses richesses agricoles ?

Ce peuple anglais si fier, à juste titi'O, do ce que le soleil ne so couche jamais sur son drapeau qui flotte sur tous les points du monde, co peuple distingué entre tous les autres par ses conquêtes innombrables, dues plus souvent aux arts de la paix qu'à ceux de la guerre, co peuple éminemment commerçant et industriel, no doit-il rien à l'agriculture ? Ai-jo besoin de dire que, de tous los pays du monde, c'est l'Angleterre qui occupe le premier rang au point de vue agricole ? C'est l'Angleterre qui obtient les récoltes moyennes los plus élevées dans l'univers entier ; ce sont les Anglais qui ont doté monde do ces améliorations prodigieuses dans les diverses races de bétail dont los produits ont une valeur qui parait fabuleuse. C'est encore à l'Angleterre que nous devons les plus grands perfectionnements agricoles de l'âge mo- derne, entre autres le drainage, l'emploi économique do la vapeur dans la culture do la j,orre et dans la transfor- mation des récoltes en produits marchands. Et, de toutes les nations de la terre, c'est la nation anglaise qui porte

- se- rt l'agriculturo le plus grand intérêt, qui a l'agriculture en plus hante estime.

Jl est bon de rappeler les faits suivants à ces hom- mes trop nombreux parmi nous qui n'ont que des dédains pour l'agriculture, i\ ces fils de cultivateurs qui rougissent de leur origine et de l'occupation de leurs ancêtres. S'il est un gentilhomme qui tienne avant tout à sa dignité, au respect et à la considération dus à son rang, c'est bien le gentilhomme anglais. Or il croirait s'abaisser grandement en se livrant à la pratique des pro- fessions libérales, du commerce, de l'industrie, et, selon lui, il n'y a que quatre carrières qui soient dignes d'occu- per sa vie : le sacerdoce, la diplomatie, les armes, l'agri- culture. On a vu de tout temps les plus grands seigneurs anglais, et, encore aujourd'hui, les membres de la famille royale elle-même, se livrer avec persévérance à l'étude et la pratique de l'agronomie la plus avancée. Notre gracieuse souveraine, la reine d'Angleterre, ainsi que le prince de Galles, se font un devoir et un honneur de diriger per.*onnellement de grandes exploitations agri- coles. Ils ne dédaignont pas même d'entrer en lice avec le ])lus humble de leurs sujets dans les grands concours nationaux d'agriculture, dont l'Angleterre s'honore à juste titre. Notre mère-patrie se fait un devoir de répéter ces concours^ chaque année, dans plusieurs parties du ]>ays à la fois, afin de porter partout les meilleures prati- ques agricoles.

Pour finir, qu'est-ce qui fait le caractère distinctif de la Chine, cotte nation, la ])lu8 ancienne du monde, dont l'origine se perd dans la nuit d temps, si Ce n'est ses lois agricoles si sages qui, '-'■ tompa immé- morial, ont accordé à l'agriculture le hr .• rang qu'elle mérite ; lois qui ont fait que le sol a pu suffire aux besoins d'une popidation innombrable sans jamais perdre do sa fertilité première, et qui peuvent se résumer dans ces quelques mots : rendre scrupuleusement à la terre, mais sous uno autre forme, ce que l'agriculture lui enlère.

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«

Envisageons maintenant, pour un instant seulement, l'agriculture au point de vue du développement intellec- tuel qu'elle exige dans son perfectionnement.

Outre lo travail du corps et les qualités de l'esprit indispensables au succès do toute occupation humaine, l'agriculture demande, plus que toute autre carrière, dans la solution des divers problèmes que soulève cet art vi'aiment merveilleux, le concours et l'appui des con- naissances les plus profondes et des sciences les plus va- riées. Je ne saurais mieux compléter l'éloge de l'agri- culture qu'en démontrant cette vérité incontestable et d'un intérêt pratique dans les conditions actuelles de notre pays.

En etîet, l'agronome qui voudrait approfondir les nom- breuses questions qui se rattachent à son art et qui in- fluent directement sur ses résultats, ne saurait embrasser pendant sa vie toutes ces études, tant elles sont vastes et variées. Ainsi les mathématiques servent d'introduc- tion indispensable à l'étude des autres scioïK-es qui ont rapport à l'agronomie; laphysiqiie nous explique d'abord la mécanique, science nécessaire à l'étude des diverses machines et outils dont s'entoure l'agriculture moderne; puis la pneumatique qui, traitant de l'air et des lois qui le gouvernent, nous fait connaître l'action du baromètre, des diverses pompes, du syphon, le pouvoir du vent, la ventilation, etc. ; l'hydrostatique, loi des fluides, qui sert l'agi-iculturo dans ses presses et ses béliers hydrauliques, nés pouvoirs d'eau, qui indique la résistance à apporter aux rives do nos cours d'eau, de nos ruisseaux, etc. ; Velec- tricité, fluide étonnant, que l'agriculture ne connaissait autrefois- que par ses fureurs et ses désastre-", et que les savants étudient aujourd'hui avec une grande curiosité, dans ses rap])orts étranges mais intimes avec la crois- sance des plantes, leur décomposition, etc. ; le magnétisme, autre puissance, en rapport avec la lumière, la chaleur et l'électricité, qui fait depuis quelque temps la base de tout un sj'stèmo étrange de culture ; la chaleur, force impon- dérable, mais d'un oft'et constant et merveilleux, qui nous entraîne dans une foule d'études et de recherches, sur la vapeur et ses pouvoirs, les divers combustibles et leur valeur comparative, la rosée, etc. ; la lumière, prin- cipe actif et indispensable dans la croissance et la matu-

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rite des plantes. La chimie, cette science anx mille faces, qui malgré ses progrès^ incontestés dans notre siècle, fait (souvent le désespoir des savants qui s'y livrent, a d(\jà enrichi d'une manière étonnante l'agriculture moderne. Elle tend à révolutionner complètement les divers systè- mes de culture connus jusqu'à nos jours ; c'est elle qui nous permet de tirer de la terre et d'utiliser ces engrais mi- néraux, d'une telle valeur qu'ils surpassent en bons effets tous les engrais animaux les plus précieux; c'est elle encore qui nous apprend à décomposer les corps pour en former do nouveaux, qui nous explique les effets des ma- tières ferî^ilisantes, qui nous indique ce qui manque à la fertilité du sol et nous enseigne à y suppléer ; elle nous montre également avec précision, la valeur nutritive des divers produits agricoles et nous fait connaître le moyen de les convertir avec profit en graisse, en chair et en os.

Cette énumération est déjà bien longue ; j'y ajouterai cependant encore la météorologie, la géologie, la botanique, la zoologie. Voilà quelques-unes des nombreuses sciences qui viennent apporter leur hommage et leur tribut à l'agriculture.

Dans tous les pays la cultui-e est en honneur, les fils intelligents et instruits des cultivateurs, cultivateurs eux-mêmes, se livrent souvent avec ardeur à l'étude do ces diverses sciences, dans le butde les faire servir à l'agri- culture. Comme conséquence de leurs efforts on a vu la mécanique produire ces instruments perfectionnés qui remplacent des milliers de bras, la chimie donner la ré- putation, les honneurs et la fortune à des milliers d'indi- vidus, la zoologie et l'anatomie permettre de transformer les diverses races de bétail, transformation qui a eu pour résultat de faire surgir des fortunes considérables et do donner en même temps la renommée et les distinctions à quelques-uns de ces heureux transformateurs. Combien d'autres carrières spéciales ne se rattachent-elles pas à l'agriculture quand celle-ci est raisonnée et bien faite? Et quel avenir pour nos enfants, si nous savions diriger leur intelligence vers l'étude de cette science agricole qui fait présentement la richesse et la force de plusieurs nations I

Je voudrais pouvoir parler, dans cet essai, de ces indus- tries connexes, qui ont transformé des contrées entières, qui ont fait marcher de pair l'industrie la plus active,

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l'étude des sciences la plus profonde et l'agriculture la îhis parfaite, assurant par -là aux individus, comme à "i'jtat, la richesse la plus solide et la prospérité la plus

durable. On peut dire avec certitude que les industries

connexes à l'agriculture sont à cet art sa plus riche

couronne, son dernier perfectionnement.

* *

Je m'arrête ici. Je crois avoir démontré que l'agri- culture est d'o/igne divine, qu'elle a été enseignée à l'homme par Dieu lui-même, au temps il devait jouir d'un immortel bonheur sur cette terre ; que le travail manuel qu'elle exige est encore pour l'homme une source de force et de jouissance ; que l'agriculture est également la sauvegarde des familles et des nations; qu'enfin elle offre une carrière noble, féconde, intellev'îtuelle et scien- tifique, digne d'occuper les meilleurs et les plus solides esprits.

II. CE qu'est l'art aoricole.au canada.

L'art agricole, dans tout pays, se résume ainsi : faire produire à la terre les plus gros revenus nets sans l'épuiser. Afin d'arriver à ce résultat, il faut: lo Faire disparaître tout ce qui pourrait nuire à la culture : les arbres, les souches, les broussailles, les pierres; 2o En- lever du sol l'excédant d'eau qu'il peut contenir et qui pourrait nuire à la croissance des plantes utiles ; 3o Arpeublir la terre, afin qu'elle couvre convenable- ment la semence et que celle-ci puisse y trouver la nourriture nécessaire à. son complet développement; 4o Détruire, autant que possible, les plantes adventices et inutiles qui nuisent à la production que le cultiva- teur veut obtenir; 5o Enrichir le sol en lui renc .t les matières fertilisantes que les l'écoltes lui ont enle- vées et en y ajoutant ce qui pourrait manquer à la nourriture des plantes que l'on cultive; Go Semer dans des conditions favorables, api'ès avoir fait le choix des semonces qui devront donner au cultivateur les meH- leurs résultats ; 7o Tirer le meilleur parti possible des récoltes obtenues, soit en les vendant en nature, soit en

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les transformant en d'autres produits étçalement du res- sort de l'agriculture, mais de plus do valeur.

Ce court résumé do rincipes, d'application univer- selle, nous aidera à établir plus clairement ce qu'est l'art agricole au Canada. Il pourra nous servir également dans nos recherches sur les moyens -\ prendre pour faire progresser l'agriculture dans notre pays.

Depuis cinquante ans, surtout, l'agriculture a fait de bien grands progrè."*. Ainsi, au moyen du drainage, qui consiste en des canaux souterrains suffisamment pro- fonds pour enlever toute l'eau surabondante retenue à trois ou quatre pieds de la surface du sol, on est arrivé à augmenter les récoltes du double et du triple do ce qu'elles étaient aupai-avant, tout en rendant la culture plus facile, plus i-apido et moins coûteuse. Par le drai- iiagc, les terres humides, compactes et difficiles à façon- ner, deviennent l('gères, friables et assez riches pour se travailler même dans les saisons "les plus pluvieuses. Le sous-sol, au lieu de rester froid, mouillé et aussi im- propre à toute v«?gétation que le serait le roc, devient, à la .suite du drainage, parfaitement ameubli ; l'eau, en se retirant, laisse de nombi-cux inierslices par lesquels entrent l'air, la pluie, la chaleur, et toutes les sources de fertilité qu'ils contiennent. Le sous-sol, devenant spongieux, re t'en t riiuiuiditd pour la rendre au sol à me- sure que la grande séchei-esso en ilessèche la surface. La masse entière qui roccmvre les drains, devient comme un immense laboratoire se prépare toute la nourri- ture néceesaire aux récoltes que porte le sol. De plus, le drainage, en forçant l'excès d'eau de s'écouler eu toute saison, l'hiver comme r«^té, permet à la chaleur de j>éné- trer profondément la terre dès le ])rintemps; ])His la chaleur se concentrant dans le sous-sol pendant l'été, réchauffe la surface pendant l'automne; c'est ainsi que le drainage allonge de plusieurs semaines la saison de végétation : avantage incalculable dans notre climat rigoureux.

A la suite, et comme coiïséquence du drainage, sont venus les labours sous- sol, qui doublent la quantité de terre dans laquelle vivent les plantes, et augmentent ainsi les récoltes d'une manière notable.

Dans notre siècle, on est également arrivé à transfor-

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mer les races d'animaux domestiques, do façon à leur faire produire plus vite et en plus grande abondance, le bœuf, le mouton, la laine, le lard, et cela, tout en éco- nomisant la nourriture le plus possible. C'est éifalement dans ces dernières années que la science s'est livrée plus particulièrement à l'étude pratique des questions agri- coles. Comme nous l'avons dit plus haut, nous lui de- vons, entre autres bienfaits, les engrais artificiels, les découvertes dans la théorie de l'alimentation, qui ren- dent beaucoup plus économique l'élevage des bestiaux et la production de viandes, du fromage et du beurre. C'est également depuis la même époque que la science nous donne ces machines et ces outils amélioiés, de tous genres, qui faciiiient nos divers travaux et remplacent si économiquement les bras qui manquent.

Toutes ces grandes découvertes, même les plus récen- tes, sont connues dans notre pays. Elles y sont utilisées par un certain nombre do bons cultivateurs. Le Canada possède des agronomes distingués dont quelques-uns, les Cochrane, les Beatty, les Snell et d'autres, se sont fait une réputation enviable, comme éleveurs, en Euro- pe et aux Etats-Unis. Notre province a produit les ])lu8 beaux types de la race " Durham. " Les journaux d'Europe rapportent que, dernièrement, M. Cochrane, cultivateur à Compton, dans nos cantons do l'Est, .-i vendu en Angieterro plusieurs animaux do cette race ;i des prix presque fabuleux. 11 aurait obtenu, })arait-il, l'énorme somme de $21,525 pour une seule génisse, de six mois, vendue à l'encan. Cette génisse est, au dire des connaisseurs, le type le plus ])arfait qui existe de cette lace Durham si universellement estimée.

De même, dans l'élevage des races chevalines, le Ca- nada s'est distingué depuis longtemps. Dci* exporta- tions récentes et nombreuses nous font espérer que le marché européen absorbera bientôt, à des prix rémune- ratifs, tons les bons chevaux que nous pourrons expédier.

Depuis doux ans l'exportation des animaux de bou- cherie devient une des exploitation.s commerciales les pins iniportnriles. L'élevage du bétail promet de deve- nir une de nos principales sources de richesse. Mais, bien qu'un certain nombre de nos compatriotes se dis- tinguent déjà dans l'élcvago du bétail et disputent aux

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éleveurs d'origine anglaise les prix ofiferts, dans nos con- cours provinciaux, aux différentes races de bétail, il nous reste encore de grands progrès à faire si nous voulons tirer un bon parti de l'exportation en Europe des produits de nos animaux domestiques.

Ija fabrication et l'exportation du fromage canadien ont également pris un dévelojipement extraordinaire dans ces dernières années. Cette exploitation mérite toute l'attention du cultivateur. Elle peut s'augmenter encore et prendre des proportions incalculables si l'on s'applique à ne fabriquer et à n'exporter que du fromage de première qualité.

Il on serait do même du beurre si nous savions le pro- duire d'une qualité supérieure et uniforme. On constate que le beurre impoité en Angleterre, de la Normandie, du Danemark, do la Suède et de la Norvège se vend ré- gulièrement le double du prix que l'on obtient pour le bourre du Canada sur le même marché. Ce fait remar- quable est uniquement au grand soin que l'on apporte , dans la fabrication du beurre dans les pays en premier lieu nommésv et au peu de soin au contraire que l'on donne généralement à celui du Canada.

L'on voit dans les diverses provinces de notre pays, mais surtout dans Ontario, un bon nombre de cultures bien faites. Elles sont assez souvent citées comme modèles dans les meilleurs journaux d'agriculture des Etats-Unis. Quelques-unes de ces cultures feraient honneur aux agronomes les plus distingués dans n'importe quel pays. Dans la province de Québec, dont nous devons nous occuper ici 4'une manière toute spéciale, on constate depuis quelques années des améliorations notables en agriculture. Dans plusieurs paroisses, bon nombre de cultivateurs ont l'ambition d'améliorer leur culture et do faire mieux que leurs voisins. On trouve partout, même parmi les familles les plus à l'aise, des cultiva- teurs qui ont acquis eux-mêmes tout ce qu'ils possè- dent, et cela par leur travail opiniâti'o et leur stricto économie. Je pourrais nommer quelques ])aroi8ses des progrès remarquables de tout genre se généralisent parmi la masse des cultivateurs, à la suite de l'heureuse initia- tive d'un ou de deux hommes intelligents et désireux do faire progresser l'agriculture.

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Malheureusement, à côté do ces succès partiels, il faut également reconnaître que la masse de nos cultivateurs d'origine française n'est pas encore entrée dans la voie du progrès ; que la plupart de nos terres ne produisent plus que le tiers de ce qu'elles produisaient autrefois, qu'un grand nombre de familles s'appauvrissent de plus en plus, et qu'elles devront tôt ou lard, à moins d'un changement complet dans leur culture, abandonner la propriété que leurs ancêtres leur ont léguée après y avoir vécu dans l'abondance pendant des générations.

11 est facile d'établir qu'autrefois nos terres donnaient de 25 à 40 minots de blé par arpent. Aujourd'hui, la moyenne du rendement en blé est d'environ 9 minots ; il n'est plus que de 4 à 5 minots dans les endroits l'on suit encore l'ancien système, qui consiste à cultiver du blé tous les deux ans, sur la même terre, eans engrais, et aussi longtemps que le blé ne vient pas à manquer tout-à- fait, comme dans les plus anciennes paroisses du Sague- nay, par exemple. La production, dans toutes les cul- tures, a également diminué dans des proportions ex- trêmement regrettables.

Il importe de constater la cause de cette diminution si grande dans le rendement du sol. Or, nous ne craignons pas de l'affirmer, cette cause réside uniquement dans l'ignorance ou l'oubli presque général des principes élé- mentaires de l'agriculture parmi la population cana- dienne-française. JVlais cette ignorance, que nous sommes forcés d'admettre, n'est nullement due au manque d'in telligence chez notre population rurale. Il est facile de prouver qu'aucun peuple- au monde ne surpasse le nôtre quant au sens juatique, au jugement et aux qualités intellectuelles. Malheureusement notre popu-' lation agricole n'a jamais eu l'occasion d'apprendre les ])rin(i[es d'une bonne agriculture, et elle ne le pourra pas sans un grand eft'ort de la part de ceux qui ont mis- sion de l'éclairer.

Nos ancêtres furent, pour le plus grand nombre, des artihians, des navigateurs et des soldats. Pour les attacher à la culture de la terre, il fallut des encouragements considérables de la part des gouvernants, puis des lois qui rendaient très-onéreuses les commutations de propriété, puis enfin des règlements qui retenaient, forcément en

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quoique sorte, Ips colons au pays. Notre histoire no nous parie nulle ])artdefforts individuels ou autres pour l'amélioration de l'af^ricultiire, si ce n'est dos soins intel- ligents do Louis XIV el de Colbert, au début do la colonie, soins qui furent tout à fait négligés après eux. (1)

A la suite des premiers défrichements, laterre produisait avec une telle abondance que personne ne ])ouvait songer ù lui demander davantage. Les richesses accum^ulees dans le sol. depuis la création, purent suffire aux b.'soins d'une végétation luxuriante pendant plusieurs années consécu- tives. Kt lorsque vinrent les années de diminution, de 1830 à 1850, on pensa que les mauvaises récoltes étaient dues plutôt à des causes atmosphériques ou inconnues qu'à l'appauvrissement graduel du sol. C'est ainsi qu'aujour- d'hui encore, un grand nombre de personnes attribuent la production minime de nos terres à la rigueur du climat, oubliant que le climat n'a guère changé en ce pays depuis deux cents ans, mais que deux siècles de culture, sans engrais et sans soins, ont nécessairement appauvri la icrre.

Malheureustment, fort pou de personnes, dans notre j)rovince, se rendent un compte exact du dépérissement graduel de notre agriculture et des causes qui l'ont amené ; fort peu de cultivateurs mettent en pratique les principes si élémentaires que nous avons rappelés, au commencement de ce chapitre. Il est pénible do l'avouer, mais il faut l'admettre : la masse des cultivateurs cana- diens-français ignore les premiers principes d'une bonne agriculture. Dans le plus grand nombre de nos paroisses, il n'y a guère une seule terre qui ait été engraissée d'un bout à l'autre, depuis son déboisement.

On voit presque partoutdes brouissailles ou des ))ierre8 qui couvrent une partie des terres en culture. L'assainis- - sèment superficiel des sols humides, à quelque excep-

(1) C'est à Louis XIV que notre province doit la n3agni6que raoe do chevaux dits canadiens. l)e nombreux et très-beaux types nous furent envoyés à diverses reprises, de France, par ordre do Colbert. Ils furent distribués aux meilleurs colons, dans toutes les parties du pays, à des conditions très-favorables. C'est ainsi que l'on a vu partout, en ce i>ay8, jusqu'à ces dernières années, une mémo race d'excellente qualité. Voir l'abbé Fuillon. " Histoire de la colonie française on Canada. "

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lion pr^s, est pratiqué do la manière la plus primitivo et laisse énormément à déHiror. On peut dire également qu'aucun etïort n'a été fait jusqu'ici, par la mjisse des cultivateurs, pour arriver à la destruction dos mauvai.ses herbes. On en voit partout ; elles so sont emparées du meilleur de nos terres, et elles menacent de tout envahir. L'ameublissement nécessaire à la bonne production do la terre fait généralement défaut ; les labours se font eans précaution et à la hâte; ils sont le plus souvent très-mau- vais. La terre est si mal hersée que, presque partout, les effets du hersage sont à peine visibles. Les labours en travers, dont l'effet serait d'ameublir et de nettoyer la terre, sont presque inconnus. On laboure tellement à la hâte et une si grande partie de sa terre, qu'on no saurait songer à labourer quelques pièces une seconde fois la même année.

Le scarificateur et le rouleau brise^mottes, jiourtant si utiles, no sont presque pas connus. Le choix do bonnes semences est l'exception ; rensemoneement de grains chétift:!, mélangés et remplis de graines nuiï«ibles est la règle. Quelques maigres animaux, nourris uniquement à la paille, pendant l'hiver, sont, en généi-al, les seules smirces d'engrais ])0ur clia(iue terre; et encore laisse-t- cm poi-dre une partie notable do ces pauvres fumiers avant d'utiliser ce qui reste. On fait du beurre ; mais la plupart des fei-miers le font avec si peu de soin, les vaches sont si peu tiombreuses, si maigres et si chéliveSj les pâturages si mauvais, que le beurre est rarement do première qualité. Aussi n'en obtient-on que le plus bas l»rix sur nos grands marchés. Pour une tinette de bon beurre, l'on en compte cinquante do qualité très-infé- rieure. En Angleterre, comme je l'ai dit plus haut, lo beurre canadien ne se vend, en moyetme, que la moitié du prix qu'obtiennent nos cousins de la Normandie. En- fin, d'un bout à l'autre de la province de Québec, quelles que soit la diversité des circonstances et les différences de sol, de climat, de marchés, on cultive partout les mêmes produits, et presqu*exclusivemont les mêmes grains, au risque d'inonder un marché déjà trop res* treint. On cherche trop rarement à transformer ces pro* duits sur la terre, en bonne viande de boucherie, entfro' mage ou en beurre de première qualité, tels qu'on lan

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domando pour l'exportation en Europe. C'est ainsi que l'on appauvrit la terre et que l'on s'appauvrit soi-môme I

Il nous faut bien avouer que, depuis l'abrogation du traité de réciprocité avec les Etats-Unis, nos noiarchés sont facilement encombrés, et que la crise financière et la ruine de nos principales industries nationales n'ont pas pou contribué à rendre de plus en plus pénible la position du cultivateur. Mîiis ces derniers malheurs n'ont fait qu'empirer un état de choses déjà très-critique dont la cause principale réside, je le répète, dans l'ignorance pres- que générale, chez nos compatriotes d'origine française, des principes élémentaires d'une bonne et saine agri- culture.

Voilà un tableau bien sombre et fort désagréable à contempler pour tout homme qui aime son pays. Et cependant, qui oserait dire, consciencieusement, qu'il est surchargé ? (1)

m. DES MOYENS DE PAIRE PROGRESSER L'AGRICULTURE DANS NOTRE PROVINCE. , , > ,

On ne s'attendra pas, sana doute, à trouver dans côtto étude, dont le cadre est d'ailleurs clairement défini par les règlements du concours de l'Institut Canadien de Québec, un traité sur l'art de cultiver la terre avec profit. Tout travail de ce genre serait ici un hors-d'œuvre. On demande quels sont les moyens à prendre pour faire progresser l'agriculture dans toufr le pays.

Ces moyens, je vais les indiquer dans cette troisième partie. On les trouvera peut-être d'un caractère un peu radical, mais, en définitive, les changements d'organisa- tion que je propose sont faciles à opérer.

(1) Tableau de la production du blé par acre dans différentes con^ Iréos (minots de 64 Ibs.) Angleterre, 29 minots.

Prusse (Poméranie seulement), 26

Belgique,

24

Hollande,

19

France,

16i

Etat-Unis,

11

Canada,

lOi

" Nouvelle-Ecosse,

ni

•' Nouveau-Brunsvick,

m

" Ontario,

m

" Québec 11

8*

1 I 1-

J

d'après le recensement do 1877.

-4T-

La législatuie du Canada a constaté, dès 1850, d'une manière officielle et très-exactement, les défaut*^ de l'agriculture dans la province do Québec. Dana la suite, au milieu des luttes si vives de la politique, et des ques- tions si ardues qu'il a fallu résoudre, le Parlement s'est eftorcé de remédier au mal signalé par l'enquête légis- lative. C'est ainsi que les octrois en faveur de l'agri- culture furent doublés; que les sociétés d'agriculture furent partout encouragées ; qu'on organisa à grands frais des expositions provinciales ; qu'on établit dos écoles d'agriculture, et qu'enfin, on créa, dans l'administration locale de Québec, lors de la Confédération, un département spécial, ayant pour chef un ministre dont la mission est de diriger l'agriculture et les travaux publics. En 1869, on créa le conseil d'agriculture, dans l'espoir de remplacer avantageusement l'ancienne chambre d'agriculture du Bas-Canada. Depuis 40 ans on a encouragé plus ou moins, de temps à autre, la publication de journaux agricoles et on a fait donner, dans ces dernières années, mais pendant quelques mois seulement, des causeries sur l'agriculture, dans plusieurs paroisses du pays. On peut évaluera 670,000, environ, les dépenses annuelles que le gouvernement de cette province s'impose, sous une forme ou sous une autre, en faveur de l'agriculture. La somme totale ainsi dépensée dans cette province, depuis trente ans, doit approcher $2,000,000 (deux millions do pias- tres).

On le voit, des efforts considérables ont déjà été faits dans le but d'améliorer l'agriculture dans cette province. Avant donc de songer à de nouveaux moyens, il est bon d'établir ce qu'est notre organisation agricole, et d'en signaler le côté faible.

La loi d'agriculture qui nous régit depuis 1869, donne au commissaire d'agriculture et des travaux publics la direction complète et le contrôle absolu du conseil d'agriculture, des écoles et des sociétés d'agriculture. C'est en définitive le commissaire qui porte seul la res- ponsabilité du bon ou du mauvais fonctionnement de toute notre organisation agricole.

Cependant, il appert par les rapports officiels publiés BOUS l'autorité du commissaire, que jusqu'à 1875 la loi d'agriculture était restée lettre morte, quant à la direc-

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tioii qito doit donner lo commissaire. Il y Jijiport <lo )»lus que l'étttt des sociétés d'iigriciilturo est trù^-pcu >atisfUi.siint. Ces documents ottit-iols Komblent niGnio tidmuttro que les résultats obtenus no sont nuUomcut en rap|K)rt avec les dépenses faites pour l'amélioration do l'ii-^ricullure. On va jusqu'à s'y demander si les progrès obtenus no se seraient pas égab^mont opérés sans l'inler- vention et les allocations du gouvernement.

Voici d'ailleurs ce qu'on peut lire à la première page du rajjport du commissaire d'agriculture pour l'année 1874: " En dehors de la routine administrative, notre département exerce peu dinfluence directe sur l'organi- sation agricole: c'est au conseil d'agriculture qu'est léservéo la direction du mouvement agricole."

On le voit, le commissaire d'agriculture avoue no point diriger la partie agricole de son département: il laisse cette direction au conseil d'agriculture. Or ceci semble directement contre la loi. (l)

(1) Voici oe que dit l'acte d'agriculture à ce gujet (32 Viot., ch. IL' 186i), clause 40) :

" Tous lo8 pouvoirs et devoirs administratifs ayant trait au contrôle et à la r<5gie dos soo.i(<t(<g d'agriculture et des institutions d'enseigne- ment agricole sont par le présent conférés au coMMtssAïUK qui recevra leurs rapports annuels, leur paiera l'octroi provincial établi en leur faveur et leur donnera des instructions propres à assurer l'entiflt accom- plissement dos règlements généraux ou spéciaux adoptés à leur égard par la conseil d'ngrioulturi', et il aura le pouvoir, en cas de contraven- tion, de suspendre le paiement de la subvention à ces sociétés ou insti- tutions et, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, do la supprimer. "

Et la clause précédente dit : " Tout règlement passé par le conseil d'agriculture, toute résolution ou mesure adoptée par le dit conseil,

DEVRONT ÊTRK SOUMIS A L'APPROBATION DU LIEUTENAXT-GOUVEKNKUR EN CONSRIL AVANT DK POUVOIR ÊTRE MIS A EXÉCUTION."

Par ces clauses, il appert clairement que le commissaire doit diriger le conseil d'agriculture comme les sociétés, et qu'aucun acte du conseil ne doit être mis à exécution avant d'avoir été approuvé.

Cependant, que lit-on, à la page 29 du rapport général du déparle- ment de l'agriculture pour l'année 1875 7 On ne le croirait pas, si oe n'était là,, en toutes lettres: pendant les six premières années du fonc- tionnement du conseil d'agriculture, pas une seuie des résolutions du conseil n'a été approuvée 1 Et cependant on a a'^beté des terrains consi- dérables, on y a érigé des bâtisses pour les expositions provinciales, on a fait des règlements obligatoire» (?) pour les sociétés d'agriculture, et que 8ais-je encore.

Voici ce que dit M. Browning dans le rapport auquel je fais allusion :

" DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL. Avant de terminer, il est de mon devoii* «l'aitii«r l'Attention du conseil, bien que j'hésite à le faire, sur un sujet

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Quant au fonctionnomont dos sociétés d'ngricuUoro, AI. Lesngf, assisjtant-comtnissairo, dit (voir mémo rap- port do 1874):

" Suivant , otro décision (du commissairo) nous n'a- vons pas inscjé ici les rapports financiers dos sociétés d'agriculture, à cause dos irrégularités qui s'y ron- contront." Il ajoute plus loin: " Il ost à regretter quo les concours (pour los torros les mieux tenues) do même <ltio los partis de labours no soient pas on plus grande laveur auprès do la majorité dos cultivateurs. Au lieu de les con^idéror comme les ])lus sûrs moyens de géné- raliser les améliorations agricoles, un grand nombre do sociétés cheichent à en être exe /nptéos. "

Il est encore établi à la page olvi du mémo rapport, quo bien que los concours de labours soient obligatoires, et quo si los sociétés les négligent elles doivent perdre l'octroi du gouvernement, il n'y a quo 19 sociétés sur 80 ([ui se soient conformées ù. ce règlement obligatoire. Do fait, pour qui lit attentivement les divers rapports oflS- ciels publiés par le commissaire d'agriculture, il est évident quo la surveillance exercée sur los sociétés d'agriculture est à peu j)rès nulle, quo des portes d'ar- gent considérables en sont résultées et qu'il s'est glissé bien des abus. Et cependant toutes los sociétés, indis- tinctement, reçoivent chaque année leur octroi, tout comme si elles se conformaient à la loi !

do la plus grinde importance : il s'agit de la 39e clause de l'aote d'agri- culture, qui te lit comme suit :

" Tout règlement passé par le conseil d'agriculture, et toute résolution ou mesure adoptée par le dit conseil, devront être soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, avant de pouvoir être mis à exécu- tion. "

" Maintenant, quand j'aurai informé le conseil qu'aucun de ses actes ou procédés n'a été approuvé, nonobstant toutes les démarches qui ont été faites dans ce sens, en vue de se conformer à la loi, et bien que copie des délibérations du conseil ait été régulièrement transmise à Québec, après chaque réunion, dans le but d'obtenir cette approbation, je laisserai au conseil à décider s'il ne serait pas à propos d'essayer d'obtenir la révocation de cette clause, ou, du moins, de la faire amender à la prochaine session du Parlement de Québec, puisqu'il est évident que, d'après le mode suivi jusqu'à présent, nous procédons de la manière la plus irrégulière et que nous nous trouverons, tdt ou tard, en face de sérieux embarras en raison de ce que nos actes peuvent être à tout mo- -ment attaqué» de nullité, par le fait de cette absence d'approbation." Signé : J. M. Browning, Président C. A. P. Q.

4

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Do son coté, M. Browning, ci-dovant prÔHidcnt du conseil d'ajL^ricultiiio, admet, (lanH sen rapports atinuels, que l'état deH choses est loin d'être satisfaisant. Voici co qu'il dit à la page 28 du rapport gon<5ral dudépartoinenl do l'agriculture do 1875.

" On n'a ])îi8 donné jusqu'à présent aux raj)port8 annuels des sociétés d'agriculture toute l'attention que mérite cet imj)ortant sujet, |)lusicurs rapports ayant été reçus, bien que sous une forme des plus incomjdéles et des ])luH inexactes, tandis que d'autres sociétés n'en ont transmis aucun."

M. Browning s'étend ensuite longuement sur les in- convénients qui s'en suivent, et demande que la loi boit mise à exécution, ou qu'elle soit amendée.

En voilîV assez pour prouver que iasurvcillancesur les sociétés, soit par le commissuii-o de l'agriculture, soit par le conseil, n'est pîis effic . et mémo que la loi d'agriculture est lettre morto quant à la direction à donner au:r sociétés.

Voyons mfiintenant ce qu'ont été les résultats obtenus, au prix de $2,000,000 e'nviron, dépenséos depuis trente ans, en vue de l'amélioration do l'agriculture. Voici ce quo M. l'assislant-commissaire écrit à co sujet dans son rapport de 1874, (pngo 1).

" Sous forme d'introduction au compte-rendu des oj)é rations qu'il diiige, le Itév. M. Butcau, " do son vivant, supérieur de l'école d'agriculture do 8ainte-Anno, " so demande si los subventions accoîdéos depuis vingt ans aux sociétés d'agriculture ont produit un résultat propor- tionné au montant d'argent qu'elles ont absorbé ; et il arrive à la conclusion quo la masse des cultivateurs n'en a guère j)rofité, et que tes progrès qui se sont accomplis durant cette période de temps auraient pu s'accomplir sans t intervention des sociétés d' atjriculture et sans les octrois qui leur ont été distribués. C'est une assertion hardie, et»jui mérite d'être prise en considération par notre législature, attendu quo le savant directeur de yainte-Anne n'a pas dfila faire à la légère."

On lo voit, M. l'assistantcommissairo lui -mémo, qui connaît tout aussi bien quo personne notre organisation agricole, et qui, certes, fait de son mieux pour l'amé- liorer, n'oso pas aHirmcr io contraire de ce quo disait

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M. Bitteaii ; il va jusqti'à attirer l'attention do la lôgis- latnre Hur ce sujet si sérieux.

Si nous remontonH maintenant à 1850, et ni nou.s cher- chon.s ce (}U*«>tait alors ragriculturc et quelle était l'ac- tion des sociétés d'n^M'iculture à cette époque, il sera facile d'étalilir «pm le ))ro<^rù-< a!;'rieol(>, depuis trente ans, n'est guôriî ;i notre organisiition ollicielle ni aux onor- tnes ponimes dénetisces par le gouvernement cUns l'es- poir d'amoliorei ragricu'liiro Voici un extraitdu rapport du comité sp<5(ial nomme, en 1850, )>our s'enquérir do l'état de l'iigriculture dans lo J3a^-C tiada, des moyens do l'améliorer et de faciliter l'établissement des tei-res in- cultes, qui prouve notre avancé. (1)

On lit flans ce rapport: *' (pie lesetudesque le comité a été oblige de fiiro l'ont mis à même do ])Ouvoir affir- mer que ragl'iculture a fait beaucoup de progrès depuis un cei'tain nombre d'années " que l'élan est donné,

l'apathie passée (2j." Le comité ajoute: "C'estsur-

tout dans ce moment quo les bonnes récoltes semblent revenir, qu'il importo de profiter do l'expérience récente qu'à donnée le malheur, afin d'engager la poj)ulation des campagues à employer tous Ic-i mo^'ons qu'une nou- velle prospérité jiourra leur fournir, et prévenir de nou- velles misères,"

On voit par ces extraits qu'il y avait, en 1850, un commencement do progrès ussoîî marqué, (-'os jtrogrès se «ont continués depuis, mais il n'y a rien pour démontrer quo l'amélioration que l'on constate de nos jours ne se Herait pas faite sans l'organisation actuelle. Au contraire, nous n'avons qu'à voir ce qu'étaietU alor^ les sociétés d'a- gricidture, pourétabiirclaii'oment que nos sociétés actuel- les, en général, no sotit jias meilleures qu'elles étaient 11 y a trente ans. Nous jjouvoiih dire que la plupart vii- loiit moins, car depuis ce temps on acotttiniié lesen-jïurs graves qui étaient signalées à cette époque déjà reculée Et aujourd'hui, le mal ost devenu tel (|u'il faudra ur effort bien grand et bien persévérant pour le detriuro

un

(1"^ Voiif appendice T. T. Documentu do laS-ssion M50, No. 2, vol. 9. (2) Je crois devoir citer, en appendico, plusionrK cxtmits de ce rap-

tort important. On verra que les oonRoils qui y ront donn^'R parles otniiies les plus marquants de notre province, s'appliquent aujourd'hui tout ootnnie si cette «nquéte agricoli; venait d'être faite.

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Au sujet do 008 sociétés d'agriculture, voici co que constate l'enquête déjà citée : " Les sociétés d'agricuN turo, telles qu'elles existent et qu'elles sont conduites aujourd'hui (1850) ont fait du bien, il n'y a pas à en douter, mais il est certain qu'elles n'ont pas produit tous les résultats qu'on en attendait. Dans bien des cas, les dépenses contingentes et les frais de gestion se sont montés à des sommes exorbitantes, eu égard aux moyens de ces sociétés."

Un autre défaut est signalé dans le rapport de la société du Bas Canada jwur celte année (1850) :

•» Les bienfaits des expositions," dit le rapport, *' sont pénéralement retirés par nos vieiUeui's cultivateurs, capi- talistes et autres personnes possédant des terres en bon ordre, tandis que ceux qui ont réellement besoin d'instruc- tion et d'encouragement sont virtuellemer* exclus.''

J'ai souligné ces dernières lignée qui indiquent claire- ment le mal d'aujourd'hui comme celui d'alors. La législature toute entière a reconnu ce mal, il y a déjA vingt- huit ans; quelles mesures avons-nous prises pour le taire disparaître? Je réponds: nous avons dépens ' deux millions do piastres, sans presque aucun résultat utile, et, par notre apathie et notre négligence, ce mal s'est enraciné plus profondément que jamais !

Quant à nos expositions provinciales, elles nous coûtent près de $20,000 chacune. Elles nous laissent presque toujours un déficit de $12,000 à $15,000, que la législature et les cités intéressées ont à combler. Ain>i, en IST"?, la ville de Québec, tout endettée qu'elle soit, a voté $6,000 on faveur de la dernière exposition provinciale, et cependant la législature s'est vue dans l'ouligation do voter, à la dernière session, une somme additionnelle de $8,000 environ, pour combler le dé.ficit. Et combien de cultivateurs pratiques, et surtout de cultivateurs d'origine françoise, ont participé à cette exposition ? Les expo- sants d'origine française étaient peu nombreux ; les races d'animaux étrangères au paj'^s ont seules été primées, et un petit nombre do grands éleveurs, qui pour la plupart ont fait leur fortune dans le commerce et l'industrie, ont enlevé la masse dos prix. L'exposition d'animaux et do produits agricoles provenant des districts do Québec et de Trois-Rivièros était à peu près nulle. Et pourquoi ?

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parce que Ton n'a pas su cncour ^er nos cultivateurs à améliorer leurs cultures et leurs produits, et qu on no prend ))as les moyens de les attirer à ces expositions.

L'extrait du rapport do la chambre d'agriculture du Bas-Canada pour 1850, que je viens de rcpro(.'uire, s'ap- plique encore aujourd'hui et à la letti'o à provoque toutes les expositions de comtés. Personne n osera affirmer le contraire, j'en suis bien sûr. On le saii, moyennant une souscription, bonâ fide,ào $266, le gouvernement donne tous les ans un octroi de $666 à chaque société d'agricul- ture de comté. Je ne parierai pas de la bonne foi qui rogne dans certains comtés, au sujet de ces souscriptions. Malgré les affidavits si positifs qu'il faut faire, les initiés savent quelle espèce do bonne foi on apporte assez com- munément à ces souscriptions! Puis on fait chaque année, ou à peu près, des expositions. Or quel en est généralement le résultat? La plupart des hommes im- partiaux seront forcés d'admettre que d'ordinaire ces expositions servent uniquement à distribuer, le plus également possible, sous forme de prix, le gros de l'oc- troi du gouvernement entre trente ou quarante personnes tout au plus, de manière à encourager ces mêmes per- sonnes à souscrire de nouveau, l'année suivante, environ un dixième de ce qu'elles ont reçu. Le reste de la sous- cription s'obtiendra, il n'y a pas do fraude, en don- nant gratuitement, à même l'octroi du gouvernement, <lcs graines fourragères qui sont distribuées aux frais do la société. Puis si la souscription n'est pas complète, on supposant toujours l'absence de fraude, on quêtera do porte en porto, chez les deux députés du comte, le séna- teur, les curés, les marchands. Il va ^ans dire qu'on n'oublie pas do faire souscrire l'aubergiste chez lequel se donne le grand diner que les directeurs do la société et Usurs amis se payent annuellement, mais toujours sur les octrois du gouvernement à la société ! Voilà, personne no l'ignore, comment soixante sociétés d'agriculture sur quatre-vingts font les choses dans cette province ! II est Juste d'ajouter que depuis quelques années les sociétés d'agriculture, en général, entretiennent aux frais de la société quoique:^ animaux reproducteurs, plus ou moins bien choisis, dont l'usage est donné aux membres presque gratuitement. Cet encouragement qui tend à l'amclio-

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ration du bétail, ainsi que la distribution des graines fourragères, cette distribution se fait bon nète ment, est de beaucoup la partie la plus utile des dépenses faites par nos sociétés d'agriculture.

Afin de bien connaître toute l'action des sociétés d'agriculture de comté, il faut dire qu'en 18G9 elles ne comptaient dans toute la province qu'environ 7,000 membres d'origine française. Depuis cette époque, les efforts qui furent faits pour répandre gratuitement les journaux agricoles parmi les membres ont eu ])our effet d'en doubler le nombre ou à j)eu près. Malgré tout, il appert par le dernier rapport du comité d'agriculture de l'assemblée législative, en date du 28 février 1878, (1) qu'il y a environ un tiers des paroisses du pays qui ne comptent pas un seul membre dans les sociétés d'agri- culture, et qu'un grand nombre d'autres paroisses en comptent moins de dix. Ce rapport ajoute : '' La plupart de ces paroisses ne bénéticient donc aucunement, ni des argents votés pour les sociétés d'agriculture, ni du jour- nal d'agriculture. Comme ces paroisses sont, pour la plu]>art, parmi les moins avancées, elles auraient besoin, plus que toutes autres, de l'aide accordé si généreuse- ment, chaque année, par la législature, atin d'avancer lo dévelojipement de l'agriculture. "

.le crois avoir démontré que la plupart de nos sociétés n'ont guère progressé depuis 1850, bien que de fortes sommes leur aient été octroyées chaque année. Cepen- dant, il ne faudrait pas en conclure que les sociétés d'agriculture sont inutiles et qu'elles doivent être sup- primées. Il y a dans cette province un certain nombre de sociétés qui, depuis quelques années surtout, font un bien incalculable. Ainsi, dans plusieurs comté.-*, on offre tous les deux ans, dans chaque paroisse du comté, des prix pour les terres les mieux tenues dans la paroisse, pour les meilleurs dix arpents de labours d'automne, pour les meilleurs prairies et pâturages, pour la con- servation des engrais, pour la confection des fosses à fumier, la plantation d'arbres fruitiers, etc. On y faci- lite également ! achat de bonnes semences et l'usage de bons reproducteurs dans chaque paroisse. Et quel est

(1) Voir " Jonnua d'Agricaltan " 1878, p»ge 146.

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lo résultat? D'abord les membres de lu société d'aiçri- (•ulturo se comptent par 500, 600 et 700 dan^ chacun do ces comtés. Les touscriplious sont plus élevées. Celles- ci. jointes aux ressources que ra|)porteiit les reproduc- teurs ajjpartenant à la s< ciété et à l'octroi du _<i;ouverno- mont, j)ermettent de faire, tous les deux ans, dos exposi- tions de produits agricoles dont l'importance est suffi- sante pour attirer des acheteurs étrangers. De sorte que ces ex])Ositions, tout en excitant l'émulation parmi les cultivateurs, deviennent comme une f(Mre pour la vente des produits agricoles. Voilà ce qu'ont fait plu- sieurs sociétés à la suite de quelques conseils qui leur ont été donnés, quand ces conseils ont été entendus par des hojumes intelligents, patriotiques et désintéressés. Or, ne pouirait-on pas es))érer des résultats analogues, dans presque tous les comtés de cette province, si toutes les sociétés d'agriculture étaient surveillées de prés et dirigées par une organisation dans laquelle le j)ublic aurait confianca, dont le chef serait un homme entendu en agriculture, au fait de ses besoins et à la hauteur de sa mission. Et (jue ne pourrait pas accomplir un tel hom- me, ayant le pouvoir comme le désir de faire du dévelop- pement, de l'agriculture dans cette province sa seule occupation, e*. dont le bien être de la classe agricole se- rait la ])lus grande ambition !

Il faut l'aifirmer bien haut : ce qui manque t nos sociétés d'agriculture, comme à tout le reste de notre organisation agricole d'ailleurs, c'est une sage direction, donnée avec suite, et qui, touten ayant à répondre direc- tement de sa conduite à la législature, ne serait pas en- travée par toute espèce d'obstacles, entre autres ])ar co qu'on est convenu d'appeler les nécessités de la poli- tique.

*

Le commissaire d'agriculturo ot des tiavaux publics pourrait-il, dans les circonstances actuelles, diriger effica- cement l'organisation agricole de cette ]>rovince ? Il suffit do so rappeler les exigences do la ]iolitique pour roconnaitre qu'on ne saurait attendre do la plu})art des hommes d'Etat appelés à ce ministère, dans notre pays, les qualités spéciales qui sont indispensables à celui qui devra diriger avec succès cette organisation.

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En y réfléchissant, il faut admettre que le commissaire d'agriculture et des travaux publics est tellement sur- chargé d'occupation qu'il lui est tout à fait inijjossiblede bien remplir les devoirs trop multiples qui lui sont dé- volus. Ainsi, voyons un peu: Ce ministre do la couronne est aujourd'hui le seul commissaire chargédc la construc- tion du chemin do fer provincial de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental. lia la responsabilité, la direction et le contrôle absolu de toutes les aftaires qui s'y ratta- chent. Cette entreprise, qui va coûter onze ou douze millions de piastres, demande, dans la position finan cière actuelle de notre pays, un travail extraordinaire de surveillance et de soin. Le commissaire d'agriculture et des travaux publics fait également construire, sous sa direction immédiate, les nouveaux édifices des départe- ments publics, construction monumentale qui fera sans doute honneur au pays, mais qui coûtera suffisamment pour qu'on y regarde de près. Le même commissaire* doit do plus surveiller directement la construction, l'en- tretien et les réparations de toutes les prisons, des cours de justice, et généralement de tous les édifices publics qui sont disséminés sur tous les points do la province. Il a encore la direction générale et toute la responbilité de rom])loi des octrois en faveur de la colonisation, et la sur- veillance immédiate do la confeclion et de la réparation de tous les chemins de colonisation. Or, les ti-avaux du département de la colonisation h'étendent depuis l'extré- mité du comté do Pontiac à l'ouest jusqu'aux profondeurs du Snguenay au nord depuis l'extrémitésud du comté de Compton, jusqu'aux confins do l'immense territoire do la Gaspésie, et ce dernier territoire est aussi étendu que la plupart des états d'Europe ! Il reste au même commis- saire la direction et le contrôle do diverses agences d'immigration, en Europe et dans cette province, ainsi que la repartition des subventions accordées à sci)t ou huit compagniosde chemin de fer,— subventions qui se montent à plus do trois millions de piastres? Et qiie sais-je en- core ? Voilà ])Our ce qui a rapport plus particulièrement à l'administration des travaux publics, indépendanimcnl de l'agriculture. N'est-ce pas déjà demander beaucoup trop à un seul homme, même en supposant qu'il n'aurait abso- lument rien à. faire ni à l'agriculture, ni à la politique

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générale. Et cependant ce fonctionnaire, 8urchari.^é (l'un fardeau qu'Hercule lui-même aurait peine à porter est en même temps ministre de la couronne. Do lait, et depuis plusieura années, c'est le premier rnini.stro do la province qui a eu la direction de ce vaste département. Or, un ministre de la couronne et surtout un premier ministre doit donner, en détinitive, la plu» grande et la meilleure partie de son temps aux affaires générales de la province. De fait les occupations d'un ministre consti- tutionnel prennent trop souvent le pas sur les affaires de son département.

Est-il nécessaire d'en dire davantage pour démontrer que le commissaire des travaux publics ne peut pas et ne doit pas entreprendre la direction du mouvement agricole dans cette province ?

' * . '' * *

Mais on dira peut-être : Puisque le commissaire d'agri- culture est dans l'impossibilité de bien diriger le mouve- ment agricole de cette province, pourquoi nepointdonner cette direction au conseil d'agriculture ?

Kous avons vu qu'en réalité cette i^'reciion a été lais!>ée au conseil d'agriculture, depuis 1869. Avant cette époque, «•.'est l'ancienne chambre du Bas-Canada qui avait dirige, seule et sans conteste, pendant au-delà do trente ans, toute l'organisation officielle de l'airriculture. Lors de la confédération, la chambre d'agriculture ayant étéjugce insuffisante, le conseil d'agriculture fut organisé pour la remplacer. Mais il n'apporta aucune amélioration à l'état de choses préexistant, l.e système actuel est donc virtu- ellement on opération depuis quarante ans. Nous venons de voir quel a été le résultat. Nous avons cité plus haut le témoignage de M. l'assistant-commissaire lui-même. Nous avons vu ce qu'a dit M. Browning, un des prési- dents les plus actifs et les plus dévoués qu'ait eu le con- seil d'agriculture, au sujet du peu d'influence que ce conseil exerce sur les sociétés d'agriculture. Nous avons constaté que le progrès agricole qui s'est ojwé dans cette province depuis trente ans, n'est guère du à l'an- cienne chambre d'agriculture, ni aux sociétés, ni au conseil d'agriculture.

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Voyons muintcnunt co qu'est lo conseil d'agriciiltnro; nous ))()un'on.s mieux ju^or s'il ewt en ineHiiro do donner hidircction eilicaco dont notre or^anitiution agricole a besoin.

JiOrt membres du conseil d'agriculture, par la loi, sont au nombre de vingt-troiM ; ils sont nommés par le lieu- tenant-tfouvcrneur erj conseil, et ils sont censés repré- sentur, ou à peu i)rè8, les diverses divisions territoriales de la |>rovince. En réalité ils ne représentent aucunement ces divisions ; sept membres sur les vingt-trois, résident dans les environs immédiats de Montréal ; six autres membres, dans les environs do (Québec, un seul (1), M. Cîauvreau, notaire et grofKer de la cour do circuit à l'Ile- Verte, représente maintenant tout le bas du fleuve, au nord et au sud, à partir tie (Québec.

Les membres du conseil d'agriculture no sont payés que pour leurs fiais de voyages. Ils se réunisseiii trois ou (piatre lois |)ar année, pendant quel(|ues beures cliiM|ue fois. I\)ur qui lit attontivesnent les rapj)Orts des délibé- rations du conseil d'agriculture, il me semble que c'est à peine si les membres de ce conseil se rappellent d'une réunion à l'autre des décisions (pii ont été prises précé- demment (2).

Je dois lo dire: le conseil d'agriculture me fait l'eiïet

(1) Jo cnnipto l'hon. M. Prico au nombre doa résidants de Québec. D'ailleurs M. Prico n'asMisto presque jauinis aux réunions du conseil. Fou l'hon. M. Boaubicn et M. Landry, tous deux do Montmnnny, repré- sentaient lu partie aud du fleure, mais ils n'ont pas été rouiplaués dans lo conseil.

(2) Il o."t facile d'établir qu'il rôgno chez plusieurs tncinbres du conseil un discouru Renient profond dont ils n»* se cachent jioint. Quel- ques-uns d'entre eux, pnrrni les plus connus et les plus actif», n'assiftont plus que très-rnrenient aux réunions. Il faut rononnaltro égalouicnt que, dans le conseil d'agriculture, il y a des huiuiues dont les pratiques agri- coles ne peuvent ))ns servir do modèle, inônie aux plus hunible.s cultiva- teurs de leurs paroisFOS. Il suffît de passer sur leurs propriétés ) our j voir des chemins en mauvais état, même dans la belle saison, des pâtu- rages qui sont nus, ou couverts de chiendent et d'autres plantes do ce genre. Leurs prairies et leurs champs de grain sont complètement envahis )>nr les plantes nuisibles, don; les graines mûrissent librement et sont transpori.é(!B par lo vent dans toutes les directions, parfois au grand détriment des voisins.

Il y a sans doute, dans le conseil d'agriculture des agronomes distin- gués et des hommes tout à fuit dévoués au progrès de l'agriculture, mais c'est précisémdiit parmi ces hommes que l'on o nstats le plus grand découragement.

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d'un corps composé do vingl-trois niombrcs ii'aynnt niiciin nipport itiliine onlrouux, d'un (;orp.s (pii hu meut, mais auquel il mmiquo et la léte et l'âme, d'un corps en- fin, qui eht tout-à-f'ait incapable de mener seul à bonne tin, une organisation comme il la l'aucJrjiit ])Our arriver à f'airo Kortirnolro aj^riculture de l'ornière administrative danti lac^uelle elle eut restée dppuis «i longlemps.

* *

Je lo dis sans hésitation: si nous voulons faire pro- gresser l'agriculture, co qu'il nous faut, c'est un "surin- tendant," un homme qui soit à lu hauteur do sa mission, qui ait l'autorité et toutes les qualités nécessaires j)()ur mener à bonno tin les améliorations indispensables an bon fonctionnement du département do l'af^riculturo ot qui no soit j)a8 cx))Osô à laisser sa place, d'un moment ù l'i^utre, suivant les caprices do la politique.

Il faut do ])lus que le surintendi.nt de l'agriculture soit en ines\iro de donner une direction cHictaco aux sociétés d'aiîriculturo, aux expositions provinciales, aux écoles sj)éciales d'afjfricultnre, etc., afin (jue l'octroi con- sidérable voté chaque année j)ai" la législature porto tous les fruits qu'on a droit d'en attendre. Comme aviseur du surintendant de l'a/^riculturo, il faut un conseil d'a- f^riculturo choisi, autant que possible, parmi les rési- dants de chacune «les divisions sénatoriales do i;etto province; un conseil composé d'hommes dévoués au pro- grèsdc l'agriculture, et capable d'aviser le surintendant ot do l'aider efficacomonl à faire pro^i'cssor l'agricul- ture, d'abord dans leurs divisions respective-, puis dans la province tout entière.

Il faut, entin, pouvoir répandio, par toute la ])rovince, un enseignement éminemment ]irali(juo, pour le bien de tous, ntais îî la portée dos plus humbles culiivateurs.

Voilà, en ))eu do mots, ce quo tloit être notre organi- satiori otïlcielïo on faveur de l'agriculture.

*^* .

Kn proposant do donner à un surintendant do l'agri- culture la direction du mouvement agricole dans cotto

1:

GO

province, jo n'émets pas une idée nouvelle. Depuis trente an» cette proposition a été souvent répétée par les agro- nomes les plus distingués et par les hommes les mieux pensants. Un jirincipo analogue a été admis par lu égislaturo du Canada-uni, et plus tard par celle do notre province, relativement au département de l'Instruction publique. A la suite de lu Confédération, on a bien tenté de donni^' la direction de ce département à un ministre de la couronne, mais bientôt l'expérience est venue dé- montrer que cette branche importante du service public demandait, en permanence, un chef expérimenté, tout-à- fait détaché des considérations politiques, et chargé uni- quement de la direction de son département; et la légis- lature sut pourvoir au besoin qui se faisait sentir. Pour- quoi n'en serait-il })a8 de même pour l'agriculture?

Certes, on ne saurait donner trop d'attention au déve- loppement do l'instruction publique dans notre province; mais l'amélioration de l'agriculture est-elle moins impor- tante? L'instruction publique, quelque pratique qu'elle Îiuisse être, no saurait donner du pain à notre population, îllo n'a pas pu empêcher d'émigrer aux Etats-Unis un demi million do nos compatriotes. L'instruction pu- blique seule no pourra pas arrêter un nouveau courant d'éuiigration, peut-être plus accentué que jamais, vers lo pa3'8 voisin, du moment les industriels américains jugeront à propos d'allécher de nouveau notre population pai- l'attrait de salaires tant soit peu élevés.

Tout dernièrement encore, on le sait, nos campagnes se dépeuplaient à vue dœil à l'appel des industriels amé- ricains. La seule cfiguo qui puisse retenir la popula- tion au sein de nos campagnes est la colonisation des terres incultes et le relèvement de notre agriculture. Et les moyens de retirer l'agriculture de l'ornière pi-ofondo dans laquelle elle est restée si longtemps consistent d'abord : dans un enseignement pratique et frappant, si J3 puis parler ainsi, des éléments de l'agriculture. Cet enseignement, il faut chercher à le donner, non pas aux enfants seulement, mais surtout et avant tout, aux culti- vateurs eux- mêmes, dans chacune de leurs paroisses respectives, si c'est possible. Il faut aussi que l'Etat

^OCCUPE DAVANTAGE DES INTÉRÊTS AGRICOLES DE LA NATION.

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Donc, il faut à ragricuituro uno direction liabile; il faut répandre partoutu in province ronsoigncmentd'unc bonne agriculture, et pour arriver, avec le temps, à mener »V bonne tin cotte entrcpriHC, il faut choisir un isurintcnduiit qui 8oit à la hauteur do sa mission, lui donner l'autorité ncces-sairo, et mettre à sa diisposition les aviiseurs et les aides qui conviennent.

Le choix des membres du conseil d'agriculture, dans chacune des divisions représentées au sénat, deviaitètro laissé aux jjroKidents des diverbcs sociétés d'agriculture dans cette diviyion plutôt qu'au gouvernement. On obtiendrait ainsi une meilleure représentation dans le conseil, chaque membre devant être dans les meilleurs rapports avec les sociétés d'agriculture do ha division. Les membres actuels du conseil d'agriculture qui se sont le plus distingués par leurs aptitudes et leur dévouement au progrès de l'agricultui-e, no manqueraient pas d'étro choisis pour leurs divisions respectives.

On lira sans doute avec intérêt ce que disait, dès 1850, au sujet de la nomination d'un surintendant de l'agri^ culture, le comité d'enquête déjà cité :

•' Votre comité est d o|)inion que la nomination de deux surintendants d' agriculture , un pour les di-tricts de Mont- réal, St.-Fran{;ois et de l'Ottawa, et l'autre pour les dis- tricts de Québec, Gaspé et Kamouraska, est indispensable. Le surintendant formel a l'administratif do tout le sys- tèmo, et joint aux professeurs dans les collèges, cons- tituera le corps enseignant : ses devoirs tels que conçus par votre comité, seraient la visite annuelle des districts sous sa jurisdiction ; la publication d'un rapport annuel contenant autant que possible la description des diffé- rents sols, de leur exposition, des moyensd'amélioration, le signalement des succès de culture et l'indication des moyens d'y remédier ; en un mot, ce rapport serait le modo dont se servirait le surintendant pour faire con- naître au public le résultat do ses recherches, et de ses études. "

Voici maintenant ce que disait, à pareille époque et sur le mémo sujet, le regretté major Campbell, président delà chambre d'agriculture du Bas-Canada:

" Si l'on veut réaliser quelque grand plan pour le poifcotionnement de l'agriculture, jo suis d'avis qu'il

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fûu Ira nomtnor Rpécinlement pour coin quelqn'individn qui y coriHJicroi'a tout sou temps ot sou attention. On pourrait l'appeler le Hurintondant ou le comminsairo d'agriculture; cet officier, avec le maire du comte ot les présidents des eociétéB d'agriculture du comté, de- vraieritôtre les ayndicsà qui Bcraient confiées les fermes- modèles dont j'ai parlé.

" 11 aurait la direction de la ferme expérimentale du gouvernement, ot serait tenu do voilier à ce que les fermes-modèles soient bien conduites et à oo que toutes ex'wrionces faites à la forme du gouvernement soient régulièrement notées ot publiées. Je n'ai pas besoin d'ajouter que le succès do ce projet dépondra entière- ment du choix de la personne qui sera nommée à cette «liargo importante."

Il me semble qu'un seul surintendant pour la province sjifïiiait ; mais il faudrait qu'il eût, en sus du conseil d'agriculture, des aides actifs et expérimentés, chargés, BOUS sa direction, de la surveillance et de la visite d'une partie de la province. Ces aides, du moment qu'ils pourraient le faire avec intelligence, inspecteraient ot dirigeraient les sociétés d'agriculture ; ils visiteraient les diverses paroisses dans leurs districts respectifs, constateraient les besoins de l'agricidture, et donneraient sur les lieux aux cultivateurs eux-mêmes, dans des con- férences familières, les conseils qui leur seraient utiles.

***

Je crois avoir démontré d'une manière convainquante que la bonne administration de notre organisai ion agri- cole demande impérieusement la nomination d'un surin- tendant d'agriculture. "Voyons maintenant quelle direc- tion le surintendant devrait donner aux sociétés d'agri- culture pour que le public retire tous les avantages que ces sociétés sont susceptibles de donner.

Bien que les sociétés d'agriculture, du moins pour lo grand nombre, aient circonscrit leur action dans un cadre très -restreint, il est admis de toute part que leurs avan- tages devraient s'étendre, le plus également possible, 8\ toutes les paroisses du pays. Or, le moyen pour les sociétés de généraliser leur action et, en même temps, de faire lo plus grand bien, c'est d'offrir des prix dans chaque

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pnroisso ])onr les nméliomtions les plus utiles, puis d'offrir quelquoM prix do comté pour les mêmes objets, afin de Btimuler les meilleurs cultiviiteurs do cluujue paroisse et de les encourager à 80 montrer éjiçnlemeiit les meilleurs oultivatours do leur comté. Les prix do paroisse qui feront le pluH do bien sont d'abord les prixpour les tcrroH les mieux tenues dans leur ensemble. JjOs concours ))our l'obtention des prix doivent so faire sur toutes les parties de lu culture à la fois; ils feront voir quels sont vrainient les meilleurs cultivateurs ; et, si la ili.>iribution des ])rix est ruisonnée, si les juges, en rendant leur jugement, établissent, au moyen de points pour chaque partie do l'administration de la terre, l'état comparatif d'avance- ment au(iuel chaipie cultivateur est arrive, les juge» donneront à toute la paroisse, la meilleure des leçons agricoles, puisque leur jugement établira ce qui est j)ar' fait et ce qu'il reste à jierfectionner.

l^irtoiit ce système a été ]>ratiqué avec intelli- gence, il a produit des effets merveilleux. On a vu des paroisses ot des comtes les cultivateurs se sont pré- parés deux ans d'avance à ces concours, en améliorant tout, de leur mieux, sur leur terre, et en faisant dispa- raître les défauts qui leur étaient apparents. Il suffit d'avoir do bons juges pour que ces concours de parois-oa deviennent très-populaires. Personne n'ignore que nos meilleurs cultivateurs ne manquent pas d 'amour-propre. 11 y en a quinze ou vingt au moins, parmi les plus mar- quants dans chaque paroisse, auxquels il répugnerait infini in(înt d'admettre leur infériorité en agriculture et de se laisser surpasser par des co-paroissiens. J)u mo- ment qu'un concours pour les terres les mieux tenues sera ouvert dans la paioisso, il y aura plusieurs cultiva- teurs qui ambitionneront l'obtention des prix offerts et qui feront des efforts sérieux pour les mériter. Et si les juges ont fait leur devoir, on peut dire que le cultivateur qui aura reçu le premier prix offrira à ses voisins un véritable modèle suivre, modèle d'autant ])lus utile que le rapport des juges montrera ce qu'il reste à faire pour arriver à une plus grande perfection.

En suivant le même système do points, les juges arri- veront facilement à établir quels sont les meilleurs cul- tivateurs du comté ; on aura donc signalé la terre mo- dèle dans chaque paroisse ot celle qui est modèle pour

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tout lo comté. Des fermes modèles ! Donnez-nous des Icnnos modôloa, dans chaque comté. Voilà ce que de- mandent, dupuifj cinquante ans, les hommes les mieux pensants du pays. Or quel moyen plus pratique avons- nous d'arriver à l'établissement de fermes vraiment mo- dèles, sans faire des dépenses que l'état des finances do celte province nous interdit, ot sans courir des risque.-* s rieux d'insuccès, qu'en encourageant les meilleures cultures i)ar les prix de paroisse et de comté dont je viens do parler?

Mais pour arriver à quelques succès par co système, il faut nécessairement s'assurer des juges honorables et assez éclairés pour faire ressortir les défauts mtMne dans les cultures pour lesquelles on aura accordé des prix. Les juges devront indiquer quels sont h^s points qui rendent certaines cultures meilleures que d'autres moins bien notées. Ils devront également rédiger des rapports soignés, qui feront connaître à tous les cultivateurs les raisons qui les ont guidés dans le jugement prononcé. Si les juges pouvaient eux-mêmes commenter leur juge- mont en public, dans chaque paroisf»e du comté, ils donneraient ainsi une leçon pratique de la plus haute valeur et que les cultivateurs eux-mêmes no manque- raient j)as d'apprécier hautement.

Il est facile d'établir une échelle de points qui guide- rait HÙroment les juges. Le plus ou moins do points, dans chacune dos améliorations agricoles, ferait voir aux cultivateurs en quoi ils excellent, ce que leurs compéti- teurs font mieux (ju'eux, et, partant, ce qui reste à faire pour arriver à la culture la plus parfaite.

Le surintendiint devrait pouvoir accorder des diplômes ot des médailles do différentes valeurs, selon le degré do mérite auquel les concurrents heureux seraient arrivés. Un pareil sy.stèmo ne pourrait pas manquer do créer, parmi notre population agricole, une émulation des plus utiles.

Je viens d'insister sur les primes pour les terres les mieux tenues, parce que ce sont les plus importantes; mais on concevra qu'avec l'organisation et le développe- ment d'un pareil système, il sera facile d'encourager, dans chaque paroisse, toutes les améliorations agricoles, et surtout celles qui seront jugées les plus opportunes et les plus pressantes.

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Le système que je propose n'^.nppchcia pas les expo- sitions provinciales ni les expositions do comté d'avoir lieu comme par le passé. Mais il vaudrait mieux que ces expositions fussent moins fréquentes, tant qu'elles ne couvriront pas leurs propres frais, atin d'employer tous les ans une partie plus considérable des octrois aux concours pour les terres les mieux tenues, pour les la- bours, etc., dans chaque paroisse, chaque comté etmôme dans chaque distiict. Car, il faut bien l'admettre, ces concours feront faire si l'agriculture des })rogrès intini- mont supérieurs à ceux que l'on peut attendre des meilleures expositions.

Quant aux concours des terres, une des plus grandes difficultés de leur organisation réside dans le choix des juges et dans les dépenses que ces concours occasionnent. En eft'et, il sera toujours difficile de trouver un juge, ayant parfaitement qualité pour cette charge, dans cha- cun des comtes de cette province, et qui se donnera la peine de visiter avec soin toutes les paroisses de son comté. Par le passé on a tenu à avoir trois juges : c'est multiplier les déi^enses, et s'exposer à avoir deux juges peu éclairés sur trois. A mon avis un seul juge bien choisi suffirait, et donnerait beaucoup plus de satisfac- tion, surtout si l'on donne le droit d'appel au surinten- dant. 11 est nécessaire que celui-ci surveille de bien près le travail des juges, puisque le succès du système de ces concours dépendra entièrement du plus ou moins d'in- telligence et d'activité que les juges apporteront dans l'exécution des devoirs de leur charge. En donnant le droit d'appel, on satisfera les cultivateurs et on engagera les juges a faire de leur mieu ., atin d'être bien notés par le surintendant.

***

Mais quelque parfaite que soit la direction donnée ù, nos sociétés d'agriculture et aux expositions, tant pro- vinciales que locales, il est incontestable que notre orga- nisation agricole serait incomplète sans un bon s^'stème d'enseignement agricole.

A mon avis, ce système d'enseignement comporte : io Ij'\ publication d'un patit traité ékknoDtaire,, mais 6

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essontiellement pratique ; 2o. La publication d'un bon journal d'agriculture, illustré; 3o L'enseignement élé- mentaire do l'agriculture dans toutes les écoles et maisons d'éducation aidées par le gouvernement; 4o Le dévelop- pement de nos écoles spéciales d'agriculture, auxquelles 1^ devraient être annexées des fermes vraiment modèles,

dont les rendements et les profits nets seraient publiés tous les ans, en détail ; 5o La visite annuelle, si c'est possible, par le surintendant lui-môme, ou par un délégué ayant toutes les qualités requises, de chacune des pa- roisses du pays, aussi bien que des sociétés et des écoles spéciales d'agriculture, afin que la surveillance la plus complote soit donnée partout. C'est surtout par ces ins- pections que l'on arrivera à diriger, encouragei", instruire, et aussi à reprendre la réprimande sera jugée indispensable.

La publication et la distribution à peu près gratuite do brochures claires et précises, donnant, dans un lan- gage que chacun peut comprendre, des leçons positives sur la manière de cultiver une terre avec profit, est indispensable. Il faut que tout bon cultivateur puisse trouver sous sa main des données qui le guideront avec 'jùreté dans les améliorations qu'il désire faire. Un sem- blable tra'té élémentaire d'agriculture n'a pas besoin d'excéder cent pages. On devrait en encourager la dis- tribution lé plus possible, par tous les moyens.

Il doit en être de même du Journal Agriculture, qui mettrait le surintendant en rapport direct avec chacun des souscripteurs aux sociétés d'agriculture. Ceux- ci devraient tous recevoir !o journal, qui leur serait dis- tribué à titre de prime par le gouvernement. Avec les avantages qu'offrirait notre organisation agricole telle que proposée ci-haut, oti aurait lieu d'espérer qu'avant longtemps, tous les cultivateurs tant soit peu intelligents du pays, trouveraient avantageux de souscrire à leur so- ciété d'agriculture de comté. Le journal arriverait donc partout. Il devrait s'a])pliquer à dével'^pper les divers sujets touchés dans le traité élémentaire u ..griculture, et à donner des réponses précises à toutes les questions d'intérêt général posées par les lecteurs du journal, tant sur l'agriculture, l'horticulture et l'arboriculture que sur

ïes divers sujets qui se rattachent directement à l'agri' culture, tels que l'en tomolo^po, l'art vétérinaire, etc. il va sans dire que le surintendant devrait avoir le contrôle absolu du Journal <V Agriculture-.

La visite régulière, par le surintendant ou ses délé- guées, do nos poctétés d'agriculture, l'examen minu- tieux do leurs livi-e» et comptes, qui devront être com- parés avec les rapports annuels, et des entreliens familiers avec les officiers et directeurs de ch:icuno do ces sociétés, sont indispensables à leur bonne régie. C'est par ces visites et ces entretiens, et non pas uni- quement par des correspondances officiolles, nécessaire- ment rares d'ailleurs, qu'on arrivera a l'aii-e dans ehaqao paroisse tout le bien désirable.

Lors de ces visites au chef-lieu d'un comté, qui devraient €tre annuelles, il serait facile au surintundant do t'itgri- culture ou à ses aides de visiter les différentes paroisscH de ce même comté, afin de voirdc leurs ycuxet d'apprendre sur les lieux mômes quelles sont les ditlicultes qui restent à surmonter, ot les améliorations qui sont les plus pres- santes. Ces visites donneraient l'occasion de rencontrer les meilleurs cultivateurs de chaque paroisse et do leur donner des conférences agricoles dont ils sauraient biei. tirer parti si elles étaient aussi pratiques qu'elles de- vraient l'êtrt^ De plus, ces visites ne pourraient manquer de donner au journal d'agriculture beaucoup de matiéi-o éminemment instructive. A bien dire, ces conférences sur -l'agriculture données aux cultivateurs eux-mêmes semblent être comme le complément de toute bonne organisation agricole.

Je ne m'étendrai pas sur l'avantage de l'enseignement élémentaire do l'agriculture dans toutes les écoles; colle question est jugée I Déjà le public comprend la nece.ssité d'encourager les efforts perse\'érants que le surintendant du département de l'instruction publique, l'honorable M. Ouimet, ne cesse de faire en faveur de cet enseignement dans toutes les écoles do la province. Kspéronsque ren- seignement do l'agriculture deviendra bientôt général, dans n«>s écoles primaires, et qu'il s'étendra, mais d'une manière plus ro lovée, à nos collèges, tant commerciaux que classiques, et à tous les couvents de la campagne. Il est utile, il est même nécessaire que toute la jeunesse du

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pays qui s'instruit, connaisse au moins les éléments de cet art qui donne la vie à tous, qui promet aux familles l'avenir le plus tranquiî! et le plus certain, et qui est, pour toute nation, la seule base solide de prosjiérité gé- nérale. Quant à l'enseignement de l'agriculture dans nos couvents, il ne faut ))as oublier que, dans notre province surtout, c'est par la femme que l'éducation se genénilisc le plus. C'est donc aussi au.\ futures nièrus de famille qu'il faut enseigner ce qji'est l'ai't agricole, ce qu'il doit être et ce que l)ieu veut qu'il soit, c'est-à-dire la base de toute bonne organir^ation sociale. Ceci est d'autant plus néces' saire qu'on remarque généralement, chez nos tilles et nos femmes instruites, les plus grands préjugés contre l'agri- culture. C'est au |K)iiit que bien des tdlesde cultivateurs qui sortent de nos couvents semblent préférer une alliance avec un artisan et même un journalier à l'alliance que ))eut lui otfrir nigriculteur. L) ailleurs, il suffit d'ensei- gner à la femme les ])rincipcs de l'horticulture et les soins à donner à laiterie, à la basse-cour, au verger, aux abeilles: cela est utile partout. L'horticulture étant l'application parfaite des principes de l'agricultuie, on ne jieut enseigner les matières que j'ai nommées sans connaître tout ce qu'une femme a besoin de savoir en agriculture. Cet enseignement devrait entrer dans le programme des études de tous les couvents de campagne. Partout l'oïi a un jardin, on a, ou l'on peut avoir faci- lement une laiterie, une basse-cour, quelques arbres fruitiers, quelques ruches. Voilà tout ce qu'il faut, avec des connaissances pratiques, de l'intelligenee et de la bonne volonté, pour donner un enseignement des plus précieux qui peut devenir d'un service incalculable dans l'état actuel de notre société.

En France, dans ces dernières années surtout, de bons curés ont senti rim|)ortance de procurer aux fvmmes chrétiennes cette instruction pratique, plus particnliéi*e- ment du département de la femme, en agriculture, et ils ont fondé dos maisons sjiéciales toute l'instruction a pour objet de former de bonnes femmes de cultivateur. Les frères de la doctrine chrétienne ont également établi plusieurs maisons l'on enseigne aux jeunes garçons ia pratique aussi bien que la théorie de l'agriculture. Leur maison de Bcauvais, en France, qui so soutient pat'

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soH jropres ressources, est, do l'aveu de tous, une des meilleures écoles d'agriculture de l'Europe. Voilà ce qui se fait ailleurs; espérons que le dévouement si connu, au Canada, do notre clergé, de nos religieux et do nos reli- gieuses, on faveur de toutes les bonnes œuvres, nous dotera bientôt do cet enseignement pratique de l'agri- culture comme lo dévouement seul peut le donner î

Après quinze ans do tâtonnements et de luttes i)our leur existence, il est maintenant admis que nos écoles spéciales d'agriculture commencent à faire un bien réel. Cependant, malgré les avantages certains et considérables qui sont offerts, les rapports publics constatent que les élèves qui fréquentent ces écoles sont peu ne '^breux. Comme on tient à les avoir, ils sont exigeants, et .'on ne peut obtenir d'eux ce que l'on voudrait. De fait, si ces élèves ne recevaient pas la pension gratuite aussi bien que l'instruction, il est probable que nos écoles d'agri- culture se videraient complètement. On admettra facile- ment que cet état de choses est fort regrettable. Mais il démontre à l'évidence la nécessité pour le gouvernement de travailler davantage à faire avancer l'agriculture dans notre province. Quand nous aurons réussi à faire aimer l'agriculture, que nous en aurons popularisé l'enseigne- ment élémentaire, les élèves à la recherche du haut enseignement agricole deviendront nombreux, et nous pourrons nous flatter alors, mais alors seulement, d'avoir fait un grand pas dans la régénération do noiro agricul- ture.

J'en suis convaincu, la généralisation de l'enseignement agricole est la condition nécessaire de l'amélioration de l'état actuel do notre agriculture. Tant que nous n'aurons pas fait aimer et rechercher cet enseignement, nous travaillerons en vain ; ot tous les octrois imaginables seront donnés en pure perte! C'est donc par renseigne- ment pratique do 1 agriculture qu'il faut commencer. Cet enseignement est l'objet principal du système que je viens d'exposer, de même que la nomination d'un surintendant en est la clef de voûte, si je puis ainsi parler.

En voilà assez pour montrer combien est importante la tâche que l'honorable M. Ouimet a été le premier à entrepi'endre, ot combien il importe de l'aider à mener à bonne fin les réformes qu'il s'cflForce d'introduire. Je

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dirai ici qu'un des moyens qui me semblent de nature À populariKor renseignement ugricolo, serait la distribution, sous forme de prix, dans nos écoles, collèges et couvents, du plus grand nombre possible de livres bien faits, sur l'agriculture. Un autre moyen, plus utile encore, peut- être, serait d'offrir, dans chaque district scolaire, des primes on argent, et des distinctions aux instituteurs qui donneraient le meilleur enseignement agricole et dont les élèves passeraient les meilleurs examens sur celte matière. Des prix on argent devraient être offerts égale- ment aux instituteurs et institutrices qui cultiveraient, avec le plus de profit et au point de vue des be:>oins d'une famille rurale, les légumes, les fruits de tous genres, et même les abeilles, qui bont à leur place dans un jardin.

* *

A tout ce qui précède on m'objectera peut-être que j'expose un système qui pèche par la base. De fait, en lisant avec attention les divers rapports publiés ])ar le commissaire de l'agriculture, comme j'ai le faire pour co travail, j'y ai vu avec étonnement l'affirmation d'un employé (1)— duquel a dépendu, plus que de tout autre, depuis une vingtaine d'années, le fonctionnement de toute notre organisation agricole, laquelle tond & dire que le conseil d'agriculture, et la chambre d'agri- culture, avant le conseil, n'ont pas pu trouver, dans vingt ans, et que nous n'avons pas même dans le pays un 8t l homme capable do faire un bon journal d'agriculture l 0 trouverions-nous donc un surintendant do l'agriculture eo des aides compétents? Je réponds que, pour qui veut ôtre juste et ouvrir les j'eux, les hommes ne manquent pas qui pourront contribuer i^ mettre à exécution le projet que j'ai soumis; et je pourrais en nommer un bon nombre en état de rendre les services les plus précieux. N'avons-nous pas, en effet, les LeSage, les Joly, les Tassé, les Caeavant, les Browning, les Schmouth, les Marsan, les

(1) Voir : rapport da M. Georges Leolerc, aeorétaire du oonieil d'agri- culture ; Rapport général du département de l'agrioulture de 18(1-72, pagea 3 et 4.

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Landry, les Benoît, les Blackwood, les Pilote, les Beau- bien, les RoHS, les Gaudut, les DeBlois? El combien d'autres encore, moins en vue peut-être, mais d'un savoir incontcHtablo, qui n'attendent qu'une bonne organisa- tion et le mot d'ordre pour rendre d'éminents services !

***

La plupart des choses que jo viens de suggérer n'ont pas même le mérite de la nouveauté. On les trouve, souvent en toutes lettres, dans un bon nombre de docu- ments publics, et on particulier dans l'excellent rapport do M. J. C. Taché, le député-ministre do l'agriculture, k Ottawa, et sans contredit un des amis les plus sincères et les plus dévoués de l'agriculture et de son pays. Jo me suis plu à citer d'autant plus souvent ce rapport que les bons avis qu'il renferme, donnés il y a près de trente ans, semblent avoir été plus ou moins oubliés.

Je puis donc soumettre mon travail en toute confiance aux hommes éclairés qui ont eu l'heureuse idée du con- cours ouvert, par l'Institut Canadien de Québec, dans le but d'étudier et de faire étudier une des questions d'in- térêt public les plus pleines d'actualité.

En terminant, j'aimerais à rappeler à tous mes compa- triotes les i)afoles si sages que Féuélon adressait aux hommes d'Etat de la France, i'uisscnt-elles nous être aussi utiles qu'elles nous t^ont bien appropriées. L'illustre évoque do Cambrai disait: " La force et !e bonheur d'un Etat consistent non ù avoir beaucoup de ))rovincos mal cultivées, mais à tirer de la terre qu'on })OHsèdo tout ce qu'il faut j>our nourrir un peuple nombreux." Or, dans un pays aussi vaste et aussi éminemment agricole que le Canada, nous ne nourrissons plus notre ])opulation, il s'en manque do beaucoup! Un auire évoque do France, Mgr Dupanloup, dont la mort soudaine et imprévue vient de jeter dans le deuil le monde catholique, s'exprimait ainsi*: " Qu'on l'entende donc bien, il n'y a personne, ni homme, ni femme, si grand soigneur, si grande dame qu'ils soient, qui doive craindre do se rabaisser en s'occupant d'un labeur aussi noble, aussi utile que celui de l'agriculture, et jo l'ajoute, d'une importance sociale si grande, au point do vue des mœurs comme au point do vue de la richesse nationale."

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Le remède à Télat do choses qui ruine surtout notre province est dans l'étude et la pratique intelligente de l'agriculture par les classes instruites, afin que le bon exemple, le raeillfur de tous les encouragements, parte d'en haut. Mais ])ouvon8-nous l'espérer encore cet ex cmple, sans un changement complet dans les habitudes actuelles de notre société ? Je le dis avec amertume et non sans un profond découragement: je ne verrai pas ce changement. Je me demande souvent si l'on reverra jamais au Canada, ces temps si heureux pour rotro pays nos ancêtres, riches ou pauvres, les habitants de nos riantes et autrefois si fertiles campagnes, formaient tous, au dire de nos ennemis même, " un peuple de gentils- hommes " ; ces temps l'aristocratie canadienne toute entière se faisait un bonheur d'habiter la campagne et de cultiver la terre ; notre population agricole savait se suffire H elle-même ; quand mères et tilles cardaient, filaient, tissaient, avec joie et bonheur, habits, linge et tapis, se faisaient un devoir et une gloire de fabriquer de leurs mains tout ce dont la famille entière pouvait avoir besoin durant l'année, et en telle quantité que les pau- vres avaient, eux aussi, une part généreuse et abondante. Je le crains, ces temps heureux ne reviendront plus.

Quant èk moi, courbé tout le jour sous le rude travail des champs, j'ai blanchi, mais avec bonheur, ai^ service de l'agriculture. Il y a bientôt trente ans, plus ardent et plus optimiste qu'aujourd'hui, j'ai applaudi des deux mains lorsque je lus, pour la première fois, le rapport de l'enquête agricole que j'ai cité souvent dans ce travail. Je me flattais alors que les snges avis qui y sont donnés allaient porter leurs fruits sans retai-d. J'ai vu disparaître, depuis, un grand nombre des bons patriotes qui ont ]>ris part à cette enquête, en 1850, et qui comptaient comme moi, sans doute, sur une direction plus sage et, en con- séquence, sur un avenir plus prospère et plus brillant pour notre agricuUm*e. Plusieurs de ceux qui restent ont probablement perdu, depuis longtemps, tout espoir do voir de leure yeux les améliorations qu'ils ont été les premiers à indiquer.

Je suis maintenant trop vieux pour qu'il me soit donné do voir une organisation dégagée de favoritisme Gt faite uniquement en faveur de l'avancement do l'agri-

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culture dans cotto province. Trop peu d'hommee, dans notre pays, et surtout d'hommes politiques, s'occupent aujourd'hui do cette question.

Mais je crois fermement à la vérité des paroles que j'ai écrites en épigraphe, au commencement do ce travail, et qui m'ont servi de devise toute ma vie : "Celui qui fait croître doux brins d'herbe il n'en poussait qu'un seul auparavant, et, sans aucun doute, un bienfaiteur publie." Ces paroles ont frappé mon esprit quand j'étais encore bien jeune. Je me flatte maintenant d'avoir fait produire, autrefois, trois brins d'herbe partout sur ma terre il n'en poussait qu'un seul. Je puis affirmer, avec assu- rance, que, s'ils en avaient la volonté, presque tous mes compatriotes iK)urraient en faire autant.

Et si ce travail, que je voudrais pouvoir adresser à tous les cultivateurs do notre province, avait pour effet d'ouvrir les yeux à quelques jeunes gens d'éducation, do talent et d'avenir ; si je réussissais à les convaincre du bonheur terrestre qui s'attache, d'ordinaire, au cultiva- teur aimant et servant Dieu; si je pouvais contribuer ù faire adopter cette noble et utile carrière de l'agricul- ture à quelques bons patriotes, et surtout à quelque futur homme d'état, je mourrais convaincu de n'avoir pas été tout- à-fait inutile à mon pays.

APPENDICE.

Extraits du rapport du comité spécial sur Vétat de V agriculture du Bas-Canada (1850).

Votre comité pose & l'abord la proposition incontestable

que peu de pays ont été plus favorisés quo le Bas-Canada, sous le rapport de la qualité du sol, et que la position qu'il occupe, relati- vement au climat, n'est nullement désavantageuse. Plus on exa- mine avec les veux de l'ohservatour pratique le climat du Bas- CiMiada, plus on se convainc du fait qu'il n'est rien moins que déravorable. Il résulte, d'une enquête faite dans le Nouveau- Brunswick (dont le climat est le môme que lu nôtre), que c'est un fait admis que le Troid et la neige de nos hivers ont une action fertilisante sur le sol et produisent naturellement un état d'ameu- hliss>'menl qui ailleurs ne peut être obtenu qu'à force de travail. La durabilité de la faculté productive de nos terres est telle qu'au- jourd'hui môme nos prairies donnent sans soins le double de ce qu'elles donnent en Angleterre et sur le continent. A ceux qui se plaignent de la brièveté de nos saisons des champs, on peut ré- pondre quo la rapidité de croissance de la végétation qui ne laisse pas de transition entre la blanche couverture de nos joyeux hivers et la riche verdure de nos proiries. A ceux qui prétendent que l'hivernement de nos bestiaux entraîne le cultivateur dans d'é- normes dépenses, on peut répondre que c'est encore un problème, môme pour des pays plus méridionaux, de savoir si ce n'est pas un immense avantage de tenir le bétail enfermé la plus grande partie de l'année. Olte objection futile et sans fondement soulevée contre le climiit du Bas-Canada est un de ces préjugés qui disparaîtra comme bien d'autres préjugés qui, créant des maux imaginaires, empochent les peuples de jouir avec tranquillité d"S biens que la provid<'nce leur a dispensée, et mettent sur le compte de la* nature tous les malheurs que le découragement a produits. Si le Bas- Canada ne prospère pas, ce ne sera ni le fait de sa position géogra- ])hiqu*>, ni le résultat de l'infériorité de son sol et des désavantages de son climat. Pour démontrer une proposition semblable, et en parlant de l'étal présent de l'Ecosse comme pays agricole comparé a sa position passée, le savant Ecossais déjà cité (M. Johnson), dit : " Son climat a été dompté et dépouillé de toutes ses horreurs. •' Les portions les plus stériles du territoire dans Caithnoss, et " môme dans les lies Orcades, ont été amenées à produire le blé. •' Ses laboureurs sont comptés parmi les meilleurs du monde, et

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'< sa manière de cultiver les légumes a obtenu une répulation uni- " verselle. "

A cent vingt milles en bas do Québec, on produit des pommes fameuses, inférieures à celles de Montréal, mais égales en saveur à celles du Haut-Canada, et on on produira de semblables partout on saura choisir le terrein ot donner de l'abri aux arbres frui- tiers au moyen de hautes futaies.

Le peuple du Bas-Canada, pris comme un tout et sans distinction d'oriitine, ne le cède à aucun autre sous le rapport de l'intelli- gence, de la santé, de l'adressn et de la force ; plus qu'aucun autre, peut-ôtre, il possède cette amabilité et cette gaieté qui contribuent plus qu'on ne pense h la santé et au bonheur, mais il le cède à plusieurs sous le rapport de l'éducation politique et agricole sur- tout. Votre comité insiste sur ces faits pour démontrer que le pays a tous les avantages propres à faire du B.is-Canada ce que sa population voudra qu'il soit. Rien do plus faible ({ue l'homme qui dit : " c'est im|)Ossible " ; rien de plus fort que celui qui dit : " jo veux".

Si l'on voulait juger de l'état présent de l'agriculture dans le Bas Canada d'après l'aisance avec laquelle vivent la majorité de nos agriculteurs, et surtout par la comparaison des produits av(>c le produit des autres pays, parliculièremont îles pays européens, eu égard h la population, on serait tenté de prendre l'agriculture pour beaucoup plus avancée qu'elle n'est eifectlvement.

Votre comité, en l'absence de statistiques propres à d'-terminer la capacité productive du sol, admet ce qui est l'opinion générale, que le sol ne produit certes pas ce que l'on a droit d'en attendre, vu sa qualité.

Votre comité nM'ère en cela aux lettres attachées à ce rapport, ot surtout à la lettre de M. William Patlon. de Saint-Thomas, qui détaille le produit de 50 arpents de terre cultivés sous ses soins, et ajoute: ".lo ne fais mention de ce résultat que dans le but de *• prouver que notre sol peut produire autant qu'aucun autre sur " le continent, pourvu qu'il soit bien cultivé. "

Voici ce que dit M Fatton :

(Le domaine que je possède maintenant était dans un tel état quand je l'ai acheté, quoique vnnlé par tous les cultivateurs comme étant le plus productif du d strict, qu'il ne produisait pas assez pour payer la culture Je l'ai depuis dix ans pendant lesquels je l'ai cultivé d'aprôs le système d»^ rotation des récolles; et ma récolte de l'année dernière a été comme suit :

Il y avait cinquante arpents en culture, et j'en ai retiré 390 minois de blé, 400 minots d'avoine, 300 minois de nav-^t», iOO minois de navets de Suède, 3Gn minois de patates, 10 minots d'orge et 2000 bottes de foin de prairie sèche.

I^ blé a rapporté en moyenne 17^ minots par minot de semence, 35 minois par l'arpent, ))esant 62 Ibs. ; l'avoine a rapporté 13 pour 1, ou 45 minots par arpent, et -a pesé 43 Ibs. au minot. Je men-

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tionno ceci p )ur Taire voir que nos terres peuvent produire autant que les ineiileureâ terre» de ce continent, si elles sont bien cuU tivt'es.)

Puis le rapport continue:

" GéuHralement, " dit le major Campbell, dans sa réponse au comiti', " la terre ne produit guère plus (juo le quart do eu qu'elle «• produirait si on introduisait un meilleur système de culture. " " L'état prés(3nt de l'agricullure dans les townships, " dit M. Gus- tin, " est g>>néralcment déplorable, surtout parmi la classu des " a^jriculteurs dont l'existence dépend immédiatement ut unique- " ment du travail des champs. "

Indépendamment de tous auires défauts, trois vic>'S 3ap:taux existent dans le système généralement suivi dans le fias-Caiiad;i, l'un relatif aux engrais, l'autre h la rotation des semences, et lo t oisième à l'élève des bestiaux Ces trois maux viennent de la même cause énoncée plus haut. Le sol primitif possédant par lui- môme une richesse extraordinaire, produisant sans entrais, ou plulùl produisant par les engrais que d-'S siècles y avaient dép.isés, des récoltes abondantes, rendait en ce sens le travail de l'hommo inutil-j ou d(^ moindre utilité ; la Virginité du sol et sa durabilité permeltaiont que pendant dus années on put retirer de la terre la même récolte. Le blé étant le plus prolltablo des grains, on ne semait que du blé et on semait toute la terre, no gardant de bét;iil que juste pour la nécessité, et ne calculant pas dans ce que pro- duisent les animaux, l'engrais qu'ils fourniss-mt. C'est ainsi que notre sol s'en est allé s'appauvrissant jusqu'à ce qu'épuisé il a cessé di) produire le blé, ou n'a plus produit qu'un grain maladif et sans la force de résister aux accidents Le mal a surgi si à coup, il était si |ieu attendu de la classe agricole qui jouissait sans souci des biens du présent, que le découragement a saisi bien des cœurs qui se sont résignés avec l'apathie du désespoir à un mal qu'ils ont cru au-dessus do leur pouvoir de faire cesser. Il n'est pas inutile de signaler en passant que l'abondance des récoltes a produit chez )m grand nombro le goût du luxe, qui a fait que grand» partie de notre population se trouve auj'^urd'hui endettée à un fort montant.

Les autres défauts de notre système actuel signalés dans la plu- part des communications reçues, tiennent au manque d'instruments perfectionnés, à l'insufllsance des assèchements dans certains dis- tricts, à la destruction complète de nos forêts, dont punie devrait être conservée comme abri, et partie comme sucreries. On signale encore le oeu d'allenlion parlée par la législature sur le sujet, le manque u'éducation agricole et le manque de marché.

MOYENS SUGGÉHÉS POUH l'aVANCEMBNT DE L'aGRICULTDRR

Votre comité, dans li recommandation de moyens à employer pour l'avancement de l'agriculture dans le Bas-Canada, n'a pris, de tous ceux qui se sont présentés ou qui ont été suggéiés, que

ceux d'une pralicabilitô inconlestable et (l>>jà mis en opératL^tf avt'C succès dans d'autres pajs. LVnsemblo des nioyons reconi* mandés n'ontralnera |)as la province dans la dépense d'une somme plus gr.'inde que celle pour laquelle le cndit public est engagé uujourd'liui un vertu de la I i existante, en y.joi);nant le don voté chaque année à la socit^té d'agriculture dans le Das-Cinada ] ar la l(*gislature.

Lm moyens r.'commandi'S, cl dont votre comité a cru devoir s'occuper, sont d -s sociélés d'ugrioiillure dans le genre de celU-g qui eXHlent déjà ; des fermes-modèl-'S avec écoles d'agriculture, la publication <1e traités élémentaires à ôlre répandus gratuit< ment au sein de la population des cam[)agnes et dans iesecules; la publication M'iin journal et la création de deux surintendants. Quant à la formaiion d'un syslème de créd t agriroie recommandé par 11) révtrend M. l'ilote, du collège de Uainte-Aiine ; h lu constsre vation et uux plantât ons d'arbres comme abri, recommandés par M. Langevin, et à beaucoup d'autres suggestions importantes et dignes d'atliror l'utleniion des amis de l'agriculture, elles ne sont pas du ressort de la lé^^islaluro. D'ailleu s, toutes ces chos s entre- ront dans les attributions des surintendants, dont pirlie des devoirs sera d'enseigner.

Votre comité va entrer dans l'ixamen d< ces divers modes d'avancements et des résultais cju'il croit avoir droit d'en attendre ; \ioiidra ensuite l'e.xposé de la paitie llnancièro du systè.ue pris comme un tout.

En adoptant la détermination de recommander l'emploi simul- tané des divers moyens ci-dessus énonces, vnne comité a eu en vue de se conformer aux ditF rentes suggestions (|ui lui ont éié faite'', et ett oontirmé dans la propriété de lu mise en pratique de c»-s «iitlérents modes, par l'cxpt'rience fournie par des pays elran* gers un [lareil système a ojjeré nierv» illeusoment. Votre comité n'a pns perdu de vue la remarque si juste «le M. Watts, M. P. I' . qui dit: ■' La population du Bas-( anada n*est pas une population '• vo\ageu«e, en conséqueii» e les moyens d'instruction doivent être " placés à la porte de l'agriculteur. " Car la cond>inaison de plu- si- urd moyens, l'attention de la classe agricole sera attirée de (fuelquo côté «ju'ello tourne s^'S regardai; et une fois convaincu, une fuis entraîné, nul n'ira plus loin dans la voie des améliorations que l'agricuiteur du Uas-C<inada, car nul plus que lui ne possède ij'intelligenco, de courage, de force et dVlres.'e.

Les sociétés d'agricultiire, telles qu'elles existent et qu'elles sont conduites aujourd'hui, ont fait du bien, il n'y a pas à en douter, et le fait est constaté dans la plupart des lettres annexées à ce rap- por! ; mais en môme teir.ps, il est certain qu'elles n'ont pas produit tous les résultats qu'on (n attendait. Dans bleu des cas, les <léponses contingentes et les frais de gestion se sont montés à des sommes exorbitantee, eu égard aux moyens pécuniaires de ces sociétés; | arexemplo, dans les rapports mis devant votre bonorable chambre cette année, il appert qu'une de ces sociétés a dépensé £31 pour gérer un budget do £209 ; une autre a dépensé £24 pour

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h^ft Conilngents, quand I^ revenu de la société no se monlftil quà £153 C'est ce qui, rians bien des localités, a cn^é parmi la jm- laiion agricol)! un sentiment de malveillance et (lu soupijon. Il tiuvrait se truuver flans chaque comté (et. il y en a dans chaque comté) un nombre suffisant d'hommes capables et asseie amis de leur pays pour conduire ces a-sociation» sans recevoir d'émolu- ments. Ur appel de ce genre à la classe instruite ne restera t^ans écho dans aucun comté du Has-(Janada. Un autre défaut de ces ïociéles est signalé par MM. i'insonnuult et Kvans, dans leur rap- port de la société d'agriculture du BaS'Caiiada pour cette annéu. " Les bienfaits des exijositinns, " dit le rapport, " sont générale* " ment retirés par nos meilleurs cultivateurs, capit:i!i<-tes et autres " personnes possédant des terres en bon onlje, tandis que ceux •' qui ont réellement besoin d'instruction et d'encouragement sont *•' virtuellement exclus. "

Par la loi actuelle, chaque comté a droit de recevoir nés fonds consolidés de la province une somme triple d'aucune somme sous- crite dans le comté, pourvu que lu somme* octroyée n'excède pas £150. Los seul? uomtésninsi bénéliciés sont ceux une souscrip- tion se l'ait, et en cela il arrive d'ordinaire, ou du moins il est rai- sonnable de le supposer, il arrive «|uo ceux (jui prolltent de ces dispositions sont justement ceux qui en ont le moins besoin ; tel n'était pas le but de la législature qui avait moins en vue de récompenser les agriculteurs avances (jue d'éclairer ceux qui sont en arrière, et ibrcer po«ir ainsi dire, ceux-c à améliorer leur sys* tème par l'appiU do récompenses honoraoles en même temps qu'elles sont protltubles. Sous ce rapport donc l'octroi pour de telles Sociétés d'expositions doit ^^lre genènil et s'appliquer à cluiquo comté ou division de comte indépendamment d'aucune consid(;ra- lion.

Une des causes qui ont (ait quts les sociétés actuelles n'ont pas produit les résultais attendu», c'est ({ue généralement on a perdu île vue ti.'S d"fauts do noire système qi''il faut faire disparaître, et qu'on s'est t;énéralement borné à accorder dos récomjienses pour les plus beaux animaux et les plus beaux échantillons des produits en légumes et cénNiles. Lohjei de cts espèces de comices ii(fiicnlr.s tsl Ue (/wérir les maux du .iijslrme précalenl, el d'rngayer, par l'espoir de distinclions honornblis et d'un gain rationnel, le culiica' teur à tntreprendre des amélioralions qui, surpas.i<ées um autre cnniie fiur un nouveau compétiteur, aee une n»ble émulation fi répand de proche en pi oche les bons effets dfS i>rogrès pra iques H importe donc, dans l'nijtention de ce but, que la plupart des récom- penses accordées le soient en faveur d'a...élioratiuns tendant à utta- i]wr au cœur tes vices principaux de notre mode actuel; votre vomilé a déjà signalé cts défauts.

Votre comité recommande donc l'emploi d'une partie de l'octroi en faveur des sociétés d'exposition, le montaift à <itre distribu". eu fgard à la population d'abord, puis à la superiicie occupée, deux considérations qu'il est désirable d'avoir en vue dans la distribution tic tommes dettinié<*s à l'agriculture, le Bol et le travail ayant une

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égale part dans cette industrio. Dans la distribution des prix, on devrait prH\ oir à ce f|ue parmi les prix accordés il t-n soil donno pour les objets suivants, et autres analogues, savoir: pour la m>'il- ifure ri'^colle de légumes |)our bétail ; pour la plus grande quantité d'engrais, naturel ou artiliciel, employé sur la terre rt^laliveinent à son t-tendue , pour la plus grande quantité do compost ou d'en* grais créé par le travail ; pour la prairie la plus productive, par arpent ; pour le plus nombreux troupeau nourri de produits réi:ol* tés sur la terre, eu égard à son étendue. Le but de ces diiïéroiits prix est évident. L'engrais manque à la terre, mais il se trouve sous la main dans le poisson et les varechs du bas du (leuve, dans les tourbes de nos savanes, dans l'application des différents amen' déments naturels ; ces prix ont pour but d'engager le cultivateur à donner à la terre ces engrais qui le mettront à môniK de pouvoir nourrir un brtuil plus nombreux qui, à son tour, fournira ù la terre tous les sucs dont elle a besoin.

Votre comité doit se borner à un exposé général et succinct des différents moyens qu'il prend la liberté de recommander à voire honorable chambre ; mais no peut laisser le sujet de ces sociétés sins exprimer l'opinion que, dans tous les cas, les récompenses ne devraient être adjugées qu'à des agriculteurs vivant exclusivement de l'industrie agricole, tous autres comixHiteurs n'ayant droit qu'à une mention honorable.

Votre comité en vient maintenant aux écoles d'agriculture et aux fermes-modèles. Il est impossible, à moins de dépens''S énormes, d'établir des écoles si^M'ciales d'agriculture accompagnées de fermes' modèles sur un grand pied, l'ar des calculs dont l'exactitude n'est pas le moins du monde révoquée en doute par votre comité, il appert que chacune de ces fermes-écoles ne colletaient pus moins de £3,000, et peut-être ne seraient-elles fnvpienlées que pur quel- ques élèves appartenant i la claase qui, par sa position, en a le moins besoin ; c'est donc dans les institutions maintenant IW-quen- lées par la jeunesse qu'il faut aller chercher l>'S moyens d'établir de pareilles ecoK'S. Votre comité a le plaisir de citer, eiitr'autre autorité à l'appui de son opinion, celle si puissante de M..lolinston, exprimée par lui dans le rapport qu'il a fait de son exploration dans le Nouv>^au-Biunswick.

Heureusement que de telles institutions e;{i!'tent dans le Bas' Cdnadi, comparables ù celles des pays les mieux favorisas ; heu- reus*:ment que nous avons une classe d'hommes dans ces institu- tions à qui de pelis moyens sullisent pour ojiérer de grand'>s choses, (|ui, ayant dit un éternel adieu & toutes les jouis-ianc< s de la terre, excei celle de faire du bien, ne se trouvent ni dans la nécessité ni dans la position d'exiger de salaires : mais consument toute leu: vie à l'éducation de la jeunesse, avec la seule condition de la nourriture et du vêlement.

Votre comité suggère tlonc un octroi spécial et annuel à chacun des collHgHS de Saint-Hyacinthe, L'Assomption, Nicolet et Sainte* Anne, à lia condition d'ouvrir à leurs élèves une ciiaire agronc mitiue, et de cultiver comme fermes-modèles une terre dans le

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Voisinage immédiat de rinslitutlon. Voire comité n'a pas consulté les directeurs de ces difrérentes institutions, mais nu nourrit aucun ilouto sur leurs dispositions, et ne craint pas de se porter garant (le leur bon vouloir ; un octroi semblable pourrait être fuit dans i s townsbips pour le môme objet, ù l'une des académies une partie de la jeunesse de langue anglaise reroit son éducation ; pur ce moyen et avec une dépense moindre que celle nécessaire à l'éla* blissoinent d'une e^culn institution séparée, avec des garunlii-s centuples do su.'cès, on ollrirail au pays cini] institutions touti; la jeunesse du pays irait prendre des connaiss'anceâ sur le noblo ori de l'a^'riculture, connaisi<ances que tous les ans des centaines du jxunes gens iraient mettre en pratique pour hnir compte, ou enseigner ù leurs compat* iotes sur tous les points du pays. Votre comité est teiltMuent convaincu du l'importance d'une telle dispo- sition, qu'il exprime sans crainte la conviction que cela seul ost (Ifsliné a faire faire à l'af^ricullure du Bas-dunada plus du progrès qu'il n'ost physiquement possible de toute autre manière. Votre comité en ne recuinniandant ({u'un certain nombre du collèges et une académie, n'a pas eu l'intention de dépn-cier lus autres, mais n'a mu en cela (fue par la petitesse dt s moyens sur lesquels il uvait à compter.

Le moyt^n suivant do nipandre l'éducation, moyen que voire coinitK ne saurait trop recommander, est la publicaiion d'un traite elt-menlaire irugriculture pratique, à ôtre imprimé sous forme du pamphlot, et répandu gratis dans toutes les écoles et au sein do chaque ÎHmi le d'agriculteur.

Un pareil traite, pour être util'; et obtenir tout le but désiré coniniu le font remarquer le Dr. Uubé et le révérend M. Farland, devra ôtre court, précis et clair, dubarrassi* do tous termi'S scienli- tl({ues et de IuuIhh idées spéculatives ; se réduire en un mot à en^eigniT au cu.tivateur les moyens d'amender son syslème par une rotation appropriée de semences, par la production ut l'appli- tiulio 1 des engrais, et pur l'augmentation et l'amélioration du bétail, ( l cela avec le seul capital que représente son travail et celui <le su fu-nille. Votre comité recommande donc un concours à ùlru ouvert el un ; rix à are accordé au meilleur traité iUmenlaire (Cagriculliire pralique, réunissant les dil^rentes qualités qui viennent d'être signalées. Un ^A livre, de quelque;* pages seule- ment, répandu avec profusion dans les campagnes, sera 1*^ sujet de discussions et d'étuaes pratiques qui ne peuvent manquer d'attirer l'altention du cultivateur, et produire de suite un tres-grund bien. On sait l'inHuonce immense que des pamphlets ainsi distribues ont eu sur les moeurs et sur la politique des peuples. On devrait dans les écoU-s faire de cet opuscule un livre de lecture ; l'enfant i>ans travail se remplira l'idée des améliorations qui y sont indi- <|uees, et les mettra plus tard en pratique, il n'y a pas ù en douter.

Votre comité suggère encore de continuer, avec unu augmenta- lion, l'octroi annuel accordé à la société d'agriculture du Bas- Canada, à la condition de continuer la publication du Journal d^VgricuUure en français et en anglais, et de travailler à augiuen*

SI

ter sa bibliothèque, et do tenir, comme elld Tait aujourd'hui, ua grenier pour semences.

Votre comité est d'opinion que la nomination de deux surinlea- dants d'agriculture, un pour les districts do &Sonti-éal. Saint» Fraii^tois et de l'Uttawa, et l'autre pour les districts de Québec, Gaspe et Kamouraska, est indi^^pen^able Le surintendant formera l'administratir de tout le système, et, joint aux professeurs d'agri» culture dans les colli-ges, constituera le corps enseignant ; ses devoirs, tels que conçus par votre comité, seraient la visite annu- elle des districts souâ sa jurisdiclion ; la publication d'un rapport annuel contenant autant que possible la description des difTerents sols, d'i leur exposition, des moyens d'umeliorations, le signalement des vices de culture et l'indicHtion des moyens d'y rem--dier ; en un mot, co rapport sérail le mode dont se servirait le surintendant ]K)ur faire connaître au public le résultat de ses recherches et de ses études.

Le surintendant devrait se mettr') en rapport avec le géologue provincial et le chimiste sous ses ordres, alin do pouvoir tirer pa:tie des lumières que la géologie et la chimie j -ttent sur l'industrie agricole. Il serait en outre d'ofDce un des directeurs de toutes les sociétés d'expositions et de la société d'agriculture du Bas-Canada, et visiteur des écoles agricoles dans les séminaires et académies.

Voilà l'ensemble des moyens que votre comité croit devoir recommander ù votre honorable chambre, et dont la dépense col- lective ne dépasse pas le montant aujourd'hui appropri>>, comme le comité va le démontrer plus loin. t<i votre honorable chambre croyait devoir augmenter la somme aujourd'hui appliquée & l'en- nouragement de l'agriculture, somme bien minime, si l'on tient compte de l'immense impcrtance de cette branche de l'économie

Ïublique, et si on la compare aux sommes dépensées et promises d'autres genres d'industries bien dignes d occuper l'attention, sans doute, mais dont l'importance est loin de celle de l'agricul- ture. 8i denc votre honorable chambre était disposée à augmenter de quelques centaines d-3 louis le montant de l'octroi, alors votre comité recommanderait co qui suit. Augmenter le nombre dea écoles d'agriculture attachées aux collèges et académies, et accor- der, dans diiïérentes parties du Bas-Canada, une somme annuelle ■de £200, à quelque bon cultivateur possédant une bonne terre et un nombre sufllsant d'animaux, joints à l'avantage d'une éducation élémentaire, à la condition de cultiver, sous la direction immédiate du surintendant do son district, sa propre terre sur un pie<l modèle, avtfc Tobligalon de montrer et d'expliquer h tout visiteur les <létails do sa culture. (>-tte somme do £200, jointe aux moyens déjà posséd'S par tel cultivateur, le mettrait à môme d'améliorer sa culture, la race de ces animaux, et de se procurer des instru- ments supérieurs, en ne temps i|u'elle lui permettrait de dis- poser d'une partie de son tenq>s à expliquer les détails de son art i ses visiteurs. C'est le seul moyen que votre comité voit d'établir, de dislance en distance, des fermes-modèles de nature à rencontrer les besoins et à être à li portée du commun des cultivateurs, qae

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les fermes tenues sur un grand pied et à gros frais tendraient plutôt i décourager qu'à instruire.

Votre comité se résume ainsi : le sol et le climat du Bas-Canada sont favorables à l'exploitation agricole. le peuple est laborieux, intelligent, et cependant ce peuple ne retire pks de la terre plus du quart de ce qu'elle peut produire. La cause, c'est que le sytème de cultive)* est mauvais. Les défauts principaux de ce système, sont: lo. le manque de rotation appropriée dans les semences : 2o. le manque ou la mauvaise application des engrais ; 3o. le peu de soin donné à l'élève et à la tenue du bétail ; 4o. le défaut d'as- sèchement dans certains endroits ; 5o. le peu d'attention donnée aux prairies et à ta production des légumes pour la nourriture des troupeaux ; 60. la rareté des instruments perfectionnés d'agricul- ture.

Les moyens recommandés sont : lo. des sociétés de comté ; 2o. le choix de& |>rix à accorder dans les différentes expositions: 3o. rétablissement d'écoles d'agriculture et de fermes-modèles dans nos collèges et académies; 4o. la publication de traités élémen- taires d'agriculture ; 5o. la publication d'un journal, avec et en- semble l'établissement d'une bibliothèque et d'un grenier public ; 60. la nomination de surintendants de l'agriculture.

Votre comité croit avoir recommandé à votre honorable cham- bra un sy>tèmc complet et praticable, et est appuyé en cela sur l'opinion de savants étrangers, sur les recommandations à lui faites par les persotînes cuiisuitées sur le sujet et sur rexf>érience de pareils moyens employés en Europe et dans plusieurs états de l'union américaine.

Votre comité, en conformité à l'ordre de votre honorable cham- bre, s'est encore occupé des moyens à prendre pour faciliter l'éta- blissement des terres incultes, seul espoir d'arrêter cette lièvre de l'émigration qui. depuis Quelques années, a fait des ravages parmi U jeunesse du Bas-Canada.

Votre comité ne fera aue quelques remarques sur ce sujet qui. l'an ilemier, a occupé i'attentioD d'un comité nommé par votre honorable chambre, pour s'enquérir des causes de l'émigration

Soi. du Bas-Canada, se dirige vers les Btats-Unis, sur le rapport uquel votre comité prend la liberté d'attirer l'attentjon de votre- honorable chambre.

Les moyens principaux d'engager la jeunesse du pays à s'établir sur les terres de la couronne sont : «l'abord, l'arpentage de ces terres et l'ouverture de chemins qui puissent permettre au pauvre défncheur de se rendre avec facilité sur le lieu il doit commen- cer, seul et sans secoure, une des conquêtes les plus difficiles, mais U plus noble de toutes.

Qu'il soit permis à votre comité de faire remarquer i votre hono- rable chambre que chaque somme dépensée pour l'objet dont il est question, est un prêt avantageux pour l'état par la vente des terres de la couronne et l'augmentation de la population, dont chaque individu, même le plus pauvre, est une source de revenu

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qui, par plusieurs canaux, vient fournir au trésor public, indt'pen- (lamm-^nt de celle considération qui ne peut qu'èlre une réponse A certaines objections que l'on élève contre ces améliorations (jui, par elks-môme ne donnent point de revenus, il est du devoir d'un bon gouvernement de pourvoir aux premiers besoins de son peujile; or l'ouverture de chemins et l'arpentage des terres de la couronne sont les deux jtremiers besoins d'un nouveau pays, et c'est le ht'soin urgent du moment pour le B;is-(îaiiiida.

Voire comité recomm;inde donc à vo're honoreble chambre d'obtempérer aux nombreuses demandes que le peuple du Bas* Canada lui fail depuis plusieurs années. Si l'état financier du pays ne permettait pas d'entreprendre ces divers chemins et ces arpen- tages par les moyens ordinaires, voire comité prendrait la liberté de suggérer à votre honorable chambre le moyen suivant, savoir : l'émission de débentures portant intérêt, et rachetables à une époque voisine de l'échéance rlu paiement des terres vendues En émettant pour un dixième de la valeur d'un nouveau township, il n'y a aucun doute qu'on pourrait pourvoir à tous les besoins «les colons de ce township, et que le rachat des débentures ne soit chose facile au bout de i|uelques Années, la vente des terres lais* tant un résidu dont le montant collectif sera certainement double de ce quest aujourd'hui le revenu territorial, sous un sy.^lènii' qui, au lieu de faciliter rétablissement de la jeunesse du pays sur les terres incultes, semble leur opposer toutes eapècfs d'obsiaclfs.

Quant aux autres moyens de faciliter le défriolienwnl des (erres incultes, votre comité réfère votre honorable . hambro au\ lettres qui constituent l'aitpendice du rapport de ce comité, et particuliè» rement à celles des révérends MM Farland et Héhert, Mais avant de iwi'minor sur le sujet, votre comité croit devoir remoniuer ([uon devrait toujours avoir en vue l'intention de coloniser par grands établissements, et dans ce but, rien ne senti mieux que dn favo- riser ces associations de colons qui se forment, et encountger le peuple à en former d'autres, soit en leur donnant les moyens de f&\r^' des chemins et autres améliorations né.:essair.'8 dans de nou- veaux établissements, soil en faisant ù rassociation remise d'une proportion sullisante au prix des terres pour fournir aux dépenses de CHS travaux.

Le tout respectueusement soumis,

J -C. Tach*.

Président.

L'AGRICULTURE.

L'KTAT OU EN EST L'ART EN NOTRE PROVINCE.

LES MOYENS DE LE FAIRE PROGRESSER. Pu l'abbé PROVANCHER.

Ofortanktot niminm, «naiibona norint AirricolMl Virgile. Utorgiqur», Ut. II.

() beareux AttriculUura, s'iU coun»i»- Mient ton* les «TMitaget de leur position !

L'homme, lo pi as bel ouvnige sorti dos mains do In toute-puissance incréée, avait été constitué roi de ce monde, c'est-à-dire jouissant d'un domaine absolu sur tous les êtres de la nature, et n'étant dominé par aucun d'eux.

Mais égaré par son orgueil, l'homme dévia de la justice otdu devoir, il se révolta contre son seul maître, et Ncella par pa désobéissance la porte de sa royauté.

AsHUJéti auparavant à nulle créature ; il les vit toutes à In fois se soulever contre lui pour le dominer, et la nature entière se déclarer son ennemie.

Frappé par la main toute-puissante qui l'avait tiré du néant, mis à lu porte de cet FÀlcn il avait été placé, et toutes les délices se réanissAient pour lo rendre heureux, condamné au travail et à toutes sortes de misères, il se rappelle encore, dans son exil, le bonheur do 6tts premiera jours, et fait do continuels efforts pour lo

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resaihir. Et comme ontro toutes les prérogatives dont il a été dépouillé, collo de son indépendance lui a é,té la plus sensible, c'est contre cet assujétissement de la ])art de tout ce qui l'environne, qu'il lutte aussi «ans cosse avec le plus d'efforts.

Qu'est-ce que cette liberté que toutes les nations ont si fort estimée, jusqu'au point souvent de préférer l'a- néantissement comme peuple à sa soustraction ? Si non, un aflranchissemcnt partiel des mille sujétions qui nouH dominent.

Qu'est-ce que cette indépendance que tout individu convoite et pour laquelle il travaille sans relâche ? Si non, une réacquisition partielle du domaine perdu par notre premier père.

Voyez chaque nation, chaque tribu, chaque individu dans le trouble, les soucis, le mouvement; pourquoi s'agi- tent-ils? Dans quel but se tourmentent-ils? Interrogez-les; les uns et les autres vous feront tous la même réponse : " C'est pour la liberté, pour l'indépendance."

L'homme le plus heureux sur la terre est donc celui qui jouit le plus de liberté, qui possède la jplus grande somme d'indépendance, qui s'est ait'ranchi d'un plus grand nombre des lions qui ca)>tivaiont ses désirs. Tous le proclament, etlaplus saine philosophie n'est en aucune façon opposée à ce principe.

Entendez les moralistes chrétiens nous dire quelaplus grande somme de bonheur sur la terre, se trouve dans celui qui, par un généreux et sublime effort, a renoncé à sa propre volonté, pour se soumettre A un code de règles connu d'avance, ou à la direction, dans toutes ses actions, d'un supérieur qu'il s'est librement donné. Aussi les livres sacrés proclament-ils que ce juste verrait le monde s'ébranler iusque dans ses fondements, qu'il n'en serait point troublé ! Pourquoi? Parce qu'il n'a plus de volonté propre.

Un jour, un grand génie des temps anciens fut ren- contré dans les rues d'une ville avec une chandelle allumée en plein jour. Interrogé sur une conduite si étrange, il répondit qu'il cherchait un homme. Eh ! qu'entendait-ii donc par cet homme qu'il ne pouvait trouver ? Il vou- lait un homme qui, comme lui, s'était affranchi, le plus possible, des liens qui gênaient sa liberté. Diogène, car

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c'e»t de lui qu'il s'agit ici, roulant un tonneau devant lui, pour s'assurer un gite contre les intempéries de l'air, et portant une ccuollc à la main, pour ctancher sa soif au premier ruisseau venu, vit une lois, un jeune homme prendre do l'eau dans le creux de sa main pour se dé- 8altéi*cr. ** En voici un plus sage que moi, s'écria- t-il ; je veux, à son exemple, me débarrasser encore d'une autre sujétion." Puis il jeta son écuello au loin.

Le philosophe grec oubliait sans doute, que dans notre condition actuelle, l'indépendance absolue est impossi- ble ; qu'en paraissant se défaire do lions d'un côté, il s'en créait par cela même d'un autre ; que le dénuraont au- quel il s'astreignait, l'as^ujétissait à de nombreux besoins que la seule conservation de la vie nous rend nécessaires; mais il n'en avait pas moins trouvé, par les seules lu- mières de la raison, le principe, le fondement, la base de la véritable liberté.

Pour nous, plus éclairés que Diogène, et plus sages aussi, pour avoir pu puiser aux sources de la véritaolo sagesse, modifiant un peu le principe qui constituait sa règle do vie, nous dirons que: assujétis dans notre con- dition actuelle à une foule do devoirs et de nécessités, l'homme le plus heureux est celui qui a le plus petit nombre de devoirs à remplir, et la moindre somme de nécessités pour le gêner dans ses allures. Or, parmi tous les états de la sociétéé civile actuelle, nous n'hésitons pas à proclamer que l'homme des champs, le cultivateur qui vit de son travail, est celui qui possède, avant tous les autres, ces deux conditions.

Oui ! le cultivateur est partout le citoyen le plus indé- pendant. Seul il tire du sol do quoi fournir à ses besoins et à ses nécessités ; seul il peut, pour ainsi dire, se pa:'ser du secours d'autrui, tandis que nul autre ne peut se passer de lui. Les savants, avec toute leur science, les chefs dos peuples, avec toute leur autorité, les Crésus, avec leurs monceaux d'or, périraient tous misérablement sans le secours du cultivateur. Renfermé dans sa mé- tairie, il peut, jusqu'à un certain point, se constituer lui- même son maître, son seigneur et son roi. Contraire- ment à toutes les autres conditions, plus il se prive du commerce de ses semblables, et plus la vie lui devient douce et facile. Plus que tout autre, il peut se passer

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du notairci, do l'ftvocQt, du médecin ; pour bob propre» besoinH, il trouve diifirtsa t'amillo m6mo non mccanioion, son indu8triul, Hon tisserand, Bon tnillour. Et que dovion- draiont «anH lui l'avocal avec hob doBBiorH, lo notaire avec BOB irinutes, lo moducin avec hONpilluicB? Toub con- vor/ifont vers lui, B'adroHhont à lui, po re])08ent Hur lui pour en obtenir qui Hon pain, qui bu viande et Hon beurre, qui MOH v6tementB et Ich aliment» nécuMBaircB A bob ani- maux de Borvico. Confiné dauB Mon domaine, HaiiB mémo avoir imité la )>révoy»noo du norvitour du roi ancien, il est le JoHoph qui fournit les proviniouH, non Beulemont à touB IcB nubitantH do l'Kgypto, maiH encore i\ ceux dos payM mêmes Iob plus éloignes. Il voit tout le monde accourir à lui, | our lui oiVrir Iob mille produitH de leur induHtrie en échange dcB productionn do hob champs.

Et quelle protection n'a pas l'agriculteur contre l'ad- verBÎté, contre cette multitude d'nccidontB innépiirabloB do notre fkiblo et ]iériBsable humanité I Tandisque dans toutOB les autroB condition^:, le travail de chaque jour semble être l'unique canal qui ])ourv<>it aux bo.«oinH, et dont le cours se tmuve interrompu du moment que Iob bras B'arrètent, le cultivateur a uarm («on fondH une roB- Bource toujourn etficace contre Ioh reverB. Une récolte vient-elle à manquer? Sa propriété lui otfre un eré<lit pour résister à cet accident. Une blossuro, une maladie vîonnont-olloH le confiner dans sa demeure, le forcer à l'inaction durant des semaines et des mois? Ses champs n'en continuent pas moins è. pousser, la laine de ses brebis à so refaire pour b(>s liMltitH, ses troupeaux à lui livror leur lait et & prendre de lu ;;iaisse pour sa nour- riture. Son fonds est tout à la fois pour lui, sa btin(]ue d'épargne et do prévoyance, son assurance contre les accidents, ot sa caution toujours prête pour lui obtenir loB crédits nécessaires.

Sans doute, qu'au point de vue en eBt la civilisa- tion aujourd'hui, et relativement au degré do prospérité l'on veut amener un état, les difiérentes positionM sociales ne sont pas moins nécossaires les unes que les autres, ot que toutes doivent se prêter un mutuel se- cours, s'harmonise v' ensemble pour tendre au but com- mun ; mais il n'en est pas moin» vrai que l'ugriculture est le pivot Bur lequel doivent s'appuyer tous los roua-

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g08 qui peuvent contribuer nu blen-ôtro général ; que Bans ollo la prospérité duns un état ne |)eut-C-tre qu éphé- mère, ou du moins fort inconMtanto, par co qu'elle nuin- que de base Holido ; et que c'est par conséquent vers elle, que doivent tout d'ubord se tourner les regai-ds do l'autorité, hI elle veut s'assurer une marche constante et sfiro dans la voie du progrès, si elle veut parvenir à l'état do prospérité auquel elle vise.

Mais, si l'agriculteur est ce citoyen nécessaire, indis- pensable, vers lequel doivent se tourner tous les regards, comment se fait-il donc qu'il soit généralement si peu (•<uisid<n>, qu'on le relègue, pour ainsi dire, dans les derniers rangs de la société ?

Peu considéré? par des esprits aveugles ou faux, peut- être, mais non par les patriotes sincères, par les esprits éclairés, par les intelligences supérieures. Je no nio pas que très-souvent le cultivateur occupe les derniers rangs dans les préséances; mais cette infériorité appa- rente n'a rien (l'outrageant ])Our lui, rien qui le blesse; par ce que, peu habitué d'ordinaire A figurer dans la so- ciété, il ])réfère l'obscurité à la mise en scène; son ambition ne le i)orte pas à désirer un rang que iaculture de son esprit lui intordit en quelque sorte. Il sait que les dons de la Providence ont été diversement distribués aux hommes, ot il est satisfait du lot qui lui est échu en partage. La vigueur do ses muscles, son adresse dans les (litT'èrontes manipulations du sol, no sont pas moins utiles que lu science du savant qui pénètre les secrets do la nature, que le génie des inventeurs qui trouvent tous les jours de nouveaux moyens d'utiliser la matière. Humble dans ses goûts comme dans scg aspirations, il ne recherche nulle part les jiremières pinces, et voit, sans dépit, briller à côté do lui, des talents dans cer- taine carrière, qui feraient la plus triste figure s'ils en- treprenaient devenir lutter dans la sienne.

Pour le dire en un mot, c'est la culture do l'intelli- gence, c'est l'éducation qui lui manque, qui retient le cultivateur dans cette infériorité apparente. Aussi, mon- trez-moi un cultivateur instruit, et je le proclame de suite lo premier citoyen de son pays; car si t>a culture intclloctuollo peut le rendre l'égal des chefs dans les autres carrières, il peut réclamer des avantages do pre-

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mier ordre qui n'appartiennent qu'à la sienne propre. N'est-ce pas lui, eu effet, qui tient au boI qu'il habite par les plus profondes racines? N'est-ce pas lui qui forme ce peuple qui, avant tous, constitue l'Etat? Quelle autre condition dans la société peut aflScher comme lui autant d'indépendance? Au médecin il peut dire : pour les provisions que mes bras savent tirer du sol, ne puis-je pas vous forcer à vous acquitter à mon égard d'offices aussi vils que répugnants? n'est-ce pas à ces services que tient votre existence ? Ne constitue-t-il pas l'avocat, le notaire, ses véritables serviteurs pour se faire rendre justice, pour reconnaître ses droits, assurer par des actes en bonne forme l'avenir de sa famille ? Le mécanicien, l'industriel, ne reçoivon^ils pas ses ordres pour confectionner ses instruments, ses outils, ses habits, comme il le veut et de la manière qu'il prescrit? Et ne peut- il pas, sans compromettre son avenir, se passer , j-igoureusement de leurs services, en substituant son adresse à leur habileté, en confectionnant lui-même les outils qui lui sont nécessaires ?

Mais non-seulement l'agriculteur est le plus indépen- dant dans la société, c'est encore celui qui jouit de la plus grande somme de paix et de tranquillité, et qui, par conséquent, peut se dire le plus heureux.

L'idéal du plus parfait bonheur dans le monde, est de s'assurer, avec un confort convenable, des jours de repos, de paix, de tranquillité, exempts de ces mille soucis et inquiétudes qui accablent l'homme d'affaires, en autant plus grand nombre que ses affaires sont plu-s nombreuses et plus importantes, que son attention se > rte sur un plus grand nombre de points. Or, parmi i s ceux qui s'agitent pour assurer leur avenir, il n'en est point dont les soucis soient moins nombreux, dont les inquiétudes soient plus légères, dont l'attention soit moins partagée, que l'homme des champs, que le cultivateur du sol. Vivant de lui-même retiré sur sa ferme, son commerce avec ses semblables est des plus restreints ; faisant peu d'affaires, il est exempt des mille tracasseries qu'elles amènent nécessairement ; s'occupant peu de ce qui se passe au dehors, les soucis, les inquiétudes pour l'avenir, qui pour tous les autres reposent sur la bonne ou mauvaise volonté des hommes, se bornent pour lui, uniquement pour ainsi

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dire, à ses divers travaux et aux soins qu'il doit à sa famille. Les grands événements mêmes qui font leur marque dans la vie des nations, et qui préoccupent si fortement ceux qui suivent assidûment les évolutions de l'histoire, ou qui jouent un certain rôle dans la politique, ne l'émeuvent que faiblement ; car souvent ces événe- ments ne parviennent à sa connaisGance, que l'orsqu'il sont déjà modifiés parles accidents qui les ont accompa- gnés.

Son travail est rude, il est vrai, ses labeurs sont pour ainsi dire continuels ; mais ces travaux sont de ceux que l'on supporte le plus allègrement, qui portent avec eux un certain charme qu'ont reconnu tous ceux qui s'y sont livrés.

Il lui faut, sans doute, dépenser une grande somme de force musculaire ; ne tenir à peu près aucun compte des accidents de température, quand il s'agitdo ses travaux; s'exposer également aux chaleurs excessives, do même qu'aux froids les plus piquants ; se laisser parfois pénétrer par la pluie ou aveugler par la neige ; soutenir quelquefois de son bras le courage de ses oêtes succombant sous l'excès du fardeau, etc. ; majs le grand air au milieu duquel il vit, la nourriture substantielle dont il use, l'exercice continu auquel il se livrent, donnent à tous ses membres une surabondance de vie, pour ainsi dire, si bien que le travail continu, un déploiement habituel d'efforts, loin de lui être pénibles, lui deviennent presque un besoin, une condition de bien être, et qu'il éprouve un véritable malaise dès qu'il en est privé.

Voyez-le, au temps de la moisson, péniblement courbé sur sa faulx ou penché sur ses javelles, au soleil le plus ardent ; ce n'est plus en perlant que la sueur se montre sur son front, elle ruisselle de toutes parts, et pénètre même ses habits; tous ses traits sont tuméfiés, injectés par un sang qu'on dirait lui bouillonner dans les veines ; on croirait à le voir qu'il touche à l'épuisement, et que pour le moins il va abréger sa journée ; et c'est précisé- ment alors qu'il empiète sur la nuit pour prolonger ce travail excessif. Cependant, entendez-le faire éclater son contentement. C'est lorsque déjà les étoiles brillent au firmament, que, monté sur sa charge de gerbes, il s'en revient au logis ea faisant retentir les échos d'alentour

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de ses chants joyeux. Il a travaillé avec ardeur, il s'est ëpuibé de lassitude, il a accompli courageusement sa tâche ; la joie déborde de son cœur !

Dieu, sans doute, a imposé le travail à l'homme comme une pénitence. iAa'iB comme il a attaché à la satisfaction de tous nos besoins un plaisir nécessaire, il a de même, dans sa bonté infinie, attaché aux travaux du corps un sentiment de satisfaction qui semble destiné à faire ou- blier tout ce qu'ils ont de pénible.

Ne vous est-il jamais arrivé de mettre, pour quelques instants, la main aux travaux des champs ? do prendre, par exemple, une fourche ou un râteau pour ramasser le foin épars dans un pré ou réunir des épis en gerbes ? Et bien, dites, si après votre tâche accomplie, lorsque vous sentiez la sueur l'uisselant sur votre front, vos muscles comme distendus par les efforts inaccoutumés auxquels vous les aviez soumis, et tous vos membres saisis par la fatigue, dites, si alors vous n'avez pas éprouvé un véri- table sentiment de satisfaction? si vous ne vous êtes pas, pour ainsi dire, senti plus homme qu'auparavant ? si un mouvement d'orgueil ne vous a pas donné l'idée d'une certaine supériorité^sur un grand nombre d'autres que vous jugiez incapables d'en faire autant?

Oui! les travaux des champs ont un certain charme inhérent que ne possède le travail d'aucune autre occu- pation. Quel labeur ardu et pénible que celui de l'homme de loi, obligé de fouiller dans de nombreux documents, de chercher longtemps dans des auteurs des textes dont peut-être il n'aura jamais plus à se servir plus tard ; de s'identifier en quelque sorte avec le mécontentement, d'épouser les chicaVies et les rancunes d'individus et de partis à lui complètement étrangers; de déployer conti- nuellement tout son zèle et ses efforts pour assurer le succès de litiges auxquels ils no s'intéresse que pour quel- ques écus qu'ils amèneront dans son escarcelle! Et le médecin qui se dépouille de toute sensiblité naturelle pour torturer, par ses opérations et ses drogues, des êtres déjà souffrants et des plus propres à exister les sym-

f)aihies et la compassion ! Quelle resposabilité aussi dans es actes des uns et des autres 1 L'inhabilité, l'incurie, la négligence, le défaut d'études, peuvent, dans le pre- mier compromettre, à chaque instant, l'avenir du client

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et celui de sa famille; et dans le second, faire perdre ta vie même au patient. En est-il ainsi avec l'agriculteur? Il ne travaille, en quelque façon, que pour lui-même ; sa responsabilité ne dépasse pas le cercle de sa famille, qui, par chacun de ses membres, la partage avec lui. La pierre qu'il enlève aujourd'hui de son champ, la souche qu'il fait disparaître, il ne les verra plus l'année pro- chaine ; les sillons qu'il trace de sa charrue, ne seront plus détournés par l'obstacle, et l'aire sur lequel il répand ses semences, se sera agrandi d'autant.

Ajoutons que son travail est un travail qui requiert continuellement l'exercice de son jugement, qui demande à chaque point d'être confirmé par le raisonnement. Ce n'est plus ici cet homme-machine qui, dans une manu- facture, doit faire mouvoir, en véritable automate, un levier quelconque ; ce n'est plus même cet industriel qui, cent fois et mille fois répétera la même opération sans rien changer, pour livrer ses instruments au com- merce par centaines et par milliers; c'est un véritable mécanicien, qui à chaque opération, devra compter avec son intelligence et son jugement, pour décider des moyens do l'exécution le plus facilement possible. Voyez- le abattant ses arbres, arrachant ses souches, exécutant ses labours, etc. ; à chaque opération qu'il fait, il a ilk compter avec les règles de la mécanique, de l'équilibre des forces, etc.; que s'il n'est pas capable d'en démon- trer scientifiquement la théorie, il doit cependant les connaître assez pour en exécuter la pratique à chaque instant. Aussi nul travail plus raisonné, moins ennuyeux, et plus intéressant que celui de l'homme des champs I

Oh! heureux, et mille fois heureux l'agriculteur, s'il savait apprécier tous les avantages de sa position. O fortuAatoa nimium sua si bona norint agricolas, répéterai-jo avec le poète latin ; et heureux surtout le cultivateur de nos riches et fertiles campagnes du Canada I Fidèle à son Dieu, à son devoir et à sa conscience, il est en paix avec tout le monde dans son isolement sur sa ferme ; sa bonne conduite lui mérite la protection du ciel; et ne comptant que sur la force de ses bras soutenue par la Providence {)0ur assurer sa vie, il est, pour ainsi dire, sans souci pour l'avenir, et consume ses jours dans une paix, une tranquillité, un contentement qu'aucune antre position saurait lui offrir.

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Ces prémisses posées, examinons maintenant à quel point en est l'art agricole dans notre province.

Lorsque, au commencement du XVIIe siècle, nos pères foulèrent de leurs pieds, pour la première fois, cette terre d'Amérique, l'art agricole, tenant encore plus du métier et de la routine que de l'ai't véritable, de cet art surtout que guide et gouverne la science, pouvait à peine dès lors être considéré comme sorti de l'enfance. Les méthodes les plus avantageuses n'étaient encore, à cette époque, que des routines plus ou moins raisonnées.

Partis des campagnes de la Bretagne et de la Nor- mandie, qu'une culture peu rationnelle et de fort longue date avait en partie épuisées, ils crurent, en voyant le sol vierge et si fertile de notre continent, avoir de suite à leur disposition un champ d'exploitation d'urie richesse sans pareille et inépuisable. Encouragés par les récoltes abondantes qu'ils retirèrent d'abord dans les nouveaux défrichements, ils s'imaginèrent de suite pouvoir ee passer de toute règle dans leur manière do traiter le sol. Et lorsque plus tard, ce sol débarrassé de ses souches, fut soumis à la charrue, la couche de détritus végétaux qui s'amoncelaient depuis des siècles, n'étant pas encore épuisée, et la surface enrichie en outre par les cendres de la luxuriante végétation dont ils l'avaient dépouillée, leur permirent de faire des récoltes tellement abondantes qu'ils se confirmèrent dans leur première erreur. De là, sans doute, la cause de ces routines vicieuses qui domi- nent encore aujourd'hui.

Une vigueur de végétation sans pareille permettant aux moissons do résister à des défauts de culture consi- dérables ; on négligea l'égouttage, ou on ne l'exécuta que d'une manière fort imparfaite.

Une fertilité du sol incomparable laissa croire qu'on pouvait sans fin tirer de la terre, sans jamais rien lui rendre ; et on négligea les engrais, les laissant se perdre en grande partie.

Les mauvaises herbes envahirent peu-à-peu les champs ; et on ne se donna aucun trouble pour les combattre, pour restreindre leur difi'usion.

On ne tint pas compte du long établement des ani- maux durant la saison rigoureuse, et on en vint bientôt à no les traiter qu'autant qu'il lo fallait pour no pas les

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laisser crever de misère durant l'hiver, attendant au printemps pour qu'ils pusbent se refaire d'eux-mêmes avec l'herbe tendre de la nouvelle végétation.

Tels furent les défauts qui prévalurent dès l'origine dans notre agriculture, et tels sont ceux qui prédominent encore de nos jours, défauts qu'on peut résumer dans les chefs suivants, savoir : absence d'engrais, égouttage imparfait, labours défectueux, animaux insuffisants, ab- sence de comptabilité.

lo Absence d'engrais.— Il y a une règle en agriculture qu'on oublie généralement, c'est qu'il faut rendre au sol, en proportion de ce qu'on lui enlève. Les plantes tirent du sol les principes nécessaires à leur nutrition, il faut restituer, par des engrais convenables, ces principes ainsi enlevés. Si on ne voit, la plupart du temps, qu'un sol épuisé dans nos anciennes paroisses, qui ne produit plus qiiedes mauvaises herbes, c'est qu'on l'a ainsi ruiné en semant grain sur grain, pendant des années, sans jamais appliquer d'engrais. Il n'est pas rare de trouver des pièces de terre l'on a enlevé jusqu'à douze et quinze récoltes consécutives sans aucune application d'engrais. Il faut réellement une fertilité, une richesse do sol tout exceptionnelles, pour avoir pu résister à une telle méthode. Et souvent on peut voir sur les mêmes fermes, des tas des plus riches fumiers se consumer inu- tilement à l'air aux portes des bâtiments, ou encombrer même les logements intérieurs.

Le cultivateur intelligent recueille avec soin tous ses fumiers, n'en laisse pas même perdre la plus petite por- tion, s'ingénie à confectionner des engrais artificiels, et délie même souvent les cordons de sa bourse à cette fin, lorsque les produits de ses étables ne suffisent pas; par ce qu'il est convaincu que nul fonds ne peut lui rappor- ter de meilleurs intérêts que les engrais qu'il répand sur ses champs ; que nul capital ne peut être plus avanta- geusement placé. Dans les pays d'Europe, comme la Belgique, par exemple, les règles de l'agriculture sont mieux comprises, et la division de la propriété forceà retirer du sol autant qu'il peut produire, les cul- tivateurs mettent leur orgueil à montrer la plus grande quantité d'engrais possible amoncelée à leur porte. Les déchets de la cuisine, les déjections des animaux dans

ge- lés chorains, les mauvaises herbes, tout est recueilli avec soin et porté sur le tas. La quantité d'engrais recueillie chaque année, est l'enjeu de rigueur pour la récolte de l'année suivante. On ne moissonnera qu'on raison de la quantité des engrais que l'on aura appliquée. Si ces cultivateurs étaient témoins du peu de cas que nos habitants des campagnes font généralement des engrais, ne diraient-il pas, avec raison, que ces gens courent vo- lontairement à leur ruine I

Pendant des années et des années, dans' la plupart do nos anciennes paroisses, on a fait alterner des récoltes avec dos pâturages dans les mêmes champs. Il faut re- connaître que c'est une méthode tout à fait ruineuse ; le repos d'une année, sans addition d'engrais, n'est pas suffisant pour permettre au sol de se refaire de lui-même, après une récolte de céréales. Aussi on peut voir par les recensements quels faibles rendements à l'arpent donne notre province : huit A neuf minots de blé, 20 minots d'avoine, etc. ; tandis que pour rémunérer convenable- ment, il faudrait au moins le double de ces quantités. Qu'on amène les engrais, et qu'on cultive avec soin, on les obtiendra sans peine et même bien au-delà.

2"» Egouttage imparfait. Un égouttage soigné est de rigueur dans toute bonne culture et grand nombre de nos cultivateurs paraissent ignorer ce principe. Il y a bien peu de fermes l'on ne pourrait montrer, chaque année, plusieurs pièces de culture, perdues par défaut d'égouttago. On s'habitue tellement à laisser les eaux s'en aller d'elles-mêmes en imbibant sol, qu'on n'égoutto pas même les chemins ; delà bris de voitures et de har- nais, fatigue des bêtes, et roulage des plus fatiguants.

On a fait à grands frais, dernièrement, des essais de drainage, et sans succès. Ce n'est pas que la chose fut sans à propos, ni d'exécution trop difficile ; mais c'est que notre peuple manque encore des connaissances suffisantes pour apprécier un mode si avantageux, un moyen si puissant de communiquer au sol une nouvelle activité. Tant que nos cultivateurs ne seront pas con- vaincus de l'importance d'égoutter parfaitement, ce sera prêcher dans le désert, que d'aller les engager à prati- quer le drainage. Il n'y a pas beaucoup à espérer que des gens qui no veulent seulement pas sedonner la peine

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dWnir des fossés et des rigoles à découvert, consenti- ront à pratiquer à plus grands frais des égouttages sOa- terrains. Je suis d'avis que c'était une amélioration prématurée, et qu'il y en aurait beaucoup d'autres pluis faciles et moins dispendieuses à faire adopter d^abord.

Labours défectueux. Je comprends ici avec les labours proprement dits, les différentes façons que l'on donne au sol pour le pulvériser, telles que hersages, emploi des scarificateurs, des brise-mottes, etc. On sait que les plantes tirent du sol par leurs racines, les sucs nourriciers qui leur conviennent. Or, plus le sol sera pulvérisé, et plus les plantes seront à même de profiter de tous ses sucs ; car si le sol n'est que divisé en mottes, ces mottes pourront renfermer des sucs abondants, que n'atteindront pas les racines qui passeront entre elles sans les pénétrer.

Dans beaucoup d'endroits aussi, on exécute des labours bien trop superficiels, n'ayant pas assez de pro- fondeur. Plus la couche de terre que vous enlevez avec la charrue et soumettez aux influences atmosphé- riques est épaisse, et plus abondantes seront les sources que vous offrirez aux racines des plantes pour leur nour- riture ; car les racines des plantes cultivées pénètrent peu ou point, d'ordinaire, au-delà de la couche attaquée par la charrue. Ajoutons qu'il n'y a rien de plus efficace pour épuiser une terre promptement que ces labours superficiels.

Animaux insuffisants. Dans une ferme bien orga- nisée, les différentes parties doivent conserver entre elles un certain équilibre. Les animaux, par exemple, doivent être en proportion de la surface que l'on a en rapport. Avec Beaucoup d'animaux, on aura beaucoup d'engrais ; avec beaucoup d'engrais, on aura beaucoup de céréales et de fourrages: et c'est ainsi que l'équilibre se maintiendra. Mais, généralement, les animaux sont trop peu nombreux chez nos cultivateurs, et ce qui est encore plus blâmable, on les néglige trop, et beaucoup trop, sous le rapport de la nourriture et des soins. Ayez de bons animaux, entretenez les convenablement, et vous en retirerez de forts profits ; au contraire, quel- ques animaux -que vous ayiez, si vous les négligez, si TOUS les privez d'une nourriture suMsante, ils ne vous irapporteront rien et vous mineront

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Qaant aux races à choisir, ce n'est pas généralement sous ce rapport que pèchent le plus nos cultivateurs, car comme je viens de le dire, se sont les bons soins, la nour- riture convenable et abondante, qui font les bons ani- maux. Les meilleures races sans les soins convenables, dégénèrent bientôt et ne donnent aucun profit.

Il est cependant des races tellement défectueuses, qu'elles doivent être sans examen proscrites, par ce qu'elles ne peuvent rémunérer des soins qu'on leur donne. Telles sont ces moutons à poils plutôt qu'à laine, ces cochons dits canadiens qu'on voit encore en si grand nombre dans le comté de Charlevoix et dans le Sague- nay. Ces cochons, cornus, osseux, mangent beaucoup et Bont très-difficiles à prendre la graisse. On devrait sans délai les remplacer par d'autres beaucoup plus avanta* geux sous tous les rapports.

5*^ Absence de comptabilité. Tout commerçant, tout industriel, en un mot tout homme sage et prudent fai- sant des affaires, ne manque pas de se rendre compte de temps à autres de chacune de ses opérations, pour con- stater le profit réalisé, et quelquefois, par contre^ la perte encourue, afin d'en tirer dos conséquences pour sa conduite ultérieure. C'est aussi ce que fait le cultivateur intelligent et soucieux. Chaque année, il alligne en dé- penseu et en recottes ses diverses opérations de culture, pour voir jusqu'à quel point telle ou telle lui a été rému- nérative, ou peut-être désavantageuse.

Il n'est aucun cultivateur, sans doute, qui ne se rende un compte quelconque de ses opérations. Chacun peut se dire à la fin de l'année : j'ai eu une bonne récolte cette année, j'ai été bien payé de mes travaux ; ou peut-être malheureusement: je n'ai pas eu de succès, j'ai travaillé pour rien. Voilà ce qae chacun peut se dire ; mais ce compte rendu superficiel ne suffit pas pour une comptabilité rigoureuse et efficace. Il faut pouvoir se rendre compte de chaque opération, de chaque culture en particulier, Lfin de voir sur quel point porter spécialement son attention ; noter, pour les éviter, les défauts qui ont pu amener l'insuccès ; reconnaître les opérations qui ont été les plus rémunératives, pour s'étendre davantage sur celles-ci. C'est parce que la plupart des cultivateurs négligent'

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la comptabilité, no se rendent ainsi compta que superfi- ciellement, qu'un si grand nombre courent à leur perte, sans presque s'en apercevoir, reconnaissant le gouffre qu'ils ont agrandi chaque année sous leurs jms, lorsque déjà, il n'est plus possible de l'éviter. C'est aussi pour la même raison que tant de cultivateurs, qui d'ailleurs ne reculent pas devant le travail, perdent si facilement et sans cause légitime, un temps que les soins de leur cul- ture réclament souvent sans délai. Une séance de con- seil municipal, aucun intérêt particulier n'est en jeu, nme course de chevaux, une séance de cours de com- missaires, etc., viennent-elles à avoir lieu, aussitôt les travaux des champs sont laissés là; un jour, deux jours sont ainsi souvent perdus inutilement, lorsque peut-être le succès de leur récolte dépendra entièrement de cette négligence. Car il n'est pas de situation qui réclame une vigilance plus assidue, plus attentive, que celle du cultivateur. Pour peu qu'il manque sous ce rapport, il court infailliblement à sa ruine.

La perte du temps est irréparable pour tout le monde, mais pour l'agriculteur, une seule journée suffit quel- quefois pour amener sa ruine. Telle pièce de terre est aujouM'hui en condition suffisante pour être labourée, ensemencée, etc., on attend au lendemain, et ce lende- main amènera peut-être un changement de temps qui rendra l'opération impossible pour la saison. Telle pièce de foin ou de grain est prête à être moissonnée ou en- grangée ; on ratarde, et peut-être qu'on ne sauvera pas même la moitié ou le quart de la belle récolte qu'on avait déjà sous la main.

Le cultivateur soigneux, vigilant, intelligent, donne donc une attention toute particulière à la comptabilité dans ses diverses cultures ; tout est réduit en recettes et en dépenses, afin de pouvoir en appliquer le résultat à profit ou à perte. Le temps que l'on met à labourer, herser, égoutter, clôturer chaque pièce, avec le coût de la semence, puis le moissonnage, le battage, vannage, etc., sont entrés à la dépense ; et vis-à-vis, le rapport,de cette pièce en grain, paille, etc., avec estimation aux

Erix courants pour l'année, sont apposés comme recette. ;'on voit ainsi d'un coup d'oeil jusqu'à quel point l'opé- ration a été avantageuse ou non, afin d'en tirer des con-

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séq^uences pour la suite. Les rappc^H de oes diverses opérations sont conservés chaque année, pour servir de termes de comparaison plus tard. Le cultivateur qui en agit ainsi, ne marche pas en aveugle, et à chaque tran- saction qu'on lui propose, il connaît de suite sur quelles ressonrices il peut raisonnablement compter pour lui permettre de l'accepter, ou s'il ne doit pas plutôt la refuser absolument, quelque avantageuse qu'elle puisse paraître à certains égards.

Il est facile de voir par ce qui vient d'être exposé que l'art agricole, dans notre province, n'est pas encore sorti de l'enfance, si toutefois il ne se confond pas avec la routine. Je dois ajouter cependant que depuis à peu près une quinzaine d'années, depuis surtout l'établissement de nos écoles d'agriculture, on peut constater que des progrès, quoique lents encore et non généralisés, se sont opérés en fait d'améliorations. On commenne à com- prendre, en plus d'un endroit, la valeur des engrais, la proportion des animaux qu'il faut tenir dans une ferme pour conserver l'équilibre, l'importance de semer des graines fourragères pour s'assurer de bons pacages et i|iieux traiter le bétail, la nécessité d'égoutter avec plus de soin, de faire de meilleurs labours, etc. Les quelques élèves qui sortent chaque année de nos écoles d'agricul- ture ne contribuent pas peu, par leurs remarques dans l'occasion, et aussi par leurs exemples, à faire comprendre la nécessité de ces réformes. Espérons que, leur nombre augmentant, ces améliorations se généraliseront de plus e|i plus, et qu'on verra, chaque année, la routine vioieuflô qui prévaut encore aujourd'hui, remplacée peu à peu par une méthode plus rationnelle et plus praticable.

Los moyens d'activer ce progrès, est ce qui me rest© à examiner.

Ces moyens, quels qu'ils puissent être, ne pourront, dans tous les cas, agir que fort lentem^t, car on ne ohange. pas d'un coup les habitudes d'un peuple. Quelque peu rationnelle que soit la méthode que ce peuple suit, quelque ruineuse même qu'elle soit reconnue, ea défec- tuosité uc peut jamais être admise sans hésitation par tout le monde; il s'en trouve tot^ours qui tiennent obstinément à l'ancienne pratique. D'un autre côté, les iiUGGèB en agricultq^e tiennent àtant de oausM di^ér^ntcug,

l

u'il faut souvent attendre loDgtompa pour que lesdrc^ e la science soient généi-alement admis, et Qi^e lea in»accès ne lui soient pas imputés, lors même qu'ils dé- pendent de la négligence ou de l'ignorance des règles les mieux établies.

Pour parer aux défauts que j'ai signalés, pour activer le progrès dans la réforme, pour assurer une marche plus constante dans la bonne voie, je réduis à quatre cne& principaux les mesures qu'il conviendrait d adopter: Réorganisation du département de l'agriculture ; 2o Maintien d'un bon journal agricole ; Un plus grand encouragement aux écoles d'agriculture ; et B^lis^ sèment d'un musée agricole.

10 Le département de l'agriculture, tel qu'organisé aujourd'hui avec le conseil qui lui est adjoint, est-ilbien propre à promouvoir le progrès de la science agricole ?

Quant à moi, je ne le crois pas. Je vois surtout dans le conseil une complication de rouages qui, iQin 4^ con* tribuer au progrès, lui est plutôt un obstacle, une entrave ; et je m'appuie, pour lu juger ainsi, tant sur son orgapi* sation propre, que sur ses actes passés.

Ce qui est l'affaire de iout le monde, devient ipuvent l'ai&ire de personne, surtout dans une organisation comme celle du conseil d'agriculture, les meml»*es ne sont personnellement responsables à personne, et pariai lesquels des divergences d'opinion, suite souvent d'inté- rêts particuliers ou de vues politiques pour favoriser un parti, viennent mettre obstacle aux mesures les plus avantageuses et paralyser les efforts les mieux dirigés.

Comme dans tous les oorps ou réunions d'hommes, il n'y a d'ordinaire que quelques chefe— et souvent un seul qui conduisent; que les autres ne servent qu'à appuyer, éclairer, prêter main-forte dans l'oocaeioa à ces chefs; je voudrai de même une autorité ooiiataate et permanente dans le département de l'pgricHlture, dans fa personne, par exemple, d'un surintendant entendu, à la hauteur de sa tâche, sous la responsabilité du ministre, mais qui ne serait paB:CQmmie lui exposé à des change- ments avec les partis politiques. Ji'unité d'action d^d tpnte association est une condition essentielle de succès.

Ce surintendant ou assistant-commisfsaire aurait pour 9ttnl>atiQ03 spéoiAtoa jefoaQtiannemGiitdo 1a loi d'/^l-

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onlttii^e, la surveillance des écoles de cet art, la surinten- dance des musées, etc. Il aurait pour s'éclairer dans sa marche, les comités d'agriculture de la chambre d'as- sembléoj la tenue des expositions, sa correspondance avec les différentes sociétés d'agriculture de comtés, avec les directeurs des écoles d'agriculture, les visites qu'il serait tenu de faire à ces dernières, etc. Il serait, en un mot,

Sour l'agriculture, à peu près ce qu'est le surintendant es écoles pour l'instruction publique. C'est parce que cette unité d'action à fait défaut dans le département de l'agriculture, qu'on a vu plus d'une mesure émaner du conseil que l'intérêt du bien public serait impuissant à justifier. J'en citerai quelques-unes. On conçut, il y a quelques années, le louable projet d'établir un musée agricole. De suite on décida d'envoyer le secrétaire du conseil aux Etats-Unis, pour voir com- ment on pratiquait la chose là. M. le Secrétaire alla donc, aux frais de la province, faire une visite à Albany et à Washington. Il revint enchanté de son voyage ;

fit un rapport soigné de tout ce qu'il avait vu ; et tout

demeura là. C'était une dépense de 91000 à $1200 au profit d'un seul homme !

Plus tard, voilà qu'on s'enthousiasme tout-à-coup pour le drainage. On veut porter nos cultivateurs à fouiller jusque dans la profondeur du sol, avant même de l^iur avoir appris à en gratter convenablement la surface. On accorde un bonus de $4000 (si je ne me trompe) à un fabri- quant de tuyaux de Montréal, qu'il en vende beaucoup, Eeu ou point, et l'on fait venir, à grands frai^, un jeune omme d'Ecosse, pour diriger les débutants dans cette opération nouvelle pour la plupart. Le bonus fut payé au fabriquant, le voyage du jeune homme de même ; mais ses services n'étant requis par personne, on fUt obligé de lui payer de plus son retour en Europe. C'étaient encore quelques milliers de piastres gaspillées, parce que ceux qui avaient obtenu cette dépense, n'ét^àenil respon- sables à personne.

Plus tard encore, on ouvrit un concours pour un traité d'agriculture. Une médaille d'or avec $300 en argent devaient être la récompense du lauréat. Mais la chose est à peine croyable ; on accorda le prix à un ouvrage incomplet, non encore terminé, à condition que l'auteur

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le terminerait plus tard. Cet auteur a reçu, je pense bien, et somme et médaille ; mais l'ouvrage a-t-il été terminé î Je l'ignore ; tout ce que je sais, o'est que le publie n'a jamais vu cet ouvrage. A quoi bon payer pour des traités qui demeurent enfouis dans les archives du conseil t

Citons encore un exemple pour faire resortir davan- tage les défectuosités du rouage administratif dans les anaires d'agriculture.

Pendant plus de cinq ans, nous avons été sans avoir un journal d'agriculture, lorsque cependant le oouseil avait à sa disposition, ou du moins pouvait l'avoir, l'ar- gent nécessaire pour une telle publication. Quelle était donc alors la cause du reiai'd ? Uniquement les diver- gences d'opinion des membres du conseil. Celui-ci vou-» lait avoir le journal à Montréal, cet autre à St.- Hyacinthe, un autre à Québec, un autre enfin à 8te.-Anne. Quand on en venait à prendre des votes sur le sujet, du moment qu'on apercevait qu'une localité allait l'emporter sur lautre, on proposait de suite un délai de trois mois, et la motion était aussitôt emportée. Cette comédie se répéta pendant plus de cinq ans, et le public était toujours-là à attendre son journal. N'est-il pas évident qu'avec une direction unique, doux ou trois mois au plus auraient suffi pour mettre la publication sur pied ?

Mais, pourra-t-on dire, est-ce que le ministre n'est pas directement responsable à la chambre de touti les actes de de son département ? Oui, sans aucun doute ; mais quelle excuse pour ce ministre, quand il peut dire qu'il n'a sanctionné telle mesure, que parce qu'elle lui avait été soumise par un corps aussi compétent, aussi honorable que le conseil d'agriculture.

2o. Maintien d'un bon journal d'agriculture. Les ré* formes en agricultures, comme je l'ai fait observer plus haut, ne s'opèrent que difficilement et^fort lentement. Ce n'est qu'en obsédant le peuple, pour ainsi dire, qu'en le prêchant à temps et à contretemps, qu'on parvient à le dé- cider à changer ses habitudes. Mais quel sera le mis- sionnaire de cette utile prédication ? Ce sera le journal, la publication périodique.

Quelque efficace que puissent être les lectures peuple, les coursdansles institutions agricoles, ces|moyena SQ borneront toiyours à un nombre asses restreint d'audit

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iémtê; 0^ ne potunra se fhir« entendre die tdns, et snrtûtti nrodaii^e U couviétk» ches le pitis grftnd nombre. Mais le ^umal, lui, sahi^, pour ainsi dire^ ragticnheur pas à paa poar \m faire la leçon dans l'occasion, pour lai signaler le» déflaut à corriger, lui rappeler les préceptes mis en onbli. Le jdurnal pénétrera dans les chaumières,) prendra place au fbyer la famille, et sera, toUjou}rs prêt à livrer à tous ses recettes économiques, sa direction dans les opérations nouvelles, l'expérience des devanciers dans les essais de tout genre, etc. Il fera encore con- naître )e mouvement hausse et de baisse âQR produits agricoles sur les marchés, les articles les plus en de- mande dans le moment, les prévisions de 1 avenir pour bftse de ealoals, etc., etc. ; il tiendra, en un mot, le culti- vateur constamment au courant du mouvement agricole en monde entier, pour qu'il puisse ju^er par lui-même si; réellement, il smt la bonne méthode, s'il marche dans la voie dm progrès, on au contraire peut-être, s'il ne s'obstine pas à courir à sa ruine en persévérant danâ «ne pratique vicieuse et généralement condamnée.

Un bon journal est donc de rigueur pour le progrèe en agriculture. Mais pour le rendre plus efficace, je viE^ndraifl qu'il fàt la propriété d'un particulier, avec allocation suffisante pour rencontrer les vues du dépar- tetnent. Il n'y a rien do tel qu'un propriétaire pour sur- vùilter convenablement une publication ] tandis <^u'un joarnal aux fixais du gouvernement manque souvent d'intérêt et d'éflleacité, parce qu'on ne tient qu'indirec- tement à son succès et ^u'on n'a rien à craindre pour Btm maintien.

3o. Encouragement aux écoles d*agriculture. Après 1r réforme du département et la tenue d'un bon journal, Je considère les écoles d'agriculture comme le moyen le plus effîeace d'activer le progrès dans l'art agricole.

La pratique en agriculture vaut certainement beau- eeupi mais la pratique seule est impuissante pour la réforme des abus; d'un autre côté, l'agriculture bien •wtondue, et entendue tel qu'elle doit l'être dans des sols depuis longtemps exploités, et pour répondre aux besoins tietuels delà civilisation, est un art véritable. Or, cet art A'sea préeeptes et sa théorie qu'il ftiut apprendre poxu* 1m «OBiMtilsr»^ et e^wt daas ^oies spéoiiues de oef art

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qu'on les apprendra. Nos écoles uctuelles exigent donc pne surveillance toute particulière de la part du dépar- tement et une protection des plus libérales.

Comme toutes les institutions nouvelles, nos écoles d'agriculture, pou comprises quant à leur but et à leur eflacacité, ont eu à lutter conti-e des difficultés et des entrav.eb de tout içenre dans leur aébut. Mais aiiiourd'hui qu'elles ont survécu à ect âge critique, il ne faut pae leur ménager l'encouragement, afin que chaque année, a'écbappent de leur sein des essaims de jeunes agricul- teurs, parfaitement au fait de la théorie de l'art, pour aller répandre leurs connaissances dans les dififei-entee contrées de la province. C'est surtout pour la direction de ces écoles qu'un surintendant serait nécessaire. Les différentes visites qu'il leur ferait le mettrait en état contrôler efficacement leur enseignement, d'établir des points de comparaison entre les unes et les autres, de faire faire le profit ici, des expériences qui auraient été faites là, de susciter une émulation entre les unes et les autres pour marcher dans la voie du progrès d'une mar nière plus sûre et plus efficace, en un mot, d'assurer davantage leur succès en en faisant en mêqae temps bénéficier la province.

4o. Etablissement d'un musée agricole. Enfin les musées que l'on joint au département de l'agriculture dans presque tous les anciens états, ne servent pas peu à éclairer le cultivateur dans uno foule de pointe pour la pratique de son art. Ces musées sont non-seulement des salles oià l'on tient exposés, pour l'inspection des culti- vateurs, les machine» et instruments perfectionnés les S lus recommandables, des spécimens des grains et pro- uits des meilleures espèces, les matières brutes et tra- vaillées qui sont l'objet de la culture ; mais encore des spécimens des oiseaux insectivores, pour faire connaître à l'homme des champs ses auxiliaires les plus effectifs ; des collections d'insectes nuisibles, pour qu'il puisse distinguer et combattre efficacement ces redoutables ennemis, qui le soumettent chaque année à une rançon si considérable, et font parfois périr ses récoites entières, etc.

Ces musées, par l'étalage constant qu'ils offrent des productions du pays, en outre du témoignage qu'ils rendent au visiteur des richesses naturelles de la contrée

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et des ressources qu'elles peuvent offrir à l'exploitation, servent encore à démontrer le degré de civilisation qu'on a atteint, et deviennent, pour les savants, des sanctuaires ils vont poursuivre leurs recherches, ou déposer les trophées de leurs victoires sur l'inconnu.

J'ajoute que l'établissement de tels musées est des plus faciles et fort peu dispendieux. Comme les spécimens abondent partout, il ne s'agit que de les recueillir pour les déposer dans des appartements spéciaux. Un seul homme de science suffit pour les ranger dans un ordre méthodique et conforme aux règles des classifications. Les espèces s'ajoutant chaque jour aux espèces, on par- viendrait, en peu d'années, à posséder un ensemble des plus complets des productions naturelles du pays.

Et quant aux machines d'agriculture, rien de plus facile aussi ; chaque fabricant s'empresserait d'offrir au musée des spécimens de sa manufacture. Il y trouverait un avantage tout particulier ; car ce serait une enseigne de ses produits déposée dans le lieu le plus exposé aux visites des chalands et le plus propre, par conséquent, à lui assurer un prompt débit.

Si des particuliers, presque sans ressources, parvien- nent petit à petit, en assez peu de temps, à se former des musées considérables; il n'y a pas de doute que le gouvernement, en portant son attention de ce coté là, ne parvînt, en bien moins de temps encore, à atteindre le même résultat.

Que le gouvernement donne à l'agriculture l'attention «t la protection qu'elle est en droit d'exiger, et l'on verra bientôt l'industrie se raviver, le commerce prendre un nouvel essor, la colonisation prendre de jour en jour une plus grande expansion, et le pays en entier marcher à grands pas dans la voie de la prospérité et du progrès.

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