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23 WEST MAIN STREET

WEiSTER.N.Y. MSSO

(716) S72-4503

CIHM/ICMH

Microfiche

Séries.

CmiVI/ICMH Collection de microfiches.

Canadian Instituts for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques

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I

ESSAI POLITIQUE

SUR LE ROYAUME

DE LA

NOUVELLE-ESPAGNE.

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ESSAI POLITIQUE

SUR LE ROYAUME

LA

NOUVELLE - E SPiVGNE.

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PAR AL. DE HUMBOLDT.

TOME DEUXIÈME.

A PARIS,

Chez F. SCHOELL, Libkaire, rue des Fossés- Saint- Germain -l'Auxerhois, a." u^.

1811.

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LIVRE IL

CHAPITRE VIL

Blancs , Créoles et Européens, Leur civilisation. Inégalité de leurs fortunes. Nègres. Mélange des Castes. Rapport des sexes entreux. Longévité selon la différence des races. Sociabilité,

1 ARMi les habitans de race pure , les blancs occuperoient le second rang , si on ne les considéroit que sous le rapport de leur nombre. On les divise en blancs nés en Eu- rope, et en ;descendans des Européens nés dans les colonies espagnoles de rAmérique ou dans les îles asiatiques. Les premiers portent lel nom de chapetones ou de gachu- pines y les seconds celui de criollos. Les natifs des îles Canaries , que l'on désigne géné- ralement sous la dénomination à'islenos ( hommes des îles ) , et qui sont les gérans n. 1

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n.

Liviu: II

?

des plaiilalions; se considèrent comme Eu- ropéens. Les lois ospagnolcs accordent Jcs nicnics droits à tous les jMancs; mais ceux qui sont î'.ppelcs à exécuter les lois cherchent à détruire inie égalité qui blesse ror<>ueil européen. Le gouvernement, tjui se méfie des créoles, donne les grandes places exclu- sivement aux natifs de l'ancieime Espagne. Depuis quelques années , on disposoit même à Madrid des plus petits emplois dans l'ad- ministration des douanes ou dans la ré"'ie du tabac. A une époque tout tendoit vers un relâchement général des ressorts de l'état, le système de vénalité fit des progrès effrajans. Le plus souvent, ce n'étoit point une poli- tique soupçonneuse et méfiante , c'étoit l'in- térêt pécuniaire seul qui faisoit passer tous les emplois aux mains des Européens. Il en est résulte des motifs de jalousie et de haine perpétuelle entre les chapetones et les créoles. L'Européen le plus misérable, sans éduca- tion , sans culture intellectuelle , se croit supérieur aux blancs nés dans le nouveau continent ; il sait que , protégé par ses com- patriotes , favorisé par des chances assez communes dans des pays les fortune»

flic Eu- [ciît Jes is ceux crchent oi'<>iieil i nicfie

cxclu- îpagiie. \ iiiéiiie s Tad- égie du it vers î létal, rajans. î poli- >it l'in- :r tous 5. Il en c haine rcoles. ^duca- î croit )uveau 5 com-

assez rtuixe»

CHAPITRE vif. 3

s'acquièrent aussi rapidement qu elles se dé- truisent , il peut un jour parvenirà des places dont l'accès est presque interdit aux natifs , même à ceux qui se distinguent par leurs talens , par leurs connoissances et par leurs qualités morales. Ces natifs préfèrent la dé- nomination à'Jméncaifis à celle de créoles. J3epuis la paix de Versailles , et surtout depuis l'année 1789, on entend souvent dire avec fierté : « Je ne suis point Espagnol, je suis Américain » , mots qui décèlent l'effet d un long ressentiment. Devant la loi, tout créole l)lanc est Espagnol ; mais l'abus des lois , \qs fausses mesures du gouvenement colonial, l'exemple des états confédérés de l'Amérique' septentrionale , l'influence des opinions du siècle , ont relâché les liens qui unissoient jadis plus intimement les Espagnols créoles aux Espagnols européens. Une sage adminis- tration pourra rétabHr l'harmonie, calmer les passions et le ressentiment , conserver, peut-être encore pendantlong-temps, l'union entre les membres d'une même et grande Qmiille éparse en Europe et en Amérique , depuis la côte des Patagons jusqu'au nord de la Californie.

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4 LIVRE 11,

Le nombre des individus qui constituent la race blanche ( casta de los Llancos au de los EsptiTioles ) , s'élève probablement , dans toute la Nouvelle-Espagne , à i ,200,000 d nt près de la quatrième partie habite les w- vincias internas. Dans la Nouvelle-Lisca) e ou dans l'intendance de Durango , il n'existe aucun individu sujet au trilnit. Piesqiie tous les habitans de ces régions les plus septcn- trionsles prélendent être de race pure euro- péenne.

L'année 1 793, on compta, sur une population totale ,

dans Tintendance de Gua-

naxuato , dans celle de Valladolid, dans celle de Puebla, dans celle d'Oaxaca,

âme.*. Eiip«(>noh.

398,000 100,000

290,000 80,000

638,000 63,000

4 11,000 26,000

Tel est le simple résultat > du dénombre- raent, en n'y faisant' aucun des changemens qu'exige l'imperfection de cette opération , que nous avons discutée dans le cinquième chapitre. Par conséquent , dans les quatre intendances voisines de la capitale , on trouva 272,000 blancs, soit Européens ^ soit

CHAPITRE VU. 5

descendans d'Européens , sur une population totale de 1,707,000 âmes. Sur centhabitans , il y avoit :

dans l'intendance de Valladolid , 27 blancs.

de Guanaxuato, 20 de Puebla , 9

d'Oaxaca, 6

Ces différences considérables indiquent le degré de civilisation auquel éloient parvenus les anciens Mexicains au sud de la capitale. Ces régnons les plus australes étoient de tout temps les plus habitées. Au nord, comme x nous l'avons observé plusieurs fois dans le courant de cet ouvrage , la population in- dienne étoit plus clair-semée : l'agriculture n'y a fait de progrès sensibles que depuis le temps de la conquête.

Il est intéressant de comparer le nombre des blancs dans les îles Antilles et au Mexique. La partie françoise de Saint-Domingue avoit , même à l'époque la plus heureuse , en 1788, sur une surface de 1 700 lieues carrées ( de 25 au degré ) , une population moindre de celle qu'offre l'intendance de la Puebla. Pao-e »

* Vol. II , p. 5, En 1802 , ou ne compta plus, dans

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LIVRE II,

évalue la première à 620,000 habitans , parmi lesquels il y avoit4o,ooo blancs, 28,000 affran- cbis et 4«'^2,ooo esclaves. Il en résulte pour Saint-Domingue , sur 100 âmes , 8 blancs , 6 hommes de couleur libres , et 86 esclaves africains. La Jamaïque comptoit , en 1 ySy , sur 100 habitans, 10 blancs, 4 hommes de couleur et 86 esclaves , et cependant cette colonie angloise a un tiers de moins de po- pulation que l'intendance d'Oaxaca. Il en résulte que la disproportion entre les Euro- péens ou leurs descendans et les caslcs de sang indien ou africain , est encore plus grande dans les parties méridionales de la Nouvelle- Espagne qu'aux îles Antilles françoises et angloises. L'île de Cuba , au contraire , offre jusqu'à ce jour, dans la distribution des races, une différence bien grande et bien conso-

toute l'ile de Saint-Domingue , que 376,000 habitans, parmi lesquels 290,000 laboureurs , 47,700 domes- tiques, manourrlers et matelots, et 37,000 soldats. Jusqu'à quel point la population aura-t-eile diminué dans les derniers six ans? A l'ile de la Barbade, le nombre des blancs est plus considérable que dans le reste des Antilles ; on y trouve , sur une population totale de 80,000 habitans, i(),oqo blancs.

CHAPITLE VIT.

> , parmi ) a/Fran- te pour lancs , 6 ?sclaves 1 1787, mes de ït cette de po- . Jl en Kiiro- >tcs de Grande uvelle- ises et , offre races, onso-

bitans,

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ioldats.

iniinué

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ilation

lante. D'après des reclierclies stalisticpics très- soignées, que j'ai eu occasion de Taire pendant mon séjour à la Havane, en 1800 et en i8o4» j'ai trouvé qu'à la dernière de ces époques, la ])Oj)ulalion totale de l'ilc de (Juba éfcoit de /|52,goo Ames , parmi Jescpiellcs il y a voit :

A. Hommes libres 02 '1,000

blancs , 2 5 '1,000

de couleiM'. 90,000

B. Esclaves 1 08,000

Total. .452,000

OU sur 100 habilans, 6/1 créoles et Européens, 21 hommes de couleur et 20 esclaves. Les hommes libres y sont aux. esclaves comme 5 à 1 , tandis qu'ils sont à la Jamaïque comme 1 est à 6. Le nombre des blancs est , par conséquent, de beaucoup plus grand à l'île de Cuba qu'il ne l'est au Mexique, même dans les régions il y a le moins d'Indiens.

Le tableau suivant indique la prépondé- rance moyenne des autres castes sur celle des blancs dL>ns les différentes parties du nouveau continent. Sui' 100 habitans , on compte : , .

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8 LIVRE II,

aux Etats-Unis de l'Amérique septentrio- nale 85 blancs.

à rîle de Cuba 54

dans le royaume de la Nouvelle- Espagne (sans y comprendre les

provincias internas ) i6

dans le royaume du Pérou 12

à l'île de la Jamaïque 10

Dans la capitale de Mexico , il existe , d'après le dénombrement du comte de Revil- lagigedo , sur 100 habitans , 49 Espagnols créoles, 2 Espagnols nés en Europe, 24 In- diens aztèques et otomiles , et 25 individus de sang mêlé. La connoissance exacte de ces proportions est d'un grand intérêt politique pour ceux qui sont appelés à surveiller la tranquillité des colonies.

Il seroit difficile d'évaluer au juste combien il y a d'Européens sur 1,200,000 blancs qui habitent la Nouvelle-Espagne. Comme dans la capitale de Mexico même , le gouver- nement réunit le plus d'Espagnols , sur une population de plus de io5^ooo âmes, il n'y a pas 25oo individus nés en Europe, il est plus que probable que tout le royaume n'en

'iim

CHAPITRE VU.

contient pas au delà de 70 à 80,000. Ils ne sont, par conséquent, que la soixante-dixième partie de la population totale , et la propor- tion des Européens aux créoles blancs est comme 1 est à i4«

Les lois espagnoles défendent l'entrée dans les possessions américaines , à tout Européen qui n'est point dans la péninsule. Les mots d'Européens et d'Espagnols sont devenus synonymes au Mexique et au Pérou ; aussi les habitans des provinces éloignées ont de la peine à concevoir qu'il y ait des Euro- péens qui ne parlent pas leur langue : ils considèrent cette ignorance comme une marque de basse extraction , parce qu'autour d'eux il n'y a que la dernière classe du peuple qui ne sache pas l'espagnol. Connoissant plus l'histoire du seizième siècle que celle de nos temps , ils s'imaginent que l'Espagne con- tinue à exercer une prépondérance prononcée sur le reste de l'Europe. La péninsule leur paroît le centre de la civilisation européenne. Il n'en est point ainsi des Américains qui habitent la capitale. Ceux qui ont lu des ou- vrages de la littérature Françoise ou angloise tombent lacilement dans le défaut contraire ;

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LIVJiE II

ils ont une idée plus défavorable de la mé- tropole qu'on ne l'avoit en France à une époque les communications étoient moins fréquentes entre TEspagne et le reste de l'Europe. Us préfèrent aux Espagnols les étrangers des autres pays ; ils aiment à croire que la culture intellectuelle fait des progrès plus rapides dans les colonies que dans la péninsule.

Ces progrès sont en effet très-marquans à Mexico , à la Havane , à Lima , à Santa-Fe , à Quito , à Popayan et à Caraccas. De toutes ces grandes villes , la Havane ressemble le plus à celles de l'Europe , sous le rapport des usages , du raffinement du luxe et du ton de la société. C'est à la Havane que l'on connoît le mieux la situation des affaires po- litiques et leur influence sur le commerce. Cependant, malgré les efforts de la Société patriotifiue de Vile de Cuba, qui encourage les sciences avec le zèle le plus généreux , ces dernières prospèrent lentement dans un pays la culture et le prix des produits coloniaux fixent toute l'attention des liabi- tans. L'étude des mathématiques , de la chi- mie , de la minéralogie et de la ])oUniq"e,

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CHAriTUE VII.

I I

est plus répandue à Mexico , à Santa-Fe et à Lima. Parlout aujourd'hui on observe un grand mouvement intellectuel , une jeunesse douce d'une rare facilité pour saisir les prin- cipes des sciences. On prétend que cette facilité est plus remarquable encore chez les habitans de Quito et de Lima qu'à Mexico et à Santa-Fe. Les premiers paroissent jouir d'une plus grande mobiUté d'esprit , d'une imagination plus vive ; tandis que les Mexi- cains et les natifs de Santa-Fe ont la répu- tation d'être plus persévérans à continuer les éludes auxquelles ils ont commencé à se vouer.

Aucune ville du nouveau continent, sans en excepter celles des Etats-Unis , n'offre des établissemens scientificpes aussi grands et aussi solides que la capitale du Mexique. Je me borne à nommer ici l'Ecole des mines , qui est dirigée par le savant d'Elhuyar , et sur laquelle nous reviendrons en parlant de l'ex- ploitation métallique ; le Jardin des plantes . et l'Académie de peinture et de sculpture. Celte Académie porte le titre ^Academia de los nobles artes de Mexico. Elle doit son existence au patriotisme de plusieurs parlicu-

12

LIVRK II

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liers mexicains et à la protection du ministre Galvez. Le gouvernement lui a assigné un hôtel spacieux, dans lequel se trouve une collection de plâtres plus belle et plus com- plète qu'on n'en trouve dans aucune partie de l'Allemagne. On est étonné de voir que l'Apollon du Belvédère , le groupe du Lao- coon et des statues plus colossales encore aient pu passer par des chemins de monta- gnes qui sont au moins aussi étroits que ceux: du St. Gothard: on est surpris de trouver ces chefs-d'œuvres de l'antiquité réunis sous la zone torride , dans un plateau qui surpasse la hauteur du couvent du grand St. Bernard. La collection de plâtres transportée à Mexico , a coûté au roi près de deux cent mille francs. C'est dans l'édifice de l'Académie , ou plutôt dans une des cours qui y appartiennent, qu'on devroit réunir les restes de la sculpture mexi- caine , des statues colossales de basalte et de porphyre qui sont chargées d'hiéroglyphes aztèques , et qui offrent souvent des rapports avec le style égyptien et hindou. Il seroit curieux de placer ces monumens de la pre- mière culture de notre espèce , ces ouvrages d'un peuple à demi barbare, habitant les

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CHAPITRE Vil. l3

Andes mexicaines, à coté des belles formes qu'a vues naître le ciel de la Grèce et de

ritalie.

Les rentes de l'Académie des beaux-arts de Mexico sont de i23,ooo francs , dont le gou- vernement donne6o,ooo, le corps des mineurs mexicains près de 26,000, le consiilado on la réunion des négocians de la capitale plus de 1 5,000. On ne sauroit nier l'influence que cet établissement a exercée sur le goût de la nation. C'est surtout dans l'ordonnance des bâtimens , dans la perfection avec laquelle on exécute la coupe des pierres, les oineniens de? chapiteaux , les reliefs en stuc , que cette influence est visible. Quels beaux édifices ne trouve-t-on pas déjà à Mexico , et même dans les villes de province, à Guanaxuato et à Queretaro ! Ces monumens , qui souvent coûtent un million à un million et demi de francs, pourroient figure f dans les plus belles rues de Paris , de Berlin ou de Pétersbourg. M. Toisa, professeur de sculpture à Mexico , est même parvenu à y fondre une statue équestre du roi Charles iv, ouvrage qui , à l'exception du Marc-Aurèle à Rome, surpasse en beauté et en pureté de style tout ce qui

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lIVhE 11

» ;

nous est rcsié de ce ^enre en Tîm^ope. A l'Académie des beaiix-arls, reuseignernenl se donne gratis : il ne se restreint ]).'is seulement au dessin du pa\sa<;e et de la figure ; on a eu le bon esprit d'employer d'autres moyens par lesquels on peut vivifier l'industrie nationale. L'Académie travaille avec* succès à répandre parmi les artisans le goût de l'élé- gance et des belles formes. De grandes salles , très-bien éclairées par des Lnnpes d'Argand , réunissent tous les soirs quelques centîiines de jeunes gens , dont les uns dessinent d'après la bosse ou le modèle vivant , tandis que d'autres copient des dessins de meubles , de candélabres ou d'autres ornemens en bronze. Dans cette réunion ( et ceci est très-remar- quable au milieu d'un pays les préjugés de la noblesse contre les castes sont invé- térés ) , dans cette réunion , les rangs , les couleurs , les races d'hommes se confondent ; on y voit l'Indien ou le métis à côté du blanc , le fils d'un pauvre artisan rivalisant avec les enfans des grands seigneurs du pays. Il est consolant d'observer que , sous toutes les zones , la culture des sciences et des arts établit une certaine égalité purmi les hommes,

CHAPITRE VU.

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ieuieineiit ; on a ou Jï)o jens industrie succès à de l'ôlé- *s salies ,

itines de d'après

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que

les, de >ronze. remar- jugés : invé- s, les dent; >lanc , 3c Jes H est s les arts mes,

en leur Taisant oublier, pour quelque tcnipiï au moins, ces petites passions dont les eilels entravent le bonheur social.

Depuis la fin du règne de Charles ni e| depuis celui de Charles iv, l'étude des sciences naturelles a l'ait de grands progrès non-seu- lement au Mexique , mais en général dans toutes les colonies espagnoles. Aucun gou- vernement européen n'a sacrifié des sommer^ plus considérables pour avancer la connois- sance des végétaux , que le gouvernement espagnol. Trois expéditions botaniques^ celles du Pérou, de la Nouvelle-Grenade et de la Nouvelle-Espagne, dirigées par MM. Ruiz et Pavon , par Don José Celestino Mutis , et par MM. Sesse etMocino, ont coûté à l'état près de deux millions de francs. En outre, des jardins de botanique ont été établis à Manille et aux îles Canaries. La commission destinée à lever les pUns du canal de los Guines y fut aussF chargée d'examiner les productions vé- gétales de l'île de Cuba. Toutes ces recher- ches, faites pendant vingt ans dans les régions les plus fertiles du nouveau continent , n'ont pas seulement enrichi le domaine de la science de plus de quatre mille nouvelles espèces de

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16

LIVRE II

plantes , elles ont aussi contribué beaucoup à répandre le goût de i'iiistoiie natuielle panai les habitans du pays. La ville de Mexico pré- sente un jardin de botanique très-intéressant dans l'enceinte même du palais du vice-roi. Le professeur Cervantes y fait annuellement des cours qui sont très-suivis. Ce savant pos- sède , outre ses herbiers , une riche collection de minéraux mexicains. M. Mocino , que nous venons de nommer comme un des col- laborateurs de M. Sesse, et qui a poussé ses excursions pénibles depuis le royaume de Gua- timaia jusqu'à la côte nord-ouest ou jusqu'à l'île de Vancouver et Quadra ; M. Echeveria , peintre de plantes et d'animaux , dont les travaux peuvent rivaliser avec ce que l'Europe a produit de plus ^' arfait en ce genre , sont tous deux natifs de la Nouvelle-Espagne : ils s'étoient élevés à un rang distingué parmi les savans et les artistes avant d'avoir quitté leur patrie '.

* Le public ne jouit encore que des découvertes faites par l'expédition de botanique du Pérou et du Chili. Les grands herbiers de M. Sesse , et l'immense collection de dessins de plantes mexicaines faites sous ses yeux, sont arrivés à Madrid depuis Tannée i8o5.

acoup à e parmi co p ré- gressant ice-roi. tiement nt pos- lection , que les col- ssé ses [e Gua- usqu'à îveria , ^nt les urope , sont le : ils ni les leur

ivcrtes et du mense s sous i8o3.

CHAPITRE VII. l'J

Les principes de la nouvelle chimie , que l'on désigne dans les colonies espaj^noles par le mol un peu équivoque de la nouvelle philosophie ( niirvn Jllosojîn ) , sont plus répandnsauMexiquequedans bien des parties de la péninsule. Un voyageur européen seroit surpris sans doute de rencontrer dans l'inté- rieur du pays, sur les confins de la Californie, de jeunes Mexicains qui raisonnent sur la décomposition de l'eau dans le procédé de ramal^ramation à l'air libre. L'Ecole des mines renferme un laboratoire de chimie , une col- lection géologique rangée d'après le système •de Werner ; un cabinet de physique dans lequel on trouve non-seulement des instru- mens précieux de Ramsden , d'Adams, de Le Noir et de Louis Berthoud, mais aussi des modèles exécutés dans la capitale même avec la plus grande précision et avec les plus beaux bois du pays. C'est à Mexico qu'a été imprimé le meilleur ouvrage minéralogique que pos-

On aUend avec impatience, et la publication de la Flore de la Nouvelle-Espagne , et celle de la Flore de Sanla-Fe de Bogota. La dernière est le fruit dequarante ans de recherches et d'observations faites par un des plus grands botanistes du siècle, par le célèbre iVIutis. If. 2

i8

LIVHE II

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sède la littérature espagnole , le Manuel d'oryctognosie , rédigé par M. Del Rio , d'après les principes de l'Ecole de Freiberg, dani» laquelle l'auteur s'est formé. C'est à Mexico qu'on a publié la première traduction espagnole des Elémens de chimie de Lavoisier. Je cite ces faits isolés, parce qu'ils nous don- nent la mesure de l'ardeur avec laquelle on commence à embrasser les sciences exactes dans la capitale de la Nouvelle-Espagne. Cette ardeur est bien plus grande que celle avec laquelle on s'y livre à l'étude des langues et de la littérature ancienne. L'enseignement des mathématiques est moins soigné à l'Université de Mexico qu'à l'Ecole des mines : les élèves de ce dernier établis- sement pénètrent plus avant dans l'analyse; on les instruit dans le calcul intégral et dif- férentiel. Lorsqu'avec le retour de la paix et des libres communications avec l'Europe, les instrumens astronomiques ( les chronomètres, les sextans et les cercles répétiteurs de Borda ) deviendront plus communs, il se trouvera, dans les parties les plus éloignées du royaume , des jeunes gens capables de faire des obser- vations et de les calculer d'après les méthodej^

Manuel el Rio, reiberg",

C'est à îduction avoisier. )us don- lelle on

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CHAPÏiRE VII. ig

les plus récentes. J'ai indicjuc plus haut, dans l'Analyse de l'Atlas, le parti que le gouverne- ment pourroit lirer de cette aptitude extraor- dinaire, pour Taire lever la carte du pays. D'ailleurs, le goût pour l'astronomie est assez ancien au Mexique. Trois hommes distingués, Vclasquez, Gama et Alzate, ont illustré leur patrie vers la fin du dernier siècle. Tous les trois ont fait un grand nombre d'observations astronomiques , surtout des éclipses des satel- lites de Jupiter. Le moins savant d'eux , Alzate, étoit correspondant de l'Académie des sciences de Paris» Observateur peu exact, d'une activité souvent impétueuse, il se livroit à trop d'objets à la fois. Nous avons discuté , dans l'Introduc- tion géographique qui précède cet ouvrage , le mérite de ses travaux astronomiques. Il en avoit un autre très-réel , celui d'avoir excité ses compatriotes à l'étude des sciences phy- siques. La Gazctta de Litteratura, qu'il publia pendant long-temps à Mexico , contribua sin- gulièrement à donner de l'encouragement et de l'impulsion à la jeunesse mexicaine.

Le géomètre le plus marquant que la Nou- velle - Espagne ait eu depuis l'époque àe Siguenza, étoit Don Joacquin Velasquez Caç'

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LIVRE II

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denas y Léon. Tous les travaux astronomiques et géodésiquesde ce savant infatigable portent le caraclère de la plus grande précision. (le 21 juillet 1732 ) dans l'intérieur du pays, à la métairie de Santiago Acebedocla , prè's du village indien deTizicapan , il ne se forma, pour ainsi dire, que par lui-même. A l'âge de quatre ans , il communiqua la petite vérole à son père qui en mourut. iJn oncle , curé de Xaltocan , se chargea de son éducation et le fît instruire par un Indien nommé Manuel Asentzio , homme de beaucoup d'esprit na- turel , et très-versé d;ms la connoissance de l'histoire et de la mythologie mexicaine. Velasquez apprit à Xaltocan plusieurs langues indiennes et l'usage de l'écriture hiérogly- phique des aztèques. Il est à regretter qu'il n'ait rien publié sur celte branche intéressante de l'antiquité. Placé à Mexico au collège Tridentin, il n'y trouva presque ni professeur, ni livres, ni instrumens. Avec le peu de secours qu'il put obtenir , il se fortifia dans l'étude des mathématiques et des langues anciennes. Un heureux hasard fit tomber entre ses mains les ouvrages de Newton et de Bacon : il puisa dans les uns le goût pour l'astronomie , dan»

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CHAPITRE VIT. 21

les autres la connoiss-jnce des vraies méthodes philosophiques. Pauvre , ne trouvant aucun instrument à Mexico même , il se mit avec son ami, M* Guadalaxara ( aujourd'hui professeur des mathématiques à l'Académie de peinture ), à construire des lunettes et des quarts de cercle. Il fit en même temps le métier d'avocat, occupation qui , au Mexique comme partout ailleurs , est plus lucrative que celle d'observer les astres. Ce qu'il gagna par son travail fut employé à acheter des instrumens en Angle- terre. Nommé professeur à l'Université, il accompagna le insùadorDon José de Gnhez ' dans son voyage à la Sonora. Envoyé en com- mission à la Californie , il profita de la beauté

* Le comte Je Galvez , avant d'obtepir le ministère des Indes, parcourut la partie septentrionale de la Nouvelle-Espagne sous le titre de vidtador. On donne ce nom à des personnes cliargées par la cour de prendre des informations sur Tétat des colonies. Leur voyage {visita) n'a généralement d'autre cflet que de contre- balancer pour quelque temps le pouvoir des vice-rois et des audiencias j de recevoir une infinité de mé- moires, de pétitions et (le projets, et de signaler leur séjour par l'introduction de quelque nouvel impôt. Le peuple altL-n-l l'arrivée des visiUidores avec la même impatience avec laquelle il désire leur départ.

23

LIVRE II

du ciel de cette péninsule pour y faire un grand nombre d'observations astronomiques. Il y observa le premier, que dans toutes les cartes , depuis des siècles , par une énorme erreur de longitude, cette partie du nouveau continent avoit été marquée de plusieurs degrés plus à l'ouest qu'elle ne l'est elTecti- vement. Lorsque l'abbé Ghappe , plus célèbre par son courage et son dévouement pour les sciences que par l'exactitude de son travail , arriva en Californie, il y trouva déjà établi l'astronome mexicain. Velasquez s'étoit fait construire, en planches de mimosa, un ob- servatoire à Ste. Anne. Ayant déjà déterminé la position de ce village indien , il apprit à Fabbé Ghappe que l'éclipsé de lune du 18 juin 1769 seroit visible en Galifornie. Le géo- mètre françois douta de cette assertion jusqu'à ce que l'éclipsé annoncée eut lieu. Velasquez lui seul fit une très - bonne observation du passage de Vénus sur le disque du soleil, le 3 juin 1769. Il en communiqua le résultat, le lendemain même du passage , à l'abbé Ghappe et aux astronomes espagnols Don Vicente Doz et Don Salvador de Médina. Le voyageur françois fut surpris de l'harmonie

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CHAPITRE VIT.

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que présenta l'observation de Velasquez avec la sienne. Il s'étonna sans doute de rencontrer en Californie un Mexicain qui , sans appar- tenir à aucune académie et sans être jamais sorti de la Nouvelle-Espagne, faisoit autant que les académiciens. En 1770 , V^elasquez exécuta le grand travail géodésique dont nous avons donné quelques résultats dans l'Analyse de l'Atlas mexicain, et sur lequel nous re- viendrons en parlant de la galerie d'écou- lement des lacs de la vallée de Mexico. Le service le plus essentiel que cet homme infa- tigable a rendu à sa patrie , est l'établissement du Tribunal et de l'Ecole des mines , dont il présenta les projets à la cour. Il finit sa carrière laborieuse le 6 mars 1786, étant le premier directeur général du Tribunal de mineria, en jouissant du titre ^alcalde del corte honorario.

Après avoir cité les travaux d'Alzate et de Velasquez , il seroit injuste de ne pas consi- gner ici le nom de Gama, qui lut l'ami et le collaborateur du dernier. Sans fortune , forcé à soutenir une famille nombreuse par un travail pénible et presque mécanique , mé- connu , néLdiaré pendant sa vie uar ses conci-

pai

34 LIVRE ÏI,

toyens ', qui l'ont comblé de louanges après sa mort , Gama devint par lui-même un astro- nome habile et instruit. Il pul)lia plusieurs mémoires sur des éclipses de lune , sur les satellites de Jupiter , sur l'almauach et la chronologie des anciens Mexicains, et sur le climat de la Nouvelle - Espagne ; mémoires qui annoncent tous une grande justesse dans les idées et de la précision dans les obser- vations. Si je me suis permis d'entrer dans ces détails sur le mérite littéraire de trois savans mexicains, ce n'est que pour prouver, par leur exemple , que l'ignorance dont l'orgueil européen se plaît à accuser les créoles, n'est pas l'effet du climat ou d'un manque d'énergie morale ; mais que cette ignorance , on l'observe encore , est uniquement l'effet de l'isolement et des défauts propres aux insti- tutions sociales dans les colonies.

Si, dans l'étal actuel des choses, la caste des blancs est celle parmi laquelle on trouve

4

* Le célèbre navigateur Malaspina , pendant son séjour à Mexico , observa avec Gama : il le recom- manda aussi avec beaucoup de chaleur à la cour, comme le prouvent les leUres officielles de Malaspina, conservées dans les archives du vice-roi»

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CHAl'I'mE VII. 2 5

presque exclusivement du développement in- tellectuel , c'est elle aussi qui presque seule possède de grandes richesses. Ces richesses sont malheureusement encore plus inéga- lement distribuées au Mexique qu'elles ne le sont dans la capitania gênerai de Caraccas , à la Havane, et surtout au Pérou. A Caraccas , les chefs de famille les plus riches ont 200,000 livres tournois de rentes : à l'île de Cuba, on en trouve qui ont au delà de 6 à 700,000 francs. Dans ces deux colonies industrieuses , l'agri- culture a fondé des richesses plus considérables que l'exploitation des mines n'en a accumulé au Pérou. A Lima , un revenu annuel de 80,000 francs est déjà assez rare. Je ne connois actuellement aucune famille péruvienne qui jouisse d'une renie fixe et sûre de i3o,ooo fr. Dans la Nouvelle-Espagne , au contraire , il y a des indidividus qui ne possèdent aucune mine , et dont le revenu annuel monte à un million de francs. La famille du comte de la Valenclana , par exemple, possède elle seule, sur le dos de la Cordillère , pour plus de vingt-cinq millions de francs en biens-fonds, sans compter la mine de Valenciana , près de Guanaxuato, qui, année commune, donne

i6

LIVRE II

un bénéiîce net d'un million et demi de livres tournois. Cette l'amille, dont le chef ;ictuel, le jeune comte de Valenciana , se dislinf^nie par un caractère généreux et par un noble désir de l'instruction , n'est partagée qu'en trois branches : elles ont ensemble , même dans des années l'exploitation de la mine n'est pas très-lucrative , au delà de 2, 200,000 fr. de revenus. Le comte de Régla y dont le fils cadet, le marquis de San Christobal ', s'est distingué à Paris par ses connoissances en physique et en physiologie , a fait construire à la Havane , à ses frais , en bois d'acajou et de cèdre ( cedrella ) , deux vaisseaux de ligne de la première grandeur , dont il a fait hom- mage à son souverain. C'est le filon de la jBis- caina , près de Pachuca , qui a fondé la fortune de la maison de Régla. La fiunille de Fagoaga, connue par sa bienfaisance, par ses lumières et son zèle pour le bien public , présente l'exemple de la plus grande richesse qu'une

> M. Tareros (c'est le nom sous lequel ce savant modeste est connu en France ) a préféré pendant loïig- temps l'instruction que lui procuroit le séjour de Paris , à une grande fortune dont il ne pouvoit jouir que viyant à Mexico mémo.

1 1

CIUPITRE VII.

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27

mine ait jamais offerte à ses propriétaires. Un seul filon que la famille du marquis de Fagoaga possède dans le district de Sombre- rete, a laissé en cinq à six mois, tous les frais étant déduits, un profit net de vingt millions de francs.

D'après ces données , on devroit supposer, dans les familles mexicaines , des capitaux infiniment plus grands encore que ceux que l'on y observe. Le défunt comte de la Valen- ciana, le premier de ce titre , a eu quelquefois de sa mine seule , dans une année , jusqu'à six millions de livres de revenu net. Ce revenu annuel , pendant les derniers vingt-cinq ans de sa vie , n'a jamais été au-dessous de deux à trois millions de livres tournois ; et cependant cet homme extraordinaire, qui étoit venu sam aucune fortune en Amérique , et qui conlinuoit à vivre avec une grande simplicité, ne laissa en mourant, outre sa mine, qui est la plus riche du monde , que dix millions en biens-fonds et en capitaux. Ce fait très-exact n'a rien de surprenant pour ceux qui ont examiné le régime intérieur des grandes maisons mexi- caines. L'argent gagné rapidement se dépense avec la même facilité. L'exploitation des mines

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fVRE II,

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CHAPITRE VII. 39

jamais eu de mines très-lucratives à exploiter. C'est à ces dernières qu'appartiennent les riches descendans de Cortez ou du marquis del Valle. Le duc de Monte Leone , seigneur napolitain, qui possède aujourd'hui le ma- jorât de Cortez , a de superbes terres dans la province d'Oaxaca, près de Toluca , et à Cuernavacca. Le produit net de ses rentes n'est actuellement que de 55o,ooo francs, le roi ayant ôté au duc la perception des alca- valas et les droits du tabac : les irais ordinaires de l'administration se montent à plus de 125,000 francs. En outre, plusieurs gouver- neurs du rnarquesado se sont singulièrement enrichis. Si les descendans du grand con- quistador vouloient vivre au Mexique même , leur revenu monteroit bientôt à plus d'un million et demi.

Pour compléter le tableau des immenses richesses qui se trouvent entre les mains de quelques particuliers de la Nouvelle-Espagne, et qui peuvent rivaliser avec celles que pré- sentent la Grande-Bretagne et les possessions européennes dans l'Indoustan , j'ajouterai quelques notions exactes et sur les revenus du clergé mexicain, et sur les sacrifices pécu-

i

3o

LIV1\E II

niaires que fait annuellement le corps des mineurs {ciierpo da mineria) pour le perl'cc- lionnement de l'exploitation métallique. Ce dernier corps, fornné par la réunion des pro- priétaires des mines , et représenté par les députés qui siègent dans le Tribunal de mincria , a avancé en trois ans, depuis 1784 jusqu'à 1787, une somme de quatre millions de francs à des individus qui manquoient de fonds nécessaires pour exécuter de grands travaux. On croit dans le pays que cet argent n*a pas été très - utilement employé ( para habilitar) ; mais sa distribution prouve la générosité et l'opulence de ceux qui sont capables de si grandes largesses. Un lecteur européen sera plus surpris encore , si je consigne ici le fait extraordinaire que la famille respectable des Fagoaga a prêté , il y a peu d'années , sans intérêts , une somme de plus de trois millions et demi de francs à un ami dont ils crurent fonder la fortune d'une manière solide : cette somme énorme a été irrévoca- blement perdue dans l'entreprise manquée d'une nouvelle exploitation métallique. Les travaux d'architecture qui s'exécutent à la capitale de Mexico pour l'embellissement de

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CHAPITKE VII. 3l

la ville, sont si dispendieux que, malgré le bas prix de la main-d'œuvre, le superbe édifice que le Tribunal dd minvria fait cons- truire pour l'Ecole des mines , coûtera au moins trois millions de francs, dont près des deux tiers ont été assignés dès qu'on a commencé à jeter les l'ondemens. Pour accé- lérer la construction, surtout pour faire jouir bientôt les élèves d'un laboratoire propre à faire des expériences métalliques sur l'amal- gamation de grandes masses de minerais ( beneficio de patio ) , le corps des mineurs mexicains avoit assigné par mois, dans la seule année de i8o3, la somme de cinquante mille francs. Telle est la facilité avec laquelle de vastes projets peuvent s'exécuter dans un pays les richesses appartiennent à un petit nombre d'individus.

Cette inégalité de fortune est plus frappante encore parmi le clergé, dont une partie gémit dans la dernière misère, tandis que certains membres ont des rentes qui surpassent les revenus de plusieurs souverains de l'Alle- magne. Le clergé mexicain, moins nombreux qu'on ne le croit en Europe, n'est composé que de dix mille personnes , dont près de la

'1 '

32 LIVRE II,

moillé sont des ré«^iilicrs qui jiorlent le froc. En y comprenant les i'rcres luis ou servans , les sœurs converses ( Icgos , donadosj criados de los coiwevtos) , tous ceux qui ne sont point destinés aux ordres sacrés , on peut évaluer le clergé à treize ou quatorze mille individus'.

* LeuorabrcdcsmoiuesdcSl. François, en Espagne, monte à i5,6oo : il csl plus grand quiî le nombre de tous les ccclésiasliques du ro^ uuuie du Mexique. Dans la péninsule , le clergé embrasse plus de 2148,000 indi- vidus. 11 y a, sur 1000 bubilans, 20 ccclésiasliques, tandis que dans la Nouvelle-Espagne on n'en compte pas deux. Voici le tableau détaillé du clergé dans quelques intendances , d'après le dénombrement fait en 1793 :

Ecclésiastiques non réguliers ou clerigos. Dans l'intendance de la Puebla , 667

Valladolid , agS

Guanaxuato , 225

Oaxaca, 3j6

Dans la ville de Mexico, 55o

Ecclésiastiques réguliers . Dans l'iatendanc» de la Putbla , 881

Valladolid, 298

Guanaxualo, 197

Oaxaca, 342

Dans la ville de Mexico, i646

En comprenant dans le dénombrement les donados

snt le froc. servans , ^'J' criados sont point Il évaluer idividus'.

n Espagne, nombre de que. Dans 3,000 intli- ilasliques , în compte ergé dans îment fait

CHAPITRE VII.

33

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Or, le revenu annuel de huit évéques mexi- cains dont nou.n présentons le tableau suivant monte à la somme totale de 2,696,000 francs'

Rentes de rarchevèque de Mexico, l'ûvéque de la Puchia , - Valladolid,

> , ; Ouadalaxara,

Durango , Monterey , Yucatan, . . Oaxaca ,

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t'évêque de la Sonora, le moins riche de tous, ne perçoit pas le revenu des dîmes- t-omme celui de Panama, il est payé immé- diaten.ent par le roi (de caxas reaies) ses rentes ne font que la vingtième partie de cellesdel evêquede Yalladolid de Mechoacan et ce qu, est vraiment affligeant dans le dio- me d un archevêque dont le revenu annuel ".onte à 65o,ooo francs, il y a des curés de Villages indiens qui n'ont pas cinq à sî^ cents francs par an! L'évê<iue et les chanoine, de

oufrères,e,.va„s,le.,couvensdel,capiulecomi;o„e« plus de aSoo individus.

5

>\ I

34 LIVRE II,

Vallaçjolid ont envoyé successivement au roi , comme dons gratuits, surtout pendant la der- nière g-uerre contre la France , une somme de 810,000 francs. Les biens- fonds du clergé mexicîun {/jffrws raices) ne' monXent pas à 12 ou i5 millions de francs; mais ce même clergé possède d'immenses richesses en capi- taux hypothéqués sur les propriétés des particuliers. Le total de ces capitaux (capitales de capellanias j obvas pi'aSy fondas dotales dei comutiidades religiosas ) , dont nous don- nerons' le détail dans la suite ^ monte à la sonvne.de 44 millions, et demi de piastres fortQç,!, ou 353,625,000 francs \ Cortez, dè^

* J'ai suivi 1*."^ données contenues tlaiis la Represen- tacioit de Ion ve'cinos de T'^alladolid at Exceltenlissimâ Schor V'irey '^^"îi iUle du 24 octdBre 1 8o5 ) , mémoire manuscH't 1 4s-^récieu\. Jecônipte^ clans le obtirS diJ cet ôuviiagCyli^ piastre forte en raison de 5 livres 5 sous: sa \a.l<\u,ï':iR'Tl'*?f^"^^ Ç^* il^ 5i)\^''<es S-, sous tournois. Il m: faut d'ailljeups paacon fondre le^pe-w, <|ui s'appelle aussi pezo sencillo ou piastre de commerce , el fini es» une ïrionnoie fictive , avec \ai pia.stre forte d'Améri:iae^ (in'duro , 'àxi p>zo dura. La piastre forte à io rèâux de vellon, ou mo quartes , ou G80 warauedia , tandis que le /ïfesd ^c'wèliWo , f|iii Vtiut 3'-liv. i5 sous, nV que i5 rcaux de vollon, ou 5io maràvedis.

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lent au roi , Jant la der- î somme de du clergé tent pas à s ce même es en capi- ►riétés des i {capitales les totales nous don- onte à la le piastres ortez , des

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'yellentissimô > ) , mémoire '* le cotirS diaf ivres 5 sous r us tournois. luisSppelîe e, el qui es»

i'Ainèriiiae^

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'fl^/'6\, tandis

ns,nV que

CHAPITRE VII.

35

les premiers temps de la conquête, crai-nit la grande opulence du clergé dans un pays ou la discipline ecclésiastique est difficile à maintenir. Il dit très - naïvement, dans une lettre à rempereur Charles -Onint, ce qu'il « supplie sa majesté d'envoyer aux Indes des « religieux, et non des chaiwitws , parce « que les derniers déploient un luxe effréné , « laissent de grandes richesses àleursenPans « naturels , et donnent du scanda.^e aux Indiens « récemment converlis. » Ce conseil, dicté par la franchise d'un vieux mihtaire, ne fut pas suivi à Madrid. Nous avons transcrit ce passage curieux d'un ouvrage qui a été publié, il 7 a quelques années, par un cardinal ' : il ne nous appartient pas d'accuser le conque- ra it de la Nouvelle-Espagne de prédilection pour les réguliers ou d'animosité envers les chanoines !

Le bruif qui s'est répandu en Europe, de la grandeur de ces richesses mexicaines ,V a causé des idées très-exagérées sur l'abondance d'or et d'argent que l'on voit employé dans la Nouvelle-Espagne, en vaisselle, en meubles,

'L'archevêque Lorcnzana.

il'

36 LIVRE II ,

cri halfeiiestle cuisine, en harnois. Un voya- geur dont l'imagination a été montée par ces contes de ciels, de serrures et de gonds d'argent massif, sera bien surpris, à son arrivée à Mexico , en n'y voyant pas plus de métaux précieux employés à l'usage de la vie domes- tique qu'en Espagne , en Portugal et dans d'autres parties de l'Europe australe; il sera tout au plus iV'appé de voir au Mexique , au Pérou ou à Santa-Fe , des gens du peuBle qui ont les pieds nus garnis d'énorii i ^ . rons d'argent, ou d'y trouver les gobelets et les plats d'argent un peu plus communs qu'en France et en Angleterre. La surprise du voyageur cessera , s'il se souvient que la porcelaine est très-rare en ces régions nou- vellement civilisées ; que la nature des chemins de montagnes en rend le tra'^.sport extrême- ment difficile, et que, dans un pays le, commerce est peu actif, il est assez indifféren de posséder quelques centaines de piastres en espèces ou en meubles d'argent. D'ailleurs ,

richesses

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malgré l'énorme dilTérence qu'offrent le Pérou et le Mexique, en con- sidérant isolément les fortunes des grands propriétaires, je serois tenté de ciboire cp: J

CHAPITRE VU.

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y a eu plus de vraie aisance à Lima qu'à Mexico : 1 inégalité des fortunes est beaucoup moindre dans ^a première de ces deux capi- tales. S'il est très-rare , comme nous l'avons observé plus haut, d'y trouver des particuliers qui jouissent de 5o à 6o,ooo lïancs de rentes , on y trouve, en échange, un grand nombre d'artisans mulâtres et de Nègres affranchis, qui , par leur industrie, se procurent bien au delà du nécessaire. Parmi cette classe, des capitaux de lo à 1 5,000 piastres sont assez communs, tandis que les rues de Mexico fourr.iillent de vingt à trente mille malheureux {sara gâtes , guachinangos), dont la plupart passent la nuit à la belle étoile, et s'étendent le jour au soleil , le corps tout nu , enveloppé dans une couver- ture de flanelle. Cette lie du peuple, Indiens et métis , présente beaucoup d'analogie avec les lazaronis de Naples. Paresseux, insou- cians , sobres comme eux , les guachinangos n'ont cependant aucune férocité dans le carac- tère ; ils ne demandent jamais l'aumône : s'ils travaillent un ou deux jours par semaine , ils gagnent ce qu'il leur faut pour acheter du pulque , ou de ces canards qui couvrent les lagunes mexicaines, et que l'on rôtit dans

if

Si

38

LIVRE II

leur propre graisse. La fortune des saragales dépasse rarement deux ou trois réaux , tandis que le peuple de Lima, plus adonné au luxe etau plaisir, peul-étre même plus industrieux, dépense souvent deux à trois piastres en un seul jour. On diroit que partout le mélange de l'Européen et du Nègre produit une race d'hommes plus active, plus assidue au tra- vail, que le mélange du blanc avec l'Indien mexicain.

Le royaume de la Nouvelle-Espagne est , de toutes les colonies des Européens sous la zone lorride, celle dans laquelle il y a le moins de Nègres : on peut presque dire qu'il n'y a point d'esclaves. On parcourt toute la ville de Mexico sans trouver un visage noir : le service d'aucune maison ne s't' fait avec des esclaves. Sous ce point de vue surtout , le Mexique offre un contraste bien grand avec la Havane , avec Lima et Caraccas. D'après des renseignemens exacts pris par des per- sonnes employées au dénombrement fait en 1795 , il paroît que dans toute la Nouvelle- Espagne il n'y a pas six mille Nègres, et tout au plus neuf à dix mille esclaves , dont le plus grand nombre habite les ports

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CHAPITRE VII. Sq

d'Acapulco et de Vera-Cruz, ou la rcoion

chaude voisine des cotes {ticrms calicntes)\

Les esclaves sont quatre fois plus nombreux

dans la capitania générale de Garaccas , qui

pourtant n'a pas la sixième ])arlie des habitans

du Mexique. Les Nègres de la Jamaïque sont

à ceux de la Nouvelle-Espagne dans le rapport

de 200: 1. Aux Mes Antilles, au Pérou, et

même à Garaccas , les progrès de j'agriculture

et de l'industrie en général, dépendent, dans

l'état actuel des choses, de l'augmentation des

Nègres. Dans l'île de Guba, par exemple,

l'exportation annuelle du sucre est montée ,

en douze ans, de 4oo,ooo quintaux à 1 ,000,000,

on a introduit, depuis 1792 jusqu'en i8o5,

près de 53,ooo esclaves '. Au Mexique, au

contraire, l'accroissement de la prospérité

coloniale n'est aucunement à une traite de

Nègres devenue plus active. Il y a vingt ans

que l'on ne connoissoit presque pas en Europe

du sucre mexicain : aujourd'hui la Vera-Cruz

seule en exporte plus de 120,000 quintaux,

» D'après les tableaux de la douane de la Havane , dont je possède la copie, l'introducllon des Kègres fut , depuis 1799 jusqu en i8o3 , de 3f,5oo , desquels meurent sept pour cent par an.

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40 LIVRE II,

et cependant les progrès qu'a faits dans la Nouvelle-Espagne, depuis la révolution de Saint-Domingue, la culture de la canne à sucre n'y ont heureusement pas augmenté d'une manière sensible le nombre des esclaves. Parmi les 74jOOO Nègres que l'Afrique ' fournit annuellement aux régions équinoxiales de l'Amérique et de l'Asie , et qui équivalent , dans les colonies mêmes, à une somme de 111,000,000 de francs, il n'y en a pas une centaine qui aborde sur les côtes du Mexique. D'après les lois , il n'existe point d'Indiens esclaves dans les colonies espagnoles. Cepen- dant, par un abus singulier , deux genres de guerre , très-différens en apparence , donnent lieu à un état qui ressemble beaucoup à celui de l'esclave africain. Les moines missionnaires de l'Amérique méridionale font de temps en temps des incursions dans les pays occupés par de paisibles tribus d'Indiens, que l'on appelle sauvages ( Indios bravos ), parce qu'ils n'ont pas encore appris à faire le signe de la croix comme les Indiens également nus des

* D'après M. Norris , et d'après les renseignemens donnés eu 1787 , au parlement d'Angleterre]^, par les négocians de LiverpooU

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smens tar les

CHAPITRE VII. i\l

Missions ( Indios reducidos ). Dans ces incur- sions nocturnes, dictées par le liinatbme le plus coupable, on se saisit de tout ce que i on peut surprendre, surtout des enfans, des femmes et des vieillards : on sépare sans pitié les enfans de leurs mères , pour éviter qu'ils ne se concertent sur les moyens de s'enfuir. Le moine qui est le chef de cette expédition, distribue les jeunes gens aux Indiens de sa Mission qui ont le plus contribué aux succès des entradas, A l'Orénoque et aux bords du Rio Negro portugais, ces prisonniers portent le nom de poitosj ils sont traités comme des esclaves jusqu'à ce qu'ils soient dans l'âge de se marier. C'est le désir d'avoir des poitos et de les faire travailler pendant huit ou dix ans , qui porte les Indiens des Missions à exciter eux-mêmes les moines à ces incursions : les évêques ont généralement eu la sagesse de les blâmer , comme des moyens de rendre odieux la religion et ses ministres. Au Mexique, les prisonniers faits dans la petite guerre qui est presque continuelle sur les frontières des pwvincias internas^ éprouvent un sort bien plus malheureux que les poitos : ces prison- niers, qui sont généralement de la nation

42 LIVRE II,

indienne des Mecos ou ApacLes, sont traînés à Mexico , ils gémissent dans les cachots d'une maison de force {la corddda)^ L'isole- ment et le désespoir augmentent leur férocité : déportés à la Vera-Cruz et à l'île de Cuba, ils y périssent bientôt comme tout Indien sauvage que l'on transporte du haut plateau central dans les régions les plus basses , et par consé- quent les plus chaudes. On a eu des exemples récens que ces prisonniers mecos , échappés des cachots, ont commis les cruautés les plus atroces dans la campagne voisine. Il seroit bien temps que le gouvernement s'occupât de ces malheureux, dont le nombre est petit, et dont il seroit d'autant plus facile d'améliorer le sort.

Il paroît qu'au commencementdc la conquête, on comptoit au Mexique un grand nombre de ces prisonniers de guerre , que l'on traitoit comme les esclaves du vainqueur. J'ai trouvé à ce sujet un pn- sage très-remarquable dans le testament de Hernan Corlez ', monument

* Testamento que otorgo el Excellenfiiislmo Senor J^on Hernan Cortez,conquifiiadorde la N'uei^'a E.paha hecJio en Sevilla ,elii del mes de octuhre iS^j. l/ori- giaal de cette pièce très-curieuse , dont j'ai fait une

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4

riiAriTRE VII. 43

historique digne d'être arraché à l'oubli. Le grand capitaine, qui, pendant le cours de ses victoires, surtout dans sa conduite perfide envers le nud heureux roi Montezuma 11 , n'avoit pas montré trop de délicatesse ' de conscience , se fit , vers la fin de sa carrière , des scrupules sur la légitimité des titres

é

copie , existe dans les archives clé la maison del Estado (du marquis del Valle ) , située sur la grande place de Mexico : elle n'a jamais été imprimée. J'ai aussi trouvé dans ces archives un mémoire rédigé par Cortez, peu de temps après le siège de Ténochtitlan , et contenant des instructions sur la coi.fection des chemins , sur l'établissement des auberges le long des grandes routes, et sur d'autres objets de police générale.

» Cortez , dans ses lellres datées de la Piica Villa de Vera-Cruz , dépeint à l'empereur Charles-Quint la ville de Ténochtitlan comme s'il parloit des merveilles de la capitale du Durado. Après lui avoir transmis tout ce qu'il a pu apprendre sur la richesse « de ce pui.^sant seigneur Montezuma » , il assure à son sou- verain que , mort ou vivant , le roi mexicain doit tomber entre ses mains. (( CertifLqiu a VuestraAlteza que lo hahria preso à inuerto o suhdito a la real corona de Vue&tra Magestad. » ( Lorenzana , p. Sg. ) Il faut observer que ce projet fut conçu lorsque le général espagnol étoit encore sur les côtes, et n'avoit eu aucune communication avec les aml^assadeurs de Montezuma.

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44 LIVRE II,

auxquels il possédoit d'immenses biens au Mexique : il ordonne à son fils de faire les recherches les plus soignées sur les tributs qu*av oient perçus les grands seigneurs mexi- cains qui avoient été propriétaires de son majorât avant l'arrivée des Espagnols à la Vera-Cruz ; il veut même que la valeur des tributs exigés en son nom, en sus des impôts anciennement usités, soit restituée aux indi- gènes. En parlant des esclaves, dans les trente- neuvième et quarante-unième articles de son testament, Gortez ajoute ces mots mémorables : « Comme il est resté douteux si , en bonne « conscience , un chrétien a pu se servir « comme esclaves des indigènes qui ont été « faits prisonniers de guerre, et comme jusqu'à « ce jour on n'a pu tirer au clair ce point << important , j'ordonne à mon fils Don Martin, « et à ceux de ses descendans qui posséderont « mon majorât et mes fief: après lui , de « prendre toutes les informations possibles « sur les droits que l'on peut légitimement » exercer sur les prisonniers. Les naturels « qui , après m'avoir payé des tributs , ont « été forcés à des services personnels , doivent « être dédommagés , si dans la suite il étoit

î biens au ie faire les les tributs eurs mexi- •es de son gnols à la valeur des les impôts aux indi- les trente- îles de son morables : en bonne 1 se servir ui ont été ne jusqu'à ce point >n Martin, sséderont lui , de possibles imement naturels its, ont doivent il étoit

CHAPITRE VII. 45

« décidé qu'on ne puisse pas demander de « corvées. » Ces décisions sur des questions aussi problématiques , de qui devoit-on les attcndje, sinon du pape ou d'un concile? Avouons que trois siècles plus tard , malgré les lumières que répand une civilisation avancée, les riches propriétaires en Amérique ont , même en mourant, la conscience moins ti- morée. De nos jours , ce sont les philosophes , et non les dévots, qui agitent la question, s'il est permis d'avoir des esclaves ! Mais le peu d'étendue que de tout temps a eu l'empire de la philosophie , fait croire qu'il auroil été plus ulilè à l'humanité souffrante que ce genre de scepûcisme se fût co:iservé parmi les croyans.

D'ailleurs, les esclaves , qui heureusement se trouvent en très-petit nombre au Mexique , y sont , comme dans toutes les possessions espagnoles , un peu plus protégés par les lois que les Nègres qui habitent les colonies des autres nations européennes. Ces lois sont toujours interprétées en faveur de la liberté. Le gouvernement désire voir augmenter le nombre des affranchis. Un esclave qui, par son industrie, s'est procuré quelque argent,

1 1

i

4G LÎNUK H,

peut forcer son maître (Je ralFrauchir , en lui payantla somme modique tie i5ooou 2oooliv. La liherlé ne sa';roit èlre refusée au Nè^^c , sons prclexle qi'il a conU' le triple en l'aclie- lant^ ou (ju'il possède nn talent particulier pour exercer un métier lucratif. Un esclave qui a été cruellement maltraité , acquiert par même son alTrancliissement d'après la loi, si toutefois le ju^e end)rasse la cause de l'opprimé. On conçoit que cette loi bienfai- sante doit cire bien souvent éludée. J'ai vu cependant à Mexico même, au mois de juillet i8o5 , l'exemple de deux Négresses «à qui le magistrat qui fait les fondions Icalde do carte , donna la liberté, parce que leur maî- tresse, une dame native des îles, les avoit couvertes de blessures faites avec des ciseaux , des épingles et des canifs. Dans le cours de ce procès affreux , la dame fut accusée d'avoir, au moyen d'une clef, cassé les dents à ses esclaves, lorsque celles-ci se plaignoient d'une fluxion aux gencives qui lesempêchoit de tra- vailler. Les matrones romaines n'étoient pas plus raffinées dans leurs vengeances. La bar- barie est la même dans tous les siècles, lorsque les hommes peuvent laisser un libre cours à

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ichir , en lui »ou 2oooliv. au Nè;^''re , le en l'aclic- parlioiilier Un esclave cquierl par près la loi, I cause (Je loi bien (ai- ée. J'ai vu is de juillet •es à qui le le aide de : leur lîiaî- les avoit s ciseaux , cours de e d'avoir, pnts à ses ent d'une >it de tra- oient pas La bar- , lorsque ! cours à

i

cHAi'inu: VII. 1 7

leurs ])assions , et ((ne les gouverneniens tolèrent un ordre de choses contraire au\ luis de la nature , et par conséquent au bien-elre de la société.

jNous venons de faire l'énuniéralion des difleienles races d'honunes qui constituent aujourd'hui la population de la Nouvelle- Espagne. En jetant les yeux sur les tableaux physiques contenus dans l'Atlas mexicain , on voit (pje la majeure partie d'une nation de six millions d'iiabitans peut t-tre considérée comme un peuple montagnard. Sur le plateau d'Anahuac , dontl'élévîition surpasse au moins deux fois la hauteur des gros nuages ((ui eri été sont suspendus au dessus de nos tètes, se trouvent réunis des hommes à teint cuivré, veims de la partie nord-ouest de l'Amérique septentrionale , des Euro[)éens et quchjucs Nègres des côtes de Bonny, de Galabar et de Melimbo. En considérant que ce que nous appelons aujourd'hui Espagnols , est un mé- lange d'Alains et d'autres hordes tartares rivec les Visigothset les anciens habitans de l'Ibérie; en se rappelant l'analogie frappante c]ui existe entre la plupart des l^ingues européennes, le samskrit et le persan ; en réfléchissant, enlîn ,

"A I

ri^

48 LIVRE II,

sur l'origine asiatique des tribus nomades qui ont pénétré au Mexique depuis le septième siècle , on est tenté de croire sortie d'un même centre, mais par des chemins diamétralement opposés , une partie de ces peuples qui , long-temps errans, après avoir fait, pour ainsi dire , le tour du globe , se ren^'ontrcnt de nouveau sur le dos des Cordillères mexi- caines.

' : Pour achever le tableau des élémens qui composent la population mexicaine , il nous reste à indiquer rapidement la différence des cnstes qui naissent du mélange des races pures les unes avec les autres. Ces castes con tituent une masse presque aussi considérable que les indigènes du Mexique. On peut évaluer le total des individus à sang mêlé à près de 2,400,000. Par un raffinement de vanité, les habitans des colonies ont enrichi leur langue, en désignant les nuances les plus fines des couleurs qui naissent de la dégénéralion de la Couleur priiTjitive. Il sera d'autant plus utile de faiie connoître ces dénominations

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* Sobre el cliina de Lima^ por el Doctor Unahite\ p. 48, ouvrage ittiprimé a; Pérou même , l'année iSofr.

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CliAPITUE VIL l^g

que plusieurs voyiigcurs les ont confondues, et que cette confusion cause de l'embarras à la lecture des ouvrages espagnols qui traitent des possessions américaines.

Le fils d'un blanc ( créole ou Européen ) et d'une indigène à teint cuivré est appelé métis on iiiestizo. Sa couleur est presque d'un blanc parfaJI;; sa peau est d'une transparence par- ticulière. Le peu de barbe , la petitesse des ïnains et des pieds ,et une certaine obliquité des yeux, annoncent plus souvent le mélange de sang indien que la eature des cheveux. àSi une métisse épouse un blanc, la seconde génération qui en résulte ne diffère presque ])lus de la jace européenne. Très - peu de Nègies ayant été introduits dans la Nouvelle- Espagne , les métis composent vraisembla- blement les I de la totalité des castes. Ils sont généralement repu tés d'un caractère beaucoup plus doux que les mulâtres ( niulattos ) , fils de blancs et de Négresses , qui se distinguent par la violence de leurs péîssions, et par une singulière volubilité de langue. Les descendans <]e Nègres et d'Indiennes poitent à Mexico, a Lima, et même à la Havane, le nom bizarre <le Chitio , Chinois, Sur la cote de Caraccas , II. 4

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5o

LIVRE II

et, comme il paroîtpar les lois, à la Nouvelle- Espagne même , on les appelle aussi zambos. Aujourd'hui , cette dernière dénomination est principalement restreinte aux descendans d'un Nègre et d'une mulâtresse^, ou d'un Nègre et d'une china. On distingue de ces zambos communs, les zambos prietos y qui naissent d'un Nègre et d'une zamba. Du mélange d'un blanc avec une mulâtresse , provient la caste des quarterons. Lorsqu'une quarteronne épouse un Européen ou un créole, son fils porte le nom de quinteron. Une nouvelle alliance avec la race blanche fait tellement perdre le reste de couleur , que l'en.rant d'un blanc et d'une quinteronne est blanc aussi. Les castes de sang indien ou africain conservent l'odeur qui esj; propre à la transpiration cu- tanée de ces deux races primitives. Les Indiens péruviens qui , au milieu de la nuit , distinguent les différentes races par la finesse de leur odorat , ont formé trois mots pour l'odeur de l'Européen , de l'indigène américain et du Nègre : ils appellent la première pezuna , la seconde posco ', et la troisième grajo, D'ail-

* Mot ancien de la langue qquicliua.

^uuBawaMA

laNouvelle- issi zamùos, nomination descendans d'un Nègre ^es zambos ui naissent Jlange d'un îiit la caste larteronne e, son fils ! nouvelle

tellement ^-^ant d'un anc aussi, onservent ation eu- îs Indiens stinguent

de leur 3deur de n et du zuna^ la o. D'ail-

CHAPITRE VII.

5l

leurs, les mélanges dans lesquels la couleur des enfans devient plus foncée que n'étoit celle de leur mère , s'appellent salta-atras ^ ou sauts en arrière.

Dans un pays gouverné par les blancs , les familles qui sont censées être mêlées avec le moins de sang nègre ou mulâtre, sont natu- rellement aussi les plus honorées. En Espagne, c'est pour ainsi dire un titre de noblesse de ne descendre ni de Juifs , ni de Maures. En Amérique, la peau plus ou moins blanche décide du rang qu'occupe l'homme dans la société. Un blanc qui monte pieds nus à cheval s'imagine appartenir à la noblesse du pays. La couleur établit même une certaine égalité Cl Ire des hommes qui, comme partout la civilisation est ou p avancée ou dans un mouvement rétrograde, se plaisent à raffiner sur les prérogatives de race et d'ori^-iae. Lorsqu'un homme du peuple se dispute avec un des seigneurs titrés du pays , on entend souvent dire au premier : « Seroit-il possible « que vous crussiez être plus blanc que moi ? » Ce mot caractérise très-bien l'état et la ^ arce de l'arislocratie actuelle. Il y a , par consé- quent , un grand intérêt de vanité et de

52

i.ïViiE i;

considération publique à évalu'^p au juste les fractions de sang européen que l'on doit assigner aux différentes castes. D'après les principes sanctionnés parï'usage, on a adopte les proportions suivantes :

Castes. Mélange du sang.

Quarterons, j nègre | blanc. Quinterons, ^ nègre ^ blanc. Zambos , ^ nègre j blanc.

Zambos prietos, ~ nègre \ bhaic.

Il arrive souvent que des familles qui sont soupçonnées d'être de sang mclc, demandent y la haute-cour de justice {V Audiencia) qu'on les déclare appartenir aux blancs. Ces décla- rations ne sont pas toujours conformes au jugement desseï :. On voit des mulâtres très- basanés qui ont eu l'adresse de se faire blanclùr (c'est l'expression banale du peuple). Quand la couleur de la peau est trop contraire au jugement qui est sollicité , le pétitionnaire se contente d'une expression un peu probléma- tique. La sentence dit alors simplement « que « tels ou tels individus peuvent se considérer « eux-mêmes coinme blancs ( cjne se tengan « por hlancos ). »>

Cil API TUE Vil.

au juste Jes ' i on doit C^'cJprès les jn a adopté

sang. >Ianc. flanc. Jan<:. >Ianc.

'S qui sont emandent ifi) qu'on ^es dccla- Jrnies au très ti'cs- hlancliir ). Quand traire au maire se obléma- it a que isidérer tengan

•■:1i

Il seroil très- in le ressaut de pouvoir dis- cuter à fond l'influence de la diversité des castes sur le rapport des sexes entr'eux. J'ai vu , parle dénombrement fait en 1790 , que dans la ville de la Puebla et à Valladolid, il y a parmi les Indiens plus d'iiojimies que de lémmes , tandis crue parmi les Espagnols ou dans la race des blancs on y trouve plus de femmes que d'hommes. Les intendances de Guanaxuato et d'Oaxac.j présentent, dans les castes , le même excédant d'honnncs. Je n'ai pu me procurer assez de matériaux pour résoudre le problème de la diversité des sexes selon la différence des races , selon la cha- leur du climat ou la hauteur des régions que l'homme habite : nous nous bornerons, par conséquent, à offrir des résultats gé- néraux.

En France , on a trouvé , par un dénom- brement partiel ftiit avec le plus grand soiu , que sur 991,829 âmes, les femmes vivantes sont aux hommes dans le rapport de 9 à S. M. Peuchet ' paroît s'arrêter à la proportion de 54 : 55. Il est certain qu'en France il

» Statistique élcmcnlaire de la Frauce, p. 242>

54 LIVRE II,

existe plus de femmes que d'hommes, et , ce qui est très-remarquable , qu'il naît plus de garçons dans les campagnes et dans le midi que dans les villes et les départemens qui sont compris entre le 47'"' et le Sa.""" degré de latitude. - '

Dans la Nouvelle-Espagne , au contraire , ces calculs d'arithmétique politique donnent un résultat tout-à-fait opposé. Les hommes y sont , en général , plus nombreux que les femmes , comme le prouve le tableau suivant que j'ai dressé, et qui embrasse huit pro- vinces ou une population de i, 3 5 2,000 ha- bitans.

s, et, ce

plus de

le midi

lens qui

"" degré

«traire , lonnent lommes que les suivant it pro- )0 ha-

CHAPlTRE VII.

DIVERSITE DES RACES.

luXNAXUAïO...

IV'ALLAnOtlD DE

Mkchoacan

Oaxaca

DURANGO. . . . SONORA . . . . CiNALOA

\uEVo Mexico] Californie. ..,

Espag.'* 01' Blancs. Indiens ou ind

gcues. . . . Castes mêlées Espagnols. . diens. . . . astes mêlées Espagnols. . Indiens. . . . Castes mêlées

!' Es In Ca

Dans ces cinq pro- vinces, on a compté l'ensemblede toutes les races.

Total.

proportion

des

hommes

aux Femmes.

9'

95

99

97

9* 98

99

99 95

98

87 98

94 «7

moyeTine ooinmr

100 à 95

> On pourroit supposer que l'excéilant des raâles , dans le nord du Mexique, devoit être attribué en partie à l'existence des postes militaires , appelés/7re- sidios , et dans lesquels ne vivent pas de femmes^ Mais nous verrons dans la suite que ces presidios tous ensemble ne contiennent pas au delà de trois mille hommes.

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56

LIVRE II

II suit de mes oalciiJs, comparés à ceux faits au luinislère de l'inlérieur à Paris, c]ue les Ijoniîiu s sont aux femmes , dans la popu- lation générale de la Nouvellc-Esjxigne , dans la proportion de loo : gS ; dans l'empire francois , dans la proportion de lOO : lOO. Ces nombres paroissent indiquer le\éiilabie état des choses ; car on ne conçoit pas pour- quoi, dans le dénombrement fait par ordre du compte de Revillagii^cdo , les femmes mexicaines auroienl eu plus d'il 'érèl de se soustraire que les hommes. Ce b> :pcon est d'autant moins ])robable, que le Uiéme dé- nombrement ofl're, dans les grandes villes, un rapport des sexes tout à fait différent de celui qui existe dans les campagnes.

C'est l'aspect de ce grandes villes qui vrai- semblablement a i.-it naître la fausse idée généralement répar ^ue dans les colonies, que dans les climats chauds , et, par conséquent, dans toutes les basses ré<^ions de la zone torride, naissent plus de filles que de garçons. Le peu de registres des paroisses que j'ai pu examiner, donnent un résultat absolument contraire. A la capitale de Mexico , il y a eu en cinq ans, depuis 1797 jusqu'en 1802 ;

cil A PII m; VII.

irts à ceux ^^ns, cjue lis Ja popii- ''gi»e , dans s l'empire 1 00 ; j 00. e \ élit jLie pi^s pour- par orche ■'> Te ru nies l'èl de se ;pcon est ièaie du- es villes , forent de

qni vrai- sse idée lies, que écjuent, ïa zone garçons.

j'"i pu lu ment

J a eu )2 :

Dans les paroisses du Sagrario . . . de Santa-Gruz.

Nui'iaiK et mAlt.v.

Ojoo

127D

•^7

'•«iM.inrr, remcll>:,î.

56o3 1167

A Panuco et à Yguala', deux endroits situes dans un climat ardent et très-malsyin, sur neuf années consécutives, i\ n'y en eut pas une seule dans laquelle l'excédant ne fût du coté des naissances maies. En général, le

rapportdecesdernièresauxnaissancesfemelles nie paroît , dans la Nouvelle-Espagne , comme 100 : 97 ; ce qui indique un ejccédant de maies' un peu plus grand qu'en France, sur 100

I 1 1 >

garçons il naît 9G filles.

Quant au rapport des décès selon la dif- férence des sexes , il jn'a été impossible d'y reconnoîlie la loi établie par la nature. A Panuco, il mourut, en dix ans, 479 hommes sur 609 femmes. A Mexico, il y eut en cinq ans, dans une seule i)arGisse, celle du Sa^n-ario. 59^ décès de femmes sur 1901 d'hommes.

} >.' I '

A Panuco, les registres de la paroisse donnent', depuis 1793 jusqu'en 1802 , sur 6/4 naissances mâles, 55o naissances femelles. A Yguala , on comploit

17.38 garçons sur i635 filles.

Il

58

LIVRE II

D'après ces données , peu nombreuses il est vrai , l'excédant des hommes vivans devroit être plus grand encore que nous ne l'avons trouvé. Mais il paroît qu'en d'autres contrées, les décès d'hommes sont plus l'réquens que les décès de femmes. A Yguala et à Calimaya, les premiers furent aux derniers , en dix ans, comme 1204^1191, et comme i33o à 1272. M. de Pomelles a déjà observé qu'en France même , la différence des sexes est bien plus sensible dans les naissances que dans les décès : il y naît ~ de mâles de plus que de femelles , et l'état paisible du campagnard n'offre que 7^ de plus de décès masculins que de décès fémi- nins. Il résulte de l'enscjnble de ces données , qu'en Europe , ainsi que dans les régions équinoxiales qui jouissent d'une longue tran- quillité , on trouveroit un excédant d'hommes, si la marine , les guerres et les travaux ian- gereux auxquels notre sexe z^ livre , ne tendoient sans cesse à en diininuer le nombre. La population des grandes villes n'est pas stable , et ne se conserve pas par elle-même dans un état d'équilibre par rapport à la différence de sexes. Les femmes des cam- pagnes entrent dans les villes pour le service

CHAPITRE Vil.

%

uses il est » devroit e l'avons contrées, aens que laJimaja, dix ans, à 1272. i France ien plus !s décès : îmelles , eque^ es fémi- 3nnées , réjtjâons e Iran- )mnies, X Jan-

e

ne

3nibre. est pas -même t à la cam- ervice

des maisons qui manquent d'esclaves ; un grand nombre d'homrnes en sortent pour parcourir le pays comme muletiers ( arrieros ) , ou pour se fixer dans les endroits existent des ex- ploitations métalliques considérables. Quelle que soit la cause de cette disproportion des sexes dans les villes, il n'en est pas moins certain qu'elle a lieu. Le tableau suivant , qui n'embrasse que trois villes , offre un contraste frappant avec le tableau que nous avons donné I de la population générale de huit provinces mexicaines :

6o

IIVRK H

(

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KOMS DB3 VILLES.

DIVERSITE DKS RACES.

Mexico.

M 1'

QUERETARO.

Valladoud.

Ëiirupéens '

Espagnols uu créo- les blancs

[ndieus ou iudi- gèiies

Mulâtres

Autres castes ou sang mélc

Ë.spaguols

Indiens

castes mêlées

Espagnols. ......

Mulâtres

Indiens

Total

HOMMES,

2,1X8

2i,33«

11,2.52

2/j5d

7,852 2,207 5,394 4,639 2,207 1,445

2,410

05,789

FEMMBS.

_L

l'KUfORTlO.N

des

homraes

aux Teinmcs

217

29,053

14,371 4,i56

11,525 2,929 6,190 5,49w

2,929 1,924

2 276

81 ,020

100 : lu

100 : i36

100 100

100

JCO

100 100 100 100

100

128 i4o ,

»47 i33

n5

118 i53 i33

95

144,809

1110. enne roniiiu'i

100 ;"i 127 j

Aux Etats-Unis de l'Amérique septentrio- nale, les dénombremens qui embrassent toute la population indiquent, comme en Europe et au Mexique, un excédant d'hommes vivans.

* Cette disproportion apparente provient du petit nombre de femmes espagnoles qui quillent l'Europe pour se fixer au Mexique.

1

11

IMSS,

217

>,o53

l'Uui'OHTIO.N

des

iiumnies

aux femmes

100 ; 10 100 : i56

,371 100 : 12S ,i56 100 : i4o

,525 '929

49» I 929

100

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100

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100 : 100 ; 100 :

147 i53 Ji5 118

i33 95

lou à 127

ptentrio- ent toute 1 Europe 3s vivaus.

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CHAPITRE VU.

C

t du pellt ope

l'Eui.

M.

Cet excédant est très-inégal dans un pays l'émigration des blancs , l'introduction de beaucoup d'esclaves niales et le commerce mariliine tendent sans cesse à troubler l'ordre prescrit par la nalure. Dans les états de Vcnnont ', de Kentucky et de la Caroline du Sud , il y a piesque ~ plus de mâles que de lenicllcs, tandis qu'en Pensylvanie et dans l'état de Nev\-Yorck, cette disproportion ne monte pas à un 7 .

Lorsque le royaume de la Nouvelle-Es- pagne jouira d'une administration qui favorise les connoissances , l'arithmétique politique pourra y fournir des données infiniment im- ])ortantcs, et pour la statistique en général, et pour riiistoire physique de l'homme en j)arliculier. Que de problèmes» à résoudre dans un pays montagneux qui offre, sous une même latitude^ les climats les plus variés, des liitbitans de trois ou quatre races primitives, et le mélange de ces races dans toutes les combinaisons imaginables ! Que de recher- ches à faire sur l'âge de la puberté, sur la fécondité de l'espèce , sur la différence

' Samuel Blodget , p. 7»').

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62

LIVRE II

des sexes ,. et sur la longévité , qui est plus ou moiis grande selon l'élévation et la température des lieux , selon la variété des races , selon l'époque à laquelle les colons ont été transplantés dans telle ou telle région; enfin selon la différence de nourriture dans des provinces , sur un espace étroit , croissent à la fois le bananier, le jatropha, le riz, le maïs , le froment et la pomme de terre !

Il n'est point donné à un voyageur de se livrer à ces recherches , qui exigent beaucoup de temps , l'intervention de l'autorité suprême^ et le concours d'un grand nombre de per- sonnes intéressées à atteindre le mémo but. Il suffît ici d'avoir indiqué ce qui reste à faire, lorsque le gouvernement voudra profiter de la position heureuse dans laquelle la nature a placé ce pays extraordinaire.

Le travail fait en 1790 sur la population de la capitale présente des résultats qui mé- ritent d'être consignés à la fin de ce chapitre. On a distingué dans cette partie du dénom- brement, selon la différence des castes, les individus au-dessous et au-dessus de cinquante ans; on a trouvé que cette époque a été dépassée :

CHAPITRE VII. 63

Par 41:28 Blancs créoles , sur une population totale

de 5o,3j 1 individus de méoie race.

Par 559 Mulâtres. . . 7,094 Par 1789 Indiens. . . . 25,6o3 Par 1278 sang mêlé. . 19,357

De sorte qu'il est parvenu au delà de cia- quanle ans :

Sur 100 Blancs créoles (Espagnols) 8

Indiens 6 *

Mulâtres 7

individus d'autres castes mêlées . . 6

Ces calculs , en confirmant l'admirable uniformité qui règne dans toutes les lois de la nature , paroissent indiquer que la longé- vité est un peu plus grande dans les races mieux nourries, et dans lesquelles l'époque de la puberté est plus tardive. Sur 2335 Eu- ropéens qui existoient à Mexico en 1793, il n'y en avoit pas moins de 4^2 qui avoient atteint l'âge de cinquanlie ans ; ce qui ne prouve guère que les américains aient trois fois moins de probabilité de vieillir que les Européens , car ces derniers ne passent géné- ralement aux Indes qu'à un âge mûr.

Après l'examen de l'état ph vsique et moral

li

m

Lîvrn- II

II

des dilTérenles castes qui composent la popu- lation mexicaine , le lecteur désirera sans doute voir aborder la cpeslion , quelle est Tinfluence de ce mélange de races sur le bien-être général de la société ? quel est le degré de jouissance et de bonheur individuel que , dans l'état actuel du pays , l'homnie cultivé peut se procurer au milieu de ce conflit d'intérêts, de préjugés et de ressentiniens?

iNous ne parlons point ici des avantages qu'offrent les colonies espagnoles , par la richesse de leurs productions naturelles^ par la fertilité de leur sol , par la facilité qu'y trouve l'homme , de pouvoir choisir à son gré , et le thermomètre à la main , sur un espace de quelques lieues carrées , la tempé- rature ou le climat qu'il croit le plus favorable à son âge , à sa constitution physique ou au genre de culture auquel il veut s'adonner. jNous ne retraçons point le tableau de ces pays délicieux situés à mi-côte, dans la région des chênes et des sapins, entre looo et i4oo mètres de hauteur, règne un printemps perpétuel , les fruits les plus délicieux des Indes se cultivent auprès de ceux de l'Europe, et ces jouissances ne sont tioublées ni par

CHAPITRE VII.

65

la

par

i4oo

ope, par

la multitude des insectes , ni par la crainte de la fièvre jaune ( vomito ) , ni par la fréquence des tremblemens de terre. Il ne s'agit point ici de discuter si , hors des tropiques , il existe une région dans laquelle l'homme , avec moins de travail , puisse subvenir plus largement aux besoins d'une famille nom- breuse. La prospérité physique du colon ne modifie pas seule son existence intellectuelle el morale.

Lorsqu'un Européen , qui a joui de tout ce qu'offre d'attrayant la vie sociale des pays les plus avancés dans la civilisation , se trans- porte dans ces régions lointaines du nouveau continent, il gémità chaque pas de l'influence que , depuis des siècles , le gouvernement colonial a exercée sur le moral des habitans. L'homme instruit, qui ne s'intéresse qu'aU développement intellectuel de l'espèce , y souffre peut-être moins que l'homme doué d'une grande sensibilité : le premier se met en rapport avec la métropole ; Jes communi- cations maritimes lui procurent des livres , des instruniCns; il voit avec ravissement les progrès que l'étude des sciences exactes a lails dans ICvS grandes villes de l'Amérique

ÏT. 6

66

Livi.i: ir

espagnole ; la contemplation d'une nature grande , merveilleuse , variée dans ses pro- ductions, dédommage son esprit des privations auxquelles sa position le condamne : le second ne trouve la vie agréable dans les colonies espagnoles qu'en se repliant sur lui - même. C'est que l'isolement et la solitude lui pa- roissent surtout désirables, s'il veut profiter paisiblement des avantages que préscnlenl la beauté de ces climats , l'aspect d'une verdure toujours fraîche, et le calme politique du Nouveau-Monde. En énonçant ces idées avec franchise , je n'accuse pas le caractère moral des habitans da Mexique ou du Pérou ; je ne dis pas que le peuple de Lima soit moins bon que celui de Cadix ; j'inclinerois plutôt à croire ce que beaucoup d'autres voyageurs ont observé avant mpi, que les Américains sont doués par la nature d'une aménité et d*une douceur de mœurs qui tendent à la molesse , comme l'énergie de quelques nations européennes dégénère facilement en dureté. Ce manque de sociabihté, qui est général dans les possessions espagnoles , ces haines qui divisent les castes les plus voisines, et dont les effets répandent de l'amertume dans la

i ■•

CHAPITRE VU. 67

^ ie des colons , sont uniquement dûs aux principes de politique qui , depuis le seizième siècle , ont gouverné ces régions. Un gouver- nement éclairé sur les vrais intérêts de Thu- manité , pourra propager les lumières et l'instruction; il réussira à augmenter le bien- être physique des colons , en faisant peu à peu disparoitre cette inégalité monstrueuse des droits et des fortunes : mais il trouvera d'immenses difficultés à vaincre lorsqu'il voudra rendre les habitans sociables, et leur apprendre à se regarder mutuellement comme concitoyens.

N'oublions pas qu'aux Etats-Unis, la société s'est formée d'une manière bien différente qu'au Mexique et dans les autres régions continentales des colonies espagnoles. En pénétrant dans les monts AUéghanys , les Européens ont trouvé des forets immenses dans lesquelles erroient quelques tribus de peuples chasseurs que rien n'attachoit à un sol non défriché. A l'approche des nouveaux colons , les indigènes se retirèrent peu à peu dans les savanes occidentales qui avoisinent le Mississipi et le Missoury : ainsi des hommes libres, d'une même race, de la même origine,

5*

68 LIVRE II,

devinrent les premiers élémens d'un peuple naissant. « Dans l'Amérique septentrionale , « dit un homme d'état célèbre , un voyageur « qui part d'une ville principale l'état « social est perfectionné, traverse successi- »c vement tous les degrés de civilisation et « d'industrie, qui vont toujours en s'afFoi- « blissant jusqu'à ce qu'il arrive , en très-peu « de jours ^ à la cabane informe et grossière « construite de troncs d'arbres nouvellement « abattus. Un tel voyage est une sorte d'ana- « lyse pratique de l'origine des peuples et « des états. On part de l'ensemble le plus « composé pour arriver aux données les plus « simples; on voyage en arrière dans l'histoire « des progrès de l'esprit humain; on retrouve " dans l'espace ce qui n'est du qu'à la suc- M cession du temps'. »

Dans la Nouvelle-Espagne et au Pérou , si l'on en excepte les Missions, les colons ne sont nulle part rentrés dans l'état de nature. Se fixant au milieu de peuples agricoles, qui vivoient eux-mêmes sous des gouvernemens

* M. de Talloyraiwl, dans son Essai sur les colonies nouvelles.

lonies

CHAPITRE VII. Dl)

aussi compliqués que despotiques, les Euro-- péens ont profité des avantages que leur ofFroient la prépondérance de leur civilisation, leur astuce et Tautorité que leur donnoit la conquête. Cette situation particulière,, et le mélange de races dont les intérêts sont dia- métralement opposés, devinrent une source intarissable de haine et de désunion. A mesure que les descendans des Européens furent plus nombreux que ceux que la métropole envova directement, la race blanche se divisa en deux partis , dont les liens du sang ne peuvent calmer les ressentimens. Le gouvernement colonial, par une fausse politique , crut pro- fiter de ces dissensions. Plus les colonies sont grandes, et plus l'administration prend un caractère de méfiance. D'après des idées que malheureusement on a suivies depuis des siècles, ces régions lointaines sont considérées comme tributaires de TEurope : on y distribue l'autorité , non point de la manière que l'in- térêt public l'exige, mais ainsi que le dicte la crainte de voir augmenter trop rapidement la prospérité des habitans. Cherchant la sécu- rité dans les dissensions civiles y dans la balance du pouvoir et dans une complication de tous

70 LIVRE n, CHAPITRE VII.

les ressorts de la grande machine politique , la métropole travaille sans cesse à nourrir Tesprit de parti et à augmenter la haine que se portent mutuellement les castes et les autorités constituées. De cet état de choses nait une aigreur qui trouble les jouissances de la vie sociale.

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LIVRE III.

Statistique particulière des Inten- fiances qui composent le royaume de la Nouvelle - Espagne, Leur étendue territoriale et leur popu- lation.

CHAPITRE VIII.

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. I ) ! •■' •■

De la dmsion politique du territoire mexicain ^ et du rapport de la population des Inlen^ dances a leur étendue territoriale, Filles principales.

^VAMT de présenter le tableau qui contient la statistique particulière des intendances de la Nouvelle -Espagne, nous discuterons les principes sur lesquels se fondent les nouvelles divisions territoriales. Ces divisions sont en- tièrement inconnuas aux géographes les plus

72 LIVRE m,

modernes , et nous répétons ici ce que nous avons déjà indique plus haut dans Tlntroiluc- tion de cet ouvrage, que notre carte générale, publiée dans l'Atlas mexicain , est la seule qui ofFre les lirtiitesdes intendances établies depuis l'année 177O.

M. Pinkerton , dans la seconde édition de sa Géographie moderne ' , a essayé de donner

' On anncyiicc en ce moment '( Riljliolbéqiie amé- ricaine ; i8q8 , n.** 9) qiic M. Piukerlon assure s'tirc servi de mes tuanuscrits pour son travail sur le Mexique. J'ai communiqué , avec la franchise naturelle à mon caractère, plusieurs rotes manuscrites à M. Bourgoing, à M. Alexandre Laborde, et à quelques autres savans également respectables: je n'en ai jamais communiqué à M. Pinkerton ; et la manière avec laquelle il m'avoit traité dans sa Géographie ^ avant mon retour en Eu- rope , ne devoit pas, sans doute, m'engager à des relations avec lui. Compilateur aussi inexact qu'auda- cieux , M. Pinkerton , dans le style qui lui est propre , trouve « ridicule, dégoûtant et absurde » tout ce qui est contraire aux idées qu'il s'est formées dans son cabinet. Ignorant que la carte de La Cruz est dressée sur celle du père Caulin , il ne permet pas d'autres cours aux rivières que ceux qu'il trouve indiqués par le premier. Il pousse le scepticisme si loin, que, d'après lui, l'auteur du Voyage à la Terre-Ferme, M. Depons, ignore jusqu'au nom du pays dans lequel il a séjourné

ue nous trocluc- nérale, ;ule qui i depuis

lion de donner

ue a mè- re s'êlre 1 toxique. e ù uion Lirgoiiig, s savans luniqué m'avoit eu Eu- c à das u'auda- )ropre , ce qui ms son dressée 'autres *és par d'après 'epons, journé

CHAPITRE Vlll. 7.3

une description détaillée des possessions espa- gnoles dans l'Amérique du nord ; il y a mêlé plusieurs notions exactes tirées du Viajvro inmersaly à des données vagues que lui a fournies le dictionnaire de M. Alcedo. L'au- teur, qui se croit sing-idiorenicnt instruit sur les vraies divisions territoriales de la Nouvelle- Espagne , considère les provinces de Sonora , de Cinaloa et de la Pimeria comme parties de la Nouvelle - Biscaye. Il divise ce qu'il appelle le domaine de Mexico , dans les districts de Nueva Galicia, de Panuco , de Zacatula , etc. , etc. D'après le même prin- cipe , on diroit que les grandes divisions de l'Europe sont FEspagne, le Languedoc, la Catalogne , les arrondissemens de Cadix et de Bordeaux.

Avant que la nouvelle administration fût introduite par le comte Don José de Galvez, ministre des Indes , la Nouvelle-Espagne em- brassoit, i.^'le Reyno de Mexico; 2.** le Rejno de Nueva Galicia ; 3.** le Nuevo Reyno de

quatre ans. Les notes surtout qui accompagnent la nouvelle édition de la Géographie de M. Pinkerton, contribuent à répandre les idées les plus fausses sur la physique et l'histoire naturelle descriptive.

74 LIVRE m ,

Léon ; 4*" la Colonia del Nnevo Santander ; 5.*» la Provincia de Tnxas; G.<* la Provincia de Cohahiiila ; 7." la Provincia de NuevaBiscaya; 8.^ la Provincia de la Sonora; 9.' la Provincia de Nuevo Mexico , et 10." Ambas Californias ^ ou les Provincias de la Vieja y JNuevaCali- fornia. Ces anciennes divisions sont encore Irès-iisitées dans le pays. La même limite qui sépare la Nueva Galicia du Reyno de Mexico, auquel appartient une partie de l'ancien royaume de Mechoacan , est aussi la ligne de démarcation entre la jurisdiction des deux audiences de Mexico et de Guadalaxara. Cette ligne , que je n*ai pas pu tracer sur ma carte générale , ne suit cependant pas exactement les contours des nouvelles intendances : elle commence sur les côtes du golfe du Mexique , dix lieues au nord de la rivière de Panuco et de la ville d'Altamira , près de Bara Ciega , et traverse l'intendance de S. Luis Potosi jus- qu'aux mines de Potosi et de Bernalejo ; de longeant l'extrémité méridionale de l'inten- dance de Zacatecas et la limite occidentale de l'intendance de Guanaxuato , elle se dirige à travers l'intendance de Guadalaxara , entre Zapotlan et Sayula, entre Ayotitan et la ville

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CHAPITRE VIII. -JJ

fie la Purification, surGuatlan, un des ports de l'Océan Pacifique. Tout ce qui est au nord de cette ligne appartient à l'audience de Guadalaxara ; tout ce qui est au sud à l'au- dience de Mexico.

Dans son état actuel, la Nouvelie-Espafj^ne est divisée en douze intendances , auxquelles il faut ajouter trois autres districts, très-éloignés delà capitale, qui ont conservé la simple déno- mination de provinces. Ces quinze divisions sont : , ,

H

L SOUS LA ZONE TEMPÉRÉE.

82,000 1. carrées, avec 677,000 âmes ou 8 habitans par lieue carrée.

A. Région du Nord^ région intérieure.

1. Provincia de Nuevo Mexico, le long

du Rio del Norte, au nord du parallèle de 3i degrés.

2. Intendencia de Nueva Biscaya, au

sud^ouèst du Rio del Norte , sur ! le plateau central qui s'abaisse rapidement depuis Durango vers Chihuahud.

i6

LIVRE III

?

B. Région du Nord- Ouest ^ voisine du Grand-Océan.

3. Provincia de la Nue VI California,

ou côte nord-ouest de l'Amérique septentrionale, occupée par les Es- pagnols.

4. Provincia de la Antigua Cali-

fornia. Son extrémité méridionale entre déjà dans la zone torride.

5. Intendencia de la Sonora. La partie

la plus australe de Cinaloa , dans laquelle sont situées les mines cé- lèbres de Copala et du Rosario , d-^passe aussi le tropique du Cancer.

C Région du Nord-Est j voisine du golfe du Mexique.

6. Intendencia de San Luis Potosi.

Elle comprend les pro"\dnccs de Texas, la Colohia de Nuevo San- tander et Cohahuila, le Nuevo Reyno de Léon , et les districts de Gharcas , Altamiia, de Catorce et Raiiios. Ces demie .s districts co'uposent l'inten- dancc de Sun Luis profjrenieut dite.

vi

CHAPIÏUK VIII.

77

La partie australe , celle qui s'étend au sud de la Barra de Santander et du Real de Gatorce, appartient à la zone torride.

IL SOUS LA ZONE TORRIDE.

36,000 1. carrées, avec 5, 160,000 AniPs ou i4i habitans par lieue carrée.

D. Région centrale,

7. Intendencia de Zacateoas, excepté la partie qui s'étend au nord dc^ mines de Fresnillo.

8. InTEM)ENC1A de GUADALAXAÏIA.

9. Inteadencia de Guanaxuato.

10. intendencia de Valladolid.

11. Intendencia de Mexico.

12. Intendencia de la Puebla. 10, Intendencia de la Vera-Gruz.

E. Région du Sud-Est.

1/4. Intendencia de Oaxaca. i5. Intendencia de Merida.

Los divisions qu'oflVe ce tableau se fondent sur l'état physique du pays, .^ious voyons que pi'ès des sept huiticines des habitans vivent sous iazoïîo ton ide. La population est d'autant

8

LIVRE III

plus clair-seniée que l'on avance vers Duranoo et Chihuahua. Sous ce rapport, la Nouvelle- Espagne présente une analogie frappante avec rindoustan, qui confine aussi au nord à des 1 égions presque incultes et inhabitées. Parmi quatre raillions qui occupent la partie équi- jioxiale du Mexique, il y en a quatre cinquièmes qui habitent le dos de la Cordillère , ou des plateaux dont Télévation au-dessus du niveau de rOcéan égale la hauteur du passage du Mont-Cenis.

La Nouvelle-Espagne , en considérant ses provinces d'après leurs relations commerciales ou d'après la situation des côtes auxquelles elles touchent immédiatement, se divise en trois régions.

I. PROVINCES DE L'INTÉRIEUR, qui

ne s'étendent pas jusqu'aux cotes de l'Océan :

1. NuEvo Mexico. 2m Nueva Biscaya.

3. Zacatecas.

4. Cuanaxuato.

'urano'o mvelle- ite avec i à des Parmi î équi- uièmes 3u des niveau ge du

mt ses relaies [uelles

ise en

y qui es de

CHAPITRE VIII.

19

IL PROVINCES MARITIMES de la côte orientale y opposée à l'Europe :

5. San Luis Potosi.

6. Vera-Cruz.

7. Merida ou Yucatan.

III. PROVINCES MARITIMES de la côte occidentale y opposée à l'Asie :

8. Nouvelle Californie.

9. Ancienne Californie. 10. S0N0RA.

ii. guadalaxara. 12. Valladolid. i3. Mexico.

l/j. PUEBLA.

i5. Oaxaca.

Ces divisions seront un jOur d'un grand intérêt politique, quand la culture du Mexique sera moins concentrée sur le plateau central ou sur le dos de la Cordillère , et quand les côtes commenceront à se peupler. Les pro- vinces maritimes occidentales enverront leurs vaisseaux à Noutka , à la Chine et aux grandes Indes. Les îles de Sandwich , habitées par un peuple féroce , indu>itrieux et entrepre--

8o LIVRE III,

nant, paroissent plutôt destinées à recevoir des colons mexicains, queues colons euro- péens : elles oftrent une échelle importante aux nations qui se livrent au commerce d'en- trepôt dans le grand Océan. Les habitans de la JNouvelle-Espagne et du Pérou n'ont pas pu profiter jusqu'ici des avantages de leur position sur une côte opposée à l'Asie et à la Nouvelle-Hollande : ils ne connoissent pas même les productions des îles de la mer Pacifique. L'ari>re à pain et la canne à sucre d'Otalieiti, ce roseau précieux dont la culture a eu l'influence la plus heureuse sur le com- merce des Antilles , au lieu des îles les plus voisines, leur parviendront un jour de la Jamaïque, de la Havane et de Caracas. Que d'efforts n'ont pas l'ait depuis dix ans les états confédérés de l'Amérique septentrionale, pour s'ouvrir un chemin vers les côtes occidentales, vers ces mêmes côtes sur lesquelles les Mexi- cains ont les ports les plus beaux , mais sans vie et sans commerce!

D'après l'ancienne division du pays, le Reyno de Nuc^a G aile la a voit plus de qua- torze mille lieues carrées et près d'un million d'habitans; il embrassoit les intendances de

il

CHAPIXI'.E VUI.

8i

sans

le

Zacateccis et de Guadalaxara' , ainsi qu'une petite partie de celle de San Luis Potosi. Les régions désignées aujourd'hui sous la dénomi- nation des s^pt intendances de Guanaxuato, Valladolid ou Mechoacan, Mexico, Puebla , Yera-Cruz, Oaxaca et Merida, formoient, avec une petite portion de l'intendance de San LuisPolosi', le Rcjno de Mexico vivo^veaiQïit dit. Ce royaume avoit par conséquent plus de 27,000 lieues carrées, et près de quatre mil- lions et demi d'habitans. .

Une autre division de la Nouvelle-Espagne, également ancienne et njoins v:\^ue, c^t celle qui distint^je la Nouvelle -Espagne yropre- ment dite , des provincics internas. A ces dernières appartient , à Tex^eption des deux Californies, tout ce qui est au nord et au nord-ouest du royaume de iNJueva GalicJa; par conséquent , 1.*^* le petit royaume de Léon; 2.'' la colonie du Nouveau-Santander; 3.<^ Texas; 4«° la Nouvelle-Biscaye ; 5 •> Sonora;

* A l'exception de la ban»i<^ la plus australe, dans laquelle se trouvent le vulcau de Colima et le village d'Ayolilan.

' La partie ^ plus méridionale , qui est traversée par la rivière de Panuco.

II. 6

Il

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8a

LIVRf:: III

6/' Coliahuila, et 7.» le Nuevo Mexico. On ilislingue Xesproviiicias internas delVircjnato, qui comprennent 7814 lieues carrées , des provincias internas de la comandancia ( de Cliihuahua ) , érigées en capitania gênerai Tannée 1779. Ces dernières ont 59,075 lieues carrées. Des douze intendances nouvelles, il V eu a trois situées dans les provinces internes, celles de Durango , Sonora et San LuisPotosi. Il ne faut cependant pas oublier que l'inten- dant de San Luis n'est directement soumis au vice-roi que pour Léon , Santander et les districts qui sont voisins de sa résidence , ceux de Charcas , de Catorce et d'Altamira. Les gouvernemens de Gohaliuila et de Texas font aussi partie de l'intendance de San Luis Potosi ; mais ils appartiennent directement à la coman- dancia gênerai de Ghiliuahua. Les tableaux suivans pourront jeter quelque jour sur ces divisions territoriales assez compliquées. Il en résulte que l'on divise toute la Nouvelle- Espagne, en

A. Provincias su je tas al Virey de Nueva EspaTia; 59,100 lieues carrées , avec 5,477,900 âmes : . . .

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ico. On rcjnato, ?es , des 'cia (de gênerai •5 lieues elles, il n ternes, sPotosi. l'inlen- soumis er et les e , ceux ra. Les Las font Potosi ; coman- bleaux sur ces ees. Il jvelle-

ISlueva avec

il

CHAPITRE VIII.

83

les dix intendances de Mexico , Puebla,

Vera-Gruz, Oaxaca, Merida, Valladolid, Guadalaxara, Zacatecas , Guanaxuatoet San Luis Potosi ( sans y comprendre Cohahuila et Texas); les deux Californies.

B. PvoK>incias su jetas al comandante gênerai cloprovincias internas s 69,575 lieues car- rées, avec 559,200 habitans :

les deux intendances de Durangoet Sonora;

'a province de Nuevo Mexico ;

Gohaluila et Texas.

TouLe la Nouvelle -Espagne, 118,478 lieues carrées, avec 5,857,100 habitans.

Ces tableaux offrent la surface des provinces calculée en l'oues carrées de 25 au degré, d'après la carte générale contenue dans mon Atlas m exicain . Les premie rs calculs a voient été faits à Mexico mêiiie, à la fin de l'année i8o3 , par M. Oteyza et par moi. Mes travaux géo- graphiques a) ant atteint, depuis cette époque, un peu plus de perfection, M. Oltmanns a })ien voulu se charger de recalculer toutes les su riaces territoriales : il a exécuté ce travail avec la précision qui caractéri

qui

G

84 , Livr.E iir,

ce qu'il entreprend, ayant formé des carrés iflonl les côtés n'avoient que trois minutes en arc.

La population indiquée dans mes tableaux est celle que l'on peut supposer avoir existé l'année i8o3. J'ai développé plus haut, dans le quatrième chapitre (p. 02 15 et 3/fi), les principes sur lesquels se fondent les change- mens ffiits dans les nombres obtenus par le dénombrement de 1 793. Je n'ignore pas que des géographes modernes n'admettent que deux à trois millions d'habitans pour le Mexique. On s'est plu de tout temps à exa- gérer la population de l'Asie , et à rabaisser celle des possessions espagnoles en Amérique: on oublie que sous un beau climat et sur un sol fertile, la population fait des progrès rapides , même dans les pays les moins bien administrés : on oublie que des hommes épars sur un terrain immense , souffrent moins des imperfections de l'état social, que lorsque la population est très-concentrée, f.

L'on est incertain sur les limites que l'on doit assigner à la Nouvelle-Espagne , au nord et à l'est : il ne suffit pas qu'un pays ait été parcouru par un moine missionnaire , ou

'1

CHAPITRE Vm.

85

es carres minutes

tableaux ir existé ut, dans il), les change- s par le pas que 3nt que pour le

à exa-

abaisser

érique:

sur un progrès ns bien s épars )ins des sque la

le l'on u nord ait été , ou

qu'une côte ait été vue par un vaisseau de la marine royale, pour les considérer comme appartenant aux colonies espagnoles de l'Amé- rique. Le cardinal Lorenzana a fait imprimer à Mexico même , l'année 1770, que la Nou- velle-Espagne, par Févêché de Durango, confinoit peut-être avec la Tartarie et le Grœnland ' I On est aujourd'hui trop instruit en géographie pour se livrer à des suppositions si extravagantes. Un vice-roi du Mexique a fait visiter , depuis San Blas , les colonies amé: ricaines des Russes sur la péninsule d'/Vlaska- L'attention du gouvernement mexicain a été pendant long-temps fixée sur la côte nord- ouest, surtout lors de l'établissement à No utk a, que la cour de Madrid s'est vue forcée d'aban- donner pour éviter une guerre avec 1 Angle-r terre. Les habitans des Etats - Unis poussent leur civilisation vers le Missoury : ils tendent à s'approcher des côtes du gi^and Océan, auxquelles le commerce des fourrures les

^ u Y aun si ignora si la Nueva Espaîia por lo (c mas remoto de la diocèses de Durango confina con « la Tarfaria y Groelandia , per las Californias con « la Tartaria y por elle Nilcvo Mexico con la Groi - « landia. » Lorenzana , p. 38.

86

LIVRE m

appelle. Uépoque approche , par les progrès rapides de la culture humaine , les limiles de la Nouvelle-Espagne toucheront à celles de l'empire russe et de la grande confédération des républiques américaines. Dans l'état actuel des choses , le gouverne- ment mexicain ne s'étend , sur les côtes occi- dentales , que jusqu'à la Mission do S. François, au sud du cap Mcndocin; et au Nouveau- Mexique, jusqu'au village de Taos. A l'est, vers l'état de la Louisiane , les limites de l'intendance de S. Luis Potosi sont peu déter- minées : le congrès de Washington tend à les restreindre jusqu'à la rive droite du Rio Bravo del Norte; tandis que les Espagnols comprennent, sous la dénomination de pro- vince de Texas, les savanes qui s'éi- 'idcnt jusqu'au Rio Mexicano ou Mermentas, a l'est du Rio Sabina.

Le tableau suivant offre la surface et la population des plus grandes associations poli- tiques de l'Europe et de l'Asie : il fournira des comparaisons curieuses avec l'état actuel du Mexique.

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CHAPITRE YIII.

87

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'sie et en Afi «lue

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25,53o,ooo

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La monarchie autrii lienne.. . .

55,258

25,588,000

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1

i.^ France, d'apr^-sM. Peuchet.

02,000

,55,000,000

100)4

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fc-jpagne, d'après M. Laborde.

25, 147

10,409,000

4i5

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^ D'à: J s la hfiïc carte d Arrovysmilh , Maj) of India, i8oJt. ( J««riial astronomique de MM. Zach 4A Lindenau, i%)7, p. 3Gi.) Le reste des données d'aj.'ï-r.s l'ouvra^; cia.ss'*:ur de M. ILis.sc] , Tahleaa statffiiKifge (J("i Étals de l' Europe, Caliicr I (iScS)^ Cil ulieiuuuiL

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LIVRE iir

Nous voyons par ce tableau , qui peut faire naître des considérations très-curieuses sur la disproportion de la culture européenne , que la Nouvelle-Espagne est presque quatre fois aussi grande que TEmpire français , avec une population qui, jusqu'à ce jour, est sept fois plus petite. Les rapports que présente la comparaison des Etats- Çnis ' tt du Mexique

* L'étendue du terriloire liis llals-Unis est très- difficile à éTaiuer en liiucs carréos , surtout depuis l'acquisition de la Louisiane, dont les limites sont pour ainsi uire incertaioes k l'ouest et au nuid-oncst. Selon M. Hutchins , l'ancien ^Jograj'lio du congrès, à qui l'on doit la beii carte des pays situés au-delà de rOhio, les Etats-Unis < mbrassoicnt , Tannée i7i»5, une surface de 64o millions o 'acrt-s. ou (en décomptant les lacs) de Sbg millions. Or, 64o acn's Tont un square- mile } par conséquent (en renuisant duos la proportion de i44:35) les 589 millions éi acres équivalent à 169,000 lieues carrées de '25 au degré. J'ai suivi , dans l'évaluation du territoire présentée dans le tableau précédent, des notes mai.uscrites qui m'ont été lour- nies par un homme d'état respectable, par M. Gnllaiin, ministre du trésor public à Washington. D'après ces notes, les États-Unis, sans la Louisiane, occupent 900,000 square-miles , ou i56,24o lieues carrées. Ce nombre est d'un neuvième plus petit que celui adopté généralement par les géographes américains j mais

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^%

I

CHAPITRE VIII. 89

sont surtout très-frappans , si Ton regarde la. Louisiane et le territoire occidental comme les provincias internas de la grande confédé- ration des républiques américaines.

J'ai présenté dans ce chapitre l'état de ces provincias internas , tel qu'il étoit loi^que je séjournai au Mexique. Il s'est fait depuis un changement dans le gouvernement mihtaire de ces vastes provinces , dont la surface est presquele double de celle de l'Empire francois. L'année 1807, deux co/?}nndcintes générales ^ les brigadiers Don Nemesio Salcedo et Don Pedro Grimarest, gouvernoient ces régions septentrionales. Voici la division actuelle du

celte différence provient de calculs plus exacts sur la surfiicc des lacs et la position plus orientale du Missis- sipi , déterraince par les observations de M. Ellicot. M. Gallatin croit que Terreur de son évaluation ne peut pas excéder 5o,ooo square-miles. La moitié de ces i56,24o lieues carrées appartient aux indigènes , et ne peut être considérée que comme un pays occupé par des peuples alliés. Je crois qu'en ne comptant que les régions dans lesquelles les blancs ont déjà fait des établissemens, et en excluant celles qui sont ou désertes ou babitées par les Indiens, le territoire des États- Unis, au lieu de a6o,34o, ne devroit être évalué que de 100 à 120^000 lieues carrées.

go LIVRE III,

gobierno militari qui n'est plus entre les seules mains du gouverneur de Chihuahua :

PROVINCIAS INTERNAS DEL REYNO DE NUE VA ESPANA.

A. Provincias internas occidentales :

1. SOTÎORA.

2. DURANGO O NUEVA BiSCAYA.

3. NuEvo Mexico. 4- Californias.

B. Provincias internas orientales :

1. cohahuila.

2. Texas.

3. COLONIA DEL NuEVO SaNTANDER.

4. Nuevo Reyno de Léon.

Les nouveaux comandantes générales des provinces internes, ainsi que l'ancien, sont considérés comme chefs de l'administration des finances dans les deux intendances de Sonoraet de Durango, dans la province de Nuevo Mexico , et dans cette partie de l'in- tendance de San Luis Potosi , qui comprend Texas et Cohahuila. Quant au petit royaume de Léon et au Nouveau-Santander , ils ne sont soumis au commandant que sous le rapport de la défense militaire.

1

I

CHAPITRE VIII. gi

Analyse statistique du royaume de la Nouvelle-Efpaf^ne.

DIVISIONS TERRITOniALES.

SURFACB

en

de

25 au ilegrë.

POPOLATIOsr

réduite

à l'époque

de i8o3.

MOAIBRE

des

lIABITANs

|iHr lieiiL'cari'ri

,\ 0 y V l'X L li- ES P A G N E. (Étendue de toute la vice- ro)'auté, sans y comprendre le ruyaumc de Guatiinala ). .

118,4-78

5,857,100

A

. PROVINCIAS fNTERNAS.

a. Immédiatement soumises au vice-roi. ( Provincial internas del Vireynato ). .

1, .NuF.vo RiiYNo ne. Léon.

2. NUEVO SAîrt«ANDER

b. Soumises au gouverneur (le Chihuahua. (Provincias internas de la coinandancia gênerai )

1. IntendenciadelaNueva

BlSCAYA O DuRANGO

2. Intend, de la Sojsora. 0. cohahuila

4. I'exas

5. Nuevo Mexico

67,189

7.8i4 2,621 5,193

%,."75

4a3,200

64,000 29,000 38,uou

359,200

i6,«73

159,700

ig,i45

121,400

fi.yoî

i6,goo

10,948

2l,UOO

5,709

4o,20O

B. ^iOUVELLE - ESPAGNE proprement dite > immé- diatement soumise au vice roi, comprenant los Reynos de Alexico , IVlechoacan y Nueva Galicia, et les deux Californies

1. Intendance Mexico.

2. Int. de Puebla

3. Int. de Vbra-Critz. . . .

4. Intendance d'Oaxaca..

5. Jnt. db Merida on Yu- catan

6. Int. de Valladolid. . . . 7' Int. de Guadalaxara.

8. Int. de Zacatecas

9. Int. de Guanaxuato. .

10. Int. de San Luis Potosi (sans compter le Nouveau- Santander , Texas , Coha- huila et le roy. de Léon ). .

11. Vieille Californie (An- tigna California )

12. Nouvelle Californie (Nueva California )

51,289

5,027 2,69' 4,i4i 4,447

5.977 3,446

9,612

2,553

911.

3,557

7.295 a, 125

5,4 13,900

i,5i 1,900

81 5,000

i56,ooo

554,800

465 .800 376,400 65o,5oo i55,!?oo 5i7,5oo

200,000

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8 10

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58

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109

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65 568

98 1

7

f)2 LIVRE III,

Le tableau statistique que nous venons de présenter prouve une grande imperfection dans la division territoriale. Il paroît qu'en confiant à des intendans Tadminislration de la police et des finances , on avoit en vue de diviser le sol mexicain d'après des principes analogues à ceux que le gouvernement François avoit suivis jadis en partageant le royaume en généralités. Dans la Nouvelle-Espagne , chaque intendance comprend plusieurs 5z«^- dclégations : de la même manière , les généra- lités, en France, étoient gouvernées par des siihdélégués , qui exerçoient leurs fonctions sousles ordres de l'intendant. Mais en formant les intendances mexicaines on a eu bien peu égard à l'étendue du territoire ou à l'état de la population plus ou moins concentrée. Aussi cette nouvelle division eut -elle lieu à une époque le ministre des colonies, le conseil des Indes etlesvice-rois étoient dépourvus de tous les matériaux nécessaires pour un travail si important. Et comment saisir le détail de l'administration d'un pays dont on n'a pas tracé la carte , sur lequel on n'a pas même tenté les calculs les plus simples de l'arithmé- tique politique !

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CHAPiTRE viii. 93

En comparant l'étendue de la surface des intendances mexicaines , on en trouve plusieurs qui sont dix , vingt , même trente fois plus grandes que d'autres. L'intendance de San Luis Potosi , par exemple , a plus d'étendue que toute l'Espagne européenne , tandis que l'intendance de Guanaxuato n'excède pas la grandeur de deux ou trois départemens de la France. Voici le tableau exact de la dispro- portion extraordinaire qu'offrent ces inten- dances mexicaines dans leur étendue terri- toriale ; nous les rangeons dans l'ordre de leur grandeur :

Intendance de S. Luis Potosi, 27,821 lieues carrées. Int. de Sonura, 19,1 43. Int. de Durango , ifi^SyS. . * Int. de Guadalaxara , 9,612. Int. de Merida , 6,977. j Int. de Mexico, 6,927. Int. d' Oaxaca , 4,447 . Int. de Vera-Cruz , k,\^\. Int. de Valladolid , 7i,k\'j, ' ' Int. de Piiehla , 2,696.

Int. de Zacatecas , 2,355, ' .' ".'.: *:;.•! ^ < Int.de Guanaxuato, 911.

A l'exception des trois intendances de San Lu^s Potosi, de SonoraetdeDurango, dont

f)4 LIVRE m,

chacune occupe plus de terrain que l'empire réuni de la Grande-Bretagne^ les autres inten- dances ont une surface moyenne de trois ou quatre mille lieues carrées : on peut les com- parer , quant à leur étendue , au roj'aume de ]N aples ou à celui de Bohême. On conçoit que moins un pays est peuplé, et moins son admi- nistration exige de petites divisions. En France, aucun département n'excède l'étendue de 65o lieues carrées : la grandeur moyenne des départemens y est de 5oo. Dans la Russie européenne et au Mexique, au contraire, les g'ouvernemens et les intendances ont une étendue près de dix fois plus considérable.

En France , les chefs des départemens , les préfets, veillent sur lès besoins d'une popu- lation qui excède rarement 4^o,ooo âmes, et qu'en terme moyen on peut évaluer à 5oo,ooo. Les gouvernemens dans lesquels l'empire russe est divisé , ainsi que les inten- dances mexicaines , embrassent , malgré la différence de leur état de civilisation , un plus grand nombre d'habitans. Le tableau suivant fait voir la disproportion qui existe dans la population des divisions territoriales dt; la Nouvelle-Espagne; il commence par

CHAPITRE VIII.

9'

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Intendance de Mexico, 1,5 11,800 habitans. Int. de Puebla, 8i3^3oo.

Int. de Guadalaxara , 63o,5oo. /»/. d*Oaxaca, 534,8oo.

Int. de Gitanaxuato , 5i7,3(X>. Int. de Merida , 465,70o. Int. de F'alladolid , 376,400.

Int. de San Luis Potosi, 334,000.

Int, de Durango , 159,700.

Int. de Vera-Cruz y i56,ooo.

Int. de Zacatecas , i53,3oo.

Int. de Sonora j i2i,4oo.

C'est en comparant le tableau de la popula- tion des douze intendances à celui de l'étendue de leur surface , qu'on est surtout frappé de l'inégalité avec laquelle la population mexi- caine est distribuée , même dans la partie la plus civilisée du royaume. L'intendance de la Puebla , qui , dans le second tableau , occupe une des premières places, se trouve presque à la fin du premier. Cependant, nul principe ne devroit plus guider ceux qui assignent des limites aux divisions territoriales, que le rapport de la population à l'étendue

(jG LIVRE ni,

exprimée en lieues carrées ou en myriamèlres : seulement dans les états qui, comme la France, jouissent du bonheur inappréciable d'avoir une population presque uniformément répan- due sur leur surface, les divisions peuvent être à peu près égales. Un troisième tableau présente l'état de la population que l'on pour- roit appeler l'elative. Pour parvenir aux résul- tais numériques qui indiquent ce rapport entre le nombre des habilans et l'étendue du sol habité , il faut diviser la population absolue par le territoire des intendances. Voici les résultats de ce travail :

Intendance de Guanaxuato, 568 hab. par lieue carrée.. Int. de Puebla, 3oi, ,

Int. de Mexico, 255. '

Int. d'Oaxaca, 120. Int. de Kalladolid , 109.

il"

X' Int. deMerida, 81. ^ '-*

Int. de Guadalaxara, ^Q. , '. Int, de Zacatecas y 65»

Int, de Vera-Cruz, 38. ! ' Int, de San Luis Potosi , 12.

Int. de Durango , 10. Int, de Sonora ^ 6.

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- Ce dernier tableau prouve que, dans les

îamètres : a France, ; d'avoir ".t rcpan-

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CHAPITHE VIII. 9^

intendances la culture du sol a fait le moins de progrès , la population relative est 5o à 90 fois moins grande que dans les ré^^ions ancienncnicnt civilisées et limitrophes de la capitale. Cette différence extraordinaire diins la distribution de la population se re- trouve aussi dans le nord et le nord-est de l'Europe. EnLaponie, on compte à peine ini habitant par lieue carrée, tandis que dans d'autres parties de la Suède , par exemple, en Gothie, il y en a au delà de 2^8. Dans les états soumis au roi de Danemarck, l'île de Sélande a 9/1.4 et l'Islande 11 habitans par lieue carrée. Dans la Russie européenne), les gouvernemens d'Archangel , d'Olonez', de Kalouga et de Moscou , diffèrent tellement, dans le rapport de la population à l'étendue Aw territoire, que les deux premiers de ces gouvernemens ont 6 et 26, les deux derniers 8^2 et 974îi"ies par lieue carrée. Voilà les différences énormes qui indiquent qu.',ime province est 160 fois plus habitée quel'autre. En France, le total de la population donne, par lieue carrée, 1094 habitans, les départemens les plus peuplés , ceux de l'Escaut, du Nord et de la Ljs, présentent II. 7

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C)8 LivRi: m,

une popubtion relative de ôSGq , 278G et 2274. Le département le moins peuplé , celui des Hautes-Alpes, formé d'une partie de l'iuicien Dauphiné, n'a que /171 halntans par lieue carrée. 11 en résulte que les extrêmes sont en France dans le rapport de 8:1, et que l'intendance du Mexique dans laquelle la population est la plus concentrée , celle de Guanaxuato , est à peine plus habitée que le département de la France continentale ' le plus dépeuplé.

...- Je me flatte que les trois tableaux que j'ai dressés sur l'étendue, la population absolue et la population relative des intendances de la Nouvelle-Espagne, prouveront suflisam- ment la grande imperfection de la division territoriale actuelle. Un pays dans lequel la

* On n'a eu égard, <laiis ces coiuparaisons , ni au département du Liamone, formé de la partie méri- dionale de la Corse , et n'ayant que 277 habitans par lieue carrée , ni au département de la Seine. Le der- nier oiTre , en apparence, une population relative de 26,165 iialNlans : il seroit inutile d'exposer les causes qui produisent un ordre de clioses aussi peu naturel dans un déparlement dont lo chef-lieu est la capitale d'un vaste empire.

m A PITRE VIII.

99

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population esf dispersée sur une vaste étendue, cxi«^'e que radniinistration provinciale soit restreinte à des portions de terrain plus petites <jue celles qui forment les intendances mexi- caines. Par-tout la population a été trouvée au-dessous de cent babitans par lieue carrée, l'administration d'une intendance ou un dé- partement ne devroit pas s'étendre sur plus de 100,000 babitans: on pourroit assigner un nombre double ou triple à des régions dans lesquelles la population est plus rapprochée.

C'est de ce rapprochement sans doute que dépendent le degré d'industrie, l'activité du connnerce , par c rséquent , et le nombre des affaires qui doivent fixer l'attention du gou- vernement départemental. Sous ce rapport, la petite intendance de Guanaxuato donne plus d'occupation à un administrateur que les provinces de Texas, de Cohabuila et du Nouveau-iMexique , qui ont six à dix fois plus d'étendue. Mais, d'un autre côté, comment un intendant de San Luis Potosi peut-il jamais espérer de connoître les besoins d'une pro- vince qui a près de 28,000 lieues carrées? Comment peut-il , même en se dévouant avec le zèle le plus patriotique aux devoirs de sa

7

100 LIVRE III,

place, surveiller les suùdé légués , protéger l'Indien contre les vexations qui s'exercent dans les communes?

.. Ce point de l'organisation administrative Ijfe su r oit être discuté avec assez de soin. Un gouvernement régénérateur doit , avant tout , s'occuper à changer les limites actuelles des intendances. Ce changement politique doit être fondé sur la connoissance exacte de l'état physique et agricole des provinces qui constituentle royaume de la Nouvelle-Espagne. La France , sous ce rapport, offre un exemple de perfectionnement digne d'être imité dans le Nouveau - Monde. Les hommes éclairés qui ont formé l'Assemblée constituante, ont prouvé, dès le commencement de leurs tra- vaux , quelle grande importance ils attachoient à une bonne division territoriale. Cette division est bonne lorsqu'elle repose sur des principes que l'on peut considérer comme d'autant plus sages, qu'ils sont plus simples et plus naturels.

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ANALYSE STATISTIQUE

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DU ROYAUME

DE L.l

NOUVELLE - ESPAGNE.

Étendue territoriale : 118,478 lieues carrée*

( 2,339,4.00 myriares ). Population : 6,837,100 habitans,

ou 49 habitans par lieue carrée ( ou 2 7 par myriare). ' i « . ' «

'r

La NOUVELLE-ESPAGNE comprend :

A. Le Mexique proprement dit {^ElRejno de Mexico), Etendue territoriale: 61,280 lieues car- rées (1,01 5,640 mjriares). Population : 5,4i3,9oo habitans, ou io5 habitans par lieue carrée.

,5

B. Las Provincias internas orientales y occidentales» Etendue territoriale : 67,189 lieues car- rées (ou i,384,8 12 myriiires). Population : 423,ooo habitans, ou 6 habitan8 par lieue carrée.

^«l^'W«/%/%<«.'V/«^«/^^^%'V'^%/^.^'%/^%/«/%'«^'%.'W«/^-V

NOUVELLE -ESPAGNE.

I. Intendance de Mexico. ,

Population en 1800: i,5i 1,800.

Étendue de la surface en lieues carrées : 5,927.

Hahitans par lieue carrée : 255.

Cette intendance toute entière est située sous la zone torrîde. Elle s'étend depuis les 16034.' jusqu*aux 2i« 57' de latitude boréale. Elle confine au nord avec l'intendance de San Luis Potosi, à Fouest avec celles de Guanaxuato et de Valladolid, à Test avec celles de Vera-Cruz et de la Puebla. Vers le sud, les eaux de la mer du Sud ou du Grand Océan baignent l'intendance de Mexico sur une longueur de côtes de 82 lieues^ depuis Acapulco jusqu'à Zacatula.

Sa plus grande longueur, depuis ce dernier port jusqu'aux mines du Doctor ', est de

> Les points cxlrêraes sont propre^ient situés, au «uJ-est trAcapulco , près de la bouche tUi Rio Nesp» ,

Io4 ' LIVRE in,

1 36 lieues; sa plus «grande largeur, depuis Zacalula jusqu'aux montagnes situées à l'est de Chilpanzingo , est de 92 lieues. Dans sa partie boréale, du côlé des mines célèbres de Zimapan et du Doctor , une bande étroite sépare l'intendance de Mexico du golfe du Mexique ; près de Mextitlan , cette bande n'a que 9 lieues de large.

Plus des deux tiers de l'intendance de Mexico sont un pajs montagneux, dans lequel il y a d'immenses plateaux éievés de 2000 à 2000 mètres au-dessus du niveau de l'Océan, et offrant , depuis Chalco à Queretaro , des plaines presque non interrompues de 60 lieues de long et de 8 à 10 de large : dans la partie voisine de la côte occidentale, le climat est brûlant et peu salutaire. Une seule cime , le Nevado de Toluca , située dans un

et au nord du Real del Doctor , près de la ville de Vallès , qui appartient déjà à l'intendance de San Luis Potosi. Des endroits remarquables étant rarement situés sur les confins mêmes , on a préféré de nommer ceux qui eu sont les plus voisins. Un coup d'œil jeté sur ma carte générale de la Nouvelle-Esipagne servira à justifier ce mode d'indiquer les limites des inten- dances.

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CITAPITRE VIII.

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plateau fertile qui a 2700 mètres de hauteur, entre dans la limite inférieure des neiges per- pétuelles. Cependantle sommet porphyritique de cet ancien volcan, dont la forme ressemble beaucoup à celle du Pichincha, près de Quito, et qui paroît avoir été jadis extrêmement élevé, se dépouille aussi de neige dans les mois pluvieux cîe septembre et d'octobre. L'élévation du Pico del Fraile ou de la plus haute cime du Nevado de Toluca, est de 4620 mètres ( 2370 toises). Aucune montagne de cette intendance n'égale le Mont-Blanc en hauteur.

La vallée de Mexico ou de Ténochtitlan , dont je publie une carte très - détaillée , est située au centre de la Cordillère d'Anahu;ic , sur le dos des montagnes porphyriliques et d'amjgdaloide basaltique qui se prolongent du sud-sud-est au nord-nord-ouest. Cette vallée est d'une forme ovale. D'après mes observations et celles d'un minéralogiste distingué , M. Don Luis Martin , elle a, depuis IVn.bouchure du Rio Tenango, dans le lac de Chalco, jusqu'au pied du Gerro de Sin- eoque, près du Desague Real de Huehuetoca , 18 Y lieues delongueur, etdepuis S. Gabriel,

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io6

LIVRE III

près de la petite ville de Tezcuco , jusqu'aux sources du Rio de Escapusalco , près de Guis- quiluca, 12 ^ lieues de largeur '. L'étendue territoriale de la vallée est de 2/|4 7 lieues carrées , dont les lacs n'occupent que 2 2 lieues carrées; ce qui n'est pas tout-à-fait un dixième de toute la surface.

La circonférence delà vallée, en la comptant sur la crête des montagnes qui l'entourent comme un mur circulaire, est de 67 lieues. Cette crête est la plus élevée au sud , surtout au sud-est , les deux grands volcans de la Puebla , le Popocatepell et l'Iztaccihuatl , bordent la vallée. Un des chemins qui mènent de la vallée de Ténocbtitlan à celle de Cholula et de la Puebla , passe entre les deux volcans mêmes , par Tlamanalco , Ameca , la Gumbre et laCruzdelCoreo. C'est par ce même chemin

* Les cartes de la vallée de Mexico que l'on a publiées jusqu'ici sont si fausses , que sur celle de M. Mascaro , répétée annuellement dans l'almanach de Mexico , les dislances marquées ci-dessus sont de 25 et 17 au lieu de 18 et 12 lieues. C'est sans doute d'après celte carte que rarcheyêque Lorenzana donne à toute la vallée une circonférence de plus de 90 lieues , tandis qu'elle en a presque un tiers de moins.

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CHAPITRE VIII.

107

sqn aux le Guis- étendue 7 lieues ! 2 lieues dixième

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publiées

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qu'a passé le petit corps d'armée de Cortcz , lors de sa première invasion.

Six grandes routes traversent la Cordillère qui borne la vallée, et dont la hauteur moyenne est de 3ooo mètres au-dessus du niveau de rOcéan : i.® la route d'Acapulco , qui va à Guchilaque et Cuervaracca par la haute cime appelée la Gruz del Marques ' ; 2.^ la roule deToluca, par TianguilloetLerma, chaussée magnifique , que je n'ai pu assez admirer , construite avec beaucoup d'art , en partie sur des arches ; 3.<* la route de Queretaro , Guanaxuato et Durango, el camino de tic rr a adentroy qui passe par Guautillan, Huehuetoca et le Puerto de Reyes , près de Bâta , par des collines à peine élevées de quatre - vingts mètres au-dessus du pavé de la grande place

* C'étoit une position militaire au commencement de la conquête. Lorsque les habitans de la Nourellc- Espagne prononcent le mot de marquis sans ajouter un nom de famille, ils sous-entendent le nom de Hcrnan Cortez , marques de el Vallc de Oaxaca. De même , l'expression el almirante désigne , dans rAmérique espagnole , Christophe Colomb. Cette manière naïve de s'énoncer prouve le respect et l'admiration qui se sont conservés pour la mémoire de ces grands hommes.

io8

LIVRE III

(le Mexico ; 4-" la roule de Pacliuca , qui se diriîje aux mines célèbres de Real del Monte , parle Cerro Ventoso, couvert de chênes, de ojprës , et de rosiers presque constamment fleuris; 5." l'ancien clvemin de la Puebla, par S. Bonaventura et les Llanos de Apan ; enfin , 6.^ le nouveau chemin de la Puebla , par Rio Frio etTesmelucos, au sud-est du Cerro del Telapon , dont la distance à Sierra Nevada , ainsi que celle de la Sierra Nevada ( Flztac- cihuatl ) au grand volcan ( le Popocatepell ) ont servi de bases aux opérations trigonomé- triques de MM. Velasquez et Constanzo.

Accoutumés depuis long-temps à entendre parler de la capitale de Mexico comme d'une ville bâtie au milieu d'un lac, et qui ne tient au continent que par des digues , ceux qui jettentles yeux sur mon Allas mexicain seront surpris sans doute de voir que le centre de la ville actuelle est éloigné du lac de Tezcuco de 4>^oo mètres , du lac de Chalco de plus de 9,000 mètres. Ils seront portés ou à douter de Texactitude des descriptions données dans l'histoire des découvertes du Nouveau-Monde, ou bien ils croiront que la capitale du Mexique n'est pas bâtie sur le même sol que l'ancienne

4

:a , qui se û Monte , bénes, de stamment lebla, par m ; enfin , , par Rio Cerro del Nevada, ( rizlac- catepell ) igonomé- tanzo. entendre me d'une i ne tient ceux qui in seront ;entre de Tezcuco ' de plus à douter lées dans -Monde, Mexique mcienne

CHAPITRE VIII. 109

résidence de Montezuma '. Mais ce n'est cer- tainement pas la ville qui a changé de place; la cathédrale de Mexico occupe exactement le même endroit se trouvoit le temple de Huitzilopochtli ; la rue actuelle deTacul'u est l'ancienne rue deTlacopan, par laquelle Cortez fit sa fameuse retraite, le i.^^ juillet de l'année 1620, dans la nuit mélancolique , que l'on désigne par le noîïi de noche triste : la différence de situation qu'indiquent les cartes anciennes avec celle que je publie , provient uniquement de la diminution d'eau qu'a soufferte le lac de Tezcuco.

Il sera utile de rappeler ici le passage d'une lettre que Gortcz adressa ' à l'empereur Charles - Quint , en date du 3o octobre de l'année 1620 , et dans laquelle il traça le tableau de la vallée de Mexico : ce passage^ écrit avec une grande simplicité de stjle,

» Le vrai nom mexicain de ce roi est Moteuczorna. On distingue dans la généalogie des sultans aztèques deux, rois de ce nom, dont le premier s'appelle Huehua Moteiiczoma ; le second, qui mourut prisonnier de Cortçz , Moteuczoma Xooojotzin. Les adject,ii's placés devant et après le noiu propre , signifient aine ul cadet.

^ Lorejizana , p. 101. ^. - *

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I 10

LIVRE m

expose en même temps la police qui rcgnoit dans l'ancien Ténochlillan. « La province « dans laquelle est située la résidence de ce « grand seigneur Muteczuma , dit Gortez , « est circulairenient entourée de montagnes « élevées et entrecoupées de précipices. «< La plaine contient près de 70 lieues de « circonlérence , et dans cette plaine se « trouvent deux lacs qui remplissent presque « toute la vallée , car à plus de 5o lieues « d'alentourles habitans naviguent en canots. » ( Il faut observer que le général ne parle que de deux lacs, parce qu'il ne connoissoitqu'inv parfaitement ceux de Zumpango et Xaltocan , entre lesquels il passa à la liate dans sa fuite de Mexico à Tlascala , avant la bataille d'Otumba. ) « Des deux grands lacs de la •< vallée de Mexico l'un est d'ean douce et « l'autre d'eau salée. Ils sont séparés l'un de « l'autre par une petite rangée de montagnes « ( les collines coniques et isolées près d'Izta- «f palapan ) ; ces montagnes s'élèvent au milieu « de la plaine , et les eaux du lac se mêlent « ensemble dans un détroit qui existe entre « les collines et la haute Cordillère ( sans •t doute la pente orientale du Cerro de

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CHAPITRE VIII.

111

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Santa-Fc.) Les villes et les villages nombreux construits dans l'ini et l'autre des deux lacs l'ont leur commerce par des canots, sans passer par la terre ferme. La grande ville de Témixtitan ' ( Ténochtitlan ) est fondée au milieu du lac salé , qui a ses marées comme la mer ; depuis la ville jusqu'à la terre ferme il y a deux lieues, de quelque côté qu'on veuille y entrer. Quatre digues mènent à la ville ; elles sont faites à mains d'hommes, et ont la largeur de deux lances. La ville est grande comme Séville ou Gordoue. Les rues, je ne parle que des principales, sont très-étroites et très-larges ; quelques-unes sont moitié à sec , et moitié occupées par des canaux navigables, garnis de ponts de bois très-bien faits , et si larges que dix hommes à cheval y peuvent passer à la fois. Le marché, deux fois grand comme celui de Séville , est entouré d'un portique immense , sous lequel on expose

* Témislltan, Témixtitan, Téûoxtitlan, Témihtitlan, sont des changemens vicieux du vrai nom de Ténoch- titlan. Les Aztèques ou Mexicains s'appeloient eux- mêmes aussi Ténochques, d'où dérive la dénomination

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l<>ulcs sortes de marchandises, des comes- tibles , des ornemens en or , en argent , « en plomb, en étain , en pierres fines, en c os, en coquilles et en plumes, de la faïence,

< des cuirs et du coton lîlé. On y trouve des

< pierres coupées, des tuiles, des bois de t charpente. 11 y a des ruelles pour le gibier, t d'autres pour les légumes et les objets de t jardinage ; il y u des maisons des barbiers t ( avec des rasoirs ftdts en obsidienne) rasent « la lete ; il J a des maisons qui ressemblent « à nos boutiques de pharmaciens , dans les- f quelles se vendent les médecines déjà laites , t les onguens et les emplâtres. 11 y a des t maisons l'on donne à manger et à boire

pour de l'argent. Le marché olFre un si grand nombre de choses , que je ne les saurois nommer à Votre Altesse. Pour éviter la confusion , chaque *;enre de marchandises se vend dans une ruelle séparée ; tout se vend à l'aune , mais jusqu'ici on n'a pas vu peser dans le marché. Au milieu de la grande place est une maison , que j'appel- leToisV a udiencîa y dans l'aquclle sont cons- tamment assises dix ou douze personnes qui jugent les disputes qui ont lieu à cause

,^

CHAPITHE VIII.

Il3

" de la vente des marchandises. Il y a d'autres « personnes qui se tiennent continuellement « dans la l'oule même , pour voir si l'on vend « à juste prix : on les a vues briser les fausses «( mesures qu'elles avoieiit saisies aux raar- « chands. »

Tel étoil l'état de Ténochtitlan l'année 1 620, d'après la description de Cortez même. J'ai cherché en vain dans les archives de sa fa- mille, conservées à Mexico, dans la casa del Estado, le plan que ce grand capitaine fit dresser des environs de la capitale , et qu'il envoya à l'empereur , comme il le dit dans sa troisième lettre , publiée par le cardinal Lorenzana. L'abbé Glavigero a hasardé de donner un plan du lac de Tezcuco , tel qu'il suppose en avoir été les limites au seizième siècle. Cette esquisse est peu exacte , quoique bien préférable à celle qu'ont donnée Ro- bertson et d'autres auteurs européens égale- ment peu versés dans la géographie du Mexique. J'ai tracé , sur la carte de la vallée de Ténochtitlan, l'ancienne étendue du lac salé , telle que j'ai cru la reconnoître dans la relation historique de Cortez et de quelques- uns de ses contemporains. I^'année 1620, et II. 8

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LIVRE III

encore long-temps après, les villages d'Izta- palapan, Coyohuacan ( faussement appelé Cuyacan ) , Tacubaja et Tacuba se trouvoient tous près des rives du lac de Tezcuco. Cortez dit expressément 'que la plupart des maisons de Coyohuacan , Cnluacan , Chulubuzco , Mexicaltzingo , Iztapalapan , Cuitaguaca et Mizqueque étoient construites dans l'eau , sur pilotis , de sorte que souvent les canots pouVoient entrer par une porte inférieure. La petite colline de Chapoltepec, sur laquelle Je vice-roi comte de Galvez a fait construire un château , ne formoit plus une île dans le lac de Tezcuco du temps de Cortez. De ce côté , la terre ferme se rapprochoit de près de 3,000 mètres de la ville de Ténochtitlan ; par conséquent la distance de 2 lieues,indiquée par Cortez, dans sa lettre à Charles-Quint, n'est pas de toute exactitude. Il auroit la res- treindre à la moitié, en en exceptant toutefois la partie de la côte occidentale sur laquelle se trouve la colline porphyritique de Cha- poltepec. On doit croire cependant que cette colUne, quelques siècles plu tôt, a été aussi un

* Lorenzana, p. 229, igS, 102,

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CHAPITRE Vni.

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îlot semblable au Prnol del Marques j et à celui de los Banos. Des observations géolo- giques rendent très-probable, que les lacs ont été en diminuant , long - temps avant l'arrivée desEsnass-nols, et avant la construction du canal de Huebuetoca.

Les Aztèques ou Mexicains , avant d'avoir fondé sur un groupe d'îlots, l'an i325, la capitale qui subsiste encore , avoient déjà habité pendant 62 ans une autre partie du lac qui est plus méridionale , et dont les Indiens n'ont pas pu m'indiquer exactement le site. Les Mexicains , sortis d'Aztlan vers l'année 1160, n'arrivèrent qu'après une migration de 56 ans dans la vallée de Ténochtitlan , par Malinalco , dans la Cordillère de Toluca , et par Tula. Ils se fixèrent d'abord à Zum- panco, puis à la pente méridionale des mon- tagnes de Tepeyrcac, est situé aujourd'hui le temple magnifique dédié à Notre-Dame de la Guadeloupe. L'an 1246 (suivant la chro- nologie de l'abbé Glavigero ) , ils arrivèrent à Ghapoltepec. Harcelés par les petits princes de Xalcotan, que les historiens espagnols honorent du titre de rois , les Aztèques , pour conserver leur indépendance, se réfugièrent

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sur un groupe de petites îles appelées Aco- colco , et situées vers l'extrémité méridionale du lac de Tezcuco. Ils y vécurent pendant un demi-siècle dans une misère affreuse, forcés de se nourrir de racines de plantes aquatiques, d'insectes et d'un reptile problématique, ap- pelé axolotl, que M. Cuvier regarde comme le têtard d'une salamandre inconnue '.Tombés dans l'esclavage des rois de Tezcuco ou d'Acolhuacan , les Mexicains furent forcés d'abandonner leur village , situé au milieu de l'eau , et de se réfugier sur la terre ferme , à Tizapan. Les services qu'ils rendirent à leurs maîtres dans une guerre contre les habitans de Xochimilco, leur procurèrent de nomeau la liberté. Us se fixèrent d'abord à Acatzit- zintlan (que , du nom de leur dieu de la guerre Mexitli ou Huilzilopoclitli % ils nommèrent

* M. Cuvier l'a déc^ clans mon Recueil d'obser- vations zoologiques et d'arutiomie comparée, p. il 9. M. Dumérîl croit que l'axolotl, dont nous avonsapporlé, M. Bonpland et nioi^ des individus bien conservés > est une nouvelle espèce de Prolée. Zoologie analytique,,

^ Iluiiziliii désigne le colibri ^ et opochtU signifie gauche ; car lo dieu étoit peint autant des plomes de

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CHAPITRE VIII.

I 17

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// d'^obser" ï, p. 119. is apporté > conservés , nalytique^

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Mexicalzingo ) , puis à Iztacalco. C'est pour accomplir l'ordre donné par l'oracle d'Aztlan , qu'ils se transportèrent d'Iztacalco aux îlots qui s'élevoient alors à l'est - nord - est de la colline deChapoltepec^ dans la partie occi- dentale du lac de Tezcuco. Une tradition antique s'étoit conservée parmi cette horde, que le terme fatal de leur migration devoit être l'endroit ils trouveroient un aif^le assis sur la cime d'un nopal dont les racines per- ceroient à travers les fentes d'un rocher. Ce nopal ( cactus ) , désigné par l'oracle , se montra aux Aztèques l'année io25, ce qui est le second calli ' de l'ère mexicaine , sur un îlot qui servit de fondement au téocalli outéopan, c'est-à-dire à la maison de Dieu,

colibri sous le pied gauche. Les Européens ont cor- rompu le nom de Huitzilopochlli en Iluicliilobos et Vizlipuzli. Le frère de ce dieu, qui fut surtout révéré des habitans de Tezcuco, s'appeloit Tlacaliucpan- Guexcolzin.

* Comme le premier acatl correspond à l'année vulgaire i5i9, le second calli, dans la première moitié du quatorzième siècle , ne peut être que l'année i325 , et non i324, 1327 et i3ii , années auxquelles l'iulerprcle de la Raccolta dl Mendoza,

ii8

LIVRE m

appelée depuis par les Espagnols le grand temple de Mexilli.

Le premier téocalli , autour duquel la nouvelle ville fut construite , éloit de bois , tel que le plus ancien temple grec, celui d'Apollon à Delphes , décrit par Pausanias. L'édifice en pierre dont Cortez et Bernai Diaz admirèrent l'ordonnance , avoit été construit au même endroit par le roi Ahuilzotl, l'année i486: c'étoitun monument pyramidal, situé au milieu d'une vaste enceinte de mu- railles , et élevé de 07 mètres. On y dislingnoit cinq assises ou étages, comme dans plusieurs pyramides de Sakharah , surtout dans celle de Meïdoiun. Le téocalli de Ténochtitlan, exac- tement orienté comme toutes les pyramides égyptiennes, asiatiques et mexicaines, avoit 97 mètres de base : il formoit une pyramide si tronquée ^ que vu de loin , le monument paroissoit un cube énorme, surla cime duquel s'élevoient de petits autels couverts de cou- poles construites en bois. La pointe par laquelle

ainsi que Sigucnza, cité par Boliirînî, et Betancourt, cité par Torquenuula , fixt^nt la fondation de Mexico. Voyez la DisserLatloji chronologique de l'abbé Cla^ vigero , Storia di. Mensico , T. IV, p. 54.

CHAPITRE VIII.

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luquel la de bois, ec^ cehû ^ausanias. t Bernai ivoit été Lhuitzotl, Tamidal, de mii- slino-uoit yliisieurs » celle de n, exac- ' ramides s, avoit ^ramide nunient ; duquel le cou- aquelle

ancourt, Mexico.

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54 mètres au-dessus de la base deTédilice ou du pavé de Tenceinte. On voit par ces détails que le téocalli avait une grande analogie de forme avec le monument antique de Babylone, que Strabon nomme le mausolée de Bélus , et qui n'était qu'une pyramide dédiée à Jupiter Bélus '. Ni le téocalli ni l'édifice babylonien n'étoient des temples , dans le sens que nous attachons à ce mot , d'après les idées que les Grecs et les Romains nous ont transmises. Tous les édifices consacrés aux divinités mexi- caines formoient des pyramides tronquées ; ies grands monumens de Téotihuacan , de Cholula et de Papantla qui se sont conservés jusqu'à nos jours , confirment cette idée : ils indiquent ce qu'ont été les temples moins considérables , construits dans les villes de Ténochtitlan et deTezcuco.Des autels couverts étoient placés au sommet des téocallis : ces édifices rentrent par dans une même classe avec les monumens pyramidaux de l'Asie , dont anciennement on trouvoit des traces jusqu'en Arcadie; car le mausolée conique

* Zoega, de Obeliticis , p. 5o.

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1^0 LIVRE IIÏ,

de Calistus ', un vrai twnuliis couvert trarbres fruitiers , servoit de base à un petit temple consacré à Diane.

Nous ignorons de quels matériaux étoit construit le téocalli de Ténochtillan ; les historiens rapportent seulement que ce mo- nument étoit couvert d'une pierre dure et polie. Les énormes fragmens que de temps en temps on découvre autour de la cathédrale actuelle, sont de porphyre à base degrùnstein rempli d'amphibole et de feldspath vitreux. Lorsqu'on a pavé récemment la place autour de la cathédrale, des pierres sculptées ont été trouvées jusqu'à lo et 12 mètres de pro- fondeur. Peu de nations ont remué de plus grandes masses que les Mexicains. La pierre calandaire et celle des sacrifices, exposées à la vue du public sur la grande place, ont de 8 à 10 mètres cubes. La statue colossale de Teoyaomiqui , chargée d'hiéroglyphes , et couchée dans un des vestibules de l'université, a 2 mètres de long sur 5 de large. M. le chanoine Gamboa m'a assuré qu'en fouillant vis-à-vis de la chapelle du sagrario, on a

' Pausanias , Lib. VIII , Cap. XXXV.

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CHAPITRE Vin.

121

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trouvé , parmi une immense quantité d'idoles appartenant au téocalli , une roche sculptée qui avoit 7 mètres de long , 6 de large , et 5 de haut. On a travaillé en vain pour la retirer.

Le téocalli étoit déjà en ruines ' quelques années ap rès le siège de Ténochtitlan , qui . comme celui de Troje , finit par une des- truction presque totale de la ville : j'incline par conséquent à croire que l'extérieur de la pyramide tronquée étoit d'argile, et revêtu de l'amygdaloïde poreuse, appelée tctzontlL En effet, peu avantla construction du temple, sous le règne du roi Ahuilzoll , les carrières de cette roche cellulaire et spongieuse com- mencèrent à ctre exploitées. Or , rien n'étoit plus facile à détruire que des édifices construits

> Un des manuscrils des plus précieux et des plus anciens que l'on conserve à Mexico, est le livre de la Municipal!,^ {lihro de el Cahildu). Un religieux res- pectable et très-versé dans l'histoire de sa patrie , le père Piebardo, au couvent de San Felipe Neri, m'a montré ce manuscrit, commencé le 8 mars i524, ce qui est trois ans après le siège : il y est parlé delà place avoit été le grand temple laplaza adonde estaba el templo mayor. »)

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122

LIVRE III

avec des nifitériaux poreux et légers comme la pierre ponce. Malgré la conformité ' d'un grand nombre de témoignages, il se pourroit cependant que les dimensions attribuées au téocalli fussent un peu exagérées ; mais la forme pyramidale de cet édifice mexicain, sa grande analogie avec les monumens les plus antiques de l'Asie , doivent bien plus nous intéresser que sa masse et sa grandeur. L'ancienne ville de Mexico communiquoit avec le continent par trois grandes digues ,

* Si ceux qui nous ont laisse des descriplions et des dessins du Itèocalli, au Heu d'en prendre la mesure eux-mêmes , ne nous ont rapporté que ce que les Indiens leur ont dit, la conformité des témoignages prouve moins qu'on ne pourroit le croire au premier aspect. Dans tous les pays il existe des traditions uni- formes sur la grandeur des édillceS; la hauteur des tours, la largeur des cratères, la hauteur des cata- ractes. L'orgueil national se plaît à exagérer ces dimensions , et les voyageurs sont en harmonie dans leurs rapports , aussi long-temps qu'ils puisent à la même source. D'ailleurs , dans le cas particulier qui nous occupe , l'exagération de la hauteur n'a vraisem- blablement pas été très-grande , parce qu'il éloit facile de juger de l'élévation du monument par le nombre des gradins qui y conduisoient.

CHAPITRi: VIII.

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celles de Tepejacac ( Guadeloupe ) , Tlacopnn ( Tacuba ), et Iztapalapan. Cortez fait mention de quatre digues, parce qu'il compte sans doute aussi la chaussée qui conduisoit à Chapollepec. La calzada de Iztapalapan , avoit une branche qui unissoit Cojohuacan avec le petit fort appelé Ao/ric , lo même dans lequel les Espagnols , lors ae^ leur pre- mière entrée, furent complimentés par la noblesse mexicaine. Robertson parle d'ime digue qui conduisoit à Tezcuco ; mais celte digue n'a jamais existé , à cause de la distance du lieu et de la grande profondeur de la partie orientale du lac.

Dix-sept ans après la fondation de Ténoch- tillan, l'année i358 , dans une dissension civile , une partie des habitans se sépara des autres. Ils se fixèrent dans des îlots situés au nord-ouest du temple de Mexitli. La nouvelle ville, qui d'abord prit le nom de Xallilolco , et puis celui de Tlatelolco, eut un roi indé- pendant de celui de Ténochtitlan. Dans le centre d'Anahuac , comme dans le Pélopon- nèse , dans le Latium^ et partout la civi- lisation de l'espèce humaine ne fait que commencer , chaque ville constituoit pendant

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124

LIVRE in

long-lcmps un état séparé. Le roi mexicain Axajacall ' fit la conquête de Tlatelolco , qui dès-lors fut réuni par des. ponts à la ville de Ténochtillan. J'ai découvert dans les manus- crits hiéroglyphiques des anciens Mexicains , conservés dans le palais du vice - roi ^ une peinture curieuse qui représente le dernier roi de Tlatelolco , appelé Moquihuix , tué sur la cime d'une maison de Dieu ou d'une pyramide tronquée , et jeté en bas des escaliers qui menoient à la pierre des sacrifices. Depuis cette catastrophe , le grand marché des Mexicains, tenu jusque-là près du téocalli de Mexilli , fut transféré à Tlatelolco. C'est à celte dernière ville que se rapporte la description que nous avons donnée du marché mexicain , d'après le récit de Gortez.

Ce que l'on appelle aujourd'hui le Barrio de Santiago, n'occupe qu'une partie de l'ancien Tlatelolco. C'est sur le chemin qui mène à Tanepantla et aux Ahuahuetes que l'on peut marcher plus d'une heure entre les ruines de l'ancienne ville. On y reconnoît , ainsi que sur la route de Tacuba et d'Iztapalapan ,

* Clavigero, I, p. 25i. Axajacatl régtva depuis i464 jusqu'à 14/7 (IV, p. 58).

CHAPITRE VIII.

125

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combien 3Iexico , rebâti par Gorlcz, est plus petit que l'étoit Ténochtillan sous le dernier des Montezuma. L'énorme grandeur du marché de Tlalelolco , dont on rcconnoît encore les limites , prouve combien la popu- lation de l'ancienne ville doit avoir été consi- dérable. Les Indiens montrent sur cette place uae élévation entourée de murs ; c'est la même qui formoit un des théâtres mexicains , et sur laquelle Gortez , peu de jours avant la fin du siège , avoil établi la iameuse catapulte ( trahiico de palo ) ' dont l'aspect imposoit aux assiégés, sans que la machine pût agir, à cause de la maladresse des artilleurs. Cette élévation est aujourd'hui comprise dans le porche de la chapelle de Santiago.

La ville de Ténochtitlan étoit divisée en quatre quartiers, îippelés ïeopan ou Xochi- milca, Atzacualco, Moyotla etTlaquechiuhcau ou Cuepopan. Cette ancienne division s'est conservée jusqu'à nos jours dans les limites assignées aux quartiers de Saint-Paul , Saint- Sébastien, Saint-Jean et Sainte-Marie. Les rues actuelles ont en grande partie la même

* Lorenzana j p. 2S9.

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126 LIVRE III,

direction qu'elles avoient autrefois , à peu près (lu nord au sud et de l'est à l'ouest '. Mais ce qui donne à la nouvelle ville , comme lions l'avons observe plus haut, un caractère parliculierel dislinclif, c'est qu'elle se trouve enlièremenl sur la terre ferme , entre les extrémités des deux lacs de Tezcuco et de Xocliimilco, et qu'elle ne reçoit, par des canaux navigables, que les eaux douces de ce dernier lac.

Plusieurs circonstances ont contribué à ce nouvel ordre de choses. De tout temps la partie du lac salé contenue entre les digues australes et occidentales fut la moins profonde. Cortez isc plaint déjà que sa flotille , les l)ri- gantins qu'il avoit fait construire à Tezcuco , ne pouvoient pas, malgré les ouvertures dans les digues , faire le tour entier de la ville

» Proprement du S. 16" O. à N. 74° E. , du moins du côté du couvent de St. Auguslin, j'ai pris des ozimuts. Sans doute la direction des anciennes rues éloit déterminée pnr celle t!es digues prlncipale& : or, d'après la position des lit..dx auxquels ces digues paroissent avoir abouti, il n'est guère propable que les dernières puissent avoir représenté exactement des méridiens et des parallèles.

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CUAPITRE VIII. l'i^

assiégée. Ces flaques d'eau peu profondes devinrent peu à peu des terrains marécageux; ceux-ci , entrecoupés de rigoles ou de petits canaux d'écoulement, se convertirent en chï- nampas et en terres labourables. Le lac de Tezcuco, que Valmoat de Bomare " supposoit communiquer avec l'Océan , quoique d'après mes mesures il se trouve à une élévation de 2,277 mètres , n'a pas de sources particulières, comme on en observe au lac de Chalco. En considérant d'un côté le petit volume d'eau que dans les années sèches des rivières peu considérables fournissent à ce lac , de l'autre l'énorme rapidité de Tévaporalion qui a lieu dane le plateau du Mexique , et sur laquelle j'ai fait des expériences suivies , il faut ad- mettre , ce que des observations géologiques paroisseent aussi confirmer, que depuis des siècles un manque d'équilibre entre la perte d'eau évaporée et la masse d'eau alïluente a restreint progressivement le lac de Tezcuco dans des limites plus étroites. Les annales mexicaines ' nous apprennent que sous le

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* Dictionnaire d'histoire naturell

* Peintures conservées à la blh tomoignage du père Acosla.

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article Laç. que du Vatican]

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LIVRE III

règne du roi Aliiiitzotl ce lac salé éproii- voit déjà un manque d'eau assez grand pour interrompre la navigation , et qu'afin d'obvier à ce mal et d'augmenter les affluens, on construisit dès-lors un aqueduc depuis Coyohuacan à Ténochtitlan. Cet aqueduc conduisoit les sources d'Huitzilopochco à plusieurs canaux de la ville , qui se trouvoient à sec.

Cette diminution d'eau , éprouvée avant l'arrivée des Espagnols, n'aiiroit été sans doute que très-lente et peu sensible , si, depuis l'époque de la conquête , la main de l'homme n'avoit pas contribué à intervertir l'ordre de la nature. Ceux qui ont parcouru la péninsule savent combien, en Europe même, le peuple espagnol est ennemi des plantations qui don- nent de l'ombre autour des villes et des villages. Il paroît que les premiers conquérans ont voulu que la belle vallée de Ténochtitlan ressemblât en tout au liol castillan , aride et dénué de végétation. Depuis le seizième siè( le, on a coupé inconsidérément les arbres tant dans le plateau sur lequel est située la capitale, que sur les monti-gnes qui l'entourent. La conslructioa de la nouvelle ville , conmiencée

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CHAPITRE VIII. 129

en 1624, a exigé une grande quantité de bois de charpente et de pilotis. On a détruit et on détruit encore journellement sans re- planter, si ce n'est tout autour de la capitale , les dernier^ vice-rois ont perpétué leur mémoire par des promenades ' (paseos ^ ala/fiedas) c^ui portent leurs noms. Le manque de végétation expose le sol à l'influence directe des rayons du soleil , et l'humidité qui ne s'est pas perdue en filtrant à travers la roche amygdaloïde basaltique et spongieuse, s'éva- pore rapidement; elle se dissout dans l'air partout le feuillage des arbres ou un gazon toufFu ne défend pas le sol de l'influence du soleil et des vents secs du midi. ' Cette cause étant la même dans toute la vallée , l'abondancu et la circulation des eaux y ont sensiblement diminué. Le lac de Tez- cuco , le plus beau des cinq lacs, que Cortez, dans ses lettres , riomme habituellement une mer intérieare , reçoit de nos jours beaucoup moins d'eau par infiltration qu'au seizième siècle : partout les défrichemens et la des- truction des forets ont les mêmes suites. Le

* Paseode Buccarelli, de Revillaglgedo ^ de Galvez, de Asanza.

II.

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LIVRE m

^

l'

général Andréossi, dans son ouvrage classique sur le canal du midi, a prouvé que les sources ont diminué autour du réservoir de S. Feriéol, simplement par un faux système introduit dans l'aménagement des forets. Dans la pro vince de Caracas , le lac pittoresque de Tacarigua ' se dessèche peu à peu , depuis que le soleil darde librement ses rayons sur le sol défriché des vaUées d'Aragua.

Mais la circonstance qui a le plus contribué à la diminution du lac de Tezcuco est la fameuse percée à ciel ouvert ^ connue sous le nom du Desague reul de Huehuetoca , et dont nous traiterons dans ' la suite de cet ouvrage. Cette coupure de montagne , com- mencée d'abord l'année 1607, en forme de percement souterrain , n'î'. pas séuleiL^iit réduit à des limites très-étroites les deux lacs situés dans la partie boréale de la vallée, ceux de Zumpango ( Tzompango ) et de San Christobal ; elle les a aussi einpêchés ,

^ '. ;■ . 'H ; . , t. -Il; : 1 1 iiv.» h'

* La dimiuutioii des eaux y fait niquie naître de temps en temps de nouvelles îles [las aparecidas). I.e lac de Tacarigua ou de Nueva Yalcncia est élev » de 474 mètres au-dessus de la surface de la mer. (Voyez mes Tableaux de la ]Nature,ï, 1, p. 72,)

CHAPITRE VIII.

l3l

■I

Jors des teitips pluvieux, de verser leurs eaux dans le bassin du lac de Tezcuco. Ces eaux inondoient jadis les plaines et lessivoient des terres fortement chargées de carbonate et de muriate de soude. Aujourd'hui , sans séjourner dans des mares et sans augmenter par l'humidité de l'atmosphère mexicaine , elles découlent par un canal artificiel dans la rivière de Panuco , et par conséquent dans l'Océan Atlantique. . , j; ,

Cet état de choses a été amené par le désir de convertir l'ancienne ville de Mexica en une capitale qui seroit à la fois propre à la circulation des voitures, et moins exposée au danger des inondations. En effet, Teau et la végétation ont diminué avec la même rapidité avec laquelle le tequesquite ( ou carbonate de soude ) a augmenté. Du temps de Montezuma , et encore long- temps après , le faubourg de Tlatelolco, les barrios de Saint- Sebastien , de San Juan et de Santa-Cruz / i o.ccl célèbres à cause de la belle verdure qui opTioit leurs jardins. Aujourd'hui ces mêmes endroits , et surtout les plaines de San Lazaro , i 'offrent plus qu'une croûte de sels efflorescens. La fertilité du plateau , quoique

9'

i3:

LIVRE m

considérable encore dans la partie méridio- nale, n'est plus aussi grande qu'elle étoit lorsque la ville s'élevoit au milieu du lac. Une sage économie de l'eau , surtout de petits canaux d'irrigation , pourroient rendre son ancienne fécondité au sol , et sa richesse à une vallée que la nature paroît avoir des- tinée à être la capitale d'un grand empire. '- Les limites actuelles du lac de Tezcuco sont peu déterminées , le sol étant glaiseux et si uni < (Vie sur un mille d'étendue , il ne présente pa. ux décimètres de diffërence de niveau. Lorsque les vents d'est soufflent avec force , l'eau se retire vers le bord occi- dental du lac^ et laisse quelquefois à sec une étendue de plus de 600 mètres de long. Peut-être qu'un jeu périodique de ces vents a fait naître à Gortez l'idée de marées régu- lières ', dont l'existence n'a pas été vérifiée par de nouveUes observations. Le lac de Tezcuco n'a généralement que trois à cin,^ mètres de profondeur. Dans quelques endroits

•f

* Journal des Savans, pour l'année 1676 , p. 34. Le lac de Genève manifeste aussi un mouvement d'eau assez régulier , que Saussure attribue à des vents qui SQufilent périodiquement.

CHAPITRE Vin.

i33

i sec une

ces vents

le fond se trouve même déjà à moins d'un mètre. Aussi le commerce des habitans de la petite ville de Tezcuco sou ffre-t-il beaucoup dans les mois très-secs de janvier et de février. Le man^nie d'eau les empêche alors d'aller en canots à la capitale. (Jet inconvénient n'a pas lieu au lac de Xochimilcoj car depuis Chalco , Mesquic et Tlahuac la navigation n'est jamais interrompue , et Mexico reçoit journellement , par le canal d'Iztapalapan , des légumes , des fruits et des fleurs en abondance.

Des cinq lacs de la vallée de Mexico , celui de Tezcuco a l'eau la plus chargée de muriate et de carbonate de soude. Le nitrate de baryte prouve que cette eau ne tient aucun sulfate en dissolution. L'eau la plus pure , la plus limpide est celle du lac de Xochimilco ; j'en ai trouvé la pesanteur spécifique de 1,0009 > quand celle de l'eau distillée à la température de 18** centigrade est de 1,000 , et quand celle de Feau du lac de Tezcuco est de 1,021 5. Par conséquent cette dernière eau est plus pesante que l'eau de la mer Baltique ; elle l'est moins que l'eau de l'Océan , qui , sous différentes latitudes , a été trouvée entre

i34 LIVRE m,

1,0269 et 1,0285. La quantité d'hydrogène sulfuré qui se dégage de la surface de tous les lacs mexicains , et que l'acétate de plomb indique en grande abondance dans les lacs de Tezcuco et de Ghalco , contribue sans doute en certaines saisons à l'insalubrité de l'air de la vallée. Cependant, et ce fait est curieux, les fièvres intermittentes sont très- rares sur les bords de ces mêmes lacs , dont la surface est en partie cachée par des joncs et des herbes aquatiques.

Orné de nombreux téocallis qui s'élevoient en forme de minarets , entouré d'eau et de digues, fondé sur des îles couvertes de ver- dure , recevant dans ses rues , à chaque heure , des milliers de bateaux qui vivifioient le lac , l'ancien Ténochtitlan , d'après le récit des premiers conquérans, devoit ressembler à quelques tilles de la Hollande, de la Chine ou du Delta inondé de la Basse-Egypte. La capitale , reconstruite par les Espagnols, offre un aspect moins riant peut-être , mais d'autant plus imposant et plus majestueux. Mexico est sans doute au nonibre des plus belles villes que les Européens aient fondées dans les deux hémisphères. A l'exception

CHAPITRE VIll.

i3j

tîe Pétersbour*,% de Berlin , de Philadelphie et de quelques quartiers de Westminster , il existe à peine une ville de la même étendue ^ qui , pour le niveau uniforme du sol qu'elle occupe , pour la régularité et la largeur des rues , pour la grandeur des places publiques , puisse être comparée à la capitale de la Nouvelle-Espagne. L'architecture y est géné- ralement d'un style assez pur; il y a même des édifices dont l'ordonnance est très-belle. L'extérieur des maisons n'est par surchargé d'ornemens. Deux sortes de pierres de taille , l'amygdaloïde poreuse , appelée tetzontli , et surtout un porphyre à feldspath vitreux et dépourvu de quartz , donnent aux cons- tructions mexicaines un air de solidité, et quelquefois même de magnificence. On n'y connoît pas ces balcons et ces galeries de bois qui , dans les deux Indes , défigurent toutes les villes européennes. Les balustrades et les grilles y sont en fer de Biscaye, et ornées de bronzes. Les maisons y ont des terrasses au lieu de toits , comme les maisons d'Italie et de tous les pays méridionaux.

Mexico a été singulièrement embelli depuis le séjour que l'abbé Chappe y a fait en 1769,

i36

LIVRE III

L'édifice destiné à l'École des mines, et pour lequel les plus riches particuliers du pajs ont fourni une somme de plus de trois millions de francs ', orneroit les places principales de Paris etde Londres. Des architectes mexicains^ élèves de l'Académie des beaux-arts de la ca- pitale, ont construit récemment deux grands Lôlels , dont l'un, dans le quartier de la Traspana y offre dans l'intérieur de la cour un très-beau péristyle de forme ovale , et à colonnes accouplées. Le voyageur admire avec raison , au milieu de la plaza major de Mexico, vis-à-vis la cathédrale et le palais des vice-rois, une vaste enceinte pavée en carreaux de porphyre , formée par des grilles richement garnies de bronzes , et renfermant la statue équestre ' du roi Charles iv, placée

^ Voyez ci-dessus , Chap. VII, p. 3i.

3 Cette statue colossale, dont il a été parlé plus haut, p. i3, a été exécutée aux frais du marquis de Branciforle , ci-devant vice-roi du Mexique , beau- frère du prince de la Paix : elle pèse 45o quintaux : elle a été modelée, fondue et placée par le même artiste , M. Toha , dont le nom mérite une place distinguée dans l'histoire de la sculpture espagnole. Le mérite de cet homme de génie ne peut être

CHAPITRE VIII.

i37

sur un piédestal de marbre mexicain. Ce- pendant , il faut en convenir , malgré les progrès que les arts ont faits depuis trente ans, c'est bien moins par la ^^randeur et par la beauté des monumens que par la largeur et l'alignement des rues; c'est moins par ses édifices que par l'ensemble de sa régularité , de son étendue et de sa position , que la ca- pitale de la Nouvelle- Espagne impose aux Européens. Par un concours de circonstances peu communes, j'ai vu de suite, et dans un très-court espace de temps , Lima , Mexico , Philadelphie, Washington ', Paris, Rome,

dignement apprécié que par ceux qui connoissent les âiilicultés que présente , dans l'Europe civilisée même, l'exécution de ces grands ouvrages de Pari.

* D'après le plan tracé pour la ville de Washington , et d'après la magnificence de son Capitole , dont je n'ai vu achevée qu'une partie , Fédéral City sera un jour, sans contredit, une ville beaucoup plus belle que Mexico. Phila lelphie aussi a la même régularité de construction : les allées de platanes , d'aeacias et de populus heterophylla , qui ornent ses rues , ' n donnent une beauté presque champêtre. La végétation des rives du Putomac et du Delaware est plus riche que celle qu'à plus de aSoo mètres d'élévation on trouve sur le dos des Cordillères mexicaines. Mais

i38

LIVRE III

Ndples et les plus grandes villes de l'Alle- magne. En comparant entre elles des im- pressions qui se suivent rapidement, on est à même de rectifier une opinion à laquelle on s'est peut - être livré trop légèrement. Malgré des comparaisons , dont plusieurs auroient pu paroître désavantageuses pour la capitale du Mexique, cette dernière m'a laissé unsouveriir de grandeur que j'attribue surtout au caractère imposant de son site et de la nature environnante.

En effet , rien de plus riche et de plus varié que le tableau que présente la vallée, lorsque , dans une belle matinée d'été , le ciel étant sans nuages et de cet azur foncé qui est propre à l'air sec et raréfié des hautes montagnes, on se transporte sur une des tours de la cathédrale de Mexico ^ ou au haut de la

Washington et Philadelphie ressembleront toujours à de belles yilles européennes. Ils ne frapperont pan les yeux du voyageur par ce caractère particulier, j'ose dire exotique, qui appartient à Mexico , à Santa-Fe de Bogota , à Quito et a toutes les capitales qui , sous les tropiques , sont construites à la hauteur du passage du Grand Saint-Bernard, ou même à de plus grandes élévations.

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Santa-Fe qui , sous u passade s grandes

CIIAriTRE VIII. iSq

colline de Chapoltepec. Une belle végétation entoure cette colline. Des troncs antiques de cyprès ', de plus de quinze à seize mètres de circonférence, élèvent leurs cimes dénuées de feuillage au-dessus de celles desschinus, qui , par leur port , ressemblent aux saules plureurs de l'Orient. Du fond de cette soli- tude, du sommet du rocher porphyritiquede Chapoltepec, l'œil domine une vaste plaine , c'es champs soigneusement labourés, qui s étendent jusqu'au pied des montagnes co- lossales couvertes de glaces perpétuelles. La ville paroît baignée des eaux du lac de Tez- cuco , dont le bassin , entouré de villages et de hameaux , rappelle les plus beaux lacs des montagnes de la Suisse. De grandes avenues d'ormes et de peupliers conduisent de tout côté à la capitide; deux aqueducs construits sur des arches très - élevées , traversent la plaine, et offrent un aspect aussi agréable qu'intéressant. Au nord se présente le couvent magnifique de Notre-Dame de la Guadeloupe , adossé aux montagnes de Tepeyacac , entre des ravins qui abritent quelques datiers et des

* Los aliuahuetes. Cuprcssus disticha. L.

l/iO

MVRi: ni

yuccas arborcscciis. Au sud, lodt le terrain entre San Angcl, Tacuba)'a cl San Au^^uslin de las Cuevas , paroît un immense jardin d'oran<jers , de pêchers, de pommiers, de cerisiers et d'autres arbres fruitiersde l'Europe. Celle belle culture contraste avec l'aspect sauvage des montagnes pelées cpii Torment l'enccinle de la vallée , et parmi lesquelles se distinguent les l'ameux volcans de la Puebla, le Popocatepetl et l'I/tacciliuatl. Le premier fonnc un. cône énorme , dont le cratère cons- tamment enllammé , jetant de la luniée et des cendres , s'ouvre au milieu des neiges éternelles.

La ville de Mexico est remartpiable aussi à cause delà bonne police qui y règne. La plupart des rues ont des trottoirs très-larges ; elles sont propres, et très-bien éclairées par des réverbères à mèches plates en forme de rubans. Ces avantages sont dus à l'activité du comte de Revillagigedo , qui , lors de son arrivée , trouva la capitale d'une malpropreté extrême.

L'eau se rencontre partout dans le sol de Mexico , à très-peu de profondeur; mais elle est saumatrc comme celle du lac de Tezcuco.

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CHAPITRE VllI.

lit

1

Les deux aqueducs par lesquels la ville reçoit l'eau douce , et dont nous avons parle plus haut , sont des nionumens de construction moderne, dignes de l'altention des voyageurs. Les sources d'eau potable sont à Test de la ville , l'une datis le monticule isole de Clia- potltepec, l'autre dans le Gerro de Sanla-Fe, auprès de la Cordillère qui sépare la vallée de Ténochtitlan de celle de Lerina et de Toluca. Les arches de l'aquéduc de Glia- potltepec occupent une longueur de plus de 33oo mètres. Ûeau de Chapodtcpec entre par la partie méridionale de la ville, au Salto del agua : elle n'est pas très-pure, d on ne la boit que dans les faubourgs de Mexico. L'eau la moins chargée de carbonate de chaux est celle de 1 aqueduc de Santa-Fe , qui , en longeant TAlameda, aboutit à la Traspana , au pont de la Marescala. Cet aqueduc a près de 10,200 mètres de long; mais la pente du terrain n'a permis que dans un tiers de cet espace , que l'eau fut conduite sur des#rches. L'ancienne ville de Ténochtitlan avoit des aqueducs non moins considérables '. Au com-

» Clavigero , III , p. igS. Solis j 1^ p. 4o6.

I p LIVRE III,

mencement Ju sié,re, les deux capitaines Alvaraclo et Olid détruisirent celui de Gha- potltepec. Cortez, dans sa première lettre à Charles-Quint, parie aussi de la source d*Amilco , près de Ghurubusco , dont les eaux forent conduites à la ville par des tuyaux de terre cuile. Cette source est voisine de celle de Santa-Fe. On reconnoît encore les restes de ce grand aqueduc, qui étoit consiruit à doubles tujaux, dont l'un recevoit Teau, tandis qu'on étoit occupé à nettoyer l'autre '. Cette eau étoit vendue dans des canots qui

* Lorenzana, p. 108. La plus grande et la plus belle construction que les. indigènes ont faite en ce genre, est l'acquéduc Je la ville de Tezcuco. On y admire encore les traces d'une grande digue qui fut élevée pour augmenter le niveau de Teau. En général y com- ment ne pas admirer l'industrie et l'activité qu'ont déployées les anciens Mexicains et les Péruviens dans l'irrigatioii des terres arides ! Dans la partie maritime du Pérou , j'ai vu des reste?; de murs sur lesquels on ronduisoit l'eau par un espace de j»lus de 5 à Çooo litres, depuis le pied de la Cordillère jusqu'aux côtes. Les conquérans du seizième Fiècle ont détruit ces aqueducs; et cette partie du Vérou, comme la Perse , est redevenue un désert dénué de végétation. Telle est la civilisation que les Européens ont portée vh&z des peuples qu'ils se sont plu ù nomuiei Larbaree.

I

capitaines de Gha- re lettre L source les eaux lyaux de de celle Ds restes nsiruit à it leau, l'autre '. lots qui

plus belle :e genre, y admire 'ut élevée rai , coni- é qu'ont ens dans ruarltirae lesquels i de 5 à usqu'aux 1 détruit ^ninie la Relation, t portée arbares.

CHAPITRE VIII. 143

traversoient les rues de Ténochtitlan. Les sources de S. Augustin de las Cuevas sont les plus belles et les pif is pures ; aussi j'ai cru reconnoître sur le chemin qui mène de ce charmant village à Mexico , des traces d'un ancien aqueduc.

Nous avons nommé plus haut ( page i23) les trois digues principales par lesquelles l'ancienne ville tenoit à la terre ferme. Ces dignes existent en partie, et on en a même augmenté le nombre. Ce sont aujourd'hui de grandes chaussées pavées qui traversent des terrains marécageux, et qui, étant très- élevées, onl le double avantage de servir au roulage des voitures et de contenir les eaux débordées des lacs. La calzada d'Iztapalapan est fondée sur cette même digue ancienne, sur laquelle Gortez fit des prodiges de valeur dans ses rencontres avec les assiégés. La *^nlzadade San Antonio se distingue encore de nos jours par ce grand nombre de petits ponts que les Espagnols et les Tlascaltèques y. trou- vèrent, lorsque le compagnon d'armes de Gortez, Sandoval, fut blessé près de Goyo- huacan '. Ges calzadasde San Antonio Abad ,

* Lurenzana, p. 229 , 24^. " .

l44 LIVRE III,

de la Piedad, de San Christobal et de Gua- deloupe ( anciennement appelée la digue de Tepejacac), furent reconstruites à neuf après la grande inondation de l'année i6o4., sous 1 . vice-roi Don Juan de Mendoza y Luna , marquis de Montesclaros. Les seuls savans de ce temps , les pères Torquemada et Geronimo de Zarate , exécutèrent le nivellement et Falignement des chaussées. C'est à cette époque aussi que fut pavée pour la première fois la ville de Mexico ; car avant le comte de Re- villagigedo , aucmi autre vice-roi ne s'étoit occupé avec plus de succès de la bonne police, que le marquis de Montesclaros.

Les objets qui attirent généralement l'atten- tion du voyageur sont , '

1.® La Cathédrale y dont une petite partie est dans le style vulgairement appelé gothique: l'édifice principal, qui a deux tours ornées de pilastres et de statues , est d'une ordonnance assez belle et de construction très-récente.

2.*» La Monnoic y attenant au palais des vice-rois , bâtiment d'où sont sortis , depuis le commencement du seizième siècle, plus de six milliards et demi en or et en argent mon noyés.

de Gua- iigue de îufiiprès ►4 , sous y Luna , avans de eronimo ment et e époque •e fois la de Re- e s'étoit e police,

t l'atten-

e partie éthique:

ornées mnance ente, ais des

depuis e, plus

argent

CHAPITRE VIII. 145

S.** Les Couvens, parmi lesquels $e distingue surtout le grand couvent de Saint-François , qui, simplement en aumônes, a une rente annuelle d'un demi-million de francs. Ce vaste édifice devoit d'abord se construire sur les ruines du temple de Huitzilopochtli; mais ces ruines mêmes ayant été destinées aux fon- demens de la cathédrale , on commença , en i53i, le couvent dans son local actuel. Il doit son existence à la grande activité d'un frère servant ou moine lai , Fray Pedro de Gante, homme extraordinaire, que Ton dit avoir été fils naturel de l'empereur Charles - Quint, et qui devint le bienfaiteur des Indiens, auxquels ils enseigna le premier les arts mé- caniques les plus utiles de TEurope.

4.** JJHospice , ou plutôt les deux hospices réunis, dont Tun entretient 600 , l'autre 800 en fans et vieillards. Cet établissem< ' dans lequel règne assez d'ordre et de propreté , mais peu d'industrie, a 25o,ooo fr. de rentes. Un riche négociant lui a légué récemment, par son testament, six millions de francs , capital qui a été pris par la trésorerie royale , avec promesse d'en payer un intérêt de cinq pour cent. ^

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10

l4G LIVRF îll,

5.® \1 Acordada , bel édifice , dont prisons sont généralement spacieuses et bien aérées. On compte dans cette maison et dan'^ les autres prisons de Tacordada qui en 'dé- pendent , plus de douze cents personnes , parmi lesquelles se trouve un grand nombre de contrebandiers, et les malheureux pri- sonniers indiens traînés à Mexico depuis les provincias internas ( Indios Mecos ) , dont il a été question plus haut dais les 6.* et 7.' chapitres '.

6.** JJ Ecole des mines y le nouvel édifice commencé etl'ancien établissement provisoire, avec ses belles collections de physique , de mécanique et de minéralogie '.

7.** Le Jardin de botanique , dans une des cours du palais du vice-roi , très-petit , mais extrêmement riche en produf 'ions végétales

* Vol. I, p. 419, et p. 42 (le ce volume.

* Deux autres collections oryctognosliqucK et géo- logiques très-remarquables , sont celles du professeur Cervanlefc et de Voidor M. Caravajal. Ce magistrat respectable possède aussi un superbe cabinet de coquilles , formé pendant son séjour aux îles Philip- pines, où déjà il avoit déployé le môme zèle pour les sciences naturelles, qui le dislingue si honora- blement au Mexique.

CHAPITRE VIII. '^ 147

rares ou intéressantes pour l'industrie et le commerce. -

8.° Les Edifices de V Université, et laBiblio' théque publique , qui est peu digne d'un si grand et si ancien établissement. . Q.** ]J Académie des heaux-arts , avec une collection de plâtres antiques '.

10.° La Statue équestre du roi Charles IV , sur la plaza maycr , et le monument sépulcral que le duc de Monte Leone a consacré au grand Oortez , dans une chapelle de l'hôpital de los Naturales. C'est un simple monument de famille , orné d'un buste en bronze , repré- sentant le héros dans un âge mûr , et exécuté par M. Toisa. Qu'on traverse l'Amérique espagnole depuis Buenos-Ajres jusqu'à Mon- terey, depuis la Trinité et Porto Rico jusqu'à Pan-^ma et Veragua, et nulle part on ne rencontrera un monument national que la reconnoissance publique ait élevé à la gloire de Christophe Colomb et de Hernan Cortez !

Ceux qui se livrent à l'étude de l'histoire et à la recherche des antiquités américaines , ne trouveront pas dans l'enceinte de la capitale

* Voye* plus haut, p. 12. '

iO

i48

LIVRE ni,

ces grands restes de constructions que Ton voit au Pérou, dans les environs de Cusco et de Guamachuco , à Pachacamac , près de Lima , ou à Mansiche , près de Truxillo ; dans la province de Quito , au Gaiîar et au Cajo ; au Mexique , près de Milla et de Cholula , dans les intendances d'Oaxaca et de Puebla. Il paroît que les seuls monumens des Aztèques étoient les téocallis, dont nous avons indiqué plus haut la forme bizarre. Or , le fanatisme chrétien n'avoitpas seulement un grand intérêt à les détruire; mais aussi la sûreté du vainqueur rendit cette destruction nécessaire. Elle se fît en partie pendant le siège même; car ces pyramides tronquées, construites par assises , servoient de refuge aux combattans , comme le temple de Baal Berith aux peuples de Chanaan : c'étoient autant de châteaux dont il falloit déloger l'ennemi.

Quant aux maisons des particuliers , que les Historiens espagnols nous dépeignent comme très-basses, nous devons être peu surpris de n on trouver que les fondemens ou des ma- sures peu élevées , telles qu'on les découvre dans le Barrio de Tlatelolco et vers le canal d'Istacalco. Dans la plupart de nos villes

CHAPITRE Vlli.

i49

d'Europe même , quel petit nombre de maisons peut-on compter dont la construction remonte au commencement du seizième siècle? Cependant les édifices de Mexico ne sont pas tombés en ruines par vétusté. Animés de ce même esprit de destruction que les Romains montrèrent à Syracuse , à Carthage et en Grèce , les conquérans espagnols ne crurent avoir achevé le siège d'une ville mexicaine qu'après en avoir rasé les bâtimens. Cortez , dans sa troisième lettre ' à l'empereur Charles- Quint, énonce lui-même le système effrayant qu'il suivit dans ses opérations militaires. « Malgré tous ces avantages, dit-il , que nous « avions remportés , je vis bien que its ha-

bitans de la ville de Témixtitan ( Ténoch- « titlan ) étoient si rebelles et si opiniâtres ,

qu'ils désiroient tous périr plutôt que de « se rendre ; je ne savois plus quel moyen « employer pour nous épargner tant de « dahgers et de fatigues, et pour ne pas « achever la ruine totale de la capitale , qui « étoit la plus belle chose du monde { a la « ciudad p porcjue era la mas hermosa cosa

(C

((

* 1 M

* Lorenzana , p. 278.

l5o LIVRE HT,

« del miindo ). J'avois beau leur dire que je

« ne leverois pas mon camp, que je ne reti-

« rerois pas ma flotille de brigantins , que je

« ne cesserois pas de leur faire la guerre par

« terre et par eau , avant que je ne Tusse

«c maître de Témixtitan ; je leur observai en

« vain qu'ils n'avoient aucun secours à at-

« tendre, et qu'il n'y avoit pas un coin de terre

« dont ik pussent espérer tirer du maïs , de

« la viande , des fruits et de l'eau. Plus nous

« leur fîmes ces exhortations , et plus il nous

« prouvèrent qu'ils étoient loin d'être décou-

« rages. Ils n'avoient d'autre désir que celui

« de combattre. Dans cet état de choses ,

« considérant que déjà plus de l^o à 5o jours

« s'étoient écoulés depuis que nou" avions

« investi la place, je résolus enfin -"^ prendre

« un moyen par lequel, en pourvoyant à

« notre sûreté, nous étions à même de serrer

« de plus près n*^:, ennemis : je formai le

« dessein de démolir d'un côté et de Vautre

« toutes les maisons a mesure que nous nous

<c rendrions maîtres des rues j de sorte que

K nous n'avancerions pas d'un pied sans avoir

« tout détruit et abattu derrière nous j con-

« vertissant en terre ferme tout ce qui étoit

CHAPITRE VIII.

l5l

; que je ne reti- que je Tre par le fusse îrvai en rs à ai- de terre laïs, de us nous il nous décou- le celui choses, >o jours avions ^rendre )jant à ; serrer mai le Vautre LS nous 'te que is avoir j con- à étoit

« eau y quelle que pût être la lenteur de ce « travail et le retard auquel nous nous expo- « serions '. Pour cet effet, je réunis les « seigneurs et les chefs de nos alliés , et je u leur expliquai la résolution que j'avois «c prise. Je les engageai à faire venir un grand « nombre de laboureurs avec leurs coar, j tt qui sont semblables aux houes dont on te €< sert en Espagne pour faire des excavations ; « et nos alliés et nos amis approuvèrent mon « projet, car ils espéroient que la ville seroit €c détruite de fond en comble , ce qu'ils « désiroient ardemment depuis long-temps. « Trois à quatre jours se passèrent san^ <f combat , car nous attendîmes l'arrivée des €< gens de la campagne qui dévoient nous <€ aider à démolir. »

Après avoir lu ce récit naïf que le général

* Accordé de tomaf' un mediopara nuestra seguridad y para pode estrechar a Los enemigos; y fue que como fu<iHsei,,<jù ganando por las calles de laciudad, que fuessen derocando todas las casas de ellas , de un ladoy del otro ; por manera que no fuessemos un passa adelante sin la dejar todo asolado y que lo que era agua hacerlo tierra firme ; aunque hohiesse toda la dilacian que se pudiesse sagitir. Lorenzana , n. 34.

.

iSa LIVRE m,

en chei fait à son souverain , dans sa troisième lettre, on ne doit plus être surpris de ne trouver presque aucun vestige des anciens édifices mexicains. Cortez raconte que les indigènes , pour se venger des vexations qu'ils avoient éprouvées sous la domination des rois aztèques , accoururent en grand nombre , et des provinces les plus éloignées , dès qu'ils apprirent qu'on travailloit à la destruction de la capitale. Les décombres des maisons démolies servirent à combler les canaux. On mit les rues à sec pour faire agir la cavalerie espagnole. Les maisons basses y comme celles de Pékin , en Chine , étoient construites en partie en bois, en partie en tetzontli , pierre spongieuse , légère et facile à briser. « Plus de cinquante mille Indiens « nous aidèrent, dit Cortez, le jour que, « marchant sur des monceaux de cadavres , « nous gagnâmes enfin la grande rue de et Tacuba, et que nous brûlâmes la maison « du roi Guatimucin *. Aussi ne fit-on autre

* Le vrai nom de ce roi malheure uj. , le dernier de la dynastie aztèque, est QuauJitemotzin. C'est le même auquel Cortez fit brûler peu à peu la plante des pieds , après les avoir fait tremper dans l'huile. Ce tourment

CHAPITHE VIII.

53

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autre

nier de même pieds , irment

« chose que brûler et raser des maisons. «f Ceux de la ville disoient à nos alliés ( les « Tlascaltèques ) , qu'ils avoient tort de nous « aider à détruire , parce qu'ils auroient un « jour à reconstruire de leurs mains ces K mêmes édifices , soit pour les assiégés , si H ceux-ci restoient vainqueurs, soit pour « nous autres Espagnols , qui effectivement « déjà les forçons à rebâtir ce qui a été dé- « moli \ "En parcourant le libro delcabildoy

ne porta pas le roi à déclarer dans quel endroit ses trésors avoient été cachés. Sa fin fut la même que celle du roi d'Acolhucan (Tezcuco) et de Tellepanguet- zallzin , roi de Tlacopar (Tacuba). Ces trois princes furent pendi;? à un ?rîjre , et, comme je l'ai vu repré- senté dans une peinture hiéroglyphique que possède le père Pichardo (au couvent de San Felipe Neri ) , ils furent pendus par les pieds , pour prolonger leurs tourmens. Cet acte de cruauté de Corlez, que des historiens récens ont eu la lâcheté de dépeindre comme FeiFet d'une politique prévoyante, causa des murmures dans l'armée même. <( La mort du jeune roi , » dit Bernai Diaz del Castillo (vieux soldat plein de droiture et de naïveté dans l'expression ) , « étoit chose bien « injuste : aussi fut-elle blâmée de nous tous autant (( que nous étions dans la suite du capitaine , dans sa « marche vers Comaj ah ua. » * Lorenzana, p. 286»

l54 UVRl- III,

manuscrit dont nous avons déjà parlé, et qui contient l'histoire de la nouvelle ville de Mexico depuis l'année 1624 jusqu'en 1529, je n'y ai trouvé sur ton les les pages que des noms de personnes qui comparoissent devant les alguasils, «pour demander remplacement ti (solar) sur lequel étoit autrefois la maison « de tel ou tel seigneur mexicain. » Même encore aujourd'hui on est occupé à combler et dessécher les canaux anciens qui traversent plusieurs rues de la capitale. Le nombre de ces canaux a surtout diminué depuis le gou- vernement du comte de Galvez , quoiqu'à cause de l'extrême largeur des rues de Mexico, les canaux y soient encore moins contraires à la circulation des voitures que dans la plupart des villes de Hollande.

On peut compter , parmi les foibles restes des antiquités mexicaines qui intéressent le voyageur instruit , soit dans l'enceinte de la ville de Mexico , soit dans ses environs , les ruines des digues ( albaradones ) et des aque- ducs aztèques; la pierre dite des sacrifices, ornée d'un relief qui représente le triomphe d'un roi mexicain ; le grand monument calan- daire (expose avec le précédent à la^plaza

CHAPITRE VIII.

i55

! , et qui r'illc de I 1629, r[ue des t devant icement maison « Même combler aversent mbre de s le gou- quoiqu'à Mexico, entrai res 1 plupart

es restes 3ssent le te de la 'ons, les es aqué- icrifices , riomphe nt calan- la «plaza

mayor); la statue colossale de la déesse Téoyaomiqui, couchée sur le dos, dans une des galeries de Tédifice de l'Université, et hubiluellement couverte de trois ou quatre pouces de terre; les manuscrits ou tableaux hiérog'l)'phiques aztèques, peints sur du papier d'agave, sur des peaux de cerfs et des toiles de coton (collection précieuse enlevée injus- tement au chevalier Boturini ' , très- mal conservée dans les archives du palais des \ice-rois, et attestant dans chaque figure l'imagination égarée d'un peuple qui seplaisoit à voir offrir le cœur palpitant des victimes humaines à des idoles gigantesques et mons- trueuses); les (ondemens du palais des rois d Acolhuacan , à Tezcuco ; le relief colossal tracé sur la face occidentale du rocher por- phyritique appelé le Penol de los Banos, et plusieurs autres objets qui rappellent à l'observateur instruit les inslititutions et les ouvrages de peuples de la race mongole, et dont la description tet les dessins seront donnés dans la relation historique de mon

. * L'auteur de l'ouvrage ingénieux : Ydea de urji,a nuei^a Historia général de la America SejjCentrional , for el cdballero Boturini, ,- ; ^

i

'i-i

iS6

LIVRE m

Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent.

Les seuls monumens anciens oui , dans la vallée mexicaine , peuvent imposer par leur giandeur et leurs masses aux yeux des Euro- péens^ sont les restes des deux pyramides de San Juan de Téotihuacan , situées au nord-est du lac de Tezcuco , consacrées au soleil et à la lune, appelées par les indigènes Tonatiuh Ytza([ual, maison du Soleil, et Meztli Ytza- qual , mait:oîi de la Lune. D'après les mesures faites en 1 8c 5, par un jeune savant mexicain , le docteur Oteyza, la première pyramide, qui est la plus australe, a, dans son état actuel, une base de 208 mètres (645 pieds) de long^ et 55 mètres (66vares mexicaines' ou 171 pieds) d'élévation perpendiculaire. La seconde , la pyramide de la lune , est de 1 1 mètres ( 3o pieds ) plus basse , et sa base est beaucoup moins grande. Ces monumens , d après le récit des premiers voyageurs , et d'après la forme qu'ils présentent encore

* Velasquez a trouvé que la vare mexicaitie a exac- tement 3i pouces de l'ancien pied de roi (de Paris). La façade septentrionale de l'hôtel des Ir: valides, h Paris ; n'a que 600 pieds de longueur.

louveau

dans la ►ar leur s Euro- ides de nord-est eil et à 'onatiuh li Ytza- mesures exicain , ramide , ion état

pieds ) icaines ' culaire. , est de

sa base umens ,

urs , et

encore

3 a exac- e Paris ). alides , à

CHAPITRE VIII.

lf>7

aujourd'hui, ont servi de modèle aux téo- callis aztèques. Les peuples que les Espagnols trouvèrent établis dans la Nouvelle-Espagne, attribuèrent les pyramides de Téolihuacan ' à la nation toltèque : leur construction remonte par conséquent au huitième ou au neuvième siècle ; car le royaume de ToUan dura depuis 66j jusqu'en io3i. Les laces de ces édifices sont, à 62' près, exactement orientées du nord au sud et de Test à l'ouest : leur intérieur est de l'argile mêlé de petites pierres. Ce noyau est revêtu d'un mur épais d'amyg-da- loïde poreuse : on y reconnoît , en outre , des traces d'une couche de chaux qui enduit les pierres (le tetzontli) par dehors. Quelques auteurs du seizième siècle prétendent, d'après

* Cependant Siguenza^ dans ses notes manuscrites, les croit un ouvrage de la nation olmèque , qui habitoit autour de la Sierra de TIascala, appelée Mallacueje. Si cette hypothèse, dont nous ignorons les foudemens liiiUoriques, étoit vraie, ces raonumens serolent plus anciens encore ; car les Olnièques appartiennent aux premiers peuples dont la chronologie aztèque fait mention dans la Nouvelle-Espagne. On prétend même :^ue c'est la seule niation dont la migration s'est faite, non depub le nord et le nord ;iest ( l'Asie Mongole ) , niais de])uls l'Orient (l'Europe).

i38

LIVr.E III

une tradition indienne , que l'intérieur de ces pyramides est creux. Le chevalier Boturini dit que le géomètre mexicain Siguenza avoit vainement essayé de percer ces édifices par une galerie. Ils formoienl quatre assises, dont on ne reconnoît aujourd'hui que trois , les injures du temps et la végétation des cactus et des agaves ayant exercé leur influence des- tructive sur l'extérieur de ces monumens. Un escalier, construit en grandes pierres de taille , conduisoit jadis à leur cime : c'est que, d'après le récit des premiers voyageurs, se trouvoient des statues couvertes de lames d'or très-minces. Chacune des quatre assises principales étoit subdivisée en petits gradins d'un mètre de haut, dont on distingue encore les arêtes : ces gradins sont couverts de frag- mens d'obsidienne, qui, sans doute, étoient les instrumens tranchans avec lesquels , dans leurs sacrifices barbares , les prêtres toltèques et aztèques {papahua tlemacazque ou teo- pixqui) ouvroient la poitrine aux victimes humaines. On sait que l'obsidienne {Itztli) étoit l'objet des grandes exploitations dont on voit encore les traces dans une innom- brable quantité de puits , entre les mines de

•e assises

CHAPITRE VIII. ifjiQ

Moran et le village d'Atotonilco el Grande , dans les montagnes porhyritiques d'Oyamcl et du Jâcal , région que les Espagnols appellent la montagne des Couteaux, el Cerro de las Navajas '.

On désireroit sans doute voir résolue la question si ces édifices curieux, dont l'un ( le Tonatiuh Ytzaquâl ) , d'après les mesures exactes de mon ami, M. Otejza, a une masse de 128,970 toises cubes, ont été entièrement construits à mains d'hommes, ou si les Tol- tèques ont profité de quelque colline naturelle, qu'ils ont revêtue de pierre et de chaux? Cette même question a été récemment agitée par rapport à plusieurs pyramides deDjyzcli et de Sakhiirah : elle est devenue doublement inté- ressante par les hypothèses Tanlastiques que M. Witte a hasardées sur l'origine des monu- mens de forme colossale de l'Egypte, de Persépolis et de Palmyre. Comme ni les py- ramides de Téotihuacan , ni celle de Cholula , dont nous parlerons dans la suite, n'ont pas

* J'ai trouvé la cime du Jacal élevée de 3i 2'i mètres j la Rocca de las Ventanas, au pied du Cerro de las Navajas , élevée de 2960 mètres au-dessus du niveau de la mer.

i6o

LIVRE m

été percées diamétralement, il est impossible de parler avec certitude de leur structure intérieure. Les traditions indiennes d'après lesquelles on les croit creuses, sont vagues et contradictoires : leur situation dans des plaines l'on ne trouve aucune autre colline, rend même assez probable qu'aucun rocher naturel ne sert de noyau à ces monumens. Ce qui est très-remarquable aussi ( surtout si l'on se rappelle les assertions de Pococke sur la position symétrique des petites pyramides d'Egypte ) , c'est que tout à l'entour des maisons du soleil et de la lune de Téo- tihuacan , on trouve un groupe , j'ose dire un système de pyramides qui ont à peine neuf à dix mètres d'élévation. Ces monumens, dont il y a plusieurs centaines, sont disposés dans des rues très-larges, qui suivent exacte- ment la direction des parallèles et des méri- diens, et qui aboutissent aux quatre laces des deux grandes pyramides. Les petites pyramides sont plus fréquentes vers le côté austral du temple de la lune que vers le temple du soleil : aussi étoient-elles, d'après la tradition du pays, dédiées aux étoiles. Il paroît assez certain qu'elles servoient de

CHAPITRE Vin.

i6

jossjblc ructure d'après vagues ans des colline, rocher lumens, irtout si »cke sur ramides our des e Téo- ose dire peine lumens, disposés exacte- ;s méri- te laces petites lie côté Ivers le d'après loiles. Il ient de

sépulture aux chefs des tribus. Toute cette plaine, que les Espagnols, d'après un mot de la langue de l'île de Cuba, appellent Llano de los Cuesy porta jadis, dtns les langues aztèque et toltèque , le nom de Micoatl, ou Chemin des Morts. Que d'analogies avec les monumens de l'ancien continent! Et ce peuple toltèque, qui, en arrivant au septième siècle sur le sol mexicain , construisit , d'après un plan uniforme, plusieurs de ces monumens de forme colossale, ces pyramides tronquées et divisées par assises comme le temple de Bélus à Babylone , d'où avoit-il pris le type de ces édifices? Etoit-il de race monopole? descendoit-il d'une souche commune ' avec les Chinois, les Hiong-nu et les Japonois?

Un autre monument ancien , très-digne de l'attention du voyageur, c'est le retranche- ment militaire de Xochicalco , situé au sud- sud- ouest de la ville de Cuernavaca, près de Tetlama , appartenant à la paroisse de

* Voyez l'ouvrage de M. Herder : Idée d'une Histoire philosophique de l'espèce humaine , T. Il , p. 59 ; T. III , p. 11 (en allemand ) ; et Essai d'une Histoire universelle de M. Gatterer , p. 489 ( en allemand ).

n. 1 1

l62

LIVRE III ,>

Xochilepèque. C'est une colline isolée , de 117 mètres d'élévation, entourée de fossés, et divisée à main d'homme en cinq assises ou terrasses qui sont revêtues de maçonnerie. Le tout forme une pyramide tronquée, dont les quatre faces sont exactement orientées selon les quatre points cardinaux. Les pierres de porphyre à base basaltique sont d'une coupe très-régulière, et ornées de figures hiéroglyphiques, parmi lesquelles on distingue des crocodiles jetant de l'eau , et , ce qui est très - curieux , des hommes assis les jambes croisées à la manière asiatique. La plate-foime de ce monument extraordinaire ' a près de 9000 mètres carrés, et présente les ruines d'un petit édifice carré qui servit sans doute de dernière retraite aux assiégés.

- Je finirai ce tableau rapide des antiquités aztèques, en désignant queh ues endroits que l'on . peut nommer classiques , à cause de l'intérêt qu'ils inspirent à ceux qui ont étudié

■■'■'-•■•■' ■/

* Descripcion de las antiguedades de Xochicalco , dcdicada a los Senores de la Expedicion maritiwa baxo las ordenes de Don Alexandre Mcdaspina , par Don Jase Antonio Jtlzate. Mexico^ '•ZQ* > P- 12.

CHAPITRE VIII.

i63

iée , (le fosses ,

: assises

i

Dnnerie. îc, dont ►rienlées 5 pierres it d'une

figures listingue e qui est 5 jambes ite-forme

près de ines d'un ioute de

mtiquités roits que cause de ►nt étudie

iochlcalco , Ttinritima spina, par p. 12.

l'histoire de la conquête du Mexique par les Espagnols. ' -

Le palais de Montezuma étoit placé dans le même site se trouve aujourd'hui l'hôtel du duc de Monte Leone, vulgairement appelé casa del Estado , à la plaza mayor , au sud-ouest de la cathédrale. Ce palais , comme ceux de l'empereur de la Chine, dont sir George Staunton et M. Barrow nous ont donné des descriptions exactes, étoit composé d'un grand nombre de maisons spacieuses mais très-peu élevées : elles occupoient tout le terrain con- tenu entre l'Empedradillo , la grande rue de Tacuba et le couvent de la Professa. Cortez, après la prise de la ville , fixa sa demeure vis-à-vis les ruines de ce palais des rois aztèques, est placé aujourd'hui le palais des vice-rois : mais on jugea bientôt que la maison de Cortez convenoit davantage aux assemblées de l'Audiencia; par conséquent, le gouvernement se fit céder la casa del Estado, ou Tancien hôtel appartenant à la famille de Cortez. Cette famille, qui porte le titre du marquesado del Valle de Oaxaca, reçut en échange remplacement de l'ancien palais de Montezuma : c'est qu'elle contruisit le bel

11*

l64 LÏVRE III,

édifice dans lequel se trouvent les archives delEstado, et qui est passé, avec tout l'héri- tage , au duc napolitain de Monte Leone.

Lorsque Gortez fit sa première entrée à Ténochtitlan , le 8 novembre 1619, lui et son petit corps d'armée furent logés non au palais de Montezuma , mais dans un édifice qu'avoit habité jadis le roi Axajacatl. C'est dans cet .édifice que les Espagnols et leurs alliés les Tlascaltèques , soutinrent l'assaut des Mexi- cains ; c'est que périt le malheureux roi •Montezuma ' , des suites d'une blessure qu'il avoit reçue en haranguant son peuple. On reconnoît encore * de foibles restes de ce

* C'est d'un de ses fils, appelé Tohiialicaliuatzin , et après le baptême, Don Pedro Motezuma , que descendent les comtes de Motczuma et ïula , en Espagne. Les Cano Motezuma , les Andrade Mole- zuma , et , si je ne nie trompe , même les comtes de Miravalle , à Mexico , font remonter leur origine à la belle princesse Tecuichpoizin ,{^\q cadette du dernier roi Motezuma 11 , au Moteuczoma Xvcojolzin, Les descendans de ce roi ne mêlèrent leur sang à celui des blancs que dans la seconde génération. ' " '^

* Les preuves de cette assertion sont contenues dans les manuscrits de M. Gama, qui se trouvent au couvent de San Felipe Neri, entre les mains du

CHAPITRE VUI.

6.Î

archives ut l'héri- one.

entrée à lui et son an palais ! qu'avoit dans cet alliés les es Mexi- reux roi ure qu'il uple. On es de ce

ahuatzin , \una y que ïula , en ade Mole- comtes de >rigine à la du dernier olzin. Les ng à celui

contenues e trouvent mains du

quartier des Espagnols , dans des masure» situées derrière le couvent de Ste.-Thcrèse , au coin des rues de Tacuba et del Indio Triste. ' .

Un petit pont près de Bonavista a conservé le nom desaut d'Alvarado (salto deAlvarado), en mémoire du saut prodigieux que fit le valeureux Pedro deAlvarado, lorsque, dans la fameuse nuit mélancolique ', la digue de Tlacopan ayant été coupée en plusieurs endroits par les Mexicains , les Espagnols se retirèrent de la ville sur les montagnes de Tepeyacac. Il paroît que déjà du temps de Cortez, on disputa sur la vérité historique de ce fait, qui, par une tradition populaire, a été transmis à toutes les classes des habitans

père Pichardo. Cortez , dans ses lettres, nomme son quartier lafurtaleza , la forteresse. Le palais d'Axa- jacatl étoit probablement une ^asle enceinte qui contenoit plusieurs édifices, car on y caserna près de sept mille hommes. {Clauigero, III , p. 79.) Les ruines de la ville de Mansiche, au Pérou, nous donnent une idée très-claire de ce genre de construction améri- caine. Chaque habitation d'un grand seigneur y formoit un quartier séparé, dans lequel on distinguoit des cours, des rues , des murailles et des fossés. > Noche triiite, le i."*" juillet lôao.

il

l66 LIVBE III,

de Mexico. Bernai Diaz regarde Thistoire dw saut comme une simple fanfaronnade de son compagnon d'armes, dont il vante d'ailleurs le courage et la présence d'esprit. Il assure que le fossé étoit beaucoup trop large pour le passer au saut. Je dois observer cependant que cette anecdote est rapportée avec beau- coup de détail dans le manuscrit d'un noble métis de la république de Tlascala, Diego Munoz Camargo ; manuscrit que j'ai consulté au couvent de San Felipe Neri , et dont le père ïorquemada ' paroît aussi avoir eu

' Monarquia indiana , Lib. IV , Cap. LXXX. Clavigero, I, p. lo. 11 existe encore n Mexique et en Espagne plusieurs manuscrits historiques composés au seizième siècle, et dont la publication par extrait jeteroit beaucoup tle jour sur l'histoire d'Anahuac : tels sont les rrianuscrits de Sahagun , de Motolinia , d'Andréa de Olmos , de Zurita , de Josef Tobar, de Fernando PiraentelIxtlilxochill,d'AntonioMotezuma, d'Antonio Pimentel Ixtlilxochitl, de Taddeo de ISiza , Gabriel d'Ay al a , Zapata^ Ponce, Christophe de Cas- tillo , Fernando Alba Ixtlilxochitl, Pomar , Chimalpaïn, Alvarado Tezozomoc et de Gulleriez. Tous ces auteurs, à l'exception des cinq premiers , étoient des Indiens baptisés, natifs de Tlascala, de Tezxuco, de Cholula et de Mexico. Les Ixtlilxochitl descendoient de la famille royale d'AcoIhuacan.

'M

)ire du de son ûUeurs

assure B pour endant ; beau-

noWe Diego )nsullé lont le Dir eu

LXXX.

lie et en posés au extrait laliuac : tolinia, bar, de tezunia, le ISiza , de Cas- Lai pain, luteurs, Indiens Cliolula it de la

CHAPITRE VIII. 1G7

connoissance. Cet bislorien métis étoit con- temporain de . Ilernan Corlez. Il raconte l'histoire du saut d'Alvarado avec beaucoup de simplicité , sans apparence d'exagération , et sans énoncer la largeur du fossé. On croit reconnoître dans son récit naïf un héros de l'antiquité qui , appuyant l'épaule et le bras sur sa lance , fait un élan énorme pour se sauver des mains de l'ennemi. Camargo ajoute que d'autres Espagnols voulurent suivre l'exemple d'Alvarado , mais qu'ayant moins d'agilité que lui , ils tombèrent dans le fossé ( azequia ). «c Les Mexicains , dit-il , furent si « étonnés de l'adresse d'Alvarado , qu'en le « voyant sauvé ilsmangèrent la terre » (expres- sion figurée que l'auteur tlascaltèque emprunte de sa langue, et qui signifie être stupéfait d'admiration ). « Les en fans d'Alvarado , qui « fut appelé le Capitaine du saut ^ prou- « vèrent par des témoins, devant les juges <{ de Tezcuco, la prouesse de leur père. Ils « y furent forcés par un procès dans lequel « ils exposèrent les exploits qu^luarado de « el S alto , leur père , avoit faits lors de la V. conquête du Mexique. »

On montre aux étrangers le pont du Cle-

r

l!

i68 LIVRE iir,

rigo , près de la plaza mayor de Tlatelolco , comme Tendroit mémorable fut pris le dernier ro: aztèque Quauhtemotzin , neveu de son prédécesseur, le roi Cuillahualzin % et gendre de Montezuma ii. Mais il résulte des recherches soignées que j'ai faites avec le père Pichardo ^ que le jeune roi tomba entre les mains de Garci Holguin ' dans un grand bassin d'eau qu'il y avoit autrefois entre la Garita del Peralvillo , la place de Santiago de Tlatelolco et le pont d'Amaxac. Cortez se trouva sur la terrasse d'une maison de Tlate-

^ Ce roi Guillahuatzin ( que Solis et d'autres historiens européens, qui confondent tous les noms mexicains y nomment Quetlabaca ) étoit frère et suc- cesseur de Motezuma ii. C'est le même prince qui montra tant de goût pour les jardins, et qui, d'après le récit de Cortez , avoit fait la collection des plantes rares que l'on adniiroit encore long-temps après sa mort à Iztapalapan.

^ Le 3i août iâ2i, le soixante-quinzième jour du siège de Ténochtillan , jour de Saint-Hippolyte. Le même jour est encore célébré tous les ans par un tour que le vice-roi et les oidorea font à cheval par la ville , en suivant l'étendard de l'armée victorieuse de Cortez , porté par Talferez-major de la très -noble ville de Mexico.

CHAPITRE VIII. l6()

lolco, lorsqu'on lui amena le roi prisonnier: « Je le fis asseoir, dit le vainqueur, clans sa « troisiènie lettre à l'empereur Charles-Quint, « je le traitai avec confiance , mais le jeune u homme mit la main sur un poignard que « je portois à la ceinture , et m'exiiorta de « le tuer, parce qu'après avoir fait ce qu'il « devoit à lui-même et à son peuple , il ne «< lui restoit d'autre désir que la mort. » Ce trait est digne du plus beau temps de la Grèce et de Rome. Sous toutes les zones , quelle que soit la couleur des hommes, le langage des âmes fortes est le même lorsqu'elles luttent contre le malheur. Nous avons vu plus haut quelle fut la fin tragique de cet infortuné Quauhtemotziu !

Après la destruction totale de l'ancien Ténochtitlan , Cortez resta avec les siens pendant quatre ou cinq mois à Gojohuaciin ', endroit pour lequel il a constamment montré une grande prédilection. Il l'ut d'abord in- certain s'il devoit reconstruire la capitale dans quelque autre endroit autour des lacs. Il se détermina pour le site ancien , « parce que la

* Lorenzana, p. 307.

1 70 LIVRE IIÎ .

« ville de Témixtitan étoit devenue céièbVe ; « que sa position est merveilleuse, el qac « de tout temps on l'avoit considérée comme « le chef- lieu des provinces mexicaines « (conio principal f senora do todas estas «f provincias), » Il n'est pas douteux cependant qu'à cause des fréquentes inondations qu'on* souffertes l'ancien et le nouveau Mexique , on miroit mieux fait de nlacer la ville à l'est de Tezcuco, ou sur les hauteurs entre Tacuba et Tacubaya '.C'est, en effet, à ces hauteurs

' Cisneros , Descripcion del silio en el quai se halla Jl/exLro. jilzate ,TopogrnJia de Mexico. (GazeUa de IjUcraliira, 1790, p. 3^.) La plupart des grrndos villes des colonies espagnole*, quelque neuves qu'elles paroisscnt être, se trouvent dans des sites désavan- tageux. Je ne parle pas ici de remplacement de Caracas, de Quito, de Pasto et de plusieurs autres villes de l'Amérique méridionale , mais seulement des Tilîes mexicaines, par exemple , de Valladolid , qiw Ton auîoit pu construire dans la belle vallée de Tepare; de Guadalaxara , qui se trouve tout près de la pîaino riante du Rio Chieonahuatenco ou San Pedro; de Pazcuaro, que l'on désireroit voir i)àti h Tzintzcntzn. On diroit que partout les nonvcmx colons de deux lieux voisins ont choisi celui qui est le plus monlagnoux ou le plus exposé aux inondations. Mais aufbi les

CHAPITRE VtlI.

1^1

ebre ; ;l qiie oniine Lcaines estas 311 dan t qu'ont siqiie , à l'est ^acuba uiteiirs

se h a lia zella tle grrndos qu'elles lésavan - netit «1c s autres fient des id , qm^> Tepare ; a plaine :lro ; de

Je deux

la£;neux

iiUPBI

les

que la capitale dut être transférée , par uu ordre formel du roi Philippe m , lors de la grande inondation de l'année 1607. \]Ajun- faniento, ouïe magistrat de la ville, repré- senta à la cour que la valeur des maisons dont on ordonnoit La destruction, étoit de io5 millions de francs. On paroissoit ignorer à Madrid que la capitale d'un royaume construit depuis quatre-vingt-huit ans, n'est pas un camp volant que l'on chaii^e de place à volonté I

Il esr impossible de déterminer avec quel- que certitude le noii'^bre des habitans de l'ancien TénocLtitlan, A en juger d'après le?^ masures des maisons ruinées , d'après le récit des premiers conquéraiis , et surtout d'après le nombre des combattans que les rois Guitlahuatzin et Quauhtimotzin oppo- sèrent aux Tlascaltèques et aux Espagnols , la V -pulation de Ténochtitlan paroît avoir été au moins trois fois plus grande que ne Test de nos jours celle de 3Iexico. Cortez assure qu'après le siège , le concours des

Espagnols n'ont presque pas construit de nouvcllos Tilles ; ils n'ont fait qu'habiter ou agrandir celles qui avoient été fondées par les indigènes.

1^2 lèivRE m,

artisans mexicains qui travailloient pour les Kspai^nols , comme charpentiers , maçons , tisserands et fondeurs , étoit si énorme, qu'en i52/f la nouvelle ville de Mexico compta déjà trente mille liabitans. Les auteurs mo- dernes ont mis en avant les idées les plus contradictoires sur la population de la capitale. L'abbé Clavigero, dans son excellent ouvrage sur l'histoire ancienne de la Nouvelle- Espagne, prouve que ces évaluations vont de soixante mille jusqu'à un million et demid'habilans'. Ce? contradictions ne doivent pas nous étonner, en considérant combien les recherches statis- tiques sont neuves , même dans la partie la plus cultivée de l'Europe.

D après les données les plus récentes et les moins incertaines, la population actuelle de la capitale du Mexique paroît être ( en y com- prenant les troupes ) , de i oo à i/|0,ooo âmes. Le dénombrement fait en 1790, par ordre du comte de Revillagigedo , ne donna pour la ville qu'un résultat' de 112,926 lia- bilans; lïiais on sait que ce résultat est de plus d'un sixième trop petit. La troupe réglée et

*■ Clavigero, W , p. 278 , noie y>.

^ Voj't'z la noie c à !a fin de l'ouvrag'i

Il ;

CHAPITRE VHI. Iji

la milice en garnison dans la capitale, sont composées de 5 à 6000 hommes sous les armes. Onpeutadmeltreavec une grande probabilité que la population actuelle consiste en

2;5oo blancs européens. 60,000 blancs créoles. 55,000 indigènes ( Indiens cuivrés ). 26,500 métis, mélange de blancs et d'Indiens. 10,000 mulâtres.

157,000 habitans.

Il existe par conséquent à Mexico 69,^00 hommes de couleurs, et 67,500 blancs ; mais un grand nombre de métis ( mvstizos ) sont presque aussi blancs que les Européens et les Espagnols créoles.

Dans les vingt-trois couvens d'hommes que lenlerine la capitale, il y a à peu près 1200 individus, parmi lesquels on compte près de 58o prêtres et choristes. Dans les quinze Gouvens de Cennnes, il y a 2100 individus, dont près de 900 sont religieuses professes.

Le clergé de la ville de Mexico est extrê- mement nombreux , quoique d'un quart

;:'

1^4 LIVRE III,

moins nombreux que celui de Madrid. Le

dénombrement de 1790 indiquoit:

^ I /^573 prêtres et choristes. \

Dans les couvensj ' ^ I

, . { 5q novices )ooj

de mornes . . . I *^ , I

'235 frères servans ^

Dans les couvensj 888 religieuses professes.)

de religieuses.\ 35 novices j^

Prébendes ^6

Curés 16

Vicaires 43

Ecclésiastiques séculiers. 5 1 7

Total 2,39^! indiv.

Et sans les frères servans et les novices. . . 2,oG3

Le clergé de Madrid est composé , d'^tprès l'excellent ouvrage de M. de Laborde , de 3470 personnes ; par conséquent , le cIcï est à la population entière, à Mexico, comme 1 -^ à 100, et à Madrid comme 2 à 100.

Nous avons donné plus haut ( pag. 53 ) le tableau des revenus du clergé mexicaiii. L'archevêque de Mexico a 682,600 livres tournois de rente. Cette somme est un peu moindre que le revenu du couvent des Jéro- nimites de l'Escurial. Un archevêque de Mexico est par conséquent de beaucon;> moins riche que les archevêques de Tolttij ?

coniine

iuco!i;>

CHAPITRE VIII. 1^5

de Valence , de Séville et de Santiago. Celui de Tolède a 3 millions de livres tournois de revenus. Cependant M. deLaborde a prouvé, et ce fait est très-peu connu, qu'avant la révolution le clergé de France étoit plus nombreux , en le comparant à la population totale , et plus riche comme corps que le clergé espagnol. Les revenus du tribunal de l'inquisition de Mexico, tribunal qui s'étend sur tout le royaume de la Nouvelle-Espagne , sur celui de Guatimala et sur les îles Philip- pines, son^ de 200,000 livres tournois.

Le nombre des naissances est à Mexico , en prenant un terme moyen de cent ans , de 5900 ; le nombre des décès est de 5o5o. L'année 1802 il y eut même 61 55 naissances^ et 5 166 décès; ce qui donneroit , en sup- posant une population de 117,000 âmes, sur 22 7 individus, une naissance , et sur 26 j individus, un décès. Nous avons vu plus haut, dans le quatrième chapitre (\ ol. 1 , p. 35 8), qu'à la campagne on compte en général , dans la Nouvelle-Espagne , le rapport des naissances à la population ' comme 1 à 17 ; et le rapport

* E: France, le rapport des naissances aux morts est Ujl, que sur la totalilc t-«r la populaliou, il n'eu

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,1 •! !

176

LIVRE III

des décès à la population comme 1 à 3o. Par conséquent , il j a en apparence une très- grande mortalité et un très-petit nombre de naissances dans la capitale. L'affluence des malades y est considérable , non-seulement pour la classe du peuple la plus indigente , qui cherche des secours dans les hôpitaux , dont le nombre des lits monte à 1100, mais aussi pour les personnes aisées qui se laissent transporter à Mexico , parce qu'ils ne trou- vent ni médecins ni remèdes à la campagne. Cette circonstance explique le grand nombre de décès que manifestent les registres des paroisses. D'un autre coté, les couvens, le célibat du clergé séculier, les progrès du Juxe, la milice et l'indigence des saragates indiens, qui vivent dans la fainéantise comme les lazaronis de Naples , sont les causes prin- cipales qui influent sur le rapport désavan- tageux des naissances au total de la population.

mcnrt anndrllemrnt qu'an trenlième , taïkclis qu'il en naît un vingt-huilicme. {^1* l'iichet, Statistique ,^. 25 i.) Dans les villes, ce rapport (lépeiul d'un concours de circonstances locales et variables. On coniploit, en 1786, à Londres, 18,1 19 naissances et 2o/*54 décès; en 180a, à Paris; :.>i,8i8 naissances et 20,.'^90 décès.

CHAPITRE VIII.

177

MM. Alzate et Clavigero ', en comparant les registres des paroisses de Mexico à ceux de plusieurs villes d'Europe , ont tenté de prouver que la capitale de la Nouvelle-Espagne doit avoir plus de 200,000 hahitans ; mais comment supposer que, dans le dénombrement de 1790, on se soit trompé de 87,000 âmes , ce qui est plus de deux cinquièmes de la population totale ? En outre , les comparaisons faites par les deux savans mexicains ne peuvent guère, par leur nature, conduire à des résultats certains , parce que les villes dont ils offrent les registres mortuaires , sont situées à des hauteurs et sous des climats très-différens , et parce que l'état de civilisation et d'aisance de la grande masse des habitans présente les contrastes les plus frappans. A Madrid , on

^ L'abbé Clavigero est dar««; Terreur quand il dit qu'un dénombreiucnt a donné plus de 200,000 âmes à la ville de Mexico, 11 avance d'ailleurs , et avec raison, que cette ville compte généralement un quart de plus de naissances et de décès que Madrid. En effet , à Madrid, en 1788, le nombre des naissances étoit de 4897, celui des morts de SgiDj en 1797, il y avoit 444; morts et 4911 naissances. [Alexandre de Lahorde, II, p. 102.)

U. ' 12

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il

1^8 LIM\E *III ,

compte une naissance sur 54.; à Berlin, une sur 28 individus. L'un de ces rapports est , aussi peu que l'autre , applicable aux calculs que l'on voudroit hasarder sur la population des villes de l'Amérique cquinoxiale. Leur différence est en outre si grande, qu'elle seule augmenteroit ou diminueroit de 56,ooo âmes la population de Mexico , en y supposant un nombre annuel de 6000 naissances. Le moyen de déterminer le nombre des habitans d'un district ou d'une province par le nombre des décès ou des naissances , est peut - être le meilleur de tous , quand l'arithmétique poli- tique a fixé avec soin , dans un pays donné , les nombres qui expriment les rapports des naissances et des décès à la population totale ; mais ces mêmes nombres , résultats d'une longue induction , ne peuvent pas être ap- pliqués à des pays dont la situation physique et morale est totfilement différente : ils dé- signent l'état moyen de prospérité d'une masse de population dont la plus grande partie habite la campagne ; on ne peut par conséquent pas se servir de ces mêmes rap- ports pour trouver le nombre des habitans d'une capitale.

CHAPITRE VIII. 179

La ville de Mexico est la plus peuplée des villes du*nouveau continent. Elle a près de quarante mille habitans de moins que Madrid': comme elle forme un grand carré dqnt chaque côté a près de 2760 mètres, sa population est éparse sur un grand espace de terrain. Les rues étant très-larges , elles paroissent en général assez désertes : elles le sont d'autant plus que dans un climat que les habitans des tropiques considèrent comme froid , le peuple s'expose moins à l'air libre que dans les villes situées au pied de la Cordillère. Aussi ces dernières ( ciudades de tierra caliente ) pa- roissent constamment plus populeuses que les villes des régions tempérées ou froides ( ciudades de tierra fria ). Si Mexico a plus d'habitans que les villes de la Grande-Bre- tagne et de la France , à l'exception de Londres, de Dublin et de Paris j d'un autre

^ (( La population de Madrid (dit M. de Laborde) « est de 1 56,272 habitans. Cependant, avec la gar- « nison les ulrangcrs et les Espagnols qui accourent <( àG& provinces , la population peut être portée à (( 2CO,GOO aines. » La plus grande longueur de Mexico est de près de 3goo mètres ; celle de Paris, de 8000 mètres,

13*

l8o LIVRE m,

cotô, la population est de beaucoup moindre que celle des grandes villes du Levant et des Indes Orientaks. Calcutta, Surate, Madras, Haleb et Damas , comptent toutes au-delà de deux, quatre et même six cent mille habitans.

Le comte de Revillagigedo a fait faire des recherches exactes sur la consommation de Mexico. Le tableau suivant, dressé en 1791 , offrira quelque intérêt à ceux qui connoissent les travaux importans que MM. Lavoisier et Arnould ont faits sur la consonmiation de Paris et de la France entière. ' ....

U -i --/j' ! - . ■'. ,' •'/,■■..,. 1 " - .

, "consommation de MEXICO.

' . /. Comestibles. .

Bœufs 16,000

Veaux " 4^0

Moutons. 278,925

Porcs 50,676

Chevreaux et lapins 24.1O00

Poules i,255,5/|0

Canards 1 25,ooo

Dindons 2o5,ooo

Pigeons 65,3oo

Perdrix i4o,ooo

noindre it et des Madras, au-delà [)t mille

Liire des ition de

n 1791 ' noissent

oisier et

de Paris

c o.

i6,3oo

278,923 60,676 24,000 2 55,54 0 126,000 206,000

66,3oo i4o,ooo

CHAPITRE VIII. l8l

//. Graines. '

Mais ou blé de Turquie , cargas à ?.

3 fanègues 1 17,224

Orge, cargas 40,219

Farine de froment , cargas « 1 2 ar- ,

robes i3o,ooo

III. Liquides. ^ »

Pulque, suc fermenté de l'agave, ....

cargas 294,790

Vin et vinaigre, barils « 4t arrobes. 4*^07

Eau-de-vie, barils j 2,000

Huile d'Espagne, arrobes ^26 lii>res. 6,685 .■ > "1 >

En supfiosant, avec M. Peuchet, la popu- lation de Paris quatre fois plus grande que celle de Mexico, on observera que la con- somm-itioa en viande dt bœuf, t^t à peu près proportionnelle au nombre des habita us des deu.^ villes; mais que celle <ja \iande de mouton et de porc est excessivement plus grande à Mexico. Voici k diff^îrence : ,^.

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LIVRE m.

Bœufs

Moutons. . . Cochons. . .

CONSOMMATION

DE MEXICO. DE PARIS.

1 6,3o{)

273,000

5o,ioo

70,000

35o,ooo

35,000

QUADRUPLE

de ia Consomma lion

DE MEXICO.

65,200 1^116,000

300,400

M. Lavoisier a trouvé par ses calculs , que les habitans de Paris consommoient de son temps annuellement 90 millions de livres pesant de viandes de toutes sortes , ce qui fait 160 livres (79 TB kilogrammes ) par individu. En éva- luant la viande comestible que donnent les animaux désignés dans le tableau précédent d'après les principes de M. Lavoisier, mo- difiés selon les localités , la consommation de Mexico , en toutes sortes de viandes , est de 26 millions de livres pesant , ou de 189 livres (92 -p- kilogrammes) par individu. Cette diffé- rence est d'autant plus frappante que la population de Mexico embrasse 33,ooo In- diens qui ne mangent tous que très-peu de viande.

La consommation du vin a beaucoup aug- menté depuis 1791 9 surtout depui:» Tinlro-

CHAPITRE VUI.

S3

iluclion du système brownien dans la pratique des médecins mexicains. L'enthousiasme i^é- néral avec lequel ce système a été reçu dans un pays les remèdes asthéniques ou débi- litans avoient été employés avec excès depuis des siècles, a eu, selon le témoig-na^e de tous les négocians de Vera-Cruz , l'effet le plus marquant sur le commerce des vins liquoreux d'Espagne. Mais ces vins ne sont bus que par la classe aisée des habitans. Les Indiens , les métis , les mulâtres , et même le plus grand nombre des blancs créoles préfèrent le jus lérmenté de l'agave , appelé pulque , dont il se consomme annuellement rénorme quantité de 4^ millions de bouteilles ( chacune à Ifi pouces cubes ). La grande population de Paris ne consommoit annuel- lement , du temps de M. Lavoisier , que 281,000 muids en vin, eau-de-vie, cidre et bière , ce qui fait 80,928,000 bouteilles.

La consommation du pain , à Mexico , est égale à celle des villes d'Europe. Ce fait est d'autant plus frappant , qu'à Caracas , à Cumana , à Carlhagène des Indes, et dans toutes les villes d'Amérique qui sont situées sous la zone torride, mais au niveau de lu

l84 LIVRE 111,

mer , ou à de petites hauteurs , les liabitans créoles ne se nourrissent presque que de pain de mais, et du jatroplia manihot. Si Ton suppose, avec M. Arnould , que 025 livres de farine donnent 4i6 livres pesant de pain, on trouve que les 100,000 cliart>es de l'arine consommées à Mexico , pouvoieul fournir 49,900,000 livres de pain , ce qui Fuit une consommation de 060 livres par indi\idu de tout âge. En évaluant la population habituelle de Paris à 6/17^000 habitans^ et la consom- mation en pain à 206,788,000 livres, on trouve pour Paris 577 livres par individu* A Mexico , la consommation en maïs est presque égale à celle en froment : aussi le blé turc est la nourriture la pins recherchée par les indigènes. On peut lui appliquer la dénomination que Pline donne à l'orge ( le xpi^vi d'Homère ) , aiitiquissinium frumentiun j carie zea maïs est la seule graminée à graines farineuses que cultivoient les Américains avant l'arrivée des Européens.

Le marché de Mexico est richement fourni en comestibles , surtout en légumes et en fruits de toute espèce. C'est un spectacle intéressant dont ou peut jouir tous les matins

îi

CHAPITRE Vni.

i85

que

au Jever du soleil , que de voir entrer ces provisions et une grande quantité de fleurs , sur des bateaux plats conduits par des Indiens , descendantlcs canaux d'Istacalco et de Chalco. La majeure partie de ces légumes est cultivée sur les cliinampas j que les Européens dési- gnent par le nom de jardins flottans. 11 y en a deux sortes , dont les uns sont mobiles , poussés çà et par le vent, les autres fixés et unis au rivage. Les premiers seuls méritent la dénomination de jardins flottans, mais leur nombre diminue de jour en jour. . .

L'invention ingénieuse des cliinampasparoît remonter à la fin du quatorzième siècle. Elle tient à la situation extraordinaire d'un peuple qui, entouré d'ennemis, forcé de vivre au milieu d'un lac peu poissonneux , ralfinoit sur les moyens de pourvoir à sa subsistance. Il est probable que la nature même a suggéré aux Aztèques la première idée des jardins flottans. Sur les rivages marécageux des lacs de Xochimilco et de Chalco , l'eau agitée dans la saison des grandes crues, enlève des mottes de terre couvertes d'herbes , et entrelacées de racines. Ces mottes , voguant long-temps çàet au gré des vents, se réunissent quel-

r8f>

Livnr: m

' p 1 1

quefois en petits îlots. Une tribu (rhonimcs trop foibles pour se maintenir sur le continent, crut devoir profiter de ces portions de terrain que le hasard leur offroit , et dont aucun ennemi ne leur disputoit )a propriété. Les plus anciens cliinampas n'étoient que des mottes de gazon réunies artificiellement , piochées et ensemencées par les Aztèques. Ces îles flottantes se forment sous toutes les zones : j'en ai vu dans le royaume de Quito , dans la rivière de Guajaquil , ayant 8 à 9 mètres de long, nageant au milieu du courant, et portant de jeunes tiges de bambusa , de pistia slratiotes, de pontederia, et une foule d'autres végétaux dont les racines s'entrelacent faci- lement. J'en ai trouvé aussi en Italie ^ dans le petit lago di aqua solfa de Tivoli , près des thermes d'Agrippa ; petites îles qui sont formées de soufre , de carbonate de chaux et des feuilles de l'idva thermalis, et qui changent de place au moindre soufle de vent. De simples mottes de terre enlevées au rivage ont donné lieu à l'invention des chi- nampas; mais l'industrie de la nation aztèque a peu à peu perfectionné ce système de culture. Les jardins flottans , que les Espagnols trou-

CHAPITRE VIH. 187

vcrcnt ' i es- multipliés , et dont plusicms existent encore dans le laede Chalco, étoient des radeaux formés de roseaux ( lotora ) , de joncs, de racines, et de branches de brous- sailles. Les Indiens couvrent ces matières légères et enlacées les unes dans les autres , de terreau noir , qui est naturellement im- prégné de muriate de soude. On enlève peu à peu ce sel en arrosant le sol avec l'eau du lac : le terrain devient d'autant plus fertile que l'on répète plus souvent cette lixiviation. Ce procédé réussit même avec l'eau salée du lac deTezcuco, parce que, très-éloignée du point de sa saturation, cette eau est encore propre à dissoudre du sel , à mesure qu'elle filtre à travers le terreau. Les chinampas renferment quelquefois jusqu'à la cabane de l'Indien qui sert de garde pour un groupe de jardins flottans. On les toue ou on les pousse avec de longues perches pour les transporter à volonté d'un rivage à l'autre.

A mesure que le lac d'eau douce s'est éloigné du lac salé , les chinampas mobiles se sont fixés. On en voit de cette dernière classe tout le long du canal de la Viga, dans le terrain marécageux contenu entre le

l88 LIVRE HT,

lac de Chalco et le lac de Tezcuco. Chaque cbinampas forme un parallélogramme de loo nictrcs de loiiir , cl de 5 à 6 mètres de large. Des fossés étroits et communicant symé- triquement entr'eux , séparent ces carrés. Le terreau propre à la culture , désalé par de fréquentes irrigations , s'élève de près d'un mètre au-dessus de la surface de l'eau envi- ronnante. C'est sur ces cliinampas que se cultivent les fèves , les petits pois , le piment ( chile , capsicum ) , les pommes de terre , les artichaux , les choux-fleurs , et une grande variété d'autres légumes. Les bords de ces carrés sont généralement garnis de fleurs, quelquefois même d'une haie de rosiers. La promenade que l'on fait en bateaux autour des cliinampas d'Istacalco , est une des plus agréables dont on puisse jouir dans les en- virons de Mexico. La végétation est très-vi- gourcuse sur un sol constamment arrosé.

La vallée de Ténochtitlan offre à l'examen des physiciens deux sources d'eaux thermales, celle de Notre-Dame de la Guadeloupe , et celle du Penon de los Banos (rocher des bains ). Ces sources contiennent de l'acide carbonique , du sulfate de chaux et de soude ,

CHAPITRE VIII. 189

et du muriate de soude. Celle du Pcîion a une température assez élevée. On y a élabli des bains très-salutaires et assez eouiniodes. C'est aussi auprès du Penon de los Banos, que les Indiens fabriquent le sel. Ils lessivent des terres art^ileuses chargées de jnuriale de soude , et concentrent des eaux qui n'ont que 12 à iSpour 100 de sel. Les chaudières, qui Sont très-mal construites , n'ont que six pieds carrés de surface , et deux à trois pouces de profondeur. On n'y emploie d'autre combus- tible que la fiente de mulets et de vaches. Le feu est si mal dirigé , que pour produire douze livres de sel, qui se vendent 55 sous ( monnoie de France ) on consume pour 1 2 sous de combustible ! Cette saline exisloit déjà du temps de Motezuma , et il n'y a eu d'autre changement dans le procédé technique que la substitution de chaudières de cuivre battu aux cuves en poterie de terre.

Le monticule de Chapoltepec avoit été choisi par le jeune vice-roi Galvez, pour y construire un château de plaisance pour lui et se3 successeurs. Le château a été terminé extérieurement, mais les appartemens n'ont point été meublés. Cette construction a coûté

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lOo

LIVRE III

au roi piès d'un million et demi de livre» tournois. La cour de Madrid désapprouva la dépense , mais , comme à l'ordinaire , après qu'elle avoit été faite. L'ordonnance de cet édifice est très-singulière. Il est fortifié du coté de la ville de Mexico. On y reconnoît des murs saillans et des parapets propres à placer des canons , quoiqu'on ail donné à ces parties l'apparence de simples ornemens d'ar- chitecture. Du côté du nord il y a des fossés et de vastes souterrains , capables de contenir des provisions pour plusieurs mois. C'est une opinion populaire à Mexico de regarder cette maison des vice-rois à Chapoltepee comme un cliateau-fort masqué. On accusa le comte Bernardo de Galvez d'avoir eu le projet de rendre la Nouvelle-Espagne indépendante de la péninsule. On suppose que le rocher de Chapoltepee étoit destiné pour lui servir d'asile et de défense au cas d'une attaque par des troupes européennes. J'ai vu des hommes respectables et occupant les premières places, qui partagent ce soupçon contre le jeune vice-roi. Il est du devoir de l'historien de ne pas se livrer légèrement à des accusations d'une nature grave. Le comte de Gabt^

CHAPITRE VIII. 191

appirlcnoit à une famille que le roiChailesiii avoil élevée rapidement à un degré de ri- chesses et de puissance extraordinaires. Jeune, aimable , adonné aux plaisirs et au l'astc , il avoil obtenu de la munificence de son sou- verain une des premières places à laquelle un particulier puisse s'élever : par consé([uent, il ne paroissoit pas lui convenir de briser les lions qui , depuis trois siècles , unissent le» colonies à la métropole. Le comte de Calvez, iiijilgrésa conduite , propre à gagner la laveur de la populace de Mexico , malgré l'influence d'une vice-reine aussi belle que généralement aimée , auroit éprouvé le sort qu'aura tout vice-roi européen ' qui tend à l'indépendance. Dans un grand mouvement révolutionnaire on ne lui auroit pas pardonné de ne pas être Américain !

» Parmi les cinquanle vice-rois qui ont gouverne le Mexique, depuis Tannée i535 jusqu'en 1808, il n'y en a eu qu'un seul en Amérique, le péruvien Don Juan de Âcuna, marquis de Casa Fuerte ( 1722 1734), homme désintéressé et bon administrateur. Quelques-uns de mes lecteurs apprendront peut-être aussi avec intérêt qu'un descendant de Christophe Colvwb et un descendant du roi Motazurna ont été

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I

ir)'>. Livr.E ni,

Le cliAleau de Ghapoltcpec doit cire vendu au profit du :,^ouvcriicincnt. Comme dans tout pajs il est diffirile de trouver des personnes qui achètent des jdaees fortes, quelques mi- nistres de la llciU Ifftcinida oui eounneueé par vendre à l'enclière les vitres et les cliassis des fenêtres. Ce vand.ilisme, que Von dési«^nc |)ar le nom d'j'^eonomie, a déjà beaucoup contribué à dégrader un édifice (jui se lrou\c à 20213 mètres de hauteur, et qui, sous un climat assez rude, est exposé à toute l'impé- tuosité des vents. Il seroil peut-être prudent de conserver ce château , comme la seuFc place dans laquelle on pourroit placer les archives, déposer les barres d'argent de la monnoie, et sauver la personne du vice-roi, dans les premiers momens d'une émeute po- pulaire. On conserve à Mexico la mémoire des émeutes ( motinos) du 12 février 1008, du i5 janvier 1624 et du 8 juin 1692. Dans la dernière , les Indiens manquant de maïs ,

vice-rois de la Nouvelle-Espagne. Don Pedro Nuno Colon , duc de Yeraguas , fit son entrée à Mexico en 1673, et mourut six jours après. Le vice-roi Don Joseph SarmicnloYaliadarcs^ comte de Motezuma; gouverna depuis i()97 jusquVn 1701.

CHAPITRE VÎII. I(j3

luùliMOnl ]c p.ijijis (lu vice-roi Don Gaspar de Saiifloval , ronilc do Oalvtî , qui se Tt';[u«^ia i'hez le ^ardiou du couvent de Sl.-Francois. Mais ee n'est qu'à celte époque que la pro- tection «les moines valoil la sûreté d'un chAleau fortifié.

J'our terminer la description de la vallée de Mexico , il nous reste à tracer rapidement le tableau hydrograpliique de cette contrée, entrecoupée de lacs et de petites rivières. Ce tableau , j'ose m'en flatter , intéressera autant le physicien que l'ingénieur-construc- Icur. Nous avons dit plus haut que la surface (1rs quatre lacs principaux occupe près d'un dixième de la vallée , ou vinj^t-deux lieues carrées. En effet , le lac de Xochimilco ( et Chalco) a 6 f, le lac de Tezcuco lo 7';, celui de San ChrLstobal 3 -^■- , celui de Zumpango 1 7- lieues carrées (de 25 au degré équatorial ). La vallée de Ténochtitlan ou de Mexico est un bassin entouré d'un mur circulaire de montagnes porphyritiques très- élevées. Ce bassin , dont le fond est à une hauteur de 2277 mètres au-dessus du niveau de rOcéan , ressemble en petit au vaste bassin de la Bohême (et si la comparaison n'est ir. 1 3

ï9'l

LIVUE III

pas trop hasardée ), aux vallées des montagnes de la Lune , décrites par MM. JTerschel et Schrœter. Toute l'humidité que fournissent les Cordillères qui environnent le plateau de Ténoclititlan , se réunit dans la vallée. Aucune rivière n'en sort, à l'exception du petit ruisseau ( aroyo ) de Tequisquiac , qui , dans un ravin de peu de largeur , traverse la chaîne boréale des montagnes , pour se jeter dans le Rio de Tula ou de Moteuczoma.

Les afUuens principaux de la vallée de Ténochtitlan sont : i.** les rivières de Papa- lotla , de Tezcuco , de Téotihuacan et de Tepeyacac ( Guadalupe ) , qui versent leurs eaux dans le lac de Tezcuco ; 2.** celles de Pachucaet deGuaulitlan ( Quaiihtitlau ) , qui débouchent dans le lac de Zumpango. La dernière de ces rivières (le Rio de Guautitlan) a le cours le plus long; son volume d'eau est plus considérable que celui de tous les autres affluens pris ensemble.

Les lacs mexicains , qui sont autant de ré- cipiens naturels dans lesquels les torrens déposent l'eau des montagnes environnantes, s'élèvent par étage , à mesure qu'ils s'éloi- gnent du centre de la vallée ou du site

CHAPITRE VIII. igS

esl placée la capitale. Après le lac de Tezcuco, la ville de Mexico est le point le moins élevé de toute la vallée. Selon le nivellement très- exact de MM. Velasquez et Castera , la plaza major de Mexico , au coin australe du palais du vice-roi, est de i vare mexicaine i pied et 1 pouce » plus élevée que le niveau moyen des eaux du lac de Tezcuco ^ Ce dernier lac est de 4 vares o pied 8 pouces plus bas que le

' D'après l'ouvrage classique de M. Ciscar {Sobre los niievos penos y rnedidas décimales) la vare castillane est à la toise --o,5i3o : 1,1963, et une toise— 2,33 16 vares. Don Jorge Juan éyaluoit une vare castillane à trois pieds de Burgos , et chaque pied de Rurgos à 1 23 lignes deux tiers du pied de roi. La cour de Madrid avoit ordonné, en 1783, que le corps des artilleurs de mer se servît de la mesure des vares , et le corps des artil- leurs de terre de la toise Françoise , diflerence dont il scroit difficile d'indiquer l'utilité. Compendiode Mate- maticas de Don Francisco Xavier Ravira, T. IV, p. 5/ et 63. La vare mexicaine est égale à o"* ,839.

' Les matériaux manuscrits que j'ai suivis dans la rédaction de cette notice sur le desague j sont :

1.** Les plans détaillés dressés en 1802 , par ordre du doyen de la haute-cour de justice ( decano de la Real Audiencia de Mexico ) , Don Cosrae de Mier y Trespalacios ;

a."* Le mémoire que Don Juan Diaz de la Galle ,

l3*

I()(3 LIVRE III 5

lac de San Cliristobal , dont la partie septen- trionale s'appelle lac de Xaltocan. C'est dans celle partie que se trouvent , sur deux îlots , les villajj^es de Xaltocan et de Tonanilla. Lelac de San Cliristohal pro|)reinent dit, est séparé dt; celui de Xaltocan par une digue très-an- cienne qui va aux villages de San Pablo et

second oITicier du secrétariat d'étal à Madrid , pré- senta, l'an i6'if> , au roi Philippe iv;

3." L'instruction que le vénérable Palafox , évc^que de la Puebla et vice-roi de la Nouvelle -Espagne, transmit, on ifi42 , à son successeur, le vice-roi comte de Salvalicrra (marquis de Sobroso);

4.** Un mémoire que le cardinal Lorenzana , alors arcbevêque de Mexico, présenta au vice-roi Buccarellij

5." Une notice rédigée par le tribunal de Cucntas de Mexico;

6." Un mémoire dressé par ordre du comte de Revillagigcdo ;

7." U Informe de Kelasqiwz.

Je dois nommer aussi l'ouvrage curieux de Zepeda, Historiadel Desague, imprimé à Mexico. J'ai examiné moi-même deux fois le canal de ïlueliuetoca , une fois au mois d'août 180^, et la seconde fois depuis le 9 jusqu'au 12 janvier i8o4, en accompagnant le vice-roi Don José <le Iturrigaray , dont je ue puis trop vanter la bienveillance et la loyauté dans ses rapports envers moi. (Voyez la noie û? à la fin de cet ouvrage. )

\\)

CHAPITRE VÎÎI. IQ'J

lie San Tliomas deCliironaiilla. Le lac le pins septentrional de la vallée de Mexico, celui de Zumpango ( Tzotnpango) est de lo vares 1 pied G pouces pins élevé cpie le niveau moyen des eaux du lac de Tezcuco. Une digue ( la cnlzada de la Criiz dcl Roy ) divise le lac de Zumpango en deux bassins, dont le plus occidental porte le nom de Laguna de Zit- laltepec , et le plus oriental, le nom de Laguna de Coyotepec. A l'extrémité méridionale de la vallée se trouve le lac de Glialco. Il renferme le joli pelit village de Xico , fondé sur une île : il est séparé du lac de Xochimilco par la calzada de San Pedro de 'Jlahua, disfue étroite qui va de Tuliagualco à San Francisco Tlaltengo. Le niveau des lacs d'eau douce de Chalco et de Xochimilco n'est cpie de 1 vare et 1 1 pouces plus élevé que la plaza major de la capitale. J'ai cru que ces détails pouvoient être intéressans pour les ingé- nieurs hydrographes qui veulent se former une idée exacle du grand canal [desague) de Huehuetoca.

La différence de hauteur à laquelle se trouvent, dans la vallée de Ténochlitlan , les quatre principaux réservoirs d'eau, s'est

198 LIVRE III,'

fait sentir dans les grandes inondations aux- quelles, depuis une longue série de siècles, a été exposée la ville de Mexico. Dans toutes, la suite des phénomènes a constamment été la même. Le lac de Zumpango, grossi par la crue extraordinaire du Rio de Guautitlan et des afïluens de Pachuca, verse ses eaux dans le lac de San Christobal^ auquel conduisent les cienegas de Tepejuelo et de Tlapanahui- loya. Le lac de San Christobal rompt la digue qui le sépare du lac de Tezcuco. Enfin les eaux débordées àe ce dernier bassin élèvent leur niveau de plus d'un mètre , et refluent impétueusement, en traversant les terrains salins de San Lazaro , dans les rues de Mexico. Telle est la marche ffénérale des inondations : elles viennent du nord et du nord-ouest. Le canal d'écoulement, qu'on appelle desague real de Huehuetoca , est destiné à en éloigner le danger : il est sûr, cependant, que y par une réunion de plusieurs circonstances, les affluens du sud ( avenidas dcl sur ) sur lesquels le desague n'a malheureusement aucune in- fluence, pourmienl devenir tout aussi funestes à la capitale. Les lacs de Chalco et de Xochi- milco déborderoient^si, dans une forte érup-

niAPiTriE VIII. i(j()

tion du volcan Popocalepell , celte montagne colossale se dépouilloit soudainement de ses neiges. Pendant que j'étois à Guayaquil , sur les côtes de la province de Quito, en 1802 , le cône de Cotopaxi fut tellement chauffé par l'effet du feu volcanique , que presque dans une seule nuit il perdit l'énorme calotte de neige qui le couvre. Dans le nouveau conti- nent, les éruptions et les grands tremblement de terre sont souvent suivis d'averses qui durent des mois entiers. De quels dangers la capitale ne seroit-elle pas menacée, si ces phénomènes avoient lieu dans la vallée de Mexico , sous une zone , dans des années peu humides , il tombe jusqu'à 1 5 décimètres de pluie '!

Les habitans de la Nouvelle-Espagne croient reconnoître une période constante dans Ip nombre des années qui s'écoulent entre les grandes inondations. L'expérience prouve en effet que les crues d'eau extraordinaires se sont suivies dans la vallée de Mexico , à peu près tous les vingt-cinq ans ^ Depuis Farrivce

» Voyez plus haut, Chap. IIÎ, T. I, p. 3o.

» Toalcio prétend pouvoir conclure d'un grainl

200 XA\X\E ni,

des Espagnols, la capitale a éprouvé cinq grandes inondations; savoir : eu i553, sous le vice-roi Don Lnis Yelas(^o ( el viejo ) , con- nétable de Caslille ; en liSHo, sous le vice-roi Don Martin Enriquez de Alnianza ; en i()o/|. , sous le vice -roi marquis de Montesclaros; en i()07,sousIe vice-roi Don Luis de Velasco (el secundo) n»a?qnis de Salinas; <;t en i()2(), sous le vice-roi niarcpiis <le (]eralvo. Cette dernièrt! inondation est la seule <]ui ait en lieu depuis l'ouverture <lu canal d'cj)uiseinent de llucInK.'toca, et nous viurons dans la suite quelles ctoient les circonstances qui l'ont anience. Depuis l'annce i()2(), il y a encore eu, dans la vallée de Mexico, sept crues d'eau très-alaiinantes , mais la ville en a été préservée piu* U; dcsai^in'. (]es sept années Ij'ès- pluvieuses ont été les suivantes : 16^8, iGjT), 1707, 1702, 17/18, 1772, 1795. En comparant entr'elles les onze époques que nous venons d'indiquer, < trouve, poui le retour du terme fatal, les nombres de 27,

nombre d'observations, que les années très-pluvieuses , et par conséquent les grandes inondations, reviennent tous les dix-neuf ans, selon les ternies du cycle de Saros. i^Rozicr , Journal de physique , 1783.)

w

CHAÎ'ITnr VHT.

SOI

2>1,.", 26, 19, 27, 3-2, 2;), if), 2/, et 25 ans, srrio (le nombres qui marque sans clonle nn peu pins de n'^nlarité rpie relie que l'on pré- lend re((mn()îlre à IJma, dans le retour des grands tremhlemens de lerrc.

La situation de la eapitale du ]Vlexi(ine est d'autant plus dangereuse que la difr<Men(e de niveau qui cxisie entre la snrfaee du lae de Tezeueo el le sol sur lequel les maisons sont eonstruiles, diminue d'année en année. Ce sol est nn ])lan fixe, surtout depuis que toutes les rues de Mexieo ont été pavées sons le j^ou- vernement du eomle de Pievillao-ifredo. Le

no fond du lae de Tezeueo^, au contraire, s'élève

prot^n^essivement par les Irnublcs que <'liarient les petits lorrens, et qui font naître des atter- rissemens dans les réservoirs ils se rendent. C'est pour éviter nn inconvénient semblable , que les Véniliens ont détourné de leurs la- gunes la I5rent;i, la Piave , la Livenza , et d'antres rivii-n^s qui y ibrmoient des dépots '. Si l'on pouvoit compter sur Ions les résultais d'un nivellement fait au sei/iéme siècle, on y reconnoîtroit sans doule cpie la plaza niayor de Mexico étoit jadis élevée de plus de ' Andreof-fi! , sur le canal ilu Midi, j). 19.

202

LIVRE III

5

onze décimètres aii-dessns du niveau du lac de Tezcuco , et que ce niveau moyen du lac est variable d'année en année. Si, d'un coté, par la destruction des forêts, l'humidité de l'atmosphère et les sources ont diminué dans les montagnes qui environnent la vallée, d'un autre côté les défrichemens ont auscmenté l'effet des atterrissemens et la rapidité des inondations. Le général Andreossi , dans son excellent ouvrage sur le canal du Languedoc, a beaucoup insisté sur ces causes , qui sont les mêmes sous tous les climats. Les eaux qui glissent sur des pentes couvertes de pelouse, forment moins d'atter rissemens que celles qui parcourent des teri^es meubles. Or , cette pelouse, qu'elle soit formée par des graminées comme en Europe , ou par de petites plantes alpines comme au Mexique , ne se conserve qu'à l'ombre des forêts. D'un autre côté, les broussailles et les bois sur pied opposent des obstacles aux eaux de neiges qui coulent sur la pente des montagnes. Lorsque ces pentes "sont dénuées de végétation , les filets d'eau y sont moins retenus , et se réunissent plus rapi- dement aux torrens , dont les crues font gon- fler les lacs voisins de la ville de Mexico.

CHAPiTr.r viii.

203

Il est assez naturel que , dans l'ordre djs travaux hydrauliques entrepris pour préserver la capitale du danger des inondations, le sys- tème des dignes ait précédé celui des canaux d'écoulement. Lorsque, l'année 1446, la ville de Ténochûtlan fut lellement inondée qu'au- cune de ses rues ne resioit à sec , Montezuma i (Tluehue Moteiiczoma) , guidé par les conseils de Nezahualcojotl , roi de Tezcuco, fit cons- truire une digue de plus de 12,000 mètres de long et de 20 de large. Cette digue , en partie élevée dans le lac , consistoit en un mur formé de pierres et d'argile, et fraisé de chaque coté d'une rangée de palissades. On en voit encore les restes très-considérables dans les plaines de San Lazaro. Celte digue de Montezuma t PmI; agrandie et réparée après la grande inon- dation de l'année 1498 , causée par l'impru- dence du roi Ahuitzotl. Ce prince, comme nous l'avons observé plus haut , avoit fait conduire les sources abondantes de Iluitzilo- pochco au lac de Tezcuco. Il oublia que ce jnénie lac , dépourvu d'eau dans les temps secs, devient plus dangereux dans les années plu- vieuses, à mesure que l'on augmente le nombre de SCS affluens. Ahuitzotl avoit fait périr

il

m

:2o4 iJvr.E m,

Tzol/uniatzin , cilo^cii de Coyoliuacan, parce qu'il avoit ose lui prédire le danger auquel le nouvel aqueduc de Iluitzilopochco cxpose- roil la capitale. Peu de temps après, le jeune roi mexicain manqua d'être noyé dans son palais. La crue d'eau vint avec une rapidité si grande , que le prince l'ut blessé griève- ment à la tcte, en se sauvant par une porte qui menoit des appartemens du rez-de-cliaussée à la rue.

Les Aztèques avoient ainsi construit les digues (calzadas) de Tlaliua et de IMexicall- zingo , et l'albaradon qui se prolonge depuis Iztapalapan à Tepcvacac ( Guadalupe ), et dont les ruines, dans leur état actuel, ne laissent pas d'être encore très-utiles à la ville de Mexico. Ce système des digues , que les Espagnols ont continué à suivre jusqu'au com- mencement du dix-septiè le siècle, présentoit des moyens de défense qui étoient, sinon très-surs, du moins à peu près suiïîsans à une époque les habilans de Ténoclhtitlan , naviguant en canols, étoient plus indifférens aux effets des petites inondations. L'abon- dance des forets et des plantations facilitoit alors les constructions sur pilotis. Une nation

CHAPITRE MU.

2o:>

friîfçale se contentoit du produit des jardins floilans {chinnmpas). Elle ii'avoit besoin que d'un petit espace de terres labourables. Le débordement du lac de Tezcuco étoit moins à craindre pj^ur des bommes cpii vivoient dans des maisons dont plusieurs ctoient traversées par des canaux.

Lorsque la nouvelle ville de Mexico, re- construite par Hernan Cortez , éprouva la première inondation, l'année 1 555, le vice-roi Velasco i.^^ fit construire Falbaradon de San Lazaro. Cet ouvrage, exécuté d'ap'èsle modèle des digues indiennes, souffrit beaucoup dans la seconde inondation de l'année 1 58o. Dans la troisième, en 160/1, il lallut le rétablir en entier. Le vice-roi Montesclaros y ajouta alors, pour la sûreté de la capitale, la prise d'eau ( presa ) d'Oculma, et les trois cahadas de Notre-Dame de la Guadalupe , de San Cbris- tobal et de San Antonio Abad.

A peine ces grandes constructions étoient- elles achevées , que , par une réunion de cir- constances extraordinaires , la capitale fut inondée de nouveau en 1607. Jamais avant, deux inondations ne s'étoient suivies de si près; jamais depuis, le cjcle fatal de ces cala^

lîuG LINRK III,

miles n'a clé plus court que de seize ou dix- sepl ans. Las de l'aire des digues ( albaradones ) que les eaux détruisoient périodiquement, on s'aperçut à la fin qu'il ctoit temps d'aban- donner l'ancien système hydraulique des Indiens , et d'embrasser celui des canaux d'écoulement. Ce changement paroissoit d'au- tant plus nécessaire , que la ville , habitée par les Espagnols, ne ressembloit plus à la capitale de l'empire aztèque. Déjà le rez-de-chaussée des maisons étoit habité; on ne pouvoit par- courir que peu de rues en bateaux : les incon- véniens et les pertes réelles qu'entraînoient les inondations éloient par conséquent devenus plus grands qu'ils ne l'étoient du temps de Montezuma.

Les crues extraordinaires do la rivière de Guautillan et de ses afîduens étant regardées comme la cause principale des inondations, l'idée se présenta naturellement d'empêcher cette rivière de se jeter dans le lac de Zum- pango, dont les eaux moyennes sont à leur surface de 7 7 mètres plus élevées que le sol de le grande place de Mexico. Dans une vallée qui se trouve circulairement entourée de hautes montagnes , on ne pouvoit donner

CHAPITRE VIII.

207

(l'is»uc au Rio de Guuutitlan que par mit' ^ralerie souterraine, ou par un canal creusé à ciel ouvert, à travers ces montagnes mêmes. En effet, déjà en i58o, à l'épocpje de la grande inondation, deux hommes intelli«jens, le iiccn- ciado Obregon et le macstm Arciidega, avoient proposé au gouvernement de faire percer une galerie entre le Cerro de Sincoque et la Loma de Nochistongo. Ce jyoint, plus que tout autre, tievoit fixer l'atlenlion de ceux qui avoient étudié la confij^uration du sol mexicain. Il est le plus rapproché du Rio de Guautitlan , con- sidéré avec raison comme l'ennemi le plus «dangereux de la capitale. Nulle part les mon- tagnes qui entourent le plateau ne sont moins élevées, et ne présentent moins de masse qu'au nord-nord-ouest de Huehuetoca , près des colines de Nochistongo. On diroit, en examinant attentivement ce terrain marneux, dont les couches horizontales remplissent une gorge porphyritique, que c'est que la vallée de Ténochtitlan communiquoit jadis avec celle de Tula.

L'année 1607, le vice-roi, marquis de Sa- linas, chargea Enrico (Henri) Martine z de l'épuisement artificiel des l^cs mexicains.

>.oS

T.IVRE TII

croit commiinéniont, dans la Noiivelle-Es- pagne, quo cet ingénieur célèbre, auleiir du dcsai^uc do Jjfucluictocdy étoil HoUandois ou Allemand. Son nom indique sans doute qu'il descendoit de quelque famille étrangère; il paroît cependant avoir été élevé en Espagne même. Le roi lui a voit conféré le dire de cos- mograpbe. II existe de lui un traité de trigo- nométrie, imprimé à Mexico, qui est devenu très-rareaujourd'liui. Enrico Martinez, Alonzo Martinez , Damian Davilla et Juan de Ysla , firent un nivellement général de la vallée, dont l'exactitude a été prouvée par les tra- vaux exécutés en 1 774 p^n' le savant géomètre don Joaquin Velasquez. Le cosmographe royal, Enrico Martinez, présent.i deux projets de canaux, l'un pour l'épuisement des trois lacs de ïezcuco , Zumpango et San Chris- tobal; l'autre pour celui du lac de Zumpango seul. Conformément aux deux projets, l'écou- lement des eaux devoit se fiiire par la galerie souterraine de Nochistongo , proposée en i58o, par Obregon et Arciniega. Mais la dis- lance du lac de Tezcuco à l'embouchure du KiodeGuautillao étant de près de 02,000 mè- tres, le gouvernement préféra de se borner au

CHAPITRE VIII. 209

canal cle Zuttipango. Ce canal fut commencé de manière à recevoir en même temps les eaux (lu lac de ce nom, et celles de la rivière de Guautitlan. Il est faux, par conséquent^ que le desagiie projeté par Martinez, i\y\ négatif àdiïis son principe, c'est-à-dire, qa*il empêchât sim- plement le Rio de Guautitlan de se jeter dans le lac de Zumpango. La branche du canal qui coiiduisoit les eaux du lac à la galerie, se (.oinbla par des atterrissemens ; le desague dôs-lors ne servit que pour la rivière de Guau- lillan, que l'on détourna dans son cours. Aujssi (|uand M. Mier entreprit récemment Tépuise- iiicnt direct des lacs de San Christobal et de Zumpango, on se souvenoit à peine à Mexico que, 188 années plutôt, le même ouvrage avoit déjà été exécuté pour le pre aiier de ces grands bassins.

La fiimeuse galerie souterraine de Nochis- tongo fut commencée le 28 novembre 1607. Le vice -roi, en présence de VÂudiencia , donna le premier coup de pioche. Quinze mille Indiens étoient occupés à cet ouvrage, qui fut terminé avec une célérité extraordi- naire , parce qu'on travailloit dans un grand nombre de puits à la fois. Les malheureux

2 ro

LIVKE III

iiifligcnes furent traités avec la plus grande dureté. L'emploi de la pioche et de la pelle suffisoit pour percer une terre meuble et ébouleuse. Après onze mois de travaux con- tinuels, la galerie [el socahon) étoit achevée, ajant plus de 6600 mètres ( ou 1 -^-j- lieues communes ' ) de long, et 5'"',5 de large sur 4'", 2 de haut. Au mois de décembre de Tannée 1608, le vice-roi et l'archevêque de Mexico furent invités par l'ingénieur Mar- tinez, à se rendre à Huehuetoca pour voir couler les eaux ' du lac de Zumpango et du Rio de Guautitlan à travers la galerie. Le vice-roi marquis de Salinas, au rapport de Zepeda, fit plus de 2000 mètres à cheval dans ce passage souterrain. Au revers de la colline de Nochistonijo se trouve le Rio de Mocte- suma ( ou deTula ) , qui se jette dans celui de Panuco. Depuis l'extrémité septentrionale du socabon, appelée la Bocca de San Gregorio, Marlinez a voit pratiqué une rigole à ciel ouvert , qui , dans une distance directe de

* De 25 au degré sexagésimal , de 4443 mètres chacune.

^ Les premières cauxavoieuL coulé depuis le 17 sep- tembre 1608.

I

CHAPITRE VIII.

21 I

8600 mètres, conduisoit les eaux de la «galerie à la petite cascade ( salto ) du Rio de Tula. Depuis cette cascade les mêmes eaux ont encore à descendre, d'après mes mesures, jusqu'au golfe du Mexique, près delà barre de Tampico , une hauteur de 21 53 mètres, ce qui donne, pour une longueur de 320,000 mè- tres , une pente moyenne de 6 | mètres sur 1000.

Un passage souterrain, servant de canal d'épuisement, achevé en moins d'un an, ayant 6600 mètres de long, avec un ouverture de 107 mètres carrés en profil, est un ouvrage hydraulique qui, de nos temps, et même en Europe, fixeroit l'attention des ingénieurs. Ce n'est , en effet, que depuis la fin du dix- septième siècle, depuis l'exemple que l'illustre François Andreossi a donné au canal du Midi ^ par le passage de Malpas , que ces percées souterraines sont devenues plus communes. Le canal qui réunit la Tamise à la Saverne passe, près de Sapperton, sur une longueur de plus de 4000 mètres, par une chaîne de montagnes très-elevées. Le grand canal sou- terrain de Bridgwater, qui, près de Worsiey, dans les environs de Manchester, sert au

i4*

212

LIVRE iir

transport des houilles, a, en y comprenant ses diverses ramifications, une ëlenduc de ig,2oo mètres, ou de 4 t3 lieues communes. Le canal de Picardie , auquel on travaille en ce moment, devoit, d'après le premier projet, avoir un passage souterrain et navigable de 15,700 mètres de longueur sur 7 mètres de large , et 8 mètres de haut '.

A peine une partie de l'eau de la vallée de Mexico avoit-elle commencé à couler vers rOcéan Atlantique, que l'on reprocha à Enrico Ma rtinez d'avoir creusé une galerie qui n'étoit ni assez large , ni assez durable , ni assez pro- fonde pour recevoir l'eau des grandes crues. L'ingénieur en chef {maestro del desagiœ) répondit qu'il avoit présenté plusieurs projets, mais que le gouvernement avoit préféré le remède le plus prompt dans l'exécution. En

* Millar and f^azic on chanals , 1807. Le Georg- Stollen, au Harz , galerie commencée en 1777 et finie en 1800, a io,438 mètres de long, et a coulé 1 ,600,000 francs. Près de Fortli , on travaille dans les mines de houille , à plus de 3ooo mètres de distance sous la mer , sans être exposé à des infiltrations. Le canal souterrain de Bridgwaltr a une longueur qui vgale les deux tiers de la lî\rgf;nr du Vas-de- Calais.

CHAPITRE VIII.

^1

effet , les fîUrations el les érosions causées par des alternatives d'humidité et de sécheresse , produisirent des éboulemens fréquens dans une terre meuble. On se vit bientôt forcé de soutenir le plafond, qui n'est formé que de couches alternantes de marne et d'ar^^ile dndurcie , appelée tepetate. On se servit d'abord de boisage y en \A'àCixni des soiivettes à corniche sur des piliers. Mais le bois résineux n'étant pas très-commun dans cette partie de la vallée , Martinez substitua le miimUlement au boisage : ce muraillemcnt, à en juger d'après les restes que l'on en découvre dans la obra del considado y étoit très-bien exé- cuté, mais il pécha par le principe môme. L'ingénieur , au lieu d'avoir revêtu la galerie , depuis le plafond jusqu'à la rigole du plancher ,. d'une voûle entière à coupe elliptique (comme on les emploie dans les mines, chaque fois qu'une galerie de traverse est creusée dans un sable mouvant ) , n'avoit construit que des arcs qui reposoient sur un terrain peu solide. Les eaux , auxquelles on avoit donné trop de chute, minèrent peu à peu les murs latéraux. Elles déposèrent une énorme quantité de terre et de gravier dans la rigole de la galerie ,

2l4 LIVRE III,

parce qu'on n'avoit employé aucun moyen de les lîltrer, par exemple, en les faisant passer préalablement à travers des tissus de petatc faits par les Indiens avec les filamens des pé- tioles de palmiers. Martinez, pour obvier à ces inconvéniens , construisit dans la «>alerie, de distance en distance, des espèces de batar- deaux ou de petites écluses, qui, en s'ouvrant rapidement, dévoient servir à nettoyer le pas- sage. Ce moyen fut insuffisant, et la galerie se boucha par les atterrissemens continuels.

Dès l'année 1608, les ingénieurs mexicains se disputèrent pour savoir s'il falloitou élargir le socahon de Nochistongo , ou en achever le niuraillement, ou faire une percée à ciel ou- vert, en enlevant le cerveau de la voûte; ou enfin entreprendre une nouvelle galerie d'épuisement dans un point plus bas, et ca- pable de recevoir , outre les eaux du Rio de Guautitlan et du lac de Zumpango , celles du lac de Tezcuco. Le vice-roi archevêque Don Garcia Ou erra , religieux dominicain, fît faire de nouveaux nivellemens en 1611, par Alonso de Arias, surintendant de l'arsenal du roi ( armero major ) , et inspecteur des fortifi- cations ( maestro major de forlificaciones ) ,

CHAPITRE VIII.

2lS

homme probe , et qui jouissoit d'une grande réputation à celle époque. Arias parut ap- prouver les travaux de Marlinez , mais le vice -roi ne sut prendre aucune résolution définitive. La cour de Madrid, ennuyée des disputes des ingénieurs, envoya à Mexico, en 1614., un Hollandois, Adrien Boot, dont les connoissances dansFarcbitecture hydraulique sont vantées dans les mémoires de ce temps, conservés duns les archives de la vice-royauté. Cet étranger, recommandé à Philippe m, par son ambassadeur à la cour de France , prêcha de nouveau en fa\eur du système indien : il conseilla de construire autour de la capitale de grandes digues et des levées de terre revêtues. Il ne parvint cependant à faire abandonner entièrement la galerie de Nocliis- tongo que l'année 1620. Un nouveau vice-roi, le marquis de Guelves, ne faisoit qu'arriver au Mexique : il n'avoit par conséquent point encore été témoin des inondations causées par les débordemens de la rivière de Guautitlan ; il eut la téurérilé d'ordonner à l'ingénieur Marlinez de boucher le passage souterrain^ et de faire entrer les eaux de Zumpango et de San Christobal dans le lac de Tezcuco , pour

%

2l6 LIVRE IIIj

voir si en effet le danger seroit aussi grand qu'on le lui avoit dépeint. Ce dernier lac gonfla d'une manière extraordinaire. Les ordres furent révoqués. Martinez reprit le travail de la galerie jusqu'au 20 juin * 1629, il arriva un événement dont les vraies causes sont restées secrètes. ^

Les pluies avoient été très - abondantes : l'ingénieur boucha le passage souterrain ; la ville de Mexico se trouva le matin inondée à un mètre de hauteur :1a plaza mayor, celle du Volador, et le faubourg de Santiago de Tlalelolca restèrent seuls à sec ; on alla en bateau dans le reste des rues. Martinez fut jeté au cachot. On prétendoit qu'il avoit fermé la galerie d'écoulement pour donner aux incrédules une preuve manifeste et négative de l'utilité de son ouvrage. L'ingénieur dé- clara au contraire que , voyant une masse d'eau beaucoup trop considérable pour être reçue dans sa galerie étroite, il avoit mieux aimé exposer la capitale au danger passager d'une inondation , que de voir détruire dans un jour, par l'impétuosité des eaux, les

' D'après quelques mémoires monuscrhs , le 20 sep- tembre.

CIIAI'ITIVE VIII.

'2\

travauxde tant d'années. Mexico , contre tonte attente, resta inondé pendant cinq ans, depuis l'année 1629 jusqu'en iG.li". On traversa les rues en canots, comme on avoit fait avant la conquête, dansrancien Ténochtitlan. On cons- tiMjisit le long- des maisons des ponts en bois qui servirent de quais aux piétons.

Dans celte intervalle, quatre projets dilFérens furent présentés et discutés^ par le vice-roi marquis de Ceralvo. Un habitant de Valla- dolid de Mechoacan , Simon Mendez , exposa déjns un mémoire, que le sol du plateau de Ténochtitlan s'élève considérablement du coté du nord-ouest, vers Huehuetoca et la colline de Nochistongo ; que le point Marlinez avoit attaqué la chaîne de montagnes qui ferme circulairementla vallée, correspond au niveau moyen du lac le plus élevé ( celui de Zumpango ) et non au niveau du lac le plus bas, celui de Tezcuco; qu'au contraire, le sol de la vallée s'abaisse considérablement au nord du village de Carpio , à l'est des lacs de Zumpango et de San Ghristobal. Mendez

* Plusieurs mémoires marquent que l'inondation ne dura que jusqu'en i63i , mais qu'elle recoin- mtnça vers la fin de l'année i633.

1218

LivRi: m

proposa (le dessécher le lac de Tezciiro pDi> une «galerie d'ccoiilemenl qui passeroit entre Xallocan et Santa Lucia , en déboncliant dans le ruisscui ( ///rojo ) de Tequiscpâae , qui, conune il a été observé plus haut, se jette dans le iUo de Moctesunia ou de Tula. Mendez conmienea ce desa^ue projeté par le point le ydus bas : quatre puils d'aiia^e ( lunihreras ) étoicnl déjà aclievés, lorsque le gouvernement, irrésolu et vacillant sans cesse, abandonna l'entreprise comme trop longue et trop coûteuse. D'ini autre côté, Antonio Roman et Juan Alvarez de Tolède propo- sèrent, en i65o,le dessèchement de la vallée par un point intermédiaire , par le lac de San Christobal , en conduisant les eaux au ravin ( hnrranca ) de lluipulztla , au nord du village de SanMaleo, et quatre lieues à l'ouest de la pelile ville de Pachuca. Le vice-roi et l'audience iirent aussi peu d'attention à ce projet qu'à celui du maire d'Oculma , Chris- tobal de Padilla, qui, ayant découvert trois cavernes perpendiculaires , ou trois gouffres naturels ( boqiicvoj es ) , situés dans l'enceinte de la petite ville d'Oculma même , voulut se servir de ces Irous pour épuiser les lacs. La

fiiArirnE vîii.

219

nelife rivière de Tcolihiiacan se perd dans CCS hoquernnes. Padiila ]>roposa d'y Faire entrer aussi les eaux du lac de Tèzoïico , en les conduisant à Oculnia par la métairie de Tezcpiilillan.

Celte idée de se servir des cavernes natu- relles qu'o/Trent les couches d'aniy*>daloïde poreuse , fit naître un projet analogue , et non moins gitranlesque, dans la télé du jésuite Francisco Galderon. Ce relij^ieux prélendoit (|u'l!U fond du lac de Tezcuco , tout près du Pcnol de los Bafios , il exisloit \\\\ trou {siunulero)(\\\\, élargi, pouvoit engloutir toutes les eaux. 11 cherchoil à appuyer cette asserliou sur le témoignage des indigènes les plus in- tclligens , et sur celui d'anciennes caries indiennes. Le vice-roi chargea les prélats de tous les ordres religieux ( qui sans doute dévoient être les plus instruits en malières hydrauliques) de l'examen de ce projet. Les moines et le jésuite sondèrent en vain pendant trois mois, depuis septembre jusqu'en dé- cembre i635 : le sumidero ne fut pas trouvé, quoique aujourd'hui meure encore beaucoup d'Indiens croient à son existence , avec la même opiniâtreté que le père Calderon. Quelle

2^.0 itM'i: ni,

que soit l'opiiiiuii ^C'olo;^icjut3 que l'on s«* (orme de l'orij^iiie volcanique ou neplunieuiie des îimyj^daloïdes poreuses ( ùlasiger man^ dolstciii ) de la vallée de Mexico, il n'est f;-uère probable que cette roche probléina- lique puisse présenter des creux assez consi- dérables pour recevoir- les eaux du lac de Tezcuco , qui , même dans des temps de sé- cheresse , doivent être évaluées à plus de 251,700,000 mètres cubes. Ce n'est que dans des couches de gypse secondaire , comme en Thuringe, qu'on peut hasarder quelquefois de conduire des masses d'eau peu considé- rables dans des cavernes naturelles ( fijjts- schiotUm ) : on y laisse aboutir des galeries d'écoulement commencées depuis l'intérieur d'une mine de schiste cuivreux, sans s'eui- barasser des chemins ultérieurs que prennent les eaux qui gênent les travaux métalli(jues. Mais comment compter sur l'emploi de ce moyen local , lorsqu'il s'agit d'un grand travail hydraulique ?

Pendant l'in.*ndation de Mexico , qui dura cinq années de suite , la misère du bas-peuple au^ï-menta singulièrement. Le commerce cessa; beaucoup de maisons s'écroulèrent; d'aut^res

CHVPITHE \ lîî.

Xll

furent ronducs iuliabilables. Dans ces temps iii;illicurcux, rarohev«}([iie Francisco Manzo y Ziiniga se distingua par sa hienCaisAncc. Il sortit journellement en canot pour distribuer du pain aux pauvres dans les rues inondées. La cour de Madrid ordonna en iOj.) , pour la seconde fois , de transférer la ville dans les plaines entre Tacuba et Tacubaya ; mais le magistrat ( cabildo ) représenta que la valeur des édifices {Jincas) , qu'en 1G07 ^^ avoit portée à i5o millions île livres tournois, et qu'on proposoit d'abandonner, montoit déjà à plus de 200 millions. Au milieu de ces jiiallieurs, le vice-roi fit venir à Mexico l'image de la Sainte-Vierge de la Guadalupe '. Elle

^ Dans les calamités publiques, les huhitans de Mexico recoururent aux deux images célèbres de Notre - Dame de la Gu.uUliipe et de celle des Remedlos. La première est regardée comme indi- gène, ayant apparu entre des Heurs dans le mouchoir d'un Indien ; la seconde a été apportée d'Espagne du temps de la conquête. L'esprit de parti qui existe entre les créoles et les Européens ( Gachupines ) donne une nuance particulière à la diivolion. Le bas-peuple aréole et indien voit à regret que , lors des grandes sécheresses , l'archevêque fasse venir de préférence à Mexico l'image de la Viefge dei

Sins'i

LIVRE II r

séjourna long* - temps dans la ville inondée ; mais les eaux ne se retirèrent qu'en i634. , , par des tremblemens do terre très-forts et très-fréquens , la terre se crevassa dans la vallée , phénomène qui (au dire des incré- dules) favorisa beaucoup le miracle de limage révérée.

Le vice-roi marquis de Geralvo remit l'in- génieur Martinez en liberté. Il fit construire

Hemedios. De ce proverbe qui caraclérise si bien la haine mutuelle des castes: tout, même l'eau, doit nous venir d'Europe ( hasta el agna nos debe venir de la Gachupina). Si , malgré le séjour de la Sainte- Vierge de los Remedios , la sécheresse continue , comme on prétend en avoir eu quelques exemples assez rares, l'archevêque permet aux Indiens d'aller chercher Timage de Notre-Dame de la Guadalupe. Cette permission répand l'allégresse parmi le peuple mexicain , surtout l'^rsque de longues sécheresses finissent (comme partout ailleurs) par des pluies abondantes. J'ai vu des ouvrages de trigonométrie imprimés à la Nouvelle -Espcgne, et dédiés à la Sainte-Vierge de la C uadalupe. C'est sur la colline de Tcpeyacac, au pied de laquelle est construit son riche sanctuaire , que se trouva jadis le temple de la Cérès mexicaine , appelée Tonantzin ( notre mère ) , ou Csnteotl ( déesse du maïs ) , ou l\inteotl ( déesse génératrice ).

CHAPITRE VHI.

'2 2.J

la cnhada ( digue ) clc San Christobnl , à peu près telle que nous la voyons aujourd'hui. Des écluses ( coinpertuas ) , permettent la connnunication du lac de San Ghiistobal avec le lac de Tezcuco , dont le bief est généralement plus bas de ooào^ décimètres. Martinez , depuis l'année 1G09, avoit déjà commencé à convertir une petile partie de la galerie souterraine de Nochistongo en une percée à ciel ouvert. Après l'inondation de 1634, on lui ordonna d'abandonner ce travail, comme trop long et trop dispendieux , et d'achever le desague en élargissant son an- cienne galerie. Le produit d'une imposition particulière sur la consommation des denrées ( devecho de sisas ) avoit été destiné , par le marquis de Sahnas , pour l'entretien des travaux hydrauliques de Martinez. Le marquis de Gaderejta augmenta les revenus de la caisse du desague, par une nouvelle impo- sition de 25 piastres sirr l'importation de chaque pipe de vin d'Espagne. Ces droits de i^isa et de boissons subsistent encore de nos jours , mais une loible partie des deniers est au profit du desague. Au commencement du dix - huitiènje siècle , la cour destina la

•'t

ir^-4 LIVRE IIIj

moitij de l'accise des vins à rentrctien* des grandes fortifications du château de San Juan d'Llua. Depuis 1779, la caisse des travaux hydrauliques de la vallée de Mexico ne perçoit même plus que 5 francs des droits payés pour chaque baril de vin d'Europe importé à la Vera-Cruz.

Le travail du. desagiie fut continué avec peu d'énergie depuis 1604 jusqu'en 1657, le vice-roi marquis de Villcna (ducd'Esca- lona ) en chargea le père Luis Flores , commissaire général de Tordre de Saint- François. On vante beaucoup l'activité le ce religieux, sous l'administration duq .jI va changea pour la troisième fois le système de dessèchement. On résolut définitivement d'abandonner la galerie {socahon) , d'enlever le cerveau de Ja voûte, et de faire une im- mense coupure de montagne (^tajo abierto) j dont l'ancien passage souterrain ne formeroife que la rigole.

Les moines de Saint - François surent se conserver la direction des travaux hydrau- liques. Ils y réussirent d'autant mieux qu'à cette époque ' la vice-royauté se trouva presque

* Popuisle 9 juin i64i iusqu'au i3 décembre 16"!^.

CHAPITRE VIII.

2^5

^5:

consécutivement entre les mains d'un évêque de la Puebla , Palafox ; d un évêque de Yucatan, Torres; d'un comte de Banos, qui finit une carrière brillante en se faisant carme déchaussé j et d'un arcLevcque de Mexico, moine de St.-Augustin , Enriquez de Rihera. Ennuyé de l'ignorance et de la lenteur mo- nastique , un homme de loi , le fiscal Martin de Solis, obtint en 1676, de la cour de Madrid, l'administration du desague. Il promit de finir à couper la chaîne des montagnes en deux mois. Son entreprise réussit si bien, que 80 ans ont à peine suffi pour réparer le mal qu'il a causé en peu de jours. Le fiscal, con- seillé par l'ingénieur Francisco Posuelo de Espinosa , fit jeter à la fois plus déterre dans la rigole que le choc des eaux ne pouvoit en emporter. Le passage fut bouché. En 17G0, on reconnut encore des restes des ébou- lemens causés par l'imprudence de Solis. Le vice-roi comte de Mo.iclova crut, et avec raison , que la lenteur des moines de Saint- François étoit moins nuisible que l'activité téméraire du jurisconsulte. Le père Fray Manuel Cabrcia fut réintégré en 1687 ^^^^ sa place de surintendant [super intendente II. i5

2iO

LIVRE m,

de la real obva del desague de Iluehitetoca). Il se vengea du fiscal , en publiant un livre qui porte le titre ' bizarre : « Vérités éclaircies, « ou impostures combattues , par lesquelles « «ne plume puissante et envenimée a tenté « de prouver , dans un rapport mal conçu , « que Touvrage du desague a été achevé t< en 1676. >>

Le passage souterrain avoit été percé et revêtu de maçonnerie en très-peu d'années. 11 i jl^if deux siècles pour achever la coupure à cit avert , dans un terrain meuble, et dans des profils de 8oà 100 mètres de largeur, sur 4o à 5o de proi'ondeur perpendiculaire. On négligea le travail dans les années de sécheresse ; on le reprit avec une énergie extraordinaire pendant le peu de mois qui suivoient l'époque des grandes crues ou un débordement de la rivière de Guaulitlan. L'inondation dont fut menacée la capitale en 1747» engagea le comte de G'^mes de

* f^erdad aclarada y desvanecidas impos/uras , cou quelo ardiente y envenenado de una pluma poderosa en ëfita Nuexfa Espana, en un dictamen mal insiruido , quisà persuadir auerse acahado y perfecvionado e/ aho de 1676, lafabrica del mal dojtague de Mexiou.

CHAPITRE Vm.

227

s'occuper du clesagàe : mais nouvelle lenteur jusqu'en 1762, où, après un hiver Irès-pluvieux il y eut de fortes apparences de débordement. Il restoit encore^ à l'extrémité boréale de la nercée souterraine de Martinez, 23io vares mexicaines, ou 1938 mètres, qui n'avoient pas été converties en tranchée à ciel ouvert (faj'o aUerto). Cette galerie étant trop étroite, il arrivoit fréquemment que les eaux de la vallée ne pouvoient couler librement vers le salto de Tulu.

Enfin en 1767, sous l'administration d'un vice-roi flamand, le marquis de Croix, le corps des négocians de Mexico, formant le tribunal du consulado de la capitale , se chargea d'achever le desague , sous la con- dition qu'on lui feroit percevoir les droits de sisa et de vins , pour l'indemniser de ses avances. L'ouvrage avoit été évalué par les ingénieurs à 6 millions de francs. Le consu- lado l'exécuta en effet avec une dépense de 4 millions; mais aussi, au lieu de terminer la coupe en 5 ans ( comme il avoit été stipulé ) , et au lieu de donner à la rigole 8 mètres de largeur, le canal ne fut achevé qu'en 1789, ei encore en ne lui conservant que l'ancienne

i5*

•2-l\

LIVRE III ,

largeur de la galerie de Marlinez. Depuis cette époque, on n'a cessé de perleclionner ce travail, en élargissant le Coud do la coupe et surtout en rendant les pentes plus douces. Il s'en faut de beaucoup cependant que le canal soit aujourd'hui dans un état tel qu'on n'ait plus à craindre des ébouleniens. Ceux-ci sont d'autant pins dangereux que les érosions latérales augmentent en raison des empêclie- niens qui ralenlissent le cours des eaux.

En étudiant , dans les arcliives de Mexico , l'histoire des travaux hydrauli([ues de No- chistongo , on rcconnoît une irrésolution continuelle de la part des gouvernans , une fluctuation d'opinions et d'idées .^ ^i augmente le danger an lieu de l'éloigner. On j trou\ e des visites faites par le vice-roi , accompagné de l'Audience et des chanoines ; des pièces dressées par le fiscal et d'autres gen^ de loi; des juntes j des conseils donnés par les moines de Saint-François: une activité im- pétueuse tous les i5 ou 20 ans, chaque fois que les lacs menacent de déborder : au contraire , de la lenteur et une coupable insouciance lorsque le danger est passé. Vingt-cinq millions de livres tournois furent

CHA-P/TRE VIII. 21C)

dépensés, parce qu'on n'eut jamaisle couruge de suivre le mcaie plan ; parce qu'on ba- lançoit pendant deux siècles entre le système indien des digues, et cjlui des canaux d'épui- sement , entre le projet d'une galerie souter- raine {socabon) , et celui d'une coupure de montagne à ciel ouvert ( lajn ahicrto ). On laissa écrouler la galerie deMartinez, parce qu'on voulut en percer une plus grande et plus profonde; on négligea d'achever la coupe {tajo) àc. Nochislongo , parce qu'on se dis- puta sur le projet d'un canal de Tezcuco, qui ne lut jamais exécuté.

Le desague , dans son état actuel , appar- tient sans doute aux ouvrages hydrauliques les plus gigantesques que les hommes aient exécutés. On le regarde avec une sorte d'admiration , surtout en considérant la na- ture du terrain, l'énorme largeur, la pro- fondeur et la longueur de la fosse. Si cette fosse étoit remplie d'eau à une profondeur de dix mètres , les plus grands vaisseaux de guorre passeroient à travers la rangée de montagnes qui bordent le plateau de Mexico au nord-est. L'admiration qu'inspire cet ou- vrage est cependant mêlée d'idées affligeantes.

23o

LIVRE III

On se rappelle , à la vue de la coupe de Nocliistongo , combien d'Indiens y ont péri, soit par l'ignorance des ingénieurs , soit par l'excès d^s fatigues auxquelles on les exposoit dans des siècles de barbarie et de cruauté. On examine si, pour faire sortir d'une vallée fermée de toutes parts , une masse d'eau peu considérable , il eût fallu se servir d'un mojen si lent et si coûteux? On regrette que tant de forces réunies n'aient pas été employées pour un but plus grand et plus utile ; par exemple, pour ouvrir, non un canal, mais une passe à travers quelque isthme qui en- trave la navigation.

Le projet de Henri Martinezétoit sagement conçu , et a été exécuté avec une rapidité étonnante. La nature du sol , la forme de la vallée, rendoient nécessaire un percement souterrain. Le problème auroit été résolu d'une manière complète et durable, i.*» si la galerie avoit été commencée dans un point plus bas , c'est-à-dire , qui correspondît au niveau du lac inférieur ; et 2." si cette galerie avoit été percée en coupe elliptique , et qu'on l'eût revêtue entièrement d'un mur solide , à voûte également elliptique. Le passage

CHAPlTRi: VIII.

33i

souterrain exécuté par Martinez, n'avoitquc i5 mètres carrés en profil , comnfe nous l'avons observé plus haut. Pour juger des dimensions qu'il auroit fallu donner à une galerie d'écoulement, il faudroit connoître exactement la masse d'eau que charient la rivière de Guautitlan et le lac de Zumpango , lors des grandes crues. Je n'en ai trouvé aucune évaluation dans les mémoires dressés par Zepeda Cabrera , Velasquez , et par M. Gastera. Mai^. , d'après les rechereW-'^jue j'ai faites moi-même sur les lieux, dans la partie de la coupure de montagne {elcorte o tajo ) y appelée la obra del CGnsulado , il m'a paru, qu'à l'époque des pluies ordinaires, les eaux présentent un profil de huit à dix mètres carrés, et que cette quantité augmente, dans les débordemens extraordinaires de la rivière de Guautitlan, jusqu'à oo ou 4o mètres' carrés. Les Indiens m'ont assuré que dans ce demie? cas la rigole qui forme le fond du

\

* L'ingénieur Iniesta ararça même '• le, lors Hcs grandes crues, l'eau monte jusqu'à 20 ou 25 mètres de hauteur dans le canal, près de la Boveda Keal: mais Velasquez assure que ces évaluations sontéiiorméroeiit 4;xagérées. {Declaracion del Maestro Iniesta et Informa i'i Velasquez, tous deux manuscrits. )

232 LIVRE III,

tajo se remplit tellement que les ruines de Tancieluie voûte de Marlinez restent cachées sous la surface des eaux. Les inc^ciiicurs eussent-ils trouvé de grandes difficultés dans l'exécution d'une galerie elliptique de plus de quatre à cinq mètres de largeur, il auroit sans doute mieux valu soutenir la voûte par un pilier au centre, ou creuser deux galeries à la fois, que de faire une tranclée à ciel ouvert. Ces tranchées ne deviennent avanta- gej.'>^es que lorsque les collines sont peu élevées , peu larges , et qu'elles renferment des couches moins sujettes aux ébouleinens. Pour faire passer à travers la montagne de Nochistongo un volume d'eau qui a commu- nément 8, quelquefois i5à 20 mètres carrés en profil , on a cru devoir creuser une fosse dont le profil, sur des distances considérables, est de 1800 à 3ooo mètres carrés î . r, ; , ' .

Dans son état actuel, le canal d'écoulement ( desogue ) de Huehuetoca a , d'après les mesures de M. Velasquez ' ,

* Informe y exposicion de las operaciones hecha^ para examinar la possibilidad del desague gênerai de la laguna de Mexico y otros fines a el condu- cientes , 1774. ( Mémoire manuscrit; fol. 5.)

CH\PITRE VIII.

Depuis recluse de Vertideros ^"«'"«"""^ jusqu'au pont de Ilueliuc- toca 4870 ou

Depuis le pont de Huehuetooa

à l'écluse de Sainte-Marie.. 2GG0 '

Depuis la Compuerla de Santa

r Maria à l'éclnse de Valderas. i^oo

Depuis la Gonipuei îa de Val- deras à Boveda Real 3290

De la Boveda Real aux restes de l'ancienne galerie sou- terraine , appelée Teclio Baxo 65o

De Techo Baxo à la galerie des vice-rois 1 270

Depuis leCanon de losVirreyes : àla Boccade SanGregorio. 610

De la Bocca de San Gregorio à recluse démolie i^oo

Depuis la Presa demolida au

pont de la Cascade 7960

Depuis la Puente del Salto à la Cascade même (Salto del Rio de Tula ) /,3o

Longueur du canal , depuis ^ : Vert ideros au Salto 2453o

233

4087

22^2 1176 2761

1066

■I "- +- ■+'* j'*

5l2

1175

.';ti ï,

6671

!'"-"^X'

56

2o385

^34 LIVRE III,

Danscetle longueur de 4 - lieues coniniunos il y en a un quart sur lequel la chaîne des collines de Nochislongo ( à l'est du Cerro de Sincoque , a été coupée à une profondeur extraordinaire. Au point Tarête est la plus élevée, près de l'ancien puits de Juan Garcia , sur plus de 800 mètres de long , la coupure de montagne offre une profondeur perpendiculaire de 4^ à 60 mètres. D'un talus à l'autre , vers la cime , sa largeur est de 85 à 110 mètnes '. Dans une longueur de plus de 35oo mètres la prol'ondeur de la coupe est de 00 à 5o mètres. La rigole dans laquelle coule l'eau n'a généralement que 5 à 4 mètres de large ; mais dans une g de partie du desague, tel qu'on le voit dau» les profils que j'ai ajoutés à la 1 5.^ planche de mon Atlas mexicain , la partie supérieure de la coupe n'a pas ime largeur proportionnée à sa profondeur ; de sorte que les parties

* Pour se former une idée plus neUe de l'énorme largeur de ceUe fosse dans la obra del consulado^ on n'a qu'à se souvenir que la largeur de la Seine , à Paris, est, au port Bonaparte, de 102 înètrrs-, au Pont-Royal , de i36 mètres; au pont d'Auslerlitz , près du Jardin dus Plantes , de 1/5 nictrcs.

CHAPITRE VIII.

23:

latérales , au lieu d'avoir ^o*' ou 4^^ d'incli- naison , sont beaucoup trop rapides , et causent des éboulemens continuels. C'est surtout dans la ohra del cnnsulado que l'on voit l'énorme accumulalion des terrains de transport que la naturo a déposés sur les porphjres basaltiques de la vallée de Mexico. En descendant X escalier des vice-rois , j'ai compté 25 couches d'argile endurcies, alter- nantes avec autant de couches marneuses qui renferment des boules de calcaire fibreux à surface cellulaire. C'est aussi en creusant la fosse du desaguc , que l'on a dé- couvert les ossemens d'éléphans fossiles, dont j'ai parlé dans un autre ouvrage '.

Des deux côtés de la coupure de la mon- tagne , on voit des collines considérables qui sont formées par les déblais . et qui com- mencent peu à peu à se couvrir de végétaux. L'extraction de ces décombres ayant été un travail infiniment pénible et lent , on s'est servi, dans ces derniers temps, de la méthode déjà employée par Enrico Martinez. On a élevé le niveau des eaux par de petites écluses,

* Dans le Recueil de mes Observations de Zoolome

o

et d'Anatomie comparée. - i* , . a.

2^6 LIVRE III,

fie soi'le que la fcice du courant a emporté les iléblais jetés dans la rigole. Pendant ce travail, 20 à 5o Indiens ont quelquefois péri à la fois. On les attaclioit à des cordes , en les forçant de travailler suspendus pour réunir les décombres au milieu du courant ; et souvent il arrivoit que l'Impétuosité de ce dernier, les jetoit contre des masses de rochers détachées, et les écrasoit.

Nous avons observé plus haut que depuis l'année 1 620 la bran/jhe du canal de Martinez, dirigée vers le lac de Zumpango , s'étoit bouchée , et que par-là ( pour me servir de l'expression des ingénieurs mexicains de nos jours ) le desaguc étoit devenu simplement négatif j c'est-à-dire, qu'il empéclioit la liviè rc de Guautitlaii de se jeter dans le lac. A l'époque des grandes crues , on éprouva les désavantages qui résultoient de cet état de choses pour la ville de Mexico :en débordant, le Rio de Guautitlan veisa une partie de ses eaux dans le bassin de Zumpango ; ce dernier, gonflé Cil outre par les alfluens de San Mateo et de Pachuca , i'unissoit au lac de San Christobal. Il auroit été très - dispendieux d'élargir le lit de la ri\ ièrc de Guuulitlan ,

CHAPITRE VIII. 2.37

de couper ses sinuosités et de rectifier son cours; ce remède ii'auroit pas même éloigné tout le danger de l'inondation : par conséquent on a pris, à la fin du dernier siècle, sous la direction de Don Gosnie de i>Iier y Trespa- lacios, surintendant général du dcsague, la résolution très-sage d'ouvrir deux canaux qui conduisent les eaux des lacs de Zumpangoet (le San Ghristobal à la coupure de montagne de Nochistongo. Le premier de ces canaux a été commencé en 1796, le second en 1798: l'un a 8900 _, l'autre i3,ooo mètres de lon- o'ueur. Le canal d'épuisement de San Chris- tobiil se réunit à celui de Zumpango , au sud-est de Huehuetoca, à 5ooo mètres de distance de son entrée dans le desague de Martinez. Ces deux ouvrages ont coûté plus d'un million de livres tournois. Ce sont des rigoles dans lesquelles le niveau de l'eau est de 8 à 12 mètres plus bas que le sol voisin. Ils ont en petit les mêmes défauts que la grande tranchée de Nochistongo. Leurs pentes sont beaucoup trop rapides ; en plusieurs endroits elles sont presque perpendiculaires : aussi les éboulemens des terres meubles y soût si fréquens que l'entretien de ces deux

238

Livitt: m

I

canaux lîe M. Mier 'coule annuellement plus de i(> à 20,000 francs. Lorsque les vice-rois font rinspeclion ou la i^isita du desajLçno (voyage de deux jours, qui jadis leur valoil un cadeau de 5ooo piastres fortes ), ils s'em- barquent près de leur palais ', au bord austral du iac de San Christobal , et vont en bateau jusqu'au delà deHuehuetoca,surune dislance de sept lieues communes.

D'après un mémoire manuscrit de Don Ignacio Gastera , inspecteur actuel (///^/6\s7/y> major) des ouvrages lijdrauliques dans la vallée de Mexico , le desagiie a coûté , eu y comprenant les réparations des digues ( alùaradones) y depuis l'année 1G07 jusqucu 1789,1a sonmie de 5,547,670 piastres (orles. Si l'on ajoute à celte somme énorme G à 700,000 piastres dépensées dans les quinze années suivantes , on trouve ([ue rensem])le de ces travaux ( la coupure tie la montagne de ÎNocbistongo , les digues et les deux canaux

* Ce soi-d'issini pa lac io de los Kirrryes, tlaiis IjmjucI on jouit d'une vue niaguifique sur le lac de Tezciico et le voIcân Popocutcpcc , couvert de neij^es éter- nelles , ressemble plutôt à une grande maisou de fcruiC c^u'à un pabis.

L canaux

CHAPITRE Vlir. •2l]i)

(les lacs supérieurs ) a coûté plus de trente- un millions de livres tournois. Le devis des frais du canal du Midi, dont k longueur est de 208,64.8 mètres , n a été ( malgré la cons- truction de 62 écluses , et du magnifique réser- voir de Saint-Ferréol) que de4>897,0oo francs: mais l'entretien de ce dernier canal a coûté , depuis l'année 1686 jusqu'en 1791 , la somme de 22,999,000 francs '.

En i>ésumant ce que nous venons d'énoncer sur les travaux hydrauliques exécutée dans les plaines de Mexico , nous voyons que la sûreté de lu capitale repose actuellement, 1." sur les (ligues de pierre qui empêchent les eaux de Zumpi;ngo de se jeter dans le lac de Sau Christobal^ et les eaux de ce dernier lac d'entrer dans le lac de Tezcuco; 2." sur les digues et les écluses de Tlahuac et Mexicaltsingo , qui s'opposent au débordement d<>s lac s de Ghalco et de Xochiinilco ; 3." sur le m igiie d'Riirico Martinez, par lequel la rivière de Cuautitlau franchit les montagnes pour passer à la vallée de Tuîa ; 4-** sur les deux canaux de M. Mier , par lesquels on peut épuiser à volonté les la« s (le Zumpango et de San Ghiistobal.

* Aiulruossi, Hlxtoire du canal du Midi , p. aJJj.

:tf\0 LIVRE in 5

Cependant ces moyens multiplias ne ga- rantissent pas la capitale des inondations qui viennent du nord et du nord-ouest. Lialgré toutes les dépenses qu'on a faite , la ville continuera à courir de grand*^ risques aussi long-temps qu'aucun canal ne sera dirigé immédiatement sur le lac de Tezcuco. Les eaux de ce lac peuvent se gonfler , sans que celles de San Ghristobal rompent la digue qui les retient. La grande iuondatioît de Mexico, sous le règne d'Ahuitzotl, ne fut due qu'à des pluies fréquentes ' , et au débor- dement des lacs les plus méridionaux , ceux de Chalco et de Xocliimilco. L'eau monla à 5 ca 6 mètres de hauteur au - dessus du niveau du sol dans les rues. En 1763, et au commencement de l'année 1764., on vit de même la capitale dans le plus grand danger. Inondée de toutes parts, elle forma une île

* Les historiens indiens racontent qu'à cette époque on vit sortir, sur les pentes des montagnes , de l'inté- rieur de la terre , de grandes masses d'eau qui conlc- noient des poi.'-sons qu'on ne trouve que dans les rivières des régions chaudes {^pescados de tierra caliente) , phénomène physique difficile à expliquer à cause de l'élévation du plateau mexicain.

CHAPITRE VIII. 241

pendant plusieurs mois, sans qu'une goutte d'eau de la rivière de Guautitlan vînt se jeter dans le lac de Tezeuco. Ce débordement ne fut donc causé que par les petits aIHuens qui viennent de l'est, Je l'ouest et du sud. Partout on vit l'eau sourdre de la terre , sans doute par la pression hydrostatique qu'elle éprouve en s'infiltrant dans les montagnes environ- nantes. Le 6 septembre de l'année 1772^ il to.^iba ' dans la vallée de Mexico une averse si abondante et si subite , qu'elle eut toute l'apparence d'une trombe {man^a de agiia). Heureusement ce phénomène eut lieu dans la partie nord et nord-ouest de la valhje. Le canal de Huehuetoca produisit alors l'e ffet le plus bienfaisant , quoiqu'une grande portion de terrain entre San Ghristobal , Ecatepec , San Mateo, Santa lâès et Guautitlan fût tel- lement inondée , que beaucoup d'édifices y tombèrent en ruines. Si cette nuée eût crevé au-dessus du bassin du lac de Tezeuco , la capitale auroit été exposée au danger le plus inmiinent. Ces circonstances , et plusieurs autres encore que nous avons exposées plus

* Informe de Felasquez. (Manuscrit, fol. 25.) II. 16

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LIVRE

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'

haut % prouvent sufïisaniment comhieh il de- vient indispensable au gouvernement de s'oc- cuper de l'épuisement des lacs qui sont les plus proches de la ville de Mexico. Cette nécessité augmente de jour en jour, parce que les atterrissemens rehaussent le fond des bassins de Tezcuco et de Chalco.

En effet, pendant mon séjour à Huehue- toca, au mois de janvier de l'année i8o4, le vice-roi Yturigarraj ordonna la construc- tion du canal de Tezcuco, projeté déjà par Martinez, et nivelé récemment par Velasqucz. Ce canal, dont le devis des dépenses est porte à 3 millions de livres tournois, commencera à l'extrémité nord-ouest du lac de Tezcuco, dans un point situé depuis la première écluse de la calzada de San Christobal , S. 36» E. , à la distance de 4^9^ mètres. Il passera d'abord par la grande plaine aride dans laquelle se trouvent les montagnes isolées de las Crucesde Ecatepecei de Chiconautla^ ;

» P. 197 202.

*La première de cesciraesa, d'après les mesures géodésiques de M. Velasquez , 4o4 j la seconde , 3/8 varcs mexicaines (^jy et 3 17 luèlres) de tiaiilcur au-dessus du niveau moyen des eaux de Tezcuco.

CHAPITRE VIII. 243

puis il se dirigera par la métairie de Saiila lues, vers le canal de Iliiehiietoca. Sa lon- <rueur totale sera, jusqu'à Técluse de Ver- tideros , de 37,978 vares mexicaines , ou 51,901 mètres: mais ce qui rendra l'exécutioa tie ce projet plus dispendieuse*, c'est la néces- sité dans laquelle on se trouvera d'approfondir la rigole de l'ancien c'=?sague, depuis Verti- (leros jusqu'au delà de la Boveda Real , le premier de ces deux points étant de 9"" ,078 plus élevé; le second, de 9", 181 plus basque le niveau moyen des eaux du lac de Tezcuco'.

1 Pour compléter la descriplion de ce grand ouvrage hytiraulique , et pour donner en même temps plus d'inttrèt à la planche qt'i présente le profil de la coupure de montagne , nous consigne- rons ici les résultats principaux du nivellement <ie M. Velasquez. Ces résultats, corrigés de l^erreur de la réfraction , et par la réduction du niveau apparent au niveau vrai, se trouvent assez d'accord avec ceux obtenus par Enrico Marlinez et Arias, au commence- ment du dix-septième siècle-, mais ils prouvent la fausseté des nivelleniens exécutés en 1764, par Don YldefousoYniesla, d'après lesquels l'épuisement du lac de Tezcuco se présenta comme un problème bien plus difficile à résoudre qu'il ne l'est en effet. Nous dési- gnerons par -f les points qui sont plus élevés, par

iG*

LIVRE III

Leur distance est presque de 10,200 mètres. Pour éviter d'approfondir le lit du desague actuel , dans une longueur encore plus con-

les points qui sont moins élevés que le niveau moyen des eaux de Tezcuco en 1773 et 1774, ou le signal placé près de son bord S. 3G" E. de la première écluse de la calzada de San Christobal , à la distanee de 5475 vares mexicaines.

var. palai. ded. - grin.

Le fond de la rivière de Guau-

titlan , près de l'écluse de

Vertideros + 10 3 2 3

Le fond du desague ^ sous le port

de Huehueloca -f- 8 o 2 1

/c?. près de l'écluse de Santa Maria. -f- 4 3 8 3 Ici. au-dessous de l'écluse de Val-

deras -f- 2 1 11 2

Id. sous la Boveda Real 10 3 9 3

/c?. souslaBovedadeTecho.B» . i5 o 61 Id. au-dessous de la Bocca o. San

Gregorio 23 1 11 2

Id. au-dessus du Salto del Rio. . . 90 1 9 o /</. au-dessous du Salto del Rio. . 107 2 90

Il faut observe? que la vare se divise en 4 palmes , 48 doigts et 192 granos ; qu'une toise est égale à 3,32258 vares mexicaines, et une vare mexicaine à 0^839169 mètres^ d'après les expériences faites sur une vare conservée dans la casa del Cabildo de Mexico, depuis le temps du roi Philippe 11.

CHAPITRE VIII.

2 15

îiidérable, on ne comple donner au nouveau canal, sur looo mètres, que o'" ,2 de clvute. En 1607, le projet de l'ingémeur Marlinez fut rejeté, simplement parce qu'on supposoit que les eaux courantes dévoient avoir une chute d'un demi -mètre sur cent. Alonso de Arias prouva alors, par l'autorité de Vitruve (L. viîi, c. 7) , que, pour faire entrer les eaur. du lac de Tezcuco dans le Rio de Tula , il faudroit donner au nouveau canal une profondeur prodigieuse , et que même av. pied de la cas- cade , près de l'Hacienda dei Salto, le niveau de ses eaux seroit inférieur de 200 mètres au biez de la rivière. Martinez dut céder à l'em- pire des préjugés et à ^autorité des anciens! Nous pensons que s'il est prudent de donner peu de pente aux canaux de navigation , il est utile en général d'en donner beaucoup aux canaux de dessèchement. Mais il est des cas particuliers la nature du terrain ne permet pas de réunir dans les ouvrages hydrauliques , t( ^'^s avantages que la théorie a prescrits. En considérant les dépenses qu'exigeront les excavations nécessaires dans le Rio del Desague, depuis l'écluse de Vertidcros ou celle de Valderas jusqu'à la Boveda Real, ou

est tenté de croire qu'il seroit peut-être pins facile de fij-arcintir la capitale des danpfers dont la menace encore le lac de Tezcuco, en re- venant sur le projet que Simon Mendcz ' commença à mettre en exécution pendant la grande inondation de 1629 à 1604. M. V e- lasquez a examiné de nouveau ce projet eu 1 774. Après avoir nivelé le terrain, cegéomèlre assure que 28 puits d'airage, et une galerie souterraine de i3,ooo mètres de long , qui conduiroit les eaux de Tezcuco à travers la montagne de Sitlaltepec, vers la rivière de Tequixquiac , s'acheveroit et à moins de Irais et plus rapidement que Télargissement de la fosse du desague, Taugmentation de son fond sur une longueur de plus de 9000 mètres , et un canal creusé depuis le lac de Tezcuco •jusqu'à l'écluse de Vertideros, près de Hue- huetoca. J'ai assisté aux conférences qui , en i8o4, ont précf'dé la résolution de faire écouler le dernier lac par l'ancienne cou- pure de montagne de Nochistongo. Les avantagea et les désavantages du projet de Mendez n'ont point été discutés dans ces conférences.

» Voyez p!ushaut,p. 217.

CHAPITRE Vrii. 2'|7

Il faut espérer qu'en creusant le nouveau canal de Tezcuco on s'occupera plus sérieu- sement du sort des Indiens qu'on ne l'a fait jusqu'ici, même en traçant, en 17966! 1798, les rigoles de Zumpango et de San Cbristobal. Les indigènes ont la haine la plus prononcée contre le desague de Iluehuetoca. Une en- treprise hydraulique est regardée par eux comme une calamité publique, non-seule- ment parce qu'un grand nombre d'individus ont péri par des accidens funestes, dans la coupure de montagne de Marlinez, mais sur- tout parce que, forcés au travail, et négligeant leurs affaires domestiques , ils sont tombés dans la plus grande indigence pendant qu'on achevoit l'épuisement des lacs. Plusieurs mil- liers de laboureurs indiens y ont été presque constamment occupés depuis deux siècles. Le desague peut être considéré comme une cause principale de la misère des indigènes dans la vallée de Mexico. La grande humidité à laquelle ils ont été exposés dans la fosse de Nochistongo , a causé des maladies mortelles parmi eux. 11 n'y a que peu d'années encore qu'on a eu la cruauté d'attacher les Indiens à des cordes, et de les faire travailler conuiKi^

248 LIVRE ni,

des forçats, quelquefois malades et expirans sur les lieux mêmes. Par un abus des lois, surtout par un abus des principes introduits depuis l'organisation des intendances, le tra- vail au desague de Huehuetoca est regardé comme une corvée extraordinaire. C'est une journée de corps que l'on exige de l'Indien , un reste de mita ' que l'on ne s'attendroit pas à trouver dans un pays l'exploitation des mines est aujourd'hui un travail entièrement libre, et l'indigène jouit de plus de li- berté personnelle que le paysan dans la partie nord-est de l'Europe. En fixant l'attention du vice-roi sur ces considérations importantes, j'ai pu m'appuyer sur les témoignages nom- breux contenus dans Y Informe de Zepeda, On y lit sur toutes les pages , « que le desaguc « a diminué la population et le bien-être des « Indiens, et que l'on n'ose pas mettre tel ou

* "Voyez plushautjChap. V, T. Ip. 359. L'Indien est payé au desague à raison de 2 réaux de plata ou de 26 sous par jour. Au dix-septième siècle , du temps de Martinez , on ne payoit aux indigènes que 5 réaux ou 3 francs par semaine , mais en leur donnant , en outre, une certaine quantité, de maïs pour leur nourriture.

CHAPITRE Vlir. 9J\()

« tel projet hydraulique en exécution , part e « que les inoriiieurs ne j)euvent plus disposer « d'un aussi ^^rand nombre d'Indiens que du « temps du vice-roi Don Luis de Velasco ii. » Il est consolant au moins d'observer, comme nous avons taché de le développer au com- mencement du quatrième chapitre, que cette dépopulation progressive n'a eu lieu que dans la partie centrale de l'ancien Anahuac.

Dans les travaux hydrauliques de la vallée de Mexico , l'eau n'a été regardée que comme un ennemi contre lequel il faut se défendre, soit par des digues , soit par le moyen des ca- naux d'épuisement. Nous avons prouvé plus haut (p. i28-i3/|) que ce mode d'agir, surtout le système européen d'un dessèchement arti- ficiel , ont détruit le germe de la fertilité dans une grande partie du plateau de Ténochtitlan. Les efflorescences de carbonate de soude (tequesquite) ont augmenté à mesure que l'humidité de l'atmosphère et la niasse des eaux courantes ont diminué. De belles sa- vanes ont pris peu à peu l'aspect d'un steppe aride. Dans de grands espaces, le sol de la vallée n'offre plus qu'une croûte d'argile endurcie {Update), dénuée de végétaux, et

\

25(

Livur. III

«^

crevassée au contact de l'air. Il eut été bien facile, cependant, de profiter des avantages naturels du tercain , en se servant à volonté des mêmes canaux pour 1 écoulement des lacs , pour Varmsement des plaiiies arides, et pour la navigation intérieure. De grands bassins d'eau, rangés comme par étages, les uns au- dessus des autres, facilitent le tracé des ca- naux d'irrigation. Au sud-est de Muehuetoca se trouvent trois écluses que l'on appelle los ?'e,'UderoSy et qu'on ouvre chaque fois que l'on veut faire décharger la rivière de Guautillan dans le lac de Zunipango , ou que l'oq veut mettre à sec le Rio del Desague (la coupure de montagne ) , pour en déblajer ou appro- fondir la rigole. La trace de l'ancienne eni- bouchure du Rio de Guaulitlan, celle qui existoit en 1607 _, s'étant perdue peu à peu , on a creusé un nouveau canal depuis Verù- deros au lac de Zumpango. Au lieu de faire découler continuellement les eaux depuis ce lac, et depuis celui de San Christobal, hors de la vallée, vers l'Océan Atlantique, on auroit pu , dans l'intervalle de dix-huit ou vingt ans, pendant lesquels les crues extraordinaires n'ont souvent pas lieu ^ distribuer les eaux

ciiAriir.E MU.

2:»i

clii desagiie au profit de ragricullure dans les parties les plus basses de la vallée. On auroit pu construire des réser\oirs d'eau pour l'époque des sécheresses : mais on préféra de sui» re aveuglément l'ordre émané anciennement de Madrid , et qui porte « qu'aucune goutte « d'eau ne doit entrer du lac de San Gliris- « tobal dans celui de Tezcuco, à moins que ce « ne soit une fois par an, lorsqu'en ouvrant « les écluses (las mnipucrtas de la calzada) « on l'ait la pêche ' dans le premier de ces « bassins. » Le commerce des Indiens de Tezcuco languit pendant des mois entiers, à cause du manque d'eau dans le lac salé qui les sépare de la capitak ; des terrains arides s'étendent au-dessous du niveau moyen des eaux de Guautitlan, et de ce!ui des lacs septen- trionaux; et pourtant depuis des siècles on n'a pas songé à subvenir aux besoins de l'agri-

* Cette pêche est pour les liabitaus de la capitale iint; (les plus grandes fêtes champêtres. Les Indiens cons- truisent des cabanes sur les bords du lac de ijaii Cliristobal , qui est presque mis à sec pendant la pêche: cela rappelle la pêche qu'au récit d'Hcrodolo les Egyptiens faisaient ilnyxJ. fois par an au lac Mcjc» i.s , à l<)U\cii.iu"o tlcij cclu-Cà c'i'irrifraliou.

#

afïa LIVRE m,

culture et de la navigation intérieure. Ilexis- toit depuis long-temps un petit canal {sanja) depuis le lac de Tezcuco au lac de San Cliris- tobal. Un sas d'écluse de 4 mètres de cluile auroit pu faire remonter les canots depuis la capitale jusqu'à ce dernier lac. Les canaux de M. Mier les auroient même conduits jusqu'au village de Huehuetoca. De cette manière, une communication d'eau se seroit établie depuis le bord austral du lac de Ghalco jusqu'à la limite septentrionale de la vallée , sur une étendue de plus de 80.000 mètres. Des hommes instruits et animés d'un grand zèle patriotique, ont osé élever la voix ' en faveur de ces idées ; mais le gouvernement , en rejetant pendant long-temps les projets les mieux conçus , n'a voulu reconnoître dans l'eau des lacs mexicains qu'un élément nui- sible dont il faut débarrasser les environs de la capitale, et auquel il ne Aiut permettre d'autre cours que celui vers les côtes de l'Océan.

Aujourd'hui que, par ordre du vice -roi Don Josef de Yturiiïarrav , le canal de Tez- cuco doit être ouvert , rien ne s'opposera à la

* Par exemple M. Velasquez , à la fin de son Informe sobre el desagu?. ( Manuscrit. )

CHAPITRE YIH.

w ri

libre navigation à travers la grande et belle vallée de ïénocbtitlan. Le blé et les autres pro- ductions des districts de Tulaetde Guautillan viendront par eau à la capitale. La charge d'un mulet, qui est évaluée à 3oo livres pesant , coûte en frais de transport , depuis Huehue- toca jusqu'à Mexico, 5 réaux ' ou 4 francs. On compte que lorsque la navigation sera établie , le fret d'un canot indien de i5,ooo liv. de port ne sera que de 4 ou 5 piastres ; de sorte que le transport de 3oo livres ( qui font un carga ) ne coûtera que neuf sous. Mexico aura par exemple la chaux à 6 ou 7 piastres la charretée ( carretada ) , tandis qu'aujourd'hui elle y coûte 10 à 1?.

Mais l'efFet le plus bienfaisant d'un canal navigable depuis Ghalco à Huehuetoca , sera celui qu'en éprouvera le commerce de l'inté- rieur de la Nouvelle-Espagne , qu'on désigne par le nom de comercio de tierra adentro , et qui va en ligne droite depuis la capitale à DurangOjChihuahua etSanta-Fe du Nouveau-

* Une piastre forte a 8 réaux de plata , et tlans les ouvrages qui Irailont des colonies espagnoles en Amé- rique, il n'est qiestion que de pesos fuertea et do rêalea de plata. (Voyez la note, p. 34. )

" f

LIVRE III

Mexique. Hneluietoca pourra devenir doré- navant le lieu d'entrepôt pour ce commerce important, dans lequel en emploie plus de cinquante à soixante mille betes de somme ( ivciins ). Les midetiers ( arriéras ) de la Nouvelle-Biscaye etdeSanla-Fe ne craignent, sur une route de 5oo lieues, aucune journée autant que celle de Huehuetoca à Mexico. Les chemins, dans la partie nord-ouest de la vallée l'amygdaloïde basaltique est couverte d'une ^osse couche d'argile, deviennent presque impraticables dans la saison des pluies. Beau- coup de mulets y périssent. Les autres ne peuvent se remettre de leurs fatigues dans les environs de la capitale, qui n'offrent ni les bons pâturages , ni les grandes communes ( eocidos) qu'ils trouveroient en séjournant à Huehuetoca. Ce n'est qu'après avoir demeuré long-temps dans des pays tout le com- merce se fait par caravanes, soit de cha- meaux , soit de mulets, que l'on peut apprécier l'influence des objets que nous venons de discuter ^ sur le bien-être des habitans.

Les lacs situés dans la partie méridionale de la vallée de Ténochtitlan dégagent de leur surface dips miasmes d'hydrogène sulfuré, que

CHAPITRE VIII.

1i):j

lale de leur , que

Ton sent dans les rues de Mexico, chaque fois que le vent du sud souffle. Aussi regarde- t-on dans le pays ce \ent comme très-malsain. Les Aztèques , dans leur écriture hiérogly- phique, le désignoient jadis par une tète de mort. Le lac de Xochimilco est en partie rempli de plantes de la famille des Joncacées et des Gjpéroïdes, qui végètent à peu de pro- fondeur, sous une couche d'eau croupissante. On a proposé ' récemment au gouvernement de creuser en lionne droite un canal navijîable de la petite ville de Chalco à Mexico , canal qui sera d'un tiers plus court que celui qui existe actuellement. On projeté en même temps de dessécher les bassins des lacs de Xochimilco e\ de Chalco , et d'en vendre les terres , qui , lessivées depuis des siècles par des eaux douces, sont devenues très-fertiles. Le lac de Chalco ayant à son centre un peu plus <le profondeur que le lac de Tezcuco, son ('puisement ne sera pas complet. L'agriculture et la salubrité de l'air gagneront également à l'excoulion de ce projet de M. Castera ; car l'extrémité australe de la vallée offre en général

* fnfor/nc de Don Ignacio Castera. ( Matiuiiciit , fui. ri.)

256

LIVKE III

le sol le plus propre à la culture. Le carbonate et le muriate de soude y abondent moins, à cause des fiitrations continuelles entretenues par les filets d'eau qui descendent des hauteurs du Cerro d'Axusco, du Guarda et des vol- cans. Il ne faut pas oublier cependant que l'épuisement des deux lacs tendra encore à augmenter la sécheresse de l'atmosphère dans une vallée l'hygromètre de Deluc ' des- cend souvent à i5^. Ce mal sera inévitable, si on ne s'occupe pas à lier ces travaux hydrauliques à un système général; si l'on n'entreprend pas en même temps de mulliplier les canaux d'arrosement, de former des ré- servoirs d'eau pour les temps de sécheresse, et de construire des écluses qui, propres à contre -balancer les différentes pressions de biez inégaux , s'ouvrent pour recevoir et pour retenir les crues des rivières. Ces réservoirs d'eau , distribués à des hauteurs convenables;

' La température de l'air étant à 23° centigrades, les i5" de l'hygromètre à baleine de Deluc équivalent à 4^8" de l'hygromètre à cheveu de Saussure. J'ai discute les causes de celte sécheresse extrême dans le Tableau physique des régions équinoxiales , annexé à mon Essai sur la Géographie des plantas , p. 98.

CHAPITRE VIII.

257

pourroient même servir à nettoyer et à laver périodiquement les rues de la capitale.

A l'époque d'une civilisation naissante les conceptions hardies, les projets gigantesques ont quelque chose de plus séduisant que les idées les plus simples et les plus faciles à exécuter. Au lieu d'établir un système de petits canaux pour la navigation intérieure de la vallée , on s'est égaré, du temps du vice -roi comte de Revillagigedo , dans de vagues spéculations sur la possibilité d'une communication par eau entre la capitale et le port de Tampico. En voyant descendre les eaux des lacs à travers la montagne de No- chistongo par le Rio de Tula ( appelé aussi Rio de Moclezuma) et par celui de Panuco au golfe du Mexique , on a conçu l'espoir de pouvoir ouvrir la même route au commerce de la Vera-Gruz. Des marchandises dont la valeur s'élève au delà de 100 millions de livres tournois, sont transportées annuelle- ment à dos de mulets , depuis la côte opposée à l'Europe , sur le plateau de l'intérieur. Les farines, le cuir et les richesses métalliques descendent au contraire du plateau central à h Vera-Cruz. La capitale est l'entrepôt de ce

II.

17

2:j\

LIVRE ur

commerce immense. Le chemin de terrp , qu'au défaut d'un canal on doit construire depuis la cote à Perote, coûtera plusieurs millions de piastres. L*air du port de Tam- pico paroît jusqu'ici moins funeste aux Européens et aux habitans des régions froides du Mexique , que le climat de la Vera-Crnz. Si la barre empêche le premier de ces ports de recevoir des bâtimens qui tirent 4^ à 60 dé- cimètres d'eau, il pourroit, cj'ailleurs, être préférable au mouillage dangereux qu'offrent les bas-fonds de la Vera-Cruz. Par la réunion de ces circonstances, une navigation depuis la capitale jusqu'à Tampico deviendroit dési- rable, quelque grande que fut la dépense qu'exigeroit l'exécution d'un projet si hrardi.

Mais ce n'est point la dépense que l'on peut craindre dans un pays dans lequel un simple particulier , le comte de Valenciana , a creusé, dans une seule mine ' , trois puits qui lui ont coûté plus de huit millions et demi de francs. On ne doit pas non plus nier la possibilité de l'exécution d'un canal depuis la vallée de Té- nochtitlan jusqu'à Tampico. Dans l'état actuel

^ Près d<' Guanaïuato.

CHAPITRE Vni. 2^9

de rarcliitecture hydraulique, on peut faire passer des bateaux sur des chaînes de mon- tagnes élevées, chaque fois que la nature y présente des points de partage qui font la communication entre deux récipiens princi- paux. Le général Andreossi a indiqué plu- sieurs de ces points dans les Vosges, et en d'autres parties de la France *. M. de Prony a calculé le temps que mettroit un bateau pour passer les Alpes , si , en profitant des lacs situés près de l'hospice du Mont-Genis, on établissoit une communication par eau entre Lans-le-Bourg et la vallée de Suze. Cet illustre ingénieur a prouvé, par son calcul même, combien, en ce cas particulier, le transport de terre étoit préférable à la lenteur des écluses. Les plans inclinés , inventés par Reynolds , et perfectionnés par Fulton , les écluses à plon- ireur de MM. Huldleston et Betancourt , deux conceptions également applicables au système des petits canaux, ont multiplié avantageuse- ment les moyens que l'art fournit à la naviga- tion dans les pays montagneux. Mais quelque grande que soit l'épargne des eaux et du temps

Andreossi , sur le canal du Midij p. 45.

17

•Go

LIVRE III

à laquelle on puisse parvenir, il est de certaine maximum de hauteur du point culminant, au delà desquelles canaux ne l'emportent pi ns sur l'usage des routes. Les eaux du lac de Tezcuco, à l'est de la capitale de Mexico , sont élevées de 2276 mètres au-dessus des eaux de la mer, près du port de Tampico. Même en emplo} aut des sas accollés, il faudroit près de deux cents écluses pour élever des bateaux jusqu'à une hauteur si énorme. Si, dans le canal mexicain, les biez dévoient être distribués comme dans le ' canal du Midi, dont le point de partage Nau . rouse) n'a qu'une élévation perpendiculaire de 189 mètres , le nombre des écluses monteroit à 33oou34o. Jeneconiioispas lelitde la rivière de Moctezuma , au delà de la vallée de Tula (l'ancien Tollan ) ; j'ignore quelle est sa chute partielle jusqu'aux environs de Zimapan et du Doctor ; je me rappelle que , sans écluses , par les grandes rivières de l'Amérique méridio- nale, par des distances de 180 lieues, les pirogues remontent , ou louées ou à la rame , contre le courant, à des hauteurs de 5oo mètres; mais malgré cette analogie, et celles qu'offrent les grands travaux exécutés en Europe , j'ai de la peine à me persuader qu'un canal de navi-

CHAPITRE flll.

2G1

frailon. (lopiiis lo plulean crAnaluiac jusqu'aux cotes de la uier des Antilles, soit un ouvrage hy- draulique donton jruisse conseiller l'entreprise.

Les villes remarquables ( r/Wr/r/<^^.v y lullns) de l'intendance de Mexico , sont les suivantes :

Mr^xico , capitale du royaume de la Nouvelle- Espagne. Hauteur, 2277 mètres. Popula- tion , 107,000.

Tezcuco, avec des manufactures en coton , jadis très-considérables, mais qui ont beau- coup souffert par la concurrence de celles de Querelaro. Population , 5,ooo,

CuYOACAN, avec un couvent de religieuses, fondé par Hernan Cortez, couvent dans lequel , d'après son testament , le grand ca- pitaine voulut être enterré, « quelque fût la partie du monde il fîniroit ses jours. » Nous avons vu plus haut que cette clause du testament n'a pas été remplie.

Tacubaya, à l'ouest de la capitale, avec un palais de rarchevêque et une belle plan- tation d'oliviers d'Europe.

Tacuba, l'ancien Tlacopan , capitale d'un petit royaume des Tepanëques.

202 LIVRE III,

CuERNAViccA, l*ancien Quauhnahuac , à la pente méridionale de la Cordillère de Gu- ohilaque , sous nn climat tempéré, des plus délicieux et des plus propres à la culture des arbres fruitiers d'Europe. Hauteur ' , i655 mètres.

CniLPAKsiKGO ( Chilpantzinco ), entouré de champs fertiles en froment. Hauteur , i3^o mètres.

Tasco (Tlachco), avec une belle église pa- roissiale , construite et dotée vers le milieu du dix-huitième siècle, par un François, Joseph de Laborde^ qui avoit gagné en

* M. Alzate assure , dans la Gazette de Littérature publiée à Mexico (i 760 ^ p. 320), que dans la Nouvelle' Espagne la hauteur absolue des lieux influe très-peu sur leur température. Il cite pour exemple la ville de Cuernavacca , qui , selon lui , est à la même hauteur au-dessusdu niveau de la mer que la capitale de Mexico, et qui ne doit son climat délicieux qu'à sa position au sud d'une Jiaute chaîne de montagnes : mais M. Alzate s'est trompé de plus de 600 mètres sur l'élévation de la ville de Cuernavacca. Gortez, qui altère tous les noms de la langue aztèque , nomme cette ville Coocl- nahacedj mot dans lequel il est diilicile de reconnoîlre Quauhnahuac. ( Caria de Relacion al emperador Don Carlos j §. XIX.)

CUMlIRIi Mil.

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très-peu (le loinps cl«!s licîiosses iinmciiseï» par l'exploitalion des mines ine\icaines. La seule construction de l'église coûta à ce particulier plus de deux millions de francs. Réduit à une «^^aiide pauvreté vers la fin de sa carrière , il obtint de rarclievèrpie de Mexico la permission de vendre àson profit, à la métropole de la capitale, le magnifique soleil {custodia) enrichi de diamans, f|uc, dans des temps plus heureux , il avoit olFert par dévotion au tabernacle de l'éghse pa- roissiale de Tasco. Hauteur de la ville, 1780 mètres. - -

AcAPULCo ( Acapolco ) , adossé à une chaîne de montagnes granitiques , qui , par la ré- verbération du calorique rayonnant , aug- mente la chaleur étouffante du climat. On a récemment fini , près de la baie de la Langosta , la liuiieuse coupure de mon- tagne ( obra de San Nicolas ) , destinée à donner accès aux vents de mer. La popu- lation de cette misérable ville, habilée presque exclusivement par des gens de cou- leur, s'élève à 9000, à l'époque de l'arrivée du galion de Mandle (iVV/o de C/una)^Sj population liabituclic n'est que de /|OOo.

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264 LIVRE III,

Zacatula , petit port de la mer du Sud , sur les frontières de l'intendance de Valladolid, entre les ports de Siguantanejo et de Co- lima.

Lerma , à l'entrée de la vallée de Tolaca, dans un terrain marécageux.

ToLUCA (Tolocan ) , au pied de la montagne porphyritique de San Miguel de Tutucuit- lalpilco , dans une vallée abondante en maïs et en maguey ( agave ). Hauteur , 2687 mètres.

Pachuca, avec Tasco, l'endroit de mines le plus ancien du rojaume , comme le village voisin , Pachliquillo, est censé avoir été le premier village chrétien fordé par les Espagnols. Hauteur ,2482 mètres.

Cadereita , avec de belles carrières de por- phyre à base d'argile {thonporphjr),

San Juan del Rio, entouré de jardins qui sont ornés de vignes et d'ananas. Hauteur , 1978 mètres.

QuERETARO , célèbrc à cause de ]a beauté de ses édifices , de son aqueduc et de ses manu- factures de draps. Hauteur, xy^^^ i^ètres. Population haLi'iielle , 35,ooo.

La ville renferme 1 1 ,600 Indiens , 85 ce-

CHAPITRE VIII.

rlésiastiqiies séculiers , 181 moines, i^T) re- ligieuses. La consommation de Queretaro monta, en 1793, à i3,6i8 cargasde fiirine de froment , 69,44^ fanegas de maïs , 656 cfl/g-fl^ de chile (capsicum), 1770 barils d'eau -de -vie, 1682 bœufs et vaches, 14,949 moutons, 8869 cochons».

Les mines les plus importantes de cette inten- dance, er ne les cor sidérant que sous le t*apport de leur richesse actuelle , sont :

La F^eta Biscaina de Real dcl Monte , près de Pachuca;Z//7:tï/?«/î, el Doctor et Tehui- lotepecy près de Tasco.

* N'oticia del Doctor Don Juan Ignacio Briones. (Manuscrit.)

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206 LIVRE III,

IL Intendance de Puebla.

Population en iSo'ô : Si5,ùoo.

Etendue de la surface en lieues carrées : 2696 .

Habitans par lieue carrée ; 3o 1 .

Cette intendance , qui n'est baignée par les eaux du grand Océan que sur une cole de 26 lieues de long, s'étend depuis les 16** 07' jusqu'aux 20^ 4o' de latitude boréale. Elle est par conséquent entièrement située sous la zone torride, confinant, au nord-est, à l'intendance delà Vera-Cruz; à l'est, à celle d'Oaxaca ; au sud, à l'Océan ; et à l'ouest, à l'intendance de Mexico. Sa plus grande longueur, depuis l'embouchure de la petite rivière de Tecojame jusque vers Mextitlan, est de 118 lieues; sa plus grande largeur, depuis Tecbuacan jus- qu'à Mecameca, est de 5o.

La majeure partie de l'intendance de la Puebla est traversée par les hautes Cordil- lères d'Anahuac. Au delà du dix-huitiènio degré de latitude, tout le pays offre un plateau éminemment fertile en froment , en mais , en agave et en arbres fruitiers; plateau qui a

fiHAPirnr viii.

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dix-huit cents à deux mille mètres de hauteur au-dessus du niveau de TOcéan. C'est dans cette intendance aussi que se trouve la mon- tagne la plus élevée de toute la Nouvelle- Espagne , le Popocalepell. Ce volcan, que j'ai mesuré le premier, est constamment enflammé; mais depuis plusieurs siècles on ne voit sortir de son cratère que de la fumée et des cendres. Il est de 600 mètres plus élevé que toutes les hautes cimes de l'ancien continent. Depuis l'isthme de Panama jusqu'au détroit de Bering, qui sépare l'Asie de l'Amérique , nous ne connoissons qu'une seule hauteur, le mont Saint-Klie, qui soit plus considérable que celle du grand volcan de la Puehla.

La population de celte intendance est encore plus inégalement distribuée que celle de l'inlendance de Mexico. Elle se trouve concentrée sur le plateau qui se prolonge depuis la pente orientale des nevados ' jus-

* Les mots tieuado et sierra neuada désignent en espagnol , non des montagnes qui de temps en temps se couvrent déneige en été, mais dos cimes qui entrent dans la région des neiges éternelles. Je préfère ce mot étranger à la longueur des périplirases ou ù l'exprès- sioit imjiropre de montagnes neigeuses ^ employée

s68

LIVRE III

qu'aux environs de Perote, surlout dans les hautes et belles plaines entre Cholula, la Puebla et Tlascala. Presque tout le pays qui s'étend depuis le plateau central vers San Luis et Y^ualapa, près des côtes de la mer du Sud, est désert, quoique très-propre à la culture du sucre , du coton , et des autres productions les plus précieuses des Tropiques.

Le plateau de la Puebla offre des vestiges remarquables de la plus ancienne civilisation mexicaine. Les fortifications de Tluscallan sont d'une construction postérieure à celle de la grande pyramide de Cholula, monument curieux dont je donnerai le dessin et la des- cription détaillée dans la Relation historique de mes voyages dans l'intérieur du nouveau continent. Il suffit d'énoncer ici que cette pyra- mide , sur la cime de laquelle j'ai fait un grand nombre d'observations astronomiques, con- siste en quatre assises; qu'elle n'a, dans son

quelquefois par les aoûilémiclens envoyés au Pérou. D'ailleuitt, le mot de neuado , lorsqu'il se trouve joint au nom d'une montagne , donne une idée du minimum de hauteur que l'on doit attribuer à sa cime. (Voyez le Recueil de mes Observations astronomiques , Vol. I , p. i34.) .

11

CHAPITRE VIII. a(]()

état acliiel, que 54 mètres d'élévation per- pendiculaire, mais 4^9 mètres de largeur horizontale à sa base ; que ses cotés sont très- exactement orientés, d'après la direction des méridiens et des parallèles, et qu'elle est conslruile ( à en juger d'après le percement l'ait , il y a peu d'années , du coté du nord ) de couches de briques qui alternent avec des couches d'argile. Ces données suffisent })Our reconnoître , dans la construction de cet édifice, le même type qu'offre la forme des pyramides de Téotihuacan , dont nous avons pûrlé plus haut. Elles suffisent pour propver la grande analogie ' qui existe entre ces monumens en i riques élevés par les plus anciens habitans d'Anahuac , le temple de Bélus à Babyloue, et les pyamides de Meïdoùm et Dahchoùr, près de Sakharah, en Kgyple. La plate-forme de la pyramide tronquée de Cholula a une surface de 4 200 mètres carres. Au milieu d'elle s'élève une ci^-lise dédiée à Notre-Dame de los Remédies . qui

^ Zoega , de Obeligcis , p. 38o. Vovages de Pvcocke («dit. de ISeuchâtel) , 1 762, T, I , p. i S6 et 1 67. f^oyag' deDcnon, édlt. in-4." , p. 86, 19 ^ et 2.37. Grobert , Deacriptiuii den pyramides , p. (>et 12.

1

'2'^0

LIVRE m

est entourée de evprès, et clans laquelle la messe est célébrée tous les matins par un ecclésiaslique de race indienne , dont le séjour habituel est la cime de ce monument. C'est de cette plate-forme que Ton jouit d'une vue délicieuse et imposante sur le volcan de la Puebla , sur le pic d'Orizaba , et sur la pelite Cordillère de Matlacue je ' , qui sépara jadis le territoire des Cholulains de celui des républi- cains tlascaltèques.

La pyramide ou le téocalli de Cholula a exactement la même hauteur que le Tonatiuh Ytzaqual de Téotihuacan , que nous avons décrit plus haut (p. 1 56 ) : elle est de trois mètres plus élevée que le Mjcerinus, ou la troisième des grandes pyramides égyp- tiennes du groupe de Djyzeh. Quant à la longueur apparente de sa base, elle excède celle de tous les édifices de ce genre que des voyageurs aient trouvés dans l'ancien conti* nent : cette base est presque double de celle de la grande pyramide connue sous le nom

* Appelée itiinsi i;» Sierra Mal! iiche o\\ I)ona Mario . MaliiU'he paroît «.I( river de Malinizin , mot qui (j'ignore pourquoi) désitjne aujourd'hui le nom de la SaintG-Vierge.

i ;

CHAPITRE VIII.

de Chéops. Ceux qui, par la comparaison à des objets plus connus , veulent se former une idée nette de la masse considérable de ce monument mexicain , s'imagineront un carré quatre fois^ plus grand quelapbce Vendôme, couvert d'un monceau de briques qui s'élève k la double hauteur du Louvre. Peut-être tout l'intérieur de la pyramide de Cholula n'est pas de briques; peut-être celles-ci, comme l'a déjà soupçonné un antiquaire célèbre, M. Zoega, à Rome, ne forment-elles que le revêtement d'un amas de cailloux et de ciment, à l'instar de plusieurs pyramides de Sakharah, visitées par Pococke, et récem- ment encore par M. Grobert ^ Le chemin de Puebla à Mecameca, creuse à travers une partie de la première assise du téocalli, est cependant contraire à cette supposition.

Nous ignorons l'ancienne hauteur de ce monument extraordinaire. Dans son état ac- tuel , la longueur de sa base "" est à «a hauteur

* Voyez la note £ à la fin de cet ouvrage.

' Je consignerai ici les véritables dimensions des trois grandes pyramides de Djyzch , d'après l'inté- ressant ouvrage de M. Grobert. Jt placerai à côté les dimensions des monumens pyramidaux en briques de

272 Livni: m,

perpendiculaire comme 8 à 1, tandis que, dans les trois grandes pyramides de Djjzeh , cette proportion se trouve comme 1 ,4 et 1 --- à 1 , à peu près comme 8 à 5. Nous avons

Sakharah , en Egypte, et de Tcotihuacan et Cholula , au Mexique. Les nombres sont des pieds de roi.

Hauteur.

l

Longueur de la base

[ PVnAMIDES EN TIERRES.

Ciiëopf.

448 p.

728

Cephren.

J98 p.

655

Mycerinus.

162 p.

58o

PIRAMtDES EJS «RIQUES.

ù 5 assises , Égypie ,

pri'^1 df Sakhtrali

à 4 assises , au Mexique.

Tt'otihuacan.

Cliulula.

Hauteur.

OOgUf

base.

Longueur de ht

i5o p.

210

171 p

645

172 p.

i i555

Il est curieux d'observer, 1." que les pcuplrs J'Aqabuac ont eu l'Intention de donner à la pyramide

'V\\

CHAPITRE VIII.

273

observé plus haut que les maisons du soleil et (le la lune, ou les inonumens pyramidaux de Téoliliuacau , au nord-est de Mexico , sont entourés d'un système de petites pyramides symétriquement rang-ées. M. Grobertapublié un dessin très-curieux de la disposition égale- ment régulière des petites pyramides qui envi- ronnent le Ghéops et le Mycerinus à Djyzeh. Le léocaliideCholula, si toutefois il est permis de le comparer à ces grands monumens de

de Cliolula la même hauteur et la double base du Tonatiuh Ilzaqual , et 2.^ que la plus grande de touteà It-S pyramides égyptiennes, celle d'Asychis, dont la base a 800 pieds de longueur, n'est pas en pierres, mais en briques. ( Grohert , p. 6. ) La cathédrale de Strasbourg est de huit pieds, la croix de Saint-Pierre , à Rome , est de quarante-un pieds plus basse que le Chéops. Il existe au Mexique des pyramides à plusieurs étages , dans les forêts de Papantla , à une petite élé- vation au-<lessus du niveau de l'Océan, sur les plateaux de Cholula et de Téotihuacan , à des hauteurs qui surpassent celles de nos passages des Alpes. Nous voyons avec étonnement, que dans les régions les plus éloignées les unes des autres, sous les climats les plus différens, l'homme suive le même type dans ses cons- tructions , dans ses ornemens , dans ses habitudes , et jusque dans la forme de ses institutions politiquefr. II. 18

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•) ^ '

-'I LIVRE III,

riilgyple, paroît avoir été construit sur un plan analogue. On découvre encore , du côté occi- dental , vis-à-vis du Cerro de Tccaxete et de Zapoleca, deux masses parfaitement prisma- tiques. L'une de ces masses porte aujourd'imi le nom d'Alcosac ou d'Islenenctl ; l'autre celui du Cerro de la Cruz : la dernière, construile en pisé , n'est élevée que de i5 mètres.

L'intendance de la Puebla offre aussi à la curiosité du voyageur un des plus anciens monumens de la végétation. Le famenv ahahuete ' , ou cyprès du village d'Atlixeo , a 25"', 5 ou 70 pieds de circonférence: mesuré intérieurement (car son tronc est creux) , on lui trouve i5 pieds de diamètre. Ce cyprès d'Atlixeo a par conséquent; à quelques j)ie(Js près , la même grosseur " que le baobab (adan- sonia digitata) du Sénégal.

Le district de l'ancienne république de Tlascala, habité par des Indiens jak x de leurs privilèges, et très -enclins aux dissen- sions civiles , a formé depuis long-lemps un

* Cuprcssus dlsticha. Linn.

^ Voyez , sur l'aiiliquilé des espèces TCgt'lale?! , mou Mémoire sur la physionomie des plantes, «lans mes Tahleaux de la Namre , T. II , p. 108 et iS/.

CHAPITRE VIII.

'2r'J

gouvernement particulier. Je l'ai indiqué dans ma carte «générale de la Nouvelle-Espagne, comme appartenant encore à l'intendance de la Pue])la ; mais par un changement récent dans l'administration financière , Tlascala et Guaulla de las Hamilpas ont été réunis à l'intendance de Mexico, tandis que Tlapa et Ygualapa en ont été séparés.

On comptoit, en 1793, dans l'intendance de la Puebla , sans y comprendre les quatre districts de Tlascala, de Guautla, d'Ygualapa et de Tlapa :

Indiens 187,501 âmes.

Indiennes 186,221

25,617

Ti 1 T>i fm/des. . .

JiiSpagrnols ouolancs'

TV . , imales. . .

De race mixte ......

1 iémelles . Errlè*rfastiques '«^culiers ....

Miunes

Reli^aeuses

29,393

37,318

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427

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Résultat du <i<*'nombr. total. 5o8,i28

distribués en 6 villes, i33 paroisses, 607 \ il- luges, 425 fermes {haciendas), 886 maisons

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isolées [rnnclios) i cl Socuuvcns, doil di •;'^: tiers de iiiuiiies.

Le fï-ouvernemerif de Tlaseala conlonoit, en i79«>^ une population de 5(), ly-^ iunes , parmi lesquelles ou désiguoit 21,8^9 Indiens et 2 1 ,o2() Indiennes , distribués en 22 paroisses, iio villages et lOy fermes. Les privilèges vantés des eitoyens de Tlaseala se réduisent aux trois points suivans : 1." la ville est gou- vei'née par un caeique, quatre aleades indiens qui représentent les aneiens chefs des quatre quartiers appelés encore aujourd'hui Tecpec- tipac, Oeotelolco, Quiahutztlan etTizatlan: ces alcades dépendent d'un gouverneur in- dien , qui lui-même est sujet à l'intendant espagnol ; 2.** les blancs ne peuvent pas siéger dans la municipalité de Tlaseala, en vertu d'une reV////*? royale du 16 avril i585; et o.^le cacique, ou gouverneur indien , jouit des hon- neurs d'un alfercz real.

Le district de Cholularenfermoit, en 179^, une population de 2 2,420 âmes : onycomptoit 42 villages et 4^ fermes. Cholula, Tlaseala et Huetxocingo sont les trois républiques qui résistèrent pendant des siècles à l'empire mexicain , quoique la malheureuse aristocratie

cnApnuF viTi.

9."

77

«le leur conslifiilioii eùl laisse à peine plfis (le liberté au bas ^jeiiple ([u'il n'eu auroit eu sous le régime léotlal des rois aztèques.

Les profères de rinduslrie uationale et du bien-être des habitans de cette pio>inee ont été très-lents , nivil^i é le zèle actil d'un inten- dant aussi éclairé que respectable. Don IManuel de Flou , qui vient d bériter du titre de comte de la CadiMia. Le commerce des farines , jadis très-llorissant, a soudért beaucoup par l'énorme cberlé du transport dcpuisle plateau mexicain jusqu'à la Havane , surtout par le manque de bètes de sonniie. Le commerce que la ville de la Pucbla lit jusqu'en 1710 avec le Pérou, en chapeaux et en faïence, a cessé entièrement ; mais le plus grand mal qui s'oppose à la prospérité publique, consiste en ce que les quatre cinquièuics de toutes les propriétés {Jincas) appartiennent à des gens de main-morte , c'est-à-dire , à des commu- nautés de moines, aux chapitres, aux con- fréries et aux hôpitaux.

L'intendance de Puebla a des salines assez considérables , près de Chila , Xicollan et Ocollan (dans le district de Chiautla ), comme aussi près de Znpolillan. Le beau marbre

2^8 LIVRE III,

connu sous le nom de marbre de Puel)la , et préférable à celui deBizarou , Real dei Dortor, s'exploite dans les carrières de Totamehuacan et de Tecali, à deux et à sept lieues de la capi- tale de l'intendance. Le carbonate de chaux de Tecali est transparent, comme l'albalre gypseux de Volterra et le phengile des anciens. Les indigènes de celte province parlent trois langues tout-ù-fait difféienles, le mexi- cain, le totonaque et le tlapanèque. La pre- mière langue est propre aux habilans de Puebla, de Cliolula et de ïlascala; la se- conde à ceux de Zacatlan; la troisième s'est conservée dans les environs de Tlapa.

Les villes les plus remarquables de l'inten- dance de Puebla sont:

La Puebla de los Aingeles , capitale de l'intendance, plus peuplée que Lima, Quito, Santa-Fe et Caracas : après Mexico , G ua- naxuato et la Havane , c'est la ville la plus considérable dans les colonies espagnoles du nouveau continent. La Puebla appar- tient au très-petit nombre de villes améri- caines qui ont été fondées par les colons

CHAPITRE VIJI. '>70

européens : car dans la plaine d'Acaxolc ou (le Cuillaxroapan, au site se trou\e aujourdhui la capitale de la province, il n'y avoit , au comrn^ncenienl du seizième siècle , que quelques cabanes habitées par des Indiens de Cholula. Le privilège de la ville de la Puebla est du 28 septembre i55i. En 1802 , la consommation des liabitans montoit, en farine de froment, 1162,951 car- gas (chacune de 5oo livres pesant) ; en maïs, à 06,000 cargas. Hauteur du sol , à la plaza major, 2 196 mètres. Population ^ 67,800.

Tlascala est tellement déchu de son an- cienne grandeur, qu^on n'y compte plus que 3400 habitans , parmi lesquels il n'y a d'Indiens de race pure que 900 : cependant Hernan Cortez y trouva une population qui lui parut plus considérable que celle de Grenade. Population ^ 04.00.

Cholula, appelé Churultecal par Cortez ' ,

* Ce grand conquistador , avec la sImpHcité de slylc 'qui caractérise ses écrits, trace un tableau curieux de l'ancienne ville de Cholula. « Les habitans de cette <( ville , dit-il dans sa troisième letXre à l'empereur n Charles-Quint , sont mieux vêtus que ceux que nous « avons vus jusqu'ici. Les gens aisés perlent dcs>

280 LIVRE III,

environné de belles plantations d'agave. Population, 16,000. Atlixco, justement célèbre par la beauté de son climat, la grande fertilité de ses champs

u manteaux {albornoces) au-dessus de leurs lialiits : « ces manteaux diffèrent de ceux d'Afrique , car ils u ont des poches, quoique la coupe, le tissu et les « franges soient les mêmes. Les environs de la ville « sont très-fertiles et bien cultivés : presque tous les « cliumps peuvent être arrosés^ et la ville est plus « belle que toutes celles d'Espagne , car elle est bien « fortifiée et bâtie sur un sol très-uni. Je puis assurer « à Votre Altesse , que , du liaut d'une mosquée ( mez- « quitaj c'est le mot par lequel Cortez désigne les i( téocaUis ) , je comptai quatre cents et tant de tours , « et toutes sont des mosquées. Le nombre des liabi^ <( tans est si considérable, qu'il n'y a pas un pouce de « terre qui ne soit cultivé ; et cependant , en plusieurs « endroits , les Indiens éprouvent les effets de la (f famine, et il y a beaucoup de gens pauvres qui i( demandent l'aumône aux riches dans les rues , dans (( les maisons et au marché , comme font les mendians « en Espagne et en d'autres pays civilisés. » ( Cartas de Cortez , p. 69. ) Il est assez curieux d'observer que le général espagnol regarde la mendicité dans les rues comme un signe de civilisation. Il dit : <( Gente que «( piclen como liay en Eapana y en otras partes que hay « gente de razon. n

QIAPITRE VJII. -xHl

et labondancc des fruits savoureux, sur- tout deFanona cheriniolia, Linn.(r///7/>//r;;v/) et de plusieurs passiflores (purchas) que produisent les environs. Téiiuacan de las Gha^'vdas, l'ancien Tco- liiinacan de la Mizleca, un des sanctuaires les plus visites par les 31exicains avant rarri\ ée des Espagnols.

Tepeaca Ou Tepejacac, appartenant au mar- quisat de Cortez. C'est la ville appelée, au commencement de la conquête, Scgura delà Fronieva (Carias de ITernan Cortez, p. i55). Dans le district de Tepeaca , se trouve le joli village indien appelé aujourd'hui Hua- cachula ) l'ancien Quauhquechollan ) , situe dans une vallée riche en arbres fruitiers.

HuAJociNGO ou Huetxocingo , jadis le chef- lieu d'une petite république de ce nom , ennemie de celles de Tlascala et de Cholula.

Quelque dépeuplée que soit l'intendance de la Puebla, sa population relative ' est cependant quatre fois plus grande que celle du rovaume de Suède, et à peu près égale à celle du royaume d'Aragon. * Voyez plus haut, p. 96.

282 LIVRE ni,

L'intluslrie des habitans de celle province est peu dirigée vers rexploitation des minm d'or et d'argent : celles à' Yxtacmaztitlan y de Temeztla et ôi* Alatlaiiquitepec y dans le Par- tido de San Juan de los Llanos; celles de la Canada, près de Telela de Xonotla, et celles de San Miguel Tenango, près de Zacallan , sont presque abandonnées ou du moins foi- blement travaillées.

ajAPirni: viii.

28.3

ni. Intendanci: dk Guanaxuato.

Population en 1800 : 5] 7,000.

/: tendue de la surface en lieues carrées ; 01 1

Habitans par lieue carrée : 586.

Cette province, enlièreincnt sidiôc sur le cJos (le la haute Cordillère d'Analiuac, est la plus peuplée de la Nouvelle-Espao-ne; c'est celle aussi dans laquelle la poj)ulalioii est la plus également distribuée. Sa longueur, depuis le lac de Chapala jusqu'au nord-est de San Felipe, est de 62 lieues; sa largeur, depuis la Villa de Léon jusqu'à Celaja, est de 01 lieues. Son étendue territoriale est presque la même que celle du royaume de Murcie : sa population relative excède celle du rojaume des Asturies; elle est même plus forte que la population relative des dcpar- temens des Hautes-Alpes des Basses- Alpes, des Pyrénées -Orientales et des Landes. Le pomt le plus élevé de ce pajs montagneux paroît être la montagne de los Llanitos, dans la Sierra de Santa Rosa. J'ai trouvé sa hauteur au-dessus du niveau de la mer, de 281 5 mètres.

11

384 LIVRE m,

La ciilliire de celle l)ello n^ovince, partie de rancicii royaume de Ifechoacan , esl pres- que eulicrenieiit di.e i.ux Européens '^ju au sei/if'ine siècle, y ont p:irlé le pterniergei v;-; de i ri\i]is..!.iun. G'esl d:ms ces retirions sep- leiiti ionales , rur les bords du Rio de Lernia , appelé jadis TolololLiii , que furent combattus les peuples nomades et chasseurs que les his- toriens dési;^nient par la dénomination vague de Cliieliimcques, et qui appartenoient aux tribus des Indiens Pâmes , C;j puces , Samues , Mayolias , Guamanes et Guachiehiles. A mesure que le pays tut abandonné par ces nations vagabondes et guerrières, les con- que rans espagnols y transplantèrent des colonies d'Indiens mexicains ou aztèques. Pendant long-temps les progrès de l'agricul- ture y furent plus considérables que ceux de l'exploitation des mines. Ges mines, peu célèbres au commencement de la conquête , furent presque abandonnées pendant le dix- septième et le dix-huitième siècle. Elles ne se sont élevées, par leurs richesses, au-dessus des mines de Pachiica, de Zacatecas et de Bolanos, que depuis trente à quarante ans. Leur produit métallique, comme nous le

CMAPITJiE Mil. ,^g/J

développerons plus bas, est aujourd'hui plus grand que n'a jamais été le produit du Potosi, ou celui d'aucune autre mine dans les deux conlinens.

On compte, dans l'intendance de Gu i- naxuato3 ciudades , (savoir, Guanaxuato, Celap et Salvatierra ) , 4 villas (savoir , San Miguel el Grande, Léon, San Felipe et Salamanca), 5; villa^-es ou pueblos , 53 pa- roisses {paroquias ) , 4^8 fermes ou haciendas, 225 mdividus du clergé séculier, 170 moines, ûo rehoieuses ; et sur une population de plus de 180,000 Indiens, 62,000 tributaires.

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Les villes les plus remarquables de cette intendance sont les suivantes :

Guanaxuato, ou Santa-Fe de Goanajoalo. La construction de cette ville fut com- mencée par les Espagnols en i554. Elle reçut le privilège rojal de villa en 1619; celui de ciudad, le 8 décembre 1741. Sa' population actuelle est :

Q.86 LIVRE III,

dansTanceinle de la ville (en cicascn dt* la ciiidad) l\i,ooiy

dans les mines qui environnent la ville, et dont les édifices y sont contigus, à Marfîl , Santa Ana, Santa Rosa , Valenciana, Rayas et Mellado 29,600

70,600

parmi lesquels il y a /|.5oo Indiens. Hauteur delà ville, à la plaza mayor, 2084. mètres. Hauteur de Valenciana , au bord du puits nouveau (tiro niievo) , 23i3 mètres. Hauteur de Rayas, à la bouche de lagalerie, 2 1 57 mè- tres. Population , 70,600.

Salamanca, jolie petite ville, située dans une plaine qui s'élève insensiblement par Temascatio , Burras et Guevas , vers Guanaxuato. Hauteur, 1767 mètres.

Celaya. Ou a récemment élevé des édifices somptueux à Celaya, à Queretaro et à Guanaxuato. L'église des Carmes, àCelavii. est d'une belle ordonnance, ornée de colonnes d'ordre corinthien et ionique. Hauteur, i835 mètres.

Villa de Léon, dans une plaine éminemment

CHAPITRE VIII.

87

fertile en blé. C'esl depuis celle ville jusqu'à San Juan del Rio que l'on trouve les plus

I>ellesculturesenfromen.,enorgeclenn.aï.s. ï>AN SIicuEL EL GftAM.E, célèbre par Tin- dustrie de ses babitans, qui labriqueut des toiles de colon.

On Irouvc dans celte province les eaux dmudes de San José rie Co.nangillas , qui sortent d'une brèche basaltique , et dont la température ( solo,, u.es expériences faites çon,o.ntement avec M. Roxas ) est de 960,5 du thermomètre centigrade.

2SS

LIVRE III

7

IV. Intendance de Valladolid.

Population en i8o3 : 376,400.

Etendue de la surface en lieues carrées : 544G.

Habitans par lieue carrée : 10g.

Cette intendance, du temps de la conquête des Espagnols, l'aisoit partie du royaume de Michuacan (Mechoacan) , qui s'ctendoit depuis le Rio de Zacatula jusqu'au port de la Na- vidad, et depuis les montagnes de Xala et de Colima jusqu'à la rivière de Lerma et au lac de Chapala. La capitale de ce royaume de Michuacan, qui de tout temps (comme les républiques de Tlascallan , Huetxocingo et Cholollan ) fut indépendant de l'empire mexicain, étoit Tzintzontzan, ville située sur les bords d'un lac infiniment pittoresque , appelé lac de Patzquaro. Tzintzontzan, que les Aztèques, habitans de Ténoclilitlan, nom- mèrent Huitzitzila, n'est aujourd'hui qu'un pauvre village indien , quoiqu'il ait conservé le titre fastueux de cité (ciudud).

L'intendance de Valladolid, que, dans le pays, on appelle vulgairement celle de

D.

544^3.

quêle lie de lepuis aNa- let de au lac ne de ne les ^o et mpire ée sur que, ue les nom- qu un nservé

lans le le de

3S

CHAPITRE VIII. 289

Michuacan , est limitée au nord par le Rio de Lerma , qui, plus à l'est, prend le nom de Rio Grande de Santiago. Elle touche , à l'est et au nord-est , à l'intendance de Mexico ; au nord, à celle de Guanaxuato; à l'ouest, à celle de Guadalaxara. La plus grande longueur de la province de Valladolid est de 78 lieues , depuis le port de Zacatula jusqu'aux mon- tagnes basaltiques de Palangeo; par consé- quent dans la direction du sud-sud-est au nord-nord-est : elle est baignée par les eaux de la mer du Sud , sur une étendue de côtes de plus de 38 lieues.

Située sur la pente occidentale de la Gordil- lère d'Anahuac, entrecoupée de collines et de vallées charmantes , offrant à l'œil du voyageur un aspect peu commun sous la zone torride , celui de prairies étendues et arrosées de ruis- seaux, la province de Valladolid jouit, en général , d'un climat doux , tempéré et extrêmement favorable à lasaiîté des habitans. Ce n'est qu'en descendant le plateau d'Ario, en approchant de la cote, que l'on trouve des terrains dans lesquels les nouveaux colons^ et souvent même les indigènes, sont exposés au fléau des fièvres intermittentes et putrides. II. 19

U)0 MVRE m,

La cime de monlagne la plus élevée de riiilendance de Valladolid est le \nv. de 7\tn^ cittd'o, à l'est de Tuspan. Je n'ai pas pu le voir d'assez près pour en faire une mesure exacte ; mais il est certain qu'il est plus haut que le volcan de Colina, et qu'il se couvre plus souvent de neif^e. A l'est du pic de Tan- citaro, s'est formé, dans la nuit du 29 sep- tembre 175^9, le volcan de Jorulhi (XoruUo ou Juniyo ) , dont nous avons parlé plus haut ', et dans le cratère duquel nous sommes par- venus, M. Bonpland et moi, le 19 septembre de l'année i8o3. La grande catastrophe dans laquelle cette montagne est sortie de terre , et par laquelle un terrain d'une étendue consi-

^ Cliap. Ht, T. J/' , p. 3o3, et Géographie des plantes, p. i3o, étlil. iii-'i.*' Les hauteurs que j'indique au'iourd'hui se TuiKleiit sur la tbrniulc hnromc trique de M. Laplacc : elles sont le résultat du dernier travail de M. Oltmanns; elles dillèrent quelquefois de 20 «i 3() mètres de celles consignées dans la Géographie des plantes, qui a été rédigée peu de mois après mon retour eu Europe, à une époque il éloit impossible dt; donner à un si grand nombre de calculs toute la précision dont ils sont susceptibles. ( Yojez la noie écrite au mois de nivôse de l'an i3, à la fin de la Géographie des plantes , p. 14/.) .

de

<///- i le iiue tiaut livre raii- sep- rullo aiit', par- mi) re ; dans re , et

hie (las ndique trique travail e 20 à Uic (les es luon )ossible toute la la noie n de la

CHAPITRE Vm. 291

dérahlc a lolaleinent chanj^é de face, est ]>eul-étre une des révolutions physiques les plus extraordinaires que nous présentent les annales de Thistoire de notre planète '. La géolof»ie désigne les parages de l'Océan où, à des époques récentes, depuis deux uiille ans, près des Aeores, dans la nier Egée, et au sud de l'Islande, des îlots volcaniques se sont élevés au-dessus de la surface des eaux : mais elle ne nous offre aucun exeuiple où, dans l'iiiiérieur d'un continent , à 36 lieues de dislance des cotes , à plus de 42 lieues d'éloi- gnenient de tout autre volcan actiF, il se soit formé soudainement, au centre d'un millier de petits cônes enflammés, une montagne de scories et de cendres, haute de 617 mètres, en ne la comparant qu'au niveau ancien des

* Slrabon rapporte [édit. Âlnt. , T. I.*"", p. 10a) que", dans les plaines voisines de Methone , au bord du {^olie d'Hermione , une explosion volcanique fit naître une montagne de scories ( un monte nouo ) à laquelle il attribue la hauteur énorme de sept stades-, ce qui^ dans la supposition des stades olympiques ( Voyage d& Néarque , par M. "Vincent , p. 56), feroit 1249 mètres. Quelque exagérée que soit cette assertion , le iait {géologique mérite sans doute de fixer l'attention des voyageurs.

292 LIVRE in,

plaines voisines. Ce phénomène remarquable a été chanté en hexamètres latins, par un père jésuite, Raphaël Landivar, natif de Guatiniala. L'abbé Glavigero * en a fait mention dans l'histoire ancienne de sa patrie ; et cependant il est resté inconnu aux minéralo«^istes et aux physiciens de l'Europe, quoiqu'il n'ait encore que cinquante années de date , et qu'il ait eu lieu à six journées de distance de la capitale de Mexico, en descendant du plateau central vers les côtes de la mer du Sud.

Une vaste plaine se prolonge depuis les collines d'Aguasarco jusque vers les villages de Teipa et de Petatlan , également célèbres par leurs belles cultures de coton. Entre les Picachos del Mortero y les Cerros de las Ciievas et de Cuiche ^ cette plaine n'a que 760 à 800 mètres de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan. Des cônes basaltiques s'élèvent au milieu d'un terrain dans lequel domine le porphyre à base de griinstein. Leurs cimes sont couronnées de chênes tou- jours verts , à feuillage de lauriers et d'oliviers ,

* Storia aniica di Messico , Vol. I , p. 42 , et Rusticatio Mexicana ( poëme du père Landirar , dont ]a seconde édition a paru à Bologae f en 1 78a ) ^ p. 17.

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CHAPITRE VIII. 293

entremêlés parmi de petits palmiers à feuilles flabelliformes. Cette belle végétation contraste singulièrement avec l'aridité de la plaine , qui a été dévastée par l'effet du feu volcanique.

Jusqu'au milieu du dix-huitième siècle , des champs cultivés en canne à sucre et en idigo s'étendoient entre deux ruisseaux appelés Cuitimba et San Pedro. Ils étoient bordes par des montagnes basaltiques , dont la structure semble indiquer que tout ce pays, à une époque très-reculée, avoit déjà été bouleversé plusieurs fois par des volcans. Ces champs , arrosés avec art , appartenoient à l'habitation ( hacienda ) de San Pedro de Jorullo , une des plus grandes et des plus riches du pays. Au mois de juin de l'année ly^Q un bruit souterrain s'y fit entendre; des mugissemcns épouvantables ( bramidos ) fuient accom- pagnés de fréquens tremble mens de terre : ils se succédèrent pendant 5o à 60 jours , et plongèrent les habitans de Y hacienda dans la plus gi^ande consternation. Depuis le com- mencement du mois de septembre tout sembloit annoncer une tranquillité parfaite , lorsque, dansla nuit du 28 au 29, un horrible fracas souterrain se manifesta de nouveau.

294 LIVRE III,

Les Indiens épouvantés se sauvèrent sur les montagnes d'Aguasarco. Un terrain de 5 à 4 milles carrés , que l'on désigne par le nom de Malpajs, se souleva en forme de vessie. On distingue encore aujourd'hui , dans des couches fracturées, les limites de ce soulève- ment. Le Malpajs , vers ses bords, n'a que 12 mètres de hauteur au-dessus du niveau ancien de la plaine, appelée las Play as de Jorullo. Mais la convexité du terrain aug- mente progressivement vers le centre jusqu'à i6o mètres d'élévation.

Ceux qui, de la cime d'Aguasarco , ont été témoins de cette grande catastrophe, assurent que l'on vit sortir des flammes sur une étendue de plus d'une demi -lieue carrée^ que des fragmens de rochers incandescens furentlancés à des hauteurs prodigieuses, et qu'à travers une nuée épaisse de cendres, éclairée par le feu volcanique , semblable à la mer agitée , on crut voir se gonfler la croûte ramollie de la terre. Dès-lors les rivières de Cuitimba et de San Pedro se précipitèrent dans les cre- vasses enflammées. La décomposition de l'eau contribuoit à ranimer les flammes : on les dis- tingua à la ville de Pascuaro , quoique située

CHAPITRE Mil.

3(j;>

juir un plaleau 1res -laitue, et élevée de i^oo mètres au-dessus des plaines de las Plajas de Jorullo. Des éi'uptions boueuses , surtout des couches d'argile rpii enveloppent des boules de basalte décomposées, à couches concentriques , semblent indirpier que des eaux souterraines ont joue un rôle très-im- portant dans celle révolution extraordinaire. Des milliers de petits cônes ^ qui n'ont que 2 à 5 mètres de hauteur, et que les indigènes appellent des Jours ( hornitos ) , sortirent de la voûte soulevée du Malpajs. Quoique, depuis quinze ans, d'après le témoignage des Indiens, la chaleur de ces Tours volcaniques ait beau- coup diminué , j'y ai encore vu monter le thermomètre à 96**, en le plongeant dans des crevasses qui exhalent une vapeur aqueuse. Chaque petit cône est unefitmarole de laquelle s'élève une fumée épaisse jusqu'à 10 ou 1 5 mè- tres de hauteur. Dans plusieurs on entend un bruit souterrain qui paroît annoncer la proxi- mité d'un fluide en ébullition.

Au milieu des fours, sur une crevasse qui se dirige du nord-nord-est au sud-sud-est, sont sorties de terre six grandes buttes toutes élevées de 4 à 5oo mètres au-dessus de l'an-

296 LIVRE III,

cien niveau des plaines. C'est le phénomène du Monte Novo de Naples , répété plusieurs fois dans une rangée de collines volcaniques. La plus élevée de ces buttes énormes, qui rap- pellent les pnjs de l'Auvergne , est le grand volcan de Jorullo. Il est constamment en- flammé, et il a vomi, du côté du nord, une immense quantité de laves scorifiées et basal- tiques qui renferment des l'ragmens de roches primitives. Ces grandes éruptions du volcan central ont continué jusqu'au mois de février de l'année 1760. Dans les années suivantes elles sont devenues progressivement plus rares. Les Indiens , épouvantés du fracas horrible causé par le nouveau volcan , avoient d'abord abandonné les villages situés à sept ou huit lieues de distance des Playas de Jorullo. Ils s'accoutumèrent en peu de mois à ce spectacle effrayant. Retournés dans leurs chaumières, ils descendirent vers les montagnes d'Agua- sarco et de Santa Inès, pour admirer les gerbes de feu lancées par une infinité de grandes et de petites bouches volcaniques. Les cendres alors couvroient les toits des maisons deQueretaro , à plus de Lfi lieues de distance en ligne droite du lieu de l'explosion.

CHAPITRE VIII. 297

Quoique le feu souterrain paroisse peu aclif * en ce nnoinent, et que le Malpays et le grand volcan commencent à se couvrir de végétaux , nous trouvâmes pourtant l'air ambiant telle- ment échauffé par l'action des petits fours

* Nous trouvâmes, «lans le fond du cralëre, l'air Ji 47°; en quelques endroits à 5W* et 60". Nous eûmes h passer sur des crrvass«'s qui exlialoient des vapeurs sulfureuses j et dans lesquelles le Uiermomètre raootoit à 85". Le passage de ces crevasses et les amas de scories qui couvrent des creux considérables, rendent la descente dans le cratère asst^z dangereuse. Je réserve le détail de mes recherches géologiques sur le volcan de Jorullo, pour la Relation historique de mon voyage. L'Atlas qui accompagnera cette Relation contiendra trois planches : 1 .^ la vue pittoresque du nouveau volcan , qui est trois fois plus élevé que le Monte Novo de Pouzzole, sorti de terre en i538, presque sur les bords de la Méditerranée j 2." la coupe verticale ou le profil du Malpajs et de toute la partie soulevée ; 3.° la carte géographique des plaines de Jorullo , dressée au moyen du sextant, et en employant la méthode des bases perpendiculaires et des angles de hauteur. Les productions volcaniques de ce terrain bouleversé se trouvent dans le cabinet de l'Ecole des mines à Berlin. Les plantes cueillies dans les environs font partie des herbiers que )'ai déposés au Muséum d'histoire natu- relle à Paris.

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•>AjH LIVRK m,

(hnriutos)y que, Irès-éloigné du sol, et à l'ombre, le iherniomëtre monta à 45<^. Ce lait pnroit prouver qu'il n'y a pas d'exagération dans le témoignage de quelques vieux Indiens qui rapportent que , plusieurs années après la première éruption , même à de grandes dis- tances du terrain soulevé, les plaines de .lorulloétoient inhabitables à cause de l'exces- sive chaleur qui y régnoit.

On montre encore au voyageur, auprès du Cerro de Santa lîïès, les rivières de Guitimbu et de San Pedro , dont les eaux limpides arru- soient jadis la canne à sucre cultivée dans riiabitation de Don André Pimenlel. Ces sources se sont perdues dans la nuit du 29 sep- tembre 1759; mais plus à l'ouest, à une dis- tance de 2000 mètres , d.ms le terrain soulevé même, on voit au je x^d'hui deux rivières qui brisent la voûte argileuse des hornitos y et se présentent comme des eaux thermales dans lesquelles le thermomètre monte à 52*^,7. Les Indiens leur ont conservé les noms de San Pedro et de Cuitimba , parce que , dans plu- sieurs parties du Malpays , on croit entendre couler de grandes masses (l'eau dans la direc- tion de l'est à l'ouest, depuis les montagnes de

CHAPITUE VIII. 9A)()

Santa Inès, vers Vhacicncla de la Prosrnh,- cion. Près de cette habitation il y a un ruisseau qui dégage de l'hydrogène sulfureux. Il a plus de 7 mètres de large , et c'est la source hydrosulfureuse la plus abondante que j'aie jamais observée.

Selon l'opinion des indigènes, ces change- mens extraonlinaires que nous venons de décrire, cette croûte de la terre soulevée et crevassée par le l'eu volcanique , ces mon- tagnes de scories et de cendres amoncelées, sont l'ouvrage des moines , le plus grand sans doute qu'ils aient produit dans les deux hémi- sphères! Aux Play as de Jorullo , dans la chaumière que nous habitions , notre holc intlien nous rac'onta qu'en 17% des capucins en mission prêchèrent à l'habitation de San Pedro , mais que n'ayant pas trouvé un accueil favorable ( ayant dîné peut-être moins bien qu'ils ne s'y attendoient) , ils chargèrent cette plaine, alors si belle et si fertile, des impré- cations les plus horribles et les plus com- pliquées ; ils prophétisèrent que d'abord l'habitation seroit engloutie par des flammes qui sortiroient de terre, et que plus tard l'air ambiant se réfroidiroit à tel point que les

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3oo

LIVRE m

montagnes voisines resteroient clerncllement couvertes de neiges et de glaces. La première de ces malédictions ayant eu des suites si funestes, le bas-peu[)le indien voit déjà dans le rérroidissement progessif du volcan, le présage sinistre d'un hiver perpétuel. J'ai cru devoir citer cette tradition vulgaire , digne de figurer dans le poëme épique du jésuite Landivar, parce qu'elle ajoute un trait assez piquant au tableau des mœurs et des préjugés de ces pays éloignés. Elle prouve l'industrie active d'une classe d'hommes qui, abusant trop souvent de la crédulité du peuple , et feignant de suspendre par leur influence les lois immuables de la nature, savent profiter de tout pour fonder leur empire par la crainte des maux physiques.

La position du nouveau volcan de Jorullo donne lieu à une observation géologique très-curieuse. Nous avons déjà remarqué plus haut , dans le troisième chapitre , qu'il existe à la Nouvelle-Espagne xmpamllèle des grandes élévations j ou une zone étroite contcime entre les 18" 69', et les 19" 12' de latitude, dans laquelle sont situées toutes les cimes d'Anahuac qui s'élèvent au-dessus de la région des neiges

CHAPITRE Vin.

3o

perpétuelles. Ces cimes sont ou des voici) ns encore actuellement enflummés , ou des mon- tagnes dont la forme ainsi que la nature de leurs roches rendent infiniment probable qu'elles ont recelé jadis un feu souterrain. En partant des cotes de la mer des Antilles , nous trouvons de Test à Touesl le pic d'Ori- zaba , les deux volcans de la Pue bla , le Ne vado de Toluca , le pic de Tancitaro et le volcan de Golima. Ces grandes hauteurs, au lieu de former la crête de la Cordillière d'Anahuac et de suivre sa direction , qui est du sud-est au nord-ouest, sont, au contraire, placées sur une ligne qui est perpendiculaire à l'axe de la grande chaîne de montagnes. Il est sans doute très-digne d'être observé que , Tannée lySg, le nouveau volcan de JoruUo se soit formé dans le prolongement de cette ligne, sur ce même parallèle des anciens volcans mexicains.

Un coup d'œil jeté sur mon plan des en- virons de JoruUo prouve que les six grandes buttes sont sorties de terre sur un filon qui traverse la plaine depuis le Gerro de las Cuevas au Picacho del Mortero : les boche no^>e du Vésuve se trouvent aussi rangées sur le

rangées

3o2

LIVRli iir

prolongement d'une crevasse. Ces analogies ne nous donnent-elles pas le droit de supposer qu'il existe dans cette partie du Mexique , à une grande profondeur dans l'intérieur de la terre, une crevasse dirigée de l'est à l'ouest, sur une longueur de 107 lieues, et à travers laquelle, en rompant la croûte extérieure des roches porphyritiques , le feu volcanique s'est fait jour, à différentes époques, depuis les côtes du golfe du Mexique jusqu'à la mer du Sud? Cette crevasse se prolongeroit-elle jus- qu'au petit groupe d'îlesjappelé par M. Collnet l'Archipel de Revillagigedo, et autour des- quelles , sur le même parallèle des 7)olcans mexicains y on a vu nager de la pierre ponce? Desnaturalistes quidistinguent les faits qu'offre la géologie descriptive, des rêveries théoriques sur l'état primitif de notre planète, nous par- donneront d'avoir consigné ces observations sur la carte générale de la Nouvelle-Espagne contenue dans l'Atlas mexicain. D'ailleurs , depuis le lac de Cuiseo, qui est chargé de muriate de soude , et qui exhale de l'hydro- gène sulfuré, jusqu'à la ville de Valladolid, sur une étendue de terrain de 4o lieues car- rées , il y a une grande quantité de sources

CHAPITRE VIII.

3o3

cbaiules qui ne contiennent généralement que de l'acide aiuriatique , sans vestiges de sulfates terreux ou de sels métalliques : telles sont les eaux thermales de Chucandiro, de Cuinclie, de San Sébastian et de San Juan Tararamco.

L'étendue de l'intendance de Valladolid est d'un cinquième plus petite que celle de l'Irlande; mais sa population relative est deux fois plus grande que celle de la Finlande. On compte dans cette proyinceiy ciudades (Valla- dolid , Tzintzontzan et Pascuaro), 3 in/Zas ( Citaquaro , Zamora et Charo ) , 263 villages , 2o5 paroisses et 326 métairies. Le dénombre- ment imparfait de lygS donna une population totale de 289,014 âmes, parmi lesquelles se trouvèrent 4oj^99 blancs mâles, 09,081 blancs femelles, 6i,352 Indiens, 58,oi6 Indiennes, i54 religieux, i38 religieuses, et 295 indi- vidus du clergé séculier.

Les Indiens qui habitent la province de \ alladolid forment trois peuples d'une origine différente : les Tarasques , célèbres au seizième siècle par la douceur de leurs mœurs , par leur industrie dans les arts mécaniques, et par l'harmonie de leur Jangue riche en voyelles; les Otomites, tribu encore aujour-

3o/| LIV«1£ III,

d'hui très - arriérée dans la civilisation , et parlant une langue pleine d'aspirations nasales et gutturales; les Chichimèques, qui, comme les Tlascaltèques , les Nahuatlaques et les Aztèques , ont conservé la langue mexicaine. Toute la partie méridionale de Tintendance de Valladolid est habitée par des Indiens : on n'y rencontre dans les villages d'autre figure blanche que celle du curé , qui souvent aussi est Indien ou mulâtre. Les bénéfices y sont si pauvres , que l'évêque de Michoacan a la phis grande difficulté de trouver des ecclésiastiques qui veuillent se fixer dans un pays Ton n'entend presque jamais parler l'espagnol , et où, le long de la côte du grand Océan, les curés atteints par les miasmes contagieux des fièvres malignes, périssent souvent après un séjour de sept ou huit mois. . La population de l'intendance de Valladolid a diminué dans les années de disette de 1786 et 1790 : elle auroit bien plus souffert encore, si l'évêque respectable dont nous avons parlé au sixième chapitre , n'avoit fait des sacrifices extraordinaires pour soulager les Indiens : il perdit volontairement, eu peu de mois, la somme de 260,000 francs , en achetant

CHAPITRE vnr. 3o5

5o,ooo fancgues de maïs, qu'il revendit à vil prix pour contenir l'avarice sordide de plu- sieurs riches propriétaires qui, à l'époque des calamités publiques, cherchoient à pro- fiter de la misère du peuple.

Les endroits les plus remarquables de la province de Valladolid sont les suivans :

Valladolid de Migtioacan, capitale de l'intendance , siège d'un évéque, jouissant d'un climat délicieux. Sa hauteur au-dessus du niveau de la mer est de igSo mètres, et cependant, à cette hauteur si médiocre, et sous les 19042' de latitude, on a vu tomber de la neige dans les rues de Valladolid. Cet exemple d'un refroidissement ' subit de l'atmosphère, causé sans doute par un vent du nord, est bien plus frappant que la nelo-e tombée dans les rues de Mexico , la veifle de l'enlèvement des pères jésuites. Le nouvel aqueduc par lequel la ville reçoit l'eau do- table , a été construit aux frais du dernier

* Voyez T. I.", p. 299, et ma Géographie de9 plantes, p. ii3, éclil. iii-4.*

II.

20

3oG

LIVRE III

évêque, Fray Antonio de San Miguel; il lui a coûté près d'un demi-million de francs. Population f 18,000.

pAscuARo, sur les bords du lac pittoresque de ce nom , vis-à-vis du village indien de Janicho , situé à une petite lieue de dis- tance^ sur un îlot charmant au milieu du lac. C'est à Pascuaro que reposent les cendres d'un homme très-remarquable , et dont la mémoire, depuis deux siècles et demi, est vénérée parles Indiens, du fa- meux Vasco de Quiroga , premier évéque de Miclioacan , mort en i556, au villaire d'Uruapa. Ce prélat zélé , que les indigènes

appellent encore aujourd'hui leur père ( Tata Don Vasco) , a eu plus de succès en protégeant les malheureux habitans du Mexique , que le vertueux évéque de Chiapa, Bartholomée de las Casas. Quiroga devint surtout le bienfaiteur des Indiens tarasques, dont il encouragea l'industrie: il prescrivit à chaque village indien une branche de commerce particulière. Ces institutions utiles se sont conservées en grande partie jusqu'à nos jours. Hauteur de Pascuaro, 3200 mètres. Population , 6000.

CHAPITRE vni. 3o^

Tzi^TzoNTZAN OU HuiTziTziLLA , l'ancienne capitale du royaume de Michoacan, dont nous avons parlé plus haut. Popul, 2600.

L'intendance de Valladolid contient les mines de Zitaciuaro , d'Jngangueo , de Tlapuxahua, du Real dal Oro et d'Inguaran

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20*

3o8

Livr.E m,

V. Intendance de Guadalaxara.

Population en i8o3 : 65o,5oo.

Etendue de la surface en lieues carrées: 961 2.

Habitans par lieue carrée : 66.

Cette province , partie du royaume de Nueva GiJicia , a presque deux fois plus d'étendue que le Portugal, avec une popu- lation qui est cinq fois plus petite : elle confine au nord , aux intendances de Sonora et de Durango ; à l'est , à celles de Zacatecas et de Guanaxuato ; au sud , à la province de Valladolid ; et à l'ouest, sur une longueur de côte de 123 lieues, à l'Océan Pacifique : sa plus grande largeur est de 100 lieues, depuis le port de San Blas jusqu'à la ville de Lagos ; sa plus grande longueur est, du sud au nord, depuis le volcan de Golima jusqu'à San Andres Teul, de 118 lieues.

L'intendance de Guadalaxara est traversée, de l'est à l'ouest, par le Rio de Santiago, rivière considérable qui communique ivec le lac de Chapala , et qui un jour ( lorsque la civilisation aura augmenté dans ces pays).

CHAPITRE VIIT. 3o()

pourra devenir intéressante pour la naviga- tion intérieure, depuis Salanianca et Zelaya, jusqu'au port de San Blas.

Toute la partie orientale de cetle province occupe le plateau et la pente occidentale des Cordillères d'Anahuac. Les régions maritimes, surtout celles qui s'étendent du coté de la grande baie de Bayonne, sont couvertes de forêts, et fournissent de superbes bois de construction : mais les habitans y sont exposés à un air malsain et excessivement chaud. L'in- térieur du pays jouit d'un climat tempéré et favorable à la santé.

Le volcan de Colima , dont la position n'a point encore été déterminée par des observa- tions astronomiques , est le plus occidental des volcans de la Nouvelle-Espagne , qui sont placés sur une même ligne , dans la direction d'un parallèle : il jette souvent des cendres et de la fumée. Un ecclésiastique éclairé , qui , long-temps avant mon arrivée au Mexique , jj avoit fait plusieurs mesures barométriques très-exactes, Don Manuel Ahad y grand- vicaire de Tévêché de Michoacan , évalue l'élévation du volcan de Colima au-dessus du niveau de TOcéan, à 2800 mètres. « Cette

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3io tivi\E ni,

* montagne isolée, observe M. Abad, ne " paroît que d'une hauteur médiocre , en « comparant sa cime au sol de Zapotilli et w Zapotlan , deux villages élevés de 2000 vares « au-dessus des côtes. C'est depuis la petite « ville de Colima que le volcan se présente tt dans toute sa grandeur: il ne se couvre de « neige que lorsque, par l'elFet des vents du « nord, il en tombe dans la cLiiine des mon- « tagnes voisines. Le 8 décemhre 1788, le <t volcan fut couvert de neige presque à « deux tiers de sa hauteur ' ; mais cette neige « ne se conserva pendant deux mois que sur « la pente septentrionale de la montagne, du « côté de Zapotlan. Au commencement de l'année 1791 , j'ai fait le tour du volcan par Saluya, Tuspan et Columa , sans qu'il y *< eût la moindre trace de neige à sa cime. » D'après un mémoire manuscrit commu-

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tt

* Supposons que la neige ne couvrît le volcan qu'à la moitié de sa hauteur : or , il tombe quelquefois de la neige dans la partie occidentale de la IS'ouvelle* Espagne , sous la latitude de 18 à 20 degrés , à 1600 mètres dVlévalion. Ces considérations météoro- logiques donneroient à peu près 320o mètres pour ]a hauteur du volcan de Colima.

riïApiir;E \iri.

3ii

nique au tribunal du consulaclo de Vcra- Ciuz par l'intendant de Guadalaxara, h valeur des produits de l'agriculture de cette intendance monta, en 1802 , à 2,699,000 p- (près de i3 millions de francs), parmi les- quels on comptoit i,()07,oooy^//ze^y/^dc maïs, 4û,ooo cai'gas de froment, 17,000 tardas de coton (letercio à 5 piastres) et 20,000 livres de cochenille d'Autlan 5 francs la livre). La valeur de l'industrie manufacturière fut évaluée à 5, 002, 200 piastres, ou à 16 millions et demi de francs.

La province de Guadalaxara a 2 ciudades^ 6 villas et 022 villages. Les mines les plus célèbres sont celles de Bolanos, d'Asientos d'Ibarra, d'Hostotipaquillo , de Copola et de Guichichila , près de Tepic.

Les villes les plus remarquables sont :

Guadalaxara, sur la rive gauche du Rio de Santiago, résidence de l'intendant, de l'évêque, et de la haute-cour de justice {Âudlencia). Population, 19,600*

San Blas, port, résidence ^m DcparlemeaUs

3l2 LIVRE III,

de marina y à l'embouchure du Rio de San- tiago. Les employés ( ojjiciales realcs) sont à Tepic , petite ville dont le climat est moins ardent et plus salubre. On a depuis dix ans agile la question s'il seroit utile de transporter les chantiers ^ les magasins et tout le département de la marine, de San Blas à Acapulco. Ce dernier port manque de bois de construction : l'air y est sans doute aussi malsain qu'à San Blas; mais le changement projeté, en favorisant la con- centration des forces navales, laciliteroit au gouvernement et la connoissance des besoins de la marine, et les moyens d'y subvenir.

CoMPo?T'T3LA , au sud de Tepic. C'est au nord-oue.'.t de Compostela, comme dans les parlidos d'Autlan , Ahuxcatlan et Aca- poneta , que l'on cultivoit jadis un tabac d'une qualité supérieure,

Aguas Calientes, au sud des mines de los Asientos d'Ibarra, petite ville très- peuplée.

Villa de la Purificacion, au nord -ouest du port de Guatlan, appelée jadis Santiago de Buena Ësperanza^ et célèbre par le

CHAPITRE VIII,

3i3

voyage de découvertes, fait en i532 par

Diego Hurtado de Mendoza. Lagos , au nord de la ville de Léon, sur un

plaleau lertile en froment, sur les frontières

de l'intendance de Gnanaxuato. CoLiMA , à deux lieues au sud du volcan de

Golima.

3i4

LIVr.K III

A'I. ÏNTENDAKCE DE Za GATE CAS.

J^npn /(/f ton rn iSoô: i55,3oo.

lùcnduc du la suri ace on lieues carrées : 225îJ,

liai ila/ts par lieue carrée : 6j.

Cet j r: province , sint^ulicremcntcKîpciiplôe, oc.rnptMin Icrniin montagneux, aride, exposé à nne inlenipéric conlinuelle de l'air : ses liiuilos sont , au nord , l'intendance de Du- rango; à l'est, celle de San Luis Potosi ; au sud , la province de Guanaxuato , et à l'ouest, celle de Guadalaxara : sa plus grande lon- gueur est de 85 lieues ; sii plus grande largeur , depuis Sonibrerete jusqu'au Ileal de lianios , est de 5i lieues.

L'intendance *de Zacatecas a à peu près la même étendue que la Suisse, à laquelle elle ressemble sous plusieurs rapports gétdogiqucs. La population relative est à peine aussi gTande que celle de la Suède.

Le plateau qui forme le centre de l'inten- dance de Zacatecas, et qui s'élève à plus de aooo mètres de hauteur, est lonné de sicnile ,

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roclie sur lacjuello, d'apirs les belles ohscM- valiuns de M. lulmcia ', reposrnl deseoiKlus (le schiste primilil' et de ehlorilo selnsleii e [cJtlnrith-svhit'frr). Le seliisie foniie la hase des inoiila«^"nes {\g ^ntiiw'tirhc v\ dtî j)()r|)lijr(' trapécn. Au nord de la m'IIo do /;i«\ileeas se trouvent neurj)elits lacs ahondanscn nuniale et surtout en carbonate de soude -. fie car- bornate , que , de l'ancien mot ^mexicain liujiiixqiiilit y on d('\si<^ne par h; nom teques- quite , est d'un i;r;;nd emploi dans la lonle des inuriates et des sulfures d'ar<''ent. Vjï\ avocat de Zacatecas , M. Garces ^ a récem- ment fixé l'attention de ses compatriotes sur le tequesquile , qui se trouve aussi à Zacualco , entre Valladolid et Guadalaxara ; dans la vallée de San Francisco , près de San Luis Polt)si ; àAcusquiico, près des mines de I3olanos; au

* Do7i Vîcente Valcnvia , élève (îo M. del Rio »;l <lt* l'Jlcole des mines tic Mexico , a composé une d(;.scri|)lioii très-intéressante des mines de Zucatecas. ( Guzclta cU Mexico , T. XI , p. 4i 7 . )

^ Don Joseph Garces y Egiiia , del benejlvio de hanis taies de oro y plata. Mexico, 1802, p. il et \<.^ (ouvrage qui annonce des connaissances chimiques très-solides).

3x6 LIVRE III,

Chorro , près de Durango , et dans les cinq lacs autour de la ville de Chihuahua. Le plateau central de l'Asie n'est pas plus riche en soude que le Mexique.

Les endroits les plus remarquables de cette province sont :

Zacatecas, aujourd'hui, après Guanaxuato, l'endroit de mines le plus célèbre de la Nouvelle-Espagne. Sa population est au moins de 33,ooo habitans.

Fresnillo , sur le chemin de Zacatecas à Durango.

SoMBRERETE , chcf-licu , résidencc d'une Di- putacion de mine ri a.

En outre des trois endroits nommés, l'in- tendance de Zacatecas offre encore des filons métallifères intéressans près de Sierra de Pinos , Chalchiguitec , San Miguel del Mez- quital et Mazapil. C'est cette province aussi qui , dans la mine de la veta negra de Soinbrerete y a offert l'exemple de la plus grande richesse que jamais filon ait montré dans les deux hémisphères.

CHAPITRE VIII. 3l

VIL Intendance d'Oaxaca.

7

Population en i8o3 : 534,8oo.

Étendue de la surf ace en lieues carrées : 4447*

Habitans par lieue carrée ; 120.

Le nom de cette province , que d'autres géographes appellent moins correclement Guaxaca , dérive dn nom mexicain de la ville et de la vallée d*Huaxjacac, un des chefs-lieux du pays des Zapotèques, et qui étoit presque aussi considérable que leur capi- tale de Teotzapotlan. L'intendance d'Oaxaca est un de^î pays les plus délicieux de cette partîedu globe. Beauté et salubrité du climat, fertilité du sol , richesse et variété des pro- ductions , tout y concourt pour le bien-être des iiabitans. Aussi cette piovince a-t-elle été, depuis les temps les plus reculés, le centre d'une civilisation avancée.

Elle confiiie au nord , à l'in tendance de Vera-Cruz ; à l'est, au royaume de Guatimala ; à l'ouest, à la province de Puebla , et au sud , sur une longueur de côte de 1 1 1 lieues , au grand Océan. Son étendue excède celle de

8

Livr.i: m

la Bohême et de la Moravie prises ensemble ; sa population absolue est neui'ibis plus petite. Sa population relative égale par conséquent celle de la Russie européenne.

Le sol montaaneuxde l'intendance d'Oaxaca contraste singulièrement avec celui des pro- vinces de Puebla, de Mexico et de Valladolid. Au lieu de ces couches de basalte, d'amygda- loïde et de porphyre à base de griinslein , qui couvrent le sol d'Anahuac depuis les 18" aux 22^^ de latitude , on ne voit dans les montagnes de la Mixteca et de la Zc^^>oleoa que du granité et du gneiss. La ^uauic de montagnes de la formation de tr&pp ne re- commence qu'au sud-est , sur les côtes occi- dentales du royriuiiie de Guatemala. Nous ne connoissoi^à la hauteur d'aucune des cimes granitiques de l'intendance d'Oaxaca. Les habitans de ce beau pays regardent comme une des plus élevées le Cerro ae Senpualtepec, près de Villalta , duquel on voit les deux mer«^ Cette étendue de l'horizon n'indiquerait c^ pendant qu'une hauteur de 255o mètres '. On

' Lliorizon \îsuel tVune monlagne de 255o mètres «l'élévation a 3" ao' dt; diaiuèljc;. On a agrié la qucslion

CHAPITRE VllI. 3j9

prétend qu'on jouit du même spectacle im- posant à la Ginetta , sur les limites des évéchés d'Oaxaca et de Ghiapa , à 12 lieues de dislance du port de Tehuantepec , sur la grande route qui mène de Guatimala à Mexico.

La végétation est belle et vigoureuse dans toute la province d'Oaxaca , surtout à mi- cote , dans la région tempérée , dans laquelle les pluies sont très-abondantes depuis le mois de mai jusqu'au mois d'octobre. Au village de Santa Maria del Tule , à trois lieues de la capitale , à l'est, entre Santa Lucia et Tlaco- chiguaya , se trouve un énorme tronc de cupressus dislicha ( sabino ) , qui a 06 mètres de circonférence. Cet arbre antique est

par

conséquent plus gros que le cyprès d'At-

lisco, dont le drat

nous avons ronmer des îles <

pa

•lé

nus

haut

^ananes, et

que

que tous

* -1

si tle la cime du Nevaùo de Toluca les deux mers pourroicutêlre visibles. L'horizon visuel de ceUe mon- tagne a 21 ' ou 58 lieues de rayon , en ne supposant cju'une réfraction ordinaire. Les deux côtes du Mexique, qui se rapprochent le plus du Nevado , celles de Coyuca et de Tuspan, s'en trouvent à une dislance de 54 et fii licutw '

320

LIVRE m

les boababs ( adausoniae ) de l'Afrique. Mais en rexaminant de près , M. Anza a observé que ce qui excite l'admiralion des voyageurs n'est pas un seul individu , et que trois troncs réunis forment le fameux sabino de Santa Maria del Tule.

L'intendance d'Oaxaca comprend deux pays montagneux que , dès les temps les plus reculés , on désigne sous les noms de Mixteca et Tzapotcca, Ces dénominations, qui se sont n^nservées jusqu'à nos jours , indiquent une ^ mde différence d'origine entre les indi- gènes. L'ancien Mixtecapan se divise aujour- d'hui dans la haute et basse Mialeca {Mixteca alta j baxa). La limite orientale de la pre- mière , qui est voisine de l'intendance de la Puebla , se dirige depuis Ticomabacca , sur Quaxiniquilapa , vers la mer du Sud. Elle passe entre Colotepèque et Tamasulapa. Les Indiens de la Mixteca sont un peuple actif, intelligent et industrieux.

Si la province d'Oaxaca ne renferme pas des monumens de l'ancienne architecture aztèque aussi étonnans par leurs dimensions que les maisons des dieux ( téocallis ) de Cho- lula, de Papantla et de Téotihuacan , elle offre

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GIIAPITHE VIII.

321

(lesruines d'édifices qui sontplus remarquables à cause de leur ordonnance et de l'éléii'ance de leurs orneraens. Les murs du palais de Mitla sont décorés de grecques et de labj- rintlies formés en mosaïque de petites pierres porphyritiques. On y reconnoît le même dessin que l'on admire sur les vases faussement appelés étrusques , ou dans la frise du vieux temple du Deus redicolus , près de la grotte de la nymphe Egérie , à Rome. J'ai fait graver une partie de ces ruines américaines , qui ont été dessinées avec beaucoup de soin par le colonel Don Pedro de la Laguna , et par un architecte habile , Don Luis Martin. Si l'on est justement frappé de la grande analogie qu'offrent les ornemens du palais de Mitla , avec ceux employés par les Grecs et les Romains , on ne doit pas pour cela se livrer légèrement à des hypothèses historiques sur les anciennes communications qui pourroient avoir existé entre les deux continens. Il ne faut point oublier que presque sous toutes les zones ( comme j'ai tâché de le développer dans un autre endroit ) les hommes se sont plu à une répétition rhythmique des mêmes formes qui constituent le caractère principal iT. ai

333

LIVRE 111

de tout ce que nous appelons grecques ', méandres, labyrinthes et arabesques.

Le village deMillas'appeloit jadis Mîguitlany mot qui , en langue mexicaine , désigne un lieu sombre , un lieu de tristesse. Les Indiens Tzapotëques, le nomment Leoha , ce qui signifie tombeau. En effet, le palais de Mitla , dont on ignore l'ancienneté , étoit , selon la tradition des indigènes, et comme le mani- feste aussi la distribution de toutes ses parties, un palais construit au-dessus des tombeaux des rois. G'étoit un édifice dans lequel le souverain se reliroit pour quelque temps, lors de la mort d'un fils, d'une épouse on d'une mère. En comparant la grandeur de ces tombeaux à la petitesse des maisons qui servoient de demeure aux vivans , on diroit , avec Diodore de Sicile ( lib. I , c. 5i. ) , qu'il y a des peuples qui érigent des monumens somptueux pour les morts, parce que , regar- dant cette vie comme courte et passagère.

* Le connoisseur le plus profond tles antiquités égyptiennes, M. Zoega, a fait l'observation curieuse que les Egyptiens n'ont jamais employé ce genre <â'ornement.

. \

CHAPITKE Vin,

3a3

ils s'imaginent qu'il ne vaut pas la peine d'en construire pour les vivans.

Le palais , ou plutôt les tombeaux de Mitla forment trois édifices placés symétriquement dans un site extrêmement romantique. L'édi- fice principal est le mieux conservé , il a près de 4o mètres de long. Un escalier pratiqué dans un puits conduit à un appartement souterrain qui a 27 mètres de long et 8 de large. Cet appartement lugubre , destiné aux tombeaux, est couvert des mêmes grecques qui ornent les murs extérieurs de l'édifice.

Mais ce qui distingue les ruines de Mitla de tous les autres restes de l'architecture mexicaine , ce sont six colonnes de porphyre placées au milieu d'une vaste salle, et soutenant le plafond. Ces colonnes , presque les seules trouvées dans le nouveau continent , mani- festent l'enfance de l'art : elles n'ont ni bases ni chapiteaux ; on n'y remarque qu'un simple rétrécissement à la partie supérieure. Leur hauteur totale est de cinq mètres; cependant le fût en est d'une seule pièce de porphyre amphiboîique. Des décombres amoncelés pendant des siècles , cachent ces colonnes à l)lus d'un tiers de leur hauteur. En les

31*

324 LIVKE m 5

découvrant , M. Martin a trouvé que cette hauteur est égale à 6 diamètres ou à 12 modules. Il en résulteroit une ordonnance qui seroit encore moins légère que celle de l'ordre toscan, si le diamètre inférieur des colonnes de Mitla n'étoit pas à leur diamètre supérieur en raison de 3 à 2.

La distribution des appartemens dans l'in- térieur de cet édifice singulier , offre des rap- ports frappans avec celle que Ton remarque dans les monumens de la Haute - Egypte , figurés par M. Denon et par les savans qui composent l'Institut du Caire. M. de Laguna a trouvé dans les ruines du Mitla des pein- tures cuiieuses représentant des trophées de guerre d des sacrifices. J'aurai lieu de revenir, dans un autre endroit ( dans la Relation histo- rique de mon voyage ) , sur ces restes d'une ancienne civilisation.

L'intendance d'Oaxaca est la seule qui ait conservé la culture de la cochenille ( coccus cacti ) , branche d'industrie qu'elle partageoit autrefois avec la province de la Puebla et celle de la Nouvelle-Galice. ' La famille de Hernan Cortez porte le titre da marqub de la vallée d'Oaxaca. Son

CHAPlTPvE VIII.

2;)

majorât est composé des quatre villas dal marqiiesado, et de 49 ^iUages, qui reûfermeiit une population de 17,700 habitans.

'•': iMiv^:

Les endroits les plus remarquables de cette province sont :

Oaxaca ou Guaxaca, l'ancien Huaxyacac, appelé Antequera au commencement de la conquête. Tbiéry de Menonville ne lui donne que 6000 habitans; mais par le dénombrement fait en ^792 , on en a trouvé 24400.

Tehuantepeg ou Teguantepèque , port situé au fond d'une anse que l'Océan forme entre les petits villages de San Francisco , San Dionisio , et Santa TMaria de la Mar. Ce port, défendu par une barre assez dange- reuse, deviendra très-important un jour, lorsque la navigation en général , et surtout le transport de l'indigo de Gua- timala seront plus fréquens par le Rio Guasacualco.

San Antonio de los Cues , endroit très- peuplé sur le chemin J'Orizaba à Oaxaca ^

326 LIVRE III,

célèbre par les restes d'anciennes fortifi-

cations mexicaines.

Les mines de cotte intendance que Ion exploite avec le plus de soin , sont celles de Villalta , Zolaga , Yxlepexi et Totomostla,

'* -^_

CHAPITRE VIIT.

3'?.7

VIII. I N T E N D A N C E DE IM E R I D A.

Population en i8o3 : 4C5,8oo.

Etendue de la surface en lieues carrées : S977.

Hahitans par lieue carrée ; 81.

Cette intendance, sur laquelle M. Gilbert ' nous a fourni des rensci;^neniens piérieux, comprend la grande péninsule de Yucatan , située entre la baie de Canjpéclie et celle d'Honduras. C'est par le cap Caloche, éloigné de cinquante-une lieues des collines calcaires du cap Sainl-Anloiiie , qu'avant l'irruption de la mer des Antilles, le Mexique paroît avoir été contigu à l'île de Cuba

' Cet observateur éclairé a parcouru une grande partie des colonies espagnoles : il a eu le malheut de perdre dans un naufrage, au sud de l'île de Cuba , entre les bas-fonds âes Jardins du roi, dont j'ai déter- miné la position astronomique , les matériaux statis- tiques qu'il avoit recueillis. Il est utile d'observer ici que , sans connoîlre les données que je me suis procu- rées, en évaluant lui- même le nombre des villages et leur population, M. Gilbert avoit trouvé que le Yucataa devoit contenir, en 1801, près d'un demi-millioa d'habitans de toutes castes et de toutes couleurs.

3a8

LIVRi: III

Ln pro\inrc cle Merida confine au sud , au royaume de Guntimala, et à l'est, à l'inten- dance de Vera-Gruz, dont elle est séparée par le JUo 13uraderas, appelé aussi la rivière des Crocodiles ( Lagarlos ) ; à l'ouest , les établissemens anglois s'étendent jusqu'à l'em- boMchure du Rio Honda , au nord de la baie d'Hanovre , vis-à-vis l'ile d'Ubero ( Amber- greese Key ). Dans cette partie , Salamanca , ou le petit fort de San Felipe de Bacalar est le point le plus austral de la côte habité par les Espagnols.

La péninsule de Yucatan, dont la côte septentrionale , depuis le cap Catoche , près de l'île du Gontoy, jusqu'à la Punta de edras

(sur une longueur de quatre-vingt-ur ..ues)

suit exactement la direction du courant de rotation , est une vaste plaine traversée , dans son intérieur , du nord-ouest au sud-ouest , par une chaîne de collines peu élevées. Les pays qui» s'étendent à l'est de ces collines, vers les baies de l'Ascension et du Saint- Esprit, paroissent être les plus fertiles ; aussi ont-ils été jadis les plus habités. Les ruines 4'édifices européens que l'on découvre dans l'île Cosuniel , au milieu d'un bosquet de

oiApiTT\r. vni. 3^9

palmiers, indiquent qu'au rommrncenient de la conqnwlo mcmc , celle île , qui est déserte aujourd'hui , fut pcu[)lée par des colons espagnols. Depuis fjue les Anglois se sont établis entre Ouio et Uio Uondo , le gouvernement^ pour diminuer le eommerce de contrebande , a concentré la population espagnc)le et indienne dans la partie de la péninsule qui est à l'ouest des montagnes du Yucatan. Il n'est point permis aux colons de se fixer sur la côte occidentale , sur les bords du Rio Bacalar et sur Rio Hondo. Toute cette vaste contrée est restée dépeuplée : on n'y trouve que le poste militaire (presidio) de Salamanca.

L'intendance de Merida est un des pays les plus chauds et cependant un des plus sains de l'Amérique équinoxiale. Cette salubrité du climat doit sans doute être attribuée , dans le Yucatan, comme à Goro, à Cumana et dans l'île de la Marguerite , à l'extrême sécheresse du sol et de l'atmosphère. Sur toute la côte, depuis Campeche , ou depuis l'embouchure du Rio de San Francisco jusqu'au cap Catoche, le navigateur ne trouve pas une seule source d'eau douce, Prèsdece dernier cap , la nature

33o LIVRE m,

a répété le même phénomène qui se présent* au sud de File de Cuba, dans la baie de Xaj^ua, et que j'ai décrit dans un autre en- droit 'Sur îacôte septentrionale de Yucatan, à Tembouchure du Rio Lagartos , à quatre cents mètres du rivage, des sources d'eau douce jaillissent au milieu des eaux salées. On appelle ces sources remarquables les Bouches ( Boccas ) de Coiiil. Il est probixble que , par une forte pression hydrostatique , les eaux douces, après avoir brisé les bancs de roche calcaire entre les fentes desquels c^^es ont coulé , s'élèvent au-dessus du niveau des eaux salées.

Les Indiens de cette intendance parlen la langue maja, qui est très-gutturale, et de laquelle il existe quatre dictionnaires asse*. complets, rédigés par Pedro Beltran , Andrès de Avendaiïo , Fray Antonio de Ciudad Real et Luis de Villalpando. La péninsule de Yucatan ne fut Mmais soumise aux rois mexicains ou £ ztèques : cependant les premiers conquérans , Bernai Diaz , Hernandez de Cordova et le valeureux Juan de Grixalva ,

^ Dam mes Tableaux de la Nature, Vol. II , p> 1/4 «t 235.

\

iv>«

CHAPITRE VIII.

33 1

furent frappés de la civilisation avancée des habitans de cette péninsule. Ils y trouvèrent des maisons construites en pierres cimentées avec de la chaux , des édifices pyramidaux ( téocallis ) qu'ils comparèrent aux mosquées des Maures , des champs enclos de haies , un peuple vêtu , policé , et très - différent des indigènes deFilc deCuba. On découvre encore aujourd'hui beaucoup de ruines , surtout de monumens sépulcraux (giiacas ) à l'est de la petite chaîne centrale des montagnes. Quelques tribus d'Indiens ont conservé leur indépen- dance dans la partie méridionale de ce terrain montueux, que l'épaisseur des forets et la force de la végétation rendent presque inac- cessible.

La province de Merida , comme tous les pays de la zone torride dont le sol ne s'élève pas à i3oo mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer, ne produit, pour la nour- riture de ses habitans , que du mais et des racines de jatropha et de dioscorea, mais point de blé d'Europe, l es arbres qui four- nissent le fameux bois de Gampêche ( Hœma" toxjlon campechianum ^ L. ) croissent en abondance dans plusieurs districts de cette

332

LIVRE III

intendance. Les coupes ( cortes de paîo Cam- pcclw) se font iinnuellement sur les rives du Rio Chainpoton, dont Tenibouchure est au sud de la ville de Gampôche , à quatre lieues du petit village de Lerma. Ce n'est qu'avec une permission extraordinaire de l'intendant de Merida , qui porte le titre de gouverneur capitaine général, que les négocians peuvent, de temps en temps, faire des coupes du bois de Campée he à l'est des montagnes , près des baies de l'Ascension , de Todos los Santos , et del Espirito Santo. C'est dans ces anses de la cote orientale que les Anglois entretiennent un commerce de contrebande aussi considé- rable que lucratif. Le bois de Campêche , après avoir été coupé , doit sécher pendant un an avant qu'on l'envoie à Vera-Cruz, à la Havane ou à Cadix. Le quintal de ce bois sec ( palo de tinta ) se vend à Campêche à raison de 2 piastres ou 2 piastres et demi ( 10 fr. 5o c. à '1-2 fr. 88 c. ). L'haematoxylon , très-abondant dans le Yiiratan et sur la côte d'IJonds^ras, se trouve d'ailleurs épars dans toutes les forets de l'Amérique équinoxiale , partout la température moyenne de l'air n'est pas au-dessous de 22° du thermomètre

B

mmmi'im^

CHAPITRE VIII.

333

centigrade. La cote deParia, dansla province de la Nouvelle-Andalousie, pourra un jour faire un commerce considérable avec les bois de Campèche et de Brésil ( Cœsalpinia ) , qu'elle produit en grande quantité.

Les endroits les plus remarquables de l'in- tendance de Merida sont :

Merida de Yucatan, capitale, à lo lieues dans l'intérieur des terres, dans une plaine aride. Le petit port de Merida s'appelle Sizal, à l'ouest de Chaboana , vis-à-vis un banc de sable qui après de 12 lieues de long. Population, 10,000.

Campèche , sur le Rio de San Francisco , a\ec un port qiû n'est pus très-sur. Les vaisseaux sont obi i'jf^c de uiouiller loin du rivat^e. En lanif-ue mava , cam siii^niQe serpent, et pécheXa petit insecte (acarus) appelé par les Espagnols. ,i,'v//v//^«7^/ ^ qui perce la peau et cause des douleurs cui- santes. Entre Campêclie et Merida se trou- vent deux villages indiens très-considérables, appelés Xampolan et Equetchecan. T ' x* portation de la cire de Yucatan est une des

334 ^^"^^^^ "''

branches de conuiiertx' les plus lucratives. La population habituelle de la vî?-e est

de (),o^^^^' Y/LLADOLTD, peûle \ille dont Les environs produisent beaucoup de coton , et d une exccllenle qualité. Ce coton se vend ce- pendant à l)as prix , parce qu'il a le grand déiaul d'èlrc tics-adhérent à la graine. On ne sait ])as le ne^over ( despepitnr ou desmnlar) dans ie pays. Le fret absorbe les de:ix tiers de sa valeur, à cause du poids de la foraine.

CHAPITRE VIII.

335

IX. Inteîtdance de Vera-Gruz.

Population en 180^ : lï^e^ooo,

JK tendue de la surface en lieues carrées ; 4i4i.

Habitans par lieue carrée : ZS,

Cette province , située sous le ciel brûlant des tropiques , s'étend le Ion- du golfe mexicain, depuis le Rio Baraderas (ou de los Lagartos ) jusqu'à la grande rivière de Panrco , qui prend sa source dans les mon- tagnes métallifères de San Luis Potosi : elle embrasse par conséquent une partie très- considérable de la cote orientale de la Nou. vellc-Espagne. Sa longueur, depuis la baie de Termmos, près de File delCarmen, jusqu'au petit port de Tampico, est de ,210 lieues, tandis que sa largeur n'est généralement que de 25 à 28 lieues. Elle confine à l'est , à la péninsule de Merida ; à l'ouest, aux inten- dances d'Oaxaca , de Puebla et de Mexico ûu nord, à la colonie du Nouveau-Santander! Un coup d'œil jeté sur la neuvième et la douzième planche de mon Atlas mexicain

336

LIVRE III

fera voir la conformation extraordinaire de ce pajs , qui jadis fut compris sous la déno- mination de Cuetlachtlan. Uy a peu de régions du nouveau continent , dans lesquelles le voyageur soit plus frappé du rapprochement des climats les plus opposés. Toute la partie occidentale de l'intendance de Vera - Cruz occupe la pente des Cordillères d'Anahuac. Dans l'espace d'un jour les habitans y des- cendent de la zone des neiges éternelles à ces plaines voisines de la mer dans lesquelles régnent des chaleurs suffocantes. Nulle part on ne reconnoît mieux Tordre admirable avec lequel les différentes tribus de végétaux se suivent comme par couches les unes au- dessus des autres , qu'en montant depuis le port de la Vera-Cruz vers le plateau de Per ote. C'est qu'à chaque pas on voit changer la physionomie du pays, l'aspect du ciel , le port des plantes , la ligure des animaux , les mœurs des habitans , et le genre de culture auquel ils se livrent.

A mesure que l'on s'élève , la nature paroît moins animée , la beauté des formes végétales diminue , les tiges sont moins succulentes , les fleurs moins grandes , moins colorées.

es au- îuis le ?erote. ger la lel , le ux , les culture

e paroît évrétales ilentes , olorées.

CHAPITRE VIÏI. 33^

L'aspect du chêne mexicain rassure le voya- geur débarqué à la Vera-Cruz. Sa présence lui indique qu'il a quitté cette zone justement redoutée par les peuples du nord , sous laquelle la fièvre jaune exerce ses ravages dans la Nouvelle-Espagne. Cette même limite inférieure des chênes avertit le colon habitant du plateau central , jusqu'où il peut descendre vers les cotes , sans craindre la maladie mortelle du t;om/^o. Près de Xalapa , des forêts de liquidambar annoncent , par la fraîcheur de leur verdure , que cette hauteur est celle à laquelle les nuages suspendus au-dessus de l'Océan, viennent toucher les cimes basaltiques de la Cordillère. Plus haut er«' ore, près de la Banderilla, le fruit nourrissant du bananier ne vient plus à maturité. Aussi, dans cette région brumeuse et froide , le besoin excite l'Indien au travail , et réveille son industrie. A la hauteur de San Miguel , les sapins com* mencent à s'entremêler aux chênes , et le voyageur les trouve jusqu'aux plaines élevées de Perote , qui lui offrent l'aspect riant de champs semés en froment. Huit cents mètres plus h^ut , le climat devient déjà trop froid pour que les chênes puissent y végéter; les

II.

22

338 LIVRE III ,

sapiiis seuls y couvrent les rochers, dont les cimes entrent dans la zone des neig-es éter- nelles. C'est ainsi qu'en peu d'heures, dans ce pays merveilleux , le physicien parcourt toute l'échelle de la végétation, depuis l'héliconia et le bananier, dont les feuilles lustrées se développent dans des dimensions extraordi- naires, jusqu'au parenchyme rétréci des arbres résineux.

La province de Vera-Cruz est enrichie, par la nature , des productions les plus pré- cieuses. Au pied de la Cordillère, d. s les forêts toujours vertes de Papantla, deNaulIa et de Saint -André TuxtLi , croît la liane (epidendrum vanilla), dont le fruit odori- iérant est employé po*Ur parfumerie chocolat. Près des villages indi(;n Je Colipa et de Misantla se trouve la jelle convolvulact e ( convolvulus jalapaî ) . lont la racine tubé- reuse fournit le jalap , un des purgatifs les plus énergiques et les plus bienfaisans. Dans la partie orientale de l'intendance de Vera- Cruz, les forets qui s'étendent vers la rivière de Baraderas produisent le myrte (myrlus pimenta), dont la graine est une épice agréable, et connue dans le commerce sous le nom du

CHAPITRE VIII. 339

pimicnta de Tahasco. Le cucao d'Acnjucan seroit recherché , si les indigènes se livroient plus assidûment à la culture des cocao^ers. A la pente orientale et australe du pic d'Oii- laba, dans les vallées qui se prolongent vers la petite ville de Gordoba , se cultive du tabac d'une qualité excellente, et qui iournit à la couronne un revenu annuel de plus de 18 mil- lions de francs. Le smilax, dont la racine est la vraie salsepareille , végète dans les ravins humides et ombragés de la Cordillère. Le coton des cotes de V eia-Gruz est célèbre à cause de sa finesse et de sa blancheur. La canne y est presque aussi abondante en sucre qu'à l'ile de Cuba , et plus que dans les plan- tations de Saint-Domingue.

Cette intendance seule suffiroit pour vivi- fier le commerce du port de Verà-Cruz , si le nombre des colons étoit plus considérable, cl si leur paresse , effet de la bienfaisance de la r "'ne et de la facilité de pourvoir sans travail aux premiers besoins de la vie , n'en- travoit les progrès del'industrie. La population ancienne du Mexique étoit concentrée dans l'intérieur du pays , sur le plateau même : les peuples mexicains, originaires de contrées

o o

34o LIVRE III,

septentrionales , comme nous l'avons exposé plus huut, préférèrent dans leurs migrations le dos des Cordillères, parce qu'il leur oiïnjit un climat analogue à celui de leur pajs natal. Sans doute, lors de la première arrivée des Espagnols sur la plage de Ghalcliiuhcuecan (Vera-Cruz), toute celte côte, depuis la rivière de Papaloapan ( Alvarado ) jusqu'à Huaxtecapan, étoit plus habitée et mieux cultivée qu'elle ne Test aujourd'hui. Cepen- dant , à mesure que les conquérans montèrent au plateau , ils trouvèrent les villages plus rapprochés les T.ins des autres, les champs divisés en portions plus petites, le peuple plus policé. Les Espagnols , qui croyoient fonder de nouvelles villes quand ils donnoient des noms européens à des villes construites par les Aztèques , suivirent les traces de la civili- sation des indigènes : ils eurent des motifs bien puissans d'habiter le plateau d'Anahuac; ils craign oient la chaleur et les maladies qui régnent dans les plaines. La recherche des métaux précieux, la culture du blé et des arbres fruitiers d'Europe , l'analogie du climat avec celui des Castilles, et d'autres causes indiquées dans le quatrième chapitre de cet

CHAPiTBf: vm.

S'il

oiivra<ve , les engagèrent à se fixer sur le dos des Cordillères. Aussi long- temps que les encomenderos j abusant des droits qui leur avoient été accordés par les lois , traitèrent les Indiens comme serfs , un icrand nombre de ceux-ci furent transplantés des régions voi- sines des côtes au plateau de l'intérieur, soit pour travailler dans les mines, soit seulement pour les rapprocher de l'habitation de leurs maîtres. Pendant deux siècles, le commerce de l'indigo , du sucre et du coton américains étoit presque nul : rien n'excitoit les blancs à s'établir dans les plaines, qui ont le véritable climat des Indes. On pourroit dire que les Européens ne venoient sous les tropiques que pour y habiter la zone tempérée.

Depuis que la consommation du sucre a considérablement augmenté, et que le com- merce du nouveau continent fournit beaucoup de productions que l'Europe tiroit jadis de l'Asie et de l'Afrique seules, les phiines {tic iras calientes ) offrent sans doute plus d'appât à la colonisation : aussi les plantations de la canne à sucre et des cotonniers se sont multipliées dans la province de Vera-Crux , surtout depuis les événemens funestes qui ont eu lieu à Saint-

34?. LIVRE m,

Domingiie, et qui Ont donné un grand essor a l'induslrie dans les eoionies espagnoles. Ces progrès , cependant , ne sont pas encore très- marques sur les eûtes mexicaines : il faudra des siècles pour repeupler ces déserts. Aujour- d'hui, des espaces de plusieurs lieues carrées sont occupés par deux ou trois cabanes {hatlos degnnndo), autourdesquelles errent des bœufs à demi sauvages. Un petit nombre de familles puissantes, et qui viventsur le plateau central , possèdent la plus grande partie du littoral des intendances de Vera-Cruz et de San Luis Potosi. Aucune loi agraire ne force ces riches propriétaires de vendre leurs majorais (fiuiyo- razgos) , s'ils persistent à ne pas vouloir défricher eux-mêmes les terres iumienses qui en dépendent : ils vexent leurs fermiers et les chassent à leur gré.

A ce mal, que les côtes du golfe du Mexique ont de commun avec l'Andalousie et avec une grande partie de TEspagne , se joignent d'autres causes de dépopulation. L'intendance de Vera-Cruz a une milice trop nombreuse pour un pays si peu habité. Le service mili- taire pèse sur le laboureur ; il fuit la côte pour pas être forcé d'entrer dans les corps des

CHAPITRE MU. .V| '

lanceras et dos milicianns : aussi les le\ t'cs laites pour fournir des matelots à la marine royale se répètent-elles troj) souvent, et s'exé- cutenl-elles d'une manière trop arbitraire. Le «youvernement a n( ;^''ligé jus((u'iri tons les moyens par lesquels il pourroit au^inenter la population de cette cote déserle. Il résulte de cet état de choses un manque de bras et une cherté de vivres qui contrastent avec la grande fertilité du pays. Au port de Yera-Cruz la journée d'un ouvrier ordinaire est de 5 à 6 fr. Un maître maçon et tout homme (jui exerce un art particulier, y gagne ii5 à 20 francs par jour, c'est-à-dire, trois à quatre fois autant que sur le plateau central.

L'intendance de Vera-Grux renferme dans ses limites deux cimes colossales, dont la pre- mière, le volcan iVOrizahay est, après le Popocatepetl , la montagne la plus élevée de la Nouvelle-Espagne. Le sommet de ce cône tronqué est incliné au sud-est : l'échancrure qu'il présente rend le cratère visible de très- loin , même depuis la ville de Xalapa. La seconde cime, le Coffre de P croie, est, d'après mes mesures, de près de 4oo mètres plus élevé que l€ pic deTénérifle : il sert de signal aux

3\n^ LIVRE m,

navigateurs îors de leur atterrage s«r Tera- Cruz. Coiiime retle circonstance rend très- importante la déterminf lion de sa position astronomique , j'ai observé , sur le Coffre même, des hauteurs circum-méridiennes du soleil. Une couche épaisse de pierre ponce environne cette montagne porphjrilique : rien n'y annonce un cratère au sommet , mais les courans de laves que l'on observe entre le |>elit village de las Vigas et de Hoya , paroisscnt êJre î^^s effets d'une explosion latérale très- ancienne. Le ^ç\\\ volcan de Tuxtla y adossé à la Sierra de San Martin , est situé à 4 lieues de la côte , au sud-est du port de Vera-Gruz, près du village indien de Santiago de Tuxlla: il se trouve , par conséquent , hors de la ligne que nous avons indiquée plus haut comme le parallèle des volcans enflammés du Mexique. Sa dernière éruption très-considérable a eu lieu le 2 mars, l'an 179^: les cendres volca- niques couvrirent alors les toits des maisons à Oaxaca , à Vera-Cruz et à Perote. Dans ce dernier endroit , qui est éloigné du volcan de Tuxtla de 67 lieues » en ligne droite , le bruit

* Celte distance est plus grani^.; que celle de Naples à Rome , et cependtint le Vésuve ne se fait pas mêiiie

CHAPITRE VIII.

345

souterrain ressembloit à des décharges de grosse artillerie.

Dans la partie septentrionale de l'inten- dance de Vera-Cruz, à l'ouest de l'embou- chure du Rio Tecolulla , à deux lieues de dislance du grand village indien de Papantla, se trouve un édifice pyramidal d'une haute antiquité. La pjramide de Papantla étoit restée inconnue aux premiers conquérans : elle est située au milieu d'une foret épaisse, appelée Tajin en langue totonaque. Les indigènes, pendant des siècles, ont caché aux Espagnols ce monument , objet d'une antique vénération : ce n'est que depuis trenle ans que le hasard l'a fait découvrir à des chasseurs. Un ob- servateur aussi modeste qu'éclairé, et qui depuis long-temps se livre à des recherches très-curieuses sur l'architecture et les idoles

entendre an delà de Gaëta. Nous avons, M. Bonpland et moi , entendu distinctement ies mugissemens du Cotopaxi , lors de son explosion en 1802, dans la mer du Sud, à l'ouest de Tîlc de la Puna, à 72 lieues de dislance du cratère. En 1744^ ce mcmt> volcan fut entendu à Honda et à Morapox, sur les bords de la rivière de la Madeleine. (Voyvz ma Géographie <IeS plantes , p. 53 , édit. in-4.° )

346 LIVRE III,

mexicaines, M. Dupé ', a visité la pyramide (le Papanlla : il a examiné avec soin la coupe des pierres dont elle est construite ; il a des- siné les hiéroglyphes dont ces pierres énormes sont couvertes. Il seroit à désirer qu'il voulut se résoudre à publier la description de ce monument intéressant. La figure ' publiée en 1786, dans la gazette de Mexico, est très- imparfaite.

La pyramide de Papantla n'est point cons- truite en briques ou en argile nièlée de cailloux et revêtue d'un mur d'amygdaloïde, comme les pyramides de Choiula et de Téotihuacan : les seuls matériaux qui y ont été employés sont d'immenses pierres de taille porphyritiques ; on distingue du mortier dans les joints. L'édi- fice est cependant moins remarquable pur sa

* Cipitalne au service du roi d'Espagne. C'est jVI. Dupé qui possède le busle en basalte d'une prêtresse mexicaine, que j'ai fait graver par M. Mas- sard , et qui offre de grandes ressemblances avec lo calamihica des têtes d'Isis. On trouvo cette figure dans mes Vuen des Cordillères , et Moniimena des peuples indigènes de l'Aviérîque , J-l. 1 et ïî.

^ Voyez aussi Momimenti di Arehibettura Messicana dl Pietro Marquez f Roma, i8o4 , ïab. I.

CHAPITÎ\E VIII.

3^

17

grandeur que par son ordonnance , par le poli des pierres, et parla grande régularité de leur coupe. La base de la pyramide est exactement carrée , chaque côté ayant 20 mè- tres de long: la hauteur perpendiculaire paroît être à peine de i6 à 20 mètres. Ce monument, comme tous les téocallis mexicains . se com- pose de plusieurs assises : on en distingue encore six, et l'on croit rpie la septième est cachée par la végétation c[ui couvre tout le flanc de la pyramide. Un grand escalier de 57 gradins mène à la cime tronquée du téo- calli , à l'endroit se faisoit le sacrifice des victimes humaines : un petit escalier se trouve à côté du grand. Le revêlement des assises est orné d'hiéroglyphes, dans lesquels on recon- noît des serpens et des crocodiles sculptés en relief: chaque assise offre un grand nombre de niches carrées , et symétriquement distri- buées : dans le premier étage on en compte de chaque côté 2^; dans le second, 20; dais le troisième ,16. Le nombre de ces niches est de 566 dans le corps de la pyramide, et de 1 2 dans l'escalier que l'on distingue vers l'est. L'abbé Marquez Svippose que ce nombre de 078 niches fait allusion au système calendaire

34B LIVRE III,

des Mexicains ; il croit même que dans clia- cune d'elles étoit répétée une des vingt figures qui, dans le langage hiéroglyphique des Tol- lèques , servoienl de symbole pour désigner le jour de Tannée commune, et les jours intercalaires à la fin des cycles. En effet, l'année étant composée de 18 mois , dont chacun a 20 jours, il en résultoit 56o jours, auxquels , conformément à l'usage égyptien , on ajoutoit les 6 jours complémentaires ap- pelés jwmontemi, L'inlercalation se faisoit tous les 62 ans, en augmentant le cycle de i3 jours, ce qui donne 36o + 5 f i5 = 578, signes simples ou composés des jours du calen- drier civil , qu'on nomma compohualilhuitl ou tonalpohuaUi , pour le distinguer du comilliuitlapohualliztll , ou du calendrier rituel usité par les prêtres pour indiquer le retour des sacrifices. Je n'entreprendrai pas ici d'examiner l'hypothèse de l'ahbé Marquez, qui rappelle d'ailleurs les explications astro- nomiques qu'un historien célèbre, M. Gatterer, a données du nombre des appartemens et des gradins que l'on irouvoit dans le grand laby- rinthe égyptien.

CHAPITRE VIII. 349

Les villes les plus remarquables de cette province sont :

Vera - Gauz , résidence de l'intendant , et centre du commerce avec l'Europe et les îles Antilles. La ville est jolie et trcs-régu- lièrement construite , habitée par des né- gocians éclairés , actifs et zélés pour le bien de leur patrie : elle a beaucoup gagné dans les dernières années, sous le rapport de la police intérieure. La plage dans laquelle Vera-Gruz est située , s'appeloit jadis Ghal- chiuhcuecan. L'île sur laquelle , à frais énormes ( selon la tradition vulgaire, avec une dépense de 200 millions de francs), on est parvenu à construire la forteresse de San Juan de Ulua , fut déjà visitée par Juan de Grixalva , l'année i5i8. Il lui donna le nom d'Ulua , parce que , y ayant trouvé les restes de deux malheureuses victimes ', et ayant demandé aux indigènes pourquoi ils sacrifioient des hommes, on

* Il paroît que ces sacrifices se falsoient sur plusieurs petits îlots qui entourent le port de Vera-Cruz. Un de ces îlots , redouté par les navigateurs , porte encore aujourd'hui le nom à^L^la de Sacrificios.

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opmiou. tja ville, connncncce I année i •>!<), et nommée lillavica^ on la Villa Kica ck; la Vera-(Jruz , éloit située à lr<is lieues de (,]empoalla , clier-lieu des 'r(»lona(]ues , près du pelit ])ort de CJùahuilzLi y «pu'. ilans l'ouvrage de Robertson, on a de l.i >eine à reconnoîlre sous le nom t

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l)islan. Trois ans plus lard, la Villarica resta déserte, elles l^)aij;'nols ioudèreiil,

au sud, une aulre ville (pji a conser\e l( nom de YJfitii^ua. On Cioil dans le pay

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que relie seconde rolcmie fut abandoiiiice (k) nouveau à cause de la maladie du voniilo , 4|ui , <léjà à celte é|>ocjue , nioissonnoil plus des d(;ux tiers dtîs Kuro|>éens dél)arc[ués dans la saison d(îs j»'randes chaleurs. Le vice-roi comie de JVloiilerey , c]ui t»"ouverna le JVlexicjue à la fin du seizième siècle, (il jelei' les rondcmensde la ]Nucva Veia-CJruz ou de la \ille aclu(^lle , vis-à-vis I'jIoI de San ,luan dX'lua , dans la pla^e de (ilial- cliiulicuecan , à l'cMidroit même oii (iorlez avoit dél)arf|ué le 21 avril de l'année ii)i<). Celle Iroisième ville <le Vera-Ciuz n'a eu ses piiviléjjies «le ville (jiie sous le roi Phi- lij>j>e iif, en j(»il3. EWv eslsiluée dans une plaine aride, dépourvue d'eaux courantes, cl sur la<]uellc les vents du nord, quisourilent impélueusemenl depuis le mois d'octobre jus(ju'au mois d'avril , ont Formé des collines de sable mouvant. Ces dunes {mc^nnos lic arcim) i'han<^ent tous les ans et di; foruie et de lieu : elles ont de 8 à ^'l mètres de hauteur, cl elles contribuent sini^ulière- ment, j)ar la réverbération des ravons du soleil et par la haute température (m'ellcs ac([uiciciil cUcs-moiues pendant les moi'»

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032

LIVRE III

d'été , à augmenter la chaleur suffocante de l'air de la Yera-Gruz. Entre la ville et TAroyo Gavilan se trouvent, au milieu des dunes, des terrains marécageux couverts de mangliers et d'autres broussailles. Les eaux stagnantes du Baxio de la Temhla- dera, et les petites lagunes de l'Horniiga, du Rancho de la Hortalizaet d'Arjona, font naître des fièvres intermittentes parmi les indigènes : elles jouent probablement aussi un rôle important parmi les causes funestes qui produisent le fléau du voi?uto prieto ^ et que nous examinerons dans la suite de cet ouvrage. Tous les édifices de Vera-Gruz et du château d'Ulua sont construits avec des matériaux tirés du fond de l'Océan, et qui sont l'habitation pierreuse des madré- pores (piedras de mue ara)] car dans les environs de la ville on ne trouve aucune roche. Les sables couvrent les formations secondaires qui reposent sur le porphyre de l'Encero , et qui ne viennent au jour que près d'Acazonica, métairie des jésuites, célèbre à cause de ses carrières de beau gypse feuilleté. En creusant dans le sol sablonneux de Vera-Gruz, on trouve de

CHAPITRE VJII.

353

Teau douce à un mètre de profondeur; mais cette eau provient de la filtration des mares ou lagunes formées entre les dunes. C'est de Teau de pluie qui a été en contact avec les racines des végétaux ; elle est d'une très - mauvaise qualité^ et ne sert qu'au lavage. Le bas-peuple ( et ce fait est important pour la topographie médicale de la Vera-Cruz ) est obligé d'avoir recours à l'eau d'un fossé ( zanja ) qui vient des Meganos , et qui est un peu meilleure que celle des puits , ou que l'eau du ruisseau de Tenoja.Les gens aisés, au contraire^ boivent l'eau de pluie recueillie dans des citernes dont la construction est assez vicieuse, à l'exception des belles citernes ( algibes ) du château de San Juan d'Ulua, dont l'eau trèsr-pure et très-salutaire n'est distribuée qu'aux employés militaires. Depuis des siècles on a regardé ce manque de bonne eau potable comme une des nombreuses causes des maladies des habitans. L'année 1704, on forma le projet de conduire une partie de la belle rivière de Xamapa au port de la Vera-Cruz. Le roi Philippe v envoya un ingénieur françois pour exa-

354

LIMIE III

miner le terrain. L'ing,'énieur, sans doute peu content de son séjour dans un pays si chaud et si désagréable à habiter , déclara l'exécution du projet impossible. L'année 1766 , les débats recommencèrent entre les ingénieurs , la municipalité , le gou- verneur , Tassesseur du \ice-roi et le fiscal. On a dépensé jusqu'ici en visites d'experts et en frais judiciaires ( car tout devient procès dans les colonies espagnoles ) , Ja somme de 2,260,000 francs. Avant d'avoir nivelé le sol, on a construit, à 1 100 mètres au-dessus du village deXamapa, une digue ( levée) qui déj est à moitié détruite , et qui a coûté un million et demi de francs. Le gouvernement, depuis plus de douze ans, foit payer au public un droit sur les h- rines , qui rapporte annuellement plus de i5o,ooo francs. Un aqueduc maçonné ( atarxca ),qui peut fournir un profil d'eau de 116 centimètres carrés, est déjà construit à plus de 900 mètres de longueur ; et malgré tous ces frais , magré le fatras de mémoires et d'informations amoncelés dans les ar- chives , les eaux du Rio Xamapasont encore à plus de 23,000 mètres de distance de lu

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CHAPITRE VIII.

355

ville de Vera-Cruz. En 1 796 , on a fini par l'on auroit commencer : on a nivelé le terrain , et l'on a trouvé que les eaux moyennes du Xamapa sont élevées de 8", 83 (10 vares mexicaines, et 22 -J- pouces) au-dessus du niveau des rues de Vera-Cruz. On a reconnu que la grande digue devoit être placée à Medellin, et que, par igno- rance , elle a été construite dans un point non - seulement trop élevé , mais encore de 7600 mètres plus éloigné du port que ne l'exige la chute nécessaire pour la con- duite des eaux. Dans l'état actuel des choses , la construction de l'aquéduc , depuis leRio Xamapa jusqu'à Vera-Cruz , est évaluée à cinq ou six millions de francs. Dans un pays dans lequel il existe des ri- chesses métalliques immenses , ce n'est pas la grandeur de cette somme qui effraye le gouvernement. Le projet est ajourné, parce qu'on a calculé depuis peu, que dix ci- ternes publiques , placées hors de l'en- ceinte de la ville, ne coûteroient ensemble que 700,000 francs , et suffîroient pour une population de 16,000 âmes , si chaque citerne contenoit un volume d'eau de

20*

350

LIVftE III

670 mètres cubes. « Pourquoi , dit-on dans « le rapport au vice-roi , chercher si loin « ce que la nature offre si près? pourquoi « ne pas profiler de ces pluies aussi régu- « lières qu'abondantes, et qui, selon les ex- «< périences exactes du colonel Constanzo , (c fournissent annuellement trois fois autant « d*eau qu'il en tombe en France et en « Allemagne. » La population habituelle de Vera-Cruz, sans compter la milice et les gens de mer , est de 16,000. Xalapa ( Xalapan ) , ville au pied de la mon- tagne basaltique de Macultepec , dans une situation très-romantique. Le couvent de S.-François , comme tous ceux qui ont été fondés par Cortez , ressemble de loin à une forteresse ; car , dans les premiers temps de la conquête , on construisit les couvens et les églises de manière à pouvoir servir de défense au cas d'une insurrection de la part des indigènes. C'est à ce même couvent de S.-François , à Xalapa , que Ton jouit d'une vue magnifique sur les cimes colossales du Coffre et du Pic d'Ori- zaba , sur la pente de la Cordillère ( vers l'Encero , Otates et Apazapa ), sur la rivière

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de rAntijjiia et même sur l'Océan. Les Ibréls épaisses de styrax , de piper, de melastomes et de fougères en arbres , celles surtout que traverse le chemin de Paclio et de San Andres, les bords du petit lac de los Berrios , et les hauteurs qui con- duisent au village d'Huastepec, offrent des promenades infiniment agréables. Le ciel de Xalapa , beau et serein en été, inspire de la mélancolie depuis le mois de dé- cembre jusqu'au mois de février. Chaque fois que le vent du nord souffle à Vera- Cruz, une brume épaisse enveloppe les habitans de Xalapa. Le thermomètre y descend alors jusqu'à 12 ou 16 degrés. A cette époque ( estacioii de los novtes ) , on passe souvent 3 ou 0 semaines sans voir le soleil 6t les étoiles. Les négocians les plus riches de Vera-Cruz ont des maisons de campagne à Xalapa , dans lesquelles ils jouissent d'une agréable fraîcheur , tandis que les moustiques , les grandes chaleurs et la fièvre jaune rendent la côte désa- gréable à habiler. On trouve dans celte petite ville , un établissement dont l'exis- tence confirme ce que j'ai avancé plus haut ,

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sur les progrès de la culture intellectuelle du Mexique ; c'est une excellente école de dessin , fondée depuis pou d'années , et dans laquelle les enfans des pauvres artisans ' sont instruits aux frais des citoyens les plus aisés. La liauleur de Xalapa au-dessus du niveau de l'Océan est de iS*:,© mètres. Sa population est évaluée à i3,ooo.

Perote ( l'ancien Pinahuizapan ). La petite forteresse de San Carlos de Perote est située au nord du grand bouig de Perote. C'est plutôt une place d'armes qu'une for- teresse. Les plaines environnantes sont très-steriles et couvertes d^ pierre ponce: pas d'arbres , à l'exception de quelques troncs isolés de cyprès et de molina. Hau- teur de Perote , 2353 mètres.

CoRDOBA, ville, à la pente orientale du pic d'Orizaba, dans un clinia* beaucoup plus chaud que celui de Xalapa. Les environs de Cordoba et d'Orizaba produisent tout le tabac qui se consomme dans la Nouvelle- Espagne.

Orizaba , à l'est de Cordoba , un peu au nord du Rio Blanco , qui se jette dans la la^nina d'Aivarado. On a disputé pendant long-

CHAPITIIE VIII. 3jC)

temps si la nouvelle route de Mexico à Vera-Ciuz tlevoit aller par Xalapa ou par Orizaba. Ces deux villes ayant un grand inlt3rct à la direction de cette route, elles ont , dans leur rivalité , employé tous les moyens pour faire valoir leurs droits auprès des autorités constituées. Il en est résulté que les vice-rois ont alternativement em- brassé l'un et l'autre parti , et que , pendant cette incertitude , aucune route n'a été construite. Enfin, depuis quelques années une bdle chaussée a été commencée depuis la forteresse de Pcrote à Xalapa, et depuis Xalapa à l'Eiiccro. Tlacotlalpan , chef-lieu de l'ancienne pro- vince de Tabasco. Plus au nord se trouvent les petites villes de V^ictoria et de Villa llermosa, dont la première est une des plus anciennes de la Nouvelle-Espagne.

L'intendance de \ era-Cruz n'offre aucune exploitation niétallique qui soit de quelque imporLmco. Les mines de Zomelahuacan , près de Jalacingo, sont presque abandonnées.

36o

LIVRE III

X. Intendance de San Luis Potosi.

Population en i8o5 : 334.,900.

Etendue de la surface en lieues carrées ;

27,821. Jlabitans par lieue carrée : 1 2.

Cette intendance comprend toute la partie nord-est du royaume de la Nouvelle-Espagne. Comme elle touche à des pays déserts ou ha- bités par des Indiens indépendans et nomades, on peut dire que ses limites septentrionales ne sont presque pas déterminées. Le terrain montagneux , appelé le Bolson de Mapimi^ embrasse plus de 0000 lieues carrées : c'est de que sortent les Apachcs , qui attaquent les colons de Gohahuila et de la Nouvelle- Biscaye. Enclavé dans ces deux provinces, limité au nord par le grand Rio del Norte , le Bolson de Mapimi est considéré tantôt comme un pays non conquis par les Espagnols, tantôt comme faisant partie de l'intendance de Durango. J'ai tracé les limites de Goha- huila et de Texas, près de l'embouchure du Bio Puerco, et vers les sources du Rio de

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CHAPITRE VJII. 36 1

San Saba , telles que je les ai trouvées indi- quées dans les cartes spéciales conservées dans les archives de la vice-royauté, et dressées par des ingénieurs au service du roi d'Espagne. Mais comment déterminer des limites terri- toriales dans des savanes inunenses les métairies sont éloi^-nées les unes des autres de i5 à 20 lieues, et l'on ne trouve presque aucune trace de défrichement ou de culture ? L'intendance de San Luis Potosi comprend des parties très-hétérogènes, et dont les dif- férentes dénominations ont donné lieu à beaucoup de méprises géographiques. Elle est composée de provinces dont les unes appartiennent aux provincias internas y les autres au rojaume de la Nouvelle-Espagne proprement dit. De ces premières, il y en a deux qui dépendent immédiatement du commandant des provincias internas j les deux autres sont considérées comme provincias internas del Virrejnato, Voici le tableau de ces divisions compliquées et peu naturelles.

Linlendant de San Luis Potosi grouverne :

A) Dans le Mexique proprement dit : La province de Sun Luis, qui s'étend

362

LIVRE m

depuis le Rio de Paniuo jusqu'au Rio de Santander , et qui comprend les mines importantes deChareas, Potosi, Ramps et Gatorce.

B) Dans les Provincias internas del Vivrey- nato :

i) Le nouveau royaume de Léon. 2 ) La colonie du Nouveau- Santander.

C ) Dans les Provincias internas de la Co~ mandancia gênerai oriental. 1 ) Ija province de Cohahuila. 2) La province de Texas.

Il résulte de ce que nous avons dit plus haut ( p. 90 ) sur les derniers changemens qui ont eu lieu dans l'organisation de la comandancia gênerai de Chihuahua, que l'intendance de San Luis renferme aujourd'hui , outre la province de Potosi , tout ce que l'on désigne sous la dénomination de provincias internas orientales. Un seul intendant est par consé- quent à la tête d'une administration qui em- brasse plus de terrain sur le globe que toute l'Espagne européenne. Mais aussi ce pays immense, doué par la nature des productions

les i dans tropi un d que ] Sa p Nouv Unis, les c( nomb prend proba] Jisalior ces vaî L'in de 23c qu'il y Galabn batime des via de Pan Santanc et sans l'emboi jusqu'aï inconni

CHAPITRE VIII.

363

les plus précieuses , situé sous un beau ciel, dans la zone tempérée , vers le bord du tropique, est, pour sa plus grande partie, un désert sauvage et encore plus dépeuplé que les gouvcrnemens de la Russie asiatique. Sa position sur les limites orientales de la Nouvelle-Espagne, la proximité des Etats- Unis , la fréquence des communications avec les colons de la Louisiane , et un grand nombre de circonstances que je n'entre- prendrai pas de développer ici , favoriseront probablement bienlOv les progrès de la civi- lisation et de la prospérité des citoyens dans ces vastes et fertiles régions.

L'intendance de San Luis comprend près de 200 lieues de côte, étendue égale à celle qu'il y a depuis Gènes jusqu'à Rcggio, ea Cîilabre. Mais y à l'exception de quelques petits bâtimens qui viennent des Antilles charger des viandes , soit à la barre de Tampico , près de Panuco, soit au mouillage du Nouveau- Santander , toute cette cote est sans comimerce et sans vie. La partie qui s'étend depuis l'embouchure de la grande rivière del Norle jusqu'au Rio Sabina , est presque encore inconnue. Elle n'a jamais été examinée par

364 LIVRE III,

des navigateurs. Il seroit cependant très-im- portant de découvrir un bon port dans cette extrémité boréale du golfe du Mexique. Malheureusement les côtes orientales de la Nouvelle-Espagne offrent partout les mêmes obstacles , un manque de fond pour les vaisseaux qui tirent plus de 38 décimètres d'eau, des barres à l'embouchure des rivières, des langues de terre et de longs îlots , dont la direction est parallèle à celle du continent , et qui défendent l'entrée du bi»ssin intérieur. Le littoral des provinces de Santander et de Texas , depuis les 21 jusqu'aux 29 degrés de latitude , est singulièrement festonné, et pré- sente une suite de bassins intérieurs qui ont 4 à 5 lieues de large , et 4o à 5o de long. On leur donne le nom de lagunas , ou lacs salés. Quelques-uns ( par exemple la laguna de Tamiaq-ua) r.ont de vrais impasses. D'autres comme la laguna Madré et celle de San Ber- nardo , communiquent par plusieurs canaux avec rOréan. Les derniers favorisent le ca- botage , les barques colières s'y trouvant à l'abri des grosses lames de la mer. Il seroit intéressant pour la géologie d'examiner sur les lieux, si des couraus ont formé ces laguneSy

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CH\PITRE VIII.

365

en pcnélrant par des irruptions fort avant dans les terres, ou si ces îlots lont^s et étroits, rangés parallèlement à la cote , sont des barres qui se sont élevées peu à peu au-dessus du niveau moyen des eaux.

De toute l'intendince de San Luis Potosi^ il ny a que la partie qui avoisine la province deZacatecas, et dans laquelle se trouvent les riches mines de Cliarcas, de Guadalcaaar et deCatorce, qui soit un pays froid et mon- tagneux. L'évêclié de IMonterey, qui porte le titre ]>ompeux: de nouveau royaume de Léon , Cohaliuila, Santander et Texas, sont des régions très-basses : elles présentent peu de mouvement de terrain , et le sol y est couvert de formations secondaires et d'allu- vions. Elles jouissent d'un climat assez inégal , excessivement chaud en été, et d'une fraîcheur extraordinaire en hiver, lorsque If s vents du nord chassent des colonnes d'air froid du Canada vers la zone torride.

Depuis la cession delà Louisiane aux Etats- Unis , les limites entre la province de Texas et le comté de Natchitoches ( comté qui fait partie intégrante de la confédération des ré- publiques américaines ) s^ut devenues l'objet

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d'une discussion politique aussi longue qu'in- fructueuse. Plusieurs membres du cont^rès de Washington ontpensé qu'on pouvoit étendre le territoire de la Louisiane jusqu'à la rive gauche du Rio Bravo del Norte. Selon eux , « tout le pays que les Mexicains appellent la « province de Texas , appartenoit ancien- « nemenl à la Louisiane : or , les Etats-Unis « doivent posséder cette dernicre province «< dans toute l'étendue des droits avec lesquels »c elle a été possédée par la France avant sa K cession à l'Espagne ; et ni les nouvelles « dénominations introduites par les vice-rois cf du Mexique , ni le mouvement de la popu- « lation de Texas vers l'est , ne peuvent tf déroger aux titres légitimes du congrès. » Pendant le cours de ces débats , le gouver- nement américain n'a pas manqué de citer souvent rétablissement qu'un François, M. de Lasale , avoit formé vers l'année i685 , près de la baie de Saint-Bernard , et sans avoir paru empiéter sur les droits de la couronne d'Espagne.

Mais en examinant attentivement la carte générale que j'ai donnée du Mexique et des pays qui en sont limitrophes à l'est , on verra

CHAPITRE VIII. 367

qu'il y a l)ien loin encore de la baie de St.- Bernard à l'embouchure du Rio del Norte : aussi les Mexicains allèguent , et avec raison , en leur laveur , que la population espagnole de Texas est très-ancienne , qu'elle est venue, dès les premiers temps de la conquête, par Linares , Revilla et Camargo , de l'intérieur de la Nouvelle-Espagne, et que M. de Lasale , en débarquant à l'ouest du Mississipi , dont il avoit manqué l'embouchure, trouva déjà des Espagnols parmi les sauvages qu'il essaya de combattre. Dans le moment actuel, l'in- tendant de San Luis Potosi regarde comme la limite orientale de la province de Texas , et par conséquent de toute son intendance , le Rio Mermentasou Mexicana, qui débouche dans le golfe du Mexique , à l'est du Rio de la Sabina.

Il est utile d'observer ici que cette dispute sur les véritables confins de la Nouvelle- Espagne ne deviendra importante que lorsque des terrains défrichés par des colons de la Louisiane , toucheront immédiatement à des terrains habités par des colons mexicains ; lorsqu'un village de la province de Texas sera construit près d'un village du comté des

368 LIVBE III,

Opeloussas. Le fort Clayl^orne , situé près de l'ancienne mission espagnole des Adayes ( Adaes ou Adaisses ) , sur la Rivicre-Rouye , est l'établissement de la Louisiane qui au- jourd'hui se rapproche le phjs des postes militaires {prcsidios) de la province de Texas; et cependant il y a encore près de 68 lieues dupresidiode Nacogdoch au fort Glajborne. De vastes steppes couvertes de graminées servent de bornes communes au territoire de la confédération américaine et au territoire mexicain. Tout le pays à l'ouest du Mississipi, depuis la rivière des Bœufs jusqu'au Rio Colorado de Texas , est inhabité. Ces steppes, en partie marécageuses , offrent des obstacles faciles à vaincre. On peut les considéier comme un bras de mer qui sépare des cole$ voisines , mais que l'industrie de nouveaux colons ne tardera pas à franchir. Aux Étals- Unis , les provinces atlantiques ont u refluer leur population d'abord vers l'Ohio et le Tenessée , puis vers la Louisiane. Une partie de cette population mobile se portera plus loin \ers l'ouest. Le nom seul du territoire mexicain fera naître l'idée de la proximitt- des mines. Sur les bords du Rio Mërmcntas,

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chapitrt: vth. 369

le colon américain croiia tl'jà toiiclicr un sul qui recèle des richesses niélaliiqnes. Cette erreur, répandue parnn' le bas peuple, occa- sionnera de nouvelles éiMi«;i allons , et l'on n'apprendra que très-tard que les fameuses niinesde Calorce , qui sont les mines les plus rapproi'liées de la Louisiane, gii sont encore éloignées de près de 000 lieues.

Plusieurs de mes amis mexicains ont suivi le cliemlu de terre de la Nouvelle-Orléans à la capitale de la Nouvelle - Espat^ne. Cette route, frayée parles habitans de la Louisiane, qui viennent acheter des chevaux dans les provincias internas , est de plus de 640 lieues ; salonj^ueur est par conséquent presque égale à la distance qu'il y a de Madrid à V arsovie. On dit cette route très-pénible, à c^use du jrranque d'eau et d'habitations; mais il s'en faut de l>eaucoup qu'elle ofTre les mêmes flilfir'dtés naturelles que l'on a à surmonter t. IIS les sentiers tracés sur le dos des Cor- dilJrf^res, depuis Santa -Fe de la Nouvelle- Grenade jusqu a Quito , ou de Quito au Cusco. C'est au^si par cette rouL»^ de Texas quun voyageur intrépide , M. Pages, caj)i~- taine de vaisseau au service de France, est II. 24

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3 70 LIVRE III,

venu, en 17G7, de la Louisiane à A^apiilco. Les détails qu'il donne sur l'intendiince de San Luis Potosi , et sur le chemin de Quc- retaro à Acapulco , chemin que j'ai fait 5o ans après lui , annoncent un esprit juste et animé de l'amour de la vérité ; mais ce voyageur est malheureusement si peu correct dans Fortlio- gr;q)he des noms mexicains et espagnols, qu'on a de la peine à reconnoître dans ses descriptions les endroits par lesquels il a passé '. La roule qui mène de la Louisiane à Mexico ne présente que très-peu d'obstacles jusqu'au Rio del Norte, et ce n'est que depuis le Saltillo que l'on commence à monter vers le plateau d'Anahuac. La pente de la Cor- dillère y est peu rapide, et on ne peut douter, en considérant les progrès de la civilisation dans le nouveau continent, que les commu- nications de terre deviendront peu à peu très- fréquentes entre les Etats-Unis et la Nouvelle -Espagne. Des voitures publiques rouleront un jour depuis Philadelphie et Washington jusqu'à Mexico et Acapulco.

* M. Pages nomme Xorerfo, la Rheda; le fort de la Bahia del Espiritu Santo , Labadia ; Orquoquissas , Acoquissa- Saltillo, leSartille; Cohahuila , Cumlh'

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CH-VPITRK VIII.

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Les trois comtés de l'état de la Louisiane, ou de laNouvelle-Orléans , qui se rapprochent le plus du pays désert considéré comme la limite orientale de la province de Texas , sont , en comptant du sud au nord , le comté des Attacappas , celui des Opeloussas , et celui de Natchitoches. Les derniers établis- semens de la Louisiane sont placés sur un méridien qui est de 25 lieues à l'est de l'em- bouchure du Rio Mermentas. Le boury le plus septentrional est le fort Clajborne de Nat- chitoches, à sept lieues à l'est du vieil empla- cement de la mission des Adajes. Au nord-ouest de Clavborne se trouve le lac espagnol, au milieu duquel s'élève un grand rocher couvert de stalactites : en suivant, depuis ce lac au sud-sud-cst , on rencontre , aux extrémités de ce beau pays défriché par des colons d'ori- gine francoisc , d'abord le petit village de St.-Landry, à trois lieues au nord des sources du Rio Mermentas ; puis l'habitation de Saint-Martin , et enfin la Nouvelle-Ibérie , sur la rivière Teche, près du canal Boutet, qui conduit au lac du Tase. Comme il n'y a aucun établissement mexicain au delà de la rive orientale du Rio Sabina, il en résulte

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3712

que le pajs iiih.ibilé qui sépare les villa^'cs de la Louisiane des missions de Texas, est de plus de 1600 lieues cariées. La partie la plus méridionale de ces prairies, entre la baie de Carcusiu cl celle delà Sabine , n'oftre que des marais impraticables. Aussi le chemin qui mène de la Louisiane à Mexico va plus au nord , et suit la parallèle du 02.°" degré. De Natcliez les voyageurs se dirigent au nord du lac Cataouillou^ sur le fort Clay borne de Natcliitoclies ; de ils passent, par l'ancien enqilacement des Adayes, à Chichi et à la fontaine du père Gama. Un ingénieur habile, M. Lafond , dont la carte jette beaucoup de jour sur ces contrées, observe qu'à 8 lieues au nord du posle de Chichi, s'élèvent des collines riches en charbon de terre, et qui font entendre au loin un bruit souterrain , semblable à des coups de canons. Ce phéno- mène curieux annonceroit-il un dégagement d'hydrogène , effet d'une couche de houille enflammée ? Depuis les Adayes , la route de Mexico va, par San Antonio de Bejar, Loredo (sur les bords du Rio grande del Norte), Saltillo, Charcas , San Luis Potosi et Que- retaro , à la capitale de la Nouvelle-Espagne.

CHAPITRE VIII.

3-3

Il faut deux mois et demi pour parcourir cette vaste étendue de pays, dans laquelle, depuis la rive tj^auche du Rio jurande del Norte jusqu'à Natcliitoches, on couche pres- que toujours à la belle étoile.

Les endroits les plus remarquables de l'in- tendance de San Luis sont :

San Luis Potosi , résidence de l'intendant , situé sur la pente orientale du plateau d'Anahuac, à l'ouest des sources du Rio de Panuco. La population Labituelle de celle ville est de 12,000.

NuEvo Santander , capitale de la province de ce nom. La barre de Santander ne permet pas l'entrée à des batimens qui tirent plus de 8 à 10 palmes d'eau. Le village de Soltct la Marina j à l'est de Santander , pourroit devenir trcs-intéressant pour le commerce de cette cote^ si l'on parvenoit à curer le port. Aujourd'hui la province de Santander est tellement déserte , que l'on y a >endu , en 1 802, des terrains fertilesde 10 à 1 2 lieues carrées, pour 2 à 3 Irancs.

374 LIVRE m,

CiiARCAs, OU Santa Maria de las Charcas , bourgade trcs-considérable , siège d'une Dipuladon de minas.

Catorce, ou la Purissinia Concepcion de Alamos de Catorce , une des mines les plus riches de la Nouvelle - Espagne. Le Real de Catorce n'existe cependant que depuis l'année 1770, Don Sébastian Coronado et Don Bernabe Antonio de Zepcda découvrirent ces liions célèbres qui produisent annuellement pour la valeur de plus de 18 à 20 millions de francs.

MoNTEREY, siège d'un évêché, dans le petit royaume de Léon.

Lin ARES, dans ce même royaume, entre le Rio Tiiïre et le ^rand Rio Bravo del Norte.

MoNCLO VA, poste militaire (presidio) , capitale de la province de Cohahuila , résidence d'un gouverneur.

San Antonio de Bejar, capitale de la pro- vince de Texas, entre le Rio de los Nogales et le Rio de San Antonio.

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CHAPITRE VIII.

3-5

XL Intendance de Durango.

Population en i8o5 : 169,700.

Eterdue de la surface en lieues carrées :

16,873. Habitans par lieue carrée : 10.

Cette intendance , pins connue sous le nom de la Nouvelle - Biscaye , appartient, comme la Sonora et le Nuevo Mexico ( qu'il nous reste à décrire), aux provincias internas occidentales. Elle occupe une étendue de terrain plus considérable que les trois royaumes réunis de la Grande-Bretagne; et cependant sa population totale excède à peine celles des deux villes de Birmingham et de Manchester, prises ensemble. Sa longueur, du sud au nord, depuis les célèbres mines de Guarisamey jus- qu'aux montagnes de Carcay, situées au nord -ouest du presidio de Yanos, est de 232 lieues : sa largeur est très-inégale, et, près du Parral , à peine de 58 lieues.

La province de Durango ou de Nueva Biscaya , confine , au sud , à la JNueva Galicia,

376 LIVRE III,

c'est-à-dire, aux deux intendances de Zacatecaî; et de Cuadalaxara; au sud-est, à une petite partie de l'intendance de San Luis Potosi ; à l'ouest , à celle de la Sonora : mais au nord , et surtout à l'est, sur une lisière de plus de 200 lieues , elle est limitrophe d'un pays in- culte, habité par des Indiens guerriers et indépendans. Les Acoclames , les Cocoyames et les Apaches Mescaleros et Faraones occu- pent le Bolson de Mapimi , les montagnes de Chanate , et celles de los Organos , sur la rive gauche du Rio grande del Norte. Les Apachés Mimbrenos se tiennent plus à l'ouest, dans les ravins sauvages de la Sierra de Acha. Les Cumanches et les tribus nanibreuses des Chichimèques , que les Espagnols com- prennent sous le nom vague de Mecos , inquiètent les habitans de la Nouvelle-Biscaye, et les forcent à ne voyager que bien armés et en caravanes.Les postes militaires(/?/'e*/V//o5) dont on a garni les vastes frontières des pro^ vincias internas ^ sont trop éloignés les uns des autres pour pouvoir empêcher les in- cursions de ces sauvages , qui , semblables aux Bédouins du désert, connoissent toutes les ruses de la petite guerre. Les Indiens

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CHAPITRE Vîll. 377

Cumancbes, ennemis mortels des Apaches, dont plusieurs hordes vivent en pîiix avec les colons espagnols , sont les plus redoutables aux habitans de la Nouvelle-Biscaye et du Nouveau-Mexique. Coninjc les Pata«(ons du détroit de Magellan , ils ont appris à dompter les chevaux, devenus sauvages dans ces régions, depuis Tarrivée des Européens. Des voyageurs instruits assurent que les Arabes ne sont pas des cavaliers plus agiles et plus lestes que les Indiens Cumanches. Aussi , depuis des siècles , les derniers parcourent-ils des plaines qui, entrecoupées de montagnes, leur offrent la facilité de se mettre en embuscade pour sur- prendre les passans. Les Cumanches , comme presque tous les sauvages errans dans les savanes^ ignorent leur patrie primitive. Ils ont des tentes de cuir de buflle, dont ils ne chargent pas leurs chevaux , mais de grands chiens qui accompagnent la tribu errante. Cette circonstance , déjà citée dans le journal manuscrit du voyage de l'évêque Tamaron ',

' Diario de la visita diocesana del Illustrissimo Sehor Tamaron j obispo de Durango ,hecha en ijSç^y 1760. (Manuscrit.)

378 LIVRE III,

est Ircs-rcmarquable ; elle rappelle des habi- tudes analogues parmi plusieurs peuplades de l'Asie boréale. Les Cuinanclies se l'ont d'autant pins craindre par les Espagnols , qu'ils tuent tous les prisonniers adultes, et ne laissent vivre que les enfkns , qu'ils élèvent avec soin pour s'en servir comme d'esclaves. Le nombre des Indiens guerriers et sau- vages (Iridios bravos) qui infestent les fron- tières de la Nouvelle - Biscaye , a un peu diminué depuis la fin du dernier siècle. Ils tentent moins souvent de pénétrer dans Tin- térieur du pays habité pour piller et pour détruire les villages espagnols. Cependant leur acharnement contre les blancs est resté constamment le même ; il est Teffet d'une guerre d'extermination entreprise par une politique barbare , et soutenue avec plus de courage que de succès. Les Indiens se sont concentrés vers le nord, dans le Moqui et dans les montagnes de Nabajoa , ib ont reconquis un terrain considérable sur les habitans du Nouveau-Mexique. Cet état de choses a eu des suites funestes qui se feront sentir pendant des siècles , et qui sont bien dignes d'être examinées. Ces guerres ont.

CHAPITRE Vin. 379

sinon détruit , du nioiiis éloi^j^né l'espoir d'amener ces hordes sau> âges à la vie sociale par la voie de la douceur. L'esprit de ven- geance et une haine invétérée ont élevé une barrière presque insurmontable entre les Indiens et les blancs. Beaucoup de tribus d'Apaches , de Moquis et de Yutas , désignés sous la dénomination d'Indiens de paix (Indios depaz) , sont fixées au sol, réunissent leurs cabanes _, et cullivent du maïs.Ilsauroient moins d'éloignement peut-être à se réunir aux colons espagnols, si parmi ceux-ci ils trouvoient des Indiens mexicains. L'analogie de mœurs et d'habitudes , la ressemblance qui existe non dans les sons , mais dans le mécanisme et dans la structure générale des langues américaines , peuvent devenir des liens puissans entre des peuples d'une même origine. Une sage législation parviendroit peut-être à eflacer le souvenir de ces tenips barbares où, dans lesprovincùis internas , un caporal ou un sergent faisoit avec ses braves la chasse des Indiens , comme on fait une battue de bêles fauves. Il est probable que l'homme à teint cuivré se résoudroit plutôt à vivre dans un village habité par des indi-

38o

LIVRE HT

vidus de sa race , qu'à se réunir aux I)lanrs qui le mailriseiil avec liaulcur. 3Liis nous avons vu plus liaut, dans le sixième ilKipiire, que nii'.llicurcusenient , dans la Fomcllc- Biscaye connue dans le Nouveau-Mexique, il ny a presque p;«s d'Indiens cultivulcursde race aztèque. Dans la première de ces pro- vinces, il n'existe pu: un seul individu tri- butaire; tous les habitans sont blancs j ou du moins se considèrent coîti.ne tels. Tous croient a>oir le droit de placer le titre de Don devant leur nom de baptême , ne fussent-ils que ce que, dans les îles françoises, par un raffinement d'aristocratie qui enrichit les langues , on nommoit de petits blancs ou des messieurs passables.

Celte lutte contre les indigènes , qui a duré pendant des siècles; la nécessité dans laquelle se trouve le colon retiré dans une ferme isolée, ou voyageant par des déserts arides , de veiller sans cesse à sa propre sûreté y de défendre son troupeau , ses foyers , sa femme, ses en fans même contre les incursions des Indiens nomades; en un mot, cet état de nature, conservé au milieu des apparences d'une ancienne civilisation, donne au caractère

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CIIAPITHE VIII.

38 1

des îiabitans du nord de la Nouvclle-Espaoïie une énergie , j'ose dire une Irempe parli- culière. A ces causes se jui«^nenl sans doule la nature du climat, qui est tempère, un air éniiîiemment sidubre , la nécessité du travail dans un sol moins riche et moins ferlde , le manque total d Indiens et d'esclaves que les blancs ponrroient employer pour se livrer impuné-ment à l'oisiveté et à la paresse. Dans les provincùts intcnuis, le développement des forces physiques est l'avoiisc par une \ie singulièrement active, et qui se passe en grande partie à cheval. Il l'est surtout par les soins qu'exigent les nombreux troupeaux de bêtes à cornes , qui , presque sauvages , errent dans les savanes. A cette force d'un corps sain et robuste se joignent la force de l'Ame et une heureuse disposition des facultés intellectuelles. Ceux qui dirigent les établis- semens d'éducation dans la ville de Mexico , ont observé depuis long-temps que les jeunes gens qui se sont distingués par des progrès rapides dans les sciences exactes , étoient en grande partie originaires des provinces les plus septentrionales de la Nouvelle-Es- pagne.

38-

LIVRE III

L'iiilcnd.'incc de Durango occupe l'exlré- mitc septentrionale du <,rrand plateau d'Ana- huac , qui s'abaisse au nord-est vers les bords du Rio grande del Norte. Les environs de la ville, de Durango ont cependant encore , d'après les mesures barométriques de Don Jiiiin José de Oteyza, plus de 2000 mètres de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan. Le sol paroît même conserver cette grande élévation jusque vers Chihualina ; car c'est la chaîne centrale de la Sierra JMadre , qui (comme nous l'avons indiqué dans le tableau physique général du pays') , près de San José dcl Parral, se dirige au nord-nord-ouest vers la Sierra Verde et la Sierra de las Grulhis.

On compte, dans laNuevaBiscaya, une cité ou ciiidad (Durango) , six villas (Chihuahua, San Juan del Rio , Nombre de Dios , Papas- qiîiaro, Saltillo et Mapimi), 199 villages ou piieblos, 76 paroisses ou y»«/'o<7z//V?5, 162 fermes ou haciendas ^ o-j missions et 4.00 cabanes ou ranchos.

» Voyez dans le troisième Chapitre , T. I , p. 283.

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CHAPITRE VIII. 383

Les endroits les plus remarquables sont:

DuRANGO ou Guadiana, résidence d'un in- tendant et d'un évéque, dans la partie la plus méridionale de la Nouvelle-Biscaje , à 170 lieues de distance, en ligne droite , de la ville de Mexico ; à 298 lieues de dis- tance delà ville de Santa-Fe. La hauteur de la ville est de 2087 mètres. Il y tombe sou- vent de la neige , et le thermomètre ( sous les 24" 25 'de latitude) y descend jusqu'à au-dessous du point de la congélation. Entre la capitale , les habitations del Ojo et del Chorro , et la petite ville de Nombre de Dios , s'élève , au milieu d'un plateau très-uni, un groupe de rochers couverts de scories , appelé la Brcna» Ce groupe, de forme grotesque , qui a , du nord au sud, 12 lieues de long, et de l'est à l'ouest, 6 lieues de large , mérite particulièrement de fixer l'attention des minéralogistes. Les rochers qui constituent la Brena sont d'amygdaloïde basaltique , et paroissent soulevés par le feu volcanique. M. Oteyza a examiné les montagnes voisines , et sur- tout celle du Frayle, près de l'hacienda

384 llVRE III,

de rOjo. Il a trouvé sur sa cime un cratère de près de loo mètres de oirconlérence, et de plus de.lo mètres de profondeur perpen- diculaire. C'est aussi dans les environs de Durante) que se trouve , isolée dans la plaine, eetle énorme masse de fer malléable et de niekel , qui, dans sa composition , est identique avec l'aérolithe tombé en lyln à Hrascbina, près d'Agram, eu Hongrie. Le savant directeur du Tribunal de Mineria de Meaicn, Don Fausto d'Elliuyar , m'en a communiqué des échanlillons que j'ai dé- posés dans diflerens cabinets d'Europe , et dont MM. Vauquelin et Klaproth ont publié l'analyse. On assure que cette masse de Durango pèse près de 1900 myriagrammes, ce qui est 4<^>o de plus que l'aérolillie découvert à Olumpa , dans le Tucuman , par M. Rubin de Celis. Un minéralogisle distingué , M. Frédéric Sonnesclimidt ' , qui a parcouru une beaucoup plus grande partie du Mexique que moi, a aussi reconnu, en 1792, dans l'intérieur de la ville de Zacatecas, une masse de fer malléable, d'un

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CHAPITRE VIII.

385

:

poids de 97 myriagraniines. 11 Ta trouvée, dans ses caractères cxlérieurs et pli)^siques, entièrement analogtie au fer malléable décrit par le célèbre Palhis. La Population de Dnrango est de 12,000.

Chihuagua , résidence du capitaine général desprovincias internas, entourée de mines considérables , à l'est du grand Real de Santa Rosa de Gosiquiàaclii. Population de 11,600.

San Juan del Rio , au sud-ouest du lac de Parras. Il ne faut pas confondre cette ville avec l'endroit qui porte le même nom dans l'intendance de Mexico, et qui est situé à Test de Queretaro. Population de 10,200.

Nombre de Dios , ville considérable sur le chemin des fameuses mines de Sombrerete î\ Durango. Population de 6800.

pAPAsyuiARO, petite ville au sud du Rio de Nasas. Population de 56oo.

Saltillo, sur les confins de la province de Cohahuila et du petit royaume de Léon. Cette ville est entourée de plaines arides, dans lesquelles le voyageur souffre beau- coup du manque de sources. Le plateau sur lequel le Saltillo est situé, descend H. 25

386

LIVRE m

vers Monclova , le Rio del Norte et la province de Texas, , au lien dvi blé d'Europe , on ne trouve que des champs couverts de cactus. Population de 6000.

Mapimis , avec un poste militaire (presidio), à Test du Cerro de la Cadena , sur la lisière "du terrain inculte appelé Bolson de Mapimi. Population de 24oo.

Parras , près d'un lac de ce nohi , à l'ouest du Sallillo. Une espèce de vi^iie trouvée sauvage dans ce beau site, lui a fait donner, par les Espagnols, le nom de Pnrras. Les conquérans j ont transplanté la vilis vinifera de l'Asie, et cette nouvelle branche d'in- dustrie y a très-bien réussi, malgré la haine que les monopolistes de Cadix ont jurée depuis des siècles à la culture de l'olivier , de la vigne et du mûrier dans les provinces de l'Amérique espagnole.

San Pedro de Batopilas, jadis très-célèbre par la grande richesse de ses mines , à l'ouest du Rio de Gonchos. Population de 8000.

San José del Parral, résidence d'une Di- piitacion de minas. Le nom de ce Real dérive, comme celui de la ville de Parras,

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CHAPITRE Vm. 387

du grand nombre de ceps de vigne sauvage qui convroient la campagne lors de la première arrivée des Espagnols. Population de 5ooo.

Santa Rosa de Cosiguirtachi , entourée de mines d'argent , au pied de la Sierra de los Metates. J'ai vu un mémoire très-récent de l'intendant de Durango , dans lequel la population de ce Real étoit portée à 10,700. .

GuARisAMEY , miucs très- anciennes, sur le chemin de Durango à Gopala. Population de 38oo.

20

388

LIVRE III,

XII. IlCTENDAlSCE DE LaSoNORA.

Population en i8o3 : 121,400.

Étendue de la surface en lieues carrées :

19,143. Hahitans par lieue carrée : 6.

Cette intendance , qui est encore plus dé- peuplée que celle de Durango , s'étend le long du golfe de Californie , appelé aussi la mer de Cortez. Son littoral a plus de 280 lieues de longueur depuis la grande baie de Bayona , ou le Rio del Rosario , jusque vers l'embouchure du Rio Colorado , jadis nommé Rio de Balzas , sur les bords duquel , au seizième siècle , les moines missionnaires, Pedro Nadal et Marcos de Niza firent des observations astronomiques. La largeur de l'intendance est peu uniforme. Depuis le tro- pique du Cancer jusque vers le*^ 27 degrés de latitude , cette largeur excède à peine 5o lieues ; mais plus au nord , vers le Rio Gila , elle augmente si considérablement que, sur le parallèle d'Arispe , elle est de plus de 128 lieues.

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ijin étendu sur (ace popula celle cU empire, d'Aiispi Potosi , vinces c qu'elles de la Se trois pi d' H os tin dite, La Rosario depuis "C Majo. L ciennes de la Ne trémité Le petit jourd'hui de Cinalo à l'ouest, laxara ; à Nouvelle-

CHAPITRE VIII. 389

L'intendance de la Sonora occupe une étendue de terrain montueiix qui a plus de surlace que la moitié de la France; mais sa population absolue n'arrive pas au quart de celle des départeriiens les plus peuples de cet empire. L'intendant , qui réside dans la ville d'Arispe, est chargé , comme celui de San Luis Potosi , de l'administration de plusieurs pro- vinces qui ont conservé les noms particuliers qu'elles avoient avant la réunion. L'intendance de la Sonora comprend par conséquent les trois provinces de Cinaloa ou Sinaloa , d'Nostimiiri et de la Sonora proprement dite. La première s'étend depuis le Rio dcl Rosario jusqu'au Rio del Fuerte ; la seconde, depuis -cette dernière rivière jusqu'à celle de Mayo. La province de la Sonora, que d'an- ciennes cartes désignent aussi sous le nojii de la Nouvelle-Navarre , occupe toute l'ex- trémité septentrionale de cette intendance» Le petit district d'Hostimuri est regardé au- jourd'hui comme enclavé dans la province de Cinaloa. Lintendance de la Sonora confine à l'ouest, à la mer; au sud, à celle de Guada- laxara ; à l'est, à une partie très-inculte de la Nouvelle- Biscaye ; ses limites au nord sont

390 LIVRE m,

peu déterminées. Les villages de la Pimeria Alla sont séparés des rives du Rio Gila par une région habitée par des Indiens indé- pendans , et dont* ni les soldats stationnes dans les presidios , ni les moines postés dans les missions voisincsn'ontréussijusqu'àpréscnt à faire la conquête '.

Les trois rivières les plus considérables de la Sonora sont celles de Guliacan , de Mayo et de Yaqui ou de Sonora. C'est à l'embou- chure du Rio Mayo , au port de Guitivis , appelé aussi Santa-Cruz de Ma jo , que s'em- barque pour la Californie le courrier chargé des dépêches du gouvernement et de la cor- respondance du publicCe courriervaà cheval, de Guatimala à la ville de Mexico , et de là, par Guadalaxara et le Rosario, à Guitivis. Après avoir traversé , dans une lancJia , la mer de Cortez , il débarque au village de Loreto , dans la Vieille-Californie. Depuis ce village

' Aller à la conquistt, conc^vnérw [consquistar) ^ sont les termes teclmiques dont Ks missionnaires se servent en Amérique pour désigner qu'ils ont planté des croix aiitour desquelles les Indiens ont construit quelques cabanes; mais par malheur pour les indigènes les mots de conquérir et de civiliser ne sont pas sytionymes.

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CHAPITRE VIII. 39 1

les lettres sont envoyées de mission en mission jusqu'à Monterey, et au port de San Fran- cisco, situé d»ms Nouvelle-Californie , sous les 37" 48' de latitude boréale. Elles par- courent sur celle roule de postes plus de 920 lieues , c'est-à-dire une dislance qui égale celle qu'il y a de Lisbonne à Glicrson. La rivière de Yaqui ou Sonora a un cours d'une longueur considériible. Elle prend sa source à la pente occidentale de la Sierra Madré ^ dont la crête peu élevée, pssse entre Arispe et le presidio de Fronteras. Près de son em- bouchure est situé le petit port de Guaymas.

La partie la plus septentrionale de l'inten- dance de la Sonora porte le nom de la Pimerla , à cause d'une tribu nombreuse d'Indiens Piinas qui l'habitent. Ces Indiens, pour la plus grande partie , vivent sous la domination des moines missionnaires , et suivent le rite catholique. On distingue la Pimeria ÂltaàcX'A Pimeria Baxa. La dernière renferme le presidio de Buenavisla. La pre- mière s'étend depuis le poste militaire (/y /y/^/V/Zo) de Ternate jusque vers le Rio Gila. Ce terrain montueux de la Pimeria Alla est le Choco de l'Améi'ique septenlrionale. Tous les ravins,

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Sq^ livre m,

et même des plaines y contiennent de For ' de lavn»e disséminé dans des terrains d*allu- vion. On y a trouvé des pépites d'or pur d*un poids de deux à trois kilogrammes : mais ces lavaderos sont foiblement exploités à cause des incursions fréquentes des Indiens indé- pendans , et surtout à cause de la cherté des vivres qu'il faut transporter de très-loin dans ce pays iiKîulte. Plus au nord , sur la rive droite du Rio de la Ascencion, vivent des Indiens très-belliqueux , les Seris , auxquels plusieurs savans mexicains attribuent une origine asiatique , à cause de Tanalogie qu'offre leur nom avec celui des Seri , placés par les géographes anciens au pied des montagnes d'Ottorocorras , à l'est de la Scjthia extra Imaum.

Il n'existe jusqu'ici aucune communication permanente entre la Sonora , le Nouveau- Mexique et la Nouvelle-Californie , quoique la cour de Madrid ait souvent ordonné que l'on formât des presidios et des missions entre le Rio Gila et le Rio Colorado. L'extravagante expédition militaire de Don Joseph Galvez n'a point servi à étendre d'une manière stable les limites septentrionales de l'intendance de

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CHAPITRE VIII. 393

la Sonora. Deux moines courageux et enlre- prenans , les pères Garces et Font , sont cependant parvenus parterre, sans piisserla mer de Cortez et sans toucher la péninsule de l'ancienne Californie , en traversant des pays habités par des Indiens indépendans, depuis les missions de la Pinieria Alta jusqu'à Monterey , et jusqu'au port de San Francisco. Cette entreprise hardie , sur laquelle le col- lège de la Propagande à Queretaro a publié une notice intéressante, a aussi fourni de nouveaux renseignemens sur les ruines de la Casa grande , que les historiens mexicains \ regardent comme la demeure des Aztèques , arrivés au Rio Gila vers la fin du douzième siècle.

Le père Francisco Garces, accompagné du père Font ^, qui étoit chargé de faire les

' Clavigero, I , p. iSq.

^ Chronica serîjica de el Colegio de Propaganda Fede de Queretaro, por Fray Domingo Arricivita (Mexico, 1792, T. II, p. 396, 426 et 462). Celte chronique , qui forme un gros volume in-fol. de 600 pages , mériteroit bien qu'on en fît un extrait : elle contient des notions géographiques très-exactes sur les tribus indiennes qui habitent la Californie , lu

I

Sgî- LIVRE m,

observations de latitude , partit du presidio dUorcasitas le 20 avril de l'année 1770. Apres onze jours de chemin , il arriva dans une belle et vaste pluine à une lieue de dis- tance de la rive nnuidionale du Rio Gila. Il y reconnut les ruines d'une ancienne ^ille aztèque, au milieu desquelles s'élève l'édifice qu'on appelle la Casa grande. Ces ruines occupent un terrain de près d'une lieue carrée. La grande maison est exactement orientée d'après les quatre points cardinaux, ayant, du nord au sud , i36 mètres de long , et de Test à l'ouest 8/|. mètres de large. Elle est construite en torchis (tapia). Les pisés sont d'une grandeur inégale, mais symétriquement placés. Les murs ont 1 2 décimètres d'épaisseur. On reconnoît que cet édiiice avoil trois étages et une terrasse. L'escalier étoit extérieur et probablement de bois. Ce même genre de construction se trouve encore dans tous les villages des Indiens indépendans du Moqui,

Sonnra, le Moqui, Nabajoa et les rives du Rio Gila. Je n'ai pas pu apprendre de quels iiistrumciis astro- noniiqucH le père Fout s'est servi dans les excursions qu'il fil au Rio Colorado , depuis 1771 iusqu'en 1776. Je cruias que ce ne soit d'un anueau solaire.

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CHAPITHE VIII. 3ij5

à Toiiest du Nouveau-Mexique. On rcconnoît dans Ja Casa grande cinq pièces, dont chacune a 8", 3 de long, 5", 3 de large, et 5 ",5 de haut. Une muraille interrompue par de grosses tours ceint l'édifice principal, et paroît lui avoir servi de défense. Le père Garces dé- couvrit les vestiges d'un canal artificiel qui conduiijoit les eaux du Rio Gila à la ville. Toute la plaine environnante est couverte de cruches et de pots de terre cassés , joliment peints en blanc, en rouge et en bleu. On trouve aussi parmi ces débris de l'aïence mexicaine des pièces d'obsidienne ( itztli ) , phénomène assez curieux, parce qu'il prouve que les Aztèques avoicnt passé par quelque contrée septentrionale inconnue qui recèle cette substance volcanique , et que ce n'est pas l'abondance d'obsidienne que renlerme la Nouvelle-Espagne, qui a fait naître l'idée des rasoirs et des armes d'itztli. Il ne faut d'ailleurs pas confondre les ruines de cetto ville du Gila, centre d'une ancienne civili- sation des peuples américains , avec les Casas grandes delà Nouvelle-Biscaye, situées entre le presidio de Yanos et celui de San Buena- venlura. Ces dernières sont désignées par les

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396 LIVRE III,

indigènes comme la troisième demeure des Aztèques, dans la supposition très- vague que la nation aztèque , dans sa migration depuis Aztlan jusqu'à Tula et la vallée de Tcnoch- titlan , fit trois stations : la première près du lac ïeguyo ( au sud de la ville fabuleuse de Quivira , le Dorado mexicain ) ; la seconde au Rio Gila , et la troisième aux environs de Yanos.

Les Indiens qui vivent dans les plaines voi- sines des Casas grandes du Rio Gila, et qui n'ont jamais eu la moindre communication avec les habitans de la Sonora , ne méritent aucunement le nom dUndios brai^os. Leur culture sociale contraste singulièrement avec l'état des sauvages qui errent sur les rives du Missoury et en d'autres parties du Canada. Les pères Garces et Font trouvèrent les Indiens au sud de la rivière de Gila , vêtus , cultivateurs paisibles , réunis au nombre de deux ou trois mille dans des villages qu'ils appellent Uturicut et Sutaquisan. Ils virent des champs semés en maïs , en coton et en calebasses. Les missionnaires , pour tenter la conversion de ces Indiens , leur montrèrent un tableau peint sur une grande pièce de

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CHAPITRE VIII. 397

toile (le coton , et représentant un pécheur condamné aux flanjmes de l'enfer. Le tableau fit peur aux Indiens ; ils engagèrent le pèr« Garces de ne plus le dérouler , ni de leuF parler de ce qu'il croyoit leur arriver après la mort. Ces indigènes sont d'un caractère doux et loyal. Le père Font leur fit expliquer, par ses interprètes , la sûreté qui régnoit dan» les missions chrétiennes , un alcade indien administroit la justice. Le chef d'Uturicut lui répondit : « Cet ordre de choses peut être « nécessaire pour vous autres : nous ne vo- « Ions pas , nous disputons rarement ; donc « à quoi bon un alcade parmi nous? » La civilisation que l'on trouve chez les indigènes, lorsqu'on se rapproche de la côte nord-ouest de l'Amérique, depuis les 33<» aux 54.** de latitude , est un phénomène bien frappant , et qui ne laisse pas de jeter quelque jour sur l'histoire des premières migrations des peuples mexicains.

On compte , dans la province delaSonora, une cité [ciudad) , celle d'Arispe ; deux villes ( villas) ; savoir : Sonora et Hostimuri ; 46 vil- lages (pueùlos) , i5 parois^ses {paroquias)

SgS LIVRE III,

43 missions , 20 métairies ( haciendas ) , et 25 ïevmes {ranchos).

La province de Cinaloa renferme 5 villes (Culiacan, Cinaloa, el Rosario , el Fuerte, et los Alamos ) ^ 92 villages , 5o paroisses , i4 haciendas et 4^0 ranchos.

En 1795, le nombre d'Indiens tributaires étoit, dans la province delà Sonora, seulement de 261, tandis que, dansla province deCinaloa, il montoit à j85i. Aussi la dernière de ces provinces est-elle plus anciennement peuplée que la première.

Les endroits les plus remarquables de l'in- tendance de la Sonora sont :

Arispe , résidence de l'intendant , au sud et à l'ouest des presidios de Bacuachi et de Bavispe. Des personnes qui ont accom- pagné M. Galvez dans son expédition de la Sonora , assurent que la mission d'Ures , près de Pitic , auroit été plus propre qu'Arispe pour devenir la capitale de Fin- tendance. Population de 7600.

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CHAPITRE VIII. 399

SoNORA , au sud d'Arispe , au nord-est du presidio d'Horcasitas. Population de 6/400.

HosTiMURi, petite ville très-peuplée, envi- ronnée de mines considérables.

CuLiACAN, célèbre dans l'histoire mexicaine- sous le nom d'Hueicolhuacan. On estime la population de 10,800.

CiNALOA , appelé aussi la Villa de San Felipe j Santiago , à l'est du port de Ste.-Marie d'Aome. Population de gSoo.

El Rosario , près des riches mines de Copala. Population de 56oo.

Villa del Fuerte , ou Montesclaros , au nord de Cinaloa. Population de 7900.

Los Alamos , entre le Rio del Fuerte et le Rio Mayo , résidence d'une Diputacion de mineria. Population de 7900.

4oo

LIVRE III

XIIT. La Province du Nuevo Mexico.

Population en i8o5 : 4o,20o.

Étendue de la surface en lieuescarrées : 5700.

Habitans par lieue carrée : 7.

Plusieurs géographesparoissent confondre le Nouveau-Mexique avec les provincias in- ternas : ils en parlent comme d'un pays riche en mines, et d'une vaste étendue. L'auterr célèbre de l'Histoire philosophique des éta- blissemens européens dans les deux Indes a contribué à propager cette erreur. Ce qu'il appelle l'empire du Nouveau-Mexique n'est qu'un rivage habité par de pauvres colons. C'est un terrain fertile , mais dépeuplé , dé- pourvu , à ce que l'on croit jusqu'ici, de toutes richesses métalliques, et qui s'étend le long du Rio delNor te, depuis les5i" jusqu'aux 58® de latitude boréale. Cette province a, du sud au nord, 176 lieues de longueur, et de l'est à l'ouest, 5o à 5o lieues de largeur.Son étendue territoriale est par conséquent bien moindre que des personnes peu instruites en matières géographiques, ne la supposent dans le pays

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CHAPITRE VÎII. 4^1

même. La vanilé nalionale se plaît même à agrandir les espaces , à reculer , sinon dans la réalité , du moins dans rirnagination , les limites du pays occupé par les Espagnols. Dans des mémoires qui m'ont été fournis sur la position des mines mexicaines , on évalue l'éloignement d'Arispe au Rosario, àoooj d'Aiispe à Copala , à /it>o lieues marines, sans compter que toute l'intendance de Sonora n'en a pas 280 en longueur. Par la même cause , et surtout pour se concilier la faveur de la, cour, les conijuistadores , les moines missionnaires et les premiers colons ont donné de grands noms à de petites choses. Nous avons décrit plus haut un royaume , celui de Léon , dont toute la population n'égale pas le nombre des moines franciscains en Espagne. Quelques cabanes réunies prennent souvent le titre pompeux de villes. Une croix plantée dans les forêts de la Guayane figure sur les cartes des missions envoyées à Madrid et à Rome , comme im village habité par des Indiens. Ce n'est qu'après avoir vécu long- temps dans les colonies espagnoles , après avoir reconnu de près ces fictions de royaumes, de villes et de villages, que le voyageur se n. 26

/jOH MVni, TÎI,

forme une éeliellc propre à réduire les objets à Jeur juste vjileur.

Les conquérans espagriols, peu d'années après la destruction de l'empire aztèque, firent des élablissemens stables dans le nord d'Anabuac. La ville de Durango fui fondée sous l'administration du second vice-roi de la Nou>elle - Espao^ne , f elasco cl Primero , l'année i5ocj. Cétoit alors un poste militaire contre les incursions des Indiens Cbiclû- irièques. Vers la fin du Seizième siècle , le vice-roi comte de Monterey envoya le va- leureux o/^^«'« de Ouate au Nouveau-Mexique. C'est ce g-énéral qui, après avoir chassé les tribus d'indigènes nomades, peupla les rives du grand Rio del Norte.

Depuis la ville de Cbihuahua on peut aller en voiture jusqu'à Santa-Fe du Nouveau- Mexique. On s'y sert communément d'une sorte de calèche que les Catalans appellent volantes. Le chemin est beau et uni; illonj^ela rive orientale du Grand Fleuve (Rio Grande) , que l'on traverse au Passo del Norte. Les bords du fleuve sont très-pittoresques ; ils sont ornés de beaux peupliers et d'autres arbres de la zone tempérée.

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CHAPITRE VIII. l^o3

Il est assez frappant de voir qu'après deux siècles de colonisation , la province du Nou- veau-Mexique ne soit point encore conliguë à l'intendance de la Nouvelle - Bisca^'e. Un désert dans lequel les voyageurs sont quel- quefois attaques par les Indiens Cumancbes , sépare les deux piovinces. Il se prolonge depuis le Passo del Norte vers la ville d'Albu- querque. Avant l'année 1680 , époque à laquelle il j eut une révolte générale des Indiens du Nouveau-Mexique , cette étendue de terrain inculte et inhabité étoit cependant moins considérable qu'elle ne l'est aujour- d'hui. Il existoit alors trois villages , San Pascual, Semillete , et Socorro , qui étoient situés entre le marais du Muerto et la ville de Santa-Fe. L'évêque Tamaron en vit encore les mines en 1760. Il trouva dans des champs des abricotiers devenus sauvages, et indiquant l'ancienne culture de ce pays. Les deux points les plus dangereux pour les voyageurs sont le défilé de Robledo , à l'ouest du Rio del Norte, vis-à-vis la Sierra de Doua Ana, et le désert du Muerto. Beaucoup de blancs y ont été assassinés par les Indiens nomades;.

Le désert du Muerto est une plaine de

26*

4o4 LIVRE III,

trente lieues de long, sans eau. En général, tout ce pays est d'une sécheresse effrayanle ; car les montagnes de los Mansos , situées à Fest du chemin qui mène de Durango à Santa -Fe, ne donnent pas naissance à un seul ruisseau. Malgré la douceur du climat , et les progrès de l'industrie, une grande partie de ce pays , de même que la Vieille-Californie , et plusieurs districts de la Nouvelle-Biscaye et de Tintendance de Guadalaxara , ne seront jamais susceptibles de renfermer une popu- lation considérable.

Le Nouveau- Mexique , quoique place sous la même latitude que la Syrie et la Perse centrale , a un climat éminemment froid. Il y gèle ûu milieu du mois de mai. Près de Santa-Fe , et un peu plus au nord ( sous le parallèle de la Morée) le Rio del Norte se couvre quelquefois plusieurs années de suite de glaces si épaisses qu'on le passe à cheval et en voiture. Nous ne connoissons pas la hauteur du sol de la province du Nouveau- Mexique ; mais je doute que , sous le trente- septième degré de latitude, le lit du fleuve ait plus de sept ou huit cents mètres d'élé- vation au-dessus du niveau de l'Océan. Les

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montagnes qui bordent la \ allée du Rio dcl Norte , même celles au pied desquelles est situé le village de Taos, perdent leur neige déjà vers le commencement du mois de juin.

Le Grand Fleuve du ISord , comme nous l'avons observé plus haut , prend sa source dans la Sierra Verde , qui est un point de partage entre lesallluens du golfe du Mexique et ceux de la mer du Sud. Il a ses crues pério- diques [crecîcntes) comme l'Orénoque , le Mississipi, et un grand nombre de rivières des deux conlinens. Les eaux du Rio del Norte augmentent depuis le mois d'avril ; leur crue est au maximum au commencement de mai: elles baissent surtout depuis la fin du mois de juin. Ce n'est qu'à Tépoque des sécheresses de l'été, et quand la force du courant est très-petite, que les habitans passent le fleuve à gué , montés sur des chevaux d'une taille extraordinaire. Au Pérou, ces chevaux sont appelés cavallos chlmbadores. Plusieurs per- sonnes y montent à la fois , et si le cheval prend pied de temps en temps en nageant , on appelle ce mode de passer le fleuve , passai- til lia a volaplé.

Les eaux du Rio del Norte , comme celles

4o6 LIV1\E III,

de rOrciloqiie et de toutes les grandes rivières de l'Amérique méridionale , sont extrêmement troubles. Dans la Nouvelle-Biscaye on re- garde comme la cause de ce phénomène une petite rivière appelée Rio Puerco (Jleuve sale)^ et dont l'embouchure est au sud de la ville d*Albuquerque, prèsde Valencia. M.Tamaron a observé cependant que leseauxsont troubles bien au-dessus de Santa-Fe et de la ville de Taos. Les habitans du Passo del Norte ont conservé la mémoire d'un événement très- extraordinaiie qui eut lieu l'année 1762. Ils virent tout d'un coup rester à sec tout le lit de la rivière , Irentc lieues au-dessus , et plus de vingt lieues au-dessous du Passo : l'eau du fleuve se précipita dans une crevasse nouvel- lement lormée , et ne ressortit de terre que près du presidio de San Eleazario. QeXXepcrte du Rio del Noi'le dura assez long-temps. Les belles campagnes qui entourent le Passo , et c[ui sont traversées par de petits canaux d'irri- gation , restèrent sans arrosernent ; les habitans creusèrent des puits dans le sable , dont le lit delà rivière est comblé. Enfin , après plusieurs semaines , on vit l'eau prendre son ancien cours , sans doute parce que la crevasse et les

l.llAPITUi: VIII.

407

conduits soulerrains s'ctoicMil bouches. Le pliéiioincne que je viens de citer a (jnel(|ue analogie avec un l'ait que les Indiens de la province de Jaen de Htacaniorros m'ont rapporté pendant mon séjour à Tomependii. C'est au commencement ilu dix - huitième siècle que les habitans du vilhijL,^e de Puyaya virent avec effroi se dessécher presque entiè- rement, et pendant plusieurs heures, le lit du fleuve des Amazones. Près de la cataracte (po/igo) de Rentema une partie desrocheis de grès s'étoient écroulés par l'eflèt d'un tremblement de terre , et les eaux du Ma- raîîon furent retenues dans leur cours jusqu'à ce qu'elles eussent pu franchir la digue qui s'étoit formée. Dans la partie septentrionale du Nouveau-Mexique , près de Taos , et au nord de cette ville , naissent des rivières dont les eaux se mêlent à celles du Mississipi. Le Rio de Pecos est probablement identique avec la rivière rouge de Natchitoches , et le Rio Napestla est peut-être le même fleuve qui, plus à l'est , prend le nom d'Arkansas.

Les colons de cette province, connus par la grande énergie de leur caractère , vivent dans un état de guerre perpétuelle avec les

4o8 LIVRE iir,

Indiens voisins. C'est à cause tlu manque de siirelé qu'offre la vie des champs, que les villes sont plus peuplées qu'on ne devroit s'y attendre dans un pays aussi désert. La situation des habilans du Nouveau-Mexique ressemble, sous plusieurs rapports, à celle des peuples d'Europe au mojen Age. Aussi long-temps que l'isolement expose l'homme à des dangers personnels, aucun équilibre ne peut s'établir entre la population des villes et celle de la campagne.

Il s'en faut de beaucoup cependant que ces Indiens, qui vivent en inimitié avec les colons espagnols , soient tous également barbares. Ceux de l'est sont nomades et guerriers. S'ils font le commerce avec les blancs , c'est souvent sans se voir , et d'après des principes dont on retrouve des traces chez plusieurs peuples de l'Afrique. Les sauvages , dans leurs excursions au nord du Bolson de Ma- pimi , plantent, le long du chemin qui mène de Chihuahua à Santa-Fe, de petites croix auxquelles ils suspendent une poche de cuir avec un peu de viande de cerf; au pied de la croix se trouve étendue une peau debulïle: rindien indi ^ue ^xir ces signes , qu'il veut

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CHAPITRi: VIII. 409

établir un comniercc créchanfrc avec ceux qui adorent la croix ; il oflre au voyageur chrétien une peau pour avoir des comestibles dont il ne lixe pas la quantité. Les soldats âcspresidios , qui entendent le langage hiéro- glyphique des Indiens , prennent la peau de buiïle, et laissent au pied delà croix de la viande salée ^ Voilà un système de commerce qui indique un mélange extraordinaire de bonne foi et de méfiance.

Avec les Indiens nomades et méfians qui errent dans les savanes , à l'est du Nouveau- Mexique , contrastent ceux que l'on trouve à l'ouest du Rio del Norlc , entre les fleuves Gila et Colorado. Le père Garces est un des derniers missionnaires qui, en lyy^, ont visité le pays des Morjir' , traversé par le Rio de Yaquesila. Il fut étonné d'y trouver une ville indienne avec deux grandes places , des maisons à plusieurs étages , et des rues bien alignées et parallèles les unes aux autres. Le peuple s'y assembloit tous les soirs sur les terrasses qui forment les toits des maisons.

> Dtarh dd Illunlr, Senor Tamaron, ( Manuscrit. )

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4lO LIVRE III,

La conslTiiction des é(Vilîces duMoqui est la même que celle des Casas grandes ^ aux bords du Rio Gila , dont nous avons parlé plus haut. Les Indiens qui habitent la partie septentrionale du Nouveau-Mexique donnent aussi une hauteur considérable à leurs maisons, pour découvrir l'approche de leurs ennemis. Toutparoît annoncer, dans ces contrées, des traces de la culture des anciens Mexicains. Les traditions indiennes nous apprennent même que vingt lieues au nord du Moqui, près de Tembouchure du Rio Zaguananas, les rives du Napajoa étoient la première de- meure des Aztèques, aprèsleur sortie d'Aztlan. En considérant la civilisation qui existe sur plusieurs points de la cote nord-ouest de rAmérique , au Moqui et sur les bords du Gila, on seroit tenté de croire (et j'ose le répéter ici ) que , lors de la migration des ïoltèques , des Acolhues et des Aztèques, plusieurs tribus se sont séparées de la grande masse du peuple pour se fixer dans ces contrées boréales. Cependant la langue qre parlent les Indiens du Moqui, les Yabipa's, qui portent de longues barbes ; et ceux qui

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CHAPITRE VIII. 4^1

habitent les plaines voisines du Rio Colorado, diifcre ' essentiellement de la langue mexi- caine.

Au dix-septième siècle , plusieurs mission- naires de l'ordre de Saint-François s'éloicnt établis parmi les Indiens du Moqui et de Nabajoa. Ils furent massacrés dans la grande révolte des Indiens , qui eut lieu en 1680. J'ai vu sur des cartes manuscrites, dressées avant cette époque, le nom de la provincict del Moqui.

La province du Nouveau-Mexique a trois villas ( Santa-Fe, Santa-Cruz de la Canada y Taos , Albuquerque y Alameda) , 'iGpiwùlos ou villages , 5 parroquias ou paroisses , 19 missions , et aucune ferme ( lancho ) isolée. Santa-Fe , capitale , à l'est du Cran Rio del

Ncrte. Population de 0600. Albiiquerque , vis-à-vis du village d'Atrisco ,

à l'ouest de la Sierra obscura. Population

de 6000.

* Voyez le témoignage de plusieurs moines mission- naires qui étoient 1res- versés dans lu connoissance de la langue aztèque. ( C/ironica serajlcu, del Collegio de Queretaro, p, ^loS.)

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4l2 LIVRE III,

Taos, que les anciennes cartes plaooienl de 62 lieues trop au nord , sous les 4o degrés de latitude. Population de 8900.

Passo delNorte, presidio ou poste militaire sur la rive droite du Rio del Norte , séparé de la ville de Santa-Fe par un pays inculte de plus de 60 lieues de long. Il ne faut point confondre cette bourg^ide , que quel- ques cartes manuscrites conservées dans les archives de Mexico considèrent comme dépendante de la Nouvelle-Biscaye , avec le Presidio ciel Nortc y ou dr lai 'un tas, placé plus au sud, à l'embouchure du Rio . Conchos. C'est au Passo deJ Norte que s'arrêtent les voyageurs pour réunir les provisions récessaires, a' nt de continuer leur route jusqu'à Santa-Fe. Les environs du Passo sont un pays délicieux, qui res- semble aux plus belles parties de l'Anda- lousie. Les champs sont cultivés en maïs cl en froment; les vignobles produisent ; '-^ vins liquoreux et excellens, que l'on prtk' c même aux vins de Parras , de la Nouvelle- Biscaye ; les jardins rcnfc ent en abon- dance tous les arbres fruitiers de l'Europe, des figuiers , des pêchers , des pomhiiers et

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CHAPITRE VIII. 4^3

des poiriers. Gomme le pays est très-sec , un canal d'irrigation conduit les eaux du Rio dcl Nortc au Passo. Les habitans du Pre- sidio ont beaucoup de peine à conserver le batardeau qui force les eaux des fleuves, lorsqu'elles sont très-basses , d'entrer dans le canal [azequia). Pendant les grandes crues du Rio del Norte la force du courant détruit ce batiirdeau presque tous les ans -, aux mois de mai et de juin. La manière de rétablir et de renforcer la digue est assez ingénieuse : les habitans forment des paniers de pieux réunis par des branches d'arbres et remplis de terre et de pierres. Ces gabions (cestones) sont abandonnés à la force du courant, qui, dans son remous, les dépose au point le canal se sépare de la rivière.

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44

LIVRE III,

XIV. Proviîjce de la Vieille-Californie.

Population en i8o3 : 9000. '

Etendue de la surface en lieues carrées : 72g5. Habitans par lieue carrée : i.

L'histoire de la géographie offre plusieurs exemples de pays dont la position a été connue aux premiers navigateurs, et queFon a regardés * ïig - temps comme n'ayant été découverts qu'à des époques très-récentes. Telles sont les îles Sandwich ; la côte occidentale de la Nouvelle - Hollande ; les grandes Cyclades , nommées jadis , par Quiros , l'archipel dal Espiritu Santoj la terre des Arsacides , vue par Mendana , et surtout les côtes de la Cali- fornie. Ce dernier pays avoit été reconnu comme une péninsule, avant l'année i54.i ; et cependant cent soixante a^^ ^ plus tard on attribuoit au père Kiihn (Kino) le mérite d'avoir prouvé le premier que la Californie u'étoit pas une île , mais qu'elle tenoit au continent du Mexique.

Cortez , après avoir étonné le monde par ses exploits sur la Terre-Ferme, déploya une

CHAPITRE Vin. l[l^

ëner<^ie de caractère non moins admirable dans ses entreprises marilinies. Inquiet, am- bitieux , tourmenté de l'idée de voir le pays que son courage avoit conquis , administré tantôt par un corrégidor de Tolède , tantôt par un président de l'audience , ou par un évêque de Saint-DominT-ue ', il se livra tout entier aux ex]:>éditions de découvertes dans la mer du Sud. Il paroissoit oublier que les ennemis puissans qu'il avuit à la cour lui avoient été suscités par la grandeur et la rapidité de ses succès , et il se flattoit de les forcer au silence par l'éclat de la nouvelle carrière qui s'ouvroit à son activité. D'un autre côté, le gouvernement^ qui se méfîoit d'un homme aussi extraordinaire, l'encou- ragea dans son dessein de parcourir l'Océan. Croyant , depuis la prise de Mexico , n'avoir plus besoin du talent militaire de Cortez, Tempereur étoit content de le voir lancé dans des entreprises hasardeuses. Il désiroit surtout éloigner le héros du théâtre sur lequel avoient brillé son courage et son audace.

* Le corrégidor Luis Ponce de Léon , le président Nuno de Guzmaa, et l'évêque Sébastian Ramirez de Fuenleal.

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4l6 LIVRE III,

Déjà en i525, Charles-Quint, dans une lettre datée de Valladolid, avoit recommandé à Cortez de chercher , sur les côtes orientales et occidentales de la Nouvelle - Espagne , le secret d'un détroit ( el secreto del eslrecho ) , qui racourciroit de deux tiers la navigation de Cadix aux Indes Orientales , appelées alors le Pajsdes épiceries, Corlez , dans sa réponse à Tempereur , parle avec le plus grand en- thousiasme de la probabilité de cette décou- verte « qui (ajoute - t- il) rendra Vôtre « Majesté maîtresse de tant de royaumes , •c qu'elle pourra se regarder comme le mo- « narque du monde entier '. » C'est dans Je cours d'une de ces navigations, entreprises aux frais particuliers de Cortez, que les côtes de la Californie furent découvertes par Her- nando de Grixalva, au mois de février i534 '.

» Cartas de Cortez, p. 374, 382, 385.

* J'ai trouvé , dans un manuscrit conservé dans Ips archives de la vice-royauté de Mexico, que la Cali- fornie avoit été découverte en 1626. J'ignore sur quoi se fonde cette assertion. Cortez , dans ses lettres à l'empereur, écrites jusqu'en i524, parle souvent des perles qu'on trouve près des îles de la mer du Sud; cependant les extraits que l'auteur de la Helacion del

CHAPITRE VIII. 4^7

iSon pilote, Fortim Xiinenez, fut tué par le» Californiens , dans la baie de Santa-Gruz , appelée dans la suite le port de la Paz , ou du marquis del Valle. Mécontent delà lenteur et du peu de succès des découvertes dans la mer du Sud , Corlez s*embarqua lui-même , en i535 , avec 4(>o Espagnols, et avec trois cents nègres esclaves j au port de Ghiametlan ( Chametla ). Il longea les deux côtes du golfe que l'on désigna dcs-lors par le nom de la Mer de Cortez , et que l'historien Gomara , en 1657, compara très- judicieusement à la mer Adriatique. C'est pendant son séjour à la baie de Santa-Cruz que parvint à Cortez la nouvelle afdigeante que le premier vice-roi venoit d'arriver à la Nouvelle-Espagne. Ce i;rand conquérant poursuivit sans relâche ses découvertes en Californie , lorsque le bruit de sa mort se répandit à Mexico. Son épouse, .luana deZuniga, équipa deux vaisseaux et une carcwèle pour approfondir la vérité de

Viage al Estrccho «le Fuca (p. 7-22) a faits tles manus- crits prôcieux conservés à l'Académie (rhisloire de IMadrid , paroisscnl prouver que la Californie n'a pas iiicme élé vue dans l'expédition de Diego Hurtado de Mciidoza , en 16.^2.

ir. 27

4l8 LIVIIE IIT,

celle nouvelle alarmanle. Cortez^ après avoir couru mille danj^ers , mouilla heureusement au port d'Acapulco. Il fit poursuivre , et «oujours à ses frais, par Francisco de LHloa, la carrière qu'il venoit d'ouvrir si glorieuse- ment. Ulloa , dans le cours d'une navigation de deux ans, reconnut les côtes du golfe de Californie jusque vers l'emboucliure du Rio Colorado.

La carte que le pilote Caslillo construisit à Mexico, en i54i , et que nous avons citée plusieurs fois, représente la direction des côtes de la presqu'île de Californie, telle à peu près que nous la connoissons aujourd'hui. Maigre ces progrès de la géographie , dus au génie et à f'aclivité de Cortez , plusieurs écrivains, sous le foîble règne du roi Charles ir, commencèrent à regarder la Californie comme un archipel de grandes îles , appelées Islas Carolinas, La pèche des perles n'j attiroit que de temps en temps quelques balimens expédiés des ports de Xalisco , d'Acapulco ou de Cliacalaj et lorsque trois jésuites, les pères Kiihn, Salvatierra et Ugarte, visitèrent dans le plus grand détail , depuis l'année 1701 jusqu'en 1721 , les côtes qui environnent la

situé au n

CHAPITRE VlII. 419

mer cle Cortez ( mar roxo o lyermcjo ) , on crut en Europe avoir appris pour la première fois, que la Californie est une péninsule.

Plus imparfaitement un pajs est connu, plus il est éloigné des colonies européennes les mieux peuplées , et plus facilement il acquiert une réputation de grandes richesses métalliques. L'imagination des hommes se plaît aux récits des merveilles que la crédulité ou souvent k ruse des premiers voyageurs sait répandre d'un ton mystérieux. Sur les cotes de Garaccas, on s'extasie sur les richesses des pays situés entre l'Orénoque et le Rio Ne^fro : à Santa-Fe , on entend vanter sans cesse les missions des Andaquies ; à Quito , les provinces de Macas et de Maynas. La presqu'île de la Californie a été pendant long-tempsle Doradode la Nouvelle-Espagne. Un pays riche en perles doit , selon la logique du peuple , produire en abondance de For, des diamans et d'autres pierres précieuses. Un moine voyageur , Fray Mar vs de Nizza, exalta la tête des Mexicains par les nouvelles fabuleuses qu'il donna de la beauté du pays situé au nord du golfe de Californie , de la

27'

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4'JtO IIVRE III,

magnificence de la ville de Cibola ', de son immense population, de sa police et de la civi- lisation de ses liabitans. Cortez et le vice-roi Mendozase disputèrent d'avance la conquête

* L'ancienne carte manuscrite tle Castlllo place la ville labulcuse cle Cibola ouCibora , sous les 37** tle latitude. Mais en réduisant sa position à ceîle de l'embouchure du Rio Colorado , on est tenté de croire que les ruines des Casas gi-andes du Gila, dont il a été question dans la description de l'intendance de la Sonora, pourroient avoir donné occasion aux contes débités par le bon père Marcos de Nizza : cependant la grande civilisation que ce religieux assure avoir trouvée parmi les hahitans de ces contrées seplcnlrio- nalcs , me pdroît un fait assez important , et qui se lie à ce que nous avons exposé en parlant des Indiens du Rio Gila et du Moqui. Les auteurs du seizième siècle plaçoient nn second Doraclo au nord de Cibora , sous les 4i** de latitude. C'cst-là que se trouvoit, selon eux, le royaume de Tatarrax et une immense ville appelée Quivira , sur les bords du lac de Teguayo , assez près du Rio du Aguilar. Celle tradition, si elle se fonde sur l'assertion des Indiens d'Analiuac, est assez remar- quable -, car les bords du lac de Teguayo , qui est peut-être identique avec le lac de Timpanogos , sont indiqués , par les historiens aztèques, comme la patrie des Mexicains, «- . '

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de ce Tombouctou mexicain. Les éUiblis- semcns que les jésuites Hient dans la VieilU- Californie , depuis l'année 1680, donnèrent occasion de reconnoître la grande aridité de ce pays, et l'extrême dilïlcullé de le culli>er. Le peu de succès qu'eurent les mines que l'on exploita à Sainte -Anne, au nord du capPulmo , diminuèrent /enthousiasme avec lequel on avoit préconisé les richesses mé- talliques de la presqu'île. Mais la malveillance et la haine qu'on portait aux jésuites firent naître le soupçon que cet ordre cachoit aux: jeux du gouvernement les trésors que ren- fermoit une terre si anciennement vantée. Ces considérations déterminèrent le visitador Don José de Galvez, que z^n esprit chevale- resque avoit engagé dans une expédition contre les Indiens de la Sonora , à passer en Calii'ornie. Il y trouva des montagnes nues , sans terre végétale et sans eau : des raquettes et des mimoses arborescentes naissoient dans les lentes des rochers ; rien n'annoncoit l'or et l'argent que l'on accusoit les jésuites d'avoir tiré du sein de la terre : mais partout on reconnut les traces de leur activité , de leur industrie , et du zèle louable avec lequel ils

l\').}. L1VT\F III,

avi)itînl travailh' à ciilli^rr nii pays «li'srrl et aricJo. C'est dans le eoms de eelle e\|)é(lili(m (le Californie que le visilador (ialvez lut aecompajTcné i\\\\\ houinic aussi renianpinhlc par son talent que par les jurandes vieissitudes qu'il a éprouvées dans sa fortune ; le chevalier d'yVsanza fit les fonelions de seerélairc auprès de M. Galvez. 11 énonça avec franchise ce que les opéra lions de lu j)elile année ]>rou- voient bien mieux encore que les médecins de Pitié; il osa dire que le visitador avoit l'esprit aliéné. M. d'Asanza fut arrête et en- fermé pendant cinq mois dans une prison dans levilla<:;c deTepozolIan ,où, trente "nsaprcs, il fit son entrée solennelle comme -roi de la ]Nouvclle-l^spa<;ne. .

La presqu'île de Californie , qui, sur une étendue de terrain égale à celle de l'Angle- terre , n'a pas la population des petites villes d'Ipswich ou de Deptford , est placée sous le même parallèle que le Bengale et les îles Canaries. Le ciel j est constamment serein , d'un bleu loncé cl sans nuages : si ces derniers paroissent momentanément au cou- cher du soleil , c'csl en brillant des plus belles nuances de violet , de pourpre et de vert.

CHAIMI l\E Vllî.

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Tontes les pcrsoiiiics <|iil ont séjourné en Oalilomic ( rt j'en ni vn pInsuMirs cl.ins la Nonvclle-I']spîi«:^no), ont conservé le souvenir <lc la beauté extraordinaire <Ie ee phénomène, qui lient à un élat pailienlier <l(» la vjipcop vésieulairc , et à la pureté <le l'air dans ee» eliiuats. lin aslrtmonic ne trouvcroit pas un séjour plus délieieux que celui de (Juniana, de (]oro, de l'île de la Mar^çuerile , et des eot(;sdela Californie. Mais mallieureuseîncnl, dans cette péninside, le ciel est plus beau que la terre : le sol est poudreux e't aride , conmic dans le littoral de la Provence ; la végétation y est aussi pauvre que la pluie y est rare. - r »

Le centre de la presqu'île est traversé par une chaîne de montagnes , dont la plus élevée , le Cerro de la Giganta , a (juatorze ou quinze cents mètres d'élévation , et paroît d'origine volcanique. Cette Cordillère est habitée par des animaux qui, par leur l'orme et leurs mœurs , se rappro(!lienl du moufJUm ( ovis ammon ) de la Sardaigne , et que le père Consag n'a (ait connoître qu'impari'aitement. Les Espagnols les appellent des brebis waw.- \SLgGs{carnejvii ciinaroiics). Ils sautent comme

424 LIVRE m,

le bouquetin , la tête en bas. Leurs cornes sont recourbées sur elles-mêmes en spirale. Selon les observations de M. Gonstanzo ', cet animai diffère essentiellement des chèvres, sam>af^es , qui sont d'un blanc cendré , d'une taille beaucoup plus grande, et propres à la Nouvelle-Californie , surtout à la Sierra de Santa Lucia , près de Monterey. Aussi ces chèvres, qui appartiennent peut-être aj genre des antilopes, sont désignées dans le pays par le nom de bemidos. Elles ont, comme les chamois, des cornes recourbées en ar- rière.

Au pied des montagnes de la Californie on ne voit que des sables, ou une couche pierreuse sur laquelle s'élèvent des cactus cylindriques ( Organos del 2\inal) , à des

* Journal d'un voyago à l'ancienne Californie et au port de San Diego, rédigé en 17^9. {Manuscrit.) Ce journal intéressant avoit déjà été imprimé à Mexico, lorsque , par un ordre du ministre , tous les exein- plaires en furent confisqués. II est à dée' er , pour lc8 progrès de la zoologie, que l'on parvienne bientôt à connoître, par le soin des voyagi;urs, les vrais caractères spécifiques qui distinguent les carneros cimarones de la Vieille - Californie des bennUos de Monlerey. " V '

^iw^3^8£i«»aûiliie»- \r.iie(â;^^

CHAPITRE VIll. 4^^

hauteurs exlraorclin.-dies. Ou y découvre très-peu de sources , et , par une fatalité bien grande, on remarque que les sources jaillissent, le rocher est nu, tandis qu'il n'y a pas d'eau dans les endroits le rochv r est couvert de terre végélale. Partout les sources et la terre se trouvent ensemble , la fertilité du sol est immense. C'est dans ces points peu nombreux , mais favorisés par la nature, que les jésuites ont établi leurs pre- mières missions. Le mais , le jatropha et le dicscorea y végètent vigoureusement ; la vigne y donne un raisin excellent , et dont le vin ressemble à celui des îles Canaries : mais en général la Vieille-Californie , à cause de la nature aride de son sol , et du manque d'eau et de terre végétale que l'on observe dans l'intérieur du pays, ne sera jamais propre à entretenir une grande population , non plus que la partie la plus septentrionale de la Sonora, qui est presque également sèche et sablonneuse. «

De toutes les productit ns naturelles de la Californie, les perles sont celles qui, depuis le seizième siècle , ont le plus engagé les navi- gateurs à visiter la côte de ce pays désert :

4^6 , LIVRE m ,

elles abondent surtout dans la partie méri- dionale de la presqu'île. Depuis que la pêche des perles a cessé près de l'île de la Margue- rite , vis-à-vis la côte d'Araya , les golfes de Panama et de Californie sont, dans les co- lonies espagnoles , les seuls parages qui fournissent des perles au commerce d'Eu- rope. Celles de Californie ont une eau très- belle : elles sont grandes, mais souvent d'une figure irrégulière et peu agréable à l'œil. La coquille qui produit la perle se trouve surtout dans la baie de Ceralvo, et autour des îles de Santa-Cruz et de San José. Les perles les plus précieuses que possède la cour d'Espagne, ont été trouvées, en 1616 et en i665, dans les expéditions de JuanYturbiet de Bernai de Piîiadero. Pendant le séjour que fit en Californie le visitador Galvez , en 1768 et 1769 , un simple soldat du pre- sidio de Loreto , Juan Ocio ^ s'enrichit en peu de temps par la pêche des perles sur les côtes de Ceralvo. Depuis cette époque, le nombre des perles de Californie qui viennent annuellement dans le commerce , est réduit presque à rien. Les Indiens et les nègres qui s'adonnent au pénible métier de

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cHAPiTia vtri. 4^7

plongeurs, sont si mal payés par les blancs , que la pêche est regardée couime aba ndonnée. Cette branche d'industrie languit par les mêmes causes qui, dans l'Amérique méri- dionale, renchérissent les peaux de vigogne, le caoutchouc^ et même l'écorce fébrifuge du quinquina.

Quoique Hernan Cortez , dans ses expé- ditions de Californie , eût dépensé de son patrimoine plus de deux cent mille ducats , et que Sébastien Viscaino , qui mérite d'être placé au premier rang des navigateurs de son siècle , eût pris formellement possession de îa presqu'île, ce ne fut qu'en 1642 que les jésuites parvinrent à y former des éta- blissemens stables. Jaloux de leur pouvoir, ils luttèrent avec succès contre les efforts des moines de Saint-Frar'^nis, qui cherchoient de temps en temps a .^ introduire chez les Indiens. Ils eurent des enneiiiL> plus diffidles à combattre, les soldais des postes militaires; car, aux extrémités des possessions espa^rnoles du nouveau continent , sur les limite::, de la civilisation européenne , les pouvoirs légis- latif et exécutif se trouvent distribués <!' ne manière bien étrange. Le pauvre Indien n'y

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428 LIVKE III,

connoît d'autre maître qu'un caporal, ou uu missionnaire.

En Californie, les jésuites emportèrent une victoire complète sur les aulitaiies postés dans les presidios. La cour décida , par une cer/i//t' ro^'ale, que tous, nicme le capitaine du détachernent de Loreto, seroient sous les ordres du père président des missions. Les voyages iiiléressans de trois jésuites , Eusebc Kiihn , Maria Saivatierra^ et Juan Ugart;;, firent connoître la situation physique du pays. Le village de Loreto avoit déjà été fondé sous le nom de presidio de San Dionisio , en 1697. Sous le règne de Philippe v, surtout depuis l'année i744> les établissemens espa- gnols en Californie devinrent très-considé- rables. Les pères jésuites y déployèrent celle- industrie commerciale et cette activité aux- quelles ils oïïk, ilu tant de succès , et qui les ont exposés à tant de calomnies dans les deux Lides. En très-peu d'années ils cons- truisirent seize villages dans l'intérieur de la presqu'île. IV^puis leur expulsion, en 17O7, la Californie a été conliée aux moines des couvens de Saint-Dominique de la ville de Mexico. Il paroît que ceux-ci ont été moins

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CIIAPITRE VIIT. /pO

lieiireiTx dans les établisseniens de la Yieille- Califoniie que les franciscains Tont été sur les cotes de la Nouvelle-Californie.

Les naturels de la péninsule , c^ui ne vivent point dans les missions, sont peut-être de tous les sauvages ceux qui sont le plus près <le l'état qu'on e:>t convenu dénommer l'état de nature. Ils passent des journées entières couchés sur le ventre, étendus dans le sable lorsqu'il est échauffé par la réverbération des rayons solaires. Ils ont, de même que plusieurs tribus que nous avons vues àl'Oré- noque, les vétemens en horreir. Un sin^e habillé , dit le père Vene«;as , paroît moins risible au peuple , en Europe , qu'un homme vêtu ne le paroît aux Indiens de la Cali- fornie. Mal;,^i'é cet état de stupidité apparente, IcS' premiers missionnaires dislint^uèrent dif- férentes sectes religieuses parmi les indigènes. Trois divinités, qui se faisoient une guerre d'extermination, étoient des objets de terreur chez trois peuplades californiennes. Les Pe- ricues craignoient la puissance de Niparaya; les Mcnquis et les Vehilies , celle de Wactu- puran et de Sumongo. Je dis que ces hordes redouloient, non qu'elles adoroient des être*

43o LIVKE m,

invisibles ; car le culte do Thomme sauvasre n'est qu'un saisissement de crainte : c'est le sentiment d'une horreur secrète et religieuse. D'après les renseignemens que j'ai obtenus des moines qui g^ouvernent aujourd'hui les deux Galit'ornies , la population de la Vieille- Californie a tellement diminué depuis trente ans , qu'il n'y existe plus que quatre à cinq mille naturels cultivateurs ( Iridios reducidos ) dans les villages des missions. Le nombre de ces missions est aussi réduit à seize. Celles de Santiago et de Guad^lupe sont restées désertes faute d'habitans. La petite vérole, et un autre mal, que les peuples d'Europe ont voulu se persuader avoir reçu de ce même continent auquel ils l'ont porté les premiers , et qui exerce d'horribles ravages dans les îles de la mer du Sud, sont cités comme les causes principales de cette dépo- pulation de la Californie. Il est à supposer qu'il j en a d'autres qui tiennent aux insti- tutions politiques mêmes ; et il seroit temps que le gouvernement mexicain s'occupât sérieusement de lever les entraves qui s'oppo- sent au bien-être des habitans de la presqu'île. Le nombre des sauvages y est à peine de

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CHAPITRE VIII. 43 1

quatre mille. On observe que ceux qui habitent le nord de la Californie sont un peu plus civilisés et plus doux que les naturels de la partie australe. ,. ,

Les villages principaux de cette province sont :

LoRETo, presidio et chef-lieu de toutes les missions de la Vieille-Californie , fondé à la lin d u dix-seplième siècle, par l'astronome d'Ingolstadt , le père Kiihn.

Sais TA An a, mission et Real de minas ^cè- lèbre par les observations astronomiques de Velasquez.

San Joseph , mission dans laquelle périt l'abbé Ghappe, victime de son zèle et de son dévouement pour les sciences '.

* Des personnes qui ont séjourné long -temps eu Californie , m'ont assuré que la Notùia du père Venegas , contre laquelle des ennemis de l'ordre supprimé , et même le cardinal Lorenzana , ont élevé des doutes, est très-exacte. [Cartas de Cortez, p. Sa/.) 11 existe encore dans les archives de Mexico lasmanua- m/« suivaus , dont le père Barcos, dans sa Storiu di

432

LIVRE TH

Cdlffornia , îinprinu'tî à Rome , ne s'est pas servi : 1." Chronica hhtorica de la prov'nwia de Mcvhoacan , con varias mapas de la California; 2." Carias origi- nales del padre Juan Maria de Snlvatierra; 3." Diario del capitan Juan Mateo Mangi , que acconipano a los padres apostolicos Kinos y Kappus.

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CHAPITRE VIII.

433

XV. PuOViaCE DE LA NoUV liLLC-CALIFORNIE.

Population en iHoo : i5j6oo.

JE tendue de la surface en lieues carrées : 2125.

Hahilans par lieue carrée : 7.

La partie des coles du Graid Océan, qui s'étend depuis l'isthnic de la Vieille-Californie, ou depuis la baie de Todos lus Santés (au sud du port de San Diego ) jusqu'au cap Mendocino , porte , sur les cartes espa^rnoles , le nom de Nouvelle-Californie ( Nueva Gali-» fornia ). C'est une étendue de terrain longue et étroite , sur laquelle , depuis quarante ans, le gouvernement mexicain a établi des mis- sions et des postes militaires. Aucun village , aucune métairie ne se trouvent au nord du port de Saint-François, qui est éloigné du cap Mendocino de plus de 78 lieues. La province de la Nouvelle-Californie, dans son actuel, n'a que 197 lieues de long sur 9 à 10 de large. La ville de Mexico se trouve en ligne droite à la même distance de Phila- delphie que de Monterey , qui est le chef-lieu des missions de la Nouvelle Californie , et

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LIVRE HT

dont lalalilude, à quatre nûniilcs prcs^ est celle de Cadix.

Nous avons cité plus hîiut les vovagos do plusieurs religieux qui, an coinniencenientdii dernier siècle , en passant par Icrrc de la presqu'île delà Vieille-Californie à la Sonora , ont fait à pied le tour de la nier de Cortez. Du temps de l'expédition de M. Galvez , des délachemens militaires sont venus depuis Loreto au port de San Diego. La poste aux lettres va encore aujourd'hui de ce port, le long de la côte nord - ouest , jusqu'à San Francisco. Ce dernier établissement , le plus septentrional de toutes les possessions espa- gnoles du nouveau continent , est presqr'e sous le même parallèle ' que la petite ville de Tao» du Nouveau - Mexique. Il n'en est éloigné que de 5o lieues , et quoique le père Escalante , dans ses excursions apostoliques faites en 1777, se soit avancé jusque sur la rive occidentale du fleuve Zaguananas , vers les montagnes de los Guacaros , aucuii voya- geur n'est venu jusqu'ici du Nouveau-Mexique à la cote de la Nouvelle -Californie. Ce iait

* Voyr» le premier cliapîire de cet ouvrage.

doit fi toire i d'entre Espagi Hernar les côf< cliiuhci tard, i les côte TehuanI de Vaca excccîé ( sur les c *'» la péni barque a et après traversé septentri( bord du ( distance , aussi gran par le ca Mississipi du fleuve

* Ce voya «"nlrepris soi

CHAPITRi; VIII.

435

doit frapper ceux qui conrioisscnt, par l'his- loirc de la conquêle de l'Amcrique , l'esprit d'entreprise et le courage admirable dont les Espagnols furent animés au seizième siècle. Hernan Corlez débarqua la première fois sur les cotes du Mexique, à la plage de Chal- chiubcnecan , en 1^19 , et quatre ans plus tard, il fît déjà construire des vaisseaux sur les cotes de la mer du Sud , à Zacatula et à Tehuantepec. En i55j, Alvar Nuilez Cabeza de Vaca , parut a> ec deux de ses compagnons, excé(]é de fatigues, nu ^ meurtri de blessures, sur les coles de Guliacan , qui sont opposées à la péninsule de la Californie. Il avoit dé- barqué avec Panfdo Narvaez, dans la Floride, et après deux ans de courses, après avoir traversé toute la Louisiane et la partie septentrionale du Mexique , il parvint au bord du Grand Océan , dans la Sonora. Cette distance , parcourue par Nunez, est presque aussi grande que celle qu'offre la route suivie par le capitcine Lewis, depuis les rives du Mississipi jusqu'à Noutka, et à rembouchure du fleuve Colombia '. En considérant les

* Ce voyage admirnble du capitaine Lewis a é|.é entrepris sous les au-^piccs de M. Jefferson, qui, par

28*

/|36 rivRE III,

voyages hardis des premiers conqiiérans es- pa«^iiols au Mexique, au Pérou, et sur lu rivière des An k> zones, on est étonné devoir que depuis deux siècles ectlc même nation n'a pas su lroii>er un eliemin de terre dans Ja INouvelic -Kspa;^ne, depuis Taos au port de Monteiev; dans la JNouvelle - Grenade, depuis San ta-Fe c\(Jartliagène,ou depuis Quito à Panama ; dans la Guayane , depuis l'Esme- ralda à S-unt-Thomas de l'Angostura.

A l'exemple des cartes a ngloises, plusieurs géographes donnent à la Nouvelle-Californie le nom de Nouvelle - Albion, Cette dénonii- Dation se fonde sur l'opinion peu exacte que le navigateur Drake , en 1678^ a découvert le premier la cote nord-ouest de l'Amérique , comprise entre les 38" et les 48" de latitude. Le célèbre voyage de Sébastien Yicaino est sans doute de vingt-quatre fins postérieur aux découvertes de François Dridve: mais Knox ', et d'autres historiens paroissent oublier que Cabrillo av oit déjà examiné , en i542,lescotes

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ce service important rernlu aux sciences , a ajouté de nouveaux motifs à la recuhnoissauce cjue lui doivent les savans de toutes les nations.

* Knox' a Collection of Koya^es , B. III, p. 18.

* Voyes du Via

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p. o4 , 36

K- iM JULtmiÊais

CHAPrinE vni. 4^7

(le la Nouvelle-Californie jusqu'au parallèle des 43*», terme de sa navi^•ation , comme il résulte de la comparaison des anciennes ob- servations de latitude avec celles faites de nos jours. D'après des données historiques cer- taines, la dénomination de Nouvallc-Jlbion devroit être rcstieinle à la partie de la côte qui s'étend depuis les 43« aux 48", ou du Cap Blanc de Martin de Àgudar j a \ entrée de Juan de Fiica ', D'ailleurs, depuis les missions des prêtres catholiques jusqu'à celles t!es prêtres grecs , c'est-à-dire, depuis le village espagnol de San Francisco , dans la Nouvelle- Californie, jusqu'aux établissemens russes sur la rivière de Cook , à la baie du prince Guillaume, et aux îles de Kodiac et d'Una- laska, il y a plus de mille lieue . de côtes habitées par des hommes liJjres , et peuplées d'une grande quantité de loutres et de pho- ques : par conséquent , les discussions sur l'étendue de la Nouvelle-Albion de Drake , et sur les soi - disant droits que les peuples européens croient acquérir en plantant

* Voyez les savantes recherches clans l'introduction du F'iage de las Galetas SiUU y Mexicana, 1802, p. 34, ZQ , 5j.

LIVRE III

438 ^....^ ...,

petites croix , en laissant des inscriptions atta- chées aux troncs des arbres , ou en enferrant des bouteJlljs , peuvent être considérées comme oiseuses.

Quoique tout le liltoral de ia Nouvelle- Californie eût été reconnu avec beaucoup de soin par le grand navigateur Sébastien Yis- caino ( comme le prouvent les plans qu'il dressa lui-même en 1602 ) , ce beaxi pays ne fut cependant occupé par les Espagnols que cent soixante-sept ans plus tard. La cour de Madrid Ci'aignant que d'autres puissances maritimes de l'Europe ne formassent sur la côte nord-ouest de l'Amérique des établis- semeus qui pourroient devenir dangereux aux anciennes colonies espagnoles, donna ordre au vice-roi chevalier de Croix , et au visitador Galvez de fonder des missions et des présides dans les ports de San Diego et de Monterey. Pour cet effet, deux paquet-bots sortirent du port de SanBlas,et mouillèrent à San Diego , au mois d'avril 1763. Une autre expédition arriva par terre par la Vieille- Californie. Depuis Viscaino, aucun Européen n*avoit débarqué sur ces côtes éloignées. Les Lidicns parurent étonnés de voir des

'^.: jî»*vj*(BSBii|(asïrie' :aiàa^i,Sêi^-0tdm^iié^'l

CHAPITRE VIII. 4^9

liommes velus , quoiqu'ils sussent f^ue plus à l'est vivoient des peuples dont la couleur n'étoit pas cuivrée. On trouva même entre leurs mains quelques pièces d'argent , qui sans doute leur étoient venues dii Nouveau- Mexique. Les premiers colons espagnols soul- iVirent beaucoup par la disetle de vivres et par une maladie cpidémique qui tut la suite des mauvais alimens, des fatigues et du manque d'abri : presque tous tombèrent malades , et huit individus seuls restèrent sur pied. Parmi ces derniers se trouvoient deux hommes respectables y un religieux connu par ses voyages, Fray Junipero Serra , et le chel des ingénieurs , M. Gostanzo , dont nous avons eu souvent occasion de parler avec éloge daiiis le courant de cet ouvrage. Ils étoient occupés de creuser avec leurs mains les fosses qui dévoient recevoir les cadavres de leurs compagnons. L'expédition de terre ne porta que très-tard des secours à celte malheureuse colonie naissante. Les Indiens , en annonçant l'arrivée des Espagnols , se mirent sur des tonneaux , les bras en l'air , pour faire comprendre qu'ils avoient vu les blancs ù cheval.

.."■ la

44o LIVRE III ,

Autant le sol de la Vieille-Californie est aride et pierreux, autant celm de la nou- velle est arrosé et fertile. C'est un des pays les plus pittoresques que Ton puisse voir. Le climat y est beaucoup plus doux qu'à égale latitude sur les côtes orientales du nouveau continent. Le ciel est brumeux , mais les brouillards fréquens qui rendent difficile Tattérage sur les côtes de Monterey et de San Francisco , donnent de la vigueur à la végétation , et fertilisent le sol , qui est couvert d'un terreau noir et spongieux. On cultive y dans les dix-huit missions qui existent aujourd'hui dans la Nouvelle-Californie , du froment , du maïs et des haricots (frisoles) en abondance. L'orge , les fèves , les lentilles et les pois chiches ou garbanzos , viennent très-bien dans la plus grande partie de la province , au milieu des champs. Comme les trente-six religieux de Saint - François qui gouvernent ces missions sont tous Européens, ils ont introduit avec un soin particulier, dans les jardins des Indiens , la plupart des légumes et des arbres fruitiers qui se cultivent en Espagne. Les premiers colons arrivés en 1769, trouvèrent déjà dans l'intérieur du

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CHAPITRE Vni. 44 ï

pays des ceps de vigne sauvage , qui donnoient des grappes de raisin assez grandes, mais très-aigres. G'étoit peut-eîre une de ces es- pèces nombreuses de ?'/V/.ç propres au Canada, à la Louisiane et à la Nouvelle-Biscaye , et que les botanistes ne connoissent encore qu'imp.ufaitement. Les missionnaires ont in- troduit en CaJifornie la vigne {vitisvinifera) , dont les Grecs et les Koinains ont répandu la culture dans toute l'Europe, et qui est certainement étrangère au nouveau continent. On fait du bon vin dans les villages de San Diego, San Juan Capistrano, San Gabriel, San Buenaventura, Santa Barbara, San Luis Obispo , Santa Clara et San José ; par con- séquent, tout le long de la cote au sud et au nord de Monterey jusqu'au delà des 37** de latitude. L'olivier d'Europe se cultive avec succès près du canal de Santa Barbara , sur- tout près de San Diego , l'on tut une huile qui est aussi bonne que celle delà vallée de Mexico , ou que les huiles de l'Andalousie. Les vents très-Iroids qui soufflent impétueu- sement du nord et du nord-ouest, empêchent quelquefois les fruits de mûrir le long de la côte ; au. si le petit village de Santa Clara,

!\!\1 LIVRE III,

situé à neuf lieues de distance de Saiita-Cruz, et abrité par une chaîne de montagnes , a des vergers mieux plantés, et des récoltes de fruits plus abondantes que le préside de Monterey. Dans ce dernier endroit les re- ligieux montrent aux voyageurs avec satis- faction plusieurs végétaux utiles , venus des graines que M. Thouin avoit confiées au malheureux Lapérouse.

De toutes les missions de la Nouvelle-Es- pagne, celles de la côte clu nord-ouest oflrent les progrès de civilisation les plus rapides et les plus marquans. Le public ayant lu avec intérêt les détails que Lapérouse , Vancouver, et récemment encore deux navigateurs espa* gnols, MM. de Galiano et Valdès ', ont publiés sur Fétat de ces régions lointaines, j'ai tâché de me procurer, pendant mon séjour à Mexico, les tableaux statistiques formés en 1802 sur les lieux mêmes ( à San Carlos de Monterey ), par le président actuel des missions de la Nouvelle-Californie, le père Firmin Lasuen ~. Il résulte de la comparaison que j'ai faite des

la

* Viage de la Sulil , p. i<>7.

'•Voyez l'extrait que j'ai donné de ces laLlcaux, dajAs

note Z>j à la tin de cet ouvrage.

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CHAPITRE VIII. 443

pièces officielles conservées dans les archives de l'archevêché de Mexico, qu'en 1776 il n'y avoit que huit, et en 1790 , onze villages; tandis que leur nombre, en 1802, s'éle voit à dix-huit. La population de la Nouvelle- Californie , en ne comptant que les Indiens qui, fixés au sol , ont commencé à s'adonner à la culture des champs , étoit ,

en 1790, de 7,748 âmes.

1801 , de i5,668

1802, de 1 5,662

Le nombre des habilans a donc doublé en douze ans. Depuis la fondation de ces missions, ou depuis l'année 1769 jusqu'en 1802, il y a eu , selon les registres des paroisses, en tout, 55,717 baptêmes, 8009 ri^*ïriages , et 16,984 morts. Il ne faut pas vouloir déduire de ces données la proportion qui existe entre les naissances et les décès ^ parce que , dans le nombre des baptêmes , les Indiens adultes ( los neofuos) sont confondus avec les enfans.

L'évaluation des produits du sol, ou l'esti- mation des récoltes, fournit aussi des preuves convaincantes de l'accroissement d'industrie

iri«^l.;ji-.:

444 LIVRE III,

et de prospérité qn'oflPre la Nouvelle-Cali- fornie. En 1791 , d'après les tableaux publiés par M. de Galiano, les Indiens ne semèrent dans toute la province que Sjl\. fancgas de froment , qui donnèrent une récolte de i5,ig7 fanegas. En 1802, la culture avoit doublé , car la quantité de froment semé fut de 20^^ fanegas, et la récolte de 03,576 fanegas.

Le tableau suivant indique le nombre des bestiaux qui existoient en 1802.

Bœufs 67,782

Brebis 107,172

Cochons i,o4o

Chevaux 2,187

Mulets 877

L'année 1791, on ne comptoit encore dans tous les villages indiens que 24?9^8 têtes de gros bétail (ganach major).

Ces progrès de l'agriculture , ces conquêtes paisibles de l'industrie sont d'autant plus intéressans que les naturels de cette côte , bien dilï'érens de ceux de Noutka et de la baie de Norfolk, u'étoient encore, ily a trente

:.mj-i>tmtmin '■^-

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■iMta

CHAPITRE VIII. 44-^

ans , qu'un peuple nomade, vivant de la pêche et de la chasse , et ne cultivant aucune sorte de végétaux. Les Indiens de la baie de San Francisco étoient alors aussi misérables que le sont les habitans de Tile de Diemen. Ce n'est que dans le canal de Santa Barbara qu'on trouvoit, en 1769, les indigènes un peu plus avancés dans la culture. Ils construi- soient de grandes maisons de forme pyra- midale, et rapprochées les unes des autres. Bons et hospitaliers , ils offroient aux Espa- gnols des vases artistement tissés de tiges de joncs. Ces paniers, dont M.Bonpland possède plpsieurs dans ses collections , sont enduits en dedans d'une couche d'asphalte très-mince, ce qui les rend impénétrables à l'eau et aux liqueurs fermentées qu'ils peuvent contenir. La partie septentrionale de la Nouvelle- Californie est habitée par les deux nations des Rumsen et Escelen '. Elles parlent des langues entièrement différentes , et elles forment la population du préside et du village de Monterey. Dans la baie de San Francisco , on distingue les tribus des Matalans, Salseu

* Manuscrit du P. Lasuen. M. de Galiano les nomme Rumsieu et Eslen,

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il

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l\\6 LIVRE III,

et Quiroles, dont les langues dérivent d'une souche commune. Plusieurs voyageurs que j'.'îi entendu parler de l'analogie de la langue mexicaine ou aztèque avec les idiomes que l'on trouve sur la cote du nord-ouest du nouveau continent , m'ont paru exagérer la ressemblance que présentent ces langues américaines. En examinant avec soin des vocabulaires formés à Noutka et à Monte rej, j'ai été frappé de l'homotonie et des dési- nences mexicaines de plusieurs mots , comme, par exemple, dans la langue desNoulkiens : opquixitl ( embrasser ) j temextixitl ( baiser ), vocotl (loutre) , hitltzitl (soupirer) , tzitzimhz (terre), et inicoatzimitl (nom d'un mois). Cependant , en général , les langues de la Nouvelle-Californie et de l'île de Quadra , diffèrent essentiellement de l'aztèque, comme on le verra dans les nombres cardinaux que je réunis dans le tableau suivant :

■MMiMMadtaM

JS.

ciiAPirnc viiî.

447

MEXICAIN.

L A N a V F.

LANGUE

LANGUE

ESCELEM.

RUMSEN.

DE NOUTKA.

1

1

Ce.

l»ek.

[^DJala.

Saluiac.

2

Orne.

Ulhai.

Uhis.

Alla.

3

lei. ^

Jiilep.

Kappes.

Caiza.

4

Nahui.

Jamajus.

UUizim.

Nu.

5

Mncuiili.

Pamiijuia.

rialiizu.

Sutclia.

! r.

Chicuace.

Pegualanai.

llalishakcm.

Nupu.

7

Chicome.

Julajualanai.

Kapkamaishakem.

Atlipu.

8

Chicuei.

Julepiualanai.

Ultumaisliakem.

Atlcual.

y

Cliiucnahui.

Jamajasjitalanai.

Pakke.

Tzahuacuatl.

10

MatlaciM.

Tomoila.

Tamchaigt.

.\yo.

Les mots nontkiens sont tirés d'un manus- ' crit de M. Mozino , et non du vocabulaire de Cook , dans lequel ayo est confondu avec baecoo , nu avec mo, etc., etc.

Le j3ëre Lasnen observa que, sur les cotes de la Nouvelle-Californie , sur une étendud de i8o lieues, depuis San Diego , San Fran- cisco , on entend parler dix-sept langues qui ne peuvent guère être considérées comme des dialectes d'un petit nombre de langues- mères. Cette assertion ne doit pas étonner ceux qui connoissent les recherches curieuses

fe

448 tIVRE III,

que MM. Jeflcrson , Volnoy, Barton, Hervas, Guillaume de Huiubohll , Va ter et Ficdéric Schle'j^el ' ont laites i.iir les langues amé- ricaines.

La population de la Nouvelle-Californie auroit augmenté beaucoup plus rapidement encore, si les lois d'après lesquelles les pré- sides espagnols sont gouvernés depuis des siècles, n'éloient pas diamétralement opposées aux vrais intérêts de la métropole et des colonies. D'après ces lois , il n'est point permis aux soldats stationnés à Monterey, de vivre hors de leurs casernes , et de se fixer comme colons. Les moines sont généralement con- traires à cet L blissement des colons de la caste des blancs , parce que ces derniers , comme gens qui raisonnent (génie de razon"),

' Voyez l'ouvrage classique de M. Schlcgcl , sur îa langue, la philosophie et la poésie dos Hindous, dans lequel on trouve de grandes vues sur le méca- nisme, j'osa dire sur l'organisation des langues dans les deux continens.

3 Dans les villages indiens , on dislingue les naturels de la gente de razon. Les blancs, les mulâtres, les nègres , toutes 1^ castes non indiennes sont désignées par le nom à^gens doués do raison , expression humi-

cuAPiTni: viij.

449

ne se Liissent pas assujôlir à une obéissance aussi aveugle que les Indiens. « Il est bien

« affligeant , dit un navigateur espagnol

« instruit et éclairé ' , que les militaires qui

« passent une vie pénible et laborieuse, ne

« puissent pas, dans leur vieillesse, se fixer

« dans le puys , et s'adonner à l'agricul-

« ture. Cette déH^nse de construire des

« maisons dans les environs du presidio , est

« contraire à tout ce que dicte une saine

« politique. Si on pernicttoit aux blancs de

« s'occuper de la culture du sol et de l'édu-

« cation des bestiaux; si les militaires, en

« établissant leurs femmes et leurs enfans

« dans des fermes isolées , pouvoient se

« préparer un asjle contre l'indigence à

« laquelle ils ne sont que trop souvent e.\-

M posés dans leur vieillesse, la Nouvelle-

« Californie deviendroit en peu de temps

« une colonie florissante , une relâche inlî-

« iiiment utile pour les navigateurs espagnols

« qui font le commerce entre le Pérou , le

« Mexique et les îles Philippines. » En levant

liante pour les indigènes, et dont l'origine remonte ù des siècles de barbarie.

* Journal de Don Dionisio Gallano. II. 29

V 11

I . Il

b: f*

45o ' LIVRE III,

les entraves que uuus venons d'indiquer, le* îles Mille mines , les missions du Rio Ne«^ro, et les cotes de S;ni Francisco et de Monterev, sepeupleroicnl d'un «•rantl nombre de blancs. Mi'is quel contraste rra])paMt entre les prin- cipes de colonisation suivis parles Espagnols, et ceux par lesquels la Grande-Bretagne a créé en peu d'aimées des villages sur la côte orientale de la Nouvelle-Hollande !

Les Indiens Rumsen et Escelcn partagent, avec les peuples de la race aztèque et avec plusieurs tribus de l'Asie septentrionale, le goût prononce pour les bains chauds. Les temazcalli que l'on trouve encore à Mexico , et dont l'abbé CLnioero a donné une fi;iure exacte ', sont de vrais bains de vapeurs. L'Indien aztèque reste étendu dans un four chaud, dont le pavé est constamment arrosé avec de l'eau. Les naturels de la Nouvelle- Calii'ornie , au contraire, prennent le bain que le célèbre Francklin recommandoit jadis sous le nom de bain d'air chaud : aussi trouve - t - on dans les missions , auprès de chaque cabane, un petit édîQce voûté en

forme

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lequel

éteint.

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des sens;

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sur son s^

Clavigero, II ^ p. 21 4.

t :

CHAPITRE Vin. 45 1

forme de temazcalli. En revenant de leur travail , îes Indiens entrent dans le Tour dans lequel , peu de moniens avant , le feu a été éteint. Ils y restent pendant un quart-d'heure, et lorsqu'ils se sentent tout trempés de sueur. Lis se jettent dans l'eau froide d'un ruisseau voisin, ou bien ils se vautrent dans le saJjle. Ce passage rapide du chaud au froid, cette suppression subite de la transpiration cutanée, que TEuropéen redouteroit avec raison , cause des sensations agréables à l'homme sauvage, qui jouit de tout ce qui le saisit ou l'excite fortement , de tout ce qui réagit avec violence sur son système nerveux.

Les Indiens qui habitent les villages de la Nouvelle-Californie s'occupent, depuis quel- ques années, à tisser les étoffes grossières de laine 'd\}Y*^\ées frisadasj mais leur occupation principale , celle dont le produit pourroit devenir une branche de commerce intéres- sante , est la préparation des cuirs de cerfs. Il me paroît intéressant de consigner ici ce que j'a pu recueillir dans les journaux ma- nuscrits du colonel Gonstanzo, sur les animaux qui habitent les montagnes entre San Diego et Monterey , et sur l'adresse particulière

29*

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ï*. :

4;r2 riviu-: iit ,

avec laquelle les Indiens savent prendre les cerfs.

Dans la Cordillère p^u élevée qui loni:;-e la cote, tle même (|ue dans les savanes q.ii l'avoisin^nt, on ne trouve ni bnlïle ni élan. Sur la crête des iiionta;,'nes qui se couvrent de neige au mois de lu*' embre , paissent seuls les hci-eiulos à petites cornes de chamois , dont nous avons parlé plus haut : mais toutes les forêts, toutes les plaines couvertes de ^Tanûnées sont remplies de troupeaux de cerfs à taille gigantesque , à bois rond et ex- trêmement grand.On en voit souvent quarante ou cinquante à la fois; ils sont d'une couleur brune , unie et sans tacbe. Leurs bois, d.>nl les empaumures ne sont pas aplaties, ont près de quinze décimètres ( quatre pieds et demi ) de long. Tous les voyageurs assurent que ce grand cerf de la INouvtile-Californie est un des plus beaux animaux de l'Amérique esr; gnole. Il diffère probal)lenient du i\'c(va/{/yh de M. Ilearne , ou de ïcl/t des habitans des Etats-Unis, dont les natuialistes ont fait mal à propos les deux espèces de cer> us cana- densis etdecervus stron^vlooei'os'. Ces cerfs

* Il r( gne encore beaucoup tl'imvrliluile sur les

caracld h's vvr\

CH.\P1T!\E VIII. 4"^^

lie la Nouvelle-Califoriûc , que l'on ne Irome pus dans l'ancienne, avoicnt dc\ii frappé le naA igalcur Sébastien Biseayno , quand il re- lâcha au port de Monlerey, le i5 décend)ie 1G02. Il assure « en avoir vu dont les l)ois «< avoient trois mclres (près de neuf pieds) « de lou»^iieur. » Ces renados courent a^ ce nne ra])idilé extraordinaire , en jetarât 1 j col en arrière, et cîi appuyant leur bois sur le dos. Les clievaux de la jNouvelle-Biscave , réputés excellens coureurs, sont incapa]>les de les suivre de près; ils ne les é^-alent di'iis la course qu'au nioinent l'animal, qui ne boit que très-rarement^ Aient d étanclier sa soif : c'est alois que , trop lourd pour déployer toute l'énergie de ses forces musculaires, il est atteint facilement. Le cavalier qui le pour- suit, l'abat en lui jetant un lacs, comme on fait , dans toutes les colonies espagnoles , avec les chevaux et les bœufs sauvages. Les Indiens usentd'un autre artifice très-ingénieux

caraclèrns spécifiques qui distinguent los grands et îcs pet ils cerfs {^peiiadon^ du nouveau continent. Voyez 1( s reelierches intéressantes de M. Cuvier, contenues dans son mémoir»' sur les os fossiles des rumiuans. {^AniialeH du AI naeuisi , auaée Vi ; p. ZiS'5.)

454 LIVRE III 5

pour s'approcher des cerfs et pour les luer. Ils coupent la tête à un vcnado dont les bois sonttrès-lon<^s;ils en vident le col, et le placent sur leur propre léte : masques de celle ma- nière , mais en même temps armés d'arcs et de llèclies , ils se cachent dans un bocage ou dans l'herbe haute et touiFue ; en imitant les mouvemens du cerf qui paît , ils attirent le troupeau , qui se laisse tromper par la ruse de l'homme. M. Gonstanzo a vu celte chasse extraordinaire sur les côtes du canal de Santa Barbara : les officiers embarqués dans les goélettes Sulil etMexicana, l'ont observée vingt-quatre ans plus tard , dans les savanes qui environnent Monlerc} '. Les énormes Lois de cerfs que Montezuma montroit comme des objets de curiosilé aux compagnons de Cortez, provenoieiit peut-être des vcnados de la Nouvelle-Californie. J'en ai vu deux, trouvés dans l'ancieri monument de Xochi- calco y et que l'on conserve dans le palais du \ice-roi. Mak'ic le ucude communicatio;! intérieure qui existoit au cjuinzicme siècle dans le royaume d'An:;huac, il ne seroit pas

en 1

suiv

* Via^e a Fucu , p. if)4.

CHAPITRE VIIT. 4^^

extraordinaire que ces I)ois de cerfs fussent venus, de mains en mains, dcpnis les 55 aux 20 degrés de latitude, de même que nous trouvons les beaux jades néphritiqnes du Brésil {jjwdras de Maluigini) chez les Caribes qui avoisincnt les bouches de l'Orénoqne.

Les établisseniens russes et espagnols élant jusqu'ici les seules colonies européennes qui existent sur la cote du nord-ouest de l'Amé- rique , je crois qu'il sera utile de faire rénuméralion de toutes les missions de la Nouvelle - Californie , qui ont été fondées jusqu'au commencement de l'année 1800. Cette notice détaillée devient surtout inté- ressante à une époque les habitans des Etats - Unis manifestent le désir d'un mou- vement vers l'ouest, vers ces côtes du Grand Océan , qui , opposées à la Chine , abondent en belles fourrures de loutres marines.

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Les missions de la Nouvelle - Californie suivent, du sud au nord, dans l'ordre dans lequel nous les indiquons ici.

San Diego , villa^ie fondé en 1769, à quinze lieues de distance de la mission la plus

45iG LIVRE III,

septentrionale de laVieillc-Calirornie. Popu- lation , en 1802, de i56o.

San Luis Rey de Fraincia, -village l'ondé en 1798. Population de 600.

Sain Juan Gapistrako y village fondé en 1776. Population de 1000^

San Gabriel, village fondé en 1771. Popu- lation de io5o.

San Fernando, village fondé en 1797. Popu- lation de 600.

San Buenaventura, village fondé en 1782. Population de 9^0.

Santa Barbara , village fondé en 1786. Po- pulation de 1100.

La Purissima Concepcion , village fondé en 1787. Population de 1000.

San Luis Obispo, village fondé en 1772. Population de 700.

San Miguel, village fondé en 1797. Popu- lation de 600.

SoLEDAD^ village fondé eu 1791. Population de 670.

San Antonio de Padua, village fondé en 1771. Population de io5o.

San Carlos de Monterey , capitale de la Nouvelle-Californie, fondée en 1770, pu

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CHAPITRE VÎII.

457

pied de la Cordillère de Santa Liicia , qui est couverte de chênes, de pins [foliis ternis ) et de rosiers. Le villas-e est cloiii'né de deux lieues du presidio qui porte le même nom. Il paroît que Cahnllo avoit déjà reconnu la baie de Monterey , le i5 novembre i542 , et qu'à cause desbeau^t pins dont sont couronnées les montagnes voisines , il la nomma la Bahin de Los Pinos, Son nom actuel lui fut donné, soixante ans plus tard, p'^r P^iscaino ^ en honneur du vice-roi de Mexico, Gaspar de Zuniga, comte de Monterey, homme actif, auquel on doit l'entreprise de «jurandes ex])éditions maritimes, et qui engagea Juan de Onate à la conquête du Nouveau -Mexique. Les côtes voisines de San Carlos produisent le fameux ormier de Monterey, qui, reciiereîié par les habitans de Noutka, est emjdoyé dans le conmicrce des fourrures de loutres. La population du village de San Carlos est de 700.

San Juaiv Baptista , village fondé en 1797. Population de 960.

Santa Ckuz , village fondé en 1794. Popu- lation <Be 44c>.

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45'8 LIVRE III,

Santa Clara, village fondé en 1777. Popu- lation de i3oo.

San José, village fondé en 1797. Population de 65o.

San Francisco , village fondé en 1776, avec un beau port. Les géographes coiiiondcnt souvent ce port avec le Port du Drake , qui est plus au nord, sous les 58*^ 10' de lati- tude, et que les Espagnols appellent le Puerto de Bodega. Population de San Francisco ,820.

On ignore le nombre des blancs j métis et mulâtres qui vivent dans la Nouvelle-Cali- fornie, soit dans les /^/Y/ÀvV/d^ç^ soit au service des religieux de Sainl-Francois. Je crois que leur nombre s'élève à plus de i5oo j car, dans les deux années de 1801 et de 1802 , il j eut, dans la cavité des blancs et des sang-mélé y 55 mariages, 182 baptêmes et 82 décès. Ce TivM que sur cette partie delà population que le gouvernement pourroit compter pour la défense dcj cûlos, au cas d'une attaque mili- taire qui seroit tentée par quelque puissance maritime de l'Europe.

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CHAPITRE VIII. 4^9

Récapitulation de la population totale DE LA Nouvelle-Espagne.

Indigènes ou Indiens :-',5oo,ooo

T)i T- 1 (Créoles, i,oii5,ooo) r-

lîlancs ou Espagnols^ > 1,090,000

(Europ. , 70,000)

Nègres Africains 6,100

Castes de sang-mêlé 1, 23 1,000

Total 4,832,100

Ces nomferes ne sont que le ri'sultat d'un caleul par approximation. On a cru devoir s'arrêter à la somme totale énoncée plus haut, p. îoi.

46o

LIVRE III

h. '%«%^'%<^' «.'^^''«^

Après avoir tracé le tableau des provinces qui composent le vaste empire du MeAif[ue, il nous resîe à jeter un coup d'œil rapide sur les cotes du Grand Océan , qui , depuis le port de San Francisco , et-*depuis le cap Mendo- cino, s'étendent jusqu'aux établisseniens russes fondés dans la baie du prince Guillaume (^Prince WilUiuits Sound),

Ces cotes, dès la fin du seizième siècle , ont été visitées par des navigateurs espagnols ; mais ce n'est que depuis l'année ijji <l"c les vice-rois de la Nouvelle-Espagne les ont fait examiner avec soin. De nombreuses expédi- tions de découvertes faites depuis les ports d'Acapulco, de San Blas et de Monterej, se sont suivies jusqu'en 1792. La colonie que les Espagnols ont tenté de former à Noutka, a fixé pendant quelque temps l'attention de toutes les puissances maritimes de l'Europe. Quelques hangars construits sur la plage, un misérable bastion défendu par des pierriers, quelques choux plantés dans un enclos, oirt manqué d'exciter une guerre sanglante cnlre

CHAPITRE VIII. 4^*

l'Espagne et l'Angleterre, et ce n'est que par la destruction de l'établissement fondé à Vile de Quadra t't de fancouver ^ que le tays ou prince de JNoutka, Macuina, a conser\éson indépendance. Depuis l'anné».* 1786, plusieurs nations de l'Europe ont fréquenté ces parages pour y faire le commerce des fourrures de loutres marines ; mais leur concurrence a eu des suites désavantageuses pour eux-mêmes et pour les naturels du pays. Le prix des fourrures , en renchérissant sur les cotes de l'Amérique, a énormément baissé à la Chine. La corruption des mœurs a augmenté parmi les Indiens. En suivant la même politique qui a ensanglanté les côtes africaines , les Euro- péens ont cherché à tirer parti de la discorde des taj's : plusieurs matelots, et les plus dé- bauchés, ont déserté leurs vaisseaux pour s'établir parmi les naturels du pa^'s. A Noutka, comme aux îles Sandwich , on observe déjà im mélange affreux de la barbarie primitive avec les vices de l'Europe policée. Il est difiî- cilt de croire que ces maux réels aient été compensés par quelques espèces de légumes de l'ancien continent, que les voyageurs ont transplantées dans ces régions fertiles , et qui

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figurent dans la liste des bienfaits dont les Européens se vantent d'avoir comblé les liabi- tans des îles du Grand Océan.

Au seizième siècle , à celte époque glorieuse la nation espagnole, favorisée par une réu- nion de circonstances extraordinaires, déploya librement les ressources de son génie et la force de son caractère , le problème d'un passage au nord-ouest y celui d'un chemin direct aux Grandes Indes, occupa l'esprit des Castillans avec la même ardeur avec laquelle d'autres nations s y sont livrées depuis trente à qua- rante ans. Nous ne citons point les voyages apocryphes de Ferrer Maldonado y de Juati de Fuca Qi (}lq Bartohmiè Fonte y auxquels, pendant long-temps , on n'a donné que trop d'importance. La plupart des injpostures débi- tées sous le nom de ces trois navigateurs , ont été détruites par les recherches pénibles et les savantes discussions de plusieurs oflîcie ^ de la marine espagnole ". Au lieu d'alléguer des

* Mémoire de Von Ciriaco Ctvalljs. Recherches faites dans les archives de Séville , par Don Augustin Cean. Introduction historiqne au Voyage de Galiano et Valdes , p. 4g-56 , et p. y6-S5. Malgré toutes mes recherches, je n ai pas pu découvrir dans la Nouvelle-

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noms presque fahiileiix , et de nous pcrtlie dans 1 incertitude des lij j)(»tlièscs, nous nous contenterons d indl(|uer rt; cpii est ineonlcsta- blenienl prouvé par des doounieiis liistoiiqucs. Les notices suivantes, qui sont liiées en partie des mémoires nianusciits de Don Antonio Bouilli et de M. Gasasola, conservés dans les archives de lu vice-royauté de i\Iexico , présentent des ("ails dont le ra])proehement pourra fixer l'attention des lecteurs. Dé- ployant, pour ainsi dire, le table;ni varié de l'activité nationide , tantôt réveillée , tantôt assoupie, ces notices oQViront de l'intérêt à ceux même qui ne croient pas qu'un pays habité par des hommes li!)res appartient à la nation européenne qui l'a vu la première.

Les noms de Cahrillo et de Gali sont devenus moips célèbres que ceux de l^'ucji et de Fonte. La vérité , dans le récit d'un ttsivigateiir modes re , n'a ni le charme ni Iq pouvoir* qni acco m patinent Tillusion. Juan Rodri^iwz Cahrillit Aisila les cotes de la ^ouvt-'lW -GaliCornie jusqu'aux 07*^ lo', ou jiKqu'à b Punta del Alio Nucvn , au nord

Espagne un srttl document <lans Irqual le pilote Fuca ou 1 mirai Font»; fussent nomnu';».

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de Montcroy. II périt (le 5 janvier lo.pj) à l'île de San Bernai do , près du eau i de Santa Barl)ara ; mais son pilole, Barti^lomè Ferrelo, eonliniia ses déeoa\ertes au nord, juscjn'aux 45" de latitude, il \it les eoles du Cap Blane^ que Vancouver appelle le Ca.p Orford.

Francisco Gall , dans son voyage de Maeao à Ae^puleo, découvrit, en 1^82, la Oolc du nord-onest de rAniérique , sons ks 67" ^n'. 11 admira, ainsi que lois ceux (]«ji api es lui ont >isité la iS ouvclic-ContoiKullc ^ la bcanlé de ces nionta;^ncs colossales dont la cime est couveile de nei-jcs éternelles , tandis que leur pied est orné d'une belle végétation. En corrigeant " les anciennes oh- Nervations par les nouvelles, dans des endroits dont l'identité est reconnne , on trouve que Cali côtoya une partie del'Arcliipel du prince de Galles ou de celui du roi George. Sir

* Sutvanlle niamiscrll conservé ({AXXsWirchwo rrcueral de Iiulias , à Madrid.

" Ces corrcclloiis ont déjîi été appliquions dans cet ouvrage , partout Ton cite les latitudes auxquelles les anciccKs navigateurs se sont élevés. ( Viage de la Siitil f, p. 7>\.)

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Francis Drakc, en i-ijS, n't'ioit parvenu que jusqu'auv 48" de lulilu<lc au nord du cap Grenville , dans la iNouvolle-Géorgie.

Des deux expédition': (\\w. Séhustien Vis- cayno entreprit en i5()6et 1G02 , la dernière seule lut diii«^ce aux cotes de la Nouvelle- Caliroruie. Trente - deux cartes rédig-ées à Mexico, par le cosniograplielIonriMai linez', prouvent que Viscayno releva ces cotes avec plus de soin et plus d'intelligence que jamais pilote ne Ta voit Tiiit avant lui. Les maladies Je son équipage, le manque de vivres, et la rigueur extrénu.' de la saison, rempéclièrent cependant de s'élever au delà du cap Saint- Sébastien , situé sous les [y^^ de latitude , un peu au nord de la baie de la Trinité. Un seul bâtiment de l'expédition de Viscayno, la frégate commandée par Antonio Florez, dépassa le cap Mendocino. Elle parvint sous les 4^" de latitude , à l'embouchure d'une rivière qie Gabrillo paroît déjà avoir re- connue en 1543, et que l'enseigne Martin de Aguilar crut être l'extrémité occidentale

Le même don t. nous avons parlé plus haut (p. 207), traçant l'histoire du Denague Healde flue/iuetuca»^ H. 3o

^C)G Li\ p.i: Tfî ,

tlu dôlroit crAiiiùii '. 11 ne l'auL p:i.s coiif,jnclre Cille enti(''e ou rivière d'ALiiiilar, que Von n'a pu retiou^er de nos temps, avec l'eni- Loueliure du IVio Colojid^ia ( lat. /|G«» lo' ) , qui est devenue célèbre par les V(>^a;;es de Vancouver, de Gray cl du capitaine Lewis. Avec Gali cl Viseajno, finit l'époque bril- lanle des découvertes que les Espa«^nols ont l'ailes anciennement sur la cote du nord-ouest de l'Amérique. L'histoire des navigations exécutées dans le courant du dix-septième sii'cle y et dans la première moitié du dix- liuilième , ne présente aucune expédition ûlrî"ée des cô:"S •! a .Mexique vers ce littoral innnense , qui se prolonge depuis le cap Mendocino juscpi'aux conHns de l'Asie orien- tale. Au lieu du pavillon espagnol ^ on ne vit flotter dans ces parages que le pavillon russe, arboré en ij/^i , sur les vaisseaux que

» Le déU'oit d'Aiilan , que plusieurs géographes confuutlonl avec le «.léU'oil tlo Btring , tlésigaoil au sci/iciue siècle le déU'oil de nu<!son. Il prit soii nom d'au des deux frères endjarqués sur le vaisseau du Gaspar de Corlereal. Voyez s ivtherclics savantes <uie M. de l'ieurieu a cunsiguées dans rintroduclion lïisloriquu du y^oya^a de Marchand , T. 1, p. 5.

CHAPITRE VIIT. L\6n

conimaiuloiciit (lcu\ inlrépUes iK-vigaleurb , Beriiii»' et Tscîiiricow.

Enfin, après une interruption de près de cent soixante-dix ans , la cour de Madrid fixa de nouveau ses regards sur les eûtes du Grand Océan : mais ce n'étoit pas le désir seul de faire des découvertes utiles aux sciences! qjii réveilla le gouvernement de sa léthargie; c'étoit plutôt l'inrpiiétude d'être attaqué dans ses possessions les plus septentrionales de la ]SiOuvelle-î']spagne ; c'étoil la crainte de voir naître des étal)lissemens européens rappro- chés de ceux de la Calirornie. De toutes les expéditions espagnoles ^ entreprises depuis l'année 177 4 jusqu'en 179'i, il n'y a que les detix dernières qui aient porté le vrai ca- ractère d'expéditions de découvertes : elles ont été conuiiandées par des oniciers dont les travaux annoncent des connoissances étendues dans l'astronomie nautique. Les noms d'Alexandre Malaspina , de Galiano , Espinosa , Valdes V^ernaci , tiendront à jamais une place honorahle dans la liste des navi- gateurs instruits et intrépides auxquels nous devons des notions exactes sur la cote du nord-ouest du nouveau continent. Si leurs

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4G8 LIVRE III,

prédécesseurs n'ont pu donner la nit^inc perfcclion à leurs opérations , c'est que , parlant des porlsdeSan Blas ou de 3louterey, ils se sont trouvés dépourvus d inslriuneus et d'autres moyens que fournit l'Europe civilisée.

La preuiière expédition importante qui fut faile depuis le voyage de Visea)^no , est celle de Jitrfn Pc/vz y qui conimandoit la corvette Santiago, appelévO jadis la ISitwa Gulicin. Comme ni Cook , ni Ikirrington, ni M. de Fleurieu , ne paroissent avoir eu con- noissance de ce voyage important , je consignerai ici plusieurs faits , tirés d'un journal * manuscrit que je dois aux bontés de Don Guillermo Aguirre , membre de l'audience de Mexico. Ferez , et son pilote Esteban José Martinez , sortirent du port de San Blas le 24 janvier 1774- Ws avoient l'ordre de reconnoître toute la cote, depuis le port de Saint-Charles de Monterey jusqu'aux

* Ce journal a élé tenu par Jeux religieux , Fray Juan Crcspi et Fray Tonias de ta Pona , embarqués sur la corvetle Sanliago. On peut compléter par ces détails ce qui a élé publié dans le Voyage de la Sulil , p. 92.

CTIVT'ITT^E VIIT.

Go" de lalitiule. Av.-mi louché à "Nïonlc'.cy, ils iiiiient de nouveau à la voile le 7 juin. Ils dccouviircnl , le 20 juillel , l ilo de la Marguerite (fjni est la pointe nord-ouest de l'île de la reine rjlKiilolle), et le délroit ' qui sépaie celle ile de celle du prime de Galles. Le q août, ils niouillcrenl, les prcniicrs de tous les navii^atciirs cnmpec/is , tians la rade de Noulka, tpi'ils appcKrenl le port de San Loiviizo , et que l'illustre Cook, quatre ans plus tard , nonuna Kiiig (Jcnr^e's Sound. Ils firent un commerce d échange avec les Indiens , parmi lesquels ils virenl du fer et du cuivre. Ils leur donnèrent des haches et des couteaux pour acquérir des peaux et des fourrures de loutres. Perez ne put point aller à terre; le mauvais temps et une mer grosse et clapoteuse l'en empêchèrent; sa chaloupe manqua même de se perdre en essayant d'atlérer : la corvette fut ohli^-ée de couper ses cahles et d'al^andonner ses ancres pour 2f«'ï2'ner le lar-jfc. Les indi;'ènes volèrent plusieurs objets apparfenans à M. Perez et à son équipage , et celle circonstance , rap-

* La Entrada de Perez , des caries espagnoles.

470 II VUE HT,

portée dans le journal du ric^re Crespi . sert à résoudre le f.imeux problème des euillères d'argent de fabrique européenne , que le capitaine Cook y trouva en 1778, entre les mains des Indiens de Noulka. La corvelle Santifif^o retourna à Monterey , le 27 août 1774, après avoir fait une campagne de huit mois.

L'année suivante , une seconde expédition sortit de San Blas , sous les ordres de Don Bruno Ilccela , Don Juan de Ajala j et Don Juan de la Bode^a j Quadra. Ce voyage, qui a singulièrement avancé la découverte de la côte du nord-ouest, est connu par le journal du pilote Maujvllc, publié par M. Barrington , et joint aux instructions que reçut l'infortuné Lapeyrouse. Quadra découvrit l'embouchure du Rio Colombia, qui fut appelée enivée de Heceta , le pic de San Jacinto ( Mount Edge- cumbe), près de la baie de Norfolk, et le beau port de Bucarcli (lat. 55<* 2/i' ), que, par les recherches de Vancouver , nous savons appartenir à la cote occidetitale de la grande île de l'Archipel du prince de Galles. Ce port est environné de sept volcans, dont les cimes, couvertes de neiges perpétuelles,

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jt'Kcnl (1rs flammes cl (îcscondros. ^\. On.ulra V lr()^^a un jjrand nombre de cliiens donl les Indiens se scrvoienl ponr la eliasse. Je possède deux petites cartes ' assez enrienses, j^ravccs, en J78(S, à la ville de Mexico, et rpii pn^- senlent le ;j;'isenjcnt des cotes , dcpnis les 17'» jnsrpi'anv ;)S" de lalitnde, tel rpj'il a^oil élt» reconnn d;tns rcM)(''dilion deOnadra.

La cour de 31adrîd ordonna, en 177G, au

* Caria i^eor^rafra de la rosfa orcicîcvtal de la dili^ forv'a siti'oda al norledc la licrta sohre cd marAsIatim, <iuc se disciihrio m los anns de 17 69 y 1775, por el ii'niimle de ria\}o Don Jiiau J^ranc/.fco de Bodega y Quadra, y par el al ferez de f ravala Don José Cahizares, d'sde luH 17 ha- ta Ion ôSgrados. Sur cette carte., la côle |>aroîl presque sans eiUrécs et sans îles. On y r»;raarque rEiiscnnda de Ezeta (Rio ColomMa) et rentrée de Juan Penîz , mais pas le nom du port de San liOrenzo (^Voullta), vu par le même Perez , m 1 774. I^lan del gran Puerto de San Fraucinco, dis( U' hierto por Don Jase de Cahizares en el mar rtsiatiio. Vancouver distiii^^ue les ports de Saiiil-fVnnrois , de Sir Francis Drake et de liodcga , comme trois ports dillenîtis. M. de Fleurieu les n j;arde comme i<ieii- tiqut.'S ( l^oyage de Marchand , Vol. I , p. ^^ ). Qua<lia croit , comme nous l'avons observé plus haut , q'ie Drake mouilla au port de la Bodega.

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472 LIVBK III,

\'k'C-roi duMcxi(|iuîde|)r('[)ar(*r une nouvelle expédition pou rrct'on I iDÎtro Jl's cotes (le l'A nic- rique jusqu'aux 70" dc^^rés de latitude boréale. On construisit, à cet ellét, à Ciuayaquil, deux corvettes, la P vin cessa cl la Favori la j mais celle construction éprouva tant de retard, que l'expédition commandée parQuadra et Don Ifiacio Arteagîi , ne put mettre à la voile au port de San Dlascjuele 11 février 1779. Pen- dant cet intervalle, Gook avoit visité ces mêmes côtes. Quadra et le pilote Don Francisco Maurellc reconnurent avec soin le port de Bucareli ,1e mont Saint-Elie, l'île delà Magda- lena, appelée par Vancouver l'île Hincliin- brook (lat. 60" 26' ), située à l'entrée de la baie du prince Guillaume , et l'île de Régla , qui est une des îles stériles dans la rivière de Gook. L'expédition retourna à San Blas , le 21 novembre 1779. Je trouve dans un manus- crit que je me suis procuré à Mexico, que les roches schisteuses cjui avoisinent le port de Bucareli , dans l'île du prince de Galles , con- tiennent des filons métallifères.

La guerre mémorable qui donna la liberté à une grande partie de l'Amérique septen- trionale, empêcha les vice-rois du Mexique

CHAPITRE VIII. 473

de poursuivre les eiilrrpriscs de déeoinerlcs aiinord du eijpMendoeiiK). La eour de Madrid ordonna de suspendre Jes exj)édili()ns aussi lonj^-teni])s cpie d»ireroient les lioslililés qui avoienl éelalé entre ri'^spjione cl rAn«;lelerre. Celte interruplion se ])rulon;^ea uierne lon^^- temps après la ]>Ki\: de Versailles, et ce n'est qu'en ij88que deux haliniens espagnols, les frégales la Priiiccssa et le paquet-bot S<in Carlos , commandés par Don Tlsloban Mar- tiiii'z oXDon Gonzalo Lopcz de ffaro , soilirent du port de San Blas, dans le dessein d'examiner la position et l'état des établissemens russes sur la cote du nord-ouest de l'Amérique. L'existence de ces établissemens, dont on ne paroît avoir eu connoissance à Madrid que depuis la publication du troisième voyage de l'illustre Cook, inquiétoit vivement le gou- vernement espagnol : il vit avec peine que le commerce des pelleteries attiroit des vaisseaux anglois, l'raneois et américains, sur une cote

qui

avant le retour du lieutenant Kin"* à

Londres, avoit été aussi peu fréquentée par les Européens que la terre de Nujts ou celle d'Endracht, dans la Nouvelle-Hollande. L'expédition de Martinez et de Iliuo dura

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depuis le 8 mars jusqu'au 'S clccenibre 1788. Ces na>i;^a leurs firent clireelemeiil roule de San nias à l'entrée du piinee Gnill.iMue. cjue Jes llusses a|)[)ellent le i^o/Jr Tscliui^dtslydjd ; ils >isilèrcnt la rivière de Cook , les îles Kiclitnh (Kodiak), Sr/n/f/tn^in y LniDiiik et llnalitschka (Onalaska): ils furent traités très-aniiealenient dans les differenles f'aetore- ries russes qu'ils trouvèrent établies dans la rivière de Cook et à Unalaselika , et ils eurent même eommunieation de plusieurs eartes que Jes Russes avoitnt dressées de ces parafes. .T'ai trouvé danslesareliivesde la vice-rovauté

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de Mexico, un jjfros volume in-folio, portant le titre de Rcconocimieutn da los quatro esta- blacimwnlns riissns al norte de la Calljorniaj Itccho en 1 788. Le précis historique du ^ oyage de Martinez , que présente ce manuscrit , ne fournit cependant que très-peu de données sur les colonies russes dans le nouveau conti- nent. Aucun homme de Téquipage ne possé- dant un mot de la langue russe , on ne \m\ so faire entendre que par des sigres. On Avoit oublié, en entreprenant cetle expédi^i(>n VAn- taine, de faire venir un interprète d'Euroj)e. Le mal qui en résultoil étoit sans remède :

cHArimn vin. /j-^.'»

iV.'Mllcurs, M. Marliiicz îmroil ru tinlanl <lo peine à trouver un llnssc cl.ins tonic l'Anu- ii([nc espagnole, (pi'euinoil en 8ir (jeort^c Slaunlon pour th'eouM'ir \in (Jliinois en An- gleterre ou en Franee.

Depuis les voyages de Cook , Dixon , Porllock , Mears el Dnncan , les Muroptcns comniencërenl à eonsidércr le porl de Noulka roniiue le uiarehé prineipal des pelleteries de la eôle du nord-ouest de l'Ainéricjue. Celle considération engagea la eour de Ma(«rid à faire, en i/iSj}, ce fpi'elle auroit exéeulé plus fjeilenient cpiinze ans plus lot, inimé- dialenient après le voyage de .Juan Ferez. M. Miirtincz y fjui venoit de \isiter les l'aelo- reries russes , reeut l'ordre de faire un éta- blisseuienl stable à Noulka , et d'exanûner avee soin la partie de la cote qui est comprise entre les 5o''etles 'SïV* de latitude, et que le capitaine Cook n'avoit pas pu relever dans le cours de sa navigation.

Le port de Noulka se trouve sur la cote orientale d'une île qui , d'après la reconnois- sance faite en 1791, par MM. Esjfinosa et Cevnihsy ix vingt milles marins de largeur, et qui est séparé par le canal de Tasis de

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4;^ LIVRE HT,

la grande île appelée aujoiircrhui \Isle de Qundra et de V unconvev. Il est par consé- quent a»?ssi faux d'avancer que le port de Noutka, désigné par les indigènes sous le nom de Yucuatl , appartient à la grande île de Quadra, qu'il est peu exact de dire que le cap de Horn est l'extréniilé de lu Terre-de-Feu. Nous ignorons par quel malentendu l'illustre Cook a converti le nom de Yucuatl dans celui de Noutka , ce dernier mot étant inconnu aux naturels du pays, et n'oftrant même aucune analogie avec les mots » î leur langue, sinon avec celui de noutcliiy qui si^m^ie montagne '.

* Mé7noire de Don Francisco Mozino. L'auteur estimable éltàt un des botanistes de l'expédition de M. Sesse, et séjourna à Noutka avec M. Quadra, en 1792. Cherchant à me procurer le plus de rensei- gnemens possibles sur la côte du nord-ouest de l'Amé- rique septentrionale , je fis , en i8o3 , des extraits du manuscrit de M. Mozino , que je devois h Taraitié du professeur Cervantes , directeur du jardin botanique à Mexico. J'ai vu, depuis , que le même mémoire a fourni des matériaux au savant rédacteur du Viage de la Sutil, p. 123. Malgré les renseignemens exacts que l'on doit aux navigateurs anglois et françois , il seroit encore très- intéressant de publier en françois les observations que M. Mozino a faites sur les mœurs des

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CHAPITRE VIII. 4 "J'y

Don Esleban Martinez, commandant la fré- gate la Priiicessa et le paquet-bot Sun Carlos, mouilla clansle portdeNoutka, le 5 mai 1789. Il fut reçu avec beaucoup d'auiilié parle chef Macuina , qui se souvenoit très-bien de l'avoir vu avec M. Ferez, en 1774» et qui montra

indigènes de Noutka. Ces obserralions emhrasst^nt un grand nombre îl'objels curieux; savoir: la réunion du pouvoir civil et sacerdotal dans la personne des princes ou i^ys; la luUe qui existe entre le bon et le mauvais principe qui gonvornent le monde , entre Quautz et Matiox -, l'origiric de l'espèce humaine à une époque les cerfs étoient sans bois , les oiseaux sans ailes et les cbitns sans queue ; l'Eve des Nout- kiens,qui vivoit solitairement dans un bosquet fleuri de Yucuatl , lorsque le dieu Quautz la visita dans une belle pirogue de cuivre ; l'édupalion du premier homme, qui à mesure qu'il grandît , passa d'une petite coquille à une plus grande ; la généalogie de la noblesse de Noutka , qui descend du fils aîné de cet homme élevé dans une coquille, tandis que le peuple (qui même dans l'autre monde a un paradis à part , appelé pinpula) n'ose faire remonter sou origine qu'à des cadets de famille; le système calendaire desNoutkiens, qui repose sur un commencemenl de l'année au solstice d'été , sur une division de l'année eu quatorze mois de vingt jours , et sur un grand norab: a de jours inter- calaires qui s'ajoutent à la fin de plusieurs mois, etQ., ete.

478 LIVRE III,

même les l)elles eoqnilles de Monterey, dont on lui avoit luit présent à celte époque. Macuina , le tnjs de File de Yucuatl , a un pouvoir absolu; c'est le Montezuma de ces contrées, et son nom est devenu célèbre parmi toutes les nations qui font le conniierce des pelleteries de loutres marines. J ignore si ?Ia- cuina vit encore ; mais nous sûmes à Mexico , à la fin de l'année i8o3, par des lettres de Monterey , que plus jaloux de son indé- pendance que le roi des îles Sandwich , ({ui s'est déclaré vassal de l'Angleterre , il cher- choit à acquérir des armes à feu et de la poudre pour se défendre contre les insultes auxquelles il etoit souvent exposé de la part des naviga- teurs européens.

Le port de Santa-Cruz deJSoutka (appelé Puerto de S an Loreiizo par Ferez, elFrie/id/}- coi^e par Cook) a sept ou huit brasses de fond : il est presque fermé au sud-est par des îlots, S'arlun desquels Marlincz établit la ballerie de San Miguel. Les montagnes, duns Im- térieur de l'île, paroissent composées de thonschlefer et d'autres roches priniilives. M. Mozino y découvrit des liions de cuivre et de plomb sulfurés. A un quart de lieue du

CHAPITRE VIII.

4:9

S'

I.

port j près d'un lac , il crut reconnoître , dans iHie ainygdaluïde poreuse , les cllets du l'eu volcaniaue. Le climat de Noulka est si doux , que sous une latitude plus septentrionale que celle de Québec et de Paris, les plus peliles rivières ne grêlent pas avant le mois de janvier. Ce phénomène curieux confirme les observa- tions de IVlackenzie * , qui assure que la cote du nord-ouest du nouveau continent a une Icnqîérature beaucoup plus élevée que les cotes orientales de l'Amérique et tle l'Asie situées sous les mêmes parallèles. Les liabi- tans de Noutka , comme ceux de la cote sep- tentrionale de la Norwège, ne connoissent presque pas le bruit du tonnerre. Les explo- sions électriques y sont infiniment rares". Les

* f^oyftge de Mitchenzle ,iva.dn'ii l^^irCi^^inu. Vol. llt^ p. 33n. I-es Iwilkiis c|ui avoislnent la côt«î du iioal- ouost , ont uièinè cru observer que d'année en auuée les Invers y deviennent plus doux. CeUe douceur du climat paroît être l'effet des vents d'ouest qui passent au-dessus d'une étendue de merconsidérahle. M. ivlac- keiizie croit d'ailleurs, comme moi , que le elianj^oment de climat observé dans toute FAmériqu*! septentrio- nale , ne peut pas être attribué à de petites causeaj locales , par exemple à la deslructiou des iorcli».

* Vol. II; p. 33S.

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48o LIVRE TU,

collines sont couvertes de pins, de chênes, de cyprès et de belles touffes de rosiers, de vaccinium et d'andromèdes. Le joli arbuste qui porte le nom de Linné n'a été découvert par les jardiniers de Texpédition de Van- couver , que dans des latitudes plus élevées. John Mears , et surtout un officier espagnol , Don Pedro Alberni, ont réussi à Noutka dans la culture de tous les légumes d'Europe : le maïs et le froment n'y donnèrent cependant jamais de graines miires; une trop grande force de végétation paroissoit être la cause de ce phénomène. On a observé parmi les oiseaux de l'île de Quadra et de Vancouver, de vrais colibris. Ce fait, important pour la géographie des animaux, doit frapper ceux qui ignorent que M. Mackenzie a vu des colibris aux sources de la rivière de la Paix, àous les 54*^ 2l\' de latitude , et que M. Galiano en vit à peu près sous le même parallèle austral , dans le détroit de Magellan.

Marti nez ne poussa pas ses recherches au delà des 5o" de latitude. Deux mois après son entrée au port de Noutka , il vit arriver un vaisseau anglois , l'Argonaute , commandé par James Golnet, connu par ses observations

I

CHAPITRE VITI. 4^'

faites aux îles Gal;«pa;j;os. Coliict manilosla au navigateur espaguul loi dre ([ue son gou- vernement lui avoit dv)nné , d établir une factorerie à JNoutka, d'y construire une fré- gate et une goélette , et d'empêcher toute autre nation européenne de prendre part au commerce des pelleteries '. M.irtinez ré- pliqua en vain ([ue, lotig-^'^nps avant Gook , Juan Ferez avoit mouillé dans ces parages. La dispute qui s'éleva entre les commandans de Vyirgnnaitte et de la Pvincessa , manqua de causer une rupture entre les cours de Londres et de Madiid. Marlinez, pour faire valoir la priorité de ses droits , employa ua moyen violent et peu légitime : il arrêta M. Golnet , et l'envoya , par San Blas , à la ville de Mixico. Le véritable propriétaire du terrain de Noutka , le tays Macuina , se déclara prudemment pour le parti vainqueur; mais le vice-roi , qui crut devoir lialer le rappel de Martinez, exj)édia, au commen-

* Il s'étoit formé en Angleterre, dès 1 anné»^ 1^85, \ compagnie dr ISoiUka , s us le nom the King Geurge's Sound Company; on avoit même le projet de former à Woulka une colonie angloise semblable à celle de la NouYclle-Hoilande.

II. 3i

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MVT.E HT

remcnt de l'année 1790. trois autres hati- nieiis armés vers la cote nord - ouest de l'Amérique.

Don Francisco FAlsa et Don Sahador Fiihil^o , frère de l'astronome qui a relevé les cotes de l'Amérique méridionale ', depuis la 15ouclie du Dragon jusqu'à Portobello, commandèrent celte nouvelle expédition. M. Fidalo'O visita l'entrée de Cook et la baie du prince Guillaume ; il compléta la recon- noissance de ces parages, que l'intrépide Vancouver a examinés plus tard. Sous les 60" 54/ de latitude , à l'extrémité septentrio- nale de Prince William' s Sound, M. Fidalii'O fut témoin d'un phénomène probablement volcanique, et des plus extraordinaires. Les indigènes le conduisirent dans une plaine couverte de neige , il vit de grandes masses de glaces et de pierres s'élancer à des hauteurs prodigieuses , et avec un fracas épouvantable. Don Francisco Elisa resta à Noutka pour agrandir et pour fortifier l'éta- blissement que Martinez avoit fondé l'année

» Yo-^ei mon Recueild' Obsenations astrotioîniques , •oi, 1 , Liv. I.

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Les opérations exécutées Zm, ''^"

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484 LIVRE Ht 5

ordres , embrassent une étendue de cote immense, depuis l'embouchure du Rio de la Pluta jusqu'à l'entrée du prince Guillaume: mais cet habile na>i<,''aleur est devenu encore pliis célèbre par ses malheurs que par ses découvertes. Après avoir parcouru les deux hémisphères , après avoir échappé à tous les dangers d'une mer orageuse , il en a trouvé de plus grands <lans une cour dont la faveur lui est devenue funeste. Victime d'une intrigue politique, il a gémi pendant six ans dans un cachot. Le gouvernement françois a obtenu sa liberté. Alexandre Mahispina est retourné dans sa patrie : c'est là, sur les bords de XAviio, qu'il jouit dans la solitude , des profondes îjupressionsque laissent dans une Ame sensible et éprouvée par le malheur, la contemplation de la nature , et Tétude de l'homme sous les climats divers.

Les travaux de Malaspina sont restés en- sevelis dans les archives , non parce que le gouvernement redoutoit de voir révéler des secrets qu'il pou voit croire utile de cacher , mais parce que le nom de cet intrépide na- vigateur de voit être livré à un oubli éternel. Heureusement la direcliou des travaux hj-

1

CHAPITRE VIII.

485

drographiqiies ( Dcposito hiclro^vaficn de Madri(l') a l'ait jouir le piihlic des prînripiiix résultats qu'ont fournis les ohservnlions asiro- noniiques laites pendant le eours de l'expé- dition de 3Ialaspina. Les caries niarines qui ont paru à Madrid depuis l'année i79<), se fondent en grande parlie sur ces résultats iniportans; mais au lieu du nom du chef, on y trouve seulement celui des corvettes, la Dcscubierta et la Atttviila , que iMalaspina a commandées.

Son expédition % qui étoit partie de Cadix le 5o juillet 1789, n'arriva au port d'Aca- pulco que le 2 février 1791. A celte époque la cour de Madrid hxa de nouveau son attention sur un objet qui avoit été débattu au commencement du dix-septième siècle, sur le soi-disant détroit par lequel Lorenzo

!!«

* Ce dépôt a été établi par un ordre royal , le 6 août 1 797.

" Extrait d'un journal tenu à hord de la A t revida , manuscrit conservé dans les archives de Mexico. ( Viage de la Sutil , p. i i3-i a"^. ) M. Malaspina , avant l'expédition entreprise en 1789, avoit déjà fuit le tour du globe, dans la frégate V Adirée j destinée pouï' Mauille.

48(5 LIVRE III,

Ferrer Maklon.'ulo prétcndoit avoir passé , en jr)88, des eùles du Labrador au Cir;:iid Oecan. Un niénioiic que M. Buaelic \('uoit de lire à l'Aradéniie des seienees , aM)il Tait renaître l'espoir de l'exislenee de ee passa;^e. Les eorA elles la Deseul)ierla el l'Alrcvida reeurenl l'urdre de s'élever à de liaules latitudes sur la eùle nord-ouest de l'Amérique, et d'examiner tontes les passes et enirées qui interrompaient la continuité du litloial entre les 58*^ el Go" de latitude. Malaspina , ae- compagné des botanistes liaL'nke et Née / mit à la voile à Acapuleo , le i.*^ mai de l'année 1791. Après trois semaines de navi- gation, il altéril sur le cap de Sainl-Bartho- lomé , qui avoit déjà été reconnu en 1776 par Quadra ; en 1778, par Cook ; et en 1786 , par Dixon. Il releva la côte, depi is la montagne de San Jacinto ^ pièc. A\\ cap Edgecumbe ( Cabo Encauo ^ lat. 07*' 1 ' 5o'') jusqu'à l'île Monlagu, vis-à-vis l'entrée du Prince Guillaume. Pendant le cours de cette expédition, la longueur du pendule, Tincli- naison et la déclinaison magnétiques lurent déterminées sur plusieurs points de la côte. On mesura avec beaucoup de soin l'élévation

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<los inonla^mrs de Sl.-I^lic et du Pxmm- Tnips ( C'crm de fincn 'DcntfX} , ou Mail lit l')iir- ivndt/icr) , qui sont les cimes pi'iii('i|);iles cliî la (iordillère (Ju Noiixcau-iMoirolIv. La «on- noissanco {\c leur liauleur ' et celle «le leur ]»i>silion ])euvent être d'un ;^i'aii<l secoiiis aux na\i:^alenis , lorsque, peiuLuil d(\s se- in;iines eulirres , le niau\ais leinps les eni- pèclie d'obseiNer le soleil ; car à l.i vue de ces pics, à So ou H)o milles de distance , ils peuNcnt fixer le lieu de leurs vaisseaux- j)ar de simj)les relèvcmens , el par des angles de lia u leur.

Après avoir clicrclié inutilement le détroit indiqué dans la relation du voya«^c apocryphe de Maldonado; après avoir séjourné au port de Mulgrave, dans la baie de Bering" ( lali- tude 69" 54.' 20'') , Alexandre 3Ialaspina lit

* L'expédition do M.nlaspina trouva la liajiJ.^iir du Mont Sdhit-Elte de 544 1 mètivs((î5o7,^i vaiM s); rrllc di' MouiiL Fairi.v(>ather , de 4484) m( trrs (5.'?^)8,.'5 varos) : par conséquent, l'élévation de la preiriière tie ces deux montagnes se rapproche de celle du (^oiopaxi ; l'élé- vation de la seconde égale presque celle du Mont Rose. Voyez T I , p. 28*? y et ma Géograp/iie den i^lauleH , p. i53, édil. in-*.".

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488 LIVRE III,

roule vers Je sud. Il monilla an port de INcmlka, le i3 aoiit , sonda Jcs canaux c[ui entourent l'île de Yncnall , et délenriina , par des ohservalions purement célestes, les posilions de Noulka, de Monlerej, de l'île de la (Juadaloupe , sur li!(|uclle le galion des J'iiilippines {lu J\ an de Cliiiia) a coutume d'atlérir , et du cap San Lucas. La corvette la yïtiv\'i<hi cxxXvA à Acapulco , la corvelte la Descuhicrta à San Blas , au mois d'octobre de Tanuée 1791.

Lue campagne de cinq mois n'étoit pas suffisante sans doute pour reconnoître et pour relever une cote tlendue, avec ce soin niinulieux cjue nous admiions dans le voyage de Vancouver, qui a duré trois ans. Ce- pendant rexpt'dilion de Malaspina a un mérite particulier , qui consiste non-seule- ment d.ins le nombre des observations astronomiques, mais surtout dans la méthode judicieuse ([ui a été eiiiplc>yée pour parvenir à des résultats certains. On a fixé d'une manière absolue la longitude et la latitude de quatre points de la cote, du cap San Lucas, de i\ionlerey, de Noutka et du port Mulgravç, Les points intermédiaires ont été

CHAPITRF, VIII. f\^Ç)

rapportés à ces points fixf^s, par le n>,»yon de qu.ilro niunhes matines cl'Arnoiild. Celte njolliode, employée par les ol'iieiers crii- banjnés Kms les eor\eltes de 31alaspina , MM. lisptnosa y Ccvallits vX fcrudci y est bien préférable aux correolions partielles que l'on se permet de faire aux longiliittv?s clironomélri(piesparles résultats de distances lunaires.

A peine le célèbre Malaspina fut-il de retour sur les cotes du Mexique , que mé- content de n'avoir pas vu «l'assez près la cote qui s'étend depuis l'île de Noulka jusqu'au cap Mendocino , il engagea le vice - roi comte de Re^illagigedo à préparer une nou\elle expédition de découvertes vers la cote du nord-ouest de l'Amérique. Le vice- roi , doué d'un esprit actif et entreprenant, céd.1 d'autant ])lus facilement à ce désir, que de nouveaux ronseignemens donnés par des officiers stationnés à Noulka senddoient rendre prob.ible l'existence d'un canal dont on altrihuoit la découverte au pilote gtec Juan de Fuca , depuis la fin du seizième siècle. Eu effet, M.irtiuez, en 177^, avoit reconnu une entrée très-large sous les Ifi"^ 20'

/|90 LIVRE III,

de latilirclcLc pilole delà gocletle Ccrtiudis, renseigne Don Manuel Quimper, ([ui com- mandoit la bélandre la Princesse Royale , et, en 1791 , le capitaine Tllisa , a voient visité siiccessivenienL celle enliée ; ils y avoient nicnic décou^erl des ports surs et spacieux, (l'éloil pour aclicver celle recon- iioissance , que sortirent d'Acapiilco, le 8 mars 1 792 , les g-oclctles S util et Mexicana , coinmandces par Don Dionisio Galiano, et Don Cayelano Valdès.

Ces astronomes hahiles et expérimentes , accompagnés de MM. Salamanca et Vernaci, firent le tour de la grande île qui porte au- jourd'hui le nom de Quadra et Vancouver, et ils employèrent quatre mois à cette navi- gation pénible et dangereuse. Après avoir passé le détroit de Fuca et celui de Haro , ils rencontrèrent , dans le canal du Rosario , appelé par les Anglois le golfe de Géor- gie, les navigateurs anglois Vancouver et BrougJitoji y occupés des mêmes leclierches qui étoient le but de leur voyage. Les deux expéditions se communiquèrent sans réserve les résultais de leurs travaux; elles seii- tr'aidèrent mutuellement dans leurs opé-

CHAPITRE VIII. 49^

Talions, et il subsista enlr'elles, jusqu'au moment de leur scpaialion , une bonne iiilelligence et une harmonie parfaite , dont les astronomes, à une autre époque , n'avoient pas donné Texeuiple sur le dos des Cor- dillères.

Galiano et Yaldès, dans leur retour ^c NoutkaàMonlerey, reconnurent de nouveau l'entrée de la Ascencmn , que Don Bruno Ecetn avoit découverte le 17 août iJJ^^ t t*t que l'iiabile navi«^ateur américain, M. Cray, avoit nommée la rivière de Golond)ia, d'après le nom du sloop qu'il coinmandoit. Celle reconnoissanccétoit d'autant plusinq)ortanle, que Vancouver , qui avoit ^.déjà suivi celte côte de très-près , n'avoit pu apercevoir au- cune entrée depuis les 4'^** de latitude jusqu'au canal de Fuca, et que ce savant naviij;ateur doutoit même alors de l'existence du llio de Colond^ia ', ou de VEntrada de Eceta,

* J'ai tlcjà parlé plus haut (T. I , p. 229) de la facilité qu'auroicnl les Européens de fonder une colonie sur les rives fertiles du ileuve Colorabia , et des douies qu'on a élevés contre l'identité de ee fleuve et du Ïacoutché-Tessé, ou Orègan de Mackenzie -, j'ignore si cet Orégan enlre dans im des grands lac*

492 LIVBE III,

Dès l'année 1 797, le gouvernement espagnol ordonna qne les cartes dressées dans le conrs de l'expédition de MM. Galiano et Yaldès fussent publiées , « afin qu'elles pussent être « entre les mains du public avant celles de

sales que , d'après les rrnseîgnemens donnés par le père Escalante, j'ai figuics sur ma carte du Mexique , sous les 39" et 4i° de latitude. Je ne décide pas si l'Orégaa , semblable à plusieurs grandes rivières de l'Amérique mériilionale , se fraye un passage à travers une cliaînr de monlagnc^s élevées, et si son embou- cbure se trouve dans une des anses peu connues qui existent cuire le port de la Bodega et le Cap Orford i mais j'aurois désiré qu'un géograplie ,<railleurs savant et judicieux, n'eût pas tenté de rcconnoître le nom d'Orégan dans celui d'Origcu , qu'il croit désigner un fleuve sur la carte du Mexique publiée par Don An- tonio Alzate. ( Géographie Tnaihématique ^ physique et politique , Vol. XV ,p. iiGetiiy.) Il a confondu le mol espagnol origen^ source ou principe d'une cliose, avec le mot indien origan. La carte d'Alzate ne marque que le Rio Colorado, qui reçoit les eaux du Rio Gila. Près de la jonction , ou lit les mots suivans : Rio Colorado , 6 del Aorte , cuyo origen se igjiora , dont on ignore l'origine. La négligence avec laquelle ces mots espagnols sont divisés (on a gravé INortecuio et Siiignora ) est sans doute la cause d'une méprise aussi extraordinaire.

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CHAPITRE VIII. 49'^

« Vancouver. » Cette publication n'a eu lieu cepeiRlant qu'en 1802 , et les gco;^a\q)hes jouissent aujourd'hui Je l'avantage de pouvoir comparer les cartes de Vancouver , celles des navigateurs espagnols, rédijj'ées par le /Ja- posilo Jiidrnqrajlcn de Madrid , et la carte russe, publiée à Pétersbourg en 1802, au dépôt des cartes de l'empereur. Cette com- paraison est d'autant plus nécessaire, tpie les mêmes caps, les mêmes passes et les mêmes îlots portent souvent trois et quatre noms dilTérens, et que la synonymie géographique est devenue par aussi confuse que Test , par une cause analogue , la synonymie des plantes cryptogames.

A la même époque à laquelle les goélettes Sutll et Mexicaiia étoient occupées à exa- miner dans le plus grand détail le littoral contenu entre les parallèles des 45" et 51*^», le vice-roi comte de Revillagigedo destina une autre expédition pour des latitudes plus élevées. On avoit cherché inutilement l'em- bouchure de la rivière de Martin de Aguilury dans les environs du cap Ortbrd et du ca[> Gregory. Alexandre Malaspina , au lieu du fameux canal de Maldonado y u'avoit trouvé

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49 j LTV RE III,

que des cuh-(h;-sac ou des impasses, Galiano et Yaldès s'éloient assurés que l'entrée de Fuca n'étoit qu'un bras de mer qui sépare une île de plus de 1700 lieues carrées ', celle de Quadra et Vancouver , de la cole mon- tueuse de la Nouvelle ~ Géorgie. Il restoit encore des doutes sur l'exislence du détroit dont la découverte a été attril^uée à l'amiral Fuentes ou Fonte y et que l'on supposoit se trouver sous les 53" de latitude. Gook avoit regretté de n'avoir pu examiner celte partie du continent de la Nouvelle-Hanovre , et les assertions d'un habile navigateur , du c.pi- taine Colnet , rendoient probable que la continuité de la cote étoit interrompue dans ces parages. C'est pour résoudre un pro- blème aussi important, que le vice-roi de la Nouvelle-Espagne donna ordre au lieutenant de vaisseau Don Jacinto Caamano y com- mandant la frégate l'Aranzazu, d'examiner avec le plus grand soin le littoral qui s'étend

* L'c'temlue de Vile de Quadra et Vancouver ^ calculée d'après les caries de Vancouver , est de i73o lieues carrées, de 25 au degré sexagésimal. C'est Tile la plus grande que l'on Iroiiye sur ce* côtes occidentales de rAuiérifjue.

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CHAPITFvE VIII.

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depuis les 51^' jusqu'aux 5(W de lalilude boréale. M. Caauiano , que j'ai eu le plaisir de voir sou\enl à 3Iexieo , mit à la \oile au port de San Blas , le 20 mars 1792 ; il lit uue campagne de six mois. 11 reconnut scrupu- leusement la partie septentrionale de l'île de la reine Charlotte . la cote australe de l'île du Prince de Galles , qu'il appela Isia de Ulloa y les îles de Revillagi;^^edo , de Banks (ou delix Cil la fnùlad) et d'Aristizabal, et la grande entrée ( Inict ) de Monino , qui a son embouchure vis-à-vis l'Archipel de Pitt. Le nombre considérable de dénominations espagnoles que Vancouver a conservé dans ses cartes, prouve que les expéditions dont nous venons de donner le précis , n'ont pas peu contribué à l'aire connoître une côte qui , depuis les 4 6^ de latitude jusqu'au cap Douglas, à l'est de l'entrée de Cook, se trouve aujour- d'hui plus exactement relevée que la plupart des cotes de l'Europe.

me suis borné à réunir à la fin de ce chapitre toutes les notices que j'ai pu me procurer sur les voyages que les Espagnols ont laits depuis Tannée i545 jusqu'à nos jours, vers les côtes occidentales de la iXou-

49^ LtVÎ\E lîT,

vt'lle-Espogne , au nord de la NouvelIe-CiiU- fornie. La réunion de ces matériiiux m'a paru nécessaire dans un ouvrage qui embrasse tout ce qui a rapj)ort aux relations politiques et commerciales du Mexique.

Les géographes, qui se Latent départager le monde pour faciliter l'étude de leur science, distinguent sur la côte nord-ouest une partie angloise, une partie espagnole et neutre, et une partie russe. Ces divisions ont été laites sans consulter les chefs des di\ erses tribus qui habitent ces contrées. Si les cérémonies pué- riles que les Européens nomment des prises de possession ; si les observations astrono- miques faites sur une côte récemment dé- couverte , pouvoient donner des droits de propriélé, cette portion du nouveau continent seroit singulièrement morcelée, et répartie entre les Espagnols , les Anglois, les Russes, les François et les Américains des Etats-Unis. Un même îlot lomberoit quelquefois en par- tage à deux ou trois nations à la fois , parce que chacune pourroit prouver eîi avoir dé- couvert un cap différent. La grande sinuosité que forme la cote entre les parallèles de 55<> et de 60^ , embrasse des découvertes faites

CHAPITP.E VIIT. /|Qy

successivement par Gali , Bering et Tsclii- rikow, Quadra , Gook , Lapeyrouse , Malas- pina et V ancouver.

Aucune nation européenne n'a formé jus- qu'ici un établissement stable sur l'immense étendue de côtes qui se prolonge depuis le cap Mendocino jusqu'aux 6cf^ de latitude. Au delà de cette limite commencent les facto- reries russes , dont la plupart sont éparses et éloignées les unes des autres, comme les factoreries que les nations européennes ont établies depuis trois siècles sur les cotes d'Afrique. La plupart de ces petites colonies russes ne communiquent ensemble que par mer, et les nouvelles dénominations d'^we'- rique russe ou de possessions russes dans le nouveau continent y ne doivent pas nous porter à croire que la côte du bassin de Bering , la presqu'île Alaska , ou le pays des T'schu- gatschiy sont devenues des provinces russes , dans le sens que l'on donne à ce mot en par- lant des provinces espagnoles de la Sonora ou de la Nouvelle-Biscaye.

La côte occidentale de l'Amérique présente l'exemple unique d'un littoral de 1900 lieues de longueur , habité par un même peuple

II.

32

4(j8 LTVT.K ITt,

cnropc'on. LcsEspa«^nols, comme nousTavons indicjuc jiii commencement de cet ouvrage ' , ont forme'; des élablissemcns depuis le fort Maullin, au Chili, jusqu'à Saint -François, dans la Nouvelle - Californie. Au nord du pandlèle de 38" suivent des tnl)us d'Indiens indépendans. Il est probable que ces tribus seront subju<^uées peu à peu parles colons russes, qui, depuis la fin du dernier siècle, de l'extrémité orientale de l'Asie , ont passé au continent de l'Amérique. Les progrès de ces Russes -Sibériens vers le sud, 'doivent naturellement être plus rapides que ceux que font les Espagnols-Mexicains vers le nord. Un peuple chasseur, accoutumé à vivre sous un ciel brumeux, dans un climat excessivement froid, trouve agréable la température qui règne sur la côte de la Nouvelle-Cornouaille. Cette même cote , au contraire , paroît un pays inhabitable, une région polaire , aux colons qui viennent d'un climat tempéré, des plaines fertiles et délicieuses de la Sonera et de la Nouvelle-Californie.

Le gouvernement espagnol, depuis 1788,

Voyez T. I, p. 210.

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CTIAPlTRn VITI. /|r)g

n niarqiK' de riiKjiiic'liidL' sur l'jipparitiîm dos Jiiisses sur les rôles du nord-ouesl du nouveau continent. Gonsidt'rant tonte nalion euro- péenne eojnme un voisin dangereux, il a (ait explorer la situation des faeloreiies russes. La crainte aeessédès que l'on a su à 3Iadri(l que ces factoreries ne s'élcndoicnl pas , \cvs Test, au delà de Vcf.'f/vc de Cook, Loisqu'en 1799, l'empereur Paul déclara la t>ueri'e à l'Espagne, on s'occupa pendant quelque tenqis, au Mexiijue , du projet hardi de préparer, dans les ports de San î3las et de Montere) , une expédition maritime contre les colonies russes en Amérique. Si ce projet avoit été exécuté, on auroit vu aux piises deux nations qui, occupant les extrémités opposées de l'Jilurope, se trouvent rapprochées dans l'autre hémi- sphère, sur les limites orientales et occidentales de leurs vastes empires.

L'intervalle qui sépare ces limites devient progressivement plus petit; et il est de l'in- térêt politique de la A ouvel le- Espagne, de connoître exactement le parallèle jusqu 'auquel la nation russe est déjà avancée à l'est et au sud. Un manuscrit qui existe aTix archives de la vice-royauté à Mexico , et que j'ai cité plus

32*

OT

/jOO IJVRE III,

liaiil, ne m'a donné que des notions vn^iics cl iuconiplèlc'S. Il dccrit J'élat des élablisscnicns Hisses tels qu'ils ctoient il y a vingt ans. M. Malte-Brnn , dans sa Céo<^rapliie iniiver- selle, a donné un ailiele intéiessant sur la cote du nord-ouest de l'Amérique : il a fait connoîlre le premier la relation du voyage de Billings ' , publiée par M. SarytscJiew y et qui est prélérable à celle de M. Saiier. Je me llatte de pouvoir donner , d'après des rensei- gnemens très-récens , et tirés d'une pièce officielle % la position des factoreries russes,

qn de d'e

' Account of the geographical and ostronomical expédition uiidertaken for explorhig the coast of the Jvy sea , the land of the Tshiitakl , and the ialandt; ùetufeen Asia and Arm^rwa , under the conirnand of t'upiain Billiugs , beti.çeen the years 1786 aini I7y4. By Martin Sauer , secretary to the expédition. PutetcheHtwie jlota-hapitana SarytscJiet-ra po sere- rou?ostochnoi tschaMi Sibiri , ledoit^itaira niora , i trostochnos^o okeana. i8o4.

^ Carte des découuertcfi fûtes successivement par des tiauigateiirs russes dans l'Océan Pacifique et dans la mer Glaciale, corrigée d'aj^rè h lt\s ohseri^ations astro- nomiques les plus récentes de plusieurs navigateurs étrangers , gravée au dépôt des cartes de sa majesté l'empereur de toutes les Russies , en 1802. Cette bclU

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qui , pour lîipliiparl, ne sont qno (Icsrcnnions do han<;j)rs el do cahanos , mais qui sorvont d*enlrc|)ùls pour lo coniMiercc dos lonmiros. Sur la oolo la ])Ius rapproclice de l'Asie , le long du canal de Bcrinf»-, on trouve , depuis les 67" jusqu'aux 64" 10' de latitude , sous les parallèles de la La])onie et de ITsIande , un fçrand noudjre de cabanes, frcqutmtéos par les chasseurs sibériens. Les principaux p(^ste5, en les comptant du noi'd au sud , sont : Kii^iltacJiy Lc^lelacJitoly Tiif^utcn, Netschichf TcJuncs^riun , Chibalccli , Topar, Pinfcpata , Àgulicliariy C']iavant\ et Ni/gniny près du cap Rodni (cap du Parent). Ces habitations des naturels de r^/we/'/V/?/^? russe ne sont éloignées que de trente à quarante lieues ' des huttes

carte , que je dois à l'obligeante bonté tle M. de Saut- jéignan, a i"'-,23i tle long, et o'"*. 7122 de large , ft embrasse l'étendue de côtes et de mers comprise entre les 4o* et 72** de latitude, et 1< s 12.)** et 224"* de longitude occidentale de Paris. Les noms sont écrits en caractères russes.

* Comme il est plus que probable que des peuplades asiatiques et américaines ont passé l'Oct'an , il est curieux d'examiner la largeur du bras de mer qui sépare les deux continens sous les f)5" 5o' de latitu<lti boréale. D'uprès ks découvertes les plus récente*..

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LIVRE ut

des Ti'lioiilskis do V .isic russe. Le dôh'oîl de Bel'ill«,^ qui les sépare, esl rempli «rilotsdéseils^ dont le plus seplenlriondl s'i»p[)elle Iuiii«^lin.

faites par des navigateurs russrs ^ l'Auiériqur est, plus que partout ailleurs, rapprochre tic la Sibérie, sur une ligne qui traverse lu détroit de Bering dans une direc- tion du sud-est au nord-ouest , du vnp du Prince do CalU'H au cap Tsclioukotahoy . La distance de ces deux caps est de 44' en arc , ou de i8 lieues, de 25 au degré. L'île d'Imaglin se trouve presque au milieu du canal j elle est d'un cinquième plus rapprochée du cap d'Asie. II paroît d'ailleurs que, pour concevoir comment des tribus asiatiques fixées sur le plateau de la Tartarie chinoise ont pu passer de l'ancien au nouveau continent , on n'a pas besoin de recourir à une transmigration faite à des latitudes aussi élevées. Une chaîne d'ilols voisins les uns des autres, se pro- longe de la Corée et du Japon au cap méridional de la presqu'île de Kamtschalka , entre les 33* et les ^x" de latitude. La grande ilc de Tchoka , réunie au conti- nent par un immense banc de sable (sous les v5a** de latitude), facilite la communication entre les bouches de l'Amour et les îles Kuriles. Un autre archipel d'îlots , que ferme au sud le grand bassin de Bering , s'avance depuis la presqu'île Al.ista , 4oo lieues vers l'ouest. La plus occidentale des îles Aleutienncs n'est éloignée de la côte orientale de Kamtschalka que de i44 lieues , et cctle distance est encore divisée en deux parties presque égales par les îles. Bering et Mednoi,

1

CHAiMnii: Mil. 50.3

lA'xlrcinilô noid-osi de I \sit* roriiic imo presquilo qui ne lit'iil à hi grande lUitssc du conlincMt qyw. |);ir iiii isdimo liiuil ciilic los (Iciix jjullcs Alilsclii<'MM'ii l'I Kidlsrliiii. Lu c'ohî asiali((n(.' ([ui hoidc lo (hlroil de Imi iii;^ os|, ha!)iu''c par un ;^raiid nombre do niainniirciis tvlac'(!'S.GVslsnr celle ('olc(jn(vlos'l\lionL>>kis, qui \iveiit dans nne ;;nene eonlinuelle iwt'c les Aniérieains, onl des liahitalions réunies: leurs petits villa^^es s'ajipcilenl iSnlmn , Tni^tt- lan et Tsckii^in.

En suivant la rote du eontincnt de 1' Vnié-

situées sous les 55" tle lullUidc. Cf.t exposé rupidtî prouve sulljsutuiiient que tics Irlhus asiatiques ont pu parvenir, d'îlot eu îlot , d'un rouiiiienl à raiilie , fians s'élewr, fiur le continent de l'jlsi, , ou delà du iHirulU !o </es 55" , sans tourner la mer d Ochotsk à l'ouest, <t sans faire au large un ir.tjct de plus de vin}^l-qualr«' ou de trente-six heures. Les vents nord-ouest , cjui , u- dant une grande partie de Tannée , .souilieul daiii> ca parages , favorisent la navigation d'Asii: vn Aiiiciiqur , entre les oo" et Go" de latitude 11 ne s'agit ])oinl dans cette note d'étahlir de nouvelles liypolhè'sts lii.ito- riques , ou de diseuU-r e^elK'S tjue ion a r<b.tnu<s depuis ([uarante ans; on se contente d'avoir présenté des notions exactes sur lu proximité dis ùcui^ cou- tincr.s.

5o4 LIVRE III,

rique, depuis le cap Rodni, et Tentrée de Norton jusqu'au cap Malowodnoy ( cap à peu d'eau) , on ne trouve aucun établissement russe ; mais les naturels ont un grand nombre de cabanes réunies sur le littoral qui s'étend entre les 63*» 20' et 60*» 5' de latitude. Les plus septentrionales de leurs habitations sont : jégibaniach et Chaliniagnii', les plus méri- dionales, Kuynegach et Kuymin,

La baie de Bristol , au nord de la presqu'île Alaska ( ou Aliaska ) , est appelée , par les Russes, le golfe Kaniischezkaiu. Ils ne con- servent en général sur leurs cartes aucun des noms anglois imposés par le capitaine Cook et par Vancouver , au nord des 55» de latitude. Ils préfèrent même ne pas donner de noms aux deux grandes îles dans lesquelles se trouvent le pic Truhizin ( Mount Edgecumbe de Vancouver, Cerro de San Jacinlho de Quadra) et le cap 7TvcAim;r//' ( cap San Bar- tholomè), plutôt que d'adopter les dénomi- nations ai Archipel du roi George et Archipel du prince de Galles.

La côte qui s'étend depuis le golfe Kamis- cliezkaja jusqu'à la Nouvelle-Cornouaille , est kabitée par cinq peuplades qui foniient autant

n

CHAPITRE \ni.

5oj

cîe grandes divisions territoriales dans les colonies de la Russie américaine. Leurs noms sont : Koniagi j Kenajzi , Tschugatschi , UgalachmiuticiKoUugi.

A la division Koniagi appartient la partie la plus septentrionale de l'Alaska, et l'île de Kodiak , que les Russes appellent vulgaire- ment Kiclitak y quoique, dans la langue des» naturels , le mot Kightak ne désigne en général qu'une île. Un grand lac intérieur, de pi ïis de 26 lieues de long et 1 2 de large, commu- nique par la rivière d'Igtschiagik avec la baie de Bristol. Il y a deux forts et plusieurs facto- reries sur l'île Kodiak ( Kadiak ) et les petites îles adjacentes. Les forts établis par Sclielikoff portent le iiorn de Karluk et des Irais Sanctificateurs. M.Malte-Brun rapporte que, d'après les dernières nouvelles, l'archipel Kichtak étoit destiné à renfermer le chef-lieu de tous les établissemens russes. Sarytschevv assure qu'il existe à l'île d'Umanak (Umnak) , un évêque et un monastère russes. J'ignore si on les a établis autre part , car la carte pubhée en 1802 n'indique aucune factorerie , ni à Umnak , nia Unimak, ni à Unalaschka. J'ai lu cependant à 3îcxico, dans le jounud manuscrit

I il

I

£o6

LIVRE m

du voyage de Martinez, que les Espagnols trou- vèrent en 1 788, à l'ile de Unalaschka, plusieurs maisons russes et une centaine de petites embarcations. Les naturels de la péninsule Alaska se nomment eux-mêmes les hommes de r Orient (Kagataya-Koung'ns).

Les Kenajzi habitent la côte occidentale de l'entrée de Cook ou du golfe Kenayskaja. La factorerie Rada, visitée par Vancouver , y est située sous les Gi*' 8'. Le gouverneur de l'île de Kodiak , le Grec Iwanitsch Delareff, assura à M.Sauer , qnc , malgré la rudesse du climat , le blé viendroit bien snr les bords de la rivière de Cook. Il avoit introduit la culture des choux et de la pomme de terre dans les jardins formés à Kodiak.

Les Tschiigatschi occupent le pays qui s'étend depuis l'extrémité septentrionale de l'entrée de Cook jusqu'à l'est de la baie du prince Guillaume ( golfe ïschugatskaja). il y a dans ce district plusieurs factoreries et trois petites for'.eresses : le fort d'Alexandre , cons- truit près du port Chatham, et les forts des îles Tuk (L Green de Vancouver) et Tchalchi (L Hinchiid^rook ).

Les igalachmiuti^^ciQnàQïii depuis le golfe

.■.V

i.ji<B*iHkiiiÉia

CHAPITRE VIIÎ.

5o7

$

-S-

du prince Guillaume jusqu'à la If die de Jahutat, que Vancouver appelle la baie de Bering '. Près du cap Suckling ( cap Élie des Russes) , se trouve la f'aclorerie de 8.-Sinion. Il paroît que la chaîne ceulrale des (Jurdillères duNou- veau-Norfolk est considérablement éloignée de la cote depuis le pic de S.-lClie ; car les naturels ont appris à M. Barrow , qui a remonté le fleuve Mednaja (rivière de cuivre) , à une distance de cinq cents wevst ( 1 20 lieues), qu'il n'a ttein droit la haute chaîne des monta- gnes qu'à deux journées de cheinin au nord. Les Koliiigi habitent le ])ays montueux du Nouveau-Norfolk et la partie septentrionale delà Nouvellc-Cornouaille. Les Russes mar- quent sur leurs cartes la baie Burrough

' Il ne faut pas confondre la baie Je B(^ring de Vancouver , sliuée au pied de la monléigne Saint- Elie , avec la baie de Bering des caries espagnoles , qui se trouve près de la montagne de Fairwe: Ver ( Nevado de Buenlimpo ). Sans une connoi^sance xacte de la synonymie géograpbique, les ouvrages Oi,pagnols, anglois, russes et françois qui traitent de la côte du nord - ouest de l'Amérique deviennent presque ininloUigibles , et ce n'ost que par une com- paraison miiuilicusc des cartes que cette synonymie poLit èlrc lixJc.

5o8

LIVRi: III

(lat. 55** 00') vis-à-vis l'île Revillagigedo de Vancouver ( Isla de Gravina des ••aîles espajj'noles), coiniiie la limite la plus australe et la plus orientale de réleiidue de pays dont ils réclament la propriété : aussi la grande île de l'archipel du roi George paroît-clle avoir été examinée avec plus de soin , et dans un plus grand détail , par les navigateurs russes que par Vancouver. Il est aisé de s'en convaincre, en comparant aHentivemenl la côte occidc' ^'U^ de cette île, surtout les environs du ca^ l'rubizin ( cap Edgecumbe) et du port de l'archange S. Michel, dans la baie Sitka (Norlolk-Sound des Anglois , baie de Tchinkitané de Marchand) , sur la carte publiée à Pétersboug, au dépôt impérial, en 1802, et sur les cartes de Vancouver. L'établissement russe le plus méridional de ce district des Koliugi, est une petite for- teresse ( crepost ) , construite dans hi baie de Jakulal, au pied de la Cordillère, qni réunit le mont du Beau-Temps au mont 8.-Elie, près du port Mulgrave , par les Scf"" 27' de latitude. La proximité des montagnes cou- vertes de neisics éternelles , et la «grande largeur du continent, depuis les 58** de

t

I

CrtAPlTBE VITÎ. ^Of)

lalitiidc, doniicnl à celle cole du Nouveau- Norlolk et au pays des Uj^alachuiiuli , un diniat exeessivenicut froid et conlrairc au dévelo])pcnient des productions vé^^étales.

Lorsque les chaloupes de l'expédilion de Malaspina jiénétrèrent dans l'intérieur de la baie de Jakulal jusqu'au port de Desenfi^ano , elles trouvèrent, au mois de juillet, sous les %** %' ^^' latitude, rextrémilé septenuio- nale du port couverte d'une masse solide de glaces. On pourroit croire que celte masse apparkenoit à un glacier ' qui aboutit à de liaules Alpes maritimes ; mais Mackenzie rap- porte que, visitant, 25o lieues à l'est, sous les 6i** de latitude, les bords du lac des Esclaves, il trouva tout ce lac gelé au mois de juin. En général , la diflcrence de tempé- rature que l'on observe sur les cotes orientales et occidentales du nouveau continent, et <lout nous avons parlé plus haut, ne paroît être bien sensible qu'au sud du parallèle de 53*^ qui passe par la Nouvelle -Hanovre et par la grande île de la reine Charlotte. '

» Vancouver , T. V , p. 67.

5io

LIVRE ITT

Il y a à peu près la incine distance absolue de Péteishoui'o' à la factorerie russe la plus orientale sur le continent de l'Amérique , que de Madrid au port de San Francisco, dans la Nouvcllc-Calii'ornie. La largeur de l'empire russe embrasse , sous les 60*^ de latitude , une étendue de pays de presque 2400 lieues; cependant le petit fort de la baie de Jakutid ejt encore éloigné de plus de six cents lieues des limites septentrionales des possessions mexicaines. Les naturels de ces régions sep- tentrionales ont été pendant long - temps cruellement vexés par les chasseurs sibériens : des femmes , des enfans furent retenus comme otages dans les factoreries russes. Les instruc- tions données au capitaine Billings, par Tim- pératrice Catherine, et rédigées par l'illustre Pallas, respirent la philantropie et une noble sensibilité. Le f^ouvernement actuel s'est oc- Cupé sérieusement à diminuer les abus et à réprimer les vexations : mais il est difiicile d'empêcher le mal aux extrémités d'un vaste empire , et l'Américain se ressent à chaque instant de l'éloignement de la capitale. Il paroît d'ailleurs plus que probable qu'avant

g

chapixue viir.

5ii

qne les Russe, „.. . ' ^"

««■•valle quilT P""''^"r"' '" '■^«"^''ir l'in-

<J -établir des' r„ , ^"'-P'--'e .e'.era

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1

EXPLICATION DE LA PLANCHE

Qui représente le Tableau physique de la Nomelle-Espagtie.

•L'an s l'Atlas qui accompagne la grande édition de cet ouvrage, les Planches 12 , i3, i4 et i5 offrent des coupes géologiquel des pentes orientales et occidentales des Cor- diUères d'Anahuac , de Tintérieur du pajs ou du plateau central et de la vallée de Mexico. Pour réunir dans un même tableau ce que ces coupes renferment de plus in- téressant, on a fait réduire au tiers les Planches 12 et i3, et on les a jointes de manière que le dessin représente , dans une projection verticale, le profil de la Nouvelle- Espagne , sous les 170 et 19" de latitude, depuis les coles de l'Océan Pacifique jusqu'à celles de la mer des Antilles. Les avantages et les désavantages de cette réunion des deux profils 12 et 1 3 ont été discutés plus haut, dans l'Introduction géographique , T. I , p. 161. Les flèches a et h, que l'on trouve

II.

o3

♦^

5i4

PLAINCHE

1.

iiKuqiices yers oau±e, indiquent les élë- valionsque l'on auroit dii donner au Chim- borazo et à la Aille de Mexico, si 1 échelle des hauteurs étoit égale à l'échelle des dis- tances '.

Toutes les linuteurs que présentent les Planches i*:^ et i5 du grand Allas, n'ont pas pu être marquées sur le profil réduit : en accumulant ^s noms , on auroit nui à la fois à l'effet et à la clarté. Nous croyons rendre un service aux physiciens en réunissant ici une partie des obserA ations de M. de FIundDoldt , indiquées sur ies différentes cartes que ren- ferme l'Atlas géographique et physique de la Nouvelle-Espagne.

Chemin d' Acapulco à Mexico.

Alto del Cnmaron. La ciine 2o5 toises au-dossus du . niveau de la mer. Syénile porpliy ri tique super- posé sur le granlle d Acapi^'co.

Vallée du Peregrino , au sud d'une montagne de calcaire alpin blcu-grisatre. 82 t »iscs, entre TAlto de Poziieîcà et la cime du Peregrino.

Vallée du Papagallo. Granité avec des filons d'am- pliihole schisteuse. 97 toises.

Voyrz l'Introducliuri géographique, T. I, p. i5i.

DE LA NOUVELLE-FSPA(.NE.

Venta de TIerraColorada, au suil de la Moxonera. 2o4 toises.

Acaguisotla , au nord de Caxones. 5o4 toises. Le granité reparoît sous le poipljyre , et se cache sous une formation d'amjgdaloïde.

Masatlan, village. 65i toises. Calcaire secondaire poreux, reposant sur du porphyre.

Vallée de Sjpiiote, entre Sumpango et Mescala. 5j7 toises. Près de Sumpango, un grès à ciment calcaire repose sur le calcaire poreux de Masatlan et de Chilpansiugo : puis repii- roissent sous le grès, le porpliyre , et sous le porphyre le granité : enfin , ce dernier se cache de nouveau dans la vallée de Sopilote , sous le calcaire secondaire , qui est recouvert dug}pse de Sochipala.

Guasinllan , village au sud du Pont d'ïstla. 538 t.

Chemin de Mexico à la Vera-Cruz :

Venta de Cordoba , à l'est de Chalco. i36o toises. Porphyre trapéen.

Sierra de Cordoba , le point le plus élevé du nou- veau chemin de la Puebla. i655 toises.

Venta del Agua. Porphyre à base basaltique. i48i toises.

Cocosingo au sud-est de la Sierra de Tlaxcallan. 1189 toises. Calcaire secondaire sous lequel reparoît le porphyre tl'Acaxete.

WSKOp"!

i

i

5l6 PLANCHE

Portezuelaou Porlachuelo. la^Gloiser,. Le calcaire

secondaire reparoît au jour. Cuesla de Cruz Blanca, au nord-est de Peroie.

i2o4 toises. Rio Frio , ferme située à Vexlrémité orientale du

plateau de Perote. 1198 lois^^. El ManzaniUo ou Baranca Honda. i232 toises. Tarage de Carros, à l'est de las Vigas , et de l'ancien courant de laves, appelé Loma de Tablas, 11 56 toises. Tochtacuaya , ou Tochiilagueigue , ou Canoas , à l'est de l'ancien courant de laves du Malpais. iii3 toises. LaHoya, .Mage dans un ravin profond, à V-.est de la cime porphjrilique appelée Cumbre de la Hoya. 1072 toises. Cuesla del Solda.lo, à l'est de la Cumbre de la

Hoya. 982 toises. San Miguel el Soldado. Village. 901 toises. La Pileta. 790 toises.

La BanderiUa , i. l'ouest de Xalapa. 7*9 •»■'«=»• Cime de la montagne basaltique de Maeultepec ,

près de Xalapa. 788 toises. Entre Xalapa el l'Encero : Las Animas. 6=3 toise».

LasTrancas. 598 toises. Le plateau au-dessus de l'auberge del Encero a 496 toises de hauteur absolue.

DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.

Si,

LiC calcaire de Peroie. rientale du

2 toises.

igas , et de é Loma de

u Canoas, à du Malpaïs.

)nd , à l'ouest :e Cunabre de

umbre de la Il toises. ^

. 749 loises. e Macultepec ,

mas. 623 toises. 5 dcl Encero a

I

lios Miradores, à l'est du Cerro Gordo, 48o toises. El Plan del Rio j à l'est de la Rinconada. 139 toises*

Chemin de Mexico à Guanaxuato.

Colline de Barrientos. 1211 toises. Porphyre trapéen qui repose sur l'amygdaloïde poreuse de la vallée de Mexico.

' Hueliuetoca. 1178 toises.

Puerto de Reyes, colline qui fait le prolongement du Cerro de Sincoq , ou de Nochistongo. 1208 toises.

Tula. io53 toises. Calcaire secondaire.

Cuesta de San Antonio. ii25 toises. Brèche à ciment calcaire qui repose sur le calcaire du Jura.

Hacienda de San Antonio. 1121 toises.

3aa Miguelito. i3o5 toises. Sous le calcaire du Jura, reparoisscT!* du mandelstein et du porphyre.

Montagne de Capulalpam. iS/g loises. Amygda-

loïde poreuse. Aroyozarco. 1296 toises. Amygdaloïde basaltique San Juan del Rio. 101 4 toises. Hacienda de Lira. 996 toises.

Cuesta de la Noria. io83 toises. Thonsr^'efer qui rcnlxîrmc des couches de kieselschiefer , peut- cire de la formation de transition.

\

5i8

PLANCHE

. Queretaro. ggS toises. ^

Zelaya. 941 toises. I^e calcaire secondaîr. reparoît, il repose sur du gypse, et est -ecouvert de grès. .

' El Molino de Sarabia. 91 fi toises. Salamanca, dans les belles plaines qui s'étendent depuis Queretaro jusqu'à la Villa de Léon. 901 toises. ^

- Temascatio. 929 toises.

Guanaxualo. 1069 tO'ses. Thonscliiefer sur lequel reposent les roches porpbyritiques de la Bufia, et le basalte du Cubiicte.

Cheinir d> la Puehîa à la Verur-Cruz et à la pente du Cvjfrc de Perote.

Limite supérieure des pins. 2023 toises.

Limite supérieure des a nés mexicains. 1751 toises.

Limite supérieure de l'Arbulus (Madrono). 1682 tois.

Limite supérieure des chênes mexicains, décrits par M. Bonpland , dans sa description des

Plantes équinoxialefi (1^A\). 1619 toises.

Limite inférieure dos pins mexicains , entre Perole

et Xalapa. i^'Si toises. Limite supérieure des bananiers (Musa paradisiaca), , donnant des fruits mûrs, près de la Pileta.

796 toises. Limite iaférieure des ch'^nes mexicains, entre

"T

i

u reparoît , couvert de

s'étendent L de Léon.

sur lequel le la Bufia,

à la pentQ

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1761 toises.

d). 1682 tois.

ins, décrits ;riptlon des 9 toises.

între Perote

Si

DE LA NOUèTELLE -ESPAGNE. t)ï()

Perote et la Vera-Cruz. ^96 toises. A la pente occidenlale des Cordillères, en moif- tant d'Acapulco à Mexico , nous avons trouvé les premiers chênes près de la Venta de la Moxonera, k la hauteur de 388 toises.

La limite inférieure des neigesperpétuelles se trouve, sous l'équateur , à 246o toises ; sous les 20° de latitude boréale, à 235o toises; sous le parallèle de 45" , à i35o toises ; sous le parallèle de 62**, en Suède , à 810 toises -, sous le parallèle de 65", en Norwège, à 700 toises. Les deux derniers nombres sont les résultats ties belles observations que M. de Buch a publiées dans son Voyage eu Laponie. Sous les 65** de latitude nord, eu Islande, MM. Ohlsen et Vetlafsen ont vu descendre les neiges per- pétuelles jusqu'à 48o toises de hauteur absolue. Ce nombre se trouve indiqué sur plusieurs cartes de l'A lias mexicain. M. de Buch observe , avec raison, que les neiges se con- servent à de moindres hauteurs en Islande que dans l'intérieur de la Norwège , parce que , dans le premier de ces pays , la tetiipé- rature moyenne des mois d'été est diminuée par la proximité de la mer.

paradlsiaca), le la Pileta.

■??

Obstinations diverses.

Mexico: au mois de décembre i8o3, inclinaison maguélique, 42" 10' j déclinaisou magnétique

lains , entre

^

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^fe

520 PLANCHE DE LA NOUV.-ESPAGNE.

de 8* 8' au nord-est. L'intensité des forces magnétiques fut exprimée par a42 oscillations, lorsqu'à Paris , la même aiguille d'inclinaison faisoit 245, et sous l'équateur magnétique, 211 oscillations en dix minutes de temps.

Acapulco : au mois de mars i8o3 , inclinaison magnétique , 38" 53' j inlensilé exprimée par 24o oscillations.

L

des forces scillations, DclinaisoQ ignétique , temps.

Inclinaison irlmée par

%/^^/%i%r'%^%/^*^%/%^^

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

J-JivRE II. Suite.

Chap. Vil. Blancs, Créoles et Européens. Leur civilisation. Inégalité de leurs for- lunes. Nègres. Mélange des Castes Eapport des sexes entr'eux. Longévité selon la différence des r^ :es, Sociabilité.

Livré III. Statistique particulière des Inten- danc.es qui composent le royaume de la Nouvelle-Espagne. Leur étendue territo- riale et leur population.

CiiAP. VIII. De la division politique du terri- toire mexicain, et du rapport de la population des Intendances à leur étendue territoriale. Villes principales.

Analyse statistique du royaume de la Nouvelle-Espagne.

I. Intendance de Mexico.

II. Intendance de Puebla.

III. Intendance de Guanaxuato. TV. Intendance de Valladolid.

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283 a83

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TABLE PES MATlÈr.ES.

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Pag,

V. Intendance de Guadalaxara. 3o8

VI. Intendance de Zacatccas. 5i4 TH. Intendance d'Oaxaca. 3ij TlII. Intendance de Merida. 327 iX. Intendance de la V( ra-Ciuz. 3,55

X. Intendance de San Luis Polosi. 36o

XI. Intendance de Durango. 5j5

XII. Intendance de la Sonora. ^ 388 XJII. Province du Nuevo-Mexico. 4oo XIV. Province delà Yieillc-Californie. 4i4 XV.ProvincedelaJNouvelle-Caiifon . 4.'^3

Récapitulation de la population totale de la Nouvelle-Espagne. 45q

Cotes du Grand Océan, depuis le port de San Francisco , et depuis le cap Mcndo- cino jusqu'aux établissemen.s russes dans I la baie du prince Gu"^lV ma. 4()o

Explication do la planche qui présente le tableau plijsique de la Nouvelle -Es- pagne. 5i3

riN DU DEUXIEME VOLUJlï.

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