IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) ^ #? ^w^ A 1.0 M 2.5 2.2 12.0 1.8 1.25 1.4 1.6 ■^ 6" ► V2 ^ /à ^l ^ sV o 7 /À Photographie Sciences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 &/ ^ ? CIHM/ICMH Microfiche Séries. CIHM/ICMH Collection de microfiches. Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques The Institute has attempted to obtain the best original copy available for filming. Features of this copy which may be bibliographically unique, which may alter any of the images in the reproduction, or which may significantly change the usual method of filming, are checked below. 0 D D D D □ Coloured covers/ Couverture de couleur I I Covers damaged/ Couverture endommagée Covers restored and/or laminated/ Couverture restaurée et/ou pelliculée I I Cover title missing/ Le titre de couverture manque D nCo En Coloured maps/ Cartes géographiques en couleur Coloured ink (i.e. other than blue or black)/ cre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire) n Coloured plates and/or illustrations/ Planches et/ou illustrations en couleur Sound with other matériel/ Relié avec d'autres documents Tight binding may cause shadows or distorticn along interior margin/ La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure Blank leaves added during restoration may appear within the text. Whenever possible, thèse hâve been omitted from filming/ Il se peut que certaines pages blanches ajoutées lors d'une restauration apparaissent dans le texte, mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont pas été filmées. Additional comments:/ Commentaires supplémentaires; L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du point de vue bibliographique, qui peuvent modifier une image reproduite, ou qu< peuvent exiger une modification dans la méthode normale de filmage sont indiqués ci-dessous. I I Coloured pages/ Pages de couleur Pages damaged/ Pages endommagées Pages restored and/oi Pages restaurées et/ou pelliculées Pages discoloured, stained or fnxec Pages décolorées, tachetées ou piquées Pages detached/ Pages détachées Showthrough/ Transparence Quality of prir Qualité inégale de l'impression Includes supplementary mat3ri< Comprend du matériel suppliimentaire / édition available/ le édition disponible I I Pages damaged/ I I Pages restored and/or laminated/ I ~V Pages discoloured, stained or foxed/ j I Pages detached/ V~~X Showthrough/ I I Quality of print varies/ □ Includes supplementary matériel/ Comi □ Only édition available/ Seu D Pages wholly or partially obscured by errata slips, tissues, etc., hâve been refilmed to ensure the best possible image/ Les pages totalement ou partiellement obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure, etc., ont été filmées à nou\feau de façon à obtenir la meilleure image possible. The< to thi Thei possi of th filmii Origi begir the 11 sion, othei first I sion, or illi Thel shall TINU whic Map: diffei entin begir right requi meth This item is filmed at the réduction ratio checked below/ Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous. 10X 14X 18X 22X 26X 30X 7 12X 16X 20X 24X 28X 32X The copy filmed hère has been reproduced thanks to the generosity of: National Library of Canada L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la générosité de: Bibliothèque nationale du Canada The images appearing hère are the best quality possible considering the condition and legibility of the original copy and in keeping with the filming contract spécifications. Les imagos suivantes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplaire filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de filmage. 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The following diagrams illustrate the method: Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est imprimée sont filmés en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration et en terminant par la dernière page qui comporte une telle empreinte. Un des symboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole ^^- signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN". Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être filmés à des taux de réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite, et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode. 1 2 3 1 2 3 \ . « • : • 6 •i— <— *- ■ LES FRANÇAIS ET LE NORD-OUEST CANADIEN PAR M. Charles BENOIST LIEUTENANT DE VAISSEAU '^.. BAR-LE-DUC IMPRIMERIE DE l'(I:1 VRE DE SAINT-PAliL 36, rue de la Banque, 36 1S95 V ■ .».>M.Ii5 fuisse le f;eiiie de notre race persis- ter parmi nos frères du r.aiiada et conserver une place en Amérique à rdlémcnt traïK^ais I (Henri Martin.) Le voyageur à l'étranger rencontre en tous pays de solides colonies anglo-saxonnes, riches, commer- çantes, et honorant le nom anglais. La France doit avoir les mêmes aspirations en envoyant ses enfants fonder des socie'tés nouvelles dans des océans loin- tains. Ainsi s'c'tendra notre influence dans le monde, ainsi disparaîtront les principales causes d'un véri- table fle'au social : l'engorgement des carrières par suite du nianque de place remune'ratrice en France et peut-être une dépopulation qui devient inquie'- tante. L'Etat le comprend d'ailleurs si bien qu'il se 8 LES rRANf:AIS préoccupe de l'émigration aux Colonies et en favo- rise le développement : c'est qu'on a dit avec raison que le peuple qui colonise le plus est le premier des peuples; que, s'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera demain. On voit qu'il y a un puissant intérêt à connaître, au point de vue pratique, les diverses régions ter- restres. Nous nous occuperons du Nord-Ouest Cana- dien que nouh avons visité. Bientôt, nous l'espérons, cette étude tentera une plume plus autorisée ; nous n'y apportons qu'une modeste contribution, et nous le faisons parce que l'on ne connaît pour ainsi dire pas, en France ce pays où nos rivaux les Anglais dirigent chaque jour un courant plus important d'émigration. En quittant sa patrie, on voit ses pensées s'élargir; aux luttes stériles des partis on substitue les idées saines d'une existence conforme à la loi de Dieu. Mais il ne faut pas laisser le hasard guide du lieu où on plantera sa tente : on doit au contraire soigneuse- ment étudier les conditions les plus favorables à la bonne réussite de la vie nouvelle qu'on commence. Ces conditions, qui paraissent se trouver réunies au Nord-Ouest Canadien, peuvent se résumer ainsi : I" La richesse de la région qu'on a choisie : son avenir; ET Li: NORD-OUKST CANADIEN Q 2° T.cs facilites d'installation : le climat d'où dépend la santé, la faculté de travail et le dévelop- pement de la famille; y Le régime politique et administratif auquel on sera soumis ; 4° La race près de laquelle il faudra vivre. Les territoires du Nord-Ouest Canadien com- prennent rimmcnse surface qui s'étend au Nord des Etats-Unis, entre les Montagnes Roclieuses à l'Ouest et le lac Winnipeg à l'Est. La région méri- dionale doit seule intéresser la colonisation actuelle, car des millions d'hommes peuvent encore y trouver place. La partie septentrionale ou Grand-Nord n'est, en général, pas habitable pour les blancs. La région méridionale est en quelque sorte déjà cadastrée ; elle est divisée administrativement par des lignes géométriques et comprend une province : celle du Manitoba, et trois territoires : Assiniboinc, Alberîa, Saskatchewan. La superficie de cette région est d'environ un million de kilomètres, et les espaces ouverts à la colonisation sont encore immenses, quoique le courant d'immigration soit maintenant bien établi. Somme toute, c'est là toute la partie occidentale du bassin du Winnipeg, sauf une faible portion déta- LES FRANÇAIS ET I.E NORD-OUEST CANADIEN I I chcc par le 49" parallèle, frontière des Etats-Unis à l'Ouest des Grands Lacs. Ce bassin est une immense plaine s'e'levant d'une pente insensible vers les Montagnes Rocheuses qui se dressent à l'Ouest, sans contreforts, comme une muraille. Les hauteurs qui, au Sud surtout et dans le bassin de la Saskatchewan, font saillie sont peu eleve'es, peu nombreuses et n'enlèvent pas à ces ter- rains onduleux l'aspect de vastes espaces sans fin que, par une comparaison avec l'Océan, on appelle dans le pays : « le Large. » « Dans l'ensemble on peut considérer toute cette région comme formée de trois degrés à rebords parallèles qui se succèdent de la base des Rocheuses à la dépression du Winnipeg ; i.ooo mètres, 5oo mètres, 200 mètres : telles sont les altitudes moyennes des trois marches de l'immense escalier '. » En voyageant dans ces étendues sans limites, on éprouve des sensations nouvelles : on voit peu à peu se dessiner les saillies de l'horizon, comme le navi- gateur voit insensiblement paraître les terres vers lesquelles il fait route. Sur les bords des lignes ferrées, autour des villages, les cultures de blé montrent leurs teintes dorées, puis c'est la plaine immense, couverte d'herbe haute et drue; de loin • Elisée Reclus, t. XV, p. 3 5 3. LES I-RANf.AlS en loin s'clèvent, comme des îlots, les le'gères masses de verdure en massif. I.à, plus qu'ailleurs, plus que dans les pampas le'gèremcnt vallonnc'es de l'Amérique du Sud, on c'prouve la sensation de la mer. Rien ne limite la vue; à longue distance on découvre le convoi de chemin de fer avançant vers la station, prévenant à l'avance le voyageur qui, sans autre indication, peut gagner à temps la station. En regardant de plus près, et sans entrer dans des descriptions géographiques, on peut partager le pays en trois re'gions, d'après les altitudes que nous avons précédemment indiquées : La re'gion de l'Ouest, qui s'e'tend parallèlement aux Rocheuses, à i.ooo mètres d'altitude et environ 700 kilomètres de large. Elle n'est pas boisée, est trop sèche pour la culture, et, ne produisant qu'une herbe assez dure, n'est utilisable que pour l'éle- vage, et les propriétaires des immenses ranchs qui y sont établis sont en général des Américains qui ont débordé cette partie du territoire canadien, en prolongement de leurs prairies. La limite s'avance jusque vers Regina et constitue la partie méridio- nale du territoire d'Alberta et la partie occidentale du territoire de l'Assiniboine. La région du Milieu, d'une altitude d'environ 5oo mètres, n'a qu'une largeur de près de 35o kilo- nr I.H NORD-OL'F.Sr CANADIFN i3 mètres. Elle se raccorde avec la partie plus elcvce de l'Ouest par un rebord régulier et s'arrête vers Brandon aux hauteurs qui bordent la vallée de la Rivière Rouge : elle est parsemée de bouquets d'ar- bres. Les bords du Qu'Appelle et de la Souris sont fertiles. Au Sud, les hauteurs qui forment le faîte entre les lignes du Winnipeg et du Missouri sont boisées et bien irriguées. Au-dessous du Qu'Appelle les pluies sont rares, mais heureusement tombent pendant l'été. Il faut que cette saison soit humide pour être bonne, au Nord et au Manitoba. La liniite de cette bande forme la portion occidentale du ter- ritoire d'Assiniboine et la partie sud occidentale du Manitoba. Enfin, la région de l'Est et la vallée inférieure de la Saskatchewan n'a qu'une altitude d'environ ■200 mètres. Elle se raccorde avec la région précé- dente par les hauteurs qui longent le cours de la Rivière Rouge. Elle comprend : la vallée de la Rivière Rouge, la dépression du Winnipeg et la vallée de South Saskatchewan. Là, était autrefois le vaste lac Agassiz qui se déversait dans le Missis- sipi, car l'accès au Nord était barré par des glaces. Quand cette barrière, qui se retirait lentement vers le Nord, eut atteint la mer d'IIudson, le lac Agassiz s'écoula en partie dans cette mer, laissant à sec 14 LES FRANÇAIS de vastes étendues et créant le lac Winnipeg. C'est vers le lac Agassiz qu'étaient drainées les terres du territoire du Nord-Ouest et ce fait explique la fertilité de cette région. Au Nord, s'étend la vallée de South Saskatchewan, dont le bassin inférieur faisait partie du lac Agassiz. Ce bassin, comparé à celui de la Rivière Rouge, a une qualité égale, est mieux irrigué, plus accidenté, plus boisé et plus pittoresque. En résumé, les régions fertiles de la partie du Nord-Ouest qui nous occupe comprennent la vallée de la Rivière Rouge, de l'Assiniboine et tout le bassin de la Saskatchewan. Ces espaces immenses, d'une fertilité qui n'est surpassée en aucun point du globe, sont ceux où se porte la colonisation. Les groupements français et franco-canadiens occupent une belle place. Ce sont tous ces groupements que nous allons maintenant étudier dans leur ensemble. D'abord la Rivière Rouge et ses afHuents, la Seine, la Sale, la Rivière aux Rats; notre race y a établi d'importantes colonies et notre influence est grande dans cette partie du Manitoba peuplée en majorité de Canadiens français, et, si l'émigration continue, nous aurons dans la vallée de la Rivière Rouge une situation prépondérante. A l'Est de la vallée, les principaux centres sont, ET I.E NORD-OUESl CANADIEN l5 sur la branche Sud de la Hivière aux Rats : Saint- Malo, où est établi un Français persévérant et éner- gique, M. de la Borderie, qui a fondé et dirige une importante beurrerie et une fabrique de lait con- centré. Sur la Seine, en partant du Sud-Est, sont les belles paroisses de la Broqueric, Sainte-Anneaux Chênes, Lorette : cette dernière n'est qu'à quinze milles (le mille --- i.()oi) mètres) de Winnipeg. A l'Ouest on remarque comme centres principaux : Saint-Pa, Saint-Joseph fondé par des Canadiens fran- çais retour des Etats-Unis, Saint-Jean-Baptiste, Sainte-Agathe, enfin Saint-Norbert qui n'est qu'à neuf milles de ^^'innipeg et où les Révérends Pères Trappistes français sont venus en iSij'i fonder le beau couvent de Notre-Dame des Prairies. Dès leur arrivée, jardins, étables, récoltes de blé, tout était splendide, et c'était avec confiance que ces agricul- teurs émérites envisageaient l'avenir, appréciant comme exceptionnellement favorables les conditions agricoles du pays. Déjà plusieurs Français étaient établis dans cette paroisse et l'arrivée des Pères Trappistes apportera aux nouveaux colons aide et conseil. Sur la rivière Salle, la paroisse de la Salle, toute nouvelle, à douze milles de Winnipeg, est déjà prospère; on vient d'y construire une ferme-modèle. Sur la rivière Assiniboine, dans le bas de la I(. i.F.s rn.vNÇAis vallée, région fertile, on trouve comme principales paroisses canadiennes françaises : Saint-C'.harles, ii neuf milles de VV'innipeg, Saint- François-Xavier, Saint-Kustache. i'outes ces paroisses sont dans la plus belle partie de la rivière, près de cette région qu'on a appelée <( la reine du blè )),dans le Manitoba. Elles possèdent chacune leur chapelle, leur e'colc, leur cure : elles sont situées sur les meilleurs ter- rains de la province : presque toutes bordent les cours d'eau et des bouquets d'arbres y donnent un aspect pittoresque. De vastes espaces libres laissent encore place pour de nombreux établissements. La terre disponible est aux mains de spéculateurs qui se contentent de prix qui semblent dérisoires à des Français : ? à iô dollars l'hectare, quelquefois moins, suivant que le sol est défriche ou non, et qu'il est plus ou moins rapproche de Winnipeg; et encore, ce prix d'achat est-il payable en dix ans. Dans la province de Manitoba le pâturage est libre, ce qui fait que les moissons doivent être entoure'es d'une barrière en ronce artificielle. C'est une condition précieuse pour l'élevage, qui est la .raie fortune du pays. Enfin, ce qui est une des plus grandes causes de prospe'rite pour ces paroisses, c'est qu'elles se trouvent autour de Winnipeg, le plus grand marché du pays. Il m: NORD-OLESr nWADlF.N ï7 Winnipeg, qui ne naquit pour ainsi dire qu'en iNho, après que l'abolition du monopole de la Compagnie d'Hudson eut rendu libre le commerce dans ces re'gions, est maintenant, avec son reseau de voies ferrées qui la relient aux Etats-Unis et aux autres provinces du Canada, le seul grand centre existant dans ces vastes espaces. Maigre' tout, l'am- bition de cette ville, qui se surnomme la u ..iie reine de l'Ouest », aspire encore à de plus hautes desti- nées. Après l'Sjo, le développement de Winnipeg et de Saint-Boniface devint assez rapide ; mais en 1880, la spe'culation s'en mêlant, les terrains, sur- tout ceux des villes, furent cotes à des prix exage'- re's; en 1882 l'ine'vitable crack survint : dès lors les prix sont restes stables et mode're's ; Winnipeg rêve le transit, non seulement des re'gions me'ridionales du Nord-Ouest, mais encore des régions avoisi- nantes aux Etats-Unis par la voie plus courte de la mer d'Hudson, à laquelle les rejoindrait un chemin de fer. Les Canadiens français occupent encore là une solide position : tout le faubourg de Saint-Boniface situe' sur la rive Est du fleuve est à eux. On peut rattacher à ce groupe si important celui du Saint-Laurent et du lac Dauphin : le Saint- Laurent est au Sud-Est du lac Manitoba ; on s'y NORD-OUEST CANAOIEN 1 1(S I.i;s lUANÇAlS trouve un peu en dehors de la zone fertile propre- ment dite : le sol est pierreux; mais cependant très riche et excellent pour l'élevage. J /amorce du chemin de fer de la baie d'Hudson arri\e prés du Saint-Laurent, A loo milles plus au Nord-Ouest, le groupement du lac Dauphin est, lui, en pleine terre fertile, pourvu de bois, bien arrose par des cours d'eau qui vont se déverser dans le lac Dauphin : ce serait un coin privilégié, n'était l'éloignement de la station du chemin de fer. Ces colonies ne se distinguent de celles de la Rivière Rouge que par la question de distance, ce qui fait que de nombreux homesteads (concessions gratuites) sont disponibles. Comme second groupe, nous prendrons les colo- nies établies sur la deuxième terrasse : le sol est plus sablonneux, plus léger, demandant plus d'eau. Au Sud, Saint-Léon, puis Saint-Alphonse,' près de la station de Cvpress-River, composé en grande partie d'e'migrants canadiens, retour des Etats-Unis, et de Belges. Enfin Lourdes et Saint-Claude, près de la station de Trehern, paroisses fondées pas les Chanoi- nes réguliers de l'Immaculée Conception de Saint- Antoine (Isère;, qui organisent en France les émi- grants en groupes et les dirigent vers ces territoires. i;r I.E NOKD-OUEST CANADIEN »9 JS u u u ^', -li n II a ;c us IMusicLirs de ces C(jlons, arrives pauvres et souvent dans le de'nùment, deviennent propriétaires, accrois- sent peu a peu leurs installations, leurs cultures, et tous sont heureux de leur détermination, ce qui est la recompense de Dom Benoît et de ses colla- borateurs. C'est dans cette région qu'est situe Mrandon, où est établie la ferme-ecole du Manitoba. A une cen- taine de kilomètres à l'Ouest, se trouve Oak Lake, colonie canadienne française : à ente s'élève, au Sud, près de la station d'Hartney, la belle paroisse de la (irande Clairière, dont le fondateur, l'abbè Caire, vient d'établir, à no et -'? kilomètres à l'Ouest, les nouveaux groupes de Saint-Maurice et de Saint- Raphaël, (^es paroisses sont en pleine prospérité, grâce au dc'vouement et à l'énergie d'un prêtre, qui, peut-être parce qu'il est Alsacien, n'en aime que mieux la France. Autour de lui se sont grou- pes des cultivateurs, des hommes distingués, et là tout nouvel arrivant est sûr de trouver direction et conseils de'sintércssés. Continuant sur l'Ouest on rencontre la station de Whitevvood. Près de là, ditlerentes entreprises agri- coles s'espacent dans la jolie vallée de Pipertone ; la Rolandrie est la plus ancienne. Nombre de jeunes gens de l'aristocratie française sont venus s'établir 2<) ILS IRANr.MS Uaiib ce pays; ù eux, vivent mêles quelques petits propriétaires. (L'est la zone presqu'exclusive de la culture des céréales : pourtant on y essaie l'exploi- tation du lait. Plus au Sud, sur les montagnes de rOurignal. c'est l'élevage du mouton qui domine. A 40 milles de W'hitewood, non loin de la station de \\'olseley, ont ête fondées vers iNi(3 les deux colonies de Montmartre et du lac Marguerite, où on s'adonne aux soins de la ferme mixte ; dans cette région on a construit la ferme-êcolc des territoires du Nord-Ouest, l'n peu au Sud, il y a beaucoup d'arbres, ce qui permet aux habitants de s'occuper pendant l'hiver de la vente des bois de feu. Du cote de l'Ouest la culture n'est plus obligée d'entourer les champs de barrières, de sor» que les animaux doivent être gardes ou parques. Enfin, ce qui est la caractéristique et le plus grand mérite de ces groupements, c'est que les homesteads gratuits sont assez nombreux et attirent les emigrants sans grandes ressources, qui ne pourraient autrement se procurer des terres. Enfin, comme troisième groupe, nous prendrons les colonies e'tabiies dans le bassin de la Saskatche- wan, cette région vers laquelle se dirige la majeure partie de l'émigration actuelle au Nord- Ouest. Le chemin de fer du Canadian-Pacijic aboutit en i:r f.i: NOKi>-ouF.sr canaihin •il deux points au fleuve Saskatchcwan : d'abord ^ Princc-Albcrt, province de Saskatchcwan ; ensuite à Ediuonton, province d'Alberta. Autour de Prince- Albert, capitale du district, siège d'un evOche, sont les colonies de Durkiake et de Hatochc : dans la zone fertile, prés de la voie ferrée, la situation de CCS postes est excellente. Dans les derniers mois de lî^til- se fondaient deux villages composes sur- tout d'habitants de la Meuse. l!n souvenir de notre grande héroïne, ils recevaient le nom de Domremy et Vaucouleurs. Kdmonton est un centre actuellement plus impor- tant pour la colonisation ; c'est sur la ligne Calgary- lùlmonton que s'est porte en iSq'ô le grand cou- rant de l'émigration. Sous l'influence de la crise qui avait frappe le travail et l'agriculture aux Ktats- Unis, des villages entiers du Montana et du Dakota se dc'peuplaient en quelques semaines. Les popula- tions amc'ricaines ont sous ce rapport une mobilité' extraordinaire. Klisee Reclus cite une ville de Pcn- sylvanie où l'on vit en l'espace de six mois surgir un hôtel de ville, un théâtre, plus de quatre-vingts hôtels, un château d'eau, et qui, avant h (in de l'année, devint presque déserte; un nouveau chemin de fer, ayant attiré ailleurs les éléments du coni- merce, lui lit ainsi perdre ses quinze mille habitants. 22 LES FRANÇAIS En i8(io la population de la cite se réduisait à quarante individus. Les arrivants américains se sont diriges vers les stations de la ligne Calgary-Edmonton où ils vont faire de l'élevage, car ils trouvent insullisant le ren- 'n'-'» dément du ble. C'est au Nord d'Kdmonton, autour de Saint- Albert, que sont situe's les établissements français. D'abord Saint-Albert, siège d'un c'vêche, puis, en remontant, les colonies du lac des (Eufs fonde'cs par le P. Morin avec des habitants venus des provinces de Québec; à l'ilst, Lourdes, près du fort Saskat- chewan ; plus loin, vers Hattleford, la valle'e est dt'serte et attend l'e'migration. Ce troisième groupe est dans la zone fertile, il est parfaitement irrigue; on y trouve des bois en abondance, des mines de charbon à fleur du sol, où les habitants vont puiser pour leurs provisions d'hiver. La vallée de la Saskatchevvan doit être par- courue par une voie ferre'e, joignant Prince-Albert à Battleford, Edmonton, et ensuite Athabaska. C'est le groupe le plus nouveau où les homesteads gra- tuits sont abondants. Les gelées, qui sont à craindre dans les fonds, ne font courir aucun danger sur les faibles hauteurs qui bordent le Heuve. Les re'coltes de i8()'3 étaient RT LE NORn-OUnST CANADIEN 23 .'S 1- là plus belles que partout ailleurs, l^es terrains, dont la spéculation ne s'est pas encore emparée, sont laisse's à des prix très faibles. Cependant la vallée de la Saskatchevvan soutient victorieusement, comme fertilité', la comparaison avec la vallée de la Rivière Rouge, mais les voies de communication manquent. Les tarifs de transport sont très eleve's, d'abord à cause des distances à parcourir, ensuite parce qu'aucune ligne de chemin de fer n'est là pour faire concurrence à la (Compagnie du Pacific; mais ces inconve'nients s'atténueront avec la construction de voies ferrées et le développement du marche'. Ce sera le pays le plus riche de ces immenses re'gions après Winnipeg. C'est au-dessus d'Edmonton que se trouvent les re'serves du Grand-Nord et le bassin de l'Athabaska- Mackenzie, sur le versant de l'Oce'an Arctique. La partie méridionale du bassin est au-dessous de l'isotherme de o" que l'on s'accorde à regarder comme la limite de l'établissement des blancs et de la production e'conomique du ble. En ell'et les lignes isothermes, j partir du lac Winnipeg, remontent en même temps qu'on s'avance vers l'Est, de sorte que l'isotherme de o" part du bord du lac Winnipeg pour aboutir au détroit de Behring, et cela, sous l'influence des vents d'Ouest, venant de la côte du 24 II^S FKANÇAIS F.T I-F. NORD-OUEST CANADIEN Pacifique, dont le climPt est rcchaulle par le courant tiède Kouro-Stvo (courant noir). On considère que les vallées du Peace River, de TAthabaska et de la grande Rivière des Esclaves sont cultivables et habitables jusque vers le (m" de lati- tude-, mais il est probable qu'à l'industrie agricole, si pénible dans ces durs climats, se joindra surtout l'exploitation des mines de charbon et de cuivre , ve'ritable richesse du sol. La mission catholique du fort Chipewyan du lac Athabaska expe'die de super- bes ce're'ales aux expositions agricoles. Enfin , depuis la Saskatchewan jusqu'au cap Bathurst. on trouve partout des traces de de'pôt d'huiles mine'rales qui, d'après les ge'ologues, sont appelées à remplacer et à dépasser les sources pétro- lifères des Etats-Unis. Le gouvernement a si bien confiance dans l'avenir de cette richesse qu'il a réservé un immense espace de loo.noo kiloniètres environ, au Nord du lac Athabaska, pour le concé- der plus tard h des compagnies d'exploitation. Des sondages ont été opérés à partir de iN()4 dans le district d'Athabaska et près du lac Pélican pour être fixé sur la valeur de ces gisements : c'est M. Frager, très expérimenté dans les affaires d'huile, qui les opère avec les géologues du gouvernement. n II Nous pouvons examiner maintenant les divers c'ie'ments se rapportant à l'agriculture. D'aborrI le sol. Dans la zone fertile, nous le savons, il est d'une extrême richesse ; c'est la meil- leure terre à blé du monde. Cette fertilité rendra pendant bien longtemps inutile toute de'pense d'en- grais dans ce pays. Au Manitoba, dans la Rivière Rouge, où la pierre est presqu'inconnue, ces riches plaines sont couver- tes d'herbages et de bouquets de bois. Comment ces immenses e'tendues sont-elles restées sous forme de prairies et ne sont-elles pas boisées? Certains en cherchent la raison dans la sécheresse, mais à tort ; car les territoires du Nord-Ouest reçoivent plus d'eau que la quantité reconnue nécessaire pour la végétation. Il faut plutôt trouver l'explication dans les feux des prairies. A l'automne, l'herbe des prai- ries, devenue très sèche, s'enHamme pour la moin- dre cause : l'incendie, propagé par le vent, couvre LES FRANf;.\IS de grandes étendues. Autrefois ses ravaj^es étaient terribles, maintenant ses progrès sont arrêtes par les cultures et les récoltes de foin faites à la fau- cheuse. Kn fait, le de'boisement partiel du sol, puisqu'on ne voit dans la prairie que des îlots d'arbres, est un avantage, puisqu'il permet une exploitation facile. La confection du cadastre marche avec la coloni- sation. La vieille méthode du Saint-Laurent con- sistait à diviser le sol en parcelles ayant leur façade sur la rivière et s'avançant en droite ligne jusqu'à 2 milles (3. 200'" dans l'inte'rieur. Ce système a e'té applique dans la \alle'e de la Rivière Rouge et de quelques-uns de ses affluents. Là les terres qui avaient été concédées aux anciens habitants, la plu- part me'tis. ont ete' vendues par eux le plus souvent à des spéculateurs. La méthode actuelle est des plus simples : elle a été empruntée aux Etats-Unis où elle a fait brillamment ses preuves. Le sol est divisé en townshipes carrés ayant (> milles (9.654 mètres) de coté, soit '3ien lue nos renseignements aient seulement en vue les questions as^ricoles, il nous faut dire un mot de l'avenir minier du Nord-Ouest. Les couches de charbon bitumineux s'étendent dans l'Ouest et dans le Sud de l'Assiniboine ^district de la Souris) ainsi que dans le Sud de l'Alberta; d'après des sondages encore incomplets, ces mines seraient d'une étendue considérable et d'une richesse inépuisable. Dans la CLolombie britannique et l'Al- berta, les Rocheuses sont un \rai trésor minier, (jn y trouve l'argent, le cuivre, le charbon, surtout de l'anthracite de qualité supérieure, dont l'exploitation se développe dans divers centres voisins de la grande ligne du Canadian. Plus au Nord, dans la vallée du Liard et de ses afiluents, on a découvert de riches gisements, mais ce sont maintenant des Compagnies qui exploitent le métal jaune. Quant au climat des régions qui nous intéressent, il est essentiellement continental. Les grands lacs qui couvrent une si vaste superficie de ces terri- toires ne le modèrent pas. Les températures de l'été et de l'hiver sont donc extrêmes; les saisons inter- médiaires, printemps et automne, à peine indiquées; liT LE NOKD-OUEST CANADIEN 3i et enfin on remarque une grande dilVerence de tem- pérature entre le jour et ia nuit. La saison d'hiver est extrêmement froide : le thermomètre y descend, exceptionnellement il est vrai, jusqu'à 42 degrés au-dessous de zéro. La température moyenne est plus élevée, mais même les plus grands froids sont faciles à supporter à cause de la sécheresse. Le ciel est dégagé, le soleil brille et, si la température de la nuit a été extrême, elle s'élève peu à peu sous l'action des rayons solaires, et souvent, au milieu du jour, le thermomètre se tient à — N ou 10". La neige, sous ce climat sec, tombe en faible quantité, les routes sont faciles à frayer : c'est la saison des bons chemins. Durant l'hiver, parfois des tempêtes soulèvent et font voler la neige comme de la poussière ; aussi les appelle-t-on dans le pays : poudreries. Elles ont fait plus d'une fois courir aux voyageurs qu'elles surprenaient de véri- tables dangers : transis, aveuglés, ne voyant plus aucun indice qui pût les guider sur la plaine uniformément blanche, les malheureux pouvaient payer bien cher leur inexpérience. Il est à noter que dans l'Ouest les tempêtes ne sont pas désas- treuses et qu'on y est à l'abri de ces ouragans qui, sous forme de tornados, désolent si fréquemment les Etats-Unis. Entin, on n'a pas au printemps de 32 LES IRAN CM S CCS alternatives de gel et de dcgel, si préjudiciables aux plantes nouvelles. C'est la saison des mauvaises routes : le sol détrempe devient glissant. L'ete' arrive, extrême aussi, puisque le thermo- mètre indique jusqu'à 3?"; mais si les grands froids ne font pas souflVir à cause de la sécheresse, les grandes chaleurs sont supportables, grâce à la fraî- cheur des nuits. A l'inverse des pays chauds, où les nuits, presque aussi chaudes que les jours, ne procurent aucun repos, ici l'abaissement de la tem- pérature de la nuit repose et vivifie non seulement les êtres, mais encore les plantes que l'on retrouve au matin recouvertes de rose'e. Telle qu'elle est, cette saison d'êtè est très favorable à la culture, car elle est assez humide et assez longue. Nous savons que la sécheresse n'est à craindre que dans la partie mer* lionalc du territoire, à l'Ouest de la Rivière Rouge. Les pluies tombent pendant la végétation, et le fait qu'elles ne sont pas très abondantes est favorable pour le pays où, l'ètè étant court, la croissance et la maturation doivent être rapides. Outre les pluies, le sol garde une humidité suffisante : d'abord parce que les couches inférieures de glaise imperméable conservent la fraîcheur; ensuite .rce que la terre, qui pendant l'hiver a été gelée à une grande profondeur, libère peu à I 1 M M>|,Mi-n| i:sr i: w \iiii:\ 33 peu, par un de^cl protrrcssif, une certaine quantiti i-l'eau. Kiiliu la saison est suflîsaninient bonne, cal- es moissons sont niùres dans le courant J'aoùt et les premières gelées n'arrivent au plus tôt que vers se ptemb re. Ces gelées précoces, un des gros griefs contre le Manitoba, n'ont, depuis soixante ans, atteint par- tiellement la récolte du blJ ^|u'au\ années |X,S3, iNS |. et iSSn, et cela, parce que les semailles avaient ete tardives. Il faut remarc[uer que les vallées de la Rivière Rouge et de l'Assiniboine, jusqu'à Portage la Prairie, sont à l'abri des gelées précoces. Du cùtè d'iùlmonton, et dans la vallJe de la Saskatcliewan, les gelées arrivent un peu plus tôt. Le ble, sur les terrains bas, y est seul expose, et peut-être n'en sera-t-il pas toujours ainsi, car, chose imiverselle- mcnt reconnue, quoiqu'insullisamment expliquée, la mise en culture des régions modifie le climat en l'adoucissant. Si, pour la végétation, le climat est favorable, peut-on dire qu'il est également bon pour ses habi- tants? Les colons répondent qu'il est excellent, et, à ce point de vue, tous se louent du pays : le Iroid, ce puissant tonique, y est pour beaucnip. L'atmo- sphère sèche a rendu la vigueur à plus d'un colon venu des contrées humides telles que le bas Canada. 3 Nuni)-oiji:sr canadikn 34 l.rS IRANCAIS Ce pays est excellent pour les races européennes, celles du midi exceptées. La question du climat est de la plus haute impor- tance pour une colonie, et nous partageons cette opinion, très répandue, que c'est à cause du climat que le développement de nos colonies rencontre tant de ditlicultes. Sauf l'Alf^erie et la Tunisie, ces splendides joyaux, et la Nouvelle-(^aledonie, de fait réservée aux forçats, toutes nos autres possessions coloniales, étant situées eu pays chauds, sont dela- vorables à noire race. Si les colons ne s'y all'aiblis- sent pas outre mesure, ils ne peuvent compter l'aire souche. L'Alf^erie est une tei're de choix, mais seulement pour les méridionaux : les gens du Nord, s'ils ne soutirent pas dans leur propre santé de ces chaleurs déjà très fortes, voient leurs enfants aller en s'affaiblissant : témoin les colonies d'Alsaciens- Lorrains qui y sont établies. Nous croyons, quant à nous, et avons ète à même d'entendre exprimer cette opinion par des médecins coloniaux, que, poiu- un cultivateur qui, voulant èmigrer, fait choix d'une colonie, la première con- dition, la plus indispensable de toutes, c'est que le pays jouisse d'un climat semblable au sien. Sans cela, s'il \a en pays trop chaud, même s'il s'y accli- mate, il y perdra, lui et ses enfants, assez d'e'ncrgie es, r»r- ttc lat trc :es ait ms l'a- is- irc :iis •d, :cs 1er is- nc ns lU n- Ic ns li- I 1 II NiiKh-ol I si CANADILN physique et morale pour que le succès I Si bien que la ileterniination prise p ui échappe. our améliorer sa position tournera à un résultat absolument con- traire, i^nlin, le climat inilue sur les qualités mora- les des populations. Kn pays froid, où la vie est rude et dillicile, la lutte pour l'existence lait appel aux énergies de l'homme, et développe son initiative et son caractère, vraies cause-t de progrès pour un pays libre. I.a végétation naturelle de l'Ouest est peu variée. Les îles de bois qui s'élèvent dans la prairie com- prennent le plus souvent les peupliers, les saules et les ormes, quelquefois le chêne, le tremble et le frt-ne, rarement le prunier et le cerisier dont les fruits sauvages sont doux, lùilin les arbustes sont fort prospères et nombreux. On remarque en outre le houblon et la \igne vier'^e. Au pomt de vue agricole nous savons que pour les céréales le Nord-Ouest est une terre de promis- sion. Le blè s'y trouve dans les conditions les plus favorables pour sa production. Les espèces de blè dur, parmi lesquelles se distingue le « Hed Fife », sont très appréciées de la meunerie et donnent une farine renommée. Les rendements moyens pour le Manitoba ont été de ir» hectolitres (i par hectare. Les rendements les plus beaux ont atteint 27 à 3i 36 I.l-S IRANCMS et quelquefois '3() hectolitres à l'hectare; mais ces derniers, u'ctant que des exceptions, ne sont pas à considérer. Les autres céréales, telles que Torj^e et l'avoine, rencontrent aussi, au Nord-Ouest, les meilleures conditions de croissance, et y donnent de superbes récoltes; mais les surfaces emblavées sont surtout en ble', et les autres céréales rc'unies ne s'élèvent qu'aux trois quaiis de la pioduction du ble. On remarque, comme produits de grande culture, quel- ques champs de mil : entin le seul fourrage artiliciel du pays, \raiment remune'rateur, et i]ue l'on com- mence à culti\er sur les a\is des fermes-écoles, est 11- maïs-fourrage. L'herbe de la prairie, quoique dure, est un excel- lent pâturage et permet la récolte du foin sans autre frais que le travail de fauchage et de mise en meule, c.av les villages sont établis trop loin les luis des autres pour ne pas laisser entre eux de vastes espa- ces sur lesquels va pâturer et re'colter qui veut, (a's terres appartiennent, soii à l'Ktat, soit à des spécu- lateurs, soit à des compagnies : il en sera encore longtemps ainsi ; car le sol libre a une immense éten- due, et les nouvelles colonies ont soin de ne pas se placer trop prés de leurs s(eurs et de laisser entre elles c 'S bandes de prairies dont le colon profite sans i r LI-; N(iKi)-ori,sr c \\ai)Ii:n 37 bourse dulicr. Somme toute, ce sont les compai^nies et les spéculateurs qui procurent ces pâturages gra- tuits, et ils ne peuvent faire autrement. Toutefois, si le colon voulait faucher sur une trop grande éten- due, ce qui ne se pre'sente que très exceptionnelle- ment, le droit de récolte est cède par le propriétaire pour une faible somme appelée anada, n'ont pas encore réussi : en hiver, dans ces immenses plaines que le vent par- court sans obstacle, les sujets sont gelés. Les expé- riences continuent cependant, et peut-être qu'avec un rideau d'arbres-abris on obtiendra des résultats. Les espèces animales naturelles au pays sont bien réduites maintenant. C'est pour mémoire qu'il faut 3S LES IRANÇAIS dire un mot du bison des prairies, aujourd'hui dis- paru. Les seuls qui peuvent en parler de visu sont de rares r.iissionnaires qui accompagnaient les tribus indiennes dans leurs chasses. Ils ont garde' de cette e'poque un souvenir vif et curieux qu'ils aiment à opposer au temps présent. Ces immenses territoires du Nord-Ouest qu'ils parcouraient, ils les trouvaient tellement vasteo, tellement vides, que, sous l'impres- sion d'une solitude sans pareille, ils se disaient : Non, jamais personne ne séjournera ici ; jamais n'y paraîtra la charrue ! Et maintenant les habitants, le ble', les chemins de fer envahissent ces régions. La chasse au bison, que, au début, TLidien n'en- treprenait que pour sa vie, car la bête lui fournissait nourriture, vêtement, corde, de\int pli. > tard, a\ec l'aide des métis et des blancs, une véritable tuerie. Les Indiens s'approchaient avec précaution du bujj'alo qui, comme une immense tache noire dont parfois on ne voyait pas les limites, s'étendait dans la prai- rie. Une foule de cavaliers, tournoyant autour du troupeau en march'^, en détachait un fragment ; on exterminait le plus qu'on pouvait, et plus d'une fois on a fait tomber la bande dans un piège où on ache- vait ceux qui n'étaient pas ou écrasés ou tués. Après, on préparait le taureau, on découpait la viande en longues 1 mières pour la faire sécher ; mais il fallait ET I.E NORD-OUEST CANADIEN 30 pour cela de la viande fraîclie, et telle troupe d'In- diens qui pouvait de'peccr vingt bisons en tuait néanmoins des centaines : la viande alors se gâtait. En somme, au lieu d'une exploitation réglée, ce fut, à paitir de iS^o, un vc'ritable massacre. Dans ces folles he'catombes,on ne tuait quelquefois que pour se procurer la langue de l'animal, morceau de choix. La race n'y put survivre et des millions de bisons qui, au dire des naturalistes, parcouraient les prai- ries de rOuest, il ne rcrte plus que quelques spé- cimens conserve's dans des parcs et, dit-on, quelques troupeaux de bisons des forets, peu différents de ceux dont nous parlons, troupeaux espacc's dans le Grand-Nord, dans le bassin du Mackenzie. Le castor, qui a cte chasse' à outrance, tend à dis- paraître : il ne reste plus que très peu de lièvres et encore moins de chevreuils. En revanche, ce qu'on appelle les chiens des prairies, bêtes malfaisantes qui rongent les racines des plantes, pullulent dans cer- taines re'gions de l'Assiniboine, surtout dans les pre's où ils creusent des terriers. On cite comme animaux à fourrure : le caribou, le blaireau, le vison, la marte, le renard, le chat sauvage, la loutre, etc. Dans la vallée du Manitoba il y a nombre d'oi- seaux qui rappellent les espèces d'Europe : la grive, la sarcelle, le canard, le faisan et surtout la poule 40 Li:S I-RANC.AIS des prairies, qui est abondante et ressemble à la perdrix, mais de plus petite taille. Les poissons sont abondants; les plus répandus sont : les truites, les brochets, les carpes, les an- guilles, les barbues et surtout les pt)issons blancs. Cette branche de richesse n'a pas encore ete exploitc'e utilement. Enfin le pa}'s du Nord-Ouest est très favorable à l'élevage. Chevaux, bœufs et vaches laitières y prospèrent à l'envi. Les moutons, introduits il y a quelques années sur les terrains e'ievès de la prairie, près des ^Montagnes Rocheuses, y ont déjà donne de très beaux résultats. Quoi i.|u'on en ait dit cepen- dant, il laut, dans cette re'gion, hiverner le bétail, c'est-à-dire lui procurer un abri très sommaire, et lui donner n(uirriture. Un troupeau mal hiverne \()it la mortalité' s'accroitre ; l'ètè sui\ant, les bètes croissent (m engraissent peu, et les vaches laitières donnent moins de lait. (Comment l'agriculture exploite-t-elle les diverses branches qui réussissent dans le pays : Nous allons en donner une idée rapide. La culture des céréales se fait partout de la même façon. Le cultivateur, arrivant sur la prairie \ierge, la laboure à dix centimètres environ de profondeur avec l'instrument appelé charrue à casser. Il faut Il lie Noui)-oi KSI cana: ii:n 4' la LIS n- s. •c le V que cette opération, le cassagc, soit laite avant le mois de juillet, et cela, pour que son but soit atteint : faire pourrir le gazon enterre. Puis, dans presque tout le .Manitoba et TAlberta, il faut clôturer la terre qui doit être emblave'e poiu- en éloigner les bestiaux ; car le pâturage est libre. Dans la plus grande partie de l'Assiniboine, c'est au contraire la culture qui est libre ; le bétail doit être enclos et garde'. — L'annc'e suivante a lieu le labourage, qui se fait le plus souvent dans ce pays avec une charrue à deux socs, munie d'un siège pour le conducteur, traîne'e par une paire de forts chevaux ou de b(eufs. Puis on emblave a\ec une semeuse : celle semant en ligne est prèfe'ree. On roule généra- lement la terre, car cette ope'ration allermit le sol très meuble de ces régions. Dès le mois d'août commence la moisson, faite au moyen de moisson- neuses-lieuses : les gerbes sont mises en meulons et attendent la machine à battre qui se transporte de ferme en ferme. Le grain est ensuite engrange jusqu'au moment où le cultivateur, après l'avoir vendu, le porte aux >< elevated », vastes magasins à bk'. La grande question est de senier tôt ; aussi les colons labourent-ils pour semer aux premiers beaux jours du printemps. Certains pensent même que le 4'^ I.F.S IRANCAIS mieux serait de préparer la terre en ete (terres restées en jachères); on aurait ainsi un sol propre, ce qui est important dans ces pays de grand vent, et plus ferme, ce qui est très avantageux dans ces terrains meubles. I/inconAenient de ce système, c'est qu'on n'emblave que la moitié des terres. L'élevage, dans le but principal d'exploiter les produits de la laiterie, se re'pand beaucoup. L'e'te, les bètes pâturent en liberté dans la prairie vacante qui borde la colline ; pour se faire traire, elles rentrent matin et soir d'elles-mêmes, par habitude, ou bien elles sont ramenées par un enfant qui va les chercher à cheval. La nuit, elles sont re'unies autour d'un feu, la (c boiianc », allume pour chasser les moustiques qui les importunent. L'hiver, on laisse tarir leur lait et on les nourrit de foin qui a été re'colté pendant l'c-té encore dans la prairie vacante et mise en meule sur place. Le gros travail de l'hiver consiste à aller chercher ce foin en traî- neau pour les besoins du bétail. Le lait est envoyé par le cultivateur, soit à la bcurrerie, soit à la fromagerie. Ces établissements sont fondés sur le modèle coopératif. Les patrons sont les cultivateurs qui viennent apporter leur lait. A la fin du mois, le beurrier ou le fromager fait la répartition des ET I E NORD-OUEST CANADIEN 4- t'S '^■> 't, es c, ;s te ;s a 'S r Q a e recettes proportionnellement aux quantités de lait versées par chacun des propriétaires, déduction faite de tant "/„ pour frais de fabrication. La fromagerie ne rend rien au cultivateur, mais la beurrerie rend le lait e'cre'mé à l'ecrémeuse centrifuge, et ce lait pauvre sert à la nourriture des veaux et à l'engrais des porcs. L'élevage dans les ranchs est bien diflérent : il se fait sur d'immenses troupeaux. Aussi faut-il s'éloi- gner des lieux habite's, aller dans la prairie vierge jusqu'aux espaces que la colonisation n'a pas at- teints. Sous la surveillance des cowboys, les bêtes à cornes ou les chevaux sont en pâturage dans de vastes étendues de prairies louc'es à des prix minimes ou libres, quand il n'y a pas de concurrents pour la location. Les visites sont faites annuellement. Pour l'hivernage, on ne fournit que des abris et une maigre nourriture quand les pâturages sont trop couverts par la neige. Les expéditions se font par la Compagnie Pacijîc-railraf. Les bêtes sont rassemble'es dans une enceinte palissade'e, avec une ouverture donnant sur les wagons où le bc'tail s'empile de lui-même. Un train est ainsi vite chargé. Les moutons sont non seulement gardés, mais réunis en troupeaux. On ies élève sur les légers 44 r.ES IR ANC Al s renflements qui forment faite entre le Missouri et l'Assiniboine, ou encore ;->ur la marche élevée de la prairie, près des Rocheuses, dans l'Alberta. Toutes les races introduites y ont prospère. L'ete, les mou- tons sont conduits sur les lieux de pâturage; l'hiver, ils sont reunis dans des abris dont les murs sont en terre; le toit en chaume, ou plutôt en paille, repose sur des perches ; c'est sullisant, car le tout gèle en hiver et ne forme qu'un bloc. La nourriture est aussi du foin fauche' et mis en meule. Des commis- sionnaires achètent ces troupeaux et en prennent livraison. Examinons maintenant les autres conditions de l'agriculture dans le Nord-Ouest. Dcfciises d'établissement , achats. — Le bétail s'achète, soit chez, les cultivateurs déjà établis, soit auprès des commerçants qui parcourent le pays, venant des ranchs. Si l'on veut se monter en grand, il est préférable de faire ses acquisitions sur les lieux d'élevage au Canada et aux Etats-Unis. Pour donner une idée des prix de l'année dernière : près de Winnipeg, une vache laitière se vendait de 23 à 3o S (c'est-à-dire dollars ou piastres : le dollar peut être considéré comme une pièce de b fr., mais sa valeur réelle est d'environ 5 fr. 2.3) ; les veaux à quatre mois, pour la boucherie, lo .5; une paire de i:t i.r Noun-oiTsi c.WAnirN 45 bceut's, dans les loo .s ■^ It-'s chc\'au\ de pays, de ino i\ I ?o S la paire; une belle paire de lourds chevaux, 3()<) S; lii mouton, ? à 7 S la paire; dans les parcs, j, -ip S en j^ros. Les Mennonites l'our- nisscnt d'excellentes bêtes à cornes et sont surs en allaires. Ces chilVres n'ont pour but que de donner une ide'e approchée; car il n'est pas de branche où l'appréciation de la qualité, l'art de marchander modifie plus les prix. Les machines agricoles que l'on trou\e dans le pays sont très perfectionnées; mais, pour les mettre il la portc'e des petites bourses, elles sont faites en fonte, par suite ont une durée mo\enne. Cette branche de commerce est ent;-. les mains de syndi- cats qui maintiennent les prix. Kn payant au conqv tant, on peut obtenir de forts rabais, et cela, chose curieuse, près des maisons les mieux assises et les plus riches; mais le système ordinaire est la vente à cre'dit ; les prix sont c'tablis en conséquence et l'agri- culture paie lourdement l'intérêt de sa dette. Pour donner un aperçu, une moissonneuse-lieuse perfec- tionnée valait à \\'innipei^, en 1X1,4, de n)o à 140 ,S. Les réparations à ces machines sont hors de prix, par suite de la rareté des bons ouvriers, et l'on considère qu'il vaut mieux marcher aussi long- temps que possible avec sa machine usée, à laquelle It) lis IKWCAIS on ne tait que de faibles et imparfaites réparations; à la dernière extrémité, on la remplace par une neuve. Souvent les colons oublient dans ces achats les principes de prudence les plus c'Ienientaires, et cela à cause de leur prc'cipitation et de leurs ide'es prc'- concues : ainsi ils se montent en bloc au lieu d'achc ter successivement au fur et à mesure d'occasions favorables, qui sont fre'quentes dans ces contrc-es où la population est si mobile. Quelquefois ils s'ins- tallent avant d"avoir acquis une connaissance sulli- sante du pays, c'est-à-dire d'après les plans faits en Kurope, sur des données plus ou moins fausses. Kn ou tre, ils s'en laissent trop souvent imposer par de beaux parleurs qu'ds ne connaissent pas et dont ils sui\cnt les avis intéresses, au lieu de s'adresser à des personnes de confiance, (^es içens, qui vivent de l'exploitation de l'c'migrant, ces « sharps » (malins}, comme on dit dans le pays, sont malheureusement trop répandus; aussi celui qui, dès son arrive'e, se de'fie de tout individu qui lui propose une alVaire, n'a, en général, pas à s'en repentir. l'.nfin, et ceci est une erreur capitale, beaucoup de colons abusent du crédit. Dans lu but d'uugmen- ler leurs atlaires, les commerçants de toute spécialité n'hésitent pas à faire les plus importantes avances i:i M NORD-ori:si canauikn 47 de marchandises, mais cela sur hypothèque. Un cultivateur qui vient d'avoir une belle année pourra se monter complètement ; mais il aura hypothèque tout son bien, et, le jour où il ne puiu'ra pa\ cr les annuités consenties aux prêteurs, il sera saisi, vendu, ruine, Les commerçants, eux, auront assure leurs rentrées. M. de Mandat-Grancey a, de l'avis des Américains, expliqué on ne peut mieux ce système exagéré des hypothèques qui est pour beaucoup dans la misère agricole des luats-lJiiis. C.es procédés dé| 'orables cherchent à s'introduire au C^mada et ne manqueraient pas d'y amenei" la iiiine si les cul- tivateurs se grèvent ainsi de dettes en escomptant l'avenir. La grande enquête, faite en 1NS4 par les Consuls américains sur le globe entier, établit que la con- dition des classes laborieuses dépend surtout de la réserve avec laquelle elles ont recours au crédit. Il faut ajouter qu'on ne peut en\isager le crédit dans les nouvelles sociétés comme dans les anciennes. lui ellét les mises de fonds sont très producti\ es ; de plus, les objets manufacturés étant très chers (puisqu'ils ne sont pas produits dans le pays , et le capital étant rare, il faut, pour qu'une colonie se développe rapidement et se mette à même de cul- tiver son sol, qu'elle ait recours, sous une forme 4« lis ri.'\M VIS qui.'lcoii>,|iK, au crcJii. I..1 Ininu' oiJinaiii', ce sont les nrOls i|uc les cdinmcicaiits et les l'ahricants Idiit au\ Cillons. C/isi cette nécessite tlii creJii i.|ui lait coniprendre uu<: remarque i.ri'!list'e Keclus, que les lois Jans les pa\ s neuTs sont plus favorables au débi- teur qu'au créancier : » Les lois connue les nueurs sont pleines J'inJulfience pour le Jebiteui' insoha- ble ; la faillite n'a rien qui entache l'Iionneur; c'est, dans ces sociétés singulièrement élastiques, un acci- dent passager qui n'a rien de t.leliiiitif et que l'on fait facilement oubliei'. " A ce point de vue. les instincts de race et de sociabilité qui font que les nou\eau.\ \enus viennent leui toujours se grouper près de leurs Ireres d origine, ces instnicts ser\ent les intérêts. i/L'inigrant trouve en elVet près de ceu\ de sa race des renseignements nombreux se conti'<'>lant les uns les autres an 1 leu des conseils intéresses des » sharps ■>, il reçoit les ivis précieux des colons qui, arrives d VK urope sans connaître le pays, ont acquis le genre d'expe'rience qu'il lui faut et qui lui manque. Les constructions sont, dans la prairie, pres- qu'exclusivement en bois. La pierre est inconnue dans la valle'e de la Rivière Kouge : elle est t r>^ 1 res rare dans la prairie, et c'est seulement au pied des Rocheuses qu'on la trriuve. Calgary est la seule ville, I l l.i; NORl)-r)l. i;sr CANADIKN 4.» depuis l'Ontario, où les cdiliccs soient en picrro Jii pa3's. Pour WinnipefT, la f^rande majorité des mai- sons de la \illf est en bois et les grands édifices sont en briques et en pierre. I. 'nu. 'strie de la briqueterie se développe sur une assez large (.'clielle ; la matière première est l'ouinie pii- la concise de glaise qui. dans la région, s'èteiul eu dessous de la terre vc'ge- tale. Souvent la brique ne sert qu'à entourer d'un revêtement incombustible une maison de bois. Dans la campagne le bois seul est usité. Au Nord-Ouest le bois est assez cher à cause de la distance à par- ctnirir, et aussi en raison du syndicat des marchands qui maintient les prix. Pour donner une idée du prix des planches : les i.ooit pieds, qui coûtent aux scieries d'Oltawa de lo à \i S, coûtent ii S ^ W'innipeg. Aux làats-lJnis, dans le Dakota, même quantité et qualité coûtent i '.î ,S, mais les droits protectciu's empèclieni l'importation. Les maisons de bois prennent les aspects les plus divers, depuis les somptueux hôtels des villes jus- qu'aux plus modestes maisons de la campagne. Les couleurs cl. lires dont elles sont peintes, les ve-ran- das, qui souvent les |ii-ecèdent, les rendent avenan- tes et gaies, (^es constructions sont onfortablcs cl chaudes. Leiu' prix est elevc', non seulement par suite de la valeur du bois, mais encore et surtout par le NORD-OL'ESr CANADIEN 5o I.I'S rUANCAlS coût de ia main-d';t:uvrc trcs chère, mais aussi très rapide, puisqu'on monte une maison en quelques semaines. Il y a aussi des maisons plus simples, celles à murs en terre que l'on rencontre dans la prairie. Ces habitations reposent sur des caves, le plus souvent bien primitives : un simple trou rec- tangulaire sur lequel est placé, comme voûte, le plancher de la maison, ce qui sutllt pour entra\er l'action du froid. F. a couverture est généralement faite en bardeaux, l'n papier goudronné imperméa- ble, des tuiles, soit en terre soit en zinc, se voient, mais rarement. ( )n ne rencontre le chaume que chez, les Mennonites. (^est en jManches que se font aussi lus élables et hangars pour les maciiines. [.es paysans, cependant, quand ils sont à proximité de bois assez importants, tont ces constructions en /oir/zi'.v, c'est-à-dire en troncs d'arlies équarris, qu'on remplace par la planche lorsque vient la prospérité. Pour les étables du genre abri, ce sont des murs en logues et une toiture en paille : cela ne coûte que le travail du propriétaire. Dans le Nord-Ouest on n'engrange pas les récoltes puisque les céi'éales sont battues avant 1 hiver, ei le foin est mis en meule. Il faut construire d une façon très modeste, au début, pour ne pas compromet. re le succès d'une entreprise, en élevant :rcs Lies les, ; la , le ec- le ',er cnt ea- :nt, hc/ et nt, its, en la lies ine du la s un ire las IIU i.i: NoKi)-oii;sr (;.\nal)Ii:n 0 1 au delà des limites le capital d'établissement. Ici encore la précipitation est funeste : bien inspire est celui qui, au lieu de donner la construction à l'en- treprise, achète son matériel dans de bonnes con- ditions, le laisse sécher et profite d'une occasion de travail bon marché pour faire construire. Kntin, il nous reste à vou' dans quelles conditions se fait l'achat des terres. Pour les ranchs, dans l'Assiniboine et dans l'.-Vlberta, nous avons vu les modes de concessio i spéciaux. Pour la culture, on peut se procurer dos terres, soit en prenant un homestead, soit e;. achetant dans les réç,nons colo- nisées. Les colons qui ne peuvent mettre d'argent dans la terre, se procurent les homesteads dont nous avons déjà parlé. La loi favorise encore cet établis- sement des colons pauvres, un déclarant que le lot sur lequel ils s'établissent ne pourra être ni livpo- théqué, ni vendu pour dettes antérieures à la concession : elle déclare insaisissable, tant pour dettes antérieures que pour dettes postérieures, un grand nombre d'objets mobiliers ; outils, bétail, vivres, etc. (/est grâce à celte loi, dont les Américains sont liers, que le l'"ar-\\'est a été peuplé et cultivé si rapidement. Le succès a été grand, puisqu'en vingt T2 LES FRANÇAIS ans une superficie plus vaste .^33 millions d'hectares) que celle de la France a ete occupée en homestcads. Les populations devenues propriétaires n'en ont pas pour cela été tixées au sol. « Le \'ankee, disait Michel Chevalier, n'a pas de racines dans le sol : il est étranger au culie de la terre et de la maison paternelle; il est toujours en humeur d'émigrer. » Le colon qui a de l'argent disponible, si peu que ce soit, achète généralement dans le pays où passent les chemins de fer et où, par suite, il trouve des débouchés poiu" ses produits. On croit, à l'étranger, qu'il n'existe pas de terrains disponibles ou qu'on en demande des prix trop e'ievés : c'est une grave erreur. Les spéculateurs et les compagnies détiennent des régions entières du pays soi-disant colonisé, et les conditions d'établis- sement sur les terres fertiles sont faciles. Nous avons, en parlant des diiïérentes zones, donné une idée des prix. Une des fautes que l'on reproche aux nouveaux arrivants, c'est de vouloir acquérir un grand do- maine. Kn Europe, toute parcelle de terre est pos- sédée; chacun, par suite, n'exploite que son lot et veut s'agrandir. Au Nord-Ouest, au contraire, nous l'avons \u, le pâturage et la récolte du foin sont libres sur les vastes espaces vacants qui entourent ET LE NORD-OUEST CANADIEN 53 les paroisses. Avec des conditions dilTerentes, il faut des procèdes dill'ercnts, et si, en lùirope où on applique la culture intensive, il faut pour augmenter ses allaires occuper plus de terres, ici, où on fait principalement de l'élevage, il en est autrement, puisque les pâturages sont illimites : il suilit d'acheter du nouveau be'tail. Point n'est besoin de posséder une plus grande surface : il faut seule- ment avoir la surface voulue pour la production des céréales que l'on veut obtenir. Aussi considcre-t-on, dans le paN's, que le mieux est de posséder peu de terre, mais de terre bien située, car, avec la culture mixte, une grande étendue ne serait pas entièrement cuitive'e et l'argent ainsi employé serait immobilise'. On pense aussi que le colon qui étudie assez long- teiTips le pays trouve facilement une occasion favo- rable de se procurer des terres defriwLees, même des bâtiments et des clôtures, et diminue de ce fait son capital d'établissement. On voit donc que les conditions d'installation sont très diverses et se prêtent à tous les moyens, même à ceux des paysans pauvres. Ces procèdes sont d'ailleurs conformes au principe de la division du territoire, l.e premier occupant défriche, fait les grosses améliorations et vend alors sa terre à un fermier, mieux muni de capitaux, qui peut cultiver d'une façon plus parfaite. 54 LES FRANÇAIS Les dc'fricheurs et les simples cultivateurs y trouvent leur compte. Ce qui, dans ces questions de frais d'établisse- ment, pèse fortement sur les prix, ce sont les syn- dicats de producteurs. (Vest un des dangers que rencontre le régime économique au (Canada, mais à un degré bien moindre qu'aux Ktats-Unis, où on a tout fait pour obtenir une véritable égalité de'mo- Mi de SI I on a supprime I aristocrai naissance, on voit se dresser une nouvelle classe très réduite en nombre, de fortunes immenses, l'aristo- cratie de la richesse, qui, grâce aux institutions économiques, s'e'lève à l'aide de la foule des salarie's; de ce côte l'inégalité est plus grande qu'en aucun pays d'Europe. Maigre l'existence au Canada de puissants syndicats et de grandes Compagnies comme le Cana- dian Pacitic, on est loin de se trouver en face d'un problème aussi aigu. Les immenses fortunes n'exis- tent pas; la richesse est partagée en un plus grand nombre de mains. Une forte partie de la population est agricole et indépendante du servage des usines. Main-d'œuvre. — Avant de parler de la condi- tion des ouvriers, il est bon de remarquer qu'en ce pays l'hiver, très rigoureux, dure longtemps ; qu'il en résulte un chômage prolongé des ouvriers qui travaillent à l'extérieur ; que, par suite, il F.T i,r Noiu)-orf;sT canadien 'cnt yn- is à on no- de Tes itO- DllS es; lys nts la- un is- nd on .'S, ii- 2n ' ; rs il existe une grande dillerence entre le salaire paye à Tannée et le salaire paye' à la journée. Les ouvriers agricoles canadiens connaissant le travail du pays sont très adroits et vont très vite à l'ouvrage. Le salaire annuel moyen est de ■ioo s, mais avec la nourriture. L'alimentation (viande, laitage) est abondante, comme pour toutes les classes de la population de ce pays. On évalue d'habitude le coût de l'alimentation à b S par mois. J>c genre de vie est autrement large qu'en Europe; car ici l'egalite démocratique est vraiment réalisée; les ouvriers sont engages pour faire un ouvrage net- tement détermine, auquel ils se livrent du reste avec entrain, mais non pour obéir à toutes les volontés du maître et faire un service personnel. Ces salaires et ces conditions sont lourds pour l'exploitant qui emploie un certain personnel; aussi, plusieurs essais d'importation de main-d'œuvre meil- leur marché ont-ils été faits. On embauchait en France ou en Belgique des garçons de ferme auv prix des vieux pays, leur promettant des augmenta- tions de salaires quand ils auraient appris le travail local. Les résultats ont été nuls : les engagés trou- vaient en arrivant au Nord-Ouest possibilité de ga- gner des salaires supérieurs et ils quittaient bientôt leurs embaucheurs. Quelques-uns ont même fait Mî I.ES 1 RANÇAIS et gtignc des proccs pour se faire rapatrier. Cela rappelle les .« iuvcntcd servants » qui, engages en Europe et transportes aux Irais de l'embaucheur, arrivaient la plupart du temps, après avoir profite du passage gratuit, à s'enfuir et à s'établir pour leur compte dans la solitude des forêts. Dans d'autres colonies on s'est occupe d'intro- duire la main-d'œuvre en grande masse pour les agriculteurs et les capitalistes. Un système également pratique consiste à faire avancer par l'Etat les frais d'émigration, frais dans lesquels il rentrait par une taxe levée sur les ouvriers; mais la difficulté était d'assurer le paiement de cette taxe, les ouvriers cherchant par tous moyens à s'y soustraire. Le système ^^'aketield, qui fut appliqué avec succès en Australie, consiste à vendre les terres et à alTecter les produits de ces ventes à l'immigration gratuite. Même au bout de trois ans, le colon peut demander son rapatriement. L'inconvénient de ce procédé c'est que, après un certain temps, les demandes de rapa- triement sont considérables : ainsi, une année, cent mille passages gratuits furent demandés pour l'Al- gérie; ils furent presque tous suivis de retour. Les ouvriers de profession ont des salaires supé- rieurs, mais les chômages sont assez fréquents. Il faut remarquer d'ailleurs qu'il en est de même en » i:r i.i: nord-ouest canadien t<~ Europe, ou cependant les salaires sont bas. Les principales reclaïuations des syndicats, d'après 17ù'o- noniislc français, portent sur ce point du chômage, et ce n'est pas une des moindres causes qui font réclamer par les ouvriers la journée de huit heures ; il faudrait plus d'ouvriers, puisque chacun travaille- rait moins. Parmi les ouvriers provenant de l'émigration, les travailleurs apprennent bientôt les méthodes du pays et réussissent; mais d'autres sont paresseux, sans moralité, venus d'Kuropc par coup de tète : le chô- mage les attend. Il est bon d'insister sur ce fait que, pour les salaires, si les taux élevés sont en général maintenus, cela tient moins aux syndicats, sans grande action sur les campagnes, qu'à l'esprit de solidarité des ouvriers qui, de crainte de gâter le me'tier, prc'fèrent se priver même durement plutôt que de travailler pour des salaires inférieurs aux taux habituels. Ce qui diminue l'attrait des salaires élevés, c'est le chômage. En plus, il se trouve, exceptionnelle- ment il est vrai, des employeurs qui abusent des nouveaux arrivants et ne les paient pas. Dans cette branche donc, comme pour les achats, il ne faut pas contracter à la légère. Bien des familles, qui arrivent au Nord-Ouest sans ressources, prennent un homes- 3X 1 s IKANCAIS tead et les hommes vont se placer comme ouvriers, espérant ainsi gagner les Sno ou i.ooo S qu'il faut pour s'établir, (lela paraît simple, mais il faut compter a\ ec la dilliculte qu'eprou\e un nt)uvcl arri\ant pour se faire embaucher, a\ec le chiunage ; aussi beau- coup d'autres colons réussissent quelquefois plus \ite et toujours moins durement par le fermage ou le métayage; maigre tout, l'élévation des salaires otfre à chaque ouvrier le moyen de sortir du prolé- tariat, chose qu'en gênerai il n'eût pu lèver dans les vieux pays; elle lui communique en outre une ardeur et une énergie bien faites pour élever sa condition. l'oies de communication et marches. — Dans le domaine des travaux publics, l'ceuvre prin- cipale, la construction des voies ferrées, est bien avancée, ('.es immenses territoires commencent à être sillonnes par des chemins de fer. On ne peut dire qu'ils aient ete faits, comme dans la vieille Europe, pour reunir des centres commerciaux, car Ces centres n'existaient pas avant eux : ils en ont e'te' les créateurs. Souvent ils ne suivent pas la colo- nisation, ils la précèdent, et c'est le long des rails nouvellement poses que le tiot envahissant des colons vient se fixer. Sans eux, le pays serait encore un vaste désert. Le Dominion, en subventionnant le I II" NORD-niEST (.ANAUirN •■^0 ers, faut itcr oLir au- •lus ou rcs ilJ- ins ne sa ns n- .'11 à Lit le ir it I- s s 1 (hviadiaii Pacific, a eu aussi en vue rétablissement d'un lien entre le - dillercntes provinces. Livres à cux-mèinc.s, les territoires ^\\\ NorJ-Ouest auraient communique' a\ec les places les plus proches, celles des Mtats-l'nis, dont aucun obstacle naturel ne les se'parc, puisque le bassin du \\'innipe<^ et celui du Missouri constituent pour ainsi dire les deux ver- sants d'une même [ilaine. Le (lanadiati Pacifie est la jurande lif^ne médiane qui, allant de Québec sur l'Atlantique à \'ancouver sur le Pacilique, traverse dans toute son étendue les territoires du Nord-Ouest, (^etie ligne, commencée en iNNo, a ete livrée au commerce, complètement terminée, en iNSil. De cette artère principale partent des embranchements maintenant nombreux. A Win- nipeg convergent huit lignes de chemin de fer venant de toutes les directions, l^st. Ouest, Sud et Nord. Etant donnée la méthode de subvention en terres, la ('.ompagnie possède toutes les sections im- paires de cette partie fertile de la province. Une ligne se détache des environs de Regina se di- rigeant sur Saint-Pol ( Etats-Unis' : elle vient d'être inaugurée et elle est la propriété de la Compagnie Minncapolis Saint-Paul et Saint-Martin, garantie par le Canadian Pacific. Puis de Regina. allant au Nord-Ouest, se trouve l'embranchement qui atteint 6o ILS IRANr.MS la SasUatchewan et l^rincc-Albcrt. Dans l'Albcrta. partent de Calgary deux lignes, l'une allant ai Sud jusqu'à Mac Lcod, l'auiie au Nord jusqu'à i;dniont()n. (^cst sur le long de ces voies nouvelles, en terre Certile, iju'est venu s'établir le gros de l'émigration de iNi)'3. 1ji dehors de ce reseau on trou\e dans l'Alberta la ligne qui dessert le district minier de Lethoi'idge et se relie d'une part au reseau américain, et de l'autre au Pacifique, à Medicine Hat. Dans le Manitoba, part de Portage la Prairie la voie forre'e du \Linitaha and \nrth Western h'y qui pénètre déjà dans le bassin de l'Asslniboine et rejoindra Prince-Albert. Mais ces compagnies secondaires serot.t absorbées un jour par le Canadian Pacific; en tous cas, devant lui emprunter son reseau, elles ne peuvent lui faire concurrence. Les seules Compagnies réellement indépendantes sont celles du Xovtlicrn Pacijic and Manitoha et celle de Iludson Uuj RaHuhiy. Le Xort lient Pacific vient des Liats-Unis et longe la rive gauche de la Kivièrc Kouge jusqu'à ^^'innipeg. Cette Compagnie, tout en continuant son exploitation, est en liquida- tion, ce qui est le fait de bien d'autres lignes des Etats-Unis en ce moment. Le Iludson Uay a pour rr LE NOKD-OUEST CANADIKN i)I :a. u l'a rc )n is le le /c •c •a :s It c s t c but, dit M. de Houthillicr dans son livre sur le Nord- Ouest, paf^e \ [ : '< de relier le r>'seau terre du Manitoba aux eau\ de la baie par une lu'jie ijui piquerait droit vers le Nord, passerait entre les lacs Winnipeg et Ma.nitoba, et, sui\anl le cours des rivières Nelson et Cduircliill, irait aboutir à l'enibou- chure de celle-ci. C^'tte li^ne raccourcirait, au dire de SCS promoteurs, de plusieurs centaines de milles la distance de W'innipct; à Liverpool. De tort Churchill, un des plus anciens postes à tuurrures de l'Ouest, des bâtiments transporteraient les mar- chandises en Angleterre en passant par le détroit d'Hudson. » Les travaux de cet important trac».' sont arrêtes pour le moment. Les obstacles physiques que ren- contrent les int^enieurs, l'opposition du t;(niverne- ment provincial, assez. et!an:4e poiii' ceu\ qui m- sont pas inities aux desscjiis politiques, y sont pour beaucoup. Il eût fallu aussi, pour que la l'^ne tVit indépendante du Canadian Pacitic, qu'elK' eût son champ d'exploitation propre et ne lût pas simplement une voie de transport pour les marchandises appor- tées par le Canadian Pacitic à NN'innipei;. C'est la vallée de la Saskaichewan qu'elle convoitait : elle eût pu plus tard exploiter l'.Vthabaska et les mines du Grand-Nord; mais la Compagnie du Canadian l.rs IRWCMS Pacilic veillait et construisit les Jeux eiiilirauclic- meii ts de Prince-Albert et J'Iùlinonton lui donnant un pied prépondérant J.ms 1,1 lu'lle \ allée de la Saskatchewan. Dans ces conditions, on ne peut prévoir l'axenir de la (",onipai;nie V/liuis-oii /ni)-. ( )n le \()it, c'est le C.anadian Pacilic qui, poui- le moment, ixploite piesque complètement le Nord- Ouest. I".n plus des transports, il a des liôtels sur divers points ; il a des c'ievateurs et par suite des intérêts dans le Commerce du blc enhn il a ete aide par le iiouxeinement de deux laçons : pai- une sulnention pécuniaire et par l'octroi (.les teires. La subvention pecimiaire consistait en un \ersement annuel de lu capital-actions et a pris ilii ei iNii'.î. L'octroi des terres comporte la cession des sections impaires des bandes du s(j1 avoisinant la \oie terrée, dette partie de la subvention lait du Canadian Pacilic le plus ^ros propriétaire loncier du Nord-Ouest, par suite un pionnier interesse de la coUmisation. (!ette subvention en terres donne u n b -"•on résultat, en ce sens ^\ ue la ( omnaunie le construit de lii^nes que dans les districts feriil es. A un peu plus de iod kilomètres à l'Ouest, le Canadian Pacilic a 1 e moiiopcjle des chemins de 1er canadiens : il en prcjlite pour élever ses prix. Ce st i:i 1 1: Miri)-()t i si c <\ \i)ir\ iVS int Kl .'Ut le cl- in es ■te le .a nt •Il L'S la lu :v le le ie ,s un des avantages de la valK'e de la Ui\iere Kouge d'avoir le Northern Pacilic venant des làats-l'nis po u r établir une concurrence salutaire. Les chemins de fer Sdiit une source de prospc'rite dans un pays où les progrès de la richesse sont conside'rables. Le tra\ail sur un sf)l vierge aussi fertile est beaucoup plus pioductil >.|u'en l'.urope. C^e travail est l'ceuNie de colons appliquant les der- nières inventions, les ressources de la civilisation la plus avancée. La population elle-inèine est pleine de courage : ceux (.|iii quittent leur patrie pour aller chercher lortune au loin sont d'ordinaire les plus entreprenants et les plus actifs. Toute leur énergie se tourne vers l'amélioration de leur condition : tout le monde peut prétendre, les salariés cux-niènies, à entrer dans la classe des prcjpriétaires ; le tau\ élevé des salaires permet di'coiiomiscr les ressources \oulues pour un établissement d'ailleurs autrement facile i|Ue dans les vieux pays. L'ne preuve de cette productivité se trouve dans le taux élevé de l'intérêt : il est couramment de ù à i ■.: "/,, ; à W'innipeg on sert -S ";„ pour des placements bien garantis. Si on ajoute au désir d'avancer sa position le fait qu'aux colonies les goûts de dépenses et de luxe, les habitudes de société ne sont, par opposition avec l'Kurope, la cause d'aucune dépense, on comprendra r,4 Li?S FRANÇAIS que tout pousse à capitaliser e; par conséquent à rendre rapides 'es prot^pès de la fortune. Quelle forme prend cette capitalisation : Nous avons \ u que, dans ces jeunes territoires, les capi- taux et les bras sont encore trop peu nombreux pour que l'industrie puisse 3' naître; par suite, si les produits agricoles sont bon marche, tout ce qui vient de l'extérieur, tels que les objets manufactures, y '.'Si cher. La ca|^italisaiion tend donc à solder les avances i|ue l'on a consenties aux propriétaires poui- monter le matériel d'exploitation ou le perfection- ner. Aussi est-il bien explique que dans le Nord- ( )uest. et c'est l'avis (.les colons. .( on s'y fait mieux une \ Ih.' situation que de l'argent. " N'est-ce pas la d'ailleurs l'ambition du paysan, ambition d'au- tant mieux realisc'e. que ses enfants, dans ces pays neuls, peuvent ^e faire tous uni' position équi- valente ? Le progrès de la richesse tient non seulement à l'économie, inais aussi au système conunerciai. Nous savons que le pouvoii" fédéral règle les droits de douane. I c Dominion t si, sous ce rapport, absti- lument indépendant vis-à-vis de la nu-tropolc. Les taxes d\iiti-ée qu'il établit sont communes à tous les pays. L'Angleterre est tout aussi bien considérée comme peuple étranger que les Ktats-L'nis. i:r I.;; \t)Ki)-uLi;si cwvdikn 65 Le rcirimc douanier est protectionniste; mais le parti libéral, partisan du libre-echango, espère obte- nir de forts dégrèvements. Les postes dépendent de l'Etat. I.e mouvement de correspondance auirmente beaucoup plus rapidement que le nombre des habi- tants. Les lettres sont tenues aux bureaux de poste à la disposition des interesses qui viennent les recla- mer. Les distributions sont en ellel impossibles dans des espaces aussi peu peuples. Les télégraphes appartiennent à des Compagnies de capitalistes. Au Nord-Ouest c'est la Compagnie du Pacilic qui a toutes les lignes importantes : l'iùat n'a que celles qui reioignent les postes de police, les reserves indiennes, enlin tout ce i|ui n'a pas d'intérêt com- mercial et n'est par suite que d'un mince rapport. Le système monétaire est aussi excellent, ce qui est bien important, quand on songe que c'est un des plus graves facteurs de la crise de tant de pays d'.Anurique. Il y a au Canada plusieurs banques d'émission qui, par un sage système de réserves, émettent du papier remboursable en or et exacte- ment maintenu au pair. La monnaie d'argent, frap- pée par le pays, ne sert, comme en Angleterre, que pour appoint. L'or que l'on trouve d.iiis la circula- tion est, soit l'or anglais, soit l'or américain. C'est le dollar ou piastre divisé en ion cents, qi.i, co'ume i MjKil-OlltS 1 l,»N«l)|EN 66 I.r:S FRANÇAlï^ aux Etats-Unis, est l'unitc monc'taire. C^ommc com- plément du système monétaire, les banques sont, au Canada, avec leurs succursales du Nord-Ouest, des plus perfectionnées. Pleines d'initiative, elles sont cependant plus prudentes qu'aux Ktats-Unis : elles ont passe, presque sans encombre, ne recevant qu'un léger contre-coup, la crise de iN()3, dans laquelle ont sombre- tant de banques amc'ricaines. On recon- naît en elfet que la banque de Mo.itre'al est, comme solidité, la troisième banque du monde, venant immédiatement après la Banque d'Angleterre et la Banque de France. Les produits agricoles du Nord-Ouest s'écoulent, soit sur l'Europe, soit sur la Colombie britannique, soit vers les Etats-Unis. C'est l'Europe qui absorbe la plus grande partie du commerce d'exportation : les fromages, les beurres, moins apprècie's à cause de leur fabrication insuffisamment soignée quuiqu'en progrès, les che- vaux, le bc'tail, le produit des abattoirs de porcs, les laines et surtout les ble's se portent vers l'Atlantique. Les blés, en grande partie, ne suivent pas toute la voie ferrc'c, mais s'arrêtent au lac Supc'rieur, soit à Fort William, soit à l*ort Arthur. Là, ils sont trans- bordt's sur des bâtiments qui les conduisent à Mont- réal. 11 y a aussi des bateaux qui chargent le grain i:r m: nord-oltsi canauikn ()■ 11- lU es ni JS in le 11- le nt la it, e, ie es )n e- es e. la à s- it- in à Port Arthur et vont sans rompre charge jusqu'aux marchés européens. Avec les bas prix du fret on voit combien peu le blé est grevé par un transport de plus de i.ioo lieues marines, puisqu'il peut arriver à bon marché en Kurope, se jouant des barrières protectionnistes. Les l{tats-Unis, par la vallée du Fleuve Rouge, font pour le moment un commerce modéré avec les territoires du Nord-Ouest. Les tarifs protecteurs ont diminué les charges entre les Ktats-Unis et le Canada ; malgré cela, à l'heure actuelle le commerce fait avec les Ktats est supérieur à celui fait avec la Grande- liretagne. L'élevage des chevaux a particu- lièrement soutien des droits américains trop élevés; car c'était aux Ktats-Unis qu'il trouvait son écou- lement. On espère voir un accord commercial qui abais- sera les barrières entre les deux puissances. Le parti libéral s'y emploie, envisageant d'ailleurs qu'il serait fait ainsi un premier pas vers la réunion aux Etats-Unis, question qui, bien que n'étant pas encore prise comme plate-forme par le parti, est cependant dans le programme de la plupart de ses membres. Du côté des Ktats un pas vient d'être fait vers l'abaissement des barrières par l'adoption, grâce aux démocrates, du nouveau tarif douanier. Bien (18 LHS FRANÇAIS que, devant l'opposition du Siinat, le bill ne soit passe' qu'après une aggravation des droits fixes pri- mitivement, les dégrèvements sont importants : la réduction est en moyenne de i? "/o sur le tarif >Iac Kinley, et le Canada en sentira spc'cialement le be'nefice en ce qui concerne l'agriculture : le bois est admis en franchise, mais le charbon reste encore charge de droits. Une certaine part des denrées agricoles s'écoule vers la Colombie britannique, pays montagneux, où la proportion du sol favorable à l'agriculture est insuflisanie. La (Compagnie du Canadian Pacific a cherche' aussi à se créer un marche' au Japon, en Chine, et depuis iX(|'3 en Australie. Déjà, de la Chine et du Japon arrivent de fortes demandes de blè dur du Canada. Ce commerce trouvera largement son avantage dans l'exploitation de ces lignes à travers le Pacifique que la politique anglaise juge a\antageuses. Quant au commerce d'importation, ce sont les provinces de l'Est et les Miats-Unis, même avant l'Angleterre, qui ont les gros chitlVes : à ce point de vue les provinces de l'Est doivent voir avec faveur le deNcloppenient C(jmmercial du Nord-Ouest qui ouvre un champ plus vaste ;i leurs entreprises. La province de Québec a donc, de ce chef, intérêt au développement de la colonisation française au ET i.l: nord-ol'Est canadien (59 (Canada, l^lle verra ainsi s'augmenter sa puissance et son industrie ; car elle aura toujours la clientèle des colons de race française, ne faisant qu'un avec ceux de l'Est pour les goûts, les habitudes, la langue. Ces liens, si forts en ce qui concerne les relations commerciales, ne sont pas rompus quand la colonie se détache de la mère-patrie; témoin les Etats-Unis avec l'Angleterre, le Cap avec les Hollandais, l'Amé- rique du Sud avec l'Espagne, et, à ce point de vue, c'est difficile de ne pas faire une légère digression. On ne peut que regretter que le commerce de la France avec le (>anada soit d'un si faible volume. A vrai dire, depuis i-S-i, la France s'est occupée de renouer ce lien avec son ancienne colonie : les cham- bres de commerce françaises s'y emploient et re'us- sissent à développer les relations; mais l'obligation de passer par Liverpool est un grave obstacle. Cet emploi des voies anglaises nécessite des transborde- ments, des pertes de temps et d'argent. Il a ete fait trois mois de service direct entre la France et Montréal ; mais cette entreprise était fondée par des Compagnies qui, faute de capitaux, n'ont pu continuer. La question des transports sera profondément modifiée par la création d'un nouveau port d'expor- tation vers l'Europe, situé non plus sur le Saint- LES IKAN( AIS Laurent, mais sur la mer d'Hudson, voie plus courte. Ce sera une économie d'autant plus notable, qu'elle est faite sur la voie de terre, bien plus chère que la voie maritime. La route n'est pas aisc'e : les froids de l'hiver font de la mer d'Hudson un vaste champ de glace. Aux premières chaleurs, la mer d'Hudson, dont la profondeur est faible, se dégage encore assez vite; mais le détroit qui y conduit est longtemps encombre' de banquises en dérive venant du Nord. Avec la voilure on considère que la mer d'Hudson n'est praticable que deux mois ; mais la navigation à vapeur donne des bateaux plus manœu- vrants, toujours maîtres de leur marche, ne crai- gnant pas, en attendant, de perdre la possibilité de partir ; avec ces bateaux on peut compter que la navigation sera possible quatre mois, du r' juillet au i'"' octobre, mais encore faudra-t-il étudier à fond toutes les questions qui concernent la mer d'Hudson, courants, marée, marche des glaces, passages les premiers dégages, mouillages, ports. La navigation dans cette mer n'est pas autrement dan- gereuse, puisque sur 1 33 bateaux envoyés depuis 1 780 par cette voie, par la Compagnie Hiidson-Bay, pas un seul ne s'est perdu avant i8()4, où deux se sont échoués après avoir parcouru le détroit d'Hudson. Les embouchures du Nelson, surtout du Churchill, 1:T M' NORD-OI'EST CANADll-N 71 OÙ Ton peut s'approcher davantage de la côte, enfin du Moose-Rivcs, seront les ports futurs, 11 faudra une ligne ferrée pour amener les produits de la vallée de la Saskatchewan et du Winnipeg à l'un de ces ports, probablement au port (Churchill : que cette ligne parte de Winnipeg ou de la partie du reseau qui atteint la Saskatchewan, elle aura, d'après les études faites, de grosses diftlcultes à traverser. Pour le moment, la vallée de la Saskatchewan n'est pas encore colonisée : c'est le ble qui serait le gros fret : or on l'engrange justement quand la mer d'Hudson est fermée par les glaces ; aussi ne sent-on pas abso- lument la ne'cessite de ce chemin. Plus tard, quand le pays sera peuple', surtout quand les richesses minières du Grand-Nord seront mises en exploita- tion, le fret sera beaucoup plus considérable et plus riche; en outre l'économie de parcours, par la voie de terre, sera plus notable que pour le Manitoba ; alors le chemin de fer se fera force'ment. Nous avons vu que la Compagnie qui poursuit cette entreprise est pour le moment arrêtée. Genre de tne. — Les habitants des campagnes vivent très largement : les objets d'alimentation sont produits à si bon marche qui-, sans dépense, on peut se nourrir copieusement. Le laitage est très en hon- neur : le vin est inconnu au Nord-Ouest. La viande 72 LKS IKANTAIS est très abondante, surtout en hiver, grâce aux grands froids. Le paysan tue en elVet, aussitôt que le froid sévit, qui un bœuf, qui des moutons, qui des porcs. Ces bctes bientôt gelées sont suspendues sous un abri en planches et chaque jour, suivant les besoins, on va avec la scie et la hache se procure le morceau ne'cessa' e pour le repas. Pour ■ ' 'V les kgumes, choux, pommes de terre, etc., ijo.ir rai dans une cave creuse'e ad hoc en dessous de i uabitaii' où ils sont à l'abri de la gelce. Les habitudes sont simples chez les (Canadiens : les grandes distractions sont les offices du dimanche qui sont pieusement suivis; puis le soir, en hiver surtout, la reunion de plusieurs habitants d'un même groupe chez l'un d'eux : c'est « la veille'e. » Souvent, d'une habitation isolée, on fait sur la neige des milles pour aller à la veille'e. Quant à la dignité de la vie. elle frappe le voyageur qui voit combien, dans ce pays, la démocratie est fortement établie et combien l'e'galite est grande. G^^<^ III Institutions et administration. — l,e régime politi- que qui avait cause tant de murmures, de pétitions, de départs et d'émigrations, qui avait même pro- duit une révolution , est devenu un modèle de libéralisme : on peut dire que la métropole a pres- qu'abdiqué ses pouvoirs en ne conservant qu'une direction h noraire. La constitution actuelle fait de ce pays une fédération de provinces et de territoires. Le pouvoir central est un ministère responsable que préside un gouverneur nommé par la reine. Le parlement comprend deux chambres : le Sénat dont les membres sont nommés à vie par le gouverneur; les Communes, élues par les habitants. Le nombre des membres aux communes dépend de la popula- tion. La base constitutionnelle est que la province de Québec est représentée par soixante-cinq députés. Mais, comme dans la grande république voisine, le pouvoir central a des attributions bien limitées : il a le droit de veto sur les lois provinciales pour 74 I.liS l'RAN'CAlS cause u'inconstitutionnalitc seulement; c'est de lui i.]ue dépend la justice en matière criminelle, c'est lui qui assure la défense nationale, gère les postes et enlin perçoit douanes et accises. Ce sont les douanes qui forment les grosses recettes du budget du Dominion. I.a Dette représente environ six années de revenus. Dans la situation du Canada on conçoit que l'ar- mée soit des plus réduites. Il existe bien une loi de recrutement; mais jusqu'ici point n'a été besoin d'y recourir : le nombre des xolontaires (en majorité Anglo-Saxons a toujours dépassé les besoins. I.e corps le plus important, s'élevant à un millier d'in- dividus environ, est celui de la police montée, qui au Nord-Ouest parcourt les prairies et surveille les réserves indiennes. La réserve est composée des hommes valides de iN à tio ans. Théoriquement on pourrait lever ainsi environ i.ooo.ooo d'hommes. Depuis la cession du (Canada à l'Angleterre, la milice n'a eu que deux fois à agir : une fois en 1X70 sous les ordres de Wolseley, une autre fois en 1SX4 pour réduire les insurrections des métis au Nord- Ouest. Au-dessous du pouvoir central vient le pouvoir provincial. Chaque province s'administre elle-même. Le pouvoir exécutif dans chaque province est aux m I.L NOKD-OLISI CANAUll.N 7i> mains d'un lieutenant gouverneur nomme par le gouverneur gênerai. Pour voler il faut être sujet bri- tannii.|ue ou avoir, après trois ans de résidence, prête le serment d'allégeance entre les mains d'un juge. Dans ce pays où se rencontrent les races fran- çaises et anglo-saxonnes, c'est grâce à ce précieux privilège de la décentralisation t.]ue la tranquillité règne dans la Confédération. Au \ord-()ucst, les territoires (.|ui ne sont pas encore élevés au rang de province ont un gouvernement mixte, comprenant d'une part des fonctionnaires nommés par le minis- tère canadien, d'autre part des mandataires élus par le peuple. Enfin le territoire est divisé en municipalités. On sait de quelle importance est, pour le développement rapide d'une icune colonie, le degré de liberté admi- nistrative dont on y iouit. L'administration a une occupation suffisante avec les grandes questions d'intérêt collectif telles que le cadastre : elle ne doit pas empiéter sur le domaine de l'initiative privée; il ne faut pas que la croissance des jeunes groupes soit entravée par des règlements faits dans les bureaux : aux colonies, plus encore que dans les vieux pays, il faut de la décentralisation. La base la plus solide de toute colonisation, ce sont les libertés provinciales qui les constituent. 7^> I.ES FRANÇAIS Aussi le mot « nuinicipalitc " ne doit-il pas cvo- i]iicr l'idce des tminicipalitcs françaises, dont les pouvoirs sont si faibles qu'en realite ce n'est pus l'intéressé qui règle ses propres alVaires, mais une individualité éloignée, à idc'es dillèrentes et précon- çues, amateur d'uniformité, qui s'appelle l'iàut. Au Canada, la conuiiune est autrement libre : c'est une vraie petite république autonome qui s'administre elle-même, élit son maire et ses conseillers, ('/est le Conseil, renouvelé annuellement, qui gère les pro- priétés communales, nomme les employés locaux, vote les subventions aux sociétés agricoles et manu- facturières, la fixation et la perception des amendes, enfin, et c'est là sa plus importante attribution, fait exécuter les travaux publics sur le territoire de la commune. Pour faire face à ces dépenses, le Conseil impose une taxe municipale dont le taux varie sui- \i\nt les besoins de chaque année. Kn fait, ce sont les contribuables eux-mêmes qui volontairement fixent cet impôt, qui est en moyenne d'un centin dans la piastre, ou d'un pour cent, et qui se perçoit facilement. D'abord, étant faible, il n'est pas vexatoire et n'absorbe pas une part sérieuse des bénéfices; étant communal, les habitants en voient remploi. D'autre part, cette taxe porte aussi sur les propriétés en friche ou vierges et empêche les grands capita- Il M Nor Quant à la piesse, elle est complètement libre. I.a presse libre est en ellet un instrument indispensable pour tenir en haleine l'esprit d'initiati\e, cai' elle re'pand les procèdes et les méthodes du piogrés. Son iniluence sur la question sociale ne peut être inquie'tante dans ces pays de franche dc'mocratie où tout le monde admet comme piincipes indisciite's l'initiative individuelle et le dioit d'association. (!'est encore un des points où il ne faut pas i-aisonnei' d'après nos vieilles socie'te's : là l'initiative indi\i- duelle a e-te- si bien atrophiée que le socialisme y trouve un terrain favorable et bien prépare. La justice a plusieurs juridictions allant jusqu'au Conseil prive de la reine, dernier ressort, en passant par la Cour suprême d'Ottawa, ''n bas de l'echelle » Rei'ut; Jes Deux-Mundes, i" octobre iH6-t. l.i:S IKWCAIS est le JLim-' de paix, noninic par le licutcnaiit-gou- vcrncur parmi Il's notables. Une des lois les plus intéressantes concerne les successions : le droit de tester est absolu. D'après la constitution canadienne l'I-lglise et l'iùat sont sépares. Les populations, aussi bien protestantes que catholiques, sont relii^ieuses et lont les de'penses nécessaires à l'entretien du culte. Les représentants de la race française sont tous catholiques, et, dans la municipalité même, se groupent en paroisse autour de leur et^lise, de leur école et de leur prêtre. (!e groupement a les plus heureux elVets : il tortille ses membres en ne les laissant pas isoU'-, devant les pou- \oirs du pays, ou simplement devant les dillicultês de la \ie. C'est presque certainement à cette institu- tioii de la paroisse qu'on doit la perpétuité si reniar- quable de 1 élément trancais. .. Ces bons ( Canadiens Irancais chantent, il est vrai : Dieu s.iurc Li reine pas bien lori) ! mais eii normand breton cela signi- fie : Dieu Siiure uns clmniys ! Ils ont donné leur loi à l'Angleterre, mais ils ont conserve leur cieiir à la France ; non seulement leur Cieur, mais leurs cou- tumes, leur langage, leur \(ti\ même : ils sont reste's parfaitement français '. .. \\. de Taurines, dans son ouvrage I.j lui/imi CiiimiiieNue, dêiinii parfaitement ' l.a m.iis,,»! Je J.ihii Hitll tl Cn-, p. i j. i:t m: NORD-OLKsi <;\n\dii:n 79 le rôle prépondérant du cleri'e : <> Le cierge avait eu tant de part à la création de la (Colonie qu'en parcou- rant les premières annales canadiennes il semble qu'on lise une pai^e de l'iiistoire de l'Kglise plutôt qu'une page de l'histoire de la l-'rance. C/est avec la force d'intluence qui lui eiait dm: pour tant de ser- vices, que le cierge prit en \-ù3 la direction de la petite nation que nous venions d'abandonner, ('/est lui qui mena,a\ec une vigueur dont nous devons lui savoir gre, la lutte nationale. Tour lui, la natio- nalité et la langue anglaise ne faisaient v|u'un avec le protestantisme : il travailla a\ec acharnement à cori- server les (Canadiens à la nationalité iVancaisc et au catholicisme, et c'est à ce puissant adversaire que vint, a\ec e'tonnement, se heurter la volonté du vainqueur '. ■■ l.e cierge' est entretenu par la dîme du vingt- sixième sur les récoltes. Du reste, dit M. du Hled : <> si l'habitant accepte jo\'eusement cet impôt, s'il est habitue à voir dan^^ son cure im ami, un conseil, le véritable magistrat de la paroisse, c'est que celui- ci a toujours travaille et lutte à ses côtes : c'est qu'aujourd'hui il ne cesse de lui donner l'exemple et se tnontre grand bâtisseur, grand défricheur, grand educatem-. On doit le reconnaître avec M. lùienne • I'aj4u 44. 8o l.i:s IKVNCAIS Parent, ce clergii ne s'est pas contente de prier du haut de la montagne, il est descendu dans la plaine pour combattre les combats de la religion et de la patrie; il a construit cette nationalité' a\ec une sorte de ciment pro\ identiLl. en la contondant avec la reli- gion, si bi(.n i|u"au\ yeux des Canadiens, être mau- vais catholique c'est Otre mau\ais P'rancais '. » C'est Lii \aiii que le fanatisme anglais a cherche à ddtruire ces aspirations de tout un peuple, c Une iniivcrsiiL' anglicane avait ctc jusqu'à l'ormuler les conseils sui\ants qu'où pounait , avec quelques variantes, pioposer connue modèle aux amateurs de laïcisation : Ne jamais parler contre le papisme en public, mais le miner sourdement ; favoriser les unions a\ec les protestants; réduire l'ilvèque à l'in- digence; lomeiitei" la di\ ision entre lui et ses prêtres; si l'on conserve un collège, en exclure les jésuites, les sulpiciens et ceux qui ont e'tudie sous leurs auspices, alin que, privé de tout secours étranger, le papisme s'ensevelisse sous ses propres ruines; rendre ridicules les ce'iémonies religieuses qui frap- pent l'imagination, louer les curJs heureux, leur table, leurs équipages, leuis divertissements, excuser leLU' intempérance, les porter à violer le célibat ^ » ' Page s 70. « Du Bled. p. 4jr. lous CCS moyens ne peuvent heureusement enta- mer cette invincible persistance du sentiment cliix'- tien allie au sentiment national. (>)inbiei! dilleientL est la situation des emigrants Irançais dans la République Argentine! Là cepen- dant, ils sont Ion nombreux, mais ils n'ont pu s'asso- cier que rarement, sans se fixer comme but eleve la conservation intégrale de la nationalité d'origine ; aussi, comme les français sont isoles et quelle perte pour ncnre intluence! comme leur reunion eût con tribue à la force de notre coiom'e en Argentine! (^)uant à la question des e'coles, c'est pour le moment le sujet des luttes les plus vives entre l'ek'- ment français et l'élément canadien. Ce n'est pas seulement la partie française du Manitoba, mais tout le pays qui a proteste contre la loi du Manitoba c'tablissant les écoles neutres. L'c'-rlio de ces luttes est \enu jusqu'à Rome, où les joiu-naux ont traite de ce coup porte à notre langue et à notre iniluence. Le .Manitoba a\ait autrefois comme le Ras-Canada dv . vc-les confessionnelles, suivant la religion des habitants. La proportion des l-'rançais et des catho- liques diminuant, de par le droit du plus fort, et contrairement à la constitution de la pro\ince de Manitoba, la législature de cette province a e'tabli en iSi|() que les écoles seraient neutres et que ce NiiKU-nui;';T i.anadien o .S2 I.ns FRANÇAIS i-. '.V serait l'anglais qui ,• serait enseigne. Les Canadiens ont proteste par les voies légales contre cette loi qui est une atteinte à la langue française, et ils (îpuisent toutes les juridictions pour la laire casser. La ques- tion est en ce moment pendante devant la derniè're : 11- Conseil prive du souverain. Si cette œuvre de parti est rendue obligatoire, bien que les liberte's municipales puissent probablement y apporter un adoucissement, les paroisses canadiennes sont de'ci- dees à établir des écoles libres où les entants reste- r(jnt de une à plusieurs années, jusqu'à ce qu'ayant appris leur langue, ils puissent impunc'ment passer aux ccoles anglaises. Mais ce sera une grosse charge pour elles, quel que soit l'aide qui puisse leur venir, soit du Has-C^anada, soit d'ceuvres, telles que r.Vlliance française. Le i(") juillet 1X1)4, sur un projet de loi conférant de nouveaux pouvoirs à la Ic'gislature du Manitoba, un amendement fut dépose par M. .Mac Carthy atin de donner plein pouvoir de Ic'gife'rer sur la question des L'coles, disant que ce serait folie de laisser sub- sister les écoles catholiques dans le Nord-Ouest, parce qu'elles coûtent trop cher, (^et amendement, que tout ce qui n'est pas fanatique à la C^hambre a combattu, serait une injustice envers les colons qui sont ailes au Manitoba sur la foi qu'ils auraient i:r i.i: noru-ui i:sr canadikn ui pleine et entière liberté' religieuse et de langage. Cet amendement fut d'ailleurs repousse'. Cette discussion et l'attitude du gouvernement permettent d'envisager d'unv.' façon plus tuntiante cette question des écoles n d espérer qu elle sera tranchée dans le sens de a tolérance. La province du Manitoba a calque ses institutions sur celles de la province de Québec, qui sont des plus libérales et des plus respectueuses des droits des familles. Comme principe primordial, on r''Connaît, ainsi qu'en Ontario du reste, aux pères de famille le droit exclusif de contrôler l'c'ducation de leurs enfants. Ceci pose', c'est la commune qui gère le>^ c'coles : elle nomme les maîtres, les paie, les log-.', fournil et entretient les bâtiments scolaires, et, pour faire face à ces de'penses, vote des taxes spéciales. Mais ici, ce n'est plus le Conseil municipal i.|ui repre'sente la commune, c'est un Conseil spécial de commissau-es d eco le, èl us i.r les habitants. Le con irùk' du Conseil de l'Instiuction publique ne porte guère que sur les I nres. Lue mmoritc', quelque f.'.ible qu'elle soit, n'esi-elle pas satisfaite des règle- ments des commissaires d'c'cole : elle peut signifier au Président de ces conunissaires son intention d'avoir une école séparée, l'ar cette déclaration elle est dispensée du paiement des taxes nnposées par les ■^4 i.ns iran<:ais commis^, TCs d'tcolc; mais clic doit nommer des syndics qui feront pour la niinorilc ce que les com- missaires font pour la majoritc. Cette orj^anisation scparee du Conseil municipal permet aux habitants d'une commune de faire respecter leui- \olonte sur ce point si important de l'instruction et de re'duca- tion de l'enfance. La tolérance est très grande dans toutes ces ques- tions : ainsi, dernièrement, « un ordre du (Conseil a ele rendu par le (iouverneLU" genc'ral, en conseil, à ( )ita\\a. d'-'cidant que les pe'iitions de la minorité' catholique du Maniloba et du Nord-Ouest, touchant la question des écoles, seraient transmises aux lieu- tenants-gouverneurs, en les priant de fiire connaître au gou\erncnienl ilu Maniioha, «.[ue l'espoir exprès du (iouvernemenl fédéral v.' t qu'il puisse être apporte ;iux règlements des écoles telles :'.mcliorati()ns qui donnent satisfaction aux pc'titionnaires '. » Lu niveau de l'éducation est au Canada supérieur à celui des régions voisines, f^es prix remportés à ri'^xposition de Chicago pour le Canada, sur le cha- p'tre de la pédagogie, se répartissent comme il suit : k':ovincc de Québec, \? \ Province d'Ontario, ■!{; Nouvelle-Lcosse, 7 ; ^Lulitoba et Nord-Ouest, mJ. ' Ciiimdiùn LLS FRANÇAIS aux autres revenus de la ferme sont sullisants pour lui permettre de payer en peu d'années son bétail et ses machines qu'il a achetés en recourant plus ou moins au crédit. Le propriétaire exploitant directement est dans une tout autre situation : ces frais, dont nous avons examine en détail toute l'étendue, pèsent sur lui de tout leur • ùds : de be'nefice il ne faut guère en parler. Les grandes Compagnies de culture qui lèussissaie it avec les hauts cours du blc- sont bien tombées, ajx Etats-Unis comme au Nord-Ouest où cependant il y avait de belles fortunes faites dans cette branche, entre autres à Portage la Prairie. 1 >;ur réussir, les capitalistes doivent avoir recours au me'tayage; car, quant au fermage dans un pays aussi peu peuple, avec des habitants aussi mobiles, les contrats sont tout à fait insuffisants et sont mal appliques. Cette branche de cuuure n'est donc rémunéra- trice que pour le paysan : les grandes exploitations n'y réussissent pas. Sans doute la baisse du blé a été considérable en lùirope : sa consommation qui est médiocrement extensible a augmenté beaucoup moins vite que sa production dans les pays neufs; mais ce mouvement va-t-il continuer? Ne peut-on pas prévoir plutôt un léger relèvement? En tous cas, ET LE NORD-OlESr CANADIEN <>'/ la production n'auf^mcntcra plus comme autrefois, les prix ii'c'tant plus riimuncratcurs. Vient ensuite l'élevage en petit du hetail, des volailles et l'exploitation du lait. Cette b; anche est devenue meilleure que la précédente. Plus de frais de machinerie, plus pour ainsi dire de frais de terre, car, avec le pâturage libre, le bétail trouve sa nourri- ture au dehors : subsistent seulement les dépenses de constructions qui peuvent être rudimentaires, celles de main-d'œuvre qui sont élevées, et l'achat du bétail. Quant aux produits, c'est ou la vente du lait ^fromagerie) ou la vente de la crème (beurreriez Les prix se maintiennent, car beurre ou fromage se vend aussi bien que dans l'Mst, étant peu grevé par les transports. Le fromage se vend mieux que le beurre, la demande en Angleterre en soutient le prix. Le lait, après avoir été' écrémé, sert notamment à l'engrais des porcs dont la vente très rémunéra- trice vient s'ajouter aux produits, ([.'est le (Canada qui, pour la laiterie, a obtenu le premier rang à l'Exposition de (Chicago. Cette branche est celle qu'on envisage comme ayant le plus d'avenir. 11 y a maintenant des beurre- ries ou des fromageries dans tous les villages impor- tants. Des abattoirs de porcs viennent en iS(('3 d'être établis à Winnipeg et le prix des porcs gagne 88 LES IRANTAIS à cette ccononiic de transport. L'exploitation du lait n'a pas lieu en hiver. encore ici. l'habitant a avanta^e Mir le ^vi<> pro- priétaire : ses achaiN de bétail, ses constructions lui reviennent moins cher; la niain-d'(euvrc est la sienne. I.a même opinion a cours dans le pays; il faut préférer le métayage à l'exploitation directe. Kn résume, il vaut mieux mettre 'on argent dans le bétail que dans les machines, et le mode de culture que doit appliquer le colon, c'est la culture mixte, c'est-à-dire l'exploitation des deux branches, celle du ble Lt celle du bétail, volailles, laiterie. i,e ble même n'est sou\eni cultive que poui' la nourriture du paysan et les semences, de manièie à ci. que l'agriculteur produise sur sa ferme tout ce qui est nc'cessaire à ses besoins, i'xs opinions émises, ce serait chose fort délicate et assez trompeuse de donner des rendements. La direction entre, en elVet, pour la plus grosse part dans le succès d'une en- treprise. On \oit fréquemment, en elVet, de deux allaires montées exactement dans les mêmes con- ditions, l'une réussir et l'autre péricliter : c'est le fait de la direction. 11 en résulte que plus le paysan sera intelligent, actif, habile organisateur, plus son revenu s'élèvera ; quant au propriétaire cultivant par métayage, un re\e nu d e ? est ordinaire. 1 I II N()KI>-()| Is r ( \N \lill.X N.» cl il llli la . il Kn le irc (^■, lie irc uc .'St ce lIc -t, n- a\ n- le m )n nt Kndn. \itni lelcva^c aux ranclis, c'est -à-cliie l'élevage en giaïul, p(»iir la seule iMculiictioii Jcs chevaux, lie la \iaiule et de la laine. Les Irais sont : locatJDii de terrain, construction et approvisionne- ments pour l'hiver, inain-d'(cuvie, achat du tiou- peau. La location de terrain est toujours très niininie puisque, nous le s.noiis, les espaces sc^nt encore déserts : parfois même ces frais sont supprimes ijuand il n'y a pas de concurrence. I.cs construc- tions d'ahri pour l'hiver se tout dune manière très rudimentaire et peu coûteuse. Les frais de main- d'(cuvre sont ceux de garde et ceux de récolte des approvisionnements d'hiver. Ces derniers sont fai- bles : ceux de gaide sont assez réduits, par rapport à la valeur du iK'tail. Lnlin, les frais d'achat d'un troupeau sont les gros frais d'ètahlisscment ; mais l'argent ainsi placé rapporte. Les revenus sont : la vente des animaux et de leurs produits s'il en existe, (iomme nous l'avons \u, le rendement de l'élevage des chevaux a été bien réduit par la fermeture, en raison des droits protecteurs, du principal marché, ce'ui des Ltats-Liiis. Pour les hètes à cornes, les bénéfices sont aussi assez modérés. Les moutons, eux, pour le moment, otlrent de beaux résultats. Quoique la laine ail baissé, le cours de la viande s'est bien maintenu, et on compte que dans des ^ V ^ ^ 1.0 î^i l.l 1.25 M IIIII25 ;- I- 112.2 Îj6 ^^ " lia IIIIIM 1.8 U il 1.6 V] <^ /a. /a 03 0 / Photographie Sciences Corporation m 4 té comme un placement sûr et certain que tout homme IX prudent et raisonnable peut aborder sans crainte. » à ■ On le voit, dans de telles conditions, ceux qui ont le plus de chance de réussite agricole ce sont les il paysans, et, à ce point de vue, le Canada est la lU colonie des petits propriétaires. te 1 En présence de ces considérations, parmi ceux qui 94 LES IRANCAIS dans les vieux pays ne voient s'ouvrir devant eux med; 'ils n'hésitent ;ocre, qu ils n nesitent pas a i amé- liorer par l'e-migration vers le Nord-Ouest. Quels sont ceux qui ont le plus de chance de réussite? Pour les capitalistes, l'esprit d'initiative est indis- pensable ; le pays est neuf, la voie ne leur est pas trace;;, une sérieuse e'tude sur les lieux est ne'cessaire avant de s'engager dans une affaire. Pour le culti- vateur qui se trouve aux prises avec une entreprise peu rémunératrice, qu'il se transporte avec sa famille au Nord-Ouest, qu'il y applique ses bras et ses capitaux, et il arrivera à une belle situation. Les colonisateurs sont d'accord sur le chitl're de Goo à i.oot) dollars, comme ne'cessaire pour un e'tablis- sement. Pourront faire de même les fils de cultiva- teurs qui n'ont plus assez de terres à cultiver, la proprie'té paternelle e'tant, en France, dans certaines re'gions, re'duite à un e'miettement exage're', à moins, ce qui est malheureusement trop fre'quent, que les me'nages se condamnent à la stérilité'. Les tils de fermiers, les ouvriers agricoles ne pourraient jamais réunir dans les vieux pays le capital nécessaire pour fonder un établissement et devenir propriétaires. Pour ceux qui comptent obtenir ce capital en tra- vaillant comme salariés, il ne faut pas recommander les pays trop neufs où le travail est rare, tandis qu'au El I.r, NORD-OLEST CANADIEN o:» Manitoba la demande est plus forte : ainsi les ser- vantes sont très recherchées ; leurs gages varient de 700 à i.25o fr. pour les cuisinières. Leur nombre est fort restreint relativement aux besoins : on l'attribue à la rapidité avec laquelle elles se marient dans ce pays où e'migrent tant de jeunes gens. On le voit, c'est la classe agricole qui, à la pe'riode de colonisation où se trouvent ces re'gions, a le plus de chance de trouver un emploi remunc'rateur. 11 est bon de rappeler que ceux-là seuls qui réussis- sent sont : les courageux qui savent supporter un travail acharné et les duretés d'un établissement en pays inconnu; les prudents qui, avant de quitter leur résidence, ont pris le plus de renseignements qu'ils ont pu près des agents de colonisation, ou de préfé- rence près des colons établis, qui, une fois arrivés, ne s'engagent dans aucune dépense avant d'avoir étudié le pays et se détient des beaux parleurs et de quiconque a quelque chose à vendre. C'est vers les grands centres qu'il faut se diriger; car, nous l'avons dit, c'est dans le rayon de leur marché qu'il est plus profitable de s'établir. Disons maintenant un mot des conditions dans lesquelles se fait le voyage. D'abord, c'est au prin- temps qu'il vaut le mieux arriver. Le colon qui apporte d'Europe le capital voulu pour s'établir a le 96 r.ns I R.wcAis temps, s'il a des connaissances dans le pays, de s'y installer avant l'hiver; sinon il étudie, soit en travail- lant, soit même en prenant une ferme à location ou l\ mi-fruits, jusqu'à ce qu'il connaisse assez le pays pour y trouver une alVaire avantageuse. On se procure en Kurope des billets directs pour les divers points du Manitoba et du Nord-Ouest. L'argent y est emporte' sous forme de chèques près des correspondants canadiens de nos grands e'tablis- sements de cre'dit. Le bagage les c'migrants ont droit au transport gratuit de i ?o kil.; ne doit comprendre que les elVets personnels et, à la rigueur, la literie et les menus objets de me'nage, car les outils et ce qui est nécessaire en fait de provisions se trouvent dans de bonnes conditions et tels qu'il le faut dans le pays. La douane canadienne ne prc'lève aucun droit sur les effets et objets que transporte avec lui l'emigrant. Une association s'est fonde'e dans un but philanthro- pique, disons plutôt de charité chrc'tienne, et a entrepris de faciliter aux c'migrants les de'tails du voyage, de veiller sur eux, de les diriger vers les régions qu'ils ont choisies : noble tache, quand on songe au de'chirement qui accompagne toujours le de'part du sol natal, à l'amertume dont est abreuve celui qui entreprend ce voyage long, pénible, au milieu d'inconnus et dans des régions nouvelles. i:t i.k NORi)-oi'r:sT canadirn 97 Aussi faut-il remercier cette société de Saint-Rapiiaël que dirige avec tant de compétence et de dévouement chrétien le comte Walbot. Près d'elle l'emigrant trouve tous les renseignements sur le voyage et reçoit au plus bas prix des billets de passage pour la destination choisie. (^^^^ NORD-OUEST CANADIEN IV Il nous reste à étudier la race près de laquelle les emigrants français devront vivre. Ces immenses ter- ritoires du Nord-Ouest étaient autrefois le domaine inconteste' d'Indiens. Ces aborigènes de la race cri se divisaient en « Pieds noirs » proprement dits, répandus dans la région de l'Est. Ils vivaient de la chasse. Les trappeurs, les voyageurs qui achetaient des fourrures ou chassaient avec eux n'empie'tèrent pas sur leur liberté. Mais, à partir de 1870, la civili- sation arriva. Ils furent enfermc's dans des re'serves. Les Canadiens se vantent bien d'avoir ete' plus doux avec eux que les Ame'ricains : la chose e'tait peu difficile. Il n'en est pas moins vrai qu'on ne leur a donne pour ces immenses territoires de chasse qu'ils parcouraient en maîtres que des indemnite's de'ri- soires, qui n'ont guère e'te distribuées qu'aux chefs; qu'on leur a enlevé leur liberté en les empêchant de sortir de leurs re'serves sur lesquelles on assure, il est vrai, leur subsistance, qu'on a e'ioigne' et qu'on i.i;s ri<\Ni;AiN i:i i.i; NuKi)-uui;sr cawdikn 00 .'S r- le ri :s, la nt nt li- :s. ux eu a ils ri- fs; de on éloigne d'eux leurs enlants que l'on veut gagner i.\ la civilisation européenne en les internant dans des e'coles où ils apprennent diverses professions, et qu'enfin, si ces Indiens veulent sortir de ces étroites réglementations, il laui qu'ils se fixent comme colons, mènent la vie des blancs qui ne convient ni à leurs goûts, ni il leurs habitudes héréditaires. Aussi, ces races autochtones, à ce point contraric'es, vont-elles en décroissance et menacent-elles de disparaître à plus ou moins longue c'cheance. Dans ces immenses solitudes, les premiers repré- sentants de la civilisation lurent les chasseurs de fourrures et les traitants qui venaient établir le commerce des pelleteries. Les voyages de \'arennes de la \'erandrie étaient entrepris pour l'établissement de comptoirs sur le bord des rivières et des lacs. Ils commencèrent à faire connaître le Nord-Ouest. On a d'abord connu la route de Winnipeg à la mer d'Hudson, sur les bords de laquelle traitait la (Com- pagnie anglaise de la Haie d'Hudson. C'est seule- ment après la paix de 171».^ que cette Compagnie pe'nc'tra dans l'intérieur du pays. Une compagnie canadienne, la Compagnie du Nord-Ouest, fut fondc'e dans le même but. Leurs rivalités leur e'tant nui- sibles, elles Unirent par se fondre en i(Si5 en gardant le titre de Compagnie de la Baie d'Hudson. ino i.ns riJANCAis Mil dehors des chasseurs, des traitants, tous en majorité (Canadiens français, les premiers colons vé- ritables lurent ceux envoyés par lord ScllLmitoba : ils devaient être de nouveau revendiqués ailleurs. Heaucoup de métis en elVet quittèrent la Rivière llouge où ils se trouvaient en contact avec xwm: civilisation trop étroite ptuu' leurs habitudes; ils allèrent vers le Nord dans la vallée de la Saskatchewan. L;'i encore, (u'i ils étaient venus chercher h; liberté, ils se trou\èrent bientôt rejoints par la civilisation. Se plaignant des obstacles qu'on mettait il arpenter leurs terres et à les en déclarer propriétaires, ils se soulevèrent de nouveau en iSS5. Riel, réfugié aux Ltats-Dnis, vint, sur leur demande, prendre leur télé. Une expédition militaire partie d'Ontario les réduisit. Uiel fut pris, jugé et exécute le II) novembre iSS? à Regina. Le sentiment français i;r i.i: NoKD-onsr cANAimN Id.i fut soulcvO dans tout lo ('aiiiula par cette exécution. A MiMitréal. on brûla en enii;ie sir John Macdonakl, le chef du •^(Uivernenient. V.u l-'rance ce drame eut quelque retentissement ; la mort de Riel le sacra héros et martyr. ().: voit que, quoique les débuts de la colonisation remontent au wui^' siècle, ils ont été longtemps rudiinentaires et la colonisation sérieuse ne date guère que de cette période agitée de 1S70. Les éléments qui cotnposent le NtM'd-Ouest sont des plus divers. Le recensement de iSoi porte le ncunbre des habitants du Manitoba ii i.^.^..^(n> : les territoii-es du Nord-Ouest auraient luie population de t'x'-joo âmes. La grosse niasse de cette immigration provient des provinces de Québec et surtout d'Ontario. N'enaieiit ensuite en importance le cmitingent du Royaume- Uni, les Mennonites, les Scandinaves, et enfin les émigrants des làats-Unis; les autres pay:- ne donnent que des quantités négligeables. Dans le con- tingent du Royaume-Uni, les Lcossais tenaient au début une finne place : des Nouvelles-Hébrides, 011 l'agriculture est misérable , était parti un Ilot de tenanciers cherchant un pays plus riche ; un certain nombre d'Irlandais, fuyant la persécution anglaise, avaient aussi dépassé les provinces de l'Kst et furent 104 LES FRANÇAIS reçus à bras ouverts par leurs coreligionnaires Cana- diens de l'Ouest. Chose qui montre combien est puissant le lien de la langue et quel prix on doit y attacher. Ces Irlandais persccute's dans leur pays avaient d'abord manifesté une violente irritation contre les Anglais établis au Canada et semblaient devoir devenir leurs adversaires politiques, comme ils étaient leurs adversaires en religion : eh bien ! ce n'est pas le ressentiment national, ce ne sont pas les lieno de la religion qui ont prévalu, c'est la langue : les Irlandais catholiques votent avec les Anglais protestants. C'est vers 1870 que sont arrivés les Mennonites, chassés de Russie par les exigences du service mili- taire. Ce peuple, ami de la paix, regarde comme un sacrilège de porter les armes. D'origine allemande, il était passé en Russie, craignant les réformes militaires de Frédéric. De Russie il est venu au Manitoba. Sera-t-il plus heureux ? C'est probable, car verra-t-on jamais le service militaire permanent dans l'Amérique du Nord ? Organisés sur le modèle de leurs frères de Russie, ils vivent en communauté, n'admettant aucun étranger dans leurs villages : ils doivent être comptés à part et ne fortifient en rien l'élément anglais. C'est au Sud-Est et au Sud-Ouest de la Rivière Rouge qu'ils se sont établis : ils y ET LE NORD-OUEST CANADIEN io5 réussissent parfaitement. L'émigration Scandinave est des plus nombreuses : le gouvernement du Manitoba l'apprécie beaucoup et la favorise : les Scandinaves se fondent facilement dans l'élément anglais. Beaucoup sont établis à l'Est de Winnipeg. Enfin quelques centaines de Français et de Wallons émigrent chaque année au Manitoba. Ce courant, encore bien le'ger, augmente cependant en même temps que diminue celui qui se dirige vers la Répu- blique Argentine qui fut, on le sait, fort important. Il est aussi venu, depuis quelques années, s'établir à Winnipeg et dans la colonie anglaise un certain nombre de juifs, dont la plupart prennent le titre d'allemands. En général ils ont une situation des plus modestes; mais il est à craindre qu'ils ne finis- sent par exploiter ce pays où le crédit sur hypo- thèque est si large que souvent, poussé à l'abus, il conduit les imprudents à la ruine. Au moment de l'expulsion des juifs de Russie, quelques récla- mations, rares il est vrai, ont été faites contre ce genre d'e'migrants, et celui d'autres arrivants sans ressources. Les agissements des Israélites en Europe et aux Etats-Unis donnent en effet à réfléchir à un pays où on n'a pas d'argent à perdre. Mais ces races jeunes et ardentes au gain ont plus de res- sources et de résistance que les nôtres. lof) LES FRANÇAIS Après ces observations générales, nous rep'açant au point de vue français qui est celui que nous avons adopte' dans cette étude, voyons quelle situation occupe notre race au milieu de tous ces peuples. La proportion des Français, relativement à l'élément anglais, dans la province de Manitoba et les terri- toires de l'Ouest, est en décroissance. Majorité en 1870, ils sont maintenant faible minorité. Il est d'ailleurs difficile de connaître exactement cette proportion, le recensement de 1891 étant d'une exactitude contestée. Les travaux spéciaux de M. Ra- m-au de Saint-Père et de >L Onésime Reclus, qui tous deux s'inte'ressent d'une façon si e'clairée à nos progrès au Canada, ont sapé ces conclusions et cherché à rectifier les chiffres. Il est en tout cas certain que l'idée malheureuse qu'a eue le nouveau directeur du recensement, M. Johnson, de changer les méthodes de classement, en substituant par exemple aux divisions par origine les deux seules divisions : parlant le français, parlant l'anglais et autres langues, empêche les comparaisons avec les décades précédentes. Il a été avancé aussi qu'on avait cherché une compensation aux résultats mé- diocres du dernier recensement en diminuant la proportion des Français dans les cantons où ils n'e'taient pas assez nombreux pour surveiller le ET LE NORD-OUEST CANADIEN lo- recensement. Aussi les conclusions de ce rapport, donnant, sur les 4.800.411 habitants du Dominion, une proportion de 29,4 "/o '^ux Canadiens français (elle était de 3o,i % t^n iHSi), ont été violemment attaque'es dans la presse et au Parlement. Le séna- teur Joseph Tassé, entre autres, qui avait étudié la question avec la plus grande compétence et la plus grande précision, a protesté au nom de ses compatriotes devant le Se'nat fédéral contre l'évident parti pris des recenseurs et l'inexactitude de leur œuvre. L'élément anglais lui-même reconnaît que le recensement si onéreux n'avait de raison d'être que par l'exactitude des renseignements qu'il devait fournir et que celui de 1891 était sujet à caution. « Nous sommes vraiment très flattés, écrit un journal anglais d'Ottawa, de voir annoncer officiellement, par notre statisticien, que les Français, loin de croître en nombre dans notre province, y diminuent au contraire; mais nous sommes en même temps très stupéfaits, car chacun d'entre nous avait cru précisément observer les choses tout à l'inverse. » 11 faut espérer que ces réclamations auront une sanction et que le gouvernement canadien, si im- partial, aura à cœur en 1901 de faire publier un document d'une valeur incontestable. Au Manitoba, la population y était en 1881 de :o8 LES FRANÇAIS 85.000 habitants, sur lesquels on comptait lo.ooo Français métis et Canadiens venus de Québec. Si Ton devait s'en rapporter au recensement de i8qi, les iiabitants de langue française ne seraient au- )ourd'liui qu'au nombre de 11.102 sur une popu- lation totale qui s'est élevée à 154.542 habitants; mais là, comme dans toutes les provinces cana- diennes autres que Québec, ce recensement ne peut être conside'ré comme exact. M. O. Reclus pense, qu'en fixant k 17.000 âmes le nombre des Français du Manitoba,on serait encore au-dessous de la vérité. Quoi qu'il en soit, la proportion des Français, eu égard à la population totale, va en diminuant. Aussi les Anglais, devenant les plus forts, ont-ils aboli le privilège qui mettait dans la législature la langue française sur le même pied que l'anglais. Ils ont même, et cela est autrement grave, promulgué la loi des écoles dont nous avons parlé. Mais ces tentatives d'assimilation sont vaines. La race française a fait ses preuves dans le bas Canada ; elle garde sa tradition, son caractère quand elle est groupée, et il existe encore de très grands districts « où la préponde'rance appartient aux divers éléments de la population française pure ou mélangée et qui forment autant de centres de résistance à l'absorption définitive '. » • Elisée Reclus, p. 401. r.T LE NORD-OUEST CANADIEN 109 Nous avons vu que ces districts, où sont ûtablis les nôtres, sont parmi les meilleurs du Nord-Ouest : la vallée de la Rivière Rouge, d'abord, les environs d'Edmonton et de Prince-Albert. De plus, le mouve- ment des Français vers le Nord-Ouest paraît se développer, « La force de l'élément français s'accroît par l'arrivée des colons venus du Canada oriental et des Etats-Unis : même dans ce^ dernières années, des centaines de Français et de Wallons viennent chaque saison grossir les groupes où se parle leur langue : c'est toujours près des frères d'origine qu'ils viennent s'établir '. » Avant d'examiner d'un peu plus près les éléments qui, pour le moment, composent le contingent fran- çais qui va s'établir au Nord-Ouest, il nous faut élucider un point accessoire, mais important : quelle est l'action de l'émigration sur la mère-patrie? Nulle question n'a été plus controversée. D'un côté sont les partisans de l'émigration systématique, qui pensent par là soulager tous les maux des vieilles sociétés et provoquer leur rapide progrès. De l'autre côté sont les ennemis de l'émigration qui voient dans tout citoyen qui quitte le sol une force enlevée au pays, perdue pour lui. La vérité semble être entre les deux extrêmes. Dire que tout émigrant est une perte pour 1 Id., ibid. 1 lO LES FRANÇAIS le pays n'est pas exact; car, sans considérer l'in- fluence dans le monde de la métropole qui en est évidemment accrue, il est généralement reconnu que l'émigration ne dépeuple pas un pays. L'expérience des nations étrangères, comme l'Allemagne et l'An- gleterre, le prouve; déjà même on observe en FYance que les départements où l'émigration s'elTectue avec le plus d'activité, ceux de l'Est et du Midi, présen- tent néanmoins un accroissement de population notable et continu, tandis que d'autres départements où on citerait à peine quelques émigrants, comme ceux de Normandie, voient décliner le nombre de leurs habitants. Le raisonnement explique des plus aisément cette réparation rapide et il est singulièrement intéressant pour nous, chez qui la dépopulation est une question palpitante pour les patriotes. A quoi est due cette dépopulation? En partie à la de'moralisation, à la mauvaise éducation, à la perversion par la littérature malsaine. En partie à la législation militaire qui a dû contribuer ù la réduction des mariages, mais encore et surtout à l'égoïsme qui a développé l'ai- sance. Ou bien, cet égoïsme fait craindre, comme pour les paysans de Normandie, de voir s'émietter une propriété péniblement gardée ou constituée, ce qui amène à réduire le nombre des héritiers. Ou ET LE NORD-OL'ESr CANADIEN i I 1 bien cet cgoïsme, voyant combien de peines et de dépenses amène l'établissement des enfants, hésite à se charger d'un tel fardeau. La preuve que la faible natalité que l'on constate aujourd'hui est bien intentionnelle et voulue, c'est i|u'elle s'accroît immé- diatement dès qu'on s'établit en pays neufs, où l'es- pace et les moyens de travail et de réussite ne sont pas compte's. Rocher l'a dit i. ec une grande netteté : « L'augmentation de la population, étant donnée la nature humaine, a une tendance à s'étendre, autant que le permet la masse des subsistances comparée avec les besoins usuels du pays. Cette loi de la nature est, dans sa sphère, aussi incontestable que la loi de la gravitation. Or, il est incontestable que la croyance universelle à une extension des subsis- tances doit avoir exactement le même ellet que cette extension re'alisée. Si, par exemple, pendant que l'e'migration est en faveur, des millions d'Allemands s'imaginent que non seulement les e'migrants sont dans une position plus satisfaisante qu'auparavant, mais qu'encore ceux qui sont reste's dans le pays vont se trouver également dans une position meil- leure, ce simple exposé suffit pour faire conclure un grand nombre de naissances qui, sans lui, n'auraient pas eu lieu. » En re'sume', l'expérience et le raison- nement tendent à prouver qu'une émigration re'gu- 1 12 Li;s lUA.NÇAlS liàrc et considérable, sur laquelle le peuple compte, doit augmenter la population, loin de la restreindre. Mais il ne faut pas pousser ces conclusions à l'extrême et croire, comme les partisans de l'e'migra- tion systématique, i|ue là est le remède de tous les maux de la société. Ainsi l'émigration ne fait pas disparaître le paupc'risme. Si, dans les pays neufs, il faut moins de ressources qu'en Europe, il faut une dose d'énergie tenace beaucoup plus grande, trans- planté que l'on est dans une société' plus rude et plus e'nergique; un vagabond, un mendiant de nos pays, e'migrant dans ces conditions, est voue à la misère, sinon ii la mort. D'ailleurs les colonies ne veulent pas de cette émigration qui surchargerait leurs jeunes épaules, comme le dit lord John FUissel ; leur but est d'obtenir, non pas la pire, mais la meilleure classe des travailleurs ; elles ne veulent ni les \ieux ni les très jeunes. l,e Canada se de'fend contre cette e'migration, en la détournant par ses agents et sur- tout, ce qui est plus elièctif, en n'accordant aucun passage gratuit ou réduit aux émigrants. Un certain nombre d'orphelins et enfants abandonnes anglais ont cependant e'te' amenés au Canada par des ceuvres, mais on l'a dit, « le seul ellet de cette e'migration est d'introduire le paupe'risme dans les colonies où il devrait être inconnu. » i;r t.r: N(>i I.i:S l'RANC.AIS i7 dans la Nouvelle-Angleterre plus de 3oo.ooo Canadiens, et les autorite's les plus' compe'tentes ne les portent pas aujourd'hui à moins de 5oo.ooo '. Maintenant toutes les villes, à peu près, ont un quartier connu sous le nom de « petit Canada » ; la population en est bientôt divisc'e en deux fractions : « des amc'ri- canise's et des Saint-Jean-Baptiste restes fidèles à leur branche d'e'rable symbolique de la nation ^ » Avec le temps, après les groupements d'individus est venu le groupement des paroisses, grâce à un cierge' patriote et à une presse d'une vingtaine de journaux publies en français. Les Canadiens sont aussi entres dans la vie politique : dans chacune des chambres des Etats de la Nouvelle-Angleterre, ils comptent aujourd'hui des repre'sentants. Dans bien des districts où ils ne sont pas en majorité' on doit cependant en tenir compte et leur faire des pro- messes. Les Américains, si fiers d'avoir jusqu'ici assimile' tant de peuples divers, commencent à s'in- quie'ter de ce mouvement. « La partie septentrionale du Maine se trouve dès maintenant annexée au ' De 'l'uurincs, p. 208. * Elisée Reclus, p. (j5. i:i i.i: NOKD-OUEST canauii:;n 121 irc, ses la , et ent ant nu en 'ri- > à . » lus un de )nt ies ils en oit ro- ici in- ile au domaine franco-canadien de la province de Québec. » Ce mouvement doit-il continuer? C'est que les Canadiens se trouvent en Nouvelle- Angleterre dans des conditions singulièrement favo- rables. D'abord près de leur base d'opération; qu'ils songent au retour ou qu'ils soient décidés à un établissement définitif aux Etats, ils restent tou- jours en communication facile avec leurs parents et amis, conservant ainsi dans toute sa puissance le lien de la langue et de la religion qui les unit. Ensuite la place semble se faire devant eux ; « même en agriculture, dans les provinces du Maine, de Vermont, de New Hampshire, où se trouvent tant de terres abandonnées, on voit les Canadiens français, se contentant d'un gain moindre que les Yankees, venir prendre la place de ceux-ci '. » D'une façon générale la proportion des Yankees diminue en Nouvelle-Angleterre, et cela pour deux causes : l'une, le mouvement qui entraîne vers l'Ouest les habitants de la Nouvelle-Angleterre; l'autre, l'allaiblissement de la natalité. « C'est un fait bien constant que la natalité diminue graduellement chez les Américains natifs et surtout dans les régions les plus civilisées de la Nouvelle-Angleterre. Autre- fois les grandes familles étaient la règle; maintenant ' E. I.evasscur, p. 1 27. 122 LES FRANÇAIS elles sont l'exception, soit parce que la puissance créatrice de la race a re'ellement diminue, soit, comme en France, parce que les parents sont rete- nus par la crainte de ne pouvoir assurer le bien-être de leurs enfants. Certainement cette dernière cause, la peur de l'avenir, explique pour une bonne part la diminution des familles d'origine puritaine du Nord-Est, tandis que dans les Etats de l'Ouest et du Centre, comme le Kentucky et le Tennessee, où la vie des enfants se trouve assure'e d'avance par les conditions e'conomiques, les familles ont garde' leur fécondité' normale '. » Phénomène plus grave, le nombre des célibataires s'accroît ; une forte pro- portion de jeunes filles restent sans mari ; « sur 100 ménages yankees, 20 sont stériles K » Sans l'arrivée des immigrants, la contrée se dépeuplerait. Devant de tels faits on comprend que l'influence des nouveaux venus soit considérable et qu'ils puissent rêver de se faire dans le pays une place indépendante. « Cette forte émigration vers les Etats-Unis est considérée par les patriotes comme un malheur, parce qu'elle diminue la cohésion de la race. Une grande partie des émigrants semble perdue pour la ' Klisce Reclus, Etats-Unis, p. 675. ^ Id., ibid. Kl ll: NORb-oLKsr canadu-n 123 nationalité d'origine, et l'on craint même que dans la lutte pour l'existence les colons canadiens ne fournissent tôt ou tard des forces à leurs adversaires. Mais on peut se demander également si les facilites d'émigration vers les Etats-Unis ne permettent pas aux familles françaises de maintenir la rapidité de leur croissance et de garder ainsi la prépondé- rance numérique dans les territoires qu'elles occu- pent'. )) Cette grave considération, l'influence de l'émigration sur la natalité, doit donnera réfléchir au gouvernement de la province de Québec et l'empêcher d'élever des barrières légales à l'émi- gration, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais fait. Beaucoup de patriotes devraient chercher ajssi, non à empêcher l'émigration, mais à la diriger vers les véritables colonies de la province de Québec, c'est-à-dire les nouveaux districts ouverts au Nord, et le Manitoba. Ici peut-être le gouvernement peut, par des subsides accordés aux sociétés fondées dans ce but, aider à cette émigration. Cette intervention aurait le double avantage de déterminer le courant de l'émigration dans telle ou telle direction plutôt que dans telle autre, en ne se laissant guider que par les intérêts généraux du pays. Le gouvernement de la province de Québec, le clergé, certaines » Id., ibid. 124 LES l'RANCAlS sociétés spéciales semblent agir de tous leurs efforts vers ce but. En i(S(V3 et i>>[)4 surtout, cette intervention était nécessaire, La crise qui pèse depuis deux ans sur les Etats-Unis, tant au point de vue agricole que monétaire et industriel, a non seulement arrête' l'émigration aux Etats, mais a encore provoqué le retour d'une foule de Canadiens qu'ona évalués approximativement, les uns à 94.000, les autres à 125.000. Etablir une telle affluence d'émigrants n'est pas facile, aussi le gouvernement a-t-il redoublé d'activité. Disons pour terminer que le champ de coloni- sation ouvert au Manitoba et au Nord -Ouest est magnifique. Nous avons passé en revue les con- ditions qu'on y rencontre. Malgré l'avenir qu'offre le Manitoba à l'agriculture, l'émigration canadienne ne s'est dirigée vers ce point qu'en nombre très faible. 11 y a donc de vastes et fertiles territoires ouverts à l'intîuence française. Nous pouvons trouver une source de progrès social et de richesse en provoquant l'émigration dans ces contrées privilégiées du Nord-Ouest et en faisant fructifier nos capitaux dans des entreprises agricoles et manufarturières sagement conduites. Nous compenserons ainsi les pertes que nous cause une civilisation trop avancée. C'est pour cela qu'il i-r i.K NORn-oiJF.sr c.a'.adif.n I 2? a pu être de quclqu'utilite de connaître les con- ditions de développement du Nord-Ouest Canadien. On trouve là un sol fertile, la certitude de se crc'er une position aisée, l'assurance, dans un pays où les terres sont en telle abondance, d'c'tablir avantageu- sement SCS enfants qui, au lieu d'être une charge, sont une aide, tant la main-d'œuvre est productive et chère. Tout ce que nous avons dit au cours de cette c'tude suffirait à de'termincr l'e'migraiion ; mais en France, que connaît-on du Manitoba sur lequel on entend limettre des avis si opposes qu'on ne peut se faire d'opinion ? Aussi, pour activer le courant si faible qui dirige les Français du côte' du Nord-Ouest Canadien, faut-il surtout compter sur les influences sociales qui sont de trois sortes : gouvernement, clergé, opinion. Le gouvernement franco-canadien (celui de la pro- vince de Québec s'est jusqu'ici peu préoccupe du iVlanitoba, voyant d'un mauvais œil toute e'migration en dehors des limites de la province, c'est-à-dire des districts nouveaux du Nord. Il n'envisageait pas à un point de vue large les avantages économiques et sociaux pour la province de Que'bec et pour son inHuence; il n'a pas pense' que les pe'nibles condi- tions qu'il offre dans le Nord ne peuvent convenir à tous. Mieux inspire', il verra qu'il y a avantage à I2() i.ns ruANCAis diriger les cmigrants vers le Manitoba, en préco- nisant d'abord sans doute la province de Québec, mais imme'diatemcnt après, les districts Ouest du Canada. Le cierge, éclairé sur ce sujet par ceux de ses membres connaissant le Nord-Ouest, a agi dans un esprit plus élevé et plus juste. Il a donné aux patriotes canadiens une raison de plus pour étayer leurs convictions : que le clergé est le grand défen- seur de leur nationalité. Des iNyï, une circulaire de tout l'épiscopat, après avoir déploré l'émigration aux Etats-Unis, dit en parlant des émigrants : « S'il en est auxquels il faut un changement et auxquels il répugne de s'imposer les rudes labeurs de bûcherons, à ceux-là, veuillez indiquer la province de Mani- toba... Ces contrées, si nouvelles pour les individus, ne le su.it pas pour le Canada. C'est l'énergie de nos pères qui les a découvertes, c'est le zèle de nos missionnaires qui les a régénérées et préparées à l'ère de prospérité qui semble les atteindre. Ces contrées lointaines ne sont pas la terre étrangère. Environ la moitié de la population y parle le français et est d'origine canadienne... En colonisant une partie du Manitoba, les Canadiens français s'assurent dans la législature fédérale l'équilibre qu'ils y pos- sèdent aujourd'hui et qu'ils perdront nécessairement i;i Li; Noiu)-oi'F.sT canadien 127 s'ils ne sont pas en nombre dans le Manitoba et le territoire du Nord-Ouest. » On ne saurait en moins de mots montrer mieux l'importance c|u"a l'emifrra- tion, soit des (^inadiens français, soit des colons venant de France, pour assurer la défense des libertés canadiennes. L'opinion publique qui se manifeste par la presse, les oeuvres, les agences, les communications directes des emigrants est de beaucoup le plus important de ces facteurs d'influence. Quand l'opinion est bien convaincue des avantages d'un pays, quand ceux qui y sont établis sont assez nombreux et y réussissent, d'autres sont encourages à les imiter : le courant s'établit, l'émigration est amorce'e d'elle- même, elle s'entretient régulière et continue. Telles sont les causes d'influence qui, nous l'es- pcrons, attireront les e'migrants au Nord-Ouest Canadien, et par conse'quent à notre pays. Car, quelles sont les me'tropoles des groupes français établis au Nord-Ouest? Ce sont : la paroisse de Que'bcc et la France. Le contingent canadien est de beaucoup le plus nombreux, mais les Français et les Belges ont une sérieuse minorité. Si le Nord-Ouest n'est plus une possession française, n'est-ce pas une des belles colonies du peuple français? Une terre où on parle notre langue, où on trouve nos mœurs, l'jS LIS fk.\N(.:ms notre rclii;ion,<)ii l'on ^ai\lc piouseincnt le culte Je la patrie J'orii^ine, n'est-elle pas une terre plus française i|ue des territoires où nous n'avons pas d'administrés de notre race? N"cst-il pas français ce pays où se porta le prcmiei' ell'ort de notre coloni- sation .' Québec n'a-t-il pas ete (onde en nidS par CJianiplain, bien avant «.|uc les Anj^Iais ne s'établis- sent en \'iri;inier l.a guerre vaillaninicnt soutenue niaigre' l'infériorité de n piis lis ce tloiii- •i par iblis- cnuc L'ndii plus ^nlin sont lient curs i.| u i ictc, ctte les? ans tra- Je, '. le l f \ 187 in-»ii¥-«,iBiiM»HiHilKgi'