CD CLIMATS GÉOLOGIE, FAUNE i GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL OUVRAGES DU MEME AUTEUR EN VENTE CHEZ GARNIER FRERES. L'Espace céleste et la Nature tropicale, description physique de l'iiniverï; d'après des observations personnelles dans les deux hémisphères. Ouvrage illustrt' par Yan' d'Argent; 1 vol. gr. in-8 jésus Prix : 20 iV. Cet ouvrage contient une préface de Babinet. Cet illustre savant, dont la science déplore la perte récente, recommande VEspace cilcste d'une manière spéciale dans ce morceau remarquable d'éloquence oîi on lit entre autres le passage suivant : « Eu général les astronomes se sont montrés peu physiciens et ont admis d'incroyables explicaiioris, notamment pour les étoiles variables. Par des études consciencieuses et d'incessants travaux d'expéiience, M. Liais s'est acquis, au contraiie, un des premiers rangs comme astronome et physicien, » et plus loin : a Comme tableau fidèle de l'état de la science, connue description enrichie de découvertes perjonnelles, VEspace céleste nous doiuic les déterminations les plus exactes de tous les éléments du système du monde, » Traité d''astronomie appliquée â la géographie et à la navigation, snivi de la géodésie pratique. 1 vol, gr. in-8° Piix : 10 iV. Ce traité, dont la preniière édition portait pour litre : Traita Wastronomic appliquée et de çiéoiiésie pratique, est le seul traité fiançais conienaut li théorie complète des instruments astro- I omiques et de leur emploi, à laquelle l'auteur a ajouté be.ucoup de développements et de perfec- tionnements nouveaux. Il renferme eu outre une théorie nouve le de la réfraciiou remplaçant par une seule formule les deux formules de l fr. Théorie mathématique des oscillations du baromètre. In-8. Prix : 3 fr. De l'Emploi de l'air chauffé comme force motrice. In-8. . . Prix : 2 fr. De l'Influence de la mer sur les climats. In-8 Piix : 2 fr. C'est à un rappoit sur ce uiéuioire que fuieni consacrés les derniers moments du célèbre Arago en 1853. Ce rapport dans leciuel, dès cette épo;|ue, Arago qualifiait déjà l'auieiu' iVhabile et zélé plnjsicieii, a été publié dans le lome V de ses Notices scienti/iqucs. Nota. Les divers mémoires de l'auteur, au nombre d'environ deux cent cinquante, relatifs à des questions variées d'Astronomie mathématique ou physique, de géograi)hie, de physiquedu globe, de météorologie, de mécanique, d'optique et de physique proprement dite, et publiés dans divers recueils ocadémiiiues îrançais et étrangers, paraîtront proch liiieinent réunis en une publication unique. G. F. Paris, — 'l'yi^ograiiliie di' Ceorgrs Cliamerot, rue des Sainls-l'ères , 19. L il CLIMATS GÉOLOGIE, FAUNE GEOGRAPHIE BOTANIQUE '^<^i"*'.s^ DU BRÉSIL TAU EMMANUEL LIAIS Direileur de l'Oliservatoire Iiiiin-'ilul de Rio de Janeiro Ancien aslrononic à l'Observatoire de Paris OUVRAGE PUBLIÉ PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT IMPERIAL DU BRESIL PARIS GARMER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS 6, RUE DES SAINTS-PÈKES, ET PALAIS-ROYAL, 21o 1872 Tous droits rOscrvcb. PRÉFACE Il est possible, dans un livre destiué surtout à publier des faits nou- veaux recueillis pour la science, d'adopter une forme d'exposition appropriée en même temps à la vulgarisation. Je l'ai fait dans l'un de mes ouvrages, V Espace céleste, dont chacun des vingt-quatre chapitres contient au moins une vue ou une observation nouvelle sur l'astrono- mie ou sur diverses questions de météorologie et de physique du globe, tout en constituant dans son ensemble un traité complet de l'astro- nomie physique. Mais cette forme d'exposition a pour effet inévitable ae forcer parfois l'auteur à ajouter quelques explications inutiles pour les personnes au courant de la science. Dans le présent ouvrage, la multitude des faits que j'ai à énumérer par suite d'un séjour de treize années, dans un pays aussi riche et aussi imparfaitement connu que le Brésil, sous le rapport de son sol et de ses productions, ne m'a permis de faire aucun sacrifice d'espace à la vulga- risation, et j'ai été forcé de me restreindre à exposer et coordonner les faits recueillis. Malgré cette forme en réalité abrégée, toutes mes obser- vations sur les productions du Brésil sont loin d'avoir pu trouver place dans le présent livre déjà très-volumineux, et il me faudrait encore certainement un second volume au moins égal, peut-être davantage, pour exposer le reste. Cette remarque justifiera la forme exclusivement scientifique à laquelle je me suis arrêté, malgré tout le prix que j'attache à la vulgarisation de la science. Chargé comme ingénieur par le gouvernement de Sa Majesté l'Empe- reur du Brésil, pendant mon long séjour dans ce pays, de diverses explo- rations pour des travaux publics soit relativement à l'amélioration de rivières ou de ports, soit pour l'établissement de voies de communication dans l'Empire ou pour l'examen des mines (car c'est tout récemment que j'ai reçu la fonction de diriger l'Observatoire impérial), j'ai eu l'occasion VI PRÉFACE. défaire plusieurs grands voyages daus cette vaste contrée. Préparé d'ail- leurs par de très-longues études scientifiques préalables, puisque j'avais antérieurement adopté la science pour carrière, et n'y ai pas employé, depuis la fin de mes études proprement dites, moins de trente années à en travailler pratiquement sans relâche toutes les branches malgré les ten- dances trop spécialistes de notre époque contre lesquelles je n'ai jamais cessé de protester, j'ai pu mettre à profit ces voyages aussi bien pour les sciences naturelles que pour le but auxquels ils étaient destinés, et ceci s'explique aisément. En effet, non-seulement on a de vastes espaces à traverser pour arriver au point où ou doit parvenir, mais encore, même pendant les triangulations, l'esprit n'est pas tellement occupé par ce dernier travail qu'on ne puisse en parcourant les côtés de ses triangles regarder autour de soi. Ceci ne nuit nullement à la précision des opéra- tions géodésiques, mais on utilise ainsi un temps qui sans cela eût été perdu. La première partie du présent volume porte pour titre : Géologie du Brésil^ et est consacrée à la géologie proprement dite, aux mines et à quelques observations de minéraux, parmi lesquels figure une espèce nouvelle. Conformément à des instructions reçues du Gouvernement impérial du Brésil, par l'ordre duquel est effectuée ma publication, cette partie géologique, tout en contenant les faits observés, est rédigée sous la forme synthétique, en présentant une espèce de tableau de la géologie de l'Empire, d'après les déductions de mes observations personnelles, coordonnées entre elles et avec les observations recueillies, dans les par- ties où je n'ai pas pénétré, par divers voyageurs cités chaque fois que j'emploie leurs observations, notamment MM. Hartt, Plant, Gardner, etc. J'aurais pu y joindre le dessin d'un très-grand nombre de coupes géo- logiques que j'ai tracées avec leur description , si ce n'eût été la dé- pense considérable d'une publication de ce genre, laquelle aurait rempli le volume entier, et par conséquent si ce n'était aussi le manque d'es- pace et de temps pour la rédaction depuis mon retour. Au reste, toutes les déductions pouvant résulter de l'ensemble des détails de ces docu- ments y sont signalées. J'y joins une carte physique du Brésil oriental pour faire comprendre l'orographie de l'Empire et ses divers systèmes de montagnes. Sur cette carte, sont marqués les lieux cités dans l'ouvrage pour leurs gisements de minéraux. Le grand fleuve de San-Francisco y est tracé à sa place d'après les positions géographiques que j'ai détermi- nées sur les divers points de son cours, et on y pourra juger de l'impor- tance de ce vaste cours d'eau, représenté jusqu'ici d'une manière si inexacte sur toutes les cartes de l'Amérique. La seconde partie porte pour titre: Faune daJjrhii iiiu: temps fécents et quaternaires, et trailc de la /oob^gie et de la paléontologie du Brésil. Elle est spécialemenl destinée ù la comparaison de la faune vivante et de PHIÎFACK. vu la faune quaternaire. Mais l'immensitii du sujet m'a forcé de me limiter à traiter en détail la classe des mammifères seulement; et le premier chapitre résume les points relatifs à la faune quaternaire des autres classes. A l'exception des ordres des Chéiroptères et des Primates pour lesquels l'espace m'a manqué, je décris avec détail tous les mammifères vivants du Brésil, et ce que j'ai pu savoir et rectifier au sujet de leurs habitudes. Je signale un certain nombre de doubles emplois d'espèces créées d'après des spécimens de collection, et fais connaître quelques espèces nouvelles. La même chose a lieu pour les mammifères quater- naires dont quelques nouveaux ont été découverts dans mes voyages. J'ai traduit du danois les œuvres du D'' Lund sur cette question, afin de faire connaître ses belles recherches, car au sujet de ses travaux les ouvrages français sont remplis d'erreurs. J'ai vu tous les mammifères vivants décrits dans le présent livre, sauf quelques-uns des limites extrê- mes de l'Empire. Mais je dois uniquement à la grande prolongation de mon séjour d'avoir pu arriver ù ce résultat, car on ne se figure pas la dif- ficulté de se procurer un grand nombre d'entre eux. On trouvera aussi dans ce livre les étymologies indigènes de la plupart des noms des ani- maux du Brésil. La troisième partie porte pour titre : Géographie botanique du Brésil^ et comprend en même temps la climatologie et mes observations sur la ré- partition générale des végétaux à la surface de l'Empire. Elle se termine par quelques considérations sur les cultures du Brésil. J'y décris en outre quelques espèces nouvelles de plantes, des observations tératologiques et diverses autres propres à jeter du jour sur certains points de pliy- siologie végétale. En somme donc, j'apporte mon faible tribut de voyageur au grand édifice de l'histoire naturelle et le soumets à l'appréciation des amis de l'étude de la nature, comme une minime contribution à l'œuvre immense entreprise par la science moderne, d'observer l'univers dans toutes ses parties. Je me suis attaché, pour utiliser le mieux possible le temps dont je pouvais disposer, à étudier les êtres organisés sur le vif, bien plus qu'à collectionner pour travailler ensuite dans le cabinet, et, relative- ment aux minéraux, à décrire sur place leurs gisements, et l'ordre de superposition et la stratification des roches, parce que ce genre d'obser- vations est aujourd'hui plus nécessaire à la science que l'accroissement des collections. Nos musées sont pour la plupart déjà tellement riches, qu'ils ne peuvent trouver place pour exposer tous leurs objets ; mais des renseignements positifs manquent sur beaucoup de choses. J'ai col- lectionné toutefois dans les limites où cela m'a paru nécessaire pour des comparaisons ultérieures, mais j'ai incomparablement plus réuni de notes que d'objets, comme étant ce qui manque le plus. Pour les miné- VIII PRtilFAr.E. raux, je m'étais organisé pour faire, même en voyage, les petits essais chimiques utiles pour les reconnaître quand l'emploi de ce moyen était nécessaire, atin de pouvoir toujours de suite les classer et examiner si leur présence ne devait pas me faire soupçonner quelques particularités spéciales à rechercher dans leur voisinage. Au reste, pour la minéralogie et la géologie, j'ai en général conservé des spécimens de chaque localité. Quoique je publie le présent ouvrage svn^ les sciences naturelles, je n'ai point du tout renoncé pour cela aux sciences mathématiques, notr.m- raent à l'astronomie, car, précisément en même temps que j'effectue cette publication, je fais construire le matériel dont l'observatoire impérial de Rio de Janeiro a besoin pour fonctionner complètement comme les observatoires les mieux montés. C'est surtout en voyage que je m'occu- pais d'observations d'histoire naturelle, et je ne leur ai jamais sacritié un seul travail astronomique. Au contraire, pendant mou séjour dans l'hé- misphère sud, j'ai eu soin de ne laisser passer aucun phénomène no- table sans l'observer avec les moyens optiques dont je disposais, et sans tirer des observations leurs résultats théoriques. 11 y a même incontes- tablement des faits qui seraient restés inaperçus ou incertains sans ma présence dans cet hémisphère, et notamment l'événement le plus curieux dans l'histoire astronomique et le plus rassurant pour l'avenir, c'est-à- cUre, le passage réellement effectué en 1861 de la terre et de la lune à travers la queue de la grande comète de cette même année, lequel avait été prévu et annoncé d'avance ])ar moi dans plusieurs jour- naux, et aurait été seulement soupçonné^ mais, comme l'a fait vou' M. Faye, n'aurait pas été démontré par les observations européennes. Je fais cette réflexion pour qu'on ne pense pas que j'aie abandonné l'astro- nomie, particulièrement en ce moment où. organisant l'observatoire de Rio de Janeiro, je prie les Académies et étabhssements scientifiques, auxquels le présent volume sera adressé, d'envoyer leurs publications pour sa bibliothèque. 11 leur Iransmettra <à son tour en échange ses propres publications. E. L. Le E- g re ?- Cfq Ô^" c £ u 2 i-i Cl- f2 5; D fD S- P3 S 2' c O 2 o £ .g: > 'H- (B -O o' '^ O S 3 o' œ' D 3 g (t cr ■-s c" 5 (D ce Ci ^ nï V P^ J^ 1*^ S S S O 5- !£ ^ S- £, E. 2' c c" ■3; ^ s. fD + CD X 5 O l-ft C3 s^ ? > c; c o"^ ■? £. O ^ *-*i ~ ^ o •^1 3 ^ p "c" :^ o "v; o- o P ,_, Ivï a; Sr oq fD II fD c CD £3 li ^. fD ^^ ►;• £, Cl P b- + vm PR^^FACK. vaux, je m'étais organisé pour faire, même en voyage, les petits essais chimiques utiles pour les reconnaître quand l'emploi de ce moyen était nécessaire, atin de pouvoir toujours de suite les classer et examiner si leur présence ne devait pas me faire soupçonner quelques particularités spéciales à recherclier dans leur voisinage. Au reste, pour la minéralogie et la géologie, j'ai en général conservé des spécimens de chaque localité. Quoique je publie le présent ouvrage sur les sciences naturelles, je n'ai point du tout renoncé pour cela aux sciences mathématiques, notam- ment à l'astronomie, car, précisément en même temps que j 'effectue cette publication, je fais construire le matériel dont l'observatoire impérial de Rio de Janeiro a besoin pour fonctionner complètement comme les observatoires les mieux moiités. C'est surtout en voyage que je m'occu- pais d'observations d'histoiic naturelle, et je ne leur ai jamais saeritié un seul travail astronomique. Au contraire, pendant mon séjoin^ dans l'hé- misphère sud, j'ai eu soin de ne laisser passer aucun phénomène no- table sans l'observer avec les moyens optiques dont je disposais, et sans tirer des observations leurs résultais théoriques. Il y a même incontes- tablement des faits qui seraient restés inaperçus ou incertains sans ma présence dans cet hémisphère, et notamment l'événement le plus curieux dans l'histoire astronomique et le plus rassurant pour l'avenir, c'est-à- dire, le passage réellement effectué en i86l de la terre et de la lune à travers la queue de la grande comète de cette même année, lequel avait été prévu et annoncé d'avance par moi dans plusieurs jour- naux, et aurait été seulement soupçonné^ mais, comme l'a fait voir M. Faye, n'aurait pas été démontré par les observations européennes. Je fais cette réflexion pour qu'on ne pense pas que j'aie abandonné l'astro- nomie, particulièrement en ce moment où. organisant l'observatoire de Rio de Janeiro, je prie les Académies et étabhssements scientifiques, auxquels le présent volume sera adressé, d'envoyer leurs publications pour sa bibliothèque. Il leiu^ transmettra à son tour en échange ses propres publications. E. L. PREMIÈRE PARTIE GÉOLOGIE DU BRÉSIL -ï-=3E-<3>-3<;^=-3 SUR LES GNEISS DU BRÉSIL Leurs caractères généraux. — Décomposition des roches au Brésil. — Formation du sol végétal. — Explication des particularités du sol superficiel du Brésil au moyen des causes actuellement agissantes. — Réfutation de la théorie des glaciers anté- rieurement proposée dans le but de fournir cette explication. 1 . — Aux environs de Rio de Janeiro et sur de vastes éten- dues de l'Empire du Rrésil, des g-neiss stratifiés composent la masse totale du sol, et alors, dans tous les points élevés, la terre vég-étale repose immédiatement sur leur surface. Ces gneiss sont presque toujours très-fortement redressés, et quoiqu'ils soient à base de feldspath orthose, leurs diverses couches présentent cependant entre elles des différences importantes au point de vue de la structure, de la compo- sition, et du degré de résistance à la décomposition atmos- phérique . i 2 GEOLOGIE DU BRÉSIL. Ainsi, relativement à la composition, non-seulement il existe de nombreuses variétés dans le feldspath lui-même, mais encore la présence ou l'absence du quartz introduit de notables différences entre les couches, et le mica surtout modifie puissamment la composition de la roche soit par son abondance ou son absence presque complète, soit par la nature de ses variétés. A ces éléments constitutifs se joi- g-nent fréquemment les g*renats. D'autres fois, la hornblende, en se substituant plus ou moins complètement au mica , détermine des passag^es à la syénite. La structure ne varie pas moins que la composition. Tantôt porphyroïde et formée de cristaux volumineux , d'autres fois à g*rainfin et g*ranitoide, elle se montre en certains lieux plus ou moins massive, tandis que, sur d'autres points, elle devient schisteuse et souvent composée de lits minces, par- fois faiblement micacés, ailleurs fortement chargées de mica. Dans ce dernier cas, elle affecte souvent un aspect rubané. Mais le caractère le plus saillant de ces g^neiss, celui sur lequel nous devons insister d'abord, est leur état de décom- position, lequel, tout en présentant de g'randes différences d'une strate à l'autre suivant la composition, contribue par- ticulièrement à produire les formes pittoresques et remar- quables des montagnes de la zone des gneiss. La décomposition de ces roches s'est produite au Brésil sur une échelle immense. Il serait difficile de trouver hors de l'Amérique du Sud un exemple aussi remarquable de ce phénomène, sauf dans la partie Sud des Etats-Unis, où toutefois la décomposition, quoique très-frappante, paraît ce- pendant encore inférieure en intensité à celle des roches du Brésil. Ainsi, il n'est pas rare, dans ce dernier pays, de trouver des points où les gneiss sont complètement transformés en argiles sur des épaisseurs de plus de 100 mètres, et il est cu- rieux de voir les immenses failles naturelles qui se creu- sent parfois sur les versants des montag'nes et des collines, sous l'influence des eaux pluviales. GEOLOGIE DU BRESIL. 3 2. — L'orig-ine de ces grandes crevasses qu'on observe non- seulement dans les collines de g*neiss transformé en arg-ile, mais aussi dans celles de roches schisteuses et de talcites ég'alement réduites en arg-ile sous Faction puissante de la décomj30sition par l'atmosphère, s'explique aisément en ayant ég-ard à l'inclinaison des strates de la roche primitive, lesquelles ont été fortement redressées pour constituer les élévations du sol. Lorsque la décomposition incessante de la roche est parvenue à un certain degré, et quand les strates arg*ileuses résultantes sont fortement imprég'nées d'eau sous l'action des pluies continues des années très-pluvieuses, des g-lissements tendent à s'opérer dans les couches les plus décomposées et les plus transformées en g'iaise, surtout dans celles des couches inférieures , qui sont en même temps les plus détrempées et dont alors la ténacité ne peut continuer de vaincre le poids des couches supérieures; de g-randes déchirures se forment alors dans celles-ci, particulièrement sur les versants inclinés des collines, et la masse descend sur le plan incliné des couches inférieures les plus g*laiseuses et les moins résistantes. Alors de g-randes masses de terre sont entraînées vers le fond des vallées, où en même temps les eaux courant en torrent dans la faille les réduisent en boue et les dispersent. Ces phénomènes se produisent sur- tout dans les séries d'années pluvieuses succédant aux an- nées très-sèches. Leurs circonstances ordinaires sont quand, après de très-Ion g-ues pluies ayant fortement détrempé un sol fendillé par la sécheresse des années précédentes, il sur- vient une de ces ondées diluviennes si fréquentes pendant les orag"es des contrées intertropicales et où parfois plu- sieurs centimètres d'eau peuvent tomber sur la surface du sol dans un intervalle de quelques heures. Comme exem- ple de ces g*randes ondées, je citerai celle de mars 1859 à Rio de Janeiro : quatorze centimètres d'eau tombèrent alors dans l'espace de deux heures, et déterminèrent d'importants éboulements au Morro do Gastello el sur une multitude de collines arg*ileuses du côté de Nictheroy. 4 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Il faut avoir vu les torrents accidentellement formés dans les réglions montag*neuses pendant les pluies diluviennes d'un fort orag-e, pour comprendre le rôle puissant que, sous l'ac- tion répétée des siècles, ces phénomènes peuvent avoir exercé sur la config-uration actuelle du sol. Les nombreuses failles à flancs abruptes, creusées dans les collines arg-ileuses provenant des g-neiss en décomposition et rencontrées par le voyag*eur à chaque instant dans sa route, attestent seule- ment l'action de ceux de ces phénomènes météorolog*iques qui ont été les plus récents. Beaucoup de ces failles ont eu des témoins oculaires vivants. Parmi celles-ci , j'en citerai une auprès de Barbacena, non pas par suite de sa dimen- sion , laquelle n'excède pas celle de beaucoup d'autres cre- vasses que j'ai pu observer, car, au contraire, j'en ai vu de notablement plus importantes, mais à cause de la valeur scientifique du témoin, M, le vicomte de Prados, à qui je dois l'affirmation de la formation récente de cette faille, laquelle a eu lieu dans son enfance , il y a une quarantaine d'années. La crevasse en question peut avoir environ 3 hec- tares de superficie, sa long-ueur est d'environ 600 mètres, sa larg-eur dépasse souvent 50 mètres et sa profondeur doit être estimée à plus de 10 mètres en moyenne. Il est donc sorti de ce point environ 300 à 400 mille mètres cubes de terre, et la faille présente le fait remarquable de se trouver sur une espèce de plateau faiblement incliné. Les terres entraînées ont entièrement disparu et ont été dispersées par les eaux. Les failles dont je parle ici et qui se forment d'abord instan- tanément par un premier g-lissement de terres, puis s'accrois- sent ensuite sous l'action des eaux pluviales et atteig-nent en un petit nombre d'années d'énormes dimensions, présentent à la vue des coupes naturelles dans les g'neiss devenus arg-iles. Ces coupes ont parfois 40, 50 et même 100 mètres de pro- fondeur, et elles permettent de jug'er de la puissance de dé- composition des ag-ents atmosphériques sur les g'neiss et de la g-rande profondeur jusqu'à laquelle elle s'exerce. La fréquence GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 5 des éboulements récents montre que ce phénomène se con- tinue activement à notre époque. 3. — La période actuelle au Brésil est donc caractérisée par une forte décomposition des roches métamorphiques et par leur transformation en argùle. Gonséquemment les con- ditions présentes du sol sont fort différentes de celles où les roches, d'ailleurs stratifiées, ont pris l'aspect cristallin sous lequel elles se montrent aujourd'hui. Il résulte de cette remar- que que cet état de cristallisation ne peut pas être attribué à l'action seule du temps, puisque, dans les circonstances ac- tuelles, cette action a, au contraire^ pour effet de détruire l'état cristallin. 4. — Cette conclusion n'est pas la seule conséquence im^ portante à déduire de l'examen des failles, dont je viens de parler. Ces crevasses appellent en outre notre attention sur la question de l'influence exercée par les g-randes pluies tro- picales sur le relief du sol^ et nous avons, dans ces phénomè- nes, l'explication de rorig*ine des vallées de dénudation, et le moyen de reconnaître comment ce g-enre de vallées peut se former souvent plus rapidement qu'on ne le supposerait tout d'abord. Evidemment, sous l'action du temps, les flancs d'abord abruptes des failles s'éboulent prog'ressivement vers le fond, car l'action de l'atmosphère ne cesse d'y détruire la cohérence des parties. D'un autre côté, les terres tombées dans la cre- vasse disparaissent presque aussitôt qu'elles y pénètrent, car elles sont emportées par les torrents circulant dans le fond des fissures lors des pluies diluviennes. En même temps des ramifications, dues à des causes identiques à celles qui ont créé la faille primitive, se font dans cette nouvelle vallée au fur et à mesure de sa formation. Bientôt la vég'étation s'em- pare peu à peu des surfaces exposées à l'action atmosphé- rique, la partie superficielle des arg^iles se mêle d'humus, et enfin la trace du phénomène primitif sous l'influence du- quel la nouvelle vallée a pris naissance, disparaît totalement. J'ai pu souvent, dans mes voyag-es, observer cette transfor- 6 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. mation progressive des failles en vallées de dénudation. Tel est le motif pour lequel j'ai dit plus haut que les nombreuses failles à bords argnleux abrupts et dénudés, si abondantes dans les rég-ions des g'neiss et des laïcités, sont dues à des ac- tions météorolog-iques récentes, bien qu'on ne puisse, pour toutes ces crevasses, trouver des témoins oculaires de leur formation. Nous aurons plus d'une fois à revenir sur cet important phénomène, car, sous l'action répétée des siècles et des siècles , il a modifié profondément le relief de certaines par- ties de l'Empire du Brésil, et seul il peut donner l'expli- cation simple et naturelle de faits incompréhensibles sans lui. 5. — A côté de l'influence exercée par la facile décompo- sition des roches du Brésil sur la formation rapide des val- lées de dénudation, nous avons à sig-naler le rôle que joue, pour donner au sol son relief g-énéral, la différence de résis- tance des diverses strates à cette même décomposition. Nous avons surtout à faire voir comment la différence de résistance en question a pu créer les formes si déchiquetées et si pitto- resques qu'on observe dans la plupart des g-randes chaînes de montag-nes du Brésil. La chaîne des Org'ues, le massif du Corcovado et une multi- tude d'autres points dans la province de Rio-de-Janeiro et les autres provinces de l'Empire, présentent des exemples de g-ran- des lames de g'neiss redressées sous des ang'les souvent très- voisins de la perpendiculaire, et qui, par suite d'une plus g'rande résistance à la décomposition atmosphérique, surpas- sent les autres couches voisines redressées avec elles et dont les bords extrêmes ont disparu sous l'action du temps. Vues de côté, ces lames apparaissent comme des tours verticales, lorsque les couches redressées constituant le massif monta- g*neux ont atteint la perpendiculaire. C'est à la comparaison d'une apparence de ce g-enre avec l'aspect de tuyaux d'or- g'ues que la chaîne située au nord de la ville de Rio-de- Janeiro doit son nom de Serra dos Orgaôs. Observées dans GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 7 d'autres directions, ces lames, qui se terminent en pointe, présentent alors l'aspect de g-rands cônes. D'autres fois, quand les couches, quoique très-inclinées, n'ont pas atteint la perpendiculaire, une couche plus résis- tante , en protég^eant les parties des couches moins solides qui lui sont inférieures^ a formé une espèce de cône incliné dont une des arêtes, celle du côté des couches les moins résis- tantes à l'action atmosphérique, est presque perpendiculaire, tandis que l'arête opposée se montre très-inclinée. En résumé, il est facile de constater que toutes les formes bizarres et si curieuses des massifs montag-neux du pourtour de la baie de Rio-de- Janeiro, proviennent, d'une part, du redressement considérable des lames de g-neiss composant la masse de ces montag-nes, et^ d'autre part, de l'inég^alité de résistance oppo- sée par ces diverses lames ou couches à la décomposition at- mosphérique. En même temps que la direction ou les incli- naisons de ces lames varient d'un massif à l'autre, leurs bords tantôt déchiquetés, tantôt droits, tantôt se terminant en pointe, modifient pour chaque point de vue l'aspect des montag'nes et leur profil dessiné sur le ciel. Ces variations apparentes de formes plus ou moins bizarres, constituent une des merveilles les plus dig'nes d'attirer l'attention du voya- g-eur au milieu de tant d'autres merveilles de toute sorte ré- vélées à chaque instant dans l'observation d'une nature aussi splendide par sa vég-étation. J'ai déjà dit plus haut qu'au Brésil, le g'neiss n'est pas la seule roche dans laquelle on observe des exemples de décom- position rapide et sur vaste échelle. Dans la zone des laïcités et des itabirites, des formes du genre de celles que je viens d'indiquer se montrent dans les montag-nes. De g-randes lames fortement redressées et presque entièrement com- posées d'olig-iste spéculaire composent les dentelures de la Serra da Piedade près de Sahara , et d'autres lames g^g-antes- ques forment les sommets du pic d'Itabira. Sous ce rapport, la plupart des chaînes de Minas-Geraes, dans la zone si dé- composable des laïcités, présentent des formes déchiquetées 8 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. dues à des lames redressées et plus résistantes que les cou- ches voisines, exactement comme les montag-nes de g'neiss de Rio-de-Janeiro et de la Serra do Mar. 6. — Après ce premier aperçu g-énéral sur les phénomènes de décomposition des g'neiss par les ag'ents atmosphériques, et sur les influences de cette décomposition relativement à la création rapide des vallées de dénudation et à l'orig-ine des formes bizarres de certaines montag*nes, il convient d'entrer dans un examen plus précis sur la nature et la structure de ces roches. Remarquons d'abord qu'au point de vue litholog-ique, tou- tes les roches de l'étag'e des g'neiss ne peuvent pas être re- g-ardées comme des g'neiss proprement dits, et si nous les comprenons sous une dénomination g'énérale rappelant cette espèce, c'est, d'une part, à cause de la nature de leur élément dominant, le feldspath orthose, et, d'autre part, à cause de leur stratification qui souvent s'efface, mais ne disparaît jamais totalement. Par conséquent, l'ensemble de toutes ces roches doit être considéré comme résultant de dépôts sédimen- taires devenus cristallins par une action métamorphique. Mais si, laissant de côté la stratification g'énérale, nous exa- minons les roches en question, nous y disting^uerons des g'neiss proprement dits, les uns à structure g'rossière et por- phyroïde, les autres à g*rain fin et à structure schistoïde, d'autres que la diminution de la proportion du mica fait passer au leptinite, d'autres encore où le mica a presque to- talement disparu, et ceux-ci, ne renfermant g'uère que le feld- spath, doivent être considérés comme du leptinite propre- ment dit. Ailleurs, nous verrons les g'neiss porphyroïdes se charg-er de quartz, et alors la roche passe au vrai g'ranit, ou bien, par suite de la disparition du mica, à la peg'matite. D'autres fois, et surtout dans les couches supérieures, nous verrons les g'neiss à g'rain fin et à structure schistoïde se charg'cr for- tement de quartz et passer au micaschiste. Il est impossible de décrire un ordre de superposition parfai- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 9 tement constant pour ces diverses classes de roches apparte- nant toutes à l'étag^e g*neissique. Toutefois les g^neiss porphy- roïdes paraissent occuper de préférence les couches inférieu- res, et c'est particulièrement dans ces couches qu'on observe leurs passag'es au vrai g*ranite, avec lequel parfois il serait possible de les confondre surtout à cause de la g'rande épais- seur des couches, de la disparition complète de toute struc- ture schistoïde et de la disposition des lamelles de mica dans tous les plans. Toutefois, quelque indistincte que devienne la stratification, on en trouve g-énéralement des traces as- sez sensibles pour ne pouvoir douter que la roche provient d'anciens dépôts sédimentaires métamorphiques. La pré- sence et l'abondance fréquente des g'renats dans ces roches sert aussi à les disting'uer des vrais g-ranits et établit un lien avec les g'neiss porphyroides clairement stratifiés, dans lesquels le même minéral se présente ég-alement avec fré- quence. Des dykes de vrai g-ranit et de syénite ont toutefois, en cer- tains points, traversé les couches inférieures de la formation des g"neiss, et ils semblent indiquer que cette formation repose sur ces roches elles-mêmes, lesquelles auraient ag-i comme roches soulevantes. Mais, d'un autre côté, la partie inférieure de l'étag'e des g-neiss montre elle-même des passag-es fré- quents et faciles à suivre entre le g"neiss porphyroïde stratifié et les roches gTanitiques; de plus, dans les parties inférieu- res de ce g-neiss lui-même, on voit la stratification, quoique encore observable , s'effacer prog-ressivement et la masse ap- procher de la structure massive; en outre, souvent les g"neiss renferment de la hornblende. Ces trois faits montrent qu'il n'existe aucun motif sérieux de considérer les syénites et les g-ranits comme autre chose que des parties inférieures de l'étag'e des g'neiss sur lesquelles l'action métamorphique, né- cessairement plus énerg-ique, a amené la disparition à peu près totale de la stratification , par suite d'un ramollisse- ment presque complet de la masse. Ce ramollissement alors a permis l'intrusion d'une fraction de cette masse, sous une 10 GEOLOGIE DU BRÉSIL. forte pression et sous forme de dykes, à travers les couches su- périeures moins fortement ramollies. D'un autre côté, l'iden- tité de composition et les passag*es prog-ressifs faciles à ob- server entre les roches nettement stratifiées et les couches inférieures où la stratification plus indistincte devient diffici- lement observable, montrent que les unes et les autres doivent au même métamorphisme leur état cristallin actuel. Donc la réunion des roches g-ranitoïdes et g^neissiques observable dans la province de Rio-de-Janeiro et dans les autres régions de l'Empire où la formation des g^neiss prédomine, constitue un seul ensemble de terrain métamorphique primitivement sédi- mentaire. 7. — La puissance de l'immense dépôt constituant la for- mation des g*neiss au Brésil, est bien difficile à évaluer. Dans les montag*nes à l'ouest de la ville de Rio-de-Janeiro, par exemple dans les massifs de Tijuca et du Corcovado, on ne peut g"uère l'estimer à moins de mille mètres ; mais dans la chaîne des Org'ues et de la Mantiqueira, cette évaluation est bien au-dessous de la vérité, et j'ai pu observer le parallé- lisme de couches redressées sous des ang^les de 60 à 70 de- g"rés, pendant une distance horizontale de 6 à 7 kilomètres, ce qui ne permet pas d'assig^ner moins de 6000 mètres de puissance à l'étag'e des g^neiss dans la province de Rio-de- Janeiro et le sud de celle de Minas-Geraes. Sur cette énorme épaisseur, on voit souvent les strates chan- g'cr de nature. Ainsi les g*neiss proprement dits et les lepti- nites alternent fréquemment entre eux, et souvent des g-neiss à g'rain fin et à structure schistoïde alternent aussi avec d'autres g-neiss plus g-rossiers. D'autres fois, des couches de g-neiss ou de leptinites charg'ées de g-renats sont interposées entre d'autres couches dépourvues de cette espèce minérale. En outre, des différences notables existent souvent entre les bancs successifs au point de vue de la coloration du feld- spath. Ainsi des couches verdâtres se montrent interposées entre des couches roug'eâtres ou blanchâtres, et les différen- ces dans la nature du feldspath influent puissamment sur la GÉOLOGIE DL BRÉSIL. i\ résistance à la décomposition atmosphérique et sur la dureté de la roche. 8. — De nombreuses veines minces de quartz, composées parfois de quartz ferrug'ineux, mais le plus souvent de quartz blanc laiteux ou hyalin fendillé, existent souvent en abon- dance au milieu de ces g-neiss. Ces veines suivent fréquem- ment les lig-nes de la stratification, tandis que les plans de cette dernière sont souvent coupés par d'épais fdons quart- zeux ou g'ranitiques, dont parfois les éléments sont séparés en parties volumineuses et contiennent un feldspath de même aspect, dans beaucoup de cas, que celui des roches encais- santes. Accidentellement on rencontre aussi des dykes de diorite ou d'eurite compacte. Ces filons et ces veines de diverses natures se montrent sur les sections faites le long* des routes ou dans les carrières. Ceux des filons qui sont g'ranitiques se disting-uent fréquem- ment, non-seulement par leur différence de structure et la présence du quartz, mais encore assez souvent par une dif- férence dans la coloration du feldspath. Par l'effetdela décom- position superficielle des g'neiss et de la dénudation, les quartz qui formaient primitivement les portions de ces veines ou de ces filons, comprises dans la masse réduite en arg-ile et en- traînée par les eaux, se trouvent, aussi bien que certaines diorites plus résistantes que le feldspath à la décomposition par l'atmosphère, dispersés sur le sol vég^étal où on les ren- contre sous l'aspect de blocs disséminés. Dans certains points élevés, les nombreuses petites veines de quartz laiteux fen- dillé ont ainsi laissé à la surface du terrain une multitude de cailloux ang'uleux. 9. — En g-énéral, les petites veines quartzeuses en question, veines que la décomposition par l'action atmosphérique ne peut atteindre, se voient ég^alement en place à une certaine profondeur au milieu des g'neiss réduits presque complète- ment en arg-ile, tandis qu'auprès de la surface du sol, leurs frag'ments se trouvent dispersés dans les terres et tendent à s'accumuler au-dessous du sol vég-étal. Sur les coupes faites 12 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. le long" des routes, on peut souvent observer comment les lig-nes formées par les quartz fendillés s'infléchissent lors- qu'elles approchent de la surface du sol et aussitôt après avoir atteint la limite où la surface des g-neiss, devenue com- plètement arg'ileuse, perd ses dernières traces de stratifica- tion sous l'influence des pluies, combinée avec le travail inces- sant des insectes et l'action des racines des plantes, en se transformant en terre vég^étale mêlée d'humus sous l'ensemble de ces diverses causes ag'issantes. Par le petit g'iissement qui s'opère dans les arg-iles détrempées le long' du flanc des col- lines, dont la surface terreuse, incessamment enlevée par les pluies parcelle par parcelle, se reforme aux dépens de la roche sous-jacente par sa décomposition, les cailloux quart- zeux qui étaient réunis en lig-ne continue suivant la direc- tion de la veine primitive, direction observable sur les coupes dans la partie encore un peu solide de la roche, tendent, près de la surface, à descendre en s'écartant les uns des autres. En même temps, ils s'eng-ag'ent de plus en plus dans la terre sous-jacente détrempée, circonstance que favorise le g'iisse- ment des terres venant de parties plus élevées, et à la long-ue ils forment sous le sol vég^étal, sans stratification apparente et à la surlace de la partie de la roche encore un peu solide, une couche de g^alets angTdeux qui suit tous les contours de cette même surface solide. Sous l'action du temps, dans les parties basses où les terres au lieu d'être enlevées par les pluies se déposent et s'accu- mulent, une couche épaisse de terres se fixe au-dessus de ces lig-nes de cailloux ; mais ces terres, quelle que soit leur épaisseur, ne peuvent présenter aucune trace de stratification, parce que les pluies et les actions torrentielles, aussi bien que le travail incessant de la vég'étation, celui des insectes ter- restres et la décomposition des matières vég'étales et animales, s'y opposent. On sait d'ailleurs que les dépôts d'arg-iles ne peuvent être rég'ulièrement stratifiés qu'au fond des eaux tranquilles. Ainsi se sont formées les épaisses couches terreuses sans géolo;gie du Brésil. 13 stratification, couches séparées de la roche soiis-jacente, ou des arg-iles inférieures stratifiées résultantde la décomposition en place de celle-ci, par un lit de cailloux ang-uleux qui n'ont pas été transportés ; et ce fait, fréquent au Brésil sans être d'ailleurs g-énéral, s'explique aisément en observant attenti- vement, sur les coupes du sol, le déplacement et l'inflexion des veines quartzeuses intercalées dans le gneiss, là où ce dernier se décompose complètement en terre près de la surface. Le plus souvent, ces coupes faites dans les g-neiss et les leptinites en décomposition permettent, sur les points élevés, de reconnaître à peu de profondeur la texture g*neissique et la stratification primitive, encore bien que la masse soit trans- formée complètement ou presque complètement en arg-ile. Dans ces g'neiss ainsi décomposés plusieurs particularités sont dig-nes de remarque. Généralement les cristaux feldspathiques, dont communé- ment les deux plus gTandes dimensions sont parallèles à la lig-ne de stratification, ont conservé leurs formes et souvent peuvent être isolés facilement. Cependant ils sont complète- ment transformés en arg'ile, et ils se rompent et se brisent sans effort. Ils ne sont pas toutefois tous au même deg-ré de décom- position, et accidentellement quelques-uns ont conservé un peu de ténacité. Très-fréquemment, dans ce dernier cas, les rup- tures se font suivant les lig-nes de divague, parmi lesquelles les deux clivag*es perpendiculaires et caractéristiques de l'espèce orthose, l'un parallèle à la base du prisme primitif de l'espèce, l'autre parallèle à la petite diag'onale du rhombe basique du même prisme, se font toujours remarquer. Le troisième di- vague se montre souvent parallèle à l'une des faces primitives du prisme primitif, et est alors un peu nacré. Ces cristaux sont, au reste, des prismes formés en g-énéral par des faces parallèles aux trois plans que je viens de citer. Deux au- tres divagues se montrent accidentellement. L'un , assez imparfait, est parallèle à la g-rande diag'onale du prisme primitif et par conséquent perpendiculaire au deuxième cli- a GÉOLOGIE DU BRÉSIL. vag-e parallèle à la petite diag'onale, et oblique sur la base du prisme primitif, direction du premier clivage. Quelques re- flets nacrés existent aussi sur ce clivage qui appartient à l'espèce d'orthose nommée Murchisonite. L'autre clivage ac- cidentel est presque perpendiculaire sur les deux premiers et se montre quelquefois, mais plus rarement, également accompagné de reflets nacrés. Dans les gneiss et les leptinites grenatiques en décompo- sition, les g-renats se rencontrent aussi à l'état terreux et les micas sont très-fréquemment décomposés en totalité, et réduits en argile sans montrer de trace appréciable de leur structure primitive. D'autres fois, les micas sont mieux conservés que le feldspath, et, quand il en existe plusieurs espèces dans le même gneiss, il n'est pas rare de voir l'une d'elles se réduire totalement en argile et d'autres se con- server. En général, les micas noirs se décomposent plus que les blancs et les jaunes, qui sont d'ailleurs beaucoup moins abondants et simplement accidentels dans la roche. Sur cer- tains points riches en mica noir, la décomposition est devenue parfois tellement complète, que près de la surface la roche est entièrement réduite en argile parfois micacée, à cause des autres espèces de mica qui se sont conservées intactes. Au reste, la plus grande variété se remarque dans l'état de dé- composition relatif de ces diverses parties constituantes de la roche. Certaines strates de leptinite composées uniquement de feldspath blanc, et passant d'autres fois à la peg^matite, don- nent lieu en se décomposant à une formation de kaolin, mais en général les argiles résultant de la décomposition des roches gneissiques et leptinitiques sont colorées le plus sou- vent en roug'c. Celles surtout qui proviennent de la décom- position des gneiss riches en mica sont d'un rouge très- foncé, par suite de l'abondance du peroxyde de fer mis en liberté par la décomposition de la roche. Sur tous les points où les g-neiss n'ont pas été recouverts par des dépôts d'alluvion tertiaires ou récents, et tel est le GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 15 cas en g-énéral sur les points élevés et sur les versants des montag'nes de la Serra do Mar, de la Mantiqueira, de toutes les niontag"nes et collines de Rio de Janeiro, et de toutes celles de la rég*ion des g'neiss proprement dits tant au sud que dans les provinces du nord et de l'intérieur, les coupes dans la roche en décomposition montrent, comme je viens de le dire, cette roche conservant encore ses formes et son aspect cristallin primitif à une certaine profondeur, encore bien qu'elle soit transformée totalement ou presque totalement en arg-ile. A mesure qu'on approche de la surface, la roche de- vient de plus en plus molle et argùleuse, mais elle conserve encore, jusque tout près de la surface extrême, son aspect cris- tallin ; toutefois, à partir d'une profondeur variable et de quel- ques décimètres au-dessous de lasurface, on voit, en appro- chant de celle-ci, toutes les traces de stratification disparaître prog'ressivement, sans qu'il soit possible, sur tous les lieux où manquent les veines de quartz dont j'ai parlé plus haut, de préciser le point à partir duquel cette stratification s'éteint, tant le passag-e est gTaduel. J'ai déjà indiqué plus haut com- ment cette disparition complète de la stratification à la sur- face s'explique par l'action des racines des vég-étaux et du travail des insectes. Il faut y joindre la transformation plus ou moins complète en boue qui se produit dans ces surfaces marchées par les animaux, l'action des vents ag'issant sur les mêmes surfaces réduites en poussière, et enfin le rôle alter- natif et répété des sécheresses et des pluies pour fendiller sans cesse le sol superficiel et y détruire toute trace de stratifi- cation. Il faut encore y joindre l'addition de l'humus créé par la putréfaction des matières animales et vég-étales, sur- tout celle des racines, et le mélang-e incessant que l'action des diverses causes ci-dessus énumérées produit entre toutes les parties. Sur les pentes excessives, toute couche vég'étale disparaît, mais de telles pentes n'existent en g-énéral que sur les points où la roche, quand elle est décomposable, conserve encore un certain deg'ré de solidité à partir d'une petite dis- tance de la surface, c'est-à-dire, sur les points où la roche se 16 GEOLOGIE DU BRESIL. décompose à la surface seulement, et où les produits de la décomposition sont au fur et à mesure entraînés par les pluies. Sur toutes les pentes moins excessives quoique encore rapides et sur les points élevés, on observe toujours une petite couche vég'étale non stratifiée, laquelle repose sur la roche en décomposition; celle-ci se confond prog'ressivement avec cette couche sans qu'on puisse disling-uer de limite précise entre la roche sous-jacente et la couche vég'étale. Cette der- nière aug-mente d'épaisseur à mesure que la rapidité des pentes diminue et qu'on approche du fond des vallées. Sur tous les points, au contraire, où les g'neiss en décom- position sont traversés par d'abondantes veinules de quartz fendillé, des g'alets ang-uleux de quartz se montrent en abon- dance à la surface du sol des sommets et des plateaux élevés^ lorsque l'épaisseur de la couche arg-ileuse superficielle et inces- samment enlevée par les pluies est très-mince. Sur les pentes modérées et en g*énéral dans tous les points où il existe une épaisseur un peu plus g'rande de terre propre à la vég'étation, les g'alets en question se montrent dispersés dans la masse de celle-ci; mais leur plus g'rand nombre est accumulé à la base du sol vég'étal, et ils y forment une couche qui, sur les coupes, se présente comme une lig'ne séparant la partie de la roche ayant encore conservé des traces de stratification et celle où ces traces ont disparu sous l'influence des actions atmosphé- riques précédemment énumérées, ainsi que sous celle des êtres org-anisés. J'ai expliqué plus haut le mécanisme en vertu duquel ce phénomène se produit; il me suffît d'ajouter que, vers la base des pentes, la couche non stratifiée vég'étale devient parfois épaisse d'un mètre et même quelquefois de plusieurs mètres au-dessus du lit de cailloux en question, et ce fait se conçoit aisément d'après les considérations précé- dentes. Les lieux bas, où les terres et les arg-iles se sont accumulées à l'aide de l'apport effectué par les eaux, sont au reste les seuls où la couche de g'alets quartzeux et ang^uleux dont je viens de parler puisse se montrer couverte de plusieurs mètres [GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 17 d'argùles diverses. Dans ces cas, tantôt la couche arg'ileuse est homog"ène dans toute son épaisseur, d'autres fois on y disting*ue des zones où elle se montre plus ou moins obscurcie par la présence de l'humus. Quelquefois on y disting-ue des bancs plus noirâtres et parallèles à la lig^ne inférieure de galets. Ceci indique comme des arrêts dans la durée de la formation de la couche en question, et une espèce de strati- fication de ce terrain moderne due à des modifications dans le niveau et le rég-ime des eaux de la rég-ion pendant le dépôt des terres, la localité ayant été tour à tour marécag-euse ou desséchée. Alors les g'alets inférieurs sont souvent roulés et attestent parla qu'ils ont été apportés par des eaux. D'autres fois on disting-ue plusieurs étag-es de g'alets. Mais ces circon- stances appartiennent à un ordre de faits différent de celui dont nous nous occupons en ce moment. Il n'est pas rare non plus de rencontrer, dans les lieux bas et au-dessus des lig-nes de g'alets an g'ulaires, d'épaisses couches d'arg'iles dénuées de toute trace d'humus. Ces arg'iles ont dû être ainsi répandues dans les cas d'éboulements de g'randes masses de terres pro- venant des collines, lors de la formation des g'randes failles précédemment citées et constituant l'orig'ine de vallées pos- térieures de dénudation. Ces faits nous indiquent alors des espèces de torrents boueux. Ceux-ci se sont épanchés sur les points en question et ils y ont laissé d'épaisses cou- ches d'arg'iles dénuées de stratification , lesquelles reposent au-dessus du terrain préexistant, et de ses couches de g^a- lets intermédiaires entre son sol primitif et la roche sous- jacente. Un examen attentif nous conduit donc aux conséquences suivantes qu'il est essentiel de ne pas perdre de vue: 1° les lits de g'alets an g-uleux interposés entre le sol vég'étal ou plus g-é- néralement les arg'iles sans stratification, et la roche sous- jacente plus ou moins décomposée, proviennent toujours des veines quartzeuses, oug'ranitiques, oudioritiquesdelarég-ion. Par conséquent ces g'alets n'ont pas été transportés loin de leur origine. De plus ils existent uniquement sur les points où 18 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. la roche sous-jacente est traversée, dans le voisinag*e, par des Veines de même nature que ces g-alets. 2° On peut sur les coupes suivre les déplacements de ces veines quartzeuses s'affaissant et se dispersant dans le sol vég-étal. 3° Sur tous les points où les g-neiss et les leptinites ne sont pas charg-és de quartz, et traversés par des veines de cette substance, rien de semblable n'existe entre la roche en décomposition et le sol vég'étal où plus g*énéralement les arg-iles supérieures résul- tent de la décomposition de la roche, quoique, dans la couche superficielle, toute trace de stratification ait toujours disparu. 4° Enfin de g'ros blocs soit de quartz, soit de diorite, soit encore des masses ovoïdes de certains gneiss très-durs et ré- sistant à la décomposition atmosphérique, existent dispersés sur le sol végétal, et plus ou moins enterrés dans sa masse, en tous les points où des filons ou des dykes épais de ces substances traversaient la roche de gneiss ou de leptinite en décomposition. Ces blocs quelquefois très-nombreux sont tou- jours dans le voisinag'e immédiat des filons d'où ils provien- nent, et en g'énéral le g-lissement des terres ne leur a fait subir que de faibles déplacements. Quoique présentant par- fois l'aspect de blocs erratiques par leur abondance et leur distribution rectiligne, ces blocs ne sont donc pas de trans- port et n'ont rien de commun avec les phénomènes erra- tiques. 10. — Au pied des pentes abruptes, de tels blocs se déta- chant des affleurements dont ils proviennent, ont quelquefois, par l'action de la pesanteur, roulé assez loin de leur point de départ. Dans certains cas aussi, ils ont été entraînés avec les g-rands éboulements de masses arg-ileuses se détachant de collines moins abruptes sous l'action des pluies continues, et alors ils ont été transportés à une petite distance comme par un torrent boueux. Mais^ sur aucun point, je n'ai pu trouver de traces de l'existence d'un bloc pouvant être re- gardé comme erratique, et provenant d'une région distante de celle où il a été rencontré. Toujours dans le voisinage des blocs isolés on trouve des dykes, des filons, ou simplement GEOLOGIE DU BRÉSIL. 19 des amas ou blocs de la même nature intercalés dans le ter- rain en place. 11 est d'autant plus important d'insister sur cette dernière conclusion, relativement aux blocs erratiques, qu'au Brésil la multitude des blocs isolés et arrondis, dispersés sur le sol et parfois accumulés en certains points, non-seulement dans la rég*ion des g^neiss, mais encore dans des terrains d'autre nature, rappelle, au premier aspect, pour l'observateur inat- tentif les pbénomènes erratiques des contrées plus voisines des pôles. Mais, quand on s'assure que ces blocs proviennent réellement de la régùon où on les rencontre, quand on les observe parfois eng-ag-és encore partiellement dans le g'neiss décomposé et avec sa stratification primitive, quand enfin on remarque la vaste étendue de l'échelle sur laquelle se fait au Brésil la décomposition des roches par l'action atmosphérique, ces phénomènes reçoivent une explication simple et naturelle excluant complètement l'idée de transport. Les formes arrondies se montrent surtout dans les blocs composés de g'neiss ou de diorites. Ces blocs doivent leur ori- g"ine à des amas ou de gTOS noyaux plus ou moins lenticu- laires ou sphéroidaux, présentant une texture parfois concen- trique, et offrant toujours une solidité et une résistance à la décomposition plus g'randes que cela n'avait lieu dans la roche le plus souvent de composition voisine, dans laquelle ils étaient primitivement encaissés. Sur les faces abruptes des montag'nes de g'neiss en décomposition, on observe souvent de ces masses encore en place, lesquelles sont partiellement eng^a- g'ées dans la roche, et on constate facilement que les strates de g'neiss abandonnent très-souvent en se décomposant des blocs lenticulaires ou sphéroidaux, plus résistants que le reste de la couche et qui s'isolent aisément. J'ai ég'alement observé la séparation de blocs de ce g-enre dans les rég-ions où les gTès dominent, surtout dans les g-rès arg-ileux et micacés du haut bassin du San-Francisco. J'y ai vu de g'randes masses com- posées de zones concentriques s'isoler exactement de la même manière des couches désag-rég-ées qui les avaient pri- 20 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. mitivement contenues, encore bien que ces masses ne présen- tassent aucune différence de couleur ni de composition avec les parties dans lesquelles elles étaient eng'ag'ées, leur seul caractère distinctif étant leur structure concentrique. Mais, outre les blocs de g'neiss qui ne se disting'uent uni- quement des couches dont ils proviennent que par leur plus g-rande résistance à la décomposition atmosphérique, il existe aussi des amas de roches feldspathiques de nature ou de cou- leur différente de celle de la roche encaissante, et eng'ag'ées soitdansles filons g-ranitiques traversantles strates de g'neiss, soit dans les strates elles-mêmes de ceux-ci. Parmi ces der- niers amas, je citerai des leptinites vertes très-dures, et des masses de g-ranits porphyroïdes dans lesquelles se joig'nent au feldspath orthose des cristaux d'olig-oclase, et parfois même de labradorite. Les diorites g-ranitoïdes et certaines eurites am- phiboliques se montrent ég-alement dans tous les terrains du Brésil, non-seulement en dykes et filons, mais encore en amas et blocs lenticulaires et sphéroïdaux. Quand ces roches forment ainsi des blocs isolés, elles ont souvent une dureté très-g-rande qui leur a fait donner le nom de i:)edra de ferro par les habitants, et elles présentent une très-g-rande résis- tance à la décomposition atmosphérique. Ces derniers blocs sont certainement ceux qui pourraient le plus faire croire à la présence de blocs erratiques, et M. Ag'as- siz a en effet pris pour tels des blocs d'environ 1 mètre de dia- mètre qu'il a trouvés près de la Serra d'Eréré dans le val de l'Amazone. C'est, dit-il, le seul point où il a cru reconnaître avec certitude des blocs erratiques, car il déclare n'avoir pas rencontré de roche de même nature dans le voisinag*e. Mais, si on remarque que les gTès roug-eâtres décrits par lui dans la Serra d'Eréré offrent un aspect identique à celui de la g-rande formation de grès observable dans tout le bassin du San-Francisco, lesquels g-rès se montrent g-énéralement en- durcis dans le voisinag-e seulement des dykes et filons dio- ritiques, ou sur les points où des blocs dioritiques de la même nature se rencontrent parfois eng-ag-és dans leur GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 2i masse; si on note que M. Agassiz lui-même sig-nale des par- ties très-dures dans les g'rès supérieurs d'Eréré et insiste sur la grande dénudation du val de TAmazone, où il suppose dis- parues des couches immenses de ces mêmes roches, on ne peut douter que ces blocs ne soient des frag-ments plus durs et concrétionnés, restes de fdons dioritiques ou euritiques décomposés et transformés en arg-ile , ou bien d'anciens amas eng-ag'és dans ceux des grès qui ont disparu sous l'action at- mosphérique. Peut-être même trouverait-on encore de ces amas au milieu des g'rès restés en place, soit à la surface, car M. Ag-assiz n'a pu la visiter toute, soit dans la masse. En tout cas, l'analog'ie complète des g'rès en question avec ceux des rég-ions où des blocs dioritiques semblables se montrent de même avec des caractères excluant totalement l'idée de blocs erratiques, ne permet pas de considérer comme tels ceux que M. Ag*assiz a observés à Eréré. M. Ag'assiz, dont les études sur les terrains du Brésil ont eu lieu, de son aveu, avec l'idée d'y trouver des traces des phénomènes g'iaciaires, n'a pu citer dans ses g'rands voyag'es au Brésil que les roches dioritiques d'Eréré comme apparte- nant à cette classe de faits, et nous venons de voir que préci- sément les roches dioritiques se montrent en abondance dans tout le Brésil, dispersées dans tous les terrains et toujours voisines du lieu de leur formation. On peut donc dire que le résultat de son voyag-e est, en réalité, contraire à l'hypothèse de l'action d'anciens phénomènes g'iaciaires sur la surface du Brésil. 11. — L'absence de blocs erratiques, absence réellement constatée par M. Ag-assiz, puisque les blocs pris par lui pour tels ne peuvent être considérés ainsi , peut être rapprochée d'une déclaration faite par le même voyag-eur, qui atteste n'a- voir jamais pu observer sur les roches du Brésil les stries bien connues et si caractéristiques de ces mêmes phéno- mènes g'iaciaires. Pour expliquer cette absence des stries dans l'hypothèse de l'existence des phénomènes de cet ordre au Brésil, M. Ag-assiz suppose, il est vrai, que ces stries ont 22 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. existé, mais il attribue leur disparition actuelle à la décom- position superficielle des roches. Cette explication serait ad- missible, sans doute, relativement aux surfaces des roches g-ranitoïdes fortement attaquées par l'action atmosphérique ; mais, dans la zone des g^neiss elle-même, il existe des couches et surtout des affleurements de filons g'ranitoïdes, et aussi des filons euritiques et dioritiques où la roche n'est pas en décom- position, et, en outre, il existe, surtout dans la zone des calcai- res métamorphiques et des g"rès, des points où certaines de ces roches ne se décomposent pas plus facilement que dans les pays du nord. Là on trouve des surfaces tout à fait propres à recevoir le g*enre d'impression en question, et cela, précisé- ment dans des régions où on rencontre également les circons- tances pour l'explication desquelles M. Ag*assiz a recouru à l'ac- tion g^laciaire. Or, en ces derniers points, j'ai cherché en vain les stries g*laciaires et je ne crains pas d'affirmer que leur absence est au contraire une preuve très-concluante de l'ab- sence, à la surface du Brésil, des phénomènes glaciaires sup- posés. D'autres considérations plus puissantes doivent au reste, comme nous loferons voir plus tard, faire rejeter tota- lement l'hypothèse d'une intervention des phénomènes gla- ciaires sur la disposition des terrains superficiels du Brésil. 12. — Indépendamment des blocs arrondis, soit de gneiss soit de nature granitoïde, euritique ou dioritique, les- quels se trouvent en masses plus ou moins volumineuses, et en quantité plus ou moins considérable, tantôt à la sur- face du sol, tantôt noyés à des degrés divers dans les cou- ches d'argiles superficielles, l'attention est appelée aussi par la multitude des blocs de quartz blanc laiteux, également dis- tribués de la même manière. Ces blocs proviennent de nom- breux filons de quartz ou de granits à grandes parties qui coupent les strates des g-neiss et des leptinites, et ils se mon- trent le plus fréquemment ang-uleux. Souvent ils renferment des g-éodes et des surfaces drusiques indiquant clairement leur origine première, c'est-à-dire des roches de filon. Ces parti- cularités existent aussi bien dans la zone des gneiss que dans GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 23 la rég*ion des talcites et des quartziles, rég-ion si étendue dans la province de Minas-Geraes. Parfois des cristaux de quartz parfaitement conservés avec toutes leurs arêtes se rencontrent disséminés dans le sol arg'ileux ou même à sa surface. Quoique beaucoup plus nombreux dans la province de Minas- Geraes que dans celle de Rio-de-Janeiro, on rencontre cepen- dant assez fréquemment dans cette dernière des cristaux de ce g'enre : j'en ai trouvé abondamment dans ma propriété d'Atalaia, à 6 kilomètres de Nictheroy. Quelques-uns étaient hyalins et translucides, mais la plupart avaient perdu leur lim- pidité. D'autres étaient colorés par le fer et la mang-anèse en noir et en violet et avaient leurs faces fortement striées per- pendiculairement aux arêtes du prisme. Sur le même point, j'ai trouvé une fois un mag-nifîque exemplaire de quartz améthyste composé de la variété comprimée d'Haiiy, ég*alement striée, et dans laquelle une multitude de cristaux bipyramidés, dont les pyramides se terminaient en biseaux par suite de cette compression, montraient une pénétration réciproque très- remarquable. Rien n'est plus propre que ces cristallisations à montrer l'orig-ine de ces quartz comme matières de filons. Mais tandis qu'à Minas-Geraes, dans les terrains de talci- tes et de quartzites, les filons quartzeux sont en g"énéral for- tement aurifères ; dans la zone des g-neiss proprement dits, aux environs de Rio-de-Janeiro par exemple, ils se montrent tout à fait stériles. La seule substance minérale qu'on puisse y trouver est le g-raphite laminaire. Dans ma propriété d'Ata- laia, j'en ai trouvé de petits rog^nons en place dans un filon g*ranitique traversant le g'neiss et formé de g-randes parties de feldspath ortliose ferrugineux et de quartz blanc. Ce filon court de l'est à l'ouest. J'ai en outre trouvé sur le même pointdesrog'nons plus g-ros delà même substance tout près de ce filon. Ils étaient disséminés dans l'arg-ile avec les cristaux de quartz dont j'ai parlé plus haut, et avec des quartz com- pactes très-ferrug'ineux passant au jaspe brun. Sauf le g-ra- phite, lequel, à ma connaissance, n'a pas été sig-nalé sur d'au- tres points dans la zone des g-neiss, les filons g-ranitiques et 24 GEOLOGIE DU .BRESIL. quartzeux de la province de Rio-de-Janeiro ne renferment g-uère que des micas blancs ou noirs en très-g-randes lames et dont j'ai également trouvé des masses dispersées sur le sol à ma propriété d'Atalaia, des lamelles de chlorite de di- verses variétés, des traces de silicate et de peroxyde de man- g^anèse , surtout des grenats et des feldspatbs orthose et oli- goclase, et parfois du feldspath labrador, ou des cristaux de hornblende. 13. — Dans un nombre considérable de variétés de g'neiss porphyroïdes ou schistoïdes de la rég^ion proprement dite des gneiss, le feldspath orthose n'est pas seulement un silicate double d'alumine et de potasse. Bien souvent , il renferme, outre des traces de soude, une proportion faible mais assez notable de chaux; et l'oxyde de fer y constitue en g*énéral la ma- tière colorante. De plus, ces gneiss stratifiés renferment com- munément une proportion assez g'rande de gTcnats ferrico- calcaires dont la couleur la plus fréquente est le rouge brun. Cette circonstance montre que la chaux ne faisait pas com- plètement défaut dans les anciens terrains sédimentaires, dont une action métamorphique a opéré la transformation en gneiss. Les couches calcaires sont rares cependant au mi- lieu des g'neiss, mais on y en rencontre; elles sont fortement cristallines, comme on devait s'y attendre. Aux environs im- médiats de Rio-de-Janeiro, il n'existe pas de lits calcaires intercalés entre les strates des gneiss ; on en trouve toutefois dans la vallée de la Parahyba, près de Pirahy et aussi à peu de distance de la route Union et Industrie, vers la station de Serrary, et en quelques autres points, sous la forme de cou- ches minces , fortement cristallines. A Serrary, existent des bancs se décomposant près de la surface et formés d'un cal- caire très-blanc intercalé dans des couches de g-neiss schis- toïde, fortement grenatique. Sur quelques points, les grenats deviennent tellement abondants que le feldspath disparaît, et on a alors une roche schistoïde entièrement composée de g'renats et de mica , ce dernier s'étalant en bande entre les couches de g-renats. Sur le versant nord de la serra da Manti- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 2S queira existent aussi des strates calcaires intercalées dans les e*neiss. J'ai vu à Garandahy, sur la route de Barbacena à Que- luz, un banc calcaire d'une assez g^rande puissance et dans lequel existent des gTottes. Ce calcaire est très-fortement cris- tallin et de couleur g-rise. 14, — Les micas sont le plus souvent fortement ferrifères, comme sur beaucoup de points les feldspath eux-mêmes, et ceci explique pourquoi, en g-énéral, les argnles résultant de la décomposition des g-neiss sont d'un roug^e très-foncé. C'est aussi dans les régnons oi^i le gneiss se chang'e en arg*ile roug-e que la décomposition des g-neiss par les ag'ents atmosphéri- ques est la plus rapide. Les acides carboniques et créniques résultant de la décomposition des vég'étaux jouent, sans nul doute, un rôle puissant pour faciliter cette décomposition. Quoi qu'il en soit, en s'isolant de ses combinaisons silicatées ou hydratées , en se précipitant à l'état de peroxyde roug'e, le fer communique aux argùles résultant de la décomposition des g-neiss une couleur roug-e foncé beaucoup plus intense que celle de la roche sous-jacente en décomposition et d'où ces arg*iles proviennent. C'est dans le voisinag-e de la surface du sol où en même temps toute trace de stratification a dis- paru, comme nous l'avons expliqué précédemment, et où, sur les points les plus riches en veines quartzeuses, une couche de g'alets ang*uleux de quartz sépare parfois cette couche superficielle de la couche sous-jacente, que cette coloration roug*e est la plus forte, et elle y marque à la fois une in- tensité beaucoup phisg^rande dans le deg-ré de décomposition de la roche et dans la séparation du fer hors de ses autres combinaisons. 13. — Cette vive couleur roug-e, jointe aux couches deg-a- lets ang'uleux dont je viens de parler et dont nous avons ex- pliqué l'orig-ine, a fait supposer à M. Ag'assiz que la couche superficielle du sol au Brésil était un drift g-laciaire. Mais sa conclusion à cet ég-ard n'est pas exacte. De même que la zone de cailloux au-dessous de la couche des terres superfi- cielles dans laquelle toute stratification a disparu, n'existe 26 GEOLOGIE DU BRÉSIL. pas partout, mais seulement sur les points où ces cailloux à peine déplacés sont dans le voisinag*e de la position des vei- nes quartzeuses d'où ils proviennent ; de même la coloration roug"e n'existe sur les points élevés que dans les lieux où la roche sous-jacente contenait de g'randes quantités de fer dans sa composition. Il existe toujours une liaison intime entre la couleur de cette couche superficielle et la teneur en fer de la roche sous-jacente en décomposition, encore bien que celle-ci, par suite de l'état du fer dans sa composition, n'offre pas la couleur roug"e caractéristique du peroxyde de fer, et puisse se montrer simplement rosée ou verdàtre ou même blanchâtre et abondante en mica. En outre, sur des coupes faites en une multitude de points, on peut suivre, pour ainsi dire, prog-ressi- vement l'accroissement de la coloration de la roche en appro- chant de la surface, de même que l'aug'mentation de la dé- composition. Quand la décomposition et la réduction de la roche en arg*ile se sont effectuées profondément, on peut voir aussi au-dessous de la couche des g'alets ang-uleux, limite de la zone où les actions extérieures précédemment énumérées ont mélangée les terres superficielles, on peut voir, dis-je, la coloration roug*e exister comme en dessus, et on peut recon- naître alors que les veines quartzeuses se prolong'ent, suivant leur direction primitive inclinée, au milieu de ces arg-iles en place, lesquelles accusent même encore quelquefois la strati- fication première. S'il arrive que la section soit faite parallè- lement à la direction de ces veines de quartz fendillé, les- quelles souvent coupent les plans de stratification du g-neiss, la prolong'ation de ces veines dans les arg-iles inférieures ne se voit plus, et on aperçoit seulement la trace de la couche de g'alets quartzeux parallèle à la surface. Ce cas particulier est incontestablement le plus propre à tromper, et il aura donné lieu sans doute à l'erreur de M. Ag*assiz qui, préoccupé de la recherche du drift, a cru de suite avoir trouvé des traces de l'action g^laciaire et n'a pas examiné ce terrain avec un soin suffisant pour reconnaître la vraie cause du phénomène. Pour bien se rendre compte des apparences d'une coupe GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 27 il faut examiner avec soin ce que cette coupe représente efïec- tivement dans les diverses conditions g-éométriques où elle est faite. Considérons donc un petit filon de quartz fendillé ang'uleux coupant obliquement les plans de stratification d'une masse de g^neiss réduite en argûle dans sa partie supérieure. Lors- qu'on fera une section verticale dans cette masse, il est clair que l'intersection du plan de cette section et du plan du filon quartzeux peut être parallèle à la surface du terrain, et dans ce cas on verra sur la section une lig-ne de g'alets ang*u- leux parallèle à la surface du sol et divisant la masse des ar- g-iles; au premier abord, l'apparence sera la même que si l'on avait affaire à deux dépôts argûleux distincts séparés par une zone de quartz ang-uleux. Or le cas dont je parle arrive souvent, et c'est lui qui a attiré l'attention de M. Ag*assiz. Sur les sections faites pour les routes et pour le chemin de fer Pedro II, par exemple, on voit souvent ainsi des lig-nes de g^alets enclavées dans le sol et semblant à première vue pro- venir de couches parallèles à la surface de celui-ci. Souvent la lig'ne de quartz n'est pas continue, car les petits filons en question ont une long-ueur limitée. Leurs lig-nes d'intersec- tion ne sont pas non plus parfaitement rectilig'nes à cause des irrég-ularités de leur plan, et souvent ces lig^nes au lieu d'être parallèles à la surface du sol sont lég-èrement inclinées. Alors on voit quelquefois l'une d'elles monter vers la surface, et une autre apparaître en dessous. D'autres fois on aperçoit plusieurs de ces bandes superposées, parce que la coupe a rencontré plusieurs veines parallèles. D'autres fois, enfin, les couches étant coupées dans le sens de la perpendicularité à leur direction, se montrent sur les coupes fortement incli- nées et c'est alors qu'on les voit, sur les terrains en pente, s'affaisser à leur partie supérieure et donner naissance à des lig'nes de cailloux à la base du sol vég-étal, comme je l'ai indiqué plus haut. Ce dernier cas est précisément celui qui éclaire la question et explique le phénomène sur lequel l'at- tention de M. Ag-assiz s'est concentrée. 28 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Tantôt les veines en question sont composées de quartz seulement, d'autres fois elles sont formées de mélang-es de quartz et de feldspath. Dans ce dernier cas, par suite de la décomposition de ce dernier, les g-alets de quartz ne se mon- trent plus continus dans la veine, mais ils sont comme isolés, et par suite, dans les sections sig'nalées ci-dessus, ils se trou- vent encore dans un mode de distribution plus apte à favori- ser l'erreur. J'ai vu près de Rio-de-Pedras, entre Sabarâ et Ouro-Preto, de petits fdons quartzeux restés dans leur position primitive, et dont la direction, qui coupait les plans des schistes décompo- sés, était parallèle à la surface du sol actuel. Sur la coupe de la route, ces petits filons apparaissaient sous la forme d'une lig^ne de quartz fendillés et composée de frag-ments ang^uleux dont les parties rentrantes des uns s'eng'ag'eaient entre les parties saillantes des autres. Au-dessus de la bande de quartz en question se voyait une mince couche de sol vég*étal sans stratification, et au-dessous les talschistes montraient leurs lig"nes de stratification, lesquelles se présentaient inclinées sur la coupe. Évidemment, dans ce cas, tout en offrant l'ap- parence d'une couche de g'alets séparant un sol sans strati- fication d'un sol stratifié inférieur, la couche de quartz en question attestait clairement par son aspect qu'elle n'avait pas été transportée. Sur d'autres points, dans des filons inclinés par rapport à la surface, et ég-alement formés de quartz fendillés en frag*- ments angadeux dont les parties rentrantes et saillantes se répondaient parfaitement, j'ai vu, sur des coupes faites sui- vant des directions à peu près perpendiculaires à ces filons, les extrémités de ces derniers s'infléchir au voisinag^e de la surface du sol et constituer des portions de couches sous le sol vég'étal. Là encore, on trouvait évidemment la preuve de l'absence de tout transport, mais seulement celle d'un affais- sement. Dans les terrains bas de la rég'ion des g'neiss, les couches arg-ileuses, comme nous l'avons dit plus haut, sont en g-énéral GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 20 beaucoup plus épaisses, et nécessairement, dans ces parties, la couleur roug^e tend à prédominer, même sur beaucoup de points où la roclie par sa décomposition n'aurait pu donner une arg-ile de cette couleur. Deux causes réunies contribuent à cet effet. D'une part, comme les points qui four- nissent ces arg'iles roug-eâtres sont en g*énéral ceux sur les- quels la décomposition est la plus rapide, et par conséquent ceux qui fournissent le plus d'arg-iles de transport, il est clair que la couleur roug'C doit prédominer dans les arg^iles trans- portées. D'autre part, l'oxyde de fer séparé de ses combinai- sons et dissous par l'acide carbonique, et aussi par l'acide crénique provenant des matières vég'étales en décomposition, est entraîné par les eaux et tend à se concentrer dans les parties les plus basses du sol. Aussi, dans tous les pays, ren- contre-t-on g'énéralement cet oxyde sous les eaux stag^nantes et les g'azons, où il s'accumule comme dans les marécag-es. En somme, les causes qui tendent à isoler dans le sol super- ficiel, sous la forme d'hydrates ou de peroxyde roug*e, le fer primitivement combiné dans les roches dont la décompo- sition a produit ce sol superficiel , ag'issent pour accumuler cette substance en quantités notables dans les arg'iles d'allu- vion déposées dans les lieux bas. Au g-enre d'action dont nous venons déparier, se rattache, dans les terrains riches en fer, lacimentation, parles hydrates de ce métal, des g'alets quartzeux ou feldspathiques, soit an- g-uleux, soit roulés, et par suite la formation de cong'lomérats. Nous aurons à revenir par la suite sur la formation actuelle et continue de ces cong*lomérats au Brésil, où le terrain mo- derne nous en montre de très-fréquents exemples. Non-seu- lement il s'en forme sans cesse dans le fond d'une quantité de rivières, mais encore en certains lieux, comme à la Bar- reira de Honorio, le long" du S. Francisco, nous en avons observé une croûte continue, aujourd'hui plus haute que le niveau des eaux et marquant le fond du lit de l'ancienne ri- vière. Dans les dépôts de g-alets (cascalhos) diamantifères et g-emmifères, les cong-lomérats ferrug"ineux existent enabon- 30 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. dance, et on peut encore y observer leur formation présente, laquelle explique comment des diamants se montrent souvent soudés par l'hydrate de fer à des cong'lomérats de cailloux roulés, Mais pour le moment nous nous bornerons à signialer non-seulement les enduits dont cette substance recouvre les g-alets ang*uleux situés au-dessous des arg-iles superficielles et du terrain vég'étal, mais encore en certains points la for- mation de petits cong'lomérats où apparaissent, soudés en- semble et avec des arg^iles, les g-rains quartzeux mêlés à ces g-alets et provenant du quartz qui entrait précédemment dans la composition du g'neiss décomposé. Ceci explique comment les couches de cailloux, interposées sous le sol vég'étal, sont souvent formées d'un mélangée de quartz plus ou moins coloré superficiellement par l'oxyde de fer et de frag'ments cong-lomératiques, le plus souvent à con- tours arrondis et composés de gTains et de cailloux de quartz ag'g'lomérés par le même oxyde. Cette circonstance s'ob- serve dans la rég-ion des g^neiss, comme dans celles des tal- cites et des itabirites, quoiqu'elle soit beaucoup plus fréquente encore dans cette dernière à cause de la plus g'rande abon- dance du fer. Telle est l'orig-ine des cong'lomérats ferrug'ineux bruns, parfois plus ou moins mélang'és de peroxyde de fer roug'e, qu'on trouve en si g'rande abondance joints aux frag'ments et aux cristaux de quartz et à d'autres frag'ments des roches sous-jacentes, tant à la surface du sol des lieux élevés, que dans la couche vég'étale superficielle et au-dessous de cette couche. Les mêmes cong'lomérats, g'alets et cristaux se ren- contrent souvent roulés dans les parties basses des vallées où d'anciens courants ont pu exister; ils y occupent souvent, sous les arg'iles et le sol vég'étal superficiel, la même posi- tion que les frag'ments ang'uleux dans les rég'ions d'un niveau plus élevé. Il est clair d'ailleurs que les mouvements torrentiels des eaux ont, sur une multitude de points, mêlé les g'alets ang-uleux et roulés. De même, sur les surfaces exposées à l'action des pluies d'orag'c acides, les cailloux GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 31 non exclusivement quartzeux et provenant de frag'ments des couches sous- jacen tes se montrent souvent à contours obtus et arrondis, particularité que leur nature primitive de petits amas concrétionnaires, lenticulaires ou ovoïdes, disséminés dans la masse primitive, a même g-énéralement suffi à pro- duire. En réalité donc, la couleur souvent très-roug*eâtre des terres superficielles, leur absence de stratification, les couches de g-alets ang'uleux accompag^nés parfois de cong-lomérats ferru- g^ineux qui se montrent assez fréquemment à la limite de séparation de cette couche superficielle et de la roche infé- rieure plus ou moins décomposée sur place, ou bien qui se font voir dispersés sur le sol, les blocs de diverses natures et d'aspect erratique disséminés sur le terrain, avec des formes soit arrondies, soit ang*uleuses conformément à leur nature, constituent un ensemble de faits qu'une observation attentive prouve avoir pour unique cause le résultat de la décomposi- tion lente de la roche métamorphique inférieure par les ag-ents atmosphériques. Ce phénomène se continue incessamment sous nos yeux, et il exclut pour son explication l'intervention de conditions extraordinaires et différentes de celles de l'époque actuelle. Les considérations que nous venons de présenter re- lativement à la rég-ion des g-neiss s'appliquent identiquement aux autres rég'ions des quartzites, laïcités et g-rès arg-ileux où des conditions identiques se produisent, c'est-à-dire où le terrain est riche en fer, où la roche se décompose facilement et renferme de nombreuses veines de quartz et des filons dio- ritiques ou autres. Cette remarque nous dispensera de re- venir sur cette explication en traitant des autres rég-ions, et il suffira alors de se rappeler ce que nous venons de dire au sujet de la rég-ion des g-neiss. 16. — Au reste, pour clore tout à fait la discussion de l'o- rig-ine des phénomènes que je viens d'énumérer, et dont les causes actuelles et présentes donnent, comme nous venons de le voir, l'explication complète, il n'est pas hors de propos de faire voir que la théorie des g-laciers et de l'époque g-laciaire, 32 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. à laquelle il a été recouru pour en rendre compte, serait in- suffisante pour les expliquer, et de montrer en outre com- ment, dans son application au Brésil, la même théorie est totalement contraire aux principes de la physique. Nous avons déjà mentionné l'absence complète au Brésil des blocs erratiques et des stries g'iaciaires, absence attestée par l'auteur lui-même de l'explication de l'état superficiel du sol du Brésil par la théorie de g^laciers g-ig-antesques couvrant la surface de l'Empire. Cette absence devrait déjà seule suffire à faire rejeter cette théorie, puisque nous avons vu aussi que les conditions favorables à la formation des stries existaient. En outre, dans la faune quaternaire du Brésil, faune dont les restes se trouvent dans des failles et des cavernes recou- vertes par la même arg"ile rongée considérée comme drift par l'auteur en question, circonstance prouvant l'antériorité de cette faune au phénomène g'iacier supposé, on retrouve un certain nombre d'espèces identiques aux espèces vivantes, et qui conséquemment auraient traversé cette période de refroi- dissement. Parmi ces espèces, nous avons à citer le Loncheres elegans de Lund, animal appartenant à un g-roupe restreint à la zone intertropicale de l'Amérique du Sud, celui des Echy- misiens. Nous remarquerons ég-alement le cabiai (Hydro- chœrns capibara de Linné), animal qui, lui aussi, n'aurait pu vivre au milieu des g-laces et surtout y conserver ses cu- rieuses habitudes aquatiques. Indépendamment des espèces identiques aux anciennes et conservées sans aucune modifi- cation, il faut noter que le g-roupe des espèces quaternaires représente les g'enres de la faune américaine des mêmes ré- g'ions, et ce fait prouve la continuité de la forme spéciale à cette faune. Nous y voyons déjà les sing'es américains et le g-enre Ouistiti (Jacchus), g*enre qui n'aurait pu résister au froid et dont les espèces sont si difficilement conservables en Europe pendant un seul hiver dans des appartements chauffés. Comment donc serait-il admissible que ces espèces et ces g-enres eussent traversé une période de froid assez intense pour g-lacer les eaux à la surface du Brésil au niveau même GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 33 de l'Océan ? Cette objection ajoute une grande force à celle de l'absence des stries g-laciaires et des blocs erratiques, pour montrer ég^alement l'absence, au Brésil, d'un pareil refroidis- sement, et incontestablement la persistance de l'existence de genres et d'espèces aussi délicates prouve que la température du Brésil a toujours été, depuis l'époque reculée des dépôts des cavernes, à peu près égale à ce qu'elle est aujourd'hui. Je pourrais encore citer la remarque faite par les paléon- tologistes au sujet de la distribution des espèces, et d'après laquelle les limites extrêmes des régions habitées par une même espèce se sont rapprochées de l'équateur aux époques glaciaires, comme une preuve que les zones équatoriales res- tées plus chaudes ont échappé au froid par l'action duquel ces espèces périssaient dans les hautes latitudes. Donc la tem- pérature n'y était pas assez faible pour permettre l'existence de la glace dans les plaines basses presque au niveau de la mer. Mais je limiterai ici ces considérations paléontologiques pour arriver àl'objection capitale, reposant sur l'impossibilité physique de l'existence de pareils glaciers aux environs de l'équateur, quelque grand que l'on supposât l'abaissement de la température du g^lobe. 17. — En effet, pour former les accumulations de neige donnant naissance aux glaciers, il faut avant tout une abon- dante production de vapeur d'eau , c'est-à-dire une zone chaude d'où ces vapeurs s'élèvent en quantité considérable. Il faut ensuite que ces vapeurs soient portées par les vents dans des contrées plus froides où elles se congèlent et tom- bent en neige. L'existence des glaciers prouve donc l'action de deux causes diamétralement opposées, agissant simultané- ment dans deux contrées différentes : l'une, la chaleur, par laquelle les eaux s'élèvent sous forme de vapeur; Tautre, le froid, par lequel les vapeurs se condensent et s'accumulent en neige au-dessus du niveau de l'Océan, leur orig^ine prin- cipale et première. Sous ce rapport, il importe bien de re- marquer que l'accroissement des glaciers polaires ne peut nullement indiquer un abaissement général de la tempéra- 3 34 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. ture du g*lobe, mais bien seulement un excès dans la quantité des vapeurs amenées à se condenser dans les rég-ions les plus froides de la terre, c'est-à-dire une élévation de la tempéra- ture des zones équatoriales pour déterminer cet excès dans la production de la vapeur. L'expérience confirme cette dé- duction de la théorie, car on a remarqué depuis long'temps que les hivers secs et froids ne sont pas ceux où les neiges s'accumulent le plus dans les montag'nes, mais bien au con- traire les hivers doux et humides, où il y a beaucoup de vapeur amenée aux altitudes et aux latitudes dont la tempé- rature est inférieure à zéro. Evidemment si la température du g-lobe s'abaissait assez pour devenir ég^ale ou inférieure à zéro près de l'équateur, où se trouve la vallée de l'Amazone, vallée fort peu élevée au-dessus de l'Océan et où M. Ag^assiz a supposé un g'iacier, la tension de la vapeur d'eau serait réduite à quatre ou cinq millimètres à l'équateur. Par conséquent, il manque- rait précisément l'élément nécessaire, c'est-à-dire la va- peur d'eau, pour former les g-randes accumulations de neig-e constituant le g-lacier en question. Donc, en aucun cas, des g-laciers ne peuvent exister dans la zone intertropicale à un niveau peu élevé au-dessus de l'Océan. Dans cette zone, les phénomènes g*laciaires ont donc été limités exclusive- ment aux altitudes considérables, et ils ne peuvent exister à de bas niveaux que très -loin de l'équateur. L'axe de rotation terrestre, sans être rig'oureusement invariable, ne peut se déplacer sur la surface de notre g"lobe que d'une très- petite quantité, comme le prouve la g^éométrie. Par conséquent une rég-ion équatoriale n'a pu être polaire tem- porairement; et il est dès lors mathématiquement et phy- siquement impossible qu'il ait existé au Brésil un g-lacier dans la vallée de l'Amazone, ni même dans toutes les régnons basses ou sur les hauteurs peu élevées du Brésil, sauf dans l'hypothèse où la surface de l'Empire aurait été portée tem- porairement en masse , et avec sa config^uration actuelle (puisqu'il s'ag-it d'expliquer des accidents secondaires de cette GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 35 config-uration), à un niveau de plus de 4,000 mètres au- dessus de son niveau actuel; or cette hypothèse est tout à fait inadmissible, et contraire d'ailleurs à la continuité de l'existence des espèces et des g-enres qui habitent cette con- trée depuis un temps antérieur aux époques g-laciaires. 18. — En somme, on ne doit jamais perdre de vue dans la question des g-laciers le rôle essentiel et nécessaire de la va- peur d'eau dans leur formation. Par conséquent, aux époques où le développement des g-laciers dans les hautes latitudes et les grandes montag'nes se montre avoir été plus considérable que de nos jours d'après les phénomènes g^éolog'iques ob- servés, il ne faut pas recourir, pour expliquer ce fait, à un abaissement de la température g*énérale de notre planète, car on a au contraire, par ce développement même, la preuve d'un excès dans la production de la vapeur d'eau. Donc alors les réglions équatoriaJes n'étaient pas moins chaudes qu'au- jourd'hui. Il faudrait même admettre qu'elles étaient plus chaudes. Pour le faire voir, supposons à la température du g-lobe une aug-mentation de 2 ou 3° sur toute la surface. Les pôles dont la température moyenne est d'environ 30° au-des- sous de zéro n'en seraient pas moins à 27 ou 28*^, et par con- séquent la cong^élation de l'eau s'y produirait comme dans toute la zone polaire. Il en serait de même dans les monta- g'nes, sauf que la limite des neig'cs perpétuelles serait à un niveau un peu plus élevé. Mais comme la quantité de vapeur d'eau serait beaucoup plus g-rande que si la température du g-lobe avait été plus basse, l'accumulation des neig-es serait aussi beaucoup plus g-rande dans les rég'ions où le froid serait suffisant pour qu'elles pussent se produire. Sous leur énorme poids, ces neig*es amoncelées descendraient alors sur les ver- sants polaires des montag'nes des zones tempérées, où elles échapperaient à l'action solaire, et, avant de se fondre tota- lement, elles y atteindraient un niveau inférieur à celui de la cong-élation. De même elles s'avanceraient des pôles vers la zone tempérée et couvriraient d'énormes surfaces en se fondant vers leurs bords. On voit ainsi comment une éleva- 36 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. tion de la température g-énérale du g-lobe pourrait augrnen- ter le volume des g'iaciers polaires et de ceux des montag'nes; mais un abaissement de la température, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire à priori, produirait précisément l'efTet contraire. Donc, en aucun cas, on ne doit attribuer une aug^mentation du développement des phénomènes g-laciaires à un abaissement g^énéral de la température du g'iobe, et ce serait plutôt le contraire qu'on devrait supposer. Mais, incon- testablement, les causes qui, sans élever la température de tout le g'iobe d'une quantité constante sur la totalité de la surface, élèveraient seulement celle de l'équateur, et d'une manière g-énérale, les causes de nature quelconque qui aug"- menteraient la quantité de la production de la vapeur dans les zones équatoriales, produiraient pour l'accroissement des g*laciers dans les hautes latitudes et les g-randes altitudes, un effet plus puissant encore que celui d'une élévation uniforme de température sur toute la suface. C'est là ce qui a dû se passer aux époques dites g'iaciaires de notre g^lobe, époques auxquelles on a constaté l'existence d'énormes g-laciers dans les zones froides et tempérées. Conséquemment nous avons tout lieu de rechercher, dans les réglions voisines de l'équa- teur, les traces de l'existence de ces causes d'aug'mentation dans la quantité de vapeur d'eau produite aux époques en question. 19. — Parmi ces causes, certaines d'entre elles, d'orig-ine purement cosmique, par exemple un accroissement de la radiation solaire, ag"iraient sur le g'iobe entier pour en élever la température, mais leur action serait proportionnellement plus g-rande à l'équateur qu'aux pôles. Ces causes seraient donc très-favorables à l'accroissement des g*laciers polaires. Mais il existe sur notre g'iobe lui-même d'autres causes de nature à ag'ir sur l'aug'mentation de la quantité de vapeur d'eau. Telle serait, par exemple, l'existence à l'équateur de g-randes nappes d'eau douce, lesquelles, àég'alité de surface, fourniraient plus de vapeur que les eaux salées de l'Océan, car, à ég'alité de température, la tension de la vapeur est plus GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 37 oTande pour l'eau douce que pour l'eau salée. Une cause de cette nature serait puissante si surtout de grandes nappes d'eau douce étaient substituées à des surfaces desséchées de continents. Une autre cause, ég^alement très-active, et sur la- quelle l'état si profondément métamorphique de la surface presque entière du Brésil appelle l'attention, aussi bien que les derniers g-rands soulèvements des Andes et leur activité volcanique encore si énerg'ique, consisterait dans l'existence d'une immense chaleur souterraine, résultat d'actions chimi- ques intérieures; car, en effet, cette chaleur, en même temps qu'elle modifierait profondément le relief du pays par les sou- lèvements et les dilatations auxquelles elle donnerait lieu, renverrait en sources thermales et en vapeur une g-rande partie des eaux pluviales s'infîltrant dans le sol, et verserait ainsi des torrents de vapeur dans l'atmosphère. Les réglions polaires seraient alors couvertes d'un brouillard épais, lequel, se cong-elant incessamment à sa partie supérieure, charg^erait le sol d'une couche immense de neig-e, et il se produirait en même temps d'énormes g'iaciers dans les montag'nes des zones tempérées. Remarquons d'ailleurs que, dans ce dernier cas, les cou- rants fluviaux, dérang-és dans leur écoulement par les chan- g*ements du relief du sol sous l'influence des dilatations et soulèvements, donneraient précisément lieu à de g*randes nappes d'eau douce sur les surfaces continentales, nappes dont la vapeur se joindrait à celle des eaux thermales jaillis- santes pour fournir un puissant aliment aux g-laciers po- laires. Donc, il existe forcément la réunion de deux sources considérables d'accroissement de la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère, lorsque des phénomènes méta- morphiques sur vaste échelle se produisent dans une rég'ion intertropicale. Des phénomènes du même ordre, dans les con- trées éloig'nées de l'équateur, ag*issent avec moins d'énerg'ie, car l'action des nappes d'eau douce contemporaines des phé- nomènes métamorphiques et des variations de niveau est de peu d'importance loin du soleil de l'équateur. 38 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Incontestablement, la considération précédente, à laquelle vient de nous amener la réfutation de la théorie glaciaire ap- pliquée au Brésil, mérite un sérieux examen, et il y a certai- nement lieu de considérer si parmi les phénomènes métamor- phiques manifestés par le sol du Brésil et parmi les variations de son relief, il n'y en a pas de contemporains des époques g*laciaires constatées par les g'éolog'ues dans les hautes la- titudes. C'est un point sur lequel nous reviendrons ultérieu- rement, après avoir complété l'étude g*énérale des divers terrains. GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 39 II ÉTAGE DES GNEISS INFÉRIEURS NON MÉTALLIFÈRES Répartition du gneiss dans ses rapports avec la configuration générale du sol du Brésil. — Division de l'étage du gneiss en gneiss inférieurs non métallifères et en gneiss métallifères supérieurs. — Description de l'étage inférieur des gneiss non métallifères. — Sa division en deux groupes. 20. — Après les considérations que nous avons présentées dans le chapitre précédent sur les g-neiss et leurs caractères g'énéraux, il convient maintenant d'examiner leur répartition dans sa relation avec la confîg'uration g'énérale orographique du sol du Brésil. Sous ce rapport, la cordillère maritime ou Serra do Mar qui traverse près de la côte les provinces du Sud de cet empire, doit en premier lieu appeler notre atten- tion. Cette chaîne long-e presque immédiatement la mer dans les provinces de Parana et de San-Paulo, avec une élévation de 800 à 1000 mètres. Vue de l'Océan, elle se présente sous des formes abruptes et avec des pentes rapides, mais elle n'est autre que le bord inég-al et soulevé d'un immense pla- teau assez faiblement incliné vers l'intérieur, lequel sépare les eaux coulant directement à l'Atlantique de celles du bas- 40 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. sin du Parana. Tout le côté oriental de ce plateau se mon- tre constitué, comme son versant rapide dirig'é vers l'Océan, parles g-neiss stratifiés, et il existe ainsi le long* de la mer une larg-e zone élevée, constituée par ces roches. Cette zone est surmontée sur ses bords et découpée dans son intérieur par des chaînons de collines et souvent de hautes montag-nes de la même composition, mais dont l'élévation diminue gra- duellement vers l'ouest où le gnieiss disparaît finalement sous d'autres dépôts, et où le sol se transforme progressivement en de vastes plaines ondulées, traversées par des vallées de dénudation et allant rejoindre le fond des bassins du Parana et du Paraguay. La direction g-énérale de la Serra do Mar dans les provinces de Parana et de San-Paulo est de l'O.-S.-O. à l'E.-N.-E., et cette chaîne se continue dans la province de Rio-de-Janeiro, dans laquelle elle pénètre après en avoir formé la limite aux environs de Paraty. Un peu à l'ouest et tout près de ce dernier point, le bord de gneiss du grand plateau central brésilien, lequel vu de la mer a reçu le nom de Serra do Mar^ et sert de ligne de sépa- ration aux eaux, dévie vers le N.-N.-E. pendant sept à huit lieues, puis se termine en ce point à la rencontre d'un mas- sif montagneux élevé, la Serra da Bocaina, laquelle s'étend vers le S.-E. et l'O.-S.-O. sur la surface du plateau intérieur, tandis que vers l'est et l'E.-N.-E., partent de ce massif deux g'rands rameaux, dont le premier représente la continuation de la Serra do Mar dans la province de Rio- de-Janeiro, sur la rive droite du Rio Pirahy, tandis que le second moins important accompagne la rive g-auche de la même rivière jusqu'à la Parahyba. Après avoir couru quelque temps de l'est à l'ouest parallè- lement à la côte entre celle-ci et la rive droite du Rio Pirahy, le premier rameau, continuation apparente de la Serra do Mar, reprend la direction g-énérale E.-N.-E. Comme la côte continue de courir à l'est, il s'en écarte et vient rejoindre l'imposant massif de Tingua au nord-ouest de la baie de Rio- de-Janeiro. Dans ce parcours, la chahie en question perd de GÉOLOGIE DU BRESIL. 41 plus en plus son caractère de bord d'un haut plateau inté- rieur; car ce haut plateau dans lequel la Parahyba, qui prend sa source dans la Serra da Bocaina sous le nom de Para- hyting'a,a d'abord coulé à l'ouest pendant environ 100 milles j usque vers Jacarehy entre le bord de la Serra do Mar et la Serra da Bocaina et les rameaux qui prolong'ent celle-ci et forment plus loin les serras de Quebra-Cang-alho et de Itapeva, ce g-rand plateau, dis-je, s'abaisse doucement vers l'est à partir de Ja- carehy. Une autre terrasse plus élevée et dont la Serra da Mantiqueira forme le bord, le domine au nord, et la Para- hyba, forcée de rebrousser chemin aux environs de Jacarehy à cause des terres hautes et des chaînes montag-neuses for- mant le prolong-ement de cette seconde terrasse vers le S.-O., court alors vers l'est, parallèlement à la Serra do Mar, dans une vallée étroite comprise entre cette dernière et la Serra da Mantiqueira, bord de la seconde terrasse. Cette vallée dans laquelle débouche celle du Rio Pirahy dont nous avons parlé plus haut, se creuse de plus en plus à mesure qu'on avance vers l'est, et en séparant par une profonde dépression la Serra do Mar et les terres hautes intérieures, elle fait perdre totalement à celle-ci le caractère d'un bord de plateau élevé pour lui faire prendre l'aspect de chaîne de montag'nes à deux versants rapides, dont celui du sud est toutefois le plus abrupt. A partir de la Serra de Ting*ua, les g-randes serras d'Es- trella, des Organes et de Morro-Queimado forment la sépara- tion des eaux qui se rendent à la Parahyba et de celles qui se dirig-ent directement à l'Océan, mais cette série de chaînes ou serras ne forme pas une lig'ne droite. Leur ensemble, tout en représentant le prolong-ement de la Serra do Mar à l'est de Ting-ua, constitue un gTand arc de cercle tournant sa convexité vers la mer et circonscrivant un vaste massif de terres hautes de 8 à 900 mètres, bordé du côté du sud par les hautes chaînes en question dont les sommets sont g-éné- ralement à une altitude voisine de 2000 mètres et dont quelques-uns dépassent même ce chiffre. J'ai mesuré dans 42 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. la chaîne des Org-ues un sommet de 2015 mètres de hau- teur, et quelques-uns sont plus hauts encore. Le g-rand massif déterres hautes dont je viens de parler, constitue un plateau s'inclinant vers la Parahyba et qui est découpé par des séries de hautes montag-nes de g-neiss se détachant des chaînes élevées du bord sud du plateau. Dans ce massif se montrent les plateaux de Petropolis et de Theresopolis, et dans les montag'nes environnantes naissent le Rio Piabanha et son affluent le Rio Preto, qui après s'être réunis vont à Entre-Rios joindre leurs eaux à celles de la Parahyba. En dehors de ce gTand massif montag'neux dont les bords abrupts et pittoresques forment les montag-nes du nord de la baie de Rio-de-Janeiro, se présentent de g*rands contre- forts. L'un d'eux se détachant de la Serra da Estrella court à rO.-S.-O. parallèlement à la Serra de Ting*ua et au nord de Ig-uassù. De la Serra de Morro-Queimado se détachent d'autres chaînes dont l'une se dirig'eant vers Gantag'allo sépare le Rio Grande et le Rio Neg'ro. Ces deux rivières se réunissent ensuite pour tomber dans la Parahyba, tandis qu'une autre long*ue chaîne de direction assez rég-ulière et conservant la direction g-énérale de la Serra do Mar, sépare la vallée du Rio Neg'ro de celle de la Parahyba. Après Morro-Queimado, la lig-ne de séparation des eaux est formée par la Serra dos Ganudos, et va se terminer à la Serra das Goitacazas sur la rive droite du Rio Grande. Cette dernière chaîne forme l'extrémité tout à fait orientale de la Serra do Mar. Dans cette partie orientale, la Serra do Mar, toujours inva- riablement constituée par des g^neiss et des leptinites plus ou moins décomposés, se termine au milieu de g'randes plaines qui se prolong*ent jusqu'à la mer et la Parahyba. Dans ces plaines s'élèvent, comme des îles, de nombreuses chaînes dé- tachées, toujours composées de g-neiss, tandis que des allu- vions à couches horizontales composent les plaines en ques- tion . GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 43 Entre la Serra do Mar et la côte, existent plusieurs systèmes isolés de montag-nes élevées, ég'alement composées de g-neiss. Parmi elles, je citerai en premier lieu celles qui avoisinent Rio-de-Janeiro et se montrent à l'entrée de sa mag^nifique baie. Ainsi, à l'ouest de cette ouverture, s'élève le curieux mas- sif du Paô d'Assucar (pain de sucre), lequel court de l'est à l'ouest et s'arrête au Lag^oa (lac) das Freitas. En face de ce massif et courant parallèlement à lui, séparé par la vallée de Botafog^o, se montre le massif du Gorcovado dont les stra- tes plong-ent vers le Nord, tandis que celles de la masse du Pain de sucre, de l'autre côté de la vallée, plong'ent vers le sud. La vallée intermédiaire a donc été formée par le soulè- vement de ses deux bords en sens opposés. En arrière de la masse du Gorcovado, se trouve la masse de Tijuca, séparée de la première par une g'org'e élevée d'environ 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au S.-O. du même pic du Gorcovado, d'autres sommets curieux, tels que les pics coni- ques désig-nés sous le nom de Très Irmaôs et plus à l'ouest la montag'ne de la Gavea aplatie à son sommet, donnent à l'ensemble de ce massif un aspect des plus pittoresques. A l'est de la baie de Rio-de-Janeiro, entre le Rio Macacu et la mer, le terrain se trouve entièrement composé de chaînes de collines, beaucoup moins élevées que les montag*nes situées à l'ouest de la même baie. Toutefois, à une certaine distance de celle-ci, se montrent des sommets assez hauts. Ges chaînes de collines, qui forment de nombreuses lig^nes parallèles sépa- rées par des vallées étroites et profondes et à flancs souvent très-abrupts, sont ég'alement toutes composées de g*neiss et de roches g*ranitoïdes. Toute la côte, au reste, depuis Rio- de-Janeiro jusqu'au cap Frio, est g'arnie de montag^nes de l'aspect le plus imposant, et de collines g'ranitoïdes qui for- ment de nombreux pics jusqu'au rivag-e lui-même. D'autres chaînes de montag'nes isolées existent aussi entre le Gap Frio et le Rio de San-Joaô. Sur la côte, à l'ouest de Rio-de-Janeiro, et entre le rivag-e et la Serra do Mar, il existe aussi des chaînes élevées et 44 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. constituées par des g-neiss. Près d'Ang-ra dos Reis, une lig^ne de montag*nes court ainsi parallèlement à la Serra do Mar ; elle passe en arrière de Mang^aratiba en se dirig*eant vers Itag'oahy. Cette masse qui se rattache par des terres élevées et des collines à la Serra do Mar, lance elle-même des ramifi- cations dans diverses directions et se relie à de nombreuses lig'nes de collines de g*neiss traversant tout cet intervalle. Enfin, sur toute l'étendue des côtes que nous venons de considérer, de nombreuses îles ég^alement formées par les roches g*ranitoïdes stratifiées et indiquant des sommets d'au- tres chaînes ou massifs de collines détachées dont la base est sous l'Océan, apparaissent en de nombreux points. On en trouve près de l'entrée de la baie de Rio-de-Janeiro, comme à l'est et à l'ouest de ce lieu, à partir de l'embouchure du Rio Macahé jusqu'au cap Frio, et de ce dernier point jusqu'à la g-rande île de San-Sebastiaô. Cette dernière, ainsi que Uha Grande, en face de Ang-ra dos Reis, représentent non plus de simples sommets, mais de g^rands massifs montag'neux isolés de la chaîne principale, de la même manière que la masse du Pain de sucre ou l'ensemble du massif du Gorco- vado et de Tijuca. 21. — Au-dessus de la première terrasse inclinée vers le centre du continent et dont la chaîne de g-neiss de la Serra do Mar forme au sud le bord élevé, se présente, comme nous l'avons déjà mentionné, une seconde terrasse ég'alement in- clinée vers le centre du continent, et dont le bord formé de hautes montag-nes composées de g-neiss, constitue la Serra (la Mantiqueira, laquelle limite au nord la vallée de la Para- hyba. Cette serra naît un peu au N.-E. de San-Paulo. Le plateau qu'elle limite, s'abaisse en arrière et se confond dans la vallée du Tieté avec la première terrasse ou plateau de San-Paulo, dont la Serra do Mar représente le bord. A partir de son orig*ine, la Serra da Mantiqueira court d'abord dans la direction de l'E.-N.-E., parallèlement à la Serra do Mar, et elle est séparée de celle-ci par les serras de Quebra-Cang-alho et d'Itapeva, que la Parahyba contourne. GÉOLOGIE OU BRÉSIL. 45 La Serra da Manliqueira continue ensuite dans cette direc- tion de l'E.-N.-E. jusqu'un peu à l'O.-N.-O. de la ville de Resenda. En ce point, elle donne lieu à un immense massif montag"n eux qui renferme l'un des points les plus éle- vés du Brésil, le pic d'Itatiaia. Ce sommet culminant de la Serra da Mantiqueira est le point de rencontre de cette serra avec une autre chaîne de montag'nes élevées courant de l'ouest à l'est. Cette dernière chaîne se dirig"e vers Valenra, en donnant lieu au nord de la Barra do Piraliy à un massif montag^neux composé de chaînons croisés de diverses direc- tions. Des rameaux détachés de ce massif se prolong-ent jus- qu'à Parahyba, sur la rive g-auche de la rivière de ce nom qu'ils accompag^nent de très-près en en resserrant de ce côté fortement la vallée. La chaîne dont nous venons de parler ne constitue pas toutefois le bord de la seconde terrasse ou plateau de la Mantiqueira, car la chaîne de ce dernier nom continue de se prolong-er, sous sa forme de bord de plateau et dans sa direction primitive, après le point de croisement avec la chaîne en question ; et entre cette dernière et le bord de la Mantiqueira existe la vallée du Rio Preto, lequel rejoint la Parahyba à Entre-Bios et en face du confluent du Rio Pia- banha. 22. — L'altitude du pic d'Itatiaia, sur laquelle il a été pu- blié des exag'érations, a été mesurée avec certitude et avec soin au mois de juin 1871, par M. Glaziou, directeur des jardins de S. M. l'Empereur du Brésil et botaniste des plus disting'ués. Dans ce but, M. Glaziou a fait usagée d'un baro- mètre Fortin que j'ai comparé à l'aller et au retour à l'Ob- servatoire impérial de Rio-de-Janeiro, et ces comparaisons ont prouvé que ce baromètre n'a subi pendant le voyag^e aucune altération. Le savant botaniste a gTavi le point cul- minant du pic et y a fait des observations barométriques. Celles-ci comparées avec les observations correspondantes de l'observatoire Impérial de Rio-de-Janeiro, ont donné, d'après mon calcul, pour la hauteur du pic, 2713 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est bon de noter que la hauteur du 46 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. baromètre à l'observatoire impérial de Rio-de-Janeiro n'a pas varié sensiblement pendant les jours voisins du 6 juin, date de l'observation de M. Glaziou. De plus, le ciel se montrait dépourvu de nuag-es ce même jour tant à Rio qu'à l'Itatiaia. L'observation a donc eu lieu dans un état d'équilibre atmos- phérique de la rég-ion en question. Gomme d'ailleurs le pic d'Itatiaia et l'observatoire impérial de Rio-de-Janeiro sont seulement à une trentaine de lieues marines de distance, et à des latitudes très-voisines, on ne peut génère admettre plus d'un millimètre pour l'erreur possible, attribuable à l'état atmosphérique, sur la différence des hauteurs barométriques correspondantes. Par conséquent, l'altitude de l'Itatiaia, que je viens de mentionner, ne peut pas être en erreur de plus d'une douzaine de mètres. Cette hauteur est donc aujourd'hui connue avec une g^rande certitude. L'altitude du pic d'Itatiaia est, comme nous venons de le voir, supérieure à celle des points culminants de la Serra dos Org-aôs. Ce pic surpasse de beaucoup ceux de la province de Minas-Geraes, tels que l'Itacolumi, l'Itambé, la Serra da Piedade, et le pic le plus élevé de la Serra da Caraça, dont au- cun n'atteint 2000 mètres. Dans beaucoup d'ouvragées g^éo- g-raphiques, le pic d'Itacolumi est cité comme le point cul- minant du Brésil. Lorsque j'ai gTavi ce pic en 1862, en com- pag'nie de M. José Bento da Gunha Fig-ueredo, président de la province de Minas-Geraes, et de M. Gerber, j'ai trouvé pour sa hauteur, à l'aide d'observations barométriques, 1 756 mètres, nombre que M. Gerber donne comme obtenu par lui, bien qu'il n'eût pas emporté de baromètre dans son ascension. Les seules mesures obtenues ont été celles que je fis avec mon baromètre Fortin, lequel est celui que j'ai prêté plus tard à M. Glaziou, pour son ascension à l'Itatiaia. Toutefois M. Gerber fut témoin de l'observation et servit même de g-uide pour notre route à la montag^ne. Je suis donc loin de lui discuter sa participation à la mesure obtenue, et mon unique but en faisant cette remarque est de constater ici que l'altitude publiée par lui est la mesure obtenue lors de notre GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 47 ascension en commun : ainsi s'explique pourquoi nous donnons dans nos publications rig-oureusement le même nombre. La hauteur du pic au-dessus de mon habitation d'Ouro-Preto se trouva déterminée lors de l'ascension dont je viens de parler, et celle de ce dernier point d'Ouro-Preto fut déduite de la moyenne hauteur d'une série barométrique prolong'ée pendant plusieurs jours, laquelle permit alors d'obtenir cette altitude d'une façon indépendante des ano- malies atmosphériques temporaires. Dès 1862, en g*ravissant le pic d'Itacolumi, je remarquai du haut de ce sommet que la Serra da Garaça me paraissait le dominer, mais je ne pus à cette époque m'occuper de la mesure des altitudes des points culminants de cette mon- tag'ne. Dans mon dernier voyag-e en 1869, j'ai déterminé ces hauteurs par une triang-ulation d'où j'ai déduit leur distance à la Serra da Piedade, et par la mesure de la distance an- g-ulaire entre le zénith et le point culminant de la Serra da Garaça, mesure prise du haut de cette Serra da Piedade, avec un excellent théodolite répétiteur de Brunner. J'ai par ce moyen obtenu 1955 mètres pour l'altitude du point culmi- nant de Garaça, en ayant ég-ard à la hauteur de ma station de Piedade. Cette dernière montag*ne avait été déjà mesurée par moi en 1862, à l'aide d'une triang'ulation faite de Sahara et dirig-ée de manière à obtenir son altitude au-dessus d'un niveau obtenu dans cette ville par la moyenne de plus d'un mois d'observations barométriques. J'avais ainsi trouvé 1783 mètres, nombre qui s'accorde, à 10 mètres près, avec une observation avec l'hypsomètre que j'envoyai faire au sommet de la même montag'ne par l'un de mes adjudants. Dans mon dernier voyag*e, j'ai trouvé par des observations barométriques, 1786 mètres, nombre qui s'accorde avec le premier dans la limite des erreurs d'observation. Je ne trouve donc pas qu'il y ait lieu de chang-er le nombre de 1783 mè- tres antérieurement publié par moi. Il est facile de voir d'après la faible différence du niveau de la Serra da Piedade et de la Serra da Garaça, que la mesure de cette dernière 48 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. montag'ne obtenue à l'aide de rang*le de son sommet avec le zénith de la première, ang-le mesuré du haut de celle-ci, est une mesure très-certaine, car le rayon visuel restant sensi- blement dans les mêmes couches d'air, était à peine affecté par la réfraction atmosphérique, dont il a d'ailleurs été tenu compte. Du haut de la Serra da Piedade, on voit le picdel'Itacolumi. J'ai profité de cette circonstance pour mesurer de Piedade l'ang^le formé avec le zénith par le sommet du pic de Tltaco- lumi. La distance et les altitudes des deux montag*nes m'é- taient d'ailleurs connues. J'ai déduit de cette observation le coefficient delà réfraction dans le moment, lequel différait à peine du coefficient moyen que j'aurais adopté sans cette observation, et c'est avec ce coefficient ainsi obtenu que j'ai calculé la hauteur de la Serra da Garaça. Ces observations intéressantes m'ont donc permis de véri- fier avec certitude l'ordre de hauteur de ces trois sommets, situés en vue les uns des autres et dont l'Itacolumi, quoique le plus bas, est souvent cité comme point culminant du Brésil. Le g-rand pic d'Itatiaia qui surpasse tellement par son élé- vation les montag-nes de Minas-Geraes, appartient à la for- mation des g-neiss. M. Glaziou m'a rapporté des spécimens de l'assise formant le sommet du pic : c'est un leptinite mi- cacé avec des cristaux disséminés de hornblende. Il n'est pas sans intérêt de remarquer ici que le point culminant du Brésil est formé par une montag'ne de g-neiss. Les montag'nes de Minas-Geraes, jusqu'ici reg-ardées comme les points les plus élevés, sont au contraire composées de couches redressées de quartzites, de talcites oud'itabirites, etlesg*neiss s'y mon- trent seulement à la base, quand ils s'y laissent voir. Les g*neiss ont donc été incomparablement plus soulevés et plus fracturés dans la Mantiqueira et la Serra do Mar que dans la province de Minas. Il n'est toutefois pas certain que le pic d'Itatiaia soit le point le plus élevé du Brésil. Sans nul doute il est le point culmi- nant des serras da Mantiqueira et do Mar, mais à Goyaz GEOLOGIE DU BRESIL. 49 M. Thomas Ward donne aux Monts Pyrénées, près de la ville de Goyaz, une altitude de 9500 pieds ang'lais, ce qui fe- rait 2896 mètres, et M. Hartt cite une lettre de M. H.-R. dos Genettes, déclarant qu'il a mesuré le sommet le plus élevé de ces montag-nes et lui a trouvé 2932 mètres. Ce point dépas- serait donc ritatiaia de plus de 200 mètres. Mais, comme les montag'nes en question sont ég'alement composées de g*neiss, la conclusion précédente d'après laquelle le g-neiss constitue les montag'nes les plus élevées du Brésil, n'est pas modifiée. 23. — Si maintenant nous laissons cette dig-ression sur les altitudes des points culminants du Brésil, dig-ression à la- quelle nous a conduits le pic d'Itatiaia, et si nous continuons d'examiner le contour de la deuxième terrasse continentale ou plateau bordé par le Mantiqueira, nous remarquerons qu'après avoir suivi encore sa direction E.-N.-E. après le pic d'Itatiaia, la Serra da Mantiqueira dévie vers le N.-E., puis le N.-N.-E., et atteint ensuite à peu près la direction méridienne, au S.-O. de Barbacena où elle forme la chaîne élevée de l'Ibitipoca, laquelle domine considérablement le plateau dont elle soutient ainsi le bord. Après la Serra d'Ibitipoca, la Mantiqueira reprend la di- rection N.-E. et se compose d'une lig-ne de montag'nes de 1200 à 1400 mètres de hauteur, limitant au sud le plateau de Barbacena. A peu de distance S.-E. de Barbacena, le bord du plateau reprend la direction du nord, direction parallèle à la g-rande arête de la Serra d'Ibitipoca, puis, peu après, il re- vient de nouveau à la direction g'énérale de la Mantiqueira. Mais au point où le bord en question reprend cette direction, une arête formée par une lig-ne de collines continuant à ac- compag-ner la direction du méridien , va se rattacher aux serras d'Ouro-Branco et d'Ouro-Preto. Jusqu'à Ouro-Branco, celte chaîne domine à peine le plateau : celui-ci incline dans la direction de l'ouest vers le centre du continent, et aucun sommet ne s'y fait remarquer. Dans ce même intervalle, la même chaîne domine peu ég'alement les terres situées à l'est, et celles-ci se montrent à un niveau très-élevé au-dessus de 4 50 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. l'Océan, vers lequel elles inclinent dans la direction du N.-E. Ce dernier territoire forme une espèce de plateau élevé ou de terrasse composant la partie orientale du plateau de la Mantiqueira. Il est borné au sud par une série de chaînes formant le prolong-ement de cette serra suivant la direction E.-N.-E. et limitant au nord la vallée de la Parahyba, que ces chaînes séparent des terres élevées dans lesquelles le Rio Doce prend son orig'ine. La chaîne de collines connue souslenomdeAltodasTaipas, et naissant un peu à l'est de Barbacena, s'étend sur le plateau supérieur de la Mantiqueira et, se rattachant aux serras d'Ouro-Branco et d'Ouro-Preto, forme la séparation des eaux du Rio Grande, affluent du Parana, et de celles du Rio Doce. Elle limite ainsi la partie du plateau de la Mantiqueira qui in- cline à l'ouest, et indique une lig-ne de fracture dans ce plateau, dont la partie orientale s'affaisse vers l'Océan. Un autre g-rand rameau parallèle à la chaîne de l'Alto das Taipas, et suivant comme elle à peu près la direction méridienne, sépare à l'est en deux parties le versant océanique du plateau de la Man- tiqueira, et se détache du bord sud de ce plateau pour aller se terminer à la Serra de Ibiturana. Cette g^rande fracture marque un nouvel accroissement d'abaissement du plateau de la Mantiqueira vers l'est, et il en résulte dans le val du Rio Doce deux terrasses successives , dont la plus occidentale donne naissance au Rio Doce et la plus orientale au Rio Man- huassu, son affluent. A son extrémité nord, la première de ces terrasses s'abaisse vers la seconde après la Serra de Ibitu- rana. Le Rio Doce contourne alors cette dernière serra, et, après s'être réuni au Rio Manhuassu, se dirig-e vers l'Océan. Dans ce trajet il rencontre le bord très-abaissé de la terrasse de cette dernière rivière, et en ce point il forme les rapides nommés Escadinhas, après lesquels son cours se rég'ularise et il devient navig-able. En réalité, l'arête des collines composées de g-neiss, et se dé- tachant, au S.-E. de Barbacena, du bord du plateau de la Man- tiqueira pour aller sous le nom de Alto das Taipas rejoindre • GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 51 la Serra d'Ouro-Branco en divisant les eaux du Rio Grande et celles du Rio Doce, forme la vraie limite, c'est-à-dire le vrai bord oriental du plateau supérieur de la Mantiqueira. Nous venons de voir comment, dans le val du Rio Doce, deux autres terrasses se montrent à la base de ce plateau, entre ce bord et l'Océan. Le même caractère se continue en avançant vers le nord. Le gTand massif formé par les Serras d'Ouro-Branco et de ritacolumi, massif composé de roches métamorphiques, laïcités et quartzites, supportées par des g^neiss à la base, con- stitue le prolong-ement du bord oriental du g-rand plateau cen- tral du Brésil. Après les petites déviations produites par ces deux serras dans la direction de la lig*ne de contoui's, celle-ci reprend de nouveau la direction voisine du méridien, jusqu'au nord de Diamantina en formant ainsi la Serra do Frio , ap- pelée par d'Eschweg-e Serra d'Espinhaeo. Cette dernière chaîne ég*alement composée de roches métamorphiques stratifiées, telles que quartzites, laïcités et itabirites, montre ég-alement du g-nejss , soit à sa base , soit intercalé dans les laïcités in- férieurs. La grande puissance des roches métamorphiques soulevées et fracturées, qui forment la masse de cette serra jusqu'au niveau des g-neiss, permet à cette dernière de domi- ner le plateau continental situé à l'ouest et dans lequel nais- sent le San-Francisco et ses affluents. De même que nous avons vu, dans le bassin du Rio Doce, deux terrasses successives entre le niveau du plateau conti- nental et l'Océan, de même ce caractère se continue en avan- çant vers le nord et ne cesse de se manifester, même après Diamantina, dans les bassins du Jequitinhonha, du Parag-uassù et de l'Itapicuru, lesquels naissent dans les bords de ce pla- teau continental et se dirig*ent à l'est vers l'Atlantique. Mais, en se prolong-eant au nord de Diamantina, la di- rection du bord de la grande terrasse continentale se porte vers le N.-N.-E. et le N.-E. En outre les roches métamor- phiques soulevées, qui jusqu'ici avaient formé le bord du plateau en question, disparaissent plus ou moins complè- tement en se mêlant à des g-rès d'un aspect moins meta- 52 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. morphique et paraissant former leur assise supérieure. Ces grès sont identiques à ceux qui couvrent presque toute la sur- face de la gTande terrasse continentale, sauf la zone voisine du bord austral le long* de la Mantiqueira, entre Barbacenaet San-Paulo, laquelle est occupée par les g-neiss avec les roches métamorphiques précitées. Les grès dont nous nous occu- pons ici commencent à se montrer sur le versant ouest de la Serra d'Espinhaço, à partir du Paraûna, affluent du Rio das Velhas. Les bords abrupts de ces plateaux de g-rès forment la Serra de Gurumatahy, et la plupart des serras qui accom- pag*nent la rive droite de cette dernière rivière, affluent du San-Francisco, jusqu'à sa jonction avec ce fleuve. Nous re- trouvons ces mêmes g-rès sur la rive g'auche du Rio das Ve- lhas, où ils forment la Serra do Bicudo et les nombreux pla- teaux (taboleiros), séparant le cours de cette dernière rivière de celui du San-Francisco; et ils se présentent de nouveau sur la rive g'auche de ce dernier fleuve où ils constituent la Serra da Matta da Corda, ainsi que les nombreux plateaux (taboleiros ou chapadas), qui séparent le Paracatû et le San- Francisco, ou divisent entre eux les affluents du Paracatû. En somme, on peut dire qu'à partir de Diamantina en avançant vers le nord, toute la vallée du San-Francisco est creusée au milieu de ces g'rès, dans lesquels elle forme une immense vallée de dénudation. De part et d'autre, de vastes plateaux constitués par ces mêmes g'rès bordent le bassin, et de g-randes ramifications de ces plateaux se détachent vers le fleuve en séparant ses affluents, et formant parfois entre ceux- ci de vastes et larg-es plateaux d'une surface sensiblement ho- rizontale et nommés chapadaôs dans le pays. Parmi ces cha- padaôs, je citerai notamment le g*rand Chapadaô de l'Urucùia, situé entre cette dernière rivière et le Paracatû, et le Chapadaô de Santa-Maria entre l'Urucùia et le Carunhanha, Chapadaôs dans lesquels les affluents de ces rivières ont creusé de nom- breuses vallées latérales de dénudation. Nous reviendrons ultérieurement sur l'étude détaillée des terrains de ces ré- g'ions, et sur les couches calcaires situées à la base des gTès GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 53 et souvent mises à nu par la dénudation, ainsi que sur les apparitions accidentelles de roches fortement métamor- phiques dans cette même zone; et pour le moment, nous nous bornons à appeler l'attention sur le caractère essentiel de vallée de dénudation présenté par le bassin du San-Fran- cisco. Le bord oriental de ce bassin, bord constituant en même temps celui de la g-rande terrasse continentale que nous avons suivi jusqu'ici depuis la Mantiqueira, s'abaisse brus- quement du côté de la mer, tandis qu'une faible inclinaison existe à l'ouest dans la direction du fleuve. La hauteur de ce bord au-dessus du niveau de l'Océan se soutient jusqu'au- delà de Jacobina à des hauteurs variables de 800 à 1200 mè- tres, et surplombe de i 00 à 200 mètres et parfois davantag*e la contrée située à l'est. Près de Jacobina, le bord abrupt de ce même plateau porte le nom de Serra do Tombador, nom dérivé de son apparence uniquement comparable à une fa- laise escarpée. Des lambeaux détachés du plateau en question, mais avec un caractère plus profondément métamorphique, et séparés du bord du plateau par le travail de la dénudation , se mon- trent dans le voisinag^e de ce même bord et surplombent la terrasse inférieure située à l'est. Ils y forment la Serra do Graô-Mog-ol dans la province de Minas et les Serras da Gha- pada Diamantina et da Chapada da Sincora, ainsi que la serra de Jacobina dans la province de Bahia. Mais, en g-énéral, les roches de la formation gTanitoïde et des gnieiss occupent toute la surface de la terrasse inférieure sur laquelle elles forment de nombreuses chaînes de montag'nes et de col- lines. Cette terrasse inférieure elle-même se décompose en deux autres dont la supérieure ou la plus largue, long-eant la g-rande terrasse continentale, a son bord parallèle à la côte. Ce bord est soutenu par une lig*ne de montag-nes de g^neiss dont l'élévation diminue en général à mesure qu'on avance vers le nord. Cette même lig-ne forme, au sud et à la limite de la province de Espirito-Santo, la Serra dos Aymorés. Celle-ci 54 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. se continue au nord entre les provinces de Bahia et de Minas- Geraes. Elle présente les fractures par lesquelles le Rio Doce, le Mucury et le Jequitinhonha descendent en formant de nombreux rapides., jusqu'au niveau de la terrasse inférieure, dans laquelle ils creusent ensuite leur lit et deviennent na- vig'ables jusqu'à l'Océan. Après la Serra do Tombador, le bord du plateau con- tinental, lequel incline vers le nord, s'abaisse prog*ressive- ment, mais ne cesse de se montrer abrupt. Vers Villa- Nova- da-Rainha il est très-abaissé; ensuite il dévie de plus en plus au N.-E., se relève un instant pour s'abaisser de nouveau et disparaître totalement un peu plus au nord, où le bassin du Rio de San-Francisco prenant une inclinaison prog'ressive vers Test , amène le fleuve sur le niveau de la ter- rasse de g-neiss. Le bord de celle-ci se prolong'cant vers le nord rencontre enfin ce fleuve aux environs de Paulo-Aflbnso, et c'est en tombant du bord de ce plateau g'ranitoïde que le San-Francisco produit les mag-nifîques cataractes d'Itaparica et de Paulo-AfTonso, et creuse profondément son lit dans la terrasse inférieure de la côte pour g'ag'ner l'Océan. Après Paulo-Affonso, la Cordillère formant le bord du pla- teau intérieur de la rég'ion des g-neiss continue encore sa course pendant quelque temps vers le N.-E. dans la direc- tion du cap S. Roch, jusqu'à ce qu'enfin elle s'éteig-ne à la rencontre de la chaîne de la Parahyba du nord, laquelle chaîne limite au sud le bassin de cette dernière rivière , et forme le bord septentrional du bassin du S. Francisco dans le voisinag^e de la côte. 24. — Nous venons de voir le bassin du S. Francisco, for- mant, dans sa partie sud, une gTande terrasse élevée au-dessus d'autres terrasses plus basses et plus voisines de la côte, et dans lesquelles dominent les g-neiss. Nous avons vu comment cette terrasse fait partie du g-rand plateau intérieur brésilien, plateau dans lequel naissent, conjointement avec le S. Fran- cisco , le Tocantins et les affluents de la rive droite de l'Amazone, lesquels descendent comme ce dernier vers le GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 55 nord, et aussi le Rio Grande, le Parana et ses affluents qui se dirig-ent d'abord à l'ouest, puis ensuite au sud. Mais, en réalité, le haut bassin du S. Francisco, quoique se confondant à son orig"ine avec cette haute terrasse ou g'rand plateau cen- tral brésilien, en forme une portion qui s'en détache totale- ment vers le nord aux limites de la province de Piauhy. Dans cette rég'ion, une chaîne de montag'nes de g'neiss à pentes dou- ces et de peu d'élévation, constitue les serras de Borborema et dos Dous-Irmaôs. Cette nouvelle zone de g^neiss, séparant les vallées du S. Francisco et de la Parahyba du nord et disparais- sant parfois sous les grès qui couvrent la majeure partie de ces vallées, vient se relier avec les zones constituées ég'alement par les g'neiss et existant dans l'intérieur des provinces de Pernambuco, Parahyba, Rio-Grande du Nord et Geara, pro- vinces dans lesquelles des chaînes de cette même nature se montrent fréquemment plus ou moins en relation avec des roches métamorphiques semblables à celles du haut plateau de Minas-Geraes. Au sud, vers la limite occidentale du bassin du San-Francisco, ces g*neiss semblent disparaître sous les g-rès des chapadaôs de Santa Maria , lesquels séparent le bassin du S. Francisco de celui du Tocantins. Mais en conti- nuant au sud-ouest dans la direction de Goyaz , on entre de nouveau dans une zone métamorphique formant la partie culminante du plateau continental, et dominée par la haute chaîne des Monts-Pyrénées dont nous avons parlé plus haut. C'est là l'arête culminante de la g'rande terrasse continentale et les g-neiss s'y montrent portés à des niveaux excessivement élevés. En s'éloig-nant de cette arête, on retrouve toute une série de roches semblables à celles de Minas-Geraes. La zone élevée et métamorphique, dont nous venons de suivre la liaison avec les terrains de g-neiss de la province de Parahyba do Norte, se relie par une courbe sinueuse avec le plateau de Barbacena. Cette courbe est formée par une série de chaînons de directions variées, lesquels sont composés de g^neiss dis- paraissant rarement sous d'autres roches métamorphiques, et d'autres fois, sous des plateaux de g'rès comme à la Serra da 56 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Ganastra. Cette dernière serra, qui fait partie de la courbe en question, ainsi que la Serra dos Vertentes composée de g'neiss et de roches g-ranitoïdes, se réunit à cette dernière pour li- miter à l'ouest et au sud le bassin du Rio de S. Francisco. La Serra dos Vertentes s'éteint toutefois totalement dans le bord élevé du plateau de la Mantiqueira aux environs de Lag-oa-Dourada, où les eaux du Paraopeba, affluent du San- Francisco, et celles des affluents du Rio Grande ne sont sépa- rées que par un terrain très-peu élevé, dans lequel elles pa- raissent avoir elles-mêmes creusé de part et d'autre leur propre lit. En résumé, la lig'ne partant de Lag-oa-Dourada, près de Rarbacena, et accompag*nant la séparation des eaux du bassin du San-Francisco et de celles du bassin du Parana, en se dirig*eant vers Goyaz, et de cette dernière ville suivant la séparation du bassin du San-Francisco jusqu'à Parahyba do Norte, nous montre une zone où les roches de g-neiss domi- nent. Cette lig'ne représente de fait le bord du g'rand plateau continental du Rrésil, dont les eaux coulent au nord dans le bassin de l'Amazone et au sud dans celui de la Plata , et évitent la côte orientale de l'Empire. Ce plateau se confond au sud et vers les chapadaôs de Santa-Maria avec le bassin du S. Francisco, mais il s'en disting'ue sur les autres points. La ré- g'ion à l'ouest de la lig'ne en question constitue donc la gTande terrasse centrale du continent, laquelle incline au nord et au sud en présentant une arête culminante qui va rejoindre les Andes de la Rolivie. Cette arête ou lig'ne de division des eaux des bassins de l'Amazone et de la Plata est g'énérale- ment basse, d'après les récits des voyag'eurs qui l'ont traver- sée, mais des collines de g'neiss s'y montrent souvent dans la direction du N.-O. au S.-E., quoique le plus souvent de g'rands plateaux de g'rès à couches presque horizontales et constituant des chapadaôs dans lesquels les rivières ont creusé leur lit , forment la séparation des deux versants, comme la surface de toute la partie haute de ce gTand pla- teau. En outre, sur un g'rand nombre de points du plateau en GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 57 question , les g*neiss apparaissent dans le fond du lit des fleuves et sur les lieux où une puissante dénudation s'est opérée. Ils ont été sig'nalés dans les cataractes du Tocantins, du Xing'iî, du Rio Madeira et du Tapajos, et ils y indiquent les cordillères basses formées par la même roche et situées au-dessous des terrains sédimentaires qui les recouvrent dans la masse du plateau. Dans le sud de l'Empire, dans les provinces de Santa-Ga- tharina et de Rio-Grande, les g'neiss forment, comme dans celles de Parana et de S. Paul, le bord élevé du plateau con- tinental, plateau incliné vers le centre des terres et dans le- quel rUrug-uay prend naissance. Sur la majeure partie des points, le peu de distance entre la côte et le bord de ce pla- teau ne permet pas à des rivières de quelque extension de se former sur le v^ersant directement océanique. 25. — En somme donc, toute la surface de l'Empire du Brésil semble avoir sa base constituée par des g'neiss strati- fiés, passant soit au leptinite, soit à la peg*matite ou à d'au- tres roches gTanitoïdes, fréquemment g-renatiques et parfois chloritiques et amphiboliques, et traversés par de nombreux filons quartzeux ou g*ranitoïdes, et par des veines des mêmes substances, ou d'autres fois contenant des filons ou des dykes de diorite ou d'eurites passant accidentellement à l'arg'ilo- lithe. D'un autre côté, les couches fortement redressées de ces g'neiss composent les montag^nes les plus élevées de l'Em- pire. Sur la surface du g*rand plateau central, les g-neiss sont recouverts par d'autres roches stratifiées, et notamment par une g"rande formation de g'rès et de calcaires à couches le plus souvent horizontales et peu inclinées. Dans ces dépôts sédimentaires ont été creusées de g'randes vallées de dénu- dation, au fond desquelles les g^neiss apparaissent parfois. Sur le même plateau , des chaînes de montag^ies ou de col- lines composées par les roches de la formation des g'neiss et dominant le niveau g'énéral de la contrée, se montrent fré- quemment, et se présentent surtout à la séparation des g*rands versants, notamment sur divers points de la limite du bassin du 58 GÉOLOGIE DU BRESIL. S. Francisco avec les bassins des affluents de la Plata, du To- cantins, de la Parnahyba et de la Parahyba do Norte, et aussi sur quelques points de la lig-ne de séparation des eaux entre les affluents de la Plata et ceux de l'Amazone. Ces g*neiss, dans les parties où ils sont ainsi soulevés, supportent souvent une formation métamorphique stratifiée et caractérisée par des phyllades, des quartzites, laïcités et itabirites; mais jamais ils n'élèvent ces couches au niveau des sommets tout à fait culminants de l'Empire, sommets où les g-neiss se montrent seuls. Une vaste rég'ion, formée par les g-neiss et les roches métamorphiques soulevées avec eux, constitue vers Goyaz, au centre du g-rand plateau continental, le nœud formé par la jonction des arêtes des versants du S. Francisco, de l'Amazone et de la Plata; mais la zone dans laquelle les g*neiss se mon- trent principalement à nu, occupe tout le contour du g-rand plateau continental. Non-seulement ils forment le bord re- levé de ce plateau, qu'ils couronnent souvent de chaînes do- minantes, mais encore ils composent surtout au sud, dans la rég"ion de la Mantiqueira, une larg-e zone entre ce bord et la mer. surtout depuis S. Paulo jusqu'au cap S. Roch. Là, ils dominent de la manière la plus complète et se montrent même seuls surtout dans la partie sud, où ils forment les hautes montag*nes de la Serra do Mar et des Serras de Ting-ua, d'Estrella, dos Org-aôs et de Morro-Queimado, dans la province de Rio-de-Janeiro. Les g^neiss composent en totalité le sol de cette dernière province, sauf quelques dépôts tertiaires ou récents dans le voisinag-e de la côte, dépôts du milieu desquels surg'issent de hautes chaînes de g-neiss, apparaissant comme des îles au milieu de vastes plaines ondulées et traversées de nombreuses chaînes de collines. Plus au nord, les g'neiss forment dans les provinces d'Espirito-Santo, de Bahia, de Ser- g'ipe, d'Alag*oas et de Pernambuco, de larg-es terrasses entre la côte et la base du g-rand plateau central. Dans cet espace, ils y affectent g-énéralement deux niveaux distincts. Le premier est formé par une terrasse étroite, long-eant la côte et bordée à l'in- térieur par des montag*nes élevées dans la province de Espirito- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 50 Santo et le Sud de celle de Bahia, et plus basses au nord de ces régnons. Le second est constitué par une autre terrasse supérieure au niveau de la première et beaucoup plus larg-e qu'elle. Cette seconde terrasse s'étend entre la première et la base du g'rand plateau central, désig-né par quelques au- teurs sous le nom de g'rand plateau brésilien. Dans les pro- vinces du sud (côté est de Minas-Geraes , Espirito-Santo et sud de Bahia), la seconde terrasse en question est encore cou- verte de montag'nes de g-neiss très-élevées; mais plus au nord, son niveau devient plus uniforme, et des sommets constitués par des g-neiss ou des roches g-ranitoïdes souvent isolées s'élèvent de loin en loin comme des îlots sur cette surface plus unie, quoique creusée par les rivières, et recouverte en quelques points par des assises minces de gmeiss, rappelant faiblement les chapadaôs du plateau central brésilien . 26. — Dans toutes les régnons où ils se montrent, les g-neiss font voir toujours leur tendance prononcée à la désagTég^a- tion et à la réduction en arg-ile de leurs éléments feldspathi- ques, micaciques ou amphiboliques; mais c'est dans la zone australe, en même tempsla plus pluvieuse, que ces phénomènes semblent exister sur la plus vaste échelle. Cette circonstance, jointe à la fréquence des pluies et à l'humidité de l'air, amène dans ces rég-ions une vég'étation luxuriante. C'est la zone des forêts vierg'es par excellence, et cette zone comprend tout le littoral du sud, la province de Rio-de-Janeiro, le val de la Parahyba, toute la province d'Espirito-Santo, notamment le bassin du Rio Doce, celui du Mucury et la plus g'rande partie du bassin du Jequitinhonha. Dans la province de Bahia et les provinces du nord, la zone des g*neiss est plus sèche. Elle est surtout beaucoup moins abondante en sources, et ceci tient probablement non-seulement à la plus g'rande rareté des pluies, mais aussi à ce que les couches sont moins brisées et moins relevées. Par suite de cette circonstance, les rivières dessèchent en partie pendant la long-ue saison de cessation des pluies, et par conséquent les g-randes forêts vierg^es ne s'y montrent pas comme dans les rég'ions du sud. (Jn ne les 60 GEOLOGIE DU BRESIL. trouve plus qu'en lambeaux détachés, surtout dans le voisi- nag-e de la côte, où les pluies plus fréquentes entretiennent une vég'étation active. Malg'ré cette aridité de la rég'ion des g-neiss dans la partie nord de l'empire, la vég-étation y est cependant plus verte, plus luxuriante que dans les rég-ions des mêmes latitudes recouvertes par les g-rès ou les calcaires du plateau central. Rien ne frappe à cet ég^ard comme la différence subite qu'on rencontre en laissant ces dernières régnons et en pénétrant sur la terrasse inférieure des g'neiss. En descendant par le Tombador, auprès de Jacobina par exemple, et en quittant dans la saison sèche le plateau central pour entrer dans la zone des g^neiss, on voit sur-le-champ, dans l'espace de quel- ques kilomètres, la vég'étation chang-er tout à fait d'aspect. Cette particularité m'a frappé dans mon retour à Bahia en revenant du bassin du S. Francisco. Tandis qu'une vég^étation raboug-rie et sans feuilles s'était montrée à nous jusqu'au bord du Tombador, tout à coup, en parcourant moins de deux kilomètres de chemin, nous nous trouvions dans une zone dont les arbres étaient couverts de verdure et se montraient avec des dimensions beaucoup plus gTandes. Ce n'étaient pas, il est vrai, des bois comparables aux forêts vierg*es de la province de Rio-de-Janeiro et du Sud, mais c'était déjà un chang*ement complet dans l'aspect du pays. La zone g'raniloïde partant de Barbacena pour se relier à celle de Goyaz présente ég^alement une vég'étation plus luxu- riante que les régions voisines. A Goyaz même, il existe une rég'ion de g-randes forêts qui paraît, d'après les récits connus des voyag^eurs, devoir être ég'alement rapportée à la zone des g*neiss. Incontestablement, les g-neiss se montrent plus favo- rables à la g'rande vég^étation lig'neuse que les roches méta- morphiques reposant sur eux. Ce fait s'observe facilement dans le haut plateau de Minas- Geraes où on voit g-énéralement dé- nudés les sommets formés par les roches métamorphiques, tandis que les montag-nes et les collines où le g'neiss domine, comme dans la Serra dos Vertentes, sont g-énéralement cou- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Cl vertes de grands arbres. En g-énéral, donc, dans le Brésil, les régions des g'neiss sont par excellence les zones des forêts vierges. 27. — Partout où le g'neiss ne se trouve pas en contact avec les autres roches métamorphiques dont j'ai parlé plus haut, il est dépourvu de minerais métalliques. J'ai toutefois cité déjà le g"raphite trouvé à Atalaia, à six kilomètres ouest de Nictheroy. Il y aurait aussi à mentionner la masse de cuivre natif découverte, dans la fin du dernier siècle, aux environs de Gaxoeiraprès de Bahia et transportée au musée de Lisbonne. Spix et Martius ont visité la localité où cette masse fut décou- verte. D'après eux, toutes les roches du voisinag-e sont com- posées de g'neiss, et, par suite, ils considèrent la masse en question comme un aérolithe. Mais, outre qu'une telle ori- g-ine n'est g-uère attribuable à cette masse de cuivre natif, M. Hartt, dans son ouvrag-e Geology of Brazil, pag-e 301, dit avoir vu des frag'ments de trapp amyg*daloïde provenant du voisinag*e de ce point, et il incline à considérer la masse en question comme détachée de ce trapp. Cette opinion me paraît en effet devoir être adoptée. J'ajouterai que le trapp dont parle M. Hartt est une diorite porphyroïde orbiculaire, dont j 'ai trouvé des dykes eng'ag'és dans le g'neiss de cette même rég-ion. J'ai ég-alement reçu un échantillon de cuivre natif cristallisé, pro- venant des environs de Serro dans la province de Minas et attaché à un frag'ment dioritique. Ces exceptions, au reste, ne détruisent pas la g'énéralité de notre remarque au sujet de l'absence des minerais métalliques dans les g'neiss propre- ment dits, puisque les exceptions en question ne se trouvent que sur un petit nombre de points et au contact de roches pyroïdes amphiboliques, apparaissant en dykes ou filons. La plupart des filons euritiques ou dioritiques situés dans les g'neiss sont stériles, et les diorites affectent le plus souvent l'aspect g'ranitoïde, plutôt que l'aspect porphyrique ou trap- péen. Les minerais stannifères paraissent manquer totalement au Brésil. Aucune des roches g-ranitoïdes de ce pays n'en contient, quoique, dans beaucoup d'ouvrag-es anciens, on dé- fi2 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. siguie le Brésil comme constitué par des roches gTanitiques stannifères. Les habitants du pays nomment souvent estanho (étain) le sulfure de plomb ou g-alène dont de nombreux filons se trouvent dans les calcaires, les gTÔs et les roches méta- morphiques, et c'est probablement ce qui aura donné lieu à la confusion. La g-rande zone côtière de la surface du Brésil, occupée par les g-neiss, semble ég-alement dépourvue d'or; du moins, ce métal ne s'y rencontre pas en place, soit dans des filons, soit dans les strates des g*neiss ou leurs intervalles. L'or se montre toutefois sur certains points dans des dépôts de cailloux roulés g-isant g'énéralement sous des dépôts d'ar- g-ile et reposant sur les g'neiss. Les mines de Gantag'allo et des environs, dans la province de Rio-de-Janeiro, de Jarag'uâ à San-Paulo et d'une foule d'autres localités sont connues pour appartenir à des dépôts sédimentaires de cette nature, lesquels constituent des placers dans la rég-ion des g'neiss. Sans nul doute, ces placers appartiennent à des lits d'an- ciennes rivières, que les derniers chang-ements de niveau et de config'uration de la surface du sol ont fait disparaître, et l'or y a été apporté de réglions éloig-nées appartenant à la zone des terrains métamorphiques aurifères de l'intérieur du continent. 28. — 11 ne faudrait pas toutefois étendre la remarque faite ici au sujet de l'absence de l'or dans les filons quartzeux traversant la gTande zone de g'neiss, jusqu'à admettre que la présence de cette dernière roche indique nécessairement l'absence du métal en question. L'or se montre, au contraire, en divers points dans un terrain spécial où des g'neiss à g'rain fin, et le plus souvent schistoïdes, alternent avec des couches de quartzites micacés plus ou moins feldspathiques et passant au micaschiste et avec des schistes quartzeux diversement char- g'és de hornblende, terrain dans lequel des g'neiss porphy- roïdes, parfois syénitiques, et même des calcaires apparaissent accidentellement subordonnés et interposés. Ce terrain, con- fondu en partie par Clausen avec son terrain micacique, se GÉOLOGIE DU BRÉSIL. H3 fait voir surtout au bord du g-rand plateau continental inté- rieur. Il est comme superposé aux g-neiss proprement dits et représente une formation métamorphique distincte de celle à laquelle appartient la g-rande formation spéciale des g*neiss dont nous avons parlé jusqu'ici. Autant celle-ci se montre peu riche en substances métalliques, autant l'autre est abon- damment pourvue de minerais variés, aussi bien que la base de la troisième des formations métamorphiques caractérisée par les talcites phylladiformes et les quartzites talqueux. D'après la description donnée par M. Williamson sur les mines d'or de la province de Parahyba du nord, c'est à cette deuxième formation des g-neiss quartzeux passant au mica- schiste qu'il faut rapporter ceux des terrains de l'intérieur de cette province dans lesquels l'or se trouve en place dans des filons quartzeux et accompag^né de minerais sulfurés. La plus g'rande ressemblance existe entre la composition du sol et la nature de ces divers minerais, décrits par cet observa- teur, et la formation identique que j'ai examinée avec soin sur le haut plateau de Minas-Geraes, ou plateau de Barba- cena. Des lambeaux de ce terrain paraissent toutefois reposer sur plusieurs points dans la zone des g-neiss proprement dits ou g*neiss inférieurs, tels que nous les avons décrits d'a- bord. La ressemblance des couches intercalées de ces g-neiss avec certaines couches des g-neiss inférieurs, la g'rande dé- composition subie par les surfaces, et la ressemblance des ar- g-iles de ces deux systèmes de roches, jointe à l'abondance des forêts dans les rég-ions montag-neuses du voisinag-e de la côte, ont empêché la distinction nette de l'assise supérieure et de l'assise inférieure sur beaucoup de points où elles peu- vent exister conjointement. II est donc très-possible que, dans sa partie orientale, la Serra do Mar présente sur les versants de certains de ses chaînons le terrain des g'neiss et micacites métallifères, terrain supérieur à celui des g-neiss proprement dits et si voisin de ce dernier par sa composition. Incontesta- blement, l'existence de placers aurifères dans certaines ré- 64 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. g-ions, comme celles de Cantag-allo, tendrait à le faire croire. Je n'ai pas visité la partie orientale de la Serra do Mar, mais M. Pissis l'a parcom^iie, et certains détails, notamment la structure schistoïde très-prononcée et l'abondance du mica en couches, faits sig-nalés par lui dans les g'neiss des montagnes des Goitacazas, l'existence de peg-matite à grain très-fîn et d'une structure schistoïde, marquent certainement des points de ressemblance avec quelques-unes des couches caractéris- tiques de la formation des micacites du haut plateau de Mi- nas, si riche en substances métalliques. Peut-être, sur cer- tains points, trouverait-on les couches et les filons quartzeux aurifères dont les fragments roulés ont formé le cascalho des placers aurifères de ces réglions. D'après des informations qui m'ont été données, un cascalho aurifère existerait aussi dans le lit du Rio Macahé, lequel prend sa source du côté sud de la Serra das Goitacazas. Les dépôts aurifères ou placers des bords de l'Itapemirim et de ceux du Mucury, dans la province de Espirito-Santo, pa- raissent, d'après leurs descriptions, présenter de grands points de ressemblance avec les dépôts précédents, et d'un autre côté, l'abondance des sables quartzeux dans ces mêmes zones ne laisse g'uère de doute sur l'existence des gneiss passant au micaschiste dans les terrains des rég-ions du voi- sinage. La formation des gneiss quartzeux métallifères su- périeurs forme donc, tout nous porte à le croire, d'assez nom- breuses taches dans le gTand banc des g^neiss exclusivement feldspathiques de la côte et dénués presque complètement de toutes substances métalliques. Près de Rio-de-Janeiro, et à l'ouest de cette ville, ces derniers semblent seuls se montrer. 29. — En résumé, toutefois, et comme on en peut juger par les considérations précédentes, les gneiss à quartzites subor- donnés, ou gneiss métallifères supérieurs, ne sont point, dans leur composition, sensiblement distincts des gneiss inférieurs. Une structure plus schistoïde, une plus grande abondance du quartz, des couches intercalées de micacite, et plus rarement de talcite, les caractérisent seulement et les séparent des GÉOLOGIE DU BRESIL. 65 §•06188 inférieurs non métallifères. D'ailleurs, leur superpo- sition à ces derniers, bien plus que leurs éléments constitu- tifs et leur structure, établit entre eux une différence. Toute- fois, dans la vaste zone des g-neiss non métallifères constituant la base g-énérale du g-rand plateau du Brésil et dans les vastes terrasses bordant ce plateau depuis S. Paulo jusqu'au cap S. Roch, les gmeiss inférieurs ne sont pas en g-énéral recou- verts par l'étag-e supérieur métallifère , et celui-ci ne s'y montre que dans de petits espaces très-restreints. 30. — La formation des g-neiss inférieurs non métallifères se compose, comme nous l'avons déjà dit, d'une série de strates de structure et de composition variables, parmi les- quelles nous disting'uerons les g-neiss porpbyroïdes, les lepti- nites et les g-neiss gTanitoïdes passant à la syénite ou à la peg*- matite. Ces diverses variétés se montrent, à toutes les hau- teurs de la série, intercalées et superposées les unes aux au- tres. Ainsi on voit tantôt des g-neiss reposer sur des leptinites, tantôt des leptinites sur des g-neiss, ou bien l'une ou l'autre de ces roches est située au-dessus ou au-dessous d'autres va- riétés g-ranitoïdes. Mais quoique toutes ces diverses sortes de roches puissent se montrer ainsi en couches ou strates alter- nantes depuis la base jusqu'au sommet de la série, il est fa- cile de reconnaître que les strates de gnieiss porphyroïdes prédominent dans les parties inférieures, et celles des lepti- nites dans le sommet de l'étag-e des g^neiss non métallifères. Cet étag-e pourrait donc être subdivisé en deux groupes: l'infé- rieur ou g-roupe des g^neiss porphyroïdes, dans lequel domine cette variété de structure, et le supérieur, ou gn^oupe des lep- tinites, où au contraire cette dernière roche se montre prédo- minante. En outre, les g-neiss porphyroïdes sont ceux chez lesquels existe la plus g-rande tendance à passer aux roches g-ranitiques par suite de simples altérations dans la rég-ula- rité de distribution du mica, et parfois à cause de la substitu- tion de cette espèce par la hornblende, qui transforme alors le g-neiss en syénite. L'abondance du quartz est rarement assez g-rande toutefois pour permettre de considérer la roche comme 5 66 GÉOLOGIE DU BRESIL. un vrai granit. Les g'neiss du groupe inférieur sont aussi moins riches en g-renats que les leptinites et les g'neiss su- bordonnés, et g'énéralement à g'rain plus fin, du gToupe su- périeur. Dans ce dernier g*roupe, la fréquence et l'abondance des g*renats est un trait souvent très-caractéristique. Parfois cette espèce minérale distribuée dans des leptinites à g'rain fin ou des g'neiss subordonnés, ég'alement à g'rain fin, leur donne une structure g'iandulaire remarquable. Les leptinites offrent souvent une structure très-schistoïde , comme on le voit à la montag-ne de Santa-Thereza, près de Rio-de-Janeiro, où ils se font remarquer en outre par l'abondance de leurs g'renats. Sur certains points, ils se charg'ent en même temps d'une g'rande quantité de quartz et passent ainsi à unepeg*- matite g-renatique et schisteuse. D'autres fois, et surtout dans le voisinag'c des g'neiss porphyroïdes, se joint à la struc- ture schistoïde des leptinites une assez g'rande proportion de mica, et dans ce cas la roche forme des g'neiss leptinoïdes à g'rain très-fîn, plus ou moins remplis de g'renats. Des cou- ches de ce g'enre, rendues g-landulaires par l'abondance de ce dernier minéral, se montrent souvent à la surface des g'neiss porphyroïdes dans la Serra do Mar, où M. Pissis les a déjà sig'nalées. Dans la province de Bahia, des g'neiss semblables, mais moins riches en g'renat et très-durs, existent sur les plateaux que j'ai parcourus entre Jacobina et Gaxoeira; sou- vent ils sont fortement charg'és de quartz. Dans les deux g-roupes, l'inférieur et le supérieur, mais surtout dans le premier, la stratification devient fréquem- ment très-confuse. La limite de séparation des strates suc- cessives s'efface presque totalement, et la réunion d'un grand nombre de strates constitue des bancs épais d'une roche g'ranitoïde, en apparence massive. Souvent alors on ne recon- naît qu'avec la plus g'rande difficulté les traces de l'exis- tence d'une stratification primitive. Celle-ci, toutefois, se ma- nifeste encore dans ce cas par des différences dans la struc- ture et la composition de la roche, différences formant des zones parallèles et distinctes seulement par la comparaison de GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 67 points distants dans le sens perpendiculaire à ces zones ; car à leurs limites celles-ci se confondent progressivement sans qu'on puisse reconnaître entre elles de lig-ne de démarcation certaine. Dans les cas où les strates précitées ainsi confondues différent peu entre elles, il est parfois tout à fait impossiljle de disting'uer de trace certaine de la stratification première. Toutefois de si g*randes et de si nombreuses transitions se présentent dans les rég'ions de g-neiss, depuis les roches très- rég'ulièrement stratifiées jusqu'à des roches d'apparence tout à fait massive et de même structure et composition, qu'on ne peut, en aucun cas, mettre en doute la stratification primitive de tout le système de ces terrains. Du reste, les environs de Rio-de-Janeiro sont incontestablement une des rég'ions les plus favorables pour étudier le passag-e successif des roches métamorphiques aux roches massives, et pour faire voir la série des transitions par lesquelles la transformation s'est opérée depuis les g^neiss les mieux caractérisés et les plus schistoï- des, jusqu'aux roches g-ranitoïdes divisées encore en bancs distincts et aux masses g-ranitoïdes ou porphyroïdes sans aucune trace de stratification. Cette transformation de g'randes masses stratifiées de com- position uniforme en bancs massifs redressés, explique l'as- pect monolithique de certaines montag-nes des environs de Rio-de-Janeiro et de la Serra do Mar ou de la Mantiqueira, comme le Pain de sucre, par exemple, à l'entrée de la baie de Rio. Ce caractère monolithique contribue puissamment à aug'iîienter la variété des formes par lesquelles l'attention est appelée sur le sol accidenté de ces réglions. M. Pissis a déjà sig^nalé la différence de structure et de composition de la partie inférieure et de la partie supérieure de l'étag-e des g-neiss de la Serra do Mar et de la Mantiqueira. Il a décrit la zone la plus basse comme composée de g-neiss porphyroïdes, et la supérieure comme formée de leptinile gTenatifère. Cette différence, comme nous venons de le voir, n'est pas aussi absolue, mais la prépondérance des g-neiss porphyroïdes passant aux roches g'ranitoïdes dans le g*roupe 68 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. inférieur, celle des leptinites dans le g*roupe supérieur, sont incontestables. La limite des deux g-roupes n'est toutefois pas bien tranchée à cause, d'une part, de la concordance g'énérale des stratifications, et d'autre part, par suite delà similitude d'aspect des roches des deux g-roupes dans leurs transforma- tions. M. Pissis décrit, comme formant une séparation entre les deux g*roupes, des g*neiss leptinoïdes très-micacés et for- tement g-renatifères. a Cette couche, dit-il, qui atteint une épaisseur d'une quarantaine de mètres au plus, n'existe que dans la partie médiane de la Cordillère. » J'ai souvent vu des couches de g'neiss répondant à cette définition, mais je ne leur ai pas trouvé de situation assez déterminée pour pouvoir servir de limite précise entre les deux g'roupes. Dans le mas- sif du Corcovado, ces couches forment assez bien la limite en question, entre le g'neiss g-ranitoïde et le leptinite; mais, sur d'autres points, elles se montrent intercalées dans les cou- ches leptinitiques ou même dans les g-neiss g'ranitoïdes, à des niveaux variables, et d'ailleurs n'existent pas partout. Je ne puis donc les considérer comme appartenant à la limite des deux g'roupes en question. Mais c'est avec beaucoup de raison que M. Pissis a re- g'ardé les deux gToupes précédents comme un étag*e dis- tinct dépourvu de substances minérales et inférieur à un autre étag'e désig-né par lui sous le nom de g'neiss métalli- fères, et dont nous avons déjà parlé comme existant sur le bord intérieur du plateau central, où nous l'avons observé ; et comme se montrant probablement aussi par lambeaux détachés dans la partie orientale de la Serra do Mar et dans divers points des g'randes terrasses de g'neiss situées à l'est du Brésil, entre la g'rande terrasse continentale et l'Océan. Cet étag'c des g'neiss métallifères dont la distinction appar- tient à M. Pissis, et que M. Clausen a compris dans son ter- rain micacite en le confondant ainsi avec l'étag'e des talcites et quartzites proprement dits, est maintenant celui dont nous allons nous occuper. Il repose sur l'étag'e inférieur précédem- ment décrit et que nous désig'nerons désormais sous le nom GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 69 d etag*e des g'neiss non métallifères, en donnant à son groupe inférieur le nom de groupe des g'neiss porphyroïdes, et à son g-roupe supérieur le nom de groupe leptinique. Ces déno- minations, bien entendu, sont uniquement fondées sur la roche dominante du gToupe, et n'impliquent nullement que celui-ci soit entièrement composé de cette espèce dominante. 70 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. III ÉTAGE DES GNEISS METALLIFERES Caractères de l'étage des gneiss métallifères. — Répartition du quartz dans cet étage. — Gisements aurifères à gangue de quartz. — Leur description détaillée et leurs caractères de filons. — Nombreuses substances minérales de l'étage des gneiss métallifères. — Leurs gisements. — Preuves de plusieurs métamorphismes dis- tincts. — Roches dioritiques et euritiques en dykes ou épanchées sur le sol. 31. — L'étag-e des g*neiss métallifères est composé d'un g*neiss à grain fin etschistoïde. Il est caractérisé surtout par l'apparition de couches de quartzites g'renus intercalées et subordonnées au g^neiss. En outre, ce dernier est le plus souvent dépourvu des g-renats, dont l'abondance était, au contraire, si fréquemment caractéristique du g'roupe supé- rieur de l'étag'e des g-neiss non métallifères. Cetétag-e est re- marquable par la facilité extrêmement g*rande de la décom- position des g*neiss sous l'influence des ag'ents atmosphéri- ques et par sa transformation en arg"iles fortement roug-eâtres. Enfin l'un de ses caractères éminemment distinctifs est la présence de diverses substances métalliques, notamment de l'or, des pyrites et des oxydes de mang-anèse dans les filons qui le traversent. Des couches calcaires et plus fréquemment GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 71 des couches de laïcités compactes et surtout des micacites s'y montrent subordonnées. L'étag-e en question dans lequel le g-neiss a une très-g'rande tendance à se charg*er de quartz, présente une puissance considérable, et ses couches redressées occupent la plus g-rande partie du plateau supérieur de Minas-Geraes, depuis le bord de la Mantiqueira, dont il compose le plus souvent la partie supérieure, jusqu'à la Serra dos Vertentes séparant les eaux des affluents du Paranâ, de celles du San-Francisco. Il occupe ég-alement la lig-ne de séparation des eaux du Rio Grande et de celles du Rio Doce et y constitue la série des chaînons formant les Altos das Taipas. Il s'étend ensuite dans le haut du bassin du Rio Doce. Au nord de la Serra dos Ver- tentes, il se montre de nouveau dans le haut des vallées du Paraopeba et du Rio das Velhas. Dans les escarpements de la Serra dos Vertentes, les g^neiss de l'étag-e inférieur se font voir sous la forme surtout de leptinites, de g*neiss leptinoïdes ou de peg-matites, et ils indiquent par leur composition et leur aspect qu'ils appartiennent au g'roupe supérieur de cet étag-e. La zone occupée par l'étag^e des g*neiss métallifères et dont je viens de parler, n'est plus couverte de forêts comme la rég'ion des g-neiss inférieurs. Le sol s'y montre plus aride, et cela tient au caractère plus siliceux du terrain d'ailleurs for- tement ondulé et creusé de vallées de 80 à 1 00 mètres de profondeur. Dans ces vallées, où se sont accumulées les arg'iles les plus meubles entraînées par les pluies, des lambeaux de forêts reparaissent ; mais sur les plateaux élevés couverts de g'alets quartzeux et de g-raviers parfois ag'g'lomérés par l'hy- droxyde de fer et formant des cong*lomérats ferrug'ineux dis- séminés sur le sol, cong^lomérats dont j'ai expliqué antérieu- rement la formation, la vég'étation lig-neuse est raboug'rie et présente des caractères spéciaux sur lesquels je reviendrai ultérieurement en traitant de la distribution et de l'aspect de la flore du Rrésil. Des gTaminées, jointes à diverses espèces de plantes aromatiques, se montrent alors sur les points éle- 72 GEOLOGIE DU BRÉSIL. vés et y forment ce que l'on appelle au Brésil les Campos- Geraes, expression destinée à caractériser à la fois le ca- ractère de la vég-étation de ces zones et leur vaste exten- sion. Il existe dans le terrain dont nous parlons des couches immenses dans lesquelles le g'neiss est presque complè- tement dépourvu de quartz, et où la désag-rég-ation de la roche est arrivée à un deg-ré de puissance réellement extraor- dinaire. L'épaisseur désag'rég'ée ne peut être souvent éva- luée à moins de 100 mètres, et le deg*ré de décomposition est tel qu'on reconnaît à peine la stratification primitive. Ces ré- g"ions sont celles où les éboulements, dont j'ai parlé, se pro- duisent avec la plus g'rande intensité, et des vallées profondes de dénudation s'y sont établies. D'autres fois, dans ces mas- ses désag'rég'ées, une partie des petites feuilles de mica est restée intacte et donne lieu alors à l'existence de puissantes couches d'arg'ile micacée. Les réglions ainsi décomposées sont les plus fertiles, mais, sur une multitude d'autres points, le feldspath du g*neiss s'était chargée d'une quantité plus ou moins g'rande de g-rains quartzeux. Ces parties se montrent alors quelquefois plus résistantes à la décomposition, en même temps que la roche constitue une arg'ile g-raveleuse très-dure. Dans ce cas le sol devient aride. En g"énéral, les g-neiss de cette zone sont très-micacés, l'abondance du mica y est relativement supérieure à celle de l'étag'e des g*neiss inférieurs; et c'est à la facile décompo- sition de ce minéral, jointe à son abondance et à la quantité d'oxyde de fer dont il était chargée, que la plupart des arg'iles de cette rég*ion doivent leur couleur roug-e foncé, et la dispa- rition des traces de stratification dans les couches supé- rieures, laquelle provient de la réduction complète en ar- g'ile des plans de mica par lesquels les strates étaient mar- quées. Dans les arg'iles micacés, les micas blancs oujaunâ- tres persistent de préférence ; et, sur plusieurs points, j'ai re- connu l'abondance des micas mag'nésiens moins décomposa- bles que les micas alumineux. Les variétés blanches et jaunes GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 73 se montrent aussi dans ces derniers micas, mais les couleurs brunes ou noires y prédominent. En certains points, le mica devient tellement abondant que les g-neiss passent au micacite, dont des couches plus ou moins décomposées sont intercalées dans ce terrain. Ces mi- cacites se charg'ent quelquefois de quartz et passent ainsi au micaschiste feuilleté , mais le mica y est trop dominant pour pouvoir les reg-arder comme de vrais micaschistes. Le pas- sag-e du g-neiss au micaschiste s'observe aussi quelquefois par suite de la substitution du quartz à une partie du feld- spath, mais le feldspath reste g^énéralement aussi en trop forte proportion pour qu'on puisse reg^arder la roche comme un vrai micaschiste. Sur certains points où les g'neiss sont formés par des cristaux de feldspath empâtés dans le quartz, la décomposition de la roche donne lieu à un quartz carié dont les cavités sont remplies d'une matière arg*ileuse et fer- rug'ineuse. Certaines couches minces de g'neiss g-ris bleuâtre, à g-rain très-fin, faiblement micacé et résistant assez bien à la dé- composition atmosphérique, se montrent aussi intercalées dans les strates de ce système. Leurs bords y forment, ainsi que les quartzites, des affleurements au milieu des couches voisines plus fortement décomposées. Les bancs de quartzites sont quelquefois très-puissants et, accidentellement, vers la partie médiane et supérieure de l'étag'e, ils se charg'ent de tourmaline noire en quantité par- fois considérable. Dans ce cas, cette substance, souvent distri- buée uniformément dans la roche, peut par son abondance être considérée comme l'un des éléments constituants de celle-ci. En g-énéral les quartzites se montrent alors plus grenus et plus hyalins, et ils passent à la roche appelée par quelques litholog*istes schorlquartzite ou mieux hyaloturma- lite. Le plus souvent, toutefois, les tourmalines noires se présentent en cristaux isolés ou en masses disséminées dans les quartzites, et elles y constituent des veines et des amas formés de cristaux entrelacés. 74 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Sur d'autres points, les quartzites se charg-ent d'une quan- tité notable d'oxyde et d'hydrate de mang-anèse; et parfois ces substances s'isolent au point de constituer des couches considérables comme à Queluz, où existe un ensemble puis- sant de couches d'oxyde de mang*anèse siliceux de couleur noir foncé et formées d'un mélangée de bisilicate, d'oxyde et d'hydrate de mang-anèse. Des g-neiss porphyroïdes, le plus souvent roug-eâtres et for- tement décomposés, constituent toutefois en certains points des strates puissantes intercalées dans les g*neiss à g-rain fin. A la surface arg-ileuse des collines formées par cette variété en décomposition apparaissent de g-ros frag-ments ang^uleux de quartz souvent noirâtre, qui étaient interposés dans la masse, et des lames de mica blanc et rosàtre. Ces dernières couvrent le sol de paillettes brillantes. Quelquefois ces lames sont très-g'randes. Entre Rio-de-Pedras et Casa-Branca, sur la route d'Ouro-Preto à Sabarâ, se voit une colline dont la surface du sol est toute couverte de ce mica. Le même g*neiss que j'ai aperçu, montrant encore sa structure dans des coupes du terrain quoique son feldspath fût très-ar- g"ileux, existe en beaucoup d'autres points, et M. Pissis l'a aussi sig-nalé dans les strates supérieures des parties les plus occidentales de la Mantiqueira, dans la province de San- Paulo. En d'autres points, par suite de la substitution du talc au mica, les g'neiss à g-rain fin passent à la protog*yne schisteuse, et celle-ci, par la division excessive des parties, se transforme en talcites feldspathiques, lesquels, aussi bien que les gmeiss, sont, au voisinag'e de la surface, dans un état de décompo- sition arg*ileux très-avancé, mais manifestent mieux que ceux-ci la direction des plans de stratification. Cette substi- tution du talc au mica existe surtout dans la partie supérieure de la série. Des couches de talc ollaire ou talcite compacte se trou- vent aussi parfois intercalées dans les couches supérieures de cet étag*e. GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 7S 32, — Si, maintenant, d'une manière g*énérale, nous con- sidérons la répartition du quartz dans cet étag-e, nous le ver- rons non-seulement pénétrer, sur certains points, les couches de g-neiss, sous forme de g-rains, afin de les faire passer à l'état de micaschistes ou de peg-matites ; mais encore nous le ver- rons les traverser sous la forme d'une multitude de petites veines de quartz compacte semblables à celles qui se mon- trent en si g'rand nombre dans les g-neiss de l'étag^e in- férieur. Gomme dans ce dernier étag'e, ces veines de quartz fen- dillé deviennent, partout où elles sont nombreuses, la source de la majorité des quartz disséminés soit sur le sol, soit dans l'in- térieur de la couche vég-étale, et surtout accumulés au-dessous de celle-ci. Ces petites veines quartzeuses, ainsi que les cou- ches de g"neiss proprement dit, ne sont nulle part métallifères, et elles paraissent être le résultat d'une sécrétion de la roche encaissante sous l'influence d'eaux chaudes ou acides, sé- crétion probablement contemporaine des phénomènes qui ont amené le métamorphisme des couches de g*neiss. Il n'est même pas rare de voir des veines de ce g'enre présenter une épaisseur de 1, 2 ou 3 décimètres, et se montrer comme des filons assez rég-uliers soit intercalés dans les strates, soit les coupant sous des ang'les divers; mais les filons de cette nature sont ordinairement stériles de minerais, quand ils sont ren- fermés dans les g-neiss proprement dits. Indépendamment des formes précédentes, le quartz se présente à l'état gTcnu et en couches épaisses subordonnées aux g*neiss. C'est dans ces couches de quartzites que se mon- trent particulièrement l'or et les minerais sulfurés. La ten- dance de l'or à s'y rencontrer est en proportion de la fria- bilité de ces quartzites, fait constant et parfaitement connu de tous les mineurs de cette contrée. Il y a là évidemment une différence essentielle avec les g^ang^ues ordinaires des minerais de filon où le quartz compacte et non le quartz g*renu se montre habituellement. Cependant le minerai reste toujours parfaitement contenu clans la strate quartzeuse, et 76 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. il ne s'écarte pas sensiblement de ses deux plans limites pour pénétrer dans les roches encaissantes; par conséquent l'exploitation doit se faire comme dans les filons rég-uliers. 33, — Le caractère que je viens d'indiquer pour les g'ise- ments aurifères dans l'étag-e des g^neiss supérieurs, se contiime et se montre de la même manière dans l'étag'C des roches métamorphiques superposé à lui et consistant surtout en tal- cites phylladiformes et en quartzites subordonnés. L'or et les minerais sulfurés y g-isent dans des couches de quartzites g-renus intercalées dans les phyllades et sans sortir des cou- ches de ces quartzites , exactement comme dans l'étag-e dont nous nous occupons ici. Il y présente tous les mêmes carac- tères dans ses associations minérales , et par conséquent il y a tout lieu de considérer son introduction comme contem- poraine dans ces deux étag-es et comme postérieure au pre- mier métamorphisme g*énéral du sol, auquel se rapportent, sans nul doute, les nombreuses couches et veines de quartz compacte et stérile traversant les g-neiss et autres roches su- bordonnées. L'opinion précédente au sujet de l'introduction des mine- rais métalliques postérieurement au premier métamorphisme est corroborée par l'existence, au-dessus des deux étag'es au- rifères dont je viens de parler, d'une autre série considérable de quartzites, de talcites, de roches phylladiennes, de g-rès arg-ileux et quartzeux, lesquels, formés après les terrains aujourd'hui aurifères, ne renferment aucune trace d'or, quoique les matériaux de transport avec lesquels leurs cou- ches ont été constituées, aient été fournis par la désag'rég'ation des parties déjà soulevées des premiers terrains dont nous nous occupons. C'est ce que prouvent au reste les anag^énites dans lesquels on reconnaît des frag*ments de ces roches pri- mitives. Postérieurement à cette grande formation ég'alement métamorphique, se montrent des terrains tertiaires en cou- ches puissantes ég^alement dépourvues de toute trace auri- fère; et il faut remonter jusqu'aux dépôts de cailloux roulés de l'époque quaternaire ou récente, lits de rivières anciennes GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 77 OU actuelles, pour découvrir l'or dans les terrains de trans- port. Ce fait prouve incontestablement que l'or et les minerais sidfurés composant sa g'ang^ue métallique dans les quartzites des deux étag*es dont je viens de parler, y ont été apportés à une époque relativement récente et postérieure aux prin- cipales dislocations du sol. Celui-ci devait déjà posséder alors à peu près son relief actuel, et par conséquent l'introduction des minerais doit être postérieure aux phénomènes qui ont transformé en g'neiss ou roches cristallines la masse des ter- rains stratifiés présentant ce métamorphisme. 34. — Donc, incontestablement, les quartzites g'renus et cristallifères en question, interposés dans les g'neiss et les laïcités phylladiens, ne proviennent pas d'anciennes couches de sable aurifère solidifiées par le métamorphisme. D'ail- leurs, la présence, dans ces quartzites, de sulfures métalliques cristallisés, les g-éodes de quartz tapissées de cristaux variés, et surtout la distribution particulière que l'or affecte dans les minerais sulfurés comme g^ang-ue, sont là pour attester que ces substances n'ont pas été apportées par les eaux, comme élément sédimentaire, conjointement avec des sables. D'un autre côté, la puissance énorme de certains bancs de quarlzite métallifère, aussi bien que l'état g-renu de la g'an- g*ue, s'opposent, dans la majorité des cas, à considérer ces bancs comme formés par de simples remplissag-es de fentes parallèles à la stratification. Il y a donc ici un phénomène complexe. Sans doute, on ne peut s'empêcher de considérer la masse de ces g-randes couches de quartzite comme faisant partie intégTante du sol primitif de la contrée, au même titre que les couches de g^neiss ou de phyllades auxquelles elles sont subordonnées; et ces couches de quartzite doivent représenter les couches de sable intercalées dans les arg*iles du terrain sédimentaire primitif, dont le métamorphisme a transformé les sables en quartzites et les argnles en g'neiss ou en schistes. Mais il faut reconnaître aussi une série de circonstances spéciales en vertu dé laquelle des phénomènes, rr. 78 GEOLOGIE DU BRESIL. tout à fait postérieurs au métamorphisme en question, ont introduit les minerais dans les couches des quartzites, à l'ex- clusion des couches environnantes; car celles-ci ne sont que lég*èrement et bien rarement pénétrées par ces substances métalliques, et cela uniquement aux lig'nes de contact avec les quartzites. Par suite de ces circonstances, sur lesquelles les détails d'observation et les considérations que nous allons présenter, vont jeter quelque jour, un grand nombre de quartzites se sont remplis de substances métalliques, et cer- taines couches fortement imprég^nées sont devenues de véri- tables filons parallèles à la stratification, et présentant en réalité, sauf la texture de la g-ang-ue quartzeuse, tous les caractères essentiels des fîlons-fentes et de remplissag'e les plus rég'uliers. Il y a là une classe spéciale de filons dont aujourd'hui les exploitations faites dans la rég-ion ont en- seig'né les lois rég'ulières et constantes. Mais il est de toute impossibilité de la rapporter d'une manière complète aux diverses classes de filons étudiés jusqu'ici par les g'éolog'ues et les ing"énieurs, et décrits dans les ouvragées. Incontestable- ment, c'est avec les stockwerks que ce g-enre de filons a le plus de rapports; mais il en diffère par une limitation beau- coup plus rég'ulière aux surfaces de la couche contenant les veines et les amas, et aussi par une distribution en g^énéral beaucoup plus uniforme dans la masse de cette même couche, au point d'être, sous ce rapport, tout à fait assimilable aux filons rég'uliers. 35. — D'après la postériorité de l'introduction des substances métalliques relativement au métamorphisme même des ro- ches des couches voisines de celles qui renferment ces sub- stances, il serait évidemment tout à fait impropre de qualifier les g-isements brésiliens dont nous parlons, du nom de g'ise- ments métamorphiques, comme on l'a fait dans la plupart des ouvrag-es g-éolog-iques traitant du sol du Brésil ou du gise- ment de ses minerais. On décrit souvent l'or comme disséminé dans toute l'épaisseur des terrains des rég'ions aurifères de ce pays. C'est une g'rave erreur propag*ée par les collections GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 79 de pierres réunies dans les musées. En effet, les quartzites aurifères peuvent se trouver intercalés dans les schistes argn- leux ou les g-neiss, ou les talschistes, ou les itabirites (1), et comme les roches du toit et du mur du filon ont fréquem- ment été couvertes ou même un peu imprég-nées de minerais sur leurs points de contact avec les talcites, on trouve, dans les collections, des frag*ments de toutes ces roches présentant des paillettes d'or à vue ou des pyrites aurifères. Mais si on étudie sur les lieux, on constatera toujours la pauvreté consi- dérable et relative de ces toits et murs du filon comparative- ment au quartzite voisin, et la disparition rapide du métal en s'éloig*nant du filon. 36. — Tandis que la g-rande épaisseur de certaines couches de quartzite métallifère, charg'é de sulfures et contenant de l'or disséminé, s'oppose à considérer ces couches, parallèles à la stratification, comme provenant uniquement du remplis- sag-e de fentes parallèles à cette stratification et ouvertes entre les couches encaissantes lors des dislocations et du re- dressement de celles-ci, les formes de ces couches quart- zeuses, au contraire, tendent à conduire à l'opinion diamé- tralement opposée et à les faire considérer comme provenant du remplissag'e ultérieur de fentes préexistantes. En effet, les couches de quartzites métallifères ne forment pas des couches à faces parallèles^ comme les strates des roches en- caissantes entre lesquelles elles sont intercalées. Le plus sou- vent, dans leur ensemble, les couches de quartzites en ques- tion offrent la forme de coins dont la partie la plus épaisse est vers le centre de la terre. De plus, par suite d'ondulations ou de plissements des strates encaissantes lors de leur redres- sement, les couches de quartzites montrent des parties étroites, d'autres renflées, soit en long-ueur, soit en profon- (1) Dans les itabirites, comme nous le verrons plus loin, le gisement de l'or n'est pas toujours dans les quartzites intercalés , il est le plus souvent dans des filons spé- ciaux d'une substance argileuse nommée jacutinga, et composée de lithomarge mê- lée de paillettes de fer oligiste et d'oxyde de manganèse (acerdèse). Les lois des filons de jacutinga diffèrent de celles des filons quartzeux. Nous y reviendrons plus tard^ 80 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. deur, exactement comme le ferait une matière de remplis- sag'e qui se serait moulée sur les fissures des strates, et non comme une strate primitive solide dont les deux faces se cor- respondraient dans leurs ondulations; auquel cas la couche aurait g-ardé sensiblement la môme épaisseur dans toutes ses parties, malgré le plissement, comme, en effet, cela se voit précisément dans les strates des roches encaissantes. Sous ce rapport, la forme des couches des quartzites métalli- fères présente exactement toutes les particularités spéciales aux filons rég'uliers de remplissage, sensiblement parallèles à la stratification générale du terrain, et c'est là un point essentiel dont il importe de tenir compte. La puissance de ces couches ou filons de quartzites métal- lifères varie beaucoup. Tantôt elle est minime, et se réduit à un mètre et même quelques décimètres seulement; d'autres fois, elle atteint un gn^and nombre de mètres, et à Pappa- Farinha, près de Sahara, j'ai vu une couche de cette nature déplus de 100 mètres d'épaisseur. Dans les filons épais, les étrang"lements dans le sens de la long^ueur et de l'épaisseur, étrang'lements provenant des plissements des couches méta- morphiques encaissantes, n'arrivent pas généralement jus- qu'à faire disparaître totalement le filon d'une matière tempo- raire ; mais il n'en est pas de même dans les filons minces, où ces mêmes étrang'lements dans les deux sens font souvent, quand ils existent, disparaître totalement la couche de quart- zite. Dans ce cas, les parties renflées se trouvent isolées et constituent des blocs quartzeux aurifères, intercalés dans les strates contournées des g'neiss ou des schistes. Ces blocs portent dans le pays le nom de batatas (patates). A l'affleu- rement superficiel, ces mômes blocs ou batatas se montrent alignés sur le sol, et souvent, par suite de la décomposition des g^neiss ou schistes en argûle, ils sont comme libres au mi- lieu des argiles et des terres. C'est cette particularité qui leur a valu leur nom, mais les g^ens du pays les regardent comme le signe certain d'une couche aurifère plus ou moins con- tinue sous le sol. Effectivement, en creusant, on arrive à GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 81 trouver ces blocs intercalés entre les couches stratifiées, et à mesure qu'on enfonce, on parvient à des filons inférieurs continus, avec renflements et étrang'lements. Cette conti- nuité dans la partie inférieure vient de la propriété, dont j'ai déjà parlé, et en vertu de laquelle les filons aug-mentent d'é- paisseur avec leur profondeur dans le sol, de sorte qu'alors les étrang'lements par les roches encaissantes ne font pas entièrement disparaître leur continuité comme auprès de la surface . 37. — L'étude des filons fentes ou filons de remplissag'e, dans les divers pays, a appris que leurs matières consti- tuantes ont été introduites par des actions dirig-ées les unes de bas en haut et ayant amené les matériaux métallifères et g-énéralement les parties cristallines des g-ang'ues; les autres de haut en bas, et celles-ci ont introduit des sables ou des ar- g"iles ou des frag^ments des roches encaissantes, lesquels ont été entraînés dans la faille primitive. Quand ces deux actions ont ag'i simultanément, on trouve alors ces derniers maté- riaux, ceux qui sont tombés dans la faille, soudés entre eux par les matières métallifères et leurs g-ang^ies émanées d'en bas et apportées soit en vapeur, soit en dissolution dans des eaux thermales, cas sans doute le plus fréquent. Très- souvent, les parties non métallifères des filons, ainsi intro- duites par les eaux, spécialement les parties siliceuses, ont pu être amenées par une sorte de sécrétion des roches en- caissantes, quand celles-ci contenaient beaucoup de silice, sécrétion due à l'action dissolvante des eaux, surtout de celles qui étaient chaudes ou acides. Mais l'état hyalin et compacte, et non l'état g-renu, caractérise les quartz introduits de bas en haut dans les filons ou amenés par une sécrétion des roches environnantes. Dans les filons quartzeux métallifères du Brésil, au con- traire, l'état gTenu est essentiellement prédominant et d'au- tant plus prédominant même, que le filon est plus métalli- fère. Ce sont de véritables quartzites passant même au g'rès, souvent très-friables, et dans lesquels le quartz hyalin et 82 GEOLOGIE DU BRESIL. compacte se montre seulement sous la forme de veines ou de zones traversant la masse et tapissant surtout des fentes et poches très-nombreuses g*arnies alors de mag'nifiques cris- taux formés par le quartz hyalin lui-même ou par d'autres subs- tances. Donc la masse du quartz de ces filons ne semble nul- lement avoir été introduite par l'action des eaux thermales, ni par fusion. Sa présence dans le filon paraît ainsi être due entièrement à une cause différente de celle par laquelle l'or et les autres matières minérales ont été amenés, bien que cette dernière introduction soit évidemment la cause de cer- taines transformations partielles de la masse en quartz com- pacte et en quartz hyalin cristallisé. Une sorte de sécrétion de cette masse elle-même, sous l'influence dissolvante des ag*ents par l'action desquels ces substances minérales étran- g'ères ont été amenées, a été probablement la cause de ces transformations. Si donc, conformément au défaut de parallélisme des sur- faces des filons, à leurs étrang-lements et élarg*issements en relation avec les murailles formées par les strates plissées et contournées des roches encaissantes, nous considérons ces filons comme des filons de remplissag'e, nous devrions, du moins il le semble au premier abord, admettre que le quartz y aurait été amené de haut en bas sous la forme pulvérulente, c'est-à-dire, sous la forme de sables, lesquels auraient rempli la faille avant l'introduction des matières métalliques. Celles- ci, au contraire, sont venues de bas en haut, conformément à ce qui a lieu dans les filons en g-énéral, et comme le prouve d'ailleurs leur accumulation beaucoup plus abondante au fond qu'à la surface. Mais deux objections g'raves se présentent immédiatement relativement à l'introduction des sables de haut en bas dans la faille, postérieurement à l'ouverture de celle-ci. La première de ces objections est fondée sur les étrang-le- ments sig*nalés plus haut, lesquels, pour les filons minces, peuvent arriver à faire disparaître totalement la continuité de ceux-ci dans leur partie supérieure, en formant les lignes de GEOLOGIE DU BRESIL. 83 baiatas dont nous avons parlé au sujet de ces étranglements. Dans ce cas, évidemment l'ouverture de la faille s'est trouvée fermée plusieurs fois successives à des niveaux divers à sa partie supérieure; et dès lors, il devient très-difficile de con- cevoir comment les sables auraient rempli non-seulement les poches successives, mais encore la partie continue infé- rieure du filon. On comprend bien, dans ce cas, sans diffi- culté que des vapeurs métalliques, se g-lissant entre les strates, aient pu, en venant du fond, pénétrer dans la série de ces poches et y imprég-ner les sables amoncelés; mais il devient complètement impossible de concevoir comment ces derniers auraient pu g'iisser ainsi entre les strates rap- prochées et presque soudées des couches encaissantes pour pénétrer en si g*rande abondance et parfois en gTains assez g*ros dans tout le volume des poches et de la faille inférieure. La seconde objection non moins sérieuse consiste en ce que la désagTég*ation superficielle des roches encaissantes fournit de l'arg-ile en abondance, et les eaux pluviales auraient fait descendre cette dernière dans la faille, de préférence aux sa- bles quartzeux dont la source est incomparablement moindre dans la désag-rég'ation de ces roches. Par conséquent, des arg-iles et non des sables auraient dû dominer dans un rem- plissag'e subséquent à la faille. Ces deux objections doivent nous faire rejeter inévitable- ment l'idée que les failles se seraient remplies par des sables apportés d'en haut. Le remplissag'e par les sables poussés de bas en haut et intercalés dans les couches par une forte pres- sion, n'est pas non plus admissible. En effet, dans ce cas, les sables auraient pu franchir les étrang-lements pour péné- trer dans les poches supérieures plus facilement que des sa- bles descendant sous la simple action de la pesanteur, mais alors ils n'auraient pas pu disparaître totalement de ces étran- g'iements, et en outre la masse inférieure n'offrirait pas les vides nombreux qu'elle présente, vides constituant la multi- tude des fours et poches à cristaux. D'un autre côté, les quart* 84 GÉOLOGIE DU BRESIL. zites n'auraient pas offert l'aspect poreux et friable qu'on y remarque, car à coup sûr l'influence de la pression, réunie à celle de la chaleur dég-ag-ée par cette pression et par la cause de cette même pression, laquelle ne pouvait être à son tour qu'une g-rande chaleur intérieure, aurait fait disparaî- tre inévitablement l'aspect g-ranulaire du quartz et l'aurait amené à un état compacte. En somme donc, un remplissag-e par des sables ou g-rains de quartz n'a pu s'opérer ni de haut en bas, ni de bas en haut, postérieurement à l'orig-ine de la faille. Sans nier tou- tefois que, dans de nombreuses circonstances, les mouve- ments postérieurs des eaux dans celle-ci n'aient pu ajouter au sable préexistant de nouvelles quantités de sables venant soitde la surface, soit deg-randes profondeurs, on ne peut cer- tainement expliquer ainsi le remplissag-e complet de la faille postérieurement à sa formation, du moins dans la majorité des cas. Par conséquent, le remplissag-e en question a été con- temporain de l'ouverture de la faille elle-même, ou, en d'au- tres termes plus précis, les fentes se sont ouvertes parallèle- ment à la stratification et précisément sur des points où étaient intercalées des strates de sables meubles ou imparfai- tement et faiblement soudés, strates dans lesquelles, en vertu de leur état poreux et de leur intercalation entre des cou- ches plus imperméables et plus solides, les eaux s'étaient pro- bablement accumulées, comme nous le voyons aujourd'hui pour les lits de sable compris entre les couches les plus imper- méables des dépôts sédimentaires où les eaux pluviales se réunissent et forment de g-randes nappes aqueuses, réser- voirs de sources jaillissantes. 38. — Cette conclusion, à laquelle le raisonnement appuyé sur les caractères principaux présentés par les couches des quartzites métallifères, vient de nous conduire, est incontes- tablement la vraie, et nous en trouverons à posteriori de nou- velles preuves en continuant l'examen des particularités pré- sentées par ces couches. Mais avant d'entrer dans de nouveaux détails, faisons remarquer d'abord comment cette manière GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 85 d'interpréter les phénomènes explique d'une manière com- plète les faits déjà énumérés. D'abord la puissance extraordinaire de certaines couches de quartzites métallifères de la région considérée, puissance hors de proportion avec l'épaisseur habituelle des fîlons-fen- tes ordinaires remplis par des g'ang-ues cristallines, se conçoit sans difficulté. Il en est de même de l'état g-renu et poreux de ces quartzites, si différent de l'état compacte et hyalin du quartz dans la plupart des fîlons-failles, dont la g-ang-ue est quartzeuse. En même temps, on comprend sans peine comment les masses de strates solides et imperméables soudées entre elles au-dessus et au-dessous de la strate sa- bleuse^ commentées masses, dis-je, séparées par cette strate pulvérulente ou au moins très-friable et très-peu agTég^ée, de mode à pouvoir être reg^ardées comme deux masses dis- tinctes, ont dû g-énéralement, lors de leur déplacement, se redresser d'une manière inég-ale, et se plisser et se contour- ner, pour ainsi dire, d'une façon indépendante, puisqu'aucun lien n'était établi entre elles par une couche réellement so- lide. De plus, et il ne faut pas perdre de vue cette considéra- tion, si un système de couches superposées horizontales vient à se redresser et à prendre une position inclinée sous l'in- fluence d'une action provenant évidemment de l'intérieur, les couches supérieures ne peuvent se relever que par suite de l'efPort transmis par les couches inférieures. Donc, s'il existe deux systèmes de couches solides séparées par une cou- che molle ou moins résistante, celle-ci se trouve fortement comprimée du côté où le bord des couches se relève, parce que c'est de ce côté que la pression transmise est la plus forte. Par la même raison, si les couches s'abaissent vers l'autre bord, la couche supérieure s'enfonce uniquement à cause de l'affaissement de la couche inférieure. Par conséquent, il y aura pendant cet affaissement diminution de pression dans la couche molle intermédiaire. Ainsi donc, quel que soit le g-enre d'action effectuant le redressement des couches, soit que ce redressement ait lieu par voie de soulèvement ou 86 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. d'affaissement, soit qu'il ait lieu par les deux actions réunies, ag-issant comme un couple de forces aux deux extrémités des couches, la couche molle intermédiaire entre les deux cou- ches plus solides sera toujours soumise à une pression plus gTande du côté du bord relevé que du côté opposé. Donc, elle devra tendre à s'amincir du côté relevé et à aug-menter d'épaisseur dans les parties restées profondes. En outre, l'ac- tion de la pesanteur dans la propre masse de la strate doit donner une tendance à un g-lissement de la matière dans le sens voulu pour aug'menter encore cet effet. L'accroissement d'épaisseur en question dans les parties profondes de la cou- che aurait lieu évidemment, d'après les considérations pré- cédentes, quand même le redressement total des couches se- rait très-rapide et pour ainsi dire instantané, comme on l'ad- mettait dans les anciennes théories sur le soulèvement des montag'nes. Mais il a lieu encore à bien plus forte raison quand le déplacement est lent et prog-ressif, comme aujour- d'hui presque tous les g'éolog'ues l'admettent avec raison, et comme, d'après une multitude de faits observés dans tous les pays, paraît être réellement le mode g"énéral sous lequel se sont passés et se passent encore, en g'énéral, les phénomènes de cette nature. Dans le cas d'un déplacement lent, en effet, les matériaux des couches sableuses, soit sèches, soit, à plus forte raison encore, imprég-nées d'eau et pouvant même at- teindre dans ce cas, au moins dans certaines parties, jusqu'à l'état de sables mouvants, doivent nécessairement descendre sous l'action de la pesanteur, et remplir incessamment le vide tendant à se produire en bas par suite de la séparation plus g'rande des couches. Quelles que soient donc les circonstances du phénomène, soit que l'on fasse ou non intervenir l'action des eaux pluviales ag"issant pour entraîner les sables, soit que l'on suppose, comme cause du redressement des couches, des soulèvements ou des affaissements lents ou rapides, on arrive dans tous les cas au même résultat ; et une couche molle ou meuble in- terposée entre deux systèmes de couches plus solides, l'une GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 87 inférieure à elle, l'autre supérieure, doit, après le redresse- ment de l'ensemble des couches du système, se montrer plus épaisse dans sa partie inférieure que dans sa partie supé- rieure. En d'autres termes, elle doit précisément présenter, sous le rapport de sa variation d'épaisseur, la circonstance notable appartenant à toutes les couches de quartzites métal- lifères du Brésil, et constituant un de leurs caractères essen- tiels. Cette particularité, jointe aux plissements et ondulations des deux systèmes inférieur et supérieur des couches plus solides, plissements et ondulations indépendants dans les deux systèmes et provenant en g-rande partie des efforts laté- raux lors de la rupture de ces couches, explique en même temps toutes les apparences de moulag*e de la couche molle sur les parois de la faille, et l'aug^mentation d'épaisseur de celle-ci avec la profondeur. Ainsi donc, dans le cas présent, le remplissag*e de la faille par un quartz g-renu et moulé sur les parois est le résultat de la préexistence d'une couche de quartz pulvérulente ou sableuse interposée entre les couches métamorphiques dont aujourd'hui l'écartement offre l'aspect d'une faille postérieu- rement remplie. Evidemment, dans ce cas, il y a bien eu une faille de produite comme pour tous les filons rég*uliers, puis- que l'écartement des couches métamorphiques encaissant le filon n'est pas ce qu'il était d'abord quand ce filon constituait véritablement une strate, et puisque le volume occupé par la matière de cette strate, c'est-à-dire le volume primitif de l'écartement des roches encaissantes, s'est g-énéralement aug*- menté, phénomène d'où sont résultées les poches intérieures ultérieurement tapissées de cristaux. 39. — Ainsi réellement le phénomène préexistant ordinai- rement à la formation des filons, c'est-à-dire la faille, a existé comme pour tous les filons rég-uliers connus. Donc , les bancs de quartzites métallifères du Brésil doivent être classés dans les fîlons-fentes; mais ils s'en disting^uent en ce que la g-ang^ue quartzeuse, au lieu d'avoir été introduite de bas en haut ou de haut en bas, ou même par sécrétion des roches 88 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. encaissantes, est pro venue, pour la plus gTande partie du moins, d'une strate de sable ou de g-rès friable préexistante et marquant, déterminant pour ainsi dire d'avance, la zone du terrain dans laquelle devait se faire la future faille. Par con- séquent, les fiions en question peuvent être désignés sous le nom de filons- fentes confondus avec une strate friable, et ils ap- partiennent complètement à la classe des filons rég*uliers. Ils diffèrent de ceux de ces derniers filons dont la g-ang^ie est quartzeuse, par la texture de la plus g'rande partie seulement de cette g^ang'ue, car ils montrent aussi du quartz hyalin et compacte en veines dispersées dans leur masse au milieu du quartzite grenu; et leur remplissag^e par les matières métal- lifères est tout à fait comparable à celui des filons-fentes rem- plis par des matières tombées dans la faille de haut en bas avant l'introduction des substances métalliques amenées de bas en haut. Au point de vue de la répartition métallique, ils diffèrent toutefois des filons dont le remplissag*e a été fait d'abord par des arg-iles; car la g'rande porosité des sables ou g'rès friables a permis aux émanations métalliques de péné- trer toute leur masse avec une g'rande rég-ularité; et dans les filons arg-ileux, au contraire, l'imperméabilité de la substance forçait le plus souvent les matières métalliques à s'arrêter dans les fractures de la masse d'arg-ile. Les dépôts quartzeux aurifères du Brésil se rapprochent donc, sous ce rapport, beaucoup plus des filons rég-uliers remplis par des matières frag*mentaires et bréchiformes , que de ceux dont des ma- tières argnleuses ont formé le remplissag'e. On voit ainsi comment disparaît la contradiction apparente entre, d'une part, la g'rande puissance des bancs et l'état de quartzite g-renu présenté par la majeure partie des g'ang'ues, et, d'autre part, la forme et la rég'ularité réelle de filons- fentes de remplissag'e présentés par les g-isements de quartzite métallifère interposés dans l'étag'e des g'neiss supérieurs du Brésil, et aussi dans la base de l'étag'e métamorphique sup- porté par eux et caractérisé par la prédominance des talcites phylladiformes. Un examen plus détaillé va maintenant véri- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 89 fier d posteriori le mode de formation dont nons venons de donner à la fois l'indication et l'explication. 40. — Les quartzites se montrent parfois lég-èrement mi- cacés, mais plus fréquemment talqueux et chloritiques. Or, dans les filons épais, il n'est pas rare de voir des traces de stratification dans une partie des bancs ultérieurement modi- fiés dans leur forme, comme nous l'avons dit, et imprég'nés de substances minérales et notamment d'or. Non-seulement une apparence très-schisteuse se montre quelquefois dans quelques-unes de leurs parties, par suite surtout de la pré- sence du talc ou du mica; mais encore, dans des bancs très- épais, on trouve accidentellement des zones variables par la g'rosseur des g^rains du quartz, sa plus ou moins g^rande fria- bilité, ou sa coloration. On y rencontre parfois aussi des cou- ches plus charg'ées d'oxyde de fer. En g'énéral, une friabilité très-g'rande caractérise les régnons où ces faits se produisent. Quelquefois on voit des poches parallèles à la stratification ancienne, et placées sur la limite des deux zones. Ces faits, évidemment, prouvent qu'on a affaire à d'anciennes couches de g-rès friable et poreux plus ou moins comprmiées, ou écartées ou contournées. Par conséquent, sur les points où ce caractère se montre, le sable était déjà un g*rès solide, mais très-peu ag'rég'é et peu résistant, quand le système a été déplacé. Dans d'autres parties des couches, on trouve des masses sans stratification apparente, et formées de frag'ments bréchiformes, lesquels sont composés non-seulement de g*rès friable présentant un caractère feuilleté, mais encore de por- tions détachées des roches encaissantes, le tout réuni dans une pâte de g-rès friable, à gTain très-fin, remplie de cristaux pyriteux. Les pyrites se sont souvent fixées à la surface des frag'ments interposés, et même jusque dans leur intérieur. D'autres fois, c'est le minerai seul qui forme la g-ang-ue de ces parties frag-mentaires , ou bien elles sont empâtées par des quartz compactes et hyalins provenant évidemment d'une sorte de sécrétion des roches voisines ou de la masse elle- même. En g'énéral, c'est dans les parties où les roches en- 90 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. caissantes sont le plus contournées, le plus écrasées, que ces frag^ments bréchiformes existent, et surtout près de la sur- face. L'état schisteux des couches ne se fait g-uère voir non plus dans les parties métallifères , sinon à des profondeurs modérées; car en g'énéral, à de g-randes profondeurs, les sulfures ont tellement pénétré la masse quartzeuse et sont si abondants qu'ils font disparaître les traces d'aspect schis- teux. Là, la roche devient plus compacte, non par l'excès du quartz, mais par celui des pyrites. Evidemment, tout l'ensemble de ces faits ne peut pas laisser le moindre doute sur le mode précédent d'explication de la formation de ces filons. Ils nous apprennent de plus qu'en g'énéral les quartzites en question étaient, pour la plus g-rande partie de leur masse au moins, à l'état de g*rès po- reux et friable, et non à celui de sables mouvants. L'état sablonneux, s'il a existé, s'est alors rencontré seulement dans de petites couches subordonnées à la masse, ou s'est produit dans le grès friable sous l'influence de l'écrasement. Les mêmes faits nous montrent, non moins clairement, com- ment les émanations métalliques sont venues d'en bas, et com- ment la stratification primitive des g'rès a même facilité à la fois leur passag-e et l'ouverture des poches dans lesquelles les cristaux se sont déposés. Enfin quelquefois, dans lesg*rands bancs épais, des couches ou des fragments de couches minces, soit phylladiennes, soit calcaires, apparaissent au milieu des bancs ou filons épais. Les calcaires se trouvent alors cliang-és en dolomie, et l'importante mine de Morro-Velho présente un bel exemple de dolomie ainsi intercalée en amas lenticulaires. Ces faits sont encore de nouvelles preuves à joindre aux précédentes, car ces couches minces n'auraient pu rester suspendues dans la faille sans être soutenues. Ce phénomène pourrait être, il est vrai toutefois, expliqué par des failles successives et non simultanées. D'autres fois, les roches encaissantes se sont elles- mêmes fracturées jusqu'à une petite distance des filons, lors de leur redressement, dans les circonstances où l'écrasement GÉOLOGIE DU BRÉSIL, 9i a été considérable et où le banc de grès friable et de sable a été fortement aplati. Une faille irrég*ulière s'est ainsi formée et sa direction inég'ale et variable coupe le filon rég^ulier sans se correspondre, bien entendu, des deux côtés de celui-ci. Alors les matières quartzeuses pulvérulentes, accompag^nées de nombreux frag-ments des strates brisées, ont fait irruption dans la nouvelle faille et l'ont remplie de matériaux analo- g-ues à ceux de la couche première de g*rès friable, car celle-ci en a fourni la plus forte part. Dans ce cas, les matières mé- tallifères ont pénétré à la fois dans les deux failles croisées et on a, en ce point, l'apparence de deux filons qui se coupent et se sont simultanément remplis de substances métalliques, quoique l'un semble avoir déjeté l'autre. Ce fait, toutefois, n'implique nullement un remplissag'e instantané de la faille formée dans les roches encaissantes. Le phénomène s'est fait lentement, comme le soulèvement lui-même, tantôt par des écarts lents et prog*ressifs des parties , d'autres fois par des soubresauts de tremblements de terre, mais répétés et dont le résultat final est celui probablement d'un gTand nombre de petits déplacements, les uns lents, les autres rapides. Mais, pendant le long' intervalle exig-é sans nul doute pour l'achèvement du déplacement total, les matériaux fracturés, introduits à chaque secousse dans le vide tendant à se for- mer, se sont joints aux sables provenant de la désag-rég-ation facile du g"rès friable, non-seulement quand celui-ci était frac- turé par la pression en question, mais encore sous l'influence des eaux pluviales entraînées dans ce vide. Sous cette action du temps, la faille ouverte dans les roches encaissantes s'est peu à peu remplie de matériaux empruntés à celles-ci et surtout à la couche quartzeuse friable interposée. A ces matériaux se sont mêlées plus tard, pour achever le remplissag'e, non- seulement les matières métalliques apportées de bas en haut, mais encore des matières siliceuses, les unes venues de la même manière, les autres empruntées à une sécrétion des roches voisines. Ces dernières ont cimenté le tout par une proportion très-notable de quartz hyalin compacte, laquelle 92 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. s'est répandue non-seulement dans les fractures de la couche quartzeuse primitive formant le filon proprement dit, mais encore dans les ramifications coupant la stratification des roches encaissantes ; lesquelles ramifications paraissent for- mer parfois un frag-ment de filon coupé et déjeté par le filon principal. Après que la dénudation g-énérale par l'action atmosphérique sur les roches encaissantes a eu enlevé les parties supérieures, ces filons, aussi bien le principal que le transverse, ont alors fait saillie sur le sol, comme on le remarque souvent; et ceci provient de leur solidification sous l'influence des émanations postérieures siliceuses et métalli- ques, et de leur nature siliceuse les préservant de la décom- position par l'action atmosphérique à laquelle les roches en- caissantes sont soumises. En résumé donc, une étude soig-née des caractères pré- sentés par les couches de quartzites métallifères établit avec certitude que ces couches ne sont pas simplement des strates primitives du sol imprég'nées postérieurement de substances minérales ; il y a eu, en plus, faille et déformation de ces strates lors de leur relèvement, très-fréquemment rupture et broie- ment de leurs éléments, puis introduction postérieure de quartz hyalin compacte, identique à la g-ang-ue des filons- fentes ordinaires, et ce quartz hyalin se montre en veines très-nombreuses et anastomosées dans la masse des quartzites. Tantôt il les fait passer à l'état de quartzites très-obscurément gTcnus, tantôt il s'en sépare complètement pour constituer des veines d'une texture très-distincte. De très-nombreuses poches se sont formées dans les couches de ces g'rès poreux primitifs, et sont devenues des fours à cristaux très-déve- loppés et très-remarquables. En somme, le quartz hyalin compacte, souvent obscurément g-renu par suite du mélang-e de g-rains du g-rès primitif, constitue dans la majeure partie des couches de quartzite une partie très-importante de la masse. Ceci explique l'aspect de certains spécimens pris dans ces filons, lesquels ressemblent à ceux des filons-fentes ordi- naires ouverts dans des roches dures et non friables ; mais, GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 93 en réalité, dans tous les filons quartzeux métallifères de la réo-ion en question , les quartzites g-renus composent tou- jours la masse principale et attestent l'orig^ine indiquée. 41. — Les affleurements des filons en question peuvent être g-énéralement suivis sur une long*ueur de plusieurs kilomètres. Ceux des filons très-g-ros se montrent souvent sur une distance de plusieurs lieues, et ils accompag-nent toutes les inég*alités et tous les contournements du terrain, mais en suivant toujours la direction de la stratification. Les filons minces forment parfois de g-ros faisceaux parallèles composés d'un g-rand nombre de lig'nes séparées entre elles par des couches phylladiennes, lesquelles se réduisent par- fois à de faibles lits. Souvent, comme je l'ai déjà expliqué, des lig'nes minces se transforment près de la surface du sol en des séries de renflements ou de blocs. Ce fait est plus rare dans les lig-nes d'une certaine épaisseur, mais il a lieu aussi ; et parfois même des amas assez considérables se montrent isolés et interposés dans les strates métamorphiques encais- santes. Si, aux explications antérieurement données au sujet des petits amas alig-nés ou batatas^ on joint la remarque que dans les dépôts sédimentaires en g^énéral, les sables et les arg^iles ne se déposent pas toujours en couches uniformé- ment épaisses de g-rande extension, mais forment souvent des bancs d'étendue limitée, à cause des courants dont l'in- tensité varie sur les divers points de leur parcours ; si on se rappelle de plus que, dans le cas même de dépôts primitive- ment uniformes, et souvent après leur dessèchement, les vents d'une part, les plissements du sol et les mouvements d'eau ré- sultant de ceux-ci peuvent dénuder certaines parties, accumu- ler les sables dans d'autres, on apercevra évidemment mille causes d'inég'alité dans les couches primitives, indépendam- ment des autres inég^alités résultant de la dislocation posté- rieure et dont nous avons parlé. Cet ensemble de faits nous explique facilement les quelques exceptions aux lois de con- tinuité que l'on peut remarquer, mais le plus souvent ces 94 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. exceptions sont seulement apparentes: ainsi un amas isolé, par exemple, se montrera sur une direction, et plus tard on découvre en bas une couche continue soit en long-ueur, soit en profondeur. Nous avons déjà expliqué ce fait pour les masses isolées nommées batatas. Toutefois au Brésil, comme dans toutes les régnons minières, à côté des filons présentant la rég-ularité théorique et absolue, se trouvent des amas plus ou moins isolés et pouvant être considérés comme des g*îtes irrég'uliers, quoique en réalité, le plus souvent, l'irrég^ularité soit probablement plus apparente que réelle, par suite de cer- taines relations de ces amas avec d'autres plus profonds ou même avec de g-rands filons n'atteig'nant pas la surface. Les mécomptes parfois survenus dans les travaux des mines d'or du Brésil tiennent en g"énéral à l'absence d'une bonne mé- thode de travail, résultat du manque d'une bonne étude de l'allure de ces filons, et surtout des caractères par lesquels on peut reconnaître leur valeur. D'après mes recherches, les irrég'ularités proprement dites me paraissent avoir eu une part bien minime dans ces mécomptes. 42. — Après le fer et le mang'anèse auxquels est due or- dinairement la coloration des quartzites, parfois très-ferrug-i- neux et renfermant toujours au moins des traces de ce métal, l'or est la substance métallique qui paraît avoir le plus g-énéralement imprég-né les filons quartzeux dont je viens de parler. On en rencontre des traces dans toute la masse du filon , même dans les parties les plus pauvres en substances métallifères, dans celles où on chercherait en vain des pyrites. Toutefois, où les dernières n'existent pas, l'or ne se montre g-uère en quantité exploitable. En revanche, c'est dans les quartz où la pyrite manque tout à fait, ou dans ceux où elle est très-peu abondante que des g-rains ou de petits cristaux d'or isolés apparaissent à vue dans les quartz. Parfois, on trouve même accidentellement des frag-ments de quartz assez charg-és de ces g'rains; ces fragniients, présentés comme spécimens provenant d'un g-isement, tendraient à faire croire à l'existence d'un filon très-riche. Mais en g*énéral GÉOLOGIE DU BRÉSIL. yg au contraire, quand cette circonstance se présente, le ren- dement moyen de la roche du filon est très-minime et pres- que nul. Toutefois, et c'est un fait très-dig*ne de remarque, l'or ne se montre en g-rains ou paillettes visibles ou en pépites ou bien en cristaux quelque peu volumineux, que dans des quartz sans pyrites ou faiblement pyriteux ; et dans ce cas, cette substance est en réalité toujours peu abondante dans le filon, seulement elle a tendance à se réunir et à s'ag'g'lomérer sur des points limités. Au contraire, quand la pyrite est abondante, l'or à vue disparaît, et le métal constitue des g-rains ou des paillettes d'une finesse extrême disséminés dans celle-ci, et alors tout à fait invisibles; mais la quantité d'or devient notable et d'autant plus g*rande que la pyrite elle- même est plus abondante. Cette circonstance démontre que la pyrite est réellement dans ce cas la véritable g*ang'ue du minerai aurifère. Ces pyrites peuvent être de diverses es- pèces, mais la pyrite blanche et la pyrite arsenicale ou mis- pickel offrent en particulier une tendance manifeste à se charger de ce métal. Au reste la pyrite cuivreuse leur est très-fréquemment associée, ainsi que la pyrite mag-nétiquc et la pyrite jaune ordinaire. L'abondance des pyrites, surtout celle des pyrites blan- ches et de la pyrite cuivreuse, est le sig-ne le plus certain de la présence de l'or dans les filons quartzeux du Brésil. Mais dans un même filon, ces pyrites ne sont pas uniformé- ment réparties. On trouve, en suivant la direction longitudi- nale de l'affleurement, dés points où cette matière s'accumule, d'autres où elle se montre en quantité beaucoup moindre et même disparaît entièrement. Le plus souvent, près de la surface la pyrite est très-décomposée, mais elle y a existé, comme on le reconnaît par l'état caverneux du quartz, et par les enduits ferrug'ineux laissés par cette substance. Ceux-ci le plus g'énéralement sont accompag-nés d'enduits de reflets variés, couleur g-org-e de pig-eon, et dus aux dernières traces en décomposition de la pyrite cuivreuse. Parfois des efflo- rescences de sulfate de fer se font voir ég-alement. Les quartz 96 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. à pyrites décomposées sont très-aurifères, bien que l'or n'y soit pas visible et se trouve noyé en g*rains d'une finesse ex- trême dans des matières ocreuses et ferrug-ineuses remplis- sant partiellement les cavités du quartz et abandonnées par les pyrites en se décomposant. Un certain nombre d'exploitations aurifères ont été éta- blies sur des points où les quartz se montrent charg"és de pyrites dès la surface, ou, plus g-énéralement, cariés et caver- neux, avec des traces de pyrites décomposées. Sur tous les points où ce dernier caractère s'est présenté, des pyrites intactes ont été rencontrées à une certaine profondeur, et la teneur pyriteuse, sur tous les points où les pyrites se sont ainsi montrées soit intactes soit décomposées à la surface, a été sans cesse en croissant à mesure que l'on descendait. Jamais, dans ces cas, aucun mécompte n'est arrivé, car la proportion d'or s'est toujours montrée proportionnelle à cette teneur en pyrite, et par conséquent aug^mentait avec la profondeur. La mine de Morro-Velho à trois lieues sud de Sabarâ et exploitée par une compag-nie puissante, est le filon pyriteux dans lequel les travaux ont été poussés à la plus g'rande profondeur. La profondeur de 400 mètres y a été atteinte, et dans le fond la proportion d'or était au-delà de quatre fois plus g-rande qu'à la surface, à ég-alité de poids de roche écrasée. En outre l'épaisseur du filon était considérablement plus g-rande. Ces caractères se sont montrés dans une multitude d'autres mines d'or pyri- teuses; et, sans des travaux mal conduits ayant compro- mis la solidité, ou sans l'arrivée de l'eau par laquelle ont été arrêtées les exploitations en petit, aucune de ces mines n'aurait été abandonnée. La plupart d'entre elles peuvent être reprises, surtout celles où il suffirait d'établir des ma- chines d'épuisement pour pouvoir continuer les travaux. Déjà quelques compag^nies ont recommencé le travail sur ces anciennes mines. En g-énéral, toutefois, la mauvaise di- rection des travaux anciens entraîne des frais assez considé- rables, à cause de la solidité compromise lors de ces premiers GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 97 travaux, faute des précautions suffisantes pour maintenir le poids des couches supérieures. Mais il existe beaucoup de points encore où des filons vierg'es peuvent être exploités, et incontestablement c'est la meilleure condition pour l'établis- sement de nouvelles mines. 43. — Les points où la stratification est le plus contournée, où le sol a été le plus tourmenté, sont ceux où, dans les filons quartzeux, se montre surtout l'abondance des pyrites et de l'or. Les filons situés dans les montag'nes formant l'orig'ine abrupte de vallées, particulièrement ceux près desquels ont eu lieu de gTandes fractures dans les roches encaissantes et où se présente l'aspect des filons croisés dont j'ai antérieu- rement parlé, sont surtout avantag-eux. Evidemment, en ces lieux, où les plus g-randes failles se sont ouvertes, où de g-randes ruptures ont dû avoir lieu à de très-g-randes pro- fondeurs, les émanations métalliques ont été portées vers la surface, et il s'y est formé ainsi de g-randes cheminées par où les minerais montaient de l'intérieur vers la superficie du sol. Sur le môme filon, dans le sens horizontal, se présentent, entre les parties riches, d'autres parties pauvres où la pyrite disparaît presque entièrement et quelquefois même tout à fait, et où l'or ég*alement cesse d'apparaître ou se montre seulement en traces insig-nifianteset inexploitables. Mais sur tous les points riches à la surface, la continuité en profon- deur est certaine, et même quand, par de petites fluctuations dans le rendement, celui-ci peut paraître un instant dimi- nuer, l'expérience déjà acquise montre que ce rendement aug'mente de nouveau plus bas, et finit toujours, à une cer- taine profondeur, par devenir notablement plus g'rand que près de la surface du sol. Sous ce rapport, la loi assez g'éné- rale en vertu de laquelle les filons pyriteux dans tous les pays tendent à augunenter de richesse en profondeur, existe avec le même caractère au Brésil, et l'or y suit toujours exac- tement cette même loi. Des mines ont plusieurs fois été établies sur des points où les quartz étaient peu ou point chargées de pyrites et sans tra- 7 98 GEOLOGIE DU BRESIL. ces importantes d'anciennes pyrites décomposées, mais où de l'or s'était montré momentanément à vue avec assez d'abon- dance près de la surface du terrain. Dans ces exploitations, de g*rands mécomptes ont eu lieu souvent, et à moins d'avoir atteint des zones pyriteuses, ces mines ont dû être abandon- nées, du moins pour la plupart. La dissémination de l'or dans les quartzites, indépendamment des pyrites, paraît incontes- tablement se rattacher à un ordre de faits distincts de celui de son introduction avec ces dernières, quoique les deux cas puissent se présenter simultanément et accidentellement dans le même filon . Peut-être même ce sont des phénomènes de deux périodes distinctes, et peut-être aussi la dissémina- tion de l'or dans les quarzites est-elle contemporaine de celle de sa distribution dans les filons de jacuting-a dont nous par- lerons plus loin. Mais ceux-ci n'appartiennent pas à l'étag^e des g-neiss métallifères, et se montrent dans les itabirites de l'étag'c métamorphique supérieur, lequel renferme aussi des filons de quartzites pyriteux aurifères présentant tous les caractères de ceux de l'étag-e des g-neiss métallifères. Quoi qu'il en soit au reste à cet ég-ard, l'or à vue apparaît surtout sur les lig-nes de contact des quartzites et des roches schis- toïdes encaissantes. 11 existe aussi disséminé dans des por- tions isolées de la masse, au milieu d'autres parties qui n'en renferment aucune trace. L'or forme donc, si on peut s'ex- primer ainsi, des g-îtes irrég'uliers même au milieu de filons quartzeux continus, et assez compactes. Les mineurs brésiliens donnent g-énéralement le nom de caco à la partie supérieure des filons dans laquelle les pyrites se sont décomposées, et cette dénomination correspond à ce que les mineurs français appellent filons pourris. Le caco se compose le plus souvent de quartz carié rempli de matière ocreuse ou ferrug-ineuse et présente des enduits de toute couleur dus à de la pyrite cuivreuse en décomposition. Mais par extension aussi, le nom de caco est donné à la partie su- périeure de la plupart des filons dont le quartz est saccha- roïde et friable, à g-rain très-fin et renferme ég-alement des GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 9!t traces de pyrites en décomposition. Des parties d'apparence souvent schistoide et talqueuse composent fréquemment la rég'ion supérieure de filons très-riches en pyrites à une certaine profondeur. Les portions des filons qui, bien que profondes, sont peu charg'ées de pyrites et où le quartz se montre ainsi saccharoïde, le plus souvent blanchâtre avec des parties g-ri- sâtres ou noirâtres dues à des pyrites très-fines, formant des zones parallèles donnant un aspect schistoïde à la masse, por- tent aussi le nom de caco. En somme, l'emploi de ce mot est assez vag'ue et il s^applique aux parties des filons qui, tout en étant aurifères, ne se montrent pas complètement imprég-nées de matières pyriteuses. Les parties pyriteuses portent alors le nom de formaçaô. Dans les filons quartzeux peu riches en pyrites, le nom de caco est ég'alement donné aux parties fria- bles et saccharoïdes des quartz, tandis que les parties où le quartz est plus compacte ou bien celles où il est formé de g'rains noirs de quartz enfumé, eng-ag-és dans une pâte de g-rès saccharoïde friable, portent aussi le nom de formaçaô; ce sont celles, en effet, qui présentent de préférence l'or en g-rains visibles, et souvent ces quartz sont assez fortement charg'és d'oxyde de fer. Les mêmes mineurs donnent le nom de capa à la partie supérieure des roches encaissantes du filon, c'est le toit des mineurs français. Ils appellent /«/;« la partie inférieure, le mur de nos mineurs. La capa et la lapa, c'est-à-dire le toit et le mur, sont souvent imprégniés de pyrites et renferment un peu d'or dans le voisinag'e immédiat du filon, mais ces parties en fournissent toujours incomparablement moins que ce dernier. 44. — Outre les filons quartzeux aurifères et pyriteux, et les puissantes couches d'hydrate et d'oxyde de mang'anèse an- térieurement citées, diverses autres substances métalliques existent dans l'étag'e des guieiss métallifères et des micacites et talcites compactes et schisteux subordonnés. Ainsi la g^alène ou sulfure de plomb se trouve, sur divers points, mêlée avec l'or et les diverses pyrites dans des veines quartzeuses inter- 100 GEOLOGIE DU BRESIL. calées dans des micacites. Ce cas se présente à Goyabeira, près de Gong-onhas do Gampo , où se trouvent ég-alement le plomb chromaté et chromé (Grocoise et Vauquelinite). Ges dernières substances se rencontrent dans une roche composée de quartz hyalin en g*rains et de kaolin blanc, et qui forme une couche ou mieux un filon dans des stéaschistes subor- donnés au g-neiss. De nombreuses fissures, tapissées de cris- taux de quartz, présentent dans ce filon des cristaux dissé- minés de plomb chromaté roug*e. Gette dernière matière forme, en outre, des espèces de veines dans la roche. La g'alène apparaît aussi dans des filons traversant de puis- santes couches de calcaires cristallins et saccharoïdes, entre Barroso et San-Joaô-d'El-Rey. Elle y est associée aux pyrites, et les calcaires passent à la dolomie près de ces filons métal- lifères. Gertains filons quarlzeux aurifères contiennent des sulfures de bismuth en cristaux aciculaires, notamment ceux de Gatta Branca et de San-Vicente. L'oxyde de bismuth sous forme de poudre jaune et provenant sans doute de la décomposition de sulfures s'y montre aussi. Le bismuth tellurifère existe en outre dans la mine de San-Vicente et dans d'autres filons, notamment près de San-José. Les micacites phylladiens de Goyabeira contiennent des amas de chlorite avec octaèdres de fer oxydulé. Le sidéroschi- solithe se trouve ég'alement associé à la sidérose, près de Gon- g-onhas do Gampo, et tapisse les cavités d'une pyrite mag^né- tique située dans les filons quartzeux. Dans ce même filon, près de Gong^onbas do Gampo et de Goyabeira, se montre aussi le quartz améthyste. On le trouve, au reste, sur une multitude de points de la zone des g'neiss, mais il est plus abondant dans l'étag-e des g'neiss métallifères supérieurs que dans l'étag'e des gnieiss inférieurs. Le palladium natif accompag-ne l'or très-fréquemment dans les filons quartzeux. L'arg-ent se montre en petite pro- portion dans la g'alène et les pyrites cuivreuses. Des traces de platine et des minéraux de sa famille existent aussi asso- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 101 ciés à l'or dans ses g^îtes. Le sulfure d'antimoine apparaît ég-alement, mais moins fréquemment que le sulfure de bis- muth. Les g-renats sont beaucoup moins abondants que dans la zone des leptinites de l'étag-e des g-neiss inférieurs. On en voit cependant quelquefois dans les quartzites, les talschistes ou les peg-matites subordonnés aux g*neiss, et plus fréquem- ment même que dans ceux-ci. La wavellite tapisse souvent les fissures du quartz compacte dans les veines constituées par ce dernier au milieu des talcites ou des quartzites talci- fères. La néoctèse se montre ég'alement très-abondante dans les filons pyriteux ; et la barytine g*renue, la dolomie et l'arra- g*onite y forment des amas parfois très-considérables. La ba- rytine g'renue forme encore des amas dans des quartzites talcifères de Timbompeba (près d'Antonio-Pereira et d'Ouro- Preto. J'ai déjà cité la couche de dolomie intercalée dans le g'rand filon de Morro-Velho. Dans ce même filon, apparais- sent des cristaux de sidérose verte lenticulaire et des cristaux de feldspath albite, parfaitement transparents et accolés avec l'hémitropie si fréquente dans cette espèce. La vivia- nite (phosphate de fer cristallisé) transparente et lég'èrement verdàtre, a été trouvée plusieurs fois dans ce filon. Il en est de même de la g-alène et du sulfure de bismuth. Des frag'ments de serpentine en rog*nons se rencontrent aussi dans le même filon de Morro-Velho, surtout dans le voi- sinag*e des poches à cristaux, et dans une zone qui suit un plan de stratification des couches. La serpentine se montre au reste sur de nombreux points dans l'étag-e des g-neiss métallifères. Près de Caethé, se trouve une puissante couche et de g-rands dykes de cette substance. On la rencontre aussi près de Pitang-ui, et même jusque dans l'étag-e des g-neiss inférieurs, où le banc des cal- caires voisins de Pirahy et les calcaires du côté de Serrary se montrent traversés par elle. Elle a au reste été sig'nalée sur beaucoup de points du Brésil, et elle renferme souvent des nids d'asbeste filamenteuse (Serra d'Ibituruna). 102 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. J'ai déjà cité les couches de quartzites charg-és de tourma- line noire et passant à l'hyaloturmalite, couches intercalées dans les g-neiss, ou les micacites de rétag*e dont nous nous occupons. Ces strates sont parfois aurifères, et dans ce cas, elles contiennent de la pyrite arsenicale, laquelle joue le rôle de g'ang'ue métallique de l'or. Ce minerai de couleur noirâ- tre porte dans le pays le nom de carvoeira. La mine de Pas- sag'cm de Marianna est une des plus remarquables sous ce rapport. L'or retiré de cette mine contient une très-forte pro- portion de palladium et constitue la variété nommée or pal- ladié, ou porpézite quand elle contient une petite proportion d'arg-ent. Toutefois, les g'îtes tourmalifères existent plutôt en amas irrég-uliers qu'en filons. Les tourmalines noires se montrent au reste dans beaucoup de couches quartzeuses non aurifères. Près de Sant-Antonio da Gasa-Branca, une couche de plus d'un mètre d'épaisseur, entièrement composée de tourmalines noires, se fait remar- quer. Des tourmalines vertes existent aussi surtout à Minas-No- vas, où M. Glausen les sig-nale avec de l'améthyste dans les couches de micaschiste, lesquelles appartiennent évidem- ment à Fétag-e des g'neiss supérieurs. Le titane anastase g-ît dans des micaschistes phylladiens à Arraial-Velho près de Sahara, à Brumado et sur divers au- tres points. On le trouve disséminé dans un disthène noir associé à une couche de quartz, au-dessus du filon aurifère du Pari, dans le municipio de Santa-Barbara. Le titane rutile est aussi contenu dans des filons quartzeux de ce terrain, surtout dans les veines de quartz hyalin com- pacte. Il y forme parfois de g-ros cristaux disséminés et même on le trouve eng'ag'é en aig'uilles très-fines et très-Ion g*ues dans des cristaux de quartz hyalin transparents. Les filons contenant cette espèce renferment aussi g'énéralement du disthène. Ce dernier minéral est très-fréquemment disséminé dans les veines quartzeuses traversant ces terrains, surtout dans GÉOLOGIE DU BRÉSIL, 103 celles où le quartz se montre hyalin et compacte. Il s'y pré- sente sous la forme d'aig'uilles dispersées à la surface des quartz ou sous celle de petites masses interposées. Sa couleur est g'énéralement bleuâtre, quelquefois, mais rarement, jau- nâtre. Il se montre aussi accidentellement dans les g*neiss eux-mêmes et les micacites, surtout dans certains filons de g'neiss porphyroïdes et gTanitoïdes qui coupent les plans de stratification vers la base de l'étag-e, de la même manière que les filons semblables dans l'étag^e inférieur des g'neiss non métallifères. Le disthène apparaît aussi dans le voisinag'e de certains dykes dioritiques. Quelquefois il tombe en décom- position et laisse une matière pulvérulente jaunâtre. L'hydrate de fer épig-ène apparaît disséminé dans des cou- ches de quartz de cette rég'ion. Le fer oxydulé se présente en octaèdres non- seulement dans les chlorites, mais encore dans les couches minces de laïcités intercalées dans les g'neiss, ou reposant sur eux. On trouve alors souvent avec lui de nom- breux cristaux de pittizite ou sous-sulfate hydraté de pero- xyde de fer. Le quartz enfumé, d'ailleurs très-fréquent dans les filons aurifères où il forme souvent des nodules nombreux et cris- tallins noyés dans un quartzite g'renu saccharoïde blanc à g-rain très-fin, et qui compose, sous cette forme de grès g-lan- dulaire à g'ros g-rain, les filons de la ville de Pitang-uijde Roça- Grandeet d'une multitude d'autres points, se montre aussi en g'ros cristaux prismatiques pyramides dans des filons d'une arg'ile mag-nésienne, laquelle tantôt accompag'ne, tantôt coupe les plans de stratification. Il y est associé à des quartz hyalins jaunâtres en frag-ments et à des topazes jaunes et blanches, des tourmalines vertes ou noires, des euclases, du titane ru- tile et des cristaux isolés d'améthyste. Des nids d'une matière talqueuse blanche et pulvérulente renfermant des cristaux des mêmes substances existent aussi dans certaines parties des laïcités en contact avec les g'neiss. Ces matières parais- sent être le résultat de la décomposition de roches amphibo- liques, lesquelles auraient fait irruption dans les couches 104 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. en les brisant, et se seraient ensuite décomposées. Enfin des épidotes vertes se montrent quelquefois sur les ligmes de contact des g-neiss et des autres roches métamorphi- ques. Des filons ou mieux des dykes amphiboliques se font voir au reste sur divers points. A. Gattas-Altas, il existe un de ces dykes constitué par une amphibole fasciculaire verte et tra- versant les laïcités phylladiformes. Des dykes d'amphibolite brune et verte apparaissent aussi près d'Ouro-Preto, et l'as- beste se montre sous forme de veines dans les quartzites tal- cifères de Timbompeba, près d'Antonio-Pereira et d'Ouro- Preto. 45. — J'ai trouvé près de Sabarâ un filon de quartz inter- calé dans des talschistes phylladiens et contenant des veines d'amphibole asbestiforme mêlée de quartz fibreux. Cette am- phibole se présente sur une multitude de points dans un état de décomposition particulier, et elle forme une matière jaune avec l'apparence d'une limonite terreuse et ocreuse. L'état particulier de cette substance mérite d'appeler l'attention ; car, comme nous le verrons plus loin, il peut jeter un g*rand jour sur les phénomènes métamorphiques dont toute cette rég*ion porte des traces si profondes. En effet, la substance dont je parle, diffère de la limonite dans son essai chimique, parce que, tout en roug-issant et en se déshydratant, comme cette dernière, pour passer à l'état de peroxyde de fer anhydre, elle ne manifeste pas le phéno- mène de l'incandescence au moment de la déshydratation. De plus, elle n'est pas attaquée à froid par les acides les plus énerg-iques, et j'ai essayé en vain son séjour prolong-é pen- dant plusieurs jours dans les acides sulfurique, chlorhy- drique et nitrique, sans aucun résultat. Au contraire, dans les mêmes acides bouillants, elle se dissout entièrement et la solution ne donne que la réaction du fer, sans laisser aucun dépôt g-élatineux de silice. La substance en question est donc bien un oxyde de fer. C'est, de plus, un hydrate de peroxyde de fer, car elle donne de l'eau en la chauffant dans un tube. GÉOLOGIE DU BRÉSIL. lOS et par cette perte d'eau elle se transforme en peroxyde de fer anhydre. En pesant une certaine quantité de cette substance, et la déshydratant ensuite par l'action de la chaleur, j'ai constaté que la perte d'eau en poids était la moitié seulement de celle de la formule du peroxyde de fer monohydraté, lequel a reçu en minéralog*ie le nom de g-œthite. La formule de cette sub- stance est donc (Fe'-Oy-HO, et celle de la g^œthile est Fe20^H0. Les diverses variétés de limonites renferment toutes plus d'eau que la g^œthite. Par conséquent, la substance en ques- tion ne peut être classée dans les g^œlhiles ou les limonites, et elle forme un sous-hydrate de peroxyde de fer non sig-nalé jusqu'ici dans le règ-ne minéral. Toutefois ce sous-hydrate répondant à la formule (Fe-O'^HO a été produit dans le laboratoire par M. Pean de Saint-Gilles. Ce chimiste l'a obtenu en faisant bouillir plusieurs heures les hydrates de fer monohydratés, lesquels, se déshydratant par- tiellement, laissent un nouvel hydrate de fer avec deux fois moins d'eau. Or, ce nouvel hydrate présente précisément les caractères chimiques par lesquels mon attention fut appelée, c'est-à-dire la propriété de ne. pas devenir incandescent en se déshydratant, et celle de se dissoudre seulement dans les acides bouillants. Ce mode d'obtenir chimiquement la substance en question mérite en effet d'autant plus d'appeler l'attention, qu'une action de ce g*enre agissant sur des hydrates de fer est tout à fait admissible dans la nature. On n'aperçoit g'uère d'autre moyen par lequel la g-œthite ou la limonite, dans laquelle la substance amphibolique a dû d'abord se décomposer sous l'influence atmosphérique, aurait pu être ainsi déshydratée, puisque l'action atmosphérique n'ag-it pas comme déshydra- tante sur les peroxydes de fer. Dans le cas présent, l'action de l'eau bouillante, ag-issant par un contact prolong-é pour déshy- drater la substance, acquiert un certain degM^é de certitude, par suite de la disparition de la silice sur les points où la roche amphibohque montre cette décomposition. Or, la silice d06 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. n'a pu être dissoute que sous l'action d'une eau à tempéra- ture élevée et peu acide, sans quoi le fer aurait formé un sel et non pas un hydrate. Ici donc la décomposition de la substance amphibolique en question paraît avoir eu lieu sous l'influence d'eaux chaudes, et non sous celle de l'atmosphère, comme la décomposition actuelle des roches. C'est donc une indication d'action d'eaux thermales postérieure aux premières actions métamorphiques pendant lesquelles la substance s'est d'abord primitivement déposée sous son aspect fibreux. Après avoir reconnu l'existence de la substance (Fe^O^/HO sur ce point, je l'ai trouvée ég-alement sur divers autres, non- seulement en nid dans des filons quartzeux, mais encore dans une condition fort différente, c'est-à-dire dans un filon calcaire g-alénifère àSete-Lag-oas. Ce filon contient des parties calcaires cristallisées, colorées en brun clair. Si on les dis- sout dans l'acide nitrique ou dans tout autre acide, il reste pour résidu une poudre insoluble, jaune orang'é. Cette poudre est la substance en question dont elle manifeste toutes les réactions. Cette substance , qui n'avait pas été jusqu'ici sig"nalée dans le règ-ne minéral, se présente donc dans des conditions assez variées dans la province de Minas-Geraes du Brésil, et elle y indique une action d'eaux thermales posté- rieure au premier métamorphisme g-énéral du sol , laquelle action a dû contribuer de nouveau à aug'menter encore sur une multitude de points le caractère profondément méta- morphique de cette rég'ion. Je proposerai d'appeler cette nou- velle espèce minérale du nom de sabariie, nom rappelant celui de la localité où je l'ai d'abord découverte. 46. — La considération des particularités présentées par le filon de quartz avec veines d'amphibole asbestiforme dont je viens de parler, va nous servir, au reste, à reconnaître dans cette région l'ancienne existence d'une série d'actions métamorphiques successives. D'abord le filon quartzeux dans lequel ces veines d'amphi- bole se montrent ainsi, n'est pas une couche de quartzite r.ÉOLOGIE DU BRÉSIL. i07 gTenu, mais bien un filon de quartz hyalin compacte. Il ap- partient à cette série de veines et fdons, g-énéralement non aurifères ou du moins contenant très-peu d'or, indiqués pré- cédemment comme existant dans cette rég'ion à côté des g'rands filons de quartzites métallifères et aurifères; et ces filons non aurifères, d'après ce que nous avons vu, paraissent provenir d'une sorte de sécrétion des roches encaissantes, sous l'influence d'eaux thermales. La forme de ce filon, d'ail- leurs, présente complètement le caractère de filon de rem- plissag-e. Il se moule sur les roches encaissantes, lesquelles sont très-plissées et contournées en ce point, et donnent lieu à des renflements et amincissements successifs du filon. Ainsi donc ce filon est postérieur à la série des actions par lesquelles les couches ont été relevées, séparées, plissées et contour- nées; et si nous considérons ce déplacement des couches comme répondant au moins à une seule et première action métamorphique, il est clair que l'introduction du quartz a déjà eu lieu lors d'une seconde action par laquelle des eaux chaudes ont ag'i sur ces couches soulevées. D'un autre côté, la matière amphibolique se présente en veines disséminées dans ce filon quartzeux, et elle paraît avoir achevé de remplir les vides. Il y a donc lieu de supposer l'in- troduction de cette matière amphibolique postérieurement à celle du quartz, d'autant plus que les roches amphiboliques sont ordinairement des matières éruptives et ne paraissent pas, comme le quartz, être apportées par v^oie de dissolu- tion dans l'eau. Par conséquent, on doit probablement con- sidérer la matière amphibolique comme injectée à l'état de fusion, ou au moins à l'état pâteux, dans les fissures du quartz. Il est impossible de la reg'arder comme introduite simultanément avec ce dernier; car, dans ce cas, elle aurait été plus intimement mêlée avec lui, tandis que des parties assez épaisses de quartz séparent la plupart des veines am- phiboliques des murailles du filon. Donc l'introduction de l'amphibole constitue une troisième action, de nature à avoir ag'i sur les roches pour les métamorphoser. 108 GEOLOGIE DU BRÉSIL. Mais l'état asbestiforme dans les amphiboles n'est pas leur état primitif. Cette forme semble être, au contraire, le résultat d'une modification de la roche postérieurement à sa formation. Or, dans le cas présent, la chose est encore plus certaine cjue dans les circonstances où l'on trouve ordinaire- ment ces substances asbestiformes , car l'asbeste en question est mêlée de quartz fibreux, surtout sur les points où elle est le moins décomposée; et cet état fibreux, incontestablement, n'est pas celui qu'aurait pu prendre une amphibole injectée à l'état pâteux par une chaleur sèche ou sous l'influence simultanée de l'eau et de la chaleur. Donc ici, sans aucun doute, la matière amphibolique n'est pas dans son état pri- mitif, mais elle a été injectée de quartz postérieurement à son apport. Ce quartz a dû être apporté par des eaux très-sili- ceuses, lesquelles auraient alors transformé l'amphibole en asbeste, et déposé en même temps du quartz fibreux entre les filaments de cette substance. La transformation de l'am- phibole en asbeste injecté de quartz fibreux représente donc alors sur ce même point une quatrième action de nature métamorphique. D'un autre côté, une substance ne se décompose pas dans les conditions mêmes où elle se forme : donc l'asbeste n'a pu être décomposée en sabarite par l'action des eaux siliceuses qui l'ont injectée de quartz. Ce dernier effet a dû être le ré- sultat de l'action d'eaux chaudes assez peu siliceuses pour dissoudre la silice au lieu de la déposer, et celles-ci ont en- levé à l'amphibole la silice et les diverses bases qui accom- pag-naient le fer. Donc cette transformation partielle de l'amphibole en sabarite représente une cinquième action mé- tamorphique sur le point en question. L'état si profondément cristallin du sol du Brésil, la dis- parition presque complète des fossiles antérieurs à l'époque quaternaire, disparition efFectuée sur une immense surface, sont des faits bien difficiles à expliquer, en supposant dans ces rég-ions une seule action métamorphique. Mais, du mo- ment où sur certains points on peut, comme nous venons de GÉOLOGIK DU BRÉSIL. 109 le faire, constater que ce sol a été soumis, à des époques variées, à une série de circonstances propres au métamor- phisme, ces faits se conçoivent plus facilement. Sans ad- mettre pour toutes les rég-ions l'existence des cinq actions métamorphiques dont je viens de parler, il est clair qu'il n'a g"uère pu exister de points où l'une d'elles au moins ne se soit fait sentir, et, par là, l'état cristallin de la surfiace presque totale se conçoit aisément. 47. — De même que nous avons vu des filons et des dykes gTanitiques, dioritiques, euritiques ou porphyroïdes, se mon- trer dans l'étag-e inférieur des g'neiss non métallifères, de même des filons g'ranitiques, mais surtout des filons de roches pyroïdes, notamment de diorites, eurites, ou aphanites, se montrent dans l'étag'e des g^neiss supérieurs métallifères. Les diorites y afTectent même assez fréquemment le caractère d'épanchement en nappes. Elles se présentent, au reste, avec des caractères variés. Quelquefois elles sont à structure gTa- nitoïde, mais le plus souvent leur structure est porphyroïde. Je serais porté à considérer les diorites g'ranitoïdes comme des diorites ultérieurement devenues plus cristallines sous l'influence d'actions métamorphiques, peut-être sous celle d'eaux thermales. Quoi qu'il en soit, les diorites forment des couches très- puissantes dans la partie supérieure du bord de la Manti- queira. Elles y montrent, près de Nascimento, comme l'a fort bien remarqué M. Pissis, deux variétés principales, l'une noirâtre, l'autre d'un vert jaunâtre et composée de feldspath blanc et d'actinote verte. On trouve souvent ces deux variétés en couches superposées et alternant. Leur inclinaison vers le nord est faible, et elles semblent s'être étendues en nappes à la surface. Toutefois elles paraissent avoir été relevées de- puis leur dépôt, car sur quelques points l'inclinaison de ces nappes atteint jusqu'à 30 deg'rés, et sous de pareils ang-les elles auraient formé plutôt des coulées que des nappes. Elles ont été amenées par de g-rands filons courant sensiblement dans la direction perpendiculaire au méridien, comme j'ai no GEOLOGIE DU BRESIL. pu le constater sur une coupe du sol. En quelques points de la Serra l'épaisseur de leurs couches dépasse 40 mètres. M. Pissis dit même les avoir vues avec le double de cette épaisseur. Ce dernier g-éolog*ue a ég-alement observé des filons de diorite sans délit dans la partie sud de la chaîne, c'est-à-dire dans la province de S. Paulo, et aussi des mame- lons fournis par la même roche. « Les parties de g-ranite, ajoute-t-il, qui se trouvent en contact avec ces diorites sont altérées sur une assez g'rande épaisseur, et transformées en une arg'ile roug^e offrant de nombreuses fissures dont les surfaces sont tapissées de dendrides d'oxyde de man- g-anèse. » Dans toute la zone occupée par les strates redressées des g-neiss métallifères supérieurs, on rencontre souvent des blocs de diorite tantôt g-ranitoïde, tantôt porphyroïde. Ils paraissent avoir été injectés entre les strates des g^neiss, et forment quelquefois des lig^nes superficielles comme lesblocs quartzeux appelés batatas dont j'ai déjà parlé, en accusant ainsi des filons ou des dykes inférieurs, composés dans ce cas de la même diorite. Ces roches, d'ailleurs très-dures et sans délit, sont appelées pedras de ferro par les habitants du pays. D'autres fois les dykes dioritiques coupent complètement les plans de stratification, et on trouve accidentellement, surtout vers la partie inférieure de l'étag^e, des filons gTanitoïdes offrant le même caractère. Quelques filons et dykes de syénite se font voir ég-alemenl. Près de Gaethé, sous les serpentines, existent des dykes con- sidérables de cette roche. Des filons euritiques, parfois trans- formés en argûlolithe, se font ég'alement remarquer sur di- vers points, notamment dans la base deTétag-e; ils existent toutefois aussi dans la partie supérieure, mais en moindre nombre. Certains dykes argnleux, coupant les plans de stratification et composés d'une arg'ile ferrug-ineuse, traversent ég'alement les couches. En certains points, cette matière s'est épanchée en nappe sur le sol, indiquant par là qu'elle a coulé à la GÉOLOr.IE DU BRESIL. IH surface; les nappes sont d'ailleurs en relation avec les dykes par lesquels la matière a été amenée. Ces substances pa- raissent provenir de la décomposition d'anciens trapps ou peut-être de certaines diorites. Parfois elles sont fortement colorées en noir par le mang-anèse et renferment de la chlorite. Près de Marianna et d'Antonio-Pereira, se trouvent des fdons de cette nature ég'alement épanchés en nappes à la surface, après avoir traversé les couches. En g*énéral, dans le voisinag-e des diorites, les roches sont altérées, et souvent plus décomposées postérieurement par l'action atmosphérique qu'à une distance de quelques mètres de ces substances. Ces roches, et aussi les autres roches am- phiboliques ettrappéennes antérieurement citées, et les dykes d'arg-ile chloriteuse, lesquels constituent le gisement prin- cipal de la topaze ou mines de cette substance, montrent en somme une action métamorphique notable exercée sur les roches du voisinag*e. Dans la partie orientale de la Serra do Mar, du côté de la chaîne das Goitacazas, comme nous l'avons déjà dit, la nature du sol semblerait indiquer l'existence des g-neiss supé- rieurs métallifères. La présence de l'or dans le lit des ri- vières, et dans les dépôts de cailloux roulés de Cantag-allo, se trouve en faveur de cette manière de voir. A ce sujet, je ne puis me dispenser de citer une observation faite dans cette rég'ion par M. Pissis. Il y a observé des diorites formant une espèce de cirque autour de la petite plaine où coule le Rio das Beng-alas, affluent du Rio Grande. « On y rencontre, dit-il, des dioritines qui se délitent en couches concentri- ques, à la manière de certains basaltes des anciens volcans de France. » Ce dernier caractère et la forme en cirque ouvert d'un côté pourraient assez bien faire supposer en ce point un ancien cratère. Des g-rèsporphyroïdes redressés constituent la base contre laquelle s'appuient ces dioritines. Ils sont for- tement inclinés et forment une série de pics aig-us sur le contour de ce cirque. La dénudation a sans doute enlevé la plupart des traces de cette ancienne action volcanique. D'à- 112 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. près M. Pissis, des diorites stratiformes, et par conséquent résultat d'un épanchement sous forme de nappes, se mon- trent aussi vers l'extrémité occidentale de la vallée de ce même Rio Grande, affluent de la Parahyba, et elles y forment une couche de 6 à 8 mètres d'épaisseur subordonnée à des lep- tinites, et contenant des pyrites et surtout beaucoup de fer oxydulé disséminé en petits gTains. La nature de ces éruptions dioritiques, présentant tant de ressemblance avec celles que nous venons de sig^naler dans l'étag'e des g^neiss métallifères supérieurs, doit tendre à les faire reg'arder comme contemporaines de celles-ci. Elles ont donc dû y produire des fractures et des redressements aux mêmes époques, et par conséquent elles ont favorisé la for- mation ultérieure de filons métallifères identiques. Au reste, ces roches, dont l'action pour briser et soulever les terrains plus anciens est manifeste, ont elles-mêmes des relations avec l'introduction de certaines espèces métalliques ou de certaines g'cmmes cristallisées, telles que les topazes. Nous venons de voir les diorites épanchées sur les g-neiss supérieurs. Par conséquent elles sont postérieures aux dépôts de ceux-ci. Elles se montrent au reste encore dans l'étag'e métamorphique su- périeur à ces g'neiss eux-mêmes, et par conséquent aussi elles lui sont postérieures. Leur aspect décrit par M. Pissis, près du Rio das Reng^alas, ne permet g-uère, au reste, de leur attribuer une très-haute antiquité. Je ne dois pas nég^ig'er de mentionner ici que du soufre natif m'a été donné comme provenant de la Serra d'Espi- nhaço. M. Burton le sig-nale aussi au pic d'Itatiaia, dans la Mantiqueira, où, dit-il, existeraient deux anciens cratères. Je n'ai pas vu ce pic, mais j'ai constaté la présence de l'amphi- bole en cristaux dans les fragniients de ses roches^ rapportés par M. Glaziou, et cela me fait croire à la présence de dykes ou de filons dioritiques dans le voisinag-e. Quelques carac- tères analog^ues à ceux de la vallée du Rio das Beng^alas peuvent sans doute exister sur ce point, mais on manque à cet ég'ard d'observations précises. GÉOLOGIE DU BRESIL. H3 48. — Enfin, en terminant cet aperçu g-énéral sur l'étag-e des g-neiss supérieurs, il importe d'appeler l'attention sur les nombreuses cavernes creusées dans quelques puissantes cou- ches de calcaires cristallins, intercalés dans cette zone et dont les couches sont fortement redressées. Des cavernes de ce g-enre existent à Garandahy, où je les ai visitées. Il y en a ég*alement près de San-Joaô-d'El-Rey, et on m'en a sig'nalé dans la Serra d'Ibitipoca. Nous retrouverons ces cavernes en beaucoup plus g-rand nombre dans des terrains supérieurs aux gMieiss, et alors nous exposerons nos observations au sujet de la cause par laquelle elles ont été produites. Nous parlerons en même temps de leur remplissag^e et des nom- breux ossements de la faune quaternaire qu'elles ont con- servés au milieu du terrain de transport répandu sur leur sol. 49. — La puissance réelle de l'étag-e des g-neiss métalli- fères supérieurs ne me paraît pas pouvoir être estimée à moins de 2000 mètres, car j'ai pu observer des concordances de stratification sur près de 3000 mètres d'étendue dans des couches redressées sous des inclinaisons de 30 à 45 deg'rés, La g-rande bande calcaire de Garandahy paraît y exister dans la partie supérieure, aux deux tiers de la hauteur à partir des couches les plus profondes. Il en est de même des cal- caires voisins de l'Ibitipoca. 114 GEOLOGIE DU BRÉSIL. IV ROCHES MÉTAMORPHIQUES REPOSANT SUR LES GNEISS Division de ces roches en deux étages. — Étage inférieur ou des talcites. — Descrip- tion des diverses variétés d'itacolumite et d'itubirite. — Gisements aurifères de cet étage. — Nature de la jacutinga. — Calcaires suboidonnés aux ilacokunites et ita- birites. — Étage supérieur ou phylladique. — Relation des deux étages de roches métamorphiques avec les dépôts hoiizontaux du grand plateau central du Biésil. 50. — Les roches métamorphiques reposant sur les g-neiss supérieurs se composent de couches très-puissantes de tal- cites, de quartzitestalcifères schistoïdesou itacolumites, d'ita- birites, de calcaires, de phyllades et d'anag'énites. Elles peu- vent être considérées comme composant deux étag-es : l'inférieur, métallifère, est constitué parles talcites, les ita- columites et les itabirites, et contient des couches calcaires subordonnées; le second, non métallifère, est formé par les phyllades et les anag'énites. Ces deux élagues se montrent le plus souvent en stratification concordante; cependant cette concordance est souvent loin d'être parfaite, comme je l'ai re- marqué aux environs d'Ouro-Preto, dans mon dernier A'oyag-e. 51. — Les talcites ou schistes talqueux que nous avons vus se présenter et alterner avec les g^neiss dans la partie supé- (lEOLOGIE DU BRÉSIL. Ho rieure des g'neiss métallifères où ils forment des couches puis- santes, constituent la base de l'étag'e métallifère inférieur et y deviennent totalement prédominants. Comme Fétag'e des g'neiss métallifères sur lequel ils reposent, ils se mon- trent traversés par de nombreux bancs ou couches de quartzites g*renus métallifères, présentant les caractères de filons antérieurement définis; mais leurs couches n'alternent plus avec les g-neiss, car ceux-ci ont totalement disparu, et, en outre, les talcites en question sont moins compactes et plus phylladiformes que les talcites que nous avons vus alter- ner avec les g'neiss dans la partie supérieure de l'étag-e de ces derniers. Leurs couleurs aussi sont plus variées : leroug-e ou le jaune plus ou moins foncés, et le g'ris verdâtre ou bleuâtre sont leurs teintes les plus habituelles. Les variétés roug-es et jaunes sont ordinairement tendres, ainsi que beau- coup de variétés grises. Toutefois, parmi ces dernières, il en existe de très-dures. Les diverses couleurs et les varié- tés de dureté alternent souvent entre elles. Dans la Serra d'Ouro-Branco , on voit des talcites roug*e-tendre alterner avec une variété g'rise très-dure et qui montre, interposées entre les feuillets, des aig'uilles de disthène en faisceaux sou- vent rayonnant autour d'un centre. Sur certains points, on trouve de ces talcites fortement colorés en noir par l'acer- dèse. D'autres présentent une teinte brune ferrug-ineuse, et l'on voit quelquefois une série de lits ou couches de ces tal- cites phylladiformes de toutes couleurs alterner avec d'autres talcites plus compactes et g*rossièrement schistoïdes, et par- fois même contenir des couches de talc ollaire ou de novacu- lite. C'est surtout dans le voisinag-e des itabirites que les talcites se charg'ent de fer, et on en voit dans ce cas qui sont imprég'nés de fer oligûste. D'autres se charg'ent de quartz en passant au talschiste, et ce cas n'est pas rare dans le voisi- nag-e de quartzites talcifères. 11 est impossible, au reste, d'établir un ordre g-énéral de superposition pour toutes ces variétés, qui se trouvent souvent mêlées en nombre énorme sur le même point, tandis que, dans d'autres localités, une jl(i GÉOLOGIE DU BRESIL. seule variété domine parfois dans une épaisse zone de couclies. 52. — Dans la majeure partie des cas, il est difficile d'éta- blir une limite de séparation bien nette et bien marquée entre ces talcites et Tétag-e des g-neiss métallifères , surtout dans certaines localités où de puissantes couches de talcites ou de talschistes alternent avec les gnieiss supérieurs. Cette parti- cularité, jointe à la concordance des stratifications, autoriserait sans nul doute à considérer les talcites en question comme la partie supérieure de l'étag'e des g-neiss; d'autant plus que les couches de quartzites subordonnés et constituant des filons métallifères dans ces deux terrains sont identiques et pré- sentent réellement les mêmes caractères. Sous ce rapport, je ne me dissimule pas qu'il y a un peu d'arbitraire à séparer les talcites en question et l'étag'e des g-neiss métallifères sur lequel ils reposent; mais, quand on considère la puissance considérable de ces talcites et leur aspect si complètement phylladi forme, on ne peut refuser d'admettre que leur dépôt a exig'é un temps excessivement long* et représente dans l'his- toire g-éog-énique du Brésil une période d'une durée considé- rable et postérieure à celle des g-neiss. Une période de calme paraît toutefois avoir existé dans les réglions où j'ai observé ces deux formations, et, à cause de cela, on les voit se sub- stituer progTcssi vement, passer même plusieurs fois du carac- tère de l'un des dépôts à celui de l'autre. Les deux g-roupes sont assez différents cependant, si on les considère un peu loin de leur point de contact, pour ne pouvoir être confondus et pour contraindre à admettre que, dans la long-ue période de calme en question, des modifications assez profondes ont dû avoir lieu dans la nature des dépôts successifs; il ne serait donc pas surprenant que, dans d'autres points du Bré- sil, on parvînt à constater des mouvements importants du sol entre les deux périodes, et par suite des différences de stratification entre l'étag'e des g'neiss métallifères proprement dits et celui des talcites métallifères supérieurs. 53. — Ce que nous avons dit au sujet des couches de GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 117 quartzites transformés en filons métallifères dans les g'neiss est complètement applicable aux couches identiques, mais en beaucoup plus g^^and nombre, qu'on rencontre dans les tal- cites. Toutefois dans ceux-ci la puissance de ces couches est souvent beaucoup plus considérable ; et à ce terrain appar- tiennent surtout les puissantes strates dont nous avons parlé. En revanche, les filons de quartz compacte non métal- lifères y sont beaucoup moins nombreux et se réduisent g'énéralement à de simples veines. En outre, surtout vers la partie supérieure de l'étag^e des laïcités, le talc se montre en plus g*rande proportion dans les quartzites. Il finit par dominer dans des couches épaisses de quartzites, lesquelles deviennent totalement schisteuses à la partie supérieure des laïcités en question , et ces couches constituent alors la roche nommée itacolmnite , avec sa variété appelée qrès flexible. Quand le quartz devient ainsi totalement schisteux, et quand le talc arrive à y former des zones tout à fait conti- nues, au lieu de paillettes disséminées dans la masse, il cesse complètement d'être aurifère. Mais si le dépôt est épais, d'autres filons quartzeux dénués de talc, et contenant des tourmalines et du mispickel aurifère, le traversent suivant le plan de la stratification. Ces filons, peu épais et formés de quartz hyalin compacte servant de g-ang^ue aux tourmalines et au mispickel, sont évidemment des filons de remplissag*e, comme on le reconnaît par les irrég^ilaritès de leurs faces se moulant sur les couches contournées des quartz talcifères encaissants. Ce remplissag^e a sans doute été opéré par des eaux siliceuses venant de bas en haut dans les failles ouvertes dans les couches solides des quartzites talqueux et fortement schisteux, à moins peut-être que ce quartz n'ait été injecté à l'état pâteux. Quoi qu'il en soit, les vrais itacolumites, ou quartz très-schisteux et très-charg'és de talc, ne se sont pas comportés comme les quartzites friables et simplement g're- nus, ou g-rossièrement schistoïdes, dont la masse s'est im- prég'née de substance métallique en même temps que les o;-sV^ •^ . , 8 R A W H8 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. fractures se remplissaient de veines de quartz hyalin et de minéraux cristallisés. Une particularité assez remarquable est la présence, dans les couches épaisses de quartzites schisteux reposant sur les talcites, d'autres filons quartzeux coupant leurs plans de stra- tification. Ces filons, aussi bien que les itacolumites traversés par eux, sont dénués de substances minérales ; et dans leur voisinag^e il n'est pas rare de voir les itacolumites contenir, interposées dans leur masse, des lames minces et parfois assez épaisses de talc d'un vert intense. L'absence de substances métallifères dans ces filons, et la présence, au contraire, de ces mêmes substances et aussi celle de la tourmaline dans beaucoup de filons parallèles aux plans de stratification, indi- quent évidemment que ces deux sortes de filons n'ont pas été remplis simultanément. Sans nul doute, les premiers sont les plus anciens; car, près d'Ouro-Preto, dans une excava- tion faite pour attaquer un filon aurifère de quartz, tour- maline et mispickel, j'ai vu un des filons quartzeux stériles en question déjeté par le filon métallifère. Les filons à veines stériles de quartz, qui traversent les itacolumites dans diverses directions, et se prolong'ent parfois dans les talcites ou les itabirites au milieu desquels se montrent les couches de cette roche, me paraissent donc antérieurs aux fractures suivant les plans de stratification ; et probablement ils sont contem- porains de l'action métamorphique en vertu de laquelle les quartzites se sont charg-és de talc en devenant schistoïdes, ou au moins ils sont peu consécutifs à cette action, qui dès lors se serait exercée avant le dernier redressement des couches. De nouvelles fractures, suivant les plans de stratification, se sont opérées ensuite, lors de ce dernier redressement, parce que la flexibilité g'énérale de la roche, après ce métamor- phisme, a rendu la rupture suivant ces plans plus facile que dans d'autres directions; et en même temps les bancs de talc interposés constituaient un obstacle à l'imprég'nation g-énérale de la masse par les substances métallifères intro- duites dans ces nouvelles failles, et oblig^eaient le minerai GÉOLOGIE l)i; BRÉSIL. ii9 à s'accumuler dans les filons de remplissag'e de ces frac- tures. 54. — L'ilacolumite, type de l'espèce, et dont le nom est emprunté au pic de l'Itacolumi, près d'Ouro-Preto, parce f[ue cette roche se présente à la base de ce pic, offre une structure schistoïde très-prononcée et permettant de la diviser en plaques très-minces. Elle est essentiellement composée de quartz et de talc. Ces deux substances y forment des lits ou lames continues extrêmement minces et alternant entre elles. Le quartz, toutefois, y est à l'état arénoïde, mais la conti- nuité parfaite des lits talqueux est la cause permettant la divi- sion de la roche en lames minces. Généralement, les g-rains de quartz sont d'une finesse extrême et très-blancs, et c'est là le caractère g-énéral des couches un peu puissantes d'itacolu- mite. Le talc s'y présente en même temps avec un éclat nacré très-vif, et ég^alement une couleur blanc-verdâtre très-pâle, souvent presque blanche, parfois avec de largues taches rou- g^eâtres provenant d'une petite quantité de peroxyde roug'e de fer terreux, lequel s'est interposé entre les lames de clivag-e. Il existe toutefois quelques variétés dans la g'rosseur des g-rains de quartz et dans la coloration; et des couches à gTain un peu plus gTOs, tantôt blanc, tantôt lég'èrement roug^eâtre ou brunâtre, sont intercalées au milieu des couches à g*rain fin. Celles-ci aussi se colorent parfois. Elles renferment alors des hydrates de mang^anèse ou de fer déposés sur les g^rains de quartz et leur donnant des teintes jaunâtres ou brunes. L'itacolumite type, telle que je viens de le décrire, a été souvent désig-né aussi sous le nom de g'rès flexible, à cause de la flexibilité très-remarquable des lames minces dans les- quelles il se divise. Cette g-rande flexibilité toutefois appar- tient seulement aux parties exposées à l'influence atmosphé- rique, et résulte d'une désag'rég'ation des g-rains de quartz, lesquels acquièrent ainsi une certaine liberté de jeu entre les lames de talc qui les enferment, et auxquels la majeure partie des gTains restent soudés. Les variétés à gTainsun peu g*ros sont celles où la flexibilité est le plus notable. 120 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. L'itacolumite type n'est donc, en réalité, qu'un talcscliiste, correspondant, à part la substitution du talc au mica, au micaschiste proprement dit, sauf la continuité des couches de talc; car cette continuité est plus g-rande et plus parfaite que celles des couches de mica du micaschiste, où cette der- nière substance reste en paillettes superposées, et, tout en formant des lits alternant avec ceux du quartz, ne constitue pas ordinairement de g'randes lames continues, semblables aux lits talqueux de l'itacolumite. Mais dans les micaschistes, la rég-ularité des lits alternants de quartz et de mica est purement accidentelle ; et de même que, par la diminution considérable de la proportion du dernier de ces éléments, nous voyons les micaschistes passer à l'état de quartzite schisteux, dans lequel l'interposition d'une faible proportion de mica dans les plans de stratifica- tion rappelle seulement les lits alors presque effacés de mica de l'espèce type; de même que cette stratification devient plus indistincte et plus confuse avec cette disparition de l'é- lément lamelleux, et que celui-ci arrive aussi parfois à se trouver réparti dans la masse dont la structure devient plus glandulaire : de même, nous voyons les itacolumites types passer par la diminution de proportion de leur élément tal- queux à des quartzites stratifiés, à stratification plus ou moins confuse, et à texture tantôt finement g-renue et saccharoide, tantôt g*landulaire, remplis de fines lamelles de talc disper- sées tantôt sur le joint d'une stratification mal définie, tantôt dans la masse elle-même. En somme, on peut observer un passage progressif et graduel depuis les itacolumites schis- teux les plus nettement cristallisés jusqu'aux quartzites gre- nus et friables à structure saccharoïde ou arénoïde et les plus complètement dépourvus de talc; et ensuite on peut suivre un passage depuis ceux-ci jusqu'aux quartzites glandulaires formés de quartz saccharoïde à grain fin, contenant soit de nombreux nodules de quartz noir enfumé, soit même des g^rès à gros grains de ce dernier quartz réunis par un quart- zite blanc à grain fin saccharoïde; lesquels quartzites plus GÉOLOGIE nu BRÉSIL. d21 OU moins dépourvus de talc constituent, avec le caractère de (lion précédemment indiqué, des couches métallifères et au- rifères dans les talcites de l'étag-e dont nous nous occupons, comme dans celui des g^neiss métallifères sur lequel il repose. Ajoutons à cette diminution progTCSsive du talc propre- ment dit sa substitution par les chlorites, lesquelles souvent deviennent prédominantes et parfois le remplacent tout à fait. Dans ces quartzites cbloriteux qui, eux aussi, par la diminution des chlorites, passent aux quartz saccharoïdes à gTain fin et aux quartzites g-landulaires dont nous venons de parler, la stratification n'a plus la netteté de celle de l'itaco- lumite type; ou du moins la roche n'est plus formée en g*é- néral de couches alternatives de quartz arénoïde et de chlo- rite formant de grandes lames comme le talc de l'itacolumite type. La chlorite se trouve sous forme de paillettes, comme le mica du micaschiste, et elle est intimement mélang'ée avec le quartz, en donnant à la masse un caractère soyeux avec une structure schisteuse, tantôt très-prononcée, tantôt pres- que entièrement effacée même dans des variétés très-riches en chlorite. Ces roches sont g-énéralement blanches ou gTis- bleuâtre; d'autres fois elles sont, comme l'itacolumite type, colorées en jaune, en rose, en brun ou en ferrug'ineux par les oxydes et les hydrates de fer ou de mang-anèse ; d'autres fois encore elles se montrent verdâtres ou rosées, parce que la chlorite prend elle-même une de ces teintes, comme le talc associé à elle. Enfin des éléments feldspathiques ou terreux se joignent souvent à ces diverses roches, et accidentellement on y trouve des g-renats qui leur donnent un aspect g^landulaire. Près des itabirites, on voit encore le peroxyde de fer en pail- lettes, ou fer oligûste spéculaire, se substituer plus ou moins à une partie du talc ou des chlorites. Parfois des micas blancs magnésiens apparaissent aussi mêlés à toutes ces sub- stances. La série complète de toutes ces transformations des quart- zites talqueux et cbloriteux ou micacés les uns dans les 122 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. autres, et de ceux-ci à partir de l'itacolumite type jusqu'aux quartzites dépourvus de tout mélang-e de minéraux foliacés, est très-facile à établir avec une série de spécimens, recueillis dans les diverses couches de quartzites interposés dans les couches des talcites ou schistes talqueux de toute la partie in- férieure de l'étag-e métamorphique métallifère que nous con- sidérons, ou bien dans les quartzites superposés à ces talcites. Mais ordinairement la série de ces passag*es, du moins entre ses deux limites extrêmes, ne s'observe pas facilement sur place dans une même couche, ni même dans un même groupe de couches superposées dans un champ restreint. En g*énéral une même couche ou un même g-roupe de couches présentent un caractère uniforme sur une vaste extension ; et tandis que les quartzites peu ou faiblement talqueux et chloriteux se font voir déjà dans les couches inférieures et moyennes des talcites, comme dans les g*neiss métallifères, et y montrent la même tendance à se charg-er des mêmes substances métalliques, surtout de pyrites et d'or, les quart- zites très-fortement schisteux et très-charg'és de talc ou de chlorite, n'existent, au contraire, que dans les couches supé- rieures de ces talcites. Ils s'y montrent parfois en petites couches subordonnées, mais surtout à leur surface ou bien entre ces talcites et une puissante formation calcaire reposant sur eux. Ils cessent d'être aurifères par eux-mêmes, toutes les fois qu'ils sont ainsi fortement talqueux ou chloriteux, et l'or, les pyrites et les tourmalines se réunissent alors dans des fdons quartzeux spéciaux, constituant le remplissag^e de failles suivant la stratification g-énérale. 53. — Les couches supérieures de l'étag'e des talcites sont donc recouvertes par l'itacolumite type ou plus exactement, pour comprendre un certain deg'ré de variation de celte espèce litholog'ique, par un puissant dépôt de quartzites schisteux fortement talqueux ou chloriteux, traversés par des filons de quartz compacte et hyalin, les uns stériles, les autres aurifères, pyriteux et tourmalifères. Quoique, litholo- g-iquement, il existe entre les quartzites schisteux en ques- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. d23 tioii et les quartzites schistoïdes qui composent des fdons métallifères du caractère que nous avons précédemment ex- posé, une série de transitions par lesquelles ces derniers se rattachent à l'itacolumite proprement dit, ils s'en séparent toutefois par leur caractère de filons spéciaux métallifères, par l'abondance beaucoup moins grande du talc et des chlorites, et aussi par leur présence dans les couches inférieures des talcites et jusque dans les g-neiss supérieurs. Sur des points éloig'nés, on voit toutefois les deux systèmes de quartzites occuper la même position stratigraphique et g-éologûque au-dessus des talcites, ou entre ceux-ci et les calcaires ou les itabirites. Ainsi la puissante couche des quartzites auri- fères de Pappa-Farinha, près de Sabarâ, repose sur les tal- cites de la même manière que les itacolumites types d'Ouro- Preto. Quoique appartenant au même gu^oupe de couches que ces dernières, ces quartzites ont échappé à la puissante action métamorphique par laquelle celles-ci ont été impré- g-nées de talc, avant leur redressement, et ils se sont laissé pénétrer dans toute leur masse par l'or, les pyrites et les cris- tallisations de quartz, contrairement aux itacolumites vraies, lesquelles ont maintenu ces substances dans des failles spé- ciales, et ne sont pas devenues métallifères par elles-mêmes. Il est en outre très-remarquable de voir que partout où le talc et les chlorites deviennent très-abondants dans les quart- zites, l'or et les pyrites s'y montrent en moindre quantité, même quand la structure schisteuse est peu prononcée par suite du mélang-e des parcelles chloriteuses dans la masse. Des quartzites mieux stratifiés, mais avec moins de talc et de chlorite, renferment plutôt les substances métalliques, que les quartzites moins bien stratifiés et plus chloriteux. Au contraire, quand les couches d'itacolumite passent au quart- zite par une diminution notable de la proportion de leurs minéraux foliacés, elles deviennent souvent un peu aurifères, et il n'est pas rare de les voir alors se transformer en filons de l'aspect précédemment décrit. 56. — Mais la modification la plus notable de l'itacolumite i24 GEOLOGIE DU BRÉSIL. est sa transformation en itabirite, par la substitution du fer olig'iste spéculaire au talc et aux chlorites. L'itabirite se montre surtout dans la partie supérieure de l'étag^e des ita- columites; et on peut dire que ces deux roches réunies cons- tituent un étag-e ou gToupe puissant superposé aux talcites, et dans lequel apparaissent subordonnés d'épais bancs de cal- caire continus parfois sur une extension de plusieurs lieues. On constate, dans ces calcaires métamorphiques, deux couches très -puissantes séparées par une couche de quartzites et d'ita- birites d'une épaisseur variable de iOO à 200 mètres, la- quelle contient parfois des lits calcaires plus minces, et aussi des roches arg'ileuses et schistoïdes de diverses natures. Ces bancs ont une épaisseur qui varie de 10 à 30 ou 40 mètres, et sont percés de nombreuses g*rottesou crevasses. La couche des calcaires inférieurs est la plus continue. Elle se montre entre les itacolumites et les itabirites près d'Ouro-Preto, d'Antonio-Pereira et d'une multitude d'autres points. On la retrouve à Gong^o-Socco, entièrement intercalée dans les itabirites; et à partir de ce point vers l'est, son bord redressé, dénudé et percé de nombreuses cavernes, se fait voir d'une manière continue à mi-côte de la série des collines se diri- g'eant au nord de San-Joaô-de-Morro-Grande et bien au-delà de ce point. Dans cette long-ue série, les itabirites se trouvent remplacés par des quartzites. Sur le versant sud de la Serra da Piedade, comme sur la rive droite du Rio dasVelhas, à l'ouest de Sahara, et, en face de ce point, dans le Serra do Curral, la même couche calcaire se montre aussi au milieu des itabirites. Du côté de Pitang^ui, j'ai vu ég'alement ces mêmes calcaires tantôt séparant les itabirites et les quartzites, tantôt intercalés dans les unes ou les autres de ces roches, et celles-ci, à leur tour alternant entre elles. En un mot, l'ensemble de mes recherches m'a appris qu'en réalité le g-roupe réuni des ita- columites et des itabirites constitue un étag-e reposant sur les talcites, et divisé en deux parties à peu près ég'ales par une couche puissante de calcaires. Une autre couche, de même nature et souvent puissante sur certains points, à Ta- GEULOGIb: DU BRÉSIL. 125 quaril, par exemple, se montre à la partie supérieure de l'étao^e, mais avec moins de constance. Elle y forme des lambeaux d'une assez gTande extension, et se réduit souvent à une couche très-mince, ou même disparaît tout à fait. D'au- tres lits ou amas moins continus existent encore entre ces deux zones calcaires, mais avec moins de rég'ularité, et à des niveaux variables. En somme, les itacolumites, avec leurs diverses variétés de quarlzites talcoïdes et schisteux, dominent dans la partie inférieure de cet étag-e, et les itabirites se montrent plus prédominants dans la partie supérieure ; mais cependant, on peut accidentellement, quoique moins souvent, voir des cou- ches de quartzites recouvrant des itabirites ou intercalés dans leur masse et inversement. Au-dessus de ce g'roupe reposent les phyllades et les ana- g-énites, qui forment l'étag'e supérieur des roches métamor- phiques. Une puissante dénudation paraît avoir existé sur le gTOupe représenté par les itacolumites, les calcaires, les itabi- rites, car souvent il a presque disparu, et aucune trace non-seu- lement de la couche supérieure des calcaires, mais encore de la couche inférieure, ne se montre entre les laïcités et le g'roupe phylladique et anag-énique supérieur. D'autres fois on voit la couche des itacolumites elles-mêmes se réduire à une mince épaisseur, quoiqu'ayant pu dans ce cas passer parfois à l'itabirite; et d'autres fois encore la dénudation s'est éten- due jusque dans la zone des talcites inférieurs. L'itabirite est une roche essentiellement composée de quartz arénoïde et de fer oligùste. On peut dire que, sauf la substitu- tion du fer olig-iste au talc, elle présente toutes les variétés correspondantes à celles de l'itacolumite. La variété corres- pondant à l'itacolumite type se compose de lits alternatifs de quartz arénoïde ou saccharin et d'olig-iste spéculaire écailleux (olig'iste micacé) ; et parfois les lamelles d'olig'iste sont rem- placées par des lames d'olig'iste spéculaire très-minces et superposées. Dans ces s^ariétés ainsi parfaitement zonées, le quartz est le plus souvent blanc, ou lég'èrement coloré en 126 GEOLOGIE DU BRÉSIL. rose par le mang-anèse, mais en g-énéral il est beaucoup plus fortement ag'rég'é que dans l'itacolumite. Les lits alternatifs des deux substances y sont aussi g-énéralement beaucoup plus épais, et cette espèce ne présente pas le phénomène de la division facile en g-randes lames minces, ni la flexibi- lité de l'itacolumite type. En outre, les lits successifs y sont ordinairement plus ondulés. Dans certaines variétés ainsi zonées, et composées de ban- des alternatives de un demi-centimètre à un centimètre d'épaisseur, rolig*iste perd la plus g'rande partie de son ca- ractère écailleux, tend à devenir g'ranulaire et se mêle d'une g-rande quantité de matière siliceuse g-renue, à laquelle s'as- socient quelquefois, mais rarement, la braunite et le plus souvent l'acerdèse, comme si ces substances avaient remplacé une partie de l'olig-iste. Dans ce cas, la roche devient très- dure, et ne manifeste plus aucune tendance à se briser sui- vant les plans de stratification. Elle s'y montre, au contraire, fortement soudée, et présente même quelquefois une espèce de tendance à se briser plutôt dans le sens perpendiculaire. Les plans des lames ou zones successives, alternativement blanches ou gTises à reflets bleuâtres d'olig'iste, ou par- fois brunâtres ou ferrug-ineuses , sont cependant parallèles à la stratification g'énérale du terrain. En réalité, dans le cas dont je parle, et qui se voit d'ime manière très-remar- quable en certains points de la Serra da Piedade, la roche constitue un g-rès d'une très-g-rande dureté et zone par l'oli- g"iste. Dans d'autres variétés zonées, la proportion de quartz, au lieu d'aug-menter, diminue considérablement, et la roche se compose de zones épaisses de ferolig-iste d'un gris d'acier, sé- parées par déminées lits de quartz le plus g'énéralement très- blanc. Dans ces cas, tantôt l'olig-iste tend à devenir laminaire ou g-ranulaire, passant au compacte, et forme des masses très- dures pouvant se diviser en g'randes lames irrég'ulières. D'au- tres fois, il devient tout à fait pailleteux et se brise facilement entre les doig^ts en petites écailles brillantes. En outre, tantôt GEOLOGIE DU BRESIL. 127 la totalité de l'oligMstc est spéculaire, d'autres fois il s'y mêle une faible proportion d'olig-iste terreux. Mais dans beaucoup des itabirites, l'aspect zone disparaît totalement. Dans ce cas, le quartz arénacé et le fer olig-iste, soit pailleteux et écailleux, soit g^ranulaire, sont mêlés d'une manière à peu près uniforme. Le premier cas répond aux variétés de quartzite chloriteux où la clilorite se pré- sente sous la même forme, variétés que nous avons ratta- chées aux itacolumites. Dans cet état, les itabirites sont sou- vent assez friables, d'autres fois assez durs ou fortement résistants, suivant la proportion de silice qu'ils contien- nent. En outre, le sable quartzeux mêlé aux lames d'olig'iste est tantôt blanc, tantôt mêlé de peroxyde roug^e de fer ter- reux et même d'oxyde ou d'hydrate de mang^anèse. Les va- riétés gTanulaires sont g'énéralement plus dures et présen- tent souvent les mélang'cs indiqués, tandis que d'autres fois elles sont composées exclusivement de g-rains de quartz blanc et d'olig-iste spéculaire gTis d'acier. Enfin, d'autres fois, les deux formes gTanulaire et écailleuse de l'olig-iste se présen- tent simultanément, et ce cas a lieu dans toutes les associa- tions indiquées ci-dessus, soit avec le quartz, soit avec le peroxyde de fer terreux ou les hydrates et les oxydes de mang'anèse. A la multitude d'aspects divers résultant de toutes les com- binaisons que je viens de décrire entre ces divers éléments, il faut encore joindre les itabirites dans lesquels le quartz disparaît totalement. Ceux-ci ne forment jamais que des cou- ches subordonnées dans les itabirites quartzeux, mais quel- quefois d'une assez g-rande puissance. Telles sont les g-randes lames redressées de la Serra da Piedade, où existent de puis- santes couches de fer olig^iste sous une forme laminaire obs- curément g-renue, subordonnées à des variétés quartzeuses plus friables, ou à des variétés terreuses dont nous parlerons plus loin. Les bords de ces couches, qui ont résisté à la décom- position atmosphérique, forment de g'randes lames saillantes par suite de la désag'rég'ation des roches dans lesquelles elles 128 GEOLOGIE DU BRESIL. étaient encaissées, et ce sont ces lames qui constituent les den- telures remarquables du pic de Piedade. Une abondante vég*é- tation parasite et de nombreux lichens se fixent sur ces lames, dont la surface est toujours toutefois lég*èrement décomposée et passe à l'état de peroxyde terreux mêlé de matières vég-étales en décomposition, fournies par cette vég'étation parasite. Mais les cassures fraîches de ces roches montrent des surfaces brillantes et ondulées, éclatantes comme des miroirs métalli- ques. La foudre tombe souvent sur ce pic élevé, et j'ai vu de gTos blocs détachés de ces lames g'ig'antesques, et récemment séparés, lesquels laissaient voir encore leurs cassures bril- lantes. Ailleurs, et plus bas dans la même montag-ne, existent des couches entièrement composées d'oligùste pailleteux et micacé, dont les lamelles sont peu agn^ég^ées entre elles, et se réduisent sous la pression des doig^ts en un sable paille- teux d'olig-iste. Sur d'autres points se présentent de gTandes couches d'olig'iste granulaire ég-alement brillant et gTis d'a- cier, et parfois très-dures, toujours intercalées comme les précédentes dans la masse g'énérale de l'itabirite zone, ou de la variété non zonée, commune et gu^ossière. Cette dernière variété, ou l'espèce dominante, est une roche schistoïde d'un roug-e brun foncé et composée de quartz et d'olig-iste gTanulaire, non complètement spéculaire et mêlé d'une proportion notable d'acerdèse, debraunite et de peroxyde de fer terreux. Elle devient parfois, mais plus rarement, tout à fait noire et contient alors le mang^anèse en assez forte pro- portion, dans ses divers deg-rés d'oxydation et d'hydratation. Cette roche n'est pas sensiblement mag'nétique, mais les variétés laminaires le sont g'énéralement, surtout celles qui sont compactes comme les roches de Piedade déjà citées. Cette variété dominante d'itabirite,qui est souventtrès-dure et renferme toutes les autres variétés en couclies subordon- nées, devient aussi d'autres fois assez friable et très-fortement arg'ileuse. Elle donne naissance sous cette forme à un assez g-rand nombre de variétés de roches schistoïdes et arg-ileuses GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 1^9 contenant des lamelles disséminées de fer olig*iste spéculaire. Elle contient aussi des amas accidentels de fer aimant lamelli- forme mêlé de lames d'oligùste. A une lieue envii'on au N. E. de Sabarà, sur la rive droite du Rio Sabara, existe un de ces amas qui est assez considérable. 58. — Des couches très-puissantes de limonite se trouvent aussi intercalées dans l'itabirite. A Taquaril, près de Sa- hara, elles ont plus de 100 mètres de puissance et constituent une g'rande partie de l'étag-e de roches compris entre les deux couches calcaires, lesquelles sur ce point se montrent très-épaisses l'une et l'autre. Cette limonite, mêlée d'ailleurs d'une gTande quantité d'acerdèse qui lui donne une teinte brunâtre foncée, possède une texture oolithique, à g-rains très- fins, presque invisibles à l'œil nu, mais gTàce à laquelle la roche est excessivement poreuse. Si on met dans l'eau un frag'ment de cette roche desséchée, la quantité considérable d'air abandonnée par elle avec rapidité, en g'iobules d'une finesse extrême, produit l'aspect de l'effervescence qu'on ob- tient en mettant un calcaire dans l'acide nitrique, et ce phé- nomène est accompag'né d'un bruissement particulier ana- log'ue. La quantité d'eau ainsi absorbée est considérable, et j'ai trouvé par le calcul que la densité de la roche n'est que de 2,11 quand ses pores sont vides, tandis que celle de la ma- tière qui la compose est de 3,56, ce qui donne 0,687 pour la re- lation du volume vide au plein, ou, en d'autres termes, montre que cette roche absorbe près des 7 dixièmes de son volume d'eau. On trouve disséminés dans sa masse quelques gTains de quartz et quelques rares paillettes de fer oligûste spéculaire. Dans quelques-unes de ses couches, cette roche présente une certaine solidité ; dans d'autres, elle passe à l'état arg-ileux et devient alors g^énéralement moins g-ranulaire. 59. — Il existe aussi à Gocaes, intercalée entre des strates d'itabirite et d'un quartzite avec cristaux disséminés de py- rite ordinaire ou bisulfure de fer, une couche de limonite jaune un peu terreuse, contenant du fer oxydulé octaédrique en quantité considérable. En réalité, c'est une roche com- y 130 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. posée de parties ég'ales de limonite jaune et de cristaux de fer octaédrique, dans laquelle la limonite forme la pâte de la roche. Quoique friable, cette roche offre un certain deg*ré de consistance, et je lui donnerai le nom de Brownite, du nom de M. Brown, administrateur de la mine de Gocaes et de la famille du savant botaniste Bobert Brown. C'est à l'obli- g'eance de M. Brown que je dois d'avoir pu visiter les mines de Gocaes. Des quartzites contenant du fer oxydulé octaédrique se trouvent parfois en couches schistoïdcs , intercalés dans les itabirites et surtout à la limite des itabirites et des itacolu- mites. Dans la Serra de Caxoeira, existe une couche d'itabi- rite entièrement composée de quartz et de fer octaédrique. Des couches minces de talcite, accidentellement avec fer octaédrique, et plus souvent avec lamelles et écailles de fer olig-iste, apparaissent ég-alement intercalées dans lesitabirites et subordonnées à eux, exactement de la même manière que des lits minces de talcites se présentent dans la couche des itacolumites ou quartzites talqueux schistoïdes. 60. — Nous avons vu que non-seulement les itabirites et les itacolumites se montrent superposés et avec des lig-nes de contact, mais encore qu'ils alternent parfois entre eux. Sur leurs lig'nes de contact, de fréquents passag'es de l'une à l'autre espèce se manifestent; et ces passag-es, dans lesquels il y a substitution plus ou moins complète du fer oligûste au talc ou à la chlorite, joints au g^rand nombre de variétés des deux espèces où ces substitutions se produisent, et aux diverses formes du fer olig-iste laminaire ou écailleux ou g-ra- nulaire ou terreux, et aussi à la présence de la limonite et de diverses matières arg-ileuses, à celle des oxydes et hydrates de mang'anèse, et à celle des cristaux de fer oxydulé octaé- drique; ces passag^es, dis-je, donnent lieu à une innombrable variété de formes des échantillons de roches provenant de ces rég-ions et faciles à se représenter d'après les descriptions et les considérations précédentes. Des passag'es non moins remarquables ont lieu entre les GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 131 itabirites et les laïcités quand ils se trouvent en contact, ou dans les couches ou systèmes de couches de talcites intercalés dans les itabirites, lesquelles couches parfois contiennent entre elles d'autres couches aurifères de quartzites avec les caractères précédemment décrits. Quelquefois on voit de ces talcites totalement imprég^nés de fer oligûste en paillettes ou en g-rains, ou passant à l'état compacte. Près de Sabarâ, il en existe de nombreuses variétés. Près de la même ville, à Taquaril, sur les points de con- tact d'une couche puissante de quartzite talcifère et d'itabi- ritc schistoïde gTis de fer, provenant ainsi de ces transfor- mations des talcites, s'est formé un filon composé d'un cong'lomérat de quartzite rose mang^anésifère et d'itabiritc cimentés par un quartz plus compact. C'est un filon présen- tant de l'or disséminé, aussi bien que les couches en contact de l'itabirite schistoïde, etrempli par des frag'ments de roches en- caissantes et par des sables provenant de la désag-rég'ation du quartzite et cimentés par du quartz plus compacte. La quantité d'or y est minime; mais jadis sur ce point on a tiré, paraît-il, une assez g*rande quantité de ce métal. Toutefois la majeure partie de ce dernier est pro venue de couches de jacuting'a, interposées dans l'itabirite et presque en contact avec les cal- caires. De puissants dépôts d'hydrate de mang'anèse stratiforme, renfermant des paillettes de fer olig*iste, disséminées entre les feuillets et plus ou moins accompaguiées de limon ite ooli- thique en gTains très-fins, existent sur divers points en cou- ches épaisses subordonnées aux itabirites, notamment à An- tonio-Pereira, à Gong-o-Socco, Taquaril, Sahara, Pitang-ui, etc. Ils renferment souvent du fer octaédrique, et l'hydrate de mang^anèseest quelquefois cristallisé en aig^uilles. A Antonio- Pereira, ce dernier constitue sous cette forme des amas dis- séminés dans les couches d'itabirite. Dans le même g-isement, ainsi que dans beaucoup d'autres, il se montre quelquefois concrétionné, ainsi que l'hydrate de fer fibreux mamelonné. Ce dernier apparaît en stalactites dans les cavités de l'itabirite. 132 GEOLOGIE DU BRESIL. J'en ai trouvé de beaux échantillons à Ouro-Preto et à Antonio- Pereira. Sur ce dernier point, on trouve des quartz hyalins lég*èrement enfumés, ég-alement disséminés dans l'itabirite et dans les couches d'hydrate de mang*anèse. Ces quartz ren- ferment souvent des lames de fer olig'iste eng^ag^ées dans l'in- térieur du cristal. Des cristaux semblables existent à Gocacs. D'assez nombreuses couches de quartz hyalin blanc, ren- fermant de l'or disséminé, se montrent intercalées dans les itabirites. Elles sont nombreuses à Antonio-Pereira et ren- ferment de l'hydrate de fer avec or disséminé, et aussi de la pyrite arsenicale et du néoctèse , lequel tapisse parfois les cavités jdu quartz. Les mômes couches apparaissent à Ouro- Preto et en d'autres points. Des cristaux de quartz hyalin existent accidentellement dans l'itabirite, et aussi parfois des cristaux de quartz amé- thyste et de quartz enfumé. Il y a môme des variétés rares d'itabirite à gros g-rain, dont l'améthyste forme le quartz dominant. Les roches amphiboliques et dioritiques se montrent sou- vent en dykes au milieu des itacolumites et des itabirites, ou en couches interposées entre ces roches dans leurs failles. Elles sont surtout fréquentes vers la lig-ne de jonction des deux espèces, et des cristaux amphiboliques et des veines ou amas d'asbeste sont fréquents dans l'itabirite. Des filons quartzeux stériles et coupant les plans de stratification appa- raissent dans l'itabirite comme dans les quartzites talcifères ou itacolumites, aussi bien que les filons tourmalifères avec mispickel et or; mais ces derniers y sont rares. Les filons pyriteux non tourmalifères s'y montrent aussi; mais, dans l'itabirite proprement dit, l'or affecte le plus souvent un gise- ment tout spécial, dont nous allons maintenant nous occuper et qui constitue la roche terreuse appelée yacw/my«. 61. — La jacuting^a type est une roche friable argûle use, de g'rain excessivement fin, composée de lithomarg-e môlée d'une proportion variable de paillettes de fer olig-iste et de quartz arénoide. Elle forme des couches ou filons dirigées sui- GEOLOGIE DU BRÉSIL. 133 vant le plan de stratification, et intercalées dans des couches d'itabirites g-énéralement zones, durs ou friables, lesquelles servent de murailles au filon. Des frag*ments de cet itabi- rite se trouvent souvent intercalés dans les couches de jacu- ting-a, et lui donnent parfois un certain caractère bréchi- forme. A ces éléments, se joint presque constamment l'acerdèse en poudre impalpable, laquelle rend cette roche arg-ileuse très-tachante et lui donne une couleur souvent noir foncé, ou d'autres fois forme des veines noires dans la masse. Parfois la jacuting-a se montre g'risâtre ou g-ris- jaunâtre. Le plus souvent elle est de couleur foncée avec des veines ou des amas blanchâtres. Presque toujours, elle ren- ferme de nombreux nodules d'une asbestefibrillaire blanche, rayonnée ou diverg-ente. C'est probablement à cause de la ressemblance de la couleur g'énérale de la roche avec celle de l'oiseau noir Jacu (nom imitatif du cri de l'animal^ lequel appartient au g'enre Pénélope), et à cause de cette couleur blanche mélang-ée, que les Indiens lui ont donné le nom de jacuting-a dérivé de jacu, nom de l'oiseau, et tinga, chose blanche. Quand la jacuting^a est très-fortement charg-ée de quartz et d'olig^iste, elle est g-énéralement peu riche en or. Quand l'arg'ile domine, et si celle-ci se montre très-onctueuse, l'or, au contraire, s'y présente en beaucoup plus g'rande quantité. Incontestablement, cette lithomarg*e avec ses nodules asbes- tiformes, et plus ou moins décomposés, paraît provenir d'une matière éruptive, boueuse ou en fusion, ultérieurement dé- composée, et probablement injectée à l'état boueux ou pâteux dans une faille parallèle à la stratification. Cette matière est alors mêlée de parties frag-mentaires empruntées aux parois, et s'est remplie de sable et de paillettes d'olig'iste provenant de la trituration de ces fragnuents, lesquels le plus souvent se réduisent facilement en sable. La jacuting'a constitue de véritables filons au milieu des itabirites, et se montre encaissée dans cette roche elle-même, laquelle, dans son voisinag-e, se compose le plus souvent des 134 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. variétés schistoïdes, fréquemment zonées et dans lesquelles l'olig'iste est à l'état micacé ou écailleux. Les filons de jacuting*a sont g*énéralement aurifères. L'or s'y montre en veines disséminées dans la masse, et par con- séquent cette substance paraît s'être déposée dans des fissu- res. Parfois ces veines sont très-multipliées, d'autres fois le métal forme des espèces de couches minces ou de lames. Les dépôts d'or dans les jacuting-as sont quelquefois d'une richesse énorme, et alors une portion considérable du filon se trouve, sur un point, totalement imprég'née de veines aurifères, comme on l'a vu dans les dépôts de Gong-o-Socco, dans ceux d'un lieu nommé Macahubas, au pied de la Serra da Piedade, et en diverses autres localités. Mais ces amas aurifères sont le plus souvent distribués dans la masse du filon d'une manière irrég'ulière ; et, en continuant de creuser sur un point riche, il n'est pas rare d'arriver à un épuisement à peu près com- plet. Les g*aleries se prolong-ent ensuite dans des portions de couches tout à fait pauvres, et on est amené à abandonner la mine. On peut donc dire que l'or forme des amas irrég-u- liers dans les filons de jacuting'a, et les amas paraissent être le plus souvent très-éloig*nés les uns des autres. Probable- ment l'or n'est pas parvenu à former l'un de ces amas voi- sins de la surface, sans avoir été introduit par au moins une fissure venant de g-randes profondeurs, et suivant le trajet de laquelle on rencontrerait probablement de nouveaux amas semblables au premier. Mais ces fissures ont dû être d'une grande irrég-ularité dans leur parcours. Soit qu'il y ait eu peu d'or de déposé et que les fissures aient été détruites sous l'action du temps, et par l'effet des compressions dans la masse sous l'influence des derniers mouvements du sol après le dé- pot de l'or, ou à la suite d'une décomposition plus profonde de la matière de la jacuting-a devenue plus molle, laquelle, en absorbant de g*randes quantités d'eau, s'est affaissée sur elle- même et a fermé ces anciennes traces ; soit encore parce que les fissures primilives ont pu être très-resserrées, circonstance opposée au dépôt de parties métalliques contenues dans des GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 133 substances volatiles, et en môme temps favorable à la dispari- tion ultérieure de ces fissures (car, même dans le cas où il exis- terait encore réellement des traces de ces crevasses, leur pe- titesse rendrait à peu près impossible de les découvrir et de les suivre dans la matière réellement arg'ileuse), il est certain qu'au point de vue pratique, les amas aurifères dans les filons de jacuting^a paraissent complètement isolés; et, s'ils se repro- duisent en séries depuis de g-randes profondeurs jusqu'à la surface, ces séries ne sont pas alig-nées dans le filon et re- présentent alors des courbes excessivement sinueuses dans le plan de celui-ci. Il est donc très-difficile, après avoir épuisé un premier amas, de trouver celui qui lui serait inférieur. Toutefois il est arrivé plusieurs fois dans les mines exploitées, à Gong'o-Socco par exemple, de trouver successivement, dans le filon, des parties riches et des parties presque entièrement dépourvues d'or et assez distantes entre elles. Mais, dans cette dernière mine, toute trace de zone riche paraît aujourd'hui avoir été perdue, quoiqu'on y fasse encore des recherches. En réalité, il est incontestable que les mines de jacuting'a, quoi- que souvent elles se montrent temporairement d'une richesse aurifère énorme, et de beaucoup supérieure alors à celle des filons quartzeux pyriteux, offrent dans leur exploitation une g'rande incertitude à laquelle ne sont pas exposés ces derniers filons, dont le rendement, au contraire, présente une g'rande constance et une g'rande continuité en profondeur. D'une ma- nière g'énérale, quand, par suite de l'appauvrissement, les travaux ont été anciennement abandonnés dans une mine de jacuting'a, il est toujours un peu dang-ereux de les reprendre, tandis qu'au contraire sur les filons pyriteux, et Morro-Velho, anciennement abandonné, en est aujourd'hui un exemple frappant, la richesse va toujours en croissant avec la pro- fondeur, et la masse du filon imprég'né reste sans cesse considérable , et tend ég'alement à aug'menter avec l'ap- profondissement. Souvent, dans le voisinag'e des amas aurifères de jacu- ting'a, l'or en veines apparaît dans les itabirites encaissant le 130 GEOLOGIE DU BRÉSIL. filon, mais seulement sur les points de contact avec lajacu- ting-a. Ce sont ces frag'ments d'itabirite ainsi aurifère et dont les surfaces sont couvertes de petites veines d'or, que l'on trouve le plus souvent, dans les collections, sous le nom de jacuting-a, lequel leur est ainsi donné fort improprement. La vraie jacuting-a, à cause de son excessive friabilité, ne peut fournir elle-même de pierres aurifères, et pour cette raison on y substitue pour les collections les roches de son voi- sinag"e. 62. — Souvent, au reste, le nom de jacuting*a est donné par extension à tous les filons aurifères argileux ou quartzeux interposés dans les itabirites, et ceci amène une confusion reg-rettable. J'ai déjà dit que, dans les itabirites comme dans les itacolumites, les talcites et les g-neiss métallifères supé- rieurs, il existe d'assez nombreux filons quartzeux parallèles au plan de la stratification g'énérale. De même que, dans les itacolumites et les guieiss, ces filons contiennent des frag'- ments de leurs roches encaissantes et des paillettes de talc, de chorite ou de mica; de môme, dans les itabirites, ils renfer- ment des frag'ments d'itabirites ou des lamelles ou cristaux de fer olig'iste et parfois de fer oxydulé. Ces filons se montrent souvent sur les lignes de contact des itabirites avec les roches inférieures. Parmi eux, les uns sont très-pyriteux, les autres le sont à peine. Toutes les fois que les pyrites sont moins abon- dantes, l'or tend à se réunir en veines disséminées dans la roche, comme je l'ai dit précédemment pour les filons quart- zeux intercalés dans les talcites et le g'ueiss supérieur, et il y forme des espèces d'amas, de veinules ou de lames, comme dans la jacuting^a proprement dite. Dans la zone des itabi- rites, ces quartz sont souvent très-charg*és de fer et consti- tuent parfois une roche très-dure; mais ils montrent, par rap- port aux couches encaissantes, un moulag'e qui oblig'e de les référer aux filons à couches de remplissag'e dont j'ai déjà parlé. A Santa-Anna, près d'Ouro-Preto, il existe deux filons parallèles constitués par cette roche ferrugineuse, laquelle est plus riche en quartz qu'en oxyde de fer. Elle renferme GÉOLOr.IK nu RP.KSIL. i:i7 des veines plus qiiai'tzeiises encore et dans lesquelles l'or se montre de préférence. Cette mine est abandonnée, mais près de là existe une autre mine, nommée Maquiné-de-Santa-Anna, qui est très-riche, et dans laquelle l'or forme des amas très- remarquables. C'est avec Morro-Velho la mine la plus pro- ductive parmi les mines aujourd'hui exploitées par des com- pag-nies ang'laises au Brésil; mais son caractère est très- différent de celui de Morro-Velho, puisque, à Maquiné, la g-ang-ue est de la jacuting'a mêlée d'une quantité considérable de fer olig'iste en paillettes et de sable blanc quartzeux. Des couches de lithomarg*e, mêlée d'une quantité considé- rable d'acerdèse la rendant noire et tachante, paraissent être, dans les itacolumites et les laïcités, les représentants de la jacuting'a des itabirites. Ces couches sont parfois aurifères en proportion assez notable. A la fasenda de Santo-Antonio-do- Rio-Acima, il existe dans les talcites une couche très-aurifère et de cette nature, indépendamment des riches filons auri- fères pyriteux. En somme, la comparaison des quartzites schistoïdes talci- fères ou itacolumites et des itabirites montre évidemment ces deux roches formant ensemble un seul étag'e dans lequel elles se remplacent réciproquement, et souvent même passent in- sensiblement de l'une à l'autre par la substitution locale du fer olig'iste au talc ou à la chlorite. Toutefois, dans la partie supérieure de cet étag^e, il existe d'anciens dépôts stratifiés de limoniteoolithique. En g*énéral, dans leur voisinag-e, l'itabirite prédomine, et ces mêmes dépôts montrent un commencement de métamorphisme incomplet, manifesté par des lamelles de fer olignste spéculaire disséminées dans leur masse avec des cristaux de quartz ou d'autres substances. Mais, le plus souvent, la substitution du fer olig'iste au talc et aux chlorites a été locale : tel point montre ces itabirites dans la position exactement correspondante à celle où un autre montre des itacolumites. De plus, sous le rapport des filons quartzeux ou arg-ileux traversant ces deux natures de roches, on ren- contre la plus grande simiHtude , puisqu'à chacune des 138 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. classes de filons de l'une des roches correspond une autre classe analog-ue dans l'autre espèce. 63. — Les calcaires intercalés dans le g'roupe formé par la réunion des quartzites talcifères schistoïdes ou itacolu- mites et des itabiriles sont g*énéralement g-renus, d'autres fois compactes, et dans ce cas le plus souvent g'iandulaires. Ils sont ordinairement charg-és très-fortement de talc, sur- tout dans leurs lig-nes de contact avec les quartzites talcifères schistoïdes ou les itabirites. Ils forment parfois des couches de g*rande extension, comme je l'ai déjà dit : d'autres fois ils constituent de g-randes masses lenticulaires soit isolées, soit réunies par des parties plus minces, variant ainsi d'épais- seur depuis 1 mètre et moins, jusqu'à 30, 40 et même 60 et 80 mètres. Les g-randes masses renferment souvent des vei- nes quartzeuses avec des g*éodes tapissées de beaux cristaux de quartz ; et entre les deux g'randes zones principales formées par ces calcaires, l'une vers le milieu de la hauteur du g'roupe des quartzites talcifères et itabirites, l'autre à la partie supé- rieure, se montrent des veines minces de carbonate de chaux. Le rose et le g'ris bleuâtre sont les couleurs dominantes de ces calcaires, lesquels parfois passent un peu à la dolomie et renferment souvent du carbonate de fer mang^anésié. La cou- leur rose domine surtout dans les variétés saccharoïdes et lamellaires, placées principalement au centre des g'randes masses. Il existe aussi des variétés complètement schistoïdes, et celles-ci renferment souvent du talc entre leurs feuillets; mais en g*énéral ces variétés forment seulement des couches minces de couleur fréquemment verdâtre. C'est dans les va- riétés g*renues que se montre souvent la structure g'iandulaire. La couleur g-ris-bleu prédomine dans ces variétés, lesquelles enveloppent des amandes de calcaire spathique tantôt blanc, tantôt coloré en roug-e par l'olig^iste, ou en violet par le man- g'anèse. Ce sont ces mêmes variétés g-renues dans lesquelles on observe le plus le passag-e à la dolomie. D'autres fois de nombreuses veines de calcaire spathique traversent les autres variétés, notamment les calcaires g'renus et compactes; et GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 131) dans ce cas il n'est pas rare d'y rencontrer des pyrites, sur- tout la pyrile cuivreuse et aussi la g-alène, et même des car- bonates de cuivre. Des calcaires bréclioïdes se montrent ég^a- lement en couches subordonnées aux autres variétés. Près de Pitang*ui , j'ai trouvé un calcaire cristallisé noir foncé en couches subordonnées aux calcaires g-renus bleuâtres. En g'énéral, les calcaires sont fortement ag'rég'és. Cepen- dant on y trouve des couches friables. Il y a ég-alement des calcaires arg'ilifères de diverses couleurs, mais en couches très-minces, subordonnées aux autres. Aux points de con- tact avec les itabirites, apparaissent parfois des calcaires schis- toïdes renfermant entre les feuillets des lamelles de fer oli- gMste spéculai re. Les calcaires ainsi intercalés dans les couches fortement redressées et métamorphiques des itabi rites et quartzites talqueux schistoïdes sont trop fortement cristallisés pour pouvoir espérer y rencontrer des traces fossiles. Ils sont môme parfois assez fortement dolomitiques, comme cela se voit près de Sabarâ sur la rive droite du Rio das Velhas, où des couches de dolomie sont intercalées dans les calcaires. En quelques points, comme auprès de Pitang-ui, des frag*- ments serpentineux se montrent au contact des calcaires, et à Sabarâ, des amas de karsténite rose, ou sulfate de chaux anhydre, apparaissent intercalés dans les talcites inférieurs à la couche la plus basse des mêmes roches. 64. — Ce n'est pas seulement à Minas-Geraes , dans la Serra d'Espinhaço et le haut du bassin du San- Francisco, qu'on rencontre l'étag'e des roches métamorphiques représenté par les talcites, les itacolumites, les itabiriteset les calcaires subor- donnés. Ces diverses roches se font voir très-fréquemment dans les montag'nes du bas du cours du San-Francisco, et aussi dans la province de Goyaz et dans les provinces du Nord. En résumé, on les retrouve recouvrant l'étag-e des g'neiss métallifères supérieurs sur lesquels ils sont dissémi- nés en frag-ments ou lambeaux détachés, dans tout le pour- tour de la g-rande terrasse continentale. Sur divers points, 1-iO GEOLOGIE DU BRESIL. notamment à l'Itacolumi, dans la Serra d'Om^o-Branco, la Serra da Ghapada, etc., et sur divers points de la Serra d'Es- pinhaço, ces roches métamorphiques sont recouvertes par une couche puissante de phyllades, de gTès et d'anag'énites. Cette dernière couche n'est pas métallifère. On la voit à la hase de l'Itacolumi et à Antonio-Pereira en stratification non parfaitement parallèle et un peu discordante avec celle des g-neiss métallifères et des itacolumites et calcaires inférieurs. Les phyllades sont encore des talcites pylladiformes, mais très - friahles , beaucoup moins talqueux et beaucoup plus arg-ileux que les talcites inférieurs à l'itacolumite. Ils ne montrent pas la g'rande variété de coloration de ces derniers. Ils sont presque uniformément de couleur g'rise plus ou moins foncée et entremêlés de couches de quartzite pulvéru- lent. Des couches très-minces d'acerdèse y existent parfois, mais l'uniformité de cette masse de phyllades est surtout rom- pue par des couches et des amas de quartzites à g^ros g^rain sans structure schistoïde et contenant parfois quelques lamel- les de talc ou des g'rains d'olig'iste ferrug^ineux. Ces quartzites deviennent souvent g'iandulaires , et renferment alors des amandes de quartzite arénoïde à g-rain très-fin. D'autres fois ils se mêlent de frag-ments de talcite de diverses couleurs et même de cong-lomérats ferrug-ineux, et passent alors à l'ana- g*énite. Sous cette forme les quartzites en question composent des couches très-puissantes, renfermant parfois des veines nombreuses de quartz fendillé, et ils composent en partie la masse supérieure de l'étag-e phylladique. Toutefois ils sont re- couverts par une couche très-puissante de quartzites à g'rains fins, souvent talcifères et chloritiques et g-rossièrement schis- toïdes. C'est cette variété de couleur blanche ou g'rise qui compose la partie supérieure de l'Itacolumi et de la Serra d'Ouro-Branco, et sa puissance, avec quelques lits de talcites phylladiformes subordonnés, n'est pas inférieure sur ces points à 400 ou 500 mètres. Les seuls minéraux contenus par ces quartzites talcifères sont le disthène, lequel se présente en amas disséminés dans la masse, l'hydrate de fer mamelonné GÉOLOGŒ DU BRESIL. 1-41 OU stalacliforme, et des enduits de fer olig*iste et d'oxydes de mang-anèse sur les veines de quartz compacte ou dans les feuillets des phyllades de la partie inférieure de l'étag'e. 65. — Quoique présentant encore des caractères de mé- tamorphisme moins prononcés que l'étag^e inférieur des laïcités et itabirites, l'étag-e phylladique en question n'est pas recouvert par d'autres roches et constitue seulement de rares lambeaux jetés sur les itabirites et les quartzites talci- fères scliistoïdes. 11 m'a d'ailleurs été impossible d'observer le plong-ement de ces roches sous d'autres couches. Je les considère donc comme des frag^ments détachés, soulevés et portés dans la rég-ion montagneuse à un niveau très-élevé, mais appartenant à la g-rande formation qui recouvre tout le gTand plateau continental, et dans laquelle la dénudation a creusé de profondes vallées. Cette dernière formation, dont les couches sont g"énéra- lement horizontales ou très-voisines de l'horizontalité, peut être divisée en deux autres : l'une composée de talcschistes et phyllades talcifères, de calcaires, de psammites et de macig'nos; l'autre constituée par des phyllades, des gTès et des anag-é- nites. Cette seconde formation se montre supérieure à la première; et dans la composition de ses roches constituantes, aussi bien que par sa puissance sur les points où la dénudation l'a peu détruite, elle présente les plus g"randes analog*ies avec la formation des phyllades et des gTès anag'éniques sou- levés, lesquels recouvrent par lambeaux l'étag^e des talcites, itabirites et quartzites talqueux scliistoïdes avec leurs puis- santes couches calcaires subordonnées. L'autre formation, constituée surtout par les talcites phyl- ladiformes, les calcaires, les psammites et les maciguios, doit- elle être reg^ardée comme identique à celle des talcites et itabirites? Une étude atlentive l'indique, car non-seulement il y a analog-ie sous le rapport de la puissance, mais encore sous celui de la distribution relative des couches. Ainsi nous voyons les talcites continuer de prédominer à la partie infé- rieure, tandis que la partie moyenne et supérieure est cons- 142 GEOLOGIE DU BRESIL. tituée par de puissantes couches calcaires intercalées dans des phyllades talcifères, des psammites, des gTès ou des macig'nos. Si l'on suppose ces couches fortement redressées et plus fortement imprég-nées de talc ou de peroxyde de fer cristallisé, on aura exactement l'aspect présenté par. l'étag'e métamorphique des talcites et itabi rites. Bien que le terrain dont je parle se montre horizontal ou presque horizontal sur de vastes extensions, il y a cepen- dant des réglions où ses couches sont assez fortement redres- sées, et, dans ce cas, on peut constater souvent qu'il repose sur des g^neiss plus ou moins décomposés de l'étag'e des g^neiss métallifères. Par sa position stratig-raphique , il est donc incontestablement le représentant à un deg-ré moins profon- dément métamorphique de l'étag'e des talcites et itabirites. D'un autre côté, quoique la profonde dislocation des couches de ce dernier g-roupe et leur redressement sous des ang'les g-é- néralementtrès-g'rands rende difficile le plus souvent de sui- vre le passag"e direct des couches de ces roches si fortement charg-ées de talc ou de peroxyde de fer aux couches corres- pondantes et horizontales du même étag'e moins charg-ées de ces substances, on arrive cependant parfois à constater la par- faite identité des deux formations. Ainsi, quand on quitte la zone profondément métamorphique et fortement montag-neuse limitant au sud, à l'est et à l'ouest le haut de la vallée du Rio das Velhas, au sud de Sahara, on voit immédiatement après la chaîne élevée de Piedade, dont les couches inclinent vers le sud, et au nord de cette Serra, les mêmes gnieiss en décompo- sition mêlés de talcites et qui supportaient au pied de la chaîne toute la masse métamorphique, former une série de collines dont des talcites phylladiformes occupent g*énéralement la partie supérieure. Ceux-ci passent de plus en plus au schiste argûleux, à mesui^e qu'on s'éloig^ne, et en même temps les g'neiss apparaissent de moins en moins et seulement dans le fond des vallées, jusqu'à ce qu'enfin ils disparaissent tout à fait sous l'étag'c schisteux phylladique avec couches de gTcs schisteux subordonnées. On peut donc ainsi suivre peu à peu GÉOLO(;iE DU BRÉSIL. 143 le passag'e progTessif de cet étag-e, dans lequel apparaissent des couches minces subordonnées ou de grandes masses lenticulaires de calcaires. Ceux-ci finissent par prédominer, pour dispai'aître de nouveau sous des g*rès et des pliyllades, lesquels constituent dans le bas de la vallée du Rio das Vel- has la partie supérieure du plateau dans lequel cette rivière a creusé son lit. Dans le plateau séparant le Rio das Velhas et le Paraopeba, plateau dont la partie supérieure est for- mée d'épaisses couches calcaires entremêlées de phyllades, souvent la puissante couche de laïcités friables, sur lesquels ces calcaires reposent, se montre à leur base et se fond pro- gressivement au sud dans les ramifications de la Serra de Gurral-d'El-Rey avec la couche des laïcités métallifères infé- rieurs aux itabirites, de manière à ne pas laisser le moindre doute sur la continuité de cette môme couche de laïcités sous les deux gToupes, avec ses nombreux lits quartzeux inter- posés. Les puissantes couches calcaires si caractéristiques de cet étag'e se font au reste facilement reconnaître avec le même aspect g'énéral, quant à la distribution et la puissance, dans les vastes dépôts horizontaux traversés par les vallées de dé- nudation, dans lesquelles le San Francisco et ses affluents ont creusé leur lit, et dans les terrains fortement redressés et pro- fondément métamorphiques des itabirites et des itacolumites. Dans les uns et les autres, ces calcaires se montrent remplis de gTottes et de cavernes. Ils y offrent la même texture g-renue ou finement cristalline et schisteuse, passant au saccha- roïde et au laminaire cristallin en certains points, mais avec plus de fréquence dans les parties les plus imprég-nées par le talc ou l'olig-iste, où alors les calcaires eux-mêmes se char- g'ent de ces substances. Le sulfate de chaux que nous avons vu dans la rég'ion très-métamorphique se présenter, sous la forme anhydre dekarsténite, en petites masses ou en couches minces dans les talcites inférieurs aux calcaires, se montre fréquemment à l'état de g'ypse, vers leur point de contact avec ces calcaires et sous la forme de petits crislaux disséminés, 144 GÉOLOGIE DU BRESIL. dans la partie moins métamorphique et moins talqueuse cons- tituant les g*rands dépôts presque horizontaux dont je viens de parler. Des veines et des filons de quartz continuent d'y traverser ces roches ; et dans les calcaires eux-mêmes quel- ques-uns de ces filons à la fois quartzeux et calcarifères con- tiennent de la g'alène, comme à Sete-Lag*oas, comme près de la Barra-do-Rio-das-Velhas, près de l'Abaéthé, dans le val du Paraopeba, et sur une multitude d'autres points. Les pyrites elles-mêmes, dans les lieux où les couches sont redressées, se montrent parfois dans ces filons avec la g'alène, surtout la py- rite cuivreuse, associée à la malachite, l'azurite et la dioptase. Enfin, de distance en distance, en descendant le val du San- Francisco, on retrouve, comme je l'ai déjà dit, des lambeaux détachés où les g'neiss ont soulevé fortement le terrain en constituant des montagnes à couches fortement inclinées et où peut s'observ^er de nouveau la transformation de l'étag^e en question dans celui que nous avons décrit d'abord comme composé des itacolumites et des itabirites avec toutes leurs nombreuses variétés. CEOLOCIE DU BRÉSIL. V TERRAINS SECONDAIRES. Leiii' desciiption. — Vaste étemlue des dépôts calciiires. — Fossiles (ju'ils coiitieniieiit. — iXombreuses cavernes dans ces dépôts et phénomènes mettant sur la voie de l'ex- plication de leur creusement et de leur remplissage. — Ossements quaternaires, accumulés dans leur intérieur. — Salpêtre. — Relations des calcaires du Brésil avec ceux des versants orientaux des Andes. — Poissons fossiles. — Dépôts secon- daires de la côte: coquilles, poissons et i-eptiles fossiles. — Dépôts de lignite. — Bassins houillers des provinces du Sud. — Leur âge se rapportant probablcmenl au commencement de la période secondaire. — Mines de sels. 66. — Après avoir étudié, comme nous l'avons fait précé- demment, l'élag'c des talcites phylladi formes et des gTès et calcaires subordonnés, sur les points où cet étag^e constitue un ensemble de coucbes fortement disloquées et métamorphosées en roches très-cristallines, nous avons à examiner le même étag^e partout où il a conservé un caractère plus rapproché de son état primitif et où, le plus souvent, il n'a été que fai- blement déplacé de sorte que ses couches sont restées presque horizontales. Les talcites, qui occupent surtout la partie inférieure de l'é- tag^e, se montrent ordinairement de couleur g-rise ou g-ris- bleuâtre, rarement verdàtre et assez souvent gTis-brun, et 10 [46 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. ils passent au schiste arg'ileux. Fréquemment ils sont friables, mais quelquefois ils deviennent assez durs et alternent avec des couches tout à fait arg-ileuses. D'autres fois ils sont très- fortement siliceux et passent au g-rès schistoïde, lequel aussi se montre tantôt friable, tantôt très-dur. Des couches d'arg-ile schisteuse g*risâtre se font voir subordonnées à ces roches. De minces couches calcaires se trouvent aussi parfois intercalées dans les talcites, et d'autres fois elles cessent d'être continues et se réduisent à de simples plaques. De puissantes couches de g-rès souvent calcarifères apparaissent fréquemment au- dessus des talcites. D'autres fois elles manquent plus ou moins complètement et les calcaires reposent immédiatement sur ces derniers ou sur les pliyllades qui les remplacent. Une couche très-puissante de calcaire s'étend au-dessus de ces talcites et se montre dans toute l'extension du bassin du San-Francisco et de ses affluents. Elle y forme des strates horizontales, rarement redressées et composant par leur en- semble une multitudede chaînesdecollinesauxflancsabruptes, ou bien de collines et de rochers isolés taillés à pic de la façon la plus pittoresque et remplis de très-nombreuses fentes ou ca- vernes. Souventces calcaires composent de vastes plateaux dans lesquels se sont ouvertes des vallées de dénudation,ég'alement aux flancs abruptes ; et les bords des plateaux aussi bien que les chaînes de collines offrent l'aspect de falaises escarpées et parfois creusées à leur pied. Une dénudation opérée sur vaste échelle semble être la cause qui empêche cette gTande for- mation calcaire de se montrer parfailement continue, du moins dans un gTand nombre de localités, car d'autres fois on la voit disparaître sous des formations supérieures à elle, et dans lesquelles de puissantes couches de macignios entremêlées d'autres couches calcaires et de pliyllades arg^ileuses se font remarquer. Ces dernières formations à leur tour sont recou- vertes parle gToupe des g-rès quartzeux etanag'éniques. Sou- vent ceux-ci reposent eux-mêmes directement sur les cal- caires et paraissent indiquer ainsi la disparition des couches intermédiaires par l'effet de la dénudation. Dans ce cas, les (ÎEOLOGIE ItU BRESIL. 147 grès g'isent en g'énéral horizontalement sur les calcaires, non- seulement quand ceux-ci n'ont pas été déplacés de cette situa- tion, mais même quand ils ont été plus ou moins faiblement inclinés, et ceci indique la discordance des stratifications. 67. — Les couches calcaires dont je viens de parler, quoique généralement à grain très-fin, sont cependant d'une texture trop cristalline pour avoir conservé des traces de fossiles. Aussi la plupart des calcaires de ces rég'ions ne montrent, dans leur masse, aucun sig^ne rappelant la présence des corps organisés. Toutefois des traces de fossiles se voient en certains points, lorsque la texture de la roche devient plus grenue et moins cristalline. Ainsi, à peu de distance de Pitangui et près d'Abbadie, j'ai remarqué des calcaires noduleux et bitumi- neux, avec des traces tout à fait indéterminables de fossiles, parmi lesquelles j'ai distingué de petits corps lenticulaires de 2 à 3 millimètres de diamètre et qui m'ont semblé appartenir à des foraminifères, quoique le degré d'altération ne me per- mette d'affirmer rien de définitif. Près de la Lapa-dos-Urubus, sur la rive droite du Rio das Velhas, un peu au-dessous du confluent du Paraùna, j'ai vu un marbre à fond blanc, à couches redressées et veiné de rougeâtre et de grisâtre. En polissant des morceaux de ce marbre, j'ai reconnu des frag^- ments de coquilles univalves, mais tout à fait indéterminables. Dans un autre calcaire bitumineux du même étage, j'ai trouvé des traces de crustacés cirrhipèdes plus reconnaissables et ap- partenant au g"enre Pollkipes^ ce qui indique pour ce calcaire une origine marine, et le rapporte à l'époque secondaire. Dans les macig^nos des bords de l'Abaethé se trouvent d'au- tres fossiles montrant ég^alement que la formation en question est marine. Ce sont des empreintes du g*enre Ostrea. M. Clau- sen les avait déjà signalées, et, dans mon voyage sur le haut San-Francisco, j'ai eu occasion de trouver une contre-em- preinte d'une huître d'assez g*rande taille et remarquable non-seulement par l'épaisseur de sa coquille, mais encore par l'extrémité très-saillante de la spire, ce qui la rapproche des gryphées. Je donnerai à cette espèce le nom d'Oatrea 148 GÉOLOGIE UU BRÉSIL. Abaethensis, du nom du bassin de la rivière dans lequel je l'ai trouvée. Sur le même point, j'ai remarqué une g-rande quan- tité d'empreintes de la même espèce. Dans les g-rès macig'nos j'ai vu ég-alement des empreintes moins bien conservées de divers polypiers et de frag-ments de coquilles univalves indéterminables, et d'assez g'rande taille. M. Glausen avait ég'alement fait la même remarque. La présence d'espèces marines dans les couches horizontales de ces macig'nos, malg*ré l'élévation de celles-ci au-dessus du niveau de la mer, indique que le continent américain aurait, sur une immense extension, éprouvé un chang^ement de ni- veau d'une manière assez rég'ulière, comme cela paraît avoir eu lieu du reste pour les Pampas, et comme Lyell en a fait voir de notables exemples pour les Iles Britanniques. Seulement, dans le cas de TAmérique, le phénomène s'est produit sur une beaucoup plus vaste échelle. Les g'enres que j'ai pu recon- naître dans les calcaires et les macignios précédemment cités, c'est-à-dire, les g-enres Pollicipes et Ostrea, appartiennent seu- lement aux époques secondaires et tertiaires, et le g-enre Ostrea, en particulier, est peu fréquent avant la période crétacée. Tout indique donc que les calcaires si profondément méta- morphiques de la province de Minas-Geraes et appartenant à l'étag^e dont nous parlons, ne remontent pas au-delà de la pé- riode de la craie. Leur soulèvement et par suite le métamor- phisme remarquable et si profond de cette même régùon, et aussi la transformation des quartzites en itacolumites et ita- bi rites, sont dès lors des phénomènes postérieurs. D'après la ressemblance d'aspect et de position du gToupe phylladique et anag'énique recouvrant ces calcaires avec d'autres dépôts que nous verrons plus loin appartenir à l'époque tertiaire, on est amené à rapporter la dernière et la plus importante dislocation de ces couches à la fin de l'époque tertiaire elle- même. 68. — Les calcaires de l'étag'e dont nous nous occupons se montrent tantôt arg*ilifères, tantôt conqDactes ou finement g'renus ou cristallins. Les premiers alternent souvent avec GÉOLOGIE nu BRÉSIL, U!i des couches de psammite et se montrent g'énéralement pré- dominants à la partie inférieure de Tétag-e. Ils existent toutefois aussi en bancs intercalés dans les calcaires com- pactes, ainsi, que les psammites et quelquefois de minces lits de pliyllades. Ces dernières se réduisent en certains points à des couches tellement peu épaisses que leur continuité cesse, et alors on remarque de minces plaques phylladiques interca- lées dans les calcaires. Les calcaires arg-ilifères sont g'énéra- lement très- fortement schistoïdes, et leur couleur prédomi- nante est le blanc jaunâtre. Quelquefois ils ont une structure tout à fait feuilletée, et se composent alors de feuillets de calcaire plus compacte, g'énéralement g'risatre et parfois sili- ceux, alternant avec des feuillets de calcaire blanchâtre ou blanc jaunâtre arg'ilifère. Parfois les calcaires argilifères se montrent bruns ou roug'câtres, d'autres fois g'risâtres ou noirâtres, et dans ces cas ils sont g'énéralement très-bitumi- neux. Il y a toutefois des calcaires bitumineux de couleur pâle et jaunâtre. Bien souvent, les calcaires arg'ilifères schis- toïdes renferment des nodules siliceux dans lesquels le silex se confond avec la masse calcaire ou s'isole sous la forme sphé- roïdale en rog'nons semblables à ceux de la craie. Ce fait existe aussi bien pour les variétés bitumineuses que poui' les autres. D'autres fois ces silex ont des formes variées et leur couleur varie du blanchâtre ou g'risatre jusqu'au brun et au noir. Des nodules siliceux existent aussi dans les calcaires compactes, mais le silex s'isole moins fréquemment. En re- vanche, ces calcaires sont g'énéralement un peu siliceux, et, comme les calcaires arg'ilifères, ils se montrent parfois assez fortement charg'és de matières bitumineuses. Quelques-uns possèdent accidentellement une odeur désag'réable. La cou- leur prédominante dans les calcaires compactes est le g'ris bleuâtre souvent veiné de blanc par des lig'nes de calcaire spathique. Toutefois des couleurs brunes, roug'câtres, g'ris pâle ou g'ris presque noir se montrent accidentellement, dans cette variété, tantôt isolées, d'autres fois réunies dans le même échantillon où elles forment des veines et des taches. Mais en inO GEOLOGIE DU BRÉSIL. g*énéral, dans ces taches, par suite de l'altération due à l'état cristallin, on ne trouve g'uère de traces, ni définies ni indéter- minables, pouvant être rapportées à des restes org-aniques, même dans les cas où les veines et les taches en question ne sont pas formées, comme cela a lieu le plus souvent, par des calcaires spathiques plus ou moins colorés. Parmi les variétés compactes à texture finement cristalline, soit veinées, soit de teinte uniforme, il y en a d'exploitables comme marbres. 69. — Les couches de psammites ou de schistes intercalées dans les calcaires deviennent parfois, comme ceux-ci, très-for- tement bitumineuses. Il existe même des schistes inflammables soit à la partie inférieure des calcaires, soit au milieu d'eux. Parmi ces schistes, les uns sont de couleur brun clair ou jaunâtre, d'autres d'un brun noirâtre et même entièrement noirs. Ils contiennent parfois 10 ou 15 p. 100 de matière com- bustible et brûlent avec flamme. Après la calcination, il reste un schiste coloré en roug^e par le peroxyde de fer. Des schistes de cette nature renferment accidentellement des sphéroïdes siliceux, comme on le voit dans des échantillons de schiste noir inflammable rapportés de Tatui, dans la province de San-Paulo, par M. Pissis. Les schistes bitumineux inflammables ont été parfois pris pour de la houille. Dans la serra de Sete-Lag*oas, des couches de cette nature avaient été indiquées comme telles. En certains points, des filons et des dykes de diorite ont tra- versé les calcaires. Dans les environs de ces roches, ceux-ci se montrent fortement métamorphiques et cristallins, et par- fois contiennent des pyrites disséminées. J'ai vu des schistes bitumineux, devenus pyriteux près d'un filon de cette nature, fournir de l'alun par la décomposition des pyrites et constituer ainsi de l'ampélite alunifère. Le g'ypse cristallin est assez fréquent dans les schistes bitumineux. 70. — La surface des calcaires exposée à l'air, surtout dans les variétés poreuses et passant au g-rès calcarifère ou au ma- cigMio, est toute crevassée de trous ou creux sphériques et arrondis de I à 5 ou 10 centimètres de diamètre. Ces trous GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 151 sont très-rapprochés les uns des autres de manière à former des tranchants minces à leurs points de jonction. J'ai constaté ce fait, déjà sig'nalé par le D' Lund, partout où j'ai rencontré des calcaires, dans toute l'extension du bassin du San-Fran- cisco , aussi bien que dans la zone calcaire comprise entre le San-Francisco et Jacobina. Cet effet de la décomposition atmosphérique est facile à expliquer. Les eaux pluviales qui s'accumulent dans les inég^alités de la surface ne peuvent s'écouler, sinon en s'infîltraTit dans la roche; par conséquent leur écoulement est beaucoup plus lent que leur réunion dans les cavités lors des fortes ondées d'orag-e. Or ces eaux acides, en séjournant dans ces trous, tendent à dissoudre la matière calcaire. Elles g'randissent ainsi les crevasses, et les matières dissoutes sont alors entraînées à travers la roche elle-même sous l'action du temps. Cette nature de décomposition n'est pas au reste particulière au Brésil et aux contrées chaudes, mais elle s'y montre sur très-g-rande échelle, aussi bien que la décomposition de toutes les roches, sans doute à cause de la g-rande fréquence et de l'acidité des pluies d'orag^e. J'ai même observé cette nature de décom- position et cette action des eaux pour creuser profondément les surfaces non-seulement sur les calcaires, mais même sur des g-rès arg'ileux et siliceux, à la fois poreux et à g'rains fins. Cela tient à l'action dissolvante exercée à la long-ue par les eaux acides non-seulement sur les calcaires, mais encore sur la silice et les silicates. Les calcaires, comme je l'ai déjà dit, tantôt composent des chaînes de collines à flancs abrupts, ou mieux des plateaux découpés de vallées profondes de dénudation, tantôt forment des collines isolées. Une particularité fréquente dans ces der- nières est l'existence de collines aplaties, comme des frag*- ments de plateau très-bas et isolés, creuses dans leur centre et constituant ainsi des espèces de collines annulaires, ou mieux de bassins creux. Cette forme particulière des surfaces cal- caires plus ou moins enterrées dans les dépôts arg^ileux super- ficiels et considérables, constitués par des alluvions ancien- 152 r.KOLOGIE DU BRÉSIL. nés, dépôts dont nous parlerons plus loin, est en connexion avec Texistence de nombreux petits lacs isolés, dispersés dans le bassin du San-Francisco, à des niveaux au-dessus de la limite des inondations du fleuve ou de ses affluents. Les nombreux lacs et étang's de la rég'ion de Jag-uara et de La- g-oa-Santa, près du Rio das Velhas, doivent leur existence à ces formes annulaires du sol calcaire. 71. — Une autre particularité fort intéressante dans ces mêmes régnons, et ég"alement en connexion avec l'existence des nombreuses g'rottes, fentes et cavernes creusées dans les calcaires, est la disparition fréquente, sous le sol, de cours d'eau reparaissant souvent de nouveau plusieurs fois consé- cutives après un parcours souterrain plus ou moins long*. Le nom de Siimidouro est ordinairement donné, au Brésil, aux localités où des ruisseaux et de petites rivières disparaissent ainsi dans des souterrains. Il y a fréquemment des cours d'eau dont la disparition a lieu de cette manière pendant l'espace de plusieurs lieux. Les eaux de quelques-uns des lacs dont je viens de parler s'écoulent par des sumidouros. D'autres fois, des cours d'eau sortent du sol et apparaissent tout à coup dans un bassin calcaire. La fasendadeBebida, si remarquable par ses nombreuses g'rottes, sur la rive g*auche du Rio das Velhas, doit son nom assez bizarre à un sumidouro. Tout près du corps de la ferme, un assez fort cours d'eau sort de terre dans une espèce de petit lac, puis il coule pendant l'in- tervalle d'une centaine de mètres pour se précipiter dans un g-ouffre profond (qui le boit, d'où est venu le nom de Bebida), et il ne reparaît qu'à plus d'une lieue de distance. Ces phé- nomènes si fréquents au Brésil existent, on le sait, dans une multitude de pays calcaires, surtout dans celles des forma- tions jurassiques ou crétacées, où de puissantes couches cal- caires se trouvent crevassées de nombreuses g'rottes et ca- vernes. Comme nous venons de le voir, les calcaires dans lesquels s'observent au Brésil ces mêmes sources et g'rottes, et les disparitions de cours d'eau sous le sol, appartiennent aussi à la formation crétacée. GÉOiJ>r,[R or nRKSii.. 153 72. Les nombreuses cavernes du val du San-Franeisco et du Rio das Vellias portent au reste des traces évidentes de l'action des eaux par lesquelles elles ont été creusées. Leur forme est ordinairement celle de couloirs excessivement allong-és, tantôt plus ou moins rectilig-nes, d'autres fois avec de fortes courbures et de nombreuses ramifications. Quelquefois ces couloirs s'ouvrent en g-randes g^aleries élevées ; ailleurs ils s'élargnssent avec une faible bauteur, d'autres fois encore ils s'accroissent dans les deux sens et forment de vastes cbambres séparées par des couloirs accidentellement très- resserrés. Très-fréquemment d'ailleurs, les cavernes montrent deux issues. Dans beaucoup de cas les terres, qui les remplissent plus ou moins partiellement, se joig^nent aux brusques variations de niveau pour dissimuler l'une de ces issues. Les terres contenues dans ces cavernes sont nitreuses, et on les exploite pour en extraire le salpêtre. Ces extractions ont donné lieu à la découverte d'un nombre considérable d'ossements fossiles appartenant à la faune quaternaire, et on doit au D' Lund de mag^nifiques rechercbes sur ces osse- ments et sur les espèces d'animaux qui ont babité le Brésil à cette époque. J'ai exploré plusieurs de ces cavernes et j'ai pu, en examinant les surfaces, me convaincre du rôle actif exercé par les eaux pour leur creusement. Ainsi tous les contours sont remarquables par leurs formes arrondies. Le sol môme, partout où la coucbe de terre a été enlevée pour extraire le nitre, montre une forme arrondie et se fond sur les côtés avec les pans latéraux. La surface des murailles et du sol, sur les points où on peut la voir à nu, apparaît avec des élévations et dépressions successives se perdant les unes dans les autres. En outre, la surface pierreuse des murailles et du sol est polie, comme celle des pierres sur lesquelles les eaux ont roulé. Il ne reste donc pas le moindre doute que les g-rottes et caver- nes en question ont été creusées par l'action des eaux; et dans ce cas, l'eau a ag*i par son action dissolvante, aidée du frot- tement et de l'incessante rénovation résultant de son mou- iU GÉOLOGIE DU BRÉSIL. vemenl. Très-probablement des failles et des fractures, dues à des tremblements de terre de l'époque du soulèvement g*énéral du sol et de celle où des fractions de coucbes ont été si profondément redressées, comme on le voit dans les zones plus profondément métamorphiques des itabirites et itacolumites, ont déterminé les premières ouvertures. Celles-ci ont pu aussi avoir lieu sous l'influence des lég*ers déplace- ments des couches elles-mêmes dans les parties où ces couches sont restées voisines de l'horizontalité, mais presque toujours, quoique très-lég^èrement, inclinées. Plus tard celles de ces fractures qui ont donné passag^e à des courants d'eau se sont élarg-ies prog-ressivement sous l'influence simultanée de la dissolution et du frottement. Il existe, on le sait, d'assez g-randes différences dans la facilité avec laquelle les calcaires sont attaqués suivant leur texture et suivant qu'ils sont plus ou moins siliceux et po- reux, ou charg*és d'une plus ou moins g'rande quantité de mag'nésie ou de protoxyde de fer substitué à la chaux. De plus ces roches considérées en g*randes masses ne se mon- trent jamais parfaitement homog-ènes, et sont formées de parties alternativement plus ou moins dures, même dans une seule couche. Ces faits expliquent facilement comment, dans les couloirs principaux, ont pu souvent, même sans fracture primitive, se produire des enfoncements plus ou moins g'rands, sous l'action dissolvante des eaux, car celles-ci ont attaqué de préférence les parties les plus solubles. On con- çoit ainsi l'existence de certains couloirs latéraux naissant comme des bifurcations embranchées sur le couloir principal et sans issue à l'autre extrémité. Les mômes circonstances expliquent aussi pourquoi en certaines régions les couloirs s'élarg'issent ou se rétrécissent soit en hauteur, soit en lar- g-eur, soit dans les deux sens à la fois, pourquoi ils dévient dans leur direction en hauteur en s'étendant souvent au- dessous dans des couches autres que celles dans lesquelles ils ont commencé. De plus, les failles dans une roche, comme dans une vitre qui se brise, s'arrêtent souvent au milieu de GKOF,OGIE Dr P.RÉSIL. 155 la masse, cl les failles de ce g*enre quoique très-fines à l'une de leurs extrémités, ont aussi favorisé la formation des cou- loirs latéraux sans issue. En outre, de l'eau accumulée dans de gTandes cavités sans issue, lorsque surtout la pression est forte, s'infiltre lentement dans la masse de la roche qui est toujours plus ou moins poreuse, indépendamment de ses pe- tites fissures inperceptibles. Alors cette eau, pendant le séjour prolongée dans la cavité, ag-it fortement sur les parois pour en dissoudre la substance, et y approche plus ou moins de la saturation ; en même temps le liquide ainsi saturé qui s'é- coule lentement dans la masse, loin d'y effectuer de nouvelles dissolutions, peut même y déposer des cristallisations sous l'action des courants électriques du sol, qui décomposent les acides nitrique ou carbonique contenus dans l'eau et par lesquels le pouvoir de dissolution de celles-ci était aug'menté. En outre un g'az, comme l'acide carbonique, peut même s'é- chapper par les parties de la roche moins poreuses où l'eau n'entre pas avec la même facilité, puisqu'on sait que les g'az pénètrent beaucoup plus facilement que les liquides dans les pores. Ainsi peut encore se concevoir, sous l'action d'un temps considérable, le creusement de profondes crevasses sans issue, et aussi les dépôts de cristaux de carbonate de chaux •en veines dans de très-petites fissures, ou même en très- petits cristaux dans la masse de la roche en donnant à celle-ci l'aspect cristallin. Evidemment il existe là une action mé- tamorphique très-considérable, s'opérant souvent sous l'ac- tion du temps avec une lenteur extrême, mais pouvant mo- difier très-sensiblement à la long^ue la texture des calcaires sans l'influence de causes spéciales et thermales (1). (1) Cette importante action métamoi^phique mérite d'appeler l'attention. La silice, les oxydes de fer, et beaucoup d'autres substances étant, comme les calcaires, solubles sous l'influence des eaux acides, il s'ensuit que toutes les roches peu-vent montrer, dans des conditions convenables, une certaine tendance à passer à l'état cristallin, et par suite le métamorphisme, appelé régional par M. Daubrée, peut trouver son expli- cation sur certaines roches par la simple action du temps et de l'infdtration des eaux dans le terrain, surtout dans les régions tropicales où les orages sont si nombreux, ot où une active végétation donne lieu dans le sol végétal n une abondante production d'acide carbonique entraîné par les pluies. lor. GÉOLOGIE DU BRESIL. En combinant ensemble tous ces divers modes d'ag-ir de l'action dissolvante et du mouvement de l'eau sur les frac- tures primitives des roches, on peut se rendre facilement compte de toutes les formes bizarres et variées observables dans les g*rottes, et de la formation de ces dernières sous l'action du temps. L'existence et l'abondance des cavernes dans la ré- g-ion dont je parle ne présente donc pour son explication aucune difficulté réelle. Disons toutefois que les très-g^^andes cavernes sont relativement rares, comme on doit s'y atten- dre. La plupart d'entre-elles sont étroites et très-long'ues, et toutes sans exception portent des traces évidentes de l'action des eaux par lesquelles elles ont été creusées. 73. — Quelques-unes de ces cavernes ont été plus ou moins complètement remplies de terre, postérieurement à leur for- mation, et dans des portions plus ou moins grandes de leur étendue. D'autres ont été seulement recouvertes d'une couche assez mince. Mais un fait très-dig;ne de remarque est que ce remplissag-e a été en g^énéral très-postérieur au creusement de ces cavernes, et à une époque où depuis long-temps elles ne donnaient plus passag-e aux eaux. En effet, un g*rand nom- bre des cavernes que l'on vide pour extraire le salpêtre con- tenu dans leur terre, montrent des stalag-mites très-consi- dérables sur la surface pierreuse inférieure à cette couche- de terre. Or ces stalag'mites n'ont pu être formées sur le sol des cavernes pendant que celles-ci donnaient passag^e à des courants d'eau, car les dépôts stalag'mitiques proviennent, comme on le sait, et comme on peut le voir dans les dépôts analog*ues actuels et en formation, de l'infiltration des eaux charg'ées d'acide carbonique, et tombant en g'outtes à la surface du sol après avoir traversé le toit des cavernes. Ces eaux très-calcarifères abandonnent leur acide carbonique à l'air libre, et le carbonate de chaux qu'elles contenaient se dépose alors lentement en donnant lieu aux remarquables cristallisations des stalag-mites. Ces dernières productions sont très-souvent accompag*nées de stalactites attachées au toit, et celles-ci sont produites de la même manière par GÉOLOGIE IJU BRÉSIL. 157 l'eau qui, on restant attachée au toit jusqu'à se trouver en quantité suffisante pour former une g^outte, perd aussi dans cette circonstance une partie de son acide par la volatilisation et dépose du carbonate de chaux. Or, dans un nombre consi- dérable de cavernes, on voit des masses énormes de stalag'- mites tant à la base des murailles latérales que sur la surface même du sol inférieur à la couche de terre de remplissag-e ; et souvent ces masses se relient aux stalactites de la partie infé- rieure des murailles latérales, en formant ainsi sur ces der- nières de vastes festons et des draperies de l'aspect le plus pittoresque. Parfois même des stalactites pendant du milieu du toit se sont accrues jusqu'à rejoindre la stalag'mite formée sur le fond, en constituant ainsi des colonnes du plus bel effet. D'autres fois de semblables stalactites pendent du plafond comme des cloches volumineuses; et des stalag'mites corres- pondantes existent sous la couche de terre de remplissag-e, en montrant' quelquefois leur sommet au-dessus de cette terre sous laquelle se cache leur base. La formation des stalactites et des stalagnnites se continue encore de nos jours partout où les eaux suintent lentement du toit et tombent sur le sol; et l'on peut, sur des points très-nombreux, constater l'existence de stalag-mites évidem- ment postérieures au remplissag-e, puisqu'elles reposent sur la couche de terre recouvrant le sol pierreux de la caverne. Toutefois, en g'énéral, ces formations plus récentes n'altei- g'nent pas la gTande dimension des anciennes, et par consé- c[uent on doit en déduire que les cavernes en question, après leur formation et leur assèchement, sont restées, avant de se remplir partiellement de terre, un temps beaucoup plus long- que la durée écoulée depuis ce renq^lissag'e, Cette conclusion donne lieu toutefois à diverses remarques pour être bien appréciée à sa vraie valeur. Ainsi, il ne fau- drait pas croire que la formation stalag-mitique aurait cessé dans toutes les cavernes pendant le remplissag'e plus ou moins considérable par des terres, auquel cas on aurait trois périodes nettement distinctes : celle des slalag*mites ancien- 158 GEOLOGIE DU BRESIL. nés, celle du remplissag*e, celle des stalagriiites modernes, lesquelles se continuent encore de nos jours. Cette séparation en trois périodes aussi nettement définies a dû avoir lieu évi- demment quand l'apport des terres a été effectué par des eaux courantes, car celles-ci, et de même les nappes d'eau recou- vrant le fond de la caverne, s'opposaient à la formation des slalag-mites sur le sol. Ce cas s'est plusieurs fois produit, on le constate aisément, et alors les stalag-mites inférieures ont été plus ou moins attaquées par les eaux courantes ; leurs fines dentelures ont disparu et les surfaces sont plus ou moins arrondies par les eaux. En outre des frag*ments plus ou moins roulés de ces stalag^mites et des morceaux de roche calcaire arrachés aux murailles gnsent dans la terre apportée. Ceci a lieu surtout dans les points où les courants ont été momen- lanément forts et composés de g-randes masses d'eau, les- quelles coulant parfois en forts torrents ont pu même faire disparaître en certains lieux toute trace de stalag^mite et même de stalactite. Mais le remplissag'e ne s'est pas toujours produit ainsi par des terres apportées par des eaux courantes. Même dans les cas où l'apport a eu lieu de cette manière, il n'y a pas été total, et très-souvent il ne s'y est pas produit en une seule fois; mais on peut quelquefois constater l'existence de couches successives, manifestées par la présence, en certains points, de couches stalag-mitiques ou de croûtes calcaires superposées et intercalées dans les terres de remplissag"e, lesquelles couches montrent que la caverne a été plusieurs fois envahie par les eaux, et plusieurs fois asséchée, auquel cas il y a eu plus de trois périodes distinctes. Mais, nous venons de le voir, l'apport de terre sur le sol des cavernes n'a pas toujours eu lieu par l'action des eaux cou- rantes. C'est là un fait dig-ne d'appeler sérieusement l'atten- tion, et quand cette introduction de terre s'est produite sans l'intervention des courants, il n'existe plus les trois pé- riodes nettement séparées des formations slalagniiitiques antérieures au remplissag'e, du remplissage proprement dit, et des formations slalag^mitiques postérieures à ce dernier. GÉOLOGIE DU BRÉSIL. ]59 Au contraire, on reconnaît au pied des stalag*mites , dont la base repose sur le sol pierreux, qu'une quantité plus ou moins g'rande de la terre déposée à leur base se trouve eng'ag'ée dans la masse stalagMnitique , laquelle parfois s'étale considérablement, d'autres fois se resserre dans ces terres alors fortement endurcies par le carbonate de chaux. On a, dans ce cas, la preuve que la formation stalag'mitique se faisait et se continuait avec le dépôt des terres. De même on voit quelquefois le pied des stalag™tes supérieures à la couche de terre, eng-ag-é plus ou moins profondément dans celle-ci, et on a alors la certitude que ces slalag'mites avaient commencé avant l'achèvement du dépôt des terres. On voit aussi parfois des slalag'mites se rapportant aux époques inter- médiaires et plus ou moins enterrées à leur base dans la cou- che de remplissag^e, sans atteindre jusqu'au sol pierreux in- férieur et sans s'étendre sur la couche supérieure de terre. Dans ces cas, on voit ég'alement par places les bases des slalag'mites encroûter une plus ou moins g'rande épaisseur de la couche de terre, de manière à montrer que le dépôt de celle-ci était simultané avec la formation de ces stalag'- mites. Evidemment, dans toutes ces circonstances, le dépôt des terres s'est fait au moins partiellement dans des condi- tions où des courants d'eau ne s'opposaient pas à la forma- tion des slalag'mites, et ce dépôt a eu lieu d'une manière excessivement lente comme cette dernière formation elle- même, laquelle, dans aucun cas, ne peut être rapide, et est l'efîet d'un temps immense, l'œuvre des siècles. D'un autre côté, dans toutes ces circonstances, évidemment, les trois périodes dont j'ai parlé plus haut ne peuvent être dis- tinctes et nettement séparées. La masse énorme des stalag^mites et aussi l'abondance des ossements fossiles apparaissant en certains points dans les couches de terre de remplissag'e, solidifiées par les eaux cal- caires, montrent que les cavernes en question ont été creusées à une antiquité excessivement reculée, puisqu'il s'est écoulé un temps considérable depuis lors, temps pendant lequel se 160 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. sont faits les dépôts en question. D'un autre côté, les preuves évidentes, dans un grand nombre de cavernes, de l'influence accidentelle de courants d'eau pour leur remplissag'e, in- tluence souvent répétée et interrompue plusieurs fois dans la même g-rotte, montrent que, pendant cette long^ue période, le rég'ime des eaux dans la rég-ion a plus d'une fois varié. Des variations de niveau et de nouvelles fractures ont dû se produire. D'autres failles ont du s'eng^ag^er et se remplir de cristallisations ou se fermer, ou enfin, par suite des variations de niveau et des modifications résultant de la dénudation du sol supérieur, cesser d'être les points d'accumulation de dépôts d'eau pouvant entretenir le lent suintement nécessaire à la pro- duction des stalag^mites. Il doit donc être bien rare qu'une production de stalagmites ait pu, pendant cette très-long^ue période, se continuer toujours sur le même point, même dans les cavernes où les eaux soit courantes, soit réunies en petites mares ou lacs, ne sont pas venues jeter de perturbation dans leur formation. Peut-être cette persistance de production sur le même point est-elle arrivée quelquefois, mais je ne l'ai pas observée et je ne l'ai pas vue sigMialée par le D^ Lund. Toute- fois ni lui ni moi nous n'avons pu observer tous les points, car les cavernes sont en nombre immense dans ces rég'ions, et on les trouve non-seulement au milieu des calcaires intercalés dans les itabirites, ou dans la partie correspondante du même dépôt resté presque liorizontal dans le bassin du Rio das Velhas, mais elles existent encore dans la même couche cal- caire répandue en vastes lambeaux sur foute la vallée du Rio de San-Francisco, dans son immense extension. Le manque de continuité dans les formations stalag'mi tiques doit être évidemment le cas le plus ordinaire et le plus fréquent, et c'est celui que j'ai observé. De là résulte une division naturelle des stalactites et stalag'mites en deux classes ; celles qu'on observe aujourd'hui se formant encore et s'étendant sur la couche de terre superficielle, et celles dont la formation est ancienne, et ne se continue plus. Ces dernières évidemment compren- nent des stalactites et stalag'mites de beaucoup d'àg^es diffé- GÉOLOGIE DU BUÉSIL. |(il rents. Par conséquent, d'une manière g'énérale, Icurcnsemble doit beaucoup plus que les formations actuelles recouvrir le toit, les murailles et le sol des cavernes; mais elles n'en parais- sent pas moins avoir été en g-énéral accompag-nées d'un dépôt très-lent de terres et d'ossements, lequel à la long*ue a fini par recouvrir la plus g*rande partie de la masse des stalag-mites. Il importe de ne pas perdre ce point de vue. Quand donc, à des époques plus ou moins postérieures à l'orig^ine de ces phé- nomènes, les eaux courantes ont eu accès de nouveau dans certaines cavernes et y ont répandu d'épaisses couches de terre sans formation simultanée de stalag*mites, il ne s'ensuit pas qu'avant cette époque, le même dépôt lent ne se fît pas ég^alement, d'autant plus qu'il a pu parfois être balayé par les eaux avant le nouveau dépôt, surtout dans les parties où il n'avait pas été trop endurci par les stalag'mites. Quand donc nous constatons ainsi une période plus rapide d'apport de terre, quand nous notons qu'en g"énéral, dans celles des cavernes douées de ce caractère, des formations stalag*miti- ques, beaucoup plus considérables que les actuelles, existent sous cette couche, cette g'énéralité même nous donne la preuve d'un important chang-ement dans le rég-ime des eaux, lequel s'est produit sur vaste échelle et est récent relativement à l'ancienneté de la majorité des cavernes; mais cela n'établit ni l'existence, ni la simultanéité de cette nouvelle introduction des eaux dans toutes les cavernes, ni que, pour quelques- unes de celles-ci, cette irruption des eaux ne s'est pas repro- duite plusieurs fois, à des époques plus anciennes ou plus récentes. Au contraire, tous ces divers cas ont eu lieu, comme nous venons de le voir, et par conséquent il n'y a au fond, dans l'histoire des cavernes, qu'un ordre de faits continu, lequel se passe du même mode de nos jours, puisque les eaux circulent encore dans certaines cavernes, comme le prouvent les suinidouros^ et puisque ces eaux peuvent effectuer des dé- pôts terreux sur certains points d'une caverne et sur d'autres la creuser encore^ et enfin puisque la formation elle-même des cavernes se continue actuellement par leur ag^andisse- 11 162 GÉOLOGIE DU BRESIL. ment. Par ce travail les eaux elles-mêmes déterminent de temps à autre des éboulements , se manifestant parfois sim- plement par de g-rands bruits souterrains, comme cela est encore arrivé dernièrement au Sumidouro près de Lag'oa- Santa et JagTiara. D'autres fois des ruisseaux ont, de mémoire d'homme, surg'i ou disparu dans des failles du sol. 74. — Par conséquent, nous assistons encore aujourd'hui à toutes les phases possibles de formation et de remplissag'e des cavernes, et de création de leurs dépôts stalactiliques et stalagniiitiques, aussi bien qu'à la fossilification des ossements d'animaux el à l'accroissement lent des dépôts terreux sur leur sol. Nous verrons plus loin comment, relativement à ces derniers, on prend encore, pour ainsi dire, la nature sur le fait. Mais de l'ensemble des circonstances énumérées pré- cédemment, il résulte la nécessité de rejeter toute idée de cataclysme, tant pour l'origine que pour le remplissage des cavernes, dont les unes sont plus récentes et les autres d'une antiquité excessivement reculée. Au contraire, les faits ont été toujours analogues à ceux de nos jours et composés d'actions lentes et presque insensibles; et quoiqu'il paraisse avoir existé une époque de changement assez consi- dérable dans le régime des eaux, cliang*ement en vertu duquel un grand nombre de cavernes, antérieurement et pos- térieurement sèches, ont reçu à leur intérieur des dépôts con- sidérables de terre, cette époque elle-même a dû être très- longue, comme l'atteste la quantité considérable d'ossements enfouis souvent dans la terre de ces dépôts. Ces chang-e- ments se sont donc opérés lentement et progressivement, ou par une série de petits chang-ements dus peut-être à des modifications de niveau accompag'nant des tremblements de terre distants les uns des autres dans le temps, mais s'éten- dant sur de grandes surfaces. Dans ces circonstances, non- seulement toutes les cavernes n'ont pas eu leur régime simul- tanément modifié, mais encore relativement à celles pour lesquelles des modifications ont Cu lieu, les changements de même sens ne les ont pas toutes atteintes en même temps, ni GÉOLOGIE l>U BRESIL. 103 avec la môme intensité, comme le prouve la continuité d'un seul et long' dépôt dans les unes, l'établissement et la sup- pression à plusieurs reprises de dépôts de moindre durée dans les autres, avec de long-s intervalles entre ces dépôts successifs. 75. — Si nous étudions aujourd'hui la formation des dé- pôts stalag'mitiqucs dans les cavernes, nous remarquerons d'abord que les stalag'mites proprement dites, c'est-à-dire, les cônes saillants formés à la surface de la terre, existent seu- lement sur les points où l'eau tombe du toit en g*outtes peu nombreuses, en d'autres termes, où l'écoulement est lent et peu abondant. Sur les endroits, au contraire, où les g-outtes tombent et se suivent avec rapidité, elles ne créent pas de stalag'mites coniques, mais elles coulent sur le sol et se réunissent dans les anfractuosités voisines du point de chute où elles forment, surtout quand cette chute rapide est intermittente et se produit à l'époque des pluies, des incrustations calcaires à la surface du sol sur lequel l'eau s'évapore dans l'intervalle des saisons pluvieuses. Chaque ondée apporte de nouvelles g-outtes d'eau et une nouvelle addition de matière, jusqu'à ce que, la surface s'élevant, les eaux roulent plus loin. Ainsi se forment, à partir du point de chute, des surfaces calcaires plus ou moins unies et souvent polies dans les directions où les eaux s'écoulent. Le point où ces g^outtes d'eau tombent se creuse souvent lui- même en forme de bassin. Les eaux s'y accumulent, y sé- journent en dissolvant du calcaire, puis quand ce bassin est plein d'eau, l'excès roule en tous sens, incrustant la surface comme je viens de l'indiquer. Cette action de la chute rapide des g-outtes d'eau pour dissoudre le calcaire au lieu d'en dé- poser est très-remarquable; et souvent quand une chute rapide se produit ainsi sur un lieu où auparavant une chute plus lente avait d'abord fait des stalag*mites coniques et volu- mineuses sur le sol, il est facile de constater que, lors des pluies, ces dernières sont dissoutes et usées par la chute de l'eau, au lieu d'aug-mcnter comme il arrive lors des cas de chutes très-lentes. Dans les parties des cavernes où les eaux 164 GÉOLOGIE DU BRESIL. pluviales s'infiltrent avec facilité par de nombreuses fentes souvent imperceptibles et tombent abondamment sur une multitude de points, le phénomène dont je viens parler se produit parfois sur une g^rande étendue; et ces eaux amènent souvent avec elles des parcelles fines d'arg-ile, lesquelles se déposent avec les parties calcaires en dissolution. Ces incrustations empâtent les ossements d'animaux épar- pillés sur le sol et soit apportés par des animaux carnassiers, mammifères ou oiseaux, soit provenant d'individus morts dans les cavernes; et parfois on voit sur le terrain, dans les points où se font cet apport de matières et ces incrustations, des ossements plus ou moins partiellement enfouis et que la continuation du phénomène conservera dans la couche du sol arg-ilo-calcaire. Quelquefois, quand l'eau arrive en plus g'rande quantité encore pendant les pluies, mais pas assez abondamment pour rouler, il se forme, dans certaines parties des cavernes, des espèces de nappes d'eau ou g'randes mares ; et si ces eaux, toujours incrustantes et calcarifères, sont un peu charg^ées de fine arg'ile, elles forment tous les ans en se desséchant une couche mince d'arg-ile calcarifère, sur laquelle, après la pé- riode de sécheresse, se formera de même, l'année suivante, un nouveau lit très-mince, car dans cette rég'ion les saisons sont rég-ulières et il y a toujours plusieurs mois sans pluie. Parfois, si les eaux sont très-incrustantes et non arg-ilifères, parce qu'elles ont circulé lentement dans la masse de pierre, mais si pourtant elles restent abondantes parce qu'elles vien- nent d'une multitude de points, la couche déposée est entiè- rement calcaire ; et il n'est pas rare de voir, dans certaines parties des cavernes, de vastes surfaces, du moins dans les parties largues, qui montrent ainsi une superficie cristalline unie, môme sur des points où aujourd'hui il n'y a plus d'infil- tration ; mais ce fait démontre qu'anciennement ces infiltra- tions ont eu lieu. Quelquefois ces infiltrations anciennes sont accusées, en outre, par la présence de stalactites à la voûte et aux murailles; d'autres fois les eaux incrustantes étaient GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 165 arrivées vers la base de ces dernières; d'autres fois encore les chutes ont été trop rapides pour avoir permis la forma- tion des stalactites, car celles-ci, aussi bien que les stalag^mites coniques, se forment seulement sur les points où l'eau arrive avec une extrême lenteur. Celles de ces surfaces calcaires unies et dénudées qui ne sont pas de formation présente, nous montrent, en outre, comment l'accroissement lent du sol des cavernes par les infiltrations pluviales ne se fait pas dans toute l'extension à la fois, ni en permanence. Tantôt cet accroissement a lieu sur un point, tantôt sur un autre, et souvent une portion d'une caverne peut lui échapper long-temps; mais, sous l'ac- tion du temps et des modifications incessantes, il finit par s'effectuer partout. 76. — Les animaux aussi sont loin d'être sans influence sur l'accroissement du sol des cavernes. Pour s'en con- vaincre, il suffit de comparer la proportion énorme d'osse- ments accumulés dans certains points par rapport à la masse de terre. Or il ne faut pas perdre de vue que les animaux ne contribuent pas à cet accroissement seulement par la masse de leurs os, mais aussi par l'apport de terre humide et en boue par les temps de pluie, quand ils viennent se réfug-ier dans les cavernes. Il suffit de se rappeler les couches épaisses de boue transportées dans une ville, à chaque ondée, par les pieds des passants et déposées ainsi sur les pavés voisins des terres macadamisées, dans des long'ueurs de plusieurs cen- taines de mètres, pour comprendre le rôle important des terres ainsi apportées, sous l'action répétée des siècles, par des milliers d'animaux ayant laissé leurs os dans les ca- vernes, terres auxquelles se joig'nent les fientes et tous les détritus introduits directement par les mêmes êtres vivants. Ces dépôts, battus par les pieds, durcissent en se séchant et s'incrustent prog'ressivement de calcaire de la manière ci- dessus indiquée. Il n'est pas jusqu'aux poussières apportées ég-alement sur eux par les animaux dans les temps secs, ou poussées par les vents dans l'entrée des cavernes, d'où en- IGG CxÉOLOGIE DU BRÉSIL. suite les mammifères les transportent partout, qui ne contri- buent à cet accroissement du sol par une action quotidienne- ment répétée pendant des milliers d'années. 77. — La nature des terres de remplissag'e d'une caverne est identique toujours à celle des couches de terre d'alluvion existant au dehors dans la rég-ion environnante. Ces terres se composent d'arg*ile jaune très-fine sur les points où celle-ci domine à l'extérieur, ou d'arg'iles roug*es fines ou plus g'ros- sières, ég^alement sur le point où telle est la terre des alen- tours. Evidemment, cela doit être, quel qu'ait été le mode de remplissag'e. Mais toutefois il importe de remarquer que, dans les cavernes, on ne trouve guère de couches de sables intercalées dans les arg-iles, quoique parfois du sable existe à l'extérieur; et ceci est conforme aux explications précé- dentes sur le remplissage de ces cavernes; car, dans leurs infiltrations lentes, les eaux ont entraîné les argiles très-fines beaucoup plus que les sables ; ce sont aussi les arg'iles qui font les boues. Donc, la partie arg-ileuse a dû toujours domi- ner dans les dépôts lents des cavernes : les g*rains de sable s'y trouvent perdus alors dans l'argile, et le tout est plus ou moins endurci par le calcaire. Là, au contraire, où les eaux ont joué un rôle principal dans le remplissag'e, des sables ont pu évidemment être entraînés en grande quantité. Or le peu de fréquence relative de ces derniers est une preuve que le remplissage a eu lieu le plus souvent par des actions lentes ou par des inondations de certaines parties des ca- vernes, et rarement par de forts courants ayant traversé ces dernières. Les forts courants, en effet, ont dû travailler à creuser les cavernes plutôt qu'à les remplir, et aujourd'hui encore il n'est pas rare, dans les cavernes où des eaux tor- rentielles s'introduisent après les g-randes pluies, de voir la surface de la terre de la caverne avec ses incrustations de stalagmites plus ou moins creusée par ces courants. Alors ordinairement se montre, dans le lit creusé du torrent, une petite quantité de sable et quelques cailloux quartzeux et fragments de stalagmites et de calcaires plus ou moins roulés GÉOLOGIE 1>U r.RÉSIL. \c,i et ang'uleux. On peut donc constater, dans ce cas, qu'il n'y a pas eu remplissag-e, mais au contraire creusement dans les terres de rcmplissag'e antérieurement introduites dans la ca- verne. Quelques dépôts constitués par les arg^iles et les terres charriées par les torrents s'effectuent, toutefois, dans les par- ties les plus larg-es et les plus profondes formant des espèces de bassins dans lesquels débouchent des courants et d'où en partent de nouveaux; et il est facile de comprendre comment des cadavres d'animaux, entraînés dans des bassins de ce g'enre, ont pu s'y trouver arrêtés et enfouis dans des dépôts de vase mêlée de sable, et s'y trouver ultérieurement incrus- tés de calcaire comme ces dépôts eux-mêmes. Toutefois ce mode d'introduction des ossements d'animaux n'a pas été g'énéralement le plus fréquent, quoiqu'il ait fourni des osse- ments de toutes les classes de vertébrés, et en outre des co- quilles fluviatiles. Pour la majorité des g-randes espèces dont l'habitation n'avait pas lieu dans les cavernes, ou que leur carapace préservait contre l'attaque des bêtes féroces, ce der- nier mode d'introduction paraît toutefois avoir joué le rôle principal. Mais, dans les trous profonds formant précipices, il n'est pas nécessaire de recourir au mouvement des eaux entraînant les cadavres pour expliquer la chute des ossements de mammifères g-rands et petits. Fréquemment les g'randes espèces, de formes lourdes et de locomotion difficile, de la famille des édentés, y ont pu g-lisser et, ne pouvant se rele- ver, auront péri dans ces trous. Il en est de même de beau- coup des espèces poursuivies par les carnassiers, et aussi de ceux-ci, qui, dans leur course rapide, se seront tués ou em- prisonnés, ou même noyés dans ces g-ouffres parfois remplis d'eau à leur partie inférieure. Il est, au reste, dig'ne de re- marque que les trous profonds sont le plus souvent très- riches en ossements fossiles d'espèces éteintes. Mais la plus g'rande partie des ossements des cavernes a été introduite par les animaux carnassiers, et, dans ce cas, l'intervention de ceux-ci se reconnaît à ce que les os sont brisés en frag'ments et écrasés par les dents. Ces frag'ments 168 GÉOLOGIE DU BRESIL. se trouvent éparpillés et mêlés sans ordre, et sont entourés ou remplis de terre. Souvent on reconnaît même qu'ils ont été rong-és par la dent de petits animaux. Evidemment, beaucoup des animaux vieux, morts dans les cavernes, ont eu aussi leurs chairs dévorées par les diverses espèces du g-enre Canis, lequel recherche les viandes en putréfaction. Mais, pour les petites espèces, le D' Lund a reconnu le rôle considérable exercé par les oiseaux carnassiers nocturnes. Pour donner une idée de Ténorme profusion des osse- ments de petits animaux ainsi amoncelés parfois dans la terre des cavernes, je ne puis mieux faire que de donner la traduction d'un extrait d'un des rapports de ce savant paléontologiste sur la visite d'un de ces g-oufres : (( L'excavation, dit-il (1), consiste en un trou ovale creusé verticalement à 24 pieds de profondeur, et de 36 pieds de ( long'ueur dans son g-rand diamètre. Son sol se composait ( d'une terre fine g-ris-jaunâtre, toute remplie de petits os. Ceux-ci se trouvaient en g-énéral dans un assez g*rand deg-ré ( de décomposition, et il y a aussi été découvert quelques ossements pétrifiés, mais en faible proportion. Les os ap- partenaient, pour la plus g*rande partie, à de petits mam- mifères, surtout des g^enres Mus et Didelphis , et à une quantité moindre d'oiseaux et de reptiles, parmi lesquels les g-renouilles dominaient. Après qu'un essai préalable eut démontré que cette abondance d'ossements se prolon- g-eait sans altération à plusieurs pieds de profondeur, je fis org*aniser un échafaudag'e pour retirer la terre avec des sceaux. Après trois mois et demi de travail continu, on atleig'nit le fond du trou, lequel, à une profondeur de 62 pieds, finit par un petit couloir courant obliquement en ( bas, et trop étroit pour y travailler. La masse de terre retirée s'éleva à 6 552 barils (un baril est environ un cin- ( quième d'une tonne danoise), sans compter les pierres, (i) Meddelelse af det Udbytte de 1 18i4 undcrsogte Knogichuler hâve afgivet ti| Kundskaben om Brasiliens Dyreverden iôr sidste Jordou]\a'llning, par le D"" Limd. CopenJiugue, 1845, GÉOLOGIE OU BRÉSIL. i69 composées poui* la plus grande partie de gros blocs de quartz ou de calcaire qu'il fallait d'abord briser, et qui ont rempli 1 796 barils. La proportion considérable de petits os s'est montrée tout à fait invariable dans les 4 000 premiers barils. Dans les suivants, on peut l'estimer à la moitié de ce qu'elle était à l'orig'ine. Pour donner une idée de cette profusion extraordinaire d'ossements, je dirai que d'un baril, pris au hasard, j'ai retiré et compté à part toutes les mâchoires inférieures de petits mammifères, et il s'en est trouvé 2 385 des g^enres dont il va être parlé, et parmi lesquelles 1 440 étaient du g-enre Mus, 901 du g^enre Didelphis, 26 du g-enre Echimys, et 18 de Cavia. Nécessai- rement, dans ce triag*e, une partie de ces petites mâchoires se sont trouvées perdues, tantôt par leur petitesse, tantôt comme plus endommag-ées, enfin comme cachées par la poussière et contenues dans les mottes de terre. On ne peut pas en évaluer la quantité à moins de 10 p. 100, ce qui ferait le nombre de 238. Il y aurait donc eu en tout 2 623 mâchoires, qui appartenaient à 1 311 individus, dans chacun des 4 000 premiers barils, ce qui ferait un total de 5 244 000 individus. Pour les 2 500 barils restants, je crois pouvoir en estimer le nombre à la moitié ou 655 individus par chacun , ce qui ferait 1 637 500 individus, et porte le chiffre total à 6 881 500 individus des quatre g-enres ci- dessus nommés. Le nombre de toutes les autres espèces, tant de mammifères que d'oiseaux ou de reptiles, peut, je crois, s'évaluer à 10 p. 100 du nombre ci-dessus, ou à 688 150, ce qui donne pour le total de tous les animaux trouvés dans cette caverne le chiffre de 7 569 650. « On sera justement surpris de cette foule énorme de restes d'animaux dans un si petit espace, et je me suis demandé la solution de cette énig-me. Je crois qu'on peut en g-rande partie la donner; mais, comme le temps et l'espace ne me permettent pas d'entrer ici dans une explication détaillée, < je dirai seulement, d'une manière g-énérale, que les petits ( os proviennent pour la majeure partie d'animaux entraînés 170 GÉOLOGIE DU BRESIL. et dévorés par les hibous, lesquels se réunissent ordinaire- ment en ce lieu ; et les restes de ces animaux dévorés sont alors tombés dans le trou. « Sur la surface g-isaient de petits os fraîchement répan- dus ; mais aucune transition ne se remarquait entre eux et la masse sous-jacente d'os décomposés, qui paraissent avoir été rong-és depuis beaucoup plus de temps. Toutefois, la plus courte durée qu'on puisse supposer pour la for- mation de ce vaste dépôt est de 5 000 ans, d'après la supposition que 4 de ces animaux seraient tombés par jour dansée trou; et ce nombre 4 est même estimé très-haut, d'une part, parce que les hibous ne vivent pas en société, et alors dans chaque g-alerie une seule paire peut avoir habité la voûte d'un trou, et d'autre part, parce que vrai- semblablement des intervalles ont eu lieu entre chaque chang'ement d'habitants. (( Les os pétrifiés qui ont été retirés, ont eu une tout autre orig-ine ; ils provenaient de brèches roug-eâtres qui orig*i- nairement avaient rempli cette caverne comme les autres, et dont des restes se trouvaient fixement attachés au sol de la caverne. » Le D' Lund continue ensuite la description de ses recher- ches, en faisant connaître les ossements curieux d'espèces éteintes, et quelques-unes des g-randes espèces d'animaux qu'il a trouvés dans ces brèches roug'eâtres contenant les os pétrifiés. On voit ainsi comment dans ce trou existaient des dépôts de deux âg-es distincts. Le plus ancien, formé à l'épo- que des g*rands mammifères et contenant des restes de ceux-ci et des petites espèces contemporaines, avait plus ou moins rempli la caverne, quand une irruption des eaux, pénétrant dans cette dernière, avait enlevé une partie de ce dépôt et introduit des pierres de quartz et de calcaire dans cette anfrac- tuosité, les eaux continuant de s'écouler par le canal de la partie inférieure du trou. Ultérieurement, la caverne s'est desséchée de nouveau, et les hibous, en l'habitant, y ont introduit une multitude d'ossements de petits mammifères, GÉOLOGIE ni^ BRÉSIL. 171 en même temps que des terres en poussière fine y pénétraient poussées par les vents, ou transportées par les animaux et les petites infiltrations des eaux, et que d'autres mammifères ou reptiles venaient de temps à autre tomber dans la crevasse et joindre leurs ossements à ce remplissag-e incessant du trou. 78. — Très-souvent on trouve de cette manière, dans les cavernes, des dépôts de deux âg'es distincts; et les osse- ments peuvent s'y montrer dans deux états de pétrification différents, par suite de l'existence, lors du premier dépôt, d'eaux incrustantes qui ont disparu à l'époque des chang'e- ments postérieurs, et de l'introduction accidentelle de cou- rants d'eau ayant enlevé une portion plus ou moins g-rande du dépôt ancien; après quoi, par suite de nouveaux change- ments encore, un nouveau dépôt a pu se faire, tantôt sans incrustation nouvelle, d'autres fois avec des incrustations semblables aux premières, ou bien caractérisées par une plus ou moins grande quantité de fer jointe aux matières calcarifères. Un peut même, dans certains cas, disting'uer plus de deux âg'es, de la même manière qu'on reconnaît par les stalagmites, comme nous l'avons dit précédemment, l'exis- tence de plusieurs chang^ements successifs; et cela résulte de la long'ue durée de la majorité des cavernes, lesquelles ont éprouvé dans leur régime intérieur de profondes modifica- tions successives, à diverses époques, par suite des chang-e- ments de niveau du sol soit de leur rég^ion elle-même, soit des rég'ions voisines. Mais, de même qu'il est difficile de rencontrer des points où une même masse stalagmitique se soit continuée sans interruption avec le remplissage lent de la caverne, depuis ces temps reculés jusqu'à nos jours : de même il est difficile de trouver dans les dépôts d'ossements une continuité parfaite de dépôt sur le même point sans interrup- tions, pendant lesquelles souvent les eaux avaient enlevé une partie du dépôt ancien. Il ne faut pas perdre de vue que les eaux, quand elles ont ainsi enlevé des parties plus ou moins considérables de ter- rains contenant ces os anciens, ont souvent roulé ces der- 172 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. niers, émoussé leurs pointes, et les ont déposés de nouveau dans d'autres parties des cavernes avec des matériaux faciles à reconnaître par leur nature comme matériaux roulés et de transport. Des dépôts de ce g^enre s'observent aussi dans certaines parties de quelques cavernes, et il y a même des points où on trouve ainsi des os anciens et modernes mélan- gées, notamment dans les cavernes où aujourd'hui encore les eaux pluviales peuvent s'introduire sous forme de torrents. Les os pétrifiés sont toutefois g'énéralement les seuls qui se conservent lors de ce transport par les eaux, car les osse- ments très-frag'iles s'y réduisent ordinairement en poussière. 79. — Le plus souvent, les os fossiles des cavernes ne sont pas très-pé tri fiés, aussi bien ceux des espèces anciennes et éteintes que ceux des dépôts plus récents. Généralement ils se montrent en place, entiers et sans être endommag-és, sinon par les dents des animaux par lesquels ils ont été ron- g'és; et, quand ils sont entiers, ils montrent leurs détails et leurs pointes les plus fines admirablement conservés. Mais ils sont très-lég-ers, beaucoup plus que les os frais, et extrême- ment cassants. Ils happent fortement à la lang-ue, et répan- dent en brûlant une odeur un peu puante. Dans les fractures ils sont très-blancs, et leur surface est presque toujours d'une couleur pâle jaune-roug*eâtre. La terre est souvent attachée à eux en petites masses durcies et soudées par le carbonate de chaux, et alors on les brise en voulant les en séparer. L'état que je viens de décrire paraît être, en g-énéral, l'état dominant de tous les ossements primitivement répandus sur le sol des cavernes, puis ensuite enterrés dans le sol endurci par de faibles incrustations calcaires, et c'est là le cas le plus fréquent. Les incrustations de ce g'enre dans le sol, sans fos- silifîcation proprement dite des os, se continuent sans cesse à la surface des cavernes, et le D' Lund dit avoir ainsi trouvé non-seulement des os frais ou des coquilles fraîches s'eng*a- g-eant de cette manière dans le terrain, mais encore un mor- ceau de charbon vraisemblablement introduit depuis la visite des sauvag'es. Une particularité assez curieuse dans les os qui GÉOLOGIE DU BRÉSIL. J73 s'eng'ag*ent ainsi dans les incrustations du sol, consiste en des crevasses ou fentes, souvent suivant leur long-ueur : d'au- tres fois en des ruptures transversales, ou bien en un écrase- ment ou une compression plus ou moins g*rande de ces os. Ces faits s'expliquent par la marche de g-rands et pesants mammi- fères sur le sol des cavernes. Par leur poids, ces animaux ont pressé ces os sans les déplacer dans la couche friable de terre, avant que celle-ci fût endurcie à la surface. En somme, il faut voir là l'effet d'une compression du terrain sur les os, après une diminution de la solidité de ceux-ci, devenus plus fragiles. Dans ces cas, l'intérieur des os et des fractures est souvent d'une couleur rougeâtre, identique à celle des sur- faces extérieures. Quand l'incrustation calcaire du sol s'est endurcie, les os se sont souvent remplis de cristaux calcaires à l'intérieur des fractures. Quelquefois des os ainsi frac- turés ont été ensuite complètement fossilifîés par l'effet d'un séjour postérieur sous des nappes d'eau incrustantes qui se sont établies sur eux. D'autres fois, et c'est surtout dans les cas oii ils paraissent avoir séjourné sous des eaux incrustantes, notamment dans les crevasses profondes des cavernes, les os se montrent demi- fossilifîés et remplis d'une matière dure et pierreuse à l'inté- rieur de leurs cellules. Dans cette circonstance, leur pesan- teur spécifique devient beaucoup plus g*rande. D'autres fois, la substance org^anique s'est totalement évanouie, et le spath calcaire se montre au lieu de la matière osseuse ; mais ce cas est beaucoup plus rare. Je ne l'ai pas observé, mais il est rapporté par le D' Lund, qui dit l'avoir noté dans la caverne de Gerca-Grande, et s'être assuré que cet état provenait d'un séjour prolong-é sous les eaux. Abrités dans les cavernes contre les influences directes de la décomposition atmosphérique, surtout contre les effets successifs des pluies et du soleil, et l'action dissolvante et des- tructive développée dans le sol extérieur par les phénomènes de la vég-étation, conservés dans une sécheresse extrême s'op- posant à toute fermentation de la matière org-anique, ou bien 174 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. atteints seulement par des eaux incrustantes, une multitude d'ossements des âg-es les plus reculés, comme on le comprend facilement, ont pu se conserver dans les cavernes, tandis que les os des animaux morts à l'extérieur, et restés exposés sur le sol aux intempéries, ont tolalement disparu. Cette action préservatrice des cavernes, jointe aux circonstances par lesquelles ces lieux sont devenus des points de réunion et d'accumulation d'une quantité immense d'ossements, puis- qu'ils constituaient des refug*es pour certaines espèces, et en même temps des endroits où les carnassiers , soit mammi- fères, soit oiseaux, transportaient souvent la proie pour la dévorer; cette action, dis-je, nous permet de retrouver dans ces curieux ossuaires une multitude de matériaux avec les- quels peut être reconstituée l'histoire g'éolog'ique du Brésil à une époque où la plupart des espèces animales étaient très- différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Sur des milliers de cavernes réunies souvent dans un espace restreint, comme cela a lieu par exemple dans les collines calcaires comprises entre le Rio das Velhas et le San-Francisco, il en est bien peu où des restes de ces anciennes espèces animales du Brésil n'aient été conservés; car il arrive rarement que des tor- rents aient postérieurement balayé la totalité des terres qui avaient pu s'introduire dans les g-rottes pour les remplir plus ou moins partiellement avant cette nouvelle irruption des eaux. Quand on enlève les terres apportées récemment, on met presque toujours à découvert dans quelque anfractuosité, soit du sol, soit dos murailles, des restes de l'ancien dépôt terreux plus ou moins solidifié par le calcaire et contenant des osse- ments fossiles. Il y a toutefois des cavernes où n'existent pas ces dépôts, soit parce qu'elles ont été entièrement balayées et plus ou moins creusées de nouveau par des torrents, soit à cause de leur formation plus récente, soit enfin parce qu'elles ont, aux temps anciens, conservé toujours un accès facile aux eaux pluviales sous la forme torrentielle, sans présenter de g-rands trous propres à retenir l'eau et à y accumuler les ossements ; mais le nombre de ces cavernes est relativement GÉOLOGIE DU HUESIL. 175 petit, comme au reste le D' Lund l'a établi par ses long'ues et patientes explorations. Disons toutefois iei que les recherches destinées à faire découvrir ces restes anciens, sont souvent fort difficiles et cxig'cnt de g-rands travaux, car il faut le plus fréquemment débarrasser des dépôts récents le sol de la caverne. Ces der- niers dépôts sont fossilifères dans la majorité des cas aussi bien que les dépôts anciens, mais ils contiennent les osse- ments d'espèces actuellement vivantes. Toutefois, ils ne sont pas eux-mêmes fossilifères, ou ne le sont que très-peu, quand les eaux ont accès trop facile dans la grotte, et la traversent, pendant les pluies, sous forme de ruisseaux ou de torrents disparaissant totalement dans les intervalles des ondées sans laisser de nappes d'eau profondes, car, alors, ces eaux plu- viales non charg*ées de calcaire ont une action plus dissolvante qu'incrustante. Une décomposition notable, répandant l'odeur de moisissure, existe alors dans le sol où les eaux en question entraînent une multitude de feuilles sèches ou vertes arra- chées par les vents. Mais ce cas, quoique n'étant pas très- rare, n'est cependant pas le plus fréquent, et les cavernes, ainsi lavées par les eaux, ne renferment pas de salpêtre dans leur sol comme celles où les eaux ne font que suinter lente- ment. 80 . — Ce salpêtre dans les cavernes est incontestablement une richesse très-importante pour les rég'ions où se trouvent ces cavités. Assez souvent le nitrate de potasse se montre directement en cristaux disséminés dans le sol. Mais la ma- nière de l'obtenir en totalité consiste à laver avec des eaux chaudes les terres retirées des cavernes et à faire bouillir les eaux de lavag^e avec des cendres dont la potasse décompose les nitrates de chaux et de mag'nésie pour les transformer en nitrate de potasse. Par ce moyen on obtient une plus g'rande quantité de salpêtre, quoiqu'en réalité, la majeure partie des nitrates renfermés dans le sol des cavernes soit directement du nitrate de potasse. Certaines cavernes contiennent aussi une portion notable de sel. Ce dernier est obtenu plus ou 176 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. moins impur, et mêlé de sulfate de mag'nésie et de natron, par une première cristallisation des eaux chaudes de lavag*e de la terre des cavernes, après quoi le résidu des eaux chaudes de lavag-e contenant le salpêtre, substance plus so- luble dans l'eau chaude que le sel, est évaporé à part et dépose le salpêtre en cristaux. La quantité de salpêtre renfermée ainsi dans le sol de cer- taines cavernes , est considérable. Parfois cette substance forme même de forts amas cristallins au milieu des terres, et on trouve accidentellement des points où, par le lavag"e, on peut retirer d'une petite quantité de terre jusqu'à 25, 50 et même 75 p. 100 de son poids de salpêtre : mais ces cas sont exceptionnels, et dans une même caverne, ils ont lieu seulement sur des points limités. Le rendement moyen varie beaucoup d'une caverne à l'autre, mais le plus g*énérale- ment le sol des cavernes est assez salpêtre pour que l'extrac- tion donne de l'avantag-e, et souvent de beaux bénéfices. A cause de cette circonstance, le sol de beaucoup de cavernes a été déjà extrait et soumis au lavag'e, et dans ces opérations les ossements qu'il contenait ont été jetés. C'est là le motif pour lequel aujourd'hui un assez g*rand nombre de cavernes ne contiennent plus de traces d'ossements, quoiqu'il y en ait existé; et dans un certain nombre d'années, tous les restes d'animaux éteints auront disparu par suite de cette exploita- tion. Incontestablement le salpêtre se forme encorejournellement dans les cavernes. L'expérience a appris qu'en rapportant de nouvelles terres vég'étales dans des g'rottes dont le sol avait été extrait pour retirer ce sel, une nouvelle production de sal- pêtre a eu lieu g'énéralement en quantité notable dans ce nouveau sol, au bout d'un certain nombre d'années. Ces terres renferment en effet de la potasse, et en même temps des décompositions se produisent dans leur masse, par suite des substances org-aniques qu'elles contiennent, exactement comme dans les nitrières artificielles. Il est clair que, dans un pays où des eaux, lég-èrement nitrées sous l'influence des GEOLOGIE DU BRÉSIL; 177 orag^es, s'infiltrent g'outte à g'outte dans les cavernes, et où l'air peut se trouver avec des traces de vapeur nitreuse, la ni- trifîcation doit s'opérer facilement et abondamment, comme le prouve au reste l'expérience. Je ne m'arrêterai donc pas davantag^e à expliquer cette nitrification, mais je ne puis me dispenser d'appeler l'attention sur Timprévoyance des habi- tants de ces régions, lesquels détruisent ces dépôts de nitre en retirant la terre hors des cavités, sans avoir le soin, après l'avoir retirée, d'introduire de nouvelle terre destinée à devenir dans l'avenir une nouvelle source de richesse. Sous ce rap- port, le gouvernement brésilien ferait bien de soumettre à un règlement l'extraction du nitre des cavernes; et il serait en outre d'un grand intérêt pour la science de recommander la conservation des ossements retirés de ces ossuaires, à condition toutefois de charger un habile zoologiste et palé- ontologiste de trier de temps à autre, dans les dépôts d'osse- ments recueillis, les pièces les plus intéressantes pour la science. 81 . — Les ossements d'animaux anciens trouvés dans les cavernes appartiennent presque tous à des espèces distinctes des espèces vivant aujourd'hui dans la même contrée. Dans les mammifères, deux ou trois espèces seulement sont identi- ques. Mais la plupart des genres sont les mêmes, et appar- tiennent aux formes américaines. Ces ossements montrent ainsi comment, dès cette éqoque reculée, le nouveau continent possédait une faune spéciale très-distincte de celle de l'ancien continent par des caractères analog'ues à ceux qui séparent encore aujourd'hui ces deux faunes. Nous reviendrons sur cette question en traitant des mammifères d'espèces vivantes et éteintes du Brésil, et pour le moment nous nous bornerons à appeler l'attention sur les grandes dimensions de la plupart des espèces de la faune ancienne comparativement aux es- pèces vivantes des mêmes genres et des mêmes ordres. Cette faune, quoique quaternaire, puisqu'elle est contem- poraine ou postérieure à l'époque où le Brésil avait pris son relief actuel, comme le prouve la similitude des maté- 12, 178 GEOLOGIE DU BRÉSIL. riaux constituant les dépôts des cavernes avec ceux des der- nières alluvions ou dépôts superficiels recouvrant la surface du pays, paraît cependant plus ancienne que la faune qua- ternaire de l'Europe, car elle montre plus de différence entre ses espèces constituantes et les espèces vivantes. En d'autres termes, il y a, dans les dépôts des cavernes, moins d'espèces communes en Amérique qu'en Europe entre les deux g^roupes ancien et moderne. Donc, au Brésil, la période des dépôts des cavernes paraît comprendre toute la période correspondante d'Europe, plus une période antérieure; et probablement le milieu de la période quaternaire du Brésil, si on pouvait, dans les dépôts, toujours l'isoler et nettement le disting^uer des temps antérieurs, montrerait la même pro- portion d'espèces communes à la faune actuelle que les dépôts européens. Mais cette distinction n'est pas toujours facile. Une seule caverne ne suffit pas pour faire connaître la faune ancienne, car elle ne renferme pas toujours toutes les espèces contemporaines; et dans les dépôts successifs qu'elle peut con- tenir, il est difficile de savoir si une espèce manquante manque réellement parce que l'espèce avait cessé d'exister, ou n'avait pas encore paru. Des moyennes considérables et des travaux incomparablement plus étendus que ceux qui ont été faits, permettraient seuls d'arriver à reconnaître l'ordre successif de disparition des espèces anciennes, et d'apparition d'espèces récentes. Pour aujourd'hui on en est réduit à comparer aux espèces vivantes les résultats fournis par les dépôts les plus anciens contenant le plus g-rand nombre possible d'es- pèces perdues. Une autre particularité encore dig'ne d'être notée consiste dans une tendance plus gTandechez les anciens carnassiers mammifères que chez ceux de nos jours à habiter les cavernes. Aujourd'hui, ils ne s'y réfugient pas, et an- ciennement, au contraire, on reconnaît leurs ossements mêlés d'une quantité considérable de ceux de leurs proies. 82. — Si maintenant nous laissons de côté la question des fossiles quaternaires déposés dansles cavernes et aussi parfois enterrés dans des failles du sol au milieu des dépôts alluviens, GEUl.UGIE UL: lUlESlI.. HO L't si nous revenons à J'exanien des fossiles contenus clans la masse des calcaires eux-mêmes et dans celle des macignos et des schistes alternant avec eux, fossiles indiquant leur ag'C g'éologMque, nous rappellerons d'abord les quelques restes fossiles trouvés dans le haut du bassin du San-Fran- cisco, et déjà cités, lesquels nous ont attesté l'orig'ine ma- rine des calcaires de cette réguon, appartenant à la période se- condaire, et suivant toute probabilité même, devant être rap- portés à la période crétacée. Ces calcaires, d'ailleurs, nous l'avons vu, ne peuvent être séparés des calcaires, plus méta- morphiques et à couches fortement redressées, intercalés dans les itaeolumites et les itabirites. Mais si maintenant, en des- cendant la vallée du San-Francisco, nous accompagnions ces calcaires à partir de ceux qui se trouvent ainsi dans le haut de son bassin entre l'Abaéthé et le Rio das Velhas, nous les verrons se présenter d'une manière identique quant à leur structure, leur aspect, leurs grottes^ leur puissance et leur distribution dans toute l'extension du cours du fleuve, et ils y forment comme une espèce d'horizon g'éolog'ique très -facile à suivre et à accompag-ner. Constamment, nous retrouve- rons ces mêmes calcaires des deux côtés de la vallée du San- Francisco, et ils apparaissent souvent à la base d'un dépôt de gTès et de schiste arg-ileux à couches presque horizontales, qui repose sur eux et dans lequel la dénudation a creusé le bassin du fleuve et de ses affluents. Parfois, nous remarque- rons les calcaires faiblement inclinés et au contraire les g'rès reposant sur eux presque horizontalement : d'autres fois nous verrons les uns et les autres redressés, et, dans ces cas, si le redressement a été considérable, on peut apercevoir la gTande zone des calcaires reposer sur des gTès et des laïcités phylla- diformes,et d'autres fois encore on voit apparaître sous ceux- ci les g-neiss supérieurs métallifères. En g'énéral, sur les points où se reproduisent les gu^andes dislocations, les calcaires de- viennent de nouveau talcifères et les couches quartzeuses inférieures et supérieures passent àl'itacolumite, d'autres fois même à l'itabirite. Dans certaines réglions où les dépôts laté- 480 GÉOLOGIE DU BRESIL. raux des deux côtés du fleuve se composent seulement des grès et arg'iles supérieurs dans lesquels la vallée du fleuve a été creusée, et où les vastes dépôts des alluvions quater- naires et modernes ont recouvert les calcaires du fond de cette vallée, les sources et les puits creusés dans le voisi- nag-e du fleuve fournissent une eau fortement calcarifère, comme il arrive à la barre du Rio Grande, et attestent ainsi la présence des calcaires à une faible profondeur. Toutes les fois surtout que les couches inclinent faiblement d'un côté ou de l'autre du San-Francisco et s'élèvent sur l'une des rives, on ne tarde pas à voir les calcaires apparaître plus ou moins dénudés dans le lit des affluents à un niveau supérieur à ce- lui du fleuve, et soutenir la base du g*rand dépôt de g'rès de la surface supérieure du plateau. Enfin, quand ce dépôt est totalement balayé par la dénudation, des chaînes calcaires, à couches presque toujours horizontales, se présentent comme des lig'nes de falaises à une certaine distance des rives. 83. — Des couches de dépôt d'arg-ile ferrugineuse inter- calées entre les bancs calcaires avec des arg'iles schisteuses et des gTès, comme à Taquaril, se montrent parfois dans les couches soit redressées, soit horizontales des calcaires. Des macignioset des marnes existent surtout au-dessus de ceux-ci. Dans ces derniers dépôts apparaissent souvent des concrétions calcaires renfermant des os et des squelettes de poissons, et accidentellement des concrétions de cette nature se trouvent répandues sur le sol ; elles se montrent en certains points à la base des montag-nes en table ou plateaux horizontaux de g*rès qui séparent le bassin du San-Francisco et les provinces de Goyaz et de Piauhy. De l'autre côté de ces plateaux, se re- trouvent des concrétions analog*ues, également au pied de la g*rande formation de gTès que les récits de tous les voya- g-eurs s'accordent à faire reconnaître comme constituant les hautes terres du plateau central du Brésil, formation présen- tant sensiblement, d'après leurs descriptions, le même carac- tère sur tous les points. J'ai ég'alement vu de ces concrétions en un lieu nommé Eng^enho sur la rive droite du San-Fran- GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 181 cisco, ég'alement clans des calcaires argileux et grenus situés dans une position identique. J'y ai trouvé des ossements de poisson qui se sont brisés en fragments, des écailles rlioni- boïdales assez g^randes de Lépidotus et une dent obtuse étrang'lée à sa base, laquelle me paraît appartenir à ce même g*enre de poissons g^anoïdes. Dans le même frag'ment, se trouvait une Paludine et un Planorbe. Donc, en ce point, le dépôt est de nature fluviatile ou lacustre. Les poissons trouvés par Gardner dans la province de Géara près de la Villa-da-Barra-do-Jardim, à 14 lieues de Grato, ont été ég*alement rencontrés dans des concrétions re- posant sur le sol, au pied de collines constituées par les g*rès supérieurs formant le plateau g*énéral du Brésil et la Serra d'Araripe. Gardner a cru que ces concrétions étaient prove- nues de la décomposition de ces g'rès. Mais des concrétions semblables existent au pied de la serra d'Ybiapaba dans la province de Piauhy, et M. Hartt (1), en discutant les conditions dans lesquelles elles ont été trouvées, a fait voir qu'elles prove- naient d'une couche plus meuble (argnle marneuse ou maci- g^no) dég'radée par les eaux et reposant sous les g"rès du pla- teau supérieur constituant les serras en question. Ces condi- tions sont à peu près identiques à celles que j'ai rencontrées dans le bassin du San-Francisco du côté de la rive droite du fleuve, à Eng^enho, sur la route de la Villa da Barra-do-Rio- Grande à Bahia, et aussi à celles que mes informations éta- l)lissent pour le même bassin, du côté de la rive g'auche, au pied des plateaux compris entre ce bassin et les provinces de Goyaz et de Piauhy. La formation dans laquelle Gardner a découvert les pois- sons fossiles était toutefois d'orig-ine marine, car il a aussi trouvé, dans ces concrétions, des coquilles évidemment océa- niques; ainsi il cite une espèce de Turrilithe, une valve de Vénus, et même une espèce d'Ammonite. Les poissons trou- vés par le même auteur et placés en Ang-leterre dans des (1) Geolosy aiid iiliysioal gcoi^rnpliy of P.raziL Boi^fan , 1870, page 470. d82 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. colleclions particulières, ont été examinés en 1840 par M. Ag^assiz, conjointement avec d'autres spécimens ég'a- lement pro venus de la même province et adressés à M. Élie de Beaumont par M. Ghabrillac, qui se les était procurés à Pernambuco. Ils constituent 7 espèces, dont 2 de la division des poissons g-anoïdes, \ Aspidorhynchus complus et le Lepidotus temnurus d'Ag-assiz, et 5 de la division des poissons téléos- téens, le Calamopleurus cylindricus, le Cladocychis Gardneri et les Rhacolepis biiccalis, Olfersii et latus, ég-alement d'Ag'assiz, en tout 5 g-enres dont 2 g-anoïdes et 3 téléostéens. La pré- sence simultanée de ces deux g*roupes de poissons, dont le dernier manque totalement dans les étag*es inférieurs à la craie, et dont le premier comprend seulement des g^anoïdes rhombifères de la famille des Lépidostéides, lesquels ont pré- senté leur maximum de développement dans l'époque juras- sique, et dont l'un des g*enres, V Aspidorhynchus, n'avait été découvert] usqu'alors que dans les terrains jurassiques, oblig-e à classer la couche dont ils proviennent dans les terrains cré- tacés. En même temps la fréquence des téléostéens tend à reporter ce classement vers la partie supérieure des mêmes terrains. D'après ces données, M. Ag'assiz a considéré la couche en question comme appartenant à l'étag'e Senonien de D'Or- big-ny, lequel comprend la partie supérieure de l'étag'e de la craie tuffeau et celui de la craie blanche ou chalk d'Ang*le- terre, craie antérieure à l'étag'e de la craie supérieure. Ce dernier étag-e renferme les calcaires de Maestricht, contenant des reptiles du g'enre Mosasaurus. Or précisément des couches marines crétacées, contenant des ossements de reptile du même g'enre, ont été trouvées au bord du Rio Aquiry, un affluent du Rio Purus, dans la vallée de l'Amazone, et elles y ont été examinées par M. Ghandler. M. Ag'assiz [Journcy in Drazil) admet que ces couches créta- cées forment la base sur laquelle reposent les terrains de la vallée de l'Amazone, et alors, par suite de cette position, il rapporte ces derniers à l'époque tertiaire. GÉOLOGIE nu BRÉSH.. 183 84. — Ainsi donc nous venons de suivre les couches cré- tacées, depuis la partie la plus élevée et la plus métamorpliique du plateau de Minas-Geraes vers les sources du Rio de San- Francisco et du Rio das Velhas, dans toute l'extension du bassin du San-Francisco et des deux côtés de ce bassin. Nous les avons vues se perdre à l'ouest et au nord ouest sous les couclies tertiaires formant les plateaux qui séparent ce bas- sin et la province de Piauhy, et de là se prolong^er vers le Céara, puis dans le val de l'Amazone jusqu'au Rio Purus, où elles apparaissent de nouveau, toujours sous la grande formation des g'rès tertiaires. De ce point, en rejoig'nant les x\ndes tant à l'ouest qu'au sud-ouest, nous verrons les couches crétacées se présenter de nouveau avec des caractères très-sembla- bles aux précédents, et couvrir tous les versants orientaux des Andes, où elles se montrent parfois élevées à des hauteurs de 4 000 mètres. Dans son ouvragée intitulé : Pétri jîcaiions recueil- lies en Amérique imr MM. Alex, de Humboldt et Ch. Degenhart, Rerlin, 1839, De Ruch établit que la formation crétacée domine dans les Andes Equatoriales au moins jusqu'au parallèle de Cuzco. Il sig-nale l'abondance des fossiles, notamment celle du Pecten alatus, lequel constitue, pour ainsi dire, des cou- ches entières et peut être reconnu sur une long*ueur de plus de 250 lieues, à Montan et dans les montag-nes de Guanca- Velica. Ces pectens sont, dit-il, dans un g'rès quartzeux calca- rifère à gTain fin. Ce gTès est donc en tout semblable aux ma- cig*nos à huîtres que j'ai sig'nalés sur les bords du Rio Abaétlié, dans le bassin du San-Francisco, et ce sont des couches ma- rines analog'ues. A ce sujet, je ne puis me dispenser de faire remarquer que De Ruch est arrivé, pour la rég'ion des Andes, à une conclusion identique à la mienne, en assimilant ces roches fossilifères aux roches métamorphiques métallifères des mêmes régnons. D'après lui le même gTès fossilifère, passant au quartz compacte à Gualg'ajoc et s'y charg^eant de minerais d'arg-ent, y est exploité, et sur ce point toutes les traces de fossiles n'ont pas disparu, car le minerai se montre jusque dans l'intérieur des coquilles. Les Ammonites, les 184 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Pectens et les Trig'onias sont les fossiles les plus abondants des terrains crétacés de ces rég-ions. Plus loin, il dit encore : « Il paraît donc certain que, d'après les pétrifications les plus « caractéristiques, et d'après les relations de M. de Hum- (( boldt, toutes les formations secondaires des Andes depuis a le g*olfe du Mexique jusqu'à Guzco, ou depuis le 10" deg*ré (( de latitude nord jusqu'au 15^ deg*ré de latitude sud, doivent « être rang"ées dans la formation de la craie. Il s'ensuit que (( toutes les couches de houille de Zipaquira, de Tausa et de (( Rio Lucio, près de Popayan, sont de cette formation, et que (( les montagnes entières de quartz observées par M. de Humboldt, (( entre sept et huit degrés de latitude méridionale^ ne peuvent être re- « gardées que comme formées de ce même grès changé et consolidé (( jmr les agents souterrains. » D'après le même auteur, la pré- sence du Pecten alatus au sud et au-delà du ving't-cinquième parallèle, dans les montag'nes de Gopiapo au Chili, fait voir que la même assise crétacée s'est prolong-ée au sud. Il faut remar- quer en outre la présence parmi les fossiles, près de Santiag*o du Chili, de la Pholadomya occidentalisa recueillie par Peut- land, comme dans le sable vert de la Delaware, et ce fait établit encore une contemporanéité avec les dépôts sem- blables de l'Amérique du nord. Toutefois les opinions de De Buch au sujet de l'âg'e crétacé d'une partie de ces roches ont été combattues. Pour lui, les roches de l'étag^e jurassique manquaient complètement dans les deux Amériques. Mais ultérieurement l'examen fait par MM. Bayle et Coquand, des fossiles rapportés des environs de Coquimbo et d'autres points du Chili, aussi bien que celui d'autres fossiles envoyés par M. Domeyko, a déterminé ces deuxpaléontolog'istes à rapporter à l'étag'e jurassique et même à la base de cet étag-e, à la période du lias, les divers fossiles et entre autres le Pecten alatus de De Buch, considéré par ce dernier comme caractéristique de l'époque de la craie. L'opi- nion de MM. Bayle et Coquand est fondée sur l'identité de ving*t-deux espèces, parmi les quarante-trois décrites dans les g*isements en question, avec des fossiles des couches juras- GÉOLOGIE nu BRÉSlï,. i8f) siqiies de l'Europe, depuis le deuxième étag-e du lias jusqu'au Goral-Rag' ; et par suite cette circonstance devrait faire con- sidérer les autres espèces comme contemporaines de cette époque. Une telle ressemblance entre deux faunes si éIoig*nées est certainement de nature à étonner, et De Bucb, en 1852, a vivement attaqué les conclusions de MM. Bayle et Goquand, en s'efforçant de démontrer que les ressemblances annoncées par ces derniers proviennent du doute même jeté par l'état des échantillons sur leur détermination précise. Pour lui, il n'y aurait qu'une seule espèce, le Spirifer iwnidus, incontes- tablement identique aux formes de la période jurassique de l'ancien continent. Si on acceptait cette dernière opinion de De Bucb, certai- nement une seule espèce ne suffirait pas pour faire reporter tout le gToupe jusqu'à l'époque jurassique. Une espèce a par- faitement bien pu vivre pendant une période plus long-ue dans l'Amérique du sud qu'en Europe, et s'y trouver mêlée avec des formes crétacées et appartenant à cette dernière période. En tout cas, l'opinion de De Bucb d'après laquelle il n'y a pas, pour tant d'espèces, identité avec des formes européennes, me paraît plus probable que l'opinion opposée. Mais, par la même raison aussi, il est difficile de pouvoii* affirmer d'une manière positive la correspondance certaine des dépôts des Andes en question avec l'une quelconque des formations de l'époque secondaire. Ainsi, même en admet- tant l'opinion de De Bucb, sur la non-identité des fossiles, il resterait indéterminé si les dépôts en question appar- tiennent à l'époque jurassique ou à l'époque crétacée. Suivant la ressemblance plus ou moins gn^ande des formes des divers fossiles trouvés sur les versants des Andes, dans leur partie sud, soit avec des fossiles jurassiques, soit avec des fossiles crétacés, les diverses coucbes examinées ont été placées les unes dans la première formation, les autres dans la seconde. Ainsi, M. d'Orbig^ny, en examinant les fossiles envoyés par M. Domeyko et ramassés dans la cordillère de Goquimbo, trouva que les uns sont jurassiques, les autres 186 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. crétacés. Mais la distinction des deux formations au point de vue stratigraphique fut laissée par lui complètement en doute. Toutefois, d'après M. Darwin, qui a lui-même étudié les dépôts du Chili sur place, les fossiles rapportés ainsi aux deux forma- tions, par suite de ressemblances plus ou moins g-randes de formes avec les fossiles spéciaux des formations crétacées et jurassiques de l'Europe, se trouvent en réalité dans les mêmes couches, et ce savant déclare être arrivé sur ce point à une certitude complète. Ainsi, pour lui, les spirifers, les térébra- tules, les huîtres et gTyphées, les hippurites, les peig'nes, les nautiles et les turritelles se trouvent tous réunis dans le même dépôt, qu'il considère alors comme intermédiaire entre les époques jurassiques et crétacées et auquel il a donné le nom de crétacéo-oolithique. Il est dig*ne de remarque que M. Meyen, dans un voyag-e de Valparaiso au volcan de May- po, a ramassé de nombreux fossiles, étudiés plus tard par De Buch, dans des couches presque verticales de calcaires et à 2 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Dans ces calcai- res, s'est montré le même mélang-e de formes rapportées par quelques auteurs les unes aux espèces crétacées et les autres aux jurassiques. Ces observations confirment donc plei- nement les idées de Darwin à cet ég^ard. 85. — Quand nous voyons que des formes org-aniques ayant encore aujourd'hui des représentants vivants des mêmes g'cnres ou familles ou ordres dans d'autres parties du monde, ont disparu de l'Europe à des âg-es g-éolog'iques plus ou moins éloig'nés de nous, comme, par exemple, dans les mammifères, l'ordre des Didelphes, aujourd'hui limité à l'Aus- tralie, dont il constitue presque entièrement la faune mammi- fère, et aussi à rAmérique méridionale, ou, dans les vég"étaux, la famille des cycadées, etc., nous avons incontestablement la preuve que les mêmes g-enres, familles ou ordres ne dispa- raissent pas simultanément dans des contrées éloig^nées les unes des autres, quoique, dune manière g'énérale, l'étude de la paléontolog'ie stratigraphique nous ait fait voir une cer- taine tendance des mêmes formes à se montrer contemporai- r,Éor,or,iE du hrésif.. 187 nés. Si je cite ici ce fait relatif à des formes encore existantes, c'est pour rendre l'exemple plus frappant; mais déjà, depuis l'accroissement de nos connaissances en paléontologue, on aperçoit, entre les diverses rég-ions, des difîerences notables dans les époques d'apparition et de disparition des formes et on tend de plus en plus à reconnaître des distinctions spé- cifiques entre les mêmes formes g'énérales, constatées dans deux pays lointains. Il ne faut pas perdre de vue d'ailleurs que si nous avions étudié dans leur état vivant ces êtres d'es- pèces éteintes, il y a un nombre considérable de caractères par lesquels nous aurions pu les disting-uer et qui se sont effacés dans leurs restes plus ou moins incomplets. Aussi dans beaucoup de cas où des fossiles de régions lointaines peu- vent nous paraître identiques d'après leurs restes, nous aurions sans doute disting'ué deux espèces voisines, il est vrai, mais distinctes, si nous avions pu les observer vivants. On doit donc se tenir fortement en g^arde contre l'assimilation complète à laquelle on est tenté d'arriver pour considérer comme une seule et même espèce deux fossiles provenant de rég-ions éloig-nées. Il faut pour une telle assimilation des écbantillons très-parfaits, très-complets, et de ceux surtout dans lesquels les petits détails de la structure primitive ont été complètement conservés. Or, si on peut souvent assez bien reconnaître les g-enres, dans les coquilles surtout, par la forme g^énérale de frag'ments ou d'échantillons incomplets, on peut certainement beaucoup se tromper dans les détermi- nations spécifiques, et on ne saurait être trop réservé dans la question des assimilations spécifiques des spécimens des contrées éloig'uées, puisque par cela seul qu'elles étaient très- distantes, on est déjà presque sûr de l'existence d'une dif- férence, c'est-à-dire il existe une probabilité très-g'rande en faveur d'une différence spécifique. Par conséquent, il faut des preuves irrécusables sur des échantillons parfaits, et des conditions où aucune contestation ne soit possible, pour pouvoir admettre l'identité spécifique entre deux fossiles de contrées distantes. S'il y a la moindre contestation 188 GÉOLOGIE DU BRÉSH,. possible, on peut déjà admettre une différence d'espèce. Ce sont ces considérations rationnelles qui me font ad- mettre l'opinion de De Buch, contrairement à celle de MM. Bayle et Coquand, dont j'ai parlé plus haut. Quand même leur assimilation de vingi-deux formes sur qua- rante-trois avec des formes européennes, assimilation évi- demment inadmissible et contestée fortement par De Buch, renfermerait du vrai pour trois ou quatre espèces, cela ne suffirait pas encore, à une pareille distance de l'Europe, pour établir d'une manière irrécusable la contemporanéité avec les dépôl s jurassiques de cette dernière contrée, car nous venons de voir aussi qu'en pareil cas l'identité spécifique ou g"énérique ne suffit pas elle-même à établir la contempora- néité, Rien ne prouve, en effet, que des espèces jurassiques marines apparues en Europe au commencement de cette pé- riode dans des réglions européennes alors sous les eaux, aient apparu en même temps dans les diverses rég-ions du conti- nent américain, lequel était peut-être alors hors des mers; et d'un autre côté, ces espèces peuvent au contraire avoir fait leur apparition sur des points de ce dernier continent descen- dus sous les mers à la fin de l'époque jurassique et y avoir vécu pendant toute l'époque crétacée, quoique diverses causes les aient fait disparaître des mers européennes pendant cette dernière époque. 86. — Les considérations précédentes montrent combien est g-rande la difficulté de fixer l'âgée exact des couches secon- daires de l'Amérique du sud, par rapport aux dépôts euro- péens; et, quand des difficultés pareilles existent pour la ré- g-ion du Chili, où on a découvert de nombreux fossiles, com- bien plus g-randes encore se présentent ces difficultés pour les couches secondaires du Brésil! Nous avons, dans ce qui pré- cède, indiqué ces dernières couches comme crétacées, d'après l'analogue de leurs fossiles avec ceux de cette époque; mais, en réalité, la difficulté est la même que pour le Chili. Ainsi, parmi les poissons trouvés par Gardner au Ceara, se trouve, comme nous l'avons vu, un Âspidorhynchiis, et ce g^enre est GEOLOGIE DU BRESIL. 189 précisément particulier aux terrains jurassiques; mais il se se trouve avec des poissons téléostéens se rapportant aux types de l'époque crétacée. Nous avons donc de fait, en ce point, dans la même couche et entre des formes pouvant être rapportées aux deux époques, le mélangée précisément sig-nalé par Darwin dans les dépôts du Chili. Incontestable- ment, les macig-nos avec huîtres, d'un type intermédiaire entre les huîtres proprement dites et les g^ryphées trouvées près de l'Abaéthé, aussi bien que les calcaires avec Pollicipes dontj'ai parlé précédemment, ne peuvent, à l'aide de ces seuls fossiles, être placés sûrement dans l'époque crétacée, mais ils peuvent être aussi reg'ardés comme contemporains des dé- pôts du Chili. Quant au dépôt d'eau douce observé par moi à Eng'enho, sur la rive droite du S. Francisco, il appartient, conmie j'ai pu m'en assurer, à la partie supérieure de l'étag'e secondaire, car il repose sur des couches puissantes de cal- caire compacte, et disparaît sous les g*rès supérieurs. Par la nature de ses fossiles, il se rapproche beaucoup des dépôts d'eau douce des environs de Bahia, étudiés avec beaucoup de soin par MM. Hartt et Allport, et rapportés par eux à la période crétacée. M, Hartt les suppose de l'étag'e inférieur au Gault, c'est-à-dire du terrain néocomien. Mais ces terrains de Bahia reposent, comme l'a fort bien remarqué M. Pissis, et comme je m'en suis assuré dans mon dernier voyag-e, sur des couches marines; et M. Pissis compare ces dernières aux dépôts marins des côtes du Chili qu'il a eu occasion de visiter sur place, aussi bien que les couches de Bahia. « Les couches que l'on rencontre près de Bahia, dit-il, « peuvent se diviser en deux gToupes : les unes, voisines de " la côte, renferment des débris d'animaux marins et occu- « peut la partie inférieure; les autres, appartenant à une '( formation d'eau douce , se montrent dans le fond de la « baie, entre le Rio de S. Amaro et Gaxoeira. Des g-rès arg'i- « lifères, g-ris verdàtre, à gTain plus ou moins fin et renfer- (( mant un gT-and nombre de coquilles, parmi lesquelles on (t remarque surtout des peig^nes, des cythérées et des huîtres, 1!)0 GEOLOGIE DU lîUESlL. « constituent, avec quelques couches subordonnées de sable « quartzeux, la partie inférieure. Ces grès, qui ont la plus « g'rande ressemblance avec ceux qui se montrent sur la (( côte du Chili, près de la Conception, forment à eux seuls « toute l'île d'itaparica, l'île de Mare et le petit archipel qui '( se trouve dans le fond de la baie, quelques lieues avant « San-Francisco. On les voit encore auprès de Bahia, com- « posant la petite butte de Montserrat. Ils sont en couches (( inclinées et reposent sur un cong^lomérat de roches cris- <( tallines, parmi lesquelles on remarque une g'rande quan- « tité de diorite sans délit, en frag-ments roulés et ressem- « blant au premier coup d'œil à des g'alets de basalte. » Ailleurs, M. Pissis donne aux couches inclinées de Mont- serrat la direction N, 15° E., avec le plong-ement dirigée vers l'est sous une inclinaison d'une dizaine de deg-rés. Dans les couches supérieures de la même colline, M. Allport a déjà remarqué la formation d'eau douce, ce qui avait échappé à M. Pissis; et cette formation supérieure, consistant en bancs schisteux, alterne avec des bancs de gTès contenant les mêmes espèces fossiles. « En remontant la rivière de Santo-Amaro, « continue ensuite M, Pissis, on voit ces g-rès s'abaisser suc- « cessivement, et ils sont bientôt remplacés par une couche « d'argùle jaunâtre qui disparaît un peu plus loin sous des (( marnes noirâtres que les habitants nomment massapé. Ces « marnes forment la partie inférieure du terrain d'eau douce « et supportent des couches de marnolithe jaune ou verdâtre « se délitant en frag'ments conchoïdaux et entièrement seni- « blables à celles du bassin de la Limag'ne. » M. Pissis ajoute encore que ce dépôt d'eau douce renferme quelques cou- ches de calcaire marneux et présente sur quelques points des couches subordonnées de lig*nite. Les couches d'arg'ile, de marne et de marnolithe dont parle ici M. Pissis, sont avec raison classées par lui dans le ter- rain d'eau douce, et M. Allport, sans les définir d'une manière aussi exacte et relater leur caractère litholog-ique comme M. Pissis, y a trouvé, ainsi que M. Harlt, de nom- GÉOLOGIE DU BUÉSII.. d'il breux fossiles établissant leur caractère de dépôts d'eau douce. Les coquilles trouvées dans ces couches sont des Unio, des PalmUna, des Melania, des Planorbis et de nombreux crus- tacés du g"enre Cyjiris. M. Allport y sigmale ég^alement du lig'nite disséminé, comme l'avait déjà fait M. Pissis. Mais avec ces fossiles ont été trouvés, par MM. Hartt et Allport, des restes de poissons et de sauriens, et ceux-ci joints aux précé- dents ne peuvent laisser de doute sur l'àg'e de ce dépôt supé- rieur d'eau douce comme appartenant à l'époque secondaire. Par conséquent, à plus forte raison, il en est de même du dépôt marin inférieur rapporté par M. Pissis à l'époque ter- tiaire. Au sujet des restes de poissons, M. Allport dit: « En ce qui concerne les restes de poissons, sir P. Eg'erton, Bart., F. G. S., à qui les spécimens ont été soumis, a reconnu que les écailles trouvées sont celles d'un Lepidotus. L'es- pèce paraît être nouvelle; celle dont elle s'approche le plus est une espèce non décrite, provenant de la pierre lithog'raphique de Pappenheim (oolithe moyenne). De nom- breux ossements de poissons ont été trouvés associés avec les écailles, et probablement la plus gTande partie appar- tient aussi au Lepidotus. Mais ceux-ci, ainsi que les dents et les os des Grocodiliens, qui sont ég"alement communs dans ces arg*iles de Montserrat et de la Plataforma, n'ont pas encore été examinés systématiquement. Le professeur Owen, dans un aperçu rapide sur les g'randes vertèbres fig-urées à la pi. XVII [Quarteiiy Journal geologkal Societi/, vol. XVI, part. 3), a pensé que ce doit être la vertèbre dor- sale d'un reptile Dinosaurien allié au Meg'alosaurus. » La présence certaine de reptiles Dinosauriens, lesquels sont de l'époque jurassique, mais surtout de l'étag'e inférieur du terrain crétacé ou terrain wealdien, serait incontestable- ment un puissant argamient en faveur de l'hypothèse rap- portant le terrain en question à la base de l'étag'e crétacé. Je ne peux donc me dispenser de relater ici que des restes ég'alement attribuables à une espèce de ce même g-roupe de reptiles ont été trouvés par M. Hartt à la Plataforma, à peu 192 GÉOLOGIE DU BRESIL. de distance du même point de Montserrat, et ces restes ont été découverts conjointement avec des os et des dents de Groco- diliens, avec des écailles de Lepidotus et d'autres poissons, et avec des coquilles d'Unio, de Planorbe, de Melania et de Paludines, dans la continuation de la même couche où M. Allport a trouvé les fossiles dont j'ai parlé plus haut. Les restes en question, ég'alement attribuables à un Dinosaurien, consistent en un frag'ment d'os dont le professeur 0. G. Marsh, de Yale Golleg-e, a donné la description dans VAmericaii Journal of science and arts (mai 1869), et qu'il considère comme l'extrémité d'une côte. « Ge frag'ment, dit-il, est très- fortement aplati à l'extrémité articulaire , et devient gTa- duellement conique vers l'extrémité brisée, qui est un peu triang-ulaire à sa section. Sa long-ueur est d'environ 4 pou- ces, le diamètre transversal de l'extrémité parfaite est de 2 pouces et demi, et celui de l'autre bout 1 pouce et \ quart. L'extrémité la plus larg'e est divisée en deux facettes arti- culaires situées obliquement l'une à l'autre, la plus petite étant élevée d'environ un demi-pouce au-dessus de l'autre, et couvrant environ le tiers de la totalité de la surface ter- minale, ou même plus. Par sa forme et ses proportions g'énérales, ce spécimen n'est pas sans relation avec l'extré- mité supérieure d'une côte dorsale de droite de quelqu'un des cro(3odiles amphicœliens , spécialement en supposant une côte dans laquelle la tête et le tubercule se seraient si intimement rapprochés l'un de l'autre que leurs surfaces articulaires seraient à peu près coniig'uës. Toutefois, les dimensions et les autres caractères du spécimen semblent l'exclure de cet ordre, et il appartient probablement à un reptile Dinosaurien, peut-être le même que la g*rande ver- tèbre de Montserrat fig-urée par M. Allport dans son mé- moire, et dont le professeur Owen a pensé prouver l'al- liance avec le Még^alosaure. » On voit par les citations précédentes que les spécimens en question ne peuvent pas établir avec certitude l'existence de Dinosauriens, quoiqu'elle soit cependant probable. Les autres GÉOLOGIE UU BRÉSIL. 193 ossements de reptiles trouvés par M. Hartt ont été reconnus par M. Marsh, l'un comme ayant appartenu à une tortue, et les autres à deux espèces de Crocodiliens, l'une très-g*rande, dépassant par sa taille les Crocodiliens actuels, et paraissant être, quoique connue par une dent seulement, une espèce nouvelle à laquelle M. Marsh a donné le nom de Crocodilus Harttii; et l'autre espèce, plus petite, paraissant s'éloig*ner moins fortement des g*avials actuels. Le même auteur lui a donné le nom de Thoracosaurus Bahiensis . Cette seconde espèce est ég-alement connue seulement par des dents. Ces Crocodi- liens, si imparfaitement connus d'ailleurs, peuvent être rap- portés à l'époque jurassique, aussi bien qu'à l'époque cré- tacée ou même tertiaire, et par conséquent ils ne peuvent servir pour fixer l'àg'e précis du terrain en question. Au sujet du Crocodilus Harttii, M. Marsh dit que la dent trouvée par M. Hartt ressemble au Crocodilus antiquus de Leidy, lequel provient du terrain miocène de Virg'inie, et est par conséquent de l'époque tertiaire; mais il lui trouve une ressemblance plus g^rande encore avec une nouvelle espèce découverte par lui-même à Squankum, New-Jersey, dans le sable vert ter- tiaire, et qu'il se propose de décrire sous le nom de Theco- campsa Squankensis . Le Crocodilus Harttii, ajoute-t-il, a à peu près les mêmes proportions et les mêmes stries dentaires que cette dernière espèce, mais le bord coupant de l'espèce de New-Jersey est plus proéminent et s'étend à peu près ou tout près de la base de la couronne. Ces deux espèces, d'ailleurs, paraissent avoir eu à peu près la même taille, toutes les deux étant considérablement plus g-randes que les crocodiles ac- tuels. Ces dernières informations ne sont pas incontestablement de nature à faire attribuer une très-haute antiquité aux restes en question. Il en est encore de même du peu que l'on sait sur les restes de poissons trouvés par M. Hartt, à Plataforma, près de Bahia et de Montserrat. Il y a été trouvé, dit-il, quel- ques spécimens très-parfaits de poissons téléostéens, et en outre une mâchoire de poisson du g-enre Pisodus, lequel 13 iU GEOLOGIE DU BRESIL. g'enre appartient bien aux Ganoïdes rhombifères, tribu des Pycnodontes homocerques de Pictet; mais ce g-enre a été découvert dans l'arg'ile de Londres, et par conséquent existait encore à l'époque tertiaire. Enfin, n'oublions pas que, dans ces mêmes dépôts d'eau douce de Bahia, ont été trouvées des écailles et des dents de Lepidotus conjointement avec des Planorbes et des Paludines, c'est-à-dire une association de fossiles des mêmes g-enres que ceux d'Engenho, dans le bas- sin du San-Francisco. Il y a donc lieu de considérer ces dépôts d'eau douce comme à peu près de la même époque. Ce dépôt d'eau douce à Bahia repose sur un dépôt marin, d'après la remarque très-exacte de M. Pissis. A mon passage dans cette dernière ville, lors de mon retour du San-Fran- cisco, les fièvres dont j'étais atteint m'ont empêché d'étudier cette intéressante baie avec le soin que j'aurais désiré y mettre; mais j'ai reçu de l'île d'Itaparica des frag'ments de g"rès marneux avec empreintes de Pecten, et ce fait me con- firme l'existence de la formation marine inférieure sig*nalée par M. Pissis. Ces Pectens sont identiques à d'autres trouvés par moi dans un grès marneux à Pernambuco, à 2 lieues ouest d'Olinda, dans une couche ég'alement de g"rès mar- neux, et avec lesquels j'ai trouvé conjointement plusieurs coquilles univalves des g*enres Gerithium, Gardium, Natica, une ammonitide me paraissant se rapporter au g-enre Gératite, de nombreuses coquilles de bivalves, comprenant plusieurs espèces voisines des Vénus, et enfin un inéquivalve, ne pou- vant g'uère être rapporté qu'au g"enre Inoceramus. 87. — Dans la province de Serg"ipe, M. Hartt a ég'alement trouvé des dépôts fossilifères marins appartenant évidem- ment à la même formation. Il y cite des ammonitides (Ammo- nites et Gératites de plusieurs espèces, quelques-unes de g-rande dimension), un Natica, des Inoceramus, et en outre un échinoderme , adressé ultérieurement à M. Nicolay et appartenant au g-enre Gidaris. Dans ces mêmes régnons, il a aussi trouvé des poissons téléostéens. Les fossiles rapportés par lui de Maroïm (province de Sergipe), ainsi que d'autres GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 19S spécimens donnés au même auteur par M. Adolplic Laué et provenant de la même localité, ont été étudiés par M. Alphens Hyatt de Salem. D'après lui, la Natica trouvée par M. Hartt est identique à la Natica prœlonga de Leymerie, appartenant à l'étag'e néocomien inférieur. Cette dernière espèce a été trouvée en Europe, à Thieffrain et Vandœuvre, et dans la Colombie sur le Rio Suba, un des affluents du Rio Suarez, par M. Roussing^ault, et elle est ég-alement alliée à la Natica Pierdenalis de Rœmer, récoltée au Texas. Cette identification est incontestablement d'un très-g'rand intérêt. Parmi les Am- monitides, il disting'ue deux Cératites, l'une qu'il assimile à la Cératites ou Ammonites Pierdemdis de De Rucli, trouvée au Texas, en déclarant la ressemblance la plus complète; l'autre, considérée par lui comme une espèce nouvelle et décrite sous le nom de Cératites Harttii. Il décrit ensuite sept espèces d'am- monites, parmi lesquelles il reconnaît Y Ammonites Periwia-- nus de De Buch, appartenant à la rég'ion des Andes. Suivant lui, toutes les ammonites du Brésil soumises à son examen sont soit identiques, soit si intimement alliées avec les espèces déjà décrites pour les lits crétacés du Texas par Rœmer et autres, qu'on ne peut pas les en séparer sûre- ment, et il conclut par le parag^raphe suivant : (( La présence d'espèces aussi bien caractérisées que la « Natica prcelonga, Y Ammonites Periœianus au Brésil et au (( Texas , et peut-être d'autres espèces du côté oriental et « occidental de la chaîne des Andes et des montag-nes Ro- « cheuses, indique une connexion entre les deux versants, « soit à travers l'isthme et à l'ouest du Brésil, quand un « océan crétacé baig-nait encore toute la portion nord de « l'Amérique du sud. Ces faits, quand on les considère en « connexion avec la découverte d'un fossile du g-enre Anan- « cki/tes (1) sur l'isthme lui-même, comme il a été rappelé par « M. Alexandre Ag'assiz , ont une portée directe au sujet « d'une importante question. (1) Ces échinodermes appartiennent exciusivemenl à l'époque crétacée. 196 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. « Les expéditions du Goast Survey, comme le savent fort < bien aujourd'hui tous les naturalistes, ont établi le fait ( d'une remarquable similitude entre la faune présente des mers profondes et les espèces des g*enres crétacés; et il a été bien démontré que les animaux de la surface, c'est- à-dire du littoral, étaient plus ou moins représentés par des espèces identiques ou alliées, du côté de l'isthme répondant ( au Pacifique. Alors s'est élevée la question de savoir si, ( oui ou non, les formes alliées ou identiques sont les descen- ( dants des espèces du g'olfe, lesquelles auraient émig'ré à < travers quelque ancien canal postérieurement fermé par ( le soulèvement de la bande de terre formant l'isthme de < Darien. De fait, le premier pas vers la solution de ce pro- ( blême était de prouver l'existence d'un canal ayant fourni, ( à quelque période antérieure, un libre passag'e aux ani- ( maux marins. Ceci donne un g-rand intérêt aux faits tels ( que le précédent , et paraît confirmer la conclusion de M. Alexandre Ag-assiz, d'après laquelle, pendant la période crétacée, le g^olfe du Mexique et l'océan Pacifique auraient été réellement des mers continues. » 88. — Incontestablement, en comparant toutes les données rapportées précédemment, on ne peut douter de l'identité de la formation marine secondaire à Bahia, Serg'ipe et Pernam- buco. Quelques indications que l'on possède sur Alag-oas se trouvent en conformité pour établir la presque continuité de cette formation. Les couches de cette même formation se trouvent relevées souvent suivant la direction g'énérale de la côte, c'est-à-dire le N.-N.-E. Cette direction, notée par moi en 1859 pour les dépôts de Pernambuco, est celle que M. Pissis a donnée pour Bahia et M. Hartt pour Maroïm. Cette identité des directions semble en outre indiquer une dislocation vers la même époque et en vertu des mêmes phé- nomènes. A Bahia, comme nous venons de le voir, les re- cherches de MM. Hartt et Allport ont établi l'existence de dé- pôts d'eau douce sur les couches marines, sans doute par suite de la formation de lacs d'eau douce près de la côte; et c'est à GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 197 très-peu près sous le même parallèle, de l'autre côté de la bande (les g'neiss, non recouverte par la mer crétacée et formant encore aujourd'hui la première terrasse du continent, laquelle devait être hors des eaux aux époques jurassiques et créta- cées, que se montre le dépôt d'eau douce, ég*alement supé- rieur à une puissante formation secondaire, probablement marine, dépôt dans lequel j'ai trouvé des fossiles à Eng*enlio, comme si cet autre point était alors le rivag*e opposé à celui de Bahia. APernambuco, je n'ai pas remarqué de formation d'eau douce supérieure à la formation marine, et je n'ai pas connaissance d'indications de cette formation dans les pro- vinces du nord. Au sud, dans les provinces de Espirito-Santo et Rio-de-Janeiro, la formation secondaire marine semble elle-même manquer, car on ne l'a pas encore sig-nalée. La grande arête de g-neiss bordant la côte nord du Brésil paraît donc avoir été inclinée du sud vers le nord plus fortement à cette époque qu'aujourd'hui. Elle se serait plutôt abaissée au sud et relevée au nord depuis cette époque, de manière à faire disparaître au sud sous la mer la formation d'eau douce côtière qui aurait pu s'y former, et ne laisser voir nulle part de formation marine. La lig-ne à partir de laquelle devait se faire cette inclinaison du sud au nord devait être alors une lig*ne plus ou moins oblique, joig'nant le plateau de Barba- cena au g-rand plateau Bolivien ; mais l'intérieur du conti- nent était moins élevé qu'aujourd'hui, et la g'rande terrasse centrale, laquelle domine aujourd'hui la formation de g-neiss qui la borde, était alors beaucoup plus basse que cette der- nière, et les eaux de la mer la couvraient presque entièrement. Ce puissant dépôt secondaire, tout paraît l'indiquer d'ail- leurs, a dû se former pendant au moins une gTande partie de l'époque crétacée, et a peut-être commencé dès l'époque juras- sique, au moins dès la période oolithique. Peu de perturbations auront eu lieu dans ces immenses rég'ions pendant cette long-ue durée, et parla s'explique comment les espèces du commence- ment de la période ont pu continuer d'exister et se mêler aux espèces postérieures, de sorte que, suivant la très-judicieuse /^ V,- -* r-. ■■-. r< A ft Yi 198 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. remarque de Darwin, confirmée, comme nous l'avons vu, par l'union d'espèces jurassiques et crétacées dans les divers dé- pôts du Brésil, les deux époques ne sont pas nettement sépa- rées comme en Europe. On conçoit ainsi parfaitement la dif- ficulté et le doute des classements , et cette circonstance justifie pleinement le nom de formation crétacéo-oolithique donné par Darwin à ces vastes dépôts. Sans nul doute, ce nom convient à l'ensemble du dépôt en question, mais il ne doit pas être pris dans l'acception restreinte d'époque inter- médiaire aux deux autres. Probablement, quand, dans ces rég'ions, de nouvelles découvertes paléontolog-iques auront fourni des bases plus sûres, on reconnaîtra des différences entre les couches inférieures et supérieures de la série, lesquelles, évidemment, ne peuvent être contemporaines. Mais tout paraît déjà indiquer l'absence de différences très- tranchées entre les espèces contemporaines de divers points, et la même espèce devra parfois se trouver souvent dans l'en- semble de toutes les couches, tandis que d'autres espèces les différencieront plus ou moins complètement. Les divers pays de la Colombie présentent, dans leurs fos- siles connus, de g-randes analogies avec le Texas; et la forma- tion crétacée paraît y dominer, comme dans l'Amérique du nord, où la formation jurassique est très-peu développée. Or l'Amérique du nord présente, relativement à l'âg-e relatif de ses diverses couches, des difficultés tout à fait analog-ues à celles de l'Amérique du sud. Il semble que les deux Amé- riques, si semblables par leurs g-rands plateaux intérieurs et par leur g-rande arête sur la côte du Pacifique, ont été, dans leurs variations successives de niveau, assujetties à des phé- nomènes contemporains, du moins relativement à leurs traits les plus saillants, comme si la g-rande chaîne de montag-nes par laquelle elles sont unies avait empêché l'existence d'une multitude de perturbations secondaires différentes d'un lieu à l'autre. Tous les efforts paraissent s'être concentrés, pour ainsi dire, sur cette g*rande arête dont l'orignne remonterait même avant l'époque secondaire, pour aller en croissant jus- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 100 qu'à notre époque, où un puissant travail souterrain s'ef- fectue encore. Ajoutons que, sur la partie nord de la côte orientale du Brésil, de Baliia à Pernambuco, une puissante formation de g'rès constitue, au-dessus du terrain secondaire, des couches horizontales creusées par la dénudation, exactement comme sur le plateau central de l'Empire. Cette circonstance achève d'établir l'identité entre l'âg-e des dépôts de la côte et ceux de l'intérieur. 89. — L'existence de lig^nites dans le dépôt secondaire dont nous venons de parler, s'est fait remarquer, en un assez g*rand nombre de points, dans les couches argileuses subor- données aux schistes, gTès et calcaires de ce dépôt. Nous les avons déjà citées à Bahia. J'ai ég'alement rencontré, près de Pernambuco, des lig'nites disséminées dans des arg^iles inter- posées entre les calcaires ou reposant sur eux. On en a en outre sig'nalé sur beaucoup d'autres points; mais, comme il en existe aussi dans le dépôt supérieur et probablement ter- tiaire, on ne peut, quand manquent les données précises sur le g-isement, les rapporter au dépôt que nous venons d'indi- quer. Il y a aussi, comme nous l'avons déjà dit, des schistes bitumineux dans les couches de la formation secondaire. Je les ai cités dans la Serra de Sete-Lag-oas et près de Pitang-ui, M. Pissis en a sig'nalé à Tatui, dans la province de San- Paulo, et on en connaît sur beaucoup d'autres points. Sur les marg-es du Bio Marahii, près de Camamii, dans le sud de la province de Bahia, il existe des schistes bitumineux en contact avec des diorites et d'où suinte du pétrole. Ces schistes alter- nent avec des arg-iles bitumineuses jaunâtres et brunes, mê- lées de sables, donnant une g*rande quantité de pétrole par la distillation et renfermant des frag^ments de feuilles et de racines indéterminables , et aussi avec des g-rès ferrugineux et des calcaires bitumineux. Dans quelques-unes de ces couches, se trouvent intercalés des frag'ments de li- g'nites. Cette formation bitumineuse remplissant un bassin isolé, sur le bord de la mer, au pied de la terrasse de gmeiss 200 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. de l'intérieur, n'est probablement pas d'une g-rande anti- quité et se rapporte peut-être à la période tertiaire. Les dé- tails fournis par M. Nicolay et M. Hartt, qui ont visité cette rég-ion, sont trop insuffisants pour pouvoir en fixer l'âgée avec sûreté. Des frag*ments d'argnle bitumineuse que j'ai reçus de ce lieu ne semblent pas indiquer une g-rande antiquité, car on y trouve des racines et des portions dé feuilles en décomposition. J'ai aussi reçu du même point des frag*ments de diorites recouverts de lamelles de gypse. Ces frag-ments m'ont été sig*nalés comme provenant de la couche inférieure aux schistes bitumineux. Il paraît même qu'on a trouvé du succin avec les lig^nites intercalés dans ces schistes, et cette circonstance est aussi de nature à faire rapporter à l'époque tertiaire la formation en question. 90, — Toutefois, dans les parties plus australes du Brésil, c'est-à-dire, dans les provinces de Paranâ, Santa-Catharina et Rio-Grande du sud, des bassins houillers ont été trouvés entre la côte de l'Atlantique et la g-rande arête formée par les g*neiss relevés et constituant le bord de la g-rande terrasse continentale. On doit à M. Nathaniel Plant des études con- sciencieuses sur le g*isement houiller de la rivière Jag-uaraô au sud de la province de Rio-Grande. Ce g*isement couvre une surface d'environ 50 milles sur 30. Sa g-rande dimen- sion court du nord au sud et il est situé dans les vallées du Jag-uaraô et de ses affluents, la rivière Gandiota et le Ja- g*uaraô-Xico. M. Plant a donné une coupe de ce dépôt en un lieu nommé Serra- Partida^ et il consiste en allant de haut en bas : 1° En une couche de grès ferrug'ineux d'une épaisseur très- variable suivant les points, atteig'nant parfois jusquà 60 mè- tres et au-delà. Dans d'autres localités, ce premier dépôt est presque entièrement enlevé par la dénudation. 2° Vient en- suite une couche de charbon arg'ileux d'environ 3 mètres d'épaisseur. Ce charbon est de qualité inférieure et brûle mal à cause de l'arg'ile mêlée avec lui. 3° Au-dessous, se montre une couche de g'rès friable mêlé d'une forte proportion de li- GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 201 monite, et contenant ce minéral en frag-ments ocreux. i° Vient ensuite un lit de charbon bitumineux d'environ 1 mètre d'épaisseur. Ce charbon laisse encore une très-forte proportion de cendre. 5° Au-dessous de ce lit se montre une couche de 1" 50 d'épaisseur, composée d'une arg-ile schisteuse blanche contenant des quantités considérables d'impressions de petites plantes fossiles. 6° Vient ensuite une couche de char- bon de 3"' 50 d'épaisseur. Ce charbon est de bonne qualité et utilisable. Un très-petit lit d'argùle bleuâtre le sépare d'une autre couche, inférieure à lui et de 5^50 d'épaisseur, d'un charbon encore supérieur en qualité à la couche reposant sur l'argûle bleue. Une nouvelle couche d'arg"ile bleuâtre de 3 mètres d'épaisseur et semblable à la précédente se montre sous ce charbon et le sépare d'une couche de houille de 8 mètres d'épaisseur de qualité tout à fait supérieure, et comparable au meilleur charbon deNewcastle. L'arg^ile bleue intercalée entre les trois bancs indiqués ci-dessus contient des traces de plantes fossiles, mais très-mal conservées et in- déterminables. T^ Au-dessous de cette dernière couche de houille qui est la plus inférieure, apparaît une couche de carbonate de fer terreux et schistoïde, contenant de nombreu- ses traces de plantes fossiles, mieux conservées que les pré- cédentes. Parmi ces plantes, on reconnaît plusieurs fou- g*ères, et des restes de Lycopodiacées arborescentes et de pal- miers. Dans les frag*ments de ce carbonate que m'a donnés M. Plant, j'ai reconnu de petits g-rains de cuivre et d'anti- moine natif. M. Garruthers, qui a examiné quelques-uns des débris fossiles contenus dans cette couche, y a décrit trois espèces sous les noms de Flemirigites Pedroanus, Odontopteris Plantiana et Nœggerathia obovota. La première est une espèce nouvelle spéciale à ce dépôt et pourrait être prise au premier aspect pour un Lépidodendrum, mais elle s'en disting'ue, dit iM. Garruthers, par ses écailles qui ne montrent pas d'im- pression pour des surfaces articulaires, et la base du pé- tiole reste attachée en permanence à la tig'e. Il est douteux toutefois que les petits corps aplatis considérés par M. Garru- 202 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Ihers comme les sporang*es de cette plante lui appartiennent réellement. La seconde espèce est une foug-ère ég-alement nouvelle, spéciale au dépôt en question. Elle est associée à d'autres foug-ères des g-enres Glossopteris et Sphenopteris , reconnues par M. Plant qui m'a montré ses spécimens. La troisième espèce est un palmier. On trouve en plus des Calamités dans cette couche comme l'a fort bien sig-nalé M. Plant. Évidemment les diverses formes indiquées ci- dessus se rapprochent des formes connues dans les dépôts de l'époque houillière et dans ceux des houilles du trias et des dépôts jurassiques. Ainsi les g^enres Calamités^ Sphenopteris^ Glossopteris se sont montrés depuis l'époque houillère jusque dans ces derniers dépôts, et il n'est g'uère admissible qu'ils puissent être postérieurs à l'époque jurassique, surtout étant associés avec des g'cnres tels que VOdontopteris^ XelSœggerathia^ et des plantes lépidendroïdes paraissant plus anciennes encore. Il serait au reste prématuré de fixer, quant à présent, l'âg-e exact de ces dépôts en se rég-lant uniquement sur les quel- ques spécimens de plantes fossiles que nous possédons et en l'absence des fossiles animaux. Les flores paraissent avoir eu dans le temps une durée beaucoup plus g-rande que les faunes, et cela doit être puisque les formes vég'étales, quoi- que très-nombreuses, présentent en réalité plus d'unité que les formes animales. Or, quant à présent, les espèces trouvées dans la couche dont nous parlons sont différentes de celles des dépôts, soit houillers, soit jurassiques, des autres con- trées explorées, et elles ont vécu à des distances immenses de ces dernières. Présentant donc à Ja fois, quant aux g'cnres^ des analog-ies avec la flore houillère et la flore jurassique des autres contrées, elles sont totalement insuffisantes pour fixer avec certitude leur contemporanéité rig^oureuse, soit avec l'une, soit avec l'autre. Des formes houillères ont pu se perpétuer dans ces contrées lointaines longtemps après l'époque houillère et s'y mêler à des formes postérieures, de la même manière que nous y voyons encore aujourd'hui les mammifères didelphes disparus des autres contrées, sauf ^ GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 203 la rég-ion australienne, depuis l'époque tertiaire. Cette der- nière conclusion, si elle ne peut être établie avec certitude, est toutefois probable, car d'une part les empreintes de plantes trouvées dans l'arg'ile blanche et bleue intercalées dans les dépôts de houille, rappellent des formes beaucoup plus ré- centes par leur aspect g-énéral, surtout des formes de feuilles de petites gTaminées, ayant probablement vécu dans des ma- récag'es, mêlées à d'autres formes indéterminables, restes de petites plantes terrestres ou aquatiques, monocotylédones ou dicotylédones. D'une autre part, comme nous le verrons plus loin, la position de ces bassins houillers et la faible incli- naison de leurs couches oblig^ent à les faire considérer comme postérieurs au soulèvement du bord du plateau continental du Brésil, et ce soulèvement semble contemporain de celui du plateau de la Bolivia, simple continuation du premier, et dans lequel on a trouvé, soulevées, des roches siluriennes, carbonifères et permiennes bien caractérisées par leurs fos- siles. En réalité, donc, il semble difficile, dans l'état incom- plet de nos connaissances sur les dépôts carbonifères de Rio-Grande du sud, de les rapporter à une époque plus an- cienne que les terrains jurassiques inférieurs, ou au moins que le trias, et ce sont très-probablement des dépôts du com- mencement del'époque secondaire. 8'^ Au-dessus de la couche de carbonate de fer dont j'ai parlé en dernier lieu, se montre un lit de g^rès semblable à celui qui recouvre le dépôt total. Ce lit repose sur une couche de calcaire cristallin contenant de petits frag-ments de gTaphite disséminés dans la masse, et traversée par des veines de spath calcaire transparent, don- nant par place de très-g-rands cristaux. 9" Au-dessous de ce calcaire se montre une couche de micaschiste, laquelle repose parfois sur une autre couche de calcaire cristallin très-noir et très-compacte contenant des veines et des cristaux de pyrites. Ces deux dernières couches, dont l'une, celle de calcaire, manque souvent, reposent sur des syénites. Ces dernières roches se montrent d'ailleurs sur tout le pourtour du bassin houiller du Jag'uaraô, où elles forment des chaînes de collines 204 GEOLOGIE DU BRESIL. de 60 à 100 mètres de hauteur, dont les versants, du côté du bassin houiller, sont faiblement inclinés et disparaissent sous les couches de g'rès recouvrant les dépôts de houille. « L'inclinaison g'énérale des couches houillères, dit M. Plant, est de cinq à dix deg'rés sud-ouest, et nulle part il n'y a, dans les strates visibles, de sig^nes de soulèvements ou de dislocations subséquentes à celles qui leur ont donné cette inclinaison.» II importe en outre de remarquer que des roches basaltiques ont été sig-nalées dans cette rég'ion. Non- seulement, j'ai vu moi-même à Rio-de-Janeiro des échan- tillons de basalte provenant de cette zone, mais M. Hull, dans le Quaterly Journal of science, a sig-nalé en 1864 un épanchement basaltique incliné s'étendant depuis les mines de houille dans la direction du Rio Gonçalo. En outre, dans divers articles publiés dans les journaux de Rio de Janeiro, M. Plant a appelé l'attention sur la présence des roches ig'nées dans la province de Rio-Grande du sud, tant au nord du Rio Jacuhy que vers la frontière occidentale de la même province. Non-seulement il asig-nalé l'abondance des diorites et autres roches porphyritiques, mais encore il insiste sur ce que des roches réellement volcaniques anciennes, et con- sistant en basaltes, dolérites et trachytes, apparaissent en épanchements et en dykes isolés d'extension limitée et tra- versant les roches porphyritiques des missions. Dans le voi- sinag'e du Rio Jag-uaraô, il existe même des basaltes avec la structure colonnaire caractéristique de cette classe de roches. M. Plant insiste aussi, dans ces divers articles, sur la diffé- rence de composition de la Serra Gérai porphyritique de l'in- térieur de la province au nord et à l'ouest de la vallée du Rio Jacuhy, et de la Serra gTanitique do Mar; et déjà Weiss, dans les mémoires de l'Académie de Rerlin de 1872, avait, d'après les collections faites par Sellow dans cette même rég*ion, sig-nalé ég-alement la présence d'une chaîne de por- phyre noir et amyg'daloïde au nord du Rio Jaculiy. 91 . — Ces diverses éruptions porphyritiques, trachytiques et basaltiques, analog'ues aux anciennes formations volcaniques GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 205 des Andes, leur sont sans nul doute contemporaines , et il n'est g'uère possible de reporter les éruptions trachytiques et basaltiques au-delà de l'époque tertiaire. Or, quand on com- pare la présence, sig'nalée pai* M. Plant, de minerais de cuivre, d'antimoine et de fer au contact des roches en question, avec la présence du cuivre et de l'antimoine natif en gn'ains dis- séminés au milieu des carbonates de fer fossilifères des cou- ches houillères de Jag'uaraô; quand on note la présence des basaltes dans cette même vallée, la transformation en syénite des couches sur lesquelles repose cette formation houillère, et aussi le caractère métallifère et métamorphique des lits calcaires et micaschisteux en contact avec ces syénites, on ne peut g-uère se dispenser de considérer tout ce métamorphisme comme contemporain de l'éruption des basaltes, laquelle a du être accompag'née de l'imprég^nation métallifère des roches de cette rég-ion en même temps qu'elle en a disloqué les cou- ches. Or, comme les couches houillères présentent une seule dislocation, il y a donc tout lieu de croire qu'elles étaient restées horizontales depuis leur formation jusqu'à cette érup- tion basaltique, et ceci me paraît constituer une difficulté sérieuse pour les considérer d'un âg'e antérieur à l'époque secondaire. D'un autre côté, les g-rès supérieurs à ces cou- ches houillères, lesquels sont en stratification concordante avec celles-ci, sont au contraire appuyés contre les collines syénitiques, lesquelles ne semblent être que l'ancienne for- mation des leptinites et g-neiss du Brésil. Ces leptinites ou g'neiss étaient donc déjà soulevés avant le dépôt carbonifère, et avant le dernier métamorphisme par lequel ils ont été transformés en syénite. Il y a ainsi dans ce fait un autre motif devant nous porter à reg^arder la formation comme postérieure au soulèvement du g"rand plateau continental, comme nous l'avons déjà fait remarquer antérieurement. 92. — Par la suite, sans nul doute, quand la statig'raphie des couches du Brésil sera plus complètement connue, l'àg'e des couches en question pourra être mieux déterminé que par la seule considération des formes des fossiles vég-étaux con- 206 GÉOLOGIE DU BRESIL. tenus dans ces couches, formes d'ailleurs nouvelles quoique se rapportant à des g-enres connus. Ces g*enres ont dû toutefois avoir une très-g-rande durée dans la suite des âg^es g-éolo- g-iques, et par conséquent ne suffisent pas seuls à caractériser une époque. Je ne m'arrêterai donc pas davantag^e, pour le moment, sur cette question, surtout puisque je n'ai pas visité moi-même les bassins houillers. Mais je ne puis, en termi- nant, me dispenser de sig*naler l'importance des recherches de M. Plant, à qui on doit les intéressantes données citées plus haut, et d'insister, au point de vue économique, sur l'uti- lité pour le Brésil de la découverte des vastes mines de houille du bassin du Jag-uaraô; car peu importe, à ce point de vue, l'âg^e de la houille en question; le fait essentiel, sous ce rapport, est la qualité et l'abondance du produit. La pre- mière, c'est-à-dire la qualité, est pleinement satisfaisante, et l'abondance est tellement g-rande que le Brésil fîg*urera à l'avenir parmi les pays les plus riches en houille. La décou- verte proprement dite de ces mines est due à M. Bouliech, mais c'est aux travaux de M. Plant que nous devons de con- naître leurs détails et leur richesse. 93. — Gomme restes vég-étaux fossiles pouvant, ainsi que ceux des houillères de Candiota, se rapporter au commen- cement de la période secondaire ou même auparavant, j'ai à citer les restes d'une Équisétacée trouvée par M. Hartt, auprès de la Fasenda de Sisterio, un peu au-dessous de Gaxoeirinha- do-Rio-Pardo, dans le sud de la province de Bahia, et par conséquent aussi entre le bord de la terrasse continentale et la côte. Ces traces fossiles se montrent dans un gTès à g-rain fin, très-dur, bleuâtre, compacte et un peu altéré, mêlé en couches parfaitement laminées avec des sables et des cong'lo- mérats. M. Hartt y a remarqué des empreintes de tig-es, à nœuds épais, d'un vég'étal lui paraissant se rapporter aux Equisétacées, et ressemblant, dit-il, par ses nœuds enflés à une plante commune dans les roches dévoniennes de St-John, New-Brunsv^^ick , et ai[)ipelée AsterophT/Ilites? scutigera Dawson, D'après cette ressemblance, M. Hartt considère ces GÉOLOGllil DU BRÉSIL. 207 couches comme pal aeozoïques. Mais évidemment le caractère ici cité ne suffît pas à établir l'identité avec le fossile dévo- nien, etl'Équisétacée en question peut fort bien être triasique ou jurassique et contemporaine des fossiles des houilles de Gandiota. Quant aux restes de Brachiopodes palaeozoïques cités par M. Ag-assiz, comme trouvés par le major Goutinho dans une roche formant la première cascade du Tapajos, ils appartiennent probablement au dépôt sédimentaire, qui se montre transformé en g-neiss sur la plus g-rande partie de l'Empire, et correspond aux g^neiss métallifères supérieurs. Mais il n'a pas été publié de documents suffisants pour pou- voir être totalement fixé à cet ég'ard. 94. — Je ne puis abandonner la question des dépôts secon- daires du Brésil sans parler des efflorescences salines existant dans quelques-unes des rég'ions où la dénudation a mis à nu les puissantes couches calcaires de cette formation. Les lieux où des efflorescences de cette nature apparaissent, sont g'éné- ralement dans des fonds de bassins et sur les bords de cours d'eau circulant dans des vallées formées au milieu des strates redressées des calcaires. En un lieu du bassin du San-Fran- cisco, nommé Jacaré, sur la route de la Villa-da-Barra-do- Rio-Grande à Jacobina, j'ai eu occasion d'examiner l'un de ces dépôts de sel, connus dans le pays sous le nom impropre de mines de sel, car le sel marin ou chlorure de sodium s'y rencontre seulement en efflorescences à la surface du sol. Ces efflorescences se montrent dans un terrain bas, sur un sol noirâtre d'alluvion et peu au-dessus du niveau de la rivière. Le plus souvent, la surface de ce sol est nue, et la vég-étation consiste surtout en palmiers Carnaiiba {Copernicia cerifera) qui y croissent avec vig^ueur. Sur ce sol noirâtre apparaissent, pendant la saison sèche, les efflorescences salines consistant surtout en natron (carbonate neutre de soude), mêlé d'un peu de chlorure de sodium et de sulfate de magnésie, tandis que le sol lég'èrement humide reste imprég-né d'une g*rande quan- tité de chlorure de sodium, mêlé d'un peu de chlorure de chaux, et de chlorure de mag*nésium. Les habitants du lieu 208 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. lavent la terre superficielle et font ensuite évaporer au soleil et au feu l'eau de lavag-e pour obtenir le sel marin par la cristallisation. Un très-gTand nombre de localités, dans les rég'ions cal- caires du San-Francisco, fournissent ainsi le sel marin, etdans ces rég'ions le prix élevé des transports pour le sel venant de la mer donne une g-rande utilité à ces exploitations. D'après les informations que j'ai pu me procurer, relativement à un gTand nombre de points où ces exploitations ont lieu, le ca- ractère présenté par ces mines de sel est toujours analog*ue à celui de Jacaré. Nulle part, le sel n'a été sig'nalé en couches continues dans le sol, mais il provient toujours du lavag-e des terres situées dans les rég'ions calcaires et près des ruisseaux. Probablement, toutefois, des couches de sel existent à une certaine profondeur dans des fractures des roches calcaires, et peut-être en bancs subordonnés à ceux de ces dernières roches. Alors le sol imbibé depuis leur niveau jusqu'à la sur- face par l'infiltration lente des eaux de la rivière et par celle des pluies de la saison pluvieuse, s'imprèg'ne d'une disso- lution saline; et celle-ci, en s'évaporant à la surface pendant la saison sèche, détermine les efflorescences en question, en même temps que la couche de terrain superficiel se sature. Dans ce cas, très-probablement, la formation du natron et du chlorure de calcium provient de la réaction du chlorure de sodium sur le calcaire. GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 209 TERRAINS TERTIAIRES ET QUATERNAIRES. Description des grès tertiaires du plateau central de l'Empire. — Roches pyroïdes. — Alluvions quaternaires. — Dépôts diamantifères. — Oiigiue et gisement primitif du diamant. — Bassins tertiaires au milieu de la région des gneiss. — Caractères de la surface du plateau de gneiss de l'intérieur de la province de Bahia. — Dépôts tertiaires et quaternaires de la côte. — Récifs. 95. — Nous avons décrit, dans le chapitre précédent, le puissant dépôt secondaire recouv^rant tout le plateau central du Brésil et la vallée du San-Francisco, et reposant sur les g'neiss. Ce dépôt, comme nous l'avons vu, se compose, à sa base, de couches phylladiennes avec des g*rès ou quartzites subordonnés, lesquelles supportent une puissante formation calcaire, recouverte à son tour par d'autres couches de maci- g'nos ou de marnes, d'arg-iles et de phyllades ; et nous avons fait remarquer l'identité de ce gTand dépôt sédimentaire, à couches encore horizontales ou faiblement inclinées, avec rétag*e métamorphique à couches fortement redressées qui le remplace sur le haut plateau de Minas-Geraes et sur divers autres points. Déjà nous avons eu occasion de citer, au-dessus de ce vaste dépôt secondaire, un autre dépôt considérable de 14 4 * 210 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. grès, de psammites et parfois même de grèsanag'éniques, le- quel se présente en stratification discordante sur le premier, en un certain nombre de localités où celui-ci avait été dis- loqué, tandis que, sur la majorité de l'Empire, les deux dé- pôts sont l'un et l'autre sensiblement horizontaux. Le g'rand dépôt supérieur de g'rès, psammites et anag*énites, dont nous parlons ici, constitue, comme nous l'avons dit, toute la partie supérieure du g*rand plateau central ; et dans ses couches ho- rizontales se sont creusées d'immenses vallées de dénuda- tion, lesquelles constituent les bassins des rivières actuelles du Brésil. Le dépôt des g'rès supérieurs en question a été dis- loqué en un petit nombre de points seulement. Toutefois, des lambeaux isolés de ce puissant étag-e se trouvent élevés, dans la rég-ion métamorphique de Minas-Geraes, au sommet de quelques-unes des montag^nes les plus hautes, tels que le pic de ritacolumi, la Serra de Deos-te-livre, et en ces lieux ce même étag-e présente aussi des caractères de métamorphisme plus prononcé. Les calcaires, quoique peu riches en fossiles, nous ont mon- tré cependant un petit nombre de restes org-aniques, à l'aide desquels nous avons pu les rapporter à la période secondaire, et même reconnaître que les couches arg-ilo-marneuses, repo- sant sur eux, paraissent être de la fin de l'époque crétacée. Dans le puissant étag*e des g'rès, au contraire, aucun indice pouvant servir à fixer directement son âg'e g'éolog'ique n'a été trouvé, et aucune trace de fossile quelconque n'y a été jusqu'ici sig-nalée, du moins dans le règ-ne animal : j'ai fait en vain de nombreuses recherches à cet ég'ard, sur tous les points nombreux où j'ai observé des roches de cet étag'e. Dans le règ'ne vég'étal seulement, j'ai pu découvrir quelques restes : ce sont un frag'ment de bois dicotylédoné silicifîé trouvé près de l'Indaia, et quelques lig'nites montrant aussi la structure de bois dicotylédones, mais ne pouvant en aucune façon servir à des déterminations spécifiques. En l'absence donc de tout document provenant de l'exa- men des fossiles, des considérations stratig'rapliiques peuvent GÉOLOGIE DU BRESIL. 211 seules fixer l'âg'e de l'étag-e en question; mais, sous ce rapport même, cette fixation ne laisse pas de présenter beaucoup de vag-ue, et tout ce que l'on peut faire est de reconnaître que la formation de cet étag-e appartient à la période tertiaire, sans d'ailleurs pouvoir préciser à laquelle des époques de cette période il convient de la rapporter. Les preuves par lesquelles nous devons considérer comme tertiaire l'étag-e des g'rès supérieurs des plateaux du Brésil, consistent d'ailleurs uniquement dans sa superposition à l'é- tag'C secondaire étudié dans le chapitre précédent, étag-e dont les couches supérieures semblent être de la fin de l'époque crétacée. Or, entre le dépôt crétacé et le dépôt postérieur de l'étag'e des g'rès reposant sur lui, il s'est écoulé un certain temps, puisque ces deux dépôts, comme nous l'avons déjà dit, sont en stratification discordante sur un certain nombre de points. D'un autre côté, la puissance de l'étag'e des g'rès est considérable et n'atteint pas moins de 500 mètres, comme j'ai eu l'occasion de l'observer nettement dans la Serra de Gurumatahy. Donc cet étag-e a exig'é un temps considérable pour se déposer. Or la réunion de ce temps et de l'intervalle écoulé entre le dépôt inférieur et le commencement de ce dépôt supérieur représente nécessairement une durée trop long'ue pour pouvoir supposer que ce dernier puisse encore appartenir à l'époque secondaire, laquelle touchait à sa fin lors de l'achèvement du dépôt inférieur. Tel est le motif pour lequel nous plaçons l'étag'e des gTès en question parmi les terrains tertiaires. Le dépôt dont nous parlons présente une dénudation sur une échelle immense, et souvent de plusieurs centaines de mè- tres d'épaisseur. Cette dénudation non-seulement l'a fait dis- paraître totalement dans de certains bassins où on retrouve ses assises se correspondant à la même hauteur des deux côtés de la vallée, mais encore elle s'est étendue sur le dépôt secondaire inférieur en le creusant plus ou moins en divers points. En outre, dans ces mêmes vallées, sont venus se fixer d'impor- tants dépôts quaternaires, lesquels montrent que la dénuda- 212 GEOLOGIE DU BRESIL. tion s'était, pour la plus grande partie du moins, opérée avant la fixation de ceux-ci, et conséquemnient pendant la période tertiaire elle-même. Si donc on tient compte du temps énorme exig'é par cette importante dénudation, on ne peut rapporter le dépôt de l'étag'e des gTès en question tout à fait à la fin de l'époque tertiaire , mais bien vers le milieu de cette même période. 96. — Les g-rès constituent la roche dominante de cet étag-e. Tl s'y trouve toutefois aussi quelques couches subordon- nées d'arg-ileetde phyllades. Ces gTès présentent une gTande variation dans leur composition, et sont tantôt entièrement siliceux, tantôt fortement argnleux, et assez souvent micacés, et d'autres fois fortement chargées de peroxyde de fer terreux. Leur structure varie comme leur composition, et se montre dans certains cas fortement schistoïde et dans d'autres en bancs tout-à-fait massifs. La g-rosseur des g'rains et la fria- bilité présentent ég-alement les plus gTandes variations. Ainsi, il y a de ces g-rès d'une dureté considérable, d'autres sont à peine ag'rég'és ; il en est à g'rains uniformes et très-fins, d'autres composés d'une pâte à gn^os gTain enveloppant des amandes de quartzites sableux ou inversement. D'autres fois, ces g-rès renferment des frag-ments de gmeiss ou de roches phylladiennes, et passent ainsi à des cong^lomérats ou g*rès anag^éniques, ou bien ils sont composés de g'rains de quartz de g-rosseur variée ou seulement de quartz à g'ros g-rain. Dans certains cas, l'arg-ile manque totalement, et d'autres fois, elle est tout à fait prédominante. La couleur est excessi- vement variable. Le blanc et le roug'eâtre sont toutefois les plus fréquents dans les variétés purement quartzeuses, et le roug'eâtre, le verdàtre et le gTisàtre dans les variétés psam- mitiques; mais il y a de ces g*rès fortement charg-és d'oxyde de fer, dont la couleur est le brun ou le roug'e foncé, et il y en a aussi de jaunâtres dans les variétés psammitiques. Les phyl- lades interposées dans ces g-rès sont le plus souvent très- arg*ileuses et de couleur g-rise ou roug'C ou môme jaune. Quelquefois il s'en trouve d'assez fortement agTég^ées; il yen GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 213 a aussi accidentellement, mais rarement, de bitumineuses passant à l'amjoélite, et sur quelques points existent aussi des g-rès bitumineux. Dans la majeure partie des cas, les gTès à g'ros g-rains constituent les couches inférieures, et les variétés à gTain fin et arg'ileuses les couches supérieures, mais cette règ-le n'est pas constante et le contraire peut être ég-alement observé : même il n'est pas rare de voir des gTès anag^éniques consti- tuer les couches supérieures. Les argiles et les phyllades ne se montrent jamais dans l'étag^e, sinon en couches subor- données d'épaisseur variable, et elles n'existent pas partout. En somme, les gTès très-argûleux et friables composent la plus gTande partie de la masse de l'étag'e en question, et ce sont eux qui recouvrent la presque totalité des plateauxà cou- ches sensiblement horizontales du centre du Brésil. Du gypse fibreux se montre quelquefois, mais rarement, en veines interposées dans les fissures des g-rès de cet étag*e, comme j'ai eu occasion de le remarquer dans des gTès supé- rieurs aux macig'nos, près de l'Ahaéthé. M. Glausen a aussi sig'nalé la même substance dans ces derniers g'rès, entre les Assures de la roche. Dans la province de Bahia, dans le voisi- nag'e du Rio de Santo-Antonio, près de Villa-do-Rio-de-Gon- tas, on trouve, suivant Spix et Martius, une belle variété d'albâtre. Celle-ci, sans nul doute, doit être rapportée à ce même étag-e des g'rès, d'après la description qu'ils donnent des roches du voisinag*e, roches référées par eux au vieux g*rès roug-e d'après l'aspect, identique d'ailleurs à celui de l'étag-e des g'rès dont nous nous occupons. Du fer sulfuré cubique existe aussi en certains points dans les phyllades de cet étag-e, mais l'oxyde de fer y est la subs- tance minérale la plus abondante et il y forme souvent le ci- ment de couches subordonnées de g'rès à g'ros gTain. Des veines de quartz compacte et parfois de jaspe roug'eâ- tre, quelquefois noirâtre, traversent aussi fréquemment l'é- tag'e en question, surtout dans les parties les plus solides, dans celles où les g'rès se montrent les plus durs et comme 214 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. ayant subi une sorte de métamorphisme. Ces veines sont dues sans doute à une espèce de sécrétion de la roche elle-même. Le quartz fibreux apparaît aussi assez souvent en veines. Ces diverses veines paraissent être la source des quartz roulés compactes, hyalins et fibreux, des dépôts quaternaires accu- mulés dans les vallées. Ces quartz ont été mis en liberté dans la désag-rég'ation des roches sous l'influence de la considérable dénudation à laquelle l'étag-e considéré a été soumis. Il faut rapporter à l'étag'e des g-rès dont nous parlons les g-rès itacolumites de M. Glausen. Ce voyag-eur affirme, dans les notes accompag-nant les collections vendues par lui au Muséum de Paris, avoir trouvé dans ce g'rès l'empreinte d'une coquille univalve marine, mais en trop mauvais état pour pouvoir la déterminer. J'ai trouvé deux petits frag*ments de lig-nite dans les ar- g-iles subordonnées à ces grès, près des rives de l'Abaéthé. Il paraît au reste en exister dans d'assez nombreuses localités, d'après des indications que j'ai pu recueillir, notamment dans le haut de la vallée duRio-Doce. En un lieu nommé Fonseca, près duMorrodAg-ua-Quente et d'Inficionado, il a été trouvé une couche importante d'un lig'nite me paraissant devoir être rapporté à ce même étag-e. Cette couche se présente sous une inclinaison assez g-rande et est recouverte par des lits argulo-siliceux schistoïdes, les- quels ne sont autres qu'un g'rès psammitique en décomposi- tion. La couche inférieure en contact avec ce lig'nite est for- tement ferrug*ineuse. Ces couches plong^ent sous l'étag'e des quartzites supérieurs aux itabirites et itacolumites , lesquels quartzites se montrent, comme nous l'avons vu, en lambeaux disséminés et en couches disloquées et inclinées sur ces der- nières roches dans la zone fortement métamorphique de Minas-Geraes et correspondent par leur position s trati graphi- que à l'étag'e des g'rès à couches sensiblement horizontales, recouvrant tout le plateau central de l'Empire. En outre, par leur aspect, les lig'nites de Fonseca semblent fiÉOLOGlK nu BRÉSIL. 215 très-récents. On y peut observer la conformation complète (le bois dicotylédones : ils sont très-lég-ers et de couleur brune avec des parties transformées en jayet, et ils rappellent tout à fait l'état des ligmites des terrains tertiaires les plus récents. En présence de ce caractère, l'inclinaison très-notable de leurs couches, en stratification sensiblement concordante avec le g-roupe des talcites, itacolumites et itabirites, sur lequel ces couches reposent, est une preuve de plus que le déplace- ment de ces dernières roches, et par suite, sans nul doute, leur dernier métamorphisme est relativement très-récent et s'est opéré pendant l'époque tertiaire. 97. — Des dykes et des filons de diorite et de trapps noirs, bruns ou verdàtres, apparaissent sur un gTand nombre de points au milieu des g-rès de l'étag-e tertiaire étudié ici. Généralement dans leur voisinag-e, les g-rès sont fortement ag-rég'és, et les phyllades passent même quelquefois au schiste amphibolique. Les parties ainsi endurcies ont ordinairement mieux résisté à la décomposition atmosphérique que les au- tres, et des dykes dioritiques et trappéens g'énéralement ali- g-nés apparaissent souvent vers la base des g*rands plateaux à bords abrupts formés par les g-rès en question sur les côtés des vallées et des bassins des fleuves et des rivières principa- les. Ces dykes, par la solidification imprimée aux couches, ont puissamment contribué à la conservation de la direction rectilig'ne des bords de ces plateaux. La direction recti- lig^ne en question se montre parfois sur de très-gTandes lon- g*ueurs : puis, quand elle vient à cesser, elle reprend en- suite souvent un peu plus loin, dans une direction parallèle à la première, comme on peut le voir sur la carte g-énérale que j'ai dressée du cours du Rio das Velhas et du haut San- Francisco (1). La tendance à l'alig-nement dans les filons et les dykes de roches éruptives est une chose très-connue et tout à fait semblable dans sa cause à l'alig'nement des chaînes de (i) Voir mon ouvrage intitulé : Hydrographie du haut San-Francisco et du Rio das Velhas; Paris, 18(15, chez. Garniei' frèros. 216 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. montag-nes, car elle provient de la tendance g-énérale des fractures contemporaines du sol à s'effectuer dans une même direction. Dans le cas présent, quoique les vallées aient été creusées par la dénudation dans le g-rand dépôt superficiel formé par l'étag^e des g'rès dont les couches sont restées le plus souvent horizontales, le même caractère d'alig-nement se montre très-souvent dans les chaînes de montag-nes, et dans les bords de plateaux constitués par les restes de cet étag-e. Ce fait serait totalement inexplicable sans la présence, suivant les failles alig'nées du sol, d'éruptions de roches à l'état pâteux et métamorphosantes, lesquelles ont solidifié à un plus haut deg'ré une partie de cet étag-e, suivant des frac- tions de lig-nes droites. Ainsi s'explique comment la dénu- dation, s'effectuant sur les parties les plus tendres, ne s'est pas produite pour ainsi dire au hasard, et a laissé subsister les lig'nes en question. Vus du fond des vallées, et quelquefois à 400 ou 500 mètres au-dessus du niveau des plateaux dans lesquels celles-ci ont été creusées, les bords de ces plateaux se présentent donc souvent comme de hautes montag'nes en table, dont la projection sur le ciel forme une long'ue lig^ne droite, caractère si souvent mentionné dans les relations de tous les voyag-eurs au Brésil. Cette particularité est aussi l'orig-ine du nom de Serra da Canastra, du mot Canastra, qui sig-nifie malle plate, donné par les habitants du pays à plu- sieurs des chaînes constituées ainsi entre deux bassins par des plateaux élevés, comme celle, par exemple, qui se mon- tre vers les sources du San-Francisco. Le caractère de montag-ne en table, quoique très-fréquent, n'est pas toutefois complètement g-énéral. Non-seulement les lig-nes de dykes trappéens n'existent pas à la base ou dans l'axe de toutes les chaînes, mais encore certaines serras étroites et alig'nées, restes de l'ancien plateau ainsi con- servé entre deux vallées, ont souvent été elles-mêmes atta- quées à leur surface supérieure dans le sens transverse par la dénudation, et de là résulte pour la chaîne un profil sinueux, au lieu d'un profil rectilig*ne. Toutefois, cette der- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 217 nière forme de profil est si fréquente, qu'elle joue un rôle considérable dans l'aspect g-énéral du sol de la contrée. Quoique les éruptions trappéennes et dioritiques se soient souvent infiltrées dans les fissures du sol sans redresser les couches dans les fractures desquelles elles se sont injectées, il existe cependant un g-rand nombre de points où les cou- ches de l'étag'e des g-rès tertiaires sont plus ou moins rele- vées et disloquées par ces roches. D'autres fois les éruptions trappéennes se sont épanchées à la surface sous forme de nappes, formant des séries de g-radins dans le lit de petites rivières, ou sous l'aspect de dômes, comme j'ai eu occasion de le remarquer dans quelques chaînes de la rive g-auche du haut San-Francisco au-dessus de Pirapora. J'ai observé la forme de nappes notamment dans certaines diorites micacées, et surtout dans une roche éruptive décomposée et réduite en arg'ilolithe et souvent un peu micacée, laquelle se montre très-abondante. C'est cette dernière roche qui a surtout formé des espèces de dômes. Cette roche, en se désag^rég^eant complètement à la surface sous l'action de l'atmosphère et des pluies, abandonne, à la façon de certains trachytes, des parties ovoïdes, concrétionnées et concentriques, un peu plus résistantes que le reste de la masse à la désag-rég'ation totale, quoique ces parties elles-mêmes soient ég^alement réduites en argile. Cette roche ressemble souvent à un trachyte décom- posé. Les diorites se montrent aussi quelquefois très-décom- posées, mais d'autres fois, elles sont d'une solidité et d'une dureté remarquable. Des blocs isolés et très- durs de diorite brune, souvent gTanitoïde, apparaissent parfois isolés ou en- g^ag-és dans les g-rès ou même dans des filons trappéens en décomposition ; des veines de métaxite gTise ou verdàtre se font voir aussi dans le voisinag'e de ces filons au milieu des g'rès. Il existe encore, au milieu des g'rès de l'étag'e en question, des filons euritiques et des dykes d'arg'ilolithe. 98. — Les roches éruptives ne sont pas, dans cet étag-e, 2J8 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. les seules roches susceptibles, en se délitant, d'abandon- ner des blocs ovoïdes résultat de concrétions concentriques. Certains g'rès eux-mêmes présentent aussi dans leur masse des concrétions s'isolant des parties plus meubles dans les- quelles elles étaient contenues. J'en ai vu des cas nombreux sur la rive g-auche du haut San-Francisco au-dessus de Pira- pora, lors de mon premier voyag-eàMinas-Geraes. Dans mon second voyag'e, j'ai vu entre Cocaes et Gaéthé une petite butte ou colline, toute formée ainsi de blocs ovoïdes super- posés, et composés d'un g*rès tout siliceux blanc, à g'rain fin. Ces blocs assez solides, et restés ainsi en place les uns au-dessus des autres, avaient été isolés par la dénudation des couches de g-rès très-arg-ileux et friable dans lesquelles ils étaient eng'ag'és, et dont on ne voyait plus la présence sinon dans l'intérieur de la masse. A la limite tout à fait su- périeure, ces blocs accumulés les uns sur les autres lais- saient voir le ciel entre eux vers la pointe de la butte ; et, sur les côtés, on discernait leurs contours arrondis faisant sail- lie sur tous les flancs de la colline. Des couches abandonnant ainsi des blocs ovoïdes superposés, en se délitant sur place, ne sont pas un phénomène très-rare au Brésil, et la bizarre apparence alors produite dans ce cas est encore une des particularités intéressantes dans les paysag-es si variés de ce pays. 99. — Ceux des g*rès tertiaires dont le caractère méta- morphique est le plus prononcé , dans le voisinag'e des roches métamorphiques elles-mêmes et surtout dans celui des filons éruplifs précédemment décrits, ont été souvent confondus avec l'itacolumite, et il faut rapporter à eux les assertions relatives au g-isement du diamant dans cette der- nière espèce de roche. En réalité, je n'ai pu obtenir aucune preuve que le diamant ait été trouvé jusqu'ici en place au milieu d'une roche solide. Cette substance existe seule- ment au milieu des dépôts de cailloux roulés de l'époque quaternaire, et elle s'y montre g^énéralement en cristaux isolés ou quelquefois, mais plus rarement, empâtés dans des GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 219 cong'iomérats, lesquels eux-mêmes sont des frag'ments roulés arrachés à des couches de transport, et ne peuvent être, par conséquent, le g^isement primitif du diamant. Ces cong'io- mérats sont les seules roches solides dans lesquelles appa- raisse réellement ce minéral, et celles de ces roches elles- mêmes dont on trouve des frag'ments avec des diamants dans les collections, ont été ramassées dans les dépôts de cailloux roulés dont j'ai parlé. J'ai pris, à cet ég'ard, de nom- breux renseig-nements dans les districts diamantifères, et tous les chercheurs de diamant auxquels je me suis adressé ont été d'accord à m'affîrmer que cette substance existe seulement au milieu du cascalho (dépôts de cailloux roulés). Quelques-uns, il est vrai, m'ont indiqué des montag'nes de g'rès, voisines de ces dépôts, comme contenant du diamant; mais une plus ample information, résultat de questions net- tement posées, a toujours établi que la découverte des dia- mants avait eu lieu dans des cascalhos réunis dans les cre- vasses et les hautes vallées de ces montag'nes, et jamais dans la roche en place. Il faut attribuer, j'ai tout lieu de le croire, à des indications vag'ues et du g-enre de celles dont je viens de parler, et non rectifiées par des informations précises, le bruit, plusieurs fois répandu au Brésil , de la découverte de diamants dans la masse même des moatag'nes, comme dans la Serra da Grammag'oa, citée comme exemple à cet ég-ard. Des Garimpeiros (chercheurs de diamant) de cette dernière rég'ion m'ont affirmé, en effet, que le diamant n'y a pas été trouvé hors des cascalhos déposés dans les vallées ou réunis dans des anfractuosités et des failles du sol. Les cong'iomérats auxquels les diamants se trouvent atta- chés ont favorisé souvent l'opinion de la découverte de cette matière dans la roche solide en place. Mais ces cong'iomérats se forment eux-mêmes dans les dépôts diamantifères, où les oxydes et les hydrates de fer cimentent ensemble les gTains de sable provenant de la désag-rég-ation des roches et les cailloux roulés constituant ces dépôts. Des couches entières de ces cong'iomérats à ciment ferrug-ineux se sont formées. 220 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. en un grand nombre de points, à l'époque quaternaire, comme nous le verrons plus loin, dans le fond des rivières et des lacs de ce temps, surtout précisément à la surface des dépôts de cailloux roulés du fond du lit des rivières de cette époque. Dans la série des transformations et chang-ements de niveau de la long'ue période quaternaire, ces croûtes fer- rug-ineuses empâtant des sables et des g-alets ont été brisées en un g-rand nombre de places, et leurs frag-ments se trou- vent disséminés et roulés au milieu d'autres dépôts posté- rieurs aux premiers et composés de leurs matériaux, aux- quels s'en sont joints d'autres analog-ues. Il se forme encore aujourd'hui de ces cong-lomérats dans le fond des rivières actuelles, tantôt en frag-ments isolés dans les dépôts de g-a- lets, tantôt en couches superficielles plus ou moins continues; et dans les parties basses, où les bancs de cascalhos diaman- tifères sont imprég'nés par les eaux, des ag'g'lomérations de sables et de g-alets par les oxydes et hydrates de fer se font encore de nos jours. Or, parmi ces cong'lomérats, on trouve des frag*ments empâtant des g'alets de diverses dimensions : on en trouve d'autres constitués uniquement par des sables plus ou moins arg'ileux, et ressemblant à des g-rès ferrug'i- neux, pouvant parfois rappeler un peu l'aspect de quelques- uns des g-rès itacolumites. Il faut rapporter à des spécimens de cette nature présentant des diamants soudés à la masse, tout ce que l'on a dit au sujet des diamants contenus dans les itacolumites ou g*rès itacolumites. 100. — L'opinion assez bizarre de la formation journa- lière du diamant au milieu des dépôts de cascalho est assez répandue chez la plupart des Garimpeiros. Ils prétendent qu'après avoir lavé une portion de couche de cascalho pour en extraire le diamant, et en remettant cette portion de couche en place, on y retrouve des diamants si on la lave de nouveau au bout de longtemps, A l'objection de découvrir probablement alors les diamants qui leur avaient échappé lors du premier lavag-e, ils affirment ne trouver que très- rarement des diamants en lavant de nouveau des dépôts ré- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 221 cemment lavés, et, au contraire, en retrouver toujours dans des dépôts anciennement lavés. En rapprochant ce dire des Garimpeiros, et certaines particularités d'un g-rand nombre de dépots diamantifères, reposant sur des couches d'arg-ile tourbeuse fortement charg-ée de carbone, dépôts recouverts même quelquefois en outre, comme je l'ai vu à la Nova-Dia- mantina entre Gocaes et Gaéthé, d'une couche de tourbe provenant surtout du grand Vellosia arborescent, connu dans le pays sous le nom de Canella d'Ema^ et croissant si souvent dans les terrains diamantifères, on est amené, mal- g'ré sa bizarrerie apparente au premier abord, à ne pas re- jeter sans examen l'opinion des Garimpeiros. En effet, le diamant est, comme on sait, du carbone cristallisé, mais c'est un carbone dans un état isomérique spécial, et remar- quable par sa g-rande condensation, comme le prouve la densité de la substance. Sous ce rapport, on pourrait donc facilement supposer que le diamant proviendrait de la dé- composition lente de quelque hydrocarbure très-condensé, formé sans doute par certaines espèces vég'é taies, hydro- carbure dont l'hydrogène serait peut-être lentement oxydé sous l'influence de courants électriques du sol. Incontesta- blement, des considérations de ce g-enre pourraient être invoquées en faveur de l'opinion précitée des Garimpeiros. 101. — Mais d'autres particularités des dépôts diaman- tifères sont en opposition avec cette manière de voir. En effet, le diamant n'est pas la seule substance caractéristique des dépôts en question non trouvée en place dans les roches. Il est accompagné d'un certain nombre de minéraux dont la formation ne pourrait s'expliquer de la manière précédente. Geux-ci, pour la plupart, appartiennent à des espèces dont le gisement ordinaire est dans les roches éruptives et trap - péennes, ou, au contact de ces roches, dans les couches méta- morphosées par elles. Parmi ces minéraux, nous avons à citer le péridol vert (chrysolithe), le plus souvent en grains roulés; le zircon ou hyacinthe, l'anastase, le plus souvent en g-rains gris d'acier d'un vif éclat adamantin, et dont j'ai 222 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. même trouvé de petits cristaux bleus transparents; le rutile et la brookite, la topase, quelquefois jaune, mais surtout la topase incolore, les tourmalines noires ou vertes, le corindon, surtout le ferrifère, et des lamelles de diaspore ou alumine mono-hydratée, le phosphate d'yttria en g^rains roulés brun g*risâtre, le plus g-énéralement de la g-rosseur d'un pois, la wavellite ( phosphate hydraté d'alumine ) , ég'alement en g-rains, la cymophane ou chrysobéril de couleur jaune ver- dâtre, les pyrites, surtout la pyrite mag-nétique, le g-renat roug"e transparent, des g-renats communs et des g-renats noirs mag'nésiens, le disthène, bleu ou noir, et surtout le fer oxydulé en petits g-rains, ainsi que le fer oxydulé titanifère, ou mieux le fer titane non attirable à l'aimant (ménakanite). Le quartz hyalin et les jaspes roug-es et noirs dominent dans ces dépôts où j'ai aussi trouvé des frag-ments roulés de serpen- tine à laNova-Diamantina, près de GocaesetàrAbaéthé. Mais les frag-ments roulés de diorite sont beaucoup plus fréquents que ceux de serpentine et existent danstousles dépôts diaman- tifères. Quoique les divers minéraux précédemment cités soient caractéristiques des dépôts diamantifères, ils ne sont pas tous ég'alement répandus ni considérés par les mineurs comme sig-ne certain de la présence du diamant dans un dépôt. Des noms spéciaux sont employés par les g-ens du pays pour dési- g-ner ces espèces caractéristiques. Ce sont surtout les jaspes roug-es roulés nommés caboclos^ les jaspes jaunes concré- tionnés et aplatis no\\\n'ié?>favas^ les gTains arrondis de phos- phate d'yttria, g-énéralement de la g*rosseur d'un pois ou d'une fève et nommés feijaô^ les jaspes noirs colorés par une matière charbonneuse (phtanite) en petits cailloux roulés de la même g*rosseur et nommés feijaô prêta ^ dont la pré- sence dans un dépôt est considérée par les Garimpeiros comme rendant probable l'existence du diamant dans ce dépôt. Mais ils considèrent comme sig'ne certain et à peu près infaillible la présence des ferragems^ lesquels, au soleil, dans la hateia (vase dans lequel se fait le lavag^e des sables) jettent GEOLOGIE DU BRESIL. 223 presque l'éclat du diamant. Ces ferragems sont des petits grains gris d'acier de titane anastase. Toutefois beaucoup de Garimpeiros appellent aussi ferragems les grains de fer titane (ménakanite), ou oxydulé, lesquels possèdent à peu près la même couleur, mais n'ont pas l'éclat des ferragems» Le résidu restant dans la bateia, après le lavage par lequel les arg"iles et le sable blanc fin ont été enlevés, se compose, en outre des petites pierres dans lesquelles on cherche le dia- mant, d'un sable à g'rain un peu gros et formé presque en totalité de grains noirs. Les Garimpeiros lui donnent le nom de esmeril. Il est composé de petits g-rains noirs de phta- nite, mêlés de fer oxydulé gris, de fer oxydulé titan ifère de couleur noirâtre, et de ménakanite. La proportion de fer oxy- dulé et de phtanite varie suivant les localités, mais ces deux éléments existent dans tous les dépôts. Or, évidemment, l'existence de ces diverses substances accompagnant invaria- blement le diamant dans ses dépôts, et dont quelques-unes sig'nalent d'une manière toute spéciale sa présence, montre clairement que le diamant a été formé avec elles dans les mêmes conditions et les mêmes terrains, et amené conjoin- tement par le travail des eaux dans les dépôts de cascalho où on les trouve aujourd'hui. Si on peut, à la rigueur, comme nous l'avons indiqué précédemment, découvrir des motifs assez plausibles permettant d'entrevoir une explication pos- sible de la formation du diamant au milieu des dépôts de cascalho, il n'en est pas de même pour les nombreuses sub- stances qui l'accompagnent invariablement, et d'ailleurs celles-ci ont été évidemment roulées, comme le prouvent leurs contours arrondis. En outre, les diamants aussi se montrent souvent roulés, et même, dans ceux dont la forme octaédrique est le mieux conservée, les arêtes sont g'énérale- ment plus ou moins émoussées ou arrondies. Ce dernier fait est complètement probant pour faire voir qu'ils ne se sont pas formés dans le dépôt de cascalho où on les trouve, et pour démontrer leur apport par les eaux conjointement avec les autres matériaux. Par conséquent, l'opinion des Garimpeiros, 224 GÉOLOGIE DU BRESIL. rapportée plus haut, provient évidemment d'expériences mal faites. Dans leurs lavag-es, exécutés g-énéralement avec rapi- dité, il leur échappe toujours quelques-uns des diamants, qu'ils peuvent retrouver plus tard dans un nouveau lavag-e. Quand, au contraire, ils ont voulu s'assurer si, après le premier lavag-e, ils ne trouveraient plus de diamant dans le même dépôt au moyen d'un second lavag*e, ils ont dû mettre évi- demment plus de soin qu'ils n'ont l'habitude de le faire dans leurs lavag-es ordinaires, et ceci suffît à expliquer l'opinion à laquelle ils se sont arrêtés. 102. — L'orig-ine des gTains de fer oxydulé plus ou moins titanifère, et qui se montrent si caractéristiques des dépôts diamantifères, est facile à reconnaître. On trouve, en effet, ces g'rains disséminés dans les frag-ments roulés de diorite, de trapps et même de serpentines des mêmes dépôts de cascalho, lesquels frag'ments sont à leur tour identiques par leur na- ture avec la roche des dykes et filons des mêmes substances éruptives observables dans la régûon, notamment dans l'é- tag'e des g^rès tertiaires. Ces roches en place contiennent les mêmes grains de fer oxydulé, ainsi que beaucoup de diorites et de serpentines des élagues des g'neiss métallifères et des roches métamorphiques, comme, par exemple, le gTand banc de serpentine voisin de Gaéthé et antérieurement cité, et même la plupart des blocs isolés de diorite, et des filons dioritiques de Minas-Geraes et de l'intérieur de la province de Bahia. Gette circonstance, et aussi la présence des autres minerais de filon ci-dessus désig'nés , et celle des jaspes , lesquels , comme nous l'avons vu, abondent en veines dans les cou- ches des g-rès tertiaires, doivent nous porter à considérer les diamants comme s' étant formés au contact des roches érup- tives et de ces g'rès, spécialement dans les conditions où des jaspes et surtout des phtanites pouvaient se produire. Ges g-rès, comme nous l'avons vu, ne sont pas toujours dépour- vus de matières charbonneuses puisqu'il y en a de bitu- mineux ; et en outre les phtanites qui les traversent souvent en veines, sont le plus souvent colorés en noir par des ma- GÉOLOGIE DU BRESIL. 225 tières cliarboniieuses. La formation du diamant dans le voisi- nag-e des roches éruptives devient dès lors facile à concevoir. Notons toutefois une particularité des diamants du Brésil, de laquelle on doit déduire qu'ils ne se sont pas formés à une très-haute température. Cette particularité consiste dans une phosphorescence de ces diamants sous l'influence de la cha- leur. Mais, lorsqu'on les maintient longtemps à une tempéra- ture déplus de 300 à 400 degTés, cette phosphorescence finit par disparaître, et ils perdent totalement la propriété en ques- tion, c'est-à-dire, qu'en les chauffant une seconde fois, la phos- phorescence ne reparaît plus. Cela doit tenir évidemment à une petite modification isomérique de leur substance sous l'in- fluence de cette température. Dans leur état naturel et dans les conditions de leur formation, les diamants n'ont donc pas été soumis au deg-ré de chaleur en question, et par conséquent ils se sont formés à des températures très-inférieures à celle de la fusion des roches et proviennent, suivant toute appa- rence, d'hydrocarbures condensés. Ceux-ci se seront décom- posés sous l'influence de matières apportées par des eaux thermales d'une température probablement comprise entre 100 et 200 deg-rés, mais inférieure à ce dernier nombre, eaux thermales dont l'apparition fut, sans nul doute, corrélative de celles des roches éruptives. Ces mêmes eaux, agissant sur le silice des g-rès, ont pu déterminer alors la formation si- multanée de veines de jaspe et de phtanite , au milieu des g*rès argMlifères en question, et souvent même assez loin des dykes et fiions éruptifs. Ainsi peuvent se concevoir à la fois la formation des diamants, celle des nombreux minéraux qui l'accompag'nent et des veines et nodules de jaspe, de phta- nite et de silex au milieu des gTès. Quoique les diamants n'aient pas été trouvés en place jus- qu'ici, du moins avec certitude, dans les g^rès tertiaires, ils ne se rencontrent toutefois que dans des dépôts contenant des détritus des roches de cet étag^e. Parmi les cascalhos diaman- tifères, il en est dans lesquels on trouve des frag-ments des roches de tous les étag^es à partir du g*neiss jusqu'aux gTès 226 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. tertiaires. Ceux-ci ne peuvent rien nous apprendre sur le g'isement primitif du diamant. Mais il existe des dépôts dia- mantifères où on chercherait en vain les g'neiss et les roches de l'étag-e métamorphique, par exemple les itacolumites et les itahirites; et parmi ces dépôts il en est dans lesquels on rencontre exclusivement, comme cailloux roulés, des g'rès, des quartz, des phyllades, des diorites, des trapps ou des eurites, mêlés aux jaspes, aux silex, aux agîtes, à des con- g*lomérats ferrugineux, des topazes roulées, des g'renats et des phtanites, du fer oxydulé, de l'anastase et les autres mi- néraux ci-dessus indiqués. Ces derniers dépôts ne sont point aurifères et se composent uniquement, comme on le voit, de roches provenant exclusivement de l'étage des grès tertiaires, roches auxquelles se mêlent parfois des calcaires et des maci- g-nos de la partie supérieure de l'étage sur lequel ils repo- sent. Ce cas se présente dans les dépôts voisins de l'Abaéthé. D'un autre côté, il existe, parmi les alluvions anciennes ou cascalhos, des dépôts complètement dépourvus de galets de g'rès tertiaire, et où se montrent en abondance avec les quartz et les topazes roulées et la plupart des autres autres minéraux ci -dessus, des fragments roulés d'itabirite, d'itacolumite, de g-neiss et de talcites. Ces derniers dépôts sont très-aurifères, mais ils sont complètement dépourvus de diamant, et aussi des jaspes nommés caboclos, favas, etfeijaôs et des ferrage/ns vrais, ou du moins, les fragments d'anastase qu'on y peut ren- contrer n'ont pas l'aspect spécial des vrais ferrag'ems. Ce cas se présente dans tous les dépôts du haut de la vallée du Rio das Velhas. Ces faits montrent clairement qu'au Brésil, les diamants et l'or n'ont pas les mêmes gisements ; et la présence constante des grès tertiaires dans tous les dépôts diamantifères, leur absence dans tous les dépôts sans diamants quoique contenant toutes les autres roches, ne laisse pas le moindre doute que le diamant appartient bien réellement à l'étage de ces grès. Donc certainement, par des recherches bien dirigées, les diamants pourront être trouvés en place au milieu de ces derniers, et GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 227 probablement dans les parties où ceux-ci se montrent métamor- phiques et en contact avec les jaspes, notamment dans le voisi- nag-e des roches éruptives. Peut-être même sont-ils mêlés à des limonites et se rencontrent-ils dans des parties plus ou moins imprég*nées et concrétionnées par des hydrates de fer et de mang'anèse, lesquels abondent aussi dans les dépôts diamantifères. Ces hydrates que je n'ai pas encore cités dans ces dépôts, s'y trouvent en g-rande quantité sous des formes concrétionnées, très-souvent stratoïdes, comme si elles pro- venaient du remplissag'e de minces fissures, ou d'intervalles entre les strates. Des frag^ments de ces hydrates parfois mêlés à du silex terreux empâtant fréquemment des g'rains de g-rès quartzeux, se montrent aussi dans les dépôts dia- mantifères en lames ou g-alets minces appelés par les Garim- peiros caco depanella^ expression sig'nifîant en français croûte de chaudière. Parmi ces cacos de panella, il en est de formés par un silex terreux très-lég'er mêlé d'hydrate de mang'a- nèse. J'ai trouvé pour densité d'un de ces frag-ments 1,752. Les cacos de panella, comme les caboclos, les favas, les feijaôs et les ferrag*ems, sont considérés par les Garimpeiros comme des sig*nes de présence du diamant. D'autres con- crétions arrondies d'une densité un peu plus gTande variant de 2,0 à 2,2 composées des mêmes substances, portent le nom de marombé, nom qui me paraît dériver des lang*ues africaines, et est aussi appliqué aux itabirites roulées dans les dépôts de cascalho aurifères. Le nom de pê de moleqiie est, au contraire, donné aux cong-lomérats formés par des cailloux roulés de diverses gTosseurs ag'g'lutinés par l'hydrate de fer et se formant encore journellement dans le fond des rivières et les dépôts de cascalho soit aurifère, soit diamantifère, ou bien provenant de croûtes consolidées dans ces mêmes dépôts et ultérieurement brisées. En somme, deux natures de con- g'iomérats formés par le silice et les hydrates de fer et de mang'anèse existent dans les dépôts diamantifères : les uns proviennent des cong'lomérats formés dans les fissures des roches en place, les autres de cailloux ou de sables ultérieu- 228 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. rement ag"g*lulinés dans les dépôts de cascalho. Or les pre- miers, aussi bien que les derniers, montrent accidentellement de petits diamants soudés à leur masse ; mais, pour les pre- miers, la formation des diamants est très -probablement contemporaine du dépôt de leurs substances métalliques et siliceuses, lesquelles ont dû être amenées probablement par des eaux tbermales. Ces mêmes substances métalliques ont d'ailleurs souvent pénétré de g-randes masses de g-rès en les durcissant et métamorphosant, et en leur imprimant en même temps des couleurs roses , violettes ou brunes. Dans cette circonstance, il est fort admissible que la masse inté- rieure des g*rès puisse elle-même contenir des diamants. Un fait important à noter, en faveur de cette considération, existe dans la Ghapada Diamantina de Bahia, constituée par les gTès tertiaires. Ces g-rès sont g*énéralement tendres, mais en certains points on trouve à leur surface une couche plus dure renfermant des tourmalines , des jaspes , des pyrites mag-nétiques et des veines de silex. Cette couche toutefois est brisée et détruite sur la plus gTande partie de la surface; mais de nombreux frag-ments, quelquefois très-volumineux et entassés les uns sur les autres d'une manière confuse, attestent encore sa présence dans une multitude de points. La couche inférieure plus molle, mais très-épaisse, est percée de nombreuses crevasses et vallées de dénudation creusées par les eaux pluviales et remplies par les débris de cette couche supérieure. On trouve, dans ces crevasses, des diamants dis- persés dans des sables, reconnaissables, par les cristaux pyriteux identiques à ceux de la couche supérieure, comme résultant de la désag'rég'ation de celle-ci, bien que dans beau- coup de ces crevasses et le haut des vallées, on ne découvre aucune trace de roches d'une autre provenance. A l'appui de la même thèse, il y a aussi à citer des traces de sables incrus- tées sur quelques spécimens de diamants, traces citées par M. Glausen et lesquelles semblent indiquer une cristallisation au milieu de g'rès. 103. — Pour en finir avec les substances contenues dans r.KOLOfiIE nu BRÉSIL. 220 les dépôts diamantifères, je dois citer encore l'abondance des silex et la multitude des agîtes et calcédoines de toute couleur, surtout roug'cs, g'Hses, brunes et zonées, et aussi la présence des opales. Les silex méritent une attention spéciale, non-seu- lement par leur abondance, mais encore par leur distribution dans la masse des g'rès eux-mêmes. En effet, on trouve, dans ces dépôts, des frag'ments de g-rès remplis de nombreuses veines et lames de silex , et tout à fait semblables aux g*rès tertiaires en place. Beaucoup de morceaux de silex montrent de g*rands trous et présentent une surface cellulaire prove- nant de la disparition des gTès qu'ils traversaient ainsi en lames anastomosées. Sur quelques-uns on voit des restes d'impression de cristaux cubiques sur lesquels la masse s'é- tait moulée, et ces cristaux paraissent avoir été des pyrites. On trouve aussi de nombreux silex ag^atisés , et des cong^lo- mérats siliceux. J'ai aussi à citer des concrétions creuses d'hydrate de fer contenant à l'intérieur une arg^ile endurcie qui balance dans l'intérieur de la pierre. Ce g'enre de con- crétion , anciennement nommé pierre d'aig*le , n'est pas rare dans ces dépôts, mais ne leur est pas spécial, car il existe aussi au milieu des arg*iles quaternaires et dans les dépôts de cascalho aurifère et non diamantifère. On trouve aussi en frag^ments dans ces dépôts l'halloysite ou hydrosili- cate d'alumine, en masses blanches, cireuses, à cassure con- choïdale et présentant des v^eines brunes, roses ou violettes, provenant d'une coloration par les oxydes et silicates de mang^anèse ou de fer. Ces mêmes dépôts contiennent encore des frag'ments de kaolin etd'arg'ilolithe, lesquels proviennent évidemment des filons d'eurites en décomposition ou d'arg-i- lolithe traversant les g*rès. Parmi ces masses arg^ileuses con- crétionnées, surtout parmi celles d'arg^ilolithe, il en est où s'opère la réduction complète en une arg'ile fortement plas- tique et ag'g'lutinante, laquelle empâte les nombreux g-alets, qui, dans le dépôt, viennent à se trouver en contact avec elle, et forme ainsi des espèces de cong^lomérats durcissant à l'air. 230 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. J'ai déjà indiqué précédemment les principaux noms don- nés par les Garimpeiros à certaines pierres ou minéraux des dépôts diamantifères. Il y a encore d'autres noms assez cu- rieux employés par eux, tel est celui de pingas dagua (g'outtes d'eau) donné aux topazes incolores et translucides roulées, lesquelles brillent d'un vif éclat au soleil, à peu près comme les g-outtes de rosée. Ils appellent aussi chicoria les g-renats roug-es transparents, et hosta de vacca les g*rands g-alets de silex jaunâtre concrétionnés. Les quartz fibreux sont communs dans les alluvions dia- mantifères comme dans les alluvions aurifères du Brésil. Le quartz s'y montre au reste sous toutes les formes de quartz roulé hyalin, blanc, jaune ou noir, de quartz améthyste et de quartz compacte. On a cité aussi dans les dépôts diamantifères l'oxyde d'étain, ou cassitérite en grains. Mais cette substance doit y être d'une g*rande rareté, car je ne l'ai pas rencontrée dans tous les dépôts que j'ai examinés. Il en est de même de la tantalite et de la colombite ou niobite (niobate de fer et de mang'anèse) indiquées par M. Damour comme s'étant ren- contrées dans un spécimen de sable adressé à lui et provenant des dépôts diamantifères de Bahia. En revanche les calcaires, la g*alène et les pyrites s'y rencontrent très-fréquemment, et même quelquefois le cinabre ou sulfure de mercure. Les alluvions diamantifères se montrent au Brésil sur une immense surface; on en a trouvé dans presque toutes les provinces. Très-souvent elles sont mêlées aux alluvions auri- fères. Ceci a lieu dans toutes les réglions voisines des zones des g'neiss métallifères et des roches métamorphiques et dans le fond des g^rands bassins des fleuves où les affïuents ont apporté des roches provenant de rég'ions de terrains divers, lesquelles se sont mêlées dans ces g-rands bassins. Près de la ville de Diamantina, à Minas-Geraes, le point anciennement le plus réputé pour les exploitations de diamant, les alluvions aurifères sont jointes à celles du diamant dans le haut de la vallée du Jequitinhonha. Dans ces cas, le lavag*e des sables peut donner à la fois l'or et le diamant. Le platine aurifère GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 231 se trouve quelquefois mêlé en grains à ces deux autres subs- tances, mais il est toujours très-peu abondant. Il existe toute- fois allié à l'or, en très-faible proportion, dans beaucoup des mines de ce métal. Les dépôts des rives de l'Abaéthé, affluent du Rio de San- Francisco, sont remarquables par la proportion relative des diamants noirs. On y a trouvé quelquefois des diamants à moitié noirs et dont le reste de la masse était incolore. Il y en a aussi quelques-uns de faiblement bleuâtres et verdâtres ; mais la teinte la plus commune est le jaunâtre. Les diamants sans aucune teinte de jaunâtre sont plus rares que ces der- niers. Enfin les plus rares de tous sont les diamants roses. 104. — Le dépôt diamantifère des rives de l'Abaéthé se com- pose d'une couche de cascalho d'environ 50 centimètres d'é- paisseur et reposant sur des arg'iles provenant de roches phyl- ladiennes en place et en décomposition. La rivière a creusé son cours dans ces roches, et çà et là se montrent dans son lit les bords de strates de gTès assez durs subordonnés à ces phyllades, et déterminant des rapides dans le cours du fleuve. La section du dépôt de cascalho diamantifère apparaît à la moitié de la hauteur des rives. Au dessus de ce cascalho, on remarque en de nombreux points une croûte horizontale formée par un banc de 5 à 10 centimètres d'épaisseur d'un psammite g*risâtre assez dur, puis au-dessus de cette croûte une couche d'argûle de 4 à 5 mètres d'épaisseur, laquelle sup- porte le sol vég*étal. La croûte psammitique dont je viens de parler est constituée par un sable arg'ileux endurci et semble indiquer que des eaux siliceuses un peu incrustantes se se- raient répandues dans cette vallée vers le milieu de l'époque quaternaire, après le dépôt des cascalhos et de la couche de sable arg-ileux superposée, et avant le dépôt des arg'iles meu- bles superficielles. Je n'ai vu ce caractère qu'au dépôt de l'Abaéthé, mais des croûtes de g-rès ferrug-ineux dont l'hy- drate de fer forme le ciment ne sont pas rares sur les dépôts de cascalho des vallées des fleuves ; et la formation de ces croûtes est l'une des particularités les plus remarquables à 232 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. citer dans les dépôts quaternaires. Ces croûtes accidentelles de grès ferrug-ineux sur les dépôts de cascalho, existent aussi parfois au-dessus d'autres dépôts quaternaires. Tel est le cas pour la couche mince de g*rès de cette nature déjà mentionnée sur les rives du San-Francisco au lieu nommé Barreira de Honorio. En ce point la croûte en question repose sur des arg*iles et marque le fond d'un ancien bassin dans lequel le fleuve actuel a creusé son lit. Elle est recouverte d'un dépôt de sable marneux et d'arg*iles de l'époque récente, dans lesquelles on voit se manifester encore de lég'ères traces de racines et de feuilles de plantes indéterminables, mais dont toute la matière org'anique n'a pas totalement disparu. Dans la vallée de l'Amazone, M. Ag'assiz a ég-alement cité une croûte endurcie d'un g-rès semblable, recouvrant une ar- g*ile feuilletée en lits très-minces. Elle contient des feuilles de plantes dicotylédonées, paraissant identiques aux espèces vivant aujourd'hui dans la même vallée. Dans sa Geology of Brazil^ M. Hartt ajoute, au sujet de ces feuilles, la note sui- vante : « Ces feuilles apparaissent dans une fine et molle ar- (( g*ile g*rise, ressemblant très-fortement aux arg^iles des al- (( luvions récentes des rivières du Brésil. Elles sont parfaite- « ment préservées, La feuille est en partie carbonisée, mais « elle se sépare de la surface en roulant sur elle-même, lors- « qu'elle vient à sécher, et elle peut être détachée en laissant « une belle impression de sa nervation. » On voit facilement par ces détails que cette couche est essentiellement récente et ne peut être supposée antérieure à la fin de l'époque quater- naire. Elle repose sur un lit d'arg-ile plastique big'arrée, le- quel lui-même s'étend sur un dépôt de sables grossiers for- mant la base du dépôt quaternaire de ce bassin. Au-dessus de cette croûte dure, se montre, comme à la Barreira de Hono- rio du San-Francisco, le dépôt des sables plus ou moins en- durcis et des arg-iles récentes amenées par les actions torren- tielles ayant produit la dénudation, et qui dès lors n'est pas stratifié comme les dépôts du fond des eaux tranquilles, cir- constance à cause de laquelle M. Ag'assiz l'a pris pour son GKOLOGIK DU BRÉSIL. 233 clrift g^laciaire. D'après le même auteur, sauf les arg'iles su- perficielles citées en dernier lieu, le dépôt quaternaire s'éten- drait sous les gu^ès des Serras d'Eréré et de Gupati. Mais M, Hartt, dont les opinions au sujet de ces derniers gTes dif- fèrent de celles de M. Ag-assiz, les considère comme identi- ques aux gTès tertiaires du gTand platean continental, opi- nion à laquelle les descriptions données de ces gTès m'oblig^en t à me rang'cr. D'ailleurs M, Ag'assiz n'a observé le dépôt qua- ternaire précédemment décrit qu'au fond de la vallée elle-même dont, dit-il, ce dépôt suit les déclivités, et ce caractère est tout à fait conforme à mes observations dans la vallée du San- Francisco, où j'ai pu constater que le dépôt quaternaire n'était pas inférieur aux gTès en question, mais venait s'ar- rêter sur les flancs de leurs plateanx. Sans aucun doute il en est de même dans la vallée de l'Amazone, et dès lors le dépôt en question doit s'arrêter aux bases des Serras d'Eréré sous lesquelles il ne s'étend pas. 103. — La question du g-isement primitif du diamant dans les g-rès tertiaires nous ayant conduit à décrire avec détails la nature d'une partie des dépôts quaternaires remplissant les vallées et bassins de dénudation du g'rand plateau central du Brésil et de ses limites, nous croyons devoir compléter la des- cription de ces dépôts quaternaires avant de parler des dépôts tertiaires delà côte, parce qu'il nous sera plus facile ensuite de comparer à l'ensemble de ces dépôts tertiaires et quaternaires du centre, les dépôts existant sur les côtes, de l'autre côté de la gTande terrasse desg'neiss,et appartenant aux deux mêmes périodes. Dans tout le centre du Brésil, et, sous ce rapport, il en est de même sur les côtes, les alluvions quaternaires occupent seu- lement les parties basses, c'est-à-dire les vallées et les fonds des bassins. Donc, pendant la période quaternaire, le sol avait à peu près sa confignn^otion actuelle. Je dis à peu près, car, évidemment, puisque les dépôts quaternaires proviennent eux-mêmes de la décomposition et de la dénudation exercée par l'action atmosphérique sur les roches, les g*randes vallées, 234 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. déjà dessinées, se sont creusées plus profondément pendant cette période, et une multitude de vallées secondaires de dé- nudation ont dû s'y ouvrir, comme cela a même encore lieu de nos jours. Tout paraît indiquer toutefois que, vers la fin de l'époque tertiaire, le g-rand plateau central du Brésil, lequel avait dû se trouver à une certaine profondeur sous les mers pendant le g*rand dépôt des g*rès tertiaires, s'était élevé prog-ressive- ment au-dessus du niveau de l'Océan en présentant ses pentes g-énérales et ses inclinaisons actuelles; et déjà ses g-rands bassins, au moins^, avaient été dessinés par le travail des eaux océaniques pendant ce soulèvement g'raduel et en masse. J'ai, en effet, constaté sur les flancs des montag-nes limitant la vallée du Borracliudo, affluent du San-Francisco dans le haut de son bassin, des lig-nes superposées d'anciens rivag^es for- mées par des bancs de g-alets roulés, appliqués sur les pentes et pouvant être suivis horizontalement pendant plusieurs ki- lomètres. Ces lig-nes marquent évidemment des périodes d'arrêt pendant le soulèvement g-énéral, mais elles indiquent aussi que la vallée de la rivière en question était déjàdessinée dès cette époque. Des recherches attentives feront probable- ment reconnaître à l'avenir des lig-nes analog'ues d'anciens rivag'es sur beaucoup d'autres points. D'un autre côté, j'ai cité l'aspect de falaises présenté par une multitude de chaînes et de collines calcaires dans le val du San-Francisco, et, très-proba- blement aussi, les vag-ues océaniques avaient battu contre les flancs de ces collines. Or les strates calcaires auxquelles ap- partiennent ces collines sont inférieures aux dépôts des g'rès tertiaires^ et à un niveau très-inférieur aussi à la surface d'en- semble du plateau représentée par une surface de niveau pas- sant par les parties supérieures des plateaux de gTès. Il fau- drait donc admettre ou que le dépôt supérieur à ces collines avait été déjà enlevé avant le retrait complet des eaux océ- aniques, ou bien que le dépôt des g-rès lui-même, quand il s'est effectué, n'a pas recouvert d'une manière tout à fait uniforme la surface totale, mais s'est accumulé en bancs GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 235 beaucoup plus épais en certaines parties. Cette dernière sup- position est la plus rationnelle, car elle est tout à fait con- forme aux faits observables aujourd'hui dans les mers, où, à cause des courants, les sables s'accumulent en bancs en cer- tains points, tandis qu'en d'autres, l'action des eaux tend à creuser au lieu d'apporter de nouveaux dépôts. D'ailleurs les mers, il ne faut pas le perdre de vue, arrachent elles-mêmes aux roches sur lesquelles elles reposent, des parties frag*- mentaires dont elles opèrent la réduction partielle en sable et qu'elles déposent en d'autres points conjointement avec les sables et les arg^iles apportés par les rivières. Donc l'apport de celles-ci constitue seulement une partie et non la totalité de la masse des dépôts marins. Les faits et les considérations exposés ci-dessus montrent donc bien, d'une part, que le dé- pôt des gTès tertiaires avait lui-même déjà dessiné les g*rands traits de la confîg'uration g*énérale des bassins actuels, et, d'autre part, que les matériaux de ce dépôt lui-même avaient été empruntés aux roches plus anciennes, notamment aux g'neiss constituant toutes les arêtes saillantes du g-rand bassin océanique, devenu plus tard, par son soulèvement, le g'rand plateau central du Brésil. Après le retrait des eaux de l'Océan, par suite du soulève- ment g-énéral de ce plateau, soulèvement sans doute accom- pag'né des éruptions de roches trappéennes, dioritiques et autres roches pyroïdes antérieurement citées, et par les- quelles un certain deg'ré de métamorphisme avait été exercé sur une partie des g*rès et des dépôts inférieurs, la surface de ce plateau s'est trouvée exposée à un nouveau g-enre de dénudation, celui des pluies et des eaux torrentielles résul- tantes, combiné avec tout l'ensemble des actions atmosphé- riques sur la désag-rég-ation des roches. Ces actions analo- gaies à celles à l'effet desquelles nous assistons présentement, ont formé, sous l'action répétée des siècles, tous les détails se- condaires du relief de la contrée, dont les traits g-énéraux étaient déjà tracés. Sous ces influences prolong-ées, car elles ont ag-i pendant toute la période quaternaire, la surface su- 230 GEOLOGIE DU BRÉSIL. périeure des plateaux élevés s'est clésagTég^ée et recouverte d'un soi g-raveleux, formé de matériaux non roulés et restés en place, mais constitués par les petits frag^ments des veines quartzeuses ou ferrug^ineuses cong-lomératiques contenues primitivement dans les couches tout à fait superficielles du sol, dont une g-rande partie, les portions les plus meubles, ont été enlevées, pendant que le reste désag'rég^é et se mêlant aux détritus vég*étaux a formé le sol vég'étal. En même temps, cette surface s'est sillonnée de vallées de dénudation dont les matériaux entraînés par les torrents et les rivières se sont accumulés dans les grands bassins et répandus sur de vastes surfaces, jusqu'à ce que, sous l'action du temps, le rég'ime des eaux se soit établi à l'époque où les rivières ont eu creusé profondément leur lit. Ces dépôts nouveaux se sont joints, il ne faut pas le perdre de vue, aux autres dépôts que les mers avaient déjà laissés dans le fond des bassins tra- versés par leurs courants, où elles ont souvent mêlé des roches de contrées éloigniées et accumulé en certains points des blocs considérables. Mais la nouvelle dénudation, sous l'influence de l'atmos- phère, des pluies et des eaux torrentielles, a commencé aussi- tôt après le retrait des eaux océaniques hors de la surface du plateau continental, et avant la fin du soulèvement de cette surface, laquelle atteint, vers le centre du plateau continen- tal, au-delà de mille mètres au-dessus du niveau de l'Océan. Ce soulèvement se continuait donc encore pendant la dénuda- tion dont nous parlons en ce moment. Or, il ne s'opérait pas d'une façon toujours constante et rég'ulière, ni, sans nul doute, d'une manière toujours ég'ale sur tous les points. Non-seule- ment, comme nous l'avons déjà indiqué, certaines parties du dépôt tertiaire ont eu leurs couches fracturées, disloquées et relevées sous de gTands ang^les en même temps qu'elles pre- naient un aspect profondément métamorphique et se cliar- g-aient de talc ou de chlorite ; mais encore, dans les parties elles-mêmes où les couches moins ou très-peu modifiées ont presque g*ardé l'horizontalité, à cause du soulèvement en masse GlioLOGIE DU BRÉSIL. 237 du plateau, de petites inclinaisons se font encore remarquer. Donc ce soulèvement n'était pas rig-oureusement égal sur tous les points; et telle localité, aujourd'hui plus haute qu'une autre, a pu être temporairement plus basse que cette der- nière; nous avons vu d'ailleurs, en traitant des dépôts des ca- vernes, comment les variations du rég'ime des eaux accusent ces variations différentielles de niveau. A ces faits, il faut encore ajouter, comme causes modificatrices, les éruptions et épanchements de roches pyroïdes en nappes. Donc, incontestablement, le travail de creusement des eaux fluviales pour se constituer un rég'ime définitif dans la con- trée, ne s'est pas opéré sur tous les points d'une manière continue dans le même sens. Des chang^emenls de cours ont eu lieu fréquemment dans beaucoup de rivières avant leur concentration dans leurs lits actuels; et par conséquent, des inondations, des lacs ont dii souvent se former dans diverses rég'ions et y déposer, pendant cette long'ue période, des cou- ches arg'ileuses plus ou moins rég^ulièrement stratifiées. D'autres inondations et des mouvements torrentiels des eaux sont résultés des ruptures de barrières de ces anciens lacs. Des amas de g'alets, des blocs même ont pu être ainsi dépla- cés, parfois répandus sur d'assez g-randes surfaces, tantôt isolés , tantôt mêlés de masses arg^ileuses ; et dans ces mouvements torrentiels des eaux , beaucoup de g^alets laissés par la mer sur les anciens rivag*es ont été entraînés et mêlés avec ceux des rivières. De même les puissantes dé- nudations effectuées sur les flancs des montag*nes ont déter- miné l'entraînement simultané de ces cailloux roulés avec les sables etlesarg'iles provenant de la désagTég'ation des roches sous-jacentes ; et ainsi ont disparu la plupart de ces an- ciennes traces. 106. — L'exactitude des considérations précédentes ne cesse de se manifester au reste quand on examine avec un peu de soin les dépôts quaternaires du Brésil. Ainsi, non- seulement la plupart des rivières ont leur lit actuel creusé au milieu de dépôts quaternaires dans lesquels on remarque 238 GÉOLOGIE DU BRESIL. souvent intercalés, entre des arg-iles et des sables, des dépôts de g-raviers et de cailloux roulés dont la trace se faisant voir sur les rives atteste, à une époque plus reculée, l'existence d'eaux courantes répandues sur le fond de la vallée à un ni- veau supérieur à celui des rivières actuelles : mais encore sur les flancs de certaines montag'nes on voit en divers points, à des niveaux de 30, 40 ou 50 mètres au-dessus des mêmes rivières, des frag-ments de dépôts analog^ues attestant en ces localités des variations notables de niveau depuis l'époque des dépôts en question. D'autres fois, on remarque dans les grandes vallées des rivières, dans les g*rands bassins des fleuves, des élévations, des buttes, des plateaux de 10, 20 à 30 mètres, au-dessus du niveau g"énéral de la vallée, couverts ég-alement de couches de g'alets plus ou moins superficielles et plus ou moins recouvertes d'argiles. Ces faits attestent une élévation ancienne plus g'rande qu'aujourd'hui dans le ni- veau g^énéral de ce bassin dans le fond duquel se sont ou- vertes de nouvelles et larges vallées de dénudation, même souvent au milieu des roches sous-jacentes en place, vallées dans lesquelles ensuite les rivières actuelles ont creusé leur lit. En somme, des sables, des arg-iles ou des marnes et des cailloux roulés constituent la partie inférieure des dépôts quaternaires des vallées du Brésil. Ces couches inférieures sont parfois, comme nous l'avons dit, recouvertes d'une croûte solidifiée, et des arg*iles quelquefois calcarifères et marneuses composent la partie supérieure des mêmes dépôts. Cet étag'e supérieur dont la puissance est souvent de 4 à 5 mètres et même plus, est quelquefois stratifié dans sa partie profonde. Il ne l'est jamais près de la surface devenue le sol vég'étal. Il représente évidemment, au moins dans son assise supérieure, le dépôt formé en dernier lieu, pour la plus grande partie hors des eaux, et dont les matériaux ont été apportés par les eaux pluviales lavant les roches désag*rég*ées des flancs des collines. A ces matériaux s'est joint souvent le limon déposé par les rivières lors de leurs inondations. Ce dépôt limoneux s'est efl'ectué jusqu'à ce que les rives aient été assez GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 239 élevées pour encaisser de plus en plus les rivières, comme on le voit par la hauteur de la berg-e plus g-rande que celle des parties situées en arrière et remplies de marécag-es dans les- quels les eaux de la rivière ne pénètrent plus, sinon dans les cas où elles sont très-fortement g-rossies par les pluies. Quel- quefois, on reconnaît à leur stratification que les couches in- férieures de ces arg-iles ont dû déjà se déposer dans des lacs ou des eaux tranquilles; et évidemment des séries de lacs ont du précéder le cours des rivières actuellement encais- sées. Au fond des gTands bassins des fleuves, où s'accumulent les sables charriés par tous leurs affluents, les dépôts super- ficiels d'arg"ile sont souvent remplacés sur leurs rives par des dépôts de sables mêlés de limon. Ces dépôts supérieurs d'arg'iles ou de sables commencés dès la fin de l'époque qua- ternaire se continuent encore de nos jours, comme on le cons- tate aisément. Quant au dépôt plus ancien composé de cailloux roulés, d'arg-ile et de sables, il se compose le plus g-énéralement d'un banc d'argnle plus ou moins sablonneuse sur lequel re- pose une couche de g-alets d'une épaisseur variable de 10 cen- timètres à 1 mètre et mêlée d'arg^ile. Quelquefois il y a deux couches de g-alets séparées par des arg^iles. Ces dépôts de g-a- lets et de g*ros sable sont toujours, dans les petites vallées, constitués par les roches de cette vallée elle-même. Dans les g-randes vallées et les bassins des gTandes rivières et des fleuves qui rencontrent toutes les natures de roches du Brésil, on trouve dans les g-alets le mélang-e complet de toutes ces roches. Par suite de ce mélangée, ces dépôts sont g'énéralement aurifères et diamantifères, mais dans une trop faible proportion poLu^ donner lieu à une exploitation, à cause delà multitude de g-alets et de la proportion des sables prove- nant de réglions ne renfermant ni or, ni diamant, par rap- port à la fraction provenant des réglions contenant ces miné- raux. Mais les dépôts en question constituent de très-riches placers aurifères dans les vallées des rivières nées dans les districts des g*neiss métallifères supérieurs, des itabirites et 240 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. itacolumites, et d'importants placers diamantifères dans la plupart des vallées des rivières nées dans les districts des g'rès tertiaires. Les chaînes tertiaires entre le bassin du San- Francisco et celui de la Paranahyba, la Serra do Frio près de Diamantina, les Serras de Graô-Mog'ol, da Ghapada- Diamantina, et da Ghapada da Sincora entre ce même bassin du San-Francisco, et les bassins du Jequitinhonha, du Parag'uassii et de l'Itapicurû, sont en particulier les points d'orig*ine des dépôts diamantifères aujourd'hui exploités, les- quels s'étalent aux pieds de ces chaînes. G'est à Bag'ag'em, dans le val de la Paranahyba, qu'a été trouvé le gTos diamant nommé V Étoile du Sud. Mais la région où les diamants sont cherchés avec le plus d'activité est dans la Ghapada-Diaman- tina de la province de Bahia. La plus g-rande exploitation est près de la ville de Lençôes; et il existe une ving-taine d'ex- ploitations ou mines en activité distribuées entre ce point et la mine de Santo-Ig-naçio, un peu à l'Est de la Villa-da- Barra-doRio-Grande, sur le San-Francisco. 107. — Le dépôt quaternaire de cailloux roulés ou cascalho du Brésil, lequel comprend, comme nous venons de le voir, les placers aurifères et diamantifères de l'Empire, n'est pas dépourvu de traces de l'industrie humaine primitive. On y trouve des haches de pierre d'une forme en tout sem- blable à celle des haches en silex des dépôts quaternaires de France, seulement elles sont faites avec une diorite g'ra- nitoïde et polies à un certain deg-ré. On y trouve aussi des espèces de pilons ég-alement polis de la même substance. Je dois à l'oblig-eance de M. le vicomte de Prados et de M. Victor Renault, vice-consul de France à Barbacena, deux de ces objets venant des dépôts de g'alets des vallées de ce plateau. Au placer (Lavra) de M. Manoel Francisco d'Abreû, à la Fasenda de Gasa-Branca, près du Rio des Ve- Ihas, il a été trouvé ég'alement des haches et pilons de pierre, et aussi un vase de terre très-g^rossier, à parois ex- cessivement épaisses, gnsant au milieu du dépôt de g^alets ou cascalho aurifère. Ge dépôt est à environ 4 mètres au-dessus GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 241 du niveau du Rio das Velhas et est recouvert d'un puissant dépôt d'arg*iles, ég'alement aurifères, de 5 à 6 mètres d'épais- seur. M. Helmreichen a aussi sig*nalé, dans les dépôts dia- mantifères voisins de Diamantina, trois dards ou pointes de flèches formées deux de quartz et une de pétrosilex. Ce fait est d'autant plus remarquable que les sauvag'es du Brésil de l'époque historique font en bois les pointes de leurs flèches. Il a été ég'alement trouvé des frag'ments de poteries dans les dépôts quaternaires des cavernes, dépôts que j'ai antérieure- ment cités. Il en existe au Muséum de Paris, où ces frag'ments ont été envoyés par M. Glausen. Dans les notes déposées à cet établissement et accompag-nant les envois de collections faits par ce voyageur, je lis à ce sujet le passag^e suivant : « Je « n'ai trouvé qu'une fois, entre les ossements d'un animal « (d'espèce éteinte), Platyonix Ciwierii, des frag'ments de « poterie, qui étaient couverts d'une couche mince de stalag'- « mite. Le terrain ne paraissait nullement remué. L'animal « était si bien conservé, que même les ong'les du pied étaient « encore entiers. Les morceaux de poterie se trouvaient (( sous et entre les ossements. » Il résulte évidemment de cette description la contemporanéité de l'homme et de l'ani- mal en question, lequel se trouve uniquement dans les dépôts tout à fait anciens des cavernes, et de l'époque quaternaire. Des crânes humains ont été aussi découverts par le D' Lund, dans les cavernes du Brésil. Par leurs caractères, ils se rap- portent au type de la race américaine, dont ils montrent tou- tefois le frontal excessivement déprimé et formant presque un ang-le droit avec les orbites. Le D"^ Lund insiste, dans ses publications, sur ce que ce caractère n'a pu provenir d'une compression exercée sur la tête. C'était donc bien un carac- tère de la race. En outre, les dents incisives étaient plates, caractère trouvé seulement dans certaines momies anciennes de l'Egypte. Toutefois le D"^ Lund, ayant découvert ces osse- ments dans une caverne où les eaux avaient remué l'ancien dépôt, n'osait affirmer d'une manière absolue leur contem- poranéité avec les animaux d'espèces éteintes au milieu 242 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. desquels ces crânes étaient épars. L'observation de M. Glau- sen rapportée ci-dessus ne laisse, au contraire, aucun doute sur la contemporanéité de l'homme et de ces espèces ani- males de l'époque quaternaire. 108, — Comme je l'ai déjà dit, les dépôts des cavernes ne sont pas les seuls où on trouve des ossements fossiles d'ani- maux d'espèces éteintes de l'époque quaternaire. Sur certains points, on en rencontre aussi dans des failles du sol, ég-ale- lement remplies par les dépôts de cette époque. Mais il en existe, en outre, dans certaines couches marneuses : tel est le cas pour une dent de Mastodon Humboldtii, que j'ai rappor- tée de la province de Pernambuco. J'ai trouvé aussi des dents de Gahiai [Hydrochœrus capibara)^ avec des coquilles analog^ues aux espèces vivant encore dans les rivières, dans une couche marneuse stratifiée, déposée dans des eaux tranquilles et élevée d'environ 10 mètres au-dessus du niveau de la rivière actuelle, près de Jacaré, dont j'ai déjà cité les mines de sel, dans la province de Bahia. 109. — Je dois aussi parler ici d'une formation quaternaire spéciale, la tapanhwiaccmga, laquelle s'est formée à la surface et à la base des montag^nes constituées par l'itabirite, et s'est répandue, avec les alluvions, dans un g^rand nombre de dé- pôts de cascalho, ou même dans les arg*iles de diverses rég'ions, que, par sa décomposition, elle colore fortement en roug'e. Le nom tapanJumacanga, écrit à tort dans beaucoup d'ouvrag'es tapanhoacang-a, dérive de trois mots de la lang'ue Tupi, dialecte du Guarani, parlé par la majeure partie des indig'ènes du Brésil : tapan^ mot dérivé et peut-être altéré déjà de taba, villag'e, maison, et paraissant souvent employé, dans les mots composés, pour désig-ner un habitant du villag-e ; huna, qui sig'nifîe noir, et acanga, tête. Ge mot composé sig^nifîerait donc tête noire d'homme. Gette étymologne s'accorde assez bien avec l'appellation de tapanhuna, donnée aux nèg'res par les Indiens, quand ils ont connu cette race d'hommes impor- tée en Amérique par les Européens, et aussi avec l'appellation de taba-pora, qu'ils donnent aux hommes libres (non es- GÉOLOGlt; DU BRÉSIL. 243 claves) : taba, case, villag'e; jyor«, habitant. Toutefois le mot canga^ ou mieux acanga, qui sig-nifie tête, est employé par les Indiens, et, par suite, aujourd'hui par les habitants du pays, de colonisation européenne ou africaine, pour dési- g^ner la partie supérieure, la surface ou tête d'un filon ; on peut donc bien ne voir dans le mot acanga qu'un mot fîg^uré, ayant pour but de désig'ner un dépôt superficiel, une surface en un mot. Dans ce cas, le mot tapanhunacanga, ou peut-être plus exactement tabanJmnacanga , pourrait être traduit par surface de cases noires, ce qui serait beaucoup plus exact pour dépeindre la formation dont nous allons parler. Cette forma- tion se compose, en effet, d'une croûte noire d'hydrate de fer contenant de nombreuses concrétions creuses de ce même hydrate, dont les parois intérieures sont couvertes de cristal- lisations de la même substance, c'est-à-dire, contenant une multitude de cases. La première étymolog'ie, au contraire, ne peut s'appliquer à la formation en place, mais seulement aux frag'ments roulés, g-éodiques, de cette substance. Quoi qu'il en soit de l'étymolog-ie du nom, ces croûtes, parfois épaisses de 1 à 2 ou 3 décimètres, paraissent ne se montrer que sur les roches contenant de grandes quantités de fer, comme l'itabirite. Elles semblent provenir de dépôts formés par des eaux très-ferrug'ineuses et ayant suinté de la roche à une certaine époque et cimenté les frag-ments quartzeux et les argûles reposant sur elle. Des frag'ments de cette tapan - hunacang-a se trouvent parfois roulés dans les rivières et dans les dépôts de cascalho. 110. — Nous avons déjà décrit, dans le chapitre premier, la formation du dépôt quaternaire et du terrain moderne dans les rég-ions de g-neiss en désag-rég-ation, lesquelles for- ment tout le contour océanique du plateau central du Brésil. Une g-rande partie de ce contour n'a pas dû être abaissée sous les mers pendant la période tertiaire, ni même pendant la période secondaire, puisque les dépôts de ces époques man- quent sur ces g-neiss. Ces derniers dépôts, toutefois, comme nous allons le voir tout à l'heure, ont eu lieu à la base de ces 344 GÉOLOGIE DU BRESIL. plateaux de g-neiss du côté de l'Océan, car leur niveau, tout en variant moins que celui de la partie centrale du continent, a aussi éprouvé quelques modifications. Aussi trouve-t-on des dépôts tertiaires disséminés tout le long* de la côte, depuis Rio-de-Janeiro jusqu'à Pernambuco. Il existe aussi, dans la province de San-Paulo et l'extrémité S.-O. de la province de Minas-Geraes, entre la Serra do Mar et la Serra da Manti- queira, laquelle commence, dans cette rég-ion, à former le bord relevé du g*rand plateau central, des bassins remplis de dépôts horizontaux d'arg-iles et de gTès. Tout porte à consi- dérer ces dépôts comme contemporains des g-rès tertiaires du g-rand plateau central. Ces matériaux ont dû se déposer sans nul doute sur les versants N.-O. de la Serra do Mar, alors que le plateau central du Brésil était beaucoup plus abaissé, et à une époque où le niveau de cette dernière Serra était lui-même notablement plus bas. Ils auront été portés par la suite au niveau actuel, sans dislocation de leurs cou- ches, lors de l'exhaussement en masse de tout le continent. Peut-être ont-ils été produits dans le fond de g-rands lacs. M. Pissis a donné des détails précis sur cette rég*ion, que je n'ai pas visitée. Il y décrit séparément deux bassins, celui de San-Paulo et celui de la Parahyba. Le premier se montre dans les environs de San-PaUlo; c'est un petit bassin à peu près triang'ulaire. 11 forme une plaine assez élevée, recouverte par des marais tourbeux, dans lesquels le Tiété prend sa source; puis il s'étend dans la vallée de cette rivière, où il se termine, par des escarpements de 60 à 80 mètres, aux envi- rons de la Penha, en donnant passag*e à une petite rivière coulant au bas des plateaux de la ville de San-Paulo, lesquels sont formés par des lambeaux de la formation tertiaire en question. A la partie inférieure se montre une argùle jaune, ocreuse, très-fine : elle supporte des arg-iles panachées, rongées et vertes, alternant avec des couches d'un g^rès man- g*anésifère d'une épaisseur variable de 15 à 20 mètres. Au- dessus de ces argiles apparaît une puissante assise de grèsar- gnlifère ou psammite, friable et d'un blanc verdâtre, passant, GEOLOGIE DU BRESIL. 245 sur quelques points, à un grès anag'énique, formé en grande partie par des frag-ments arrondis de quartzites, et cette assise est recouverte par un g^rès ferrug'ineux roug^e, renfermant, à sa partie supérieure, des g^éodes de limonite. L'épaisseur de ce g*rès est variable; il forme presque partout la surface des plateaux, et passe sur quelques points à une arg-ile roug^e, ég'alement très-charg-ée d'olig"iste. L'autre bassin occupe le haut du val de la Parahyba et forme une bande d'une lon- g-ueur d'environ 35 lieues, depuis Jacarehy jusqu'à Areïas, sur une larg^eur de 6 lieues. Les couches présentent la plus gTande analog'ie avec celles de San-Paulo, sauf que les g^ès ferrug'ineux supérieurs manquent et sont remplacés par des arg-iles roug-es, alternant avec des g'alets de quartzite, for- mant des couches irrég'ulières. Evidemment ces dernières couches sont quaternaires. M. Pissis n'a pu trouver aucun reste org-anique ni dans l'un ni dans l'autre des dépôts de ces deux bassins. Les bassins tertiaires décrits par M. Pissis et dont je viens de parler, ne sont pas les seuls à sig'naler dans l'intérieur de la g'rande zone de g-neiss qui s'étend entre la côte et le pla- teau continental, depuis Rio-de-Janeiro jusqu'à la province de Parahyba-do-Norte. Il s'en montre ég-alement sur plusieurs points à l'ouest de la Serra dos Aymorés, dans le val du Rio Doce et dans ceux du Mucury et du Jequitinhonha; et M. Hartt cite plusieurs fois, sur le bord de ces rivières qu'il a remontées jusqu'à une certaine distance, des plateaux ou chapadas de nature analog*ue à celles dont nous venons de donner la description et dont les bords, vus du fond des vallées, se présentent comme des montag^nes en table. Mais je dois appeler plus particulièrement l'attention sur le carac- tère particulier offert par la surface de la zone des gMieiss, un peu plus au nord, dans l'intérieur de la province de Rahia. 141. — Dans cette régnon, que j'ai traversée, les monta- g'nes, comme je l'ai déjà dit dans le second chapitre, sont moins élevées et les strates de g^neiss moins fortement dislo- quées que dans les provinces du sud. Les g'neiss y forment, à 246 GÉOLOGIE DU BRÉSIF.. partir de la côte , deux plateaux superposés , dont le plus inférieur et le plus élevé surtout présente une surface fai- blement ondulée, sur laquelle des buttes de 50 à 100 mètres de hauteur ou de courtes petites chaînes de collines s'élèvent de place en place comme des îles. Ce carac- tère se montre surtout vers le bord oriental de ce plateau, car, vers son bord occidental, les couches sont plus forte- ment disloquées et disparaissent sous le plateau central, dont le bord forme la Serra do Tombador, et sous des lambeaux détachés de la formation tertiaire, comme ceux de la Serra de Jacobina. Sur la surface de ce plateau, presque complète- ment dénué de sources, le g-neiss se montre à nu en une mul- titude de points, non-seulement dans les buttes précédem- ment citées, mais encore à la partie supérieure des petites ondulations du sol, où apparaissent, en de nombreux points, des bords épais de strates formant des éminences arrondies à pentes douces, et dans lesquels se montrent souvent creusés des trous assez profonds, réservoirs où s'accumulent et se conservent les eaux pluviales. Quelques-uns de ces trous, nommés caldeirôes dans le pays, sont très-grands et ont de 30 jusqu'à 60 ou 80 mètres de long*ueur, avec des contours fortement arrondis. Ils se montre même quelquefois de sem- blables trous au sommet de buttes élevées de g-neiss g'rani- toïde. En g*énéral, dans les roches faisant ainsi saillie, le g'neiss, fortement charg-é de quartz et passant au g'ranit très-dur, ne se décompose pas sensiblement sous Faction at- mosphérique. Le fond des ondulations du sol est toutefois revêtu en beaucoup de points d'une couche d'arg-ile assez épaisse, provenant de la désag-rég-ation des roches et sem- blant indiquer que la résistance à la dénudation a lieu seu- lement dans des parties isolées et plus métamorphiques. En somme, toute la surface de cette contrée paraît, d'après les contours arrondis de ses roches et d'après l'aspect mou- tonné de leur surface, aspect si fréquent au Brésil dans les roches sur lesquelles roulent des torrents, avoir subi une érosion considérable de la part des eaux et avoir eu tous ses GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 247 matériaux meubles quartzeux emportés par de forts courants, sans doute au fond d'une mer, avant les dépôts quaternaires et récents d'arg*iles meubles et de g-alets existant aujour- d'hui dans les vallées et le fond des rivières, et provenant des actions atmosphériques exercées depuis l'élévation de la con- trée au-dessus des eaux. D'ailleurs, des remous très-forts, déterminés par les résistances du fond à un courant violent, remous les uns à axe horizontal, les autres à axe vertical, peuvent seuls expliquer les creusements des roches plus dures et faisant saillie, creusements auxquels sont dus les trous et crevasses a\)Y^eléscaldeirôes. Or, si on tient compte des couches épaisses de g-rès reposant sur le côté occidental de ce plateau et sur le plateau central du Brésil, couches dont les matériaux ont dû être arrachés à des surfaces entamées par les eaux à l'époque de ces dépôts, on est porté à croire que cette rég-ion était alors sous les mers et s'y trouvait occupée par un fort courant de côte, lequel dénudait énergûquement la surface et en enlevait les matériaux. On voitainsi, dans ce cas, comment il n'est pas nécessaire, comme nous l'avons fait dans le nu- méro précédent, de supposer hors des eaux toute la g-rande bande côtière de g^neiss du Brésil, pour expliquer l'absence du dépôt tertiaire à sa surface. Toutefois sa partie sud, très- élevée, ne paraît pas si fortement attaquée par les eaux et semble devoir l'absence des dépôts tertiaires sur ses rég-ions culminantes à son élévation au-dessus du niveau de la mer à cette époque, tandis que la partie nord, située sous les eaux, fournissait elle-même une notable portion des matériaux de ces dépôts, matériaux transportés par les courants loin de leur orig-ine. En même temps, quelques-unes des parties les plus basses de la région du sud se recouvraient de dépôts tertiaires, dont la substance était fournie par la dénudation des parties culminantes. 112. — Les dépôts tertiaires de la côte se composent, comme ceux des bassins de San-Paulo et de la Parahyba, décrits sous le n° 110, de puissantes couches sableuses ou arg'ileuses, roug'es, jaunes ou panachées, et de couches de 248 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. grès quartzeux ou arg'ileux, souvent cimenté par l'oxyde de fer. Ils se montrent tout le long" de la côte, depuis Rio-de- Janeiro jusqu'au cap Saint-Roch et au-delà, et même proba- blement sur divers autres points au sud de Rio-de-Janeiro. En certains lieux, comme je l'ai observé près de cette dernière ville et dans la province de Pernambuco, ils ont éprouvé une dénudation dans quelques-unes de leurs parties où la mer a pénétré et a formé des dépôts de sables renfermant des co- quilles récentes appartenant à des espèces habitant aujour- d'hui les mêmes mers. Toute la partie basse nord et nord-est de la baie de Rio- de-Janeiro, entre le pied des g'randes chaînes de montag-nes et la mer, est formée de ces dépôts tertiaires, composés d'une arg*ile sableuse, g-rossièrement stratifiée en couches hori- zontales, parfois blanche et résultant d'un mélang-e de kao- lin et de sable; d'autres fois teinte en jaune ou en roug-e par l'hydrate et le peroxyde de fer. Parfois elle contient des frag*- ments de quartz plus ou moins roulés. C'est un vaste dépôt d'alluvion formant des plaines étendues, lequel paraîtrait s'être formé au-dessus du niveau des mers actuelles dans une espèce de lac. A sa surface s'est étendue une couche d'arg-ile plus ou moins roug^eâtre, amenée ultérieurement par les eaux pluviales et identique à celle qui recouvre les flancs des montag-nes voisines et constitue le sol vég-étal dont nous avons expliqué la formation dans le chapitre premier. Mais à une époque évidemment assez récente, probablement vers la fin de la période quaternaire et postérieurement au dépôt de l'arg'ile superficielle formant le sol vég'étal, le niveau de ces plaines s'est abaissé et la mer a pénétré sur une portion de leur surface. Alors les courants de marée ont enlevé une frac- tion des matériaux meubles, en respectant certaines parties restées comme des îles arg-ileuses, au milieu des sables mêlés de coquilles récentes que les eaux de la mer ont répandus ultérieurement en couches sur une partie de ces surfaces. Des venus, des moules, des pectens se montrent au milieu de ces sables, et ils appartiennent aux espèces actuellement vi- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 249 vantes sur la côte. Mais le niveau du sol s'est élevé depuis ces dépôts de sables. Dans les mémoires de l'Institut historique et g-éog-raphique du Brésil, M. Capanema a depuis long-temps appelé l'attention sur les dépôts coquilliers récents des envi- rons de Rio-de Janeiro, et situés au-dessus du niveau des mers actuelles. M. Hartt en a cité une nouvelle preuve dans les trous d'oursins de l'espèce Echinomelra MiclieUni, abon- dants sur les g'neiss du pourtour de l'île de Marica, entre Rio-de-Janeiro et le Cap Frio , où cette espèce vit encore dans les anfractuosités de la roche. On voit de ces trous au- dessus du niveau actuel des g-randes marées , et cela prouve un exhaussement très-récent de cette côte. Toute la côte depuis Rio-de-Janeiro jusqu'à l'embouchure de la Parahyba est encore bordée de lacs et renferme de vastes plaines composées par des alluvions tertiaires ana- log^ues à celles que nous venons de décrire, et ég"alement recouvertes en beaucoup de points par des sables récents et, dans les parties marécag^euses, par des dépôts de limon. Des alluvions récentes fluviatiles se font voir aussi dans le bas de la vallée de la Parahyba. 113. — Des dépôts tertiaires en couches horizontales exis- tent sur une multitude de points tout le long* de la côte de la province de Espirito-Santo. Ils s'appuient contre des mon- tag-nes et collines de g'neiss entre celles-ci et la côte, et ont quelquefois une lég*ère inclinaison vers la mer. En appro- chant de cette dernière, ils présentent g-énéralement des escar- pements abrupts de 20 à 70 ou 80 mètres de hauteur, sur lesquels on aperçoit souvent la superposition des strates. Des plaines plus ou moins étendues et d'alluvions récentes s'éten- dent parfois entre le pied de ces escarpements et la mer. On voit ég^alement ces dépôts tertiaires dans le bas du cours des rivières, et celles-ci ont alors creusé leur vallée et leur lit au milieu d'eux. Ces escarpements portent souvent au Brésil le nom de barreiras. M. Hartt, qui a visité cette côte avec soin, décrit comme constituant leur base un g-rès g-rossier roug-e foncé d'une stratification indistincte. Ce g*rès, dit-il, quand il 2o0 r.EOLOGlE DU BRÉSIL. se trouve à nu sur le rivag^e, est rempli de trous et présente à sa surface l'apparence d'un torrent de lave. Sa masse est percée parfois de profonds trous tubulaires, perpendiculaires et communiquant dans beaucoup de castes uns avec les autres. Le même g-rès est recouvert de couches d'argùle sableuse, blanche ou roug^e, laquelle a pénétré dans les cavités de sa surface. Le g-rès en question semble d'ailleurs résulter lui- même d'une cimentation irrég-ulière des arg-iles sableuses par l'oxyde de fer. Les arg-iles ne montrent aucune strati- fication distincte, et la proportion de sable y varie beaucoup. Quelques-unes d'entre elles sont d'une texture très-fine, comme du kaolin. Leur couleur varie du blanc pur au roug-e vif, et souvent elles sont big-arrées par des veines roug-es et jaunes. Sur ces arg'iles apparaît de nouveau un dépôt irré- g'ulier de gTès roug-e-foncé, bien stratifié et formant des masses lenticulaires. Celui-ci est recouvert d'un lit d'argule roug'e sur laquelle repose souvent une lig-ne très-mince de petits cailloux et de nodules d'hydrate de fer, situés au-des- sous du sol vég'étal. La description précédente se rapporte spécialement au lieu nommé Barreiras do Siri. Mais le caractère est toujours à peu près le même sur tous les points de la côte de la province où ces dépôts tertiaires se montrent, sauf que la couche de g'rès supérieur manque parfois, auquel cas une couche épaisse d'argile roug-e ou big-arrée forme la partie supérieure de la formation. D'autres fois aussi, le g-rès inférieur est moins fortement coloré par l'oxyde de fer. En outre les arg-iles bigarrées renferment souvent des cailloux roulés. 114. — Dans les provinces de Bahia, d'Alag^oas et de Per- nambuco, la formation secondaire de la côte dont nous avons parlé dans le chapitre Y, et qui présente g'énéralement ses couches redressées, se montre en de nombreux points recou- verte par des couches horizontales ou presque horizontales de gTès et d'argùles rongées ou ljig*arrées analog-ues aux pré- cédentes. Cette formation tertiaire y forme ég-alement des plateaux coupés par des escarpements comme dans la pro- GÉOLOGIE DU BRESIL. 2:il vince de Espirito-Santo. Des caractères analog-ues existent même sur les côtes nord de l'Empire, notamment sur la côte de Maranhaô, et d'après M. Hartt les couches tertiaires observées par lui au Para sont tout à fait identiques à celles qu'il a observées et décrites dans la province de Espirito- Santo. D'après mes observations, à Bahia et à Pernambuco sur- tout, les gTès gTis ou jaunâtres sont prédominants, ils for- ment de vastes plateaux traversés par des vallées de dénu- dation. Ils sont g-énéralement à gTain très-fin, fortement arg'ileux, et contiennent des cristaux disséminés de feldspath, lequel paraît avoir cristallisé dans leur masse sous l'influence de l'action métamorphique par laquelle ils ont été solidifiés. Ils contiennent aussi de nombreux nodules quartzeux. Je n'ai pu y trouver aucune trace de fossiles. Quelquefois cependant ces g*rès sont cimentés par l'oxyde de fer et présentent une couleur roug-e-foncé. Dans ce cas, ils offrent souvent l'aspect décrit par M. Hartt pour la province de Espirito-Santo. D'au- tres passent au cong^lomérat ferrug'ineux, comme je l'ai vu en quelques localités de la côte sud de Pernambuco, et comme M. Williamson l'a sig-nalé dans la province de Para- hyba do Norte. Au Cap Saint-Augustin, et sur beaucoup d'autres points de la province de Pernambuco, j'ai observé des amas de blocs de g-rès g'ris-jaunâtre provenant de la dé- sag'rég'ation des couches sous l'influence de la dénudation, et indiquant une structure concrétionnée dans une partie de la masse. Les g'rès forment quelquefois des plateaux d'une certaine extension, mais le plus g-énéralement une profonde dénu- dation a creusé ces plateaux par de larg-es et profondes val- lées, et les a divisés en petites chaînes de collines et parfois en sommets coniques isolés. Ces plateaux et ces collines ont des élévations de 20, 30 à 50 mèti^es et quelquefois plus. Les g-rès sont d'ailleurs g-rossièrement stratifiés et forment des bancs épais, le plus souvent à couches horizontales, surtout dans la province de Bahia auprès de cette ville, où en suivant 252 GEOLOGIE DU BRÉSIL. le chemin de fer on voit un gTand nombre de plateaux consti- tués par eux. Dans la province de Pernambuco, les couches ont souvent des inclinaisons sensibles, et quelquefois même, mais rarement, assez fortes, comme je l'ai vu à l'île de Sant- Aleixo, au nord du Cap Saint-Aug-ustin, et en d'autres localités où ces roches ont été redressées par des dykes de roches por- phyroïdes. En certains points, tant à Bahiaqu'à Pernambuco, la surface de ces g-rès est recouverte d'une couche mince de 4 à 5 centimètres d'épaisseur d'hydrate de fer mêlé de pero- xyde roug'e et incrustant souvent des sables quartzeux g-ros- siers, d'où résulte parfois l'aspect d'un conglomérat terreux, ou d'un g-rès ferrugineux. Ces croûtes sont analog'ues à celles que j'ai citées dans le bassin du San-Francisco à la Barreira do Honorio et en d'autres points. M. Hartt cite à Parafusa, le long" du chemin de fer de Bahia, une de ces croûtes recou- vrant un g'rès très finement laminé en bancs horizontaux, et sur laquelle repose une couche d'arg-ile et de cailloux roulés. Il a aussi remarqué cette croûte sous des arg^iles, en d'autres points de la même route. J'ai vu aussi plusieurs fois une couche semblable entre les gTès et les arg-iles dans la pro- vince de Pernambuco, le long' de la côte, surtout au sud; et près de Tamandaré, j'ai observé une strate analog^ue d'une épaisseur beaucoup plus g-rande et de 2 à 3 décimètres. Une croûte semblable a pu exister très-fréquemment à la surface de ces g'rès, car, sur presque tous les points où la surface de ceux-ci se montre à nu, cette surface est recouverte d'une multitude de nodules d'hydrate de fer ou de frag-ments de cong-lomérat semblable à cette même strate et ayant dû pro- venir de la désag-rég'ation de cette dernière et aussi de celle des veines ferrug-ineuses contenues dans ces g-rès, désag-ré- g-ation opérée sous l'influence de la dénudation. Celle-ci a aussi attaqué la surface des g-rès sous-jacents dont les no- dules quartzeux et feldspathiques se sont joints à ceux d'hy- drate de fer et sont restés sur la surface pendant que les parties plus fines ont été emportées. Il est facile au reste de constater la désag-rég-ation effectuée par les pluies à la sur- GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 253 face de ces g-rès. Cette surface est toute crevassée, parce que ses parties les moins agTégws sont entraînées, tandis que les parties plus siliceuses et plus dures formant un réseau dans la masse résistent davantag-e à cette action. J'ai trouvé fréquemment à la surface des g-rès, sur les côtes de Pernam- buco, de petits frag-ments de succin et de lig-nite. Ils sont mêlés aux nodules d'hydrate de fer et aux petits cailloux quartzeux et frag-ments de g'rès répandus sur cette surface. J'ai aussi trouvé des nodules d'arg-ile ferrug'ineuse et bitu- mineuse. Ces faits indiquent la présence de lig-nites et de succin disséminés dans ce dépôt. A Pernambuco, il n'a pas, à ma connaissance, été trouvé de diamants dans les cascalhos provenant de la désag^rég'ation des g'rès tertiaires et des veines de quartz contenues par eux. Mais il n'en est pas de même à Bahia, où des diamants ont été découverts près de la station du chemin de fer à Pitang-a. Peut-être ils proviennent du voisinag-e, car il peut y avoir des filons de roches pyroïdes près de ce point, et alors les conditions de la formation des diamants dans les gTès ter- tiaires de l'intérieur s'y seront reproduites. 115. — Les gTès tertiaires de Pernambuco ne se montrent pas au reste avec un caractère complètement constant sur tous les points. Le plus communément, ils sont très-arg'i- leux, assez friables, happant un peu à la lang^ue, de couleur g-rise ou jaune d'ocre; et dans leurs masses existent quel- quefois des veines plus dures, charg-ées d'oxyde roug-e de fer et parfois des rog'nons de limonite. Ailleurs, ces mêmes g'rès argileux, peu consistants et d'un jaune ocre, sont remplis de g-rains de quartz parfois assez g^ros , comme dans certaines couches du Cap Saint-Aug'ustin, et dans les couches infé- rieures des falaises de Gamella. En ce dernier lieu, les g'rès sont très-friables et recouverts d'une couche d'arg'ile blanche faisant pâte un peu courte avec l'eau et d'un demi-mètre à un mètre d'épaisseur, sur laquelle repose une couche de même épaisseur composée de tourbe mêlée de sable, sorte d'humus un peu tourbeux. Quelquefois on trouve dans les i|t I B R A {^ V'^^' 254 GEOLOGIE DU BRESIL. gTès des parcelles de mica, mais elles sont peu abondantes. Sur d'autres points la silice devient plus dominante et se mé- langée intimement à l'arg^ile. Les g-rès sont alors plus durs et parfois traversés de veines de quartz compacte. Dans ce cas, ils sont g-énéralement blancs. Telles sont les roclies de l'extré- mité du cap Saint-Aug*ustin. Au milieu de ces masses de g-i^ès à la fois siliceux et arg-ileux, on trouve des veines tantôt de gTès purement arg-ileux, tantôt de g-rès siliceux. Les veines de g^rès arg'ileux sont g'énéralement rosées et leurs surfaces exposées à l'air sont creusées par les pluies. Ces g-rès ainsi veinés présentent de nombreuses fissures. A l'île de Sant-Aleixo, la colline du sud-est est formée à sa partie supérieure de g-rès arg'ileux blancs lég'èrement sili- ceux, à g'rain très-fin et d'apparence homog'ène. Ils sont peu durs et fendillés dans tous les sens. Les eaux pluviales en attaquent fortement la surface. Ces g'rès paraissent avoir été ainsi fendillés par l'action de la chaleur lors de l'expansion des roches porphyroïdes et trappéennes voisines. Ce carac- tère se présente au reste, mais moins développé, sur d'autres points. L'épaisseur des couches de gTès est assez variable sur les côtes de Pernambuco; tantôt elle est réduite à quelques mètres, d'autres fois elle forme des bancs puissants. Ces cir- constances, jointes aux différences de structure et de g*ros- seur des g-rains constituants, différences existant d'une loca- lité à l'autre et dans les couches les plus inférieures de ces g*rès eux-mêmes, montrent que ceux-ci ont été déposés dans une mer renfermant de forts courants, et, par suite, d'une manière inég*ale en divers points. Cette particularité explique aussi l'absence des débris org-aniques. Comme je l'ai déjà dit, les g'rès ont été disloqués en quelques points et ont subi une action métamorphique, laquelle prouve que cette côte a éprouvé d'importantes modifications de niveau depuis leur dé- pôt. Ce fait se constate, au reste, par la nature de ladénudation opérée postérieurement, car des dépôts de sables marins, très-récents et renfermant des débris de coquilles analogTies GÉOLOGIE DU BRESIL. 255 à celles des espèces vivant encore dans ces mers, notamment des Vénus et des Spirules, se voient dans les vallées. La mer n'a donc pas pénétré sur toute la surface, mais dans les par- ties basses, à une époque très-récente, et a contribué à la dénudation et aux formes escarpées des bords de plateaux ou de collines, de la même manière que nous l'avons indiqué pour la baie de Rio-de-Janeiro. Toutefois de puissants dépôts d'arg^ile plastique, blanche et big^arrée, se montrent souvent entre les gu^ès et la couche d'argnle jaune terreuse superficielle. Ces argûles big-arrées, renfermant accidentellement des lits de sables ou quelques cailloux roulés, semblent bien s'être accumulées sous les eaux, probablement dans des lacs où pénétraient les rivières et les marées, pendant le soulèv^ement du sol et après le dé- pôt des g-rès effectué sous une mer à courants violents , en tout cas, après la cessation de ces courants et avant la seconde irruption de la mer, due à un nouvel abaissement du sol. Dans cette seconde irruption, les vallées formées par la dénu- dation après le soulèvement ont été accrues par l'action de la mer, laquelle n'a pas atteint le niveau supérieur des collines, mais a introduit dans les vallées des sables récents. L'une des plus belles masses d'arg-ile plastique de la pro- vince de Pernambuco est la colline do Monte, à Olinda, la- quelle est entièrement formée de cette arg*ile, recouverte seulement d'une couche d'arg^ile jaune terreuse vég'étale. L'arg^ile plastique est très -grossièrement stratifiée. Dans les fissures on trouve parfois de la websterite, ou silicate hydraté d'alumine, formant des couches minces tapissant ces fissures. Dans certains points on voit de petites masses blanches efflo- rescentes de sulfate de fer, provenant sans doute de la dé- composition de cristaux de sperkise, ou fer sulfuré blanc. Sur la route d'Ig*uarassu, dans les coupures faites dans l'ar- g*ile plastique pour le nivellement de la route, j'ai vu, en quelques points, des lits minces de kaolin intercalés dans l'arg'ile. D'autres fois on voit des lits de sables interposés dans l'arg'ile plastique, et on y trouve quelquefois du succin 256 GEOLOGIE DU BRESIL. et de petits frag^ments de Iig*nites. Les arg-iles big'arrées de Pernambuco sont au reste semblables, par leur nature et leur aspect, aux arg-iles quaternaires de certains points de la province de Minas-Geraes et provenant de la désag'rég-ation des rocbes niétamorphiques. Elles ressemblent notamment aux arg-iles que l'on trouve au pied de l'Itacolumi. Leurs matériaux ont donc été fournis par les roches métamorphi- ques de l'intérieur de la province, et ont été apportés par les rivières et déposés dans les lacs de la côte pendant le soulè- vement. Les argnles big'arrées me paraissent par conséquent devoir être considérées comme quaternaires. Enfin l'arg-ile jaune superficielle représente le terrain vég-étal actuel, formé à la fin de cette époque et à l'époque récente. 116. — La preuve de soulèvements très-récents sur les côtes de Pernambuco est fournie par les récifs qui bordent les côtes de cette province suivant des directions rectilig-nes parallèles fort remarquables. La roche du récif est un g-rès composé de gTains quartzeux et de frag-ments de coquilles liés par un ciment silico-calcarifère et présentant une struc- ture schistoïde. Une grande partie des frag-ments de coquilles ont conservé leur éclat nacré et même leurs couleurs, ce qui donne à la cassure de ces g-rès un aspect brillant. J'ai trouvé, même empâtées dans la roche, des coquilles entières apparte- nant aux g'enres Vénus et Cytheraea de Lamarck, et dont les couleurs sont conservées dans un état de fraîcheur parfait. Il y a aussi dans le g'rès des frag-ments de coquilles pétrifiées, c'est-à-dire réduites à l'état de sels de chaux, et dont la ma- tière animale a disparu. Ces coquilles, toutefois, appartien- nent à des espèces aujourd'hui vivantes sur la même côte. La structure schistoïde du récif permet de reconnaître le soulèvement de la roche. Les couches sont, en effet, inclinées vers le largue en faisant avec l'horizon un ang'le g-énéra- lement de 'S^" à 40". Près de la pointe de Serrambi et un peu au sud de cette localité, j'ai même vu le long^ du rivag-e un banc de récif dont les couches étaient redressées vertica- lement. Il n'y a donc aucun doute sur l'existence d'un dé- GÉOLOGIE DU BKÉSIF.. 2o7 placement de la roche postérieurement à sa formation. Le sens du soulèvement est constant. La direction des couches est du N. 20" E. au S. 20" 0., et le récif s'allong'e en murail- les rectilig'nes suivant cette direction, quelquefois sur une long-ueur d'une lieue et plus. Quand il s'interrompt, c'est pour reprendre un peu plus loin soit sur la même direction, soit sur une lig'ne parallèle, car il borde toute la côte de la province. Jamais il ne se courbe. Aux points, comme près de Bom-Yiag'em , où de loin il semble se courber pour se rap- procher de la terre, on reconnaît de près que cette rég'ion en apparence courbe se compose d'une série de petites lig*nes parallèles. Un fait remarquable est la tendance de la roche du récif à se désagTég-er à la surface sous l'action des eaux de la mer, et cette roche n'est préservée contre l'influence des- tructive de l'Océan que par la couche de polypiers qui la recouvre du côté de la haute mer et sur tous les points atteints par les vag'ues du largue. Mais dans les rég-ions préservées de l'action des flots du largue, comme dans les canaux entre la terre et le récif, et sur les points où celui-ci atteint le niveau des plus hautes marées, les polypiers manquent et la roche du récif [se montre à nu. On la voit alors crevassée et sillonnée par l'action érosive des eaux, et les surfaces ont perdu, par suite de la disparition de la majeure portion du ciment, la plus g-rande partie de leur adhérence. Le soulève- ment du récif est évidemment antérieur à la formation du cordon littoral actuel, car la forme de celui-ci est déterminée et, pour ainsi dire, modelée sur celle du récif. En effet, ce cordon littoral présente des courbes concaves vers la mer, partout où le récif s'affaisse et cesse de le protég'er. Il s'avance au contraire derrière les récifs élevés jusqu'au voisinag'e de ces derniers. Ce cordon littoral est recouvert de petites dunes aujourd'hui fixées et prouvant son ancienneté. A l'abri de ce même cordon se sont formées les immenses alluvions mo- dernes constituant le sol entre les collines et la mer, alluvions provenues du remplissag'e delag-unes dont les restes se voient encore. Le récif est donc indubitablement antérieur à l'épo- 17 288 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. que moderne, et son soulèvement marque très-probablement la fin de l'époque quaternaire, car l'état des coquilles qu'il renferme ne permet pas de lui attribuer une très-haute anti- quité. Les autres soulèvements récents de la côte, ceux, par exemple, du cap Saint- Aug-ustin, sont toutefois plus anciens que le récif. Ce fait résulte de l'examen des arrêts des lig-nes de ce dernier par les pointes rocheuses avancées, comme ce cap. En effet, une long'ue lig-ne de récif se voit au sud du cap en question et vient presque en contact avec lui. Pro- long*ée, elle le couperait, mais elle s'arrête avant la rencontre pour reprendre au nord sur d'autres lig*nes parallèles. On voit par là comment une petite aug'mentation de la résistance de la surface terrestre par suite du relief du cap Saint-Au- g-ustin a arrêté le soulèvement secondaire du récif. Lorsqu'on écrase la roche du récif on reproduit un sable à peu près semblable au sable marin dominant dans la même rég-ion et dans le cordon littoral. La roche du récif paraît donc avoir été formée par ces sables ag'g'lutinés par un ciment calcaire et siliceux, et ag-g-lomérés ainsi en couches horizon- tales ou suivant la faible inclinaison du rivag-e. Plus tard, ces couches ont été disloquées, et le bord rectilig-ne et sou- levé des fractures a formé le récif. 117. — Au reste des solidifications de rivag-e, du g^enre de celle que je viens d'indiquer, ont encore lieu de nos jours, et près de Bahia, on peut observer aisément la formation d'une roche tout à fait analog-ue à celle du récif. Déjà M. Chris- tine, chirurg-ien de la marine française, avait envoyé à M. Marcel de Serres un frag-ment de roche de ce g'enre, re- cueilli à Bahia, lequel frag'ment, comme il est indiqué dans une note de ce dernier, insérée dans les comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris du 3 janvier 1853, contenait un échantillon de coquille delà, Ci/prœa Exanthema, ayant con- servé ses couleurs au milieu d'autres coquilles pétrifiées, d'es- pèces vivantcomme celle-ci encore aujourd'hui dans la même mer. M. Marcel de Serres rapproche cet exemple d'autres analog'ues, observés par lui dans la Méditerranée. Depuis GÉOLOGIE UU BRÉSIL. 259 cette époque, M. Hartt a observé près de Bahia, entre cette ville et Bom-Fim, la formation de ces rivag-es consolidés. « Il est très-intéressant, dit-il, de voir comment cette conso- « lidation se produit. Sur un long* rivag'e de sable on peut (( l'observera tous ses degTés de progTès. Il arrive souvent, « et cela sous l'influence d'une forte tempête, qu'un cordon « littoral se forme derrière le rivag'e. Ce cordon oppose pour « long*temps une barrière à la mer, et s'accroît en hauteur et « étendue à l'aide du sable accumulé par les vents surtout « sur les rivag'cs exposés au nord, à cause de la prédominance « des vents du nord-est. Le long* de cette lig'ne, des coquilles « sont rejetées en g-randes quantités et enterrées dans les '< sables. Elles se dissolvent ensuite dans l'eau soit salée ou '< fraîche, suintant à travers ces derniers, et le carbonate de « chaux dissous est déposé comme un ciment des matériaux « du rivag'e, à la hauteur g'énéralement de la demi-marée, « rarement jusqu'au niveau de la haute mer. Les pluies (( abondantes doivent tendre notamment à ce résultat, et « elles sont aidées par les eaux provenant des marécag^es « situés derrière le cordon littoral. Souvent, après la solidi- 0 fîcation de la partie inférieure du rivag'e, les parties (( meubles supérieures sont enlevées dans une g'rande tem- « pête, et d'autres fois ceci arrive par suite de ruptures du (( cordon littoral par l'effet d'inondations d'une rivière. v< Dans ce cas le banc consolidé reste sous l'eau comme une « muraille courant parallèlement à la côte. » A Pernambuco, toutefois, comme le fait remarquer M. Hartt, et comme je l'avais sig'nalé avant lui, le récif, par l'effet du soulèvement, s'est trouvé porté parfois au-dessus du niveau des hautes mers et se présente fortement incliné. Il a donc été g'énéralement déplacé après sa formation et il repré- sente un bord fracturé et soulevé de coLiches étendues infé- rieures à la mer. Ces couches ont pu se produire de la ma- nière indiquée par M. Hartt pendant l'affaissement prog-ressif de la côte en vertu duquel les mers, comme nous l'avons dit plus haut, ont pénétré dans le fond des vallées supérieures 260 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. aujourd'hui à leur niveau. Ces mêmes couches ont pu ég-a- lement être consoUdées par des sources sihceuses et calcaires, car le ciment de ces g-rès n'est pas toujours exclusivement calcaire. Le soulèvement du récif est, sans nul doute, con- temporain du dernier déplacement du sol, lequel a eu lieu dans le sens ascensionnel. Nous avons déjà vu qu'il est né- cessairement postérieur aux roches porphyroïdes par les- quelles ont été disloquées les couches de g-rès tertiaire de la côte. 118. — A l'île de Sant-Aleixo, ces roches porphyroïdes se composent de porphyres amphiboliques et magnésiens. C'est d'abord, à l'ouest de l'île, une masse d'ophiolite de couleur ver- dâtre, passant à la serpentine, et fissurée naturellement dans des sens perpendiculaires, de manière à se diviser en frag- ments cubiques et même par place en feuillets épais. Dans ce cas, on remarque souvent entre les feuillets, du talc, de l'as- beste et des cristaux prismatiques d'oxyde de fer. Mais la majeure partie des fissures est remplie de très-belles herbo- risations ou dendrides superficielles d'hydrate de manganèse. Dans la masse de la roche on remarque des cristaux d'orthose transparent et à reflets nacrés, des parcelles de bronzite, de ménakanite et des cristaux de feldspath coloré par de l'oxyde de fer, enfin du silicate de ce dernier métal. Sur d'autres points, cette roche passe à d'autres roches amphiboliques vertes ou tachetées de roug-e se rapprochant des diorites por- phyroïdes. Près de la pointe de Serrambi, presque en face de celte même île, on trouve sur la plage du sable noir mêlé de ménakanite et de sable blanc. Ce sable noir paraît pro- venir de la décomposition de roches trappéennes sous-ma- rines. Des filons et des dykes d'eurites existent aussi en divers points. C'est à la décomposition de ces dernières roches, quel- quefois mêlées d'amphibole, qu'il faut probablement attribuer la formation d'argiles très-fines et très-blanches appelées au Brésil tabatinga, par corruption du nom tupi taûatinga, de taiia arg'ile et tinga blanc. Ces argiles existent sur beaucoup de GÉOLOGIE DU BRESIL. 261 points du Brésil, et se montrent aussi dans les dépôts ter- tiaires de Pernambuco. Aux Abrolhos, des filons trappéens ont déplacé les couches secondaires et tertiaires. Darwin, dans la relation de son voyag'e, parle de trapps affectant une structure colonnaire et observés par lui dans l'île de Santa-Barbara. M. Hartt si- g'nale dans cette même île la décomposition des couches de ces trapps en blocs séparés et entassés les uns sur les autres, ce qui indiquerait l'existence d'une structure concrétionnée dans la masse. Sur les rochers des côtes de Pernambuco, je n'ai vu au-dessus du niveau de la mer aucun sig-ne pouvant indiquer une modification du niveau de la côte depuis le soulèvement du récif. Au nord, vers l'embouchure de l'Amazone, il paraît, d'après M. Ag-assiz, y avoir eu des affaissements récents, ce qu'on reconnaît par l'existence d'anciennes forêts aujourd'hui sous le niveau des eaux et dont les restes g-isent dans le sol. Enfin nous devons classer dans les formations modernes les dépôts tourbeux apparaissant en divers points de l'Empire dans le fond des vallées actuelles. 262 GÉOLOGIE DU BRÉSII.. VII SYSTÈMES DE MONTAGNES, MÉTAMORPHISME ET MINES AU BRÉSIL. Examen des divers systèmes de montagnes du Brésil, leur âge et leurs relations avec d'auti-es systèmes. — Métamorphisme général du sol sur de vastes extension». — Ses causes multiples. — Considérations sur l'exploitation des mines au Brésil. 119. — Nous venons de passer en revue toute la série des terrains qui composent le sol du Brésil ; il nous reste main- tenant, pour compléter cette description, à parler des direc- tions affectées par les dislocations des couches de ces ter- rains, c'est-à-dire, des directions g-énérales des stratifications ou, en d'autres termes, des directions des fractures et de celles des chaînes de montag^nes. Dans un rapport sur ma première exploration du Rio de San-Francisco, publié en 1867 comme annexe de la première édition de mon traité d'astronomie et de g^éodésie appliquées à la g'éog'raphie et à la navig-ation, j'ai déjà sig-nalé dans les montag-nes du Brésil six directions principales, ou six sys- tèmes. Ces directions sont leN. N. E., le N. N. 0., l'E. N. E., le N. 0., l'O. N. 0. et la direction E. et 0. perpendiculaire au méridien. Depuis cette époque de très-nombreuses me- GKOr.OGIE nu BRÉSIL. 263 sures prises dans un nouveau voyag-e sur les directions des stratifications, sur celles des filons, et des lig-nes de faîtes des montag^nes m'oblig-ent à y joindre une septième orientation bien distincte et bien accentuée en un certain nombre de points, celle du N. E. J'avais, il est vrai, noté cette direc- tion dans mes premiers voyag-es, mais pas avec assez de suite sur une lig^ne prolong-ée pour la reg-arder comme une di- rection primitive, de sorte que j'avais considéré les quelques observations s'y rapportant comme des déviations acciden- telles de la direction E. N. E., et non comme un système dis- tinct. En parcourant l'intérieur de la province de Babia, dans mon dernier voyag'e, j'ai reconnu cette direction avec trop de netteté pour la reg^arder comme une anomalie accidentelle résultaiit du croisement de deux systèmes, et elle se montre aussi très-accentuée dans la Mantiqueira, vers les sources du Parabybuna; je l'avais au reste tracée sur mes cartes du Riodas Velhas. Les directions de stratification autres que les sept ci-dessus, et que l'on peut observer accidentellement, se présentent seulement au croisement des précédentes et résultent de leurs superpositions. 120. — Parmi les diverses directions indiquées plus haut, celle de l'est à l'ouest apparaît dans les terrains tertiaires relevés. Elle est donc postérieure à leur dépôt. Je l'ai recon- nue très- nettement dans les formations tertiaires de la pro- vince de Pernambuco, notamment au cap Saint-Aug'ustin et aux environs. Elle se montre très-distinctement dans la Serra de Deos-te-Livre près d'Ouro-Branco et dans la Serra de ritacolumi à Ouro-Preto, et c'est suivant cette direction que se trouve soulevé en ces points le g-rand dépôt super- ficiel des quartzites assimilé précédemment aux g*rès ter- tiaires du plateau central. La Serra de San-Bento, sur la rive g'auche du San -Francisco, au-dessus de Pirapora, affecte cette direction d'une manière remarquable, et les strates des g-rès tertiaires du plateau central y sont ég'alement redressées sous une inclinaison faible, il est vrai, mais très-sensible, accusant nettement pour la stratification la direction Est et 264 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. Ouest. On trouve au reste cette direction en beaucoup d'autres points de la province de Minas, et elle prédomine dans les dislocations des lambeaux de gTès tertiaires et anag*éniques transformés en quartzites et imprég*nés de talc, qui apparais- sent disséminés dans la partie la plus métamorphique du sol de cette province au-dessus du g-roupe des itacolumites, des itabirites et des calcaires. Cette même direction se retrouve aussi dans la zone des g-neiss, et jusque dans celle des g-neiss inférieurs. Elle y constitue même les dislocations présentant le plus g'rand relief. Ainsi elle domine dans la Serra dos Org-aôs, au nord de Rio-de-Janeiro, dont les strates sont sen- siblement inclinées dans cette direction, et qui constitue une des chaînes les plus élevées du Brésil. Elle se montre aussi dans le Corcovado, la Tijuca et le Paô-d'Assucar, et dans une multitude de chaînes de montag^nes et de collines de la pro- vince de Rio-de-Janeiro. On la voit ég-alement en plusieurs points de la Mantiqueira, et le pic dominant de cette chaîne, le pic d'Itatiaia, paraît être au point de rencontre d'une chaîne de cette direction avec le bord g-énéral de la Mantiqueira, le- quel court en ce lieu vers l'E. N. E. Cette même direction Est et Ouest se montre encore dans un nombre considérable de filons dioritiques des provinces de Rio-de-Janeiro, Minas- Géraes, Bahia et Pernambuco, et même dans une multitude de filons de g"neiss g*ranitoïde et porphyroïde des mêmes ré- g-ions, et aussi dans beaucoup de filons quartzeux de la pro- vince de Rio-de-Janeiro. C'est dans un filon de cette direction à Atalaia que j'ai trouvé les spécimens de g'raphite dont j'ai parlé dans le cours de la description des terrains. Si nous exceptons les récifs de la côte de Pernambuco, le soulèvement dirig-é de l'est à l'ouest paraît être la plus ré- cente des g-randes dislocations éprouvées par le sol du Brésil. Cette direction et celle du N. N. 0. sont les seules pour les- quelles j'aie pu constater avec certitude un déplacement du dépôt des gTès tertiaires. La dislocation de l'est à l'ouest est aussi celle qui paraît avoir produit les plus g*randes éléva- tions du sol. Un grand nombre des éruptions dioritiques ou GÉOLOGIE nu BRÉSIL. 2«.t trappéennes épanchées en nappes sont sorties suivant cette direction, comme déjà l'avait remarqué M. Pissis. Enfin, les fractures de cette orientation se sont étendues sur un champ considérable et se sont manifestées sur toute la surface de FEmpire : par conséquent les g'randes dislocations de ce sens semblent contemporaines du dernier soulèvement g-énéral du continent. La direction désig-née ci-dessus comme Est et Ouest n'est pas toujours rig-oureusement perpendiculaire au méridien, mais elle n'en diffère jamais que d'un très-petit nombre de degrés. Elle varie entre la perpendiculaire au méridien et l'est 8 à 10° N., et sa direction moyenne serait à peu près l'E. 4 à 5° N. aux environs de Rio-de-Janeiro et d'Ouro-Preto. Son g-rand cercle de comparaison est donc à peu près per- pendiculaire au méridien vers 20« de latitude sud et 60" de long'itude ouest de Paris. Ce système de dislocation pourrait recevoir le nom de système des Orgues et de ïltacolumi. 121. — La direction désig-née ci-dessus sous l'indication de N. N. E. et plus exactement défmie du N. 15° E. à N. 25° E., marque une dislocation des terrains secondaires de la côte, qui se montrent relevés suivant cette orientation. M. Pissis avait déjà sig'nalé ce fait pour les environs de Bahia à la col- line de Monte-Serrate, et aux îles do Mar et d'Itaparica, dont il avait reg*ardé les terrains comme tertiaires. De nouvelles recherches et des découvertes de fossiles ont postérieurement, comme nous l'avons vu, établi l'âg'e secondaire des points où ont été faites ces observations, et les dépôts réellement tertiaires des environs de Bahia se présentent en couches horizontales reposant en stratification discordante sur la for- mation secondaire des environs de ce point. La dislocation de la direction N. N. E. est donc postérieure au dépôt secon- daire et antérieure au terrain tertiaire. La direction du N. 15 à 25" E. appartient aussi aux chaînes secondaires bordant les côtes de la province de Pernambuco, et le déplacement de cette direction ne paraît pas non plus avoir dans cette pro- vince agi sur les dépôts tertiaires ; mais en revanche le 26H GÉOLOGIE DU BRÉSIL. dépôt quaternaire du récif se trouve relevé suivant cette même orientation. De là, il faut conclure que des disloca- tions dans le sens N. N. E. se sont produites dans la pro- vince de Pernambuco à deux époques distinctes : les pre- mières et les principales, celles auxquelles doit être attribué le relief g-énéral de la côte, ont eu lieu après l'époque se- condaire et avant le dépôt tertiaire; les autres, de peu d'im- portance, se sont produites probablement suivant d'anciennes failles déterminées à cette première époque et ont occasionné, durant la période quaternaire, de très-petits déplacements. Un g-rand nombre de chaînes de montag'nes du Brésil sui- vent au reste cette direction du N. N. E. Une partie des chaînes calcaires comprises entre le Rio das Velhas et le haut San-Francisco lui appartiennent, et on constate aussi mani- festement en ces points un soulèvement des terrains secon- daires par suite d'une dislocation de ce sens, mais les terrains tertiaires n'y sont pas déplacés. La direction en question se montre aussi dans la Serra da Matta-da-Corda sur la rive g'au- che du San-Francisco, et dans une multitude de chaînes isolées sur les deux rives de ce fleuve dans toute la long'ueui^ de son bassin. Elle se fait voir aussi dans le relief et la forme des côtes, surtout dans la province d'Espirito-Santo où une g-rande partie de la Serra dos Aymorés paraît lui appartenir. C'est aussi l'orientation de la plus g-rande partie du bord de la seconde terrasse de g'neiss dans la province de Bahia, et cette même direction, d'après mes observations, se montre dans un certain nombre de chaînes de cette terrasse. Donc les dislocations dans le sens N. N. E. ont puissamment ag-i sur le relief de la zone des g-neiss. Ce fait se vérifie encore en notant cette direction sur beaucoup de points de la Manti- queira, notamment vers la Serra d'Ibitipoca, et dans les Ser- ras se détachant de la Mantiqueira vers le pic d'itatiaia et se dirig-eant vers le N. N. E. entre les affluents du Rio Grande. Enfin des tronçons de la même orientation existent dans la chaîne de l'Alto das Taipas. Dans la Serra do Frio les terrains métamorphiques des laïcités, itacolumites, itabirites et cal- GEOLOGIE nu BRESII-. -ifw caires subordonnés, terrains rapportés par nous à la forma- tion secondaire, sont fréquemment relevés suivant cette même direction. Mais indépendamment des dislocations opérées suivant la direction en question après l'époque secondaire et avant le dépôt des terrains tertiaires, dislocations dont je viens de par- ler, il y a à noter suivant la même direction des épanchements en nappes de roches trappéennes et feldspathiques, peut-être trachytiques, épanchements évidemment postérieurs au dé- pôt des g'rès tertiaires puisqu'ils ont eu lieu sur ces derniers. En effet, les lig'nes de dômes formées par des roches érup- tives sur la rive g^auche du San-Francisco, au-dessus de Pira- pora, éruptions dont j'ai parlé dans la description des terrains, appartiennent à cette direction, et on trouve aussi des séries de dykes et des filons de roches éruptives alig-nés dans le même sens au milieu des gTès tertiaires, et n'ayant pas notablement relevé et déplacé les couches de ces g'rès, lesquelles ont été seulement fracturées. Ces dykes et filons ont souvent déterminé la direction du bord des plateaux. Les faits précédents, et aussi le soulèvement récent du récif de Pernambuco, montrent que la g*rande dislocation du sol sui- vant le sens N. N. E., au commencement de la période ter- tiaire, avait fortement fracturé le sol du Brésil dans cette direction, et alors ces fractures se sont facilement ouvertes lors des mouvements subséquents et se sont étendues dans les dépôts postérieurs, de façon à permettre plus tard la forma- tion de filons éruptifs suivant ces mêmes failles. D'autres observations, par exemple l'existence d'un g-rand nombre de filons aurifères suivant cette même direction, viennent encore confirmer ce fait. Nous avons précédemment démontré F âg'e récent de ces filons évidemment postérieurs au dépôt ter- tiaire, puisque ce dernier dépôt ne renferme aucune trace d'or, et devrait en contenir comme les terrains quaternaires si les filons aurifères avaient été remplis avant Tépoque ter- tiaire, car le dépôt tertiaire en question est formé de maté- riaux de transport résultant de la désag'rég'ation des roches 268 GÉOLOGIE DU BRESIL. de la contrée. Or nous avons reconnu aussi l'ouverture de failles lors de la formation de ces filons aurifères. De là il suit qu'une partie des montag^nes déjà soulevées suivant la direction du N. N. E. avant les g-rès tertiaires ont éprouvé, depuis le dépôt de ces grès, des accroissements de disloca- tion et d'inclinaison de leurs couches suivant cette même direction. Si on prolong-e sur la surface de la terre, suivant un arc de g'rand cercle, la direction du système des Alpes occidentales dont M. Élie de Beaumont donne l'orientation à l'île du Riou (latitude 43° 10' 16" N., long-itude 3° i' 54" E. de Paris), vers le N. 26° 41' 7" E., on trouve que cette direction coupe l'équateur par 15° 51' de long"itude ouest de Paris, en fai- sant en ce point avec le méridien un ang*le de 19° 8'. En d'autres termes en ce point cette direction devient N. 19° 8' E. D'un autre côté, si on prolong'c la direction du récif de Pernambuco N. 20° E. jusqu'à l'équateur, l'arc de g*rand cercle ainsi tracé coupe l'équateur par 34° 40' de longitude ouest de Paris suivant la direction N. 19" 13' E., direction sensiblement parallèle à celle du système des Alpes occiden- tales. Mais les deux points équatoriaux où se montrent ces deux ang'les sensiblement ég"aux avec le méridien, ont entre eux une différence de long-itude de 18° 49', différence cor- respondant au reste à 17° 50' seulement pour la distance vers l'équateur entre les deux arcs de g'rand cercle ainsi pro- longées. Or, dans les faits déjà connus relativement au paral- lélisme des montag'nes contemporaines, on a des exemples d'une action exercée sur des zones très-larg-es, et dans sa notice sur les systèmes de montag'nes, pag-e 256, M. Elie de Beaumont sig'nale la larg'cur de 33°, presque double de la précédente, pour le système des montag'nes des Ballons. La distance de 17° 50', dont je viens de parler, n'est donc nul- lement un obstacle devant empêcher de considérer le sys- tème des montag'nes du N. N. E. du Brésil, comme une prolong-ation du système des Alpes occidentales. La côte de Pernambuco est, il est vrai, la partie la plus orientale r.ÉOI.OGIE IJU RllÉSlL. 269 du Brésil, cL j'ai observé le système du N. N. E. en question, à la Pois plus au sud et plus à l'ouest, notam- ment au centre de la province de Minas-Géraes. Mais si dans ces rég*ions, vers le 20° de latitude sud et le 45" de long'itude ouest de Paris, on mène une lig-ne faisant un ang-le de 20" 30' vers l'est avec le méridien, l'arc de g-rand cercle prolongée suivant cette direction coupe l'équa- teur par 37° 43' de longitude ouest de Paris, et en faisant un ang-le de 19° 13' avec le méridien, c'est-à-dire ég-al à celui de la direction du récif de Pernambuco, prolong-ée jusqu'à l'é- quateur. La différence delongntude de ce point avec celui dô rencontre de l'équateur et de la direction des Alpes occiden- tales est de 21° 52', et répond à une distance de 20° 46' seulement entre les deux arcs de gn^and cercle. Cette quan- tité est encore loin d'ég-aler les deux tiers de la larg-eur de la zone du système des Ballons. Donc, en réalité, le sys- tème des dislocations N. N. E. du Brésil doit bien être reg-ardé comme identique en direction au système des Alpes occi- dentales. L'époque de la dislocation de ce dernier système a pu être fixée en Europe assez exactement. Suivant la remarque de M. Élie de Beaumont, la molasse coquillière appartenant à rétag*e moyen des dépôts tertiaires se montre, au pied des Alpes, redressée suivant cette direction; et ce fait qui consti- tue d'ailleurs la dernière trace d'action du système des Alpes occidentales, système par lequel n'ont pas été modifiés les dépôts tertiaires supérieurs de la Bresse, du Daupbiné et de la Provence, lui assig-ne pour époque la fin de la période moyenne des dépôts tertiaires. Au Brésil, l'àg-edes dépôts ter- tiaires offre, comme nous l'avons vu, une gTande indétermi- nation. Toutefois une long-ue période paraît s'être écoulée entre la fin des dépôts secondaires et les dépôts tertiaires. Bien ne s'oppose donc, au point de vue de la contemporanéité, à identifier le système Brésilien du N. N. E. avec le système des Alpes occidentales, chose pour laquelle la remarquable identité des directions est un arg*ument très-puissant. Cette 270 GÉOLOGIE DU BRESIL. identification nous Iburnit même la donnée la plus précise que nous puissions avoir quant à présent sur l'àg'e du g'rand dépôt tertiaire du Brésil, car alors ce dépôt non disloqué par le soulèvement du N. N. E., appartiendrait au terrain ter- tiaire supérieur; et en ayant ég*ard aux considérations pré- sentées précédemment pour faire voir comment il n'appartient pas à la fin tout à fait de l'époque tertiaire, ce dépôt serait du commencement de la période du dépôt des terrains tertiaires supérieurs de l'Europe. En résumé donc, dans l'état actuel de nos connaissances, tout doit nous porter à considérer le système des montag'nes N. N. E. du Brésil comme contemporain du système des Alpes occidentales, dont il représente le prolong'ement dans l'hémisphère sud, et cette dislocation correspond à l'affais- sement du plateau continental dont la surface s'est alors trouvée sous les mers, dans les conditions voulues pour recevoir le g"rand dépôt tertiaire précédemment décrit. Plus tard les nombreuses failles N. N. E. déterminées lors de cette immense dislocation, se sont élarg*ies de nouveau, sans doute à l'époque du soulèvement subséquent du même plateau, et par conséquent après le dépôt tertiaire. Alors de nombreux filons de roches pyroïdes ou de substances minérales ont pu surg'ir suivant cette direction. Enfin, même vers l'achève- ment de l'époque quaternaire, quelques-unes de ces anciennes fractures se sont encore accusées, lors des derniers et petits déplacements du sol, comme le montre la direction du récif des côtes de Pernambuco. Cette orientation du récif peut être considérée comme la moyenne des directions de ce système, lequel s'écarte toujours très-peu de cette orientation, et oscille seulement entre N. 15" et N. 2o° E. 122. — Le système de dislocation N. N. 0. a parfois assez fortement relevé les g^rès tertiaires comme j'ai eu occasion de l'observer dans les chaînes voisines du confluent du Pa- raùna et du Rio das Velhas, où les calcaires secondaires mé- tamorphiques et les gTès superposés se font voir simultané- ment relevés suivant cette direction. Ce système et celui de GÉOLOGIK DU HUÉSIL. 271 l'est à l'ouest me paraissent être les seuls dont l'action ait soulevé les g-rès tertiaires. Je crois toutefois le système du N. N. 0. antérieur au système de l'est à l'ouest, parce que j'ai vu dans le haut plateau de Minas, des chaînons de cette dernière direction s'arrêter à la rencontre de fractures de la direction N. N. 0., lesquelles se continuaient au-delà. Ce fait est d'autant plus facile à noter sur le versant occidental de ces chaînes, qu'en g*énéral tous les terrains inclinés suivant les sys- tèmes du N. N. E. etdu N. N. 0. offrent le caractère commun de présenter le plong^ement de leurs strates vers Test, c'est- à-dire, ceux de la première direction vers l'E. S, E., et ceux de la seconde vers l'E. N. E.; par conséquent les bords des strates relevées apparaissent vers le versant occidental de ces chaînes. Le système du N. N. 0. domine dans l'Alto dasTai- pas, dans la Serra do Frio, et dans toutes les chaînes de la partie la plus métamorphique de Minas-Géraes , des deux côtés du haut bassin du Rio das Velhas. Presque tous les liions aurifères de cette rég'ion appartiennent à cette direction et à celle du N, N. E. Au contraire, la plupart des filons quart- zeux non aurifères, parfois déjetés par ces derniers, appar- tiennent à ladirection de l'E. N. E. Plus au nord, nous trouvons appartenant à cette même direction N. N. 0., non-seulement les chaînes déjà citées près du confluent du Paraima, mais encore des séries de dykes et de filons trappéens traversant les terrains tertiaires et ayant contribué à conserver cette direc- tion aux bords des plateaux de g^ès limitant des deux côtés la vallée de Rio das Velhas. En somme le Rio das Velhas doit la direction g'énérale N. N. 0. de sa vallée à la prédominance du système duN. N. 0. Cette même direction se montre dans le bord de la Serra doTombador dans la province de Rahia, où ses fractures alternent avec celles du N. N. E. En réalité les deux systèmes de fractures N. N. 0. et N. N. E. déterminent la plus g-rande partie du contour oriental du g-rand plateau central du Brésil. Le système du N. N. 0. étant, comme nous venons de le voir, postérieur au dépôt tertiaire, correspond donc au sou- 272 GEOLOGIE DU BRESIL. lèvemenl de ce plateau central, comme le système du N. N. E. avait été contemporain de son affaissement. Cette particularité nous explique alors la réouverture d'un g-rand nombre de failles de la direction N. N. E. lors de ce mouvement con- traire au premier. Sans doute le contour déplacé la seconde fois n'a pas été semblable au premier contour rig-oureuse- ment puisque de nouvelles fractures suivant le N. N. 0. apparaissent, mais on comprend comment il a dû souvent y avoir tendance à revenir aux anciennes fractures. En somme, l'affaissement du plateau continental en vertu duquel les eaux de l'Océan ont pénétré sur la surface pour y former le dépôt tertiaire, paraît avoir été moindre que l'élévation subséquente, laquelle a porté ce plateau au niveau élevé où il se trouve au- jourd'hui, niveau très-probablement supérieur à celui qu'il possédait avant son affaissement. Dès lors, l'affaissement de la partie centrale aura été obtenu par des inclinaisons g*ra- duelles vers le milieu du continent, accompag'nées d'un cer- tain nombi^ de fractures suivant la direction N. N. E,, les- quelles provenaient alors de la direction sous laquelle l'effort était exercé. Le soulèvement, au contraire, beaucoup plus énerg'ique a été produit par un effort tendant à fracturer suivant le N. N. 0., et a achevé de séparer plus nettement le plateau de son bord de g^neiss : alors le plateau en question s'est élevé en masse en dominant ce dernier bord, et en s'en séparant à la fois suivant les fractures anciennes et suivant les nouvelles. J'ai déjà cité les apparences de filons croisés qui se pré- sentent dans les filons aurifères du Brésil, lesquels filons croisés paraissent simultanément remplis par les matières métalliques. La mine de Morro-Velho, les beaux filons de la cascade de S. Antonio-do-Rio-Acima, et divers autres situés comme ces derniers dans des montag'nes à l'orig'ine de val- lées, montag"nes dans lesquelles on reconnaît à la fois, comme dans leurs contre-forts, les directions des strates N. N. E. et N. N. 0., sont des exemples de ces faits. A la cascade de S. An- tonio-do-Rio-Acima, se voit un ensemble de quatre filons GÉOLOGIE DU BRESIL. 273 aurifères très-rapprocliés et parallèles, dont la direction, comme celle des strates dans lesquelles ils sont enclavés, est du N. 30" 0. au S. 30° E., et par conséquent appartient à notre système du N. N. 0. Or les couches dans lesquelles ces filons sont encaissés, présentent une fracture dans la direction du N. IS*' E. laquelle fracture est remplie par un filon de cette direction, de composition semblable au premier, mais se trouve un peu déjetée par le g^roupe des fdons du N. N. 0. Or ce filon du N. N. E. qui en ce point coupe le plan de strati- fication des couches dans lesquelles sont enfermés les filons du N. N. 0. se retrouve au sud et à une certaine distance de ce point exactement dans la direction de la fracture en question, et au milieu de strates relevées dans la direction N. N. E., lesquelles strates constituent une butte dans un contre-fort de la chaîne N. N. 0. On voit ainsi très-clairement en ce point comment le soulèvement du N. N. 0. a rencontré une frac- ture suivant la direction duN. N. E. en un point où les roches étaient seulement fissurées et sans doute fort peu déplacées, parce que c'était vers la limite septentrionale d'un ancien petit chaînon du N. N. E., probablement très-peu proéminent. Cette fracture s'est ouverte lors du redressement des couches dans la direction N. N. 0., et cette faille s'est trouvée ainsi contemporaine de celle qui s'est ouverte entre les strates sui- vant la nouvelle direction. En même temps, au sud-ouest de la chaîne, du côté où les couches n'étaient plus déplacées par le soulèvement du N. N. 0., lequel, comme nous l'avons dit plus haut, a fait présenter le bord relevé des strates à l'occi- dent puisque le plong-einent est g^énéralement vers l'est, l'effort exercé sur le sol a déterminé le redressement des couches suivant leur ancienne fracture, et par suite a fait se déclarer entre les strates un écartement dans la direction N. N. E., précisément dans les mêmes strates quartzeuses où un écartement semblable se produisait dans la direction N. N. 0. sous l'influence du soulèvement de ce sens. De là en ce point la formation du filon aurifère N. N. E., dont la direction pro- long'ée rencontre le filon ég^alement aurifère du N. N. 0., 18 274 GEOLOGIE UU BRESIL. sensiblement au point où celui-ci a lui-même rencontré et ouvert l'ancienne fracture clans les roches encaissantes. Ce fait et les autres circonstances analog-ues et fréquentes aux joints de croisement des filons aurifères des directions N. N. E. et N. N. 0., montrent clairement la contemporanéité de ces filons d'ailleurs si semblables, et semblent nous indi- quer la contemporanéité de l'introduction de l'or, dans les filons aurifères du Brésil, avec les dislocations du N. N. 0., ou mieux avec la fin des déplacements du sol résultant de ces dis- locations, puisque ce sont ces déplacements par lesquels ont été ouvertes les failles dans lesquelles les filons se sont postérieu- rement formés. Ces derniers peuvent donc être contemporains des phénomènes souterrains précurseurs du g-rand soulève- ment de l'est à l'ouest. Ces phénomènes ont dû avoir lieu au commencement de l'époque quaternaire, pendant laquelle ce soulèvement de l'est à l'ouest s'est continué, et a déterminé les dernières modifications de niveau, auxquelles, comme nous l'avons vu, les dépôts quaternaires ont eux-mêmes au moins partiellement participé. A Sant'-Antonio-do-Rio-Acima par 20° 8' de latitude sud et 46° 35' de longûtude ouest de Paris, la direction du système du N. N. 0. est du N. 30" 0., à peu près exactement. C'est aussi la limite maximum de l'ang'le que ce système fait avec le méridien. Il varie g^énéralement, dans des localités assez voisines, entre le N. 20° 0. et le N. 30'' 0. Quelquefois, mais plus rarement, il se rapproche encore davantag-e du méri- dien, comme si l'effort avait un peu chang-é de direction pen- dant la durée sans doute très-long-ue de la formation de ce système, lequel pourra peut-être par la suite être subdivisé en deux autres, mais, dans ce cas, immédiatement consécutifs, l'un du N. 10° 0. environ, l'autre du N. 30° 0. Je n'ai pu réu- nir de preuves suffisantes pour effectuer cette division et pour établir l'antériorité de l'une de ces directions par rap- port à l'autre. Toutes les deux au contraire, m'ont paru avoir affecté le dépôt tertiaire de la même manière, et cette cir- constance me les fait provisoirement considérer comme un GEULUGib: IJU BRESIL. 275 seul système. Je le désig*nerai sous le nom de système des Ser- ras du Paraàna et de Curumatahy. 123. — Le système de l'E. N. E., que j'appellerai systèmcde la Mantiqueira^ parce qu'il domine dans cette chaîne dont il représente la direction g'énérale, varie peu dans sa direction moyenne, laquelle est sensiblement E. 30° N., rapportée au 22" de latitude sud et au 45" de long'itude ouest de Paris. Les écarts atteig'nent à peine 4 à 5° de chaque côté de cette direc- tion moyenne. Ce système se montre non-seulement dans la Mantiqueira, mais encore dans un très-g-rand nombre de chaînes du Brésil. 11 est postérieur aux dépôts secondaires, car non-seulement il en relève les calcaires dans les parties où ces derniers dépôts sont fortement métamorphiques, mais encore il a donné de faibles inclinaisons à quelques-uns de ceux-ci le moins fortement modifiés, même de ceux qui ont montré quelques restes fossiles. Il a soulevé d'ailleurs à de très-gTandes hauteurs et sous de fortes inclinaisons toute la partie supérieure du dépôt en question formant à Minas- Géraes le gTOupe métamorphique des itacolumites, itabi ri- tes et calcaires, comme on le voit aux Serras da Piedade^ de Caraça, de l'Itatiaiassu, d'Itabira, etc. Mais il n'a pas ag'i sur les dépôts tertiaires, auxquels il est par conséquent anté- rieur. Il me paraît évidemment antérieur au système du N. N. E. ou des Alpes occidentales, car on voit souvent les chaînes de l'E. N. E., se présenter comme un arrêt pour celles duN. N. E qui viennent buter contre elles. C'est le seul sig'ne par lequel on puisse le considérer comme antérieur, car aucun dépôt important ne s'est formé entre ces deux dislocations, sauf peut-être des dépôts calcaires d'eau douce, celui, par exemple, que j'ai observé à En g-enho dans le val du San-Fran- cisco. Le système de l'E. N. E., paraît donc avoir eu lieu vers la fin de l'époque secondaire, et il correspond sans doute à un exhaussement du continent au-dessus de l'océan , lequel exhaussement a mis fin aux dépôts océaniques formés dans cette période. A la suite de cette dislocation, le continent a dû rester hors des eaux jusqu'au milieu de la période ter- 276 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. tiaire, où il s'est abaissé de nouveau à l'époque de la grande dislocation du système N. N. E., ou des Alpes occiden- tales. Au système de l'E. N. E. se rattache la direction de certains filons et dykes dioritiques ayant amené des épan- chements en nappes superposées, notamment les filons déjà cités dans la Mantiqueira près de Nascimento. Nous avons vu que ces nappes superposées ont été relevées après leur épanchement, et ce relèvement s'est produit dans la direction de la chaîne, c'est-à-dire de manière à donner le plong-ement vers le N. N. 0. Ces filons déjà sortis par des failles suivant la direction E. N. E., c'est-à-dire subséquem- ment au soulèvement de la chaîne, ont donc encore été dé- placés depuis dans le même sens, et par conséquent le sou- lèvement a été lent et prog-ressif, fait évident si on considère le nombre de ces nappes successives, lesquelles font même des ang*les entre elles. Je saisis cette occasion pour rappeler qu'en employant souvent le mot soulèvement, je n'entends jamais l'employer ici dans le sens de mouvements brusques, mais dans celui de mouvements lents et prog'ressifs dans une même direction, mouvements s'étant opérés pendant une long-ue période. J'emploie en outre ce mot dans le sens rela- tif seulement, et pour indiquer que les couches ont reçu une inclinaison, laquelle, au point de vue absolu, peut tout aussi bien provenir soit de l'affaissement de l'un de leurs côtés, soit du soulèvement de l'autre. Les quatre systèmes jusqu'ici décrits sont les seuls par les- quels ont été disloquées avec certitude les couches du terrain secondaire du Brésil. Ce sont donc les plus récents. Ils ont fourni toutes les montag-nes élevées du Brésil, et forment le squelette presque entier de la config^uration actuelle de l'Em- pire. Les trois autres systèmes plus anciens composent des chaînes beaucoup plus basses, des rides notablement moins accentuées, et cela provient sans doute de ce que leurs élé- vations ont été soumises à la dénudation pendant toute la long'ue période des dépôts secondaires et tertiaires. D'un autre côté l'état si profondément métamorphique des terrains GÉOLOGIE DU BRÉSIL. 277 anciens du Brésil rend à peu près nuls tous les jalons pour établir leur âg-e g-éolognque. On reconnaît seulement que ces trois dislocations sont de Tépoque primaire ou du commen- cement de l'époque secondaire : donc au moins toute la der- nière période à partir de l'époque jurassique paraît avoir été une époque de g-rand calme pour cette partie du monde, comme on le reconnaît à la parfaite concordance des strati- fications de tout le dépôt secondaire, et aux caractères de ce dépôt, où les périodes jurassiques et crétacées ne semblent pas séparées nettement, non-seulement au Brésil, mais en- core dans presque toute l'Amérique du Sud. 124. — Parmi les trois dislocations anciennes, deux, celle du N. 0. et celle de l'O. N. 0., laquelle est plus exactement très-voisine de la direction 0. 30° N. se montrent aussi dans le plateau de la Bolivia où M. d'Orbig-ny les a sig-nalées. J'extrais de la notice sur les systèmes de montag'nes de M. Élie de Beaumont les deux passag-es suivants se rappor- tant à ces deux systèmes, et tirés de son rapport sur les travaux de M. d'Orbig-ny : « Les montag-nes colossales qui dominent au nord-est le « lac de Titicaca, et auxquelles se rattache toute la rég^ion « orientale des Cordillères du 5' au 20' degTé de latitude aus- « traie, ou, pour mieux dire, les Andes proprement dites, c( les Antis des anciens Incas, forment un système distinct (( auquel M. d'Orbig-ny a donné le nom de système Bolivien. « La direction moyenne de ce système, bien différente de « celles qui dominent dans le reste des Cordillères, est du (( sud-est au nord-ouest. Les crêtes qui le composent sont '< formées de couches redressées des terrains siluriens, de- « voniens, carbonifères et triasiques. Les célèbres nevados, (( d'illimani et de Sorata, sont les deux points culminants « d'un axe de roches g*ranitoïdes, dirig-é aussi du sud-est au (( nord-ouest, qui, s'élevant sans doute par une larg-e cre- « vasse, a été le mobile de l'élévation de tout le système '( Bolivien. « Cette élévation a eu lieu après le dépôt du trias, comme 278 GÉOLOGIE DU BRESIL. « l'attestent les couches des terrains triasiques que M. d'Or- « big'ny a vus dans une position inclinée, et à la hauteur de « plus de 4,000 mètres au-dessus de l'Océan. Les terrains « triasiques forment, dans les diverses localités où on les « observe en Bolivie, les dernières couches soulevées. Sur « tous les points du système Bolivien où M. d'Orbig'ny les a « vus, lorsqu'ils sont recouverts, ils le sont seulement par « les couches horizontales des terrains pampéens ou par les « alluvions modernes, produits purement terrestres et non « marins. Il paraît donc certain que le système Bolivien a (( pris les formes caractéristiques de son relief après la pé- « riode des terrains triasiques. On peut conjecturer aussi « que ce phénomène a eu lieu avant le dépôt des terrains 298 GÉOLOGIE DU BRÉSIL. de continuité dans le succès. Le caractère de filons rég^u- liers indique aussi le mode dont doivent être conduits les travaux relativement à l'ouverture des g^aleries, car ces tra- vaux doivent être dirig-és suivant les règ'les adoptées pour ce g-enre de filons. Mais je ne puis me dispenser d'appeler l'at- tention sur le nombre énorme de filons aurifères du Brésil, et d'insister surtout sur le choix des fdons pyriteux pour les futures exploitations. Beaucoup de ces filons sont encore vierg-es, et l'attention n'a pas été suffisamment portée de ce côté. Ces filons sont, en g-énéral, remarquables par leur g'rande épaisseur : cette circonstance permet de dirig-er les exploitations sur une très-gTande échelle. C'est là le secret du g-rand succès obtenu par la mine de Morro-Velho, laquelle, depuis sa toute première orig-ine, a bien fourni cent millions d'or. La question se réduit à broyer économi- quement une g"rande quantité de pierre, parce que, si la teneur par mètre cubique n'est pas aussi g-rande que pour certains filons de Californie et d'Australie, le volume est in- comparablement plus considérable, et cela compense, bien au delà, cet inconvénient. Sous ce rapport, l'emploi des moteurs hydrauliques doit être préféré à tout autre, comme étant le plus économique. D'ailleurs, dans ces régions, l'em- ploi des machines à vapeur serait très-dispendieux. En employant les machines hydrauliques , un rendement de 5 g'rammes d'or par mètre cubique peut payer les frais d'ex- traction pour un filon pyriteux sauf à de très-gTandes pro- fondeurs, et l'expérience, qui a appris ce fait, montre aussi que la plupart des filons donnent le double de cette quantité à l'affleurement, quelquefois davantag^e, et g'énéralemenl huit à dix fois plus à une petite profondeur. Il y a encore au Brésil un certain nombre de mines non exploitées et où existent des courants d'eau suffisants pour une g-rande ex- ploitation. Ce sont celles dont la valeur est la plus g-rande. Malheureusement, des courants d'eau suffisants n'existent pas toujours à proximité immédiate des mines, ou dans des conditions où on puisse amener l'eau près du minerai, ou GÉOLOGIE nu BRESIL. 2!i!i bien conduire celui-ci sur des plans inclinés au bord de l'eau. Parfois il peut se présenter des collines entre la mine et le cours d'eau voisin, et je dis voisin, car jamais, à Minas- Geraes du moins, il ne faut aller bien loin de la mine pour rencontrer des cours d'eau pouvant fournir une gTande force motrice. Dans ce cas, on pourra établir des macbines à compression d'air près du courant, et se servir de cet air comprimé pour transmettre par des tubes la force motrice dans le voisinag'c de la mine, où g-énéralement on trouvera assez d'eau pour le lavag'e. Dans le cas où l'eau suffisante manquerait pour le lavag'e, on peut encore faire deux réser- voirs, l'un supérieur, l'autre inférieur, et se servir de la force motrice ainsi transmise par l'air comprimé pour remon- ter l'eau de ce dernier dans le premier, après qu'en des- cendant de celui-ci elle aurait lavé les sables entraînés par elle et déposés dans le réservoir inférieur, d'où on les ex- trairait. De cette manière, la même eau continuerait de servir pour le lavag'e, et les eaux des pluies suffiraient pour alimenter les réservoirs et compenser les pertes. Mais il n'y aura à penser à ces moyens qu'après que des exploi- tations seront établies sur les nombreuses mines bien pour- vues de cours d'eau. En résumé, aucun insuccès n'a eu lieu jusqu'ici dans les mines d'or du Brésil que par incurie d'administration, mau- vaise direction des travaux et défaut d'une bonne étude de l'allure des filons. DEUXIÈME PARTIE FAUNE DU BRÉSIL AUX TEMPS RÉGENTS ET QUATERNAIRES 3t-'^- î,"' > ■ ^ -«^-tSC's.- 330 FAUNE DU BRÉSIL. philander et répondraient aux Didelphis opossuin ^iphilander de Linné. Le second g-enre ou g-enre Cuica comprendrait, dans l'état actuel de nos connaissances, huit espèces, dont six dans la section à long-ue queue, les Cukamyosuros^ miirina, pnsilla, cinereajanigera ^eicrassicaudata^ etdeuxdans la section à queue courte, les Cuica tricolorei tristriata, correspondant aux 8 espè- ces que nous avons décrites avec les mêmes noms spécifiques sous le nom g-énérique de Didelphis. 147. — Les seules espèces quaternaires de mammifères didelphes aujourd'hui connues au Brésil, ont toutes été trouvées par le D' Lund, en dehors des dépôts tout à fait récents dont j'ai parlé dans la g'éolog'ie du Brésil et où il a trouvé les espèces vivantes. Les espèces quaternaires appar- tiennent, sauf une seule, au gToupe des Sarigues, et encore cette dernière montre de g'randes affinités avec ce groupe. Elle n'est connue, il est vrai, que par une seule dent molaire, mais elle montre un animal de heaucoup plus g-rande taille que tous les Sarigues actuels, et présente des caractères in- termédiaires entre ce dernier groupe et celui des Dasyures de l'Australie, ceux des mammifères didelphes dont les molaires sont hérissées du plus gTandnomhre de pointes coniques. La dimension de cet animal devait atteindre la taille des jag^uars. (( Les sarigues, dit Lund, sont des animaux hargneux et « g'ioutons, et même les plus petites espèces sont des hôtes « dangereux dans les poulaillers. Si nous transportons ce « naturel au g'rand animal de cette famille, nous pouvons « nous représenter quelle désolation il doit avoir faite parmi « les formes animales de l'ancien monde, et nous verrons « ainsi la liste des nombreux et g-rands carnassiers qui jadis (( habitaient l'Amérique, augmentée encore d'une espèce qui, « par sa taille, sa g'ioutonnerie et son avidité, n'a cédé le (( pas à aucune autre. » Le savant paléontologiste a d'abord donné à cette espèce le nom de Thylacotherium ferox^ mais ayant appris plus tard que le nom de Thylacotherium avait été employé par Ovs^en pour désig-ner un autre g*enre de mammifères, probablement didelphe, trouvé dans les terrains :0^ "^ FAUNK DU BRliSH.. 331 jurassiques d'Europe, il a retiré ce nom g'énérique en ajou- tant qu'il faudrait le remplacer par un autre, mais il n'a pas fait cette substitution. La finale iherinm, consacrée en paléon- tologue par l'usag-e pour un grand nombre d'espèces éteintes de mammifères, dérive du mot g-rec Gvîp, animal, et il n'est pas correct de former l'étymolog'ie d'un nom avec des mots pris dans deux lang-ues. C'est donc un obstacle pour joindre cette finale au mot Gaynha^ afin de former le nom de l'espèce éteinte. Toutefois, comme il n'existe dans la lang^ue g'recque aucun mot pour désig^ner les Gambas vivants, dont il s'ag'it de rappeler les affinités, sinon le nom de Gamba lui-même que les Grecs auraient dû adopter^ s'ils avaient connu ces animaux et leur nom, l'obstacle en question a peu de valeur, et le nom de Gambatherium indiquerait mieux les analog-ies que celui de Dasyurotlierium. En l'absence d'autre, nous l'a- dopterons donc, en conservant d'ailleurs le nom spécifique de ferox donné par Lund. Les autres ossements de mammifères didelphes trouvés par le même savant appartiennent à 7 espèces analog^ues aux Sarig-ues actuels. Deux sont de la division des g*randes espèces ou des Gambas. L'une est si voisine du Didelphis au- rita ou g*rand Gamba actuel du Brésil , que Lund déclare n'avoir trouvé aucun motif pour l'en séparer. Le second se rapproche beaucoup pour la taille de son Didelphis alhiveniris, l'opossum de BufTon ; mais cependant Lund a cru remarquer quelques lég-ères différences dans le squelette. Il le désig*ne sous le nom de Didelphis aff. albiventri. Les cinq autres es- pèces se rapportent à la division des petites espèces ou des Guicas. L'une semblable au Didelphis incana (le Didelphis myosuros des auteurs, quand elle a atteint son développe- ment). Une de la taille du D. pusilla et une autre de celle du D. murina, mais dans lesquelles il a cru remarquer quelques lég'ères différences. Ce sont pour lui les Didelphis aff. pusillœ et Didelphis aff. murinœ. Enfin, les deux dernières espèces sont distinctes des espèces vivant aujourd'hui dans la même con- trée. L'une est plus petite que le D. incana de l'auteur, et se 332 FAUNE DU BRÉSIL. rapproche du g-roupe à courte queue. L'auteur ne lui a pas donné de nom. L'autre est au contraire un peu plus gTande que toutes les espèces de Guica, qu'il avait alors observées vivantes dans la contrée, tout en restant très-inférieure à l'o- possum. C'est, d'après ce détail, une espèce de la taille du D. cinerea que Lund, à cette époque, ne sig'nale pas parmi les espèces vivantes. Il l'appelle D. affinh myosurœ. FAUNE DU HRÉSIL. 333 111 MAMMIFÈRES MONODELPHES DEPOURVUS DE DENTS DE PLUSIEURS TYPES DISTINCTS. Les animaux constitués pour la marche sur la terre fei'me et répondant à la définition de ce titre, forment l'ordre des Édentés de Cuvier. — Considérations sur cet ordre. Description des trois groupes vivant en Amérique, les Bradypes, les Tatous et les Fourmiliers ou Mjrmécophages. — Espèces fossiles quaternaires de ces groupes au Brésil. — Groupe des Mégathérioïdes. — Espèces fossiles qu'il renferme. 148. — Nous avons vu que les Échidnés et Ornithorhynques, constituant Tordre des Monotrèmes, tout à fait spécial à l'Australie, ne peuvent pas être reg-ardés comme des Didel- plies. Ce ne sont pas non plus des Monodelphes, puisque la duplicité de l'org-ane si imparfait chez eux et d'où ces noms sont tirés, existe partiellement sans être complète. Ce sont donc en réalité des mammifères hémididelphes, c'est-à-dire à moitié didelphes, et ce nom intermédiaire qui rappelle celui des Didelphes avec lesquels ces animaux ont des rela- tions remarquables, notamment par la présence des os mar- supiaux et le développement incomplet à l'époque de la naissance, permet de pouvoir employer le mot de monodel- phes sans les comprendre. L'absence des dents dan» un de leurs g-enres, la présence de dents rudimentaires et unifor- 334 FAUNE DU BRÉSIL. mes dans l'autre, les feraient entrer avec les mammifères dont nous allons nous occuper, sous le titre de ce chapitre, si leur caractère de n'être pas réellement monodelphes ne les en avait éloigniés. Les mammifères non constitués pour marcher sur la terre ferme sont monodelphes, et parmi eux l'un des ordres, celui des Cétacés, secompose d'espèces les unes dépourvues de dents, les autres n'ayant que des dents d'un seul type. Parmi les Sirénides, un des g^enres, le g-enre Rytina, n'a pas de dents, du moins à l'àg-e adulte. Une partie des mammifères marins et fluviatiles, parmi les pisciformes, rentrerait donc dans la désig-nation formant le titre de ce chapitre, si on n'ajoutait, pour complètement définir celui-ci, la condition de membres libres et propres à la marche sur la terre ferme, condition sous-entendue dans ce titre, parce que nous avons déjà sé- paré les animaux, essentiellement marins et fluviatiles, non constitués pour la marche, c'est-à-dire, les Hydrothériens. En réalité donc, sous la désig^nation de mammifères mono- delphes dépourvus de dents de plusieurs types distincts et à membres libres propres à la marche sur la terre ferme, il ne peut entrer que les animaux constituant l'ancien ordre des Édentés de Guvier, nom dont lasig^nification sam dents ne con- vient pas à la plupart d'entre eux, mais seulement aux deux groupes des Fourmiliers américains et des Pang-olins. Le nom de Maldentés, substitué à celui d'Edentés par De Blain- ville, n'est pas plus heureux, car il ne convient g-uère, il faut en convenir, à un animal possédant, comme le tatou gréant, une centaine de dents. Celui de Homodontes, à dents semblables, donné au même gToupe par M. Paul Gervais, par opposition aux autres mammifères nommés par lui Hétérodontes, à dents variées, implique qu'ils auraient tous des dents, et plusieurs d'entre eux n'en ont pas. Pour tirer du gTec un nom applicable à tous, il aurait alors fallu les appeler Anhé- térodontes, sans dents variées, car ce nom comprend à la fois ceux qui ont seulement des dents uniformes et ceux qui n'en ont pas du tout. Ces deux caractères se montrent dans l'ordre FAUNE DU BRÉSIL. 335 appelé des Édentés, car ceux qui ont des dents n'ont que des molaires, d'ailleurs assez peu différentes entre elles, et toutes leurs dents sont à une seule racine. Dans l'Unau, il est vrai, les premières dents de chaque côté sont plus long-ues, sépa- rées des suivantes et reg^ardées par beaucoup de naturalistes comme des canines , tandis que d'autres les considèrent comme molaires. Quoique la première opinion soit, je crois, plus justifiée, il n'y a pas entre ces canines et les autres mo- laires, à part la taille et la position relative, la g'rande diffé- rence de forme existant dans les autres ordres entre ces deux espèces de dents. Chez le Tatou-peba du Brésil, l'Encou- bert de Buffon, formant le g-enre Euphractus de Wag'ler, les deux premières dents de la mâchoire supérieure sont in- sérées dans l'os intermaxillaire. On les reg-arde par suite comme incisives, mais si on laissait de côté la particularité de leur insertion, on ne pourrait par la forme les séparer des molaires suivantes. A part les deux exceptions précédentes, tous les autres animaux compris par Cuvier dans son ordre des Édentés, n'ont que des molaires, et ces deux exceptions elles-mêmes portent seulement sur la taille et la position des dents, et non sur leur ressemblance quant à la forme, c'est- à-dire sur leur uniformité. On voit donc que le nom d'Anhé- térodontes est pleinement justifié pour l'ensemble du g-roupe. Si on considère seulement les espèces vivantes, le gToupe des Anhétérodontes paraît former en réalité plusieurs ordres bien distincts. Les Bradypes surtout,, comprenant les Unaus et les Aïs, semblent devoir être tout à fait séparés des autres, et certainement leur forme g'énérale les rapprocherait plus des Quadrumanes avec lesquels Linné les réunissait, que des Tatous. Mais la découverte d'une g'rande et nombreuse fa- mille d'animaux fossiles, celle des Még^athères et celle d'au- tres animaux fossiles, voisins des Tatous dont on ne peut les séparer, vient combler ce gTand intervalle, et unir môme assez intimement les Bradypes aux Tatous pour qu'on doive les maintenir dans le môme ordre. D'un autre côté, les Four- miliers américains et les Pang'olins, les seuls de la famille 336 FAUNE DU BRÉSIL. qui manquent totalement de dents, se ressemblent par une multitude de caractères, entre autres la tête allong-ée, la lan- g*ue protractile et appropriée au même g*enre de vie, car ces animaux vivent les uns et les autres de fourmis. En même temps ils nous montrent un de leurs g*roupes, les Fourmiliers américains, couvert de poil, et l'autre recouvert d'écaillés, bien différentes, il est vrai, de celles des Tatous, mais il n'en existe pas moins là une transition. Les Oryctéropes, qui sont couverts de poils comme les Fourmiliers américains, ont en- core la lang'ue extensible comme ceux-ci, quoique à un moin- dre deg'ré, mais ils ont déjà des molaires comme les Tatous, et montrent en réalité une multitude de ressemblances soit avec les Tatous, soit avec les Fourmiliers. La découverte en Europe^ à Sansan, par M. Lartet, d'un animal fossile, le Ma- crotherium, présentant à la fois des caractères appartenant aux Oryctéropes et aux Pang^olins, rapproche encore ces deux gTOupes. Donc, en réalité, l'ordre des Edentés, ou plus exactement des Anhétérodontes, forme, dans la classe des mammifères, une division beaucoup plus naturelle qu'il ne le semble au premier abord. Ces animaux sont encore réunis par un caractère qui a bien son importance, celui d'une force musculaire dont nous citerons de curieux exemples, et aussi celui d'une irritabilité remarquable des muscles encore long'temps après la mort. Toutes les espèces vivantes de ce gToupe habitent aujourd'hui les contrées intertropicales. Quelques-unes cependant se voient dans la zone tempérée du Sud. L'Amérique méridionale est toutefois la patrie principale des Edentés, car à elle seule elle renferme trois tribus dont on pourrait à première vue faire trois ordres distincts, tant elles sont différentes, à savoir : les Bradypes, les Tatous et les Fourmiliers. L'Lide et l'Afrique ne renferment que les deux tribus des Pang'olins et des Oryctéropes, d'ailleurs moins nombreuses en espèces que celle des Tatous. 149. — Les Bradypes se rapprochent beaucoup des singles par leur forme g-énérale, mais ils en diffèrent surtout par les FAUiNE DU BRÉSIL. 337 membres, car ils n'ont pas de pouce opposable et les doigis sont soudés ensemble par la peau jusqu'à la base desong-les. Ceux-ci sont très-forts, très-long^s et arqués. Ces animaux sont, d'après le nombre des doig-ts, divisés en deux g-enres : l'un, VUnau {Choiœpus d'illig-er), n'a auxmembres antérieurs que deux doigis seulement, et trois à ceux de derrière; l'au- tre, l'Aï (Ac/iœusde F. Guvier), a trois doig-ts à tous les mem- bres. Dans les deux genres, le nombre des dents est de cinq de chaque côté à la mâchoire supérieure, et de quatre ég'a- lement de chaque côté à la mâchoire inférieure. Mais, sous le rapport de la nature de ces dents, il y a une différence, consistant en ce que, chez les Unaus, la première dent de chaque mâchoire dechaquecôtéestplus grande, et peut être re- g'ardée comme canine. Chez les Aïs, toutes les dents sont des molaires, et, en haut, c'est la seconde dent qui est la plus forte, en bas la première. Leur système dentaire et la dispo- sition de leurs extrémités les éloig'nent donc notablement des Quadrumanes dont ils se rapprochent d'ailleurs considé- rablement non-seulement par leurs formes g-énérales, mais encore par la position pectorale des mamelles (ceci a lieu aussi chez plusieurs Tatous et Fourmiliers), les yeux diri- gées en avant, leurs courtes oreilles et une multitude d'au- tres caractères. D'un autre côté, leurs viscères présentent des particularités très-curieuses et par lesquelles ils s'éloi- g-nent tout à fait de cet ordre. Ainsi, ils ont l'estomac partag-é par des brides en quatre sacs, d'où résulte pour cet org^ane une certaine ressemblance avec l'estomac des Ruminants. Cet estomac est toutefois dépourvu de toutes la- mes saillantes à l'intérieur. L'intestin est très-court et sans cœcum. La présence d'un cloaque les rapproche d'ailleurs de plusieurs autres Édentés, des Monotrèmes et aussi de quelques Rong^eurs. La disposition des artères et des veines des membres dont les troncs principaux sont remplacés par un certain nombre de branches formant des plexus, est un caractère constant dans tous les Bradypes, quoique variable en intensité dans les diverses espèces, et qui se retrouve 22 338 FAUNE DU BRÉSIL. aussi chez la plupart des autres Édentés. Mais ce dernier caractère n'éloig'ne pas directement les Bradypes et les Qua- drumanes, car la même particularité se retrouve chez un animal de cette dernière famille, le Loris du Beng'ale, connu aussi sous le nom &q singe paresseux, à cause de la lenteur de ses mouvements. Les Bradypes sont d'ailleurs des animaux pourvus de cla- vicules médiocres dans le g^enre Unau, tout à fait rudimen- taires dans le g-enre Aï. Bien que leur nombre de divisions des extrémités des membres soit petit, on peut dans leur squelette voir les rudiments d'autres doigis. Ainsi les Unaus, munis seulement de deux doig-ts aux membres antérieurs, y montrent cependant les rudiments de deux autres. Leurs dents sont d'une constitution très-simple. Elles ont la forme d'un cylindre osseux, entouré d'émail et creux aux bouts, avec une seule racine et une couronne indivise, sans limite de démarcation définie entre ces deux parties. Dans le jeune âg'C, les dents sont terminées en pointe, et c'est l'usure qui en modifie l'extrémité. Quant à la forme g-énérale du squelette, elle rappelle tout à fait dans son ensemble celle des sing-es, mais la nature des os sans cavité médullaire, et pour la plupart entièrement spon- g-ieux, a de l'analogie avec celle des os des Cétacés. Dans les Aïs se montre d'ailleurs une particularité remarquable; c'est la présence de neuf vertèbres cervicales, tandis que tous les au- tres mammifères n'en ont que sept. Chez TAï à dos brûlé, il n'y a toutefois que huit vertèbres cervicales et les Unaus eux- mêmes n'ont que le nombre normal de sept; mais, chez ces derniers, le nombre des vertèbres dorsales et des paires de côtes, qui est de ving't-quatre, l'emporte sur celui de tous les autres animaux de la même classe. Chez les Aïs, ce nombre se réduit à quinze. Il varie toutefois comme celui des vertè- bres cervicales et en sens contraire. Comme les g-rands sin- g'es, ces animaux ont les membres antérieurs très-long's et disproportionnés. 11 n'y a pas de queue sensiblement visible à l'extérieur chez l'Unau. Un rudiment de queue FAUNE DU BRÉSIL. 339 existe chez l'Aï. Le nombre des vertèbres coccyg-iennes est petit. 150. — Les Unaiis dont nous venons d'indiquer les carac- tères g'énériques et qui composent le g-enre C/!6)/rt^;//6d'Illig'er, ou mieux le g-enre Brudypus proprement dit d'après F. Gu- vier, forment deux espèces, dont une seule est répandue dans les forêts du Brésil, surtout du nord, le Bradypns didactylus de Linné, ou l'Unau de Buffon. Au Brésil il est connu sous le nom portug'ais de Preg^iiça (paresse), qu'il partagée avec tou- tes les espèces d'Aïs. C'est la plus gTande espèce de Bra- dypes, et il peut atteindre jusqu'à 75 centimètres de long-ueur, depuis le haut de la tête jusqu'au tubercule caudal. Sa tête est un peu plus allong-ée que celle des Aïs, etsafaceestlég-ère- ment oblique. Les membres sont aussi un peu moins dispro- portionnés. Il a les poils un peu dressés, très-secs, tous bruns chez les jeunes, et mêlés de poils blanchâtres chez les indi- vidus adultes et vieux. Les poils du dessus de la tête et de la nuque sont un peu plus longes que les autres et plus bruns. Ceux de la croupe sont relevés dans une direction contraire à ceux du dos. La face intérieure des mains et des pieds et le tubercule caudal sont nus. Cet animal se rencontre rarement sur le sol. Il est g'énéra- lement dans les arbres, et on le rencontre surtout dans les Cecropias, du feuillag-e desquels il fait sa nourriture presque exclusive. Sur le sol, sa marche n'est pas rapide, mais il monte assez lestement aux arbres, nag'C bien et traverse même de larg-es rivières en nag^eant. Ce que l'on a écrit sur son excessive lenteur est exag'éré. Il est vrai toutefois qu'en g"é- néral ses mouvements ne sont pas vifs. Lorsqu'il est dans un Cecropia, il y reste accroché et ne se déplace g"uère lorsqu'on veut l'effrayer. De plus il ne quitte jamais un pied de Cecro- pia pour monter dans un autre, sinon après avoir dévoré toutes les feuilles du premier. Les Unaus dorment dans ces arbres en s'accrochant à leurs branches, et cette position semble être pour eux celle du repos. Les femelles portent leurs petits sur le ventre ^ 340 FAUNE DU BRÉSIL. Cet animal est au reste en partie nocturne. Le jour il paraît dormir g"énéralement, et, quand on le voit se mouvoir pendant la journée, ses mouvements sont alors d'une remarquable lenteur. Au crépuscule, il est plus vif. Quand il saisit quel- que chose, il le serre avec une force énorme et on ne peut lui faire lâcher prise qu'avec une extrême difficulté. Il est même périlleux sous ce rapport pour les autres animaux. Lorsqu'on tire sur les Unaus dans les arbres, ils restent g-énéralement à la môme place, et il faut souvent plusieurs coups de fusil pour les tuer, car ils ont la vie très-dure. Jamais ils ne tom- bent avant d'être morts. Tout le temps qu'ils sont seulement blessés, ils restent accrochés avec une force extraordinaire. Même quelquefois après la mort, ils restent encore suspendus dans l'arbre où on les a tués. Buffon a décrit sous le nom de kouri on petit iinau une autre espèce de Bradype plus petite et dont la long^ueur est d'en- viron 30 centimètres au plus. Quelques naturalistes reg'ar- dent cet animal comme une simple variété du précédent. Il habite la Guyane, et son pelag^e est brun, varié de cendré et de jaunâtre. 151. — Dans le g-enre Aï {Achœus de Fr. Guvier), l'espèce la plus anciennement connue est le Bradypns tridactylus de Linné, l'Aï de Buffon. Cet animal a la tête ronde, g-arnie de poils raides en dessus. Sa face, moins proéminente que dans rUnau, est de couleur gTise, souvent jaunâtre, et les yeux sont entourés de brun. Le pelag-e est mêlé d'ailleurs, comme dans l'Unau, de poils g-ris-brun et de poils blanchâtres. Sur la tête la couleur est entièrement brune. Entre les deux épaules, existe une sorte de bande larg'e et d'une couleur orang'ée assez vive , traversée d'une bande noire longitudi- nale. La g^org'e est un peu jaunâtre. Les poils sont de deux sortes, les uns très-fins, les autres au contraire très-g'ros, secs et aplatis dans une g-rande partie de leur long'ueur. Cette espèce a neuf vertèbres cervicales. Sa long-ueur est à peu près la moitié de celle de l'Unau. Cette espèce est le Pre- g'uiça ay-ay du Brésil. Il est surtout du nord de l'Empire FAUNE DU BRÉSIL. 341 et des Guyanes. Le nom d'aï-aï vient du cri plaiiilil' de cet animal. L'Aï à dos brûlé, le Bradypns itstus de Lesson, diffère peu du précédent; il est toutefois plus petit, et son pelag-e est plus noirâtre. Dans le dos il n'a pas la taclie orang'ée qu'on voit chez le Bradypus tridactylus. Il est aussi désig-né dans quel- ques ouvragées sous le nom de Bradype à dos sans tache. Le Paresseux à collier [Bnuhjpus torquatus d'illig'er, Achœus torqitatus du P. Maximilien de Neuwied, Bradi/pus coUaris de Desmarest) appartient, comme le précédent, au g*enre Ki. Sa tête est rousse mêlée de blanchâtre, et sur la partie su- périeure du cou se trouve une g'rosse touffe ou sorte de demi- collier de long-s poils noirs. Le pelag'c du corps est roussâtre mêlé de g'ris. On trouve quelques variations dans la coloration du Bra- dypus ustus. Ainsi il en existe de couleur g-ris cendré, mais, d'après mes informations, il paraît que cette variation vient de l'âg'e. Les Bradypus ustus et torquatus se voient dans la régnon des forêts de Minas-Geraes, de Espirito-Santo, de Bahia et de Pernambuco. Toutes ces diverses espèces ont à peu près les mêmes mœurs et les mêmes habitudes que l'Unau, quoique plus lentes encore dans leurs mouvements. Les feuilles des Cecropias composent presque uniquement leur nourriture, et ce sont, pour ainsi dire, des parasites de ce g'enre de vég^étaux. Ces animaux sont même dans la classe des mammifères les seuls qui puis- sent être reg-ardés comme parasites d'une espèce vég'étale. Leur lenteur dans les mouvements, leur mode de retenir avec force les branches de leurs arbres de prédilection, de se faire tuer souvent plutôt que de lâcher prise, les assimile en effet complètement à la plupart des parasites existant dans les au- tres classes du règ'ne animal. En captivité, ils sont assez dif- ficiles à nourrir, et il faut qu'ils soient bien pressés par la faim pour se décidera mang'er autre chose que des feuilles de Cecropia. Dans ce cas, celles de la plupart des Ficus peuvent leur servir d'aliment, et même on finit par les habituera man- 342 FAUNE DU BRÉSIL. g-er les feuilles molles de quelques lég-umes. De cette manière, on a pu les avoir quelquefois dans des ménag'eries. Mais cette habitude ne laisse pas à rorig*ine que d'être assez difficile à leur faire adopter, et ils souffrent très -longtemps de la faim avant de se décider à prendre pour nourriture les feuillag'es qu'on leur offre. Mais, si ces derniers sont des feuilles de Ge- cropia, ils se jettent dessus avec avidité. Incontestablement, dans les forêts du Brésil, ils mang-ent exclusivement les feuilles de ces derniers arbres, d'ailleurs très-abondants dans tout l'Empire. Le céleri est une des plantes auxcjuelles on peut le mieux les habituer. Dans le jour surtout, l'Aï se laisse facilement prendre à la main. Il fuit tellement peu qu'on peut même dans les forêts être saisi par eux, et c'est le cas où il arrive parfois d'être obligée de les tuer pour s'en débarrasser et leur faire là- cher prise, à cause de l'incroyable force de leurs membres. A ce sujet M. le vicomte de Prados m'a raconté un incident curieux arrivé à lui-même. Passant un jour à cheval dans une forêt où des Taquaras ou bambous du Brésil se trouvaient penchés sur le sentier qu'il traversait, il se sentit arrêté avec force par son manteau de voyag^e qu'il avait sur les épaules. C'était un Aï suspendu dans les Taquaras qui avait ainsi accroché son vêtement, et auquel il ne put faire lâcher prise. Il se décida alors à le laisser s'en aller quand il voudrait. Mais l'Aï resta accroché au manteau au point où il l'avait saisi, pendant les deux lieues de route que M. de Prados fit pour rentrer chez lui, où ses g*ens eurent toutes les peines du monde à faire lâcher prise à l'animal obstiné. La régnon des forêts humides qui bordent les côtes du Bré- sil est celle dans laquelle se rencontrent les diverses espèces de Bradypes. Ils sont plus rares dans l'intérieur, bien que les Cecropias s'y trouvent cependant en abondance dans tous les bois disséminés au milieu des campos et sur les rives des fleuves. Cette rareté des Bradypes dans l'intérieur est facile à expliquer par la difficulté pour ces animaux de traverser les campos afin de passer d'un bois à un autre. Dans les im- FAUNE nu BRÉSIL. 343 mensrs forets du littoral, ils peuvent se transporter en liberté et passer d'un Gecropia à un autre souvent même sans des- cendre à terre; aussi n'y ont-ils pas à craindre tant d'enne- mis, et leur nourriture se trouve toujours en abondance, car il n'y a pas là de long'ues saisons sèches pendant lesquelles tombent la plupart des feuilles des arbres. 152. — Une famille de Tordre des Edentés, très-naturelle quoique pouvant être subdivisée en plusieurs g-enres, est celle des Tatous. Ces animaux, en effet, au lieu d'être couverts de poils, ont une espèce de carapace formée par un test osseux composé d'écaillés polyg'onales. Ces écailles, d'ailleurs dis- posées en rang'ées transversales, forment une plaque sur le front, un vaste bouclier sur le dos entre les épaules et un autre sur la croupe. Entre ces deux écussons existent des bandes transversales plus ou moins nombreuses suivant les espèces, et mobiles de manière à permettre à l'animal la flexion du tronc. La queue est aussi couverte d'écaillés chez la plupart des espèces, tandis que chez d'autres ces écailles se réduisent à des sortes de tubercules. Par leur forme g'énérale les Tatous se ressemblent tous; ils ont le corps épais, les jambes courtes, la tète petite, le museau prolong-é et le des- sus du crâne aplati; les yeux sont petits et latéralement pla- cés, et les oreilles en forme de cornet sont pointues, assez long^ues et mobiles. Aux pieds de derrière ils ont toujours cinq doig'ts, et à ceux de devant quatre ou cinq doig'ts sui- vant les espèces, et tous les doig'ts sont armés d'ongles longes et crochus propres à fouir. Au point de vue du système dentaire, on peut les partag-er en trois g'enres, dont l'un, le g'enre Dasypus proprement dit, a des incisives et des molaires, et les deux autres des molaires seulement, en petit nombre, de sept à neuf de chaque côté à chaque mâchoire dans le g'enre Tatusia de F. Cuvier, et en g'rand nombre, ving't-quatre à ving-t-cinq ég-alement de chaque côté et à chaque mâchoire dans le g'enre Priodontes du même auteur. 133. — Ce dernier g'enre, qui nous occupera d'abord, ne 344 FAUNE DU BRÉSIL. renferme qu'une seule espèce, et c'est le plus gTand animal aujourd'hui vivant de la famille des Tatous, le Tatou g-éant, Dasypus gigas de G. Guvier, Priodontes giganteus de Lesson. Chez cette espèce, le nomhre des dents n'est pas toujours tout à fait constant. Cependant, en g"énéral, il y a ving*t-cinq dents de chaque côté à la mâchoire supérieure et ving*t-quatre à l'inférieure. Toutes ces molaires sont à peu près semhlahles entre elles et comprimées latéralement, surtout les anté- rieures. De plus elles sont divisées en deux long'itudinale- ment par une matière plus claire que ce qui les entoure et demi-transparente. Le Priodontes giganteus a cinq doig^ts à tous les pieds et deux mamelles pectorales seulement. Sa queue est ronde et à peu près de la moitié de la long-ueur du corps. Des écailles rectang-ulaires disposées en tuiles la re- couvrent. Sa cuirasse a douze handes mohiles et composées d'écaillés allong-ées; le houclier des épaules renferme dix ranges de plaques, et celui de la croupe, seize. Le nom de Priodonte donné à cette espèce par F. Cuvier dé- rive de irpuov, scie, etorîou;, dent, et vient de la disposition rela- tive des deux mâchoires, en vertu de laquelle les molaires in- férieures sont opposées par leur face externe à la face interne des supérieures, et en même temps l'articulation de la mâ- choire inférieure permet seulement un mouvement horizon- tal: il en résulte que Teffet des dents, d'après F. Cuvier, a de l'analog-ie avec celui d'une scie ; mais cela n'est pas très-exact. Au Brésil, cet animal est connu sous le nom de Tatu-canastra (tatou-malle). Sa cuirasse atteint 1 mètre de long-ueur et même dépasse lég'èrement cette g'randeur. La couleur de la tête est g-rise et la cuirasse g'ris-brun noirâtre. Le dessous du corps est couvert de poils roussâtres moins rares que chez les autres tatous du Brésil. Cette espèce est le g-rand Tatou ou Tatou premier d'Azara, le deuxième Cabassou de Buffon. Le nom de Cabassou est évidemment celui de Taiu-assu ou tatassu (le g'rand Tatou) mal entendu et transporté avec altération en Europe. Cet animal est assez rare. On ne le rencontre dans le val du San-Francisco, qu'au nord du 19" de latitude sud. FAUNE DU BRESIL. 34.*; Il habite ég^alement les provinces de Goyaz et de Matto- Grosso et le nord du Parag-uay. Il se creuse de grands ter- riers. Gomme pour les autres Tatous, sa nourriture principale consiste en insectes (notamment les amas de larves dans les fourmilières et les g*rands nids de termites) et en tubercules abondants dans la rég"ion des campos, mais il dévore de plus la chair des animaux morts qu'il rencontre. lo4. — L'espèce de Tatou considérée comme ayant à la fois des incisives et des molaires, malg'ré la ressemblance de toutes ces dents entre elles, mais parce que la première dent su- périeure de chaque côté est insérée dans l'intermaxillaire, constitue à elle seule le g-enre Dasi//nfs proprement dit, g^enre appelé Eiiphractus ^diV Wag'Ier. C'est le Dasypus (jilvipes d'Il- lig^er (Dasypus à pieds cendrés) ou tatu-poyu d'Azara. Au Bré- sil, il est connu sous le nom de tatu-peba^ ce nom màxen peba paraissant provenir des nombreuses g'aleriesou il creuse sous le sol avec rapidité, car c'est l'espèce de Tatou aui creuse le plus, et toujours il possède une multitude de chemins sou- terrains. Buffon l'a décrit sous le nom d'Encoubert. Ce nom dérive du mot portug'ais Encoberto (recouvert). Desmarest a conservé le nom donné par Buffon en appelant cette espèce le Dasypus Encoubert. Pour Linné, c'est le Dasypus sexcinctus ou Dasypus octodecimdnctus par suite dune erreur sur le nombre des bandes mobiles. A la mâchoire inférieure du Tatu-peba, F. Cuvier a re- g-ardé comme incisives les deux premières dents de chaque côté, parce qu'elles se trouvent en face de l'intermaxillaire en avant de la première dent supérieure insérée dans celui-ci, mais elles sont aussi de même forme que les autres molaires et placées sur leurs lig-nes. Ainsi, d'après F. Cuvier, le Tatu- peba aurait une incisive et huit molaires de chaque côté à la mâchoire supérieure et deux incisives et huit molaires à l'in- férieure. Mais on peut considérer aussi son système dentaire , comme composé simplement de molaires au nombre de neuf en haut et dix en bas de chaque côté, et, si on tient compte de la grande ressemblance de ce tatou avec les autres espèces 346 FAUNE DU BRÉSIL. placées par F. Cuvier dans le g'enre Tahisia, il faut convenir qu'il n'y a nullement lieu d'en faire un g'enre distinct de ce dernier, mais tout au plus un sous-g'enre, ou mieux une simple section du g-enre. Nous réunirons donc les g^enres Dasypus et Tatusia de F. Cuvier en un seul sous le nom indien de TafAi, orthog'raphe latine correspondant à la prononciation indienne et au mot francisé tatou. Ce mot possède d'ailleurs une finale existant dans plusieurs substantifs latins. Ainsi nous conserverons à cette espèce son nom indien de Tatu peba. Le Tatii-peba a à tous les membres cinq doig-ts armés d'ong-les forts, lég^èrement courbes, allong'és, de 2 centi- mètres de long-ueur, et plats en dessous, propres à creuser la terre. Sa tête est larg'e et aplatie, d'une long*ueur de 12 cen- timètres sur 8 de larg-eur. Les oreilles sont assez gTandes el de 2 centimètres de long^ueur. Il a les jambes courtes. Les pieds, la tête et la queue sont cuirassés. Sa long'ueur depuis le museau jusqu'à l'orig-ine de la queue est de 52 centimètres, et celle de la queue est de 22. Sa cuirasse se compose, indé- pendamment des écussons des épaules et de la croupe, de sept bandes mobiles, composées de plaques rectang-ulaires, divisées long-itudinalement en trois parties, celle du milieu plus saillante, terminées toutes les trois par un bord con- vexe; deux et quelquefois trois poils assez long's naissent sous chacune de ces plaques. Le bouclier de derrière est composé de plaques semblables à celles des bandes mobiles, sauf à son extrémité postérieure. Au bouclier des épaules les plaques sont hexag-onales. La queue a sept anneaux occu- pant le premier tiers de sa long'ueur, le reste est couvert de plaques irrég*ulières. Quelques poils blanchâtres se montrent à la limite de la cuirasse, aux côtés de la tête et sous la g'org'e, la poitrine et le ventre; et, dans ces parties, la peau a un aspect g'renu. La septième bande mobile postérieure de la cuirasse est, suivant les individus ou l'âg-e, plus ou moins complètement libre dans sa partie centrale, laquelle peut pa- raître ainsi comme partiellement soudée à la cuirasse posté- FAUNE DU BRESIL. 347 rieure. C'est probablement à cette particularité qu'est due la ditïérence dans les descriptions de cet animal, représenté tantôt avec six, tantôt avec sept bandes mobiles. En réalité, il a toujours sept bandes mobiles à leurs extrémités, six au moins dans la totalité de leur extension. La cuirasse est blan- cbâtre, un peu gM'is-brun jaunâtre dans les boucliers, tou- jours pâle dans les bandes mobiles. Cette espèce est commune dans les provinces de Minas-Ge- raes et tout le val du San-Francisco. Ce n'est pas cependant l'espèce de tatou la plus répandue dans ces rég-ions. On la trouve d'ailleurs dans tout le Brésil méridional et au Para- g'uay. Sa nourriture consiste en fruits, racines tuberculeuses et insectes. Sa chair est peu estimée et très-inférieure à celle du Tatu-eté. Il court avec une vitesse modérée et on parvient à l'attraper à la course, mais il creuse avec tant de rapidité, et il possède tant de g^aleries que g-énéralement il disparaît avant qu'on puisse l'atteindre. Dans ses g*aleries, il est im- possible de le prendre , tant elles sont multipliées et em- branchées. Il sort de ses terriers le jour et la nuit, mais sur- tout le soir. Quand on le possède en captivité, dans des conditions où il ne peut disparaître dans le sol, il s'aplatit contre la terre, dans le but de se trouver protég'é par sa cuirasse. 155. — Les autres espèces de tatous dont nous avons main- tenant à parler, composent le g^enre Tatusia de F. Cuvier, et sont caractérisées par l'absence d'incisives, ou, plus exacte- ment, aucune de leurs dents ne s'insère dans l'os intermaxil- laire, car, en réalité, le Tatu-peba lui-même ne peut être re- g^ardé comme possédant de véritables incisives. C'est donc parmi les Tatusia de Fr. Cuvier que se place le tatou le plus commun et le plus répandu au Brésil, et qui y est désig^né dans la lang^ue indienne sous le nom de Tatu-eté (tatou vrai), nom auquel les Brésiliens ont substitué la traduc- tion du dernier mot dans la lang'ue portug^aise en l'appelant Tatii verdadeiro. Cette espèce est d'ailleurs le Tatuètede Buffon, nom tiré de celui de Tatu-eté. Il est aussi appelé par le même 348 FAUNE DU BRÉSIL. naturaliste Gachicame. L'étymolog'ie de ce dernier nom m'est inconnue et je le suppose altéré. Cet animal a été décrit par Marcg'raaf sous son vrai nom de Tatu-eté, mais la g-ravurc représentant cette espèce s'étant trouvée par erreur placée dans l'ouvrag-e du dernier auteur avec la description du Tatu- peba, il en est résulté une confusion assez gTande, et Desma- rest et Guvier ont rapporté à cette espèce le Tatu-peba de Marc- g^raaf : de là le nom de Tatusia Peba donné par Desmarest à l'animal dont nous nous occupons, tandis que le Tatu peba de Marcg'raaf, si on se rapporte à sa description, est bien réelle- ment l'espèce précédemment décrite sous ce nom, et Marc- g'raaf n'a fait aucune erreur. Le nom choisi par Desmarest ne peut donc être adopté pour celte espèce, et nous lui conser- verons son nom indien de Tatu-eté, en remplaçant, si on veut, le mot été par son correspondant le nom verus. Chez le Tatu-eté, quand le développement de l'animal est complet, le nombre des bandes mobiles est constant et non variable comme l'ont cru la plupart des naturalistes, et cela en gTande partie par suite des confusions que nous venons de relever. Ce nombre est de neuf d'une manière invariable, et la bande postérieure, très-serrée au centre contre le bouclier de la croupe, n'est pas parfaitement libre en ce point, de sorte qu'il y a huit bandes réellement mobiles en totalité. Sous ce rapport, le nom de Dasypus octocinctus donné à cette espèce par Linné ne manque pas d'une certaine vérité. Le prince Maxi- milien de Neuwied lui a donné le nom de Tatou à long'ue queue, Dasypus longicaudatus, mais il paraît l'avoir confondu avec le Tatu mirim. Cette queue a environ 32 centimètres de long-ueur, tandis que celle de la carapace est de 40 centi- mètres et celle de la tête de 11, ce qui donne 51 centimètres de long-ueur depuis le museau jusqu'à l'orig^ine de la queue. La couleur de la carapace est gTis noirâtre sur le dos, blan- châtre sur les flancs, mais la couleur vient de celle de l'épi- derme, car, en enlevant ce dernier, le test est blanc-jaunâtre. Les femelles sont plus pâles sur le dos que les mâles. La tête du Tatu-eté est très-allong-ée, et plus petite que FAUNC DU BRÉSIL. 349 celle de la plupart des autres espèces comparativement au vo- lume du corps. Des plaques arrondies la recouvrent jusqu'à l'extrémité du museau. Les pieds sont cuirassés en dessus, les membres antérieurs, en dehors, portent des bandes mo- biles et ont 10 centimètres de long-ueur. Les membres pos- térieurs montrent des traces de cuirasse et ont 15 centimè- tres. La peau de l'intérieur des membres est nue et blanchâtre. Les boucliers des épaules et de la croupe sont formés de pla- ques hexag'onales, petites et bombées, disposées d'une manière très-rég^ulière. Les plaques des bandes mobiles sont ovales, la queue est conique et couverte de onze anneaux formés de deux ranges annulaires de plaques et occupant les deux premiers tiers de lalong-ueur; le douzième anneau forme le dernier tiers de la queue et est composé d'un g-rand nombre de séries de plaques. Sur le ventre existent aussi quelques plaques ru- dimentaires mêlées de quelques poils i^oussâtres et indiquant une tendance au cuirassement. Cet animal n'a que quatre doig-ts aux pieds de devant, cinq à ceux de derrière. Son système dentaire se compose de huit molaires en haut et huit en bas de chaque côté ; mais, dans un exemplaire que j'ai vu et dont j'ai g-ardé le crâne, il y a neuf molaires en bas à g-auche et huit à droite. Le nombre des mamelles est de qua- tre. Des quatre mamelles, deux sont pectorales comme chez les autres tatous dont nous avons parlé, deux sont ing'ui- nales. Les oreilles sont nues, les ongulés assez longes et recour- bés, de section triang'ulaire. Cette espèce est non-seulement la plus commune, mais aussi la plus répandue. On la trouve dans tout le Brésil aussi bien qu'aux Guyanes et au Paragaïay. On la chasse pour sa chair qui est de très -bonne qualité; et, à cause de cette parti- cularité, on l'appelle parfois au Brésil tatu-veado (tatou-cert), et plus g"énéralement tatu-g^allinha (tatou-poule), nom que porte aussi une autre espèce encore plus délicate, le Tatu mirim, parce que sa chair blanche ressemble tout à fait pour le g'oût et l'aspect à celle du poulet. Le Dasypus uroceras de Lund a été reconnu ultérieurement 3oO FAUNE DU BRESIL. par cet auteur lui-même comme identique au Tatu-eté. Le D' Lund s'est en effet aperçu que le caractère sur lequel il avait fondé cette espèce était un accident de la queue dû à une altération par le travail des puces pénétrantes. M. Burmeister cite donc à tort le Dasypus uroccras comme une espèce du Brésil. Cette espèce n'existe pas. La nourriture du Tatu-eté consiste surtout en racines et insectes. Dans les plantations il attaque particulièrement les patates, le manioc doux et même le manioc ordinaire. La canne à sucre, les grains comme le maïs et les fruits sauva- g-es tombés, sont aussi mang'és par lui. Cette espèce est exces- sivement abondante dans les Campos. Dans le val du haut San-Francisco, quoiqu'elle ne fasse pas autant de g*aleries que le Tatu-peba, nous rencontrions à chaque pas ses ter- riers. On la voit aussi dans les lieux les plus habités et même aux environs de Bio-de-Janeiro. Les Tatu-eté fouissent avec une g-rande vitesse, mais pas si vite que le Tatu-peba, et courent assez rapidement. Dans les Campos, ils disparaissent très- vite dans les nombreux trous dont ils ont sillonné le sol. Ils sont plus nocturnes que diurnes, quoique paraissant sou- vent le jour. J'ai saisi un jour par la queue un de ces ani- maux qui commençait un trou pour s'enfuir. Toute ma force a été insuffisante pour l'arracher de là, et il m'a fallu l'aide d'un fort nèg"re. Le Tatu-peba est encore plus fort que le Tatu-eté. Le Taki mirim (tatou petit) que je viens de citer tout à l'heure est aussi appelé par les Brésiliens tatu de folhas (tatou de feuilles), parce qu'il vit dans les bois au milieu des feuilles sèches sous lesquelles il se cache sans creuser de ter- riers comme les autres tatous. Le D' Lund est le premier au- teur qui l'ait signalé comme distinct du précédent et sous le nom de Dasypus mirim, que Lesson, adoptant le g^enre Tatusia de Guvier, a transformé en Tatusia mirim. Il est très-répandu dans la province de Minas-Geraes, mais seulement dans les bois, et on ne le rencontre pas dans les Campos comme le Tatu-eté. Sa taille n'atteint g'uère que la moitié de celle du FAUNE DU BRÉSIL. 351 Tatu-eté, et il s'en disting'ue par son museau plus allongée dont la cuirasse forme en avant un bord saillant. Il a dix liandes mobiles dont la dernière est presque fixe au centre et serrée contre le bouclier de la croupe. Sa couleur est g-ris plombé noirâtre. Jl a d'ailleurs les plus gTands rapports d'as- pect avec le Tatu-eté. Comme ce dernier, il a buit molaires à cbaque mâchoire, de chaque côté, mais la dernière est tout à fait rudimentaire. Quand cet animal cherche sa nourriture au milieu des feuilles sèches, il fait g-énéralement un g'rand bruit par lequel il décèle sa présence. Il ne fuit pas, s'aplatit contre terre en courbant la tète sous le corps et on peut le prendre à la main. Ses ong'les, suivant la remarque de Lund, ne sont jamais salis par la terre arg^ileuse comme ceux des autres tatous. Ce fait confirme le dire des habitants du pays d'après lequel il ne creuse pas. Une autre espèce habitant ég-alement dans les provinces de Rio-de-Janeiro et de Minas-Geraes et même dans tout le Brésil jusqu'aux Guyanes et au Parag^uay, est le Tafu ay d'A- zara, appelé aussi au Brésil tntu de rabo molle (tatou à queue molle). C'est le Dasypiis uni chic tus ou Dasypus duodecimcinctus de Linné, le Dasypus gymnurus d'illig^er et le Xenurus nudi- caudus de Lund qui adopte le g^enre Xenurus àeV^^gler . Cette espèce est le premier des deux Cabassous décrits par BufTon. Cet animal a la queue nue en dessus et possède des écailles sous cet org'ane dans sa seconde moitié, caractère tout à fait semblable à celui qu'x^zara donne à son Tatu-ay. Comme il existe d'ailleurs la plus gTande ressemblance entre le Tatu de rabo molle du Brésil et le Tatu-ay d'A- zara, il ne reste pas le moindre doute sur l'identité des deux espèces. Cuvier a décrit à tort un Tatu du Brésil comme ayant sur la queue des écailles dispersées et comme différent du Tatu-ay d'Azara : c'est une erreur, comme l'a fait remar- quer avec raison le D' Lund. La tête du Tatu-ay est lég-èrement bombée, son museau est long' et d'une couleur plombée obscure comme le reste du corps. Sa long-ueur totale jusqu'à l'orig'ine de la queue ne 3S2 FAUNE UU BRÉSIL. dépasse g-uère 50 centimètres, et celle de sa queue atteint à peine 20 centimètres. Ses oreilles sont gTandes et rondes. En haut il a huit dents et en bas sept de chaque côté. Tous les pieds ont cinq doig-ts et les mamelles au nombre de deux sont pectorales. Ses bandes mobiles sur le dos sont au nombre de douze et formées de plaques rectangulaires. Cette espèce, moins commune que le Tatu-eté, se rencontre cependant assez fréquemment. Desmarest lui donne le nom de Dasypus tatouay. Celui de Tatu-ay renferme à la fois une désignation g'énéri- que et une désig^nation spécifique dans la langue g'uarani, et dès lors suffît à le désigner. Les habitudes du Tatu-ay sont à peu près identiques à celles du Tatu-eté, toutefois il habite les forêts de préférence aux Campos. Son nom de Dasijpus iinicinctus, donné par Linné, vient de ce que le descripteur du cabinet de Seba a pris pour une seule pièce l'ensemble des douze bandes mobiles, d'ailleurs assez rapprochées les unes des autres. Un autre tatou commun dans le nord du Brésil est connu dans l'empire sous le nom de Tatu-bola (Tatou-boule), parce qu'il rentre sa tête et ses pattes sous le fond de sa carapace et se roule en boule, entièrement protégée d'ailleurs sous cette forme par son bouclier. J'ai vu cette espèce dans le bassin du San-Francisco, à la Villa-da-Barra-do-Rio-Grande, mais il ne se rencontre pas dans le sud de ce bassin. Il est commun dans la province de Piauhy. Cette espèce est l'Apar de Buf- fon, et la description de cet auteur^ faite d'après Marcgraaf, est la plus exacte de celles qui en ont été données. Les natura- listes subséquents ont tous plus ou moins altéré cette descrip- tion, en le confondant avec le mataco d'Azara, lequel vit dans les Pampas, et paraît en être très -différent, car on ne le trouve génère sinon au sud du 30" au 35° de latitude. L'Apar de Bufïon au contraire, le Tatu-bola du Brésil, est du nord de l'Empire. Ce dernier est le Dasypus tricinctus de Linné. Il a cinq doig'ts à tous les pieds, et non quatre seulement aux pieds de devant, comme l'affirme Cuvier. Ce dernier caractère paraît appartenir à l'espèce des Pampas, qui se roule en boule FAUNE DU BRÉSIL. 353 comme celle du Brésil et a de même seulement trois bandes mobiles et largues. C'est là sans nul doute la source de la confusion. Le Tatu-bola, le vrai Dasypus tricinctus de Linné, était ap- pelé par les Indiens Tatu-apar, apar sig"nifiant roulé dans leur lang"ue. Nous lui conservons donc ce nom de Tatu-apar. Dans cette espèce, les écailles des boucliers de la croupe et des épau- les sont polyg-onales, la majorité en hexag*ones plus ou moins rég'uliers, et les écailles des trois bandes sont rectang-ulaires. La queue est très-courte et écailleuse, de 5 à 6 centimètres de long^ueur. Le corps a environ 35 centimètres de long-ucur, et les bords antérieurs et postérieurs de la carapace font saillie, de sorte que, si l'animal se roule en boule, ces deux bords se rejoig'nent. La peau du ventre est presque nue, sans trace décailles rudimentaires et avec quelques poils seulement. Sa carapace est de couleur g-ris un peu foncé et lég-èrement brunâtre. Elle est très-forte et très-solide. Les bords sont très-résistants, et la force de l'animal pour la fermer en boule est telle, que si un doigi se trouvait pris entre les bords de cette carapace, il serait coupé. Quand ce tatou est roulé en boule, la force de deux personnes est complètement insuffi- sante pour le dresser, comme je m'en suis assuré par l'expé- rience. Cette contraction se fait au moyen de deux g'rands et largues muscles sous-cutanés dont l'irritabilité après la mort est très-remarquable. Dans un de ces animaux dont j'avais retiré le corps en ne laissant que la peau, pour la remplir et la con- server, il suffisait de toucher ces muscles avec la pointe du scalpel, plus d'une heure après, pour que la carapace se fermât brusquement à moitié. La nourriture de cet animal consiste en fruits, gTaines et insectes. Roulé, on peut le lan- cer à distance, comme un boulet jeté à la main, sans qu'il s'ouvre ni qu'il en souffre. Le Tatou velu d'Azara, connu sous le nom de Tatu veludo dans la Banda orientale, le Dasypus villosus de Linné, se voit peut-être aux limites extrêmes sud du Brésil. Il a environ 45 centimètres de long'ueur jusqu'à l'orig-ine de a queue qui 23 334 FAUNE DU BRÉSIL. a environ 13 centimètres. Cette dernière est ronde etannelée à sa base. Des poils nombreux, bruns et très-long-s, sortent de dessous les écailles du dos, et cette espèce doit à ce carac- tère son nom spécifique de villosus. Le ventre et les pattes sont aussi plus velus que ceux des autres espèces. lia cinq doig-ts à tous les pieds et deux mamelles pectorales. Le Tatu-mulita d'Azara {Basypus hybridus de Desmarest) se trouve dans la même rég-ion que le précédent. Il est noir et sa carapace est très-lisse. Son museau est allong-é et il a de cinq à sept bandes mobiles à la cuirasse. Il est plus petit que le Tatu-veludo, et n'a que quatre doig'ts aux pieds de devant. Peut-être ne faut-il voir dans cette espèce qu'une variété du Tatu été. Le Tatu pichy d'Azara {Dasypus minutus de Desmarest) est ég'alement de la même contrée que les deux précédents, il n'a g-uère que 27 à 28 centimètres de long-ueur. Sa queue est ronde, à peu près de la moitié de la long-ueur du corps. Sa cuirasse a six ou sept bandes mobiles formées d'écaillés rec- tang'ulaires. Sa queue est ronde et annelée à la base. Il a des poils bruns, sur le test et les parties inférieures, et le bouclier de la croupe est fortement denté sur son bord. Cette espèce a cinq doig'ts aux pieds de devant et deux mamelles pectorales. La patrie de cette espèce paraît s'étendre jusqu'au 42" deg*ré de latitude sud, où le froid de l'hiver est aussi vif qu'aux en- virons du 50^ parallèle nord. Ce n'est peut-être qu'une race naine du Tatu-peba, dont il se rapproche beaucoup. J'ai cité, d'après les descriptions qu'on en connaît, ces trois dernières espèces parce que ce sont, comme le Mataco d'Azara, des Édentés habitant des latitudes déjà assez élevées dans la zone tempérée, et ce fait est important pour que, de l'existence d'espèces quaternaires du même ordre hors des tropiques, on ne conclue pas à une plus g-rande élévation de la tempé- rature aux époques anciennes. 136. — A la famille des Tatous doit être encore rapporté un animal s'écartant très-peu des tatous proprement dits, mais en différant par l'absence du bouclier solide sur les épaules FAUNE DU BRESIL. 355 et la croupe. Il a des bandes mobiles dans toute la long-ueur du corps. Cet animal est le Ghlamyphore tronqué (Chlamy- phorns truncatus de Harlan) qui habite les Cordillères du Chili près de la ville de Mendoza. C'est une espèce rare dont les ha- bitudes sont peu connues. Il a huit dents molaires seulement de chaque côté à chaque mâchoire et cinq doig-ts à tous les pieds. Le corps est comme tronqué carrément en arrière, et la queue très-mince et accolée à cette ti^oncature semble au premier abord s'attacher sous le corps. Les ong'les de devant surtout sont très-forts et très-comprimés. Cet animal n'ap- partient pas à la faune du Brésil, mais il est si voisin des tatous dont la majorité des espèces connues existent dans l'Empire, et de plus lui-même habite si près des confins sud du Brésil, que je ne pouvais me dispenser de le mentionner. En somme, la famille des Tatous est tout à fait spéciale à l'Amérique du sud et notamment au versant atlantique de ce continent. 157. — La troisième famille de l'ordre des Edentés parti- culière à l'Amérique du sud est celle des Fourmiliers, Myr- mecophaga de Linné, de pp[x-/i^, fourmi, et cpaycd, manger, et cette famille est celle à laquelle convient réellement le nom d'Édentés, vu l'absence totale de dents. Trois espèces seulement composent cette famille, ce sont : 1" le Tamanoir de BufPon, Mi/rmecophaga juhata de Linné, appelé au Brésil Tamanduâ bandeira (Tamandua est le nom indien de ce g-enre d'animaux, et bandeira est un mot por- tug^ais qui sig'nifîe drapeau ou étendard. Ce dernier nom vient de la belle crinière de la queue de cet animal) ; 2'' le Tamanduâ désig^né au Brésil sous ce nom seul ou sous celui de Tamanduâ Mirim et qui est le Myrmecophaga tetradactyla de Linné, le Myrmecophaga tamandua de Desmarest, le Ta- manduâ de Buffon ; 3° le Fourmilier de Buffon, Myrmecophaga didactyla de Linné. F. Guvier a divisé en trois g*enres dis- tincts renfermant chacun une espèce le g'enre Myrmecophag"a de Linné, en réservant ce dernier nom pour le g-enre conte- nant la première des? 378 FAUNE DU BRÉSIL. ses de deux sous-g"enres, et quoique les déviations entre ces deux espèces dans la forme de la plupart des autres parties du squelette ne soient pas petites d'ailleurs, elles se rapprochent d'un autre côté l'une de l'autre dans d'autres parties à un deg*ré tel, qu'elles ne peuvent pas se laisser sé- ( parer d'après nos ossements, car les limites du jeu des différences individuelles des os, dans chacune des deux es- pèces en question, se mêlent et se lient entre elles de telle sorte que quelquefois un certain os d'un exemplaire du Scelidotherhim Bucklandii montre plus de ressemblance avec l'os correspondant d'un exemplaire du Scelidotherium ( Owenii qu'avec un autre exemplaire de cette espèce elle- ( même. Les différences dépendant de l'àg'e dans la même es- pèce sont aussi des plus g*randes, et notamment si impor- tantes relativement à la forme des dents qu'elles pourraient ( conduire les personnes peu exercées jusqu'à croire à une séparation g-énérique. Ceci notamment m'est arrivé dans la création du g-enre Sphenodon, lequel n'est autre que le Scelidotherium de un ou deux ans. Les dents surtout changent chez ces animaux, car la nature a adopté une série de dispositions en rapport avec chacune de leurs tail- les. C'est au point que les dents se présentent depuis la forme conique aig^uëtout à fait en pointe, jusqu'à ce qu'en- fin, par l'effet de l'usure, la surface servant à mâcher de- vienne plus gM^osse, à mesure que l'animal devient plus vieux. Ensuite, quand, chez les deux espèces en question, la taille est devenue à peu près celle des tapirs, ce qui, je présume, devait avoir lieu dans leur seconde année, la surface supérieure destinée à mâcher a reçu son dévelop- pement total, et les dents adoptent une forme complète- ment cylindrique. » Les Scelidotheriums étaient deg-rands animaux. Leur taille ég*alait et surpassait même celle d'un gTandbœuf. Ils avaient de chaque côté cinq dents en haut et quatre en bas, comme les Meg^atheriums, les Meg^alonyx et les ÎMylodons, mais dans leur forme, ces dents diffèrent de celles de ces trois g-enres. FAUNE nu BRESIL. 379 Les dents de la mâchoire supérieure ont leur section trian- g*ulaire avec ang'les arrondis, ainsi que la première dent de la mâchoire inférieure. A cette dernière mâchoire, les sec- tions de la seconde et la troisième ont la forme d'un trapèze à ang^les arrondis, dont les côtés parallèles sont courts rela- tivement aux autres, et ces dents sont placées presque trans- versalement; la quatrième est gTande, bilobée et avec sa g'rande dimension long'itudinale. L'apophyse descendantede l'arcade zyg-omatique descend verticalement et n'incline pas en arrière comme chez le Mylodon, elle est plus larg-e que chez le Meg^atlierium , et ne fait pas crochet comme chez celui-ci. La torsion des pieds aux membres postérieurs chez le Sce- lidotherium est fort remarquable. «Je puis g'arantir, dit Lund, « que, chez le Scelidotherium, la torsion des pieds a atteint le « plus haut deg-ré, c'est-à-dire, que le plan de la surface infé- (( rieure des pieds est exactement parallèle avec les jambes, et (( par conséquent à terre ces animaux ne pouvaient reposer « que sur le bord extérieur du pied. En même temps, la lar- « g-eur extraordinaire des pieds chez cet animal sejointà cette « première difficulté pour faire voir que la marche devait leur (( être encore plus difficile qu'aux Paresseux vivants. Le Sce- <( lidotherium avait donc de tous les animaux jusqu'ici con- « nus la plus petite surface relative d'appui sur le sol. » Au sujet des membres antérieurs, le même savant s'est attaché, par la discussion des détails anatomiques, à faire voir com- ment l'exercice dans les parties comprises entre l'extrémité des doig-ts et le milieu de la main est borné au plus haut deg*ré, et peut être reg-ardé comme presque nul , même dans les environs des g-riffes ; et plus tard, comme confirma- tion de ce point de vue, il a reconnu la fréquence des cas de jonction entre la première et la seconde phalang-e du doig^t, dans les deux espèces, et chez des individus d'un certain âg*e chez lesquels cette jonction avait dû s'opérer pendant l'ac- croissement Une soudure semblable s'observe très-sou- vent chez les Paresseux, mais jamais, comme le fait remar- 380 FAUNE DU BRÉSIL. quer Lund, chez les Edentés fouisseurs comme les tatous et les myrmécophag'es, chez lesquels le jeu des doig-ts dans l'acte de fouir s'y oppose. De là, il conclut que « chez les Sce- « lidotheriums, i° les mains servaient de crocs pour se cram- « ponner; 2° cet animal ne pourrait pas se tenir debout et « encore moins marcher dans cette attitude ; 3° les pieds de « derrière étaient spécialement org*anisés pour g-rimper. » Toutefois, comme des animaux de cette taille n'auraient pu gTimper dans les arbres pour aller chercher des feuilles aux extrémités des branches comme les Paresseux actuels, car celles-ci auraient rompu sous leur poids, le D' Lund émet l'o- pinion très-rationnelle qu'ils devaient se nourrir de plantes parasites, si abondantes dans ces réglions sur les troncs des arbres, et dont, sans compter les Foug'ères, les Broméliacées et surtout les Aroïdées, les Orchidées et les Cactées pou- vaient leur fournir un aliment de feuilles succulentes et tendres, en rapport avec la faiblesse de leur système den- taire. A l'appui de cette manière de voir, il cite d'ailleurs un fait excessivement probant, la g'rande fréquence de ces animaux dans les dépôts des cavernes. En effet, celles-ci se trouvent dans des rég'ions où les roches , le plus souvent dénudées, sont le siég-e d'une vég'étation parasite très- abondante^ surtout parmi les familles indiquées précédem- ment et même parmi les espèces croissant ég-alement sur les arbres, et ainsi ces animaux, en allant à la recherche de leur aliment favori, ont pu souvent tomber par les crevasses dans les g^ouffres des cavernes, où leurs os se trouvent si abondants. Or ce sont précisément les cavernes dont les entrées sont favorables à ce g^enre de chute, où on les trouve invariablement. Là, parfois eng'ag'és immédiatement dans des eaux calcaires, ils ont pu recevoir un commencement de pétrification, comme dans le cas mentionné dans la cita- tion faite précédemment. Cette explication est si naturelle et si en rapport avec la conformation de ces animaux, qu'elle comporte pour ainsi dire l'évidence. Peut-èti'e les Scelidotheriums avaient-ils, parmi les plantes FAUNE DU BRÉSIL. ;ts | parasites, une espèce de prédilection, comme aujourd'hui les Paresseux recherchent spécialement les Cecropias. Je noterai à ce sujet l'existence, parmi les plantes parasites du Brésil, d'espèces du g'cnre Ficm, g'enre non dédaig^né par les Bra- dypes vivant actuellement, quoiqu'ils leur préfèrent les Ce- cropias. De plus, le g-enre Ficus se voit dans la zone tempérée jusqu'à de g'randes latitudes. Il y a encore aujourd'hui dans l'Inde des Ficus parasites, croissant à de gTandes altitudes au-dessus du niveau de la mer, et dont la vég^étation se fait à basse température. Il est donc fort possible que les Sceli- dotheriums, trouvés aussi en Amérique dans la zone tempé- rée du sud jusqu'à Bahia-Blanca, aient recherché pour ali- ment des plantes de la famille des Urticées, comme les Cecropias et les Ficus actuels, et peut-être de ces deux mêmes g'enres , lesquelles plantes auraient été abondantes à ces époques. Dans ce cas , ils auraient eu à la fois un g-enre de vie et de nourriture tout à fait analog-ue à celui des Pares- seux, comme la similitude d'un g*rand nombre de caractères de leur org'anisation doit tendre à le faire croire. Les Scelidotheriums sont remarquables par la g-randeur et l'ampleur démesurée du bassin, la force et la larg-eur ex- traordinaire du fémur, comparable sous ce rapport à celui des Meg^atheriums, et le développement considérable de la queue, surtout vers l'orig-ine. Ces faits sont en relation, dit Lund, avec le vig-oureux développement nécessaire pour soutenir ces colossaux et pesants animaux contre le tronc des arbres, car tout l'effort devait se concentrer sur le train de derrière, toutes les fois que les bras devaient être libres, soit pour chercher de nouveaux points pour s'accrocher, soit pour atti- rer fixement vers la bouche l'objet devant servir de nourri- ture. Un caractère du même g^enre s'observe chez les Paresseux vivants, à un moindre degTé, il est vrai, mais, comme le fait remarquer le savant paléontolog-iste, on sait comment, avec l'accroissement deg'randeur dans les espèces, lag-rosseur des os croît plusvite que leur Ion g^ueur, et le caractère observé chez le Scelidotherium est uniquement l'aug-mentation corrélative 382 FAUNE UU BRÉSIL. à la masse dans l'état de choses existant chez les Paresseux. Pour preuve, il cite le Cœlodon précisément intermédiaire par sa taille entre les Scelidotheriums et les Paresseux, et où la relation en question se montre aussi précisément intermé- diaire dans le même rapport. Cette intéressante considéra- tion vient encore fortement à l'appui de la manière de voir de ce savant sur l'identité du mode de vie de ces divers ani- maux. Dans les derniers travaux du D' Lund, auquel nous avons déjà emprunté des faits si curieux relativement à l'org-anisa- tion du Scelidotherium, tous les doutes au sujet de la na- ture des tég-uments de cet animal sont entièrement levés. 11 avait déjà antérieurement remarqué, dans les cavernes, des écussons arrondis, couverts en g^énéral de petites masses len- ticulaires de la grosseur d'un pois jusqu'à celle d'une noi- sette, et composés d'une substance calcaire compacte, mais cependant montrant une structure org*anique dans les frac- tures. Ils se trouvaient en g'énéral réunis dans les mêmes masses de terre. Il pensa donc que ce devaient être des in- crustations calcaires dans la peau de quelque Még-athérioïde, car, d'après leurs bords arrondis , ils n'avaient pu former une cuirasse continue, et, d'un autre côté, le Scelidotherium était le seul g-enre dont la présence se fût montrée constam- ment avec eux dans les mêmes masses de terre. Cette circons- tance avait déjà appelé l'attention du savant paléontolog'iste, quand, en 1844, il trouva dans une caverne les écussons en question avec un squelette de Scelidotherium, dans une re- lation qui ne pouvait plus laisser le moindre doute sur leur orig^ine. Ils étaient visiblement étendus autour de ce sque- lette. « Cet animal, dit-il, avait donc une épaisse peau g-arnie « d'inég-alités en forme de verrues, et pénétrée d'incrusta- « lions en forme de boules. D'après cela, toutes les vrai- (( semblances sont qu'il n'était pas revêtu d'une épaisse cou- ce che de poils, mais seulement de poils en soie de cochon. » Il en était de même pour le Cœlodon, d'après d'autres obser- vations analog-ues du même savant relativement à cette es- FAUNK DU BUÉSII.. .{SH pèce, et il fait remarquer que eelte eirconstaucc rend pro- bable une nature de tég-ument du même g-enre pour les autres animaux Még*athérioïdes alliés à ces deux g-enres par tant d'affinités. Il y a là évidemment un passag'e à la cuirasse continue du Glyptodon, cbez lequel existe encore l'apophyse de Farcade zyg*omatique caractéristique des Még'athérioïdes, et par con- séquent on suit ainsi une série de transitions entre les carac- tères les plus dissemblables chez les Bradypes et les Tatous. Dans la caverne où Lund a fait cette découverte, il a trouvé, dit-il, des individus des deux espèces des âg'es les plus dissem- blables et même des embryons encore à naître. Incontesta- blement, il est le paléontolog-iste ayant eu sous la main le plus g'rand nombre de spécimens complets de Scelidotherium et qui, après avoir observé cet animal à tous les ag'es, l'a fait connaître avec le plus de certitude. 170. — Dans la même caverne, il a trouvé un Cœlodon complet, animal de la taille d'un cochon et dont il n'avait encore eu connaissance que par des frag'ments nombreux, dont les premiers furent découverts à la caverne de Ma- quiné, d'où il lui avait donné le nom de Cœlodon Maquinen- sis. Ce squelette était cohérent et a, pour la plus g^^ande partie, été retiré en cet état. « Cette espèce, dit-il, se rappro- « che plus des Meg'atheriums qu'aucun des g'enres du « g-roupe Még-athérioide jusqu'ici connu , et il peut être « considéré comme faisant avec lui un sous-gn^oupe parti- ce culier caractérisé par la position des gTiffes aux mem- « bres antérieurs, lesquelles appartiennent aux deuxième, (( troisième et quatrième doig'ts, tandis que chez le Megalonyx^ « le Scelidotherium et le Mylodon, elles occupent le premier, (( le deuxième et le troisième. Dans la jeunesse, les dents (( sont faites presque comme chez le Megatherium, c'est-à-dire, « qu'elles sont pourvues de deux crêtes tranchantes et trans- « versâtes d'émail résidant d'abord à quelque distance en « dedans des bords antérieur et postérieur. Mais ces crêtes, « avec 1 âg'e, s'avancent continuellement plus près des bords, 384 FAUNE DU BRÉSIL. « de sorte qu'elles finissent par faire bord elles-mêmes, et « laissent entre elles une surface creuse pour mâcher, d'où « a été tiré le nom g*énérique de ces animaux. Le nombre « de ces dents est de quatre (de chaque côté), à la mâchoire " supérieure comme à l'inférieure. » Par ce caractère, cet animal s'éloigme du Meg'atherium, car celui-ci a cinq dents au lieu de quatre à la mâchoire supérieure, la cinquième plus petite. Peut-être, dit Lund, avec le progTès de l'âg'e, cette cinquième dent pourrait-elle sortir chez le Cœlodon. C'est un fait sur lequel de nouvelles découvertes de restes de cet animal pourront seules nous instruire. Mais le Cœlodon a aux membres postérieurs deux doig-ts armés d'ong*les, le deuxième et le troisième. En cela , il s'écarte du Meg^a- therium, où un seul ong"le existe aux pieds de derrière, de la même manière que le Scelidothemim Bucklandii s'é- loig-ne du Scelidotherium Owenii. Les ong-les du Cœlodon sont comprimés latéralement, sa queue est très-forte et ses pieds sont obliques, non par l'articulation des os de la jambe avec l'astrag^ale, mais par la disposition des articula- tions suivantes. A la mâchoire supérieure, les molaires anté- rieures sont plus petites, elles ressemblent à s'y méprendre à celles de l'Aï, Bradypits tridactylus, tandis que, dans la jeu- nesse, les dents rappellent celles du Meg-atherium. Il y a là encore un rapprochement dig'ue d'être remarqué entre cet animal g^g'antesque et les Paresseux. 171. — Le Meg'atherium Laurillardii de Lund est connu seulement par quelques frag-ments. Les deux dents fîg"urées par ce savant ressemblent à s'y méprendre, sauf la taille, à celles de lag'rande espèce du g-enre, le Bîegatherium Ciwieri, découvert dans le nord comme dans le sud de l'Amérique. C'est donc suivant toute apparence un jeune individu de cette g-rande espèce, la seule connue et qui habitait les deux Amériques. Comme les Scelidotherium, les Megatherium sont remarquables par le développement extraordinaire de leur bassin et la force des cuisses. Leur fémur possède au moins trois fois l'épaisseur de celui des plus forts éléphants, quoique FAUNE DU BRÉSIL. 385 la taille de l'animal n'attcig'nît pas tout à fait celle de ces der- niers, mais elle dépassait de beaucoup celle des plus grands rhinocéros actuels, et elle est comparable à celle d'un élé- phant moyen. Ils montrent d'ailleurs de très-g-randes analo- g'ies avec le Scelidotherium, mais leurs pieds postérieurs ne sont pas obliques, comme chez ces derniers ; le manque d'on- g'iesaux doigis externes établit cependant un rapprochement sous ce rapport, et fait que l'animal devait s'appuyer sur le côté externe des pieds. Comme les Paresseux, les Mylodons, les Scelidotheriums et les Sing-es, ils ont aux membres anté- rieurs la rotation du bras, par suitedela rotation libredu radius autour du cubitus ; les énormes apophyses dont ils sont pour- vus indiquent même une très-g*rande force dans cet acte de rotation. D'un autre côté, les fémurs ne sont pas articulés pour une marche facile, car la cavité cotyloïde est tout à fait en dessous, et par conséquent le fémur s'articule avec elle de manière à supporter tout le poids du corps sans obliquité. Ce caractère de solidité des parties postérieures, en même temps peu propre à la marche, l'analog-ie de l'ampleur du bassin et de la disposition des bras avec celle des Paresseux, tend évi- demment à leur faire supposer un g-enre de vie comparable, et ils ne devaient pas, sans nul doute, être chasseurs et car- nivores, tant d'après cette disposition des membres que d'a- près celles des dents, mais ils devaient se nourrir de matières vég-étales. Les considérations présentées au sujet du Scelido- therium leur sont applicables. Toutefois, ils s'éloig-nent un peu plus des Paresseux par leurs dents propres à une alimen- tation de matières vég-é taies assez dures, et peut-être man- geaient-ils les jeunes tig-es de g-raminées arborescentes, ou bien avec leurs membres antérieurs creusaient-ils la terre pour chercher les racines volumineuses de certaines plantes, à l'instar des Tatous, et probablement des Glyptodons. Leurs restes, plus rares dans les cavernes que ceux des Scelidothe- riums, semblent indiquer une moindre fréquentation des ro- chers. Quant à l'opinion d'Owen, d'après laquelle ils déraci- naient les arbres pour mang-er leurs feuilles, elle ne supporte 25 386 FAUNE UU BRÉSIL. pas examen. Dans les contrées tempérées, où on rencontre aussi leurs restes, les arbres n'ont pas de feuilles toute l'an- née, et dans les contrées intertropicales, où on les trouve aussi, les forêts sont trop eng'ag-ées par les lianes, et les arbres se soutiennent trop les uns et les autres pour pouvoir être mis a terre si facilement. De plus, dans les régions cen- trales et sèches, il y a une saison où les arbres n'ont pas de feuilles. D'ailleurs, la taille de ces animaux leur permettait d'atteindre très-haut dans les arbres en se dressant ; ils pou- vaient peut-être même gTimper à la base des g-ros troncs, et y atteindre une multitude de plantes parasites. Peut-être s'a- dressaient-ils à la tête de quelques palmiers nains ou de quel- ques musacées, et, quant aux feuilles d'arbres proprement dites, s'ils ont recherché cet aliment, les arbustes et les jeunes arbres de leur taille pouvaient leur en fournir tout autant que le travail de renverser les g-rands arbres forestiers. Des ossements de Meg-atherium ont été trouvés dans les Pampas, et aussi dans la partie sud des Etats-Unis. L'espèce semble être identique dans ces rég-ions. Comme nous venons de le voir, cet animal a aussi habité les tropiques. Il n'est donc pas étonnant de trouver son espèce répandue dans les latitudes moyennes des deux hémisphères dans le même continent. On comprend facilement une gTande extension g'éog'raphique pour un animal de cette taille. Peut-être y a- t-il eu dans cette espèce deux ou plusieurs races sensiblement identiques par leur squelette, comme cela paraît avoir lieu ipour le Mep/i? fis et le g-rand Sarig'ue, lesquels appartiennent aux deux Amériques. Mais il n'y a pas de motifs, comme l'a fait M. J. Leydy, pour séparer le Meg'atherium de l'Amérique du nord de celui du sud, et en faire deux espèces, sans autre base pour cela que la distance. Je comprendrais ce mode de procéder pour un animal de l'Amérique du sud et un autre d'Eu- rope ou d'Asie, ou encore pour des espèces des zones tempé- rées du nord et du sud manquant au tropique intermédiaire, mais il n'y a pas lieu quant à présent d'admettre sûrement plus d'une seule espèce de Meg'atherium, le Megatherhmi Cu~ FAUNE DU BRÉSIL. 387 vieri^ laquelle, sans doute, a pu former une seule race ou plu- sieurs races très-voisines, ne pouvant être disting^uées par les squelettes. 172. — Le g-enre Meg-alonyx ne me paraît avoir été trouvé sûrement jusqu'ici que dans l'Amérique du nord, car, comme nous l'avons vu, il faut le rayer de la liste actuelle des mam- mifères fossiles du Brésil. A part cela, je ne le vois cité dans l'Amérique du sud qu'à la localité de Punta-Alta dans la baie de Bahia-Blanca, et cette citation se rapporte seulement à une mâchoire très-incomplète et très-détériorée , rapportée par Darwin et supposée par Owen provenir d'un Meg"alo- nyx, à l'époque où Lund plaçait aussi ses Scelidotheriums dans les Meg^alonyx. Or le g-enre Scelidotherium a été trouvé sur ce même point, et très-probablement la mâchoire en question doit lui être référée. Le g'enre Scelidotherium n'a été au contraire sig-nalé jusqu'ici que dans l'Amérique du sud, où il semblerait ainsi être le représentant des Me- g-alonyx. Le g'enre Mylodon, assez voisin des Scelidotheriums et in- termédiaire entre eux et les Meg^atheriums, a été trouvé dans les deux Amériques. Il a dû exister aux confins sud du Brésil, car le Mylodon robustus, qui pouvait avoir 3 mètres de lon- g"ueur sans la queue, a été trouvé aux environs de Buénos- Ayres, et le Mylodon Darwinu, espèce un peu plus petite, à Bahia- Blanca. L'espèce de l'Amérique du nord est différente, et forme le Mylodon Harlani. Ce g^enre a manqué jusqu'ici dans les ca- vernes du Brésil, et n'a pas été sig^nalé entre les tropiques. Enfin, il existe encore un g'enre jusqu'à présent particulier à l'Amérique méridionale, et qui a dû habiter les confins sud du Brésil, car il a été trouvé près de Buénos-Ayres. C'est le g'enre Lestodon, dont la première paire de molaires a un as- pect caniniforme comme chez le Bradype vivant Unau, et dont le squelette ressemble d'ailleurs beaucoup à celui du Mylodon. On en a décrit deux espèces, le Lestodon armains, de la taille du Mylodon rohustus, et le Lestodon myloides, dont les dents caniniformes sont moins écartées des molaires. Ce 388 FAUNE DU BRÉSIL. dernier paraît intermédiaire entre le Lestodon armatiis et le Mylodon robustus. Au sujet de la présence dans la zone tempérée du sud, de quelques Edentés fossiles spéciaux à elle et non existant entre les tropiques, je rappellerai ce que j'ai dit précédem- ment au sujet de quelques espèces de Tatous de la même zone , ég-alement étrang'ers au Brésil, FAUNE DU BRÉSIL. 389 IV MAMMIFÈRES ONGULÉS. Définition du groupe désigné ici sous le nom de mammifères ongulés. Il comprend les deux ordres des Pachydermes et des Ruminants de Cuvier. — Exposition des motifs militant en faveur de la conservation de ces deux ordres. — Description des Pachydermes vivants du Brésil. — Description des Ruminants vivants du même pays. — Pachydermes et Ruminants fossiles du Brésil. 173. — Nous réunissons sous le titre de ce chapitre le g'roupe des mammifères monodelphes à membres libres, constitués pour la marche sur la terre ferme, et hétéro- dontes, c'est-à-dire à dents de forme variée ou de plus d'une sorte, dont les doig-ts, eng^ag^és fortement dans la peau ou dans un sabot corné, présentent par là le caractère que nous avons, à l'instar de beaucoup de naturalistes, défini sous le nom d'ong-ulé. Ce dernier caractère, aussi bien que l'absence corrélative de clavicules, appartient en partie au g'roupe précédent dont beaucoup d'espèces n'ont pas les doig'ts bien libres; mais le caractère tiré des dents sert à établir la distinction avec les réserves d'ailleurs indiquées dans le chapitre précédent. En réalité, le nom de mammifères on- g-ulés ne suffît pas à définir à lui seul le gToupe dont nous allons nous occuper, et nous l'employons seulement par 390 FAUNE DU BRÉSIL. abréviation pour désig*ner les mammifères à la fois mono- delphes, g-éotliériens, hétérodontes et ong*ulés. Les mammi- fères réunissant l'ensemble de ces caractères constituent deux ordres dans la classification de Cuvier, Tordre des Pachy- dermes et celui des Ruminants. Ce dernier ordre constitue un g"roupe parfaitement défini par la faculté de ruminer et com- prend des animaux offrant entre eux la plus g-rande analog-ie dans leur conformation, leur système dentaire et leur g^enrede vie. C'est donc un gToupe naturel. 11 est loin d'en être de même pour l'ordre des Pachydermes^ dont on ne peut réelle- ment définir l'ensemble, dans le g-roupe g'énéral faisant l'objet de ce chapitre , sinon par le caractère nég'atif de ne pas ru- miner, car cet ordre réunit des animaux très-dissemblables non-seulement par leurs formes g'énérales, mais encore par un gTand nombre de caractères anatomiques importants. Il renferme dix g'enres vivants, pour la plupart si différents entre eux qu'au lieu d'un seul ordre, on pourrait en faire sept ou huit distincts. Ces dix g'enres sont ceux des Eléphants, Rhinocéros, Tapirs, Damans, Chevaux, Hippopotames, San- g'iiers, Phacochères, Rabiroussas, Pécaris. Ce dernier est ex- clusivement américain et constitue avec deux espèces du g-enre Tapir les seuls représentants indig'ènes de l'ordre en question dans le nouveau continent. La dissemblance si frappante entre ces divers animaux a déterminé un g-rand nombre de naturalistes à subdiviser l'ordre des Pachydermes de Cuvier en plusieurs autres, et il est inutile d'entrer ici dans le détail de tous les groupements proposés. Mais à mesure que les recherches paléontolog^iques nous ont fait connaître un plus g'rand nombre d'espèces fossiles, les distances entre les g'enres indiqués ci-dessus se sont effa- cées par la découverte de nombreuses espèces intermédiaires formant non -seulement des g'enres, mais parfois même des tribus entières, par lesquelles se trouvent unies toutes les formes aujourd'hui vivantes placées par Cuvier dans son ordre des Pachydermes. Les Chevaux eux-mêmes ont été re- FAUNE nu RRKSII.. ;i!ti Jiés aux Tapirs et ceux-ci à leur tour aux Rhinocéros, au moyen de ces formes intermédiaires et d'une manière intime. Quant aux Éléphants, encore bien distincts par leur forme anormale, on a vu aussi diminuer l'intervalle qui les sépa- rait des autres tribus précédemment nommées et notamment des Tapirs et des Rhinocéros. Aujourd'hui l'hiatus encore existant est déjà très-réduit. En présence de ces faits, l'ordre des Pachydermes peut très-bien être conservé conformément à la classification de Guvier. Mais ce n'est pas seulement entre eux que les Pachydermes se sont trouvés reliés par les découvertes paléontolog'iques. Une multitude de formes remarquables les lie aux Ruminants. Sous ce rapport, même dans la nature vivante, les Tapirs et le g'enre brésilien des Pécaris montrent dans la conformation de leur estomac un trait d'union entre ces deux g-rands gToupes, trait d'union auquel les découvertes paléontologn- ques ont donné une bien plus g'rande importance. Aussi, après les naturalistes dont la préoccupation avait été de subdiviser les ordres anciens des Pachydermes et des Ru- minants, sont venus d'autres qui, non-seulement ont rétabli ces derniers, mais ont même réuni ceux-ci en un seul. 174. — Je ne pense pas toutefois cette réunion bien légi- time, pour plusieurs raisons. D'abord, si nous considérons la nature vivante seulement, la séparation des Ruminants et des Pachydermes est fondée sur le fait de ruminer ou de ne pas ruminer. Les Tapirs et les Pécaris ne ruminent pas. Donc, dès qu'on maintient la sé- paration des deux ordres, leur place est définie sans ambi- g^uïté dans l'ordre des Pachydermes, d'une manière indé- pendante de la particularité de leur canal intestinal dont nous venons de parler. Il y a dans le fait de ruminer ou de ne pas ruminer, un caractère net et précis, et des caractères de ce g'enre peuvent seuls donner de l'utilité aux classifications. Si maintenant nous examinons simultanément la faune vivante et la faune éteinte, nous trouvons bien en effet les deux g-roupes réunis par de nombreux intermédiaires; mais 392 FAUNE DU BRÉSIL. en même temps nous trouvons une transition non moins no- table à l'ordre des Edentés, et même des passag'es aux Cétacés. En se fondant sur les rapports établis par la faune fossile entre les ordres actuellement vivants, la réunion en un seul ordre ne devrait pas avoir lieu seulement pour les Ruminants et les Pachydermes de Guvier, mais encore cet ordre devrait comprendre les Edentés et probablement d'autres encore dont le nombre aug-mentera à mesure que les recherches paléon- tolog-iques, encore si incomplètes de nos jours, seront plus nombreuses et plus multipliées. On finirait donc de la sorte par supprimer tous les ordres, car évidemment la classe des Mammifères, au milieu de ses variations, offre un même type g*énéraL II ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a pas de classi- fication dans la nature, mais l'esprit humain, pour bien con- naître les êtres peuplant notre g^lobe et apprécier leurs rap- ports, a besoin de s'en faire une. Le but de cette classification est uniquement d'obtenir des noms collectifs simplifiant le lang'ag'e dans l'exposition des rapports des êtres entre eux, parce que ce mode de simplification est essentiel à la clarté de nos idées. Nous devons donc profiter de ce que, dans la nature vivante, apparaissent seulement, pour ainsi dire, des lambeaux du règ-ne animal considéré dans sa totalité, pour prendre dans ces lambeaux laissant entre eux des lacunes, les types servant de bases à nos classifications. Gela est d'au- tant plus nécessaire que la faune éteinte nous est connue uniquement par des frag^ments de chaque espèce, et ces frag*ments ne pourraient même pas être reconnus par nous si nous n'avions dans les types vivants pris, comme je viens de l'indiquer, les moyens de nous rendre compte de leur sig'nification. Mais, dira-t-on, où placer alors les espèces éteintes et in- termédiaires ? Ceci serait une objection sérieuse si ce classe- ment avait quelque importance, et s'il fallait à toute force rang-er ces espèces dans l'un ou dans l'autre des deux cadres admis et fondés sur l'étude des êtres aujourd'hui vivants. Mais ce placement n'est pas nécessaire. Ce qui donne de l'in- FAUNE DU BRÉSIL. 303 térêt à ces espèces éteintes est précisément ce caractère d'in- décision. C'est lui par lequel ces êtres sont le plus complète- ment définis. D'ailleurs, à cette objection sans valeur, j'oppo- serai une autre considération bien plus importante. Comment, si on supprime les ordres des Ruminants, des Pachydermes, desEdentés, etc., pour les réunir en un seul, de sorte que les noms de ruminants, pachydermes, édentés, etc., n'auraient pas de sens précis ; comment, dis-je, pourrait-on ensuite expri- mer d'une manière simple cette idée que le g-roupe actuel et en apparence si naturel des Ruminants se lie aux Pachy- dermes par les formes éteintes, et ceux-ci aux Edentés et ainsi de suite, par tel ou tel caractère? Evidemment à ces mots g*énéraux de ruminants, pachydermes, édentés, etc., il nous faudrait substituer la série des noms g-énériques, et même des noms spécifiques, car les g'enres se réunissent souvent par la faune éteinte comme les ordres, et pourraient finir par dispa- raître. Nous perdrions là évidemment l'expression simple et g"énérale, l'expression pour ainsi dire alg^ébrique, dans le but d'y substituer la série des noms particuliers. Or ceci dans les sciences naturelles correspond précisément à la suppres- sion de l'alg'èbre dans les mathématiques et à son remplace- ment par l'arithmétique. En réalité, le but des classifications n'est pas de rang*er les choses par ordre : et malheureusement les naturalistes les considèrent trop souvent sous ce rapport. Le but réel de la formation des classes, des ordres, des g^enres, est de fournir des expressions g-énérales et à des deg'rés divers de g*énéra- lité, à l'aide desquelles on puisse aisément exprimer les rap- ports et les différences des êtres entre eux. Par là, on obtient de la simplicité et de la clarté. En me fondant sur ces considérations, je crois donc de- voir suivre relativement aux Pachydermes et aux Ruminants la classification de Cuvier, c'est-à-dire, les reg-arder comme deux ordres distincts, et je diviserais les Pachydermes en plusieurs ordres, à cause des dissemblances des g-enres ac- tuels, si ce n'est qu'alors il faudrait former à peu près autant 394 FAUNE DU BRÉSH.. d'ordres qu'il y a de g'enres vivants. Or ceci n'aurait plus d'utilité, car ayant un mot pour désig-ner ceux-ci, il est inu- tile d'en constituer, sous la dénomination d'ordre, un second faisant double emploi avec le premier; et il suffit de diviser l'ordre en familles ayant pour la plupart un seul g^enre vivant, mais contenant avec celui-ci des g'enres fossiles; c'est donc le cas de profiter des rapports établis par la faune éteinte entre les divers g'enres vivants pour en constituer un ordre unique, lequel donne une désig'nation g-énérale souvent utile dans l'exposition des rapports des êtres. Mais c'est seulement dans des cas semblables que les considérations sur la faune éteinte peuvent lég-itimement entrer en lig'ne décompte pour la formation des ordres destinés à classer les êtres actuelle- ment vivants, ceux pour lesquels un bon classement est essen- tiel, car ce sont eux dont l'org^anisation peut être complète- ment connue de manière à fournir de nombreuses comparai- sons pour lesquelles des expressions g'énérales renfermant des groupes de divers deg'rés d'extension sont nécessaires à la clarté et à la simplicité de l'exposition et à la facilité des recbercbes. Vu le petit nombre des espèces du Brésil dans les deux ordres des Pacbydermes et des Ruminants, nous n'en faisons pas toutefois deux cliapitres distincts; mais nous traiterons d'abord des espèces vivantes de ces deux ordres, en com- mençant par les Pacbydermes, et nous nous occuperons ensuite des espèces fossiles. 175. — Nous commencerons dans les Pacbydermes par le g'enre Tapir, dont il existe seulement trois espèces vivantes, dont l'une appartient à rindo-Gliine et à la Malaisie. Les deux autres espèces sont de l'Amérique. On croyait que le Brésil en possédait une seule. Dans mon dernier voyag'e, j'ai pu m'assurer de la présence des deux espèces sur son territoire. Le tapir, le plus anciennement connu au Brésil, le Tapirus americanus de Gmelin, porte dans l'Empire, conjointement avec l'autre espèce, le nom à'Anta, et il en est disting-ué dans le val du San-Francisco par l'épithète de Sapateira, tandis que FAUNE nu BRÉSIL. 395 l'autre espèce porte le nom d'Anta Churé. Le nom de Sapateira est portug'ais et ne s'expliquerait nullement, comme qualifi- cation distinctive de l'une des espèces, puisque l'une et l'au- tre ont la peau épaisse et propre à faire des selles et des souliers, si ce n'est qu'il est la corruption du nom indien Gaba-tyra, poils redressés, lequel représente en effet l'un des caractères par lesquels cette espèce se disting-ue de l'autre, en ce que les long's poils du cou sont plus redressés. Les tapirs ont le nez prolong-é lég'èrement en petite trompe : cette particularité, malg*ré le faible développement de cet org-ane, les rapproche toutefois un peu de l'éléphant, et les tapirs de l'Amérique, surtout l'Anta sapateira, le Tapirus ame- ricanus des naturalistes, portent sur le cou une espèce de cri- nière comme le cheval, mais cette crinière est beaucoup plus courte que celle de ce dernier. La forme g-énérale du corps a bien aussi quelque chose de celle du cheval, quoique les pro- portions soient plus lourdes, et quoique la queue et les pieds diffèrent beaucoup de ceux de ce dernier quadrupède, ainsi que l'aspect de la partie antérieure de la tête, surtout à cause de la petite trompe. En réalité, dans son ensemble, la forme g*énérale des tapirs est intermédiaire entre celles du cheval, du cochon et des jeunes éléphants, mais plus rapprochée du premier. La queue est courte et sans crins, les oreilles en cor- net droit, mobiles comme celles du cheval, les yeux sont pe- tits et à pupille ronde. Cet animal a la lang'ue douce, et ses narines sont au bout de sa trompe. Celle-ci n'a au reste que quelques centimètres de long*ueur, et ne peut servir au Ta- pir pour saisir les objets, comme celle de l'Eléphant. Les pieds de devant sont pourvus de quatre doig-ts, dont les sa- bots sont courts et arrondis. En arrière, le Tapir a tiois doig'ts seulement. Les mamelles sont au nombre de deux et ing^uinales. Le système dentaire est composé de six incisives à chaque mâchoire, une canine et sept molaires de chaque côté à la mâchoire supérieure, une canine et six molaires à la mâ- choire inférieure, ég*alement de chaque côté : en tout qua- 396 FAUNE DU BRÉSIL. rante-deux dents. Les incisives sont assez petites, sauf les deux extrêmes de la mâchoire supérieure, plus g-randes que les canines de la même mâchoire et croisant en avant les canines d'en bas. Entre les canines et les molaires existe un espace assez long". Ces dernières dents sont en série continue. Dans leur squelette aussi bien que dans leur forme extérieure et g*énérale, les tapirs montrent des raoports avec plusieurs g-enres, notamment avec les rhinocéros et les chevaux pour la tête et le cou. Ils ressemblent surtout aux premiers pour la rég-ion postérieure du crâne, et rappellent davantag'e les se- conds par la rég'ion faciale et surtout par le cou. L'estomac des tapirs ressemble assez à celui des Pécaris, le seul g^enre américain de Pachydermes aujourd'hui vivant avec lui dans la partie chaude de l'Amérique du sud. Cet estomac est comme divisé en trois poches, par suite d'un fort développement des deux culs-de-sac de cet org-ane. C'est une analogue éloig-née avec l'estomac des Ruminants, et déjà nous avons cité dans les Bradypes, appartenant à l'ordre des Édentés de Cuviez, un caractère du même g-enre. Les femel- les ne font qu'un petit par portée. 176. — Le plus g-rand et le plus commun des deux tapirs du Brésil est le Tapirus amerkanus des auteurs, l'Anta sapa- teira du pays. Sa hauteur mesurée au train de derrière peut atteindre jusqu'à 1"\10, et même 1",15, et dans ce cas sa lon- g'ueur totale, corps et tête réunis, est de l'",80 environ. La peau est extrêmement épaisse, dure et couverte de poils peu fournis et courts, excepté sur le cou, où ils sont plus long*s et forment une petite crinière dressée. La couleur est d'un brun foncé assez uniforme, plus clair toutefois sur le cou elles cô- tés de la tête, et il y a à la base de l'oreille des poils blancs se prolong"eant sur les bords de cet org^ane. En 1553, Gomora sig-nala ce tapir dans les régnons de l'Orénoquesousle nom de Guarani de Çaba, iioilu. 11 est facile d'y reconnaître l'abrévia- tion du mot Çaba-tyra dont les Portug-ais ont fait Sapateira, et cela confirme l'orig-ine que j'ai indiquée pour ce dernier nom. Mais, outre le nom de Tapyra Çabatyra, il portait aussi FAUNE nu BRliSIL. 397 chez les Indiens celui de Tapyra-assn ouTapirassu, Icprind tapir, car, en 3 578, Lery rapporte ce nom comme donné par les Indiens qui habitaient la baie de Rio-dc-Janeiro. Quant au nom g'énérique de tapyra donné aux deux espèces avec des qualificatifs pour les disting-uer, il paraît dériver de tapy, épa?s, profond, et provient sans nul doute de l'épaisseur de leur cuir. Il répondrait donc précisément au mot de pachy- derme. Ces espèces ont eu leur nom américain conservé comme nom g'énérique par les naturalistes. Toutefois, il serait plus exact et plus conforme à l'origune du nom d'appeler l'espèce dont nous parlons en ce moment Tapyra americanaj plutôt que Tapyrus americanus, et comme il y a une seconde espèce en Amérique, il serait mieux encore de l'appeler Tapyra sabatyra. Ce tapir a des plis transversaux sur la trompe. La seconde espèce de tapir est l'Anta churé, du val du San- Francisco. Ce nom paraît une altération du nom icuré ou içitré^ donné par les Indiens pour qualificatif d'un des tapirs et qui nous a été conservé. Cette espèce est un peu plus petite et beaucoup plus rare que l'espèce précédente. Jusqu'ici elle n'a été sig^nalée au Brésil dans aucun ouvragée, quoique ce- pendant tous les habitants de l'inlérieur la connaissent par- faitement et la disting'uent fort bien de l'Anta sapateira. Au reste, on a longtemps iguioré l'existence de plus d'une sorte de tapir dans l'Amérique, et on doit à M. Roulin la première description de la seconde espèce trouvée, conjointement avec la première, dans les Andes-Colombiennes, où elles habitent les mêmes localités. Il en est de même au Brésil, et j'ajoute- rai que, dans ce dernier pays, la seconde espèce présente l'en- semble des caractères par lesquels la description en question la difTérencie de la première. Ces caractères sont particulière- ment l'absence de raies transversales sur la trompe, les poils plus longes sur les flancs, mais ne formant pas crinière sur le cou ; beaucoup moins de blanc aux oreilles, taille plus petite et couleur un peuplus sombre en avant. La seule différence que je voie dans la description du tapir de la Colombie, Tapirus Pin- 3!»8 FAUNE DU BRESIL. iliaque de Roulin ou Tapirus RoiUinii de Fischer, et l'espèce du Brésil, est l'absence d'une sorte de petite tache blanchâtre à l'extrémité de la mâchoire inférieure dans l'espèce du Brésil et qui, paraît-il, existerait dans l'autre. Cette petite différence ne pourrait servir en tous cas à justifier une distinction spécifi- que. Tout au plus peut-on en constituer une variété du Tapi- rus Pinchaque et non une espèce distincte. La seconde espèce de tapir du Brésil est donc bien le Tapirus Pinchaque ou Roulinii. J'ose à peine faire une variété Brasilieiisis pour l'espèce du Brésil, à cause du manque de blanc sous le bord de la lèvre inférieure, car ce caractère dépend peut-être de l'âg'e. Je n'ai pu voir les jeunes, et ceux-ci, d'après M. Roulin, ont des pi- quetures blanches comme les jeunes de l'autre espèce. Or, l'individu d'après lequel la description du Tapirus Pinchaque a été donnée, me paraît avoir été un fort adulte et non un indi- vidu vieux, car je trouve dans la description du crâne le défaut de saillie de la crête bipariétale, et, chez le tapir comme chez beaucoup d'animaux, cette crête aug'mente avec l'âg-e ; le seul individu que j'aie pu voir de cette espèce, au contraire, était évidemment un vieux. Cette espèce a les membres à proportion lég*èrement plus g-ros que l'autre. 177. — Les tapirs se rencontrent souvent par troupes de cinq à six individus. D'autres fois on les voit isolés. Pourvu d'un cuir très-fort et très-résistant et presque insensible aux chocs, cet animal va toujours droit devant lui, s'inquiétant peu des obstacles et portant alors la tète baissée. Sa présence se décèle donc dans les forêts par le bruit de son pas lourd sur le feuillag"e sec, et par les arbustes ployés et rompus par son passag-e. 11 circule d'ailleurs dans les forêts par les nuits les plus obscures. Une fois, par un temps très-noir, vers une heure du matin, nous étions endormis sur le bord du Rio de San-Francisco, lorsque nous fûmes réveillés par le fracas d'un tapir, qui vint presque renverser notre tente. Les tapirs se rencontrent ég^alement de jour, mais pas pendant les g^randes chaleurs du milieu de la journée, où ils sont cachés dans les bois, ou dans les g'randes touffes d'her- l'AUNK \)V BRESIL. 3!)'.t bes el de joncs des luarécag-es. Le matin et le soir, on les voit très-fréquemment, surtout sur le bord des rivières. Ils na- g-ent et plong-ent parfaitement, et peuvent rester sous l'eau environ un quart d'heure, sans venir respirer à la surface. Ils usent souvent de cette faculté contre les chiens ou les ja- g'uars qui s'aventurent à les poursuivre dans l'eau. Plus habiles nag-eurs que ces animaux, ils les saisissent facilement en quelque point avec la bouche et les entraînent au fond, où ils périssent asphyxiés. On ne rencontre pas les tapirs dans les campos secs, mais seulement dans les forêts humides et les campos voisins des g-randes rivières qui débordent, et où il y a de nombreux marécag"es. Ils sont parfaitement om- nivores. Ils paissent exactement comme les chevaux, mais ils aiment beaucoup les fruits. Ils mang-ent aussi de la viande comme les porcs, et en domesticité préfèrent la viande crue à la viande cuite. Ils aiment beaucoup le maïs. Dans les fo- rêts, ils trouvent souvent à terre les fruits tombés de diver- ses sortes d'Anonacées et de Myrtacées, et ils en font une partie de leur nourriture. Quand ils peuvent pénétrer dans les plantations, ils ne manquent pas de dévorer les melons d'eau et les diverses courg^es qu'ils rencontrent, ainsi que le maïs et les cannes à sucre dont ils sont très-friands. Ils mang-ent aussi des feuilles d'arbres, et, en somme, ils sont encore plus omnivores que les porcs. Gomme à peu près tous les animaux sauvag-es, le tapir fuit l'homme. Sa chasse se fait le plus souvent avec des chiens qui le harcèlent, et parviennent souvent à l'acculer sur un point où le chasseur peut le tirer. Les habitants de l'intérieur font fréquemment cette chasse à cheval. Cavaliers intrépides, ils suivent dans les bois les sentiers ouverts par les tapirs eux-mêmes, car ces animaux ont assez l'habitude de suivre les mêmes sentiers, et, comme ils sont souvent par troupes, ces sentiers sont très-battus. Leurs passag'es, conduisant sur le bord des fleuves, servent même à beaucoup d'autres ani- maux des forêts et des campos situés derrière les rives boi- sées pour venir boire aux rivières, car c'est à ces dernières 400 FAUNE DU BRÉSIL. qu'aboutissent le plus souvent les chemins des tapirs. Le dan- g-er de leur chasse consiste en ce que souvent les tapirs pour- suivis se dirig-ent dans les marécag-es, où il est périlleux pour le cavalier de les suivre. On peut aussi les attendre au bord des fleuves, près de leurs sentiers, et les tirer alors facile- ment quand ils apparaissent. Les lieux arg-ileux où les ani- maux sauvag-es viennent lécher des terres salines imprég-nées de natron, sont aussi très-favorables pour les attendre et les tirer facilement, car ils ont, comme les cerfs, l'habitude de lécher les terres arg-ileuses salées. La force des tapirs est très-g-rande, comparativement à leur taille. Ils ne craig-nent réellement les chiens qu'en les voyant suivis du chasseur. Autrement ils leur tiennent tête, ainsi qu'aux animaux carnassiers des forêts. Toutefois, Azara a exag^éré à cet ég^ard. Le tapir s'apprivoise facilement si on le prend jeune. Des g-ens du pays m'ont même assuré en avoir vu à qui on pouvait faire porter des fardeaux. A l'état privé, c'est un animal très-doux, aimant beaucoup les caresses, ne s'éloig-nant pas de l'habitation de son maître. J'en ai vu un très-doux dans la ville de Januaria. 11 se promenait tranquil- lement dans les rues, en allant tous les matins se baig'ner à la rivière, puis il rentrait dans la maison de son maître. Son intellig'enee toutefois est très-bornée, et on ne peut le chasser de la maison, comme le chien, par un g'este ou une parole; quand il est couché quelque part, il faut le pousser et, pour ainsi dire, l'arracher de sa place pour le faire sortir. Gomme son g*ros cuir le rend peu sensible aux coups, il faut même le battre avec force pour obtenir l'obéissance, mais alors même, il ne cherche pas à mordre. 11 vit d'ailleurs en bonne intellig*ence avec les autres animaux de la maison. Sa voix est faible et consiste en un petit cri aig'u répété une seule fois. Le tapir est surtout chassé à cause de son cuir qui est extrêmement résistant, et dont on fait des selles et des brides. Sa chair a beaucoup d'analog-ie avec celle du porc, et on la mang"e dans les rég'ions où il habite. Cet animal est d'ail- FAUNE DU BRÉSIL. 401 leurs un des plus faciles à domestiquer. 11 serait à la fois utile pour sa chair et probablement pour le travail, et il pourrait servir à la façon du bœuf. Je ne veux pas dire par là qu'il y aurait aujourd'hui un bien g-rand avantag'e à eflectuer cette domestication, mais il est très-dig"ne de remar- que qu'elle n'ait pas été faite par les Indiens avant la découverte de l'Amérique. Dans le Brésil, en efTet, c'était le seul grand animal domesticable. Il est déjà presque un ani- mal domestique, puisque, pris jeune, il s'habitue de suite, sans effort aucun, et est apprivoisé en trois ou quatre jours. Son absence à l'état domestique chez les tribus indigènes si misérables, auxquelles il aurait fourni une abondante nourri- ture, montre combien la race humaine qui habitait le Brésil à l'époque de la découverte était arriérée, même par rap- port aux insulaires de l'Océanie. Ceux-ci, au moins, avaient su élever un animal , le cochon , pour assurer leur subsis- tance. 178. — Le second genre de Pachydermes du Brésil est le genre Pécari, Dicotyles de G. Cuvier, dont les espèces ont été longtemps comprises dans le genre des cochons ou des sang'liers. Les Pécaris toutefois s'écartent de ces derniers par le système dentaire et par plusieurs autres caractères anato- miques importants, malgTé leur aspect extérieur analogue à celui des cochons. Leur nom générique de Dicotyles (i^i;, deux, )coTuV/i, nombril) adopté par Cuvier provient de la pré- sence d'une g^lande chez ces animaux dans la région des lombes. Cette glande sécrète un liquide g-luant et d'odeur fé- tide, surtout quand ces animaux sont irrités. Elle s'ouvre à l'extérieur par un repli de la peau en forme de boutonnière, et a été improprement comparée à un second nombril. Le nom de Dicotyles, reposant ainsi sur une comparaison vulg-aire inacceptable scientifiquement, me semble donc très-vicieux et je ne vois pas pourquoi on ne prendrait pas simplement pour nom g'énérique le nom tupi de Pécari. Ce nom dérive de pê, chemins, caa, bois, ri, beaucoup, et signifie Y animal qui fait beaucoup de chemins dans les bois. Si les Romains avaient connu 26 402 FAUNE DU BRÉSIL. cet animal, ils auraient pi^obablement adopté le nom local en le terminant par la finale us. Les naturalistes qui voulaient un nom latin auraient pu faire de même. Les Pécaris ont comme les cochons quatre doig'ts aux pieds de devant et les deux intérieurs sont les plus longes. Aux pieds de derrière, une des espèces a quatre doig'ts, les autres n'en ont que trois, mais le squelette montre le rudiment d'un quatrième doig-t externe. Le doig-t interne est, comme aux pieds de devant, plus petit que les deux autres. La queue est aussi tout à fait rudimentaire et semble même, à moins d'un examen attentif, manquer tout à fait. Dans le squelette, les Pécaris montrent dans la disposition g-énérale et le nombre des os la plus g-rande analog-ie avec les cochons, sauf relati- vement aux vertèbres coccyg-iennes réduites à six seulement. De plus les métatarsiens des g-rands doig'ts aux pieds de der- rière sont soudés en une espèce de canon, dans leur moitié supérieure. Cette soudure rappelle celle qui a lieu chez les Ruminants. Ces animaux ont des oreilles de dimension moyenne, pointues et dressées. Ils ont le chanfrein droit et terminé par un gToin analog-ue à celui du cochon. Leur système dentaire se compose de quatre incisives en haut et six en bas, et une canine et six molaires de chaque côté à chaque mâchoire. Les incisives supérieures sont droites, les inférieures courbées en avant. Les canines sur- tout diffèrent de celles des sang"liers , car ces dents ne sor- tent pas de la bouche comme chez ces derniers animaux, et elles sont petites. Toutefois elles sont triangadaires, très- tranchantes etdirig-éesen avant. Les molaires ont sur la cou- ronne des tubercules arrondis , irrég'ulièrement distribués. J'ai déjà cité plus haut la particularité présentée par leur es- tomac. 179. — Je ne vois dans les ouvragées que deux espèces indi- quées dans ce g*enre. Cependant le Brésil en renferme incon- testablement trois. Le Dkotyles labiatus de Fr. Cuvier et de Desmarest, appelé au Brésil Queiœada branca, nom portug'ais ^i^miiwcii mâchoire blanche ; le Dkotyles torquatus , appelé Ca- FAUNE DU BRÉSIL. 403 nella-ruiva ou Caiteiu canella niiva, et enfin une troisième es- pèce innomée par les naturalistes et appelée au Brésil Caitetu ou porco pequeno do matto^ dont je vais donner la des- cription et que j'appellerai alors Dicot y les caitetu. La première espèce est la plus g-rande des trois. Elle doit son nom de queixada branca, et quelquefois de qiœixada barba branca^ à la couleur blanchâtre des deux côtés de la bouche à la mâchoire inférieure, couleur s'étendant aussi sur les lè- vres. C'est ég'alement l'orig-ine de son nom de Dicotyles labia- tas. Sa taille atteint celle d'un cochon ordinaire adulte. C'est aussi la plus féroce des trois espèces. D'Azara l'a décrite sous le nom Tajassoi tagnicati^ nom altéré pour Tajassou tagnacatou (Tajassu tanhacatu dans l'orthog'raphe portug-aise, de tanha, dents, et caiu, bonnes). Son pelag^e est composé de soies lon- g-ues, surtout sur la croupe ; il est noir en dessus, noir lég*ère- ment tiqueté de g'ris sur les flancs et surtout sur le ventre. Il y a un peu de blanc jaunâtre, peu apparent d'ailleurs, sur les yeux et la face interne des oreilles. Sur les côtés de la tête, la teinte g'énérale est brun fauve foncé. Cette espèce n'a que trois doig-ts aux pieds de derrière. Elle vit en g-randes troupes et fréquente beaucoup les bois dans lesquels elle fait une multitude de sentiers, et, sous ce rapport, c'est à elle parti- culièrement qu'a dû s'appliquer surtout le nom de Pécari. Plus encore que les autres Pécaris , cette espèce recherche les eaux et les marais, et c'est celle dont la chair est la plus estimée. Gomme ses cong-énères, elle possède de long's poils noirs dressés autour de la bouche et au-dessus des yeux, et sa queue est tellement courte, qu'elle est cachée par les poils de la croupe. Elle habite tout le Brésil, la Guyane et le Parag-uay. . La seconde espèce, \e Dicotyles torquatus, est plus petite. Elle se disting'ue de la précédente au premier coup d'œil par l'ab- sence de blanc aux lèvres. La couleur g^énérale est d'un gn^is très-foncé un peu roussàtre, et cette couleur provient de ce que les poils sont annelés de noir et de blanc un peu fauve à la base. Les membres sont roussâtres, d'où est venu le nom 404 FAUNE DU BRESIL. de canella ruiva. C'est surtout à l'aide de ce caractère qu'à première vue les g-ens du pays disting*uent les jeunes de cette espèce et les caitetus. Ils s'en disting-uent toutefois aussi par le nombre des doig-ts des pieds de derrière. Celui-ci est de quatre, tandis que chez le caitetu il n'est que de trois seule- ment, comme chez le Dicotyles loMatus. Quand ils sont plus vieux, les Dicotyles torquatus ont une bande de quelques cen- timètres de larg*eur, d'une teinte blanche un peu roussâtre, et partant du dessous du cou pour se porter des deux côtés vers les épaules. Leur nom spécifique àQ Dicotyles torquatus, ou de Pécari à collier, a été tiré de la présence de cette bande. Les poils du tour des yeux et des pieds sont tout à fait ras, et la couleur de la peau est d'un rose livide. Dans quelques loca- lités on les appelle queixadas, et dans ce cas on désig'ne l'au- tre espèce sous le nom de queixada branca. Ailleurs, on les appelle caitetu - cannella - ruiva , ou simplement cannella- ruiva. Cette espèce diffère par ses habitudes des queixadas brancas et des caitetu, en ce qu'on ne la voit pas en si gTan- des bandes. C'est le tajassu ou sus tajassu de Linné, altération du nom indien caiassu, nom dans lequel on reconnaît le mot assu, g-rand, lequel devait appartenir à la première espèce, le tajassou de Buffon. La troisième espèce, le Dicotyles caitetu, est encore un peu plus petite que la précédente. Sa longTieur totale est de 57 centimètres, dont 20 pour la tête. Sa hauteur sur jambes est de 35 centimètres. Celle des jambes de devant est de 20 centi- mètres et celle des jambes de derrière de 25. La long'ueur des oreilles est de 75 millimètres. Les poils du dos ont 10 centi- mètres de long*ueur. Ces poils sont blancs, un peu jaunâtres à la base, avec la pointe noire et un anneau noir près de l'extré- mité. La couleur g-énérale sur le dos, les flancs et l'extérieur des membres est jaunâtre tiqueté de noir, mais la lignie du milieu du dos est plus noirâtre et le ventre est blanc. Le gToin et les pieds sont noirâtres et les yeux noirs. Les oreilles sont rosées en dedans où elles se montrent nues avec quelques poils blanc-jaunâtre. Elles sont en dehors noir-brunâtre. FAUNE DU BRÉSIL. 405 Les g'enoux des membres antérieurs sont noirs en avant, blancs en arrière. Le Caitetua, comme les autres espèces, de long's poils noirs aux moustaches et derrière l'œil, La queue est très-courte, complètement cachée par les longes poils de la croupe et des flancs. Sa long^ueur est de 1 centimètre et demi. Cette espèce vit en gu'andes troupes comme le Dicotyles labia- tus dont elle se rapproche par le nombre des doig'ts des pieds de derrière, lequel est de trois au lieu de quatre, comme chez le Dicotyles torqiiafus, qui vit plus isolé. Le nom de cai sig-nifie brûlé, et a sans doute été donné g'énériquement à ces animaux parles Indiens, à cause de l'aspect de leurs soies constituant l'unique poil de ce g-enre. Je ne retrouve pas le nom de têtu, mais peut-être le vrai nom était-il caiteté, qui sig*nifîe corps bridé. Les caitetus habitent de préférence les caating'as, les serrados et les réglions des g-rottes. Pour les chasser dans ces dernières rég-ions, on les accule facilement dans une g'rotteà l'aide d'une meute de chiens. Là, au moyen de la fumée de matières enflammées jetées dans la caverne, on les obligée à sortir. Alors ils font face aux chiens qui g'ardent l'entrée et les empêchent toutefois de s'échapper. C'est le moment où les g-ens du pays les tuent à coups de couteau. Leur chair est toutefois inférieure à celle desqueixadas. Lecaitetu est pourvu de la même g^lande dorsale que les autres espèces, et c'est même celui des Pécaris dont la g'iande sécrète le plus abon- damment quand il est irrité. Toutes les espèces de Pécari s'apprivoisent, mais la dernière surtout. Celle-ci, quoique se réunissant en g-randes troupes, n'est pas dang-ereuse et fuit toujours. La grande espèce, le Dicotyles labiatus, quand il est en troupes nombreuses, peut devenir périlleux. Les g-ens du pays montent parfois dans un arbre pour l'éviter, et disent que, dans ces cas, il cerne même l'arbre et le mord. Mais il y a des exag-érations. De fait ils n'attaquent g*uère si on ne cherche pas à les dérang-er ou à les poursuivre, et on les évite facilement. Dans le cas contraire seulement, ils deviennent réellement dang-ereux. Leur nourriture principale consiste en fruits et en racines, 406 FAUNE DU BRÉSIL. qu'ils déterrent comme les cochons, et ils sont nuisibles dans les plantations. Ils sont du reste complètement omni- vores, et, en captivité, mang"ent tout ce qu'on leur donne. 180. — Nous allons passer maintenant à l'ordre des Rumi- nants. Bien que cet ordre renferme des g-enres spéciaux à l'Amérique du sud, comme le Lama, le Brésil, à l'époque ac- tuelle, possède un seul g'enre indig-ène, le g-enre Cerf, lequel se montre dans les deux continents, mais, toutefois, est rem- placé dans le sud de l'Afrique par les Antilopes, et n'a aucun représentant dans l'Australie. 181. — Toutefois, dans ce g'enre Cerf, si nombreux en espèces , celles du Brésil appartiennent à trois sections exclusivement américaines, et dont l'une surtout, celle des DaguetS;, se distingue facilement de tous les autres cerfs par ses bois simples, sessiles et faits en forme de dag'ue, d'où a été tiré le nom de cette section. Cette disposition particulière du bois reproduit d'une manière assez remarquable les for- mes du premier bois des autres cerfs. A ce caractère distinc- tif s'en joignent quelques autres. Ainsi, les larmiers des Da- g'uets sont peu développés, et la partie nue de leurs narines est plus étendue que chez leurs congénères. Leur museau est aussi plus pointu que chez la plupart des autres espèces de cerf. On trouve au Brésil deux espèces bien connues de Da- g-uets, le Cervus ru fus et le Cervus simplicicornis d'Illig*er. Deux autres espèces de cette section ont encore été décrites, mais elles n'habitent pas le Brésil ; ce sont le Cervus rufinus de Pucheran, et le Cervus hu.milis de Bennett ou Cervus Pudu. Le plus petit des cerfs du Brésil dans la section des Daguets est le Cervus rufus de F. Cuvier; sa long*ueur est d'environ un mètre, et sa hauteur, au train de derrière, 0",70. Sa tête est très-effîlée, et son pelage brun-roussâtre foncé sur le dos est d'un roux un peu plus vif sur les flancs. Le dessus de la tète et la partie extérieure des jarrets sont d'un brun sombre. Le dessous du corps est brun-rougeâtre plus clair dans la région thoracique, un peu blanchâtre dans la rég-ion abdominale. Le Cervus rufus est plus foncé en couleur que l'autre espèce de FAUiNE DU BRÉSIL. 407 Dag'iiet, plus petit, et ses bois simples ou dag-uets sont ég^ale- ment plus petits. Il est aussi plus foncé en couleur que les Cervus paludosus et campestris. Sa queue, de 10 à 12 centi- mètres de long-ueur, est de la couleur du dos en dessus, blan- châtre en dessous. Cette espèce est le Guazu-pita d'Azara. Au Brésil, il est connu sous le nom portug-ais de Veado matteiro {Cerf des bois vierges)^ parce qu'il habite de préférence les ré- g'ions boisées et se rencontre dans les g'randes forêts. Guazu chez les Guaranis ou Çuaçii en tupi sig-nifîe Cerf. Ce dernier nom paraît dériver de Guu, mâcher, assu ou aeu^ grandemeîit, et correspondrait alors à notre mot ruminant. Cette étymolog-ie donnée par M. Gonçalves Dias me paraît assez probable, en considérant l'absence de tout autre g-enre de ruminant indi- g'ène dans le Brésil, où la lang'ue tupi, sœur du g-uarani, était la lang'ue dominante dont sont dérivés à peu près tous les autres dialectes de l'Empire, à part les lang-ues des Botocu- dos. Quant au nom de pita ou pituna en tupi, il sig'nifie de conleur obscure. Cette espèce est en effet la plus sombre. Le nom de Guaçu est évidemment l'orig-ine du nom altéré de coassou, indiqué dans quelques ouvrag-es européens pour ce cerf, et adopté par M. Gray, sous la forme latine de Coassus, comme nom g*énérique des Dag'uets, qu'il sépare du g*enre Cervus. Ce cerf portait aussi chez les Indiens le nom de Guaçu reté, Cerf vrai., parce que c'est celui dont la chair est la meil- leure. M. Hamilton Smith a cru distinguer dans cette es- pèce deux tailles différentes et a divisé l'espèce en deux. Mais cette différence tient à l'âg-e seulement, et on ne connaît réellement au Brésil qu'une seule espèce de Cervus rufus ou Veado matteiro. Les Cervus rufus ne se rencontrent jamais dans les lieux découverts, et vivent solitaires ou par paires dans les g'randes forêts, g-énéralement les plus impénétrables. Les feuillag'es tendres des foug'ères, des aroïdées et des can- nées, et surtout ceux des nombreuses g-raminées lig'neuses, si abondantes dans certains bois, font, avec les jeunes pousses des arbustes, la partie essentielle de leur nourriture. Ils ne se 408 FAUNE DU BRÉSIL. réunissent pas en troupes. Quelquefois, dans les nuits de clair de lune surtout, ils pénètrent dans les champs de canne à sucre, voisins de la lisière des bois. Cet animal est très- craintif; sa course rapide dans les fourrés les plus épais où l'homme avance avec peine et où il saute par-dessus les lianes, la facilité avec laquelle il s'y dérobe à la vue, rendent sa poursuite difficile. Toutefois, les chiens l'atteig-nent avec fa- cilité, tout en le perdant de vue souvent, mais le retrouvant aisément, et ils le cernent en peu de temps. C'est une des meilleures proies des jag-uars et des coug-uars, qui lui font une g^uerre terrible. Les jeunes et les adultes sont très-re- cherchés pour leur chair, et on leur fait une chasse active : aussi, cette espèce est devenue très-rare dans le voisinag-e des réglions habitées, et ne se trouve plus du tout près des g'rands centres de population. En g-énéral, les femelles mettent bas deux petits. La seconde espèce de Dag'uet habitant le Brésil est le Cervus simplicicornis d'Illig'er, Cervus nemorwayus de F. Cu- vier. Cette espèce, nommée aujourd'hui au Brésil Veado catin- guero^ était désig-née par les indig*ènes Çnaçn caatinga. C'est le Guazu-Bira d'Azara. Sa taille dépasse lég-èrement celle du Veado campeiro, dont nous parlerons plus loin ; ses dag'uets sont un peu plus longes que chez le Cervus rufiis^ et sa queue de même long-ueur. Il est en dessus brun-g-risâtre pointillé de fauve. En dessous il est blanc-fauve. Les jeunes sont tachetés de blanc sur les flancs. Il habite spécialement les '^ating-as et non les bois, et cette circonstance rend tout à fait impropre et faux le nom spécifique de nemorivagus . Il n'existe ni dans la lang-ue française, ni dans lalang-ue latine, aucune expres- sion pour représenter les cating-as. Ce sont des champs de g'raminées dans les rég-ions montag-neuses, notamment dans les vallées des montag'nes de l'intérieur du Brésil, remplis d'arbustes disséminés, très-abondants, mais isolés les uns des autres et appartenant surtout aux Vochysiacées, Terns- trœmiacées, Cordiacées, Papilionacées, Malpig*hiacées, etc. Or le cerf en question recherche particulièrement les FAUNE DU BRÉSIL. 400 fleurs et les jeunes pousses de beaucoup des arbrisseaux aro- matiques de ces régnons, et celles-ci s'y trouvent à sa portée. Dans les gTands bois, il ne trouverait pas les fleurs qu'il pré- fère à toute autre nourriture, quoiqu'il se nourrisse ég*ale- ment de g-raminées. Le mot caating^a sig'nifîe petits arbres, dans la lang'ue tupi, mais il est applique spécialement aux rég'ions où apparaît le caractère dont je viens de parler, et en rapport avec la flore du pays. Les naturalistes feraient donc bien d'adopter le nom de Cerviis catmfja, au lieu du nom donné par F. Guvier. Les belles soirées de clair de lune sont particulièrement favorables pour rencontrer cette espèce dans les cating-as, où ils broutent les fleurs. Dans le jour, le plus souvent, ils se cachent à l'ombre. 182. — Indépendamment des Dag'uets ou cerfs à cornes simples, le Brésil possède des cerfs à bois ramifiés, et, par la nature des bois, ces cerfs se divisent en deux sections. L'une de ces sections comprend les Gariacous, dont le Brésil ren- ferme au moins une espèce. Dans cette section, les bois sont courbes, présentent leur concavité en avant et sont assez dres- sés sur la tête. Ils ont en avant un andouiller assez près de la base ou subbasilaire ; et sur le côté postérieur convexe , ils portent, près de la pointe et suivant l'âg-e, un ou deux an- douillers ou dag-ues, et même plus, situés sensiblement dans le même plan que l'andouiller antérieur. L'espèce du Brésil est connue dans certains points du val du San-Francisco sous le nom de Caracu, et sur d'autres points Cayapu, altération du premier nom. C'est la plus petite de toutes, car sa taille est encore inférieure à celle du Cervus rufus. Elle vit dans les serrados ou champs ouverts parsemés de nombreux g-roupes de g*rands arbres forestiers, espèces de forêts ouvertes bien distinctes d'ailleurs des forêts vierg-es. Les dag*ues postérieures sur la convexité de la tig-e sont au nombre de une ou deux, et, dans l'ensemble, ses bois ne sont pas très-g'rands. Sa couleur est g-ris-roussâtre foncé sur le dos, il est blanchâtre en dessous, fauve sur la partie thoraci- que et à l'intérieur des jambes. Son nom indien de cariacu 410 FAUNE DU BRESIL. dérive, d'après A. R, Perreira, de caa, arbres, feuillage, ri, beaucoup, et acu, qui se cache, et sig*nifîe dès lors qui se cache clans les buissons. Ce nom provient de son habitude de se pla- cer pour dormir dans les amas épais de feuillag^es formés par les lianes au milieu desquels il disparaît presque entièrement. Lund cite dans le val du San-Francisco comme cinquième espèce, indépendamment des Cervus rufus, simplicicornis, palu- flosus et campestris, un cerf nain appelé par lui Cervus nanus et dont je ne retrouve pas la description. Gomme, d'après mes informations il n'existe dans cette région que le Gariacu et les quatre espèces précédentes, et comme Lund ne cite pas le nom de Gariacu, je ne doute pas que son Cervus nanus est le Gariacu, Je le désig^nerai sous le nom de Cervus cariacu. On ne le trouve g-uère au sud du 17*' degTé de latitude australe. Il me paraît exister dans tout le nord du Brésil et, sans nul doute, à la Guyane, car, parmi les Gariacous venant de Gayenne, on retrouve ses caractères, et je suis convaincu qu'il est la seule espèce de Gariacous existant à la Guyane, conjointement avec le cerf des palétuviers de Guvier, Cervus gymnoiis de Wieg'man, ou Çuaçu ting'a. Cerf blanc àe^ In- diens, à peu près de même taille, et dont le corps est fauve pâle presque blanc en dessus. Gelui-ci m'a été indiqué comme habitant vers les limites nord du Brésil. J'igniore jus- qu'à quelle latitude on le rencontre. 183. — La troisième section des Gerfs se compose de deux espèces seulement, toutes les deux du Brésil. Leur bois s'é- lève droit et est dépourvu d'andouiller près de la base. Sous ce rapport, ils se rapprochent du chevreuil. Mais l'une des deux espèces a ses bois très-rameux, et, de plus, toutes deux ont une queue, et le chevreuil n'a pas de queue sensible. Les bois sont caractérisés par une première branche naissant en avant, vers le tiers de la hauteur de la tig'e, et une seconde qui naît plus haut en arrière, dans le plan de la première. Gette forme de bois est la forme complète et définitive chez le Feado campeiro, Cervus campestris de F. Guvier. Ghez l'au- tre espèce, le Veado gaillero , Cervus paludosus de Desma- FAUNE nu BRESIL. 4H rest, cette forme est celle des bois des jeunes cerfs, mais plus tard chacune des branches se subdivise, et de plus en plus à mesure que les sujets avancent en âg-e. Les individus très- vieux ont jusqu'à quatorze rameaux à leur bois, d'après l'as- sertion de personnes dig-nes de foi : j'ai vu jusqu'à neuf ra- meaux. Les premières subdivisions jusqu'à cinq se font dans un même plan sensiblement. En cet état, le rameau antérieur n'est pas subdivisé, et les deux autres le sont en deux chacun. Chacune de ces subdivisions peut à son tour se diviser jusqu'à trois, et le rameau antérieur en deux. Mais, sauf pour ce dernier, les dernières subdivisions dévient du plan g*énéral dans lequel se sont faites les premières. Quant à la manière dont les bois sont placés sur la tète : chez le Gervus campestris, ils s'inclinent en arrière et s'écartent peu l'un de l'autre. Chez le Gervus paludosus, ils s'élèvent plus droit sur la tète, dans le sens antéro-postérieur, mais ils dévient fortement à l'ori- g*ine, dans le sens latéral, de manière à s'écarter. Le Veado campeiro , Cervus campeslrh de F. Guvier, ha- bite spécialement les champs ouverts, dans les rég-ions mon- tag-neuses, et les taboleiros. Sa taille est intermédiaire entre celle des Veados matteiros et cating-ueros, et, comme ceux-ci, on le rencontre ordinairement par couples ou isolé. Son pelag'c est fauve, un peu roug-eàtre en dessus, et d'un blanc assez pur en dessous et en dedans des cuisses. Il a un peu de blanc au-dessus des yeux. C'est l'espèce la plus répandue, et on la sig-nale dans toute l'étendue de l'Amérique du Sud, jusque dans les Pampas. C'est le Guazu-ti d'Azara. Le nom de ty sig-nifîe urine, et je pense par là qu'Azara a fait erreur en rapportant ce nom à cette espèce qui n'a pas d'odeur. Pro- bablement il s'applique à l'autre espèce, le Cervus palu- dosus^ la seule des espèces nommées dont le mâle ait une odeur urineuse. Ce dernier lui avait été désig-né aussi sous le nom de guazu-pncu , ou mïexxKpecu, ce qui veut dire le g-rand cerf; mais cette seconde désig-nation n'exclut nulle- ment l'autre. Cette seconde espèce, le Guazu-pucu d'Azara, était aussi 412 FAUNE DU BRESIL. connue au Brésil sous le nom de Guaçu para, Cerf de rivière, parce qu'en effet cette espèce habite le bord des g'rands fleu- ves, et on ne la trouve g-uère que dans les campos humides et ouverts de leur voisinag-e, en arrière des cordons de bois des berg-es, et dans toutes les localités marécag'euses. Sous ce rapport, son nom de Cervus paludosus donné parles natura- listes est très-exact. Aujourd'hui on l'appelle au Brésil le Veado g^aillero, le Cerf à nombreux rameaux, à cause de la g'rande ramification de ses bois. Ce cerf est g-rand; sa taille est d'environ les deux tiers de celle du cerf commun. Son museau est assez g'ros et sa queue assez allong'ée. Le dessus et les côtés du corps sont d'une couleur brun-fauve ; le cou , la poitrine et le ventre sont blanchâtres. Contrairement aux autres espèces vivant isolées ou par paires , on le rencontre par troupes le plus souvent de 4 individus, renfermant un seul mâle et 3 femelles ou 2 femelles et un jeune. Cette es- pèce est donc polyg-ame. Les mâles sont méchants et acciden- tellement avancent sur l'homme lorsqu'on veut les poursui- vre. Il leur arrive aussi, après avoir fatig'ué les chiens, de leur tenir tête, et dans ce cas quelquefois ils parviennent à en tuer avec leurs bois. La femelle porte g'énéralement un seul petit à la fois, et celui-ci possède dès le jeune âg*e le même pe- lag-e que les adultes. Les cas de mélanisme et d'albinisme ne sont pas rares dans cette espèce. Ce cerf nag*e parfaitement et traverse souvent les plus g'rands fleuves. 184. — Nous allons maintenant nous occuper des espèces fossiles découvertes au Brésil dans les deux ordres des Pa- chydermes et des Ruminants , dont nous venons de décrire les espèces actuellement vivantes. Nous commencerons par le premier de ces ordres, celui des Pachydermes. Dans le g-enre Tapir, les dépôts anciens des cavernes ont donné une espèce assez voisine du Tapirus americanns, et que Lund appelle Tapirus af finis Americano ; une autre présentant une différence notable dans le crâne et appelée par lui Tapi- rus altifrons , et enfin une espèce beaucoup plus petite dont la taille ég^alait à peine celle d'un fort Pécari, et nommée pour l'AUNt: DU BRÉSIL. 413 cette raison, Tapiras sinniis. Les restes de tapirs sont d'ailleurs relativement peu nombreux dans les cavernes. Dans le g-enre Pécari ou Dieotyles, il a été trouvé cinq es- pèces, dont trois sont dans les limites de taille comprises en- tre la plus petite et la plus g-rande des espèces vivantes , et voisines, l'une du Dieotyles labiatus , l'autre du Dieotyles tor- quatus. La quatrième était d'une taille à peu près double de la plus g'rande espèce d'aujourd'hui , et la cinquième encore un peu plus g'rande. A côté de ces deux g-enres, appartenant encore aujour- d'hui à la faune vivante, il a été trouvé un g^enre éteint, le g-enre Mastodon, et un autre g*enre de l'autre continent, mais qui était éteint dans l'Amérique lors de sa décou- verte et a été réintroduit par les Européens , le g'enre Che- val. Nous avons là une preuve de plus à joindre à tant d'autres, au sujet de la non -simultanéité de disparition des espèces dans deux continents éloig^nés , circonstance sur laquelle j'ai déjà insisté en traitant de la g-éolog-ie du Brésil. 185. — Le g'enre Mastodon appartient à la famille des Pro- boscidiens ou animaux à trompe, représentés dans la nature vivante par le seul g'enre Eléphant. On en a obtenu des squelettes entiers provenant de l'Amérique du Nord , et on a pu s'assurer ainsi de la similitude de leur forme g'énérale avec celle des Eléphants. Leurs os du nez ressemblent telle- ment à ceux de ces derniers qu'on ne peut réellement mettre en doute l'existence de la trompe. Leurs dents molaires dif- féraient toutefois de celles des éléphants en ce qu'elles n'é- taient pas formées , comme celles-ci , de lames verticales en- veloppées chacune d'émail et réunies ensemble par un ciment. Au contraire, leur couronne était simple et surmon- tée de forts mamelons conoïdes disposés de manière à for- mer plusieurs collines transversales non réunies par un ci- ment. Ces animaux avaient de g'randes défenses comme les éléphants, et, suivant les espèces, ces défenses étaient diver- sement contournées et souvent fortement recourbées et un 414 FAUNE DU BRESIL. peu en spirale , comme chez l'espèce d'éléphant fossile Ele- phas primigenius. Le g-enre Mastodon apparaît en Europe dans les terrains tertiaires supérieurs. Il paraît avoir disparu de ce continent à l'époque quaternaire. Au contraire , dans les deux Améri- ques, on le trouve dans les dépôts alluviens de cette dernière époque, dont il est un des g^enres les plus caractéristiques. L'espèce de Mastodonte la mieux connue est le Mastodon gi- ganteus des dépôts quaternaires de l'Amérique du Nord et dont la taille ég-alait celle des plus gTands éléphants des In- des. On en possède un assez gTand nombre de squelettes complets. Les Mastodontes de l'Amérique du Sud sont moins bien connus et le dessin des dents y est différent. On y dis- ting'ue aujourd'hui deux espèces : les Mastodon Andiiim et Hum- boldtn, dont la taille était du reste à peu près ég*ale à celle du Mastodon gigantetis,Qi avec sa ten- dance à multiplier les espèces, avait pu observer complète- ment les deux jag'uars en question et dont il parle d'après les récits des chasseurs, il ne se serait pas contenté de disting-uer deux races, mais il aurait reconnu deux espèces différentes. Toutefois, dans la disposition des taches, les deux espèces sont très-voisines. Les gTandes taches se correspondent pres- que parfaitement chez l'une et chez l'autre, mais cependant il existe quelques différences : ainsi, chez lag-rande espèce, les taches sont presque rondes, surtout les taches noires de la croupe et de la queue. Chez la petite espèce, les taches, sur- tout les dernières, sont très-allong'ées dans la direction de 446 FAUNE DU BRÉSIL. l'axe du corps. Dans la grande espèce, les taches delà queue sont groupées en anneaux presque dès l'origine de la queue. Dans la petite, cela a lieu seulement à l'extrémité de cet or- gane, de telle sorte qu'il existe seulement trois anneaux noirs au bout de la queue, pendant que la première espèce en a cinq complets et un sixième presque complet. En outre, dans la grande espèce, les trois derniers anneaux noirs sont séparés par deux anneaux blancs de même larg-eur qu'eux, tandis que dans la petite, ils sont presque réunis et à peine sépa- rés par quelques poils blanchâtres, et par conséquent cette espèce a le dernier quart à la queue à peu près complètement noir. Dans la g'rande espèce, les taches en roses et placées la- téralement sur le dos sont simplement formées par quatre ou cinq taches noires, composant un cercle plus ou moins com- plet avec la région centrale de la couleur du fond, et sans points intérieurs à l'âgée adulte (quelques-unes seulement ont un, deux ou trois points noirs, à peine marqués dans le jeune àg-e). Dans la petite espèce, au contraire, les mêmes taches for- ment au lieu d'un cercle une sorte d'ellipse noire dont l'inté- rieur est plus foncé que le fond général ; de plus, ces mêmes taches en rose possèdent dans leur rég^ion intérieure les unes quatre, les autres cinq et quelques-unes jusqu'à huit points noirs, même encore très-marqués à l'âg-e adulte. Dans l'une et l'autre espèce, les taches se réduisent sur l'épaule à des points noirs, mais, dans le grand jaguar, elles sont peu nombreuses dans cette région, et la plupart y font encore des roses. Elles sont au contraire très-multipliées dans la petite espèce, où on ne discerne plus aucune disposition ré- g-ulière. De plus, dans celle-ci, les petites taches noires de la tête se prolongent, quoique plus petites, entre les deux yeux, en avant de ces organes jusqu'aux narines. Dans la gTande espèce, ces taches s'arrêtent entre les deux yeux, et le des- sus du museau est légèrement fauve sans aucune tache. A part les différences précédentes, la disposition d'ensemble des taches dans les deux espèces a beaucoup d'analogie et peut, pour l'une et l'autre sorte, se définir ainsi : taches noi- FAUNE DU lUlÉSU.. 447 res pleines sur l'axe du dos et fornianl deux lig^nes très- rapprocliées à partir du milieu du corps jusqu'à la nais- sance de la queue; taches noires ég^alement pleines et g'randes sur la queue et sous le ventre, jamais creuses dans ces régions ; taches noires petites sur la tête et les membres ; taches en rose (c'est-à-dire formées de cercles ou d'ellipses de taches noires plus ou moins réunies) sur les côtés du corps et le dessus du cou ; g-randes taches, ne constituant pas des lig'nes rég^ulières mais disposées de telle sorte qu'on en compte cinq ou six de chaque côté du corps, sur une lig^ne descendant perpendiculairement de l'axe du dos à celui du ventre ; ces diverses taches présentent d'ailleurs dans les deux espèces les différences que j'ai indiquées ci-dessus. L'une et l'autre espèce ont le derrière des oreilles noir, avec une tache blanchâtre. La disposition des taches est d'ailleurs à peu près identique- ment la même dans les deux sexes, qui diffèrent à peine. Toutefois, dans les deux espèces, la teinte du pelag'e est lég-è- rement plus paie chez la femelle. Mais la disposition des taches varie avec l'âg-e. Les très-jeunes jag^uars, surtout ceux de la g-rande espèce, ont la tête et le cou couverts de raies noires continues, au lieu de petites taches comme à l'àg-e adulte ; et même sur les côtés du corps existent des bandes mêlées déjà de taches en roses; ces bandes disparais- sent plus tard, quand les taches deviennent plus nombreuses. Les petites différences sig'nalées entre les deux espèces, relativement à la disposition des taches, sont loin d'être les seules différences existant entre leur pelag'e. Des traits beaucoup plus caractéristiques les séparent. Ainsi, dans la g-rande espèce, le poil est notablement plus ras, à la fois sur le dos et sur le ventre; il est aussi plus roide. Les mousta- ches sont blanches et leurs poils plus g"ros , dans le g'rand Jag'uar; quelques-uns de ces poils sont noirâtres à la base seulement, tandis que les moustaches sont presque entière- ment noires dans le petit. Dans la g'rande espèce , la houppe noire terminale de la queue a les poils plus longes que dans 44S FAUNE DU BRESIL. la petite ; enfin, la coloration du fond du pelag'e est notable- ment différente dans les deux espèces: la petite est d'un fauve beaucoup plus foncé sur le dos et les côtés du corps, et même le blanc des parties inférieures du corps est plus jau- nâtre que dans le g'rand Jag-uar. Mais à l'ensemble des difîérences signialées ci-dessus, il faut en joindre d'autres d'une bien plus g-rande importance et de nature à faire réellement considérer les deux jag'uars en question, non comme des races, mais bien comme des es- pèces, Hamilton Smith a déjà sig-nalé la différence de taille. Chez la g"rande espèce, la long^ueur peut atteindre et même dépasser 2 mètres (1) depuis le museau jusqu'à l'orig-ine de la queue, et celle-ci a O^jTO. La long-ueur de la petite espèce ne dépasse g-uère i"',55, non compris la queue, dont la lon- g"ueur est de 0™,56. Mais le point le plus important est la dif- férence des proportions relatives : le gTand Jag'uar est beau- coup plus g*ros relativement que le petit, et celui-ci est pro- portionnellement plus long". Le premier a aussi les membres et la queue relativement plus g'ros. En tout, ses formes sont beaucoup plus massives. Je ne crois donc pas possible de considérer les deux jagaiars en question comme deux races. Le fait du mélang-e des deux espèces pour la reproduction, même à l'état sauvag'e, n'infirme en rien la séparation réelle de ces deux espèces, caries diverses sortes cV Onças du Brésil sont aujourd'hui tellement poursuivies par les chasseurs, qu'elles sont déjà devenues relativement rares, et les mélan- gées ont lieu non-seulement entre les deux Jag'uars en ques- tion, mais ils existent avec le même deg'ré de fréquence entre des espèces bien incontestablement différentes comme les Jag'uars, le Goug'uar ou l'Ocelot. Les chasseurs affirment tous qu'on observe dans les bois, même fréquemment, des batailles entre des mâles d'espèces différentes pour une seule femelle en chaleur. Les mélang'es fréquents entre les deux sortes de Jag'uars, (1) J'en ai mesuré uu qui avait 2", 02. F A UNE DU BU ES IL. i i!t précédemment décrites donnent lieu à des hybrides chez lesquels s'effacent en gTande partie les différences de teinte du pelag-e et de disposition des taches. Aussi on trouve quelquefois dans le commerce des peaux offrant des carac- tères intermédiaires entre les deux espèces types, caractères différents suivant que le mélang-e a eu lieu entre mâle de la g'rande espèce et femelle de la petite, ou entre mâle de la petite et femelle de la gu^ande, ou enfin entre femelle hybride et mâle d'un des types. Ces peaux hybrides sont très-nom- breuses aujourd'hui; aussi, cette circonstance, jointe aux différences apportées par l'âgée dans les espèces types et dans les hybrides, a fait croire à la variabilité des détails des ta- ches et à l'unité de l'espèce dans les Jag'uars vrais. Mais un examen soig'né conduit à l'opinion différente, et les peaux présentant les caractères extrêmes se rapportent toujours identiquement aux deux types décrits. Le nom de Jag^uara-eté (vrai Jag'uar), ou par élision de Jag'uareté a été donné par les Indiens au g-rand Jag'uar; la pe- tite espèce était appelée par eux Jag"uara-para (Jag'Liara de rivière), ou par élision Jag'ua-para. Les Brésiliens les dési- g^nent toutes les deux sous le nom d'Onça pintada, nom ap- pliqué à tous les g*rands Féliens tachetés à fond du pelag'c fauve ou blanchâtre, c'est-à-dire aux deux espèces précé- dentes et aux Ocelots. J'ai vu toutefois, sur divers points, la première espèce désig^née sous le nom de Onça verdadeira, el la petite, soit sous celui de Onça pintada, soit sous celui do Canguçu. Ce dernier nom ne lui appartient pas, et les Indiens le donnaient à l'Ocelot de Buffon, dont nous parlerons plus loin. Cette confusion provient sans doute de ce que la forme allong^ée et la taille de la petite espèce diffèrent peu de celle des Cang'uçus vrais, dont il existe au reste deux sortes por- tant ce même nom de Cang'uçu. Beaucoup de naturalistes ont cru l'Once de Buffon identi- que au Jag'uar d'Amérique, que par erreur cet illustre natu- raliste avait cru de l'Asie méridionale. Le nom d'Onca, donné au Jag'uar par les habitants du Brésil d'orig-ine euro- 29 4b0 FAUNE DU BRÉSIL. péenne, a contribué à cette supposition de la plupart des na- turalistes du commencement de ce siècle. Toutefois, l'erreur n'a pas été faite par Buffon, mais bien par eux. Le nom d'Onça est un nom importé au Brésil par la colonisation portug-aise primitive, et vraisemblablement son orig*ine est asiatique. L'Once décrite par Buffon n'est pas le Jag'uar amé- ricain, et cette espèce a été retrouvée dans le nord de la Perse et dans les rég-ions voisines de l'Asie. Le nom de Ja- g-uar est dérivé du nom indien Jauaara, ou Yauaara, ou mieux Jaguâra, le g étant introduit par euphonie entre les deux mots composant y« ou y a et uâra ou uaara, suivant l'usag'e de cette lang'ue. Le premier de ces mots signiifîe écraser avec les pieds sur-le-champ, c'est-à-dire à' une fois ; et le second est le g-érondif du verbe ua, dévorer, lequel dérive du verbe u, manger^ par l'addition de la particule a, indiquant énerg*ie dans l'action. Uaara, qu'on peut écrire uâra, sig'nifîedonc le dévorant, et correspond dans ce cas au mot français carnas- sier. Le nom de Jag-uâra peut alors se traduire en français par la périphrase : Carnassier qui écrase sa proie d'un seul bond^ propriété possédée réellement à un haut deg^ré par cet animal, et déjà sig-nalée dans les ouvragées de plusieurs na- turalistes. Quand, en effet, les Jag^iars g-uettent une proie, ils s'élancent sur elle d'un seul saut, comme le font les chats, et leur mouvement est d'une rapidité et d'une sûreté éton- nante. Toutefois, le chasseur expérimenté les évite en dé- viant, parce que leurs mouvements sont lourds quand ils veu- lent se retourner, et s'ils ont manqué l'effet de leur bond, il devient possible de les tuer avant qu'ils atteig'nent leur antag'oniste. D'après ce que nous venons de dire, l'Once véritable appar- tient à l'Asie, et, sans nul doute , ce nom d'Once vient de quelque lang-ue asiatique et non du mot latin Uncia, signi- fiant la douzième partie de l'as romain et de la livre romaine, et employé par Gicéron pourdésig-ner la douzième partie d'une unité quelconque. C'est donc fort à tort évidemment que le nom de Felis onca a été donné par Linné à l'espèce améri- FAUiMi nu 15UES1L. 451 cainc du vrai Jag'uar. Ce nom de Felis onoa doit C-ivc restitué à l'espèce asiatique, au lieu du nom ridicule de Fe/?.s imcia (douzième de chat), que la confusion dont j'ai parlé plus haut a fait donnerfortàtort à l'espèce asiatique à cause du transport de son vrai nom à une espèce américaine. Il importe d'ail- leurs d'ahandonner le nom de Felis onça pour les espèces d'Amérique, non- seulementparce que ce nom continue la con- fusion avec l'espèce asiatique, mais encore parce que la descrip- tion à laquelle il se trouve joint dans les ouvrag*es de Linné et des naturalistes postérieurs à lui, ne se rapporte ni à l'une ni à l'autre des espèces types du Jag-uar de l'Amérique, mais confond les caractères de ces deux espèces. En conséquence, nous adopterons les noms indiens. Ils conviennent parfaitement aux espèces en question, et nous nommerons le gTand Jag'uar dont nous avons donné la des- cription Felis Jaguar été, et le ^eûi Felis Jaguapara. J'ai déjà expliqué plus haut Forig*ine et la sig'nifîcation des mots Ja~ guareté et Jagiiaparay l'un et l'autre dérivant du mot primitif Jag'uâra, dont, suivant leur usag-e, appliqué tant aux ani- maux qu'aux plantes, les Indiens ont fait un nom g'énérique pour toutes les espèces ressemblant plus ou moins au Ja- g'uara type, leur Jag'uara-eté ou Jag'uâra vrai. Le nom de Jag'uâra joint à des épithètes différentes pour chaque espèce leur servait alors à désig'ner tous les Féliens, g'rands et pe- tits, de l'Amérique. De même qu'il existe entre le Felis jaguar été et le Felis ja- guapara des différences dans la taille, les proportions et le pelag'e, de même il existe aussi quelques différences dans les habitudes. Ainsi le premier recherche de préférence les par- ties les plus désertes des sertaôs etlesrég'ionsdesg'randes forêts presque impénétrables occupant les vallées montag'ueuses ; le second vit de préférence dans des rég'ions plus ouvertes, au bord des g'randes rivières, et cette particularité expli- que son nom indien de Jag'uapara (Jag'uâra de rivière). Le premier est peu sang'uinaire; il tue seulement pour assouvir sa faim ; le second est un peu plus féroce, sans avoir toute- 4;j2 FAUiNE DU BRÉSIL. fois les instincts sang^uinaires de l'Ocelot, et moins encore ceux de l'espèce noire dont nous allons parler plus loin. Toutefois, il n'est pas rare de le voir abandonner une partie d'une proie pour en atteindre une autre, ce que ne fait pas le Jag-uareté. Quoique, d'après toutes les différences sig^nalées ci-dessus, je ne doute pas que les deux sortes de Jag'uars en question constituent réellement deux espèces et non deux races, j'ai à citer toutefois ici un fait prouvant qu'elles sont très-voisi- nes. Ce fait est la rareté de la g'rande espèce comparée à la fréquence de ses hybrides avec la petite. Sans nul doute, la force du Jag"uareté vient en aide pour expliquer cette parti- cularité , car, dans les combats que les mâles se livrent, il doit en g-énéral l'emporter, et un seul mâle peut couvrir un gn^and nombre de femelles du Jag'uapara ; mais la fréquence des hybrides est telle, relativement à la rareté de l'espèce, que je crois cette explication insuffisante, si on n'admet pas en même temps une fécondité assez étendue chez les hybrides. En g^énéral, la fécondité est limitée dans les mélangées d'es- pèces différentes chez les animaux comme chez les vég-étaux, mais de gTandes variations existent sous ce rapport : tantôt la limitation a lieu dès la première g^énération, tantôt il y a deux, trois, quatre ou plus de g'énérations, et, dans la ma- jorité des cas, la rapidité de la liinitation paraît dépendre de l'éloig-nement des espèces. La limitation toutefois a lieu pour les mâles seulement, car les femelles peuvent encore être fé- condées par les mâles d'une des espèces primitives, mais alors les hybrides doivent revenir peu à peu au type du mâle fécondant, à moins toutefois que les fécondations des espèces hybrides ne proviennent alternativement des mâles des deux types primitifs. D'après ces lois de la nature, il est facile de concevoir, pour deux espèces très-voisines comme les Jag'uars en question, la proton g'ation de la fécondité pendant cinq, six, peut-être huit, dix g'énérations, et dès lors il se forme comme une espèce de race hybride devant tendre sans cesse à s'éteindre, en revenant vers le type primitif de la petite es- FAUNE DU BRÉSIL. 4b3 pèce dominante, par suite de la fréquence des mélang-es avec elle, mais en même temps se reformant constamment et abondamment parle mélangée des deux espèces-types primi- tives, surtout à cause de la force supérieure de l'espèce rare. La race hybride en question ne peut donc s'anéantir tant que les deux espèces existeront conjointement. Toutefois, la race hybride en question n'offre pas l'uniformité des races permanentes maintenues par elles-mêmes sans mélang'es avec d'autres types. Au contraire, la multiplicité et la répétition de ces mélangées en font un type très-variable, intermédiaire entre les deux formes primitives, et paraissant les réunir. La poursuite faite par l'homme aux Jag-uars a rendu les mélan- gées très-fréquents, et, par suite, cette race mixte très-abon- dante, non-seulement d'une manière relative et à cause de la rareté des sujets de sang' pur, mais encore parce que l'espèce des terrains découverts est ol.ilig'ée de rechercher dans les g'randes forêts les mêmes abris que son cong'énère. D'après ces considérations, l'abondance relative des hybri- des ne peut être une objection contre la séparation des deux types primitifs comme espèces distinctes, et elle peut seule- ment serv^ir à prouver leur peu de distance. Il est difficile aujourd'hui de disting^uer les deux espèces l'une de l'aiUre par les différences de pelag^e étudiées sur un petit nombre de peaux, ou même sur un petit nombre de sujets vivants, soit chez les pelletiers, soit dans les musées, car, au premier as- pect, les différences tendent à faire croire à la variabilité d'une espèce unique. Mais, avec la connaissance des habitudes des deux espèces et des conditions de leurvie dans leur patrie, on dé- couvre la raison des variations; après quoi un examen soigmé effectué sur un g'rand nombre de peaux et mieux encore, s'il est possible, sur des sujets vivants, fait aisément reconnaître les différences qui n'ont pas échappé à la sag^acité des Indiens et à celle de beaucoup des habiles chasseurs d'Onça du Bré- sil et aussi, d'après le dire de Hamilton Smith, des chasseurs du Parag-uay. Le D' Lund a trouvé, dans les cavernes de laré- g-ion de Lag-oa-Santa et de Jag-uâra, des ossements d'une espèce 454 FAUNE DU BRESIL. de Jag'uar d'une taille supérieure à celle de l'espèce vivante qui se montre accidentellement et rarement dans cette rég-ion, le Jag-uapara; cette espèce ancienne atteig-nait, dit-il, la taille du tig're du Beng-ale, et il l'a désig^née sous le nom de Felis protopanther . Il serait intéressant de comparer ces ossements à ceux de la g-rande espèce^ le Felis jag'uareté, dont, en effet, les dimensions atteig-nent à peu près celles du tig're. Il ne serait pas impossible qu'il y eût identité, comme cela paraît avoir lieu pour d'autres espèces du même g^enre, telles que les Felis concolor et Pardalis^ aujourd'hui vivants, et dont les res- tes se trouvent avec ceux du Felis protopanther. L'identité paraîtra même assez probable , si on remarque que les explorations du D' Lund ayant eu lieu seulement dans les cavernes du haut de la vallée du Rio-das-Velhas, rég-ion à laquelle se sont limités ses voyag'es, il n'a pas connu ni pu connaître dans cette zone la g*rande espèce de Jag^uar retirée aujourd'hui dans les parties beaucoup plus reculées des Ser- taôs ; on peut même dire que le Felis Jag'uapara n'habite pas lui-même dans la rég-ion en question, mais il y fait, ainsi que ses hybrides et de temps à autre, quelque apparition qu'il ne tarde pas à payer de sa vie, poursuivi immédiate- ment par les nombreux chasseurs de cette zone, propriétaires troupeaux. Il paraîtrait que les Jag-uars présenteraient quelquefois des cas d'albinisme, car Azara parle d'une variété tant à fait al- bine. Ces cas, toutefois, doivent être bien rares, car, malg-ré mes nombreuses recherches à ce sujet, rien de semblable ne m'a été sig;nalé au Brésil. Quant aux cas de mélanisme admis par presque tous les naturalistes, ils sont plus que douteux. Les Jag*uars noirs, comme nous le verrons plus loin^ consti- tuent une espèce bien distincte des précédentes, car on a pris pour des cas de mélanisme les hybrides du Jag'uar noir avec les autres espèces. Quoi qu'il en soit, les Jag-uars des deux espèces sont des animaux redoutablesetd'une force prodig-ieuse. Ils n'attaquent pas l'homme dejour, mais celui-ci peut devenir leur proie pen- FAUNE DU BRÉSIL. 4oo dant la nuit : aussi est-il nécessaire de prendre toujours quel- ques précautions si on campe dans des localités fréquentées par ces animaux. Généralement on allume des feux, et cette précaution suffît ordinairement. Pour un homme isolé, en- dormi dans une foret, c'est un animal d'autant plus dang-e- reux qu'il approche entièrement sans bruit. Au milieu même des feuilles sèches des forêts, à peine si on peut l'entendre venir, tant il marche avec précaution, et pose les pattes lentement et adroitement sur le sol. Sous ce rapport, ses al- lures sont celles d'un chat parfait. Gomme celui-ci, il reste à l'affût un temps considérable, mais il n'a pas la frayeur de l'eau que nous voyons chez nos chats domestiques. Au con- traire, il nag*eavec une extrême ag'ilité et, parfois, en entraî- nant une proie considérable. Blessé, il ne craint pas Thomme et s'élance immédiatement sur le chasseur qui l'a atteint. Gette circonstance rend sa chasse périlleuse. 11 n'est pas rare de lui voir ég'org'er un cheval ou un bœuf, et le traîner dans les buissons pour le dévorer à son aise. Quelquefois, il jette quelques feuilles sèches sur les restes de sa chasse, mais il ne la couvre pas d'un immense tas de feuilles comme le fait le Coug-uar. 201. — Une troisième espèce de Jaguar, bien plus féroce que les deux précédentes, est le Jaguar noir, dont nous allons maintenant nous occuper. Get animal a été jusqu'ici consi- déré à tort par la plupart des naturalistes comme une variété du Jaguar ordinaire atteinte de mélanisme. lia l'",60 de lon- gueur, depuis le museau jusqu'à l'origine de la queue, et celle-ci a 60 centimètres. Ses proportions sont sensiblement celles de la petite espèce de Jaguar, le Felis Jai/uapara, dont, comme on le voit, il se rapproche par la taille. Le pelage est entièrement noir luisant sur les parties supérieures comme sous les inférieures, à part une petite tache g'ris roussâtre h la partie postérieure de chaque membre antérieur à la nais- sance, et quelques rares poils blanchâtres, beaucoup plus longs et beaucoup plus raides que les autres et disséminés sous le ventre. Aucune trace de ces longes poils soyeux n'existe 4o6 FAUNE DU BRÉSIL. chez les deux espèces de Jag'iiars précédemment décrites, et ils constituent une particularité notable de cette espèce et non attribuable au mélanisme. Quoique très-rares et séparés entre eux de 5 à 6 millimètres, ces poils rendent toutefois le ventre lég'èrement plus clair que le dos; mais toutefois, la teinte g'énérale du fond sous le ventre reste d'un noir-fauve très-foncé. Sous certains jours, l'ensemble du pelag-e de cet animal, sur le dos comme sur le ventre, se présente d'un noir très-brillant; sous d^autres, on disting^ue des taches plus noi- res que le fond g^énéral, lequel paraît alors noir-roussâtre par un effet de contraste. Cette nuance roussâtre a pour cause une teinte noir-brunâire foncé à la pointe des poils du fond du pelag'e. Sur les taches, au contraire, tous les poils sont noirs jusqu'à la pointe. Ces taches se voient sur tout le corps, et leur disposition g'énérale rappelle celle des deux espèces de Jag^uar, c'est-à-dire, les taches sont pleines sur la lig'ne dorsale postérieure, sur les membres, la tête et les parties inférieures, et en rose sur les côtés; les taches en rose se montrent, comme dans les deux Jag'uars précédemment dé~ crits, au nombre de cinq ou six sur une lig^ne descendant perpendiculairement du dos au ventre. Mais, dans les détails, ces taches ne peuvent être assimilées ni à l'une ni à l'autre des deux espèces. Beaucoup des taches des parties postérieures et latérales de la croupe, encore en rose dans les autres espè- ces, sont ici pleines. Il en est de même de celles de l'orig'ine de la queue. Sur ce dernier org^ane, les taches disparaissent à peu de distance deForig^ine, et le reste se montre entièrement noir, sans la moindre trace des anneaux des autres espèces. Dans leur forme, les taches ne sont rig'oureusement assimila- bles ni à l'une ni à Tautre des deux espèces, quoique sur cer- taines parties elles soient plus voisines de celles du Jag'uapara que de celles du Jag'uareté ou gTand Jag'uar. Toutefois, le pelag'e est ras comme chez le Jag*uareté. A la queue, le poil est même plus ras que dans les autres espèces, et la houppe terminale est plus petite. Les oreilles sont d'un noir profond, sans aucune tache blanche à l'extérieur, et sans poils blancs FAUNE nu BRÉSIL. 457 ail bord intérieur, comme chez les deux autres Jag'uars ; elles sont au contraire bordées à l'intérieur d'un poil épais et noir profond. Les taches g-rises, derrière les membres antérieurs et dont j'ai parlé plus haut, appartiennent au fond et circons- crivent des taches noires d'une dimension supérieure à celle des autres espèces. Elles sont formées par un mélang-e de poils blancs roussâtres et noirs. Enfin, les taches en rose des côtés du corps dépassent en g^randeur celles des autres espèces, et leurs bordures noires sont plus larg-es. D'après ces détails, le Jag-uar noir ne peut évidemment être reg-ardé comme une variété mélane, ni du Felis Jaguaretr, ni du Felis Jaguapara. La nature de son poil le rapprocherait plus du premier que du second et, au contraire, la disposition des taches, sa taille et surtout la forme du corps le rappro- chent du second. En même temps, des caractères spéciaux à lui, notamment l'existence de deux sortes de poils sous le ventre, et ses canines plus long'ues que dans le Jag'uapara, dont la taille est la même, l'éloig-nent des deux espèces et ne peuvent, dans aucun cas, le faire rapporter à elles ou à leurs hybrides. Mais, indépendamment des caractères de forme et de pelag^e précédemment cités, il s'éloignie encore des deux autres Jag^uars par ses habitudes sang'uinaires, et cette diffé- rence, moins encore que les autres, ne peut venir du méla- nisme. Les Jag*uars à fond blanc ou fauve ne tuent g-uère que pour assouvir leur faim et fuient l'homme ; le Jag^uar noir, au contraire, tue pour sucer le sang*, comme l'Oce- lot (1), mais il ne fuit pas l'homme comme ce dernier, et cela en fait le plus redoutable des Jag'uars de l'Amérique. Cette dernière particularité est même l'orig-ine du nom que (i) La ressemblance d'habitudes avec l'Ocelot, ressemblance dont je parle ici, ne suffirait pas à justifier l'opinion qui -voudrait en faire un cas de mélanisme de l'O- celot, car le Jaguar noir diffère de ce dernier par la forme du corps, la taille et la disposition des taches qui le rapprochent des autres Jaguars et l'éloignent de l'Ocelol. Il dépasse la taille de celui-ci, son museau est moins gros, ses canines plus longues et il est moins bas sur jambes. Les taches du Jaguar noir et sa forme identique à celle du Jaguapara ne permettent pas non plus de le considérer comme une variété mélane du Couguar, ou Felis concolor, car ce dernier n'est pas tacheté. 4n8 FAUNE DU BRÉSIL. lui donnaient les Indiens. Ce nom était Jaguara tyryc ou Ja- guar à éviter, ou mieux Jaguatyrica, Jaguar à fuir, nom tiré du premier par élision et addition de l'a final. La ressemblance avec le mot Tig-re de ce nom de Tyryc, mal entendu et parfois prononcé seul par abréviation, a conduit les premiers colons européens, dans leurs rares relations avec les Indiens, à adop- ter le mot detig*re pour désig*ner le Jag'uar noir, malg*ré ses profondes différences avec le vrai Tig're, et, aujourd'hui, c'est presque exclusivement sous ce dernier nom que cet animal est désig-né par les Brésiliens, car le nom d'Onça prêta (Once noir) lui est plutôt donné comme définition que comme nom. On trouve toutefois encore dans quelques loca- lités le nom de Jaguatiry appliqué à une petite espèce de chat noir, probablement au chat nèg-re d'Azara, et cela vient encore de Thabitude indienne, après avoir adopté un nom pour une g-rande espèce, d'employer le même nom pour une petite qui lui ressemble, soit en se servant des adjectifs assu, gTand, ou mirirn, petit, pour les distinguer l'une de l'aulre, soit, comme c'est le cas actuellement, en modifiant la finale du nom. Le nom de Jag"uatyrica a été attribué quelquefois à tort à l'Ocelot ou Gang'uçu. Les hybrides du Jag'uar noir et des Jag"uars ordinaires ont les mêmes taches noires que le type, mais avec le fond plus pâle et plus roussâtre sur les parties supérieures. La couleur du ventre et des parties inférieures du corps devient g-ris- cendré, et la lèvre supérieure g*ris-blanchâtre. Il faut rapporter à un de ces hybrides la description du Jag'uar noir de Marcg-raaf, appelé à tort par lui Jaguareté et dontErxleben a fait une espèce sous le nom de Felis nigra. Cette espèce n'a pas été admise par les autres naturalistes; presque tous ont considéré le Felis nig-ra d'Erxleben comme une variété du Jag'uar ordinaire atteinte de mélanisme. En réalité, ce devait être un hybride. Mais ces hybrides mon- trent des caractères constants , et c'est là une preuve que le Jag'uar noir est bien réellement une espèce distincte des autres. Si , en effet , c'était seulement une race atteinte de mé- FAUNE DU BRÉSIL. 459 lanisme , les hybrides seraient tantôt semblables k un des types, tantôt à l'autre, tantôt, au contraire, avec des rég-ions noires, d'autres blanches ou fauves, et ces taches offriraient de g-randes irrég'ularités. On ne trouve jamais de ces varia- tions caractéristiques du mélangée des races, mais bien, comme je l'ai déjà dit, un type constant, pour l'union avec chaque espèce de jag'uar à fond pâle , et intermédiaire aux types primitifs , comme dans le mélang-e d'espèces entière- ment différentes. Le Jag^uar noir constitue donc de la manière la plus cer- taine une espèce différente des autres, et distincte du Felis ni- gra d'Erxleben, son hybride. 11 n'a pas encore reçu de déno- mination de la part des naturalistes; en conséquence nous lui donnerons le nom de Felis jaguatyrica. Je me suis d'ailleurs assuré, en consultant un nombre considérable de chasseurs , qu'il n'existe aucun Jag'uar noir sans taches plus noires que le reste du pelag-e, et dont le Jag'uatyrica pourrait être consi- déré comme un hybride. Il existe au contraire un hybride du Jag'uar noir et du Goug-uar à dos noir, d'un noir assez foncé et dans lequel les taches sont très-effacées, mais se voient encore un peu. Il faut probablement rapporter à cet hybride le Jag-uareté dePisondont Buffon a fait son Goug'uar noir et Schreber le Felis discolor. 202. — Les Jag-uars sont très-voisins des Panthères , des Onces et des Léopards de l'ancien continent. Les Goug^iars ou Pumas {Felis concolor de Linné) se rapprochent, au contraire, du Lion. Aussi leur a-t-on quelquefois donné le nom de Lion d'Amérique. Ils ont, en effet, une g-rande ressemblance avec les Lions dans la forme g-énérale et par leur pelag-e assez ras, unicolore et sans taches , mais ils sont totalement dépourvus de la crinière formant un si bel ornement chez les Lions de l'ancien continent. Ges animaux sont connus au Brésil sous le nom de Suçua- rana^ et on y en connaît deux espèces distinctes : la Sucua- rana vraie , appelée aussi Onça vermelha, et la Suçuarana de lombo preto. 4f)0 FAUNE DU BRÉSIL. La première est la plus g'rande. Sa taille atteint celle du Jag'uar ordinaire ou Jag'uapara. Elle est plus g-rosse que la Suçuarana de lombo preto , laquelle est plus effilée. Le nom de Suçuarana est une altération du mot Çucuacuara {Soucoua- couara dans l'orthog-raphe française), aussi bien que le nom de Guazouara rapporté par Azara et les noms de Soasoarana, Goug'ouaoouara, Gug-uacarana, Goug'ouara, etc., rapportés de la Guyane par d'autres voyag^eurs, et c'est aussi l'orig^ine même du nom altéré de Cougouar. Ce nom de Çucuacuara dérive de çu, la nowriture, cuacu, recouvrir^ et ara, une finale souvent employée pour marquer habitude. Ce mot si- g'nifîe donc qui couvre sa nourriture^ et c'est encore un exemple du soin avec lequel les îndiens observaient les habitudes des animaux et de l'intérêt qui s'attache à conserver les noms donnés par eux. La Suçuarana a , en effet , l'habitude de ca- cher sa proie sous un énorme tas de feuilles sèches , après en avoir mang-é une partie, et elle revient ensuite à cette provision quand elle a de nouveau faim. C'est le seul des gTands féliens de l'Amérique possédant cette habitude bien connue des chasseurs, et dont je suis étonné que les voya- g*eurs n'aient pas parlé. La Suçuarana proprement dite , la plus g-rande des deux espèces, est celle chez laquelle cette ha- bitude existe surtout. L'autre, la Suçuarana de lombo preto, est plus féroce et ég'org'e beaucoup plus d'animaux. Beaucoup de confusion règ-ne dans les descriptions données par les naturalistes sur les CougTiars. Ainsi la description de Buffon semble se rapporter plutôt à la Suçuarana de lombo preto, car il parle de noir sur la lig-ne du dos. Il en est de même de la taille etdes habitudes qu'il mentionne. Ultérieure- ment, beaucoup de descriptions semblent se rapporter à la Suçuarana ordinaire, ou présentent un mélangée des caractères des deux espèces. Le Felisunicolor, Traill., semble se rappor- tera la Suçuarana ordinaire jeune. Dans cette circonstance , je réserverai le nom de Felis concolor à la Suçuarana de lombo preto, caractérisée par une taille plus petite, une forme plus allong'ée et plus g'rêle , et une lig-ne noire dorsale commen- I AU>E L>U lîKESlL. 461 çant à la nuque et se prolong-eant jusqu'à l'extrémité delà queue. La couleur sur les flancs est aussi plus foncée que celle de l'autre espèce. Nous conserverons alors à l'autre espèce le nom indien si caractéristique de ses habitudes en l'appelant Felis sucua- cuara. Cette dernière espèce, ou l'Onça vermelha du Brésil , est d'une couleur brun roussàtre uniforme, plus claire un peu que l'autre espèce, surtout sous le ventre, la g-org^e et le menton, où elle est presque blanche. Elle a seulement un peu de noir au bout de la queue. Dans les deux Suçuaranas , les mousta- ches et les lèvres sont noires, et il y a un peu de noir à l'exté- rieur des oreilles. Toutes les deux aussi ont la queue long'ue. Ces deux espèces g-rimpent parfaitement aux arbres. L'une et l'autre fuient l'homme et les chiens; même un enfant à cheval leur fait peur. On ne les voit pas dans le voisinage des lieux très-habités. Elles chassent le cerf dans les Gam- pos, et font aussi quelques ravagées dans les troupeaux, sur- tout la Supuarana de lombo preto. Elles fréquentent plus les cavernes que les autres Féliens, et y entrent à la poursuite des Pacas et des Ag^outis. 203. — L'Ocelot ou Felis pardalis de Linné, ou encore Fe- lis chibiguazu d'Hamilton Smith, etl'Oceloïde Felis macroura de Temminck sont connus au Brésil sous le nom de Gang'Uf'u, nom abrég-é de Acang'a-assu, grande tête. L'Ocelot ou le vrai Gang^ucu, le Felis pardalis, approche du Jag'uar ordinaire par sa taille, qui est toutefois plus petite. Sa long'ueur est à peu près de 1 mètre à l'",20 et sa queue a en- viron 50 centimètres. Il est assez bas sur jambes. Le corps est g*ros et la tête largue. Le pelag*e est ras, g'ris très-foncé en dessus et blanc en dessous. Sur les flancs existent de g-randes taches fauves moins foncées que le fond du pelag^e, bordées de noir latéralement et formant par leur réunion des espèces de bandes obliques. Get animal a de plus des lig^nes noires sur le front et de petites taches sur la tête et les pattes. La queue est annelée de noir. Gette espèce est féroce et fait d'as- 462 FAUNE DU BRÉSIL, sez grands dég-âts dans les troupeaux, mais elle redoute l'homme. Les femelles ont le fond du pelag-e un peu moins foncé que les mâles et sont un peu plus petites. Hamilton Smith a voulu diviser les Ocelots en plusieurs es- pèces. Au Brésil, il y a uniquement celle dont je viens dépar- ier, et elle me semble identique à l'Ocelot de Buffon. 11 paraît exister au reste des variations dans la taille et la disposition des taches, et les g-ens du pays les attribuent surtout à l'hy- bridation des deux espèces de Gang-uçu, l'Ocelot et l'Oceloïde. Le nom de Ghibi-g^uazu donné par Azara dérive du verbe chu- ban, sucer, et g'uazu, ceï^f, et se lie à ce que cet animal fait une chasse active aux cerfs. Cette espèce existe aux Guyanes et dans tout l'intérieur du Brésil jusqu'au Parag-uay, mais elle est beaucoup plus rare que les Jag-uars. Il faut lui rapporter le Felis brasiliensis de F. Guvier. Le Felis Hamiltoni de Fischer en est probablement tout au plus une variété, s'il en est réellement distinct. D'autres races d'Ocelot sont indiquées au Mexique et sont très-imparfaitement connues. 204. — L'Oceloïde, ou Canguçu de Manchas-Pequenas (Gan- g-uçu de petites taches), a été observé au Brésil par le prince Maximilien de Neuwied, et est décrit par Temminck sous le nom de Felis macroura. Il est un peu plus petit que le précé- dent. Sa long-ueur est de 85 centimètres environ, jusqu'à l'o- rig'ine de la queue, et celle-ci ég"ale la moitié de la long-ueur du corps. Je le crois aussi identique au Felis psevdo-jmrda- lis de Hamilton Smith, venant de la baie de Gampêche. Dans cette espèce, les taches sont moins étendues que chez rOcelot, et tendent moins à se confondre en Ijandes conti- nues. Elles présentent alternativement une maille plus gTande et une plus petite entourée par un cercle noir toute- fois encore incomplet. Elle est encore plus avide de sang* que l'Ocelot. L'Oceloïde ne paraît pas s'étendre au sud, et ne m'a pas été signialé dans le sud du bassin du San-Francisco, où Lund ne l'indique pas non plus, et où je ne l'ai pas ren- contré. 205. — Le Maracaya se montre au contraire dans tout le FAUNE DU BUÉSIL. 463 Brésil, le Paragniay, les Guyanes cl la Nouvelle-Grenade. Azara l'a décrit au Parag-uay sous le nom de Baracaya. Le nom de Maracaya paraît dériver de Maraca, nom d'un ins- trument de musique des Indiens, dont le bruit rappelait ce- lui de la queue du serpent à sonnette appelé aussi Maraca-boïa (serpent Maraca), et déjà ou ya, l'un des temps du verbe aé, qui sig-nifîe dire, parler. Le nom de Maracaya sig*nifîe donc criant comme le Maraca. C'est aussi le Marg-ay de Buffon, F élu tigrina de Linné. Lund reg'arde le Maracaya du val du San- Francisco comme identique au Felis mitis de F. Cuvier, dont le Felis elegans de Lesson est à peine distinct. Ces trois espè- ces des naturalistes, le Felis tigrina, le Felis mitis et le Felis elegans, sont indiquées par les auteurs comme du Brésil ; mais, dans ce dernier pays, on ne reconnaît qu'une seule es- pèce de Maracaya, laquelle présente dans ses taches quelques variations. Non-seulement il me semble impossible de dis- ting-uer plusieurs espèces, mais il me semble même très- liasardé d'y établir plusieurs races distinctes. J'ai vu un g'rand nombre de peaux de Maracaya, et le plus souvent au- cune ne répondait exactement aux descriptions données des trois espèces qu'on a cru disting'uer. Tantôt elles s'accor- daient avec l'une pour certains détails, avec les autres pour d'autres. En somme, la limite des variations individuelles, relativement à la disposition des taches, est a^sez étendue. La teinte g'énérale du pelag'c paraît aussi varier avec l'âg-e. A cause de cette confusion de noms, nous lui réserverons son nom indien en l'appelant Felis Maracaya. Cette espèce atteint 75 centimètres de long*ueur jusqu'à l'orig-ine de la queue, et celle-ci a environ 35 centimètres. Le fond du pelag*e est g*ris jaunâtre en dessus, et blanc un peu jaunâtre en dessous. Une lig^ne de taches noires règ'ne sur le milieu du dos et se montre à peu près continue du côté de la croupe. De chaque côté de cette lig-ne apparaissent d'autres lig-nes de taches noires, petites et pleines du côté du cou, plus gTandes sur le dos et la croupe, et alors fauves entou- rées de noir ; mais la bordure noire des taches en question 4ti4 FAUiNE DU BKliSlL. n'est pas bien continue. Ces taches sont très-allong-ées dans le sens de la long'ueur de l'animal, et leur bordure noire manque surtout aux deux bouts. Il y a g-énéralement deux ou trois rang's de taches de chaque côté de la lignie dorsale, puis viennent de nombreuses taches noires, ou mieux brun très-foncé, plus petites. Celles-ci se g-roupent parfois sur les flancs, au nombre d'une douzaine, formant des ellipses al- long'ées, mais présentant, du moins le plusgn^and nombre, une distribution irrég'ulière. Des taches brunes plus g-randes se montrent sur le fond blanchâtre de la poitrine, et manquent à l'abdomen, dont les poils sont long's et blanc-roug-eâtre. Des taches brun-noir existent sur les membres, dont le fond dupelag'e est g-risàtre en dehors, blanc en dedans. La queue est charg*ée de taches noires à l'origûne, et cela la rend irré- g'ulièrement annelée. Elle est mieux annelée à l'extrémité où se voient deux anneaux noir-brunàtre avant la pointe qui est noire. Les oreilles sont noires, avec une g^rande tache blanche sur le milieu de chacune d'elles. Le fond du pelage sur la tête est roussàtre, avec des taches noires en lig'ne, et les côtés sont blanchâh^es. Le tour des yeux est noirâtre, et des taches ou lignies brunes partent sur les côtés de la tête ei se prolong-ent vers le cou, où existent aussi des taches brunes. Les moustaches sont long'ues et blanches. Cette espèce est souvent appelée aussi au Brésil dans certaines localités Gato jmitadOj nom qu'elle partag-e parfois avec TOceloïde. Elle vit surtout dans les bois, où elle chasse les oiseaux et les petits mammifères. On peut l'apprivoiser. Son cri est plus g'rave que celui du chat, et saccadé. Le Felis catenata d'Hamilton Smith, indiqué comme du Brésil, est probablement un hybride tle l'Oceloïde et du Maracaya. Sa description ressemble assez à celle d'un hybride des deux espèces c[ui m'a été décrit. 206. — Le Maracaya nous montre une espèce intermé- diaire entre l'Ocelot et les chats domestiques. Plusieurs au- tres espèces de l'Amérique, dont encore quelques-unes sont du Brésil, se trouvent dans le môme cas. En premier lieu. FAUNE DU BRÉSIL. 463 nous citerons le Jag'uarondi, Felis Jaguarundi de Desmarest, le Yag'ua-ro-ndi des Indiens, dont le nom dans la lang'ue tupi sig^nifîe le Y'agua qui louche, ndi étant une particule qui s'ajoute pour indiquer une action habituelle, et ro sig-nifîant loucher. Ce nom provient sans doute de la faculté possédée par cet animal de resserrer les pupilles, caractère appartenant à très-peu deFéliens du nouveau continent, et n'existant dans au- cun des Féliens jusqu'ici cités. Cette espèce, désig-née aujour- d'hui au Brésil sous le nom de Gato morisco, est un peu plus g'rande que le chat domestique et ég-alele Maracaya. Sonpelag-e est uniforme et d'un brun noirâtre pointillé de blanc sale. Les moustaches sont long-ues et de couleur g-rise annelée de noir. Les poils de la queue sont plus long-s que ceux du corps. Le Jag-uarondi existe dans les provinces de Minas-Geraes et de Rio-de- Janeiro, et aussi dans tout le sud du Brésil. On le trouve au Parag-uay, où il a été sig-nalé par Azara. il s'aven- ture peu dans les lieux découverts, et préfère le séjour des gTandsbois. C'est un des Gatos do matto du Brésil. Cet animal g*rimpe aux arbres avec une g-rande facilité ; il monte même sur les palmiers, où il va chercher les petites espèces de sa- rig-ues et d'écureuils auxquels il fait une chasse active aussi bien qu'aux rats et aux oiseaux. Comme le chat domestique au Brésil, il mang'e aussi les insectes, notamment les saute- relles, les kakerlats et les cig-ales. Ses habitudes sont noc- turnes. On le rencontre quelquefois de jour, mais il chasse particulièrement durant la nuit. Il est farouche et difficile à apprivoiser, et je ne l'ai jamais vu à l'état privé. Dans les habitations voisines des bois, il lui arrive souvent de visiter les poulaillers, où alors il fait de gTands dég^âts. Il existe encore au Brésil deux autres : chats l'un est le Gato laranjo ou chat orang'é, du val du San-Francisco, Il n'atteint pas tout à fait la taille du Maracaya, mais se rappro- che du chat domestique. Je le crois identique à TEyra d' Azara. Il est de couleur unie roux clair, ou de la couleur d'une orangée, avec un peu de blanc à la mâchoire et aux côtés du nez. L'autre est presque de la taille du Maracaya et entière- 30 466 FAUNE DU BRÉSIL. ment noir. C'est sans doute le chat nègre d'Azara. En cer- tains lieux il porte le nom de Jag'uatiry, sans doute à cause de sa ressemblance avec le Jag'uar noir. Le chat nèg're d'A- zara est le Fé^/is americana Beng-L, probablement identique au Felis nigritia de Boitard, provenant des pays de la Plata. Le Chat Pampa d'Azara, Felis j^jeros de Desmarest, n'existe pas dans les contrées chaudes du Brésil. Cette petite espèce, appartenant à la section des Lynx par son système dentaire, habite au contraire les réglions tempérées et froides de l'A- mérique du sud, où il se montre le représentant du Lynx de l'Amérique du nord et des rég-ions tempérées de l'ancien con- tinent. Le Felis Darwinii de Martin semble identique au Jag-ua- rondi. Le Guig-na de Molina, qui habite le Chili, est proba- blement le Maraccya du Brésil, ou une variété du Marg^ay, qui se montre jusqu'aux Andes. Nous terminerons cette énu- mération des Féliens du Brésil, par une très-belle espèce de la Guyane hollandaise, qui existe peut-être aux limites nord de l'empire, le Colocolo {Felis colocola de F. Cuvier). C'est un chat tig*re do la taille de l'Ocelot, à pelag-e blanc, plus ou moins g'risâtre, avec des bandes flexueuses noires et jaunes. La queue est annelée de cercles noirs jusqu'à sa pointe. Entre les g-enres Chat et Chien se place le g-enre Hyène, dont aucune espèce ne se trouve dans le continent américain. Il en est tout autrement du g^enre Chien, qui y a de nom- breux représentants. 207. — Le g'enre Chien ou Canis de Linné comprend à la fois les caie'is, les loups, les chakals et les renards. Pour certains nat.£ listes, ces divers g-roupes ont constitué au- lant de g-en.'es or de cous-genres particuliers. Ils sont liés d'ailleurs ent?3 ei x par des analog'ies tellement grandes que leur sépa^'ation est assen difficile. On peut toutefois très-net- tement séparer les renards à cause de la propriété de leurs pupilles de se rétrécir sous la forme d'une lig^ne sous l'ac- tion de la lumière, et celles des autres espèces du g^enre Ca- nis de Linné conservent toujours au contraire la forme cir- FAUNE DU BRÉSIL. 467 culaire. Gomme à cette particularité répondent certaines dif- férences d'habitudes, la distinction en question pourrait être avantag'euse, tu le nombre considérable des espèces du g-enre Ganis. Mais malheureusement, parmi les espèces connues de ce gTand g-enre, il y en a un assez g-rand nombre dont les observations par les naturalistes n'ont pas eu lieu à l'état vi- vant, et pour lesquelles le caractère en question est in- connu, de sorte qu'il est impossible de les répartir avec sûreté entre les deux g-enres Canv et Vulpes. En outre, comme l'a parfaitement fait voir le D' Lund,les caractères os- téologiques par lesquels Guvier a cru pouvoir disting*uer les crânes des chiens proprement dits et ceux des renards n'ont pas de constance et dépendent, poup la plus g^rande partie, de l'âg-e des sujets. Quoique avantag-euse, la séparation des Canis et des Vid- pes est, quant à présent, un peu prématurée. Donc, en con- sidérant ces deux divisions comme g'énériques, on se trouve- rait amené à chang-er par la suite les noms de beaucoup d'es- pèces. On peut toutefois, dès maintenant, placer seulement dans le g'enre Vulpes les espèces bien reconnues comme pouvant donner à leurs pupilles la forme linéaire, et diviser le g-enre Ganis en deux sections provisoires : la première renfermant les espèces à pupille reconnue circulaire, même sous l'action de la lumière, et appartenant au vrai g-enre Ga- nis. La seconde section contiendrait, sons le nom provisoire de Canis, les espèces qui devront trouver place dans l'un ou l'autre g'enre, quand elles seront mieux connues. Les chacals et les loups ne peuvent réellement former que des subdivi- sions dans le g-rand g-enre Canis. Quant aux Fennecs, aux Otocyons et aux Gynhyène^ ou Hyénoïdes, ce sont des g'enres africains bien distincts du g-enre Canis, et ils forment le pas- sag'e aux Hyènes, conjointement avec l3S Protèles, ég-ale- ment de l'ancien continent. Les Protèles sont toutefois beaucoup plus voisins des Hyènes que des Ghiens, et par con- séquent, ce g'enre forme avec le g^enre Hyœna la famille des Hyènes, tandis que le Fennec, TOtocyon et le Gynhyène 468 FAUNE DU BRÉSIL. composent, avec les deux g-enres Canisei Yulpes, la famille des Chiens, dont deux g'enres seulement, les derniers nommés, ont des représentants dans le nouveau continent, et se trou- vent l'un et l'autre au Brésil. Quoique les chiens et les renards soient des carnivores, leur système dentaire est org-anisé pour un mode d'alimen- tation moins exclusivement carnassier que celui des Chats. Leurs molaires n'ont plus pour but à peu près unique de déchirer la viande, mais bien de la triturer. Sous ce rapport, le g-enre de vie des chiens est tout à fait en rapport avec ce mode d'org*anisation, car, quoique chasseurs et attaquant des proies vivantes, les chiens ont en g*énéral une g-rande pré- férence pour la chair commençant à se putréfier. Leurs inci- sives et leurs canines sont en même nombre que chez les chats et chez tous les autres carnassiers, c'est-à-dire qu'ils ont six incisives en haut et en bas et deux canines à chaque mâchoire, une de chaque côté ; mais leurs molaires sont plus nombreuses que celles du g*enre Felis, et au nombre de six de chaque côté à la mâchoire supérieure, et de six ou sept ég-alement de chaque côté à la mâchoire inféi'ieure. Ces mo- laires se composent en haut de trois fausses molaires, une carnassière et deux dents tuberculeuses derrière celle-ci. En bas, ils ont ég-alement deux dents tuberculeuses derrière la carnassière, sauf les Cuon de l'Inde, où il n'y a qu'une seule tuberculeuse et quatre fausses molaires en avant de la car- nassière. Toutefois, Lund a fait connaître un g"enre nouveau et vivant, tout à fait américain, dont nous n'avons pas encore parlé, le g-enre Iciicyon , qui se disting*ue par la présence d'une seule tuberculeuse derrière les carnassières, en haut et en bas, au lieu de deux comme chez les autres espèces de la famille des Chiens. Ce g-enre, par l'ensemble de son or- g-anisation, montre des rapports intimes avec les Chiens, mais toutefois il se rapproche des Martres par un certain nombre de caractères. Il doit donc être placé dans la famille des Chiens dont il fait un sixième g-enre, et il la relie à celle des Martres. FAUNE DU BRÉSIL. 469 Toutes les espèces des g^enres Canis et Vulpes sont fran- chement dig-itigrades. Leurs membres antérieurs ont tous cinq doig'ts, dont quatre seulement touchent à terre, car le pouce placé trop haut pour cela est très-peu développé et pres- que rudimentaire. Les membres postérieurs ont en g-énéral quatre doig'ts seulement, et, quand il y en a cinq, le cinquième est ég-alement trop haut pour pouvoir toucher le sol. Leurs ong-les ne sont pas faits pour leur servir d'arme, mais sem- blent uniquement destinés à creuser la terre. Au milieu d'une g'rande diversité dans les détails des formes par suite de la tête plus ou moins larg-e, du museau plus ou moins allong-é, des jambes courtes et g^rosses, ou long-ues et g-reles, du corps allongée ou trapu, ces animaux montrent cependant une même forme typique, une sorte d'air de famille trop connu pour s'arrêter à le décrire, car personne ne confondra un chien d'une espèce ou d'une race quelconque avec un autre animal. La variation des formes g'énérales est au reste beaucoup plus g-rande dans les races du chien domestique, que dans l'ensemble de toutes les espèces sauvag-es. 208. — Au point de vue du rég'ime alimentaire, les deux espèces du g'enre Canis les plus éloig-nées sont le loup com- mun d'Europe, animal féroce et sang-uinaire , la plus Carni- vore de toutes les espèces du g*enre , et F Ag-uara ou Guara du Brésil, Canis Jubatiis de Desmarest, appelé à Minas-Geraes très-improprement Lobo (nom portug^ais du Loup), et décrit par la plupart des ouvrag'es de mammalog-ie comme le Loup du' Brésil. C'est cependant le moins Carnivore de tous les chiens connus, et sa nourriture préférée consiste en suDstan- ces vég-étales. Par son g*enre de vie et quelques détails de son org-anisation, cet animal diffère complètement des autres races de chiens et constitue même à lui seul une section ou sorte de sous-g'enre dans le g*rand g'enre Canis. Il s'écarte autant du Loup que du Chien domestique ou du Chacal. Ses prunelles, toujours rondes, ne permettent pas non plus de le rapprocher des Renards, dont il n'a d'ailleurs aucune des ha- bitudes. Dans le groupe des Chiens sud-américains, g-roupe 470 FAUNE DU BRÉSIL. plus rapproché des chiens que des loups, le Guara présente le maximum de développement dans la tendance frugivore. Ses dents sont particulièreme it adaptées pour lui permettre lerég'ime vég-étal. Ainsi ses dents tuberculeuses, notamment à la mâchoire supérieure, sont proportionnellement plus long-ues et plus larg-eâ que chez les loups et les chiens, et, pour la première de ces deux dents, la larg^eur ég*ale même la long-ueur de la dent carnassière. La seconde tubercu- leuse est encore aussi largue que l'est la première chez les chiens. Les tubercules y sont aussi plus développés. La car- nassière est au contraire proportionnellement plus petite et un peu différente de forme, et les fausses molaires plus courtes manquent du talon postérieur existant chez les chiens et par lequel elles ont quelque peu l'apparence d'une petite carnassière. Les canines sont plus minces, et les incisives plus petites manquent presque complètement des tubercules latéraux propres au g-enre Canis. A ces particularités du système dentaire par lesquelles le Canis jubatus s'éloig'ne fortement des loups et même des chiens, surtout de ceux de l'ancien continent, car ceux de l'Amérique du nord ont aussi en g-énéral un g-rand dévelop- pement des dents tuberculeuses, il faut joindre sa forme élancée, ses jambes hautes et g-rêles, et surtout son long' cou, sa petite tête et son museau pointu. Aussi son aspect est-il bien différent de celui du loup. La long-ueur de son cou se lie même, comme l'a fait voir le D' Lund, à une particularité curieuse de son org-anisation ostéolog'ique, par laquelle il s'écarte sing-ulièrement des loups et des autres chiens. Cette particularité consiste dans le g'rand développement de la deuxième et de la troisième vertèbres cervicales, dont la lon- g-ueur est à peu près double des autres dimensions. Chez les chiens, au contraire, il y a à peu près ég-alité dans les trois sens. A partir de la quatrième vertèbre cervicale, cette dis- proportion se perd peu à peu jusqu'aux vertèbres de la queue, qui montrent les proportions ordinaires dans le g^enre Canis. Les os des extrémités sont aussi extrêmement allong-és chez FAUNE DU BRÉSIL. 471 cet animal. Les lévriers peuvent seuls lui être comparés sous ce rapport. Sur le crâne, la crête sagittale est toutefois pro- noncée comme en g-énéral chez les chiens. Le nom d'Ag-uara , donné par les indiens à cet animal , imite son cri, consistant en trois émissioîis de voix fortes, successives et distinctement espacées, lesquelles reproduisent à peu près les trois syllabes A-gua-ra, et ressemblent à trois aboiements de chien. D'après Azara, les Indiens du Paraguay ajoutent à ce nom celui de Guazu^ Cej^f (dans le dialecte gua- rani). Ils le nomment donc Aguara-Guazu, pour le distinguer d'une autre espèce de chien ou plutôt de renard appelée par eux Aguara-Chay . Ce nom de Guazu a été ajouté à cause de la forme de cet animal, élancée comme celle des cerfs, caractère par lequel il se distingue précisément au premier coup d'œil de l'espèce nommée Aguara-Chay, à moins que ce ne soit le nom assu (grand) mal entendu et précédé de la syl- labe ^? MolossKS à^tii. Geoffroy S.-Hil. et Vespertilio, dans lesquels nous comprenons les Furia, Plecotus et Emballonura de divers auteurs. Les espèces fossiles découvertes dans les dépôts anciens des cavernes du Brésil se rapportent toutes à des g-enres américains. Ce sont 1" un Vampire très-semblable à l'espèce vivante de la même contrée , Vampyrus (Phyllostoma) Spec- trum d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, espèce qui suce bien quel- quefois le sang" des animaux endormis comme le font aussi d'autres Chauves-souris du Brésil , mais sur laquelle on a publié des exag^érations. Les petites saigmées pratiquées acci- dentellement par elle ne tuent ni l'homme ni les bœufs ou les chevaux. 2° Trois Phyllostomes dont un très-semblable à l'espèce vivante Phyllostoma dorsale de Lund. Les deux autres paraissent différer très -notablement des espèces actuelles. 3° Un Stenoderma paraissant identique au Phyllostoma linea- tum de Geoffroy, lequel n'est pas un Phyllostome, mais un Sténoderme. 4° Un Noctilio , un Molossus et un Vespertilio dont les frag'ments trop incomplets n'ont pas permis de re- connaître l'identité ou la non-identité avec les espèces vi- vantes. 534 FAUNE DU BRÉSIL. Les restes fossiles de Chéiroptères sont au surplus d'une ra- reté extrême dans les dépôts anciens des cavernes. Ce fait contraste avec leur abondance extraordinaire dans ces lieux à l'époque actuelle et la multitude de leurs restes g-isant sur le sol. 235. — L'ordre des Primates ou Quadrumanes a ég-alement laissé très-peu de traces dans les dépôts anciens des cavernes du Brésil. La rareté des restes se rapportant à lui contraste avec le g-rand nombre des espèces aujourd'hui vivantes dans la même contrée. Cet ordre est représenté dans la faune actuelle de l'Empire par les deux tribus dans lesquelles on peut partager la sec- tion des Singles américains : la tribu des Singes proprement dits ou Cébiens et la tribu des Ouistitis ou Hapaliens; et, dans sa vaste extension , le Brésil possède à peu près toutes les espèces vivantes de la section américaine de l'ordre des Pri- mates, section tout à fait distincte de celle des Singes de l'ancien continent par plusieurs particularités, notamment par les narines séparées par une larg'e cloison et ouvertes un peu latéralement, et par des différences dans la dentition, différences formant un caractère précieux pour la distinction paléontologique des restes des sections des deux continents. En effet, tous les Primates américains ont trois paires de fausses molaires à chaque mâchoire, et les autres en ont seulement deux. En outre, dans la dentition de lait, ceux d'Amérique ont vingt-quatre dents, et ce nombre est de vingt pour les singles de l'ancien continent. Le nombre total des dents dans la dentition complète est de trente-deux chez ces derniers. Il est de trente-six chez l'une des tribus de l'Améri- c}ue, celle des Singes américains proprement dits ou Cébiens. Chez l'autre tribu, celle des Ouistitis ou Hapaliens, il est de trente-deux, et ce caractèi'e fait distinguer facilement ces deux tribus l'une de l'autre. Quoique ayant le môme nombre de dents que les Singes de l'ancien continent, les Hapaliens s'en séparent toutefois non-seulement par le nombre des faus- FAUNE DU BRÉSIL. Kbo ses molaires, mais encore parleur pouce antérieur à peine op- posable et parleurs ong-les en g-riffes allong-ées. La tribu des Singles américains proprement dits ou Cébiens renferme un g'rand nombre d'espèces à queue prenante, ca- ractère n'existant chez aucun des Sing'es de l'ancien conti- nent, ni chez les Hapaliens. On les divise d'après cet org-ane en trois sections. 1° les Singles à queue prenante dég-arnie de poils et calleuse en dessous à l'extrémité. Cette section com- prend les g*enres Alouate {Stentor d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire ouJ/yc^/é'^d'IUig'er), Atèle {Ateles d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire), Eriode {Eriodes d'Is. Geoffroy Saint-Hilaire) et Lag'otriche {La- gothrix d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire). 2° Les espèces à queue prenante entièrement velue. Cette section comprend le seul g'enre Sajou {Cebus d'Erxleben). 3° Les espèces à queue non prenante, ce sont les g'enres Callitriche [Callithrix d'Ét. Geof- froy Saint-Hilaire, Sagidims de Lacépède), Nocthore [Nyctipi- thecus de Spix,yVt»c//w/'« de G. Cuvier), Saki [Pithecia d'Ét. Geof- froy Saint-Hilaire et de Desmarest) et Brachiure [Brachiurus de Spix). Ce dernier a la queue très-courte et presque nulle. La tribu des Hapaliens contient le g^enre Hapale d'Illig^er, composé pour Et. Geoffroy Saint-Hilaire de deux autres, les g'enres Ouistiti [Jacchus) et Tamarin [Midas). Malg'ré la multiplicité des g^enres ci-dessus énumérés, conte- nant chacun un gTand nombre d'espèces, cinq espèces de sin- gles fossiles quaternaires seulement ont été jusqu'ici trouvées au Brésil dans les cavernes, dont trois dans la tribu des Cébiens et deux dans celle des Hapaliens. Ceux-ci appartiennent au g^enre Jrtcr/^w.^ actuellement vivant. Sur les trois Cébiens fossi- les, deux se réfèrent à des g^enres vivants, les g^enres Cebus et Callhhnx. Le troisième constitue un g'enre éteint, mais présen- tant le caractère de dentition propre aux sing-es de l'Amérique. Lund a donné à ce nouveau g^enre notablement différent de de tous les vivants le nom de Protopithecus et à l'espèce le nom de Protopithecus brasiliensis. Cet animal était de g*rande taille et sa hauteur ég^alait à peu près T" 30. L'espèce quaternaire du g'enre Callithrix était d'une taille très-supérieure à celle des 556 FAUNE DU BRESIL. Callitliriches actuels et à peu près double de celle du Guig-o {Calliilmx personatiis). Elle atteig-Fiait 68 centimètres du bout du museau à l'orig'ine de la queue. Lund l'a appelée Callithrix primœims. La troisième espèce découverte par Glausen a reçu de lui le nom de Cebus macrognalhus et n'est pas décrite. Les deux Hapaliens fossiles ont été trouvés par Lund dans les plus anciens dépôts des cavernes. L'un était tout à fait semblable à l'Ouistiti à pinceau vivant {Jacchus penicillatus) et lui est probablement identique. L'autre était d'une taille dou- ble et a reçu le nom de Jacchus grandis. 236. — En résumé, il résulte de la comparaison de toutes les espèces et de tous les g-enres vivants et fossiles que nous avons énumérés dans les divers ordres de la classe des Mam- mifères, une similitude g-énérale très-g'rande entre la faune vivante et la faune quaternaire quant aux types g^énéraux. Cette dernière, dès ces temps reculés, s'est disting-uée de la faune des autres parties du monde par des caractères g-é- néraux identiques à ceux par lesquels se trouvent encore aujourd'hui séparées la faune du nouveau monde et celle des autres parties du g'iobe , et cette circonstance, comme nous l'avons vu, a eu lieu aussi pour la classe des Oiseaux. La majorité des g-enres de Mammifères étaient identiques à ceux de nos jours, et ce fait est saillant surtout pour les Ron- g-eurs, ordre dans lequel il n'y a pas de g^enres nouveaux. Un certain nombre d'espèces paraissent identiques, surtout aussi dans ce dernier ordre. Mais il y a beaucoup de g-enres éteints notamment parmi les Edentés et les Pachydermes, et tous les ordres ont montré une très-forte proportion d'espèces détruites. Dans tous aussi, ont paru un certain nombre de formes plus g-randes qu'à notre époque, et les Edentés, les Pachydermes surtout, ont présenté des animaux g'ig'antes- ques. Enfin le nombre des espèces quaternaires que certaine- ment nous ne connaissons pas toutes, paraît, dans tous les ordres, avoir été notablement plus g'rand qu'à l'époque ac- tuelle, sauf pour les Chéiroptères et les Sing'es où il semble au contraire avoir été beaucoup moindre. TROISIEME PARTIE GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL RELATIONS DE LA FLORE ET DU CLIMAT Influences climatériques et causes étrangères à la climatologie agissant sur la distri- bution des végétaux. — Caractères spéciaux de la Flore américaine. — Particularités relatives à la distribution de quelques plantes brésiliennes, — Climatologie du Brésil, — Action des courants de l'Océan sur les températures moyennes. — Effets de l'altitude. — Climats équatoriaux et tropicaux, —Leurs flores spéciales. — Sai- sons, humidité, pluies et autres phénomènes météorologiques au Brésil, 237. — La distribution des vég-étaux à la surface du g*lobe est surtout rég-lée par les climats, envisagées non-seulement au point de vue des températures moyennes et extrêmes, mais encore à celui de l'humidité et de la répartition des pluies suivant les saisons. Toutefois, si on considère le g-lobe terrestre dans son ensemble, on peut dire que l'influence des températures devient tout à fait prédominante pour déter- So8 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. miner la distribution des vég*étaux. Il en est tout autrement si on s'occupe de la répartition des espèces dans un vaste ter- ritoire comme celui du Brésil, compris pour la presque tota- lité de sa surface dans la zone intertropicale, et dont la limite extrême s'écarte assez peu de cette zone, sans d'ailleurs pos- séder de montag-nes excessivement élevées. Dans ce cas , les diverses zones vég'étales dépendent surtout de la distribution de l'humidité et des pluies. Cependant, même alors, on peut encore constater, à côté de l'action principale de l'humidité, celle de la température^ laquelle dépend à la fois de la dis- tance à l'équateur et de l'altitude au-dessus du niveau de la mer. Pour la faune comme pour la flore, l'influence de la distance à l'équateur se fait sentir aussi dans l'étendue de la zone comprise entre les tropiques, et nous avons eu souvent lieu, en traitant des animaux du Brésil, de mentionner, pour certaines espèces, des limites de latitude comprises entre le 1 2' et le IS^deg^réde latitude australe. En d'autres termes, malg'ré un très-g'rand nombre d'espèces communes animales et vé- g'étales, les parties voisines de l'équateur et les régnons rap- prochées des tropiques possèdent un certain nombre d'espèces différentes, et cette circonstance tient à des particularités dé- pendantes de la température et constituant deux climats dis- tincts, auxquels on peut appliquer, à l'un le nom de climat équatorial, à l'autre celui de climat tropical. Ce dernier s'é- tend en réalité jusqu'à 3 ou 4 deg-rés au-delà du tropique, puis commence alors la zone tempérée chaude dans laquelle pénètre la pointe extrême sud de l'empire du Brésil. Nous allons définir plus nettement les deux climats en question ; mais avant d'entrer dans la description climatolo- g*ique du Brésil, description indispensable pour en compren- dre la g-éogTaphie botanique, nous devons toutefois considé- rer celle-ci dans les points où elle se montre, si je peux m'exprimer ainsi, indépendante du climat. 238. Diverses influences tout à fait étrang'ères aux influences météorolog-iques doivent en premier lieu appeler notre attention. La première, àlaquelle je donnerai le nom de GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU lîRÉSIL. 5o9 continentale, licntà l'existence d'un certain nombre de familles et de g'enres spéciaux à l'Amérique et fournissant à la fois des espèces dans les zones tempérées et chaudes du continent américain, sans être nullement représentés dans les climats identiques des autres parties du monde, et à l'absence, au contraire, d'un certain nombre de familles et de g-enres spé- ciaux à celles-ci. Sous ce rapport, il se produit dans la flore ce que nous avons vu dans la faune, où nous avons sig-nalé souvent des familles et des g'enres exclusivement américains, et également des familles et des g-enres entièrement étran- g-ers à l'Amérique. En réalité donc, de même que l'on peut, indépendamment des considérations de climat, disting-uer une faune américaine, on peut ég-alement reconnaître une f[ore spéciale à l'Amérique. Ainsi, par exemple, la remar- quable famille des Nopalées ou Cactées, comprenant près de deux cents espèces, et si remarquable par le port curieux des vég-étaux dont elle est composée, appartient exclusivement au nouveau continent. Il en est de même des Vellosiées, des Ag-aves, des Vochysiacées, des Gesnériées, des Cyclanthacées et des Simaroubées. Une autre famille, excessivement remar- quable par son port et ses belles fleurs, le nombre de ses es- pèces et la particularité d'un gTand nombre de celles-ci de vivre en parasites sur les arbres ou de croître sur les roches, est la famille des Broméliacées, comprenant l'un des meil- leurs fruits, l'ananas. Sauf trois ou quatre espèces du g-enre Furcrœa et croissant en Australie, à Madag'ascar et en Chine, cette famille est ég'alement du Nouveau Monde, où elle forme un des plus beaux ornements des forêts. La famille des Pas- siflores constitue aussi un g-roupe naturel de vég-étaux carac- téristique de la flore américaine par le nombre considérable des espèces de ce continent ; sauf une espèce de Chine et une de l'île Maurice, toutes sont du Nouveau Monde, ou bien de l'Australie et de l'île de Norfolk, mais toutefois en petite quan- tité dans ces dernières contrées. En parlant des Chéloniens, j'ai déjà mentionné que les animaux de cet ordre dans l'Amé- rique du sud appartiennent pour la plupart à des g'enres 560 GEOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. identiques à ceux d'Australie. Nous trouvons ici dans le règ^ne vég'étal une relation du même ordre non-seulement à l'occasion des Passiflores, mais encore des Araucarias. En eff'et, parmi les espèces connues de ce dernier g^enre de Coni- fères, deux, les Araucaria brasiliensis et imhricata constituant le g-enre Araucaria proprement dit, lequel est exclusivement amé- ricain, sont du Brésil et du Chili ; les autres, les A raucarïa excelsa et Ciminghami constituant le g-enre Entassa pour un certain nombre de naturalistes, qui les séparent des Araucaria pen- dant que d'autres les conservent dans ce même g-enre, sont de l'île de Norfolk et de l'Australie. La plus g'rande partie des Malpig-hiacées appartient aussi au nouveau continent. Il en est de même des Nyctagnnées, à l'exception d'un g-enre, le g-enre Boerhavia^ croissant dans l'Inde, etdequelques Piso- nia de Madag'ascar et d'Australie. Mais, dans cette dernière famille, le splendide et curieux g^enre Bougainvilka appar- tient exclusivement aux contrées les plus chaudes de l'Amé- rique du sud. J'aurais aussi à citer, comme exclusivement américains, la section remarquable des Lécythidées dans la famille des Myrtacées, celle des Yacciniées dans les Ericacées, des Cuspariées dans la famille des Diosmées, le g-enre Vatii/ia, dans les Orchidées parasites, g-enre si curieux par son port, les g^enres Anacardiu7n, Cecropia, Dorstenia, Cinchona, tousdig'nes d'attention par leur aspect ou leurs propriétés. La mag'nifique famille des Musacées, représentée dans l'Inde par les Bana- niers, à Madag'ascar par le curieux g^enre Ravenala ou Urania, au Cap de Bonne-Espérance parles Strelitzia, l'est dans le Brésil et les Guyanes par les Heliconia, l'un des ornements des forêts par leur gTand feuillag-e et leurs belles fleurs. Je pour- rais encore citer le remarquable g-enre Carica dont toutes les espèces, moins une des Moluques, sont américaines; leg-enre Fuchsia, exclusivement de l'Amérique, sauf une seuleespèce de la Nouvelle-Zélande, le g-enre Laiitana presque entièrement du Nouveau-Monde, le g-enre CupJiœa, etc. Mais je m'arrête dans cette énumération , car les indications précédentes sont suffisantes pour faire voir connnent un ensemble de formes GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. S6I vég^étales des plus remarquables , constituant une série de gToupes variés d'espèces fortement alliées entre elles dans chacun d'eux, caractérise la flore américaine d'une façon tout à fait spéciale et lui imprime un cachet distinct de celui des autres parties du monde, malg-ré la présence d'une multitude d'autres formes g*énériques communes au nouveau et à l'ancien continent, ou bien à l'Océanie. Toutefois, dans ces formes g^énériques communes elles-mêmes, les espèces américaines sont à peu près toutes difTérentes de celles des mêmes g-enres des contrées de même climat renfermées dans les autres parties du monde. A peine si, sur plusieurs milliers d'espèces de l'Amérique du sud, il s'en trouve une cinquantaine simultanément indig'ènes dans d'autres régnons du g'iobe étrang^ères au nouveau continent. Des différences analog^ues à celles qui séparent la flore de l'Amérique et celle des autres parties du monde, mais sur une échelle beaucoup moindre, existent entre la flore du Brésil et celle d'autres parties de l'Amérique, malg'ré les plus g'randes similitudes de climat. Ainsi la flore des An- tilles, par exemple, diffère sing^ulièrement de celle des par- ties équinoxiales de l'Amérique du sud et notamment de celle du Brésil, même dans les réglions de cet Empire voisines de la mer. Mais ici le nombre des difTérences g-énériques et surtout des différences provenant de l'existence de familles caractéristiques remarquables par un port spécial, diminue considérablement, de sorte que la distinction entre les deux flores repose principalement sur des différences spécifiques. Donc, malg'ré le petit nombre d'espèces communes entre les deux flores, leur physionomie d'ensemble manifeste d'assez g'randes ressemblances. 239. — Si maintenant, au lieu de comparer deux rég-ions assez éloig'nées, séparées par la mer ou bien par d'autres vastes territoires, comme par exemple le Brésil et les An- tilles, nous comparons des réglions moins étendues, mais de même climat sensiblement au point de vue de la tempéra- ture et de l'humidité, comme par exemple deux chaînes de 3U SG2 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. montagnes du Brésil d'élévation et de composition de sol analog-ues et peu éloig'nées, ou bien deux bassins, il nous arrivera encore de constater parfois de certaines différences, très-lég-ères, il est vrai, puisqu'elles porteront seulement sur un petit nombre d'espèces, mais cependant encore très-sen- sibles; car quelquefois elles tiendront à l'existence dans une de ces rég-ions d'une ou de plusieurs espèces importantes spéciales à elle, et constituant un g-enre remarquable dont la présence dans l'Empire est limitée à la rég'ion en question. Le g"enre Araucaria nous fournit à ce sujet un des exemples les plus remarquables à citer. L'unique espèce de ce g-enre existant au Brésil, V Araucaria brasiliensis ^ gTand et bel arbre forestier connu dans le pays sous le nom de Pinheiro^ et si remarquable par son port distinct de celui des autres arbres de la même contrée, constitue à lui seul d'importants lam- beaux de forêts dans la Serra da Mantiqueira, et cette chaîne de montag-nes est la seule rég-ion du Brésil où il se montre indig^ène, et occupe de g'randes étendues de sol. Cependant, en ce point, il rencontre des conditions tout à fait identiques à celles qu'il trouverait dans certaines parties de la Serra do Mar, au nord de Bio-de-Janeiro, par exemple, où il manque complètement comme arbre indig'ène, mais croît très-bien de- puis son introduction. Quelques très-rares sujets isolés ettrès- vieuxpeuvent toutefois s'y rencontrer, carj'enaivu deux exem- plaires très-gn^ands dans une forêt, près de Thérésopolis, mais la rareté et l'isolement de ces spécimens indiquent assez clai- rement comment ils doivent provenir de g'raines ancienne- ment transportées par les tribus indig-ènes qui en maugréaient les amandes, dont quelques-unes tombées sur le sol ont g-ermé en ce lieu (1). Dans ce cas remarquable de la patrie si limi- (1) A ce sujet, je dois mentionner que j'ai trouvé sur les bords de l'indaia des ci^ tronniers sauvages au milieu d'un bois vierge, dans une localité complètement dé- serte. Toutes les espèces du genre Citrus sont cependant, comme on le sait, originaires de l'Asie orientale et ont été transportées en Amérique. Les citronniers en question, dont plusieurs étaient vieux, avaient dû provenir de citrons transportés parles Garim- peiros, ou provenant d'ai-bres cultivés sur les rives, dans le haut du cours de larivière> et entraînés par celle-ci dans ses crues, puis répandus sur les berges. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. S63 tce de Y Araucaria brasilieims^ nous avons une preuve d'une influence spéciale, bien difl'érente de celle du climat ou du sol, pour la distribution des plantes, celle de la localité où l'espèce a dû prendre son orig-ine, et à partir de laquelle elle s'est étendue dans diverses directions, sans atteindre jusqu'à la limite où des conditions convenables de température et d'humidité cessent de lui permettre de vivre et de fructifier. Ici nous apercevons le rôle de la dissémination des g-raines, dont l'étendue varie suivant la nature de celles-ci, et même suivant la confîg'uration du pays, laquelle peut, dans certains cas, plus ou moins favoriser cette dissémination. Un vég"étal utile et donnant lieu à un commerce important, VIlex congonhas, dont la feuille sert à Minas -Geraes, sous le nom de Mate^ à faire une infusion usitée en g-uise de thé, nous fournit un exemple très-intéressant de l'influence de la config-uration du sol sur la dissémination. Gomme V Araucaria B)^asilicnsis, cette espèce se montre très-abondante dans la Serra-Geral et sur le haut plateau de la Mantiqueira. On ne la voit g'uère au Sud. Gependant, je dois à mon excellent ami, M. le vicomte de Prados, des détails très-intéressants sur la manière dont elle a dû se répandre, à partir de la g'rande Serra d'Ibitipoca, sur les hauts plateaux de laquelle elle se montre en abon- dance. Gette espèce est très-intéressante à étudier à plusieurs ég*ards. D'abord elle est très-polymorphe, et certainement^ à cause des variations assez nombreuses existant dans sa feuille et sa taille, il est à son sujet arrivé aux botanistes l'erreur relevée plusieurs fois dans cet ouvrag-e pour des mammifères du Brésil, c'est-à-dire que, d'après les spécimens des collec- tions recueillies sur des individus différents et dans diverses localités, on en a fait plus d'une espèce. Parmi ses diverses formes notables dans la Serra d'Ibitipoca, il y en a une dé- sig'née sous le nom de Congonhas grande. D'après la judicieuse remarque de M. le vicomte de Prados, elle paraît être tout à fait identique à V Ilex paraguariensis àe Lambert et de Martius, le vrai maté du Parag'uay, dans lequel au reste Martius lui- même a reconnu des variations, car il en cite des variétés 504 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. acutifolia, obtusifolia^ etc., et cette circonstance aurait dû évi- demment le mettre en g-arde pour admettre la séparation des Ilex congonhas ei jmraguariensis (1). Or les eaux du versant sud-ouest de la Serra d'Ibitipoca descendent dans le bassin du Rio Preto, affluent du Paraliybuna, et précisément les îles du Rio Preto, quoique l'espèce en question manque en g'énéral dans le bassin de la Parahybuna, renferment des Ilex congonhas dont les semences ont été ainsi apportées de la Serra par les eaux. L'influence du transport par les eaux est donc ici assez manifeste. Du côté du nord, les eaux de la môme Serra constituent quelques-unes des sources du Pa- rana, lequel se réunit au Parag-uay pour constituer la Plata. Or on retrouve précisément Xllex congonhas dans tout le bas- sin du Parana jusqu'au Parag-uay, et en comparant ce fait à celui de la vallée du Rio Preto, on aperçoit une puissante pro- babilité en faveur de l'opinion d'après laquelle une au moins, si elle en a eu d'autres, des orig-ines de cette espèce a dû être vers la rég-ion de la Serra-d'Ibitipoca; mais surtout on voit comment la forme du sol et la config-uration du bassin ont rég-lé la dissémination de cet arbuste. 240. — Si quelquefois, comme dans l'exemple précédent, on peut directement saisir la relation entre la confîg'uration actuelle du sol, et les réglions dans lesquelles une espèce a pu se disséminer, d'autres fois ces relations sont tout à fait dissimulées. Pour les espèces munies de g'raines ailées, dont 1 es vents seuls peuvent opérer la dissémination ; pour celles aussi dont les oiseaux et ou plus g'énéralement les animaux sont la cause de la dispersion des g'raines, cela se conçoit aisément, et incontestablement ces dernières espèces sont celles sur les- quelles l'influence climatérique a surtout rég"lé à peu près seule l'extension. Mais il existe un g-rand nombre d'espèces pour lesquelles les courants d'eau ontpu être la cause principale de dissémination des semences, sans quepourtanton puisse dis- cerner aujourd'hui de relations directes entre les réglions sur (1) Il y a d'autres espèces iVllex. Toutes sont polymorphes, mais l'Ilcx Congonhas est le plus remarquable sous ce rapport. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. S6a lesquelles elles se sont étendues et les bassins des rivières actuelles. Or ceci doit av^oir lieu évidemment pour la plupart des espèces très-anciennes, de celles dont l'existence s'est prolong-ée pendant une suite de modifications du relief du sol, car elles ont été soumises à des séries de dispersions di- verses, dont une partie s'est opérée suivant des dii^ections tout à fait différentes de celles que la confîg'uration actuelle du sol pourrait faire supposer, et suivant même des direc- tions paraissant à priori, d'après cette configau^ation, complè- tement impossibles à attribuer à l'action des courants d'eau. Il y a là un point de vue sur lequel l'attention des g"éolog*ues n'a pas encore été appelée, et cependant cette considération est du plus liant intérêt. En réfléchissant un peu à ce sujet, on aperçoit de suite de quel secours l'étude bien conduite de la g^éogTapliie botanique pourrait être pour les prog-rès de la g-éologùe. C'est encore un exemple à joindre à tant d'autres, relativement à l'inconvénient de constituer avec chaque science une spécialité limitée. Incontestablement, il existe un certain nombre d'espèces vég^étales, dont, par la nature de leurs gTaines, la dissémination a dû ne s'opérer à de très- gTandes distances que par l'action des rivières. Les limites du champ dans lequel elles se sont étendues peuvent alors facilement indiquer si ce champ est en relation avec les bas- sins actuels, auquel cas l'espèce doit être d'origûne récente, et postérieure à la formation de ces bassins ; ou bien le champ peut couper ceux-ci et franchir des séries de limites complè- tement infranchissables aujourd'hui. Dans ce cas, si surtout les mêmes directions étaient reconnues pour plusieurs espèces, on aurait la certitude de l'existence d'anciens bassins dans ces directions, et ces espèces seraient en même temps recon- nues antérieures au dernier relief du sol. Si enfin une espèce se trouve avoir un champ immensément vaste et sans aucune relation avec des directions définies, on doit la croire d'une époque reculée de la période tertiaire, de façon à avoir ren- contré des séries de circonstances différentes pour sa dissé- mination. Dans ce dernier cas, une même espèce peut paraî- 566 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. tre avoir plusieurs centres primitifs de dissémination, encore bien qu'en réalité elle en eût primitivement un seul, car, après s'être répandu d'abord sur une surface, ce vég^étal a pu subsister ensuite dans des séries d'îles, réunies plus tard de nouveau en continent, et devenues de nouveaux cen- tres de dissémination. En somme, toutes les fois que des sé- ries d'espèces semblent s'être répandues de la même manière, sans possibilité d'attribuer leur dissémination au vent ou aux animaux, il y a de précieuses indications à retirer de cet exa- men . La connaissance des limites de l'extension des plantes du Brésil n'est pas en g-énéral assez complète pour pouvoir, pour le moment, en tirer des indications précises sur les an- ciennes formes du sol. Aussi, je me borne surtout à appeler l'attention des recherches futures sur le nouveau point de vue en question. Je ne m'attacherai pas à le développer lon- g-uement ici, car il suffît des considérations précédentes et d'un peu de réflexion, pourvoir tout le parti à en tirer. 241. — Si maintenant nous revenons à la question de la dis- tribution de VIlex congonhas^ lequel, comme nous l'avons vu, semble avoir été disséminé surtout par les eaux, quoique ses fruits qui sont des drupes analog'ues à ceux du houx d'Eu- rope eussent pu faire croire à priori à une dissémination par les oiseaux, nous remarquerons la présence de cette es- pèce dans le val du Paraopeba et dans celui du Para, rivière dont la source n'est pas dans la Mantiqueira proprement dite, car elles en sont séparées par le val du Rio Grande, af- fluent du Parana. Mais, encore aujourd'hui, la séparation des eaux du Paraopeba et du Rio Grande n'est pas effectuée par une chaîne de montag*nes continue, mais seulement par la lig*ne discontinue de la Serra dos Vertentes ; aussi, en cer- tains points, comme à Lag'oa-Dourada, il existe un simple repli peu marqué du terrain entre les deux versants. Si donc on se reporte à ce que nous avons dit, dans la Géologie du Brésil, au sujet du soulèvement des systèmes de montag-nes auxquels se rattache d'une part la direction g-énérale de la Mantiqueira, et, d'autre part, la Serra d'Ibitipoca, lesquels GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ItU BRÉSIL. 567 systèmes sont antérieurs au grand dépôt des pçrès tertiaires, on voit comment, à une certaine époque, ces réglions ont dû former des îles ; par conséquent, elles ont dû être des centres de dissémination des vég-étaux alors existants, quand ces îles se sont trouvées comprises dans le continent au milieu de nouvelles terres émerg-ées. La constatation précédemment citée, d'après laquelle la Serra d'Ibitipoca est un centre de rayonnement pour la dissémination par les eaux de Vl/ex congoiihas^ se trouve donc en parfait accord avec cette donnée g-éolog-ique, et, en même temps, le fait de la pénétration de cette espèce dans les vais du Paraopeba et du Para, et de là dans le haut de la vallée du San-Francisco, et celui de l'ab- sence de son transport par les oiseaux, à en jug'er du moins par son absence ordinaire au sud de la Mantiqueira, indi_ quent commenta une certaine époque, postérieure à l'orig'ine de cette espèce, le plissement de terrain séparant les eaux du Rio Grande et celles de ces rivières n'existait pas_, et com- ment alors les eaux du bord de la Mantiqueira ont pu courir vers le Nord. Or précisément on constate aisément en certains points du plateau de Barbacena , qu'à l'époque quaternaire , des dépôts d'alluvion ont eu lieu à des niveaux de beaucoup supérieurs au fond des vallées actuelles, et ces chang-ements de niveau durant l'époque quaternaire l'emportent de beau- coup en gTandeur par rapport aux différences de niveau suffisant aujourd'hui à séparer les eaux du haut cours du Rio Grande et celles des sources du Paraopeba. Donc l'extension de V Ilex congonhas vers le Nord, à partir de la Mantiqueira, a dû se faire à l'époque quaternaire ou à la fin de l'époque tertiaire, à laquelle cet arj^uste a pu même péné- trer dans le val du Rio das Velhas, où on le rencontre aussi. D'après l'ensemble de ces indications, l'orig'ine de cette es- pèce remonterait au moins à la fin de l'époque tertiaire, où elle se serait établie dans la Mantiqueira, et sa distribution, à partir de ce point, a été réglée par la série successive des confîg'urations du sol depuis ce temps. Quant à sa pré- sence dans le val du Rio Doce , rivière prenant ses sources 568 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. dans la Mantiqueira, elle n'offre aucune difficulté à expli- quer. Les remarques présentées ci-dessus au sujet de VIlex con- gonhas peuvent servir à expliquer la présence, dans le haut bassin du San-Francisco, d'un certain nombre d'espèces dont le centre de dissémination a dû se trouver dans la Manti- queira, et qui n'ont pu cependant être portées ni par le vent, ni par les oiseaux. Le rôle de cette chaîne, comme centre de dissémination pour un g'rand nombre d'espèces d'orig-ine ancienne, ne peut être mis en doute, d'après l'examen g-éolo- g-ique du pays. Nous avons déjà cité une espèce spéciale, V Araucaria brasiliensis ^ qui ne s'est pas disséminée, et semble dès-lors primitivement née dans cette chaîne, à moins qu'elle ne soit excessivement ancienne, par exemple antérieure à l'époque tertiaire, et provenue d'autres points d'où cette es- pèce aurait ultérieurement disparu. Beaucoup d'autres espè- ces recherchent les stations montag'neuses, et ne croissent pas dans les vallées; elles n'ont donc pu se répandre hors de la chaîne. Ce cas est celui de divers Quinquinas existant dans la Serra élevée de l'Ibitipoca, connus dans le pays sous le nom de Quina da Serra ^ et séparés par De Gandohe sous le nom de Remijia, du g-enre Cinchona, dans lequel les plaçait Saint- Hilaire. Ces espèces sont complètement limitées aux réglions montag'neuses les plus élevées de la Mantiqueira. 242. — En g-énéral, les espèces ayant pris naissance dans le haut des bassins se sont répandues assez facilement vers le bas de ces bassins, lorsqu'elles y ont rencontré des condi- tions climatériques favorables. Les espèces nées dans le bas des bassins ont dû éprouver des difficultés plus g-randes à se propag-er vers le haut, sauf si leurs g*raines étaient de nature à être emportées facilement par les vents, ou si les animaux ont favorisé leur dispersion. Dans de certains cas, cette con- sidération pourrait servir à démontrer pour quelques espèces comment elles sont postérieures aux dernières modifications delà config-uration dusol. Il importe toutefois, dans toutes les déductions à tirer de la g'éog'raphie botanique, de ne pas per- GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 569 drede vue qu'un vég^étal quelconque, même parmi les espèces à graines lourdes, répand toujours ses g-raines dans un champ assez étendu autour de lui, et dont les g'rands vents accrois- sent notablement l'extension. De là naissent des descendants dont les gTaines sont portées plus loin encore et sous l'action répétée des siècles, l'extension du champ d'une espèce peut ainsi, pour ainsi dire et pas à pas, s'étendre à de très-g-randes distances de la souche primitive, même en sens contraire de la pente du terrain, quoique la propag'ation doive se faire avec beaucoup plus de rapidité dans le sens de celle-ci, où les g'raines tendent à descendre en tombant, et où les eaux pluviales, surtout dans le cas de certaines gTandes pluies torrentielles d'orag^e, tendent, même sur les plus faibles pen- tes, à en entraîner un g'rand nombre. Certains phénomènes météorologiques, les trombes par exemple, ont dû aussi, mal- g-ré leur rareté, exercer dans la durée des siècles une in- fluence notable sur la dispersion des graines les plus lourdes. Ce sont là des causes par lesquelles ont souvent été effacées, dans de certaines limites, les traces de l'influence du lieu d'o- rig'ine d'une espèce sur l'étendue et la config-uration des limites de son habitation. Toutefois ces causes n^ontpu vain- cre, dans la majeure partie des cas, les obstacles considéra- bles comme Tinterposition d'océans entre deux contrées du même climat, si les bassins de ces océans sont restés couverts d'eau pendant de long*ues périodes g-éolog'iques, et ceci nous explique comment ont dû se conserver les g-randes et pro- fondes différences de la faune et de la flore de l'Amérique du sud, avec la faune et la flore de l'Afrique centrale ou bien de rOcéanie, malg'ré de g-randes similitudes entre les cli- mats. 243. — Une autre cause, étrang*ère aussi au climat et ayant ag*i, comme les lieux d'orig'ine des espèces, sur la répar- tition des vég-étaux sur le g'iobe, est la nature du sol, non- seulement la nature actuelle du sol superficiel, mais la série des modifications éprouvées par ce sol durant les dernières périodes g-éologuques, car certaines espèces ne réussissent 570 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. bien que dans des sols arg*ileux, d'autres dans des sols cal- caires ou des sols sablonneux. Les unes aiment, les autres craig'nent les terrains riches en fer ou en alcalis; d'autres préfèrent des sols pierreux, ou bien des terres très-riches en humus ou en limon fluviatile, etc. De là sont résultées de cer- taines limitations dans l'extension de certaines espèces; d'autres sortes ont pu, à la faveur d'un sol superficiel d'allu- vion, par exemple, disparu plus tard, franchir des espaces aujourd'hui infranchissables pour elles. A cette influence s'en joig-nent deux autres, ég'alemeni sans aucune relation avec les climats actuels. La première consiste dans la répartition des climats anciens aux périodes g'éolog'iques antérieures, surtout à l'époque quaternaire. La température d'un pays ne dépend pas seulement de sa dis- tance à l'équateur, mais aussi de la distribution des terres et des eaux ; l'humidité d'un climat, l'abondance et la réparti- tion des pluies suivant la saison, sont encore plus intimement liées que la température à cette distribution. Par conséquent, des climats secs ont pu exister à l'époque quaternaire sur des points où existent aujourd'hui des climats humides et inver- sement. De là sont résultées d'anciennes barrières à Texten- sion de certaines espèces. La seconde cause consiste dans la vég*étation dominante des diverses réglions. Ainsi, de vastes forêts ont sans nul doute parfois limité l'extension des plantes recherchant les lieux découverts, et même la prédominance ancienne de certaines espèces a pu arrêter dans une rég-ion la propag^ation d'autres vég-étaux. Les considérations précédentes sont indispensables à se rappeler pour comprendre les anomalies apparentes existant parfois entre la distribution des vég'é taux comparée à celle des climats actuels sur les divers points de la surface d'un pays, et aussi pour ne pas attribuer aux climats une influence supé- rieure à celle qu'ils possèdent d'ailleurs réellement et incon- testablement à un degTé des plus importants. Toutefois nous ne nous y arrêterons pas maintenant davantag'C, et nous al- lons passer à l'étude des divers climats actuels du Brésil, GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 571 afin d'examiner ensuite la répartition des vég'étaux à la sur- face de l'Empire, dans ses relations avec ces climats. 244. — Nous avons déjà sig'nalé la difïérencc notable de climat existant au point de vue de la température, entre les rég-ions voisines de l'Equateur et la zone voisine du Tropi- que. Nous allons nous proposer maintenant d'en faire appré- cier la grandeur. Considérons d'abord la température moyenne. Dans un mémoire sur la Théorie mathématique des oscillations du baro- mètre, j'ai déduit de l'ensemble des observations météorolo- giques faites en un g-rand nombre de points du g^lobe, que la température moyenne d'un parallèle quelconque rapportée au niveau de la mer peut être représentée très-approxima- tivement en degrés centign^ades par la formule 56",? cos /. — 28' 8, dans laquelle / représente la latitude. Cette formule donne 27'',9 pour la température moyenne derÉquateur, 23%2 pour celle du Tropique, et la moyenne des deux nombres, ou 25", 55 pour la latitude de lô^SS'. La température moyenne de Rio-de-Janeiro, ville située tout près du Tropique, est de 23",1 , chiffre s'accordant remarquablement avec la formule en question. Il en est de même de celle de Pernambuco, où la formule donne 27%34. J'y ai obtenu, en 1859 et 1860, la température moyenne des six mois de décembre à mai, et le D' Sarmento a fait connaître, en 1851 , dans les comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, la température moyenne des six autres mois, ceux de juin à novembre. Or les six premiers mois ont donné 28°, 09, les six derniers, 26**, 40, dont la moyenne, 27°, 27, représente la température moyenne de la ville du Récife, à Pernambuco. L'accord avec la formule est donc à moins d'un dixième de deg^ré près. Pour faire voir ég^alement la concordance de cette même formule avec la température moyenne du sud du Brésil, et à défaut d'obser- vations dans cette régnon, j'aurai recours aux observations de M. Martin de Moussy, lesquelles ont eu lieu dans des loca- lités des républiques de la Plata, très-peu éloig-nées du sud de l'Empire. Dans son ouvrag-e intitulé : Description (jéogra- 572 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. phiqiœ et statistique de la Confédération argentine, cet auteur donne la température de divers points du bassin de la Plata. Ses observations ont été prolong^ées dans les quatre localités de Montevideo, Urug'uay, Gualeg-uaychu et Parana, où, au moyen des latitudes de ces points, ma formule donne respectivement les températures moyennes de \T,1; 19%0; 18°, 7 et 19°, 4. Par ses observations météorolog-iques, M. de Moussy a trouvé les quatre nombres de 16°, 8; 18%8; 18°, 1 et 19°, 0. Les différences avec la formule sont donc, pour Monte- video, 0°, 9, pour Urug'uay, 0'',2, pour Gualeg^uayclm, 0'\6, et pour Parana, 0°,4 ; et la différence moyenne, pour les quatre localités, est seulement de 0°,5. Cet accord, déjà très -remar- quable, serait encore plus g-rand, si M. Martin de Moussy avait pris, pour la combiner avec les observations des heu- res de minimum du matin et de moyenne température du soir, celle de 1 heure après midi, au lieu de celle de 2 heures, car, sur les côtes surtout, la température maximum est g^éné- ralement avant 2 heures, à cause de la brise de mer qui s'é- lève quand le maximum approche, et arrête le plus souvent l'accroissement de la chaleur long'temps avant 2 heures du soir. Ceci explique facilement pourquoi la température moyenne trouvée par lui pour Montevideo est relativement plus basse que celle des autres localités, où cet effet étant moins sensible, le maximum s'est moyennement rapproché de 2 heures, sans toutefois l'atteindre, car la brise est encore très-forte et fraîche après 1 heure, dans le bas des bassins des g-rands fleuves et près de leurs rives. Mais, quoi qu'il en soit, l'accord de ma formule avec les observations en ques- tion est déjà bien suffisant pour faire voir que cette formule, représentant si bien le décroissement de la température de Pernambuco à Rio, continue de le représenter dans tout le sud de l'Empire. Elle le représente même avec une complète exactitude jusqu'à la pointe sud de l'Amérique. En effet, quoiqu'on n'ait g-uère d'observations dans ces régions, on connaît toutefois celle de Port- Famine, dans le détroit de Mag-ellan, par 53"37' de latitude sud, et cette température, GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 573 d'après les observations, est de 5",0. Or, pour la latitude en question, ma formule donne aussi exactement 5°,0, et ce fait montre l'exactitude avec laquelle elle représente les tem- pératures moyennes annuelles de tout le côté oriental de l'A- mérique du sud, depuis Pernambuco jusqu'à son extrême sud. Nous déduirons donc de là la conséquence suivante : La côte orientale de l'Amérique du sud, au sud de Pernam- buco, jouit sensiblement de la température appartenant moyenne- ment à sa latitude, et par conséquent n'éprouve de la part des courants marins aucune influence propre à en élever ou à en abais- ser la température au-delà de F effet général et moyen des courants marins sur l'ensemble de la répartition des températures terrestres. Il n'en est pas de même sur la côte nord du Brésil, entre le cap Saint-Roch et l'embouchure de l'Amazone. En effet, la température moyenne de San-Luiz-de-Maranhaô a été déterminée par observ^ation, et est de 26°, 8. Je dois en outre à la complaisance de M. le g*énéralde Beaurepaire-Rohan la communication d'une année d'observations météorolog'iques faites au Para. J'y trouve pour température moyenne, au le- ver du soleil, 25% 07, à 2 heures du soir, 28°, 15, dont la moyenne, 26%6, représente sensiblement la température moyenne du lieu, à 3 ou 4 dixièmes de degré près. La re- marque précédemment faite pour les observations de M. Mar- tin de Moussy est ici applicable, et le nombre de 26'',6 doit être plutôt trop faible que trop fort. On peut donc admettre le chiffre rond de 27°, comme température très-approchée du Para, à un ou deux dixièmes de deg-ré près. Au-delà des li- mites du Brésil, mais assez près de ces limites, nous trouvons une troisième température bien déterminée par huit ans d'observations ; celle de Gayenne, ville située par 4°56' de latitude nord. Elle est de 26%8. Or, si par ma formule on calcule les températures répondant aux latitudes de San- Luiz-de-Maranhaô, Para et Gayenne, on trouve respective- ment les trois nombres 27,8; 27,9; 27,7. Donclesobserv^ations donnent de moins que la formule, savoir : pour San-Luiz-de- Maranhaô, 1°,0, pour la ville de Para, 0,9, pour Gayenne, 0,9. 574 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. Par conséquent, sur cette côte, la température est inférieure d'environ un deg'réàlatempératurc appartenant moyennement à la latitude de ces lieux. Au nord de Gayenne, cet effet va en s'atténuant. Ainsi, à Demerary, dans la Guyane ang-laise, la température moyenne est, d'après les observations, de 27°, 1. Pour la latitude de ce point, la formule donne 27*^5, ou seule- ment 0°,4 de plus. Plus au nord, cette différence cesse tout à fait, puis changée de sig-ne dans le fond du g'olfe du Mexique. 245. — Ge phénomène est facile à expliquer, et se lie à la formation du g-rand courant du Gulf-Stream. En effet, les eaux échauffées des rég-ions intertropicales étant plus lég'ères que celles des rég-ions des hautes latitudes, tendent à se porter à la surface de l'Océan, dans la direction des deux pôles, et celles des hautes latitudes, au contraire, descendent et se meuvent vers TEquateur dans les couches inférieures occu- pant le fond du lit océanique. Ces deux mouvements, dans les deuxhémisphères, se combinent pour déterminer à l'Equa- teur un courant très-lent, il est vrai, du fond vers la surface, mais existant toutefois dans toute la larg-eur de l'Atlantique, depuis le g'olfe de Guinée jusqu'à la côte d'Amérique. Mais les eaux venant des pôles vers l'Equateur, ou bien aussi ve- nant du fond vers la surface, ont, dans le sens de la rotation ter- restre, un mouvement de transport d'une vitesse moindre que celle de la surface équatoriale du g'iobe. Elles se comportent donc relativement à cette superficie, comme si celle-ci était immobile, et si elles, au contraire, possédaient un mouve- ment de transport de l'est à l'ouest. De là résulte à la surface des mers, dans la bande équatoriale, un mouvement g-énéral des eaux dans le sens de l'est à l'ouest, lequel, en apparence, est beaucoup plus fort que le mouvement, presque insensible et à peine perçu, de déversement de ces eaux vers le nord ou vers le sud. Ge petit mouvement de transport de l'eau vers les pôles à la surface, a même pour effet de faire disparaître très-vite, à une petite distance de l'Equateur au nord et au sud, le mouvement apparent superficiel vers l'est, car les eaux, en s'éloig-nant de l'Equateur, arrivent alors dans des GÉOGRAPHIE HOTANIQUE DU BRÉSIL. 575 rognons animues d'une vitesse moindre par la rotation ter- restre, à cause du plus g-rand rapprochement de l'axe de cette rotation, etpar conséquent le retarddeces eaux, d'où résultait à l'Equateur le mouvement apparent vers l'est, disparaît. On voit ainsi comment le courant équatorial de l'est doit néces- sairement être très-limité en larg'eur. En outre, les eaux douées de cette tendance à s'élever, près de l'Equateur, des couches profondes des mers vers la surface sont des eaux plus froides que ne seraient celles de cette surface dans l'état de repos. Une fois arrivées à la superficie, et en prenant leur mouvement lent vers les pôles, elles s'échauffent prog-ressi- vement sous l'action solaire, et à une certaine distance de l'Equateur, de part et d'autre, elles atteig-nent alors leur tem- pérature maximum, après quoi cette température décroît, par suite de la diminution de l'action solaire, laquelle, à cause de l'aug'mentation de la latitude, arrive à ne plus pouvoir com- penser le refroidissement par rayonnement. Le long" de l'Equateur, il existe donc un courant oriental d'eaux relativement plus froides que les eaux superficielles des rég-ions océaniques à quelques deg-rés au nord et au sud, lequel courant naît dans l'Atlantique, depuis le g-olfe de Guinée jusqu'à la côte d'Amérique, en aug'mentant toujours d'intensité en approchant de celle-ci ; car, malg'ré le déverse- ment incessant ayant lieu au nord et au sud, tout le long' de son parcours, de nouvelle eau arrive sans cesse du fond pour remplacer les pertes, et, à cause du courant déjà excitant, -chaque nouvelle eau rencontre de moins en moins de résis- tance à son mouvement oriental. Dans ma première traversée d'Europe au Brésil, en 1858, pour laquelle j'avais choisi un navireà voiles, précisémentdans le hut de séjourner plus long^- temps sur l'Océan, afin d'y faire une série de recherches, dont, depuis cette époque, mes autres voyag-es ne m'ont pas encore laissé le temps de puhlier tous les résultats, j'ai eu occasion de noter cet abaissement de température de l'eau de la mer dans le voisinag-e de l'Equateur. Ainsi, au mois de juillet 1858, depuis 10" de latitude nord, je trouvai, en avançant 576 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. vers l'Equateur jusqu'à 6° de latitude, la température de l'eau de la mer supérieure à 27° jour et nuit (1). Par 6", 30 de lati- tude, la température en question avait atteint son maximum de 27°, 6. A partir de là, elle diminua. Par 3° nord, elle n'était plus que de 26%2; par 1° à midi de 25°. Elle resta à ce chif- fre jusqu'à 2° sud, puis elle aug'menta de nouveau. Par 4° sud, elle était revenue déjà à 26'',2, et par 6° à 27°, 0, après quoi elle recommença à diminuer; mais à 10° sud, bien que l'épo- que fût celle de l'hiver de l'hémisphère austral, circonstance à cause de laquelle le maximum était inférieur à celui de l'hémisphère boréal, elle était encore à 26°, 2, c'est-à-dire supérieure à celle de l'Equateur. Le courant en question, froid relativement, vient, en se portant vers l'est, frapper la côte du Brésil, au nord du cap Saint-Roclî, et raccompag-ne à partir de ce point. Dans cette rég'ion, l'Océan est encore librement ouvert au nord, et l'ap- pel des eaux froides par le fond de la mer continue donc dans cette direction. L'intensité du courant est alors non- seulement maintenue, mais encore aug-mentée dans ce trajet, jusqu'aux Guyanes, malgré les résistances éprouvées par lui. En outre, le froid relatif de ce même courant est encore con- servé par l'arrivée de nouvelles eaux du nord. Ce fait expli- que aisément l'abaissement de la température de la côte en question. Mais en arrivant aux Guyanes, la déviation de la côte, dont la direction se rapproche du méridien, amène une diminution dans l'action des causes par lesquelles les eaux froides sont appelées. Aussi, à partir de là, voyons-nous la température du courant en question s'élever prog-ressive- ment, et par suite son action pour refroidir la température de la côte diminuer comme nous venons de le constater. En continuant sa route , le même courant arrive enfin près (I) Elle varie d'ailleurs à peine du jour à la nuit dans ces régions. Cela tient à l'é- jiaisseur de la couche échauffée par le soleil, dont les layons pénètrent profondément, et à ce que le refroidissement est limité à l'e-xlrème surface, dont les molécules aqueu- ses descendent à mesure du l'cfroidissement, et sont remplacées par d'autres plus chaudes. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 577 l'île de la Trinité, et se trouve entièrement eng'ag'é dans le g'olfe du Mexique, dont, par sa vitesse, il tend à refouler les eaux et à élever le niveau. Alors les eaux du g'olfe sont tenues de se déverser au dehors dans l'Atlantique, vers la Floride, où aucune action ne les comprime, et elles donnent ainsi naissance auvrai courant du Gulf-Stream, lequel, formé d'eaux chaudes superficielles se dirig*eant vers le nord, prend un mouvement apparent vers l'ouest, par suite de l'excès de sa vitesse occidentale relativement à la vitesse de rotation des points vers lesquels il se dirig-e. A partir de son entrée dans le g'olfe du Mexique, le courant froid équatorial situé dans une mer chaude^ fermée au nord comme au sud, cesse d'être entretenu et refroidi par l'appel des eaux froides du nord. Il s'échauffe alors prog-ressivement à un deg*ré supé- rieur à celui des eaux superficielles dans l'Océan libre, parce que celles-ci, à mesure qu'elles tendent à s'échauffer, sont rapidement portées dans des latitudes plus g-randes. Ici, au contraire, les eaux sont tenues de séjourner long*temps dans le g'olfe, et l'entrée du courant équatorial d^une part, la sor- tie du Gulf-Stream de Tautre, y déterminent un mouvement circulaire par lequel les eaux échauffées sur les côtes de la Guyane angolaise et du Venezuela se portent plus au nord, et élèvent la température des rivag-es au-dessus du deg-ré ap- partenant à leur latitude. Ainsi, on voit comment les lig-nes isothermes se relèvent vers le nord, dans le g'olfe en ques- tion. L'explication précédente de l'orignnc du Gulf-Stream, tout en présentant d'assez g-randes ressemblances avec la théorie ordinairement donnée, en diffère néanmoins en quelques points, d'abord parce que, plus complète, elle rend mieux compte de tous les phénomènes, ensuite parce qu'elle expli- que le froid relatif du courant équatorial et le déversement des eaux, nord et sud, dont il est accompag*né dans tout son parcours, et elle fait comprendre comment la force vive per- due dans le trajet est sans cesse renouvelée. Cette explication montre aussi comment ce n'est point un courant superficiel 37 o78 GÉOGFUPHIE BOTANIQUE l)U BRESIL. venant du sud, pour se réfléchir dans le g'olfe de Guinée. C'est au conti'aire un courant venant du fond, se substituant prog-ressivement aux courants superficiels, à mesure que les eaux de ceux-ci s'écliaufTent, et refoulant lentement dans leg-olfc de Guinée ces eaux superficielles vers le sud, où le mouvement oriental apparentdontellespouvaientêtre animées disparaît. Le courant en question a lui-même une intensité modérée. 11 tend à aug-menter, par le motif précédemment exposé, depuis le g'olfe de Guinée jusqu'à la côte d'Amérique ; mais il ne s'en- suit pas que, s'il ne rencontrait pas cette côte, son intensité irait en croissant indéfiniment; elle atteindrait bientôt un maximum, lequel serait déterminé quand la perte de force vive due aux frottements latéraux, laquelle est proportion- nelle à la vitesse, comme toute perte de force vive dans le frottement, serait devenue, par l'accroissement de cette vi- tesse, ég^ale à la force accélératrice. G'e.-t la loi d'équilibre existant dans tous les mouvements, et je fais cette remarque uniquement pour prévenir deux objections non fondées. De même que la côte du Brésil, à partir de Pernambuco vers le sud, échappe complètement à l'influence du courant refroidissant, lequel g-lisse le long* de la côte nord de l'Em- pire , elle échappe aussi à un haut deg'ré à l'influence des eaux chaudes des régnons voisines de l'Equateur, au sud de ce courant, et qui se portent au sud, car ces eaux tendent à prendre en même temps un mouvement apparent vers l'o- rient. Cette circonstance en atténue considérablement l'effet modificateur sur la température, car alors les courants côtiers, se dirig-eant du nord vers le sud et observés sur les côtes du Brésil, se trouvent entretenus à la fois par des eaux su- perficielles venant du nord, et des eaux profondes venant du sud ; et ceci rend à peu près nulle leur action sur la chaleur de la côte, comme le prouve l'accord de sa température avec ma formule, laquelle, établie sur l'ensemble de toutes les ob- servations faites sur le g-lobe dans les deux hémisphères, représente 'état moyen ou normal pour chaque latitude. Au cap de Bonne-Espérance, au contraire, les eaux superficielles GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 579 de provenance intertropicale, portées vers l'ouest, empochent l'arrivée à la surface pour les eaux inférieures polaires, et la température y est supérieure à celle de son parallèle, comme les températures des côtes de l'Europe sous l'influence du Gulf- Stream. Celles-ci sont aussi supérieures aux nombres donnés pour elles par ma formule. En Italie, au contraire, où l'in- fluence du courant en question n'existe plus, ma formule représente d'une manière remarquable les températures des divers points, comme l'a fait voir M. Rag-ona. 246. — Mais la formule en question représente seulement les températures moyennes au niveau de la mer, et la chaleur diminue si on s'élève au-dessus de ce niveau. En 1858, une série d'observations météorolog-iques faites pendant une se- maine à Thérésopolis^ dans la Serra des Org-ues, chez M. le major d'Escrag*nolles, à une altitude de 1 064 mètres au-des- sus du niveau de la mer, m'a donne;^ en la comparant aux observations de l'Observatoire impérial de Rio-de-Janeiro, situé à 12 lieues de distance seulement et où les deux ther- momètres employés furent comparés, un abaissement moyen de 4°, 97. La différence de niveau entre les deux instruments était de 1 004 mètres. Donc, cet abaissement répond à 1" pour 202 mètres. D'autres observations , près de ce point , à 1 287 mètres d'altitude, m'ont donné sensiblement le même chiffre. Donc, au Brésil, la température moyenne d'un lieu élevé au-dessus du niveau de la mer doit être inférieure à la température moyenne de la même latitude à ce niveau, d'au- tant de deg'rés que l'altitude du lieu en question renferme de fois 200 mètres environ. Les observations du D' Lund, à Lag-oa-Santa, lieu situé dans l'intérieur par 19°40' de latitude sud, et à 835 mètres au-dessus de la mer, nous fournissent le moyen de contrôler cette conclusion déduite d'observations dans le voisinag-e de Rio-de-Janeiro. En effet, ce savant a trouvé 20^,5 pour la température moyenne de Lèig'oa-Santa. Si par ma formule ap- plicable, comme nous l'avons vu, exactement à ces réglions, on calcule la température au niveau de la mer, pour 19°40' de 580 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. latitude, on trouve 24°, 6. La différence, avec le nombre ob- servé, est de 4%1. C'est donc un abaissement de 4",1 pour 835 mètres, ou 1" par 203 mètres, accord aussi satisfaisant que possible avec mes observations dans la chaîne des Or- g-ues. A Ouro-Preto, de l'observation de la température des sources, j'ai déduit 18°,9 pour celle du lieu, à J 140 mètres environ au-dessus de la mer. Ma formule donne 24°,4 pour cette latitude au niveau de l'Océan : la différence est 5°, 5, et répond à un abaissement de 1° pour 207 mètres, chiffre d^ac- cord avec les précédents dans les limites d'erreur des obser- vations. En résumé donc, les températures moyennes des diverses localités du Brésil sont représentées par ma formule d'une manière très-exacte, à deux ou trois dixièmes de deg'ré près, en retranchant du nombre obtenu un deg'ré par chaque 200 mètres, ou mieux 203 mètres d'altitude ; sauf pour le côté nord, où il faut encore retrancher 1° pour l'action refroidis- sante du courant d'orig-ine du Gulf-Stream. Cette dernière soustraction doit se faire seulement sur la côte même, et di- minuer progTessivement jusqu^à zéro, vers un degTé et demi ou deux degTés de distance du rivag^e, car on sait par les ob- servations européennes avec quelle vitesse décroît, à partir de la côte, l'influence de la mer sur les climats ; et ici la peti- tesse de l'influence permet certainement de la reg-arder comme complètement néglig-eable vers 2" de distance de l'Océan. 247. — Nous avons vu, dans la Géologie du Brésil^ comment le prolong-ement de la Mantiqueira, la Serra dos Vertentes et les monts Pyrénées appartiennent à l'arête culminante du plateau central du Brésil, laquelle se prolongée ensuite vers l'ouest pour se relier aux terres élevées de la Bolivie. A partir de cette arête, le sol du plateau continental incline vers le nord et vers le sud. Par conséquent, 1° le décroissement de la températurede lasurface du sol sous un mêmeméridien, en partant des limites nord de l'Empire, dépasse en grandeur le décroissement dû à la seule action de la latitude, et il s'y ajoute l'effet des altitudes également croissantes, et ceci a GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 581 lieu jusqu'à l'arête du plateau en question ; 2" à partir de cette arête et en continuant d'avancer vers le sud, l'effet in- verse a lieu, car la diminution de l'altitude compense en par- tie le décroissement de température dû à l'aug'mentation de Taltitude, et, dans la partie orientale de l'Empire, peut même parfois dépasser la compensation, comme on le reconnaît en comparantles températures moyennes d'Ouro-Preto et de Rio- de-Janeiro, ci-dessus indiquées. On voit ainsi comment la confîg'uration g-énérale du sol du Brésil ag-it pour reporter à la fois plus au nord la limite sud du climat équatorial, et la limite nord du climat tropical. En même temps elle forme, sauf sur le voisinag'e immédiat de la côte orientale, une sorte de zone spéciale montag-neuse, séparant les deux flores, que nous pouvons appeler de l'Equateur et du Tropique. Malg-ré l'identité g'énéraledans les familles dont elles sont composées, et aussi dans un très-g-rand nombre de g'enres et beaucoup d'espèces, ces deux flores présentent de très-notables diffé- rences. Les mêmes familles y sont au reste souvent représen- tées dans des proportions très-différentes. Ainsi, il y a plus d'espèces de Palmiers, d'Anonacées, de Sapotacées, d'Aristo- lochiées, de Guttifères, de Méliacées, de Cactus et de Mimo- sées, près de l'Equateur que vers le Tropique. Les Mélasto- macées, Laurinées, Pipéracées, Protéacées, sont au contraire relativement plus nombreuses dans la flore de ce dernier. Cette dernière flore est encore caractérisée par plus de prédomi- nance des Foug'ères arborescentes. D'autres familles, comme les Papilionacées, les Aroïdées, les Marantacées, les Orchi- dées, les Malvacées, les Rubiacées, etc., sont à peu près re- présentées en proportion ég-ale; mais ceci n'a déjà plus lieu pour leurs divers g'enres, et un g-rand nombre de leurs es- pèces diffèrent, pendant que d'autres restent communes. Cer- taines espèces de la flore équatoriale, le Hancorniaspeciosa, par exemple, arbuste précieux par son fruit connu sous le nom de Mang*aba, et surtout par sa sève, laquelle fournit le caout- chouc de première qualité, s'arrêtent au 20'' deg-ré de latitude sud. D'autres, comme le Maiiritia vimfera, mag-nifîque pal- 582 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. mier à grandes feuilles en éventail, ont pour limite le iS^ degré environ. D'autres encore, comme un autre palmier intéressant, le Copernicia cerifera, ég^alement à feuilles flabelliformes, et exsudant à la surface de ses feuilles une cire connue sous le nom de Carnauba, et employée à faire des boug*ies dans le pays, s'arrêtent dès le 10' ou 12' deg'ré de latitude, et déjà leur vég-étation y est notablement plus lente que plus au nord. Cette dernière limite est au reste celle d'un très-g-rand nombre d'espèces. Les plantes de la flore tropicale se rencontrent encore pres- que toutes au sud du Tropique, jusqu'à une certaine distance. Dans les forêts des pourtours de la baie de Paranag-ua, par 25" 30' de latitude sud, j'ai rencontré en g'énéral les mêmes espèces que dans les forêts de la côte, aux environs de Rio- de-Janeiro. Cette même flore se propag-e aussi assez loin vers le nord. Ainsi, les plantes de la rég-ion des forêts de Rio se rencontrent encore pour la plupart non-seulement sur le littoral, mais encore au centre de laprovince deMinas-Geraes, dans les réglions des gTandes forêts, situées même à des altitu- des de 8 à 900 mètres sur le versant oriental océanique. Les différences notables avec le plateau central, sous la même lati- tude, tiennent donc à des conditions différentes d'humidité et non de température. A ce sujet, je dirai que j'ai rencontré à Rio- de-Janeiro beaucoup des espèces sig-nalées par Saint-Hilaire comme spéciales dans les forêts de la base de la Serra de Caraça et des environs, par exemple le Paidliniasericea (1), et d'autres Sapindacées, le Comesjierma florikinda, plusieurs Heteropteris, Erythroxylon, etc. Plus à l'ouest, les plantes caractéristiques de la flore de Rio-de-Janeiro s'arrêtent beaucoup plus tôt pour la plupart, car elles appartiennent à la rég-ion humide du littoral, et sont remplacées aussitôt après la Serra da Mantiqueira parles vég^étauxde la rég'ion des Campos, cons- tituant la flore spéciale aux régnons sèches du Tropique. (i) Le Paullinia sericea a parfois des fleurs hermaphrodites, comme je l'ai constaté à Rio et à Minas. Saint-Hilaire dit ne pas lui en avoir vu. Aussi je crois devoir spé- cialement signaler cette particulaiité. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 583 248. — Ce n'est pas seulement le simple clécroissement de la température moyenne, le seul dont nous ayons parlé jus- qu'ici, auquel il faut attribuer les notables différences des deux flores équatoriales et tropicales. Il joue sans doute un rôle puissant pour ralentir la vég^étation de certaines espèces équatoriales demandant une chaleur soutenue et élevée pour vég*éter, mais Faction de ce décroissement moyen est puis- samment aidée par la variabilité des températures hiberna- les, car les températures maxima ne diffèrent guère au Tropique et à l'Equateur. Au contraire, ces dernières tendent plutôt à croître vers les Tropiques, et ce fait se conçoit aisé- ment. En effet, le soleil atteint le zénith en tous les points de la zone intertropicale^ mais il y reste peu à l'Equateur, et passe rapidement de l'autre côté. Au Tropique, il séjourne au contraire long'temps près du zénith, et en même temps la pré- sence du soleil sur l'horizon est de plus de 12 heures. A l'été du Tropique, le soleil chauffe donc autant qu'au zénith de l'Equateur, mais il chauffe plus long^temps, le refroidisse- ment de la nuit dure moins, et ceci a lieu pendant une série de jours. L'effet de l'allong-ement des jours est même tel, que les plus fortes chaleurs terrestres s'observent à une certaine distance en dehors des Tropiques, quand par hasard les vents polaires ne viennent pas arrêter réchauffement. On connaît les énormes chaleurs de la Syrie, très-supérieures aux plus fortes chaleurs de Rio-de-Janeiro. A Montevideo^ M. Mar- tin de Moussy a observé une fois 41" en été. En aucun point du Brésil tropical, je n'ai eu l'occasion d'observer 40^ pendant mon long- séjour. J'ai seulement noté une fois 39^4 aux environs de Rio-de-Janeiro et 39", 8 à Olinda, près dePernambuco. La plus basse température observée en ce der- nier point a été de 15°, 5, d'où une différence seulement de 24", 3 entre les extrêmes. A Rio, la différence entre les extrê- mes est de 29". A Montevideo, où le thermomètre atteint 0°, elle va jusqu'à 41 . APernambuco^ les différences des tempé- ratures moyennes du mois le plus chaud et du mois le plus froid n'atteig-nent pas 2°. A Rio-de-Janeiro, la tempéra- o84 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. ture moyenne des trois mois les plus chauds est de 26% 1 ; celle des trois mois les plus froids, de 20°, 3. La différence de température moyenne, entre l'été et l'hiver, est donc déjà de 5°,8. A Montevideo, cette différence est de 10°,0; et la tem- pérature moyenne des trois mois les plus froids ou de l'hiver, y est de 11", 8; celle de l'été de 21°, 8. Donc en résumé, 1" les températures maxima accidentelles tendent plutôt à croître qu'à décroître, à partir de l'Equateur, jusqu'à une assez g-rande distance au-delà du Tropique; 2'- les températures estivales décroissentlentementdansle même intervalle; 3- les températures liihernales décroissent heaucoup plus vite que les températures moyennes, et à elles surtout est due la li- mitation de l'extension des plantes de la flore équatoriale, et aussi de celles de la flore tropicale en dehors du Tropique. 249. — C'est ici le lieu de parler d'un phénomène extraor- dinaire et remarquable, d'une température survenue en 1870, sur le haut plateau de Minas-Geraes, entre San-Paulo, Bar- bacena et les massifs montag-neux des environs d'Ouro-Proto. Surce plateau, dontl'altitudevarie en sesdivers points de 900 à 1 100 mètres, la température moyenne est inférieure de 5" environ à celle du niveau delà mer, sous le même parallèle, et à cause des différences de latitude, d'environ 4° à celle de Rio-de-Janeiro. AAtalaia,prèsde cette dernière ville, la plus basse température donnée par mon thermomètre minimum, dans de bonnes conditions à l'air libre et préservé contre le rayonnement, a été de 10°, 8, etcela une seule année. Généra- lement, les minima annuels ne descendent pas au-dessous de 12°, 5. Si entre le plateau de Barbacena et Rio-de- Janeiro, les différences entre les extrêmes restaient toujours ég'ales aux différences entre les moyennes, ces nombres répondraient à ceux de 6°, 8 et 8°, 5 sur ce dernier plateau. Mais l'ég^alité en question n'existe pas, car la température varie plus dans la même journée sur les lieux élevés que dans les lieux bas (1). Ceci s'explique aisément, car, par suite de la dimi- (i) Outre cela, à Rio-de-Janeiro, la mer, dont la température change peu du jour GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 585 nution d'épaisseur de la couche d'air sur les lieux élevés, di- minution manifestée d'ailleurs par celle de la pression baro- métrique, l'atmosphère diminue moins le refroidissement du au rayonnement nocturne, et diminue moins de jour aussi par absorption l'intensité de la radiation solaire. Il y a donc moyennement plus de différence sur les plateaux élevés entre les températures du jour et de la luiit, par les temps de ciel serein, cpie dans les plaines au niveau de la mer. Les ma- xima diurnes, toutefois, y sont moins élevés, car l'action de l'altitude compense au delà l'excès de température dû à la supériorité de la radiation solaire, mais les minima au con- traire sont beaucoup plus bas, parce que cette action d'alti- tude et l'excès de la radiation nocturne se réunissent pour les abaisser. La remarque précédente est seulement relative aux g'rands plateaux; elle ne s'applique pas aux montag-nes iso- lées, ni même aux chaînes de montag'nes proprement dites, car, pour celles-ci, c'est la température de l'air ambiant de leur niveau, lequel n'a pas été en contact avec le terrain échauffé ou refroidi des réglions voisines qui détermine la leur, en réchauffant rapidement leur sol s'il se refroidit trop, en le refroidissant de même, quand la température tend à s'élever au-dessus de celle de la couche d'air du niveau en question. Aussi le climat des chaînes de montag-nes tend-il vers une plus g-rande constance, et celui des plateaux, sur- tout dans leurs vallées où l'air se renouvelle moins facilement, vers une plusg-rande variabilité que celui des plaines basses. Ce dernier cas se rencontre dans le plateau de Minas-Geraes. Aussi la température minimum hibernale, au lieu d'être de 7 à 8 degrés au-dessus de zéro, comme â priori on aurait été tenté de le croire, par la comparaison avec les minima de Rio-de-Janeiro, s'y abaisse-t- elle jusqu'à 3 à 4 deg-rés au- dessus de zéro au point du jour, dans les temps clairs, et même parfois encore 1 ou 2 degTés de moins dans certaines vallées. Alors, dans ces circonstances, il existe quelquefois un à la nuit, agit pour diminuer en général le maximum diurne, et élever le minimum nocturne. \ 586 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. peu de g'ivre ou grêlée blanche dans les campos, sur les gra- minées et la surface des feuilles dont, par l'effet du rayonne- ment, la température est encore inférieure à celle de l'air. Toutefois ce g'ivre, g'énéralement très-peu g'clé et mêlé de beaucoup de rosée, fond aux premiers rayons du soleil. La g'elée proprement dite était tout à fait inconnue sur le plateau, les nonag'énaires ne se souvenaient jamais d'en avoir vu, et ont été frappés d'étonnement quand, au mois de juin 1870, ce phénomène s'est produit avec une intensité extraor- dinaire pour ces rég'ions. Cette fois, la g'elée s'est montrée fort persistante, et a duré de cinq à six jours, depuis Barba- cena jusqu'aux Serras d'Ouro-Branco, dans tout le bord orien- tal du plateau central de Minas. Ce phénomène a été local, limité, non accompag-né de températures anormales dans d'autres rég'ions du Brésil peu éloig-nées. J'étais alors dans le centre de la province de Bahia, où la température était éle- vée comme d'habitude, et après mon retour à Bio-de-Ja- neiro j'ai trouvé, au mois d'août suivant, l'index de mon thermomètre minimum à 12°, 5 au-dessus de zéro, lequel me marquait ainsi la plus basse température de Bio-de-Janeiro depuis un an environ, époque de mon départ, et m'apprenait aussi, qu'à Bio, rien d'anormal dans la température ne s'était produit pendant le froid extraordinaire de Minas-Geraes. Quoiqu'il en soit, le froid de Barbacena a été assezintense et assez long; pour pénétrer dans les habitations, où Teau a g-elé. Dans ce pays, il est vrai, les maisons n'ont pas de mu- railles épaisses comme dans les pays froids, les cheminées y sont totalement inconnues, car elles sont une chose inutile pour les chambres, et la cuisine s'y fait sur des fourneaux. Ces conditions sont complètement suffisantes pour l'état nor- mal des hivers^ car les basses températures de 3 à 4° au-des- sus de zéro, dont j'ai parlé, existent seulement à la fin de la nuit, vers le matin, et n'ont pas le temps de pénétrera l'inté- rieur. Dès le lever du soleil, la température remonte très- vite, et ces circonstances expliquent l'absence et l'inutilité des cheminées dans les chambres. Mais, en même temps, elles GEOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. 587 montrent précisément combien le phénomène dont nous nous occupons était anormal, et font comprendre la facilité qu'éprouva la g'clée pour pénétrer dans les habitations. M. le vicomte de Prados était à Rio au moment du phénomène, mais en retournant à Barbacena au mois d'août, il trouva le thermomètre à mini ma placé dans son salon (lequel était resté fermé), marquant 29°,5 Fahrenheit, c'est-à-dire 1°,4 cen- tigTade au-dessous de zéro. Ceci indique combien le froid avait dû être intense et soutenu à l'extérieur. Le vice-consul de France à Barbacena, M. Renault, m'a dit que le thermo- mètre est descendu le dernier jour jusqu'à près de six deg'rés au-dessous de zéro à l'extérieur, mais cette dernière tempé- rature a duré un court instant seulement. Toutefois, évidem- ment, la température a dû rester assez long'temps vers 2 à 3** au-dessous de zéro dans la dernière nuit, sans quoi le ther- momètre n'aurait pu descendre à 1^4 au-dessous de la g^lace fondante, à Tintérieur d'une pièce fermée, et encore ceci était explicable seulement par le très-fort abaissement de tempéra- ture qui avait eu lieu déjà depuis plusieurs jours, où, dans les nuits précédentes, le thermomètre était descendu un peu au- dessous de zéro. Des plantations de cannes à sucre ont été détruites; des ruisseaux se sont g'iacés, et on a remarqué que beaucoup de poissons sont morts. Des forêts ont été totale- ment g'elées, comme si elles avaient été g-rillées par le feu, et beaucoup déjeunes arbres ont péri. Il y a eu aussi parmi les personnes des victimes du froid, dans les campag-nes où les tropeiros ou conducteurs de mulets charg*és sont à peine couverts de vêtements de toile, et couchent souvent sous des hang-ars ouverts, ou même dehors. A première vue, l'explication de ce phénomène anormal est difficile, car des vents inférieurs, venant de régnons éloi- g'nées au sud, ne peuvent parvenir à ces latitudes à une basse température, puisqu'ils s'échauffent dans tout le trajet parleur contact avec le sol, sous l'influence de la radiation solaire. Un abaissement direct de l'air froid des réglions su- périeures de l'atmosphère ne peut avoir lieu sans un échauf- o88 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. fement considérable de cet air, en vertu de la compression éprouvée, et par conséquent on ne peut recourir à l'hypothèse pure et simple d'un courant atmosphérique descendant, d'au- tant plus que le phénomène en question serait alors fréquent. Il faut donc un concours de circonstances plus complexe et par conséquent plus rare. La seule explication possible con- siste à admettre que, dans une latitude beaucoup plus aus- trale, où par conséquent l'hiver pouvait sévir avec rig-ueur, car le mois de juin est un mois d'hiver dans l'hémisphère sud^ une g-rande masse d'air froid, à une température très- inférieure à zéro et acquise sous l'action d'un fort rayonne- ment de la surface terrestre et de vents du sud, s'est trouvée portée, par une cause dont nous examinerons plus loin l'ori- g'ine, à une g-rande hauteur au-dessus du sol. Par la dilata- tion accompag-nant ce soulèvement, sa température s'est encore abaissée d'une quantité ég'ale à celle dont cette même température pourrait s'élever de nouveau, si la masse d'air en question redescendait de cette hauteur à son niveau pri- mitif. Poussée ensuite dans la direction du nord à son niveau élevé, cette masse d'air s'est rapprochée de l'Equateur sans s'échauffer beaucoup, contrairement à ce qui serait arrivé si elle avait rasé le sol, car les rayons solaires élèvent peu la température de l'air en le traversant, et on sait que celui-ci s'échauffe surtout par son contact avec le terrain, et par les courants ascendants auxquels cette circonstance donne lieu. Mais, en arrivant vers la latitude des plateaux de Minas-Ge- raes, la masse d'air froid dont il s'ag-it s'est abaissée jusqu'au niveau de ce plateau, et réchauffement résultant de cet abais- sement n'a pu que la ramener à sa température primitive, et cela môme en ne la supposant pas partie originairement d'un niveau plus bas. Donc, elle aurait pu y porter une température inférieure même à sa température orig'inelle, si ce n'est le lég-er échauffement éprouvé sous l'influence des rayons so- laires dans le trajet, et aussi toujours quelque lég-er mélang'e avec les couches ambiantes moins refroidies. Cela posé, on comprend facilement comment vers l'extrémité sud de l'Ame- GÉOGRAl>HIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 589 riqiie, dans des latitudes où des températures de 12, 15, ou même 20 degrés au-dessous de zéro sont accidentellement possibles en hiver à la surface du sol et vers le niveau de la mer, un g-rand vent, c'est-à-dire, une grande masse d'air en mouvement dans la direction de l'ouest-sud-ouest à l'est- nord-est soit venue battre contre la masse des terres et des Andes australes, où, en vertu de sa vitesse acquise, elle a pris un mouvement ascendant, tout en continuant de conserver une vitesse vers l'E.-N.-E., circonstance pour laquelle elle aurait rencontré dans les couches supérieures des conditions favorables, comme par exemple un mouvement préexistant de môme sens, auquel cas la chaîne n'aurait pas déterminé un tourbillon à axe horizontal, nuisant à la propag-ation de l'air soulevé. Alors, dans le courant d'air supérieur, la com- posante du mouvement vers le nord s'est conservée, eta amené bientôt par l'effet de la rotation terrestre la diminution pro- g-ressive da la composante vers l'est, après déjà un long* trajet dans la direction ouest, et il est resté finalement un vent de sud. Pour que ce vent g-lacé puisse atteindre à la fois la latitude et le niveau du plateau de Barbacena, il suffît maintenant que ce même vent, déjà parvenu dans une latitude plus basse, ait rencontré des circonstances favorables pour se propag^er vers le nord, et reprendre une composante vers l'est pour devenir sud-ouest, et se g-lisser entre les vents g^énéraux nord-ouest du contre-alizé par lesquels il aurait été refoulé pro- g-ressivement en bas. On voit ainsi comment il a fallu, pour ce phénomène, le rare concours de circonstances fortuites et très-nombreuses sur un trajet considérable. 250. — Par elle-même, l'existence de gTands courants d'un froid extraordinaire traversant accidentellement les hau- tes rég'ions de l'atmosphère est toujours facile à expliquer de la manière précédente, c'est-à-dire par des masses d'air déjà froid, élevé dans les hautes latitudes, à la rencon- tre de chaînes de montag'nes. L'existence de ces courants a été constatée, surtout depuis la mémorable ascension aéros- tatique de MM. Barrai et Bixio, lesquels, à Paris, en été, sont 590 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. tout à coup entrés dans un courant d'air de 40 deg-rés au-des- sous de zéro. Ces mêmes courants froids ne sont certainement pas sans relation avec le phénomène de la g-rêle, et peuvent puissamment concourir à expliquer deux circonstances de ce phénomène : le développement en long-ueur des bandes de terrain g-rêlées, et la tendance des gTêles à tomber toujours de préférence dans de certaines rég-ions, chose qui doit être, du moment où les courants froids en question sont surtout créés par les montag-nes, car ils doivent avoir alors une gTande tendance à suivre les mêmes trajets en relation avec la config-uration du sol. Mais les circonstances par lesquelles ils peuvent d'une part être amenés dans une régnon donnée à leur maximum de froid et d'autre part être forcés de des- cendre à la surface du sol et surtout sans s'être échauffés par une abondante condensation de vapeurs dans les couches inférieures plus humides, sont considérablement plus rares. Les courants en question sont toutefois en relation aussi avec les froids extraordinaires observés dans des latitudes relativement basses des régnons tempérées, mais ils ne peu- vent arriver cependant à déterminer la cong^élation au niveau de lamer dans la zone intertropicale. Ainsi, à Rio-de-Janeiro, par exemple, en supposant même que le courant tombé à Barbacenay lut descendu, réchauffement éprouvé par lui en plus en descendant à ce niveau l'aurait ramené aux envi- rons de zéro, et les vapeurs dont il aurait fait la condensation auraient encore élevé sa température de 5 ou 6 deg-rés. Le phénomène anormal de température dont le plateau de Minas-Geraes a été le théâtre, en 1870, nous montre, dans sa relation de position avec certaines parties de la chaîne des Andes, une facilité pour de gTands courants froids à pénétrer dans cette rég'ion, et, s'ils ne s'abaissent toujours, à passer au moins dans des couches atmosphériques peu élevées, et ceci ne doit pas être sans rapport avec l'abondance des g-rêles. Ces dernières y sont fréquentes l'été, pendant les orag-es. Les g-rêlons sont quelquefois gTOS, très-durs, et je les ai vus avoir besoin de trois à quatre minutes pour fondre. En 1862, r.KOGUAPHIE nOTAMQUt: DU BRÉSIL. ;j9l j'y ai observé quatre chutes dans le mois de novembre. 11 y en a, d'ajDrès les habitants du pays, une ving'taine moyenne- ment par année. A Rio-de-Janeiro, les chutes de g-rêle sont rares. J'y ai eu connaissance de quatre chutes seulement, de 1858 à 1864, dont j'ai vu trois, et de deux autres ensuite, de 1865 à 1871. La première chute eut lieu le 22 février 1859, et il y eut uniquement quelques g-rêlons mêlés à une forte ondée d'orag^e. Deux autres se produisirent le 22 et le 30 octobre 1863^ pendant de fortes ondées accompag*nées de tonnerre. Les g'rêlons étaient lenticulaires; j'en ai mesuré de dix-huit millimètres de diamètre et d'un centimètre d'épaisseur. Ils déterminèrent un étonnement g"énéral, et j'ai vu des person- nes de 60 ans ne pas se souvenir d'avoir rien vu de pareil. Mais la quatrième chute fut la plus remarquable. Elle eut lieu le 10 octobre 1864, pendant un ourag'an terrible, cinq jours après le gn^and ourag'an de Calcutta, et après les froids extraordinaires de France, des 2 et 3 octobre 1864, par consé- quent dans une perturbation atmosphérique considérable, dont l'action s'était exercée sur des régnons de l'univers très-distantes. Cette chute fut extraordinaire, accompag-née d'un violent orag^eet d'un vent par lequel, en certains points, des arbres séculaires furent déracinés. Je n'étais pas alors à Rio, mais j'ai su qu'il y a eu des g'rêlons de la gTosseur du poing". Depuis cette époque, il ne s'est plus produit de fortes chutes de g-rêle, mais seulement deux fois quelques petits g'rêlons dans des orag'es. La grêle peut donc être considérée à Rio-de-Janeiro comme un phénomène exceptionnel, et, sur le plateau de Minas-Geraes , comme un phénomène habituel. Au nord de l'Empire, les chutes de gTêle sont à peu près inconnues. Ceci me paraît indiquer la rareté des déviations des g-rands courants froids supérieurs dans la direction de Rio. Il a dû y en avoir un très-intense le 10 octobre 1864, et dans ce pays si montag-neux, et où l'air est si plein d'humi- dité, il a déterminé, par la condensation des vapeurs, un fort orag'e et un violent ourag-an. La g-rande quantité de calorique latent abandonné par l'eau en se cong-elant ne permet pas 592 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. toutefois d'expliquer la grêle uniquement par les g'rands cou- rants froids supérieurs. Pour la produire, ils doivent se trou- ver ag'ir déjà sur des nuag-es formés dans une autre masse d'air, et au contact desquels ils sont amenés avec leur froid intense. Celui-ci même ne suffirait pas encore, si ce n'est que la chargée électrique des petits g'iobules aqueux se réunissant en g"outtes devient, par l'effet de la diminution corrélative de surface, assez intense pour déterminer un écoulement d'é- lectricité faisant passer une partie de l'eau en vapeur, et de- venant une puissante cause de refroidissement pour les g'out- tes formées. J'ai exposé dansY Espace céleste^ pag-e 385^ la théo- rie de la gTêle, et fait voir comment, sur les plateaux élevés de la zone intertropicale, le décroissement de la température avec la hauteur dans l'atmosphère, plus rapide dans les jours chauds que pour les lieux bas, favorise sa formation. Quoiqu'on n'ait pas g^ardé souvenir de froids jusqu'à la con- g-élation dans le haut plateau de Minas-Geraes, le phénomène de 1870 a dû se reproduire plusieurs fois dans la série des siècles. On comprend alors comment les hauts plateaux de l'intérieur du Brésil viennent aider encore à la séparation de la flore équatoriale et de la flore tropicale, et assurer les li- mites de la première et ég^alement celles de beaucoup d'espè- ces animales vers le sud. Ces phénomènes sont toutefois beaucoup trop passag*ers pour pouvoir être invoqués en fa- veur de la théorie des g-laciers. 251. — A côté de la question des températures, nous avions à envisag-er celle des pluies, dont l'action sur l'aspect g^éné- ral de la vég-étation des diverses parties de l'Empire est tout à fait prédominante. La quantité de pluie tombant annuelle- ment sur les côtes du Brésil est d'environ 2 mètres, et dé- passe sensiblement ce chiffre en divers points. M. Sarmento a indiqué même 2"', 62 pour Pernambuco. Sur la côte nord au Para, les observations précédemment citées indiquent 1"', 90. La quantité diminue au sud du Tropique, et, à Montevideo, M. Martin deMoussy a trouvé l"",!! seulement. Sur les côtes du Brésil, la tension de la vapeur d'eau contenue dans l'air GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. o93 est considérable. Pour en donner une idée, à Pernambuco, nous avons, à 7 et 10 heures du matin, 1, 4, 7 et 10 heu- res du soir, trouvé moyennement et respectivement les ten- sions suivantes en millimètres : 20,M; 22,67; 23,58, 22,24; 19,85; 19,69; lesquelles répondent aux humidités relatives : 81,63, 61, 69, 80 et 82. La plus forte tension observée s'est produite dans une journée d'avril, et a été de 38,40. Les nom- bres précédents donnent une idée de ce qui se passe sur toute la côte, et font voir l'accroissement de la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'air, à partir du matin jusque vers une heure du soir, et sa diminution ensuite. Mais, comme la température varie dans le même sens, l'humidité relative diminue de sept heures du matin à une heure du soir, puis croît de nouveau. Les deux maxima d'humidité du matin et du soir sont bien marqués. Les rosées sont excessivement abon- dantes sur les côtes et les marg-es des rivières, moins dans les parties sèches de l'intérieur, où cependant elles existent encore assez fortes, même dans la saison sèche. A Rio-de-Janeiro et sur la côte de Espirito-Santo, il pleut à toute époque de l'année, mais en moyenne beaucoup plus en été, moins en hiver. Les mois moyennement les plus secs sont ceux de juin, juillet et août. Dans tout l'intérieur du Brésil, ces derniers mois sont toujours invariablement secs, et les saisons se partag-ent en deux : la saison des pluies d'oc- tobre à mars, la saison sèche d'avril à septembre. Les pluies y sont abondantes et font déborder les rivières. Mais, sur la côte de Pernambuco, les pluies sont surtout abondantes dans les mois de juin, juillet et août, lesquels sont les mois secs au sud. Cette inversion de climat est curieuse, et elle dépend de la disposition du continent. En effet, celui-ci s'élève progres- sivement à partir de la côte, et alors les plateaux élevés de l'intérieur, fortement échauffés quand le soleil est vers le tropique du Capricorne, donnent lieu à des courants ascen- dants et à de forts orages. De là un appel d'air vers les lieux élevés, appel en vertu duquel la brise de montagne et le vent alizé ont une composante commune, celle de l'est. Cet appel 38 594 GEOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. d'air empêche les courants ascendants de se former sur la côte de Pernambuco, dont les terrains sont bas relativement, et le vent alizé ne peut déposer en montant l'eau dont il était charg-é, qu'après avoir franchi cette rég^ion^ et en déviant un peu vers le sud par la cause déterminant la brise de monta- g'ne. On a donc à la fois pluies et orages dans l'intérieur, sé- cheresse à la côte orientale nord. Dans le sud, au contraire, à Rio-de-Janeiro, par exemple, où les grandes montagnes sont près du rivag-e, le courant ascendant se fait dès celles- ci, et les orages y ont lieu comme dans Tintérieur. En hiver, c'est l'inverse : les plateaux de l'intérieur sont plus froids que l'Océan, et le mouvement de l'air tend à se faire de ceux-ci vers la côte. Mais le vent alizé l'entrave, et alors l'air apporté par le vent régulier ne pouvant s'avancer vers l'intérieur s'élève en courant ascendant dès la côte elle- même. De ces courants ascendants naissent les pluies d'hiver de Pernambuco. Au sud, au contraire, où la limite du vent alizé, en se rapprochant de l'Equateur, fait échapper la côte à son action, ces courants ascendants n'existent pas, et au contraire la tendance de l'air à descendre des plateaux élevés diminue la formation des pluies. L'hiver devient donc la sai- son sèche, du moins relativement, car sur les côtes il peut pleuvoir en tout temps. La même chose a lieu sur la partie extratropicale de la côte sud du Brésil. De même, dans la par- tie intérieure extratropicale, les saisons pluviales et sèches sont comme dans le reste de l'intérieur. A Bahia, le climat participe encore de celui de Pernambuco, mais toutefois avec moins de rég^ularité, car on se trouve plus près de la limite de l'inversion, laquelle, suivant les années, se porte tantôt plus nord, tantôt plus sud. La profondeur dans l'intérieur jusqu'à laquelle le climat de côte existe, varie aussi suivant les années dans les provinces du nord. Il en résulte, derrière la bande côtière, où les pluies prédominent dans les mois de juin, juillet et août, l'existence d'une zone de climat moins rég'ulier que plus profondément dans l'intérieur. Cette zone se trouve par là exposée à de gn^andes sécheresses prolon- GEOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. 593 g'ées, à cause de l'inversion des climats : si , par exemple, elle participe du climat intérieur pendant la saison sèche, puis du climat de côte pendant la période suivante ou de pluie de l'intérieur, laquelle est alors la période sèche pour celle-ci. De même elle peut ég-alement, par la même cause, se trouver parfois exposée à des pluies prolong-ées. Ainsi s'expliquent les g^randes sécheresses accidentelles des Sertaôs de Ba- hia et d'Alag'oas, et même d'une partie de celui de Per- nambuco, sécheresses favorisées d'ailleurs par la constitution du sol et la rareté des sources, rareté dont j'ai parlé dans la Géologie du Brésil. Une partie de l'intérieur de la province de Geara se trouve dans le même cas, et ce fait y est plus g-rave qu'à Pernambuco, parce que la côte de cette dernière province, se présentant perpendiculairement au vent alizé, possède en hiver les courants ascendants dus à ce vent et dontj'ai parlé précédemment. Au contraire, la côte de Geara, laquelle est parallèle à la direction de l'alizé, ne jouit plus de cet avantagée, dont l'effet est de compenser les sécheresses d'été. Plus loin, en approchant du Para, il n'y a plus d'alizés, à cause du très-g*rand voisinag*e de l'Equateur, et les pluies sont surtout de janvier à juillet. L'explication de ce fait vient de ce qu'elles ont lieu jDarticulièrement pendant la saison de Tannée où les vents de terre sont humides, c'est-à-dire après que le sol y a été fortement détrempé par les premières pluies, et quand les rivières sont débordées et les marécag-es pleins d'eau, circonstance arrivant vers la fin de décembre et surtout en janvier. Les vents de terre continuent d'être humides en- core long*temps après la cessation des pluies dans l'intérieur. G'est pourquoi les pluies abondantes au Para se prolong-ent jusque vers juin et juillet, après quoi elles diminuent consi- dérablement, quoiqu'il puisse accidentellement y pleuvoir toute l'année, comme sur toutes les côtes. Mais au Para, où l'action de la mer a pour effet d'abaisser la température du climat, comme nous l'avons vu, la cause principale des pluies doit être évidemment la condensation de la vapeur des vents plus chauds de terre, car la tendance des vents de mer à s'é- 596 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. chauffer sur la côte s'oppose à la condensation de leur vapeur dans la majorité des cas. 252. — D'après les observations de M. le vicomte de Pra- dos à Barbacena, la gu^êle et les orag-es sont amenés de pré- férence par les vents venant du côté ouest de l'horizon. A Rio-de-Janeiro aussi, les orag'es viennent de l'intérieur. Ce fait me paraît se lier à la présence des masses d'électricité répandues vers Touest par les cimes volcaniques des Andes, et, à ce sujet, je rappellerai ce que j'ai dit dans V Espace céleste^ sur les relations entre l'électricité et les régions volcaniques. Les orag'es sont excessivement fréquents en été à Rio-de- Janeiro et dans les provinces de Minas-Geraes. Ils y font sou- vent de mag'nifîques éclairs non-seulement bifurques, mais à un nombre considérable de branches, et des déchargées ré- pétées parfois, suivant le même trajet, sept ou huit fois dans une seconde. La fréquence des orag'es diminue considéra- blement, en avançant vers le nord. A Pernambuco, dans l'intervalle de huit mois, je n'ai vu d'éclairs que deux fois, et n'ai jamais entendu le tonnerre. L'électricité donne aussi quel- quefois lieu à des trombes de vapeur. Outre celle que j'ai vue le 5 mars 1863 à Atalaia, et dont j'ai parlé dans Y Espace cé- leste, j'en ai vu deux autres en mer en sortant de Bahia pour revenir à Rio le 7 juillet 1870. Elles soulevaient l'eau de la mer, etje les ai vues se former ainsi qu'une troisième trombe, laquelle n'est pas descendue jusqu'à terre. Dans l'ouvrag-e précédemment cité, j'ai aussi parlé des trombes d'air de l'inté- rieur. G("lles-ci sont d'une très-g'rande fréquence, et cela les rend intéressantes au point de vue de la g'éog'raphie botanique, car elles entraînent sur le sol les g-raines les plus lourdes. 253. — Les vents alizés, les brises de côtes elles vents de montag'ne, sont les principaux vents à citer au Brésil. Ces derniers soufflent parfois avec force dans les g-randes vallées des fleuves et en les remontant. Ils y font de petites tempêtes. A ces vents, nous devonsjoindre le Pampero, dont l'action se fait sentir jusqu'à Rio-de-Janeiro et au delà jusqu'à la Manti- queira, et môme en mer, jusqu'aux Abrolhos. G'estun vent de GÉOGRAPHIE BOTANIQUE OU BRÉSIL. 397 sud-ouest froid, à l'orig-ine duquel les Andes ne sont pas étran- g'ères. Parfois il constitue de grandes tempêtes, surtout à l'embouchure delà Plata. lia certainement des relations avec les courants froids, comme celui qui s'est abattu sur Barba- cena et dont j'ai parlé plus haut, et il en représente l'effet sur beaucoup moindre échelle, mais il jette une gTande per- turbation dans l'atmosphère, en déterminant une abon- dante condensation de vapeurs. Il donne lieu alors souvent, sur la côte et au milieu de la saison sèche, à des pluies conti- nues et prolong^ées, surtout à des bruines. La pression ba- rométrique varie peu en chaque point dans ces réglions, mais la période barométrique diurne y est très-prononcée, comme au reste dans toute la zone intertropicale. Cette pres- sion n'influe pas beaucoup sur les plantes. Toutefois il ne m'est pas démontré qu'elle soit sans action sur la prédilection, pour les montag'nes, de certains vég-étaux, lesquels ne se ré- pandent pas dans des niveaux j^lus bas et plus sud, où ils trouveraient des conditions de climat à peu près identiques sur des sommets moins élevés. Cette pression ag"it sur la distribution des animaux. Certains papillons et insectes habi- tent spécialement les montag'nes, tandis que beaucoup d'oi- seaux se fati gâteraient en volant à 2000 mètres de hauteur. Les brouillards sont constants le matin sur les g'rands fleu- ves de l'intérieur, et fréquents ég'alement le matin en hiver près de la côte, dans les vallées surtout et les baies, comme celle de Rio-de-Janeiro. Ceux des bords des fleuves de l'inté- rieur ont lieu dans la saison sèche comme dans la saison hu- mide, et sont dus au gTand excès de la température de l'eau sur celle de l'air le matin, excès de 3 à 4° pouvant s'élever par- fois jusqu'à 6*^. Ces brouillards entretiennent la vig*ueur de la vég'étation sur les marg-es pendant la saison sèche, aussi les arbres y g-ardent-ils leurs feuilles. Ils les perdent au con- traire par la sécheresse loin des marg-es, et cette circons- tance donne même lieu à une flore riveraine spéciale, assez rapprochée par son caractère de celle des forêts vierg*es. S98 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. II DISTRIBUTION DES VEGETAUX A LA SURFACE DE L'EMPIRE. Flore des régions sèches de l'intérieur, montagnes, campos et plateaux. — Arbres souterrains. — Flore de la région côtière. — Nouveau genre Pradosia. — Description de quelques espèces nouvelles. — Sur la nature des vrilles de certaines lianes. — Observation de divers cas tératobgiques. — Plantes naturalisées et croissant spon- tanément au Brésil. — Sur les cultures du pays et les défauts de leurs procédés. — Sur la statistique agricole. 254. — • Dans le chapitre précédent, nous avons parlé des différences entre la flore des divers points du Brésil , dues soit aux lieux d'orig-ine même des espèces, soit aux divers cli- mats équatoriaux, tropicaux ou extratropicaux. Mais des différences bien plus notables, bien plus frappantes à première vue, sont déterminées par l'humidité relative des divers cli- mats et la répartition des pluies, et il y a à cet ég'ard deux climats g-énéraux, celui de l'intérieur, où, comme nous l'a- vons expliqué, existe une long'ue saison sèche et sans pluies, et celui des côtes où les pluies, plus fréquentes dans une sai- son variable suivant la rég-ion , existent toutefois à toute époque de l'année. De là deux flores g-énérales distinctes : celle de l'intérieur, caractérisée par les champs découverts ou campos ; celle de la côte, au contraire, remarquable par le GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 599 grand développement de la vég-étation forestière. La consti- tution du sol se joint à la répartition des pluies pour mar- quer encore plus profondément cette différence, car la zone côtière, entre le bord du plateau central et la mer, est formée surtout par les g'neiss décomposés, et l'intérieur du pays par les roches métamorphiques et les g*rès du plateau continen- tal. Larég-ion centrale est donc moins arg'ileuse, plus quart- zeuse que la zone côtière. Elle est même parfois calcaire, moins riche en sources, et constituée précisément par des terrains dans un état physique propre à se dessécher plus facilement. Partout où, dans l'intérieur, des montagnies de g^neiss très- décomposé se présentent de nouveau, les forêts reparaissent, au moins dans les vallées, avec un caractère se rappro- chant de celui de la côte. J'ai toutefois sig^nalé les différen- ces de la zone de g*neiss de l'intérieur de Bahia. Ici le carac- tère de la vég'élation est mixte : elle est composée de lam- beaux de forêts près des eaux, et de ces petits bois nains dont la sécheresse fait tomber les feuilles, et appelés suivant les localités Serrados ou Carascos, lesquels sont formés d'es- pèces identiques à celles de la rég-ion intérieure, et cons- tituent avec les campos une des formes de la vég'étation du gTand plateau continental. En somme, la vég'étation de l'intérieur se compose de cam- pos divisibles en g-rands pâturag^es renfermant très-peu d'ar- bustes et parfois aucun, appelés dans le pays Campos abertos, Champs ouverts^ et en caating^as, champs remplis d'arbustes disséminés, isolés les uns des autres, lesquels prédominent dans les vallées des rég-ions hautes et montag'neuses. Ceux-ci se font voir aussi sur tous les lieux élevés des g-rands cam- pos de l'intérieur, quand ils ne sont pas remplacés par les carascos ou serrados, c'est-à-dire par une vég'étation lig-neuse et serrée, composée d'arbustes, au milieu desquels s'élève de loin en loin un arbre plus grand et isolé. Des bandes étroites couvertes de g-rands arbres existent g^énéralement sur les bords des rivières, quand les marg-es sont arg'ileuses et non sablonneuses. Elles y forment des bois touffus, et parfois 600 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. s'élarg-issent et constituent des lambeaux de forêts épaisses Q.])^e\ées Mattos fechados ^ Ijois fermés, ou vaèvcieMattos virgems, forêts vierg'es, comme les g-randes forêts delà côte. Ces mattos fechados se montrent aussi sur les points où, comme je l'ai dit, les g*neiss réapparaissent et où le sol frais et humide et aussi la vapeur des rivières suffisent à entretenir la verdure et la vég'élation pendant la saison sèche. Mais ils sont beaucoup plus rares dans l'intérieur que les mattos abertos, mélang-e de bouquets de gTands arbres et de petits lambeaux de campos et de serrados. Enfin, il faut aussi mentionner la flore alpine et spéciale aux pics et sommets très-élevés des montag^nes de 1,300 ou 1,400 à 1,800 mètres, comme la Serra da Piedade, ritacolumi, etc. Cette flore se compose particulièrement d'A- maryllis, de Yellosias^ de Fuchsias ^ d'Ericacées de la tribu des Vacciniées, et surtout du g*enre Gcnj-Lussdccia de Kunth, de Gesnériacées , surtout des g-enres Besleiia de Plumier et Gesneria et Episcia de Martius, quelques Eriocaulon^ des Or- chidées, notamment du g-enre Epidendrum^ lequel affectionne les montag^nes, des Eryihroxylon, une assez g'rande variété de Mélastomacéesd'un aspect spécial, de petite taille, à feuilles épaisses et très-g*arnies de poil, quelques Acacias, des Con- volvulus et des Asclépiades, et surtout beaucoup de Bromélia- cées, de Mousses et de Lichens, en somme une vég'étation toujours en gn^ande partie parasite et vivant sur les rochers. A des niveaux plus bas, entre 800 et 1,200 mètres, se mon- trent les Gaatingas, dans les rég'ions montag'neuses. Elles occupent surtout de petits plateaux et des versants de mon- tag'nes. En avançant vers le nord où le terrain s'abaisse, et en s'éloig-nant de la côte, on en trouve à des niveaux plus bas encore, parce que la vég-étation forestière de la bande littorale et qui occupait encore partiellement les rég'ions élevées, disparaît de plus en plus. Ici les g*enres Cordia, Kielmeyera, Laplacea, Strychnos^ Sola- iwm, Erythroxylon, Styrax, Byrsonima^ Heteropteris, etc., se montrent, comme la famille des Lythariées, larg^ement re- présentés avec quelques Acacias nains, et la belle famille des GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. iiOt Vocliysiacées spéciale à ces rég'ions, mais dont quelques es- pèces apparaissent aussi dans les serrados non exposés à de trop g'randes sécheresses et dans les lieux bas. Ces arbustes sont intéressants, parce que plusieurs espèces fournissent une g"omme qui m'a paru très-semblable àla g-omme arabique, très-claire, et dont on pourrait tirer parti. Leur feuillag-e ver- ticillé, g-randet d'un vert sombre, en fait, conjointement avec leurs fleurs, un des ornements de ces rég'ions. La Salvertia convallariodora^ S.-HiL, remarquable par ses belles fleurs blan- ches odorantes, appartient à cette famille , mais ne s'étend g-uère au sud du 18' degTé de latitude. Les g^enres Vochysia et Qualea, surtout le premier, sont beaucoup plus répandus et abondants en espèces. Le g'enre d'irrég-ularité de la fleur des Vochysias est bien différent de tous les autres types de fleurs irrég-ulières, et réunit ce g'roupe de vég'étaux en une famille très-naturelle, spéciale à l'Amérique du Sud, surtout aux contrées de l'intérieur. Je dois toutefois relever, au sujet des Vochysias, une erreur de Martius, d'après lequel leurs étamines ont quatre log*es. Probablement, conformément à son habitude, comme il est facile de s'en convaincre en li- sant ses écrits, il a étudié cette fleur d'après les spécimens desséchés dans l'herbier et souvent altérés, dans lesquels il a cru disting-uer quatre logées. 11 est facile de reconnaître, en étudiant ces étamines sur le vif, la présence de deux log-es complètes seulement, comme dans celles de la plupart des vég'étaux. J'ai trouvé, aux environs de Sahara, dans la direction de la Serra da Piedade un Vochysia non décrit et assez voisin dans la forme de ses feuilles du Vochysia elliptica. Mais il diffère de de ce dernier par son calice et ses ovaires entièrement g-la- bres, au lieu d'être abondamment couverts de poils, et par ses verticillesde feuilles. Ceux-ci, au lieu d'être constamment de quatre feuilles, sont seulement de trois le plus souvent, plus rarement et partiellement de quatre. En outre, ses feuilles ont une dimension supérieure à celles du Vochysia elliptica. Je lui ai donné le nom de Vochysia Cuiabensis, à cause du peu 602 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. de distance entre le point où je l'ai trouvé et la mine de Cuiaba. La saison de sa floraison est aussi difTérente de celle du Vochysia elliptica et plus précoce. Les indications pré- cédentes, avec la comparaison avec le Vochysia elliptica, suf- fisent pour le faire disting-uer. Quelques plantes g'rimpantes, dans les Big-noniacées, les Convolvulacées, les Dilléniacées, g'enre DaviUa, et les Mal- pig-hiacées, existent aussi dans les Gating'as, dont elles enla- cent parfois les arbrisseaux. Aux g-enres et familles déjà nommés, il faut encore joindre une g-rande variété dans d'au- tres g-enres et familles, mais toujours d'arbustes nains, no- tamment des Mélastomacées ( car cette famille existe partout au Brésil, sauf dans les serrados très-secs du côté du nord), quelques Pisonia^ Vitex, g^enre dans lequel j'ai remarqué une belle espèce à fleurs violacées, non décrite, dont je par- lerai ailleurs dans la narration de mes voyag-es, le Lafoensia Pacari^ une Mag*noliacée, le Talauma ovata de A. S.-Hil., des Anona^ Gomphiaj Schinus, BauMnia, Hymeaœa, Hancornia. Au nord du 18' ou 19" deg'ré de latitude, on y trouve le CocJilos- permym insigne^ lequel se montre aussi dans les serrados et les campos. Cette espèce est mal classée par les botanistes dans les Ternstrœmiacées dont elle s'éloig-ne tout à fait, pour offrir l'aspect complet d'une Bombacée dans les plus petits détails, sauf dans les étamines non soudées à la base en cinq faisceaux, et dans la division des anthères en quatre log-es Ce dernier caractère l'éloiguie autant des Ternstrœmiacées que des Bombacées. Relativement aux filets staminaux non soudés à la base, j'ai à faire remarquer que la fleur en s'ou- vrant présente ses nombreuses étamines en cinq faisceaux distincts, lesquels s'étalent plus tard quand elle est totalement ouverte. Mais j'ai même vu, dans mon dernier voyag'C, un cas tératolognque de soudure lég-ère des faisceaux à la base. Maintenant le fruit et la g-raine sont identiques à ceux des Bombacées, et le fruit renferme un coton semblable à celui de ceux-ci, caractère manquant dans les Ternstrœmiacées. Les feuilles sont dig-itées et tout à fait comme des feuilles de GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 603 Bombax. L'écorce fournit aussi comme ceux-ci un fil extrê- mement résistant. Après tout, cet arbuste est seulement une lég-ère déviation par les étamines du type des Bombax, dévia- tion rapprochant un peu ces derniers des Ternstrœmiacées si on tient compte de l'absence de soudure des filets, mais s'en éloig*nant en même temps par les quatre logées des an- thères. Je considère donc le Cochlosjmimnn msif/ne comme une Bombacée. C'est un arbuste nain avec une racine pivotante très-volumineuse, d'odeur de térébenthine. Quel- ques Bombax, notamment les Bombax tomentosum et hexa- phyllum de Velloso, se rencontrent dans les caating^as comme dans les campos. Il en est de même du Cariomr brasiliense, connu sous le nom de pequi ou piqui, lequel domine les au- res vég-étaux de ces réglions par sa taille, et constitue à lui seul un type spécial, pouvant être reg^ardé comme une fa- mille à part. Enfin, je ne dois pas oublier de mentionner le g'enre Hyptis^ abondant dans tout le Brésil. 255. — Une espèce particulièrement importante à sig-na- 1er est un Anacardium, reg-ardé comme nain, d'où on lui a donné le nom cV/iumik. Il est en effet bien différent de Y Anacardium occideniale , le Cajuero des Brésiliens, appelé Aca- jou à pommes aux Antilles, et si abondant dans les forêts du littoral du nord du Brésil, où à lui seul il constitue de g'rands bois. Il ne faut pas confondre ce dernier avec l'arbre fournis- sant le bois d'Acajou. 11 est d'assez g'rande taille et a un tronc élevé au-dessus du sol. h' Anacardium humile, semblable à lui par la fleuret le fruit, sauf la petitesse de ce dernier, ne s'é- lève point au contraire au-dessus du sol, et, à première vue, on peut le prendre pour un petit arbrisseau tout à fait nain, de 50 centimètres environ de hauteur. Mais, si on remarque sa distribution sur le sol, on voit une multitude de pieds rap- prochés les uns des autres, occupant une surface plus ou moins circulaire de plusieurs mètres de diamètre. Si on creuse, on voit alors comment tous ces petits arbrisseaux, distincts en apparence, sont unis sous le sol, et forment les extrémités des branches d'un gn^and arbre souterrain, en se rattachant à 004 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. une certaine profondeur à un tronc unique, lequel descend profondément dans le sol. M. Renault, à Barbacena, m'a dit avoir fait creuser à plus de 6 mètres de profondeur pour ob- tenir un de ces troncs. Evidemment, en présence de cette par- ticularité, il n'y a pas lieu de donner le nom àlmmile, mais plutôt celui de subterraneum à l'Anacardium en question. Cette espèce n'est pas au reste la seule chez laquelle on trouve ce caractère. Il se montre dans d'autres espèces de la famille des Malpig^hiacées et des Lég'umineuses, notamment des g'enres Byrsonima et ^/z^^Va. L'existence des arbres souterrains est favorisée par la décomposition superficielle des roches dont j'ai parlé en traitant de la g'éolog'ie. Ils existent dans les ré- g-ions de g'neiss surtout, ou d'autres roches métamorphiques très-profondément décomposées et transformées en arg^ile à de gTandes profondeurs. Les gu^ands arbres souterrains, à tig'e verticale cachée dans le sol, sont une des particularités les plus curieuses de la flore de ces rég'ions. Sans atteindre à cedegTé, chez la plupart des autres vég'é- taux le développement souterrain est très-remarquable dans toutes les plantes et arbres de la rég'ion des campos et des caating*as. Les racines de la plupart des arbustes sont toujours excessivement volumineuses comme dans les vég-étaux de ces rég'ions, et cela contribue puissamment à leur faire supporter la saison sèche. Ce fait est certainement le point le plus caractéristique de la flore des campos. Au point de vue pra- tique et de la culture, cette particularité indique aussi sur quelle nature de plantes on doit surtout faire porterie choix, dans ces rég'ions, pour les nouvelles cultures à y introduire. 256. — La vég'étation des campos élevés de la rég'ion de Barbacena à Ouro-Branco diffère un peu de celle des campos situés plus au nord dans le bassin du San-Francisco. Rabou- g-rie sur les plateaux, elle se montre toutefois dans certaines vallées avec des caractères se rapprochant de ceux de la rég'ion des forêts, car elle participe encore davantag'e aussi du cli- mat marin, et la sécheresse n'y ég-ale pas celle du nord, du moins la saison sèche y est plus courte. L'aridité de certains GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 605 plateaux tient beaucoup à la nature du sol plus quartzeux que dans les localités où les forêts tendent à s'établir. Sur ces pla- teaux dominent, avec les Graminées, les Byrsonima, des Trem- />ie(/a, des Lavoisieria , des Cambessedesia, surtout le Cambessedesia cspora, var. ilkifolia D. G. excessivement commun, et quel- ques autres Mélastomacées naines à g-randes feuilles, des Baccharis^ Vernonia^ quelques Vacciniées, Gentianées, Erio- caulon^ Croion, etc. Dès que l'aridité devient moindre, le nombre des espèces et des familles se multiplie considéra- blement par l'addition de beaucoup d'autres des rég-ions de forêts, et il s'y mêle des vég*étaux spéciaux à ces pla- teaux élevés, comme le Calyptrantes aromatica ; une belle Labiée arborescente à fleurs bleues, VEriope Macrostachya de Martius; une autre Mag-noliacée , le Drymis granatensis^ celle-ci dans les campos humides; des Justicia, Salvia^ etc. Puis, dans les lambeaux de forêts proprement dites, réap- paraissent, avec des espèces de la rég*ion côtière, les bam- bous, les foug*ères arborescentes des g*enres Alsophila, Cyathea, puis des espèces spéciales à ces rég-ions, surtout dans les Mélastomacées, Myrtacées et dans les g'enres Petrea^ Echites, Cestrum, Exostemciy Casearia, PaUcurea, et beaucoup de Protéacées. La splendide Big'noniacée g'rimpante, Bi- gnonia venusta à fleurs orang-é, s'y montre abondante, comme aussi à l'état rabougTi dans les campos. Mais, où la forêt tend à revenir, dominent d'autres mag'nifiques Big'nonia- cées du g^enre Tecoma, comme la belle espèce à fleurs jaunes, abondante à Rio-de-Janeiro et connue dans le pays sous le nom d'Ipé ou Pao d'arco, Tecoma Ipe, distincte toutefois du Pao d'arco à fleurs roses, lequel vit abondam- ment plus au nord et est le Tecoma ochracea ou obtusata D. G., car ces deux espèces me paraissent établies sur des différen- ces résultant du polymorphisme d'une espèce unique. Je citerai au sujet du polymorphisme, comme autre exemple remarquable dansées rég-ions, les Mynine ferruginea eiumbra- culifera^ le dernier surtout. Ils s'y montrent fréquents comme dans les forêts de Rio-de-Janeiro. 606 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. Dans les campos et lieux découverts, selon qu'ils sont plus ou moins secs ou humides, se font voir des Pœplialantus^ Toiir- nefortia^ Polyfjala^ Turnera^ Cwphœa^ Pobjgonium^ Phylla7itkus , Jussiœa^ etc. Mais en quittant le plateau de Barbacena pour des- cendre dans le val du San -Francisco, et après avoir traversé des réglions mêlées de campos et de forêts jusqu'au-delà de Sahara, on voit les campos ai)ertos, les caating-as et les ser- rados s'isoler davantag-e les uns des autres. Les champs ouverts occupés par les g'raminées sont émaillés par diver- ses Acanthacées, notamment le RueUia formosa, par quel- ques Verhénacées, des Echites, des Polygala, parfois des Sal- via, quelques Iridëes, Composées et Borrag-inées de la section des Héliotropiées formant des g*azons. Plus au nord, ces dernières constituent même presque à elles seules des champs spéciaux et ouverts où elles remplacent les Gra- minées dans les vastes plaines sahlonneuses des marg-es du San-Francisco, et elles y constituent d'excellents pàtura- g*es pour eng'raisser le bétail, et dont, vers la fin des pluies, en mars et avril, leurs fleurs rendent la surface entièrement jaune d'or sur des lieues d'étendue. Là où existent de petits lacs, sur les rives du fleuve, au milieu de ces champs d'Héliotropiéesaunord du 12' deg'ré de latitude, apparaissent sur leurs bords des bouquets et des bois du mag-nifique palmier à feuilles flabelliformes, Copertiicia cerifera^ si re- marquable par les restes des bases des pétioles à la partie inférieure de son tronc, et dont les spires tournent in- différemment à droite ou à g^auche suivant les sujets; par l'absence, au contraire, de ces bases des feuilles à la partie supérieure de la tig'e et l'abondance du feuillag^e donnant à la tête de ces beaux palmiers l'apparence d'une sphère par- faite. D'autres fois, ces mêmes palmiers se trouvent aussi répandus dans des sortes de serrados formés par plusieurs espèces d'Acacias peu élevés, à peine de la hauteur d'homme, et parmi lesquels se fait remarquer, dans les terrains sa])lon- neux, \ Acacia jiirema raboug'ri. Ils dominent alors par leurs mag"nifiques sphères cette vég'étation basse s'étendant au- GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRÉSIL. 607 dessous d'eux, et forment la partie supérieure de la l'orêt entrecoupée toutefois de vastes éclaircies permettant d'en jug'cr mieux l'admirable effet. Les localités offrant cet as- l)ect sont appelées dans le pays Lag-adieos. Au milieu des champs ouverts de Graminées, mais dans des terrains arg"ileux, et jusqu'à des latitudes beaucoup plus sud, le 18" ou 19" deg-ré, c'est un autre Palmier, de g-rande taille ég'alement, à feuilles flabelliformes, le Mauritia vinifera ou Burity qui recherche le bord des eaux, mais spé- cialement le bord des eaux pures et courantes, les marg*es des ruisseaux limpides, dont il ombrag-e les rives par ses vastes parasols, car sa cime ne présente pas l'aspect d'une sphère comme celles du Copernicia cerifera. D'autres Palmiers, mais nains, se montrent dans les campos, comme le Coma campestris de Martius, le Cocos capitata^ même des Altalea compta^ ordinairement raboug'ris; mais ces divers palmiers ne sont point dans les champs ouverts, mais bien dans lesser- rados et les cating-as. Les Graminées arborescentes disparais- sent totalement des campos, et à peu près complètement des serrados du sud, comme de ceux du nord. Les Cecropia, si abondants dans la rég-ion des forêts, se montrent encore dans tous les campos de Minas-Geraes mêlés d'arbres, et abondent sur les bords des rivières des mêmes réglions. Ils disparais- sent seulement dans les serrados secs du nord, dans l'intérieur des provinces de Bahia et de Pernambuco, par exemple, au nord du 12" ou 14" deg-ré de latitude où apparaissent alors les gTands Cactus arborescents. 257. — Ces serrados du nord sont surtout composés par des arbrisseaux au ^envQ Acacia , lequel domine, et auquel se mêlent \es Inga, Cassia, le Geoffroy a inermis, mais ce dernier dans les lieux pas trop secs, diverses Rhamnées et surtout deux ïérébinthacées dominant par leur taille la majeure partie de cette vég^étation au milieu de laquelle elles sont disséminées, rimburana {Bursera leptophlocos de Martius) et l'Imbuzeiro [Spondeas venulosa, du même auteur). A ces derniers il faut joindre le Bombax liexaphyllum^ le Chorisia ventricosa, et quel- 608 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. ques autres Bombacées. Mais les vég-étaux les plus remar- quables sont les Cactées, notamment celles du g-enre Cereiis, devenant ici de grands arbres rameux, surtout le Mandacuru, lequel me paraît identique au Jamacaru de Pison, Cereus jamacaru D. G., d'ailleurs très-mal décrit. Le Mandacuru a comme lui de g-randes fleurs blanches, c'est d'ailleurs le seul ayant de g-ros fruits roug-es de la taille indiquée ; la tig^e a cinq fortes côtes, rarement quatre ; elle se montre ramifiée et arrive à la taille d'un g*rand arbre. Quand il a atteint sa plus g-rande dimension, le tronc offre jusqu'à 30 centimètres de diauiètre et au-delà à la base, où alors il se montre rond et dépourvu d'épines, ce qui n'a pas lieu dans la jeunesse du vég*étal. 11 y a deux rang's d'épines, par aréole, neuf rayon- nantes, au rang* inférieur, quatre à l'intérieur. De ces neuf épines du rang* inférieur, les huit supérieures sont petites, la neuvième en bas est très-long-ue et doit même être reg'ar- dée plus exactement comme appartenant au deuxième rang\ Les aig'uillons centraux sont longes d'environ 3 centimètres. Il existe un poil ras et g-risàtre à la naissance des épines. Une multitude d'autres Cactus apparaissent dans ces régùons; plusieurs du g-enre Cereus sont confondus sous le nom de Xique-Xique, quelques-uns d'entre eux sont très-g-rands, d'autres appartiennent auxg-enres Opuntia, Ripscdis^ d'autres à la section des Cierg'es serpentins, etc., puis aux Melocactus, Un autre caractère non moins remarquable est l'abon- dance des Broméliacées épineuses, couvrant le sol et ayant pour cette raison reçu des Indiens le nom de Curua à chaque pas, nom appliqué, non pas à une seule, mais à plu- sieurs espèces formant ainsi une sorte de tapis sur le sol. D'autres sont à très-long*ues feuilles, et le Bromelia Karafa apparaît très-abondant sur les troncs. Un certain nombre de plantes g*rimpantes surtout parmi les Smilax, les Convolvu- lacées et les Apocynées enlacent cà et là les arbustes dont les feuilles sont entièrement tombées dans la saison sans pluies, sauf dans le voisinag^e des ruisseaux. Les serrados se mon- trent surtout avec ce caractère dans la g-rande rég'ion sèche et GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DU BRESIL. 600 calcaire du sertaô de Bahia où les sources sont si peu nom- breuses. Après avoir traversé cette rég*ion, tout en rencon- trant les mêmes espèces, on en voit en outre quelques au- tres, notamment le Cocos coronata de Martius, appelé dans le pays Licuri ou Manicuri, puis peu à peu quelques vég-étaux, entre autres les Bougainvillea. plus spéciaux à la rég*ion des g-neiss de la côte, où apparaît Y Attalea funifera aussitôt que reviennent les forêts. Les Serrados des régûons non exposées aux très-g'randes sécheresses accidentelles et où en même temps les sources sont plus nombreuses, comme ceux de Minas-Geraes plus au sud, sont différemment composés. Ils sont surtout formés par des plantes des rég-ions forestières des bords des fleuv^es, mêlées à une partie des plantes des Cating^as, et les tapis de Broméliacées et les Cactus g'igantesques disparaissent. On ne voit plus génère de cette dernière famille que des Ripsalis assez rares d'ailleurs, et des Melocactus et des Pereskia dans les réglions rocailleuses. Les feuilles tombent dans les Serra- dos de Minas Geraes, comme dans ceux du Sertaô de Bahia, mais moins long^temps, et il y a toujours un certain nombre d'espèces conservant les leurs. Les Serrados se montrent abon- dants aussi dans les régnons où les calcaires dominent, et même parfois les collines calcaires sont couvertes de bois assez élevés, mais perdant beaucoup leurs feuilles. Il en est de même pour les rég'ions de schistes calcarifères, mais à un moindre deg*ré, et enfin on voit aussi beaucoup de Serrados dans des régnons de g-rès. Dans les bois au milieu desquels est souvent située l'entrée des cavernes, j'ai pu observer des foug-ères en assez g-rand nombre sur les roches, surtout des Adianthum, et aussi des plantes de la famille des Gesnéria- cées, et des g^enres Gesneria et Gloxinia, et une multitude do Broméliacées et d'Orchidées parasites. Les Serrados se trans- forment en forêts sur les bords des rivières surtout. Dans les forêts se voient un Schinus g'ig-antesque, précieux par la qua- lité de son bois roug-e, dur, pesant, arbre spécial à ces régnons et appelé Aroeira, des Lychnophoia^ une g'rande abondance de 3!J 610 GÉOGRAPHIE BOTANIQUE UU BRÉSIL. Bignordas, les uns arborescents, les autres g-rimpants , et parmi ces derniers une espèce remarquable par ses abon- dantes fleurs jaunes et appelée Garaïba, me paraissant être le Tecoma Caraiba de De Candolle, qui lui donne toutefois des corolles blanches, mais avec point d'interrog'ation, des Ncc- tandra, une multitude de Myrtacées des g'enres Eugenia, Au- lomyrcia, 3Igma^ etc. ^ d'Apocynées, d'Ing'as, quelques-uns à belles fleurs roug'es, d'Acacias, parmi lesquels s'en trouvent à feuilles sensibles, d'Anonacées, de Simaroubées, de Triplaris^ de Riiniex, de Combretum^ d'Euphorbiacées, Y Aristolochîa labiosa^ avec des fleurs de 30 centimètres, des Plumbago; des Attalea^ Bactris et autres Palmiers, des Aroïdées et surtout des Malpig^liiacées et Sapindacées, etc. Dans les eaux de ces mêmes réglions se montrent des J^yf/roc7? «m et quelques Nym- phéacées, d'ailleurs rares, et sur leurs bords des Hydroco- tyles, des Po/